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( L'<EUVRE LATINE LE COMMENTAIRE
e D·E
~. DE LA GENESE
l
MAITRE ECKHART
PRÉCÉDÉ DES

TRADUCTION PUBLIÉE SOUS LE PATRONAGE


DU CENTRE D'ÉTUDES DES RELIGIONS DU LIVRE
PROLOGUES
ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES, ye SECTION

F!\CULTI\!") V: ¡:¡:. ...<•'~';-:; ,, '/ :_;:,; Kl\:i


( OIRECC¡QN e;:;. !:.:~3:...,·.:. ·¡;:cA~
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'-· TEXTE LATIN, INTRODUCTION,
TRADUCTION ET NOTES
PAR

ALAIN DE LIBERA ÉOOüARD WÉBER PAR

ÉMILIE·ZUM BRUNN FERNAND BRUNNER


professeur a l'université de Neuchátel

ALAIN DE LIBERA ÉDOUARD WÉBER
ÉMILIE ZUM BRUNN
chargés de recherche au CNRS

PREMIER VOLUME
Publié avéc le concours
. _du €entre Nátional de la Recherche Scientifique
LES ÉDITIONS DU CERF
29, bd Latour-Maubourg, Paris
1984
(
·AVANT-PROPOS

Chacun conmiit l'reuvre allemande de Maitre


Eckhart, dont les Traités et les Sermons} admirés par
des esprits aussi divers que Baader, Hegel, Schopen-
hauer ou Heidegger, ont déja fait l'objet de multiples
traductions: en fram;ais par P. Petit, París 1942, par
F.A. et J.M., Paris 1942, ·par J. Ancelet-Hustache,
Paris 1971 et apres; en anglais, par J.-M. Clark et
J.-V. Skinner: Selected Treatises and Sermons} London
19 58; en allemand moderne, par J. Quint : Deutsche
Predigten und Traktate} München 195 5, 3 1969. En
revanche l'reuvre latine, pourtant plus abondante en
matiere et plus variée dans ses formes littéraires, n'a
pas re~u la meme attention de la part des traducteurs
et des lecteurs d'Eckhart. Témoin irrempla~able de
l'unité du savoir médiéval indissolublement théolo-
gique, philosophique et spirituel, sous-bassement,
anticipation, synthese de toute la prédication alle-
mande qu'elle éclaire et qui l'éclaire, cette reuvre
latine est · pourtant la clef indispensable pour la
.. compréhension de toute la pensée du maitre rhénan .
Elle n'est ni celle du mystique antirationaliste inventé
par le romantisme ou ses ultimes dégénérescences, ni
celle du précurseur de l'athéisme moderne fabriqué
par les idéologues, mais celle d'un Maitre en théo-
logie de l'Université de París qui rejette les dichoto-
© Les Éditions du Cerf, 1984 _mies qui commencent d'apparaitre a la fin du XIIIe
.. ISBN 2-204-01971-2 siecle et qui d'emblée peseront sur l'interprétation de
ISSN en cours · son reuvre.
8 AVANT-PROPOS AVANT-PROPOS 9

Cherchant a endiguer le flot irréversible des oppo- disputées a l'Université de Paris (les Quaestiones), des
sitions alors suscitées par le volontarisme augustini- Sermons. Tout indique qu'elle comprenait ou devait
sant entre l'etre de la métaphysique grecque et le également comprendre une élaboration ·systématique
Logos ou Verbe créateur de la théologie chrétienne, des concepts fondamentaux du savoir théologique
Eckhart affirme avec véhémence tunh~ organique de (les Propositiones). Cette partie de !'ensemble (ou
.l!_pens~, ck_l.~ e~p~!Jence et de la foi : « Coniiiie~tre_s __ _ CEuvre tripartite) a disparu, si tant est qu'elle ait jamais
_souvent je l'ai rappelrdans-mesreiivres exégétiques, existé a l'état achevé. De cette gigantesque entreprise
c'est de la meme source que proviennent la vérité et de mise en ordre de la philosophie et de la théologie
l'enseignement de la théologie, de la philosophie ne subsistent aujourd'hui que : les Prologues (Prologue
naturelle, de la. philosophie morale, des savoirs pra- général a l'(Euvre tripartite; Prologue a l'CEuvre des
tiques et théoriques, et meme du droit positif, selon le Propositions ,· Prologue a l'CEuvre des Expositions), sept
Psaume: «C'est de ta face qu'émane ma fac;on de ouvrages d'exégese ieommentaire de la Genese,· les
juger » (eomment. de f Évang. de J ean, § 444; Ps 1 6, 2 ). Paraboles de la Genese; eommentaire de 1' Exode, de la
· Son message d'unité ne sera plus entendu: aux Sagesse, du S iracide, du e antique, de 1' Évangile seIon Jean),
condamnations de la Bulle In agro dominico, l'époque quatre Questions disputées et 56 Sermons latins.
moderne superposera sa propre incompréhension, La présente série des reuvres latines d'Eckhart
fruit ultime de ces dissociations qu'EckJ'lart a vu comportera les volumes suivants:
surgir et qui l'ont submergé. On voit quelle urgence vol. n° 1 : les Prologues et le eommentaire de· la
il y a a découvrir une pensée qui installe au creur de la Genese;
théologie, de la philosophie et de l'exégese l'unique vol. n° 2 :· les Paraboles de la Genese;
príncipe d'apres lequel «ce que l'Evangile contemple, vol. n° 3 : eommentaire de 1' Exode;
c'est l'etre en tant qu'etre» (eomment. de 1' Évang. de vol. n° 4: eommentaires de la Sagesse- 1 (chap. 1-6)
.]ean, ibidem). et du Siracide (chap. 24, 23-3 1); ·
vol. n° 5 : _eommentaire de la Sagesse - 11 (chap. 7 et
ss.) suivi du fragment subsistant · du
eommentaire sur le, ean#que;
- vol. n° 6: eommentaire de 1' Evangile selon Jean. Le
Prologue (<:hap. 1, ,1-1 8);
II vol. n° 7: eommentaire de 1' Evangile selon Jean- JI
,_ (chap. 2-8); , -
vol. n° 8 : eommentaire de 1' Evangile selon Jean- 111
(chap: 9 ét ss.);
Dans l'état ou elle nous est parvenue, l'reuvre vol. n° 9 : Sermons latins 1f I a 24;
latine ,~_'Eckhart. comprend des eommentaires de la vol. n° 10 : Sermons latins n° 2¡ a ¡6,· en appendice
Bible> (les Expositiones), la réportation de Questions lesQuestions Parisiennes.
10 AV ANT~PROPOS CHRONOLOGIE 11

études, ses Entretiens sur le discernement. En 1302, ainsi


largement accomplis les quatre ans d'enseignement
exigé~, il revienta París pour recevoir la maitrise en
III théologie, licentia docendi, de la grande Université
d'Occident. Il assume au studium de St-Jacques la
charge d;une des deux chaires de théologie qui sont
agrégées a l'Université. De pair avec la vingtaine de
Né aux environs de 1260 a Hocheim en Thuringe Maitres en théologie alors en fonction, il exerce les
(pres d'Erfurt sans doute, mais pres de Gotha se trois activités statutaires du maitre : outre la prédica-
trouve aussi une localité du meme nom), Eckhart est don, l'enseignement de la Bible et la tenue des séances
entré assez jeune, il semble, dans l'ordre des Freres de discussion (Questions disputées). En cette année
Precheurs (dits aussi des Dominicains). Il aurait, qo2-1303, il a certainement rencontré un Frere
jeune étudiant, séjourné a París vers 1277. Il a plus Mineur au couvent ~voisin des Franciscains: Jean
surement étudié la théologie a Cologne, au studium Duns Scot, alors bachelier sententiaire.
genera/e, École principale, fondé en 1248 par Albert le En fin d'année scolaire, en 1303, Eckhart quitte la
Grand, autre Dominicain célebre, qu'il a pu connaitre France pour regagner 1' Allemagne. C'est peut-etre en
tres agé. Accomplies les six a huit années d' études du relation avec les exigences de Philippe le Bel en
cursus préparatoire, Eckhart a sans doute débuté dans sévere démelé avec le pape Boniface VIII. C'est
1'enseignement de la théologie dans les couvents de la surtout conforme a la politique des études appliquée
Province dominicaine de Teutonie. En 1293-1294, il al'Ordre des Precheurs, ou l'on pratique une rotation
esta París, au grand couvent d'études de St-Jacques, accélérée des professeurs. Aux activités d'enseigne-
au titre de bachelier commentateur des S entences ment et de prédication s'ajoute pour Eckhart la
(manuel de base de l'enseignement de la théologie). charge de Prieur Provincial dans la nouvelle Province
D'apres le reglement universitaire, le Commentaire des dominicaine de Saxe. En 1 31 1 le Chapitre général de
Sentences est le chef-d'ceuvre qui, moyennant un stage l'Ordre le libere de cette tache et lui demande de
d'assistant durant au moins quatre ans, habilite a la reprendre sa chaire de théologie a París. Il y enseigne
maitríse en théologie. Il ne nous reste de ce cours de nouveaú de 1311 a 1313 ou 1314, puis il part pour
d'Eckhart que la Conférence inaugura/e ( Collatio in Lib. le couvent de Stiasbourg. Il reste attaché a ce studium
Sententiarum, Lateinische Werke, V p. I 7-26). (o u avait enseigné Albert le Grand) jusque vers 1 32 5.
A la fin de l'année scolaire 1293-1294, Eckhart, Il assiste de ses le~ons et prédications les multiples-
regagne la Thuringe pour y enseigner la théologie couvents de religieuses dominicaines de la région
(l'Université permet a un Precheur d'accomplir son rhénane.
stage de quat~e années d'assistant_ en toute école de En 1326-1328 on le trouve au studium de Cologne.
son Ordre). Elu Prieur du couvent d'Erfurt, il y Des documents le montrent engagé dans un pr,oces
compose, pqur-l~s je~nes Pr~che:urs qui y font leurs doctrinal que lui intente l'archeveque Grand Elec-

1
¡-
AVANT-PRO~OS AV ANT-PROPOS 13
teu~, Henri de Virnebourg. Sa cause, portée devant la . nature (NICOLAI de CusA, Opera omnia VII, De pace
cune papale, le conduit en Avignon ou il serait fidei, ed. R. Klibansky et H. Bascour, Hambourg
décédé (avant le 30 avril 1328). Le 27 mars 1329,, 1 9 59, praefatio p. XXXIII)?
Jean XXII condamne une liste de propositions tirées Une attention toute particuliere a été donnée aux
de son enseignement. Bien avant la fin de son proces, not~~ do~trinales dest!née~ a ~estituer autant que
Eckhart avait révoqué celles qui, vraiment siennes posstble 1ampleur de 1honzon tntellectuel, spirituel
seraient jugées inacceptables. ' et scientifique d'un Maitre de la grande Université de
Paris. D'ou, parallelement aux références patristiques,
les renvois nombreux et systématiques aux instru-
ments de la théologie du temps : Gloses, Postilles,
Se~tences, aux.lieux classiques de la pensée philoso-
phtque (Métaphysique, Physique, cosmologie d' Aris-
IV tote, d' Avicenne, d'Albert, etc.). Sans négliger le
grand courant exégétique du juda1sme représenté par
Ma1monide ni oublier les multiples convergences
avec l'ceuvre allemande.
Comme pour tous les volumes prévus, le texte La traduction des Prologues et leur commentaire ont
utilisé ici est celui qu'a établi l'édition critique de la été assurés par Fernand Brunner, professeur al'Uni-
Deutsche Forschungsgemeinschaft, Lateinische Werke, versité de Neuchatel. La traduction et l'annotation du
vol. I. Prologues et Commentaire sur la Genese sont done Commentaire de la Gene'se sont
,
dues a Alain de Libera '
traduits d'apres le texte édité par K. Weiss, LW I, Edouard Wéber O.P. et Emilie Zum Brunn, cher-
p. 148-184 pour les Prologues, et p. 18 5-444 pour le cheurs du Centre d'études des Religions du Livre, Labora-
Commentaire de la Genese. La division en chapitres et toire ass9cié au CNRS (n° 15 2), École Pratique des
en paragraphes est celle de l'édition allemande. Toute Hautes Etudes ({ sectíon), Sorbonne, París. Que
référence d'une ceuvre a l'autre. est faite d'apres la Monsieur Pierre Hadot, directeur du Laboratoire IJ2,
numérotation des paragraphes et non d'apres la page. qui a soutenu notre projet et notre travail, trouve ici
Dans la traduction nous nous sommes efforcés de. l'expression de notre gratítude.
respecter le style particulier d'un Commentaire A. de L.
biblique a la fois nourri de scolastique et destiné a des E.W.
Freres Precheurs, quitte a en épouser étroitement E. Z. B.
longueurs et lourdeurs. Au vrai Nicolas de Cus·e
lui-meme n'assurait-il pas que le peu d'élégance
propre au latin des auteurs allemands (dont il est) est
explicable par ceci que la correction latine exige d' eux
un effort considérable et orienté a rebours de leur 1
..•
BIBLIOGRAPHIE

La Bible est citée d'apres le texte utilisé par Eckhart.


C'est la Vulgate latine (éventuellement, le<;on de la Vetus
latina).

Les rEuvres d'Eckhart sont citées d'apres l'édition de la


Deutsche Forschungsgemeinschaft: Meister Eckhart. Die deuts-
chen und lateinischen Werke, Verlag Kohlhammer, Stuttgart,
1937 s. Chaque texte est désigné par les abréviations
suivantes:
Pro/. gén. Prologus in Opus tripartitum (LW 1,
p. 148-165)·
Pro/. rEut'. Prop. Prologus in Opus propositionum (LW 1,
p. 166-182).
Pro/. rEuv. Exp. Prologus in Opus expositionum (LW 1,
p. 183)·
·comm. Gen. Expositio Libri Genesis (LWI, p. 185-
444). .
Parab. Gen. Liber Parabolarum Genesis (LW I,
p. 445-702).
Comm. Sag. Expositio Libri Sapientiae (LW 11,
p. 301-634)·
Comm. Sir. Sermones et lectiones super Ecclesiastici
c. 24,2].-JI (LW 11, p. 229-3oo).
Comm. ]ean Expositio sancti Evangelii secundum ]ohan-
nem (LW 111).
Serm. lat. Sermones (LW IV).
Serm. al/. Meister Eckharts Predigten (DW 1 et Il).
Qu. Paris. Quaestiones Parisienses (LW V, p. 37-83).
BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE 17
Les sigles LW et DW renvoient respectivement aux Vol. I ( DW): Predigten I a 24,· vol. II ( DW):
vol. (I a V) des Lateinische Werke et des Deutsche Werke r Predigten 2J aJ9 ,· vol. III : Predigten 6o-S6, tous trois par les
(vol. I-III et V). soins de J osef Quint.
Vol. V ( DW) : les traités composant le Liber Bene-
dictiiS: Das buoch der gottlichen troestunge, Von dem edeln
*** menschen, Die rede der underscheidunge, Von abgescheidenheit,
tous édités par J. Quint.
Avant la parution du Ier vol. des LW en 1937, avaient
Dans ces neuf volumes, les CEIIVres d'Eckhart se présen- été publiés par l'Institut Sainte-Sabine de Rome : le
tent comme suit :
Commentaire de I'Oraison dominica/e (R. Klibansky, Leipzig
Vol. I des LW: Prologi in Opus tripartitum, in Opus 1934), les Prologues (H. Bascour, ibid. 1935); les Questions
propositionum, in Opus expositionum ,· Expositio Libri Genesis; parisiennes (A. Dondaine, ibid. 1936).
Liber Parabolarum Genesis; le tout précédé par les Prologues
et les Commentaires de la Genese el de 1' Exode selon la
recension du manuscrit E (Amplon., Erfurt). Le vol. I est
l'reuvre de Konrad Weiss en sa totalité. TRADUCTIONS
Vol. II ( LW) : Expositio Libri Exodi, édité par
Des reuvres publiées d'Eckhart il n'existe de traduction
K. Weiss; Sermones el Lec/iones super Ecclesiastici cap. 24,
complete qu'en allemand moderne, dans l'édition critique
2)-)I ,· Expositio Libri Sapientiae ,· Expositio Can/. 1,6. Les
de la Deutsche Forschungsgemeinschaft, et J. QUINT, Deutsche
trois derniers textes par les soins de J oseph Koch et de
Heribert Fischer. Predigten und Traktate, München 195 5, 3 1969. Seule est
accessible en traduction frans:aise l'reuvre allemande :
V o l. III ·( L W) : Expositio sancti Evangelii secundum PETIT P., CEuvres de Maítre Eckhart, Sermons-Traités,
johannem, par Karl Christ, Bruno Decker, Josef Koch, Paris 1942.
Heribert Fischer, Albert Zimmermann. M(OLITOR) (] .) et A(UBIER) (F.), Traités et Sermons.
Vol. IV (LW): Sermones, édités par Ernst Benz, Bruno Introd. de M. de Gandillac, Paris 1942.
Decker, J osef Koch.' F. BRUNNER, Eckhart (coll. «Philosophes de tous les
temps», Paris 1969). Trad. frans:. du Prologue général a
V o l. V ( LW) : Collatio in Libros S ententiarum (]. Koch); I'CEuvre tripartite, du Prologue a I'CEuvre des propositions, et
Quaestiones Parisienses et Sermo die b. · Augustini Parisius divers extraits de l'reuvre latine.
habitus (Bernhard Geyer); Tractatus super Orationem Domi- ANCELET-HUSTACHE (].), Maitre Eckhart. Les Traités,
nicam (Erich Seeberg). A ces textes parus s'ajouteront, París 1971; Sermons I-jO, Sermons p-J9 1 Sermons 6o-36, Paris
outre un Sermon donné en 1294 a Paris, les documents 1974, 1978, 1979. Le dernier vol. offre une importante
relatifs a la vie et au proces d'Eckhart. bibliographie. .· ·· .
Un vol. VI est prévu, offrant de multiples index. Maltre Eckart a París. Une critique médiévale de
l'ontothéologie. Les Questions parisiennes n° 1 et n° 2.
Les volumes de la série Deutsche Werke se distribuent de Études, textes et traductions par E. Zum Brunn,
la fa~órt -suivanté : Z. Kaluza, A. de Libera, P. Vignaux, E. Wéber (Bibl.
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4 4 4
/ / -:11 ' , 1// .Pars), éd. léonine, Rome 1888 s.

Scripíum :super Libros Sententiarum Magistri Petri Lom-


1,~···
..
--=~Y~

·l:;

ABRÉVIATIONS
AHDLMA Archives d' Histoire doctrina/e el littéraire du
Móyen Age, Paris.
BA Bibliothequt A_ugustinienne, publiée sous la
directioo des Etudes Augustiniennes, Paris.
BGPTMA Beitriige fiir Ge!chichte der Philosophie und
I
Theologie des Mittelalters, Münster (West-
falen). ·
ce Corpus Cbristianorum, Series Latina, Turn-
hout.
CIMAGL Cahiers th f Institut du moyen age grec et latín,
Copenhague.
CSEL Corpus Srriptorum Ecclesiaticorum Latinorum, PROEOGUES
Vienne.
PG J.-P. MIGNE, Patrologiae Cursus Completus,
Series Graeca.
PL J.-P. MIGNE, Patrologiae Cursus Compleius, (traduction et commentaire
Series Latina.
RAM Revue d' Ascétique el de Mystique, Toulouse.
par F. Brunner)
se Sources Cbrétiennes, Paris.

-... ,
TABULA PROLOGORUM TABLE DES PROLOGUES
IN OPUS TRIPARTITUM A L'CEUVRE TRIPARTITE

1. Notandum quod inter prologum generalero tri- I. Il faut remarquer qu'entre le Prologue ~~néral a
partiti, qui hic praemittitur, et expositionem Genesis (l'(Euvre) tripartite, qui est P!~cé en tete 1~1, et le
interponuntur quinque capitula. Commentaire sur la Genese, s mterposent cmq cha-
In primo capitulo quod praemittitur et incipit : pitres 1•
« Ad evidentiam igitur» ha bes duo principaliter Dans le premier ch~pitre qui est !?lacé en te~e ~t
notanda. Unum est quod aliter loquendum est et commence par : «Done, pour la darte>~, on a prm~~­
sentiendum de terminis generalibus, puta de esse, palement deux choses a remarquer. L l:lne est qu tl
unitate, veritate, bonitate et si quae sint huiusmodi faut parler et penser autrement des te~mes généraux,
quae cum ente convertuntur, aliter autem de aliis c'est-a-dire de l'etre, de l'unité, de la vérité, de la
quae citra ista sunt et contracta ad aliquod genus, bonté et de ce qu'il peut y avoir de termes de
speciem aut naturam entis. Secundum est quod infe- ce genre qui se convertissent, a;ec l'ét~nt~ ,et, des
riora nihil prorsus conferunt superioribus nec illa autres (termes) qui sont en d~a d eux et lm~ltes a un
afficiunt, sed e converso superiora imprimunt et genre, a une espece ou a une nature de l'etant. La
afficiunt sua inferiora. seconde est que les inférieurs ne conferent absolu-
In secundo capitulo, quod incipit : «Es se est ment rien aux supérieurs et ne les affectent pas non
deus », ha bes probatam hanc propositionem, quod plus, mais que, inversement, les supérieurs don.nent
esse est deus, quinque rationibus. leur empreinte a leurs inférieurs et l~s affectent 2 •
Dans le deu~ieme chapitre 3 qu1 commence p~r:
« L' ~tre est · Dieu », on a la démonstration par cmq
arguments de cette proposition que l'etre est Dieu.
1. L'auteur de la table appelle «Prologue général» les sept
premiers paragraphes de ce texte et considere comme un tout la
fin du Prologue général (§§ 8-u) et !'ensemble du Prologue aNEuvre
des propositions. ·
z. Ce premier chapitre est constitué par les deux premieres
observations préliminaires énoncées dans le Prologue général aux 3· L'auteur de la table appelle chapitres z, 3 et 4 .l~s trois
§§ 8, 9 et 10. Cependant, Maitre Eckhart, dans les §§ 8 et 9, exemples de méthode qui suivent, dans le Prologue general, l~s
oppo~e les terme~ généraux aux accidents et non pas aux genres remarques préli!Jlinaires et qui sont destinés a présenter les trms
et aux éspeées. . . . . parties de l'CEuvre tripartite.
34 TABULA PROLOGORUM T ABLE DES PROLOGUES, z. 35
2.In tertio, quod incipit : « Quaestio prima est », 2. Dans le troisieme qui commence par : «La
habes probatam hanc conclusionem, quod deus sit, premiere question est», on a la démonstration par
quattuor rationibus. · quatre arguments de cette conclusion que Dieu est.
In .quarto capitulo, quod incipit : «In principio Dans le quatrieme chapitre qui commence par :
creavtt deus caelum et terram», · habes circa istius «Au commencement Dieu a créé le ciel et la terre »,
auct~ritatis expositionem quattuor notanda. on a quatre points a remarquer au sujet de l'exposi-
Pnmum est quod deus et ipse solus creavit caelum tion de cette autorité.
et terram et omnia, et quod actus creationis nulli citra Le premier est que Dieu et lui seul a créé le del et la
deum potest communicari. - terre et toutes choses, et que l'acte de création ne peut
Secundum est quod sic quidem creavit omnia : non etre communiqué a personne en de<;a de Dieu.
extra se, ut imprudentes falso imaginantur; sed omne Le deuxieme est qu'il a créé toutes choses de la
~uod deus ~reat s~ve oi?eratur, universaliter operatur maniere suivante: non pas en dehors de lui, comme
m se, creat 1t1 se, vtdet stve cognoscit in se, amat in se; les imprudents l'imaginent faussement; mais tout ce
extra se nihil operatur, nihil novit aut amat. Et hoc que Dieu crée ou opere, ill'opere universellement en
ipsi deo proprium est. lui, le crée en lui, le voit ou le connait en lui, l'aime en
Tertium est quod deus sic quidem creavit omnia lui 1; en dehors de lui, il n'opere rien, ne connait ou
quod nihilominus semper creat in praesenti, ne~ n'aime ríen. Et cela est propre a Dieu lui-meme.
~rans~t a~t?-s cre.ationis in praeteritum, sed semper est Le troisieme est que Dieu a créé toutes choses de
m pnnctpto et m processu et novus, sicut in divinis telle sorte qu'il ne crée pas moins dans le présent et
filius semper natus est, semper nascitur, secun- que l'acte de création ne verse pas dans le passé, mais
dum illud Zach. 6: «Ecce vir, oriens nomen eiusa». est toujours dans le commencement, en train de
«Oriens », inquambparticipialiter; Luc. 2 : « Visitavit se produire2 et nouveau, comme, dans les choses
nos oriens ex alto ». divines, le Fils toujours est né, toujours nait, selon ce
Quartum est quod omnis actio dei mox in ipso sui verset de Zacharie 6 : « Voici un homme, Surgissant 3
principio perficitur simul et perfecta est, secundum est son noma.» « Surgissant», dis-je, au participe;
illud: <~dei perfecta sunt operac», Deut. 32. Luc .z : «Le Surgissant nous a visité venant des
hauteurs b. »
Le quatrieme est que toute action de Dieu, aussitót
dans son commencement meme, a la fois s'accomplit
et est accomplie, selon ce verset : «Les ceuvres de
1. Ces formules ne se trouvent pas dans le texte du Prologue Dieu sont accomplies », Deutéronome 32 e.
génlral,· elles sont une réminiscence d'Augustin.
2. In processu. Cette expression n'apparait pas dans le Pro-
logue. . ·
h Le. mot JJrie~s figure dans le Prologue général, § 18, mais n'y
est pas commente. · a. Za 6, 12. b. Le 1, 78. c. Dt p, 4·
TABULA PROLOGORUM TABLE DES PROLOGUES, 3

3· In quinto capit.ulo, quod incipit : « Esse deus 3· Dans le chapitre cinquieme qui commence par:
est », ha bes duo specialiter notanda. Primum est quod « L' etre est Die u» t, on trouve deux eh oses a remar-
ens solum es~1 sig~ificat, sicut. «~l~)Um solam quali- quer spécialement. La premiere est qu'étant signifie
tatem », ut at phtlosophus, stmtltter unum solam 1'etre seulement, comme « blanc, la seule qua lité», au
unitatem, ver m -solam veritatem, bonum solam dire du Philosophe, de meme un, la seule unité, vrai,
bonitatem. Se ;undum est quod aliter loquendum est la seule vérité, bon, la seule bonté. La seconde est
et iudicandum \de ente et aliter de ente hoc, similiter qu'il faut parler et juger autrement de l'étant et de
de uno et de udo hoc, de veto et de vero hoc, de bono l'étant-ceci, de meme de l'un et de l'un-ceci, du vrai et
et de bono ho~. Cum enim dicitur aliquid ens, unum, du vrai-ceci, du bon et du bon-ceci. En effet, lors-
verum, bonurtt, tune haec singula sunt praedicata qu'on dit quelque chose étant, un, vra!, bon, ces
propositionis et sunt secundum adiacens; Cum vero différents (termes) sont alors les prédtcats de la
dicitur aliquid ens hoc, unum hoc, verum hoc aut proposition et sont "-des a~jacents .seconds: Ma~s
0

bonum hoc, puta horno vellapis et huiusmodi, tune li lorsqu'on dit quelque chose etant-cect, un-ce~t, vrat-
« hoc et hoc » sunt praedicatum propositionis, et ceci ou bon-ceci, par exemple homme ou pterre et
praemissa communia, puta esse, non sunt praedicata autres choses semblables, alors le ceci et le cela sont
nec secundum adiacens, sed sunt copula praedicati les prédicats de la proposition, et les (termes) com-
cum suiecto. Verbi gratia cum dico : «hoc est horno muns susdits, par exemple l'etre, ne sont pas les
vel lapis», non praedico es se, sed praedico hominem prédicats ni les seconds ajacents, mais ils sont le líen
vel lapidem aut huiusmodi aliquid. Propter quod du prédicat avec le su jet. Par exemple, lorsque je dis :
haec est vera: «Martinus est horno» nullo homine «Ceci est un homme ou une pierre», je ne prédique
exsistente. Non eriim dico hominem esse nec esse pas l'etre, mais je prédique l'homme ou la pierre ou
praedico nec terminorum existentiam, sed cohaeren- quelque chose de ce genre. C'est pourquoi cette
tiam. Sic cum dico rosam esse rubeam, non dico (proposition) est vraie: «Martín est un .homme»,
nec praedico rosam esse, nec rubedinem esse, sed meme si aucun homme n'existe. Car je ne dts pas que
solam cohaerentiam naturalem terminorum. Unde l'homme est et je ne prédique pas non plus l'etre ni ne
li «esse» vel «est» non est subiectum nec prae- prédique l'existence des termes, mais leur ~ohére~ce:
dicatum, sed tertium extra haec, puta copula prae- Ainsi, lorsque je dis que la rose est rouge, Je ne dts nt
dicati cum subiecto. ne prédique l'etre de la rose ni l'etre de la rougeur,
mais la seule cohérence naturelle des termes 2 • C'est
pourquoi «etre» ou «est» n'est ni sujet ni prédicat,
mais un troisieme en dehors d'eux, c'est-a-dire le lien
du prédicat avec le sujet.
I. C'est-a-dire dans le Prologue a l'(Euvre des propositions.
z. Ces exemples ne se rencontrent pas dans le deuxieme
Prolog\.le; la taJ>le est done plus explicite icique le texte qu'elle
analyse.. -· · ·
T ABUJ;.A PROLOGORUM
TABLE DES PROLOGUES, 4 39
4· Ex praemissis duobus, maxime ex secundo, 4· Des deux prémisses, surtout de la seconde, se
concluduntur et sequuntur quattuor. Primum · est concluent et résultent quatre points 1• Le premiet; est
quod solus deus proprie est et dicitur ens, unum, que Dieu seul est et se dit au sens propre étant, un,
verum et bonum. Secundum est quod omne quod est vrai et bon. Le deuxieme est que tout ce qui est étant,
ens, unum, verum aut bonum, non habet hoc a se un, vrai ou bon n'a pas cela de soi-meme, mais de
ipso, sed a deo et ab ipso solo. Tertium est quod ab Dieu et de lui seul. Le troisieme est que par Dieu
ipso deo immediate omnia et singula sunt, unum lui-meme immédiaterri.ent toutes choses et chacune
1
sunt, vera sunt et bona sunt. Quartum est quod, dum ( sont, sont unes, sont vraies et sont bonnes. Le
aliquid dicitur esse vel ens hoc, unum hoc, verum quatrieme est que, lorsqu'on dit quelque chose etre
ho.c,. bonum hoc, li « hoc et hoc » nihil prorsus ou étant ceci, un ceci, vrai ceci, bon ceci, le ceci et le
adtctunt vel afferunt entitatis, unitatis, veritatis aut cela n'ajoutent et n'apportent absolumertt ríen en fait
bonitatis super ens, unum, verum et bonum. Hoc d'entité, d'unité, de vérité ou de bonté a l'étant, a
tamen dicendo non destruimus nec tollimus esse l'un, au vrai et au bon. Cependant, en disant cela,
rerum aut e.sse rebus, sed constituimus. nous ne détruisons pas l'etre des choses et nous ne le
leur enlevons pas non plus, mais nous l'établissons.
. 1. .~a subordination logique des quatre propositions du
deu~t~me Prologue aux deux avertissements qui les précedent
est 1c1 plus accentuée que dans le Prologue lui-meme. ·
PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL
IN OPUS TRIPARTITUM A L'ffiUVRE TRIPARTITE

x. Prologus iste generalis, qui praemittitur, primo Le plan


Ce prologue général,
1.
docet auctoris intentionem, secundo operis distinctio- placé en tete, fait connaitre,
du prologue premierement, l'intention
nem, tertio ordinem et modum in opere procedendi.
Singulis tamen tribus operibus sua specialia prooemia de l'auteur, deuxiemement, la division de l'reuvre,
praemittentur. troisiemement, l'ordre 'et la méthode qui y sont
adoptés. Cependant, chacune des trois reuvres sera
précédée de son préambule spécial.

2. Auctoris intentio in hoc opere tripartito est 2. L'intention de l'au-


L'intention
satisfacere pro posse studiosorum fratrum quorun- teur, dans cette reuvre tri-
de l'<Euvre
dam desideriis, qui iam dudum precibus importunis partite, est de satisfaire,
tripartite
ipsum impellunt crebro et compellunt, ut ea quae ah dans la mesure du possible,
ipso audire consueverunt, tum in lectionibus et aliis aux désirs de certains freres studieux qui, depuis
actibus scholasticis, tum in praedicationibus, tum in longtemps, par leurs prieres instantes, J'invitent et
cottidianis collationibus, scripto commendet, praeci- l'incitent sans cesse a confiera l'écriture ce qu'ils ont
pue quantum ad tria: videlicet quantum ad generales l'habitude d'entendre. de sa bouche dans les le~ons et
et sententiosas quasdam propositiones; item quantum les autres activités de l'école, dans les sermons et dans
ad diversarum quaestionum novas, breves et faciles les entretiens quotidiens. lis ont en vue principale-
declarationes; adhuc autem tertio quantum ad aucto- ment trois objets : certaines propositions générales et
ritatum plurimarum sacri canonis utriusque testa- condensées, des solutions nouvelles, breves et faciles,
mentí raras e~positiones, in his potissime quae se de diverses questions; et, troisiemement, des exposi-
·legisse alias"non recolunt vel audisse, praesertim quia tions rares de tres: nombreuses autorités du canon
PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL, z-4 43

dulcius trrttant animum nova et rara quam usitata, sacré de l'un et l'autre Testament, quand surtout ils
quamvis meliora fuerint et maiora. ne se souviennent pas de les avoir lues ou entendues
ailleurs, pour la raison principale que le nouveau et le
rare offrent a !'esprit une stimulation plus agréable
que l'habituel, meme si celui-ci a plus de valeur et
d'importance.

3· Distinguitur igitur secundum hoc opus ipsum 3· L'reuvre entiere se di-


totale in tria principaliter. Primum est opus genera- La division
vise done d'apres cela en
Hum propositionum, secundum opus quaestionum,
de l'ffiuvre
trois parties principales. La
tertium opus expositionum.
tripartite
premiere est l'<Euvre des
Opus autem primum, quía propositiones tenet Propositions général~s, la deuxieme l'<Euvre des
mille et amplius, in tractatus quattuordecim distin- Questions, la troisieme l'CEuvre des Expositions.
guitur iuxta numerum terminorum, de quibus for-
mantur propositiones. Et quía « opposita iuxta se Quant a la premiere
de l'ffiuvre
posita magis elucescunt» et «oppositorum eadem est CEuvre, comprenant mille
des propositions
scientia», quilibet praedictorum tractatuum bipartitus propositions et davantage,
est. Primo enim ponuntur propositiones de ipso elle se divise en quatorze traités conformément au
termino, secundo ponuntur propositiones de eiusdem nombre des termes au sujet desquels les propositions
termini opposito. sont formées. Et paree que «les opposés ressortent
plus clairement quand ils sont juxtaposés 1 » et que
«des opposés la science est la meme 2 », chacun des
traités susdits est bipartite: en premier lieu én effet
sont avancées les propositions relatives au terme
lui-meme, en second lieu, les propositions relatives a
1' opposé de ce m eme terme. .
4· Primus tractatus agit de esse et ente et etus 4· Le premier traité concerne l'etre et l'étant, et
opposito quod est nihil. leur .opposé qui est le néant.
Secundus. de unitate et uno et eius opposito quod Le deuxieme, l'unité et l'un, et leur opposé qui est
est multum. le multiple.

lecteur au commentaire qui suit les Prologues dans le présent


x. ARISTOTE, Du cie/II, 6, 289 a 7; Réfut. soph. I, 15, 174 b 5· volume. ·
Nous reportons, dans ces notes, les références des citations faites
par·.Eckhart:'·Poür l'explication du texte, nous renvoyons le z. ARISTOTE, Topiques I, 14, 105 b 5.
44 PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL, 4-s 4S
Tertius de veritate et vero et eius opposito quod Le troisieme, la vérité et le vrai, et leur opposé qui
est falsum. est le faux.
Quartus de bonitate et bono et malo eius ~pposito. Le quatrieme, la bonté et le bon, et le .mal, leur
Quintus de amare et caritate et peccato, eius opposé. \
opposito. · Le cinquieme, l'amour et la charité, et le péché;
Sextus de honesto, virtute et recto et eorum leur opposé.
oppositis, puta turpi, vitio, obliquo. Le sixieme, l'honnete, la vertu et le droit, et leurs
Septimus de toto et parte, eius opposito. opposés, a savoir le honteux, le vice et 1' oblique.
Octavus de communi et indistincto et horum Le septieme, le tout et la partie, son opposé.
oppositis, proprio et distincto. La huitieme, le commun et l'indistinct, et leurs
Nonus de natura superioris et inferioris eius opposés, le propre et le distinct.
oppositi. Le neuvieme, la nature du supérieur et celle de
Decimus de primo et novissimo. l'inférieur, son opposé,.
Undecimus de idea et ratione et horum oppositis, Le dixieme, le premier et le dernier.
puta de informi et privatione. Le onzieme, l'idée et la raison, et leurs opposés, a
Duodecimus vero de quo est et quod est ei savoir !'informe et la privation.
condiviso. Le douzieme, pour sa part, le «ce par quoi est » (quo
- Decimus tertius agit de ipso deo summo esse, quod est) et le «ce qui est» (quod est), son corrélatif.
«contrarium non habet nisi non esse», ut ait Augus- Le treizieme concerne Dieu lui-meme, l'etre
tinus De immortalitate animae et De moribus Mani- supreme, qui «n'a pas de contraire si ce n'est le
chaeorum. non-etre», comme le dit Augustin dans 1' Immortalité
Decimus quartus de substantia et accidente. de l'ame1 et dans les Coutumes des manichéens2 •
Le quatorzieme, la substance et l'accident.

5· Opus autem secundum, quaestionum scilicet 5. Quant a la deuxieme


distinguitur secundum materiam quaestionum, d~ de l'<Euvre
CEuvre, c'est-a-dire l'CEuvre
quibus agitur ordine quo ponuntur in Summa doc- des questions des Questions, elle se divise
toris egregii venerabilis fratris Thomae de Aquino, d'apres la matiere des questions, dont on traite dans
quamvis non de omnibus sed paucis, prout se offe- Fordre ou elles sont énbncées dans la Somme du
rebat occasio disputandi, legendi et conferendi. docteur éminent, le vénérable frere Thomas d' Aquin.
Cependant, il ne s'agit pas de toutes les questions,
mais seulement d'un petit nombre d'entre elles, selon
que s'offrait l'occasion de disputer, d'enseigner et de
l.: 1mmort: u·, 19. . 2. Manich. 1. 1. conférer.
PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL, 6-7 47
6. Opus vero tertium, scilicet expositionum, in de l'<Euvre 6. La troisieme CEuvre,
duo dividitur. Quia enim nonnullas auctoritates d 't' celle des Expositions, se di-
utriusque testamenti in sermonibus specialiter diffu- es exposttons vise en deux parties. En
sius auctor pertractavit et exposuit, placuit ipsi alias effet, l'auteur, ayant étudié et exposé dans des ser-
seorsum exponere_ et hoc opus sermonum nominad. mons, d'une maniere particulierement détaillée, quel-
Adhuc autem opus expositionum subdividitur nu- ques autorités des deux Testaments, a décidé d'en
mero et ordine. librorum exposer séparément d'autres encore et d'appeler ce
. . veteris et novi testamenti '
quorum auctorttates m tpso exponuntur. (recueil) CEuvre des Sermons. Ajoutons que l'CEuvre
des Expositions se subdivise d'apres _le nombre et
l'ordre des livres de 1' Anden et du Nouveau Testa-
ment dont les autorités y sont exposées.

7· Et quamvis haec omnia pelagus quoddam scrip- , h od e


L a met 7· Et quo. 1que tout cela
turae videantur requirere, duo tamen sunt quae paraisse ex1ger un océan
brevitati, quantum licuit, deserviunt et opus sucdn- d'écrits, deux causes cependant servent la brieveté,
gunt. Primo, quia vix aliqua et rarissime alias habita autant qu'il était permis, et raccourdssent l'ceuvre.
hic ponuntur. Secundo, quia tam in opere quaes- Premierement, on présente id apeine quelques points
tionum quam in opere expositionum interdse et de et qui sont tres rarement traités ailleurs. Seconde-
paucissirnis respective hic tractatur. Quo etiam modo ment, tant dans l'CEuvre des Questions que dans celle
beatus Augustinus procedit in libris septem Quaes- des Expositions, l'exposé est ici discontinu et porte
tionum super primos septem libros veteris testamenti sur un tres petit nombre de points en les mettant en
et in De 8 3 quaestionibus et Ad Orosium et nonnullis relation avec d'autres. C'est cette méthode aussi
aliis libris suis. qu'adopte le bienheureux Augustin dans les sept
Advertendum est autem quod nonnulla ex sequen- livres des Questions sur les sept premiers livres de
tibus propositionibus, quaestionibus, expositionibus 1' Anden Testament, dans les Quatre-vingt-trois ques-
primo aspectu monstruosa, dubia aut falsa appare- tions, dans la Lettre a Orase et dans quelques autres
bunt, secus autem si sollerter et studiosius pertrac- de ses ouvrages.
tentur. Luculenter enim invenietur dictis attestari Mais il faut observer que quelques-unes des propo-
veritas et auctoritas ipsius sacri canonis seu alicuius sitions, des questions et des expositions qui suivent
sanctorum aut doctorum famosorum. paraitront au premier abord étranges, douteuses ou
fausses, mais qu'il en sera autrement si on les étudie
avec subtilité et plus soigneusement. On trouvera en
effet que la vérité et l'autorité du canon sacré lui-
meme ou de quelqu'un parmi les saints ou les
PROLOGUS GENERALIS - PROLOGUE GÉNÉRAL, 7-8 49
\
-(.
·~ -.~

8. Ad evidentiam · igitur dicendorum tria sunt docteurs fameux, témoignent clairement en faveur de
praemittenda. Primum est quod de terminis genera- \
L ce qui a été dit. -
libus, puta esse, unitate, veritate, sapientia, bonitate
et similibus nequaquam est imaginandum vel iudi-
candum secundum modum et naturam accidentium, 8. Done, pour la clarté
Trois remarques des propos qu'on va tenir, il
quae accipiunt esse in subiecto et per subiectum et per préliminaires :
ipsius transmutationem et sunt posteriora ipso et · faut faire trois remarques
1. Les termes
inhaerendo esse accipiunt. Propter quod et numerum préliminaires. La premiere
généraux est qu'on ne doit en aucune
et divisionem accipiunt in ipso subiecto in tantum, ut
subiectum cadat in diffinitione accidentium huius- fa~on se représenter ou juger les termes généraux -
modi in ratione qua esse habent. Secus autem omnino comme etre, unité, vérité, sagesse, bonté et les autres
se habet de praemissis generalibus. Non enim ipsum semblables - d'apre_~ le mode et la nature des acci-
esse et quae cum ipso convertibiliter idem sunt, dents qui re~oivent T'etre dans le sujet, par le sujet et
superveniunt re bus tamquam posteriora, sed -sunt par son changement, sont postérieurs a lui et re~oi­
priora omnibus in rebus. Ipsum enim esse non accipit vent l'etre par inhérence. C'est pourquoi ils re~oivent
quod sit in aliquo nec ab aliquo nec per aliquid, nec le nombre et la division dans le sujet lui-meme, en
advenit nec supervenit alicui, sed praevenit et prius tant que le sujet est compris dans la définition des
est omnium. Propter quod esse omnium est imme- accidents de ce genre, dans la raison par laquelle ils
diate a causa prima et a causa universali omnium. Ab ont l'etre. Or, il en va tout autrement des termes
ipso igitur esse «et per ipsum et in ipso sunt omnia a», généraux susdits. En effet, l'etre lui-meme et ce qui,
ipsum non ab alio. Quod enim aliud est ab esse, non se convertissant avec lui, est la meme chose que lui,
est aut nihil est. Ipsum enim esse comparatur ad ne surviennent -pas aux choses comme postérieurs,
omnia sicut actus et perfectio et est ipsa actualitas mais sont antérieurs a tout dans les choses. Car l'etre
omnium, etiam formarum.- Propter quod Avicenna lui-meme ne re~oit le fait d'ei:re ni en quelque chose ni
VIII Metaphysicae 6 c. ait : «Id quod desiderat omnis de quelque chose ni par quelque chose; et il n'advient
res, est esse et perfectio esse, inquantúm est esse»; et ni ne survient a quelque chose, mais il (le) prévient et
subdit: «Id ergo quod vere desideratur, est esse». il est antérieur a tout. C'est pourquoi l'etre de toutes
choses est immédiatement par la cause premit~re et par
la cause universelle de toutes choses. Done, de 1' etre
lui-meme, «par lui et en lui sont toutes chosesa», mais
lui n'est pas par un autre. Car ce qui est autre que
l'etre n'est pas ou n'est rien. L'etre lui-meme en effet
se rapporte a toutes choses comme (leur) acte et (leur)
perfection et il est l'actualité meme de toutes choses, y
a.)lm 11, .36. · \ comprisdes formes. C'est pourquoi Avicennedit au
1
so PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL, 8-ro

9· Hinc est quod omnis res quamvis mobilis et livre VIII, ch. 6, de la Métaphysique : «Ce que désire
transmutabilis de consideratione est metaphysici, in- toute chose est l'etre et la perfection de l'etre en tant
quantum ens, etiam ipsa materia, radix rerum corrup- qu'il est l'etre»; et il ajoute: «Done, ce qui est désiré
tibilium. Et iterum : esse rerum omnium, inquantum vraiment, c'est l'etre».
esse, mensuratur aeternitate, nequaquam tempore.
Intellectus enim, cuius obiectum est ens et in quo 9· De la vient que toute chose, meme mobile et
secundum Avicennam ens cadit primo omnium, ab muable, est, a titre d'étant, l'objet d'étude du méta-
hic et nunc abstrahit et per consequens a tempore. physicien, meme la matiere, qui est la racine des
Augustinus VII De trinitate c. 1 praedictis alludens choses corruptibles. De meme, l'etre de toutes
dicit : « Sapientia... sapiens est et se ipsa sapiens choses, en tant qu'etre, est mesuré par l'éternité,
es t. E t ... quaecumque anima participatione sapientiae nullement par le temps. Car l'intellect dont l'objet est
fit sapiens si rursum desipiat, manet tamen in se l'étant, et qui, selon Avicenne, saisit l'étant avant
sapientia, nec cum fuerit anima in stultitiam commu- toutes choscs 1, abstrait de l'ici et du maintenant et par
tata, illa mutatur. Non. ita est in eo qui ex ea fit conséquent du temps. Augustin, De la Trinité VII,
sapiens, quemadmodum candor in corpore quod ex chap. 1, faisant allusion a ce qui précede, déclare : «La
illo candidum est. Cum enim corpus in alium colorem sagesse ... est sage et elle est sage par elle-meme. E t ...
fuerit commutatum, non manebit candor ille atque toute ame devient sage par sa participation a. la
omnino esse desinet». sagesse; si elle reto mbe dans la folie, la sagesse
demeure cependant en soi et ne change pas non plus
quand l'ame a changé en déraison. En celui qui est
sage par la sagesse, ce n'est pas comme la blancheur
dans le corps qui est blanc par elle. Car, lorsque le
corps aura passé a une autre couleur, cette blancheur
ne demeurera pas et cessera absolument d'etre2. »

10.Secundo est praen~tandum qtiod universaliter 10.Il faut faire une


priora. et superiora nihil prorsus accipiunt a posterio- 2. Le supérieur
et l'inférieur deuxieme remarque pré-
ribus, sed nec ah aliquo afficiuntur quod sit in illis; . . liminaire. C' est une regle
sed e converso priora et superiora afficiunt inferiora untv~rselle que les antérieurs et les supérieurs ne
et posteriora et in ipsa descendunt cum suis proprie- res;mvent absolument ríen des postérieurs et ne sont
tatibus et ipsa sibi assimulant, utpote causa causatum pas affectés non plus par ce qui peut etre en eux. Mais
mversement, les antérieurs et les supérieurs affectent
les inférieurs et les postérieurs, descendent en eux
x.,'Métaphys. 1; 6. z. Trin. VII, I,z. avec leurs propriétés et se les rendent semblables,
PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL, xo-xx

et agens passum. De ratione enim primi et superioris, comme la. cause le causé et l'agent le patient. Il
cum sit «dives per se», est influere et afficere inferiora J appartient en effet a la nature du premier et du
suis proprietatibus, inter quas est unitas et indivisio. supérieur, puisqu'il est «riche par soi 1 », d'influencer
Semper divisum inferius unum est et indivisum in et d'affecter l'inférieur par ses propriétés, parmi
superiori. Ex quo patet quod superius nullo modo lesquelles figurent l'unité et l'indivision. L'inférieur
dividitur in inferioribus, sed manens indivisum col- divisé est toujours un et indivisé dans le supérieur.
ligit et unit divisa in inferioribus. D'ou il appert que le supérieur ne se divise nullement
Exemplum evidens praemissorum est in partibus dans les inférieurs, mais, demeurant indivis, ras-
animalis, ·in quibus dinditur non anima, sed manens semble et réunit ce qui est divisé dans les inférieurs.
indivisa singulas partes in se unit, ut ipsarum sit una Il y a un exemple clair de ce qu'on vient de dire
anima, una vita, unum esse et unum vivere, in tan tu m dans les parties de !'animal dans lesquelles l'ame ne se
quod si caput hominis imaginaretur in polo arctico et divise pas, mais demeurant indivise, elle unit en elle
pedes in polo antarctico, non plus dista bit pes a capite les différentes partid~, de fac;on qu'elles aient une seule
quam a se ipso nec erit inferior capite quantum ad ame, une seule vie, un seul etre et un seul vivre. De
esse, vivere, animam et vitam. In uno enim nulla est sorte qu~, si l'on imaginait la tete de l'homme au póle
distantia, nihil inferius altero, nulla prorsus distinctio nord et ses pieds au póle sud, les pieds ne seraient pas
figurae, ordinis aut actus. plus éloignés de la tete que d'eux-memes et ne
seraient pas inférieurs a la tete quant a l'etre, au vivre,
a l'ame et a la vie. Dans l'un, en effet, il n'y a pas de
distance, ríen n'est inférieur a autre chose, il n'y a
. absolument aucune distinction de figure, d'ordre ou
d'acte.

11. Tertio et ultimo est praenotandum quod opus 11. La trmsteme et der-
secundum, similiter et tertium sic dependent a primo 3· La primauté niere remarque préalable est
opere, scilicet propositionum, quod sine ipso sunt de l'<Euvre
la suivante. La deuxieme
parvae utilitatis, eo quod quaestionum declarationes des propositions
CEuvre, et de meme la troi-
et auctoritatum exposiciones plerumque fundantur sieme,. dépendent de la premiere, c'est-a-dire de
supra aliquam propositionum. Ut autem hoc exem- l'CEuvre des Propositións, de telle sorte que, sans elle,
plariter videatur et habeatur modus procedendi in elles sont de peu d'utilité. En effet, les solutions des
totali opere tripartito, prooemialiter praemittemus questions et les expositions des autorités sont fondées
le plus souvent sur l'une des propositions. Pour le
montrer par des exemples et pour faire connaitre la
méthode dont on use dans !'ensemble de l'CEuvre
I ... :Des causes, .~d. Bardenhewer, prop. 20. tripartite, nous la ferons précéder, a titre d'introduc-
r
54 PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL, u-u

primam propositionem, primam quaestionem et pri- tion, de la premiere proposition, de la prem1ere


mae auctoritatis expositionem. J question et de l'exposition de la premiere autorité.
Prima igitur propositio est : Esse · est deus. ·Prima La premiere proposition est done : L' etre est Dieu.
quaestio de divinitate : Utrum deus sit. Prima aucto- La premiere question sur la divinité : Si Dieu est. La
ritas sacri canonis est: In principio creavit deus caelum et premiere autorité du canon sacré est : Au commence-
terram. Primo igitur videamus propositionis de- ment, Dieu a créé le ciel. et la terre. Voyons done
clarationem, secundo ex ipsa quaestionis solutionem, premierement la démonstration de la proposition,
tertio ex eadem auctoritatis praemissae expositionem. deuxiemement, par elle, la solution de la question,
troisiemement, par la meme (proposition), l'exposi-
tion de l'autorité susdite.

12. Esse est deus. Patet haec propositio primo, 12. L' etre est Dieu. Cette
La premiere
quía si esse est aliud ab ipso deo, deus nec est nec proposition s'établit
proposition :
deus est. Quomodo enim est aut aliquid est, a quo «l'etre est Dieu» comme suit. Premierement,
esse aliud, alienum et distinctum est? Aut si est deus, si l'etre est un autre que
alío utique est, cum esse sit aliud ab ipso. Deus igitur Dieu lui-meme, Dieu n'est pas et il n'est pas Dieu. En
et esse ídem, aut deus ab alio habet esse. Et sic non effet, comment est ou est quelque chose ce par
ipse deus, ut praemissum est, sed aliud ab ipso, prius rapport a quoi 1'etre est autre, étranger et distinct?
ipso, est et est sibi causa, ut sit. Ou si Dieu est, il est nécessairement par un autre,
Praeterea: omne quod est per esse et ab esse habet, puisque l'etre est un autre que lui. Done, Dieu et
quod sit sive quod est. Igitur si esse est aliud a deo, l'etre sont identiques ou bien Dieu tient l'etre d'un
res ab alio habet esse quam a deo. autre. Et dans cecas, ce n'est pas Dieu lui-meme qui
Praeterea : ante ~sse est nihil. Propter quod confe- est, comme on l'a dit plus haut, mais c'est un autre
rens esse creat et creator est. Creare quippe est dare que lui, antérieur a lui, et cet autre est pour luí la
esse ex nihilo. Constat autem quod omnia habent esse cause en .vertu de laquelle il est.
· ab ipso esse, sicut omnia sunt alba ab albedine. Igitur Ensuite. Tout ce qui est, a par l'etre et de l'etre le
si esse est aliud a deo, creator erit aliud quam deus. fait qu'il peut etre ou qu'il est. Done, si l'etre est un
autre que Dieu, la chose a l'etre par un autre que
Dieu. ·
Ensuite. Avant l'etre, il n'y a rien. C'est pourquoi
ce qui confere l'etre crée et est créateur. Créer, en
effet, c'est donner l'etre a partir de ríen. Or, il est
évident que toutes choses tiennent l'etre de l'etre
lui-meme, comme toutes choses sont blanches par la
F' r•

PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE· GÉNÉRAL, u-1 3 .

Rursus quarto: omne habens esse est, quocumque t blancheur. Done, si l'etre est un autre que Dieu, le
alío circumscripto, sicut habens albedinem album est. )
créateur sera un autre que Dieu. .
Igitur si esse est aliud quam deus, res poterunt esse De nouveau, quatriemement. Tout ce qui a l'etre
sine deo~ et sic deus non est prima causa, sed nec est- abstraction faite de quoi que ce soit d'autre -,
causa rebus quod sint. · comme tout ce qui a la blancheur est blanc. Done, si
Amplius quinto : extra esse et ante esse solum est l'etre est un autre que Dieu, les choses pourront etre
nihil. Igitur ·si esse est aliud quam deus et alienum sans Dieu; et ainsi Dieu n'est pas la cause premiere et
deo, deus esset nihil aut, ut prius, esset ah alío a se et a il n'est pas non plus pour les choses la cause en vertu
priori se. Et istud esset ipsi deo deus et omnium deus. de laquelle elles sont.
Praemissis alludit illud Exodi 3 : «Ego sum qui En outre, cinquiemement. En dehors de l'etre et
suma». avant l'etre, il n'y a que le néant. Done, si l'etre était
autre que Dieu et étranger a Dieu, Dieu ne serait ríen
ou, comme plus haut, il serait par un autre que luí et
par un antérieur alui. Et cela serait Dieu pour Dieu
lui-meme et serait le dieu de toutes choses. Ce verset
d'Exode 3 fait allusion a ce qui précede: «]e suis
celui qui suis a.»

13· Quaestio prima est: Utrum deus sit. 13. La premiere question
Dicendum quod sit. Ex propositione iam declarata La premiere est : «Si Dieu est >>. I1 faut
primo sic: si deus non est, nihil est. Consequens est 'JUe~tion: dire qu'il est. A partir de la
falsum. Ergo et antecedens, scilicet deum non esse. «Sl Dteu est» proposition qu'on vient de
Consequentia probatur sic : si esse non est, nullum déniontrer, (on. raisonne) premierement comme suit.
ens est sive nihil est, sicut si albedo non est, nullum Si Dieu n'est pas, rien n'est. Le conséquent est faux.
album est. Sed esse est deus, ut ait propositio. Igitur Done l'antécédent aussi, a savoir que Dieu n'est pas.
si deus non est, nihil est. Consequentis falsitatem Lá conséquence se prouve ainsi. Si 1' etre n' est pas,
probat natura, sensus et ratio. aucun étant n'est ou rien n'est; de meme, si la
Praeterea secundo· ad principale sic : nulla propo- .¡ blancheur n'est pas, aucun blanc n'est. Or, l'etre est
sitio est verior illa in qua idem de se ipso ·praedicatur, ' Dieu, comme le dit la proposition. Done, si Dieu
n'est pas, rien n'est. La,. nature, les sens et la raison
pro~vent la fausseté du conséquent. . .
En outre, deuxiemement, (on argumente) ams1
····,
relativement a la (question) principale. Aucune pro-
position n'est plus vraie que celle dans laquelle
le meme se prédique de lui-meme, par exemple :
f
l
PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL, ·H-15 59

puta quod horno est horno. Sed esse est deus. Igitur l'homme est homme. Or, l'etre (esse) est Oieu. Done il
verum est deum esse. . ·· ··- · · J est vrai que Dieu est (deum esse).
· Tertio sic: nulla res se ipsam deserere potest, ut ait Troisiemement comme suit. Aucune chose ne peut
Augustinus De immortalitate animae. Sed esse est se quitter elle-meme, comme le dit Augustin dans
deus, ut prius. Igitur non potest esse deum deserere, 1'Immortalité de f ame t. Or, 1'etre est Dieu, comme plus
ut non s1t. . haut. Done, l'etre ne peut quitter Dieu, de sorte que
Praeterea quarto sic : res id quod est a nullo alio Dieu ne soit pas.
habet, ut ait Avicenna. Unde quocumque posito vel En outre, quatriemement comme suit. La chose n'a
non posito horno est animal rationale mortale. Et ce qu'elle est de rien d'autre (qu'elle-meme), comme
Au.gust.inus. dicit quod nihil «taro aeternum quam le dit Avicenne2. Done, que l'on pose ou non
ratio ctrcuh ». Sed esse est es sen tia dei si ve deus. (l'existence de) quelqu'un, l'homme est un animal
Igitur deum esse verum aeternum est. Igitur deus est. raisonnable mortel._Et Augustin dit qu'il n'y a rien de
Consequens patet, t}uia omne, quod est, per esse est. «si éternel que la raison du cercle 3 ». Or, l'etre (esse)
Esse autem deus est. Et hoc est quod scribitur est 1'es sen ce de Dieu o u Dieu. Done, que Dieu est
Exodi 3 : «Qui est misit mea». (deum esse) est une vérité éternelle. Done Dieu est. Le
conséquent est évident, car tout ce qui est, est par
l'etre. Or, l'etre est Dieu. Et c'est ce qui est écrit au
livre 3 de l'Exode: «Celui qui est m'a envoyéa».

14. In principio creavit deus caelum et terram. 14. Au commencement


Notandum quod ex praemissa propositione prima La premiere Dieu a créé le ciel et la te"e. 11
exposition :
au~toritas. hic e~ponitur 9uantum ad .quattuor, ex «Au faut remarquer qu'a partir
qutbus et1am ahae auctontates exponuntur. Et iste commencement... » de la proposition énoncée
erit modus totius operis expositionum et sermonum, précédemment, on expose
quod videlicet in unius auctoritatis expositione plu- ici la premiere autorité sous quatre rapports do~t on
ri~ae al~ae breviter et inciden ter_ exponur1tur. suis tire au.ssi l'expositiqn d'autres autorités. Telle sera la
locts ex mtentione et diffusius exponendae~ ... _ méthode dans ·toute l'<Euv·re des Expositions et des
l Sermons : en exposant une autorité, on en commente
15. Dicamus igitur quod ex propositione declarata beaucoup d'autres brievement et incidemment, avant
supra primo probatur quod deus et ipse solds creavit
.. .• ~ ~ ~. '
de les exposer en leur lieu selon le plan et avec plus ·de
détail. ·.
. a. Ex 3, 14· 15. Disons. done qú'a partir de la proposition
établie ci-dessus, on démontre, premierement, que
Dieu, et lui seul, «a créé le ciel et la terre», c'est-a-dire
.. L 1nimort. 10, 17. · z: 'Métanh?Js.
r I, 6. · · 3. · lmmort. 4 , 6.
'
. ...

6o PROLOGUS GENERAUS PROLOGUE GÉNÉRAL, IS·I7 61

caelum el terram,. id est suprema et infima et per


~onseq~ens o~n~a. Secut?-do quod creavit in principio,
td est .m se tpso. Tertto quod creavit quidem in
'
)*
¡
ce qu'il y a de plus haut et ce qu'il y a de plus has et,
par conséquent, toutes choses. Deuxiemement, qu'«il
a créé au commencement (in principio)», c'est-a-dire
praetento! s~d .tamen semper est in principio creationis en lui-meme. Troisiemement, qu'«il a créé» dans le
et .c~ea~e tnctp~t. q~arto q~od creatio et omne opus . passé, certes, mais que cependant il est toujours «au
det tn tpso prtnctpto creattonis mox simul est per- commencement (in principio)» de la création et com-
fectum et terminatum. Ait enim : in principio creavit, mence toujours a créer. Quatriemement, que la créa-
quod est verbum praeteriti perfecti temporis. tion et toute reuvre de Dieu, au commencement
meme de la création, sont aussitót a la fois parfaites et
achevées. 11 est dit en effet : «A u commencement il a
créé »; cette forme ver bale est celle du temps passé
parfait. '"'
16. Primum ínter quattuor sic patet : creatio est · 16. Le premier de ces quatre points s'élucide
collatio es se, nec oportet addere «ex nihil o», quia comme suit. La création est la collation de l'etre; il
ante esse est nihil. Constat autem quod ab esse et ipso ' n'est pas nécessaire d'ajouter «a partir de rien», paree
solo, nullo alío, confertur esse rebus, sicut esse album qu'avant l'etre, il n'y a ríen. Or, il est évídent que
a sola ~lbedine. Igitur deus et ipse solus, cum sit esse, c'est par l'etre et par lui seul, par ríen d'autre, que
creat stve creavit. Ex quo etiam manifeste solvitur l'etre est conféré aux choses, comme l'etre-blanc est
quaestio illa qua quaeritur, utrum actus creationis conféré par la seule blancheur. Done, « Dieu », et luí
possit communicari alicui alteri; de quo suo loco seul, puisqu'il est l'etre, crée ou «a créé». Par la aussi
plenius apparebit. est résolue manifestement la question de savoir si
l'acte de création peut etre communiqué a quelqu'un
d'autre; sur quoi la lumiere se fera de fa~on plus
complete en son lieu.
17. Secundum inter quattuor, scilicet quod creavit 17. Le deuxieme des quatre points, a savoir que
in principio, id est in se ipso, sic patet: creatio dat sive Dieu «a créé au commencement», c'est-a-dire en
conf~rt esse. Esse autem principium est et primo ) lui-meme, s'élucide ainsi. La création donne ou
ommum, ante quod nihil et extra quod nihil. Et hoc confere l'etre. Or, l'etre est le commencement; il est
est deus. Igitur creavit omnia in principio, id est in se antérieur a toutes choses : avant lui et en dehors de
ipso. Creavit enim omnia in esse, quod est princi- lui, il n'y a ríen. Et il est Dieu. Done, «il a créé»
pium, et est ipse deus. Ubi notandum quod omne toutes choses «au commencement», c'est-a-dire en
quod deus creat, operatur vel agit, in se ipso operatur lui-meme. Car il a créé toutes choses dans l'etre, qui
est le commencement et qui est Dieu lui-meme. 11 faut
\ noter ici que tout ce que Dieu crée, opere ou fait, il
62 PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL, 17

vel agit. Quod enim extra deum est et quod extra l'opere et le fait en lui-meme. Car ce qui est en dehors
deum fit, extra esse est et fit. Sed nec fit quidem, quía de Dieu et ce qui devient en dehors de lui, est et
ipsius fieri terminus est .esse, Augus~inus IV ~~mfes­ devient en dehors de l'etre. En vérité, cela ne devient
sionum : fecit deus omma. «Non fectt atque abut, sed meme pas, paree que le terme du devenir est l'etre.
ex illo in illo sunt. » Secus est in aliis artificibus. Augustin (dit) au livre IV des Confessions : Dieu a fait
Domificator enim domum facit extra se, tum quia toutes choses. «11 ne les a pas faites pour s'en aller,
extra ipsum sunt entia alia, tum quia ligna et lapides, mais venues de luí, elles sont en lui 1, » 11 en va
in quibus est domus et fit, non habent esse nec ab différemment des autres artisans. Car le constructeur
artífice nec in ipso, sed ab alio et in alio. Non ergo fait la maison en dehors de luí, d'une part paree qu'en
falso imaginandum est quasi deus proiecerit creaturas dehors de lui il y a d'autres étants, et d'autre part
vel creaverit extra se in quodam infinito seu vacuo. pare~ que le bois et la pierre, dans lesquels la maison
Nihil enim nihil recipit nec subiectum esse potest nec est et devient, n'ont -1-'etre ni par l'artisan ni en lui,
terminus esse potest nec finis cuiusquam actionis. Sed mais par un autre et en un autre. 11 ne faut done pas
si quid ponatur in nihilo recipi seu terminari_ in nihil, imaginer faussement que Dieu aurait projeté ou créé
non est ens, sed nihil. Creavit ergo deus omma non ut les créatures en dehors de lui dans une sorte d'infini
starent extra se aut iuxta se et praeter se ad modum ou de vide. Car le rien ne re~oit rien, ne peut etre
aliorum artificum, sed vocavit ex nihilo, ex non esse sujet et ne peut etre terme ni fin d'une action
scilicet, ad esse, quod invenirent et acciperent et quelconque. Et si l'on admet qu'une chose est re~ue
haberent in se. Ipse enim est "esse. Propter quod dans le néant ou se termine en lui, elle n'est pas étant,
significanter non ait a principio, sed in principio deum mais néant. Done, Dieu a créé toutes choses, non
creasse. Quomodo enim essent nisi in esse, quod est pour qu'elles se tiennent en dehors de lui, a coté de lui
principium? Secundum hoc expofl:itur illud infra ou en plus de lui, a la maniere des autres artisans, mais
Sap. 1 : «Creavit deus ut ~ssent ommaa» et ~om. 4.: il les a appelées du néant, c'est-a-dire du non-etre a
((V ocat ea quae non sunt » e~c. et _Plura hu~UStJ?-0~1. l'etre qu'elles trouveraient, recevraient et posséde-
Ubi rursus notandum quod stcut el quod est altqUid raient en lui. Car il est l'etre. C'est pourquoi, d'une
accidere potest, non autem ipsi esse quidquam accidit fa~on significative, il n'est pas dit que Dieu a créé a
partir du commencement, mais dans le commence-
ment. Comment en effet (les choses) seraient-elles si
ce n'était dans l'etre qui est le commencement? Ces
versets ultérieurs s'interpretent dans ce sens, Sg 1 :
« Dieu a créé toutes eh oses, afin qu' elles fussent a»,
a. Sg 1, 14. b; Rm 4, 17. Rm 4: «11 appelle les choses qui ne sont pas b», etc. et
plusieurs autres de ce genre. Ici, il faut faire encore la
remarque suivante : de meme que, selon Boece,
quelque chose peut advenir (accidere) a ce qui est,
PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL, 17-19

secundum Boethium, sic extra omne quod est aliquid tandi,s que rien ne peut advenir a l'etre lui-meme, de
esse potest, extra ipsum vero esse nihil esse potes t. meme, en dehors de tout ce qui est, quelque chose
peut etre, alors que rien ne peut etre en dehors de
1'etre lui-meme.
x8. Tertium in ter- quattuor, scilicet quod creavit x8. Le troisieme des quatre points, asavoir qu'«il
quidem in praeterito et tamen semper est in principio a créé» dans le passé, certes, mais cependant qu'il est
creationis, sic declaro: deus omne, utpote esse, agit toujours «au commencement» de la création, je le
in esse et ad esse, Sap. 1 : «Creavit ut essent omnia a». démontre comme suit. Dieu, en tant qu'etre, fait tout
Esse autem initium primum et principium est dans l'etre et pour l'etre, Sg 1 : «11 a créé toutes
omnium. Ex quo patet quod omne opus dei novum choses, afin qu'elles fussenta. » Or l'etre est le premier
est, Sap. 7 : «In se permanens- innovat omnia b»; début et le commencement de toutes choses. D'ou il
Apoc. 22: «Ecce, ego nova fado omniac». Propter appert que toute ceuvte de Dieu est nouvelle, Sg 7 :
quod Is. 1 dicitur: «Ego primus et novissimusd». Sic « Demeurant en soi, il renouvelle toutes choses b»;
ergo creavit, ut nihilominus semper creet. Quod enim Ap 22: «Voici, je fais toutes choses nouvellesc.»
est in principio et cuius finis principium, semper C' est pourquoi il est dit dans Is 1 : « Je suis le premier
oritur, semper nascitur, semper natum est. Unde et le dernierd. » Ainsi done, «il a créé», de telle sorte,
Augustinus 1 Confessionum : « Omnia quae hesterna néanmoins, qu'il crée toujours. En effet, ce qui est au
sunt et retro, hodie facies, hodie fecisti». Creavit ergo commencement et ce dont la fin est le commence-
omnia in principio, quia in se ipso principio; et rursus ment, surgit toujours, nait toujours, est toujours né.
in se ipso principio creavit, quía praeterita et retro De hl Augustin au premier livre des Confessions:
hodie quasi in principio et primo creat, quorum «Toutes les choses d'hier et du passé, tu les feras
utrumque in aliis artificibus deficit, quia nec in se aujourd'hui, tu les as faites aujourd'hui 1• » Done, « il a
agunt et acta deserunt, quia agere desinunt. créé» toutes choses «au commencement», paree qu'(il
les a créées) en luí (qui est) le commencement; et,
19. Quartum et ultimum, scilicet quod creatio et encore une fois, il a créé en luí, le commencement,
omne opus dei in ipso principio creati~mis mox simul paree qu'il ·crée les eh oses passées et antérieures
est et perfectum et terminatum, patet ex dictis. Ubi aujourd'hui comme au commencement et comme au
premier moment. Ces deux traits font défaut chez les
autres artisans, paree qu'ils n'agissent pas en eux-
memes et qu'ils délaissent ce qu'ils ont fait, étant
• donné qu'ils cessent d'agir. _
a. Sg 1, 14. .b. Sg 7, 2.7. c. Ap 2.1, 5· d. Is 41,4. 19. Le quatrieme et dernier point, a savoir que la
création et toute ceuvre de Dieu, au commencement
· 1.- Co~J 1, 6, Io; meme de la création, sont aussitot a la fois parfaites et
66 PROLOGUS GENERALIS PROLOGUE GÉNÉRAL, 19-zo

eriim finis et initium ídem, necessario simul fit et achevées, découle de ce qui précede. Carla ou la fin et
factum est, simul incipit et perfectum est. Deus le commencement sont la meme chose, c'est nécessai-
au~e~, utpote e~se, et initium est ~t .«p~incipium et rement en meme temps qu'(une chose) devient et a
fi~t~ ». ~tcut entm ante. esse est nthtl, stc post esse été faite, en meme temps qu'elle commence et qu'elle
mhd, qma esse est termmus omnis fieri. Quod enim est achevée. Or, Dieu, en tant qu'etre, est le début et
est in quantum huiusmodi non_ fit nec fieri potes t. «le commencement et la fin a». En effet, comme avant
Propter quod praesentibus habitibus cessat motus. l'etre, il n'y a rien, ainsi apres l'etre, il n'y a rien, paree
Quod ~nim e~t dom~s, non fit domus, licet possit que l'etre est le terme de tout devenir. Car ce qui est,
dealbart et hutusmodt, sed hoc est, in quantum non en tant que tel, ne devient pas ni ne peut devenir.
~st. a~ba. Sic ergo creatio et omne o pus dei mox ut C'est pourquoi les états (habitus) une fois présents, le
tnctptt perfectum est, Deut. 32. : «Dei perfecta sunt mouvement cesse. Car la chose qui est une maison ne
opera b», et Psalmus: «Dixit et facta suntc». Nam devient pas une m~.ison, bien qu'elle puisse etre
ipse initium sive « principium et finis » est, Apoc. blanchie, etc., mais cela pour autant qu'elle n'est pas
primo et ultimo d. blanche. Ainsi done, des que la création et -toute
reuvre de Dieu commencent, elles sont P,arfaites,
Dt 32.: «Les reuvres de Dieu sont parfaitesb», et le
Psaume : « Il dit et elles ont été faites c.» Car il est le
début ou «le commencement et la fin», Apocalypse,
20. Resumentes autem breviter dicamus SlC per premier et dernier (chapitre)d.
singula:
Esse est deus per essentiam. Ab ipso ergo et solo Résumé 20. En résumé, disons
ipso accipiunt esse omnia. Igitur: creavit deus cae!um et
de l'exposition bri~vement ceci sur chaque
terram. Hoc de primo. pomt.
Rursus extra deum, utpote extra esse, nihil est. L'etre est Dieu par essence. De lui done et de lui
Igit~r vel_ non creavit vel creavit in se ipso principio seul, toutes choses re~oivent l'etre. Done, «Dieu a
omnta. Hoc de secundo. Augustinus : «Ex illo in illo créé le ciel et la terre ». V oila pour le premier point.
sunt».
- - De plus, en dehors de Dieu, c'est-a-dire en dehors
Adhuc autem deus, utpote esse, est primum et de l'etre, il n'y a ríen. Done, ou bien il n'a pas créé ou
ultimum, _«pri~cipium et finis». Igitur omne quod bien il a créé toutes choses en lui, le príncipe. V oila
creavit praetentum, creat ut praesens in principio; pour le second point. Augustin (écrit) : « Venues de
lui, elles sont en lui 1. »
En outre Dieu, en tant qu'il est l'etre, est le premier
a. Ap 1, 8. b. Dt p, 4· c. Ps 32,9. d. Ap 1, 8 et u, 13· et le dernier (primum et u/timum), «le commencement
et la fin». Done, tout le passé qu'il a créé, il le crée
i. Cotif IV, 12, 18. comme un présent «au commencement»; ce qu'il crée
68 PROLOGUS GENERALIS
PROLOGUE GÉNÉRAL, zo-u
quod creat sive agit nunc ut in principio, simul creavit ou opere maintenant comme «au commencement», il
in praeterito perfecto. Augustinus : « Omnia quae l'a créé simultanément dans le passé parfait. Augustin
retro sunt, hodie facies, hodie fecisti ». Hoc de tertio (~crit) : «Toutes les choses du passé, tu les feras
et quarto.
aujourd'hui, tu les as faites aujourd'hui 2 • » Voila pour
Rursus etiam quia finis ibi est principium,
:11. les troisieme et quatrieme points.
semper perfectum incipit et natum nascitur. Sic ergo 21. Encare une fois, paree que la la fin est le
deus creavit omnia, quía creare non desiit, sed semper commencement, l'achevé commence toujours et ce
creat et creare incipit, Ioh. 5 : « Pater meus usque qui est né nait. Dieu a done créé toutes choses de telle
modo operatur et ego operara»; et Augustinus: sorte qu'il n'a pas cessé de créer, mais crée toujours
«Non fecit [etc.] atque abiit» etc. Semper enim et commence toujours a créer, Jn 5 : « Mon Pere
creaturae sunt in suae creationis fieri et principio. Et reuvre jusqu'a maÍf)Jenant et moi aussi j'reuvrea»;
hoc est quod ait : in principio creavit deus caelum et et Augustin : « I1 ne les a pas faites p.our s'en aller 1 »,
terram. Eo enim quo perficit et finit, incipit, quia finis etc. En effet, les créatures sont toujours dans le
est initium, et quo incipit, finit sive perficit, quia devenir et dans le commencement de leur création. Et
initium est finis, Apoc. primo et ultimo h. c'est ce qui est dit: «Au commencement Dieu a créé
22.Postremo notandum quod ex praemissa prima le ciel et la terre ». Car par o u il acheve et finit, il
propositione, si bene deducantur, omnia aut fere commence, paree que la fin est le commencement; et
omnia, quae de deo quaeruntur, facile solvuntur, et par ou il commence, il finit ou acheve, paree que le
quae de ipso scribuntur- plerumque etiam obscura et début est la fin, Apocalypse, premier et dernier
difficilia - naturali ratione ciare exponuntur. (chapitre) b.
Sic igitur praemissa tria, scilicet propositio,
quaestio et auctoritas hic prooemialiter et breviter 22. En dernier lieu, il
Remarque finale faut observer qu'a partir de
exponuntur, in suis locis, in initiis scilicet trium
operum, plenius pertractanda. la premiere proposition énoncée plus haut, si elles
sont bien déduites, toutes ou presque toutes les
questions qu'on pose au sujet de Dieu se résolvent
facilement, et que ce qui est écrit de lui, meme la
plupart des passages obscurs et difficiles, s' explique
clairement par la raison naturelle.
Ainsi done, les trois objets ci-dessus, a savoir la
proposition, la question et l'autorité, ont été exp~sés
a. Jn s, 17. h. Ap 1, 8 et zz, 13. ici a titre d'introduction et brievement, avant d'etre
traités completement en leurs lieux, c'est-a-dire au
2.. éonj..t, 6;. 10• . § 2.2. t.Conf. IV, 12., 18. commertcement des trois CEuvres.
PROLOGUE
A L'ffiUVRE DES· PROPOSITIONS
PROLOGUS
IN OPUS PROPOSITIONUM

1. L'etre est Dieu. Commencement de la premiere


partie de l'CEuvre Tripartite, c'est-a-dire de l'CEuvre
des Propositions, dont le premier traité a pour objet
1.Esse deus est. Incipit pars prima tripartltt l'etre et l'étant, et leur opposé qui est le néant. Pour
operis, scilicet propositionum, cuius primus tractatus éclairer les pro pos qu' on va tenir dans ce traité et
est de esse et de ente et de eius opposito, quod est dans plusieurs autres qui suivront, il faut faire cer-
nihil. Ad evidentiam igitur dicendorum in hoc trac- taines remarques préliminaires a titre d'introduction.
tatu et pluribus sequenti bus quaedam. prooemialiter
sunt praenotanda. · · 2. La premiere est
Premieres . que, comme « blanc signifie
remarques
la seule qualité», au dir~ du
Primum est quod, sicut «album solam quali- pré~iminaires :
. 2. Philosophe, ainsi étant si-
1. Étant signifie
tatem. si~nificat~>, ~~ ait. phi}osophus,,_~.i~. e!i~. sqlum gnifie l'etre seulement. Or,
es se stgntficat. Stmiliter autem se habet et .tn alus, puta l'etre
il en va de meme pour
quod un~m solam· unit_atem significat~. -verum · veri- d'atitres (termes) aussi; par exemple, un signifie la
tatem, bonum bonitatem, ·h9nestum ·honestatem, rec- seule unité, vrai la vérité, bon la bonté, honnete
tU:m. tectitudinem, iustrirn)ustitiam etsi~ de ftliis et l'honneteté~· droit la rectitude, juste la justice et ainsi
horum' oppositis,' puta rna~úqi' solali) .r~l_~ljti~un; f~l.s~m des autres (termes) et de leurs opposés; par exemple,
solarp · falsitat~m, obliquum .obliquit~~ein, iniustum mal (signifie) la seule malice, faux la seule fausseté,
iniristit1am et siC de aliis.. ~ . . .' . oblique l'obliquité, injuste l'injustice, et ainsi de suite.
PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIÓNS, 3-4 7~

3· Secundo praenotandum est quod aliter sentien- :z. Étant 3· ·La seconde remarque
dum est de ente et aliter de ente hoc et hoc. Similiter , . préalable est la suivante.
autem de esse absolute et simpliciter nullo addito, et et etant-cect 11 faut juger autrement de
aliter de esse huius et huius. Similiter etiam de aliis, l'étant et de l'étant-ceci-ou-cela. De meme de l'etre
puta de bono absolute et aliter de bono hoc et hoc aut (pris) absolument et simplement, sans aucune adjonc-
de bono huius et bono huic. Cum igitur dico aliquid tion, et de l'etre de ceci ou de cela. De meme encore
esse, aut unum, verum seu bonum praedico, et in dans les autres cas; par exemple, (il faut juger)
praedicato cadunt tamquam secundum adiacens prae- autrement de bon (pris) absolument et ·de bon-
missa quattuor et formaliter accipiuntur et substan- ceci-ou-cela ou bon de ceci ou bon pour cela. Quand
tive. Cum vera dico aliquid esse hoc, puta lapidem, et done je dis que quelque chose est ou que je P.rédique
esse unum lapidem~ verum lapidem aut bonum hoc, «un», «vrai» ou «han», les quatre (termes) ct-dessus
scilicet lapidem, praemissa quattuor accipiuntur ut ont la fonction de .prédicats en tant que seconds
tertium adiacens propositionis nec sunt praedicata, adjacents et sont pris formellement et substantive-
sed copula vel adiacens praedicati. ment. Mais quand je dis que quelque chose «est ceci»,
par exemple «caillou», et .que, c'est. «un-caillou.»,
«vrai-caillou », ou «bon-cect », a sav01r «(bon)-catl-
lom>, les quatre (termes) ci-dessus sont pris comme
troisiemes adjacents de la proposition et n~ sont pas
des prédicats, mais des copules ou des adJacents du
prédicat.
4· Notandum ergo prooemialiter primo quod so- 4· 11 faut done remar-~
lus deus proprie est ens, unum, verum et bonum. Second
d groupe quer a, tltre
· d''tntro ductton,
·
Secundo quod ah ipso omnia sunt, unum sunt, vera e remarques premierement, que Dieu
sunt et bona sunt. Tertio quod ah ipso immediate seul est au sens propre étant, un, vrai et bon ( unum,
omnia habent quod sunt, quod unum sunt, quod vera verum et bonum ). Deuxiemement, que par lui toutes
sunt, quod bona sunt. Quarto: cum dico hoc ens aut choses sont, sont unes, sont vraies et sont bonnes.
unum hoc aut unum istud, verum hoc et istud, li hoc Troisiemement, que c'est de lui immédiatement que
et istud nihil prorsus addunt seu adiciunt entitatis, ! toutes choses tiennent le fait qu'elles sont, sont unes,
unitatis, veritatis aut bonitatis super ens, unum, i
sont vraies sont bonnes. Quatriemement, lorsque je
verum, bonum. dis «cet-ét~nt-ci», ou «un-ceci» ou «un-cela», «vrai-
,,
1
ceci-et-cela», le «ceci» et le «cela»· n'ajoutent ou
n'adjoignent absolument rien en fait d'entité, d~unité,
de vérité ou de bonté a l'étant, a l'un, au vrat et au
1
bon.
74 PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS, 5-7 75

5· Primum inter quattuor, scilicet quod solus deus 5· La premiere de ces


ens proprie est, patet Exodi 3 : «Ego sum qui sum »; 1.Dieu
quatre (propositions), a sa-
«Qui est misit mea» et Iob: «Tu, qui solus es h». seul est au sens voir que Dieu seul est étant
· propre,
Item Damascenus primum nomen dei dicit «esse au sens propre, est évidente
quod est». Ad hoc facit quod Parmenides et Melissus, en vertu d'Ex 3 : «Je suis celui qui suis», «Celui qui
I Physicorum, ponebant tantum unum ens; ens autem est m' a envoyé»a, et Job: «Toi qui seul es h.» De
hoc et ·hoc ponebant plura, puta ignem et terram et meme, le Damascene dit que le premier nom de Dieu
huiusmodi, sicut testatur Avicenna in libro suo Phy- est «ce qui est» 1. A quoi s'ajoute le fait que Parmé-
sicorum, quem Sufficientiam vocat. Ad hoc rursus nide et Melissus, au premier livre de la Physique 2 ,
facit Deut. 6c et Gal. 3d: «Deus unus est». Et sic iam n'admettaient qu'un seul étant, tandis qu'ils admet-
patet veritas propositionis praemissae, qua dicitur: taient une pluralité d'étants-ceci-et-cela, par exemple
esse est deus. Propter quod quaerenti de deo : quid feu, terre, etc., comrpe l'atteste Avicenne dans son
aut quis est? respondetur: esse, Exodi 3 : « Sum qui livre de physique, qú'il intitule Suffisance 3 • A l'appui
sum» et «qui est» e, ut prius. de quoi encore Dt 6 e et Ga 3d : «Le Dieu un e~_t» ( deus
6. Rursus eodem modo se habet de uno, scilicet unus est). ainsi ressort déja la vérité de la proposition
quod solus deus proprie aut unum aut unus est, ci-dessus, selon laquelle l'etre est Dieu. C'est pour-
Deut. 6: «Deus unus esta». Ad hoc facit quod quoi, a celui qui demande a propos de Dieu : qu'est-il
Proclus et Líber de causis frequenter nomine unius ou qui est-il? on répondra: l'etre; Ex 3: «Je suis
aut unitatis deum exprimunt. Praeterea li unum est celui qui suis », et « Celui qui est »e, comme plus ha u t.
negatio negationis. Propter quod soli primo et pleno 6. Il en va de meme de
esse, quale est deus, competit, de quo nihil negari est un au sens l'un, a savoir que Dieu seul
potest, eo quod omne esse simul praehabeat et propre, est proprement une chose
includat. une ou un;. Dt 6: «Dieu est un» ( deus unus est) a. A
7· Eodem modo se habet de vero, Ioh. 14 : «Ego quoi s'ajoute le fait que Proclus et le Livre des
sum veritasa». Augustinus VIII De trinitate c. 2 sic causes désignent Dieu fréquemment du nom d'un
ait : « Deus veritas est », « quoniam deus lux est »; et ou d'unité.· En outre, l'un est la négation de la
négation. C'est pourquoi il convient au seul etre
premier et plein - celui de Dieu - dont rien ne peut
a. Ex 3, 14. h. Jb 1, 4· c. Dt 6, 4· d. Ga 3, 20.
etre nié, paree qu'il possede a !'avance et inclut tout
e. Ex 3, 14. l'etre a la fois.
§ 6 a. Dt 6, 4· § 7 a. Jn 14, 6. est vrai au sens 7· Il en va de meme du
vrai; Jean 14: «Je suis la
1.De fide ortk. I, 9· 2. Phys. I, 2, 184 b 5; 5, 188 a 19. propre, véritéa. » Augustin dit, De
3. S'lljf. -I, 4: • la Trinité VIII, ch. 2, «Dieu est la vérité», «puisque

1

PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
}>ROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS, 7-9 77
infra : « Cum audis : veritas est, noli quaerere quid Dieu est la lumiere »; et plus bas : « Quand tu
sit». «In ipso igitur primo ictu, quo velut corusca- entends : "Il est la vérité", ne recherche pas ce
tione perstringeris, cum dicitur veritas, mane, si qu'elle est. » «Dans le premier instant done, ou
potes.» Et vult Augustinus dicere quod hoc est deus. tu es comme traversé par l'éclair a l'ouie du mot
"vérité", demeure, si tu le peux 1• » Augustin veut .
8. Adhuc autem eodem modo se habet de bono, dire que c'est-cela qu'est Dieu.
Luc. 1 8 : « Nemo bonus ni si solus deus a»; Mare. 9 :
«Nemo bonus nisi unus deus h». Et Proclus prop. 12 8. Il en va encore de
ait : « Omnium entium principium et causa prima est bon au sens memedu·: -bon;=-tuc'· 'is·:
bonum est ». Ad hoc facit quod Dionysius primum propre, « Personne n' est bon si ce
nomen dei ponit bonum. Et Augustinus VIII De n'est Dieu seula», Marc 9: «Personne n'est bon si ce
trinitate c. 3 ait : «Vide ipsum bonum, si potes; ita °.
n'est le Dieu un » ~J Proclus, proposition 1 2., dit:
deum vide bis», « bonum omnis boni ». «Le príncipe et la cause premiere de tous les étants est
Hoc de primo ínter quattuor, scilicet quod solus le bon t.» A quoi s'ajoute le fait que Denys considere
deus est ens, unum, verum, .bonum proprie, reli- que le premier nom de Dieu est "le bon" 2 • Et
quorum autem singulum est ens hoc, puta lapis, leo, Augustin, De la TrinitéVIII, ch. 3, ~it: «Vois le bon
horno et huiusmodi, et unum hoc, verum hoc, bonum lui-meme, si tu le peux; ainsi tu verras Dieu », «le bon
hoc, puta bonus animus, bonus angelus et huiusmodi. de tout bon »3.
· Voila au sujet de la premiere des quatre (proposi-
tions), a_ savQiLq:t;I_<: R~e-~-~~uL~s!._~_t_~f!!·-~?-· _yrai,__bo!!_- ·'-f...
9· Secundum ínter quattuor, scilicet quod a solo au sens. .propxe, tandis que cliacune des autres choses
deo omnia habent esse, unum esse et verum esse et est étant-ceci, par exemple pierre, lion, homme, etc.,
bonum esse, patet ex iam dictis. Quomodo enim et un-ceci, vrai-ceci, bon-ceci, par exemple, bon-
quippiam esset nisi ab esse, aut unum esset nisi ab esprit, bon-ange, etc.
uno aut per unum sive per unitatem, aut verum sine
veritate, vel bonum nisi per bonitatem, sicut verbi 9· La deuxieme des
Dieu =~~~'étant quatre (propositions), a sa-
gratia omne album albedine est album? Praeterea
. ,.. voir que de Dieu seul toutes
ttent l etre, etc. choses tiennent l'etre, l'etre
a. Le 18, 19. b. Me 10, 18. un, le vrai etre, le bon etre, est évidente en vertu de ce
qui a été dit plus haut. Comment en effet quelque
chose serait-il, si ce n'était par l'etre, ou serait-il un si
1. Trin. VIII, 8, 3·
ce n'était par l'un, ou grace a l'un ou grace a l'unité,
§8 1. Elém. théol., prop. 1 2. 2. Noms divins, 4, 1. ou vrai sans la vérité, ou bon si ce n'était grace a la
3· Trjn. h 4··· , bonté, comme, par exemple, tout est blanc par la
78 PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM PROLOGUE A L'ffil)VRE DES PROPOSITIONS, 9-12 79
1 blancheur? En outre, Boece enseigne dans la Consola-
Boethius De consolatione docet quod, sicut bonum et
verum fundan~ur et figuntur per esse et in esse, sic et tion 1 que, de meme que le bon et le vrai sont fondés et
esse fundatur et figitur in uno et per unum. fi~és au moyen de l'etre et dans l'etre, de meme l'etre
a son tour est fondé et fixé dans l'un et au moyen de
l'un.
. 10. Sicut ergo omnia a deo, utpote esse, habent 10. Done, comme de Dieu en tant qu' etre toutes
esse, sic habent et unum esse et bonum esse et choses tiennent l'etre, ainsi elles tiennent également
similiter verum esse. Nam tria praemissa in vero et de lui l'etre un, le bon etre et de la meme fa~on le vrai
per verum habent id quod sunt. Non enim est quod etre. Car c'est dans le vrai et par le vrai que les trois
non vere est, nec unum quod non vere unum est, nec (termes) ci-dessus possedent ce qu'ils sont. En effet,
bonum est quod non vere bonum est. Nec enim n'est pas ce qui n'est pas vraiment, n'est pas bon ce
aurum est quod non vere aurum est, et sic de singulis. qui n'est pas vraim~9-t bon. Et n'est pas or non plus
ce qui n'est pas vraiii?-ent or, et ainsi de toute chose.
Praeterea ens, unum, verum, bonum sunt
II. II. En outre, étant, un, vrai et bon sont premiers
prima in rebus et omnibus communia, propter quod dans les eh oses et sont communs a elles toutes; e' est
assunt et insunt omnibus ante adventum cuiuslibet pourquoi ils sont présents et intérieurs a toutes
causae non primae et universalis omnium. Et rursus choses avant la venue de n'importe quelle cause qui
insunt a sola causa prima et universali omnium. Nec n' est pas la cause premiere et universelle de tout. Et
tamen per hoc excluduntur causae secundariae a suis de plus, ils sont en elles en vertu de la seule cause
influentiis. Forma enim ignis non dat igni esse, sed premiere et universelle de tout. Il ne s'ensuit pas
hoc esse, nec esse unum, sed esse unum hoc, puta cependant que les causes secondes. soient dépouillées
ignem et unum ignem. Similiter de vero et bono. Sed de leur influence~ En effet,. Ia forme du feu ne donne
hoc ipsum, puta quod forma ignis dat esse ignem, pas au feu l'etre, mars cet étre'-ci, ni l'etre un, mais
unum, verum, bonum, habet per fixionem causae l'etre-un-ceci, a savoir (l'etre)-feu et (l'etre)-un-feu.
primae, iuxta illud Libri de causis : « Omnis intelli- Pareillement pour le vrai et le. bon. Mais cela meme, a
gentiae fixio et essentia est per bonitatem puram, savoir que la forme du feu donne l'etre-feu, (l'etre)-
quae est prima causa» et in commento ibídem. un(feu), (l'etre)-vrai-(feu), (l'etre)-bon-(feu), elle l'a
par la fixation (due a) la cause premiere, selon ces
Praeterea, sicut supra tactum est, enti sive de
12. mots du Livre des causes : «La fixation et 1'es sence de
.ente nihil negari potest sive nullum esse negari toute intelligence sont en vertu de la bonté pure, qui
est la premiere cause 1 », selon le commentaire au
meme endroit.
1.. Cons; III, pr. 1 1. 12. En outre, comme on l'a mentionné plus haut, a
§ 11'·:~,- Déi"causes, éd. Bardenhewer,- prop. 8. l'étant ou de l'étant, ríen ou aucun etre ne peut etre
So PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS, u.-13 81

potest, sed competit ipsi negatio negationis esse. Ita nié, mais lui convient la négation de la négation de
uni nihil unum sive nulla unitas negari potest nisi l'etre. Ainsi, rien qui soit un ou nulle unité ne peut
negatio <ne > negationis unitatis aut unius; similiter etre nié a l'un, si ce n'est par la négation de la
de vero et bono. négation de l'unité o u de l'un; de meme au su jet du
Ex quo manifeste convincitur quod a deo habet vrai et du bon.
omne ens et singulum quod est, quod unum est, quod .Par la est démontré clairement que tout étant et
verum est, quod bonum est. Et quodlibet ens unum- chacun tient de Dieu le fait qu'il est, qu'il est un, qu'il
quodque praemissorum ah ipso deo non solum habet, est vrai, qu'il est bon. Et n'importe quel étant,
sed etiam immediate habet. non seulement tient de Dieu lui-meme chacun des
(termes) susdits, mais encore il les tient de lui
immédiatement. -
./
13. Et hoc est tertium principale inter quattuor 13. C'est la la troisieme
superius praemissa, scilicet quod omne ens et sin- 3· 11 les tient des quatre theses avancées
de lui
gulum non solum habet, sed et immediate, absque plus haut, a savoir que tout
immédiatement
omni prorsus medio, habet a deo totum esse, totam étant et chacun, non seule-
suam unitatem, veritatem et totam suam bonitatem. ment tient de Dieu son etre entier, son unité entiere,
Quomodo enim esset, inter quod et esse medium sa vérité et sa bonté entieres, mais encore qu'il les
caderet, et per consequens staret foris, quasi a latere, tient de lui immédiatement, sans aucune sorte d'inter-
extra ipsum esse? Esse autem est deus. médiaire. Comment, en effet, une chose pourrait-elle
Eodem modo de uno et quolibet uno, de vero et etre, si un intermédiaire se glissait entre elle et l'etre et
quolibet vero, de bono et quolibet bono. Quidquid si, par conséquent, elle se tenait en dehors de l'etre,
enim rei cuiuslibet ah ipso esse immediate non comme a coté, a l'extérieur de lui? Or, l'etre est Dieu.
attingitur nec penetratur et formatur, nihil est. Simi- Ainsi de l'un et de n'importe quel un, du vrai et de
liter quidquid ah uno non attingitur nec penetrando · n'importe quel vrai, du bon et de n'importe quel bon.
formatur seu/investitur, ·unum non est. Similiter de Car tout ce qui, en une chose quelconque, n'est pas
vero et. bóno. Et hoc est quod Sap. 8 dicitur de touché, pénétré et informé immédiatement par l'etre
sapientia, quae deus est: «Attingit a fine usque ad lui-meme, n'est rien. De meme, tout ce qui n'est pas
finem fortiter et suavitera»; et Is. 1 : «Ego sum touché pail'un et informé ou revetu par l'un péné-
primus et novissimus b». Primum enim medium non trant en lui, n'est pas un; de meme du vrai et du bon.
patitur, propter quod in principio De causis dicitur C'est ce qui est dit, dans le Livre de la Sagesse 8, de la
Sagesse qui est Dieu: «Elle touche d'une extrémité a
l' autre avec force et douceur a»; et Is 41 : « Je suis le
premier et le dernierb. » Ce qui est premier, en effet,
a; Sg 8-, 1 ·· -b. Is 41, 4 ne souffre pas d'intermédiaire, c'est pourquoi il est
82 PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
r
1
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS, 13-14 83

quod influentia primae causae primo adest et ultimo dit au début du Livre des causes1, que l'influence de la
abes_t. _Adest primo, quia prima, abest ultimo, quia ca~se premiere arrive en premier et s'en va en dernier.
novtsstma. Elle arrive en premier, paree que (cette cause) est
premiere, elle disparait en dernier, paree qu'elle est
derniere.
14. Rursus quia deus, se toto esse, simpliciter est 14. En outre, Dieu, etre en sa totalité, est absolu-
unus sive unum est, necesse est, ut se toto immediate ment un ou une seule chose. 11 suit nécessairement
toti assit singulo, quod non parti post partem nec qu'il est présent en sa totalité d'une maniere immé-
partí per partem, sicut pulchre hoc docet Augustinus diate achaque tout, et non pas une partie apres l'autre
I Confessionum post principium. Est autem hoc ni une partie au moyen de l'autre, conformément au
ipsum videre in omni forma essentiali. Anima enim se bel enseignement d~Augustin au livre premier des
tota immediate adest et ipformat totum corpus ani- Confessions, vers le débutl. Or, on peut observer cela
matum se tota sine medio. Similiter forma ignis totam en toute forme essentielle. En effet, l'ame en sa
essentiam materiae. suae se tota sine medio totam totalité est présente immédiatement a tout le corps
simul investit et format penetrando non partem post animé et informe celui-ci par elle tout entiere sans
partem, sed partes singulas per totum. Propter quod intermédiaire. De meme, la forme du feu en sa totalité
esse totius est et totum unum est. Propter hoc et revet et informe toute 1'es sen ce de sa matiere sans
totum dicitur fieri et esse, non partes, in VII Meta- intermédiaire toute a la fois, en la pénétrant non pas
physicae. une partie apres l'autre, ~a,i~ chacune _de ses parties
Hinc est etiam quod generatio est instantanea, non par le tout. C'est pourquml etre apparttent au tout et
successiva; nec motus, sed terminus motus. Ex his le tout est un. C' est aussi la raison pour laquelle, au
manifeste apparet error illorum, qui ponunt gradus livre VII de la Métaphysique 2 , le tout est dit devenir et
quosdam quasi medios formales inter essentiam mate- etre, non ·les parties. .
riae et formam essentialem mixtL Igitur si forma De la vient encare le fait que la génération est
omnis essentialis totam materiam cssentiali penetra- instantanée, non successive, et qu'elle n'est pas u~
done immediate totam se tota investit et informat, mouvement mais le terme d'un mouvement. Ce qut
potissime hoc verum erit de ipso esse, quod est montre clai~ement l'erreur de ceux qui admettent
actualitas formalis omnis formae universaliter et certains degrés, comme des intermédiaires formels,
essentiae. entre 1' es sence de la matiere et la forme essentielle du
mixte. Done, si chaque forme essentielle revet et
informe toute la matiere d'une pénétration essentielle
immédiatement, toute par elle toute, il faut le dire
1. Des causes, prop. 1. surtout de l'etre lui-meme qui est l'actualité formelle
§ .x.4 1~ Conf. I; 3> 3· 2 .• Métaphys. VU, 8, 1033 b 16-19. 1 de toute forme et de toute essen~e universellemerit.
1
84 PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS, 15 Ss

15. Quod autem dictum est, ens omne et singulum 15. Mais la these selon laquelle tout étant et
ah ipso deo imrnediate habere totum esse suum chacun tient de Dieu lui-meme immédiatement tout
. .
totam suam urutatem, verttatem et bonitatem rursus
' son etre, toute son unité, sa vérité et sa bonté,
sic declaratur : impossibile est aliquod esse ~ive ali- s'établit encare ainsi. 11 est impossible que quelque
quem modum seu differentiam essendi deesse vel etre o u quelque mode o u différence de 1' etre manque
abesse ipsi esse. Hoc ipso quod deest vel abest ah a l'etre lui-meme ou en soit absent. Par cela meme
esse, non est et nihil est. Deus autem esse est. qu'il manque a l'etre ou en est absent, il n'est pas ou
Similiter autem de uno dicendum. Quod enim uni ) . n'est ríen. Or, Dieu est l'etre. 11 faut parler de l'un de
deest vel abest, unum non est nec unum facit nec fa~on semblable. En effet, ce qui manque a l'un ou en
potest esse modus seu differentia unius. Sic de vero et est absent, n'est pas un, ni ne fait un, ni ne peut etre
bono pari ratione concluditur. un mode ou une différence de l'un. On tire la meme
~i~il ~rg? entitatis universaliter negari potest ipsi conclusion, par un raisonnement semblable, au sujet
entl s~ve 1ps1 es~. Prop~er hoc de ipso ente, deo, nihil du vrai et du bon. o~
n~gart potest rus1 negatto <ne > negationis omnis es se. Done, en regle universelle, rien qui soit entité ne
!-fmc ~st. q~od unum, utpote negationis negatio, peut etre nié a l'étant lui-meme ou a l'etre lui-meme.
tmmedtattsstme se habet ad ens. Et sicut se habet de C'est pourquoi de l'étant lui-meme, Dieu, rien ne
ente ad entia, sic se habet de uno ad omne quod unum peut etre nié, si ce n'est par la négation de la négation
est quocumque modo sive differentia unius et de de tout etre. De la vient que l'un, en tant que
vero ad vera omnia, et de bono ad bona o~nia et négation de la négation, a une relation tout a fait
sin gula. immédiate a l'étant. Et comme l'étant est aux étants,
Nihil ergo entitatis, unitatis, veritatis et bonitatis l'un est a tout ce qui est un par n'importe quel mode
penitus addit sive confert ens hoc aut hoc, unum hoc ou différence de l'un, le vrai a toutes les choses vraies,
aut hoc, verum hoc aut istud, bonum hoc aut istud, in le bon a toutes les ehoses bonnes et a chacune d' elles.
quantum ho~ vel hoc. Et hoc es~ quartum principale
supra praemtssum. Hoc autem dtcentes non tollimus
rebus esse nec esse rerum destruimus, sed statuimus. Done, l'étant-ceci-ou-
4· Le «ceci» 1 1
ne confere aucun cela, l'un-ceci-ou-ce a, e
,. t vrai-ceci-ou-cela, le bon-
etre, e c. .
cect-ou-ce1a, en tant que
ceci ou cela, n'ajoutent ni ne conferent absolument la
moindre entité, unité, vérité et bonté. Telle est la
quatrieme these principale avancée plus haut. Or, en
disant cela, nous n'enlevons pas l'etre aux choses ni
ne. détruisons l'etre des choses, mais nous l'éta-
- . :·:--- blissons.
86 PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS, x6-x9 87

16. Declaratur autem hoc ad praesens dupliciter : 16. On démontre cela a


primo in exemplis, secundo per rationes. Primum .J Des exemples présent de deux fa<;ons:
tripliciter. Primo quidem in materia et forma, premierement par des exemples, secondement par des
secundo in partibus et suo toto, tertio in homine raisons. La premiere (voie) se divise en trois. (Les
assumpto a verbo. exemples se trouvent) premierement dans la matiere
et la forme, deuxiemement dans les parties et leur
tout, troisiemement dans l'homme assumé par le
Verbe.
17. Primum sic: constat quod materia nullum esse 17. Le premier point ainsi. Il appert que la matiere
affert composito nec habet ex se esse aliquod penitus n'apporte aucun etre au composé et qu'elle n'a de soi
praeter esse ídem, quod dat forma composito. Nec absolument aucun etre en dehors du meme etre que la
tamen propter hoc dicimus materiam esse nihil, sed forme donne au composé. Et cependant nous ne
substantiam et partem alteram compositi. disons pas pour cela que la matiere n' est rien, mais
qu' elle est une substance et l'une des parties du
composé.
18. Rursus secundum : partes singulae nullum esse 18. Et le deuxieme point. Les différentes parties
prorsus afferunt suo toti, sed potius totum suum esse n'apportent absolument aucun etre a leur tout, mais
accipiunt a· suo toto et in suo toto. Alioquin enim elles re<;oivent au contraire tout leur etre de leur tout
totum non esset unum, sed esset tot numero, quot et dans leur tout. Autrement, en effet, le tout ne serait
sunt partes, si pars quaelibet suum esse proprium pas un, mais il serait aussi multiple numériquement
adiceret ipsi toti. Duo autem esse aut plura inveniri et que le sont les parties, si n'importe quelle partie
permisceri in uno est impossibile maius quam esse ajoutait son etre propre au tout lui-meme. Or, la
piures formas essentiales in uno subiecto. Esse enim présence ou le mélange de deux ou de plusieurs etres
est quod per se et ex se habet distinguere. Unde en un seul sont plus impossibles que l'existence de
habens plura esse impossibile est unum esse, et e plusieurs formes essentielles dans un seul sujet. L'etre
converso habens piures formas, secundum genus en effet est ce qui a par soi et de soi (la fonction) de
puta omnium praedicamentorum, esi unum· numero distinguer. Done, ce qui a plusieurs etres est d~ns
ah unitate esse totius compositi, Petri scilicet vel l'impossibilité d'etre un, et, inver~e~ent, e~ qlll .a
Martini. plusieurs formes selon des genres d1fferents, a sav01r
ceux de tous les prédicaments, est un en nombre par
l'unité de l'etre du tout composé, c'est-a-dire de
Pierre ou de Martin.
19. ~ursus t.ertio : in homine assumpto a verbo 19. Et troisiemement, nous reconnaissons, dans
conc~dlmus·umtum esse personale hypostaticum ip- l'homme assumé par le V erbe, l'unique etre personnel
88 PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS, 19-21 89

sius verbi, et nihilominus Christus vere fuit horno hypostatique du Verbe lui-meme, et néanmoins le
univoce cum aliis hominibus. Christ fut vraiment homme; comme les autres
Sic in proposito longe potius se habet de creatura hommes, univoquement.
respectu dei creatoris quam de materia respectu Ainsi, sur le su jet qui nous o~cupe, le rapport _de.l~
formae aut partibus respectu totius, quanto deus matiere a la forme ou des parttes au tout est realtse
causa intimior, prior, perfectior et universalior. d'autant mieux dans le cas de la créature et de Dieu
créateur que Dieu est une cause plus intérieure,
20. Secundo probatur quod dictum est per antérieure, plus parfaite et plus universelle.
rationes. Primo sic: omne dans esse creat et est causa
prima et universalis omnium, ut dictum est supra.
Nihil autem hoc aut hoc est causa prima et universalis
J 20. En second lieu, ce
omnium nec creat. Igitur nihil hoc aut hoc dat 1
Des raisons "" qui a été dit se démontre
esse. Et hoc est quod Augustinus dicit 1 Confes-
sionum c. 5 : nulla «vena trahitur aliunde qua esse l par des raisons. Premierement ai~si. Tout. ce qui
donne l'etre crée et est cause premtere et umverselle
et vivere currat in nos, praeterquam quod tu facis
de tout, comme on l'a dit plus haut. Or, aucun ceci ou
nos, domine»; et infra subdit dicens : «Quid ad me, si
quis non intelligat? » cela n' est la cause premiere et universelle de tout et ne
crée. Done, aucun ceci ou cela ne donne l'etre. C'est
ce que dit Augustin au livre prem~er des C?nf,e,.ssions,
21. Praeterea secundo sic : « Primum est di ves per chapitre 5 : «11 n'y a pas d'autre vetne par ou 1etr~ et
se», ut in De causis dicitur, sed nec esset «dives per la vie se répandent en nous, en d~ho~s de ton actton
se», sed nec «primum», si quid aliud daret esse créatrice, Seigneur. » Et plus has tl aJOUte ces mots :
praeter ipsum. Igitur nihil ens hoc vel hoc dat esse, «Qu'y puis-je si quelqu'un ne comprend pas (cela) 1 ?»
quamvis formae dent esse hoc aut hoc, in quantum 21. En outre deuxiemement comme suit. «Le
hoc aut hoc, non autem in quantum esse. Et hoc est
premier est riche par soi», comme il.est dit dal?'s 1~
quod lo h. 1 dicitur : « Omnia per ipsum facta sunt, et Livre .des causes 1, mais il ne serait pas « nche par sot » m
sine ipso facturo est nihil a». Li enim sunt vel li est
esse significant. «le premien>, si quelque chose d'autre en dehors de
lui donnait l'etre. Done, rien qui soit étant-ceci-ou-
cela ne donne l'etre, quoique les formes donnent
a. Jn 1, 3·
l'~tre-ceci-ou-cela en tant que ceci ou cela, mais non
en tant qu'etre. Et c'est ce qui est. dit dans J~ 1 :
«Toutes les choses faites sont par lut et, sans lut, ce
1. Conf l, 6, 10.
qui a été fait est néant» ( omnia per ipsum Jacta sunt el
sine ipso factum est nihil) a. Car « sont» ou «est»
§ ú •~.- Des"ca~es, éd. Bardenhewer, prop. zo. signifient l'etre.
PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIÓNS, 22-2.3 91

22. Ex quo tertio sic arguitur ad propositum : 22. De la, troisiemement, on argumente ainsi sur
]
praeter esse et sine esse omnia sunt nihil, etiam facta. notre sujet. En dehors de l'etre et sans l'etre, toutes
Igitur si quid aliud extra deum daret esse, deus non les choses sont néant, meme les choses faites. Done si
daret ess~ omnibus nec influeret quippiam, aut quod quelque chose d'autre en dehors de Dieu donnait
daret et influeret, esset nihil, contra illud Iac. r : «Dat l'etre, Dieu ne donnerait pas l'etre a toutes les
omnibus affiuentera »; Ro m. r I : «Ex ipso et per choses et n'exercerait pas non plus d'influence ( nec
ipsum et in ipso sunt omnia h» et similia. injlueret quippiam), ou ce qu'il donnerait et l'influence
) qu'il exercerait ne seraient rien, contrairement a
ces paroles, jacques I : «11 donne a toutes ch~ses a
profusion ( alfluenter) a»; Romains I I :«De lui, par lui
et en lui sont toutes chosesh», et d'autres semblables.
23. Praeterea quarto sic : bonum hoc aut illud et 23. En outre quatriemement ainsi. Le bon-
ens hoc et illud totum suum esse habet ab esse et per ceci-ou-cela et l'étant-ceci-ou-cela ont tout leur etre
esse et in esse. Igitur hoc aut illud circulariter non de l'etre, par l'etre et en l'etre. Done le ceci ou le cela
refundit aliquod esse ipsi esse, a quo causaliter ne fait pas refluer de l'etre circulairement vers l'etre
recipit esse, sicut est videre exemplariter in omnibus. lui-meme dont il re<;oit l'etre causalement, comme on
Scutum enim album totum suum esse album, in peut en voir des exemples partout. Le bouclier blanc,
quantum album, accipit per albedinem nec quidquam en effet, re<;oit de la blancheur tout son etre-blanc en
prorsus albedinis ex se habet nec refundit, in tant que blanc; il n'a de soi absolument rien de la
quantum scutum, in ipsam albedinem. Ubi signifi- blancheur et ne la fait pas refluer non plus, en tant que
canter notandum quod hoc facit rem quamlibet vere bouclier, vers la blancheur" elle-meme. Ou il faut
esse unam, quod singulum eorum quae habet se tota remarquer expressément que ce qui fait qu'une chose
ah unico habet. V erbi gratia : corpus mixtum se toto quelconque est vraiment une, c'est qu'elle tienten sa
est quantum a sola quantitate, extra quam nihil totalité d'un (principe) unique chacune des (pro-
eorum, quae sunt in corpore, quidquid adicit quanti- priétés) qu'elle possede. Par exemple, le corps mixte
tatis, nec materia nec forma nec qualitas quaelibet, et en sa totalité est quantitatif par la seule quantité, en
sic de singulis. · Rursus corpus idem se toto est dehors de laquelle rien de ce qui est dans le corps
aliquale sola qualitate, puta album albedine, nigrum n'ajoute quelque quantité que ce soit, ni la matiere, ni
nigredine, et sic de aliis. Et in hoc nihil aliorum, puta la forme, ni une qualité quelconque, et ainsi de suite.
materia, forma,- quantitas et cetera huiusmodi nihil D'autre part, le meme corps est en sa totalité tel ou tel
prorsus adiciunt seu afferunt vel augent qualitatis. Sic par la seule qualité, par exemple blanc par la blan-
etiam potius totum compositum, puta lapis, habet cheur, noir par la noirceur, et ainsi de suite. Ici aussi,
aucun des autres (facteurs), par exemple la matiere, la
forme, la quantité et les autres de ce genre, n'ajoute,
n'apporte ou n'augmente ríen en fait de qualité. Ainsi
92. PROLOGUS IN OPUS PROPQSITIONUM PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS, 13-1~ 93

esse lapidis a forma lapidis, esse vero absolute a solo encare a plus forte raison le tout compasé, par
deo, utpote a prima causa. exemple la pierre, tient l'etre de la pierre de la forme
de la pierre, mais 1'etre (pris) absolument de Dieu seul
en tant que cause premiere.
24. A~huc au~em non est imaginandum quod 24. De plus, il ne faut pas se figurer que les causes
c~u~ae r~t - effictens puta, finalis, formalis et mate- d'une chose- c'est-a-dire les causes efficiente, finale,
rtahs - stngula esse afferant et conferant composito, formelle et matérielle - apportent et conferent au
se~ res ~e tata cum omnibus suis partibus et proprie- ) compasé des etres différents, mais la chose en sa
tattbus tdem esse a solo fine totaliter finaliter solum a totalité, avec toutes ses parties et toutes ses pro-
f?rma vera fo~maliter, a materia passive sive recep- priétés, tient le meme etre de la seule fin de fa<;on
ttve. Rursus ettam cau~ae eiusdem generis causarum, totale sous le rappor_t de la finalité seulement, de la
puta piures causae effictentes vel finales eiusdem rei si forme sous le rappórt de la forme, et de la matiere
fuerint, non ponunt in numerum sed ~na sub altera sous le rapport de la passivité ou réceptivité. En outre
inferior in virtute superioris, unica actione eunde~ encare, s'il y a pour une meme chose des causes du
effectum producunt numero in causato. Duo enim meme genre, par exemple plusieurs causes efficientes
11:t duo sempe_r diversa producunt. Hoc autem potis- ou finales, elles ne font pas nombre, mais l'une sous
st~e necessarmm est sentire de omni causa respectu l'autre, l'inférieure sous l'empire de la supérieure,
prtmae et supremae causae omnium, quae est deus. elles produisent dans le causé, par une action unique,
le meme effet en nombre. Car deux (causes) en tant
que deux produisent toujours des choses différentes.
Or, il est nécessaire surtout de reconnaitre cela a
propos de toute cause dans son rapport a la cause
premiere et supreme de tout, qui est Dieu.

25. Recapitulando autem brevitcr quae dicta sunt 25. Récapitulé brieve-
ad septem reducuntur. Résumé
ment, ce qui précede se ra-
Primum est quod ens solum esse, unum unitatem du Prologue
mene a sept points.
verum veritatem, bonum bonitatem solam significat. ' Le premier est qu'étant signifie le seul etre, un
. Secundum est quod aliter loquendum est de ente, l'unité, vrai la vérité, bon la seule bonté.
ahter de ente hoc aut hoc, et sic de aliis, puta uno et Le deuxieme est qu'il faut parler autrement de
vera et bono. Propter quod ens tantrim unum est et l'étant et de l'étant-ceci-ou-cela; et ainsi des autres
deus est; ens autem hoc aut hoc plura sunt~ Et sic de (termes), c'est-a-dire de l'un, du vrai et du bon. C'est
uno, _v:e~o, }:>~no, ut supra dictum est. pourquoi l'étant n'est qu'une seule chose et il est
Dieu, tandis que l'étant-ceci-ou-cela est plusieurs. De
(

1
94 PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS, 15 95
Tertium est ratio secundi iam dicti, scilicet quia, meme pour l'un, le vrai, le bon, comme on l'a dit plus
cum dico aliquid ens, unum, verum, bonum, sin- ha u t.
gulum horum est praedicatum propositionis et acci- Le troisieme point est la raison du deuxieme susdit.
pitur formaliter et substantive. Cum vero dico aliquid Car, lorsque je dis quelque chose étant, un, vrai, bon,
esse ens hoc, unum hoc, puta hominem, aut verum chacun de ces (termes) est le prédicat de la proposi-
hoc aut bonum hoc vel istud, praemissorum sin- tion et il est pris formellement et substantivement.
gulum non est praedicatum, sed copula quaedam vel Mais lorsque je dis que quelque chose est étant-ceci,
adiacens praedicati. · un-ceci ou vrai-ceci ou bon-ceci-ou-cela, chacun des
Quartum est quod solus deus proprie est ens, (termes) ci-dessus est non pas un prédicat, mais une
unum, verum, bonum. sorte de copule ou un adjacent du prédicat.
.Quintum est quod ab ipso deo solo omnia sunt, Le quatrieme est que Dieu seul est proprement,
unum sunt et vera sunt et bona sunt. étant, un, vrai, bon ( unum, verum, bonum).
Sextum est quod a deo immediate habent quod Le cinquieme est que par Dieu lui-meme seul,
sunt, quod unum sunt, quod vera sunt, quod bona toutes choses sont, sont unes, sont vraies, sont
sunt. bonnes.
Septimum est quod nihil creatum addit vel confert Le sixieme est qu'elles tiennent de Dieu immédiate-
rebus quippiam entitatis, unitatis, veritatis seu boni- ment le fait d'etre, d'etre un, d'etre vrai, d'etre bon.
tatis. Le septieme est que rien de créé n'ajoute ou ne
His ergo ad evidentiam dicendorum praemissis confere aux choses aucune entité, unité, vérité ou
incipiamus et dicamus: Esse est deus etc. bonté.
Done, apres ce préambule destiné a éflairer ce qui
va suivre, commens:ons et disons : L' Etre est Dieu,
etc.
COMMENTAIRE

LES DEUX PROLOGUES

Le Prologue a l'fEuvre tripartite et le Prologue a


I'CEuvre des propositions ne sont. pas les seuls textes
liminaires que Maitre Eckhart ait rédigés et qui aient
subsisté jusqu'a nous. Nous pouvons lire encore,
sous ses deux formes, le court Prologue a fCEuvre des
expositions 1 et certains des avertissements que le
Maitre pla~ait en tete des subdivisions de ses trois
grands ouvrages. C'est ainsi que le Prologue au Livre
des paraboles de la Genese présente d'importants prín-
cipes d'exégese2 et que les premiers paragraphes du
Commentaire sur saint Jean mentionnent la position
d'Eckhart sur la question des rapports entre philoso-
phie et foi chrétienne3.
En l'absence du Prologue aI'CEuvre des questions et de
cet ouvrage lui-meme, et en l'absence de l'CEuvre des
propositions, perdu luí aussi, le Prologue général et le
Prologue a I'CEuvre des propositions constituent des
documents fort précieux pour qui veut connaitre les
intentions du Maitre et les traits majeurs de sa
doctrine. Un auteur confie normalement a ses intro-

1. Texte et traduction ci-dessous; cf. LW II, p. p.1-p2.


2. LWI, p. 447-456. .
.~· LW III, p. 3-4.
LES PROLOGUES COMMENTAIRE 99
ductions les pensées qui lui importent le plus ou celles ~ f\ Une réaction peut etre légitime; elle n'en demeure pas
qu'il juge le plus utiles a ses lecteurs s'ils veulent le •• 1 moins caractérisée par les limites que constitue sa
comprendre. l nature de réaction.
Bien entendu, nous aurions besoin aujourd'hui Les médiévaux utilisent autrement que Kant les
d'autres avertissements. Le lecteur de cette fin du catégories de l'entendement : ils les remplissent d'un
xxe siecle ne trouve pas dans les Prologues, et pour contenu intelligible qui exprime leur expérience inté-
cause, de quoi jeter un pont entre ses préoccupations rieure. Les concepts sont ainsi les canaux ou coule
et celles d'Eckhart. La pensée médiévale en général 1
la vie intellectuelle, morale et religieuse. Dans ces
lui est étrangere, puisqu'elle se réfere a des modeles conditions, comprendre un penseur du moyen age, ce
qui n'ont plus cours : Aristote, Augustin, Boece, n'est pas seulement posséder la maitrise de techniques
A vicenne... La dissociation de la raison et de la
religion a l'époque moderne, le développement des
méthodes nouvelles de la science, la limitation de la
portée des catégories de l'intelligence, la séparation
1 verbales ou logiques, mais c'est encore apercevoir
l'investissement du _langage conceptuel par la vie de
!'esprit.
Chez Maitre Eckhart plus qu'ailleurs encore, l'élan
du théorique et du pratique, tout cela peut rendre la spirituel est inséparable de la spéculation intellec-
pensée médiévale absolument hermétique. tuelle. Si le Maitre propose, par exemple, une certaine
1 Les philosophes de notre siecle qui sont les plus théorie des transcendantaux, ce n'est pas seulement
'f proches de l'inspiration religieuse proposent des pour résoudre a sa maniere un probleme technique,
doctrines morales et spirituelles plutot que des théo- mais encore paree que la structure de la doctrine qu'il
·¡' logies. Ils ·refusent de mouler leur pensée dans les a choisie favorise le mouvement et l'expression de la
concepts de la tradition. Ils enseignent par exemple vie spirituelle. Non pas que le vrai soit pour luí
que la notion de cause est liée a l'extériorité et qu'elle subordonné au bien, la science a l'édification, mais le
est étrangere atout ce qui concerne nos rapports avec vrai ne peut etre tel que s'il intéresse l'homme tout
Dieu; ou bien ils disent que l'important dans la vie entier et a en meme temps valeur de science et
religieuse n'est pas de l'ordre du probleme, puisque le d' édification.
raisonnement n'a rien a voir avec l'expérience inté- Il est intéressant de comparer dans cette perspec-
rieure. De sorte que la réflexion aurait tout a gagner a tive l'reuvre latine a l'reuvre allemande. Celle-ci
recourir au langage appoprié a l'expérience existen- manifeste une. intention religieuse, puisqu'elle est
tielle. composée de sermons et de traités concernant les
A nos yeux, ce genre d'observation trahit un vertus monastiques ou supérieures, tandis que
malentendu. Loin de nous cependant l'idée que les l'reuvre latine releve au premier chef d'une intention
philosophies que nous venons d'évoquer sont inutiles scientifique. L'reuvre allemande n'en a pas moins un
ou méprisables : elles sont venues en leur temps, en contenu spéculatif majeur dont on ne peut faire
réaction contre l'usage d'une raison réduite a son abstraction sans manquer un aspect décisif de l'inten-
exércíce formel et a son application au phénomene. tion spirituelle elle-meme. Un lecteur ou un traduc-
IOO PROLOGUE GÉNÉRAL § 1-z: COMMENTAIRE 101

teur dépourvu de culture philosophique et théolo- de ce qui sera dit. Dans la seconde (§§ I 2.-2.2.)~ il donne
gique ri'aur.a jamais des sermons allemands qu'une a titré d'exemples a propos de latroisieme observa-
idée iriadéquate et confuse. De son coté, l'a:uvre . tion et pour indiquer sa méthode, la premiere propo-
latine est habitée par un désir de perfection spiri- sition de l'CEuvre des propositions, la premiere question
tuelle, et il est insuffisant, quoique toujours intéres- de l'(Euvre des questions et la premiere exposition du
\ sant, de l'étudier sous le seul rapport de sa structure livre correspondant.
) abstraite. Comme l'a:uvre allemande, l'a:uvre latine
pose de sérieux problemes de cohé!ence : la plus § 1. Les trois points que l'auteur annonce, a savoir
célebre de ses antinomies est celle qui s'exprime par son intention, la division de l'ouvrage, la méthode,
les propositions : deo non convenit esse nec est ens4 et esse sont développés respectivement au § z., aux §§ 3 a 6 et
est deuss, cette derniere these étant fondamentale dans au § 7·
les Prologues; il est probable qu'on ne peut s'attaquer ·:::-.
) a la solution de ces problemes sans faire intervenir § 2.. Eckhart déclare qu'il est forcé d'écrire pour
J d'une maniere ou d'une autre la considération de répondre a la demande instante de ses freres. C' e~t la
l'intention spirituelle du Maitre. · un lieu commun littéraire t, mais il n'y a pas de ratson
Quoi qu'il en soit, nous allons étudier les Prolo- de penser qu'il n'exprime pas les faits.
gues pour eux-memes en tentant d'en dégager la Il est intéressant d'apprendre quelles étaient les
cohérence interne sans perdre de vue, meme si nous occasions que les disciples avaient d'entendre leur
n'en parlons pas toujours, la signif1cation religieuse maitre: ils l'entendaient au cours de leurs études,
que cette structure logique· peut avoir. . pendant le culte, dans les conférences monastiques 2 •

LE PROLOGUE
A L'<<(EUVRE TRIPARTITE)> §z 1. On pense, par exemple a·S. Anselme commen~ant le
Monologion: Quidam fratres saepe me studioseque precati Sl/111 ... , ou a
Gilbert de la Porrée commentant les Opuscules de Bqece :
Ce. texte comprend deux parties. Dans la· premiere Libros questionum annicii, quos exhortationibus predbusque multorum
(§§ i-i: x), l'autetir présente son intention, la division suscepimus explanandos... (cité par M, GRABMANN, Geschichte der
de son ouvrage et sa méthode; il ajoute trois observa- scholastischen Methode, t. II, p. 417; note 3). . .
tions préliminaires, jugées nécessaires a l'intelligence z. Le . mot collationes se. retro uve dans l'avant-propos des
lnslrt«tions spirituelles ( Reden), dont voici la traduction proposée
par J. Quint: «Das sind die Reden, die der Vik~r von
Thüringen, der Prior von Erfurt, Bruder Eckhart, Predtgeror-
dens, mit solchen <geistlichen > Kindern gef~hrt hat, die í~n zu
· 4· Quesiions parisiennes I,. § ú, LW V, p. 47· diesen Reden nach vielem fragten, als s1e zu abendhchen
5. Prologue général, § ·1 z. Les Questions et les Prologues ont été Lehrgespriichen beieinander sassen. » La traduction de colla/iones
réúnis et traduits en anglais par Armand A. Máurer sous le titre : donnée par Mme Ancelet-Hustache est malheureuse : « .. .lors-
Mast~r-;Et:KHART, 'Parisian Questions and Prologues. qu'ils étaient assis ensemble pour la collation du soir», puisqu'il

UNI\/fC'"I!IAI"'. n;: :.~~·~:•·r.;: ... ··r·..,


'u) 1~ ru ..... ~ '-· u ~.,.• :_ .·~\) ~ .h\: ;~ ..:.:\)
. FAC.UL TAD Dt: FILQSCJ¡:IA Y LE.: ;~L\8:
1'\tCCr"~Ír"'t..! r..- ........... · - - -
102 PROLOGUE GÉNÉRAL § z-3: COMMENTAIRE

Professeur, sermonnaire, prieur, Eckhart était tout montre a propos qu'il ne s'agit pas de privilégier
c~la. Quant a~x trois formes sous lesquelles la doc- aveuglément le nouveau et le rare.
trine eckharttenne se recommandait aux veux des Observons encore que l'CEuvre tripartite étudie
disciples, les propositions, les solutions des questions «certaines » propositions, «di verses» questions et «un
et les expositions ou commentaires de l'Écriture, elles grand nombre» d'autorités, ce qui nous autorise a
s~mt a !'origine d~s trois divisions de l'CEm-re tripar- penser_ que l'<Euvre des expositions devait etre la plus
tzte, cómme on 1 apprendra au paragraphe suivant. volumtneuse des trois, meme si, comme l'auteur va le
Eckhart les caractérise de maniere a nous faire com- dire, l'C!3_uvre des propositions s'occupe de plus de mille
~rendre l'intéret qu'y portaient les disciples, en men- proposttlons.
t~onnant principalement la généralité des proposi-
twns, la nouveauté des solutions des questions et le § 3. Eckhart procede maintenant a la division qu'il .
caractere inusité des commentaires. · avait annoncée au § ~~ et qui était indiquée implicite-
t Il fut un temps ou la nouveauté était un défaut et
ou on la fuyait autant que l'erreur. Mais nous sommes
ment_ ~~ns la seconde moitié du § 2, puis a la
s~bd1~1~10n du premier ouvrage. Il faut remarquer la
vers la fin du moyen age, a une époque ou, si l'on btpartttlon de chacun des 14 traités, consacrés non
veut garder vivante une théologie millénaire il faut seule?Ient a ~~termes, máis encore a leurs opposés, et
\ éviter le danger que lui fait courir la monot~nie des le~ ra1sons qut en sont données : 1. les opposés se font
, redit~s. L~ brieveté et la facilité - autres qualités,
menttonnees par Eckhart, des solutions des questions
mteux. connaitre dans leur opposition m eme 1 ; 2. la
COt:IOalSSance des opposés releve de la meme science2.

J - sont peut-etre aussi des valeurs appréciées au temps


des sommes trop lourdes pour un chevaP. Reste a
savoir si la pensée d'Eckhart a toujours été facile. Au
Ces raisons sont aristotéliciennes et Maitre Eckhart

proces de Cologne, il associe l'idée de rareté acelle de § 3 1. Voir Comm. Jean, § 81, LW III, p. 69, et la note
·subtilité4... La concession sur laquelle s'acheve le§ 2 correspondante de l'édition de Stuttgart, ou sont cités des
passages d' Arístote, de Thomas d' Aquin et de Bonaventure.
2. Thomas d' Aquin recourt aussi a ce príncipe, comme dans
la Somm~ théologique I, q. 14, a. 8, corps. Eckhart l'évoque plus
d'une f?lS. Il l'associe a sa these de la privation fondée dans la
ne peut s'agir, pour le lecteur non prévenu, que d'un léger repas possesston et de la négation résidant dans l'affirmation, comme
(Les Traités, Paris, 1971, p. 40). Quinta éclairé le sens du mot dans Comm. Sag., § 104, LWII, p. 440-441. ·
collatio dans une note des pages 3 1 2 et 3 1 3 du t. V de son édition On remarquera que les deux príncipes invoqués par Eckhart
des Deutsche Werke. f figure~t dans. les Auctoritates -;4-ristotelis publiées par J. Hamesse,
Lou.vam Pans, 1974. On y ht en effet: Opposita juxta se posita
. 3: S. Th~mas d~ja_, dans le prologue de la Sommt de théologie,
md19ue les. ,mc~nvements de la frequens repetitio et il se pro pose 1 mag~s elucescunt (p. 164, n° 6o) et Ejusdem sdentiae es/ opposita
auss1 la brtevete. \ consrderare, ho:,;st oppositorum/a1em es/ discip_lina (p. 122, n° 93).
4t.;THÉRY,. «Edition critique ... », p. 186. Le mot «facile» est On tr~uve ~eJa che; Plat~n ltdee que le metlleur et le pire sont
) les objets d une meme sctence (Phédon 97 d) .
. repriS, dans le Prologue général, au paragraphe 22.
104 PROLOGUE GÉNÉRAL § 3-4 : COMMENT AIRE 105

n'est pas le premier médiéval a les invoquer. Pour la la réalité : tout étant est un (le diviser, c'est ie nier),
deuxieme raison, aux références citées dans l'édition vrai (il est l'objet de la pensée) et bon (l'etre est
de Stuttgart, il convient d'ajouter en particuli~r : universellement désiré). 11 suffit d'observer comment
Métaphysique, r (IV), 2, 1004 a 9, et le commentatre débute l'CEuvre des propositions pour comprendre c¡ue
de saint Thomas. 11 est inutile de songer ici a une le Maitre ne se situe pas dans une perspecuve
dialectique a l'hégélienne, comme le fait Heribert néoplatonicienne, plotinienne ou proclusienne : l'U~
Fischer3, ce qui ne diminue nullement l'originalité de n'est pas premier. Ens et unum convertuntur, ensetgnalt
l'ouvrage d'Eckhart. En effet, ce livre n'a pas la Aristotet.
forme d'un traité du xue siecle ou d'une somme du 11 est évident que les termes opposés aux trans.cen-
siecle suivant : il est plus général qu'eux et leur dantaux se situent sur un plan différent d~ l~~r, stnon
est logiquement antérieur, puisqu'il étudie ce qu'on · nous aurions affaire a une sorte de mantchetsme. Le
pourrait appeler les catégories fondamentales de la néant ne contrebalance pas l'etre, ni le multiple l'un;
pensée et de la réalité, c'est-a-dire les conditions le faux et le mal ne sauraient subsister par eux-memes.
préalables a la découverte et a l'énoncé de toute Une stricte analogie regne entre le néant, le m~ltiple,
solution de questions. le faux et le mal : le multiple en tant que multtple, le
faux et le mal comme tels, sont, a leur opposé propre,
§ 4· Dans notre Prologue, la division de l'CEuvre des comme le néant a l'etre. On lit, par exemple, dans la
propositions occupe plus de place que les autres et elle cinquieme Question parisienne, § 5 : «Le nombre... est
est la plus précieuse; si l'on veut se faire une idée de néant, paree qu'il n'est pas un 2.» .
cette CEuvre, aucun texte eckhartien ne peut suppléer Relevons que la doctri~e eckharuenn~ des trans-
celui-ci. Le Maitre énumere dans l'ordre les quatorze cendantaux dépasse le ntveau des nottons et des
traités qui la composent en indiquant pour chacun le concepts: elle ne vise pas l'ens commune comme cepe
terme étudié et son opposé. 11 est difficile de dégager de Thomas d' Aquin, mais prétend toucher des rea-
le plan et l'unité de l'ouvrage; nous allons cependant lités. Nous verrons en effet que les transcendantaux
nous y essayer sommairement. désignent Dieu et atravers l~i les e;res CJ_Ui dép~nd~nt
Les quatre premiers traités sont consacrés aux de lui. 11s sont done suscepttbles d une tnterpretatton
notions les plus générales de la métaphysique, les trinitaire 3. · .
transcendantaux, présentés sous le double énoncé : Le cinquieme et le sixieme ti:aité, qui concernen~ la
«l'etre et l'étant», «l'unité et l'un», «la vérité et le vie pratique, nous introduisent dans · un domatne
vrai», «la bonté et le bon», et opposés respectivement
au néant, au multiple, au faux et au mal. Les
transcendantaux sont les aspects et non les parties de
§ 4 1. Métaphys. IV, 1003 b 23. Commentaire de Thomas
d'Aquin, Marietti, § 548 et suiv., p. 154-156. .
z.. LW V, p. 81.
3· .Meister -Eck.har.t, p. 40:-42.. ~· Voir VI. J.n<:<:L·v rt.:- 1ogie négative ... , p. 22.5.
§ 4 : COMMENT AIRE 107
106 PROLOGUE GÉSÉRAL
qui est celle d'Eckhart, les vertus sont nécessaires a
nouveau, auquel nous a préparés cepend:mt la pré-
quiconque veut faire ceuvre d'intelligence apropos de
sence du quatrieme transcendantal, le bten et son Die u.
opposé, le mal. La transition est done parfa~t~. Le Observons encare que les notions touchant la
cinquieme traité releve plutot de Pordre du rehgteux,
conduite humaine, dont il est question dans ces deux
et le sixieme de l'ordre du moral.
derniers traités, ne nous éloignent mdlement de Dieu,
Dans le premier de ces deux tra~tés, l'amour et ~a
puisque le Nouveau Testament enseigne que Dieu est
charité ne sont pas dans une relatton de paronymte
amour et que, chez Eckhart comme ch~z ~ugustin,
comme l'unité et l'un; nous les considérons comme
les perfections spirituelles, comme la JUSttce et la
des synonymes4. Pourquoi l'amour a-t-il pour opposé
sagesse, sont Dieu lui-meme. .
le péché et non la haine? Paree qu'il est _considé~é A vec le septieme traité, on revient aux nottons
non pas comme une disposition psychologtque, mats
comme le commandement de Dieu : du commande- métaphysiques. Il y ~une paren~~ er_ltr_e les i~ées_ ~e
tout (7c traité), de commun ou d tndtstmct (8 tratt~)
ment d'amour dépendent toute la loi et les pro-
et de supérieur (9c traité), comme entre les opposes
phetes s. La présence de ce cinquieme traité apres les
correspondants : la partie, le distinct ,et l~inférieur. L_e
précédents qui sont relatifs aux transc~nda~ta~~ met
rapport du tout et de la partie est defint _c?mme sutt
en lumiere la cohérence, pour ne pas dtre 1 untte, _des
dans le Prologue a I'CEuvre des propostttons: «~es
préoccupations de Maitr_e ~khart. Les pr~mters différentes parties n'apportent absolument aucun etre
traités fournissent les prmctpes d'une doctnne de
l'etre, qui se révele une doctrine de Dieu. Y_iennent
aleur tout, mais plutot res;oivent tout leur e_tre de leur
tout et en leur tout6. » Loin done de produtre le tout,
ensuite des considérations pratiques, relattves au
comme on pourrait le croire, les part~es, so,f!-t ~o~sti­
rapport que nous entre~e~ons av~~ ce D~eu_ qui_ n'est tuées par lui dans leur etre. D; son cote, lt?d.tsttnct
autre que celui de la rehgwn posltlve. Amst phtloso-
n'est pas le confus, mais ce qu o~ ne peut dtstmgue:
phie, théologie spéculative et théologie morale se du distinct en vertu de son caractere total, commun a
donnent la main. tout et non séparé. En ce sens, Eckhart appelle Dieu
Le sixieme traité concerne non plus la finalité «indistinct>>, paree qu'«il ne veut pas etre sépa_ré et ne
religieuse de la conduite humaine, la charité, mais le peut 7 ». Quant au supérieur, il entretient avec
l'honneteté et la vertu. Notons que la vertu n'est pas l'inférieur la meme relatiori. que le tout a l'égard d<: la
seulement un objet de la spéculation, mais encare une partie : il affecte son inférieur tout entier, mais n'est
de ses conditions, car, dans la perspective unifi~tnte affecté par lui d'aucune maniere 8 • Nombreux sont les

4· On lit, dans le Comm. _E_x., § 98, q~e ~da lo~ n~uvelle est la 6. § 18. Voir Comm. jean, § 400, LWIII, p. 341.
loi de l'amour ou de la chante (/ex a~~orts szve cartfahs) » (LW II, 7· Serm. lat. XXXVII,§ 375, LWIV:, p. 32~. , .
p. 101). 8. « L'inférieur est toujours vide et 1mparf~1t, le sup~r~eur
f f• o o

5.. M~ 22, ,_36-40. Sur l'importance de la charlté, vmr, par jamais» (Comm. Gen.,§ 25, ci-dessous). La nouon de supeneur
. , \ exerií.ple, Comm. Ex.,·§ 96-99.
108 PROLOGUE GÉNÉRAL § 4 : COMMENT AIRE

passages eckhartiens qui rapprochent le supérieur du au sens du plus anden et du plus récent, et dans le
tout et de l'indistinct, ou l'inférieur de la partie et du Prologue... aI'CEuvre des propositions, § 13, pour souligner
distinct, par exemple celui-ci : «... Le supérieur est l'immédiateté et l'universalité de l'action divine : le
toujours non distinct de son inférieur, mais l'inférieur premier, qui est aussi le dernier, étend son action
inversement est toujours distinct en tant que fini 9. » jusqu'au has de l'échelle des etres.
Le rapport de l'etre au néant caractérisait l'opposition Avec les deux traités suivants, Eckhart introduit la
des transcendantaux a leur antithese négative. n· se notion de détermination spécifique et, par la, de
retrouvait dans l'opposition de l'amour et du péché, nouveaux exemples de l'opposition etre-néant qui
de la vertu et du vice, puisque céder au péché et au domine son ouvrage. Il situe d'abord la forme par
vice, c'est s'enfoncer dans le néant. Ce rapport rapport a }'informe (IIe traité), puis par rapport a
s'observe encare entre les termes de la hiérarchie l'existence (12e traité). Dans le premier cas, la déter-
métaphysique, le tout et la partie, le commun et le mination est le term<:~ principal, dans le second, elle
propre, le supérieur et l'inférieur, les seconds dépen- est le terme subordonné. Les mots «idée» et «raison»
dant des premiers et n'ayant rien par eux-memes. montrent que dans le onzieme traité la forme n'est
Le dixieme traité, qui porte sur les notions de pas la détermination immanente aux choses 10, mais
«premien> et de «dernier», est marqué par l'absence le príncipe transcendant que saint Augustin juge
de la formule et eius opposito qui figure dans tous les indispensable a la philosophie chrétienne. Quant
traités précédents. «Premien> et «dernier» sont eux- a !'informe, c'est la matiere créée. Mais la forme peut
memes des opposés, mais pas au sens ou le sont etre considérée sous un autre biais : elle sera alors la
l'etre et le néant ou l'un et le multiple, puisque spécification appartenant a la créature et. requéran~
«premien> et « dernier» se disent de Dieu tous les l'existence. C'est ainsi que le quo eS! («ce par quot
deux dans le livre d'IsaYe et dans· 1' Apocalypse. est»), dans le douzieme traité, désigrie 1~ sourc~
Si l'on voulait retrouver l'opposition qui caractérise divine de l'existence, tartdis que le quod est (<H;e qut
les autres traités, il faudrait ajouter, a «premien> et est») pris en lui meme avant d'avoir re~u l'existence,
«dernier» pris ensemble, un opposé non exprimé qui n'est autre que la forme ou essence (quod quid e~t), le
serait le «ni premier ni dernier». Les notions de «ceci» dont il sera question dans le Prologue sutvant.
primus et. de novissimus réapparaissent dans le présent C'est pourquoi le Maitre peut écrire dans le Commen-
Prologue, § I 8, a propos du Dieu toujours créateur, taire sur 1' Exode, § 8 5·: «Le quo est est propre a Dieu;
le quod quid est a la créature, comme on le voit dans le
traité "Du quo est" 11. » ·
revient au § 10 du Prologue. Dans le Comm. Gen., § 63
(ci-dessous), Eckhart fait allusion au traité du supérieur en
désignant par supérieur Dieu lui-meme. 11 présente en effet le 10. La ratio divine s'oppose communément, chez Eckhart, a
supérieur comme agissant sur son inférieur plus profondément laforma (species.ou nomen). Voir, par exemple, Comm. Ex.,§ 121,
que la forme· substantielle de celui-ci n'agit sur lui. · LWII, 114-1q.
9.· Serm-. lat.:X, § xos, LWIV, p. 1oo. 1 1. LW II, p. 89. Sur le quo Út, voir le sermon latin XXV,
l
llO PROLOGUE GÉNÉRAL § 4 : COMMENT AIRE 111

Les dix premiers traités portaient successivement !'Opus propositionum quand on s'aper~oit que le rap-
sur les aspects fondamentaux de la réalité, sur les port de chacun des termes positifs a son opposé est
attitudes pratiques et sur les relations métaphysiques celui qui regne entre l'avant-dernier et le dernier des
majeures. Les deux suivants concernaient les détermi- termes positifs, c'est-a-dire entre Dieu et la substance.
nations spécifiques sous un double rapport. Il n'a pas Autrement dit, .!'ensemble des traités indique, par
encore été question de Dieu dans ce plan, mais nous l'opposition qu'il met en reuvre, la nature de la
savons déja que les transcendantaux, les perfections relation qu'on observe entre le créateur ét la créature.
spirituelles, la précellence métaphysique, l'idée et le En effet, s'il est vrai que les premiers termes convien-
quo est conviennent proprement a Dieu. Le treizieme nent proprement a Dieu, les seconds se rapportent
traité portant sur «Dieu lui-rneme, l'etre le plus proprement a la créature. Certes, le transcendantal se
élevé», faisait sans doute la synthese de ces résultats. dit aussi de la créature qui en participe, et en cela la
Le sujet de ce traité rappelle celui du premier : en créature est un etre;, mais par elle-meme la créature
effet, la formule « le summum esse qui n'a pas de n'a rien, ni l'etre, ni la perfection spirituelle, ni la
contraire si ce n'est le non-etre» a son pendant dans forme : seul Dieu dispose des fonctions hégémo-
celle du premier : «l'etre et l'étant et leur opposé qui niques qui peuvent donner tout cela. De sorte qu'au
est le néant». C'est comme la fermeture d'un cercle moment ou, sortant du cercle des treize premiers
sur lui-meme. Mais la pensée a progressé, puisqu'elle traités, on ne considere plus Dieu et son opposé, le
dispose des éléments de la doctrine de Dieu accu- · néant, mais l'opposition intérieure a la créature de la
mulés dans les traités antérieurs. substance et de l'accident, c'est encore au meme type
Si le treizieme traité concerne Dieu et le non-etre, de relation qu'on a affaire, puisque l'accident n'est
son opposé- si l'on peut <ilire -, il est naturel que le rien sans la substance 12. La signification spirituelle de
suivant ait pour objet la substance et l'accident, cette doctrine est évidente : d'un meme geste, le
c'est-a-dire la créature. Car Dieu n'est pas substance
au sens ou ce mot désigne un etre doué d'une forme
substantielle et de formes accidentelles. A la fin de 12. Il est intéressant de relever que le traité de l'accident est
son ouvrage, l'auteur en vient done a l'étude des deux cité dans le. Comm. Sag., au § 95 (LW II, p. 429), a propos du
etres, Dieu et la créature, dans lesquels se réalisent les rapport entre la sagesse en nous et hi sagesse en soi. Quand on
sait que la sagesse en soi est Dieu lui-meme, on voit que la
structures métaphysiques qu'il a examinées en général structure substancefaccident, intérieure a la créature, se répete
dans les traités précédents. entre le créateur et la créature. Nous sommes en présence
On découvre l'unité de ce plan et le sens de tout ici d'une these eckhartienne fondamentale que nous allons
retro u ver au § 8 du Prologue général. Vladimir Lossky écrit : «Les
substances créées, qui n'existent pas par elles-memes, viennent
s'ajouter extérieurement al'esse primum comme une sorte d'acci-
§ 251, LW IV, p. 230 et la note. On retrouve le theme du quo est dents. Maitre Eckhart cite dans ce sens la 6e proposition des
quandEc:kha~t éctit que l'etre est l'actualité de tout, meme des « 24 philosophes » : Deus est cuius comparatione substantia est accidens
formes.(voir § 8, vers la fin; Pro/. fEIIV. prop.,§ 14, vers la fin). et accidens nihil (Théologie négative, p. 15 3). Lossky renvoie au
1 12 . PROLOGUE GÉNÉRAL § 4-7 : COMMENT AIRE 113

Maitre indique le rapport théorique et le rapport § 7· Eckhart avait annoncé qu'il présenterait finale-
pratique de la créature au créateur, a savoir dans les ment l'ordre et la méthode (modus procedendt) qu'il suit
deux cas la radicale dépendance. C'est en se vidant de dans son ceuvre. On l'aura remarqué, il n'a pas
soi, de son faux etre séparé, c'est en laissant Dieu etre respecté son plan, puisqu'il a dpnné .l'ordre des
et agir en elle, que la créature comprendra et se fera ce parties de ses ouvrages en meme temps que la
qu'elle est véritablement. division de ceux-ci. 11 ne s'agit done plus maintenant
que de la maniere de procéder, c'est-a-dire du pro-
§ 5. Avec les deux paragraphes suivants, l'auteur bleme de la longueur des ouvrages, qui menace d'etre
quitte cette longue analyse de l'CEuvre des propositions, excessive t. L'auteur la combat de deux fac;ons : 1. par
pour se livrer, plus sommairement, a la division des le choix de quelques points tres rarement retenus
deux autres parties de l'Opus tripartitum. Le premier ailleurs; 2. par la discontinuité de l'exposé, dans
passage atteste l'autorité de la Somme de théofogie aux l'(Euvre des questions>comme dans celle des exposi-
yeux d'Eckhart, puisque le Maitre déclare en suivre tions, et par les rapprochements auxquels il procede.
l'ordre. Les questions dont il traite et qui sont en petit C'est ce que H. Fischer appelle das Auswahlprinzip et
nombre - «diverses questions », écrivait-il au § 2 - das Sparsamkeitsprinzipi. Nous avons déja rencontré
ont été retenues a une triple occasion qui rappelle l'idée de rareté au § 2. La discontinuité rappelle les
les déclarations du début du Prologue : « lire » et mots «comme s'offrait l'occasion de disputer, etc.»
«disputen> correspondent aux lec;ons et aux au tres du § 53. Relevons que l'autorité, au sujet du modus
activités scolaires dont il s'agissait précédemment; procedendi, est Augustin dans quelques-uns de ses
«conférer» se rapporte aux «collations» quo- ouvrages.
tidiennes. Assez naturellement, la prédication, acti- La fin du § 7 est remarquable, puisqu'elle est un
vité moins scientifique, n'est pas mentionnée. avertissement destiné aux lecteurs que les propos de
l'auteur pourraient scandaliser. Le Maitre est done
§ 6. Le second passage donne la division de conscient de l'effet possible de son enseignement; il
l'rEuvre des expositions. Aux commentaires sur l'Écri- en a sans doute déja l'expérience. Comment pourrait-
ture, nous dit l'auteur, s'ajoute une CEuvre des sermons il éviter cet effet, puisqu'il recherche le nouveau et le
comprenant des écrits d' époques différentes t. Ces rare? Les précautions qu'il prend ici cependant ne se
deux parties se subdivisent elles-memes selon l'ordre
des textes bibliques expliqués.
§ 7 1. La brieveté a déja été mentionnée au § 1 a pro pos des
propositions.
9e sermon alJemand (DW I, p. 142 ou l'on trouve dans les notes 2. Meister Eckhart, p. 49·
quelques réferences latines)" 3· Voir le§ 14 du présent Prologue et le début du Prologue a
§ 6 x. Sur cette CEuvre des sermons, voir l'introduction de fCEuvre des expositions ci-dessus. Fischer traduit intercise par
Joseph: Koch au ..tome IV des Lateinis(he Werke, p. XXIII- ge/egentlich, et de paucissimis respective par verha/tnismiissigganz se/tm
XXVIII.- .., (ibid.).
114 PROLOGUE GÉNÉRAL § 7-8 : COMMENT AIRE

sont pas révélées suffisantes, et les lecteurs sans cesse absolument d'etre». Ailleurs, l'auteur écrit en
pénétration ou trop pressés auront le dessus. Il est jouant sur les mots que les accidents «accedent a
intéressant de , no ter que son appel a la vérité et a l'étant plutot qu'ils le précedent» t. ·
l'autorité de l'Ecriture ou de l'enseignement de saints L'idée d'inhérence exclut la relation qui signifie un
ou de docteurs se concrétisera au proces de Cologne «etre par rapport a» (esse ad)2. Elle exclut aussi
par des références constantes a la Bible, a saint l'accident inhérent con<;u in abstracto, c'est-a-dire en
Augustin, Boece, Avicenne, Ma"imonide, saint Ber- lui-meme, plutot que dans la réalité concrete qu'il
nard, Thomas d' Aquin, etc., sans compter les philo- a dans le sujet3. Les accidents inhérents concrets
sophes anciens comme Cicéron et Séneque. qu'Eckhart prend en considération n'ont pas plus
leí s'acheve la premiere subdivision de la premiere d'unité par eux-memes que d'etre, ce qui veut dire
partie du Prologue a l'CEuvre tripartite. · qu'ils se multiplient avec leurs sujets et se divisent
selon les parties dans Jesquelles leurs sujets se divisent
§ 8. La premiere partie du Prologue se poursuit avec eux-memes.
l'exposé de trois theses préliminaires_ dont dépend La dépendance et la postériorité des accidents par
l'intelligence de l'Opus tripartitum. Lá premiere est rapport a leurs sujets mettent en relief l'autonomie
développée dans les paragraphes 8 et 9, la deuxieme des termes généraux et leur antériorité a tout ce qu'il
dans le paragraphe 1 o et la derniere dans le para- peut y avoir dans les choses - antériorité logique et
graphe· 11. ontologique, et non pas temporelle. Avant d'etre
Le Maitre présente d'abord ce qu'il nomme les quoi que ce soit - forme substantielle ou forme
termes généraux. Il ressort des exemples donnés qu'il accidentelle -, le suj"et est, est un, vrai, bon. Le
s'agit des transcendantaux- énumérés sous la forme: Maitre exprime sa pensée en une phrase ou pour
esse, unitas, veritas, bonitas - et de ce que l'auteur obtenir un effet d'insistance, les prépositions et les
appelle ailleurs les perfections spirituelles, puisque préfixes s'accumulent et ou l'impression d'antithese
s'introduit le mot sapientia, qu'on retrouvera au est assurée par la répétition de la négation et par
paragraphe suivant. La nature des termes généraux l'emploi d'un meme verbe avec un préfixe opposé aux
est expliquée a contrario par celle des accidents dont le
Maitre souligne la dépendance par rapport a leur su jet
quant a l'etre et quant au nombre. Il faut relever les 1. Comm. Jean, § p6, LW III, p. 275.
expressions dont il se sert : la réception de 1' etre dans 2. Voir Comm. Ex., § 64, LW II, p. 68.
et par le sujet et par sa transformation, la postériorité 3· Voir THOMAS d' AQUIN, Som. théol. 1-II, q. 53, a. 2, ad 3m:
par rapport au sujet, la réception de l'etre par «Dans la définition de l'accident de ce genre [ signifié in concreto],
inhérence. La notion de transformation (transmutatio) le sujet est posé comme le genre qui est la premiere partie de la
définition : nous disons en effet que "camus" est "nez courbe".
est reprise a la fin du paragraphe 9 ou il est dit que Ainsi done, ce qui convient aux accidents par le coté du sujet,
«lo~s9ue le_ corps [blanc] est changé (commutatum) en mais non par la raison elle-meme de l'accident, n'est pas attribué
une.·'aufre couleur, cette blancheur ne reste pas et a l'accident dans l'abstrait, mais dans le concret.))

1.'
ll6 PROLOGUE GÉNÉRAL

précédents : «l'etre lui-méme ne re~ott pas le fait


r1
§ 8 : COMMENT AIRE

surprise a ce qu'il soit présenté ensuite comme étant


d'etre dans quelque chose, ni de quelque chose ni par avec tout dans un rapport d'acte et de perfection,
quelque chose, il n'advient ni ne survient a quelque comme étant «l'actualité de tout, meme des formes 6 ».
c~10~e, .mai~ ~ prévient et p~~cede tout4. » Ces pro- On voit que Maitre Eckhart, qui insere sa théorie
cedes ltngutsuques sont famtlters a Eckhart, et cette aristotélicienne des accidents dans une doctrine d'ins-
doctrine est fondamentale dans l'CEuvre tripartite. piration platonicienne ou augustinienne des transcen-
Dans un passage parallele du Commentaire sur le dantaux et des perfections spirituelles, rejoint a sa
Livre de la Sagesse, l'auteur éclaire le statut des maniere divers themes thomistes : celui du monopole
perfections spirituelles, comme la justice, en exposant divin de la création, celui de l'immédiation de l'action
celui des accidents corporels, comme la blancheur ou créatrice et celui de l'etre comme actualité des formes
la saveur. «En effet, écrit-il, les choses corporelles se elles-mémes. On lit, par exemple, dans la Somme de
corrompent et cessent d'étre quand les sujets sont théologie : «Ce qui est_l'effet propre du Dieu créateur
corrompus. La raison en est qu'elles re~oivent l'etre est ce qui est présupposé a toutes les autres choses, a
et l'étre-un, et par conséquent l'etre divisé et le savoir l'etre absolument7. » De la découlent l'immé-
nombre ... , du sujet, par le sujet et dans le sujet et par diateté de la causalité divine et la dépendance ontolo-
conséquent sont postérieures aux sujets. Tandis que gique des formes elles-memes. Le statut exceptionnel
les pe~fect_ions spir~tuelles... se comportent de fa~on de l'etre- et avec luí des autres termes généraux- est
tout a fa1t opposee. En effet, elles ne re~oivent encore souligné dans notre texte du premier Prologue
absolument d'aucune maniere l'étre par les sujets, et par des citations d' Avicenne concernant le désir de
par conséquent elles ne re~oivent par eux ni division, l'étre qu'éprouve toute chose. Ainsi s'exprime la
ni nombre, ni cessation s. » dépendance fondamentale et constitutive de tout ce
L'etre, qui est premier dans les choses et done qui est par rapport a l'etre.
fondamental en elles, ne peut leur venir que de la Le § 8 souligne la subordination des accidents aux
cause premiere et universelle et en venir sans intermé- sujets et, par elle, l'autonomie ·des termes généraux
diaire. L'idée d'immédiateté commande la citation vis-a-vis de ces mémes sujets. 11 oppose les accidents
partielle que fait le Maitre de Romains 1 J, 36 : «Par et les termes généraux en mettant en lumiere .leur
lui et en lui sont toutes choses. » Inversement lui relation inverse a un troisieme terme qui est le sujet
n'est pas par un autre, puisque l'autre que l'etre '
ou la substance. Accident, sujet, terme général, cons-
équivaut au néant. Et comment le néant serait-il la ..1 tituent une hiérarchie ascendante qui se traduit par
source de l'étre? Si l'etre lui-méme (ipsum esse) est une égalité de rapports: l'accident est au sujet comme
!'origine immédiate de tout l'étre des créatures, nulle

6. Voir Pro/. prop., § 14, fin. ·


4· Pro/. gén., § 8. 7· I, q. 45, a. 5, corps: 1/lud autem quod est proprius effectus Dei
5. Giifnm. Sag., § 41, LWII, p. 362; voir aussi § 74· creantis est illud quod praesupponitur omnibus aliis, scilicet esse absolute.
118 PROLOGUE GÉNÉRAL
l
§ 8-9 : COMMENT AIRE
le sujet au terme général. Nous retrouvons done Retorinaissons cependant que le Maitre a l'habi-
l'égalité des relations accidentfsubstance et substance tude de considérer 1'etre de .la substance dans sa
JDieu que nous avons aper<;ue plus haut en commen- source divine - in ipso sunt omnia - plutót qu'en
tant le plan de l'Opus propositionum. lui-meme comme l'etre de l'accident par rapport a
On sait que pour Aristote, Thomas d' Aquin, et son fondement substantiel. · Tel est le sens de sa
Eckhart apres eux, le rapport de l'accident au su jet est conception de l'analogie. Contrairement a Thomas
un exemple d'analogie. Si les accidents n'ont l'etre d' Aquin, le Thuringien n'arret~ pas sa p~nsé,e a l'~tr~
que par inhérence dans le sujet, c'est qu'ils sont des dérivé que l'accident peut avotr 11 •. Mats t1 n y a la ~~
étants de fa<;on analogique seulement par rapport a erreur ni hérésie ' et cette doctrme est en .parfatt
un seul étant pris de maniere absolue : l'étant dit de la .
accord avec le trait dominant de l'Opus proposzttonum,
substance est posé dans la définition de l'étant selon
qu'il se dit de l'accidentB. Le sujet, la substance, le
.a savoir l'opposition de la possession et de la pri-
vation.
monde ou encore la créature, sont done considérés
implicitement ici comme étant dans ce meme rapport § 9· Le paragraphe qui suit apporte un commen-
d'analogie vis-a:-vis de Dieu. taire sur le privilege qui a été reconnu a l'etre et aux
Le passage du § 8 sur 1' etre des eh oses a été termes généraux. Si l'etre est,. ce qu'il. y a de plus
incriminé par les adversaires d'Eckhart 9 et le Maitre précieux dans les chos~~ et .s 1~ e~t umverse~lement
a répondu qu'en vérité, c'était parole de Thomas désiré, on comprend qu tl sott 1 obJ~t de la scten~e la
d'Aquinlo. Avec un peu de mauvaise volonté, on plus haute. Quand on con~id~r~ un etall:t c~'?me t1 ~e
pouvait comprendre en effet que l'etre des choses se donne il releve d'une dtsctphne parttcuhere, mats
confond avec celui de Dieu. En réalité, l'etre des pris c~mme étant, il releve de la ~étaphysique. A~?si
choses est présenté par Eckhart comme dépendant de le mobile, le muable, le corruptible, avec la mauere
la cause premiere: les prépositions ab et per expri- leur príncipe, sont l'objet du physicien, mais, consi-
ment cette relation. L'etre de la substance dépend de dérés comme · étants, ils tombent sous le regard du
celui de Dieu comme l'etre de l'accident de celui de la métaphysicien. ·Le theme de l'étant en tant que tel,
substance. ven u d' Aristote et d' Avicenne, trouve done sa place
chez Eckhart chez quila formulein quantum,,«~~ tant
que», apparait souvent. ave: son effet dectstf de
8. Voir ARISTOTE, Mét. III, c. 2, début; THOMAS d' AQUIN,
l discrimination et de punficatton 1•
Som. théol. I, q. 13, a. 10, corps; EcKHART, Comm. Ex., § 54,
LWII, p. 58.
9· G. THÉRY, «Edition critique... », p. 171.
10. /bid., p. 193 : « ... Lorsqu'il est dit que l'etre est l'actualité 1 1. Sur l'interprétation de la doctrine de Thomas d' Aquin,
meme, et de toutes les formes, et que l'etre est ce que désire voir H. LYTTKENS, The AnalogJ between God and The World... ,
toute chose, etc., il faut dire que c'est vrai. Le premier point est p. 262-265. . ..
la paroie de sa:irlt Thómas; le second; celle d' A vicenne. » § 9 1. Elle suppriine toute différence et toute aliénation par
l20 PROLOGUE GÉNÉRAL § 9-10 : COMMENT AIRE 121

On la rencontre encore sitót apres, lorsque le § 10. La deuxieme observation porte sur le rapport
Maitre situe l'etre des choses en tant que tel au-dessus ) des notions d'antérieur et de postérieur - ou de
non plus du corruptible, mais du temporel. Pour ce supérieur et d'inférieur. Con~o~mémen.t ~la traditi~n
faire, il met en avant l'intellect dont il rapproche platonicienne, ces termes de~~~nent tct ~es d~g~es
l'objet premier, qui est l'étant, selon Avicenne et ontologiques. Nous avons deJa rencontre les tdees
Thomas d' Aquin, et l'opération propre, qui est d'abs- d'antériorité et de postériorité au § 8. Quand nc~us
traire de l'ici et du maintenant, c'est-a-dire de l'espace Iisons que les antérieurs ne re~oivent absolu?;ent !te~
et du temps. L'étant, qui s'atteint au-dehl du sensible, des postérieurs, nous no':ls souvenons ,q~e 1~tre etatt
appartient done a l'ordre de l'éternel. Immuable et présenté au meme endrott comme anterteur a tout et
éternel, l'etre des choses dont il est question dans ce comme ne recevant de rien le fait d'etre. La corres-
paragraphe n'est évidemment pas leur etre empirique, pondance suivante nous est done suggérée :
puisque celui-ci est changeant et passager. terme général = antérieur
Eckhart rattache aux considérations précédentes sujet = postérieur
les propos du De Trinitate sur l'indépendance de la
sagesse par rapport a l'ame quien participe et sur son
Et nous pouvons ajouter, ,e~ vertu du ~ 8, q~e I:
rapport de l'antérieur au posterteur est celut du SU}et a
immutabilité face a celui qui se convertit vers elle ou l'accident.
s'en détourne 2 • A l'aide d' Augustin qui met en Le deuxieme présupposé du Prologue g!néral s'h.ar:
lumiere le contraste entre le cas de la sagesse et celui monise done parfaitement avec le premter. Celut-cl
de la blancheur qui, elle, dépend du su jet quila re~oit, met i'accent sur l'opposition des termes ~énéraux et
Eckhart rappelle qu'il associe aux transcendantaux les des accidents - ils se situent face au suJet dans un
perfections spirituelles -la sagesse était citée au début rapport inverse d'antériorité .et de postéri?ri~é -; le
du § 8- et que le statut des termes généraux diftere deuxieme insiste sur la relatton non symetnque de
absolument de celui des accidents, ce qui constituait l'antérieur et du postérieur1. Dans les deux cas, il
justement la premiere observation préliminaire. s'agit finalement de comprendre la relation qu'il y a
entre le créateur et la créature.
Relevons que la descente dont il est question du
supérieur dans l'inférieur n'en est pas une si l'on
rapport a la notion dont il s'agit. Elle renvoie du participant au entend par la que le supérieur change de ntveau
participé.
. 2. AuG., Trin. VII, c. 2, 1. Voir Comm.Jean, § 172, LWIII,
p. 141 (antériorité et permanence de la justice); Serm. lat. VI, 3,
§ 62, LW IV, p. 6o-61 (inesse de la blancheur dans le corps et, § 10 1. 9u du supérieur et de l'inférie~u. Voir par exempl~
inversement, du juste dans la justice). Le theme eckhartien de PRocws, Eliments de théologie, ~ ~24, Trout!la~d~ p. 136: «Car.~l
l'indépendante des perfections spirituelles par rapport a leur est possible de passer des superteurs a';lx tnfe!teurs, alors. qu tl
sujet- et c:n g~~éral du participé par rapport au partícipant - n'est pas permis aux dieux de recevotr quot que ce so1t des
remonté a Platon; voir Banquet 2 1 1 b. · ínférieurs. »
ff?:r'.
j .

122 PROLOGUE GÉNÉRAL § ío-u : COMMENT AIRE

ontologique. Seule descend l'action du supérieur, Le premier présupposé de ce premier Prologue


mais comme l'action du supérieur se ramene au affirme done l'antériorité des termes généraux dans
supérieur, il n'est pas faux de dire, a condition de bien les choses, et le second, la relation non symétrique de
s' entendre, que celui-ci descend. Cette descente o u l'antérieur et du postérieur. . , ,
cette action est une assimilatio.n, puisque le supérieur En considérant ensemble le premter presuppose,
se communique a l'inférieur qu'il rend semblable a qui souligne l'antéri.~rité de~ ter~es généraux dans
lui. les choses, et le deuxteme, qut·ensetgne la desc~nte du
La suite du paragraphe atteste !'origine néoplatoni- ) supérieur dans l'inférieur, on ~~gage le t~eme de
cienne de la doctrine par une citation du Liber de l'immanence de la cause premtere dans 1 etre des
causis : le premier o u le supérieur est « riche par soi 2 • » choses immanence conc;ue sur le modele de la pré-
Appeler ainsi le premier príncipe, c'est indiquer qu'il sence de l'etre de la substance dans l'accident. Dans
donne ce qu'il a, mais qu'ille donne sans rien perdre; cette perspective, de menie que l'accident. n'a pas
sa richesse n' est pas affectée par ses largesses. Ce d'autre etre que celui de 1~ subst~nce, la su~stance ~·a
qu'il a, ses «propriétés»,_ c'est en particulier l'unité, pas d'autre etre que cel~l de Dteu. CeA qut v~ut, dtre
c'est-a-dire l'indivisiqn. 11 communique cette pro- que la créature n'a pas d etre par elle-mem~. Repetons
priété a l'inférieur, puisqu'il en unifie la multiplicité. que cette maniere de voir s'accorde fort bte~ ~vece~
Et de meme que le riche reste riche malgré sa que nous avons appris de l'CEuvre d~s propostttons qut
libéralité, l'unité demeure une, attendu que l'unifica- forme ses oppositions- dont la derntere ~st celle,de l.a
tion qu' elle apporte aux choses ne produit en elle substance et de l'accident - sur le modele de 1 antt-
aucune multiplicité. La fin du § 10 fournit l'exemple these de l'etre et du néant: ·
de l'ame une, alors qu'elle est présente dans la
multiplicité des parties de·son corps 3 • La belle image § 11. La troisieme et derniere observation prélimi-
de l'homme a la dimension du ciel 4 pousse a !'extreme naire est consternante, puisqu'elle nous app!en? que
le paradoxe de la these selon laquelle l'ame dans un l'CEuvre des propositions, qui est perdue, est m~tspen­
corps annule toute di~tance corporelle. . . sable a l'intelligence des deux autres parttes de
l'CEuvre tripartite : ces pa~ties dont il nou.s. reste, et
'
encare incompletement, 1 CEuvre des_ expostttons, sont
2. L. de causis, Bardenhewer, § 20. Voir PROCi.US, Élém. théol., J «de peu d'utilité» sans l'ouvrage qut rend compte des
§ 27, Trouillard, p. So; § 64, p. I00-101, etc. propositions sur lesquelles ell~s se. fondent., Nous
3· Voir Líber de spiritu et anima, c. XVIII, PL 40, 794 B: nous trouvons done· dans la sttuatton que 1 auteur
« Comme Dieu... est partout to~t entier dans le monde tout
nous conseillait formellement d'éviter, puisque nous
entier et en chacune de ses créatures, ainsi !'ame est partmit tout
entiere en son corps tout entiér, comme en un monde a elle... » commenc;ons la Iecture de s~n re':lvre .Pa_r le mauvais
Voir Comm. Sag., § 299~ LWII, p: 632. · · bout, · et meme dans une Sltuatton Irreparable, du
. 4· Im!tge inspiré~ d' Aristote (Du del, 283 b 1·, Tricot, p. 70) moment qu'apres ce départ malheureux, ~ous n~
commt:!rtté -par ·Thomas d' Aquin. s·ommes plus· en mesure de remonter vers le ltvre qut
-el<',>
.. SECCION lJE ! 1~~"-'-'UUIU~ DE
f' FlLOSiJ.Flá úlEDlE V.AJ,.,
PROLOGUE GÉNÉRAL l §u-u.: COMMENTAIRE 125

~~ntenait les pri.ncipes de l'CEuvre. Ce qui montre o~ ultime de cet arbre, dl:'vous ou moi, est Dieu, en
ltmp~~tance capttale des Prologues que nous analy- ce sens que nous sommes des etres par l' etre de Dieu.
sons tct. On verra que Maitre Eckhart mentionne sans cesse le
Afin d'illustrer la dépendance des deux dernieres rapport de l'etre -'- c'est-a-dire de la cause premiere
parties de I'CEuvre tripartite par rapport a la premiere qui est l'etre - a ce qui a l'etre. On verra aussi
et la méthode appliquée dans l'ouvrage entier, comment cette relation qu'on peut bien appeler celle
~ckhart se ~~opose d~indiquer la premiere proposi- du participé au participant n'exprime rien d'autre que
tton, la premtere questton et la premiere exposition en la relation de création qui va du Dieu chrétien au
montrant comment ces deux dernieres sont fondées monde qu'il produit. Philosophie et théologie se
sur la premiere. recouvrent, et l'une permet de comprendre le sens de
l'autre. L'etre qui est Dieu est done l'etre de Dieu,
§ 1 .z. l~i, comm~nce done la seconde partie du pris en lui-meme ou _gans la communication qu'il fait
Prologue general, qut a un tout autre caractere que la de soi sans cesser de s'appartenir a soi-meme.
premiere, puisqu'elle est constituée d'exemples ou Dans 1' explication de cette premiere proposition,
d'échantillons de l'CEuvre tripartite, qui ne sont autres comme d'ailleurs dans celle de la premiere question,
qu~ ~e c:Iébut d"e ses troi~ parties. On po~rrait penser on est frappé par l'effort de rigueúr rationnelle que
qu atnst le Mattre se factbte un peu sa tache d'intro- l'auteur s'est imposé et qu'il exige de son lecteur. Qui
duction, mais, .comme il nous l'apprend a la _fin du soutiendrait que cette tentative est inutile et qu'on
Prolog~~' les démonstra~ions et les explications qu'il peut se dispenser d'en tenir compte, puisque seule
donne 1c1 ne sont pas la stmple reproduction de celles importe l'expérience religieuse, trahirait l'intention
qu'on pouvait trouver dans le corps de l'CEuvre: elles d'Eckhart. Si le Maitre consent a cet effort, c'est qu'il
en sont l'abrégé. lui accorde le role de servir et de nourrir la vie
Le premier traité de l'CEuvre des propositions, nous le religieuse. Les raisonnements ne so~t pas ici des
savons, concerne l'etre et l'étant, et le ríen, leur mécanismes qui fonctionnent a vide: ils. ne font
opposé: ~ous appre~ops mainte?ant que la premiere qu'un avec la concentration et l'élévation spirituelles.
proposttton de ce tratte est : «L'etre est Dieu. » Nous
nous en ·doutions depuis la lecture du plan de l'Opus Observons que la tache que se donne Eckhart, qui
(§ ~).et celle du § 8; mais cette these n'en est pas moins est de prouver que l'etre est Dieu, ne se confond pas
ongtnale pour nous, puisqu'elle est formulée pour la avec celle de. démontrer l'existence de Dieu: les
pr~mie~e fois ~e fa~o~ express~. Certes, elle peut présupposés de la présente- argumentation sont que
preter a .co~fustoh, P~!squ on pourrait l'interpréter Dieu existe et qu'il est la cause incausée de l'etre
comme. stgmfiant que 1etre de cet arbre' celui de vous des choses. La premiere preuve est particulierement
ou mot, est Dieu, au sens ou cet arbre, vous ou moi condensée et difficile. 11 s'agit de deux démonstra-
nous serions Dieu. Laissons de coté cette sotte lectur~ tions par l'absurde que nous proposons d'analyser
de Maitre Ec-khart et comprenons que 1'etre véritable · comme suit.
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12.6 PROLOGUE GÉNÉRAL ¡) :,1)\'( § u: COMMENTAIRE

l. Si esse est aliud ab ipso deo (these a réfu~er), écarte la these a réfuter et on admet que Dieu et 1' etre
sont identiques, o u bien on· accepte que Dieu tienne
la conséquence: est dbuble: . .. l'etre d'un autre:
- deus (pris comme sujet) nec est
- nec deus (pris cómme attribut) est. . .
La non-existence de· Dieu n'est pas déclarée
absurde ' mais elle est certainement considérée comme
J Deus igitur
- et esse idem,
. - aut deus ab afio habet esse . . 1t~i,.¡ t~,·. ~;-;·.:. :-<..::1
telle. La suite immédiate donrie l'explication de la .f( ~- ~..(,:... dil .Lt-t
double conséquence :
Mais poser que Dieu est par un autre, ce n'est pas
Quomodo etiim poser que Dieu est - ce qu' on vient de faire pourtant
- est avec la nouvelle hypothese -, puisque Dieu n'est plus
- aut aliquid (attribut) est, Dieu s'il a besoin d'u~ cause:
. 1
a quo esse aliud1, etc. Et sic non ipse deus, uf praemissum est, [ estJ, r /1 11 'r
sed aliud ab ipso, prius ipso, est et est sibi causa, uf sit. -!
En d'autres termes, rien ne saurait etre ni etre
quelque chose s'il est étranger a l'etre. Si la seconde branche de l'alternative conduit
a une contradiction, c'est done la premiere qu'il
JI. Aut si est deus (a. démontrer). faut choisir.
Puisqu'il est absurde que Dieu ne soit pas, suppo- Les arguments qui suivent sont moins.compliqués,
sons· done qu'il est, tout en maintenant la these a mais ils procedent tous par l'absurde aussi, puisqu'ils
réfuter. 11 suit que: .\ ont tous pour point de départ la these que le Maitre
afio utique est, '
veut réfuter: «Si l'etre est autre chose que Dieu», et
cum esse sit aliud ab ipso. pour point d'arrivée une proposition jugée inadmis-
La · conséquence absurde .porte cette fois sur la sible. C'est ainsi que la deuxieme démonstration
nature de Dieu.: il ne serait pas la cause incausée de] aboutit a la négation ~e Dieu comme origine de l'etre,
tout. On ne peut poser a la fois que Dieu est et qu'il et la troisieme a la négation de Dieu comme créateur
est par un autre .. Pour expliciter cette contradiction, ou donneur d'etre ex nihilo. Dans ce troisieme argu-
l'auteur formule. l'alternative suivante : ou. bien on ment, · on voit que le fait de tenir l'etre de l'etre
lui-meme et celui de le recevoir ex nihilo sont équiva-
lents : le langage de Platon et ·celui de la religion
1. La formule quomodo est, .a quo (c'est-a-dire ida quo) se
signifient la meme chose. Quant a l'exemple fréquent
retro uve plus d'une fois sous d~s formes di verses. Par exemple :
Quo"!odo ergo .esset, quod... (Comm. Sag., § 296, LW}I, 631, 3; de· la blaricheur comme s·ource du blanc, il vient
quomo1~:,enjm es.,s_~t, iitter quod el 'úse ... (Pro/. a/'(EIIV. propos.,§ 13); d' Aristote et il est cominun, meme chez Thomas
etc.·. _; d' Aquiri, pour illustrer le rapport platonico-chrétien
u8 PROLOGUE GÉNÉRAL
§ u-1 3 : COMMENTAIRE 129
de l'~~re de la créature a celui du créateur2. Le propositione iam declarata, et ajoute dans le style sec et
quatrteme argument conclut- toujours sous l'effet de précis des logiciens :primo sic... , praeterea secundo, etc.
la m eme hypothese fausse - que Dieu n' est pas la
cause. pre~i~~e. Le cinquieme et dernier rappelle le La premiere démonstration est dominée par
premte~: stl etr~ est autre chose que Dieu, Dieu n'est
l'implication: «si Dieu n'est pas, ríen n'est». On aura
pas ou t1 est par un autre qui serait «son dieu et celui remarqué que depuis le § 12, les raisonnements sont
de tm.:~t ». Ces différentes conclusions inacceptables tous du meme type : la prémisse est formulée non pas
condutsent toutes a rejeter l'hypothese fausse dont de fac;on catégorique, mais a la maniere d'une hypo-
elles dépendent et a admettre sa contradictoire a these, comme les stoiciens, Boece, Abélard et d'autres
savoir que l'etre est Dieu. ' ~vaient enseign~ a le faire. Les deux propositions en
Il convient de noter . la confirmation de cette Jeu sont appelees de leurs noms techniques : le
proposition ainsi . démontrée par la référence a conséquent et l'antécédent, et la fausseté du consé-
Exode 3, 14. quent entraine celle de"'l'antécédent selon une regle
connue. L'auteur ne se contente pas d'énoncer
§ 1 ~. L~ para&rap~e s_uivant, consacré a la premiere l'implication qui constitue le creur de la preuve. 11
quest10n, a savotr «SI Dteu est», nous donne une idée ~~moi?tre. la conséc~uence, c'.est-a-dire le fait que
plus complete des techniques argumentatives du ltmphcatton proposee en est bten une. Cette démons-
Thuringien. Les habitudes de pensée et d'écriture tration est fondée sur le rapport etrefétant, illustrée
héritées de l'enseignement dispensé par la Faculté des par celui de la blancheur au blanc, et sur la proposi-
Arts y paraissent clairement. Apres 1'énóncé de la tion «l'etre est Dieu» établie plus haut. 11 démontre
question «si Dieu est», vi_ent ce~~i de la pos~tion prise encare la fausseté du conséquent, sur laquelle repose
par Eckhart : «Il faut dtre qu tl est. » Puts l'auteur celle de l'antécédent, en invoquant la nature, les
note que les démonstrations qui suivent se fondent sens et la raison, c'est-a-dire sans doute l'existence
sur la proposition précédemment démontrée: ex du monde extérieur, l'expérience de la sensation
et l'exercice de la raison : il ne se peut pas que rien ne
soit, puisque nous sommes la pour nous interroger
sur l'etre. ·
2. L'exemple du blanc et de la blancheur se trouve dans les
Catégories d' Aristote et par conséquent chez tout le monde Ce premier argument est done fort clair. 11 souleve
puisque les Catégories font partie de la /ogica vetus. A vant le~ cependant, avec les autres, une diffi.culté considérable.
La~ins, les néopl~to~iciens s'en. s<?nt servi. II faut remarquer Nous a_v~ms v~ ..que la démonstration de la premiere
qu aux §§ .s et 9· l_acctdent est pns m concreto en tant qu'inhérent proposttton («1 etre est Dieu») repose sur l'admission
dans !e s~¡et, ta~di~ que dans une formule du type omnia sunt alba
a/bed~ne_,_tl, est Pfts.z~ abstracto _dans sa fonction qualifiante, d'ou la préalable de l'existence de Dieu. Comment done la
posstbtltte de 1 uttltser pour tllustrer la fonction actualisatrice et solution de la question de l'existence de Dieu peut-
for~(!ll~ d~ ~·.~tr~ par rappo~ aux étants (voir Som. théo/. I, q. 44, elle dépendre de la premiere proposition? N' est-ce
a. 1, corps, q. 7, a. 2, ad 3 ; etc.). pas la un cas de pétition de príncipe? Eckhart
PROLOGUE GÉNÉRAL § 13 : COMMENT AIRE

démontre que Dieu existe au moyen d'une proposi- nous avons examinés tout a l'heure a propos de la
tion qui présuppose que Dieu existe. premiere preuve. Eckhart dorénavant ne procede
On ne peut sortir de cette difficulté par des plus par hypothese. Il remarque maintenant qu'il n'y
considérations formelles. Demandons-nous alors a P!lS de proposition plus vraie que celle qui exprime
quelle est l'intention de Maitre Eckhart: veut-il une tautologiet. Or Dieu est l'etre (esse), comme on
apporter la démonstration d'une vérité nouvelle, a la l'a démontré dans l'Opus précédent.. Done, dire que
fac;on des géometres? Ou dégager la cohérence d'un Dieu est ( deum esse), c'est dire que l'etre est l'etre ou
savoir dans lequel sa pensée est installée depuis que Dieu est Dieu, comme l'homme est l'homme.
toujours? Dans te cas, la «preuve» consiste a pré- Cet argument nous confirme dans l'idée que nous
senter autrement ce qui est déja connu. Ce n'est pas sommes dans la perspective d'une preuve «ontolo-
ríen. C'est organiser rationnellement une intuition, gique », car il ne s'agit pas de partir des effets de Dieu,
expliciter, mettre en ordre, les connexions internes mais de son idée, qui est précisément qu'il est l'etre
d'une doctrine qui porte sur des réalités religieuses et ou qu'il est, de sorte que rien ne peut se dire de lui de
mystiques. Quoique le Maitre ne se réfere pas au plus élevé que son identité asoi. On connait l'impor-
Pros/ogion, il est évident que sa pensée ici est proche tance que Maitre Eckhart a attribuée ala répétition de
de celle de saint Anselme. 11 ne prouve pas Dieu par «suis» dans «je suis celui qui suis»2.
ses effets : comment pro u ver le plus par le moins? La La prémisse augustinienne de la troisieme preuve - .
formule: «si l'etre n'est pas, rien n'est» n'exprime pas «aucune chose ne peut se fuir elle-meme» - nous
une démarche a posteriori, car elle présuppose la rappelle de nouveau le platonisme: l'etre ne peut se
relation paronymique dont la blancheur et le blanc fuir pour ne plus etre, pas plus que dans le Phedre
sont un exemple. Cette référence aristotélicienne est l'automoteur ne se délaisse lui-meme ou, dans le
le symbole d'une philosophie platonicienne qui, sus- Phédon, la vie peut etre la mort3.
pendue a l'Idée, pense l'étant par l'etre dont il La quatrieme preuve reste dans la meme optique,
participe. Dieu, qui est la condition de toute intellec- puisqu'il y est dit que l'etre est l'essence de Dieu.
tion comme de. tout etre, est done une donnée Cette prémisse classique est précédée de deux avertis-
premiere et, dans ·Ces conditions, la démonstration sements Sur la nature de l'essence, l'un emprunté a la
relative a son existence ne peut faire autre chose que tradition avicénienne, et l'autre a Augustin. Le pre-
de décrire la structure intellectuelle du systeme dont il mier indique que l'essence ne vient pas ala chose de
est la dé de voute. Comment s'expliquer autrement l'extérieur; on ne peut done la lui enlever ou la
que Maitre Eckhart n'ait pas été sensible au cercle considérer sans elle4. Le second nous apprend que
qui,' .sur le plan formel, est indéniable? ·
Le § 1 3 comprend quatre preuves. Nous revenons
1. Voir Comm. Ex.,§ 74, LWII, p. 77·
done secondement au «principal»,. c'est-a-dire a la 2. Voir ibid., § 14-21, LW II, p. 20-28.
qu~stion dont il s'agit- «si Dieu est»- en quittant les 3· PhMre, 245 e; Phédon; 106 d.
pfoblemes. de la tonséquerice et du conséquent que 4· Eckhart reprend id, de fa<_;on partielle et avec d'autres
PROLOGUE GÉNÉRAL § 13-16: COMMENTAIRE
l'essence est éternelle. Ici se place l'affirmation que 3. quoiqu'il ait créé, il crée mairitenant; 4· ce qu'il
l'etre (esse) est l'essence de Dieu (deus). Eckhart en commence a créer est achevé aussitot t. Comme il le
déduit que la proposition deum esse (littéralement: fait habituellement, l'exégete distingue done des par-
«Dieu etre») est vraie- puisque l'etre est l'essence de ties différentes dans le verset qu'il étudie et en traite
Dieu qu'on ne peut lui enlever - et que ce vrai est successivement. Les deux derniers points sont des
éternel. Done Dieu est. Le Maitre corrobore ce commentaires sur le temps du ver be dans « il a créé ».
conséquent en invoquant d'une part la dépendance de
tout ce qui est par rapport a !'etre, lequel est Dieu, et § 1 6. La premie re exégese porte sur deux éléments
d'autre part l'autorité de l'Ecriture : «Celui qui est du verset : « Dieu a créé » et «le ciel et la terre ». Dans
m' a envoyé. » La solution de la premiere question l'énoncé de son objet, au paragraphe précédent, on
s'acheve done, comme la démonstration de la pre- lisait déja que «le cieJ_ et la· terre » signifiait «le plus
miere proposition, sur une référence a Exode 3, 14, ce haut et le plus has et l)ar conséquent tout». Dieu est
qui montre encare. une fois que la démonstration done le créateur universel. Eckhart ne revient pas
rejoint l'autorité. la-dessus : ce qui l'intéresse ici, c'est d'établir que
Dieu seul crée, c'est-a-dire confere l'etre. Il précise
§ 14. L'auteur introduit dans ce paragraphe le qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter «de rien», paree
commentaire qu'il va faire sur le premier verset de la qu'avant l'etre, il n'y a rien. Le premier traité de
Genese. Ce commentaire, dit-il, s'appuiera encare sur l'CEuvre des propositions n'enseigne-t-il pas que l'etre a
la premiere proposition et portera sur quatre objets pour opposé le néant? « Créer de rien » est un pléo-
«dont on tirera aussi l'exposition d'autres autorités ». nasme, si créer veut dire donner l'etre. ·
La suite nous apprend que ce sera la la méthode .de Eckhart met done en reuvre dans sa démonstration
toute l'(Euvre des expositions et des sermons : dans des moyens que nous connaissons déja. ·La ·précision
l'exposition d'un seul passage sera comprise l'exposi- qu'il· apporte, a savoir que l'etre est conféré aux
tion breve et occasionnelle de beaucoup d'autres t. choses par l'etre seul, comme le blanc est conféré par
la seule blancheur, ne saurait nous surprendre t. Or
§ 1 5· Maintenant Maitre Eckhart énumere les Die u est 1'etre, etc. La conséquence, augustinienne et
quatre objets de sa nouvelle démonstration, fondée
toujours sur la proposition établie précédemment :
1. Dieu seul est le créateur du ciel et de la terre; § 15 1. Notre traduction de creavit par «il a créé>> et non par
z. il a créé in principio, c'est-a-dire en lui-meme; «il créa» est commandée, comme on le voit, par l'interprétation
que Maitre Eckhart donne du temps de ce verbe. On notera que
ni le Commentaire sur la Genise ni le Livre des paraboles de la Genise
ne se développent selon le plan proposé ici.
mots, la formule d'inspiration avicéníenne : «En tout créé, autre § 16 1. «De l'etre et de l'etre seul, d'aucun autre», dit notre
est l'etre-et par un·autre, autre est l'essence et non par un autre. » texte. Nous avons vu au § 8 qu'un autre que l'etre est un
§ !4 1. Voir le§ 7 du présent Prologue. non-etre et done qu'il ne saurait donner l'etre.
PROLOGUE GÉNÉRAL § 16-17: COMMENTAIRE

thomiste, en est que Dieu ne peut partager avec recourt plus d'une fois a cette comparaison tradition-
d'autres son action créatrice 2 • nelle, par exemple dans le Commentaire sur le Livre de la
Sagesse, ou il dit, entre autres choses, que la maison
§ 17· Le second point- «Dieu a créé in principio», n'est pasen sa totalité l'reuvre-de son constructeur et
c'est-a-dire en lui-meme- donne lieu a un développe- qu'il y a un lieu en dehors du constructeur ou la
ment pius importantt. La prémisse du raisonnement maison accomplit son devenir3. 11 en va tout autre-
est toujours que l'etre, avant lequel et en dehors ment des ouvrages de Dieu. Et, porté par un élan
duquel il n'y a rien, est Dieu. 11 suit que Dieu a créé spéculatif admirable, le Maitre'-s 'écrie, dans notre § 1 7
dans l'etre, c'est-a-dire dans le príncipe ou en lui- du Prologue général: « 11 ne faut done pas imaginer
meme et que l'objet de son action est. produit en lui. faussement que Dieu projetterait mi créerait les
Cela est évident, puisque rien ne peut etre ni devenir créatures en dehors de lui dans une espece d'infini ou
en dehors de l'etre, c'est-a-dire en dehors de Dieu. de vide.» Le passage tóut entier, dans un langage tres
L'étant suppose l'etre, mais c'est le cas aussi de ce qui simple, manifeste une grande force de pensée. 11 en
devient, car le devenir se termine a l'etre et n'existe ressort que le vide m! peut rien recevoir, qu'il n'est
pas pour lui-:meme ou dans l'indépendance par rap- pas un réceptacle, ni la fin d'une action. Créer, ce n'est
port a l'etre. pas plonger le monde dans le néant qui est 1' opposé
Pour s'expliquer, Eckhart recourt a une citation de Dieu, c'est au contraire l'~blir dans l'etre qui est
d' Augustin, qui vient renforcer la these que tout le Dieu 4• ·
créé est «de Dieu et en Dieu 2 », et a l'exemple de Malgré la clarté de ce texte, uf commentaire n'est
l'artisan, qui éclaire a contrario le cas du créateur. La pas inutile. Disons qu'il y a deux sortes d'intériorités :
maison est en dehors de son constructeur, paree que l'absolue, qui est celle de Dieu, et, en ce sens
les autres étants le sont aussi et paree que les rigoureux, Dieu ne sort pas de lui-meme pour créer;
matériaux dont elle est faite ne ·doivent pas leur la relative, selon laquelle le monde est en Dieu, paree
existence a l'artisan et ne sont pas en luí. L'auteur qu'il est sous son empire, comme tout étant est sous
l'empíre de l'etre qui, d'une cert'aine; maniere, descend
dans l'étant qu'il s'assimileS. De meme, il y a deux
2. Voir Comm. Gen., § 10-12, § 21; etc. Dans le Pro/. CEuv.
propos., l'auteur soulÍgne le fait que l'action divine est universelle
et immédiate- trait déja mentionné au§ 8 du présent Prologue. 3· Voir C'omm. Sag., § 291, LWII, p. 626.
§ 17 1. Cette interprétation du premier verset de la Genese 4· On peut rappeler ici qu'un des articles .condamnés en 1 2 77
est augustinienne et traditionnelle. Voir Comm. Gen.,§ 3, et la par l'éveque de Paris porte que l'engendrement du monde dans
note correspondante dans le présent volume. Mais il s'agit sa totalité suppose un vide préalable. Voir R. HISSETTE, Enquete,
moins, dans ce paragraphe, de la présence des créatures dans leur p. 283-284. .
cause divine que de leur sujétion a cette cause, qui est aussi une 5· Voir le§ 17 du présent Prologue. L'édition de Stuügart
. fac;qo d-'etreen Dieu lui-meine. cite en note BoNAVENTURE, Sent. !, dist. ]6, ad dub. 4: «Ün dit
·· :L Conf IV, u, 17. que toutes les choses sont en Dieu comme dans le principe infini
PROLOGUE GÉNÉRAL § 17-18: COMMENTAIRE 137

extériorités: la premiere, absolue ' se confond avec le chose, non au second. Cette adjonction a ~'étant
, sígnífie, pour Maitre Eckhart, qu'il peut y avoir de
nean.t; la seconde, relative, n' est autre que l'intériorité
relattve 6• Eckhart a enseigné maintes fois que sous le l'etre en dehors de tout étant, c'est-a-díre de toute
rapport de la premiere intériorité, Dieu crée le monde ~réature, «tandis qu'en dehors de l'etre, ríen ne peut
en meme te~ps qu'il eng~ndre so~ Fils, tandis que, etre».
du second pomt de vue qut est celut de la créature la
Parole de Dieu retentit deux fois, selon que Dieu agit § 18. 11 s'agit maintenant, ·comme dans le para-
en lui-meme en engendrant le Verbe, ou en dehors de graphe suivant, du temps passé du verbe «créer» dans
lui-meme, pour ainsi dire, en créant le monde. le verset en questíon. La these d'E~khart est que
Mais revenons a notre paragraphe 17. L'auteur l'emploi de cette forme grammaticale ne doit pas
observe qu.e 1~ texte porte «dans le príncipe» et non nous faire rejeter l'action de Dieu en dehors du
«par _le prtnctpe >~. Il note que 1' explication qu'il a présent. Son argume1:_1_tation allie cette fois le theme
donnee du premter verset de la Genese permet de du Dieu-etre, qui agit «dans l'etre et pour l'etre»,
rendre compte de plusieurs textes bibliques qui par- a celui de 1'etre comme premier . commencement
le~t, par exemple, du but de Dieu, qui est que tout et príncipe de tout. Le mot «príncipe» signifie
ICl «commencement», non pas paree que l'action
extste, de !'apRel.adressé par Dieu a ce quí n'est pas.
E~khart atme a ctter la paro le de la Sagesse : «Die u a de Di~u serait com;ue comme temporelle, maís au
créé toutes choses pour qu'elles fussent», paree qu'il contra1re paree que son éternité la rend toujours
y découvre l'idée que par elles-memes les choses ne présente. Le Thuringien interprete en ce sens les
sont pas, devant leur etre a Díeu en qui elles le texte~ bibliques relatifs au renouvellement qu'opere la
possedent tout entier. Le paragraphe se termine avec ctéatton: «Toute chose est rendue nouvelle ' écrit-il
. .

la r_nenti<,m ,~'un texte céle~re de Boece~ qui oppose ce ailleurs, quand elle res:oit l~etre t.» De meme, la
qut est a 1 etre : au premter peut s'aJouter quelque formule d'IsaYe «le premíer et le derníer» ( novissimus)
signifie a ses yeux que Dieu est maintenant a !'origine
de tout. «Premier » et << dernier » prennent un sens
temporel pour que le paradoxe de leur rencontre nous
qui ne peut rien faire en dehors de soi, mais dont la puissance fas~e comprendre qu'il n'y a en Dieu ni passé ni futur,
enveloppe toutes les choses. » mats le seul présent, de sorte qu'avoir créé ne veut
6. Les points de vue de l'intériorité et de l'extériorité dési- rien díre d'autre en réalité que créer2. Etre «dans le
gnent de fac;on différente la meme créature : d'un coté la
créature appartient a Dieu- c'ést l'intériorité- mais d'un a~tre príncipe», e' est etre fin et commencement a la foís;
cóté, elle s'en sépare, et cette extériorité l'affe~te de caracteres
népatifs. La .thé~rie de l'e~~e double ( duplex esse) de toute
creature constste a opposer l etre de la créature en Dieu, au sens
fort, a son etre en dehors de Dieu, etre «le plus souvent infirme § 18 1. Serm./at. XLI, 1, §416, LWIV, p. 352·
et v~xia~le!>.(voir Comm. Gen., § 77 et la note correspondante z. Parmi plusieurs textes, voir Comm. S ag., § 33, LW II,
dans le present volume). p. 354·
PROLOGUE GÉNÉRAL § 18-19: COMMENTAIRE
c'est commencer toujours, naitre ~oujours, etre né d'apprendre que le temps passé du verbe «créer» esta
toujours. Dans le meme contexte, il arrive que Maitre convertir en temps présent. Maintenant, c'est _en
Eckhart fasse allusion de fa~on plus explicite a la quelque sorte l'inverse qui se produit, paree que
génération du Fils 3. Mais ici il revient a la quesdon de l'action de Dieu qui s'exerce au commencement se
la création en citant saint Augustin qui a parlé des révele comme achevée au meme instant; « simultané-
ceuvres passées de Dieu comme étant a créer et créées ment elle se fait et elle est faite, simultanément elle
aujourd'hui. Comment exprimer mieux le défi que commence et elle est parfaite». L'action de Dieu
jette aux intelligences qui ¡;ensent dans le temps le commen~ait toujours. Maintenant, elle est toujours
statut éternel de Dieu? finie. En Dieu en tant qu'etre, le passé est le commen-
A la fin du paragraphe, le¡Thuringien se résume en cement, paree que l'ette n'est pas antérieur a lui-
revenant en arriere d'une étkpe : « dans le príncipe» meme; et en Dieu en tant qu'etre encore, le commen-
veut di re «en lui-meme »; « dans le príncipe» signifie cement est la fin, paree que l'etre n'est pas postérieur
aussi «dans le commencement», c'est-a-dire aujour- a l'etre. - ' ,. '
d'hui pour la premiere fois : ce que Dieu a fait, c'est Nous avons rencontré plus haut la notion d'~vant
maintenant qu'il le fait. En reprenant l'exemple· de l'etre: nous savons qu'avant l'etre il n'y a ríen 2 • La
l'artisan, dont il s'était serví au paragraphe 17, notion de fin amene ici l'idée d'apres l'etre : or, apres
Eckhart releve que ces deux sens de in principio sont l'etre il n'y a ríen non plus, paree qu'il n'y a ríen a
inconcevables dans cecas : l'artisan agiten dehors de ajouter a l'action de Dieu. Le devenir s'acheve en
soi - premiere différenc~ par rapport a Dieu - et il dehors de lui-meme, dahs 1' etre 3; mais 1'etre comme
abandonne son ouvrage, paree que son action cesse, tel n'a pas a devenir : il n'y a ríen apres lui qu'il aurait
alors que l'opération de Dieu est toujours en train de a etre. Le mouvement dure, tant qu'u~ etre ou une
se faire. chose n'a pas acquis les propríétés appartenant a son
essence4. L'auteur reprend ici l'exemple de la maison
§. 1 9· La quatrieme et derniere exégese du début de pour faire comprendre que ce qui est ne devient pas,
la Genese est . construíte non plus sur 1' opposition quoique,' sous le rappo~t de l'accident, ce qui est
des termes d'ancien et de nouveau, mais sur l'anti- puisse éonnaitre un « apres ». En expliquant ainsi le
these du commencement et de. la. fin t. Nous venons premier verset de la Genese, Eckhart éclaire d'autres
textes bibliques dans lesquels apparait ce meme temps
passé parfait, comme on le voit a la fin du paragraphe.
3· Voir l'association d'idées dont il est question, dans Comm.
]ean, § 582, LWIII, p. po; Serm. lat. XV, 2, § 155, LWIV,
147-148; etc. L'action divine ad intra est l'action divine premiere 2. Voir § 12, 3e et. 5e argument; § x6 et aussi § 17 . . .
et exemplaire. · . . . 3· «Le devenir est, paree qu'il est rapport a l'etre» (Quest.
§ 19 1. Ap. 1, 8; 22, 13. Voir Comm. Ex.,§ 85, LWII; p~ 88 par. V,§ 4, LWV, p. So).
et l.a-t)ote F~ · 4· Vóir le 'Pro/. miiV: prop., § 14.
PROLOGUE GÉNÉRAL § zo-zz : COMMENTAIRE

§§ 20-21. L'exégese proposée par l'auteur s'acheve dues perceptibles a l'intelligence dans la créature.
par un résumé qui n'est peut-etre pas de luí, car il L'auteur y rappelle aussi que saint Augustin a lu dans
correspond de fa~on maladroite a son texte, contrai- le livre d'un pJatonicien une grande partie du premier
rement au résumé qu'on lit dans la Tabula prologorum chapitre de l'Evangile selon saint J ean, et en particu-
et qui porte manifestement la «patte» du Maitre. lier qu' au commencement était le V erbe 1• Done, la
Tout se passe comme si le rédacteur avait mal raison naturelle, qui est ordonnée a Dieu, peut
distingué, dans la considération de l'action de Dieu, atteindre de grandes vérités de la théologie. Elle y
la conversion de l'ancien en nouveau (§ 1 8) et la parvient d'un coup d'aile, a la maniere des platoni-
transformation du nouveau en achevé (§ 19). Mais ciens qui, a !'avance, rendent hommage au Verbe de
c'est bien ces deux points de vue qu'il indique dans la Dieu. Elle y parvient aussi de fa~on indirecte par le
phrase finale du paragraphe 21 : «Par o u [Dieu] biais de la science aristotélicienne de la nature, qui
acheve et finit, il commence, paree que la fin est le produit sans cesse les signes de la vérité chrétienne et
commencement, et par ou il commence, il finit ou les donne a connaitre a la raison supérieure. Partout
acheve, paree que le commencement est la fin, livres ou l'on voudra sonder ce qui reste de l'(Euvre des
premier et dernier de 1' Apocalypse. » expositions, on trouvera de continuelles et d'admi-
rables correspondances entre les vérités des sciences
§ 22. En conclusion, Eckhart revient sur la puis- de la nature et celles de la théologie. Il n'y a done pas
sance explicative de la premiere proposition dans une lieu de craindre que Maitre Eckhart humilie les
déclaration tres ferme qtii peut laisser perplexe. On vérités relatives a Dieu au niveau d'une raison natu-
obtiendra, dit-il, la solution facile de presque toutes relle tout humaine et indigne de Dieu.
les questions par une déduction bien conduite apartir Dans les dernieres lignes, l'auteur annonce qu'on
de la premiere proposition - sans préjudice sans lira au début des CEuvres correspondantes un exposé
doute de celles qui vont de pair avec elle. Nous plus complet de la proposition, de la question et de
venons d'observer un exemple de démonstration: l'autorité ici présentées.
elle ne consistait pas a ramener Dieu a la mesure de la
raison humaine; c'était plutót celle-ci quise dépassait Les deux parties du Prologue général sont disparates
en se laissant investir par une intuition supérieure. et l'unité littéraire de ce texte en souffre, meme si l'on
Comment comprendre alors l'affirmation subsé- considere sa seconde moitié comme une · reprise du
quente que « presque tous les passages bibliques theme de la méthode, annoncé au § 1 et traité au § 7· Il
concernant Dieu, quelque obscurs et difficiles qu'ils est évident cependant que la conception du transcen-
puissent etre, s'expliquent clairement par la raison . danta!, telle qu'elle a été exposée dans la premiere
naturelle »? Eckhart argumente en ,recourant, dans le remarque préliminaire, domine tout le morceau et en
Prologue de .l'Exposition sur , l'Evangile de saint
Jean, au célebre passage de l'Epitre aux Romains,
selo_!ll~qucJ les choses invisibles de Dieu sont ren-· · t. § 2 et 3, LWIII, p. 4·
PROLOGUE GÉNÉRAL- 1
1
1

assure l'unité doctrinale profonde. Le transcendantal !


a son fondement en Dieu; il est Dieu. On ne peut
imaginer que l'etre de Dieu enlevé, l'etre de la LE PROLOGUE
créature demeure. C'est pourquoi la juxtaposition de A <<L'CEUVRE DES PROPOSITION.f)>
l'etre divin et de l'etre créaturel n'est pas absolue ou
ultime. Certes, i1 y a quelque chose en dehors de Le deuxieme Prologue devrait etre plus simple et
Dieu, mais ce quelque chose ne saurait entrer en plus facile que le premier, puisqu'il prépare le lecteur
rivalité avec lui, puisqu'il tient sa réalité de luí; il est a l'étude d'un seul ouvrage, mais son degré. de
done aussi bien a l'intérieur de Dieu, comme l'acci- technicité est plus grand. En commen~ant, l'auteur
dent dans le sujet. Ce qui signifie que la créature a son annonce, a titre d'introduction, des observations
etre véritable en dehors d'elle-meme. Il est vrai préliminaires concernant le premier traité et plusieurs
que la pensée d'Eckhart, prise dans !'ensemble de des suivants (§ 1). Il en donne deux (§§ 2 et 3),
ses expressions, est « mouvementée, irréductible a la puis indique, toujoúrs a titre d'introduction, quatre
stabilité doctrinale d'un systeme fermé 1 ». Mais la theses (§ 4) qu'il développe ensuite l'une apres l'autre
lecture du seul Prologue général, avec celle d'ailleurs du (§§ 5-24). Ces quatre theses et leur développement
Prologue a l'CEuvre des propositions, ne donne nulle- constituent l'essentiel du Prologue. Elles sont présen-
\ ment cette impression de défi a la cohérence. tées comme des conséquences des deux avertisse-
\ Il est évident d'autre part que le Dieu eckhartien ments. La numérotation des parties de l'argumenta-
n'est pas un absolu «philosophique» vidé de subs- tion recommence avec elles. Le résumé sur lequel
tance religieuse. Le Maitre veut exprimer, au nom s'acheve le Prologue (§ 25) introduit une division
d'une pensée plus aigue et d'une volonté plus intense, continue, non pas en six points, mais en sept, le
les exigences memes de la religion. Loin-d'aller contre deuxieme étant divisé en deux. On peut se demander
la foi, la -grace o u la . révélation, il en recherche si ce résumé est bien de l'auteur 1 , mais il n'est pas
l'inspiration pour en traduire le pur enseignement. nécessaire de penser qu'il y a un flottement dans le
plan du Prologue.

Le Prologue général nous avait appris que la premiere


§ 2.2. _x. VI. LossKY, Théologie négative, p. 339· L'auteur sou-
ligne cependant que la pensée d'Eckhart «reste fidele a elle- proposition était esse est deus, «l'etre est Dieu»; nous
meme malgré les perspectives changeantes qu'elle adopte». Il ne sommes done pas surpris de retrouver cette
fait a la page suivante cette réflexion pénétrante: « ... Seule proposition en tete du Prologue a l'Opus propo-
l'analogie qui ne laisse pas de place pour une autonomie sitionum. Mais alors que le premier Prologue se
quelconque de l'ordre créé pourra servir vraiment la cause de contentait d'indiquer la démonstration de cette these,
Dieu sur la voie de l'union car elle montrera le néant de tout ce
qu'on appelle l'etre propre des créatures et, en m~me temps,
l'unité d'etre avec Dieu ou, plutot, l'unicité de l'Etre qui est
Dieu?.,participée par tout ce qui est. » x. Voir la note 2. de la page 181 de l'édition de Stuttgart.
144 PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS § 1-2: COMMENTAIRE 145
l'enseignement présent d'Eckhart va déborder le prononcés et sans que le premier avertissement porte
cadre du premier traité de I'CEuvre des propositions et sur cette distinction, nous sommes sur le meme
porter non seulement sur l'etre, mais encore sur terrain que dans le premier prologue. Il est assez
l'unité, la vérité et la bonté. 11 concernera done les curieux que le point de départ du Prologue : «de
quatre premiers traités. En fait, sa signification est meme que blanc signi!le la seule qualité», soit placé
plus étendue, et il s'agit bien d'une introduction par l'auteur sous les auspices d' Aristote 1, puisque la
a l'CEuvre des propositions1 consistant a présenter la doctrine d'Eckhart est souvent, mais non toujours,
. nature et les effets propres de Dieu et de la créature et d'inspiration néoplatonicienne. Mais c'est un procédé
le rapport qu'il y a entre ces deux póles de la réalité. constant du Maitre de transposer la science aristotéli-
cienne dans sa propre perspective métaphysique ou
§ 1. Apres l'énoncé de la premiere proposition du théologique et de lui donner de la sorte une portée
premier traité, l'auteur rappelle l'objet de ce traité nouvelle; c'est la une dé de son exégese. Ce n'est
dans les termes memes qu'il a utilisés au § 4 du done pas seulement Paccident blanc ou blancheur qui
Prologue général. Puis il annonce « certaines » observa- constitue id une métaphore, mais la proposition
tions préliminaires. 11 les présentera dans les deux aristotélicienne tout entiere dans laquelle le mot
paragraphes suivants 1. s'insere.
Dans le passage des Catégories auquel Eckhart fait
§ 2. La premiere observation préliminaire met en allusion, le Stagirite enseigne que la substance
présence les paronymes blancfblancheur, étantfetre, seconde -le genre ou l'espece- signifie une qualité et
unfunité, etc., honnetefhonneteté, etc., et leurs non un individu, mais il précise qu'elle ne signifie pas
oposés comme malfmalice, fauxjfausseté, obliquefo- une qualité simplement - « comme blanc ne signifie
bliquité, etc. Le premier couple ne constitue qu'une qu'une qualité» -, mais une qualité possédée par des
métaphore, mise d'ailleurs en évidence par la cons- individus. «Homme» ou «cheval» implique en effet
truction grammaticale: «de meme que ... , de meme»; un rapport aux substances premieres, les hommes ou
il est compasé d'accidents, tandis que les couples les chevaux, qu'on n'observe pas dans « blanc» ou
suivants sont empruntés aux termes généraux au sens « rouge » qui ne signifient que la rougeur o u la
que ce mot re~oit dans le Prologue général1 § 8. Sans blancheur. «Blancheur» est la signification complete
que les mots «accident» et «terme général» soient de blanc; « blanc » dépendant totalement de la blan-
cheur, ne peut, en tant que blanc, signifier qu'elle.
11 suit que l'accident « blanc» n'est pas considéré,
§ I I. Le meme adverbe prooemialiter («a titre d'introduc- comme dans le premier Prologue, dans la valeur
tion») figure au § 1 et au § 4, mais la différence des formules
indique que les deux premieres observations constituent une
ontologique qu'il tient de son sujet, mais dans la
introd~c~on logiquement antérieure a la seconde : ... quaedam
pr?o~mraltter sunt PRAEnotanda ... (§r); notandum ERGO prooe- ·
Jmalrter.;.-(§ 4)·' §2 1. Catégories 3 b I 9·
1
!
i
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS § 2.-3 : CÓMMENTAIRE 147
portée séinantique qu'il ne tient que de lui-meme ou termes négatifs : la malice, par exemple, a-t-elle le
plutot de sa forme abstraite. «Blanc» ne renvoie pas meme statut que la bonté? Evidemment non, mais
ici a la chose blanche en vertu de laquelle il existe in une proposition du type « Pierre est méchant» ne
rerum natura, niais a la blancheur qui luí donne son laisse pas de signifier la méchanceté de Pierre, comme
etre-blanc a défaut d'etre tout court. Dans le Pro- «Pierre est bon » en signifie la bonté. Disons simple-
logue précédent,- « blanc» exigeait autre chose - une ment que de meme que « mauvais)) ne se comprend
eh ose - pour exister; maintenant « blanc» considéré que par rapport a « bon)) qu'il nie ou limite sans
en tant que tel renvoie asa propre perfection 2,. parvenir a le détruire, de meine la malice est une idée
Ce qui constitue, disions-nous, une comparaison négative ·qui, comme toute idée, indique une perfec-
ou une métaphore, puisque «blanc» et «blancheur» tion, mais la perfection d'une absence qui, dans les
sont des accidents, tandis qu'«étant» et «etre» sont faits, ne se réalise jamais totalement 4 •
des transcendantaux. Mais; ici et la, la structure de la On peut dire que la· doctrine qui fait le fond de ce
proposition est la meme: «Comme blanc signifie la deuxieme paragraphé est la version sémantique de la
seule qualité, ainsi étant signifie l'etre seulement. » En doctrine de la participation. En effet, si l'étant signifie
effet, «étant» pris en tant qu'étant ne signifie rien l'etre, c'est que celui-ci l'a constitué comme étant : il
d'autre que la pure nature ou la perfection de l'etre; signifie l'etre dont il participe. Le Prologue général
esse est la signification complete et unique d'ens, a offrait plusieurs exemples du rapport blancheur-blanc
condition qu' ens soit considéré comme tel, in quantum illustran~ la relation de l'etre a ce qui re~oit l'etre. 11
ens. enseignait aussi que le supérieur descend dans l'infé-
Dans la suite du paragraphe, nous le savons, le rieur ct se l'assimile. L'inférieur peut done signifier le
Maitre situe les autres transcendantaux dans la meme supérieur descendu en lui: Si « tout est vrai par la
perspective et y ajoute les perfections spirituelles sous vérité», comme l'écrit· Augustin, au début du Lit.Jre
leur double forme, comme «juste» et «justice»3. 11 des 3] questionss, il est évident que tout vrai signifie la
mentionne encore les opposés de certains de ces vérité, tmit un l'unité, et ainsi de suite.
termes sous leur double forme paronymique encore.
Il faudrait se demander quelle valeur donner a ces § 3. Si nous passons maintenant a la deuxieme
observation préliminaire, nous voyons l'auteur y
souligner les oppositions suivantes:
2. Sur l'accident pris abstraitement, voir THOMASd' AQUIN, In
.
Metaphys. VII, 1, Marietti, p. 317, § 1254-1255; EcKHART, '

4· La doctrine eckhartiemie du mal est celle que les médié-


Comm. Ex., § 63, LWII, p. 67-68.
vaux ont rec;ue d' Augustin et de Denys. Voir, par exemple,
3. Cet exemple c;st fréquent sous la plume d'Eckhart. Dans le Comm. Gen., §136, ci-dessous; Comm. Sag., § 220, LWII,
Commentaire sur i' Evangile de Jean, § 16, LW III, p. 14, le cas du p. 556: «L'homme impie, e_n, tant qu'homme, est; en tant
juste et de la justice est associé aussi a celui du blanc et de la ·qu'impie, il n'est pas oun'est rien, cómme aussi 'le péché n'est
blancheur. De meme au § 172 du meme ouvrage et ailleurs rien'. » · · · · · ·· · ... ·
~ncor~;_·· 5. LXXXIII Qu., q. t (BA to p. 5z). ·
r
·r~·,.·

'.

-
148 PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS § 3 : COMMENT AIRE 149
t
étant étant ceci et cela ( hoc et hoc) L'auteur continue en disant qu'a ces deux emplois
etre absolument etre de ceci et de cela ( hujus et des transcendantaux correspondent deux types de
hujus) prédication. Je dis ou il est dit : , .
bon absolument bon ceci et cela, de cec1 ou quelque chose étant ou quelque chose etant cec1
pour cela un un
Dans la Collatio in libros sententiarum ou il utilise vrat vra1
pour la premiere fois, a !'instar de Boece, la répétition bon bon
du pronom «ceci», il écrit que «tout muable est ceci Cette formulation est la plus simple. Sans l'expres-
et cela, et n'est pas simple; en effet, il demeure sous sion introductive « je dis » o u «il est dit », il vient :
un rapport et varie sous un autre ». Dans notre quelque chose est ou quelque chose est,ceci .
Prologue, hoc et (o u aut) hoc ne désigne pas la ou est étant ou est etant cect
complexité de la chose qui change, mais la détermina- un un
tion qui affecte une chose et fait d'elle un étant - vrat - vra1 -
secundum quid ou limité et non plus simpliciter ou - bon - bon -
pris absolument. La répétition du hoc dans hoc, et Dans les colonnes de gauche ci-dessus, les trans-
hoc indique la généralisation ou l'indifférence : peu cendantaux sont les prédicats de la proposition. Dans
importe en effet la nature de cette détermination, c'est les colonnes de droite, ils cedent ce role au hoc,
la détermination comme telle qu'on prend en consi- «ceci»: ce qu'on dit du sujet, ce n'est plus qu'il est,
dération et qu'on traite en quelque sorte algébrique- qu'il est un, etc., mais qu'il est ceci. Cette fois, les
ment. Cet usage limitatif du hoc a des sources augusti- transcendantaux sont relégués au rang modeste de
niennes et thomistes 1. Il rappelle aussi l'usage néopla- copules, c'est-a-dire d'instruments de liaison ~u pré-
tonicien du n dans 't'L ocytX66v, par exemple, opposé a dicat au sujet. La distinction des deux foncttons du
~ÓTotXytX66v2. verbe etre est classique3, mais Eckhart lui donne un
relief nouveau dans le cadre de sa théorie des trans-
cendantaux. La prédication d'étant entraine celle d~s
autres transcendantaux dans une structure proposl-
tionnelle ·identique, et l'utilisation d'étant comine
1. Voir AuG., Trin. VIII, 3, 4, cité dans Comm. Ex.,§ 17,
copule déclenche l'atribution a tous les tra~scendan-
LWII, p. 22-23; THOMAS, Som. lhéol. 1, q. 44, a. 2, corps; q. 45,
a. 5, corps, etc. Voir aussi A. de LIBÉRA, «A propos de quelques taux ·de la meme fonction simplement logtque. .
théories logiques de Maitre Eckhart ( ... )», Revue de lhéologie el de I1 apparait done immédiatement que les pr~post­
philosophie, 113 (1981), p. u-12, note 30. tions des colonnes de gauche ont une valeur existen-
2. Par exemple, PROCLUS, Théol. Plal. 11, 7, Saffrey-Westerink,
p. 5o, ou «un certain bien» est opposé a u «Bien lui-meme », et
p. 50 ou il s'agit du Bien seul sans les adjonctions qui seraient
pour lui autant de soustractions. Du meme auteur, De provi- 3· Voir THOMAS d' AQUIN, L' Eire. el 1' Essence (De ente el
drntia, Bo.ese, .§ 31 -: quoddam unum f le aulounum; etc. essenlia), début du chap. 1.

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l!
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1!
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PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS § 3 : COMMENT AIRE lp

tielle, tandis que les propositions de droite en sont l'auteur cite la formule connue d' Avicenne, selon
dép~urvues, puisqu'elles ne font que prédiquer un laquelle la chose tient d'un autre le fait d'étre, mais
«cect,», c'es~-a-dire un~ déterminati<;m spécifique. La non pas ce qu'elle est s., Ainsi « l'homme est un
pensee se deplace de 1 ordre de l'extstence a celui de animal» n'implique aucune cause extérieure; mais des
. l'essence. En méme temps, les transcendantaux pas- qu'il s'agit de l'etre de l'homme, voila qui renvoie a
sent du statut de secundum adjacens a celui de tertium une cause extrinseque, puisqu'il n'est plus question
adjacens: ajoutés d'abord au sujet comme seconds d'un hoc, mais d'un ens qui signifie l'etre.
termes de la proposition, ils s'ajoutent ensuite au Les médiévaux n'interpretent pas tous la proposi-
prédi~a~! devenu «ceci», comme copules en prenant tion «Martín est un homme» comme le fait Maitre
le trotsteme rang dans la proposition 4. Eckhart; Thomas d' A quin en particulier lui conserve
Quand .les transcendantaux sont prédicats, nous une valeur existentielle. On peut penser q~e les avis
appre~o?s qu'ils sont pris formaliter ei substantive, tranchés sont bien du gout d'Eckhart, mais il faut
e est-a-dtre selon leur nature et comme réalités. Alors noter surtout qu'en· opposant le ens et le hoc, Eckhart
la premiere observation est valable: l'étant entendu exprime sa préoccupation fondamentale, qui domine
de cette fa~on signifie l'étre seulement, l'un, l'unité tant de paragraphes des Prologues, a savoir la réser-
seulement, etc. Il suffit de dire «Martín est », potir que vation de l'etre en tant qu'etre au seul etre lui-meme,
le p_robleme _de l'étre de Martín soit impliqué de fa~on afin que soient vérifiées les oppositions du type
radtcale, putsque Martín signifie l'étre. Mais quand etre-néant, possession-privation, don-réception, etc.
on di_t «Ma,rt~n e_st ceci (homme, par exemple)», la La dévaluation du hoc que nous observons ici est
fonctton predtcattve du «est» et des autres transcen- fort compréhensible, puisque l'usage courant de la
dantaux s'efface : il ne s'agit plus d'un étant mais détermination - lion, feu, pierre, etc. - nous laisse au
d'un, hoc q~i, ~omme t;J, n'est J?as, puisqu'íl n';st que niveau de la considération des créatures. Nous ne
la determtnatton de 1 etant pnse comme détermina- pouvons dire, du moins au sens propre, que Dieu est
tion. Si Eckhart disait <<hoc enn>, «cet étant» il lion, feu ou pierre, tandis que les transcendantaux qui
s'.agirait d'une existence, encore que limitée; maÍs il sont tellement plus généraux que les especes. et les
dtt <~ ens hoc )>, << étant ceci », potir montrer que sa genres sont attribuables au premier príncipe. Il est
pensee t~~be ·sur le hoc et non sur le ens, que le hoc est done naturel que Maitre Eckhart utilise le hoc et hoc
done predtcat et le ens, métamorphosé en simple pour désigner la créature, et les transcendantaux pour
copule. . désigner Dieu. Quoiqu'elle ne soit guere aristotéli-
, L_e § 3 ?e la !'abula prologorum est particulieremént
eclatrant a cet egard, de meme que les passages ou

5. L'auteur fait allusion a cette formule a u § x3 du Prolog11e


.4· Voir ARISTOTE, De l'interprétation, chap. xo et le commen- ,f!,énéral. Passage parallele remarquable: Conm1. Sag., § zo, LW II,
tatre d(!-·S; -Thomas ·sur ce passage. . · p. 341-342.
qz PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS § 3-4 : COMMENTAIRE

cienne, cette métaphysique use du langage technique . La premiere proposition, a savoir que I?ieu seul est
que. fournit l'aristotélisme. . aproprement parler ~tant, chose une, vrate et ~onne,
Mais il y avait une autre tradition, que le Maitre est reprise dans les me me~ termes dans _les §§ 5 a 8. La
n'ignorait pas plus que la précédente, celle qui voyait deuxieme proposition qut est : «Par lut toutes choses
dans les déterminations des choses des raisons divines sont sont unes sont vraies et sont bonnes », prend la
) ) 1'
plutot que les objets d'un savoir propre a l'homme. forme au § 9 : «De D.ieu se~l toutes choses ont. ~tre,
A

L'Opus propositionum, dans son traité onzieme, devait l'etre un l'etre vrat et 1etre bon. » La trotsteme
l'attester, comme le font bien d'autres textes eckhar- propositi~n a la teneur suivante : «De lui immédiate-
tiens qui ont survécu. Alors la perspective change : ment toutes choses possedent (le fait) qu'elles sont,
non seulement le «ceci» remonte a son fondement qu'elles sont unes, qu'elles sont v~aies, qu'elles sont
dans la ratio divine correspondante, mais encare il se bonnes» et réapparait comme sutt au § 13 : «Tout
charge de la plénitude d'etre dont Dieu jouit. Le étant et ~hacun notLseulement tient de Dieu tout son
langage philosophique, cette fois, est emprunté a etre , toute son unité ' sa vérité et toute sa bonté,
.
mais
Platon ou a Augustin : par la création, les rationes encare illes tient de lui immédiatement sans aucune
divinae se doublent de leurs images dans les choses. es pece d'intermédiaire. » ~n~n la 9uatrieme prop?si-
L'etre n'est plus accordé a une essence indigente; il ne tion s'énonce: «Lorsque ¡e dts cet etant ou un-cect ou
cesse d'accompagner l'idée ou la quiddité et passe un-cela vrai-ceci-et-cela, le ceci et le cela n'ajoutent
avec elle d'un état premier et divin au statut second ou n'apportent absolument rien en fait d'entit~,
qui est celui de la créature. Ces deux conceptions ne d'unité, de vérité ou de bonté a l'étant, a l'un, au vrat,
sont pas antinomiques; elles constituent des fac;ons de au bon»· elle devient au § 15 : «L'étant-ceci-ou-cela,
parler. La preuve en est qu'on retrouve dans la l'un-ceci~ou-cela, le vrai-ceci-ou-cela, le bon-ceci-ou-
seconde l'essentiel de la premiere, a savoir la dépen- cela en tant que ceci ou cela, n'ajoutent ou ne
dance pure de l'inférieur par rapport au supédeur. conferent ríen en fait d'entité, d'unité, de vérité et de
L'image en effet a-t-elle d'autre etre que celui de son bonté. » La premiere proposition réserve .~ Dieu le
modele? Nous apprendrons d'ailleurs au § I I que le sens propre des transcendantaux; la, deuxt~me et la
hoc s'enracine en Dieu lui-meme. Abordons pour le troisieme affirment la dépendance a cet egard de
moment le second groupe d'observations introduc- toutes choses par rapport a lui, et cela de deu~
tives qui, on le sait, sont au nombre de quatre. fac;ons : elles dépendent de lui ~~u/ et dépen~e.nt de lut
immédiatement; enfin, la quatneme proposltlon sou-
§ 4· L'objet de ce paragraphe est de les énumérer, ligne la ~iffé~ence qu'il y ~ entre le_s ~r~nscendanta?x
annoncés par l'adverbe prooemialiter comme l'ont ét~ propres a Dteu et le « cect » caractensuque des crea-
les deux premiers avertissements au § 1. Nous exami- tu res.
nerons leur rapport avec ce qui précede, avant Les deux premiers avertissements: «L'étant si-
d'étudier les développements qu'on trouve dans les gnifie l'etre seulement», et la di~tincti~n de la prédica-
paragraphes·suivants. don de I'étant et de celle du cec1, domment nos quatre

1
1
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS § 4 : COMMENT AIRE
154

propositions. En effet, la distinction d'étant comme les propositions deuxieme et troisieme, au rapport
~rédicat ~t d'éta~~ comt?e .cop~..le, commandée par
indiqué par la formule «par lui toutes choses sont».
l affirmatl?~ qu~ 1 etan~ stgntfie 1 etre, gouverne a son Le renvoi a l'etre seul implique que l'etre est dans un
tour l~. dtsttnc~ton qut survient maintenant, au § 4, rapport immédiat a l'étant. Enfin, la mention de
entre .1 etant prts au sens propre et l'étant qui procede 1'(( étant-ceci)) a la fin du deuxieme avertissement est
~e l'-:1. L~s relations de signification et de participa- reprise dans la quatrieme proposition.
tton tmpltquent en effet un terme second et un terme Quoique la doctrine de l'analogie ne soit pas citée
prem~:r: celui-~i. est ~'etre que celui-la signijie. La
ici, il est permis d'y penser, surtout quand on sait que
premtere proposttton reserve done a Dieu le transcen- dans ses Lefons sur l' Ecclésiastique Eckhart a renvoyé a
dantal proprement dit, et les propositions deuxieme ce sujet «au premier livre des Propositions 1 ». L'affir-
et troisieme décrivent la relation de subordination des mation que Dieu seul est proprement étant évoque en
étants par rapport a l'étant premier qui est l'etre. On effet la these selonJaquelle l'analogué principal est
recon?a~t ~ans ce~ étants subordonnés les posteriora
seul a posséder le terme analogue. Comme on le sait,
do?t ti etatt questton au § 10 du Prologue général; les Eckhart ne craint pas d'illustrer le rapport de la
prrora, repré.s,entés ici pa.r .Dieu lui-meme, sont l'objet créature au créateur par celui de l'urine a la santé:
de la l?r.emtere proposttton. Quant a la quatrieme l'urine est saine, paree qu'elle est le signe de la santé de
proposttton, elle ressemble a la premiere, puisqu'elle l' anima/ 2• Il veut montrer par la qu'il n'y a pas
ne concerne qu'un seul terme pris dans son sens d'enracinement de l'etre, de l'unité, etc., dans les
étants créés. L'etre en tant qu'etre ne réside qu'en
propre, ~n~m plu~ ~'ét~nt, mais le ceci. 11 s'agit done
Dieu; la créature n'en est que le signe. L'étant a done
d;s parttctpa?t~ a 1 extstence ava~t la participation. Ils
l'etre en dehors de lui, en un autre sujet. Mais si l'etre
n apport~nt evtdemme,?t aucun etre, puisqu'ils ont a
le recevotr : par elle-meme la créature est essence non de l'étant est en dehors de lui, c'est au sens ou l'etre
de l'accident est dans la . substance ou l'accident
e~is~ante; elle devient existen ce quand 1'esse se f~it
réside. Certes, la santé est dans }'animal, mais l'urine
stgmfier par elle dans le rapport de dépendance
fait partie de !'animal et on peut dire qu'elle est saine
qu'énonce?t la deu.~ieme et la troisieme proposition.
de la santé de !'animal. Si done la créature a en dehors
Les trots premteres propositions ont done leur
source dans ·le premier avertissement et dans la d'elle l'etre d,6nt il est question a son propos, cela
premiere moitié du second; de la . seconde moitié veut dire, riop pas qu'elle n'existe pas, mais que son
dérive la quatrieme proposition. Entre les deux etre est en pi~u en qui eile demeure. L'étre de Dieu la
pénetre. L~étre qu. 'elle signifie n'est pas le sien, c'est
gr<?upes d'obs~rvat~ons préliminaires, que l'auteur \ ·~
relte par la conJonctton «done», les correspondances \
verbales sont évidentes. L'etre signifié par l'étant a
pour pendant l'étant au sens propre qui · est Dieu
selc;m !a. pre,~ier~ pr.?~ositi?n; ..Le ~apport de signifi-
catton de 1 etant-predtcat a 1 etre correspond, dans
, 1.
2.
§ 53, LW II, p. 282.
Voir Alain de LIBÉRA, Le Prob/eme de J'etre chez Mal/re
Eckhart: logique el métaphysique de 1'analogie.
xs6 PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS
r:
i
¡
§ 4-5 : COMMENT AIRE IH
celui de. Dieu, mais elle existe par lui et en lu~. L'etre partie du nom de Dieu, soit qu'on comprenrie «l'etre
J
de la créature est done aussi en elle, mais sans etre a q~i est» ou «l'etre, a savoir qu'il est» 2 •
elle. La créature a part a 1'etre de Die u, máis cette part
reste le bien de Dieu. La le~on de la conception 3· En enseign?-nt qu'il n'y a q~'~n ~eul étant I?r~s
eckhartienne de l'analogie sous-tend la doctrine des absolument, les Eléates sont censes mdtquer le prtvt-
Prologues. Sa portée spirituelle est trop manifeste lege de Dieu dont il est question dans ce pa~a~r~phe :
pour etre soulignée. Dieu seul est étant au sens propre. Quant a 1 «etant-
ceci-et-cela» c'est-a-dire a l'étant-feu, a l'étant-terre,
§ 5. La démonstration de la premiere proposition
i etc., il s'oppose a 1'étant comme le multi~1e a 1'un.
s'étend sur les paragraphes 5 a 8, chacun de ces Eckhart pense sans dout~ ici ces «~tants~cec~-et-ce1a~,
paragraphes étant consacré a un seul transcendantal. non pas comme de stmples ~e~er~mau~ns,, spe-
Dans le§ 5, il s'agit d'établir que Dieu seul est étant cifiques, mais comrue des pa~tlctpatl<?n~ ,a 1 etant
au sens propre. L'auteur appuie cette these sur quatre divin, comme des étants ou extstants hmttes.
références bibliques : Exode 3, 14, Job 14, 4, Deuté- 4· Deus untts es! (Dt 6.' 4; Ga 3, 2?), se tradu~t
ronome 6~ 4 et Galates 3; 20, sur une citation d'un d'ordinaire: «Dieu est umque», ce qut s acco!deralt
Pere de l'Eglise, Jean Damascene, et sur celle de trois avec la phrase précédente ou on lit q~e les Elé~tes
philosophes, a savoir Parménide et Mélissos (d'apres n'admettaient qu'un seu1 étant pur et .stmp1e. Mats.le
Aristote) et Avicenne. Nous releverons les cinq présent paragraphe porte sur la relauo~, du premter
points suivants : transcendantal avec Dieu et non du deuxteme, et nous
1. Le recours a Jb 14, 4 pour établir que « Dieu
venons de voir que la phrase précédente ne port~ pas,
seul est» n'estpossible que dans la traduction de saint ·.a proprement parler, sur l'unicité de l'étant, m~ts sur
Jéróme. On lit au meme endroit dans la traduction la prérogative divine d'etre l'étant pur. Il faut,l,tr~ .par
recuménique de la Bible : « Qui tirera le pur de conséquent: « Dieu ut;t est» ou, comme dans l edttton
l'impur? Personne. » · de Stuttgart: Gott, der Bine, ist 3• ·

2. Jean Damascene a écrit: dox.Ei.' fA.EV o,}v· x.uptw-


-rEpov 7t&:V't'(I)V -rwv E7tt 6EoÜ AE")'OfA.ÉV(I)V. ovo{l&:'t'(I)V Etvoct ó
wv. Dans cette phrase, «etre» (Eivoct) ne fait pas partie ) z.. Korirad Weiss, l'éditeur de Stuttgart, blo.que l,es m<;>ts .« esse
quod esf>> et traduit: das Sein, (niimlich) dass er u~. C .est ams1 que
du nom de Dieu, qui se réduit a «celui qui est», qtti Maitre Eckhart interprete le texte d~ Damascene d~ns le
est, comme on le découvre dans la traduction latine t. Commentaire sur f Exode, § 2.4, p. 30. On ht dans la traducuo~ ~e
Mais certains lisaient quod est : esse peut alors faire notre passage par A. A. Maurer (Master EcKHART,. Pamt~n
Quútions and Prologues, Toronto, .1974), p. 94: The Realtty that ~s.
Voir aussi Karl ALBERT, Mmter Eckharls These vom Sem,
P·II3-II4. ' '
3· Le meme éditeur cite le passage parallele qu on trouve
§ 5 · ¡; De fide orthodoxa, éd. M. Buytaért, p. 48. dans le Comm. Sag., § 149, LW II, p. 486-487.
1 58 PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS § 5-7 : COMMENT AIRE
5. L'auteur retrouve pour finir le passage du Livre Un autre argument est introduit par les mots :
de l'Exode qu'il avait cité au début du paragraphe. «l'un est la négation de la négation». Cette formule
En effet, les autorités invoquées ensuite lui permet- implique la conception aristotélicienne de l'un
tent de conclure que la vérité de la proposition «l'etre comme non-division; Thomas d' A quin écrit : « L'un
est Dieu» éclate déja et qu'ainsi s'explique la réponse qui se convertit avec l'étant, n'aj_oute aucu~e .c?ose a
a la question de Moise portant sur Dieu. Bel exemple -l'étant, mais seulement la negauon de la dtvl~l0n 2 .»
de l'unité de l'entreprise eckhartienne, simultanément Et puisque la div~sion est ~l~e-m~me ~é~atlon de
théologique, philosophique et exégétique! Comme l'étant - lorsque l'etant se dtvtse, tl se ltmtte et par
on le voit, le Maitre prétend atteindre le systeme de conséquent se nie -, l'un est négation de la négation.
pensée qui esi: !'origine et la dé de l'enseigneme~t de L' édition de Stuttgart signale ici un texte de la
la Bible. Cette ambition n'est extravagante que stl'on Predigt 21 : «Un est une négation de la négation.
n'aper<;oit pas qu'elle présuppose une mise en condi- Toutes les créatures ori:t une négation qui leur est liée.
tion morale et spirituelle et par conséquent un usage L'une nie qu'elle est l'autre. Un ange nie qu'il est un
désintéressé de l'intelligence, totalement soumis et autre. Mais Dieu a une négation de la négation; il est
adapté a son objet divin. un et nie tout autre, paree qu'il n'y a rien en dehors de
§ 6. Le paragraphe suivant est consacré au Dieu 3, » 11 est aisé maintenant de comprendre la
deuxieme transcendantal qui, pris absolument, dé- phrase finale du paragraphe, puisque l'un c~mme
signe aussi Dieu lui-meme et lui seul. Dieu est appelé négation de la négati~n .implique l'idée d~. plém~ude.
unum ou unus, au neutre ou au masculin, comme tout a Dieu seul est cette plemtude, attendu qu tl « prec~n­
l'heure on se demandait a son su jet quid o u quis est. On tient et inclut tout etre simultanément», c'est-a-dtre
peut entendre en effet soit l'esserice divine, a laquelle tout etre limité par le ceci ou le cela et compris dans
le neutre convient, puisqu'elle n'engendre ni n'est l'etre tout court comme le moins dans le plus.
engendrée, soit les Personnes, qui se disent alors au «Précontenir» et «inclure» sont des mots qui se
masculin 1• rencontrent souvent chez Denys et chez Proclus dont
Citant le meme texte que dans le paragraphe il s'inspire..
précédent, Eckhart écrit: Deus unus est en compre-
nant cette fois : « Dieu est un». La référence qui suit a § 7· Saint Jean et saint Augustin sont ici ~aturelle­
Proclus et au Liber de causis · rí'indique pas .une ment les références uniques et suffisantes, putsque .nul
dépendance particuliere a l'égard du néoplatonisme: autre n'a proclamé avec autant de force que le, vra1~ la
la preúve en est que l'un est ici le deuxieme nom de lumiere était Dieu. 11 faut remarquer la note emouve
Dieu, et non pas le premier. · bien augustinienne qu'introduisent l'image de l'éclair

2. Quodl. X, q. 1, a. 1, corps.
3· DW I, p. 363.
160 PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS § 7-8: COMMENTAIRE 161

et le « demeure si tu le peux! » Eckhart y est sensible; des quatre propositions avancées au § 4· 11 la répete
il cite ailleurs ce mane si potes t. La formule de dans les termes dans lesquels il l'a énoncée pré-
conclusion : «Et Augustin veut dire que c'est cela qui cédemment, puis conclut en opposant a « Dieu seul »
est Dieu » rappelle les finales des cinq voies tho- «chacun des autres», c'est-a-dire a l'étant, l'un, etc.,
mistes: «Et c'est cela que tous appellent Dieu» ou l'étant-ceci, l'un-ceci, etc. Le « ceci », qui est comme
«c'est cela que nous disons Dieu»2. une lettre algébrique, est expliqué par des exemples :
«pierre», «lion», «homme». Comme .nous l'avo~s
§ "8. Nulle surprise a voir les noms de Proclus et de déja souligné, Eckhart transpose au mveau de~ rat-
Deny~ réapparaitre a propo;; du bon et venir sons divines, non pas ces formes des choses, mats les
confirmer l'enseignement des Evangiles et naturelle- transcendantaux, ce qui est assez compréhensible,
ment celui d' Augustin. Dans la citation de l'éveque puisque «etre», «étant», <mnité», «un», etc., se disent
d'Hipponet, on remarque la meme note subjective de Dieu, tandis que le «ceci» renvoie a notre monde
que tout a l'heure : « Vois le bon lui-meme, si tu le peuplé d'especes et de genres.
peux!» Nous'apprenons que le bon lui-meme, qui.est Il est évident cependant que la tradition augusti-
Dieu, est le« bon de tout bon », c'est-a-dire le bon qui nienne est présente aussi chez Maitre Eckhart et que
fonde la bonté de tout ce qui est bon, comme le bon le mot hoc qui désigne la chose créée peut aussi se
ange, le bon homme, etc. Le bon en soi est ainsi la rapporter a la raison éternelle de cette chose. Cet
source de tout bon participé et le contient. enracinement de la quiddité en Dieu reste cependant a
11 y a le meme rapport entre le bon lui-meme et le l'arriere-plan de notre prologue qui est construit sur
bon participé par toute chose bonne qu'entre l'étant l'opposition du prédicat divin -le transcendantal- et
pris absolument et l'étant ceci et cela (§ 5). De meme, du prédicat créaturel - la détermination spécifique,
le bon absolu ou le bon de tout bon correspond a c'est-a-dire sur la these que l'etre est propre a Dieu, la
l'etre premier et plein auquel l'un convient en tant limitation quidditative a la créature2.
que négation de la négation, l'etre qui précontient et La démonstration de la premiere proposition est
inclut tous les etres a la fois. Cette doctrine rappelle done dominée par l'antithese - formulée comme au
évidemment ce que nous avons appris des relations § 5 - de l'étant, dans lequel se concentre l'etre, et de
de l'antérieur et du postérieur au § 10 du Prologue l'étant-ceci-et-cela, qui se réduit au simple «ce~i».
général. Cette opposition est celle des propositions premte~e
Le Maitre vient done de traiter ainsi de la premiere et quatrieme. Mais nous avons vu que «l'étant-cect»

1. Par exemple, Serm. lat. VI, 3, § 6z, LWIV, p. 6o;


2. L'allusion qu'on trouve a la fin du paragr_aphe .1 1 ~ la
XXXIII, § 333, ibid., p. 291. dépendance de la cause seconde, donneuse de la determmatiOn,
2. So~. t~éol. I, q. z, a. 3, corps.
par rapport a la cause premiere, suggere l'autre dimension de la
§s 1. Trin:, III, 4· · doctrine de la détermination spécifique.
162 PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS § 8-10: COMMENTAIRE 16ü.)
.~~ ..~Wtll

ne laisse pas d'etre pensé aussi comme étant c'est-a- ont la meme antériorité sémantique. sur leurs paro~;~,~
dire .comme participation a l'étant propre~ent dit. nymes: c'est la blancheur qui fonde le sens de blanc,
L'objet des deux propositions intermédiaíres est jus- comme c'est l'etre qui assoit la signification d'étant.
tement ~e cons~dérer. l'é~ant-ceci-et-cela, non plus La fin du paragraphe est introduite par « eri outre »
dans sa stmple determmatton, mais dans sa participa- (praeterea), adverbe par lequel on pass~ d'ordinaire a
tion.a l'éta~t. Cet ~tre de.l'étant-ceci-et-cela n'est pas un nouvel argument. De fait, il semblerait préférable
celut de Dteu, putsque Díeu seul est étant proprie; de faire commencer ici le paragraphe 1 o. En se
cependant,. cet etre est bien celuí de Díeu, puisque référant a Boece, le Maitre pose la dépendance du bon
c'est de ~teu qu'íl est res;u. Tel était l'enseignement et du vrai par rapport a l'etre et de l'etre par rapport a
du premter. Prologue et celuí qu'impliquait le para- l'un. S'agit-il, comme on l'a cru, d'un aveu de
graphe 2 ct-dessus. néoplatonisme? Nullement, mais de la simple affirma-
tion que, sans l'un, l'etre et les autres transcendantaux
§ 9· L'auteur aborde maíntenant la démonstration ne pourraient subsister 2 • Sans l'un, en effet, l'etre se
de la ?euxieme proposition qu'il énonce en disant que limiterait et se nierait. En ce sens, l'etre repose sur
de Dteu seul toutes choses tiennent l'étre, l'etre un l'un, comme Eckhart le dit ailleurs3, et avec l'etre les
l'~tre vrai et l'etre bon. Cette proposition luí parai~ autres transcendantaux. Ce n' est pas cela exactement
~esulter de la précédente qui portaít que Dieu seul est que Boece le néoplatonicien voulait dire. Or, le
etant, un, etc., au sens propre. En effet, si Dieu est paragraphe suivant enseigne aussi la dépendance de
seul a etre, a etre un, etc., a proprement parler, si lui l'etre par rapport a un autre transcendantal, le vrai
seul est signifié par l'étant, etc., ce ne peut étre qu'en cette fois.
luí et nulle part ailleurs que se trouve la source de
l'etre, de l'etre-un, de l'etre-vrai et de l'etre-bon des § I o. Au début de ce paragraphe, les transcendan-
choses. En d'autres termes, il n'y a pas d'etre en une taux réapparaissent dans leur convertibilité par rap-
chose ';lui ne. vienne d~ l'etre, il n'y a pas d'etre-un en port a l'étre. Comme la liaison avec ce qui précede est
elle qut ne vtenne de 1 un, etc. Tel est l'enseignement indiquée par «done», il est clair que nous n'avons pas
de l'exemple du blanc, qui vient ensuite et que nous quitté une ontologie pour une hénologie. De Dieu
connaissons déja pour l'avoir rencontré dans le Pro- comme
. etre, vient non seulement l'etre des choses '·
.

logue précédent 1 et au § 2 de notre texte : tout blanc, mats encore les autres transcendantaux qui ne seraient
en tant que blanc, procede de la blancheur. Évidem- pas sans lui et sans lesquels lui non plus ne serait pas.
ment, le statut de la blancheur est tout a fait étranger
a celui du transcendantal, puisque la blancheur n'est
qu'un accident, mais la blancheur et le transcendantal 2.Sur la relation un-etre, voir ARtSTOTE, Métapb_)'S· 1, 1054 a,
1?-20.Sur la proximité de l'un par rapport a l'etre, voir le
Comm. jean, § 547, LW III, p. 478 .
.t Prol.gin.~§ 12. Voir Comm..Jean,§ 172, LWIII, p. 1 4 1. 3· Comm. Sag., § 196, LW JI, p. 6p.
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS § 10-11: COMMENTAIRE
Nous venons de voir que l'etre dépend de l'un. La participent des transcendantaux, avant de se distin-
conversion de l'etre avec le vrai se traduit aussi par guer les unes des autres par les príncipes non com-
une dépendance de l'etre par rapport au vrai. Dans la muns que sont les genres et les es peces t. Le texte
premiere phrase du paragraphe, Eckhart a changé continue en rattachant, comme dans le Prologue
l'ordre habituel du vrai et du bon en citant le vrai en précédent, la présence des transcendantaux en toutes
dernier, pour ·pouvoir rebondir sur ce dernier mot et choses- assunt et insunt in omnibus- a la cause premiere
introduire un développement sur la primauté du vrai et universelle et en insistant sur l'antériorité de
par rapport aux trois au tres transcendantaux t. l'action de cette cause p~u rapport a toute autre cause .

Ces changements de perspective montrent que la Relevons que l'étant, l'un, etc., appelés communs a tout
priorité accordée a un transcendantal sur les autres au début de la phrase, SOQt présentés a la fin comme
n'a pas la signification qu'on pourrait croire. Certes, les effets de la cause universelle de tout. Quant a la
Eckhart maintient la primauté de l'etre dans l'énumé- phrase suivante, ou Fon trouve la répétition d'insunt,
ration des transcendantaux. Mais aucun des transcen- elle conduit la pensée de la considération de l'antério-
dantaux ne pouvant manquer aux autres, chacun rité de ces effets transcendantaux a l'idée que la cause
d'eux peut apparaitre a son tour comme la condition premiere et universelle est seu/e responsable de ceux-
des autres. Les transcendantaux ne sont pas hiérar- ci. Or, telle est la proposition dont il est question
chisés comme le sont l'un et l'etre chez Proclus; ils depuis le paragraphe 9·
sont solidaires, et c'est exprimer cette solidarité que La suite est remarquable, puisqu'elle apporte la
de montrer- au moins partiellement, comme Eckhart réponse a une objection sous-entendue qui serait :
le fait ici - qu'aucun d'eux ne peut etre pensé sans quel role les causes secondes ont-elles encore a jouer
chacun des autres. si Dieu est seul a donner 1' etre aux choses? Le
mouvement de la phrase : «par la cependant ne sont
§ 11. Les deux paragraphes suivants s'ouvrent sur pas exclus, etc.», rappelle la fin du § 15 ou Maitre
un praeterea, comme le dixieme, si on le fait com- Eckhart repousse de la meme fas;on une objection du
mencer avec la derniere phrase du paragraphe qui le meme genre2. Pour s'expliquer, le Maitre donne un
précede. On rencontre d'abord le rappel d'un theme exemple : le feu, qui est une ;ause seconde,. n~
essentiel du Prologue général, puisqu'on y lit que communique pas l'etre au feu qu tl transmet, mats tl
l'étant, l'un, le vrai et le bon sont premiers en toutes lui donne «Cet etre», c'est-a-dire l'etre-feu, l'etre-un-
les choses. Prima correspond a priora du § 8 du feu, etc. 11 convient done de distinguer, comme nous
Prologue a f03uvre tripartite. Le mot communia qui
n'apparaissait guere dans le Prologue précédent est
clair, puisque nous savons que toutes les choses § 11 1. Voir Comm. Jean, § pz, LWIII, p. 443·
z. Meme tournure chez Thomas d' Aquin : «Dieu opere
suffisamment dans les choses a la maniere du premier agent; il ne
suit pas de la que l'opération des agents seconds soit superflue»
§·io -~. Vóir Serm. lat. XVII, z, § 168, LW IV, p. 16o. (Som. théol. 1, q. 105, a. 5, ad 1m).
166 PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS ·· §·u·: éOMMENTAIRE 167
-'

savons le faire, l'effet propre de la cause premiere - peuvent etre mues pour agir que par Dieu en tant que
l'etre, l'un, etc.- de celui des causes secondes, qui est premier Moteur, comme, par exemple, les formes du
non pas l'etre, mais cet etre, ou mieux, l'etre-ceci, feu et de la chaleur ne peuvent. chauffer, a moins
c'est-a-dire la pure détermination quidditative, consi- d'etre mues par le Moteur du ciel4.»
dérée sans l'existence qu'elle re<;oit de l'extérieur. On pourrait comprendre que le feu donne aussi
Commentant le versc:;t 3 du Prologue de saint Jean, l'etre avec l'etre-feu, l'unité avec l'etre-un-feu, etc.,
Eckhart écrit: «(L'Evangéliste) ne nie pas que les bien qu'il le fasse en vertu de la cause premiere.
choses aient d'autres causes, mais il veut · dire que Cette lecture serait contraire a la doctrine générale
l'effet ne tient l'etre d'aucune des autres causes en du Prologue: seule la cause premiere donne l~etre,
dehors de Dieu seul. C'est pourquoi Augustin, au l'etre-un, etc., la cause seconde ne donnant que le
premier livre des Confessions, parlant a Dieu dit : ceci. Dans esse ignem, unum ( ignem), etc., esse, unum,
"Est-il une autre veine d'ou l'etre et la vie courent en etc., sont des adjacents troisiemes, c'est-a-dire de
nous, en dehors du fait que tu nous crées, Seigneur ?" simples copules. «Martín est homme » désigne un
Done, la raison de la présente parole "tout a été fait effet .de l'homme; «Martín est», un effet de Dieu.
par Dieu", est que chaque chose produit ce qui luí est Mais «Martín est homme »· est aussi un effet de Dieu,
semblable et que rien n'agit au-dela de son espece. puisque la détermination quidditative ou essentielle
Or, tout ce qui est en de<;a de Dieu est étant-ceci-ou- transmise par la créature a elle-meme son origine en
cela, non pas étant ou etre absolument, ce qui Dieu selon la doctrine augustinienne et thomiste des
appartient au contraire a la seule cause premiere qui raisons éternelles. On lit dans le Commentaire sur la
est Dieu 3 • » · Genese que Dieu «possede a !'avance toutes les formes
A la fin de' notre § II, Eckhart en vient a une et les formes de toutes chosess». Illes possede d'une
observation importante: le pouvoir de donner l'etre- fa<;on qui n' offense .pas sa perfection, puisque la
feu est fondé lui-meme dans la cause premiere. Le
Maitre ne nous explique pas · comment la causalité
seconde dérive de plus haut. qu'elle, mais on lit 4; Comin. Eccl., §50, LWII, p. 278. Voir Comm. Sag., §So,
ailleurs: « ... La cause premicre, Dieu, differe de LW II, p. 411-412. .
toutes celles qui lui sont postérieures en ce que la 5. Comm. Gen., § 11, ci-dessous. L'autorité invoquée, dans
cause. premiere agit en toutes les autres choses et cette derniere phrase du § 11, n'est pas Augustin, mais le Líber de
caus#J~ c'est-a-dire Proclus. ll est évident que Maitre Eckhart ne
opere en elles ... Les formes par lesquelles agissent les considere pas la doctrine du Diadoque en elle-meme, mais
agents seconds ont par Dieu, qui est le premier acte seulement dans l'effet de suggestion qu'elle peut avoir pour lui.
formel, d'etre des formes et des actes. En outre, ces Relev~ms que le motjixio (LWI; p:172, ligne 3) áppartient a la
formes par lesquelles agissent l~s agents seconds ne traduction latine de l'arabe du De causis. Thomas d' Aquin, dans
son commentaire sur cet ouvrage, rend fixio et essentia - dont il
dit qu'elles SOilt venues de la Bonté purea l'lntelligence- par
"i·~.:>-· - .... .,, esse fixum, idest immobiliter permanens (pr. IX, lect. 9, éd. Pera,
3:· Com;n. ]ean, § 5Í; LWIII, p. 43~ Turin, Marid:ti, 19 5f, § ·2 1 2~ p. 6o). ·
168 PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS § u-13: COMMENTAIRE

forme de la pierre ou celle du cheval ne sont pas en lui la conclusion de la premiere: tout étant, tout un, etc.,
comme dans la pierre ou dans le cheval. en tant que tels, viennent de Dieu. Eckhart ne prend
L'auteur reviendra a la question de la différence et pas la peine de dire «de Dieu seul», comme il
de la hiérarchie des causes, quand il traitera, a la fin du conviendrait de faire ici, puisqu'il est évident qu'il n'y
Prol?gue, de la CJUatrieme proposition qui concerne a pas d'autre étant, un, etc., que l'étant premier et
le role du « cect en tant que ceci» dans l'étant- plein d'ou un étant limité quelconque, un limité
ceci-ou-cela. quelconque, etc., pourraient tirer leur etre ou leur
unité. La présence d'un transcendantal en quelque
. § 12 .. Ce paragraphe avance un nouvel argument, chose ou en quelqu'un n'a pas d'autre origine que ce
mtrodutt encore par praeterea et renvoyant explicite- trans~~ndantallui-meme considéré dans sa plénitude
ment a .ce qui précede, c'est-a-dire au § 6 ou l'on premtere.
apprenatt que .l'un en tant que négation de la néga.- La derniere phras~ du § 1 2 établit une transition
tton, convenatt au seul etre premier et plein. Si avec les paragraphes suivants dans lesquels il s'agira
E~khart pose ici que, de l'étant, rien ou aucun etre ne
de la provenance immédiate de l'étant, de l'un, etc., par
peut se nier, c'est qu'il songe encore a l'étant absolu rapport a Dieu.
dont il nie la négation, ce qui revient a en affirmer
l'affirmation. En effet, une double négation est une § 1 3· La troisieme des quatre propositions annon-
affirmation ou plutot une affirmation renforcée, puis- c~es au § 14, dont il va etre question maintenant,
qu'elle exclut toute limitation éventuelle de l'affirma- aJOUte une précision a la précédente : de Dieu toutes
tion. L'affirmation de l'étant peut etre celle d'un choses tiennent immédiatement l'etre, l'etre-un, etc.
étant limité; la négation de la négation de l'étant C'est a ce theme que ~ont consacrés les §§ 13 a 15.
est l'affirmation de l'étant absolu. Maitre Eckhart L'énoncé de cette troisieme proposition reproduit les
applique le meme schéma logique a l'un - dont termes de la phrase de liaison sur laquelle s' achevait le
aucune unité ne peut etre niée sinon sous le mode de paragraphe antérieur. On y retrouve les mots omne ens
la double négation -, au vrai et au bon. Au § 6, la et singulum et la tournure répétitive : non solum habet
double négation était la signification meme de l'un : sed et!am immediate habet. L'auteur souligne encore s~
«l'un est la négation de la négation», y lisait-on. Ici, pen~~e par. des procédés stylistiques qui lui sont
elle a une fonction générale et s'applique a tous les fam1hers: tl glose l'adverbe «Ímmédiatement» et
transcendantaux pour indiquer qu'ils sont pris abso- énonce trois fois un adjectif sur lequel il veut attirer
lument. Quand la double négation n'est pas le carac- l'attention: l'étant tient de Dieu immédiatement
tere 'de l'un, mais qu'elle s'étend aux «termes géné- « tout son etre, toute son unité et sa vérité et toute sa
raux», elle les affirme dans leur absoluité, c'est-a-dire bonté». En effet, aucune partie de l'etre, de l'unité,
dans leur caractere premier et plein, par l'élimination etc., des choses,· s'il est permis de s'exprimer ainsi
de se qui _qétt:uirait cette perfection. n'échappe a sa dépendance a l'égard de Dieu et n~
Dans la seconde partie du paragraphe, l'auteur tire peut venir d'un autre que de lui.
170 PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS § 1} : COMMENTAIRE

Dieu seul est le transcendantal a proprement parler paragraphe 8 du Prologue général : «En luí en effet
( 1 reproposition); les choses tiennent le transcen- nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes. »
dantal de luí seul (ze proposition) et elles le tiennent Et dans le Commentaire sur l'Évangile de saint Jean,
de lui immédiatement (3e proposition). Ces theses notis lisons :«Entre l'etre ... et l'étant comme étant ne
sont étroitement solidaires. Dieu étant le transcen- tombe aucun intermédiaire. »
dantal en soi, personne ni ríen ne saurait partager le Dans la deuxieme partie de ce paragraphe 1 3,
pouvoir que Dieu tient de sa nature propre, celui de l'auteur invite a considérer de la meme .fa<;on le
communiquer le transcendantal aux choses: il en est rapport de l'un absolu et de l'un déterminé de telle ou
la seule origine. 11 en est aussi l'origine immédiate, car telle maniere, du vrai absolu et -du vrai particulier,
si un intermédiaire se glissait entre cette cause privilé- etc. Dans ce passage, l'opposition unum et quodlibet
giée et son effet, ou le privilege serait partagé, ou la unum, verum et quodlibet verum remplace celle a laquelle
cause serait cet intermédiaire. nous sommes habitués: unitas et unum, veritas et verum,
La phrase interrogative qui suit rappelle par la etc. Le Maitre répeté que si l'action de l'etre, de l'un,
forme et le fond la deuxieme phrase du § 1 2 du etc., n'est pas immédiate, elle n'est pas. Les images
Prologue général. On y lisait en effet : Quomodo enim est dont il se ~ert pour exprimer la dépendance de la
aut aliquid est, a quo esse aliud... est 1 ? Et on a ici : créature sont encore d'origine spatiale: il ne s'agit
Quomodo enim esset, inter quod et esse medium caderet? plus d'«etre dans», comme tout a l'heure, mais
Séparer l'étant de l'etre, c'est l'anéantir; de meme, d'«etre touché», d'«etre pénétré», d'«etre informé»,
introduire un intermédiaire entre l'etre et luí, c'est d' « etre revetu ». Aucune de ces métaphores. ne
rejeter cet étant a coté ou en dehors de l'etre et encore signifie la production d'un effet demeurant .. extérieur
une fois l'anéantir. On se souvient du remarquable a la chose qui subit l'action: le contact est péné-
morceau du meme Prologue a l'rEuvre tripartite, dans tration, la forme affecte en profondeur la matiere
lequel Eckhart repoussait déja la possibilité pour les qui par elle-meme est privation et nudité3, c'est-a-dire
créatures d'exister a coté ou en dehors de Dieu, dans absence de déterminations et vacuité.
le néant ou1' on imagine faussement leur projection 2 • L'idée de la totale et immédiate possession, des
Les passages paralleles ailleurs dans l'ceuvre choses par Dieu rappelle a Eckhart que, selon l'Ecri-
d'Eckhart sont nombreux. Dans le Commentaire sur le ture;le «toucher» de la Sagesse s'étend d'une extré-
Livre de la Sagesse, par exemple, le Maitre écrit : « Qu'y nüté de l'univers al'autre. La Vulgate porte: Attingit
a-t-ilde si proches que l'étant et l'etre entre lesquels il a fine usque ad ftnem fortiter et disponit omnia suaviter.
n'y a nul intermédiaire?» A la ligne suivante, nous Selon son procédé coutumier, Eckhart ne retient de
trouvons la meme citation d' Actes 17 que dans le
i.
3. «La privation o u nudité est la différence spécifique de la
1. pro/. gln., § 12., ci-dessus. matiere, la constituant dans son etre de matiere» (Liv. parab.
;. z~'1bid., § !7, ci-dessus. Gen.,§ 124, LW I, p. 589; voir Comm. Gen.,§ 36, ci-dessous.
- 1 .·

1
1

PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS § 13-14: COMMENTAIRE

ce passage que les éléments qui conviennent au avons déja compris que l'action de Dieu ne se
moment de son argumentation : il en retranche done fractionne pas. Nous sommes done prets a com-
les mots dísponit omnía 4 • A propos du meme empire de prendre ce que le Maitre ,enseigne ici : 1' a.ction de
Die u sur toutes eh oses, i1 cite le texte d'Isaie : « Je suis Dieu ne concerne pas d abord une parue de la
le premier et le derniers», qui constitue, on s'en créature, puis une autre. Commet:lt · Dieu serait-il
souvient, le sujet meme du dixieme traité de l'CEuvre absent d'une partie de la créature a un moment
des proposítíons. L'allusion qui suit au Líber de causís est quelconque? 11 ne peut done y avoir antériorité
de nouveau heureuse, puisque ce texte commence chronologique ou logique de l'action divine su~ une
ainsi : «Toute cause premiere a plus d'influence sur partie de la créature par rapport a une autre partte. Le
son effet que la cause universelle seconde; quand passage des Confessíons d' Augustin auquel Eckhart .se
done la cause universelle seconde óte sa force de la réfere ici est le suivant : « Tout ce que tu remphs,
chose, la cause universelle premiere ne lui enleve pas remplis-tu tout cela par toi tout entier (te toto} ?...
sa force6. » A la fin du paragraphe, la combinaison Es-tu tout entier partout t? »
que fait Eckhart d'Isaie 4 I, 4 avec le début du Líber de Vient ensuite l'exemple de la forme essentielle -
causís lui est suggérée par Thomas d' A quin qui écrit a appelée aussi substantielle2 -, concrétisé par le cas de
propos de ce passage proclusien : « I1 est nécessaire l'ame et celui du feu. Le Maitre avait déja mentionné
que ce qui arrive en premier s' en aille en dernier 7 • » l'ame au § 10 du Prologue précédent: l'ame, disait-il,
ne se divise pas dans le corps; elle en unit les
§ 14. L'immédiateté de l'action de Dieu sur la différentes parties, si éloignées soient-elles 3 • Quant a
créature qu'il fait etre se déduit maintenant de la pure l'exemple du feu, il est apparu ici au § I I pour
unité de ce Dieu qui est entierement etre. Car unité illustrer la différence qu'il y a entre la cause de
veut dire indivisibilité. La présence de Dieu est done l'etre-quelque chose et celle de l'etre tout court 4 •
immédiate en chaque créature tout entiere. Nous
avons vu plus haut (§ 13) que Dieu _donne a l'étant
§ 14 l. 1, 3' 3.
immédiatement tout l'etre que res:oit l'étant et nous 2.. Voir Comm. Ex., § 92., LWII, 95 : « .. .11 y en a un
exemple ... en toute forme substantielle qui est présente tout.
entiere par l'essence et par la quiddité en n'importe quelle toute
4· Attingit a fine usque ad finem désigne de nouveau un toucher petite partie du su jet.»
pénétrant; le symbolisme est spatial. Avec prim11s et novissimus, il 3· L'exemple est fréquent. On lit dans le Comm. Gen., § 2.1,
est temporel. Dans la citation du Livre de la Sagesse, le ci-dessous: «11 y en a un exemple dans les puissances de l'ame et
deuxieme adverbe change de fonction, puisqu'il se rapporte a les organes du corps, paree que tous immédiatement tiennent
disponit dans le texte original. l'etre a titre égal immédiatement de l'ame, et la il n'y a pas non
5· Isa"ie 41, 4· Voir Pro/. gén., § 18. plus d'ordre quant a l'etre, au vivre et a l'ame.» Voir Comm.
6. Prop. 1. ]ean, § 93, LW 111, p. So.
7· Voir Comm.Jean, § 93,LWIII, 81 et THOMAS d'AQUIN, In 4· L'exemple du feu est cité souvent pour illustrer le cas de la
libr. de causis expos., pr. 1, lect. 1, § 13 et § 2.9, Marietti, 19 55, p. 5 génération (dont il va etre question d'ailleurs dans le meme
ct 6 .. '·> • >· ·• •
paragraphe).
174 PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS § 14: COMMENTAIRE 1 75

Eckhart enseigne maintenant que la forme de l'ame, aussi celles de 1' Aquinate. Puisque 1' etre appartient_au
comme celle du feu, agit tout entiere sans intermé- tout, la génération, qui est la venue a l'etre, .ne
diaire sur toute sa matiere en meme temps, et non ~'effectue pas dans le temps; elle n'est pas successive,
point une partie apres l'autre. · 11 recourt a force etant le terme du mouvement 6. Dans ces conditions la
, , . n ' est pas non plus la venue d'une forme
generatton '
répétitions pour insister sur les caracteres qu'il recon-
naít a la forme essentielle. Dans l'exemple du feu, il . . la matiere apre's une autre forme ' car, s'il en était
dans
reprend totam essentiam materiae par totam simul pour ams1, la matiere serait déja informée. La forme
encadrer se tota sine medio. 11 recourt au meme procédé investit sa matiere totam simul, (( tout entiere a la fois))
dans la phrase de conclusion du paragraphe. Les comme il était dit plus haut. '
notions de (( présence a», de (( vetement », de « pénétra- Ainsi s'explicite la doctrine de l'immédiateté de la
tion», réapparaissent. . forme essentiepe: cette immédiateté va de pair en
Les parties de la matiere, a elles seules, ne sont pas ~ffet. ~':ec l'instantanéité de la génération et avec
capables de subsister. Elles sont actualisées par la 1umctte de la forme dans le compasé 7. On lit dans les
forme en meme temps pour constituer par elle et avec Paraboles de la Genese : « ... Toute forme substantielle
elle le tout compasé. Eckhart peut done rappeler que a l~qu~lle la matiere se rapporte premierement et par
l'etre appartient au tout et que le tout est un, et aussi sot et a laquelle elle se rapporte par essence, s'unit a la
que, selon Aristote, c'est le tout, a savoir le compasé matiere en vue de l'etre et pour l'etre sans aucun
de matiere et de forme, qui devient et qui est. Le intermédiaire et sans l'adjonction d'aucune disposi-
septierp.e traité de l'CEuvre des propositions devait sans
doute développer cela. On lit dans une Question
parisienne que «la partie en tant que partie ne pos sede 6. La génération en tant qu'acces a l'etre est instantanée
aucun etre, mais (qu')elle possede l'etre paree qu'elle tandis que l'altération qui précede la génération et l'etre a líe~
d~ns le .tem~s. Voir Comm. Jean § 409, LWIII, p. 347-348;
a un rapport au tout comme a l'etre ( ad totum tamquam Gomm ..5ag., § 176, LW II, p. 521 : « ... L'altération est un mou-
ad esse) 5 ». L' etre et l'unité appartiennent done au vement et dans le temps, tandis que la génération n'est pas un
tout, et les parties les res;oivent en lui. Nous allons mouvement et n'est pas dans le temps, mais est le terme et la fin
retrouver cette doctrine bientot. du mouvement. Or l'action de Dieu sur les choses est tout a fait
immédiate, selon la premiere proposition du De causis. Puis-
Eckhart tire encore de la l'explication d'une vérité qu'"elle arrive en premier et s'en va en dernier". C'est done ce
relative a la génération. Sur cette question de l'immé- qui _est dit !ci.: .attingit a fine usque ad fin~m. En effet ce qui agit par
diation de l'action divine, ou il tombe d'accord avec un tntermedtatre, par exemple ce qut altere, non attingit a fine,
Thomas d' A quin, notre auteur illustre sa pensée en n'est pas non plus a la fin, mais se tient au milieu. Car l'altéré
invoquant des positions philosophiques qui sont lui-meme est dans tout le temps intermédiaire de l'altération et
n'est ni a la fin a quo ni a la finad quem. En effet, ce qui est blanchi
n:e~t ni noir a proprement parler ni blanc, mais i1 est intermé-
dtatre. » .
h Quest . .p(1r. .V,§ 4, LWV, p. 8o. Voir Comm. jean, § 400, 7· Sur l'unicité de la forme substantielle, voir A. de LIBf.:RA,
UV' III, p. 341; plus bas, Pro/. prop., § 18. Le Probleme de l'etre chez Maftre Eckhart... , p. 53 et suiv.

,.'l.,
l

r i
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS § 14-q : COMMENT AIRE 177

tion 8 • » Comment une disposition, effet d'une autre forine a la seconde puissance, comme une forme de la
forme, pourrait-elle s'introduire entre la forme et la r forme 11.
matiere? Cette regle vaut pour l'homme et pour tout Cette utilisation des vérités de la physique comme
autre vivant, mais aussi pour le mixte qui est le corps signes ~t preuves de la doctrine métaphysique est,
résultant de la combinaison des éléments9. On pou- nous le savons, habituelle chez Maitre Eckhart. Elle
vait se représenter l'homme comme constitué par une est en particulier un procédé de son exégese, puisque
hiérarchie de formes - l'ame rationnelle, l'ame ani- les raisons des philosophes y servent a exemplifier des
male, l'ame végétative, la corporéité, par exemple. vérités d'un autre ordre. Ici, la doctrine aristotéli-
On pouvait concevoir le mixte comme composé cienne de la forme substantielle illustre une autre
lui aussi d'une superposition de niveaux formels. · these thomiste, de rang supérieur, celle de la distinc-
Eckhart repousse cette doctrine de la pluralité des tion de l'essence et de l'exístence. Meme si Eckhart
formes dans une seule substance, défendue en parti- n'entend pas comme Thomas le rapport de l'esse a
culier par les franciscains 1°. Mais son objet principal l'essentia- puisqu'irconsidere l'etre dans son origine
ici n'est pas de nous faire connaitre sa position sur ce divine plutot que dans son immanence créée -, il est
point. Cette these de physique, comme celle qui clair qu'il s'inspire de la doctrine thomiste selon
concerne la génération, lui sert a illustrer sa these laquelle la forme substantielle donne l'etre a la chose
métaphysique de la présence immédiate de l'etre aux au terme de la génération, mais un etre qui, en soi,
choses. Il nous invite en effet a passer, par un n'est que formel ou essentiel et qui doit recevoir de
raisonnement a fortiori, de l'exemple a la chose Dieu l'etre comme tel. Saint Thomas écrit partout
signifiée : l'immédiateté, vraie de la forme essentielle, que le premier effet de la forme est l'etre, que toute
est d'autant plus vraie de l'etre lui-meme qui, étant forme substantielle donne l'etre simpliciter et non
l'actualité de la forme ou de l'essence, est comme une secundum quid comme le fait la forme accidentelle, mais
en introduisant le créationnisme dans 1' ontologie
aristotélicienne, il dépouille la forme de sa fonction
proprement ontologique et distingue en elle l'essence
8. Liv. parab. Gen.,§ 31, LW I, p. 499· Cette doctrine réappa- quila définit et l'etre ou l'existence qui lui est donnée.
rait souvent, par exemple, Comm. Ex., §52, p. 56; Liv. par. Le Prologue a I'CEuvre des propositions ne peut se
Gen., § 30-31, LW I, p. 498-499; Comm. ]ean, § 324, LW III, comprendre que par référence a cette source tho-
p. 2.72.; ibid., § 32.7, p. 2.76.
9· Voir Quest. par. V,§ 8, LWV, p. 83. miste.
10. Voir R. ZAVALLONI, Richard de Mediavilla et la controverse
sur la pluralité des formes : «Le composé incomplet requiert un § 1 5• Eckhart énonce encore une fois la troisieme
achevement: c'est la forme derniere, appeléeforme complétive, qui proposition et en donne une nouvelle explication
l'établit dans un etre stable, le détermine définitivement et luí
donne sa perfection spécifique» (p. 308). «Dans n'importe quel
mixte il y a done cinq formes substantielles, les quatre formes
élén:u~iitáires·et la Iorme complétive du composé» (p. 365-366). 1 x. Voir Proi.J!.én., § 8; Comm. Sag., § 189, LWII, p. ~2.~.
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS § 1 5 : COMMENT AIRE 179
fondée sur le rapport d'«un certain etre» ou d'«un Ce rapport a pour modele l'immane?ce de. to~t ce
certain m o de o u différence de 1' etre)) a 1'etre lui- qui est entité a l'étant lui-meme ou a l'etre lut-meme.
meme. Il établit d'abord que cette «différence» de En concluant, l'auteur ne prend pas la peine de
l'etre ne manque pasa l'etre lui-meme, car il y aurait mentionner de nouveau l'idée d'immédiateté : elle est
contradiction a situer en dehors de l'etre quelque évidente. Puisque aucun etre limité ne manque a l'etre
chose qui fllt encore de l'etre. Rien n'est absent de lui-meme, tout etre limité réside dans l'etre lui-meme,
l'etre, qui puisse en meme temps se dire etret. Meme comme l'etre lui-meme en tout etre limité.
raisonnement pour l'un, car en etre absent, c'est En démontrant la troisieme proposition, Eckhart a
n'avoir pas la nature de l'un et n'etre pas davantage done établi le total investissement de la créature par le
un mode ou une différence de l'un. Etc. créateur tout entier. La créature n'en reste pas moins
Il suit - deuxieme moitié du paragraphe - que un mode ou une différence de l'etre, mais elle n'est
l'étant lui-meme ou l'etre lui-meme est pleinement pas par elle-meme. __ L'etre qu'elle a, elle le tient de
positif, puisque rien qui soit en tité (nihil entitatis) ne Die u· e' est done 1' etre de Die u en elle. Le mot
peut etre nié de lui; on ne nie de l'etre que sa d'«adalogie» ne figure pas dans les Prolo~ues, mais il
négation. L'auteur retrouve ainsi le theme de ·¡a convient de le prononcer encore une fots. Eckhart
double négation, dont il avait déja été question aux distingue la causalité univoque, celle qui va du pere ~
paragraphes 6 et I z. En se posant, l'etre nie ce qui le son fils, par exemple, et la causalité analogique qut
nie. C'est pourquoi l'un, qui est l'in-divis ou la regle le rapport du cré~teur a la c.réature. Dan~ le
double négation, vient immédiatement apres l'etre. premier cas, la cause et 1 effet apparttenn~nt au meme
L'etre se convertit d'abord dans l'un. genre; dans le second, seule la cause ttent les pro-
La phrase finale de la deuxieme partie du § I 5 priétés dont- il est question. Non pas que l'effe~ n~
exprime la le~on de ce qui précede. Nous apprenons re~oive ríen; au contraire. Mais ce que 1' effet ~e~ott, tl
qu'entre les termes des deux colonnes ci-dessous, il y le possede en autrui. Point n'est besoin d'inst.ster sur
a le meme rapport : la signification spirituelle, de ce,tte c<:>ncept~on des
l'étant les étants rapports de l'etre de la creature a celut de Dteu. Au
l'un - tout ce qui est un de quelque mode ou lieu de se replier sur elle-meme, la créature .prend
différence de l'un que ce soit conscience de son origine, se détache et se vtde de
le vrai tous les vrais soi2. La métaphysique et la voie spirituelle sont une.
le bon- tous les bons et chacun d'eux.

comme lui en l'etre absolu. Le mode, la différence, le ceci,


1. Le mode ou la différence de l'etre n'est rien d'autre que diminuent l'etre· en eux-memes ils ne sont pas de l'etre, comme
(( cet etre)) ( ens hoc) dans lequelle déterminatif a une fonction de l'affirme la quat~ieme proposition (§ 15 et suiv.).
limitation, et l'etre le sens de l'etre participé. Celui-ci ne peut se z. En commentant le plan de l'(Euv. prop. (§ 4 du P~o~. gbt.),
passerrde la présence immédiate de l'etre absolu, lequel est en lui nous avons signalé plus haut cette meme signification spmtuelle.
J
1
§ IS-17: COMMENTAIRE 181
t8o PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS 1

C'est cette meme doctrine que la quatrieme proposi- § 16. Dans le paragraphe qui suit, le Maitre
tion va achever de nous faire comprendre. indique que la démonstration de la quatrieme propo-
sition aura deux parties et que la premiere se di visera
Nous abordons ainsi la troisieme partie du para- elle-meme en trois. La deuxieme partie - des le § 20 -
graphe 1 5. Le mot hoc qui réapparait ici relaie les xomprendra quatre sections. Voici done le plan de
termes aliquod, modus et dif!erentia de tout a l'heure. cette argumentation:
Mais dans la deuxieme et dans la troisieme proposi-
tion, Eckhart considérait l'étant dans sa participation 1 la matiere et la forme
al'etre. Maintenant, il regarde l'étant dans sa détermi- l. Les exemples • 1
2 les parties et e tout
nation et retrouve le verbe etre dans sa fonction de (§§ q-l9) { 3~ l'homme et le Verbe
copule, et le «ceci» dans son role de prédicat, tels
qu'il nous les présentait en commens:ant. Quand on ~~etre des choses n'a pas d'autre
prend la différence en elle-meme, le hoc in quantum hoc, ongme que:
il est .~vident qu'~fl: les vide d:etre. Le passage a la 1. ·Ia cause créatrice, premiere et
quatrteme proposltton apparatt done normalement Il. Les raisons universelle
comme une conséquence de ce qui précede et il est (§§ 20-24) 2. le premier príncipe, riche par
marqué par la répétition des memes mots en début de SOl
phrase : nihil ergo entitatis... En effet, si rien qui soit 3· Dieu
entité ne se nie de l'étant lui-meme, il suit que rien qui 4· l'etre lui-meme.
soit entité ne peut s'ajouter al'étant lui-meme.
Mais alors, la quatrieme proposition entraine-t-elle § 1 7. L' exemple de la forme et de la matiere a déja
l'~éantissement de la créature? Il est remarquable de été invoqué au § 14 a propos de l'immédiateté de
vmr Eckhart soulever la question lui-meme dans un l'action de l'etre, de l'unité, etc., dans les choses.
mouvement qui rappelle 1' objection du § 11 concer- Maintenant, le rapport formefmatiere est pris dans
nant l'action des causes secondes, menacées d'aboli- l'autre sens, pour ainsi parler, puisque ce n'est pas
tion elles aussi : « Quand nous disons cela, nous l'opération de l'etre qu'il s'agit d'illustrer, mais la
n'enlevons pas l'etre aux créatures et nous ne détrui- passivité du «ceci» face alui. Bien entendu, la matiere
sons pas l'etre des choses; au contraire, nous le se distingue du « ceci » par son indétermination, mais
fondons. » L'éditeur de Stuttgart observe la ressem- sa relation a la forme est bien celle du (( ceci}) a 1' etre.
blance formelle avec Romains 3, 31 : «Détruisons- Il s'agit de part et d'autre d'une réception d'etre, de
nous la loi par la foi? Nullement. Nous la fondons au l'etre tout court dans le cas du «ceci», et de l'etre
contraire. » Ce rapprochement suggere que la créature formel dans le cas de la matiere. L'etre est au hoc
est a Dieu comme la loi a la foi : comme la loi prend comme le hoc entendu comme etre formel est a la
son sens et sa force au sein de la foi, ainsi 1' etre de la matiere. Et puisque le Maitre semble nier 1'etre de la
créature-en ·celui de. Dieu. matiere, il trouve sous sa plume, a propos de la
'i
t
.;

·,
182 PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS § 17-19: COMMENTAIRE

matiere, une formule semblable a celle dont il avait l'impossibilité pour plusieurs etres d'en former un.
usé ~u sujet de l'etre des choses : «Cependant, nous En effet, la forme substantiell~ est un príncipe de
ne dtsons pas non plus pour cela que la matiere n' est distinction~ mais la distinction qu'elle fonde n'est pas
rien~ mais qu'elle est substance et qu'elle est l'autre ultime, puisqu'il peut y avoir plusieurs substances de
partte du composé. » Le Ma.itre nous apprend ailleurs la meme espece. Le dernier principe de la distinction
que 1~ s~bstance . de la matiere a pour différence est l'etre. Deux existants peuvent se ressembler par la
co?stt~uttve la ~'":tssance passive et qu'elle est ainsi forme essentielle: ils seront deux par leur existence
pn_vatton e~ nudtte t. Done, déclarer que la matiere ne meme t. 11 est done encore plus difficile de concevoir
dott son extstence qu'a la forme, c'est reconnaitre son une composition d'etres qu'une composition de
incapacité a exister par elle-meme, mais aussi bien son formes essentielles ou substantielles. Il est exclu
aptitude a exister par la forme dans le composé. que plusieurs formes essentielles constituent un tout
formel; ill'est encor~ plus que plusieurs etres compo-
§ _r 8. Le deuxieme exemple est celui du tout et des sent un etre total et unique. Mais, observe Eckhart, il
p~rttes. Ces. notions, qui figuraient également dans la y a une autre espece de pluralité qui, elle, peut
d~monst~atton . ~e la. tr~~sie~e pr?position (§ 14) résider en un sujet sans contradiction, c'est celle
reapparatssent tct, putsqu tl vtent d'etre question du des formes accidentelles. La raison en est que l'acci-
composé de matiere et de forme. La these eckhar- dent n'apporte pas d'etre par lui-meme: ille trouve
tienne est que le tout ne procede pas de ses parties dans son sujet.ll peut done y avoir dix mille accidents
comme s'il en était l'assemblage, mais au contraire dans l'unité du tout composé, puisque c'est lui qui
qu'il donne l'etre aux parties qui existent en lui. Dans leur fournit l'etre 2 • Le tout composé est la substance
la pre~iere co~ception, 1~.. tout n'aurait pas d'unité, individuelle, que Maitre Eckhart, a la fin du para-
putsqu tl y auralt autant d etres que de parties. Si 1' on graphe, désigne par un nom, Pierre ou Martín.
veut qu~ le to~t soit un etre et non deux ou plusieurs,
les parttes dotvent trouver leur etre en lui. § 19. Le troisieme et dernier exemple n'est plus
o? a vu plus haut (§ 14) qu'il ne peut y avoir emprunté a la philosophie, mais a la théologie :
plusteurs for~es substantielles dans le m~me sujet. Eckhart enseigne que le hoc n'apporte pas plus d'etre,
Eckhart en ttre un argument a fortiori en faveur de d'unité, etc., aux étants, que l'humanité n'apporte
d' etre personnel dans le Christ incarné. Cet exemple,
comme les précédents d'ailleurs, ne parle pas de
• § 17 1. ':o!r Comm. G~n., _§ 36, ci-dessous: «La puissance a lui-meme : Eckhart y retrouve sa doctrine, paree qu'il
etre est la dlfference constltutlve de la substance de la matiere » ·
ibid., § 41; Liv. parab. Gen., § 124, LW l, p. 589; Comm. jean;
§ 14.~, LW III, .P· 122 •• Une f~is actualisée par la forme, la § 18 1. Voir THOMAS d' AQUIN, Contre les Genti!s, l, 42, trad.
mattere ne constltue qu un seul etre avec elle, celui du compasé. fran~., t. I, p. z61.
Voir'f.f!OMAS__ d'AQUIN, Som. théo!. l, q. 14, a. z, ad 3m; 1-II, q. 4,
a. S': :ti:l zm.. ·. -. . . . . . z. Voir Comm. Ex.,§ 54, LWll, p. 58-59.
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PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS § 19-2.1: COMMENTAIRE

le lit a sa fas;on 1 : le Christ est homme en un sens Le paragraphe s'acheve sur une nouvelle argumen-
univoque, c'est-a-dire comme les autres hommes, tation a fortiori : le rapport de dépendance formefma-
mais il n'en demeure pas moins que la personne du tiere toutfparties est intérieur a la créature; le
Christ est celle du Verbe, paree qu'il n'y a dans rapp~rt créateurfc~éature qu'il sig~ifie est celui d'u~~
l'Homme-Dieu qu'une seule personne ou hypostase, dépendance bien plus forte, putsque la causahte
comme disent les Grecs. S'il n'en était pas ainsi, la divine est bien supérieure a toute autre.
personne du Verbe incarné résulterait d'une réunion
et son unité ne serait qu'accidentelle. § 20. Ici commence l'argumentation fondée -~ur
Ainsi la matiere qui n'a rien en elle-meme de l'etre des raisons et non plus sur des exemples. La premtere
de la forme est faite cependant pour la recevoir; les preuve est construite sur l'opposition du créateur,
parties qui comme parties n'ont pas d'etre existent cause premiere et universelle, seule donatrice ~'etre,
par leur tout et en lui; enfin l'homme qui dans le et du hoc aut hoc qui, n'étant ni cause premtere et
Christ n'apporte aucun etre hypostatique possede cet universelle ni créateur, ne donne pas l'etre. L~ te_xte
etre par le Verbe et en lui. Apres ce dernier exemple augustinien qui suit, souvent cit_é par Eckhart, tnstste
concernant le rapport de Dieu et de la créature dans le sur ce privilege de Dieu. Il est m~ér~ssant de relever
Christ, Eckhart revient au theme général de la qua- une fois de plus que le Thurmgten conserve le
trieme proposition, selon lequel la créature, consi- moment affectif de la pensée d' Augustin. Cette excl~­
dérée dans sa détermination essentielle, n'apporte mation : «Si quelqu'un ne comprend pas cela, qu y
aucun etre, aucune unité, etc. Ces correspondances puis-je 1 ?» n'ajoute rien a l'objectivité du sens.
peuvent etre schématisées comme suit :
etre forme tout Verbe § 2 I. L'argument suivant repose. sur un~ formul.e.
qui est empruntée au Liber de causzs et _qu~ apparalt
ce el matiere parties homme souvent aussi sous la plume du Thurtngten : «Le
(privation (privation (privation dans le premier est riche par soi. » _Les élém~~ts dont elle se
d'etre) de l'etre de l'etre Christ compase - « premier » et « rtche » - d~stgnent tous, les
de la du tout) (privation deux, aux yeux du Maitre, la fo~cu_on de conferer
forme) de l'etre l'etre. Rappelons que la richesse mdtque non s~ule­
hypostatique ment le pouvoir de donner, mais encore celut de
du Verbe) donner sans souffrir de perte.
La conclusion est introduite dans les memes termes
§ 19 1. Lecture orthodoxe d'ailleurs, puisqu'elle énonce ou presque qu'au paragraphe ~ré~édent: _«Done,
l'unicité de la personne de l'Homme-Dieu. A vec cet exemple, la aucun étant-ceci-ou-cela, etc.» Mats 1 auteur aJOute un
théologie fournit un outil de pensée a la philosophie, mais cette
philosophie est elle-meme l'instrument par lequel la religion
chrétienne prend la pleine conscience d'elle-meme. « Personnel
hypqstatique>> ··est "une ~xpression pléonastique. § zo 1. Con_(. I, 6, 10.
186 PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS § z1-z3: COMMENTAIRE

rappel : s'il est vrai que l'étant-ceci-ou-cela ne donne soit en vertu de l'art, sont, c'est-a-dire ont l'etre par
pas l'etre, les formes qui le constituent «donnent lui - car "sont" et "etre" ont la meme signification,
l'etre-ceci-ou-cela en tant que ceci ou cela». Autre- quoiqu'ils consignifient différemment -, et c'est ce
ment dit, ens hoc se décompose en deux éléments qui suit: "Sans lui, ce qui a été fait n'est rien." Car,
d'origine ,différente: l'étant- pris comme prédicat et comme plus haut, tout ce qui a été fait, soit en vertu
non comme copule- vient de l'etre lui-meme ou de de l'art, soit en vertu de la nature, sans Dieu d'ou
Dieu qu'il signifie, comme Eckhart le dit a la fin de ce vient l'etre n'est rien 1. »
paragraphe, répétant le début du Prologue, tandis
q.ue le ~eci tient ~ux formes des créatures (quoiqu'il § 22. Le troisi<~me argument rebondit sur la
att ausst finalement une origine divine). La distinction conclusion précédente: il énonce qu'en dehors de
du don de l'etre et du don du ceci a déja été l'etre toutes les choses sont néant, «meme les choses
mentionnée a u § 1 1 : «La forme du fe u ne donne pas faites ». Les reuvres._de la nature et de l'art doivent
au feu l'etre, mais cet etre»; et l'expression «ceci en done se soutenir dans l'etre en vertu d'une causalité
tant que ceci» se trouve au § 15, p. q6, 5. On sait supérieure. Supposons maintenant - raisonnement
d'autre part (§ 14 sub ftnem) que la forme a besoin de par l'absurde- que l'etre leur vienne d'un autre que
recevoir l'existence; elle ne saurait done la donner. de Dieu, il s'ensuivrait que Dieu n'exercerait pas son
La citation finale de saint Jean et le découpage qui action créatrice universelle ou que son action serait
y est introduit sont aussi des habitudes du Maitre. 11 nulle. Mais cette conclusion contredit le témoignage ·
faut lire non pas: omnia per ipsum jacta sunt («toutes de la Bible. Done aucun ,autre que Dieu ne donne
~hoses ont été faites par lui »), I?ais omnia jacta - per l'etre. Le recours final a l'Ecriture ne signifie pas que
tpsum sunt (<<toutes les choses fattes sont par lui»); et nous soyons en présence d'un argument d'autorité.
non pas non plus : sine ipso jactum est nihil, («sans lui Cette troisieme preuve implique comme les autres la
rien n'a été fait»), mais : sine ipso jactum - est nihil these que l'etre est Dieu, et l'on a vu qu'a l'appui de
(«sans lui, ce qui a été fait n'est rien»). Cetie cette proposition les arguments de . raison et les
interprétation de la pensée d'Eckhart s'appuie en arguments d'autorité ne constituent pas deux genres
particulier sur le passage ~uivant du Commentaire sur distincts dans la perspective ou nous sommes d'intel-
le Livre de la Sagesse : « ... Le devenir (fteri) des ligence de la foi.
choses est du aux causes secondes, tandis que l'etre de
toutes choses, soit naturelles, soit artificielles, en tant · § 23. Dans le quatrieme argument, le Maitre rap-
que premier et parfait, est du a Dieu seul immédiate- pelle qu'il n'y a ríen dans le bon-ce~i ou le bon-cela ni
ment. Car "les reuvres de Dieu sont parfaites", Dt 32. dans l'étant-ceci ou l'étant-cela qui ne tienne de l'etre
Toute la perfection de toutes les choses est leur etre: et dans l'etre tout ce qu'il a d'etre (ou d'etre-
omnia per ipsum jacta sunt, et sine ipso jactum est nihil,
Jn L,~e!on . .~ne. in,te,rpr~tation? le sens est que toutes
les dioses qut ont ete fattes, sott en vertu de la nature, 1 1. § 19, LWII, p. 340. Voir Comm.Je~n, §53, LWIII, p. 44·
188 PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS § z.3: COMMENTAIRE

bon,. etc.,). Il en c,o~~lut que le ceci ou cela, qui est soient aux antipodes l'un de l'autre par la dignité
passtf par rapport a 1 etre, ne va pas changer de role et métaphysique, le transcendantal «étant» et l'accident
renyoyer a l'e~re une partie de ce qu'il en a re<;u. Cette « blanc)) peuvent etre considérés tous les deux comme
cuneuse mentton d'un reflux de l'etre des choses vers entretenant avec leur paronyme «etre» et « blan-
leur ca!lse se~ble suggérée par une faute dans la cheur» une relation semblable de dépendance.
t~aductton l:tt~ne du co,mm~ntaire de la proposi- Eckhart soutient que seule la cause de l'etre donne
tton 34 des !flement~ de theologte de Proclus. On y lit en l'etre, la cause seconde ne communiquant que la
effet que «1 etre e~tte! de tout .ce qui se convertit par détermination spécifique. A partir d'ici et dans le
nature vers son prtnctpe recurrtt, "rebrousse chemin" paragraphe 24, il a pour objet d'établir que la dualité
vers ce vers quoi il opere une conversion essen~ des causes en présence ne met pas en périll'unité de
ti~lle 1• » Or recurrit traduit le grec &.vl¡pn¡'t"ocL qui veut leur effet. Il énonce une proposition générale, pro-
dtre «est su.s~endu a», «est dépendant de». La lecture pose ensuite une corpparaison et conclut enfin par la
du texte ongtnal de ce passage proclusien ne suggere considération directe des deux causes en question. La
done nullement que l'etre du dérivé revienne ·en proposition établit que si les différentes propriétés
arriere vers son origine ou retourne a elle - comme si d'une chose la concernent dans sa totalité en vertu
1' ~rigine avait. p~rdu quelque chose et qu'il falh1t le chaque fois d'une cause unique, la chose est vraiment
lut rendre -, mats seulement qu'il se convertit ou se une :la chose peut avoir plusieurs causes, elle n'en est
tourne vers elle. pas moins une, si ces causes unes se compénetrent
Mais peu importe ici la vérité du texte de Proclus. dans leur effet en le produisant chacune tout entier.
Eckh~rt éclaire s~ pensée ~n donnant l'exemple d'un La comparaison est celle du corps mixte dans lequel
boucher blanc qut ne sa~ratt, en tant que récepteur de chacune des formes accidentelles qui l'affectent tout
la ?I~~c~eur, en devemr le renvoyeur. Passivité et entier ne releve que du príncipe propre de cette
acttvtte s .excluent. Cet exemple indique la correspon- forme. On remarquera l'usage qui est fait deux fois
dance sutvante : du mot «ajouter»: nous lisons que la quantité pro-
duit son effet propre sans que quidquid quantitatis soit
blancheur etre ajouté par une partie · quelconque constitutive du
bouclier blanc cet étant mixte; de meme pour la qualité. La tournure de la
phrase rappelle l'énoncé de la quatrieme proposition
L' accident « blanc » illustre le cas du transcendantal qu'il s'agit ici d'expliquer: Eckhart y posait que nihil
«étant?>~ comme au début du Prologue a /'(Euvre des entitatis n'était fourni par le «ceci ou cela», l'etre
propostttons et a u § 12 du Prologue général. Quoiqu'ils venant au ceci sans que le ceci ait un role a jouer a cet
égard. Dans la derniere phrase du paragraphe, le
Maitre en vient aux deux causes qu'il a en vue, la
Texte latin daos la note de l'édition de Stuttgart (LW I
I.
1?·179); texte..,grec daos PRocLus, The Elemenls oJ Theology' cause seconde et la cause premiere, a sa voir la forme
cd. Dodds, Oxford, p. 36. · · ' substantielle et Dieu seul, dont les effets sont respecti-
- .
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS § 13-1 S : COMMENTAIRE

vement l'etre de la forme- par exemple l'etre de la compose avec la cause divine premiere 2 • La dualité
pierre - et l'etre pris absolument. Quoique nous des causes seconde et premiere compromet d'autant
soyons en présence de deux causes, le résultat est un moins l'unité de leur effet qu'elles sont plus fortement
meme «tout composé», et cette unité est d'autant hiérarchisées.
mieux garantie que les causes en jeu sont plus En résumé, nous avons appris au paragraphe
fondamentales. précédent que la diversité d:s causes d'une chose n_e
nuit pas a l'unité de celle-ct, quand la chose re~olt
§ 24. Les considérations qui suivent sont suggé- tout entiere l'effet propre de chacune de ces causes.
rées par la fin du paragraphe précédent ou il était Au § 24, l'auteur a ajout~ que des causes de gel}res
question, a propos de la pierre, de son etre forme! et différents peuvent prodmre en une chose le meme
de son etre tout court. Le Maitre observe qu'une etre sous d'autres rapports. Il a noté enfin que les
pluralité de causes peut s'exercer sur le meme effet causes subordonnées du meme genre ont la meme
sans détruire son unité. Les quatre causes aristotéli- action et le meme effet. Or, la cause seconde et la
ciennes n'apportent pas a la chose quatre etres diffé- cause premiere produisent chacune, dans la ~hose
rents : c'est le meme etre qui est produit tout entier tout entiere, son effet propre, non pas deux etres,
sous les quatre rapports différents de la finalité, de la mais un seul sous des rapports différents; et, quoique
formalité, de la réceptivité (et de l'efficience). Ces distinctes par le genre, l'une agit sous l'empire de
causes ne produisent pas des choses différentes, mais l'autre tout en conservant sa fonction spécifique. La
une seule sous des rapports différents. cause premiere fonde l'opération de la c~us~ ~econde
Eckhart mentionne encore le cas de causes du et apporte au meme effet ce que la cause mfeneure ne
meme genre : subordonnées les unes aux autres, elles peut lui offrir.
produisent le meme effet en une action unique. Elles
s'unissent en un effort commun, l'inférieure agissant § z 5. Le dernier para~raphe donne,_le ~é.sumé ?~
sous l'empire de la supérieure 1• Une fois de plus, Prologue. Il se peut, dis10ns-n~ms, qu, 1l n a1t p~s. ete
Eckhart conclut a fortiori en déclarant que cela composé par Eckhart. Sa parttculante. est de ~1v1s~r
est bien plus vrai quand une cause inférieure se l'opuscule en sept points au lieu des s1x menuonnes
par le Maitre. Cette différence est obtenue en parta-
geant le troisieme para~raphe, ~u. Pr?log~e, c'est-a-
dire la seconde observauon prehmmaue. L auteur du
1. Voir THOMAS d'AQUIN, In Metaph., L. V, lect-n, Marietti, résumé considere comme une chose la distinction
§ 77 3, p. z 13 : « Car il est impossible que du m eme selon le m eme
genre il y ait plusieurs caus~s par soi du meme ordre, quoiqu'il
puisse y avoir plusieurs causes de telle maniere que !'une soit
proche et l'autre éloignée ou que ni !'une ni l'autre ne soit cause z. Sur la subordination de la cause seconde a la ~ause
suffisante, mais !'une et l'autre ensemble, comme on le voit premiere chez Thomas d' Aquin, voir par exemple Som. theol. I,
quan~l.rplusieurs tiient un na vire.» q. 105, a: 5; Comp. theol., chap.q5.
-~"~'"""''"
i. ·i ,.._u~_~·:· .·:·
:~ .·:~~r:·:·./;r

PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS COMMENTAIRE


'

entre l'étant et l'étant-ceci-et-celat, et comme une dantaux qui lui sont associés; dans le second cas, la
autre la différence établie entre les deux fonctions de proposition de troisieme adjacent, le prédicat est le
l'étant dans la proposition: la deuxieme distinction ceci, et les transcendantaux sont copules. La premiere
est selon lui la raison de la premiere. des .. qua tres. theses que pose em~uite le deuxieme
Apres ce prol~g~e, l'(Euvre ~es propositions devait Prólogue concerne l'etre que sign!fie l'étant; la qua-
com~~ncer tmm~?tatement, pmsqu'on trouve ici la trieme regarde le céei; les deux theses intermédiaires
premtere proposttton du premier traité: «L'etre est sont relatives a l'étant déterminé pris d'abord dans sa
J?ieu», l'adjonction «etc.» indiquant la démonstra- simple dépendance, puis dans sa dépendance immé-
tlon de cette proposition, dont le § 1 z du Prologue diate,. par rapport a l'etre lui-meme et aux autres
général nous donne une idée. transcendantaux. La distinction de l'«étant» et du
«ceci» crée les deux aspe.cts, positif et négatif, de la
Personne ne contestera l'unité doctrinale du relation de la créature ·- a Dieu. Comme «étant» , la
deuxieme Prologue et l'accord de cette introduction cr~ature es~ cc_msid~iée. dans l'etre qu'elle re~oit de
avec la précédente. Le deuxieme Prologue est dominé Dteu, elle stgmfie Dteu; comme « ceci », la créature est
par une problématique unique : la distinction au sein prise .en elle~meme, comme n'ayant rien par elle-
de l'ét~~t porte~u ?'u~e détermination spécifique de meme de ·l'etre qu'elle re~oit de Dieu.
deux_ el~~ents mdtques par le langage lui-meme, a Quant au Prologue général, il enseignait la meme
savmr 1 ~tant, relevant de la cause premiere dans la d_octrine. En· effet, 'dans le plan de l'Opus proposi-
perspectlve du rapport de dépendance de l'étant tzonum, Dieu s'opposait a la créatute comme l'etre au
vis-a-vis de l'etre lui-meme, et le ceci ou la détermina- . néant ou la substance a l'accident. Vide par elle-
t~?n qui _est l'effe~ ,d~ la cause seconde. Quand meme, incapable d'apporter de l'etre, la substance
1 etant-cect est constdere comme étant, le ceci s'efface avait done le meme statut que le (( ceci)) du deuxieme
et l'ét~nt renvoie a l'etre lui-meme; quand l'étant-ceci Prologue. Les remarques subséquentes présentaient
e~t prts" en tant que ceci, c'est cette fois l'étant qui les transcendantaux et les perfections spirituelles en
dtsparatt en se transformant en simple copule. A ces ~~finiss~nt leúr rappórt au su jet mi a.la substance par
deux aspec~s de toute créat':re correspondent done 1 !?ve;swn. du rapport des accidents a leur su jet
deux ~o?ctwns du verbe etre et deux types de d tnherence .. On retombait done sur la perspective
propostttons. Dans le premier cas, la proposition dite ouverte pfir le plan de I'Opus propositionum: la subs-
de second adjacent, le verbe etre sous la forme du tance créée apparaissait face a Dieu dans le role de
participe «étant», est le prédicat, avec les transcen- l'accident.
Mais l'accident, comme le «ceci», dépourvu d'etre
par l:ui-meme, peut se concevoir aussi dans l'etre qu'il
re~mt _de Dieu. Alors, lo in de s' opposer a Dieu, i1 va
. I. A ce ~r~pos, il introduit une obs~rvatio~ qui est faite plus
~ot_p a u § 5.· .J et.ant est un seulement et ll est Dteu, tandis que les
de patr avec 1'esse qu'il signifie, pour employer le
etants-cect-ou-cela sont plusieurs. · langage du deuxieme Prologue. Il y a une do u ble
194 PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS COMMENTAIRE
lecture. de la relation du supérieur a l'inférieur : ·lui-irieme. 11 considere moins. le ·résultat de l'action
l'inférieur se révele comme v~de ·par soi du supérieur, divine que cette action elle-meme, l'investissement
o u au contraire comme rempli de. sa présenc~, comme des substances par l'etre, de Di,eu, son .operatio_?-
habens esse. Ainsi se trouveht annoncées, ·dans le immédiate en elles. Ains1 la creature lut appa.ralt
Prologue général, no~ seulement la premi~re et. la comme étant de l'etre d'un autre, a savoir le créateur.
quatrieme proposition du Prologué. suivant - o u U n'y a rien de plus conform~ a la vérité traditi<:>n..:
l'étant qu'est Dieü s'oppose au ·«.ceci» de la créa- nelle. Il s'agit si peu de panth~tsme en .cela q?e J?teu
ture -, mais encare les· deux P:l"opositions interm~­ n'est l'etre du monde que s d. est Dteu lut.:.meme,
diaires selon' lesquelles le «ceci» participe a l'étant. c'est-a-dire ~ans mélange avec le monde. Dieu n'est
Les Prologues sont done . en. harm6nie l'un avec tout entier dans le monde qu'a la condition d'etre
l'autre et constituent a eux deux un véritable traité tout entier en dehors du monde, puisque, s'il ne l'était
des rapports de la créature et du créateur. pas, il ne ·serait pas-o Dieu. ,.· . .
A considérer les choses avet'sérénité, C(!S textes ne Le monde existe, mais sans qu d solt permts
contiennent rien de choquant. Le M~itre ne nie pas d'utiliser a son propos le verbe e~re au s.ens propre.
les causes secondes, puisqu'il leur laisse leur effet Le · rapport a un sens propre a. la fms fonde la
propre, le « ced », et. il est évident que les . causes différence de la créature et du créateur et l'annule,
secondes n'agiraient pas si elles é~aient frappées paree que le sens dérivé n'est pas le sens propre et que
d'inexistence. La Thutingieri ne cesse de suggérer le sens dérivé n'existe que par et dans le sens propre.
que l'etre des· créature~ est produit p~r Dieu: ah ipso U y a un esse rerum, mais qui est par et dans l'ess~ tout
omnia st~nt. Toute cause a un effet; or stle mot «cause» court. 11 est toujours possible de mettre en rehef un
a un sens,c'est bien dans le' cas d~la cause'premiere. aspect des choses, pourvu qu'on ne nie.pas les ~utres.
Considérer · l'étant.:.ceci eó.. tai:it que· ceci, ce n'est Maitre Eckhart_~ah que l'ceuvre de Dteu ex-,stste. 11
absoluinent pas nier que d'autré part 'il soit un étant. sait aussi que la vérité de cet et~e ne ·se decouvre
La proposition de tr_oisieme ~~jaceni.n'~st pas la seule pas dans son .·etre-é~-dehors, mats dans. sa .source.
qu'on púisse former au sujetde ~ierre ou de Martín. Dominé par le serittment. de·. la subord~natt<?n, :d~
Et dire que la ctéaturé n'est rien par elle""meme, _ce l'app~rtenan~e., de ht créat~~e au·.créateur, ~1 sattsfatt Aa
n'est pas esppechér qu'elle soit p~r un autre_ et done la fms aux extgences de lmtelhgence qut reconnatt
qu'en un certain sen·s elle soit. · · ·.·. .. qui nous sommes et d'ou ~ous ve~ons, et_ a c~lle_s de la
11 y ·a un esse rerum qti' on ne péut nier sans religion, voire de la mys~tque, qut nous tnvtte a nous
contresens, mais il demeure vrai que :Maitre Eckhart installer dans cette ongme. " , .
ne fixe pas cet etre des choses dans sori. altérité par 11 est remarquable que Matt~e ~ckhart ? alt pas
rapportá Dieu~ Commecelui de l'acci.dent, l'etre de la jugé que son effort intelle~tuel fut t?~o~pattble avec
créature, venu d'ailleurs, est fondé atlleurs. Le Thu- son élan religieux. Cela n est pas atse a ~ompr:?dre
ringien privilégie un point de vue, celui qui consiste a apres les tentatives qui ont été faites deputs des. stecles
saisif l'·etre des choses dans son origine plutót qu'en pour instituer en évidence l'antithese de la ratson et
-~. '>~~;~~·-~!~>!'
...,.·.
, ,.

PROLOGUE A VCEUVRE DES PROPOSITIONS

de la foi. Qui n'est pas nominaliste, pascalien ou


kierkegaardien parmi ceux qui croient encore? Il faut
pourtant arriver asaisir comment la rationalité la plus
technique et la disposition religieuse la plus élevée
peuvent vivre et prospérer ensemble, a moins de 11
renoncer a saisir l'unité de la pensée eckhartienne. La
construction d'un édifice intellectuel rigoureux fait
partie intégrante de l'intention religieuse, quand elle
en est l'effet, qu'elle l'exprime et la soutient. Car il
arrive que cette construction rationnelle se réalise
sous la motion de l'élan re_ligieux et mystique, et que
par conséquent; cet édifice de, rais.ons: indique cette COMMENTAIRE
disposition religieuse. et l'entretienne. . ,
Sans doute ·existe-t-il ·des. formes de piété qui DE LA GENESE
tournent le dos a l'intelligence, mais elles laissent
l'intelligence en dehors d'elles sans justification ni
emploi ou livrée a des usages étrangers, voire hos-
tiles, a la religion. 11 faut done se garder de confondre
la conception de l'intelligence que suppose cette
forme de piété avec: l'idée que d'autres ont pu s'en
faire. Jamais le Thuringien n'a pensé que l'intelli-
gence dut servir ;a autre 'cho.s(! qu':l. ·comprendre la (traductiqn et notes
vérité supré~e, soit qu'ell~ 1!! fit. en méditant des
exemples .i póur lui, le. savoir aristotélicien sig{iifie la .par A~ de Llbéra, E.. Weber ·.
vérité religieuse cqrr-u;ne l'étant sig~ifie )'étre '---, soit ··~t ·E~· Zurp·: Bru.nn) .
qu'elle institúat; ·avec: l'aide dé philosophes platoni-
ciens, les cadres conceptuels dans lesquels la disposi-
tion religieuse et mystique de l'homme est a l'aise et
s'accomplit.

1
l
~t
INTRODUCTION
1 -
1
!

Comme la quasi-totalité de ses Commentaires, le


Commentaire de la (;_enese d'Eckhart est une exégese
biblique dont l'orientation se définit largement par les
exigences de la prédication 1• De ce fait il ne s'agit
pas d'un commentaire suivi du texte sacré, mais,
conformément aux principes de synthese théologique
annoncés dans les Prologues2, de l'élucidation d'un
certain nombre de passages choisis pour leur charge
doctrinale et insérés dans le tissu de la liturgie,
comme l'atteste le recours quasi systématique aux
Psaumes et aux autres textes bibliques familiers aux
célébrations.
De toutes les reuvres d'Eckhart le Commentaire de la
Genese est celui qui passe pour avoir retenu le plus
l'attention des censeurs. La premiere liste d'accusa-
tion établie par la commission de Cologne réserve
effectivement l'essentiel de ses critiques a ce qu'elle
appelle «le premier Commentaire de la Genese»,

r. V o ir Pral. gén. § z, o u Eckhart déclare répondre aux


sollicitations de ses confreres precheurs. Et, au Camm. Cm., le
§ z8 5, ou il est fait allusion aux techniques rhétoriques mises en
reuvre pour le sermon.
z. Cf. Pral. gén. § z; Pral. CEuv. exp.
200 CQMMENTAIRE DE LA GENESE INTRODUCTJON 201

titre d'ailleurs repris par Eckhart lui-meme dans caux, notamment d' Avicenne, aux textes juridiques
sa Défense. En réalité cette appellation recouvre des ( Décret de Gratien, Décrétales). Ce désir d'actualisa-
éléments de provenance diverse, le plus souvent tion le conduit meme a accentuer, a la suite d' Albert,
empruntés aux Prologues} au Commentaire de f Exode} la valeur positive et spirituelle de la dualité des sexes
voire au Commentaire de la Sagesse. Plusieurs passages que la mentalité encratique de la tradition augusti-
n'en sont pas moins tirés du présent Commentaire de la nienne considérait avec suspicion.
Genese. Ces memes passages sont repris quelques Loin·de n'óffrir qu'un intéret pU:rement historique,
années plus tard par la Bulle «In agro dominico» qui le présent Commentaire de la Genese hous ménage
les répute «erronés ou entachés d'hérésie, tant par les un des principaux ·acces ·conduisant au creur de
termes _employés que par l'enchainement de leurs la difficile pehsée d'Eckhart. L'ouvrage· remarqué
idées»3. C'est le cas notaminent.de l'interprétation de de VI. Lossky, Théologie négative et connaissance de pieu
Gn I ' I o u Eckhart se voit reprocher a. la fois de chez Maitre Eckhart, fonde principalement sur cette
precher qu'il y eut un temps ou Dieu n~était pas et de reuvre toute son interprétation.
poser que le monde est coéternel a Dieu~ .. Chaque e:X:égese est 1'occasion d'une manie~e
Tous les grands themes abordés par Eckhart sont d'inventaire des raisons et des lieux propres a ouvru
cependant loin d'etre per~us comme «malsonnants, le sens profond d'énoncés qui enveloppent· tous
téméraires et suspects d'hérésie». De fait,. des six les aspects, physiques· et spirituels, de la condition
principaux, seuls.les deux premiers paraissent effecti- humaine et par la appellent la synthese de tous les
ve~ent réclamer l~s « explications. et compléments » savoirs afférents. La vision architecturale d'ensemble
voulus par Jean XXII pour qu'ils «puissent prendre esquissée dans les Prologues trouve ici sa réalisation
ou avoir un sens catholique»: création dans le Verbe; ponctuelle; · ..
coéternité du monde au V erbe, théorie des éléments C'est ·ainsi que le theh1e class~que de la créati<?n
du cos'mos, eréati.on de l'homme a l'image dé Qieu, «dans le Príncipe» interprété comme Verbe ou Fds
repos de .Dieu, sens de ·la. division des s~xes .. est l'occasion d'une grande réévaluation de la doc-
.Chacun de ces· themes est traité. en profondeur par trine des Idées divines créatrices. En quelques pages,
uri ·théologien soucieux de rassembler. dans. son exé- c'est toute la problématiqtie érigénienne des Causes
gese le mdlleur des techniques et des s'avoirs campo- primordiales qui ré~oit u:n nouvel essor, qu'il s'agisse
san( la culture. philosophique. et scientifique de son de l'absolue coéternité du Verbe a Dieu ou de la
époque. D'ou le recours massif aux écrits physiques simple coéternité des Raisons idéelles du créé «avant»
et cosmologiques d' Albert le Grand ( Météores} Du sa sortie dans l'etre extérieur au Verbe (creatio ad
Ciel} De la génération el corruption) J. aux écrits médi- 1 extra). Mais aussi bien e' est toute une dimension de
1 l'héritage d' Augustin qui est sauvée d'un mouvement
1
alors grandissant de critique puis de rejet des Idées
1
3· Vo!r la f3ulle.« In agro dominico>>, DENZINGER-ScHONMETZER, divines suscité. par l'ontologisme d'Henri de Gand.
Enchiridion, na 979· ! L'exégese se situe ·done ici d'emblée au creur des

1
1
.202 COMMEN"I:AIRE DE LA GENEsE INTRODUCTION

contr~~erses :·t:héologiques et philosophiques du de deux Commentaires l!lenés de front, quelque


XI Ve stecle natssant. ·· · · différents qu'ils soient, a incité Eckhart a passer plus
C'est ainsi encore que le theme du repos de Dieu rapidement sur certait:ls aspects du dernier. tiers du
est orchestré en plús de vingt « raisons » qui tendent Livre commenté : aussi bien nous offre-t-il alors plus
toutes, · a leur maniere· et avec leurs ressources un dossier compilé a partir d' Augustin et de Malmo-
propres, a rapprocher J'homme viateur de la bienheu- ni de qu'un trayail suivi d'interprétation.
reuse quiétude· de l'etre ·divin. On voit que la fin ·de Comme on l'a dit dans l' Avant-propos, le texte
l'exégese eckhartieó.ne est aussi éminemment pratique servant de base a la traduction est celui de K. Weiss
sans cesser d'etre spéculative. · (LW I p. 185-444) dont.on a suivi tes lec;ons et la
La cohésion avec les Prologues est évidente. Pre- numérotation en paragraphes. On notera a ce sujet
mier de tous les Commentairespar l'ordre des matieres, que le texte ne comporte pas de § 82 ni· de § 21 3. En
1' Expoiition de la Genese est aussi la premiere mise en effet ces deux §§, at!estés ·dans le manuscrit d'Erfurt
reuvre de la méthode ptécédemment définie. Lisant le (E; publié par Wéiss, LW I p. 63 et 83 pour ces
dessein du · salut dans chaque passage de la Bible, deux §§), mais absents c;les deux principaux ténioins
Eckhart enseigne a relier sur un plan contemplatif de la tr~dition du texte (manuscrits de Cuse et de
la diversité -des pages bibliques proclamées par la Treves), ont été a juste .titre écartés par l'éditeur4.
liturgie. · · ·· . Seul le § 8 2 présente un certain intéret, sans toutefois
Outre l'exégese de Gn 1, 1 («Ati. commencement proposer de doctrines originales 5•
Dieu créa le del et la terre») telle qu'elle est dessinée
dans le Prologue général aI'(Euvre tripartite (§§ 14 et ss.),
í
Eckhart renvoie fréquemment aux traités composant
1
1 l'(Euvre des propositions. Les références semblent indi-
quer qu'une partie notable de 1' ouvrage était rédigée
1: ou sur le point de l'etre au moment ou le Commentaire
i de la Genese a été écrit. De ce point de vue les
indications éparses de l'(Euvre exégétique s'averent
précieuses pour tenter de reconstituer les lignes de
force de cet Ouvrage perdu. . .
On notera également qu'Eckhart renvoie chaque
fois qu'ille juge nécessaire a son «·second Commen-
taire de la Genese»: le Livre des Paraboles de la Genese. 4· Voir les observati<;>ns de K. WEISS, LWI p. 9-.21: le ms E
Preuve qu'il ne les considere ni co:mr;ne redondants ni représente un état premier du texte. · - · ·
comme concurrents. De fait, dans les Paraboles, c'est 5· Le § Sz· (ms E) rattache au ·therrie biblique des eaux
mo~n~. !a l~ttr~ que le sens · allégorique qui motive supérieures et des eaux. inférieures la doctrine du double eti:e
l'exégete. On peüt cependant imaginer que l'existence propre atoute créáture. Voir ci~dessous Comm. Gen.§ 81 et § 77·
PROLOGUS PROLOGUE A L'CEUVRE
IN OPUS EXPOSITIONUM I DES EXPOSITIONS

( Premiere version)
In principio creavit deus caelum et terram. Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre
Operis tripartiti pars tertia principalis, opus scilicet (Gn 1, 1 ). Ici commence la troisieme partie principale
expositionum, incipit. de l'(Euvre tripartite, c'est-a-dire l'<Euvredes expositions.
. Ubi prooemialiter praenotandum quod transcur- Il faut noter au préalable _qu'ayant parcouru dans
rendo secundum ordihem vetus et novum. testa- l'ordre 1' Ancien et-le Nouveau Testaments, du début
mentum ah exordio usqrie in finem ea, quae pro tune jusqu'a la fin, j'ai noté, au fur. et a mesure, ce qui se
se ·offerebant et qua e me dixisse aliquando ·circa présentait et ce que je me souvenais d'avoir dit pour
auctoritatum· exposiciones menioriae ·occurrebant, an- expliquer les autorités. Toutefois, voulant éviter les
notavi. Prolixitatein tamen vitans plurima b:reviare longueurs, j'ai pris soin (ici) d'abréger un grand
curavi aut penitus . omittere, sane. ne meliora et nombre (de le~ons) et j'en ai mem~ omis certaines
utiliora circa expositiories ·huiusmodi, qua e vel sancti pour que l~on n'ait pas l'impression queje négligeais
vel venerabiles doctores, praecipue frater· Thomas ce que les Peres et les Docteurs les. plus admirés,
i scripsit, neglecút-viderentur. Interdum, licet raro, ubi principalement frere Thomas, ayaient écrit de meil-
·' talia invenientur ah iisdem exposita, notare hic volui leur et de plus utile -~ ce genre d~exposition,. . .
et quandoque ·etiam succincte tangenda iudicavi. Ici et la, rarement a·vrai dire, j'ai tenu a indiquer a
¡·
Incipiamus ergo ét dicamus ': In principio etc. quel endroit on trouvait ces explications, parfois aussi
j'ai jugé opportun d'en traiter succinctement.
Commen~ons · done et disons : Au commencement,
Dieu créa le ciel et la !erre t.

1. ~ présente version du Pro/og~~e n'est pas attestée dims les -.


ms. d Erfurt ~t de Cuse. Nous donnons done séparément la enchaine directemént sur l'explication- de Gn 1, 1. On notera
«Seco~de verSJOO>~ (E, col. 83, e, f. S9 rb). Pour tout ceci, cf. aussi qu'ari § 88 de son Commentaire. Eckhart renvoie explicite-
L'r_.I, p: I8l-·184. On _remarquera que la «premiere version» ment aux promesses de brieveté faites _dans le Prolog11e.
PROLOGUS PROLOGUE A L'CEUVRE
IN OPUS EXPOSITIONUM II DES EXPOSITIONS

1. In quo opere sunt quinque advertencia .. ( Seconde version)


Primo_ quod in expositione auctoritatis, de qua
. Cette reuvré contientcinq point remarquables:
tune agitúr; plurime et plerumque adducuntur aliae
auctoritates canonis, et illae omnes auctoritates pos- 1. Dans l'explication d'une autorité, ce dont il va
sunt in locis suis exponi ex ista, sicut nunc ista per maintenant s'agir, je cite souvent et en grand ·nombre
illas ... d'autres autorités du Canon, mais toutes ces autorités·
peuvent etre expliquées grace a elle, la ou elles se
2. Secun4o notandum·- quod omnes auctoritates
trouvent, de la meme fasonqu'elles l'expliquent ici.
adductae et in:super inductae quási incidenter' in suis
locis semper exponuntur diffusius, unde qui ipsas vult 2. Il faut noter que toutes les autorités citées· et
plenius intelligere, ibidem _requira~. - ajoutées au passage presque incidemment, sont tou-
jours expl~quées plus en détailla ou elles se trouvent.
3· Tert~o advertendum quod huiusmodi auctori- Ainsi celui qui. veút les comprendre mieux n'a qu'a
tates frequenter adducuntur praeter· intentionem pri- s'y reporter. · ' · ·
mam litterae; secundum veritatem tamen et proprie-
tatem litterae faciunt ad propositum, sicut est illud: 3· Il faut prendre garde au fait que les autorités de
¡ « Modicum et iam non videbitis me», lo h. 16, et ce genre sont fréquemment citées en dehors de
illud : « Modicum fermentum totam massam corrum- leur sens littéral-immédiat, toutefois, si l'on· regarde
i quelles sont les véritables propriétés de la lettre, elles
pit», .Cor. 5, et quam plurima pluries similia. Hoc
autem utiliter et fructuose fieri- docet Augustinus restent a propos ..C'est le cas, par exemple, de Jn 16:
1 « Encore un peu et vous ne me verrez plus a» et de
Co 5 : «Ne savez-vous pas qu'un peu de levain fait
_a:"Jn-r6,·r6. ·- _ b. 1 Co 5, 6.
lever toute la pate?b» et de bien d'autres passages
208 PROLOGUS IN OPUS EXPOSITIONUM 11 PROLOGUE A L'<EUVRE DES. ESPOSITIONS 11

XII Confessionum tractans illud : «In principio semblables. C'est cela qu' Augustin enseigne a. faire
creavit caelum et terram», Gen. 1. utilement et fructueusement, en Confessions, XII 1,
quand il explique Gn 1 : «A u commencement, Dieu
4· Quarto sciendum quod pro vitanda prolixitate
operis fr.equenter circa auctoritatem tangitur solum créa le del et la terree. »
distinctio et quaedam notanda in · illa et ex illa 4· Il faut savolr que pour éviter d'allonger excessi-
auctoritate, quae habetur prae manibus, prosecutio vement l'CEuvre, c'est souvent qu'a propos de telle
autem et concordantiae scripturae reservantur pru- autorité je me contente de faire des distinctions et de
dentiae lectoris. Propter quam brevitatem etiam marquer certains points notables, qui s'y trouvent ou
multa et notabilia volens omisi. en découlent. Je laisse ainsi a la prudence du lecteur le
soin de continuer et d'établir la concordance de
5· Quinto notandum quod auctoritates principales
l'Ecriture. C'est par ce souci · de brieveté que j'ai
plerumque multis modis exponuntur, ut qui legit,
nunc istam rationem, nunc aliam, unám vel piures volontairement laisse de coté beaucoup de choses
remarquables. · · ·
accipiat, prout iudicaverit expedire.
5· Il faut noter que les autodtés principales sont,
c. Gn 1, 1 en général, expliquées de nombreuses fa<;ons. Ainsi le
lecteur peut-il prendre tantot telle explication, tantot
1. Cf. AuG., Les Confmioni, XII, xvn, 24-XXXII, 43' (BA 14, telle a~tre, J.me ou bien plusieurs, comme il juge plus
p. 378-423)· expédient de le faire.

·.._:.
TABULAAUCTORITATUM TABLE DES AUTORITÉS DU LIVRE
LIBRI GENESIS DE LA· GENESE

CAPITULUM PRIMUM CHAPITRE PREMIER

AUCT. I In principio creavit · deus caelum et ;\UT. l Au,commencement, Dieu créa le ciel
terram. et la ·terre ( 1 , 1 ) . · .

Hae.c_ est ~ri~a atictoritas primi capituli C'~st la premiere autorité t du premier
G~ne~t~. lbt mv~ni~s ·primo quod hoc chapttre de la Genese. Tu trouveras la, en
prtnctptum est ratio tdealis et ratio rerum premier lieu,. que ce commencement est la
quam. nomen indkat et diffinitio signat. Raison idéelle ~t la Raison des choses, que
ltem_ quod hoc principium est intellectus, le nom_indique et que la définition signifie.
secundum illud Psalmi : <<Fecit caelos in De plus, que ce commencement est l'intel-
i~tellectu. » Iterum etiam quod hoc princi- lect, selon ce passage du Psaume: «Il a fait
ptum est nunc aeternitatis. les cieu}{dans l'intellecta. » Enfin aussi, que
Secundo habes quorriodo Moyses prae- ce commencement est l'instant de l'éter-
nité. · ·
mittit caelum, cum in Psalmo et ad
Hebraeos 1 terra praemittatur: «lnitio tu . En second lieu, tu trouveras pourquoi
domine terram fundas ti. » · Moisé a d'abórd parlé du ciel,, alors que
dans le Psaume b et dans l'Epitre aux
Hébreuxc c'est la terre qui vient en pre-
a. Ps 135, 5· b. Ps 101, 26. c. He 1, 10.
mier: «Au commencement, Seigneur, tu
as fondé la terre. » ·

1._ «Aut~rité>?, auctori~as, c'es~-a-dire texte de référence (scrip-


turatre, theol<:>gtque,, pht!osophtque) qui sert de fil conducteur La Te:ble des Aritóri~és, reuvre_ d'Eckhart, est plus qu'un simple
au ~.?m~enp~ue .de l Ecnture. En effet ce n'est pas l'intégralité sommatre : elle fourmt au lecteur, c'est-a-dire au prédicateur un
du .texte qm est commenté. · · choix réfléchi de themes et d'intérprétations. · '
r~,-·····--
212 T ABULA AUCTORITATUM L. GENESIS
• TABLE DES AUT. DE LA Gn., 1,1-1 21~

Tertio habes ibídem quomodo ab uno -·. · En · troisieme· lieu,· tu .verras la aussi
simplici possint immediate plura produci, comment. plusieurs choses peuvent etre
quia deus unus creavit caelum et terram. Ad produites immédiatement par un seul etre
quod respondetur ex via communi et ex simple, puisqu'il est dit que Dieu, un, créa
Thoma, secundo ex A vicenna, tertio ex le cielet la terre. A quoi on répondra d'apres
Alberto, quarto, quinto_ et sexto aliter la doctrine commune et d'apres Thomas;
quidem, satis pulchre, ut videtur. deuxiemement d' apres A vicenne; troisie-
Quarto exponitur praemissa auctoritas mement d'apres Albert; quatriemement,
moraliter, quare Moyses prius caelum cinquiemement et sixiemement de fac;on
nominet quam terram. encare différente mítÍS assez ~elle, a ce qu'il
Quinto invenies duo, quae Rabbi semble.'
Moyses ponit circa hoc quod dicitur : in En quatrieme lieu, ladite autorité est
principio creavit deus _et terram etc. Et interprétée au sens moral : pourquoi Molse
sub eoderl'l decem alias modos exponendi a-t-il nommé le ciel avant la terre?
verba praemissa sive litteraliter si ve mora- En cinquieme · lieu, ·tu trouveras deux
liter. Ultimo habes ibídem quomodo duo, choses que Maimonide propase au sujet de
et duo tantum, ~aelum scilicet et terra, ce qui est dit : Au commencement Dieu créa le
dicuntur in principio creata, et quomodo ciel et la terte. Et a la suite dix autres fac;ons
unitas, imparitas . et indivisio sunt deo d'expliquer ces ·mots, soit au sens littéral,
propria, dualitas autem, paritas, numerus soit au sens moral. Pour finir, tu tro~veras
et divisio propria . sunt creaturae sive hl comment deux et deux seulement, a
rebus creatis. savoir 'le .ciet et la :terre;' sont dits avoir
été créés au commencement, et comment
· l'unité;·l'imparité et l'indivision sont pro-
pres. a Dieu, m~is. l.a d~alité, la parité,, le
nombre · et la· dtvtstori sont propres a la
créature ou aux choses créées.

AUCT. 11 Terra autem erat inanis et vacua. AuT. II·:. Mais< la· terre · était vide et
Ubi invenies plura notabilia de natura vacante {I;·.za). · .
terrae, ignis et numero elementorum, de Ou: tu trouveras phisieurs points nota-
natura et nomine. inanis .et vacui. bles concernant la nature de la terre, du
feu, et le nombre des éléments, la nature et
le nom· du vide et du vacant.
214 TABULA _AUCTORITATUM L. GENESIS TABLE DES AUT. DE LA Gn., 1, 3-11

Aucr. III . Tenebrae e_rant s~per faciem abyssi. AuT:III Les t~nebres régnaient sur la face de
Ubi habes sex aut septem fationes quo- l'abime (1, 2h). · .
modo tenebrae, privatio scilicet, sit super Ou tu trouveras six óu sept ratsons de ce
abyssum, id est super matériam. ltem sex que les ténebres, c'est-a.;.dire la privation,
rationes quomodo rion solum privatio est sont sur l'abime, c'est-a-dire la matiere. De
super abyssum, sed super faciem abyssi, et plus six raisons de ce que la privation n'est
quomodo abyssus didtur materia. . pas seulement sur l'abime, mais sur la jace
de /'abíme, et de ce que la matiere est
appelée abime.
Aucr. IV Spiritus dei ferebatur super aquas. AUT. IV L'esprit ·de Dieu planait au-dessus
Ibi habes tres rationes pulchras, et des eaux (1, 2).
etiam quartam quomodo et quare terra La tu trouveras trois belles raisons et
non. est tota operta_ et' inclusa aquis; et meme une quatrieme expliquant comment
iteiúm novem modos quibus hoc morali- et pourquoi la terre n'est pas tout entiere
ter exponitur. · recouverte et entourée·par les eaux. Et de
plus neuf manieres d'expliquer ceci au sens
moral.
Aucr. V Dixitque deus .. AUT. V Et Dieu dit (1~ 3). · ·
Aucr. VI Fiat lux. AUT. VI Que la lumiere Soit (1, 3).
Aucr. VII Vidit.deus)ucem quofi esset bona. AUT.Vll. Dieu :vit·"- que ia .:luÍniere était
bonne ( 1, 4).
Aucr. VIII Divisit lucem a tenebris.
~ .' . ' .
; AUT. VIII 11· :. dl.visa la ' lumiere · d'avec les
Aucr. IX Appellavit diem lucem et tenebras ténebres ·(1; 4). ·
noctem. AUT. IX 11 appela la lumiere «jour» et les
AUCT. X Factumque est vespere et mane dies ténebres «nuit» (1;-5).- - ·
unus. . AUT.X Et du soir et du matin il fit le premier
Istud exponitur litteralitet:,et moraliter. jour (1, 5). · ' -
Ceci est expliqué au sens littéral et au
sens moral.
Aucr. XI Fiat firmamentum. in medio AUT. XI · ~Qu'il y ait ·un firm_ament a u milieu
aquarum. des eaux (1, 6). · - ·
-· - Ibi invenies de duplici . esse ommum La tu trouveras ce qui concerne l'etre
216 TABULA AUCTORITATÜM L. GENESIS TABLE DES AUT. DE.LA Gn., 1, JI-18' 217

~erum cre~tat;~~ et de ~~do duplici, double de toute chose créée, et le monde


mtellectualt scdtcet et senstbth; et de aquis double, a savoir intelligible et sensible, et
super firmameritum et sub firmamento et les eaux au-dessus. et au;..dessous du firma-
multa alia notabilia tam litteraliter ,...uam ment, et bien,d'autres.choses remarquables
. 1"tter.
mora · . ·· l tant au sens littéral qu'au sens moral.
AUCT. XII . : 'Facturo est vespere et· mane dies AuT. XII . D'un soir. et d'un matin il fit le
secundus. deuxieme jour ( 1, 8) ...
· Ibi invenies multa de uno et de duo bus La tu trouveras beaucoup de choses
divisione et indivisione, uno et numero: concernant : un et deux, . la · division et
bono et malo. l'indivision, l'un et le nombre, le bien et le
mal.
AucT. XIII V ocabit deus aridam terram. AuT. XIII Dieu · appela ce . qui était sec
«terre» (1, 1o).

AucT; XIV <:ongre~ationesque aquarum appel- AuT. XIV . Et la masse des: eaux, il l'appela
lavtt marta. -· · «mers» (1, 10).
AucT. XV Germinet terra herbam virentem. Et AuT. XV Que de la terre germe l'herbe verte, et
infra : lignum pomiferum. plus. has: des arbres portant des
__ Ibi invenies aliqua notábilia quidem, fruits (1, 11). ,
pa~vae tamen aut nullius subtilitatis. La tu trouveras certaines choses remar-
qmibles, mais de peu ou d'aucune diffi-
culté.
AucT. XVI· · · Cuius ·semen iri' semetipso sit super AuT. XVI .••• dont-la. s~m.~nce. s.f)it: contenue en
terram~ -· · :' · - · · · > · ·: eux-memes sur la terre (1, 11).
Ibi invenies · aliqua notabilia. . La tu trouveras certaines choses remar-
quables.
AucT. XVII -· Fecitq·ue -deus duo ·luminaria AuT. XVII . : Et . Dieu . fit . de~x grands lumi-
magna. naires (1, 16) · ·
Ibi diffuse invenies plura notabilia de . La tu trquveras· détaillées beaucoup de
planetis et stellis et eclipsi. choses notables concernant les planetes, les
étoiles et l'éclipse.
AucT. XVIII · Stellas. Et posuit eas in firmamento AuT. XVIII _ ••• les étoiles. E~. il _les_ pla~a dans le
- caeli.
····.:,
firmament du ciel (1, 16-q)
218 T ABULA AUCTORIT ATUM L. GENESIS TABLE DES AUT. DE LA Gn., 1, 19-14

AucT. XIX Ut lucerent s:uper te.~ram. AUT. XIX · ..• po'ur édaitér ·la terr~ ( 1, 1 7).
Aliqua invenies ibi. breviter. La tu trouveras certames remarques
AucT. XX Dixit etiam deus. Et infra : Benedixit conc1ses.
illis dicens: crescite et multiplica- DieU: dit ·aussi (...) et plus has : il les
mini. · · AUT. XX
bénit et .il..dit: «croissez et multi-
Ibi aliqua invenies notabilia de natura
viventium si ve vitae, item de natura unius pliez» (1, Z.o-22). . .. .
Tu· trouveras la certaines choses nota-
et multi.
bles concernant la nature des v!vants ou de
la vie, ainsi que celle de l'un et du multiple.
AucT. XXI Faciamus hominem ad imaginem et AuT. XXI . Faisons l'homme ~i' riotre image et a
similitudinem. nostr.am. . notre ·réssetribh1nce ( 1, · 26).
Ibi inveníes aJiqua breviter de natura · La tu trouveras certairtes remarques
intellectus, veri et boni et quaedam alia concises sur la nature ·de l'intellect, du
notabilia. vrai et du bien et certaines autres choses
notables.
j.
AucT. XXI_I _ Praesit piscibu~ maris, etc. AuT. XXII Qu'il commari~e aux poissons de la
•' Ibi invenies ínter alia sex nqtabilia sive mer, etc. (1, 26). · · .
~
! litteraliter, sive moraliter. · La tu trouveras, entre autres choses, s1x
points remarquables, tant. au sens littéral
qu'au sens moral.. ' - '
AucT. XXIII · Dedi vobis omnem herbam. Et in- AuT. XXIII · Je vous ai do·nné toutes les herbes, et
. fra : ut sint- vobis in escam. plus has : afin qu'ils vous servent de
.1
. . nourriture (1, .29) .
AucT. XXIV · Vidit deus cun~ta quae fecerat, et AuT. XXIV Diéu' vit toutes cho~es qu'il avait
-· erant valcie bona. · . · faites et elles'étá.ierit'tres bonnes (1, 31).
Ibi m·ulta · notabllia inventes et diffuse La· tu· trouveras beaucoup de points
de deo et ·de eius operatione. Item de rei:riarquables et détaillés concernant Dieu
natura creationis creaturarum et de natura ·et son reuvre. 'Aüssi coricernant la nature
boni et valde boni. de la création~ des eréatures, et la nature du
Haec sunt igitur quae. exponuntur m bon et du tres bon~ V oila done les passages
. prirp.o capitulo Genesis. qui sont expliqués dans ·Ie premier chapitre
de la Genese.
r ..
.u.o TABU.tA AUCTORITATUM L. GENESIS 'TABLE DES AUT. DE LA Gn.; 11, •-i 111

CAPITULUMSECUNDUM CHAPITRE· DEUXIEME

. Igit~~- perfecti sunt caeli et terra. Et AUT. 1 . Le ciel et la . · terre --~ furent done
mfra.: · · · . . . ·. ~ - . achevés, et plus has : Dieú se reposa le
AUCT. 1 . Requi!!vit deus die septirilo ab uni- septieme . jour. ~e to~~:t_~ ~ l'reuvre ou
verso opere si ve ab ·orrini opere quod de·_ toute . reuvr~ qu'il .. ~vait accom-
patrarat. plie (2,. 1-2). · _ ·
Ibi 'multa invenies et diffuse valde de La tu trouveras beaucoup:de points tres
·natura e'sse, quietis, et qualiter deus solus détaillés concernant la nature de l'etre, du
·proprie quiescit et operando quiescit et in repos, et la _maniere dont Dieu seul repose
omn~ oper~- si ve_ !'niv_erso tain divisim quam au sens propre et repose en reuvrant, et
comuncttm qutesctt, et de natura dei et repose 'en toute (EUVre ou daiJS toute l'auvre, au
aliorum agentium secundor'um; ítem du- sens divisé coinme au sens _composé; la
.. bitat~_onein circa dicta et eius sólutionem, nature de Dieu et des autres agents, les
e~ quomodo de_us .~icitur non solum quie- ager:ttS seconds; enfiÓ. la ~i~e en question
vtsse, sed requtevtsse, et multa alia nota- de ce. qui est dit et sa solution, et la maniere
bilia: · - · · · · ·· - dont il est dit que Dieu s'est non seulement
arreté (posé), mais reposé, et bien d'autres
choses notables. .
AUCT. Il Benedbdt ~i~i septimo~­ AUT. 11 11 bénit le septieme· jour (2, 3).
AUCT. 111 · :Creavit deus ut--faceret. AUT. 111 Les reuvres qu'il ~vait créées, i1 cessa
de les faire ·(2, 3 s).
Aucr.IV · ~ Inspiravit in faciem· eius spiraculum AUT.JV· ., . Il.répandit sur sa face un souftle de
VItae. . · : . vie (2, 7). ··
-· . Ibi ·invenies ·aliqua. de gradibus viven-
ttum.
. · · La tu ·trouvéras certaines choses concer-
nant la hiérarchie des vivánts.
AucT. VI ·- -• , Omne lignum. pulchrum visu et ad AUT. Vl· Toutes sortes d'arbres beaux a voir et
vescendum. suave.··- .. ; -.· ·. · de fruits agréables a manger (2, 9)·
AucT. VII . .
.. , In· quocumque die: cómederis ex eo
nt,orte morterts. . . · .· ,
, 'i
AuT. VII ·...· . Sitot que tu en mangeras, tu mourras
de mort (2, 17).'. · :
T ABLE DES AUT. DE LA Gn., 11, .8 - III, 7
222 TABULA AUCTORITATUM L. GENESIS

AUCT. VIII . . Onine quod


vocavit Aéiam animae AUT. VIII . Le nom_ qu' Adam dQnna a chacun
viventis ipsum ·est nomen eius. 'des_animaux e~t s~n·n~in (z, 19).

AUCT. IX Erunt duo in carne una. AUT. IX Ils seront deux dans une seule
chair' (2, 24).- . ·. ··: · ·
Ibi 'plura invenies· et diffuse de natura
activo ni~ et passivorum, ·potentiae et , 'Tp., trouveras la beaucoup de points
·. actus, maris ei: feminae. detatlles concernant la nature de l'actif et
du passif, de la p~issance et'de l'acte, de ce
qui est male et de ce qui est femelle.

CAPITULUM TERTIUM CHAPITRE TROISIEME


AuT. I · _. Et le serpent était le plus rusé ..• Et
. Sed et serpens. erat callidior. Et
infra: - · ·· · plus has: Vous serez· cornme des dieux,
connaissant le bien et le irial (3, 1.5).
AucT. I Eritis sicut dii, scientes bonum et ..
malum. t AuT. II 11 mangea ... Et leurs yeux s'ouvrirent
AucT. II Comedit. E;t · aperti sunt oculi
l
a to~~ deux (3, 7)~. . -.
1 ·leí tu trouveras la questiqn étrange d'un
eorum.
certain savant et sa réponse.·
lbi habes quaesti()nem mirabilem
..
•1
. cuius~am ~apientis et. responsionem . AuT. III · Ils se cousirent des pagnes (3, 7) .
AucT. III · Consuertlnt sihi.. perizomata. · T~ ·trouveras -.la plusieurs remarques
lbi ha bes plura notahilia et breviter. conctses .. _
. . .

AucT. IV Abscondit se Adam. __. · AUT. IV Adam ~e <-:~cha (3, 8). _


Tu trouveras.la ph.1sieurs remarques.
- Ibi invenies plura notabilia.
AucT. V Ubi es? AUT. V Ou es-tu? (3, 9).
Invenies quaedam notabilia breviter. Tu trouveras certaines remarques
concises.

AUCT. VI Terram comedes. AuT. VI Tu mangeras de la terre (3, 14)


AuT. VII .••• de peur qu'~l n'étende la main. Et
AUCT.. YII .. Ne forie mittat manum. Et infra: et
~vivat in aeternuin. · plus has : et vive éternelleínent (3, zz).
! ., • • • # ~ • • •

JllLO!::.UFlA ;.~~ !.)_", ;. . ) i ; .J .'! - ·~ .:

224 TABULA AUCTORITATUM L. GENESIS TABLE DES AUT. DE LA Gn., IV, 1- XII, 1
l ..~ .
CAPITULUM QUARTUM (:HAPITRE QUATRIEME
Adam vero cognovit Evam etc. AUT. I Or Adam connut Eve, etc. (4, 1); etc.
Statim peccatum in f~ribus aderit.. ... aussitot le péché est devant la .
AUCT. 1
porte- (4, 7).
AUCT. 11 Aedificavit civitatem.
AUT. 11 11 édifia une cité (4, 1 7).

CAPITULUM SEXTUM CHAPITRE SIXIEME


Cumque coepissent homines multi- AUT. 1 Lorsque les hommes eurent com-
plicad.· mencé a se multiplier... (6, 1).
AUCT. l Paenitet me fecisse hominem. Je me repens d'avoir fait
· · Ibi invenies plura notahilia quomodo l'homme (6, 7).
paeniteritia, ira,. gaudium et huiusmodi La tu trouveras plusieurs choses remar-
deo ·conveníant. quahles sur la maniere dont le repentir, la
colere, la joie et autres affections sem-
AUCT. 11 Trecentoruní cubitorum erit longi- hlahles conviennent a Dieu.
tudo arcae.
AUT. 11 La longueur. de l'arche sera de trois
cents coudée$ (6, 15).

CAPITULUM DECIMUM CHAPITRE DIXIEME


Hae sunt generationes Noe. Et AUT. I Telles sont les générations de Noé.
infra: - . Et plus has: Nenirod commen~a a etre
AUCT. l Nemroth coepit esse potens in terra. puissant surJa terre (1o, 8).
AUCT. Il De Sem quoque nati sunt patres AUT. II Des fils naquirent aussi a Sem, pere
omnium filiorum Heber. de tous les fils de· Héber ( 1 o, 2 1 ).

CAPITULUM DUODECIMUM
CHAPITRE DOUZIEME
Dixit dominus ad Abram, etc. Et
AUT. I .-Le Seigneur dit a Abram, etc. Et plus
infra:
has: Dis, je t'en prie, que tu es ma
.··-·.;_
· .Die, obsecro, ut soror mea sis. sreur ( 12, 1 3) .
¡
1
11
¡:

226 T ABULA AUCTORIT ATUM L. GENESIS TABLE DES AUT.. DE LA Gn:, XY,, L .:...xvi
CAPJT(JLUM DECIMUMQUINTUM CHAPJTRE QU!NZIEME

His itaque transactis. Et infra : AUT. 1 Ces choses ~tant acco~plies ... Et plus
ba,.s: . Le sommeil s'e~para d'Abram
AUCT. 1 SÓpor ir~tt super Abrani et horror .et une · terreur immense et sombre
magnus et tenebro'sus invasit eum. l'envahit -(15, 22). . _·.
Ibi habes disputationem Stoicorum et . Tu trouveras la la controverse des. stoi-
Peripateticorum utrum perturbationes ca- eiens et des p~ripatéticiens sur le fait de
dant in .animam sapientis. savoir si hes· passions pénetrent dans l'ame
du sage.

CAPITULUM DECIMUM SEXTUM CHAPITRE SElZIEME

· -· Igitür- Sarai, uxor Abram. Or Sarai, la femme d'Abram ... ( 16, 1).
Ibi invenies sub figura octo notabilia. Ici tu trouveras exprimés en figure huit
Primo quod alteratio et ómnis motus points notables .. 1. L'altération, ainsi
servit generationi sicut ancilla dominae. que. tout mouvement, sert la génération
Secundo quod ·intellectus humanus est c.omme la servante sert la maitresse.
· sicut tabula ·nuda. Tertio quod deditus 2. L'intellect humain est coinme une table

sensíbilibus et carni impeditur in specula- rase. - 3· Celui- qui s'adonne aux choses
bilib.us. Quarto quod superius dominatur sensibles et a la chair est détourné de la
· naturalite:r. inferiori. Quinto quod quanto spéculation. 4· Le supérieur domine par
· aliquid: est.inferiu~, tanto ·imperfectius et ·. nature Vinférie~L· . 5· .Plus une chose est
plus dividitur, et plus <cadit > ab esse in inférieure, plus elle est imparfaite, plus elle
··non esse;a bonó.ihmalum. Sexto quod in est divi~ée ~t. plu_s _ell~ [déchoit] de l'etre
corporalibus et Sensibilibus est contrarie- dans le non-etre, du . bien dans le mal.
tas et discordia. Septimo quod sensus 6. Dans les chóses corporelles et sensibles,
non tognoscunt retum quiditates. Octavo - il y a contrariété et discorde. 7. Les sens
qúod dispositio, quae est necessitas, perti- ne _cqnnais~ent pas les quicjdités ejes choses.
nét· ad genus 'formae generandae. 8.- La disposition, qui déclenche nécessai-
r~ment l'en..gendreinént de la forme, appar-
ttent au ·meme genre qu'elle.
12.8 · TABULA AUCfORITATUM L. GENESIS · TAJJLE DES AUT: DE LA Gn., XVII, t..:.. XVIII, J 2.29

CAPITULUM DECIMUM SEPTIMUM CHAPITRE DIX-SEPTIEME


Postquam nonaginta et novem an- Apres- qu'il eut commencé a avoir
norum esse coeperat.- quatre-vingt-dix-neuf ans (17, 1).
Ibi invenies septem. quaestiones, ad Tu trouveras la sept questions. Pour les
1
~ -. quarum evidentiam multa notabilia natu- élucider, ·beaucoup de points remarqua-
ralia et moralia diffuse scribuntur: in bles, tant du point de vue physique que du
quibus consistit humana perfectio et eius point de vue- moral, sont présentés en
oppositum, quid sit bonum, quid melius, détail : En quoi consistent . la perfection
quid malum, quid peius, quid in nobis humaine et son opposé? Qu'est-ce que le
deo placeat, quid displiceat, quid in nobis bien? Qu'est.:.ce que Ie: meilleur? Qu'est-ce
operetur deus, quid angelus bonus, quid que lema~? Qu'est-ce que le pire? Qu'est-
diabolus, et plura similia. ce qui plait en nous a Dieu? Qu'est-ce qui
lui déplait ?. Qu'est-ce que Dieu opere en
nous? Qu' est-ce que le bon ange opere en
nous? Et le diable? Et beaucoup d'autres
choses semblables.
Daboque tibi et semini tuo terram in AUT. 1 . A toi et a ta semeri.ce, je donnerai la
possessione!ll aeternam .. terreen· possession éternelle (17, 8).
AUCT.II SaraL uxorem tuam noQ. vocabis Sa- AUT. n· Quant a Sarai, ton· ·épouse, tu ne
rai sed Saram~ ·.. . . · ~, l'appelleras pas Sarai, mais Sara ( 17, 1s).
. Ibi invenies quáedam nOtabilia breviter Tu -trouveras la certaiiies remarques
de praelatis; concises sur les prélats.

CAP!TULUM
. . . DUODEVICESIMUM
.. . . ~ . ' CHAPITRE DIX-HUITIEME
. _.. Apparuit
- . . .
.a\l~en:a
: ~
~i d«!UIJ.
. . ·. ·" . - .:_- -.
Et infra : AUT.I Or le Seigneur. lui ápparut. Et plus
AucT. I Erant ambo· senes. · has : Tous-deux étaient vieux ( 18, 1. r 1).
AucT. II _ Quare risit. Sára? -:; · ,. AUT. II Pourquoi Sara a-t-elle ri? ( 18, 13).
AucT. III Negavit Sara etc.· : _- : · AUT. III Sara nia, etc. (18,q) .. ·
AucT. IV - Clamor Sodomorum. , AUT. IV Laclameurdes Sodomites ... (18, zo).
AucT.V_ Descendam et videbo~ - AUT. V Je descendrai'et je verrai. .. ( 18, z 1 ).
TABULA AUCTORITATUM L. GENESIS· TABLE DES AUT. ·oELA Gn., xvm,6.:.::xxm, 1 231

AucT. VI Utrum clamo~em opere compleve- AuT. VI · .~. s'ils ·ont ·complété la clameitr par
rint. l'action ( 18, 21 ).

CAPITULUM UNDEVICESIMUM CHAPITRE DIX-NEUVIEME


V enerunt duo angeli. Et infra : AUT. I Derix anges vinrent •.. Et plus has:
AucT. I Abutimini eis~ abusez d'elle: (19, 1.8) ..
AucT. II Respiciensque uxor eius post se AuT. II ,. · Sa femme, ayant regardé en arriere,
versa est in statuam satis. fut transformée en statue de sel ( 19, 26).

CAPITULUM VICESIMUM SECUNDUM CHAPITRE VINGT-DEVXIEME


AucT. I Quae postquam . sunt, temptavit AUT. I Lorsque ces choses furent accom-
deus Abraham. . . plies, Dieu tenta Abraham (22, 1).
· . lhiplura _f!lvenie~ et .diffuse quomodo : Tu trouverás la beaucoup de points
deus hominei:n-. temptare dicitur, speciali- · détaillés concernant la maniere dont il est
. ter· de _teinptatione qua dic~tur deus temp- dit qué Dieu tente l'homme, particuliere-
tassé Ab:rah~m. ment en ce qui ·cóncerrie la tentation par
laquelle Dieu est dit avoir tenté Ahraham.
AucT. n Per meinetipsum iuravi. AuT. u J'ai j11ré pat ~oi~meme (22, 16).
Ihi plura. invenies de iuramento, sive · · Tu ttouveras la plusieurs remarques sur
fiat ah ipso deo, sive per ipsum deum, si ve lé' · serment, qu'u·- soit fait par Dieu lui-
per creaturai:n. meme ou qu'il soit fait"sut Dieu ou sur une
créature.

CAPITULUM VICESIM.UM\TERTIUM
CHAPITRE VINGT-TROISIEME
Vixit autem Sara. Et ipfra:
AUT. I Or S~ra vécuL. -Et plús has: 11 adora
Adoravit populum ,terrae. le peuple de la· terte (23; 1. 7). ·
' 1'!
•'
TABULA AUCTORITATUM L. GENESIS TABLE DES AUT. DE LA Gn., XXIV, 1- XXVIII, 1 233

CAPITULUM VICESIMUM QUARTUM CHAPITRE VINGT-QUATRIEME

Erat autem Abr~hain. Et infra : AUT.I Or Abraham ét~it•.• Et. plus has : Done
la jeune _filie a_ qui je dirai ..• (24, 1. 1 4)·
AUCT. 1 Igitur puella cui ego ·dixero.

CAPITULUM VICESIMUM SEPTIMUM CHAPITRE VINGT-SEPTIEME

Senuit autem Isaac~ Et ·infra: AUT. I Mais Isaac · vieillit.. Et plus has : La ·
AucT. 1 Vox quidem vox Iacob est, sed voix est en effet celle de Jacob, mais les
manus marius sunt ·Esau. mains sont_celles ,d'Esaü(27, 1.22).
Tu tro_uveras la ·plusieurs autorités du
Ibi invenies multas auctoritates canonis canon,· des Peres et d'a~tres encore parmi
sanctorum et aliorum gentilium et opera les paiens, et des· remarques fondées sur
naturae et artis circa verba praemissa. l'reuvre de la nature·et celle de l'art concer-
nant les paroles susdites. -
¡: AucT. 11 Det tibi deu:s de· rore caeli et de AUT. Il Que- Djeu re. donne en abondance de
pinguedine terrae abundantiam. la ~osée ·du ciel et de. Ja graisse de la

terre (27, 28). ·
1"

CAPITULUM DUODETRICESIMUM CHAPITRE VINGT-HUITIEME

· Vocal;>itqtie Isaac Iacob. :Et infra : AuT. 1 . Et Isaac appelaJacob. Et plus has : 11
AUCT. 1 Videiisque --in somnis scalam stan- l
'·.
vit _en songe une échelle dressée sur la
ietre, etc. (~8, 12). -. . ··. .
tem super: terram, etc. · :ru ttouver~s la des' i:e'marqües sur cette
- Ibi invet?-ies .notabiliá. de scala illa para- échelle au sens allégorique.
bolice. ·
AuT. II Si Dieu est avec moi et me donne des
.-\ucT. 11 Sifuerit-dominus mecum et dederit . pains a· manger et un vetement pour
mihi panes a'd vescendum ·. et vestem . m'h~biller ..• (28, 2o). . :. ·
ad induendum. Tu trouveras la deux questions couram-
· Ibi invenies quaestio.tíes ;duas vulgatas ment déhattues. et leur solution. La pre-
. .et solutas. Prima ~st quod plura: sunt mala - miere. est qu'il y a plus de maux que de
TABULA AUCTORITATUM L. GENESJS, TABLE DES AUT. DE' LA Gn., XXX, 1- XXXII, 3 235

. quam bona. Secunda est. qua queruntur hiens. La seconde : · pourquoJ les hommes
homines mala sihi contingentia provenire se plaignent-ils de ce que les maux qui leur
ex nec~ssitate· infirmitatis naturae et non ·arrivent proviennent dé la nécessité o u les
ex culpa sua. met la faihlesse de leur nature plutót que
de leur propre fa ute?

CAPITULUM TRICESIMUM CHAPITRE: TRENTIEME

Cerneos autem Rachel. Et infra: AUT. 1 Mais l~!sque Ra:chel vit ... Et plus has :
AUCT. 1 . Ponebat ·Jacob virgas in canali- Jacob mit les baguettes dans les abreu-
bus etc. voirs (3o, 1.9). · · · ·. .
Ihi irivenies multa ex A vicenna et Tu trouveras la plusieurs remarques ti-
Augustino de virtute, qua natura ohoedit rées d' Avicenne et d' Augustin concernant
imaginationi. la force qui . fait que .la nature ohéit a
l'imagination.

CAPITULUM TRICESIMUM SECUNDUM CHAPITRE TRENTE-DEUXIEME

Iacob quoque abiit~. Et :infra : AuT. 1 · Jacob aússi pa:rtit.. Et plús has: 11 resta
AOcT. I · Reinansit solus· et eéce, vir luctaba- seul.. Et yo~~~ qu~~n hQmme lutta avec
tur cum eo. lui (32, 23.24). .
AuT. 11 . Ton nom ne sera .plus Jacob, mais
AUCT. 11 N~quaquam Ia~ob appellabitur no- ·Israel' ( 32, z 8). :. -· ·.
. m en. tuum, sed Israel.. La tu trouverás la question de savoir si
Ihi .hahes,. :utrum · beatitudo sit · in la héatitude réside dans la vision de Dieu.
visione dei. AuT. 111 Pourquoi demandes-tu mon
. : .·. nom? (32, 29) .
AUCT. 111 ~1,1~quaeris nomen meum? Tu trouveras· a cet endroit des
Uhi i~venies notahilia circa nomen dei. remarques sur le Nom divin.
TABULA AUCTORITATUM L. GENESIS TABLE DES AUT. DE LA Gn., XXXVII, 1 _:L, 2 2.37

CAPITULUM TRICESIMUM SEPTIMUM CHAPITRE TRENTE-SEPTIEME


Ioseph cum sedecim esset annorum. AUT. I Lorsque Joseph eut seize ans, ... Et
Et infra: plus has: L'enfant a disparo, et moi, ou
AUCT. l Puer non comparet, et ego quo ibo? irai-je? (37, 2.30).
Ihi invenies hreviter quaedam de ima- Tu trouveras la quelques remarques
gine in anima. concises sur l'image dans l'ame.

CAPITULUM CHAPITRE QUARANTE-SIXIEME


QUADRAGESIMUM SEXTUM
Profectusque Israel. Et infra: AUT. I Israel partit. Et _plus has : Jacob!
AUCT. l lacob, Iacob! 1 Jacob! (46, 1.2).
AUT. Il Tou_tes les ames qui entrerent _en
AUCT.II Cunctae animae quae ingressae sunt
Égypte avec Jacob et qiii sont issues de
cum Iacob in Aegyptu~ et egressae
sunt de femore illius.- - 1
ses reins ... (46, 26). . ·
1

1
CAPITULUM QUINQUAGESIMUM 1
CHAPITRE CINQUANTIEME
1· . 1
¡: ¡
1' Quo_d ~ernens Ioseph. Et infra : ! AUT. I & II Jos.eph voyant ce-la~'.~. Et plus has :
1
1
AUCT. l Transierunt~. Quarante jours,passerenf·(5o, 1.3).
AUCT. II Quadraginta dies. La tu trouveras u~ hon et.href exposé de
Ihi i'nvenies bene et hreviter diversita- ·ta. dissensioñ entre_ Jéróme et Augustin
tem inter l-lieronymuin etAugustinum de concernant la_ traduction des Septante.
translatione septuaginta interpretum .

. ':'. ·.-· -
EXPOSITIO LIBRI G É:t\iESIS <;:OMMENTAIRE: DU· LI.VRE
DE LA GENESE

1. Exordium hoc scripturae Genesis tractat Au- .I. Augu~tin traite en détail de l'exorde de cette
gustinus diffuse, specialiter Super Genesim ad lit- partie de .l'Ecriture, spécialement dans la Genese au sens
teram et Super Genesim ·contra Manichaeos et littéral 1 et da~s la Ge~ese co~tre les Manichéens2 ainsi que
in tribus ultimis libris Confessionum. Item Ambro- dans les trots derr1:~ers ltvres des· Confessions3. En
sius et Basilius in suis Hexaemeron. Item Rabbi outre, on dispose d' Ambroise et de Basile dans leurs
Moyses l.II c. 31 specialiter. Item Thomas p. I q. 44· Homélies_sur 1' Hexaemeron4, de Mai:monjde.- spéciale-
45. 46. 47, item ·pos~ ibidetn q. 65 usque ad 74 ment le hvre II, chap. 31 ( du Cuide des EgarésS)- et de
inclusive.· ·· · T~omas,, Somme de Théologie, la P., q. 44, 45, 46, 47
puts 65 a 74 comprise.

CAPITULUM PRIMUM CHAPITRE PREMIER

In principio creavit deus caelum et terram~ Quatre questions~_,·.

z.- Circa praemissam atictóritatem quattuor sunt A u commencement, Dieu créa le ciel et la terre
p~a.enotanda. Primo, quod sit ·hoc principium in quo (1,- 1).
dtcttur deus creasse caelum et terram.. Secundo '
. . 2. Concéinant cette autodté, il faut préalablement
noter quatre points. Premierement, ce qu'est ce·
commencement 1 dans leque12 il est dit que Dieu a
§ 1 1. AuGUSTIN, La Genese au sens /ittéral, I-XII (BA 48
et 49)· . . .
2. AuG., De Genesis contra manicheos, 1-11 (PL 34, p. 173-zzo).
, §~-.l. ~Íen 'q~e le fra~~ais. <~principe>~c.ait a.la fois le sens
3· AuG., Conftssions, XI-XIII (BA 14, p. 270-52.5). d ortgme et, celut de cause premtere, nous lui préférons le terme
4· AMBROISB de MILAN, Exameron (CSEL 32, 1, p. i-2.61), de «commen!=ement» qui offre une mátiere plus neutre a
BASILB de CÉSARÉB, In Exaem. hom. (SC 26, p. 86-5 .i3) . . l'exégese et selllble s'etre imposé a l'usage. . . . .
5· }dAlMON~pB,.Dux neutrorum, 11, 31 (f. 6or-6tv), Cuide des
2. Le «in» peut etre indifféremment traduit par «dans» ou par
égarés,·II, 30 (Munk 11; p. 230-256). · ·
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1 ·

quomodo dicitur creasse in principio caelum, cum in . créé le ciel et la.terre. Deuxiemement, de quelle fac;on
Psalmo et ad Hebr. 1 dicatur: «lnitio tu, domine, il est dit avoir créé le ciel au commencemertt, alors
terram fundasti a», et Eccli. dicatur : «Qui vivit in qué·le Psaume et He 1 disent: «Au commencement,
aeternum, creavit omnia simulb.>rTertio, cum unum Seigneur, tu as fondé la terrea» et le Siracide: «Celui
semper natum sit unum· facere, quomodo deus, unus qui vit pour l'éternité a tQUt créé en meme temps b. »
simplex, semper eodem modo se habens, produxerit Troisiemement,comment, alors que ce qui est un ne
sive creaverit in principio caelum et terram, tam donne par nature que de l'un 3, Dieu, qui est un etre
diversa, et omnia simul. Quarto ex hoc conclu- simple et uniforme dans sa fac;on d'etre4, a produit ou
dendum quod omnia citra deum habent esse aliunde créé au commencement le ciel et la terre, qui sont des
quidem et ah alio, et tamen nihilominus nihil tam choses si différentes, et le tout simultanément. Qua-
intimum, nihil tam primum et proprium quam ipsum triemement, il faut en tirer la conclusion que tout ce
es se. qui est en dec;a de pieu rec;oit, en vérité, son etre
d'ailleurs et d'un aútre et que, pourtant, rien n'est
aussi intime,. rie~ n'est plus origine! et propre a soi
que l'etre lui-meme.

3· De primo sciendum quod principium, in quo Le commencement est le Verbe.


creavit deus caelum et terram, est ratio idealis. Et hoc est 3· Pour le premier point, il faut savoir que le
quod Ioh. 1 dicitur: «In principio erat verbum a.» commencement dans lequel Dieu créa le ciel et la !erre,
Graecus habet· lagos; id est ratio - et sequitur : est la Raison idéelle. Et e' est pourquoi il est dit en
«Omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est Jn 1 : «Au commencement était le Verbea» -le grec
nihil b.» Uniuscuiusque enim rei universaliter princi- aLogos, c;est-a-dire Raison ~ et ensuite: «Tout a été
pium et radix est ratio ipsius rei. Hinc est quod Plato fait par luiet sans lui rien n'aété faitb 1• »En effet, en
regle universelle, 1'origine et la racine de toute ehose
est ·la raison de cette chose meme. Pe la vient que
§ 2. a. Ps 1:01, 2.6. He i, 10. h. Si 18, 1 •

.§3 a. Jn 1, 1. h. Jn 1, 3·

. 4· Plutot qu'«~iformément». Sur ces termes d'origine dio-


«au»; nous tradui~ons par.«dans» chaq~e fois que i'idé~ de la
nysienne. (hJoer.8~ = qui a )a .forme de l'Un), cf. J. ScoT
création dans le Verbe notis parait impliquée. . ··
ERIGE~E, De. áivisione ·niztúrae, 11 (She/áon, p. uo, 17 et H) et
:i 3· Ce príncipe d'origine «aristotélicienne» (De gen: el &orr., II;
¡¡ Deny$ (DJV c. IV§ 7; 704 A). Cf.. également G:. THÉRY, Eludes
10, 336a .2.7, Tricot, p. 140) commande, en fait, tQute la
dialectique «platonicienne» de l'un et du multiple dans le
áionysienties¡ ~ ; -
II, Hiláuin traái«te11r
. . . :,. .: ., . . ..... ' .... .. . ' . -
áe. . Denys,
. ·-
Páris,
.
19 37, p. 44.7.
proces~\ls de l'«é~anatiori créatrice» (Chenu). On le retrouve §3 La triple assimilation du Commencement a la série
1.
donc:'d~dessoii's," § 10, ainsi ·qu'au § 11 des' Parab. Gen.· Raison; Logos, Verbe ou Fils est donnée majeure de l'exég~se
¡:
·

.'_.;..~?1--.--
.·. lt.

·,__ ' j'


- •
..
~

" . •. .. .
EXPOSITIO LIB.. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE r, 1 243
ponehat. ideas si ve rati~nes rerum principia omnium Platon faisait des Tdées ou Raisons l'orjgine ·de l'etre
tam essendi quam sciei).di. Hinc est et tertio quod et de la connaissance de toutes choses. De la· vient
commentator VII Metaphysicae dicit quod quiditas troisiemement qu' Averroes, comme~tant le vne_livre
rei sensibilis semp~r fuit desiderata sciri ah antiquis, de la Métaphysique, dit que les anctens ont tou1ours
eo quod ipsa scita sciretur _causa prima omnium. désiré connaitre la· quiddité des choses senstbles,
Vocat autem commentator primam causam non puisque, une fois celle-ci connue; on connaitrait la
ipsum deum, ut plerique errantes putant, sed ipsam cause premiere de toutes choses 2 • Cependant par
rerum quiditatem, quae ratio rerum est, quam diffi- «cause premiere» il n'entend ·pas Dieu lui-meme,
nitio indicat, causam.primam vocat. Haec enim· ratio comme beaucoup le croient a tort, · mais bien cette
est rerum «quod quid est» et omnium reí proprie- quiddité des choses qui ·est leur rais~n et·qu'indique la
tatum «propter quid est». Est enim diffinitio et définition3. Cette raison est le «quot»-des choses et le
demonstratio sola positione differens, ut ait philo- «pourquoi» de tout~s leurs propriétés 4• En. effet,
sophus. comme le dit Aristote, définition et démonstratton ne
4· Adhuc autem ipsa rerum ratio sic ·est princi- different que par la.posidon (de leurs termes) 5 •
pium, ut causam extra non habeat nec respiciat, sed 4· De plus, cette raison des choses est origine, en
ce qu'elle ne possede ni ne concerne aucune cause

___.-::_.
chrétienne de Gn. 1, 1. De fait, si jÉRÓME, Heb. qllllesl. in Gen.,
1, 1 (CC 72, p. 3, 18s) rappelle qu'en hébreu «in principio»
signifie «in _capitulo»_~ non «in filio»,. la quasi-totalité des quoqúe·est, quoniam occasionés omni~in aete!na~itér et incom-
théologiens s'accorde pour interpréter «in principio» comme mutabilitet in ipso sUbsistunt.)> Pour l'tnterpretatlon deJn I, h
signifiant dans la-«Raison» ou Fils. Voir la Postilk d'Hugues de cf. Hom. sur le Pro/. defn (PL 122, 2_87A; SC i5~, p. 230-232)
Sai~t-Chei a cet endr9it ainsi que les différentes sources men- notamtnent : « omnia per ipsum Jacta sunf. P~r 1psum Deum
tionnées p~r E~khart lui-meJ:Ile au § 1, auxquelles on ajoutera Verbum, vél per ipsum Verbum .J?~um omma facta ~unt. ~t
AuG., 8) Questions, q. 63 (BA 10, p. 212-213). C'_est, toutefois, quid ést ·omnia per ipsu~ Ja:cta sufll ~s1 : ·Eo nascente ante omma
chez J. ScoT ERIG~E, De iiiv. nat., II (Sheldón, p. 14, 9-24; zo4, ex Patre, omma cum 1pso et per 1psum facta _sunt? » . .
10- 212, 6; 66, 21 - 68, 28 qui renvoi~ a DENYS, Noms div., V · 2. AvERROEs,· Mei., VII, cómm. s, (f. 19óv D-E)~ Ar1stote
(§ s, 82oB; 84, 18-86, s) et III (PL 122, 642A-q que l'on trouve lui-meme écrit: « Et, en vérité, l'objet éternel de toutes les
les expressions les plus fortes, notamment le demier passage cité recherches, présentes •.et passé~s, 1~ probleme. touj:'urs en sus-
dont nous extrayons les lignes suiv~tes :. «'Ev &:p:tó"ñv g Myoc; pens: qu'est-ce que l'etre? revt,ent a dema~der: qu est-ce que la
potest interpretari : «<n principio erat V erbum» ~el «in pr~ncipio substance?» (Mét.; VII, T, 1028b 11; Tnc~t, p. H9)·
erat RatiO» vel «in prÍtlcipio erat CaiiSiz». (...) _Verbum quidem, -3. ·Cette formule condensé plusieurs passages d' Aristote dont
quía per ipsum Deus Pater dixit fieri omni~, immo etiarp. ipse est Mét:, IV, 7, 'ioua 23 et VII, u, 1~37b 10:12· ·
Patris dicere et dictio et sermo (... )Ratio V<(ro, quoriiam ipse est 4· Aa., Anal. posi., Il, z, 9oa _31-3~ (Tr1c~t, p. 166) _: ~<(•..)
omni:um visibilium et invisibilium principaleexemplar, ideoque conriaitre ce qu'est une chose rev1ertt a conrta1tre pourquo1 elle
graeds l3éot, id est, species vel forma dicitur. In ipso enim Pater est.» · . . .· ··
ompia, quae""vo.hiit fieri, priusquam fierent, vidit facienda. CaiiSa s. AR., Anal. post.; I~ 8, 75 b 31 (Tricot, p: 48).
EXPOSITIO LIB. GENES.IS' COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1 .

solam rerum essentiam intra respicit. Propter quod extrinseque mais regarde seulement l'essence des
metaphysicus rerum entitatem considerans nihil de- · choses, a l'intérieur. C'est pourquoi le métaphysicien,
monstrat per causas extra, puta efficientem et finalem. qui considere l'étance des choses, ne démontre ríen
Hoc est ergo principium, ratio scilicet idealis, in quo par les causes extrinseques, c'est-a-dire efficiente et
deus cuneta creavit, nihil extra respiciens. Et hoc est finale 1• Telle est done 1' origine, la raison idéelle, en
quod Boethius III De consolatione apertissime dicit : laquelle Dieu a créé tout ce qui est, sans regarder a
«Terrarum caelique sator» rien d'extérieur. Et c'est ce que dit tres clairement
«quem non externae pepulerunt causae» Boece au troisieme livre de la Consolation de philoso-
«tu cuneta superno phie2: «Créateur du ciel et de la terre (... ) qu'aucune
ducis ab exemplo; pulchrum pulcherrimus ipse cause extérieure n'a poussé (... ) tu as tiré toutes
mundum mente gerens similique imagine for- choses d'un céleste exemplaire; et toi qui es la beauté
mans.» meme, tu portes en t_on esprit la beauté du monde que
tu formes a ta ressemblance.))

La création dans le Fils.


S· Hinc est quod sancti communiter exponunt S· De la vient que les Peres 1 s'accordent a expli-
· deum creas se caelum et terram in. principio, id est in quer. que Dieu a créé le ciel et la terre dans le
filio, qui est imago et ratio idealis omnium. · Unde commencement, c'est-a-dire dans le Fils qui est le
Augustinus dicit: «Quinegatideas, negat filium dei». modele et• la raison idéelle de toutes choses2. D'ou
Sic ergo deus. creavit omnia in principio; id est in ratione Augustinus dicit: <<Qui negat ideas, negat filium dei».
. -
. . '· "
Dieu 3. » C'est done ainsi que Dieu créa toutes ehoses

. § 4 1. L'étant en tant qu'étant est le «sujet» de la métaphy:- (CSEL 32, 1, p. 1 3) ou ÜRIGENE, In Exaem. hom.,I, 1 (SC 7 bis,
sique (Comm. Exodt, § 147 et 169). La différence entre causes p. 247 4 et 1 o) : «<n }:ioc ergo principio; hoc est in Verbo suo
intrinseques et causes extrinseques vient d' ARISTOTE;· Mét., XII, (... )>>, «In principio, id est in Salvatore (... ) » et Comm. s11r S. ]ean,
~ 107ob 2~s) repris par Averroes et DIETRICH de FREIBERG, De I, 2Z (PG 14, ~6B). .
origine rtt'llfll Predka11tntali11m (Stegmüller, p . .1 19) qui renvoie au 2• C[ AuG., La Triniti,- VI, x, 11 (BA 1~ ~ p. 496'-497)
comm. du livre XI (= 1o7ob). Noter surtout: «Dicitur. (... ) notamment: «et ars quaedam omnipotentis ·atque sapientis Dei,
aliquid ens absolute per suam essentiam, racione suorum intrin- plena orimium rationum viventium incommutabilium; et omnes
secorum principiorum. Et quia ens secunclum; hanc rationem unum in ea~ sicut ipsa unum de uno, cum ~uo un u m» _e,t THOMAS
~on concemit aliq~ ca~sám extrinsecam, hinc est quod etiam d'AQúiN,QD de veritate, q. 3, a. 1~ ag; 9, zn contr. Cf.-egalement
liberum est ah omru acctdente. » - . · · . . _ Comm. jean, § 1 3• ' . • · ' . · · .' .
p.
2. BoBeE,: Consol. Phi/os; .. II, poésie 9 (CC. 94,. p;; 2~8). · 3· Ces mots n'apparaissent pas tels quels chez Augusttn ma1s,
§S. t._ EckQ.art. pense évidemment ici (entre autres) a AuG. sous une forme voisine, chez THOMAS, QD de ver., q. 3, a. 1,
Conf., XII, xx, 29 (BA ·14, p. 386-389), AMBR.,· ·Exam.,· I, 4 ag. 1, in contr. .. ·'
EXPOSITIO 'LIB. GENESIS COMMENT;AIR:E DE GENESE 1, 1 2.47
1
et se~undum. rationem -idealem, alía quidem ratione a.u. commenc~ment: dans la Raison et d'apres u~e raison
hommem; alta leonem, et sic de singulis. · . idéelle, je veux dire l'homme par une, le lion par une
~ursus etia~ creavit omnia in ratione, quía ratio:. autre, et a_insi de _chaque ch~e4. . .
nal~te.r· et saptenter, Psalmus: «Ümnia in sapientia . En outre, il a créé toutes choses dans la Raison;
fectstt»a. Et Augustinus. 111 De libero arbitrio ait: paree que de fa~on rationnelle et sage, le Psaume dit :
«Quidquid tibi vera ratione melius occurrerit scias «Tu as tout fait dans la sagesse a 5. » Et Augustin; au
fecisse· deum tamquam bonorum omnium ~ondi­ troisieme l_ivre du L~bre arbitre: «Tout ce quite parait
torem». etre meilleur pour une raison véritable, sache que
c'est le créateur de tous biens~ Dieu, qui l'a fait6. »

~iberté de la création .
. 6. _A;dhuc autem sec~ndo sciendum quod princi-
ptum, tn quo deus crtavlf caelum el terram est natura . 6. Il faut savoir, é'n second lieu, que le commence-
intellectus, Psalmus : «Qui fecit caelos in)~tellectu ».a ment dans lequel Dieu créa le ciel et /aterre est la nature
lntellectus enim principium est totius. ñaturae si cut \ de .l'Intellect , comme dit le Psaume : « 11 a fait les
1
dicitur in commento nona propositione De cau~is sub c.ieux . dans l'Intellecta. >) L'Intellect est, en effet, le
h~s .ver bis : «I?telligentia cegit naturam per virtutem príncipe de toute la nature, comme le commentaire de
dtvtnam »; et tnfra : «lnte!ligentia comprehendit ge- la 9e proposition du Livre des· causes !'indique en ces
nerata e.t naturam .et h~rtzo~tem n.aturae »; et post termes : « LJntelligence régit la nature par. la puis-
concludtt : «Ergo· mtelltgentta conttnet omnes res». sance divine» et plus has: «L'Intelligence embrasse
?ic ergo creavit· caelum el tefram in principio, id est in toutes ~~s réalités engendrées, la.nature et l'horizon
tntellectu. Et hoc contraeos, qui dic_unt creare deüm !Deme de la nature»,' puis en conclusion : «L'Intelli-
et producere res ex necessitate naturae. gence contient done. toutes choses 2 • » Dieu créa done
t1 le ciel el la !erre au commencement, c'est-a-dire dans
l'Intellect. Et je dis cela contre ceux qui affirment que
Dieu crée et produit les choses selon une nécessité de
. nature3. · ·
. . '

4· Ces « raisons idéelles» sont celles que mentionne J. ScoT


ER., .DDN, Il (Sheldon, p. 84, z.6s): «<n Verbo autem rationes
o~nn~m. rerum ·substantivas conditas esse perhibet (; ..)». et ¡
6.. AuG., Le Lfbre Arbitre, III, y, 3. (BA 6, p. 348-349).
qu alleg?e.AUGUSTIN, SJ,'Jttest., q. 46, § 2. (BA 10, p. us-1z. 9)qui §6 1. Cf. AuG., La Gen .. au s.
litt., II, 1, 4 (BA.48, p. 1 p).
semble etre la source directe du p·assage. ·· · · · . 2.. Lib de Cdusis, VIII (Pattin,"p. 671 67-8, 68, 74-75. et 68, 8o) .
J.
5. · Cf.le comme~ta~re de ~COT, DDN, II (Sheldon, p; 72., . . 3· La doctrine ici rejetée par Eckhart affirme «la nécessité
s-z.~) :· .«(.-..) Omma_ tn Sapzentza fecisti~ Siinul enim' Pater et E·our..Qieu de créer son effet immé~at», position condamnée par
SaptentJ.a~ s~~m gen~it, et in ipsa omnia fecit. >> Cf; également Etienne Tempier en 12.77 :· «Quod Deuni necesse est facere
ÜRIG~E, Comm. sur S.]tan, 19, 5 (PG 14, s68B-D). quidquid i~mediate ·fit ab ipso » (His~ette, p. 51). Il est difficile
.....
,,•·_

f
EXPOSITIO _LIB, GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1 2.49

7· Rursus tertio principium, ~n quo. de!IS creavil La création el J' éternité:


c_aelum el lerram, est primum nunc simplex aeternitatis, J ·j. Troisiemement.: le commencemen~ dans lequel
tpsum, in9uam, ide~ nunc peni~us, in quo deus est ab Dié11 créa le cie( el la lerre est l'inst~nt simple et
aeterno, tn quo · ettam est,. futt et erit aeternaliter
originaire de l'hernité, celui-hl meme,dis-je, qui est
personarum divinarum emanatio: Ait ergo Moyses
identiquement et absolument !'instan~ ou Di~u reste
de~m c~elum et terram creasse in principio absolute
de toute éternité et ou se produit, s'est produtte et se
prtmo, m quo deus ipse est, sine quolibet medio aut
produira éternellement l'émanation des Personnes
mtervallo. Un~e cum quaereretur a me aliquando,
. divinest. C'est.pourquoi Moise dit que Dieu a eré~ l.e
quare deus · prtus mundum non creasset, respondí
cid et la terre au commencement absolument ortgt-
·quod non potuit, eo quod · non esset. Non fuerat
naire dans lequel il est lui-meme, sans aucun intermé-
prius, antequam esset mundus. Praeterea : quomodo
diaire ni intervalle. Et c'est pourquoi aussi, lorsqu'on
m'a demandé un joú'r pourquoi Dieu n'avait pas créé
le monde plus tot, j'ai répondu qu'il n'avait pas pu,
de préciser a qui pense notre auteur. Con,tre la candidature paree qu'il n'était pas. Il n'avait pas été auparavant,
possible de Siger de Brabánt, cf. les rem-arques de R. Hissette sur avant que le monde ne fUt2. En outre; comment
le « cáractere nécessaire de la création » dans le De neceúitate et le
Commentaire sur la Métaphysique, 111, x6, in Enquete sur les
2IJ articles condamnés a Paris le 7 mars 1277 1 p. 51-53. Voir
également d-dessous § xo.
1. On sait qu'ailleurs Eckhart définit «l'émanation des Per- l'Ecriture elle-meme dit : «Ante saecula creata, ego sum»
( sonnes en_ Dieu» comme «la raison. et le préambule de la ¡ (Si 2.4, 14) et·«Antequam Abraham fieret, ego sum» (Jn 8, 58).
création», cf. Comm. Ex.,§ x6. Voir également Serm, latin 2.5/x,(íi- «Avant» de créer DieU <<est» mais créant en lui-meme, c'est~a­
§ 2.58 et AUGUSTIN; La Gen, au s. litt., II, VI (BA 48, p. 164-167) 1 ' dire.dans le Maintenant étérnel («nUnc aeternitatis»), l'idée
et Conj., XI, VII, -9 (BA 14, p. z86-2.87).. . · · · .L ' meme d'un «avant la créat_ion» enpieu ~st .impensah!e. En fait,
z. Ces phrases difficiles et l'ensemble du pa,ragraphe rappel- ~ ', la doctrine d'Eckhart s'explique s1 la creatiOn est prtse au sens
[ ) érigénien, impliquant une coéternité de la génération du ye~be·
1
(
¡ Ient, peut-itre, J.ScoT, DDN, 111 (PL 12.2., 693B): «Non ergo
¡ erat(Deus) subsistens,_antequam universi_tatem co~deret. Nam si . pade Pere (qui est <<omnino coaeternae Deo») et de la creat1o~
'¡ esset, conditio· sibi rerum accideret. » Voir sur la meme trame la des causes primordiales o u raisons idéelles dans le Verbe (qUl
position sensiblement différente de GILLES de .RoME, Errores · sont «coaet~rnae Deo»). Cf. par exemple. DDN, II (Sheldo~,
philosophorum_ (Koch, p. ~8, 7-:-10) : «Potuit (...) Deus facere p; 70, 23-72., 4) nota:mment: «Non ( ... ) v1deo quomodo _posslt
mundum pnu~ ql!am fectt. Sed quo4 hoc non fecit, non fuit temporaliter praecedere generatio V erbi ex Patre creatton~~
causa quod ahqutd expectaret in futurum, a quo dependeret omnium a Patre in Verbo et per V erbúm; s~d haec coaeterna stbt
actio sua, sed quia sic ordiQaverat secundullJ. sapientiam suam. » esse arbitror, generationem dico Verbi, et creationem ?mnium
Telle quelle, la formule d'Eckhart déconce,rte, ppurtant elle ·ne in Verhó: nullum quippe in Deo accidens aut temporahs motus
dit ríen de foncierementdifférent de ce qu'Augustin av~nce en aut temporalis proce.ssiones _recte quis exist~ma~», cf. égaleme~t
Conf., XI, x, xz.- XIII, x6 (BA 14, p. 2.91-2.99): Dieu n'était pas ibid. (p. 72, 8-9): «Slrhul emm Pater et Saptenttam. suam genult
avant que le monde fUt, car la_ distinction meme d'«avant» et et in ipsa omnia fecit.» Mais elle s'expose du meme coup au
d'«apres» suppose la cr~ation dumoride erdu temps. De plus, reproche de próner la: coéternité du monde, c'est-a:dire d~s effets
on n~-slmrait dire que Dieu était ou a été.avant de créer, puisque créés, a Dieu. L'ensemble du § 7 a retenu 1attentton des
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1 · z.p

poterat creasse prius, cum in · eodem nunc mox pouvait-il créer avant, quand c'est dans l'instant
?1un~um creaverit, in quo' deus fuerit? · Non enim meme ou il est qu'il crée le monde? 11 ne faut pas
1magma~dum est falso, :quasi deus steterit exspectans imaginer faussement que Dieu aurait attendu un
nu?c altqu<?d teml?ons futurum · in quo cre~ret instant du temps futur ou il créerait le monde. C'est,
m~ndut?·. Stmul emm et semel quo deus fuit, quo en effet, simultanément et d'un seul coup 3 que Dieu
...,, fihull_l stb~ coaeternum per omnia coaequalem deum est, qu'il engendre son Fils qui lui est en tous points
genutt~ ettam ~urtdum cre~vit, Iob : « Semelloquitur coéternel et coégal et qu'il a aussi créé le monde,
deus» . Loquttur.autem fihum generando, quía filius selon Job: «Dieu parle une fois pour toutesa.» Et il
est .v:rbum; loquttur_ et creaturas creando, Psalmus : parle en engendrant le Fils, car le Fils est Verb~. Et il
«Dtxlt et facta sunt, mandavit et creata sunt»h. Hinc parle en créant les créatures, Ps : «11 dit et toutes
est quod in alio Psalmo dicitur : « Semel locutus est choses furent, il ordonna et toutes furent créées h.»
deus, duo haec audivi »c. «Duo», scilicet caelum el De la vient que l'o11:. trouve dans cet autre Psaume:
«Dieu a parlé une seule_. fois et j'ai entendu ces
a. Jb 33, 14. b. Ps 32., 9· c. Ps 61, 12. deuxc. » «Deux», a savoir' le ciel et la terre, ou plutot

i~quisiteurs de Cologne (v~ir Théry n° 8, p. 174-175; Daniels


n, 8, J?· 29, 33-30 ,8). Il e~t condamné en deux points par la Bulle 3. Cette expression qui s'appuie partiellement sur le Ps 61, 12
doAvtgn~m·; Le te~te meme de 1~ Bulle - avec _la proposition et Jb 33, 14 (pour «semel») ainsi'que sur AuG., La TrinitéiV, 1,
n, I I qu~ ~ est qu ~ne extrapolauon- montre bten qu'Eckhart 3 (BA 15, p. 342): «Quia igitur unuin Verhum Dei est, per
n a pas ete compns : «l. Comme on lui demándait un jour quod facta sunt omnia, quod est incommutabilis veritas, ibi
pourquoi Dieu n'avait. pa~ créé le monde plus tót, il répondit principaliter. atque iticornmutabiliter sunt omnia simul», pro-
a~ors, comme encare mat~tenant, que I)ieu n'avait pu créer vient peut-etre directement de J. ScoT, DDN, Il (Sheldon,
d abord ~e monde,, paree q? une c~ose, ne peut ag~r avant d'etre. p. 50, 26-,2): «Causa siquidem, si vere causa (!St, in seipsa
Par consequent, des que Dteu fut, 11 crea le monde. II. De meme · praeambit, effectusque suos, priusquam in aliquo apparent, in se
o~ peut acco~der que le monde a existé de toute éternité. III. D~ ipsa perficit; et dum in genera formasque visibiles per genera-
meme, en meme temps et a la fois; des l'instant ou Dieu fut et tionem erump1111t, perfectionem suam in ea non deserunt, sed
en~endra. son Fils, Dieu coéternel et coégal eri tóutes choses, il plene et inmutabiliter permanent, ·. nulliusque alterius perfec-
crea ausstl<: monde» (F.A. et J.M., p. 264). Cettdnterprétation tionis indigent,_nisi ipsius (unius), in qua semel et simul et semper
?~ la. P_Cnsee d'J?ckhart semble excéssive, · pour Íle pas dire subsistunt. >> Meme términologie en DDN, Ill (PL 122, 67o
m¡usttfiee. En fatsant du V erbe le lieu des raisons éternelles C-D): «( ... ) omne quod est in universitate rerum conditarum,
Eckhart est tres normaleinent conduit a·rejeter l:i these arienne (... )in Verbo Dei semel et simu/aeternum factum est; et nunquam
selon laquelle «avant d'etre engendré, oii créé ou décrété ou erant aeterna et non facta, neque facta . et non aeterna. »
fait», le Verbe «n'était pas» (cf. texte dans ÉP;PHANE; Pan;rion E. Jeauneau note, a propos de Hom. sur le Pro/. de ]n, IX, 288B
69, 6, PG 42, p: 209, réfutatiori dans AuGUSTIN la Trinité VI 1 (SC 151, p .. 242, 6: «<ta Deus pater simul et semel et Filium suum
1, .8_-115: p. 4~8-469) .•~a ~ifficUlt~·vie?-t ~niqu~ment de ~e q~·d gignit et Spiritum suum per genitum Filium producit»): «Ce
C~_?t~tt d expn~er qu d n f, eut ¡amats un temps ou le Verbe couple d~adverh.es (simul et semel) revient fréquemment sous la
n etatt pas, ~n dtsant de mamere plus abrupte que Dieu ne Jutpas plume de Jean Scot.» Cf. notamment: DDN, 11 (Sheldon,
avan~_c:le !=reer !le temps). Pour tout ceci cf. également Serm. latin p. 74, 31-76, 6, spécialement 76, 3 et 126, 30-128, 4, spécialement
. J¡¡, § 458. . . ' . 1z.6, 32). ·
f
~_,"_.-·.··
"·t,
.··;,.,;..

· EXPOSITIO· LIB; GENESiS · COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1 ·

terram, .·vel potius ·«duo· haec», · personarum· scilicet «ces deux», c'est-~-dire l~émanation des l'ersonnes et
emanatt~:>nem et: mundi creationem,. quae tamen la création. du monde,. qu'«il--prononce une· seule
« s~mel: tpse loquttur »; « semel-Iocutus est ». Hoc de fois », qu' « il a prononcées une seule fois ». Voila pour
prtmo tnter quattuor. superius praemissa . le premier des quatre points annoncés pl~s ha ut.· .
.J

Simultanéité de la création.
8.· ,Quo~ a~t~m- Heb.r. 1 converso ordine dicitur: ' 8~ Que l'ontrouve l'ordre inverse dans He I, tout
«Tu tn prtnctpto, domme~ ~erram fu~dasti, et opera ( comme_ dans .-le- .Psa~me, i.e. «Au .commencement,
.. manuum tuarum sunt caeh»a, Psalmo concordans Seigneur, .t\1 as fondé la terre; et les· cieux sont
non obstat. · . · ' l'reuvre de tes mainsa» ne fait pas de difficulté.
:
Primó. q~idem, quía orationes, «nomina et verba
~
L Les phrases. « résultant d'une permutation des
transpostta tdem significant». noms et des ver bes signifient la meme chose 1 ». . ·
...' Secundo,. quía sicut ea quae non simul-nec semel 2 .. De meme que. des choses que nous ne faisons
~unt a nobts,. puta fundamentum, paties et tectum, pas_simultanément.et en une seule fois, par exemple
stmul uno dtcuntur nomine, puta domus, sic e des fondatjons, des murs et un toit, sont simultané-
con-yer~o. quae de~s. simul facit, non possunt. simul a
¡: ?-obts ~tct, tum quta dei dicere est suuni facere- secus
mef1t exprimées par un .seul -nom :. «maison»; de
meme et inversement, celles que Dieu fait simultané-
'
¡'
tn n<;>bts - tum. quía dei · dicere. est ·causa totius sui
j ment ne peuvent etre simultanément. exprimées par
1:: operts -et. omnium partium - secus. in no bis; Unde nous,. soit .paree que, a la différence du notre; .le dire
no~andum .quod, .si .materia domus se tota esset ab de, Die u est son faire, soit paree que, a la différence du
artt~ce et et se tota obo~d~ret ad nutum, artifex utique notre, le .dire de Dieu .est cause de· son reuvre en
~~gttando dom1;1m practtce omnes partes domus et totalit~ et dans chaql,le partie_?. : .. , · ·
tpsam· domum stmul produceret in -esse. ·Nostra ením . On doit. done noter. que; si -les: matériaux de la
operatio· sicut et ·scientia a ··rebus· oritur; -propter maison provenaient tout entiers de l'~rchit~cte· et l~i
quod a, rebus dependet· et · mutatur tehus mutatis; · obéissaient tout entiers au moindre, stgne; tl suffiratt
E converso-res ipsae ortum habertt a scierttia dei et qu'il en.conc;ut l.es plans:pour que toutes les parties et
t la maison ellé-meme fusserit simultanément produites
a. He1,z~: Ps 1~1, 2.6. dans l'~tre. En effet~ comme notre savoir notre action
. : ~ .
·,·: •• <
nait des choses, c'est pourquoi elle dépend d'elles et
change lorsqu'elles changent. A l'iriverse, les choses
1. AR.; pe finterpr~liflion,. Io, 2.ob 1 (Tricot, p. u~).
. ~· Le theme de 1~ dt.sJonctton du dire et du faire humains est ., -. ~ ' ~ .
t~r~ de la Gl~se. o~dtn~tre ..~'exempte· dé la· maison est peut-t!tre La .<~ ~PQJonctio.n » ·. du . dire et. du. faire di:vins est également
ttre ~e BEDE, 'Etb.IV mprm&. Gen., 1, 1, 1 (CC 118 A, p. , 8- 16). expiimée au meme ·endroit (p. h -J6-19)•.
3

,,
.~~~r·
::({~ ..

EXPOSITIO UB.. GENESIS ·. COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1

dependent~ propter quod ipsis; ntpote posterioribus, tirent leur · origine de. la science · de Dieu et .en.
mutatis deus in ~ua scientia non mutatur. Et hoc est dépendent, c'"est pourquoi- (lui) étant postérieures,
quod in Psalmo-et ah apostolo de caelis subsequenter elles peuvent changer-, Dieu n'en est pas changé dans
••
significanter . additur: «Mutabis. eos et mutabuntur. sa connaissance. Et e' est bien hi le sens du Psaume a
Tu a,utem idem ipse es>>h. . quoi l' Apótre ajoute a pro pos des cieux : «Tu les
.,.
¡~t.
changeras et ils seront changés. Mais toi-meme, tu
demeures identique h.»
.t•l
9· Rursus etiam tertio notandum quod, quia in 9· 3· De plus, il faut ertc'ore remarquer que rien
creaturis nihil_ omniquaque perfectum, plerumque dans les ctéatures n'est parfait a tous póirits de vrie:
postrema in entibus praestant priorihus in qui- nombreux sont done ceux qui sónt les derniers
busdam. Propter quod topice scribitur non esse parmi les etres mais 1' emportent stif les premiers
melius quod meliori similius, nisi fuerit etiam simile par quelque coté. C'est pourquo~ nous a;<ms le .topo~
·" in melioribus. Sic ergo terra quantum ad stabilitatem que ce qui est semblable au niellleut, n est m~tlleur
sive immobilitatem praestat · etiam · caelo-. . Unde qu'a condition de lui etre semblable dans ce qu'll a de
commentator et sui sequaces · caelum locant per meilleur t. De fait, la tetre l'emporte ·meme sur le ciel
terram sive centrm::n, · .de quo su o loco invenies quant a la stabilité ou ,a l'i~mobil~té; Et c'e~t pour
in Opere· quaestionum. Hinc- est quod_ significanter cette raison qu' Averroes et ses parttsans locahsent le
ciel par rapport a la terre ou au centre. Tu trouveras
tout cela en son lieu dans l'CEuvre des questions 2• De la
b; Ps Ioi, 27s. He 1, 12. vient encore cetté parole pleine de ·sens: «Au cotn-

1. AR., Top., 111, 2, II7h 20:..26 (Tricot, p. I04-IOS)· En fait, lect. ']; n° 6, 167b -n;' 13; i69a poür lá discussi()n d' Averroes, et
cette formule lapidaire condense l'énoncé d'Aristote («dans le EcKHART,Quest. Parts., IV~§ 4 (LW V, P:}4•_ 1-3~, Comm.Je~;~n,
cas de deu:x; choses; si l'une est plus sembl~ble a une meilleure § 32s. Pour Thomas les parties de la dern~ere sphere ( = le ctel,
chos~ et l'~utre a une moins bonne-, sera meilleure celJe qui est dont le mouvement est tontinu et citculatre) sont seulement en
plus semblable a la meilleure») et ~e objection («11 peut se faire puis~ance dans .un lieu, ~a ~ota~ité de la ·sph~re ~st ?on~ b~en daris
(... ) que la chose. sémblal;>le ala meilleure ~hose luí ressemble par un heu par accident, mats a ratson de ses part.tes mtrtnseques et
ses cotés les moins bons, tandis que la chose semblable a la non a raison d'un centre (= la. ter~e)· qut reste totalement
moins bonne lui _ressemble par ses cotés les meilleurs») .. extrinseque asa ~ubst~rite. Ainsi ~ónt, a~~uncorps ne contient le
. 2. AvERROES, Phys., IV; comm. 43· (f. I:I6r q. Les. Auctori- del mais du fatt meme de la circulante de· son mouvement
tates Aristotelisdisent dans le meme sens: «caelum non est in cha~une de ses parties en contient po~eritiellemen~ ~ne deu:x;ieme
i. loco per se, sed per accidens, scilicet ratione centri», énoncé et est potentiellemeht. contenue · p~r une tro1s1~me : ~<Una­
11
i attribué a A ver,;oes (Hamesse, prop. 1 53, p. 1 p ). Eckhart, lui, quaeque pars eius contmetur sub aba secund';lm ctrculattonem
se rattache a- l'enseignement de Thoptas d'Aquin; reprenant (.;.)incorpore circulad q';laelibet p~rs est co~~mens et contenta,
Thémistius, selon qui. la sphere du del ~st Jocalisée par ses potentia tamen. Unde ratton_e ommum parttum suarum corpus
páqi¿s;noó par le centre. Cf. THOMAS d'AQ., In Phys., IV; e_. s, circulare est in loco» (loe. ctt., 169a). · ·
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1

dicitur: «~u, domine, in principio terram fundasti»a, mencement, Seigneur; tu as fondé la terrea», selon ce
s~c.undum tllud ~sal~: «Fundasti terram super sta- passage . du Psaume : «Tu as fondé la ·terre sur sa
btlttatem suam» • Htnc est quod ·in nobis dextra stabilité h.» De la· vient enfin que, chez l'homme, ce
magis m<;>t~i conveniu~t ~aturaliter et prius expo- qui est ·a droite convient naturellement mieux au
n~ntur, stntstra vero fixtom. Processurus enim quis- mouvement et s'engage en premier, tandis que ce qui
ptall_l ~extrun;t ~e.dem praeponit, tenens se et figens esta gauche s'accorde mieux a l'arret. En effet, quand
m stms~ro: .Stmthter laborans operatur cum dextra, quelqu'un commence a se mouvoir, il avance le pied
tenens td, ctrca quod operatur, cum sinistra. droit mais il se tient et s'appuie sur le gauche3. De
Quod autem in Eccli. dicitur : . «Qui vivit in meme l'ouvrier travaille de la main droite, mais ce
a~term~m, c~eavit omnia simul »e, ah aliis satis expo- qu'il travaille, il le tient de la main gauche.
sttum mvemtur. Quant a ce que dit le Siracide : « Celui qui vit pour
Hoc de secundo principali inter quattuor. l'éternité a tout créé ~ meme tempsc», on en trouve
suffisamment d'explications ch~z d'autres (commen-
tateurs)4. ·
Voila pour le second des quatre points principaux.

Critique de l' émanatism_e nécessaire. ·


xo. Tettio res~at yidete quomodo ah uno simplici,
p~t~ a deo, ~osstnt tmmediate ésse seu produci plura xo. Il reste a voir en troisieme lieu comment
dtstmcta et dtversa; puta caehim· et terra et similia. Ait plusieurs choses distinctes et diverses, comme le ciel,
enim : in principio creavit deus caelum et terram. la terre et d'autres choses semblables, peuvent etre ou
~ ( Ad hoc respondetur et bene, quod secus est de etre produites immédiatement par un seul etre simple,
agente ?ecessitate natura~, secus de agente voluntario je veux dire par Dieu~ En effet, il est dit : Au
et per mtellectum, qualts est deus, ut Thomas p. I , commencement. Dieu créa le ciel:et la terre.
9· 4.7 a: .I •. Ad hoc_ facit q~_od dictum est: in principio, { \ A cela on répond - et c'est _juste - qu'il .y a une
td est m mtellect_u, ·creavzt.caelum et terram. · ) différence profonde · entre . ce qui agit selon une
Secundo respondet -Avicenna satis subtilitei nécessité de nature et ce qui agit volontairement et
par le moyen de l'intellect, comme c'est le. cas de
a. He1, 10. Cf.·Ci-'dessus§ 8.. ·h. Ps 1<:>3, S· c. Si 18, 1. Dieu, ainsi que le dit Thomas, la P, q. 47, a. 1. A
l'appui de ceJa, le fait qu'il est dit que: Au commence-
3. Aa., De coelo, ·II, 2, 284b 28 (Tricot, p. 68) : «le nwuve-
ment, c'e~t-a:-dire dans l'~ntellect, il créa le ciel etla !erre.
ment local» part «de la droite». · · .· - Avicenne dorine une. s~conde réponse, tres subtile,
4· Notamment chez AuGUSTIN, La Gen. a11 s. litt., IV, xxxm, au chapitre IV d~ livre IX de la Métaphysique 1• Mais
51-5 .z (BA 48, p. 358-363). Ori sait que·dans ses Sermons el lefons
sii!;Je ~irafitfe, Eckhart lui-m~me ne commente pas Si 18, 1 mais
seulement 24, 23-31. · · . .· · . . § 10 1. AviCENNE, Met., IX, 4 (f. 1o4va, 6o-6s; VAN RIET II,
l l!
1 !
. EXPOSITIO ·LIB:. GENESIS' COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1. 2.19

IX Metaphysicae c. 4·. Sed ·Thomas;-ubi iam supra, Thomas -s'y. oppose dans,·le passage que. je. viens
vadit contra hoc, et similiter Rabbi -Moyses· II libró d'irtdiquer, toutconime Maimonide au chapitre 2.3.du
suo c. 2.3.-Quidain ex·maioribus mundi s'olebat· dicere livre 11 (du Cuide des égarés). Un. maitie célebre avait
quod ah uno,. id· est ah ·una idea,· immediate.tantum coutume de soutenir:que de l'un, ne peut, imniédiate-
unum produdtu'r. ':~ .:·'· · \ · ment, rien résulter d'autre que de l'un 2,
Ix. Rursus autem ad. hoc respondere · consuevi ~/ .J-. lió Mais j'ai moi-meme l'habitude de répondre
aliter et tripliciter: Primo quidem sic : dato quod deus autrement et de trois manieres différentes; · 1. A
agat necessitate · naturae, tun~ dico : d~us agit et suppóser que Dieu agisse selon une nécessité de.
producit res per naturain smim, scilicet dei. Sed nature, je dis ceci : Dieu agit et produit les choses de
?~tura dei est. intell~ctús, et sibi. es~e est intelligere; par sa nature meme, c'est-a-dire par la nature divine.
\_, 1g1tur produclt res m esse per 1ntellectum. Et per Mais la nature de Dieu est l'Intellect et, pour lui, etre
consequens: sicut suae simplicitati non repugnat c'.est connaitre t; dohc c'est par l'Intellect qu'il pro-
intelligere plura, ita nec producere plura.immediate. duit les choses dans l'etre. · Et par conséquent, de
1 _Secundo sic: ignis per formam suam et proprie- ' merne qu'il n'est pas .· contraire a sa simplicité de
,J
• tatem caloris geneiat ignem et calefacit. Quod si connaitre plusieurs choses a la fois, de meme (rien ne
s'oppose) a ce qu'il produise sans intermédiaires
j

aequaliter haberet formam aquae. et proprietatem


abluendi .sive infrigidandi, simul et aequaliter gerie- plusieurs choses distinctes. ·
raret. ignem et ·aquam, simul calefaceret, ablueret et 2. C'est. par sa forme et par la propriété de la
infrigidaret. Sed· deus naturaliter .praehabet orones ~ chaleur que le feu engendre le feu et qu'il chauffe. ·S'il
:_-_: .. ,·~ possédait également la forme de l'eau et la propriété •..
:1 de laver etde refroidir, il engendrerait simultanément .
4Ti sq)~ CC~, deRoM.E~·Err: Philoi., VI; 6(Koch, p. 2.8; 13-8). et également feu et eau, simultanément il chaufferait,
:1
!i En fait, c'est tout l'émanatisme avicennien et, notamment, sa ¡laverait et refroidir.ait. Mais ·Dieu possede d'avance
i conception mel!le de la,produc~~on de la Premiere Intelligence et \ toutes les formes etcelles de toutes choses2. Done, en
de son róle dans la production des intelligences, ames et corps
\ ultér~eurs <Jui constitue la «rép_on~e~> d' Avic~nne. . . ·
't 2.. Peut-etre SIGER de BRABANT, Quaest. tn Met., V, q. xo q:uoniam ah un9 Sé!=undÚm. quo4: 'un~~ non procedit nisi
(Graiff, p. 301, 71-74). On notera de toute fac;on que phisieurs ll;nUm.» · " .
textes anonymes mentionnés dans' HISSETTE, Enquéte ... , p. 66 et . § 1 1 1. Eckhart reprend ici la these centrale de la Question 1
72., contiennent l'adage «aristotélicien» déja allégué ci-dessus, Utrum in Deo sit idem esse et intelligere, déte.rminée a París vers
~ i
¡ § 2., notamment : Quaest. in Met., ms. Cambridge, Peterho11se 15 2. 1302.-1303 (LW .V, p. 37-48). Dieu est seulement intellect
(f. 2.91vb): «Dicendum quod secundum intentionem Aristotelis (connaissance,.pensée.intellective) et étant seulement intellect, i1
et A vicen·nae et Algazel et fere omnium peripateticorum, quod est seulement etre (i.e. son essence intellectuelle est son etre, il
tantum ah eá iminediate procedit :unúm. » .L'unicité de Peffet est son propre etre). L'identité de l'etre et de l'intellect divins est
immédiat de Dieu est également so u tenue daos les Quaest. in lib. indissociable du theme de ·la· création dans le Verbe ..
#.e.teor., ~~~ Münich, C/m 95 59 (f. p.va): «<ntelligendum quod . 2.. Toutes choses subsistent éternellement en Dieu a titre de
a;'causa prima· immediate non. procedit nisi ·aliquod unum, causes primordiales. C'est meme idée de dire que toutes choses
26o EXPOSITIO LIB. GENESIS · . COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1 z.61
formas et omnium. Igitur deus naturaliter produ- produisant selon sa nature, Dieu peut produire. des
cendo producere potest diversa et omnia imrrtediate. choses di verses et toutes: sahs intermédiaires. .
12• Tercio et melius dico quod re vera ah uno 12. · 3· Je dis - et cette· réponse est meilleure -
uniformiter se habente semper unum procedit imme- qu'en vé.rité, de· ce qui est un et uniforme dans sa
diate .. Sed hoc unuin est ipsum totum universum, fa~on d'etre, c'est toujours quelque chose d'un qui
quod a deo procedit, unum quidem in ·multis partibus procede immédiatement. Mais ce quelque chose d'un,
universi, ·sicut · deus ipse. producens est unus· sive c'est tout l'univers lui-meme, qui procede de Dieu et
unum simplex in esse, vivere et·intelligere et operari, reste. un dans la multiplicité des parties qui le consti-
fvJf\ copiosius tamen secundum rationes ideales~ Universa- tuent1. ·De meme, Dieu qui produit est un, c'est-a-
1
• liter enim natura primo et per se respicit et intendit dire simple dans son acte d'etre, de vivre et de
totum immediate. .· connaitre et (simple) dans ses ceuvres, bien que riche
Ubi notandum primo quod, q·uanto res est perfec- en· raisons idéelles. En effet, en regle universelle, la
tior in esse et simplicior, . tanto copiosior est nature, d'abord et par elle-meme, regarde et poursuit
secundum rationes et potentias. Verbi gratia : ínter immédiatement le tout2. ·

~
omnes formas materiae anima ratiorialis est perfectior . A ce propos, il faut remarquer 1. que plus une
et oh hoc: in · esse et substantia simplicior et in chose est parfaite et simple dans son etre, plus elle est
potentiis multiplicior, sicut testatur et ostendit orga- riche du point de vue des raisons et des puissances. o
norum corporis humani diversitas ·et distinctio. Par exemple : parmi toutes les formes. (qui· se trou-
.Secundo notandum ·quod universum si ve mundus, vent) dans· la matiere, l'ame rationnelle est la plus
quanto est perfectius; tanto esse suum ·est simplicius parfaite et ainsi elle est plus simple en etre. et en
et ·partes· suae- piures et- in plura distinctae. · substance mais plus diversifiée dans· ses. puissances,
. . ·., comme l'attestent et le montrent la distinction et la
. - .· . .~:: .. . .; . diversité des organes du corps humain 3.
!ie préexistent en Dieu. ou .que Dieu c_ontient d'avance toutes 2 •.· 11 faut noter que plus l'univers oti le_ monde est
choses. n suffit de ga_rder a }'esprit que cette pré-existenc~ ne
regarde. pas· ~es effets ptoduits a l'extérieur («ex-sistantS»; parfait~ plus son etre est simple, plu's ses parties ~ont
' <(extra-fáits>>) mais les . seules ciisons- étern:elles, availt l'ex- nombreuses et plus elles · sont vadées dans leur
/ sistance, a l'intérieur. Cf. Serm. al/. 21 (DW I, p. 3~8~ 4s; - pluralité. ·
1
Anceletl, p. 184s), 13a (DW I, p. 225, 4; Ancelet 1, p. 13os) et
u (DWI, p. 377, 1; Ancelet 1, p. 191s) .. La source principale est
. ici Denys, ND; c. 4 § 6 (7o1A-7o4A), lu avec Albert le Gd, In . z.. Sur l'ordre de la nature, cf. ci-dessous § 1s3. Comm Sag.,
) DN c. 4 §-83-85 (CoL p. 19os), et aussi I'Erigénien (voir ici § 3 § 35-37, 40, 72-73, 197s, 2.35-238, Question V Utrulll incorpore
n. i ét § z.s n.- 1). '. · · · ·. · ·.. · ~ ·. : . ·· · Christi... , § 3. Comm. jean, § 714. Cf. également THOMAS d' AQ.,
1. L'univers et non, comme chez A vicenne~ la Premiere l 4 P; q. 103 et.ScG, 1, c. 78 et 85.
lntelligence; On sait qu'Eckhart aime a présenter l'univers 3· ·Sur le theme aristotélicien du role et du statut éminent de
cbml:Jle ·.«cé. qui .. est tourné vers l'Un». Sur· l'univers, cf. l'ame radonrielle.dans la hiérarchie des formes, cf. THOMAS, ¡ap,
ci-dessous § 11 et 69. q. ·¡6, a. 1, resp. · ·
'
COM~ENTAIRE DE
.
GE~ESE 1, 1
.
Z:6z z63

13. Ex his patet rudis quorundam ·quaestio ~t La création de 1'ange ~ ,


dubitatio qua quaeritur utrum deus prius· produxer~t 13·. be la découle a ·l'évidence la solution de la
angelum aut aliam. quamlibet creaturam quam ~elt­ question et du doute soulevés par certains · esprits
quam. Produxit enim immediate non _hanc aut. altam grossiers, qui dem~ndent si Dieu a d'abord produit
partero universi, sed ipsum totum untversum tmme- l'ange ou une ·créature quelconque avant les autrest.
diate, quod, in qua~, u~iversut?. non pro~u~eret ~e~ En· effet, il n'a pas produit immédiatement telle o u
esset universum,. st qutc,l parttum essenttahum tp~t telle partie de l'univers : c'est tout l'univers lui-meme
deesset. Exaequo autem un_iversum non e~s~t, si_l~pis qu'il a produit· immédiatement; cet univers, dis-je,
vel lignum deesset, aut st natura angeltct sptntus qu'il n'aurait pas produit et qui ne seraifpas l'univers,
deesset.- Hoc de tertio principali inter quattuor supe- si quelqu'une .de ses parties essentielles lui manquait.
rius praemissa. De fait, e' est dans une mesure chaque fois identique
que l'univers ne sefait pas l'univers s'il lui manquait
soit la pierre, soit le bois, soit encore la nature de
l'esprit angélique2. Voila pour le troisieme des quatre
points principaux annoncés plus haut.

La collation de l' etre.


j__ 14. Quarturr. · vero. principale, scilicet quod. omne 14. Le quatrieme, c'est-a-dire que tout ce qui est
'f citra deun:i habet esse ab alio sive aliunde, sic conchi- inférieur a_ Pieu re<;oit s·on etre d'un autre ou d'ail-
ditur ex praemissis : dictu~ est enim q~od deus creavi~ leurs, estaussi établi a partir de ce qui vient d;etre
. caelum et terrdm,: id est suprema et tnfima et per avancé : il es·t. dit, e.n effet, que Dieu 'cda le ciel e{ la
(. consequens omnia. Crea~i? autem est collatio ~sse. ~t !erre, ¿'est-a~dire ce qu'íl yade_plus ha~t et ce qu'il y a
:1 hoc est quod Pr?clus d1ctt prop .. I I : « Omnta entta dé plus· has et par· conséquent· tout. Or la eréation est
la collation de l'etre 1._Et c'est ce que dit Proclus a la
proposition 11 des Eléments de théologie: «Tous les
§ 13 1: Cette question liée a la précédente est notamme~t
traitée par BASILE, In Exaem. hom., 1 (SC z6, p. 105, § 5) : « Car 11
y eut, parait-il, .avant meme que ce monde fftt (... ), avant la z. Ayant produit l'univers «simultanément et d'un seul
genese du ~onde, une condi~ion _qui convenai~ aux puissanc~s coup>>, Dieu n'a done hi produit une ou phisieurs parties avant
' 1
célestes : depassant no~re c~tegorl~ du temps,, eternelle, ~erpe­ les autres ni (ce qui révient au meme) produit le tout sans l'une
ttielle.» Hugu~s de S;unt-Vtctor dtscute la these de la creatlon ou l'autre de ses parties; Quelle que soit sa dignité, totite partie
primordiale de l'Ange au.De sacr., 1, ~- 3 (PLIJ6, 189B-19oA). qui manque a l'univers fait qu'il n'est pas l'univers. Sous ce
E~ 247C il dit accepter l'at_ltériorité de _l'~n~e «non.( ... ) rapport, la simple pierre lui est done aussi essentielle que l' Ange.
tempore, sed causa soltim et respectu et dtgmtat~». Pterre
Lo11_1l:;ard synthetise tcnite la discussion en Sen~. JI, dist. z, c. 1 _§ 14 1. _On pourrait diré aus.si le «ret~eil de l'etre». Sur cette
notion cf. ci-dessus Pro/. gen., § 16. · _ .
(Grottaferata, p. 33 6-33 7).
EXPOSITIO LIR. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, •·

procedunt ab una causa prima». Et Augustinus etres procedent d'une cause unique qui est. la pre- .
1 Confessionum sic ait : « Nulla vena trahitur aliunde, miere 2• » Et Augustin, au livre J des ConfessionsJ
qua esse curradn nos, praeterquam quod tu facis nos, déclare: «Ün·- ne peut trouver aucune .veine p~r
domine» ..Nec _ta,men imaginandum est quod· tam- laquelle l'etre se -répand- en. nous, :Sinon, Seigneur,
quam ah extra in nos veniat, eo quod deus, utpote l'ac;:te par lequel tu nous fais3. » :M:ais il ne faut pás
causa prima, intimus sit entibus, et dus effectus sive s'imaginer que Dieu vient en nous comme de l'exté-
influentia utpote primi et supremi est naturalissima et rieur, car en tant que cause premiere il est_d'emblée a
suavissima et convenientissima, sicut declaratur in l'intérieur de tout ce qui est; .et son effet, ou son
Opere propositionum, tractatu De superiori, ratione influence, dans la mesure ou i.l vient d~ premi~r et du
et exemplo. Haec igitur ad praesens sufficiant litterali plus haut est le plus· natur~l, le plus suave et le plus
expositioni praemissae auctoritatis, qua dicitur : in adéquat de tous .. On · le démontre clans l'(Euvre des
principio creavit deus caelum et terram. Alias expositiones propositionsJ traité Dt~.~c.supérieurJ par le .raisonnement et
·notavi, . quas invenies in Prologo generali totius par l'exemple4. Ces remarques suffisent pour l'instant
Tripartiti. a l'exposition littérale de l'autorité ·a co'mmenter,
selon laquelle Au commencementJ Dieu créa le cíe/ el la
terre. J'ai donné d'autres explications que tu trou-
veras dans le Prologue général a tout l'(Euvre tripartites.

xs. Mor~líte~ autem notandum quod · ait · deum


La Genese au sens moral: premier
. .
sens.. . .

creasse· caelum et terram. Caelum in principio et poste- IS· Pourl'exposition morale, il faut noter que le
i i:ius terram nominat. In quo percutiuntur primo hi qui texte dit que. Dieu a créé le cíe/ et la terreJ c'est-a-dire

terrena caelestibus antepomint contra illud Matth. : qu'il nomme le cíe/ a1.,1 début etensui~e/a terre . .
« Primum· qüaerite regnum dei »a. Et isti sunt ·símiles 1. Par la sont attaqués ceux qui, contre la parole de
cani qui umbram cárnis volens capere; carnem amisit. Mt : «Cherchez d'abord le royaume de Dieua», font
Item secundo arguuntur ·illi qui operantur· bona passer les· biens terrestres avant ceux du del. Ils sont
timore, non amore. Tales enim terramJ id est poeilam, semblables au chien qui, voulant attraper l'ombre du
morceau de viande,- n' attrape pas la viande t.
2. Ceux qui font le bien par crainte, non par .amour
a. Mt 6, H·
sont également pris a parti. Ceux-la, en effet, c'est la

2. PROCLUS, Elem. Theol., prop. 11 (Trouillard, p. 67).


3· AuG., Conf, I, VI, 10 (BA 13, p. 288-289). § 1 5 1. Pour cet exemple, voir ÉTIENNE de BouRBON, Trac-
4_...,.Ce-tr~ité. est·aujourd'hui perd~. Cf. ci-dessu~Prol. gen., § 4· Ia/m de diversis materiis praedicabilibus (Lecoy, p. 224). Cité dans
5. Cf. ct-dessus Pro/. gen., § 15-21. • LW I, p. 198, note z. .. .
266 CO~MENT-:\l~E DE G~N.ESE 1, 1. 267
EXPOSITIO' LIB. GENESIS

primo r~spici':lnt, non caelum, id est' ·amorein boni. terre, c'est-a:-dire la peine, qu'ils regardenten premier,
Cóntrá quos poetaait: · __.. •· · ···· . rion le ·del, C' est-a-dire 1'amour du bien. Contre eux le
· « Odérunt' peccare inali formidine poenae >>. :· · · poe~ez_ di~: .·«Les .méchants ont ha! le pé.ch_é· par
Contra tales dici~ Aug1lsti,nus De vera religione· c. 38 ,crainte.de la peine (encourue).» Contre eux encore,
quod. vertunt sttlum, scnbunt cum plano ét delent Augustin. dit: dans la Vr~ie Religion, .chap. 38, qu'ils
cum acuto. It_~m tales haberit caput deorsum, pedes ti~nnent leu~ siylet al'envers, écrivent avec la palette
sursum, ca~l1:1m deorsum, Marc. 8 : « Vidi homines et effacent avec la pointe 3 • Pareilles gens ont la tete en
quasi arbores ambulantes» h. Unde non·est mirum si has, et ~es pieds en haut, et pour eux le ciel est en has,
m':llttim lah<:>ra~t · et poena·m stistirient; operantur Mc.S: «J'ai vu marcher. des hommes qui re~sem­
emm· contra· ordtnetn naturae, contra impeturir incli- blaient ades arbres h.» Cen'est done pas mirade s'ils
natio.riis naturalis, contra ordinem dei~ qui in principio travaillent beaucoup et éprotivent de la peine: é'est
creavtt caelum ,· Job : «Po~uisti me conttarium tibi, et qu'ils agissent contre l'ordre de la nature, contre
factus suni mihimet ips~ gnivis ».e · l'élan de l''indiriatio; naturelle, contre l'ordre de Dieu
qui au commencement créa le cie/,' Jb: «Tu ni'as fait me
x6. -Adhuc autem dicitur deus .creasse caeluni et dresser contre toi et je suis devenu une charge :pour
terram in principio, id est rationa~iliter, · .ut. supra moi-memec.» ·
expositum est, quia horno divinustam prospera quam
adversa~ tam bona quam mala bene. ordinat et. ipsis Deuxieme ·sens.
bene utltur, secundum illud Rom. 8 : « Diligentibus
deu~ o~nia cooperantu,r ··in b6nurri»a. In principio .16. _En~utre,. il_est dit que Dieu a.créé le ~iel et la
c~e~vtt ·Jeus ta'elum et terram ,• in principio~ icJ ést ratiória- terre au commen.cement, c'est-a-dire raisonnablement,
btliter. ·. · · · · . comme on l'a exposé plus hautt, paree que l'homme
déifié sait comment bien disposer de ce qui lui est
·.~7· :N9~~·dú~ e~ R.a}Jbi Moysesci~~a_ver~a pra(!- propice et de ce qui lui est contraite, des biens' comme
mtssa. ~rl~O «quod differepJia est Ínter pri~cipitim et des niaux, et ·c¡u'il· sait bien en user, comme le dit
Rm 8 : «Pour ce'!lx qui aiment Dieu, toutes choses
· b. · Me 8, 24. c. Jb 7~ i.o: § 16 á. Rm 8, 28. · . · · collaborent au hiena.» Au commencement Dieu créa le
ciel et la terre: ·au commencement, c'est-a-dire raisonna-
..: ....
· .~ blement.
·. 2. Cf. ci-dessou~§ 286. J;.e t~xte du «poete», i.e. :tJoRACE, Ep.,
1, 16, 52. (Belles lettres, p. 109) est légerement diffétent: .· · . 17. A ce propos, note deux choses. tirées de Mai-
3· En réalité, AuG., La Vraie Religion, XX, 39 (BA 8, p. 74). monide. '
· § 16 1. Cf. d-dessus § 5· · · . , 1. «Il y a une différence entre príncipe et premiert.
§ 17 1. Pour tout ceci cf. MAIMONIDE, Dnx nentrornm, 11, 31
(~. 6~r, 1:..9; Munk 11! p. 23?s)._L'inte1J?rétilt~ori du «Príncipe»
Ti-IÉüP!-iiLE · d' ANTIOCHE, Ad Anto!Jcnm, textt: et commentaire
(cxp:x;Y}):~ Gomme · «Prtnce» (&p:x,eL) qu1 rehe. la notion ·de
cominencement . a celle dé commanderilent . est. attestéé des dans P. NAUTIN, «Genese I; 1-2 de Justin a Origene», In
268 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT,AIRE DE GENESE 1, 1 .

primum. Principium enim est res in eo vel cum eo Un príncipe, en effet, est une chose qui réside dans ce
cuius est principium animalium vitae». « Primum dont elle est le príncipe ou qui l'accompagne et qui ne
autem dicitur de eo quod est antiquius in tempore, lui est pas antérie.ure selon le temps. C'est ainsi que le
licet non sit causa eius quod est posterius ipso, sicut si cceur est le príncipe de la vie des animaux. » « Mais est
dicamus : primus qui habitavit in tali domo fuit dit premier ce qui est le plus anden dans le temps sans
Petrus, et post ipsum Iohannes. » « Verbum autem, a etre cause de ce qui vient apres .lui, comme si nous
quo incipit liber Genesis in lingua Hebraica, significar disions :Le premier qui habita cette maison fut Pierre
principium et sumptum est a verbo capitis, quod est et apres lui Jean. » « Or le mot par kquel commence le
príncipium corporís cuiuslibet animalis. » livre de la Genese en langue hébra1que signifie
"príncipe" et est tiré du mot "chef'', qui est le
18. Secundo notandum · quod deus simul creavit
príncipe du corps chez tous les animaux. »
caelum et terram et omnia quae in iis sunt «in statu suo
et in pulchritudine sua»,· «in specie perfecta et forma 18. 2. Dieu simuH::anément créa le ciel et la !erre et
et in electione accidentium», sed non simul appa- toutes les choses qui s'y trouvent «a l'état achevé et
ruerunt. Exemplum «de agricola seminante simul en pleine beauté», «dans la perfection de l'espece et
diversa genera seminum in terram. Pars autem oritur de la forme et dans celle du choix des· accidents », mais
post unum diem, alía vero pars post duos dies, alía celles-ci ne sont pas · apparues simultanément. On
vero post tres dies, sed omnia semina proiecta fuerunt peut a ce propos évoquer l'exemple du «paysan qui
in una hora». · " seme en rrieme temps différents genres de graines
dans la terre. Une partie pousse apres un seul jour,
19. Rursus tertio resumendo quod dicitur: in une autre apres deux, une autre apres trois. Toutes les
principio creavii deus caelum et terram ~i<:amus quod deus graines n'en ont pas moirts été semées a la meme
creavit caelum et terram in principio, id est in esse sive ad heure 1 ». · ·
esse et propter esse, id est creavit ut essent, Sap. 1 :
Troisieme sens et récapitulation générale.
19. Reprenant maintenant ce qui est dit: Au
Principio, lnterpréiations des pre~lers ~ersets de ia Genese, Paris,
1973; p. 71, riotamment: «C'est ce Verbe qui est appelé &:pxf¡ co!J!mencement Dieu créa le ciel et la te.rre, nmis disons :
paree qu'il est le chef (~px.eL) et maitre de tous les etres créés pll:f
son intermédiaire. » Sur le rapport «chef» - «principe» en L'étre fin de la création.
hébreu, cf. également les Hebr. q~~t~est. in Gen., de Jérome, 1, 1 1. Dieu créa le ciel et la terre au commencement,
(CC 72, loe. cit.) .. Sur les différents sens du mot ««px.~», voir c'est-a-dire dáns l'etre mi pour l'etre et a cause de
BASILE, In Exaem. hfJm.,) (SC 26, p. I08-:-II3)·
l'etre, il a créé les choses pour qu'elles fussent,_Sg I :
1. MAIMONIDE, Dux neut. 11, 3l. (f. 6Ii, 14 et 66r, 32-34;
Munk II, p. 245 et 234-5). Le texte de Mal_monide s'adapte
parfaite~ent_a_la doctrine des raisons étemelles (ou «séminales» simultanément·déclarées dans le Verbe: ce n'est qu'a l'e;lttérieur
selorf le terine d' Augustin). Toutes les· causes exemplaires sont c.¡u'apparaissent les différences et done aussi un ordre.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE t, 1 .

«Creavit ut essent ómnia>>a. Esse enim primum· esf et :«Il a créé pour que toutes choses fussenta.» L'etre est,
principium omnium· intentionum sive perfectionum. en effet, la premiere de toutes les notions ou perfec-
·De hoc diffuse nota vi super Sap.: 1. ; · · · · .. tions et leur príncipe. J'ai développé cela a propos du
Secundo : creavit in principio,' id est sic creavit quod ·premier.chapitre du livre de la. Sagesset ...
tamen non essent extra se. Secus de omni artífice
citra deum. Domificator enim facit dómum extra i;fieu crée. en iui~meme.
se. Augustinus IV Confessionum : «Non fecit atque .,2~./l-créa. au commencement, c'est-a-dire il créa de
abiit, sed ex illo in· illo sunt>> .. · · < . fac;on telle que les choses ne fussent pas pour autant a
l'extérieur de lui. Il en est autrement de tous les
artisans inférieurs a Dieu. En effet, la maitre d'reuvre
fait etre la maison a l'extérieur de lui. ·Augustin,
Confessions, livre IV;_ «11 n'a pas fait les choses pour
les quitter ensuite, au contraire to~t ce qui vierit de lui
demeure. en luí 2. »
20. Tertio : creavit in principio,· id. est sic creavtt C'est-a-dire. maintenant.
quod semper creet, lo h. 5 : « Pater meus usque modo ' : :zó. 3~ 11 créa al{commencement; c'est-a-dire il a ·créé
operatur »a. . .
. · . . d'une fac;on telle qu'il créera toujours 1, Jn 5 : <<Mon
Quarto : in principio, id est in .filio, lo h. 8 ': «Ego peie ~uv~e· jusqu'a mainterianta. » ·
principium»b. Ubi notandum quod, sicut nemo fit
iustus nisi a iustitia gignente et ut sic.ingenita, item Et dans le ·Fils.
per ¡iustitiam _genitam. sive iustitia genita, _sic nihil _t · 4· Au coninienceiiient, c'est-a-dire dans le Fils, Jn 8 :
creatur nisi ah. es se ingenito et nisi in es se genito, 'i «]e s\lis le comtriencementb:)) 11 faut noter ici que, de
quod est filius. . . _ _ . 1 meme que ríen ne devient juste sinon 'par la justice
Quinto: éreavit in principio, id ~st in ratione. Ratio 1 engendrante qlii, ert tant que telle, est inerigendrée, et
\ de par ou dans la justice engendrée; de meme, rien
n'est créé sinpn par l'etre,inengendré [qui estle Pere]
) et dans l'etré ·engendré qui est le Fils 2 • ·

§ 19 1. Comm. Sag., § 19-p.. Ou Raison.


· 2·. AuG., Conf, IV~ xn, 18 (BA q, p. 438). Sur ce theme, cf. 5•. 11 créa au. :commeñcement, e' est-a-dire dans la
Comm. S(lg., § 21, Prol. gen.,§ lh Serm. latín 4/r, § 21 (LW IV,
p. 23) et2J, § 220 et 222 (LWIV, p. 206,6-10 et 207, 1 r-15).
§ 20 1. Cf. ci-dessus Pro/. gen.,§ 18, i 1. Comm. Sag:, § 292.· · dans la.vie trinitaire. Mais c'est aussi le modele de la déification
2,__ ~e_ theme
de la Justice (inengendrée·et engendrée) est l'un de.l'hotnme.«engendré fils» dans·le Fils engendré.- Sur tou~ ceci,
des· prindpáux paradigmes eckhartiens de la relatioñ Pere-Fils cf. Comm. Sag.; § 6'4-, Comm.Jean, § i9, Parab. Gen.,§ t8o. ·.. ·
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1

emm, logos sive verbum, principium et causa est Raison. La Raison, en effet, le logos, ou Verbe, est le
ommum. príncipe de toutes ehoses 3. ·
Seconde_ critique de l'émanatisme.
:n. Sexto : in principio creavit caelum et terram, quia . :n. 6. Au commencement il créa. le ciel et la terre,
infima in enti bus sunt prima et aequaliter se habent ad car les plus has parmi les etres sont au niveau des
esse et in esse sicut suprema in entibus, secundum premiers et se rapportent a l'etre et .dans l'etre a
.. illud : «Si ascendero in caelum, tu illic es, si deseen- égalité avec les plus h~uts 1, selon ce passage : «Si je
·" clero ad infernum, acles» a. Et hoc contra opinionem m'éleve au ciel, tu y es,' si je descends en enfer, te
Avicennae et aliorum dicentium quod deus creavit in voici a.» Cela contre l'opinion d' Avicenne et d'autres
principio intelligentiam et illa mediante creavit alía. qui disent que Dieu créa au commencement l'Intelligence
Omnia enim habent esse immediate a solo deo et ex et que c'est par sonintermédiaire qu'il créa le reste 2 •
aequo. Exemplum in · potentiis animae et organis Toutes choses, en fáft, re~oivent l'etre sans intermé-
corporis, quia omnia immediate habent esse exaequo diaire, de Dieu seul et a égalité. L' exemple en est dans
immediate ah anima, nec ibi est ordo quantum ad les puissances de l'ame et les· organes du corps, car
esse, quailtum ad vivere, quantum ad animam. tous re~oivent l'etre de J'ame immédiatement et a
Septimo : caelum et terram, id est bona et mala, égalité, et il n'y a la auctine gradation dans l'etre, la
Is. 45 : «Creans malum et faciens pacem»b. Malum vie ou l'ame.
enim esse perfectio requirit universi, et ipsum malum
in bono est et ad bonum universi, quod primo et per La fonction ·du mal.
se respicit creatio. 7· Le ciel et la terre, c'est-a-dire les biens et les
maux, Is 4 5 : « Créant le malheur et apportant la
paix h.» En effet, la perfection de l'univers requiert
a. Ps 1~9. 8~ .. h. Is 4S. 7· que le mal soit, et le mallui-meme est compris dans le
bien 3 et rapporté au bien de l'univers que vise
1·'·
~· Cf. ci-dessus § ;. Voir dans lememe sens J. ScoT, Hom. sur d'abord et par elle-meme lacréation.
1
le Pro/. de ]n, VII, 287A-B (SC1 p, p. 23 1-233). Voir également
1 ibid. la remarque de Jeauneau, p . .z.;z., note 1 qui renvoie a
1 PL uz., 556B, 562C, 56;A-B, 714B.
§ 2.1 1. Ces quelques lignes ont été incriminées dans la et les «Platoniciens», MACROBE, In somn. Scip. comm., I, XIV, 6s
¡:>remiere liste d'accusation de Cologne. Cf. Théry, n° 9, p. 175; (Eyssenhardt, p. 539s). Cf. également TH. d' AQ., ScG, II, c. 42. et
Daniels, n° 9, p. ~o, 9-1 1. In Sent. II, d. 19, q. 1, a. 3 et G. de RoME, In Sent., II, d. 19, q. 1,
2. Cette seconde critique de l'émanatisme réfute done et a. 2., ad 3m. · ·· · .
Avicenne et eeux qui soutiennent que Dieu a produit la créature 3· Cf.. TH. d' AQ., ¡aP, q. 48, a. 3· Eekhart sollicite dans le sens
corporelle par l'intermédiaire des anges. Cf. done Av.; Met., IX, d'une théodicée la doctrine de Thomas selon laquelle le concept
4; A;LGA_ZEL, "Met., v (Muckle, p. 119); A vER., Destr. Destr., du mal implique ou contient la négation de celui du bien
disp. r (IX~ 5z.E), Lib. de Causis, prop. III (Pattin, p. 52., 13-1 8) («importat rationem boni privative acceptam»). Cf. dans le
...
·r·:.t··
.··.···.·····
. ,.-_:·
274 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1

22. Octavo moraliter : in principio; id est ·in, filio, Le(s)ftls de Dieu. .


cr~at caeJ~m et ~erram, quia homini iusto .et perf~cto,
· · 22• · 8. Au sens moral: Au commúzcement, e' est-a-
qut est fihus det - secundum illud lo h. ·1. : « Dedit iis
diré 'dans le· Fils, il crée ·¡e cieJ et la terre, car e' est a
potestatem filios dei fieri »a-:- largitur deus caelestia et
terrena, secundum illud Matth. 24 : «Super omnia l'homme juste et parfáit qu'est le Fils de Dieu- selon
bona sua constituet eum»h, secundum Matth. 28: Jn 1 : «<lleur a donné le pouvóir de devenir fils de
«Data est mihi omnis potestas in caelo et.in terra»c. Dieu a» - que Dieu ·prodigue les bieris du del et de la
terre; selon Mt 24 : « Ill'a établi sur tous ses biens h »,
et Mt 28 : «Toute puissance m'a été donnée dans le
del et sur la terree.»
Amour et crainte.
23. Nono adhuc moraliter : creat deus caelum et 23. 9· Encore au ,sens moral : Dieu crée le ciel el
c<:>n.sequen~er simul CUJ? tempore terram, quia horno ensuite, en meme temps que le temps, la /erre, paree
dt~tnus agtt amore ~>Ont caelestis omne quod agit. Hic que l'homme déifié fait tout ce qu'il fait par amo~r du
emm ordo. ~aturahs est. Nun9uam ~nim fugantur bien céleste. Tel est en effet l'ordre naturel. Jamats les
~enebrae. ms~ per lucem, nec frtgus msi · prius calo re ténebres ne se dissipent sinon·grace a la lumiere, ni le
l~e~te. ~tve tnhaerente. Malus autem · horno, utpote froid, si la chaleur n'est pas déja inhérente aux choses
dtsstmtlts deo,· e converso prius creat terram, quia ou ·a l'intérieur d'elles. Mais, a l'inverse, le méchant,
propter malúm, quod · timet, operatur, posterius dans· la dissemblance qui l'oppose a Dieu, crée en
bonum caeleste. premier la terre, car il agit a cause du mal qu'il
redoute (pour lui) et ensuite, seulement, a cause du
bien céleste.
Forme et matiere.
.24. Dedmo : in principio creavit caelum el terram, id ' 24. 10. Au commencement il créa le ciel el la /erre,
est activa et passiva. Licet enim activum sit' prius c'est-a-dire ce qui agit et ce qui patit. En effet, bien

a. Jn x, 12. b. Mt 24, 47· c. Mt 28, 18.


permitteret esse. Non enim generaretur ignis, nisi corrumpe-
retur aer, neque conservaretur. vit.a·. leo.nis~ nisi occid~ret~r
m eme sens ¡aP, q. I 7. a. 4. ad 2ID, 1n Sent. II, d. 24; a. 4. ScG~ III, asinus, neque etiam lauderetur 1ust1t1a vmdtcans, et pattentta
c. 1 1, De malo, q. x, a. 2. Il n'en reste pas moins que l'ensemble sufferens, si non esset iniquitas. » Le príncipe général posé par
est conforme ace qu'enseigne Thomas en ¡aP, q. zz, a. 2, ád 2m, Thomas a cet endroit est . clairement repris ·par Eckhart :
In Sent. I, d. 46, a. 3, In Sent. II, d. 34, a. x, ScG,·III, c. 71,QD de « Dicendum quod Deus et natura et quod~umqu~ agens, facit
potentia, _q. 3~ a. 61 ad 4m. Comparer not~mment avec ¡a P, q. 48, quod melius est in toto, sed non quod mehus est ln unaquaque
2, ~d 3m: «Multa bona tollerentur, Sl Deus nullum malum parte, nisi pcr ordincm ad totum. »'
T~r-
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1

dignitate, sicut caelum terra, ipso · passivo, ·simul que l'actif soit antérieur au passif en dignité, comme
tamen sunt tempore, quod creatio sonat. le ciel l'est a la terre, tous deux coexistent par le
Rursus etiam forma et materia, utpote caelum et tempst, c'est ce que proclame'· la· création. -
terra, sunt simul non solum tempore, sed sicut - De plus, forme et matiere en tant que del et terre,
materia non habet esse sine forma et ipsi per essen- ne sont pas se.ulement simultanées; ·mais, de meme
tiam, nulla potentia media, est subesse formae et que la matiere n'a pas d'etre sans la forme et qu'illui
informari, sic pari cursu e converso forma per essen- revient par essence d'etre soumise a la forme et
.. tiam nullo medio accipit esse in materia et per informée par elle, sans puissance intermédiaire, de
¡1

'
1
informare, et informare est sibi esse. Sic ergo in meme - par le meme processus mais réciproquement
principio, id est in esse simul producitur forma et - la forme, de par son essence, rec;oit l'etre sans
materia, activum et passivum, caelum et terra: _ intermédiaire dans la matiere et dans l'acte meme
d'information, car, tlOUr elle, infor~er ~'es.t etre 2.
C'est done ainsi qu'au commencement, e est-a-dtre dans
l'etre, sont simultanément produits forme et matiere,
actif et passif, del et terre.
25. Undecimo creavit deus in principio caelum et
terram, quía rationes rerum in deo respiciurtt duplex Deux genres d' itre.
esse, puta esse intellectuale in anima, quod per ca.elum 25. 11. Dieu créa au commencement. le ciel et la terre,
intelligitur- Psalmus : « Fecit caelos in· intellectu »a - car, en Die u les raisons des eh oses concernent deux
et iterum ad esse materiale extra. animam, quod per sortes d'etre, je veux dire l'etre intellectuel dans
terram significatur. Propter quod Plato ideas ponebat l'ame, ce qui est signifié par ciel, Ps : «Il a fait les cieux
esse principium cognitionis et generationis .. Et hoc dans l'Intelleéta» et, en outre, l'etre matériel extérieur
est quod dicitur Ioh. 1 3 : «Vos vocatis me magíster et a l'ame, qui est indiqué parterre. C'est pour cela que
domine>>~. Magíster respicit cognitionem, dominus Platon faisait _des idées le double príncipe de la
exteriorem operationem. connaissance et de la génération t. Et c'est ce ~ue
dit Jn 13: «Vous m'appelez. Maitre et Seigneur .»
« Maitre»" se rapporte a la con~aiss~nce, « Seigneur» a
a. Ps 135, 5· b. Jn q, 13.
l'reuvre extérieure2. ·

+ § 24 1. La simultanéité de l'action et de la passion, de l'actif


. et du passif est un theme aristotélicien. Cf. Phys., III, 3, 2o2b,
10-14 et le commentaire de THOMAS, In Phys, III;-lect. 4, n° 8-10 2. Cf. ci~dessus Pro/. o. prop., § 14. . .
et_-- surtout· lect. 5, n~ 7; u3a: «Actt.·o et passio. non sunt duo . § z.s- 1. Eckhart.connait vraisemblablement la «doctrine des
motus sed unum·et tdem motus: secundum emm quod est ab .Idées de Platon» grace a AuG.,- 8) questions, q. 46- (BA· to,
a~~ntc;: dici~ur a~o, secundum autem · quod est in patiente p. 122.-129)·· . : -.. ; .. _·: , . . . ·. .
2. Voir Comm. jn, § 540. On notera qu Eckhart revtent sur
\ dtcttur passtd.» . . . - • . . · · .. _-. · . - ..
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1 2 79

Aut sic duodecimo : caelum., id . es~ superius, et L' inférieur et le supérieur.


terram, id est inferius. I~ferius enim semper est inane
et imperfectum, superius nunquam. Notavi super hoc . Le ciel, c'~st-a-dire le superteur et la !erre,
·1 2 •
in tractatu De natura superioris et. inferioris; c'est-a-dire l'inférieur. Car l'inférieur · est to.ujours
vide et imparfait, mais jamais le supérieur. r~i écrit a
ce sujet dans le traité De la nature du superteur el de
1'inférieur3.

·Dieu es/ simple.


26. Ultimo hoc est advertendum quod dicitur deus
creasse in principio caelum et terram, duo quaedam, non
t dit26.avoirPourcrééfinir,auil comfilenceinent
faut prendre garde que Dieu est
le ciel la !erre, él
plura, puta tria, quattuor et sic de aliis, nec etiam dicit c'est-a-dire deux et pas plus, non pas trois, qua~re ~~
creasse unum. Ratio est quia hoc ipso quod aliquid ainsi de suite, et qu'il n'est pas dit non plus avotr cree
creatur et creatum est, cadit ah unitate. et simplicitate. unseul. La raison en est que, du fait meme qu'elle est
Deo enim proprium est et eius proprietas est unitas et creée et aété créée~ chaque chose .déchoit de _l'u~ité .~t
simplicitas, sicut nota vi diffuse super. illo : « Deus de. la ~itnplicité: · E~ ,e~et, ,ce q~i ·. e~t, propre·~ Dt~~ ·~t
unus est», Deut. 6 et Gal. 3 a. Rursus: ·amne quod co'nstttue sa proprtete, e est 1umte .et la. stmp~tctte,
cadit ah uno, primo omnhim, cadit ~n duo immediate; éomme~j(d'aiexp'osél en détail a ~ropos de•J?t ~ et d.e
in alios autem numeras cadit mediante dualitate .. Ga 3 :· <<Dieu est una~» De plus, tout ce qut d.echott
l
l
l
d'un, premier d'entre ~ous (les n?.mbres¿, ~~ott sans
':· . intermédiaire dans deux, et par lmtermedtatre de la
. 27. Unde. Avicebron V c .. 24 . dicit · quod
l. dúalité choit dans les autres nómbres 2 • ·
1.: . . ..'
« quaestio 'an est' pos ita est secundum o.rdinem unius, . ' ' ·, . '. . ' . '

quia es se est tantum », et competit sola deo soli, qui . 2 .. D'o.u Avicebronl dit au livre V, chap 24 :=tue
7
«La question "est-ce?" se pose selon l'ordre de 1 un,
car elle porte seulement sur l'etre» et qu'elle seule
cette these dans sa réponse ati second acte d'accu~ation de
Cologne (Théry, p. 229-230), notamment: «Hinc est qu?d a
Deo descendit omne esse, tam esse nature quam esse cogmtum • a. Dt 6, 4; Ga 3, 20. ·
sive intellectuale, artis et nature. Et hoc est quod /ohannis 13°
Veritas ait : vos vocatis me magíster, quantum ad esse cognitionis et
doctrine, et domine, quantum ad esse nature» et: <<Et secundum 3. Cf. ci.:dessus, Pro/. gen., § 4· · · ~ · · · . · .
hoc apte exponitur illud Gen. 1, I : in principio creavit deus ce/um et § 26 i. Peut~tre Serm. latín 29, § 2.95-305 (selon une conJec-
terram, ut per ce/um accipiatur esse spirituale, intellectivum, per ture de LW 1, p. 205~ note 2). . .
terram, esse materiale, opus nature. Rursus per ce/um accipiatur 2. Sur «·uri» et «deux» cf.· ci-dessous § 28 et 199. ·
opus recreation!s et gratie, per terram1 opus creationis et § 27 : 1 • IBN GABIROL, La Source de vie, V, 24 (Schlanger,
nature. )} ...,"
p. 292).
l
1'
z8o EXPOSITIO LIB~ GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1 z8t

est <<Unus, excelsus et sanctus». Et «infra hunc» convient a Dieu seul qui est «Un, tres haut et saint».
intelligentiae, quae prima est infra deum, competit Et Ken de~a de lui», a l'Intelligence, qui est la
quaestio 'an est' «et 'quid', instar duorum». Animae premiere apres Dieu, revient la question « "est-ce ?" et
vero debetur quaestio 'an est', 'quid est' «et 'quale "qu'est-ce?" a l'instar de deux». A l'ame est due la
.t· est', ~d insta~ trium». Naturae vero sive generationi,
quae mfra ammam est, debetur quaestio 'an est', 'quid
question "est-ce?", "qu'est-ce?" «et "comment est-
ce ?", a l'instar de trois ». A la nature ou génération,
'
est', et 'quale est' «et 'quare est', ad instar quattuor, et qui est inférieure a l'ame, revient la question "est-
refertur ad 'quid est', ad 'quale est' et ad 'an est' ». ce"?, "qu'est-ce?", "comment est-ce?" «et "po~r­
quoi est-ce ?", a l'instar de quatre, et cette quesuon
(du pourquoi) renvóie a "qu'est-ce?", a "comment
est-ce ?" et a "est-ce.?".))
,,,¡
Le pair el /' impair.
28. Adhuc autem radix omnis divisionis, pluralita- 28. En outre, la racine de toute division~ pluralité
tis et numeri est primum par, sdlicet ·duo, sicut ou nombre est le premier chiffre pair, c'est-a-dire
indivisionis radix et ratio est impar si ve unum. Unde deux, de méme que la racine et la raison de l'indivi-
omne impar, in quantum est impar, est indivisibile, sion est le (premier) chiffre impair, c'.est-a-dire un.
cuius argum~ntum est, quod eius divisio non potest Done, tout ce qui est impair, en tant qu'impair, est
esse aequa stve aequalis, sed semper inaequalis et indivisible. A preuve : la division d'un impair ne peut
iniqua si ve in non aequa, in partes scilicet inaequales. étre juste ni égaie, mais toujours inég~le et injuste ~m
¡: aboutissant a des non égaux, c'est-a-dtre a des parttes
¡;;,¡¡
,¡ ; ~ inégales 1•
1. "
1, :!
1~ .
Les élémenls el la maliere.
1''
!· Mais la terre était vide et vacante (1, 2a).
Terra aulem eral inanis el vacua. Informité de la. matÜJre.
29. Notandum primo quod, sicut dicit Augusti- 29. _· 1. 11 faut remarquer que, comme le disent
nus, Rabbi Moyses et doctores, nomine terrae materia Augustin t; Ma1monide2 et les théologiens 3 , le nom

§ z8 1. Cf.. Comm.]n, § 639, Comm. Sag., § z87s, Comm. Ex., z. MAIM., Dux neutrorum, II, 31 (f. 6or, 40-44 et 48. Munk 11,
§ 134, 138. . . . . p; 235-236).
§.z9 -~, AuG., La Gen. au s. litt., 1, 1, 3 (BA 48, p. 84-87). · 3· Synthese daos P. LoMBARD, Sent. 11, d. 12, c.3.
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181 EXPOSITIO .LIB. GENESIS . COMMENTAIRE' DE GENESE 1, z 183
prima .iqtelligitur, quae tamen nuQ.c. ter~;a, mine aqua, de terre désigne la matiere premiere qui est aussi bien
nunc aer .- ut ibi: «spjritus», id est. ventus (ventus appelée ici · terre, la eau, la air - par exemple :
enim est aer m()tl.ls), «ferebatur super aquas»- nunc «!'esprit», c'est-a-dire le ven~ (le vent, en effet, est de
autem ignis vocatur - ut, ibi : « tenebra~ », i<l _est ignis l'air en mouvement), «planatt au-dessus des eaux»-
in sua spha~ra invisibilis, «_erant supe1; fa~i~m abyssi». la encore feu- comme dans : «les ténebres», c'est-a-
Ratio estad designandum quod mat<:!ria in seinformis dire: le feu, invisible dans sa sphere 4 - «régnaient sur
est, carens forma omqium elemen~orum, potentia
tameri ad omnes, propter quod _omnium nomina la face de l'abime». On indique, en effet, ainsi que la
sortitur,_ ne putetur. esse. aliquid . istorum. ..t\dhuc matiere est en soi informe et qu'illui manque la forme
autem nominatur nominibus elemeritorum ad desi- de tous les éléments s, mais qu' elle est eri puissa~ce de
gnandum quod in se est innomin~bilis, sicut inco- tous. C'est pourquoi les noms de tou~ lut s~:>nt
gnoscibilis et sine esse, nisi per analogiam ad formam. assortis: pour que l'on ne pense pas qu elle r~leve
Et hoc est quod hic dicitur : terra eral inanis, id est sine d'un seul d'entre eux_t En outre, elle est appelee de
esse. Inane enim. est quod est sine «an est». tous les noms des éléments pour manifestet .qu'elle ~st
Secundo notandum iuxta ·hoc qúod .ipsa materia en soi innommable, tout comme elle est mconnats-
primo vocatur nomine terrae, eo qüod ínter omnia sable et privée d'etre, si ce n'est par analogie a la
entia infimurri est terra et proximum non enti sive forme. Et c'est ce qui est ditici ; La terre était ~ide,
nihilo. ·· c'est-a-dire privée d'etre. Vide est, en effet, ce qut est
sans « est-ce? 7 ».
2. Il faut noter a ce propos que la matiere est
.,, d'abord appelée du nom de terre paree que, de tout ce
qui est, c'est la terre qui tient le rang le plus bas et le
4· Le príncipe «ignis in sphe.ra propria non l~cet~> est sans plus proche du non-etre ou néant.
doute tiré d' ALBERT le GRANO, De cae/o et mundo, l. 1, tr. 3, c. 1
.,, (Ed. Colon., V, 1, p. 143, 37-40). Voir également l. 1, tr. 3, c. 1
' (ibid., p. 144, 11-11), l. 4, tr. z, c. 6 (p. 165, 45-47); Meteora, l. 1,
tr. z, c. 6 (Borgnet 4, 497s); De causis proprietatum elementorum,
l. 1, tr. z, c. I I (Ed. Colon., V, z, p. 81, 17s). ·
5· C'est l'acception augustiníenne de·Ja matiere, Cotif.; XII, « Posuerunt materiam primam esse aliquod ~orpus in actu, puta
VI, 6 (BA 14, p. 350), La Gen. au s. litt., 1, xv, 29 (BA 48, ignem, aerem aut aquam, .a?t aliqu.od medmm; ex quo seque-
p. uo-us). On sait que l'informité de la matiere·est interprétée batur quod fteri non esset nm alterarz» (cf. AR., Phys., 1, 4, 187a
autrement chez Augustin que chez Basile ou Ambroise. Chez u). Pour tout ce §, Cf. également ¡a P, q. 69, a. 1, q. 74, a. 1;
Augustin l'informité ne précede pas temporellement la forma- Sen/. II, d. 12, a. 4; QD de pot., q. 4, a. 1. ·
tion, alors que pour BASILE, !11 Exaem. hom., 11 (SC z6, p. 14os) 7· Jeu de mots intraduisible en~re le l~tin «inan~s» (vide) e~
et AMBROISE, Exam.,·7 (PL 14, 148), il y a antériorité tempo- «sine an est» (sans an est). On auratt pu dtre : « Est tnane e~ qu1
relle. Sur ce point cf. la présentation et la discussion de TH. est sans anité>) reprenant l'équivalent fran~ais du terme .«~~Itas»
d'AQ., ¡ap, q. 66, a. I. ·
(forgé sur «an est» pour dire l'essence), terme l;ltths~ par
6. ·Ce serait tomber dans l'erreur des Physiciens anciens Eckhart dans Com. Ex;,§ 15. La formule, assez abstralte, napas
(«antiquorum, naturalium») qui, selon .TH. d' AQ., loe. cit., resp. semblé meilleure.
EXPOSITIO LIB.-: GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1 z8s

30; i'erra autem eral inanis et vacua;·et tenebrae erant Les. quatre. éléments. .
super faciem aby_ssi. ... : .- . · . · . . . . . . . Mais la terre était vide et vacante, · et les
N?tan~him.primo .quod.propter hoc'M~yses. ~upra ténebres tégnaient SUf lá face ~e-l'abtme ( I, 2a.:.~).
nom~navtt prtus caelum, posterius terram, ut sermo >. • .. • • •• •• : '. • •. • • •

contmuaretur, cum dicitur·: /erra ·autem eral inanis et 30. 1. Ilfaut remarquer qu~ dans. le verset précé-
vacl!a. Cuius ordinis iam supra aliae rationes sunt dent, MoYs~ a d'abord nommé le del puis la terre, afin
asstgnatae. que le discours s' enchainat avec ce qui est dit a
· Se~undo not~ndum q~od, sic.ut dicit Augustinus et présent: Mais la terre .était vide et vacante. Les .autres
Rabbt Moyses, tn narrattone pnmae creationis omnia rai~ons pour cet ordre des mots ont été données plus
quattuor el~menta . e~pressa sunt : terra quidem et haut. . .
a9~a proprus. ~omtnt~us, aer nominé spiritus, cum 2. 11 faut noter que, comme le disent Augustin t et
dtct~~r : · « ~ptntus det ferebatur super aquas »a - Maimonide2, les quatr.e éléments sont tous men-
« sptrttus », td est ven tus; ven tus enim est aer motus - tionnés dans le récit de la premiere création : la terre
ignis. nomine tenebrarum :·et tenebrae erant superJaciem et l'eau par. leurs noms. propres, l'air par le nom
abyssz~· ·. . · ·· . · . . d'«esprit», quand il est dit «l'esprit de Dieu planait
~b~ tertio notandum quod ignis tenebrae vocatur, au-dessus des eauxa» -:-l'«esprit», c'est-a-dire le vent;
quta tn sphaer~. sua non lucet, cuius signum est le vent, en effet, est d~ 1'~ir en mouv:ement -le feu par
stellarum apparttto. Lucens enim omne· sistit visum et le no m de «~~nebres », et les ténebres régnaient sur la face
. prohibet videri quae post ipsum sunt. Ratio autem de l'abtme.
. .
· ~on · lucendi .est sua raritas~ Propter quod sphaerae 3· A cetendroit, il faut.noter que le feú est appelé
stve orbes non lucent nec visum sistunt nec tetmi- ténebres, paree qu'il. n'éclaire pas dans sa sphere3;
nant; sed stellae, utpote pars orbis densior, lucent. · l'apparition des .étoiles en est le signe. Tout e~ qui
éclaire, en effet, arrete le regard et empeche de voir ce
qui est derriere. La raison pour laquelle (le feu)
n'éclaire pas est la rareté (de sa matiere) et c'est
.' :: . pourquoi. les spheres o u orbes n' éclairent pas et
n'arretent pas le regard ni ne le limitent, alors que les
étoiles, en tant que parties plus denses de l' orbe,
3~· 9uarto notanduin quod primo inter elementa éclairent. · ··'
exprtmttur !erra et tenebrae, id est . ignis, quia
. 31. 4· Il faut noter que de tous les éléments, c'est
a. Gn 1, 2., la terre et les ténebres, c'est-a-dire le feu, qui sont

1. 1UG:, Lt!_r;en.. au s. litt. (imp. lib.), 4 (CSEL 38, 1, p. 470, 2, MAlM., Dux neutrorum,· 11, 3 r (f. 6or-:-v; Muhk 11, p. 236s).
r6-u). . · . ·· · · . · ·. · · 3· Cf. ci-dessus § 29.
286 •EXPOSITIO LIB."GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE.1, 2.

secundum Platonem in I Timaei ·«ignem terramque n,ommés en premier. En effet, selon Platon au premier
corporis mun~i fundamenta deus iecit ». Quae duo livre du Timée: «C'est en jetant le feu etla terre que
corpora extrema necd no~ poteraht coricorditer har- Dieu fonda le corps du monde t » et ces · extremes
monice sine duobus mediis corporibus, puta aqua et n'ont pu entrer en. connexion pour· s'accorder harmo:-
aere: Duo quidem numeri cubici sive corporei conve- nieusement sans deux autres -corps intermédiaires,
nienter conecti non possunt nisi per alios duos.-Verbi l'eau et l'air. De fait, deux nombres cubiques ou
gratia: primus numerus cubicus est 8, scilicet bis duo deux corps ne. peuvent convenablement · entrer en
bis. Secundus cubicus numerus est 27, scilicet ter tria connexion que par l'intermédiaire de- deux au tres. Par
ter. Porro inter 8 et 27 necessario cadunt duo numeri, exemple: le premier nombre cubique est 8, c'est-a-·
scilicet 1 2 et 1 8, ut sit proportio naturalis hinc inde. dire deux fois deux fois deux. Le second nombre
Sicut enim 12 habent 8 et eius medietatem, sic 18 se cubique est 27, c'est-a-dire trois fois trois fois trois.
habent ad 12 et 27 ad 18. Ubique enim est eadam Maintenant, entre 8 et_~ 7, il y a nécessairement deux
...
1
proportio; sesquialtera scilicet. Aliter tamen nume- nombres qui s'intercalent, a savoir 12 et 18, pour qu'il
j
rum et ordinem elementorum accipit philosophus y ait proportion naturelle-. De meme, en effet, que. 1 2
1. II De generatione; Adhuc autem et aliter geometría, SOnt 8 et la moitié de 8, de meme 1 8 Se rapporte a 1 2
~;
' ut patet in Euclide l. XV, ubi per- inscriptionem (de· telle fa~on que 1 8 sont 1 2 et la moitié de 12.) et 2 7
1.
quin que figurarum intra cub[ic ]um si ve corpus a 18 (de telle fa~on que 27 sont 18 et la moitié de 18).
accipiuntur quattuor. elementa et corpus quintae Dans · tous ces cas, il · y a la metne proportion
essentiae. sesquialtere2. C'est toutefois un autre nombre et
un autre ordre des éléments qu'adopte Aristote au
second livre du Traité de la génération et de la corrup-
tion3. Et c'est encore autrement que pro<_;ede le
géometre, comme le montre le livre xv des Eléments
d'Euclide qui introduit les quatre éléments et le corps
doué de quinte essence, par l'inscription des cinq
1. ·Voir CHAtCIDÜJS, In Tim. Comm;, 31B'(Wrobel, p. 28, 6-7). figu~es a l'intérieur du cube ou de l'un (des autres)
2. L'arithmétisation de la théorie des éléments est, semble- corps 4•
t-il, un lieu commun de la littérature macrobienne. Voir, par
exemple, le schéma- placé en tete du Commentaire au Songe de
Scipion, ms. París, Nat. lat. 15170, f. 7 Ir qui combine des notions
de proportions numériques (nombres cubiques, moitiés, propor-
tions sesquialteres) avec des notions de propriétés physiques
(aigu-obtus, subtil-corporel, mobile-immobile) et de relations
logiques (contrariété) pour ordonner les éléments, du feu a la 3· AR., De gen. el corr., 11, c. 3, 33ob 7- 331a 6 (Tricot,
l p. 105-108).
,l terre. On notera que ce meme folio contient également un
!.
s~h~~a _de l~~dipse de Lune conforme a la théorie développée 4· CAMPANUS, In Eucl. Elem. Geom. XV, prop. 12 (Basilae,
'1!
ct-dessous par Eckhart, § 102. · · ... · p. 478). Cité par LW 1, p. 209, note 2.
2.88 . EXPOSITIO. LIB.· GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, z.

32• Quinto notandum quod non caelum; sed ·terra La terre .


. di~itur. inanis. 'el vaclltl, quia universaliter superiora et
prtma m enttbus perfecta sunt et· perfiCiunt inferiora 32. 5. Il faut noter que ce n'est pas le ciel, mais la
et loc~nt ta~quam formalia. Inferi<.:>ra autem passiva !erre qui est dite vide el vacante, paree qu'en regle
·sunt, mformta et nu.da; ·quod est mane et vacuum, universelle, les supérieurs et les premiers parmi les
maxime autem terra, . utpote ínfima; propter · quod etres sont parfaits et parachevent les inférieurs et leur
nihiL locat et opaca est. · · . assignent leur lieu, en tant que príncipes formels;
tandis que les inférieurs sont passifs, informes et nus,
c'est-a-dire vides et vacants, ce que la terre est au plus
haut point en tant qu'inférieure aux autres éléments t.
C'est pourquoi elle n'assigne aucun lieu a quoi que ce
..._ -· soit ni ne laisse passer la lumiere .
:-.::::.

~ursus : . te"~ eral


33· inanis el vacua. Inanis, quia La terre comme la matiere.
no~ a~ttva; vacu~, td. est nondum herbis et plantis
redtmtta. Non att ettam caelum·. vacuum , sed ierra .
33· En outre : 1. La /erre était vide el vacante.
vacua. Ratio est, quia divina, spiritualia sive caelestia Vide, car inactive, vacante, c'esHl-dire encore non
proprie s~nt (>l~na. Macrobius dicit quod plenitudo recouverte d'herbes et de plantes. 11 ne dit pas non
est proprte dtvmorum; perfecta sunt enim et for- plus que le ciel était vide, mais bien que la !erre était
rrialia .. ~nde simul sunt omne quod esse possunt in JJide. La raison en est que c'est une propriété des
essen~tahbus. Terrena autem materialia sunt, passiva choses divines, spirituelles ou célestes que d'etre
sunt, Imperfecta, nuda, egena~ mendiéa per essentiam. pleines 1• Macro be dit que la plénitude est le propre
Semper formam·aliam materia appetit ·stans sub alía des choses divines2 : en effet, elles sont parfaites et
quacumque. Propter qüod apud· Salomonem Prov. 5 pures formes. C'est pourquoi elles. sont dans leur
mulieri adulteraea comparatur,. aut potius Salomon essence meme et d'emblée tout ce qu'elles peuvent
describit materiam sub metaphora mulieris adulterae, etre. Les choses terrestres, en revanche, sont maté-
sicut Rabbi Moyses exponit praedictum verbum : ridles, elles sont passives, imparfaites, nues, misé-
rabies et mendiantes du fait meme de leur essence 3 •
a. Pr 5, 26. La matiere désire sans treve une forme nouvelle,
quelle que soit la forme sous laquelle elle se trouve .
§ 32. I. Cf. ALBERT le GÚND, De gen. el corr., lib. 2., tr. 2., . C'est pourquoi dans les Proverbes 5, Salomon la
c. 18 (Ed. CoL V, 2., p. zoo~ 6z-66). Cf. De cae/o ... , lib. z, tr. x, compare a une femme adultere ou plutót décrit la
c. s (Ed. Col. V, x, p. xx8, 65-67). matiere sous la métaphore d'une femme adultere a,
§ H x. Comm. Ex.,§ 35, Serm. lat., g, § 97, Comm.jn, § I8o, tout comme Maimonide le fait pour cette parole :
531.
. ~.: l\!ACR9~E, .In Somn. Scip. comm., 1, v, 3 (Eyssenhardt, 3· Comm. jn, § I8I, 396, 397, Parab. Gen.,§ 2.5 et 31, Conm1.
p. 491, 2.4-5). Cf. Comm. jn, § I8o. Ex., § z6z, Comm. Sir., § 38.
COMMENTAIRE DE GENESE 1, z.. 191
290 EXPOSITIO LIB. GENESIS

«mulier vaga quietis impatiens»b etc. Sic ergo terra «Une femme inquiete, impatiente du repos b4. » C'est
inanis est et ·vacua. lnanis est, quía caret in se omni done ainsi que la terre est vide et vacante. Vide, car elle
forína et omni es se; vacua, quia semper formam sitit, manque en elle-meme de toute forme et de tout etre
appetit et ~esiderat, si cut infirmus sanitatem et « turpe vacante, car elle a toujours soif de forme, qu'elle 1~
bonum». · poursuit et la désire, comme l'infirme, la santé et «le
Adhuc autem terra inanis, non caelum, quía supe- mal, le bien s ».
riora, caeli scilicet, dant et influunt ex abundantia 2. La !erre est vide, et non le ciel, car les choses

suae perfectionis, terra autem et materialia mendicant sup~rieures, c'est-a-dire le ciel, donnent et infusent de
paupertate, privatione inania sunt, vacua et tene..: par l'étendue meme de leur perfection. La terre, en
brosa. revanche, et les réalités matérielles mendient par
Rursus notandum est tertio quod caelum ef terra p_au,vreté, elles sont vacantes par privation, vides et
creata leguntur ante lucís productionem: Essentiae tenebreuses.
r eni~---.r~~~!.:l}_.~r~ªt!:!!.!l.I!!__~!_?.e luce, id est sine esse, 3· Il faut remarqrier, en outre, que le ciel et la terre
son~ _dits ~voir été créés avant la production de la
¡ teneb~t!!_ S~!!!,_per Íf?sum au~~m ~~sef'Orrñantur~ lucent lumtere. C est que les essences des choses créées sans
! ~E!~~ent.
lumiere, c'est-a-dire sans etre, ne sont que téneb;es, et
que c'est par l'etre meme qu'elles sont formées
brillent et plaisent. '

La plainte de la terre.
34· Adhuc autem notandum quod Rabbi Moyses ~~· 4·. Enfi~, il ~aut noter qu'~u .livre II, chap. 6,
l. Il e~ 6 sic ait : « Terra eral vacua, id est desolata Ma1momde dtt cect : «La terre etazt vacante, c'est-a-
et angustiata», et vult dicere quod fuerit maesta dire désolée et inquiete.» I1 veut signifier par hl que la
et querulosa «super» inanitate et «malitia sua» et terre s'est lamentée et a fait grief «de» son vide, de
defectu, « ac si terra diceret : ego et caeli creata sumus «sa m~chancet~ » et de son défaut, comme pour dire :
simul. Superiora sunt viva et inferiora mortua ». «Le ctel et mot nous avons été créés en meme temps,
Quotiens enim aliqua ex aequo producuntur vel et voila que ce qui est en haut vit et que ce qui est en
dantur ah aliquo, id quod minus recipit, querulosum has est mor~ 1 .>>- En effet, toutes lesfois que deux etres
sont prodmts ou rec;oivent d'un autre a égalité, celui
qui rec;oit moins (paree qu'incapable de recevoir tout
b. Pr 7, Ios. ce qui luí est donné) cherche querelle a l'autre de sa

4· MAlMONIDE, Dux neutrorum, 111, 9 (f. 74r, q-zo; Munk III,


P·,45).. .. " 1. MAYM., Dux ... , 11, 6 (f. 42.v, 51,· Munk .II ' p . 64- 6 5) .
5. AR., Phys., 1, 9, 191a 2 5 (Belles lettres, p. 49).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 2

super imperfectione sua respectu alterius est et inae- propre imperfection et inégalité. J'ai écrit la:..dessus a
qualitate. Notavi super hoc Deut. 2.2. :«Non arabis in propos de Dt 2.2. : «Tu ne laboureras pas en attelant
hove simul et asino»a et secundum illud Matth. 2.0: ensemble un breuf et un anea» et d'apres ce passage
«hi novissimi una hora fecerunt»b, etc. de Mt 20: «Ces derniers venus n'ont travaillé qu'une
heure (et tu les as traités comme nous, qui avons
porté le fardeau de la journée, avec sa chaleur h). »
Les visages du néant.
Tenebrae erant super faciem abyssi. Les ténebres sur la face de l'abime ( I, 2. b).
3S· Notandum primo.quod per tenebras intelligi- 3S· Il faut noter premierement que par ténebres·on
tur privatio:..... lucís enim privatio tenebrae sunt- per entend la privation - en effet, la privation de lumiere
abyssum autem intelligitur materia prima, secundum est ténebres - tandis·' que par abime on entend la
Augustinum XII Confessionum, ubi ·de ipsa materia matiere premiere, d'apres Augustin qui, dans les
tria dicit Augustinus. Primo quod est «quiddam ínter Confessions, livre XII, dit d'elle trois choses t. Premie-
formam et nihil, nec formatum nec nihil, informe, rement: C'est «quelque chose entre la forme· et le
prope nihil». Secundo sic ait : «si dici potest 'nihil néant, ni formé ni néant, mais informe et proche du
aliquid' et 'est non est', hoc eam dixerim, et tamen néant». Deuxiemement: «Si l'on pouvait parler d'un
iam utcumque erat ut species caperet». Tertio dicit " neant-que
, 1que-e hose , ou d' un " e' es-ce-nes
t , t -pas " ,
quod est facta «de nihilo», «prope nihil», «de nulla c'est ainsi que je l'appellerais; mais il fallait bien
re, paene nulla res». Ait enim : « fecisti », domine, pourtant qu'elle fUt déja la d'une fac;on ou d'une autre
«caelum et terram, duo quaedam, unum prope te et pour assumer les formes.» Troisiemement : Elle a été
alterum prope nihil. Unum quo superior tu esses, faite «a partir du néaht», «proche du néant», «a partir
alterum quo inferius nihil esset. » d'aucune chose, elle-meme presque rien», car: «Tu
as fait», Seigneur, «le ciel et la terre, deux choses,
l'une proche de toi et l'autre proche du néant. L'une
pour que tu lui fusses supérieur, l'autre pour que rien.
ne lui fiit inférieur. 2»
36. His praemissis duo sunt notanda. "?rimo, quo- 36. Cela posé, deux points sont a relever. Premie-
modo tenebrae dicuntur super abyssum, id est super rement, de quelle fac;on les ténebres sont dites sur
materiam primam, cum tenebrae sint res nulla, materia l'abime, c'est-a-dire sur la matiere premiere, quand les

a. Dt zz, 10. b. Mt zo, 1 zs.


z. Cette citation, tirée de Conf, XII, vu, 7 (BA 14, p. 3 ~4-
1. 'Áué;., éonf ·xn, m, 3s (BA 14, p. 346s). 3 55), est donnée par la Postille d'Hugues de Saint-Cher (1, Ad).
''1' ·:~;¡;:,-·-'~'.
'
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE r, z. 295

non nulla, sed «paene res nulla». Secundo1, quomodo ¡ ténebres ne sont aucune chose et la matiere, sinon
non solum super abyssum, sed super faciem abyssi aucune chose, du moins « presque aucune ». Deuxie-
dicuntur fuisse tenebrae. · mement, de quelle fac;on les ténebres sont dites avoir
Quantum ad primum sciendum quod tenebrae, id régné non seulement sur l'abime, mais sur la face de
est privatio, est super abyssum, id est super materiam, l'abíme.
ad praesens propter quinque.
Primo, quia materia substantificatur per posse. La privation et la matiere.,
Posse enim esse sive posse ad esse est ipsi materiae Pour le premier point, il faut savoir que les
per essentiam sive per substantiam. lpsa potentia ad ténebres, c'esHi-dire la privation, sont sur l'abime,
esse est differentia constitutiva substantiae materiae. c'est-a-dire sur la matiere pour cinq raisons que
lpsa tamen privatio formae seu formarum est ipsius j'indique a présent.
materiae potentia, si sane intelligatur. 1. Paree qu'on ne geut substantifier la matiere qu'a
Secundo, quia materia est nidus sive · sedes, cui titre potentiel. En effet, l'essence ou substance de la
insidet et super quam sedet privatio. Subiectum enim matiere est le pouvoir etre ou le pouvoir d'etre. La
p'roprium privationis est materia. ' puissance d'etre est la différence coristitutive. de la
substance de la matiere. Et la privation de forme ou
des formes est cette puissance meme si on la com-
prend de maniere adéquate t.
2.. Paree que la matic~re est le nid ou le siege ou
siege et réside la privation. En effet, le su jet propre de
la privation, c'est la matiere.
37· Tertio, quia privatio semper sequitur et 37· 3· Paree que la privation suit toujours la
adhaeret materiae, etiam stanti sub forma perfectis- matiere et y·adhere meme lorsqu'elle se tient sous la
sima, . puta hominis, non minus quam si stet sub plus parfaite des formes, a savoir celle de l'homme; et
forma terrae, ·entis infimi loco et formalitate. (elle n'adhere) pas moins (la) que si elle se trouvait
Quarto, quia non solum materiam consequitur, sous la forme de la terre qui, par le lieu et par le degré
semper ipsi coniuncta, sed etiam ipsi materiae illa- formel, est le plus has de tous les etres.
bitur et ipsam substantiam materiae subintrat, tam- 4· Paree que la privation non seulement suit la
quam pars ipsius substantiae. Ait enim Augustinus, matiere, lui. étant toujours associée, mais encore
sicut dictum est supra : «si dici potest 'nihil aliquid' et passe dans la matiere et s'integre a sa substance
'est non est', hoc eam dixerim », materiam scilicet. pour devenir une partie de cette substance meme.
Augustin dit en effet, comme on l'a. mentionné plus
haut: «Si l'on pouvait parler d'un "néant-quelque-
chose" ou d'un "c'est-ce-n'est-pas", c'est ainsi que je
- 1; éom"tn:¡n, § 440. l'appellerais », elle, c'est-a-dirc; la matiere.
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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, z 1.97

Quinto, privatio est super materiam, quia subs- · .5. La privation est sur la matiere paree que la
tantia materiae propter posse sive per posse respicit substance de la matiere, a cause de la puissance et par
ad esse et capax est formarum. Unde Augustinus la puissance, renvoie a l'etre et est capable de recevoir
statim subiungit dicens : «Et tamen iam utcumque les formes. C'est pourquoi Augustin ajoute aussitót:
erat, ut species caperet. » «Mais il fallait bien pourtant qu'elle fU.t déja la d'une
fa<;on ou d'une autre pour assumer les formes t.»
38. Sexto, quantum ad secundum, dicuntur tene- 38. 6. Pour ce qui est du second point, les lénebres
brae sive privatio super abyssum sive materiam eo ou privation sont dites etre sur l'abime ou matiere, au
modo quo in eodem quocumque prius est fieri quam sens ou en toutes choses le devenir précede l'etre,
esse, potentia quam actus pars quam totum, quo la puissance, l'acte, la partie, le tout et au sens
etiam modo dimensio interminata praecedit formam ou également la dimension indéterminée précede
substantialem. Sic ergo privatio superior est et prior la forme substantielle~" La privation est done supé-
ipsa materia privata et [in] omnibus quae imperfec- rieure et antérieure a la matiere qui se trouve en état
tionis sunt et privationis, propter quod etiam privado de privation et a toutes les choses qui sont de quelque
dicitur et privatio est. Sic ergo facies superior, qua imperfection ou privation; c'est aussi pourquoi elle
scilicet materia esse respicit, est sua potentia, privatio est et est appelée privation. Et c'est done ainsi que la
scilicet, ut iam supra dictum est. face supérieure de la matiere, c'est-a-dire celle par
laquelle elle renvoie a l'etre, est sa puissance, a
savoir : la privation, comme on l'a déja ditplus haut.
39· Praeterea septima ratio est : superior sive 39· Enfin: 7· La face supérieure ou premiere de
prima facies materiae, qua subicitur ipsi suo fieri sub la matiere, qui fait d'elle le sujet de son propre
forma et sub esse, est ipsa privatio, ut dicit ista sexta devenir sous la forme et soUs l'etre, est la privation
ratio. Et hoc est quod secundo notandum supra meme, comme le dit la sixieme raison. Et c'est ce qui
dicebatur, scilicet quare non solum dicuntur tenebrae a été moritré plus haut, j'entends : pourquoi les
super abyssum, sed super faciem abyssi. ténebres sont dites non seulement (régner) sut l'abime
mais encore sur la face de 1'abtme.
La privatz'on et la face de la matiere.
40. Sciendum ergo quod privatio dicitur esse super 40. 11 faut savoir que la privation est di te etre sur la
faciem materiae propter quinque rationes ad praesens. face de la matiere pour cinq raisons que j'indique a
Primo, quia materia innotescit per privationem, présent: .
1. Paree que c'est a la privationque l'on connait la
matiere, comme on connait l'homme asa face. C'est
en effet la privation des formes et leur succession par
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GEN~SE 1, z 2 99

sicut horno per faciem suam. Privatio enim formarum l'intermédiaire du changement qui nous a enseigné la
et successio ipsarum per transmutationem materiam matiere,. tout comme l'action nous a enseigné la
docuit, sicut actio formam docuit, ut dicit commen- fo!me, selon ce que dit Averroes, pour qui l'action
tator quod actio facit scire formam, transmutado fatt connaitre la forme et le changement, la matiere t.
materiam. 2. La privation est sur la Jace de la matiere, paree

Secundo: privatio est super faciem materiae, quia 9~e la matiere est c~mnue pa~ c~la meme qu' on
materia ipsa ignorando et per consequens privative ltgnore et par consequent pnvattvement o u . par
sive privatione scitur, sicut per faciem. Augustinus ~rivation, comme par une face. C'est ainsi qu'au
XII Confessionum post principium de materia hvre XII des Confessions, peu apres l'introduction,
loquens ait : «Humana cogitatio conetur eam vel Augustin, parlant de la matiere, dit : « L'effort de la
nosse ignorando vel ignorare noscendo. » · pensée humaine s'arrete soit a la connaitre en l'igno-
rant, soit a l'ignorer e_Q la connaissant2. »
41. Tertio quasi e converso : privatio est super 41. Et pour ainsi dire inversement : la privation
faciem materiae, quia operit et occultat sive obumbrat est sur la facc de la matiere, paree qu.'elle recouvre,
fac_iem materiae, quia facit materiam incognoscibilem. dissimule ou voile d'ombre la face de la matiere, paree
Sunt enim duae causae, propter quas res sunt nobis qu'elle rend la matiere inconnaissable .. I1 y a, en effet,
difficiles ad cognoscendum, vel quia excedunt pro- deux causes qui font que les choses n9us sont
portionem nostri intellectus propter eminentiam sui difficiles a connaitre, soit qu'elles passent la mesure de
esse, ut ad ipsas se habeat íntellectus noster sicut n~tre intellect. de par l'éminence ~e leur etre, ce qui
oculus vespertilionis ad ·solem vel quía deficiunt ab fatt que notre mtellect se rapporte a elles comme l'reil
esse si ve ab ente, quod est obí~ctum intellecttis. ·Et de la chauve-souris au soleil, soit qu'elles manquent
hoc modo materia· est incognoscibilis, utpóte ab ente d'etre ou d'étant, c'est-a-dire de ce qui est l'objet de
deficiens propter privationem coniunctam materiae et l'intellect. Et c'est de cétte derniere fa<;on que la
subintrantem· sive integrantem substahtiam matériae, matiere est inconnaissable: elle manque d'étantl a
ut supra dictum est. cause de la privation qui lui est associée et qui entre
dans ou s'integre a sa substance, comme on l'a dit
plus h~mt.
42. Quarto, quia «privatio et habitus» · ad~- ídem 42. _Paree que «privation et possession» appartien-
pertinent, sunt eiusdem et «circa idem». · Hinc est nent a la meme chose, relevent de la meme chose et se

§ 40 1. Cf. AVERROES, Métaph. XII, comm. 14 (f. 323v F), ón le fait des participes substantivés «mordant», «allant», etc.
VIII, comm. u (f. 25 sr C). dansles expressions correspondantes. On pourrait aussi traduire
2 •..!'-uc;., Cqnf,. XII, v, s (BA 14, p. 348-349) •. par «étance» (mais il semble préférable de garder ce terme pour
§ 4-i · 1. Il faut ici entendre le participé prése·nt «étant» comme le latín «en titas»). .
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 2.

quod, quía forma utique est super faciem aut potius font «par rapport a la meme chose». De la vient qúe,
ipsa facies materiae, propter hoc privatio est super puisque la forme est sur la face ou plutót est la face
faciem abyssi, et hoc dupliciter: tum quía cadit «circa meme de la matiere, la privation est aussi sur la face de
ídem» cum forma ipsa, sicut dictum est, tum quía l'abfme, et ce de deux manieres: soit paree qu'elle «se
privat ipsam faciem materiae, puta formam. Sic enim rapporte a la meme chose» que la forme, ainsi qu'on
et «caecitas est super oculum» sive visum, non super l'a dit, soit paree qu'elle prive la matiere de sa face
aurem nec super auditum. meme, c'est-a-dire de forme. C'est ainsi, en effet, que
la «cécité porte sur l'ceil» ou sur la vue et non sur
l'oreille ou sur l'ou!e.
43· Quinto ad litteram : tenebrae super faciem abyssi 43· 5. A u sens littéral : Les ténebres régnaient sur la
erant, quía lux non erat, quae utique, si fuisset, super face de 1'abime, paree~ qu'il n'y avait pas encore de
faciem fuisset, « supereminendo scilicet illustrando » lumiere. A n'en pas douter, en effet, s'il y avait eu la
super Jaciem; faciei enim proprie perfectio lux es t. Et lumiere, elle se fUt trouvée sur la jace : « dominant et
rursus facies rerum .lux est. Sine luce siquidem sui éclairant» tout. La lumiere n'est-elle pas la perfection
generis omne creatum informe et nihil est. ·Sic ergo propre de la face? Et la lumiere n'est-elle pas la face
«tenebrae super erant, quía lux super aberat». Non des choses? De fait, sans la lumiere du genre auquel il
enim est aliud « tenebras adesse nisi lucem abesse ». Et appartient, tout créé reste informe et n'est rien. Ainsi
haec est ratio Augustini XII Confessionum ad lit- done «Les ténebres étaient au-dessus, car la lumiere
teram. n'y était pas encore. » En effet, il n'y a pas lieu de
distinguer «la présence des ténebres et l'absence de
lumiere». Et telle est la raison donnée par Augustin
au Xlle livre des Confessions, sens littéraP.
44· Sexto notandum quod ait : et tenebrae erant super 44· 6. 11 faut noter qu'il dit : Et les ténebres régnaient
Jaciem abyssi. Ignis enim quem tenebras vocat, ut sur laface de l'abime. En effet, le feu que, comme on l'a
dictum est, in supremo et nobiliori situ sive ordine, dit, il appelle «ténebres» a son lieu naturel en ce point
qui facies abyssi dicitur, totius elementalis regionis ou cet ordre supreme et tres noble de }'ensemble de la
proximus caelo locum habet naturalem, sub quo aer, région élémentale appelé «face de l'abime», touchant
sub aere aqua. Et hoc est quod sequitur : « Spiritus au ciel, sous lequel il y a l'air, et sous l'air, l'eau. Et
dei», id est ventus, aer motus scilicet, «ferebatur c'est la ce qui suit : «L'esprit de Dieu», c'est-á-dire le
super aquas». Secundum hoc ergo in verbis istis verit - a savoir l'air en mouvement - «planait
docetur ordo naturalis elementorum, cum super faciem au-dessus des eaux». D'apres cela done, c'est l'ordre
naturel des éléments qui nous est révélé dans ces
paroles, puisque sur la face de 1'abime, c'est-a-dire
1. 'Á~(;., Con¡.; xu, m~ 3 (BA 14, p. 346-347). immédiatement sous le ciel, il y a le feu et (que)
;t
;~.

'1
COMMENTAIRE DE GENESE 1, a
EXPOSITIO LIB. GENESIS

a!q~si, sub caelü' immediate est ignis, « spiritus », aer «l'esprit», c'est-a-dire l'air, (est situé) «au-dessus des
sctltcet, .«super. aquas >~. Et consequenter sequitur eaux». 11 en résulte done qu'en dernier et au plus has
quod ulttmo et mfima stt terra, unde etiam sequitur : il y a la terre, et c'est pourquoi le texte poursuit :
«congregentur aquae et appareat arida»a. «Que les eaux s'amassent et qu'apparaisse le seca.»

45. Dicta e~t ~u te m. materia in praemissis 45· Dans ce qui précede, la matiere a été appelée
«abyssus », quast « sme bast>>, secundum illud lob 26 : «abime» comme . pour dire «sans fond», d'apres
¡..
1·: «ap~endit . terram . super ~ihi~um»a, aut propter
Jb z6: «11 a suspendu la terre au-dessus du néanta» '
' ' '

1
l
sut tnformttatem, mdetermmattonem confusionem ou encore a cause de son informité, de son indétermi-
na~ion, de sá confusion et de son instabilité qui font
et instabilitatem, qua sub nulla form~ quiescit sed
1' semper aliam appetit ad modum adulterae. ' qu elle ne se repose sous aucune forme, mais en
poursuit toujours une nouvelle comme la femme
adultere.

Spiritus dei ferebatur super aquas. Théorle des éléments.


i 46. Praemissa verba exponuntur primo litteraliter L'esprit de Dieu planait au-dessus .des eaux
( 1, z).
secundo moraliter. '
Quantum ad primum notanda sunt tria. 46. Ces paroles sont d'abord exposées au sens
1 Frimo, quod aer dicitur hic spiritus. Ventus est littéra], puis au sens moral.
i'
emm aer motus. Ventus autem spiritus dicitur fre- Pour le premier sens, on notera trois points.
q?enter in scriptura, ut in Psalmo : «Flabit spiritus
etus et fluent aquaea»; et Ioh. 3 : « Spiritus ubi vult L'alr~
spiratb», quod de vento exponit Chrysostomus. . 1. L'air est appelé ici esprit. En effet, le vent n'est
nen d'autre que de l'air en mouvement. Et c'est
fr~quemment que l'esprit est appelé «vent» dans
J'Ecriture, par exemple dans le Psaume: «-Il souffie
son vent et les eaux ruissellene» et Jn 3 : «Le. vent
. 47· s.ecu:ndo~ quare additur dei, cum dicitur : spi-
souffie ou il veutb», ce que Chrysostome interprete
rttus ~et.- Rabbt ~o.rses respondet L II c. 31 hoc
esse dtctum ad stgmficandum quod «m o tus» omnis comme s'appliquant au vent (réel).
<<semper» proprie «attribuitur creatori», sicut ipse 47· 2. Pourquoi est ajouté le mot Dieu dan:s cette
e.xpression /'esprit de Dieu. Ma'imonide répond,
. l,'
1 ;1· It.vre. II, chap. 31, que ce terme est employé pour
stgr:tfie,r que tout « mouvement » est « toujours
§ 44 _a. Gn 1, 9· § 45 a. Jb z6, 7· § 46 a. Ps 147, 18. attrtbue» au sens propre «au créateur», ce qu'il tire de
: L1
Jh s.· .
¡;¡ '1
b. 3,

~ .
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE x, z.

inducit ex pluribus locis scripturae. Ratio est, quia nombreux passages de l'Écriture 1, La raison en est
deus est motor primus et ah ipso, utpote simpliciter que Dieu est le premier moteur et que c'est de lui, en
immobili, procedit omnis motus, secundum illud tant qu'il est absolument immobile, que procede tout
Boethii: mouvement, d'apres ce vers de Boece: «Demeurant
«Stabilisque manens das cuneta moveri». immobile, tu donnes le mouvement a l'univers 2.))
Encore l'ordre élémentaire.
48. Tertio sciendum quod hic notatur ordo natu- 48. 3· Il faut savoir qu'est indiqué ici l'ordre
ralis elementorum. Cum enim dicit primo quod naturel des éléments. En effet, quand il dit d'abord
tenebrae eran! super faciem abyssi, per tenebras autem, ut que Les ténebres régnaient sur la fa ce de 1'abime, e' est le
dictum est, ignis intelligitur, notatur quod ignis tenet feu qu'il entend par ténebres, ainsi qu'on l'a dit, ce
primum locum sub caelo immediate. Cum autem qui indique que le fe~ occupe le premier lieu immé-
sequitur : spiritus, aer scilicet, super aquas, notatur diatement inférieur au ciel. Puis, quand il ajoute :
quod secundum locum tenet aer. Et cum sequitur: /'esprit, c'est-a-dire l'air, au-dessus des eaux, ceci indique
super aquas, patet quod tertium locum tenet aqua· et que l'air occupe le deuxieme lieu. Et cet ajout meme:
consequenter terra quartum, id est ultimum; un de au-dessus des eaux montre clairement que l'eau occupe
sequitur: «Congregentur aquae et appareat arida a.» le troisieme et par suite que la terre occupe le
quatrieme, c'est-a-dire le dernier. C'est pourquoi on a
a ce moment: «Que les eaux s'amassent et qu'appa-
raisse le se e a. »
49· Notandum ergo quod locus se habet ad Qu'est-ce que le lieu?
1
i.
locatum in ratione primi, perfecti, formae, superioris, 49· Il faut done noter que par rapport a ce qu'il
i! salvantis ·et conservantis. Propter quod locus natu- contient localement le lieu a le sens de premier, de
ralis virtutem sapit divinam et est «principium gene- parfait, de forme, de supérieur, de sauveur 1 et de
rationis, quemadmodum et pater». Videmus etiam protecteur. C'est pourquoi le lieu naturel a la saveur
quod omnia extra locum suum sunt inquieta et ad de la puissance divine et constitue «le príncipe de la
locum suum appetitu quodam feruntur, in ipso vero génération, tout comme le Pere2». Nous voyons
également que toutes choses, hors de leur lieu, sont
a. Gn 1, 9· inquietes et qu'elles se portent vers leur lieu, poussées

§ 47 1. MAiM., Dux ... , II, 31 (f. 6ov, 4-7i Munk II, p. 2.37- le GRANO, De gen. el corr., lib. I, tr. 4, c. 3( Ed. Col. V, 2., p. 15 3,
2.38). 2.7)· .
2.. Bo:EcE, Consol. Phi/. III, poeme 9 (CC 94, p. p, 3). 2.. Ce dictum «porphyrien» est proposé par ALBERT, Phys.,
§ 49'·¡, -ee 'térme est :vraisemblablement emprunté a ALBERT IV, tr. 1, c. ro (Borgnet 3, z6oa).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE t, z.

loco totaliter conquiescunt. Ex quo patet quod locus par le désir, ne pouvant completement atteindre au
habet rationem finis. Finis autem proprietas est, ut repos que dans ce lieu précis. 11 est done évident que
infra et intra ipsum inclusa. sint omnia quorum est le lieu a raison de fin. Mais la propriété d'une fin est
finis. Propter quod in deo sunt omnia, et ipse est que toutes les choses dont elle est la fin lui sont
locus propriissime omnium entium. Sic ergo locus inférieures ou sont contenues en elle. C'est pourquoi
naturaliter ambit et includit undique sphaerice et tout est en Dieu, et (c'est pourquoi) il est lui-meme,
aequaliter sphaerice ex omni parte suum locatum, si · au sens le plus propre, le lieu de tous les etres. C'est
vere et proprie est locus formalis et naturalis. Et istae done ainsi qu'un lieu embrasse et contient naturelle-
sunt universaliter condiciones primi. Unde et primum ment ce qui est situé en lui: il l'entoure dans une
in unoquoque ordine essentiali includit et locat omnia sphere et de maniere absolument égale si c'est vérita-
quae sunt post in illo ordine. Bine est quod primum blement et proprement un lieu formel ef naturel.
corpus, puta caelum, est locus omnium corporum et Mais telles sont, en regle universelle, les conditions
est sphaericum, ut illa aequaliter ambiat, circumdet et propres a ce qui est premier. 11 en ressort done qu~ ce
includat, utpote finis. Quantum ergo unumquodque qui est premier dans chaque ordre essentiel conttent
recedit a natura primi, superioris et perfecti, tantum localement tout ce qui lui est postérieur dans cet
cadit a natura ambientis sphaerice aequaliter omnia ordre. De la vient que le premier corps, c'est-a-dire le
quae sunt post, et per consequens cadit a natura loci. cieP, est le lieu de tous les au tres corps 4 et qu'il a la
forme d'une sphere, en sorte qu'il les entoure tous
également, les encercleS et les contient en tant que fin.
Ainsi done, plus une chose s'écarte de la nature de ~e
qui est premier, supérieur et parfait, plus elle déch01t
de la nature de la sphere qui entoure a égalité toutes
les choses qui lui sont postérieures et par conséquent,
plus elle déchoit de la nature du lieu.
La terre et le lieu.
so. Terra igitur, utpote corpus ultimum, nihil so. La terre, done, en tant que dernier corps,
prorsus circumdat aequaliter sphaerice nec locat, sed n'encercle ni n'entoure plus rien d'autre dans une
tantum locatur. Aqua vero, utpote in primo gradu sphere : die ne situe pas, elle est située. Dans la
·mesure ou elle est jointe a la terre au degré immédia-
3· Cf. ALBERT, De cae/o et mundo, lib. z, tr. z, c. 1 (Ed. Col. V,
1, p. 1 z6, 6 5). . .
4· ALBERT, De causis proprretatum elementorum, hb. z, tr. 1, c. 3 5· ALBERT, De cae/o ... , lib. z, tr. 1, c. 1 (Ed. Col. V, 1, p. 10.5,
(Ed, Col. . V, .z, p. 92, 49): «Locus omnium est caelum 86) : « Primum corpus est complens et complectans omne td
ultimuín. » ·· ·· quod _est diminuti esse. »
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, z.

iuncta terrae, aliquid sapit, sed diminute, de natura tement supérieur, l'eau, elle, a déja un peu la saveur
primi, utpote quoquo modo recedens a natura ultimi, essentielle du premier, mais de fa<;on atténuée, en tant
et ~deo circumdat quidem ipsam terram, sed diminute qu'elle s'écarte de la nature du der~ier. Et c'est
et tmperfecte, non complens sphaeram. E converso pourquoi elle encercle la terre, mais de maniere
ignis, utpote proximus primo corpori est, est super atténuée et incomplete, sans atteindre la forme d'une
faciem totius elementaris regionis, ipsam totam sphere achevée. A l'inverse, le feu en tant qu'il est le
sphaerice includens, ·locans et finiens, in horizonte. plus proche du premier corps t, regne sur la face de
constitutus caeli incorruptibilis et corruptibilium. toute la région élémentaire : illa contient tout entiere
Consequenter aer immediate igni coniunctus et en l'entourant dans une sphere, lui donnant lieu et
cognatus igni, utpote igni similis in proprietate essen- limites, lui-meme dressé a l'horizon qui sépare le ciel
tiali et formali ignis, utpote calore, est super aquas incorruptible de ce qui est corruptible. Par suite, l'air,
sphaerice ambiens aequaliter omnes partes ipsarum et qui est immédiatemeoJ conjoint au feu2 et qui lui est
per consequens finit et locat sphaeram aquae. Hoc est apparenté dans la mesure ou illui est semblable dans
ergo quod dicitur: tenebrae, ·id est ignis, erant super sa propriété essentielle et formellé : la chaleur, regne
faciem abyssi, el spiritus dei, id est aer, ferebatur super sur la sphere des eaux, entoure a égalité chacune de
aquas. Non sic autem dicitur de aquis, sed dicitur : ses parties et ainsi limite et assigne un lieu a la sphere
« congregentur aquae in locum urium et appareat de l'eau. C1est done la ce qui est dit : fes ténebres,
arida »a, id est terra. c'est-a-dire le feu, régnaient sur fa face de f' abfme, et
f' esprit de Dieu, c'est-a-dire l'air, pfanait au-dessus des
eaux. Mais ce n'est pas ainsi qu'il est parlé des eaux,
puisqu'il est seulement dit: «Que les eaux s'amassent
en un seullieu et qu'apparaisse le seca», c'est-a-dire la
terre.
51. Hic igitur videtur esse vera causa naturalis,
quare terra non est operta tota aquis, quamvis circa La terre et l'eau.
hoc sint varia et vana a multis scripta. Patet etiam una 51. Telle semble done .etre la véritable cause natu-
causa sphaeritatis perfectae caeli, ignis et aeris, salvis relle pour laquelle la terre n'est pas tout entiere
aliis causis veris et bonis. couverte d'eau, meme si beaucoup d'auteurs ont a ce
propos avancé beaucoup de vaines explications 1• On
a. Gn 1, 9· a la également une cause évidente de la parfaite
sphéricité du ciel, du feu et de l'air, qui laisse toute
§ 5o 1. ALBERT, De causis proprietatum elementorum, lib. 1, leur valeur a d'autres causes vraies et justes.
tr. 1, c. 2 (Ed. Col. V, 2, p. p, 67): «Primum corpus, quod
generatum est in concavo caeli, est ignis. »
2. 1\.LBERT~ De (aelo ... , lib. 2, tr. 3, c. 2 (Ed. Col. V, 1, p. 144, § S1 I. Cf. ALBERT, Meteor., II, tr. 3. c. 2 (Borgnet 4. s64a-
4 s-6) ': «Superior pars aeris coniungitur igni. » s6sa).
... . .
1
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310 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, i

· 52. Adhuc autem ex praemissis potest assignari et 52. De plus, on peut tirer des prémisses une autre
alía causa sive ratio, quare terra non sit tota operta cause ou raison pour laquelle la terre n'est pas tout
aquis nec circumclusa sphaerice ab aquis. Locus enim entiere couverte d'eau ou renfermée par les eaux dans
et locans universaliter vim habet et naturam perfecti une sphere. Car, en regle universelle, le lieu et ce qui
et formalis ac totius. Locatum vero e converso l'assigne ont le pouvoir et la nature du parfait et du
naturam sapit et habet imperfecti, partíS et materiae. forme! ou du tout. Au contraire, ce qui est dans un
Propter quod ignis maxime formalis, mínimum lieu a la saveur et memela nature de l'imparfait, de la
habens de materia, omnia reliqua elementa perfecte partie et de la matiere. C' est pourquoi le feu, qui est
locat et ambit sphaerice. Adhuc autem consequenter au plus haut point forme! et qui possede le mínimum
aer proximo gradu in formalitate, raros et paucus in de matiere, assigne en toute perfection le lieu de
materia, similiter locat quidem perfecte et sphaerice, !'ensemble des autres éléments et les entoure dans une
sed pauciora. Aqua vero, utpote iam multum habens sphere. De la vient_ªussi que l'air qui, en formalité, a
materiae, minus formalis, sicut testatur sua densitas, le degré prochain (du feu), est moins dense et que,
deficit quidem a natura locandi non simpliciter, sed a peu pourvu en matiere, il assigne semblablement un
~
\
perfecte locando et sphaerice terram. Terra· ve ro iam
tota materialis nihil penitus locat, sed locatur.
lieu a d'autres éléments que lui en toute perfection et
en les entourant dans une sphere. Cependant, ils sont
1:
moins nombreux (que dans le cas du feu). Quant a
l'eau, dans la mesure ou elle a déja beaucoup de
'
J!
matiere et moins de forme, c0mme l'atteste sa densité,
la nature de ce qui assigne un lieu lui fait défaut, mais
pas absolument puisqu'il ne lui manque que d'assi-
gner parfaitement un lieu a la terre, c'est-a-dire de
l'entourer dans une sphere. En revanche, la terre,
qui est tout entiere matérielle, n'assigne absolument
aucun lieu a quoi que ce soit : elle est assignée a un
lieu t.

]ustification de l'ordre élémentaire.


53· Signum autem secundae rationis supra signatae 53· Voici le signe que la premiere raisop. indiquée
est quod ignis, utpote caelo proximus, in sphaera sua plus haut est fondée : le feu, en tant qu'il est le plus
pres du ciel, se meut tout entier sphériquement dans
1. ALBERT, De natura loci, tr. 1, c. 3 (Ed. Col. V, 2, p. 4,
30-41), notamment: «Corporum aliud est locans tantum et quo est virtus causativa omnium generatorum et corruptorum
alterufll est)ocatum tantum et quoddam est locans et locatum (... ) Corpus autem locatum tantum est terra pura, quae est
secundum Olituram. Id vero quod est locans tantum, est orbis, in centrum. Locans et locatum sunt reliqua tria.elementa. Et partes
; ¡j .

. ~,,
.u
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1

se
. toto movetur sphaerice ad modum caeli, motu , sa propre sphere - tout comme le fait le del -
mquam, raptus, quo et orbes planetarum moventur emporté, dis-je, par le meme mouvement qui fait se
ah. oriente in occidens. Aer eodem modo, sphaerice · mouvoir d'orient en occident les orbes des planetes.
qutdem, sed non se toto, sed tantum sui supremo, Et c'est de la meme fac;on que se meut l'air: sphéri-
s1cut probat motus stellae cometae consistens in quement lui aussi, mais pas tout entier, seulement sa
superiori parte aeris ipsius. Aqua vero nec se tota nec partie supreme, comme le montre le mouvement des
totaliter sphaerice, nec complet sphaeram motus, sed cometes qui réside dans la partie supérieure de l'air.
tantum movetur secundum fluxum et refluxum ad L'eau, en revanche, ne se meut pas tout entiere et
modum cordis. Terra denique se tota stat privata totalement de maniere sphérique, son mouvement
motu sphaerico immobilis. n'atteint pas la forme d'une sphere achevée: elle se
meut seulement selon un flux et un reflux, comme le
creur. Enfin la terre,:Aout entiere privée de mouve-
ment sphérique, reste immobile.
54· Signum autem primae rationis supra assigna- 54· Le signe de la seconde raison, celle que 1' on a
. ~ae,. e:c formalitate scilicet elementorum, est quod tirée plus haut de la formalité des éléments, est que le
1gms 1n sua sphaera et in propria materia - similiter feu, dans sa sphere et dans sa matiere propre - et avec
autem et aer- plene sunt diaphana et transparentia, lui aussi l'air - est en tous points diaphane et
utpot~ d.e natura lucis. Aqua vero, quamvis et ipsa transparent puisqu'il est de la nature de la lumiere. En
persptcUltate et per consequens natura lucis non revanche, meme si la translucidité, done la nature de
car~at, minor. tamen nota.biliter ~st eius perspicuitas et la lumiere, ne manque pas a l'eau, cette translucidité
rar~tas matenae quam dtaphamtas et raritas ignis et et la rareté de sa matiere sont moins remarquables que
aer1s. Ter~a vero, se tota et totaliter iam privata la diaphanéité et la rareté qui caractérisent le feu et
natura luc1s, opaca est et tenebrosa, utpote minime l'air. Enfin la terre, tout entiere et completement
formalis et maxime materialis. privée de la nature de la lumiere, est opaque et
enténébrée, puisqu'elle est tres peu formelle et au plus
haut point matérielle.
Explications d,Albert le Grand.
55· Albertus II l. Meteorum tr. 3 c.tractans 2
diffuse hanc quaestionem, rationem aliam non 55· Traitant en détail cette question au livre II des
Météores, traité 3, chap. 2, Albert 1 donne une autre
huius divisionis manifestae sunt ad sensum; concavum enim
orbis lunae locus est ignis et attingit ipsum undique ( ...).» Cf.
égalem(!nt De_caelo.... , lib. z, tr. z, c. 1 (Ed. Col. V, 1, p. u8,
18-4t)'t~tP0-'s.; IV, tr. 1, c. xo (Borgnet 3; z59a) et 11 (z64b). l. ALBERT, Meteor., II, tr. 3, c. z (Borgnet 4. s6sb).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE t, 2.

multum disparem a praemissis assignat. Ad cutus raison qui n'est pas tres différente des précédentes.
evidentiam ·duo praemitto. Pour bien comprendre, je fais deux préalables.
Primum est, quod materia est propter formam, non
e converso, sicut mulier propter virum, non e Matiere et forme.
converso. Propter quod in figura «non ex muliere vir, Le premier est que la matiere est la pour la forme et
sed mulier ex viroa» producta dicitur, I Cor. II, et non l'inverse, tout comme la femme est la pour
«caput mulieris vir»&, ut ibídem scribit apostolus, et l'homme et non l'inverse. C'est pourquoi il est dit
universaliter materiale et passivum est ex· formali métaphoriquement que «ce n'est pas l'homme» qui a
activo· et propter ipsum. Esse siquidem, quod tota été produit «a partir de la femme, mais la femme a
natura et omne agens primo et per se intendit, est partir de l'homme», 1 Co na et que «l'homme est le
formae sive forma ipsa, non autem materia. Propter chef de la femme», comme.l'écrit 1' Apotre au meme
quod apud philosophum, cum generatur magis for- endroit h. Et en regle univ~rselle, ce qui est matériel et
male ex minus formali, est get~·atio simpliciter; sed 1
passif est en vertu de ce qui est forme! et actif, et pour
si e converso generetur ex magis formali minus 1
lui. En tout cas, 1' etre vers lequel toute la nature et
formale et plus materiale, non est generado simpli-
citer sed secundum quid, quia terminus generationis
simpliciter est esse. ·
¡ tout agent tendent premierement et par soi, releve de
la forme ou est la forme meme 2 mais pas la matiere.
1
1 C'est pourquoi on lit chez Aristote que quand le plus
1 forme! est engendré a partir du moins forme!, il y a
génération absolue, mais que si, au contraire, e' est le
56. Secundo praemitto quod, sicut ex uno pugillo ¡ moins formel (!t le plus matériel qui est engendré a
elementi . inferioris fiunt decem pugilli superioris, ' partir du plus forme!, il n'y a pas génération absolue
sic· generaliter et naturaliter videtur superius ele- mais génération relative3. De fait, (seul) l'etre est le
mentum occupare locum, spatium sive sphaeram 1
1 terme de la génération absolue.
decies maiorem quam inferius.
1 56. Deuxiemement: Je pose que de meme que
¡' d'une poignée d'un élément inférieur, on tire dix
poignées d'un. supérieur, de meme, .généralement et
57· His duobus praemtssts patebit ratio Alberti naturellement, l'élément supérieur semble occuper un
quae talis est : elementum quanto est formalius, tanto lieu, un espace ou une sphere dix fois plus grands que
l'inférieur.
a. 1 Co 11, 8. b. · 1 Co 11, 3·
Hiérarchz'e par le degré formel.
z. Cf. TH. d' AQ., laP, q. 4, a. 1. 57· Ces deux points acquis, la raison d' Albert e~t
3· Cette.,,dis.tinctipn, .reprise dans la Q11ution Utr11m in Deo, évidente. La voici : plus un élément est forme!, plus 11
· § 11 est· issue d'ARISTOTE, De gen. et éorr.; 1, 3, 318b 3-11. est étendu dans l'espace et plu.s grands sont le lieu et

¡ --
'
EXPOSITIO UB. GENESIS COMMENTAIRE. DE GENESE 1, 1 .

spatiosus et maiorem locum et sphaeram occupat; e la sphere qu'il occupe. ·Inversement, plus il est
converso quanto materialius, tantO est minus in matériel, moindrc est sa quantité et moins il occupe
9uantitate et minus spatium occupat. Ignis igitur, d'espace. Le feu done; le plus forme! d'entre les
tnte~ elementa formalior, tantus est in quantitate et éléments, est a un point de quantité et d'espace tel
spauo, ut totum conca~um orbis lunae impleat. Aer qu'il remplit la totalité de l'espace contenu dans
vera, utpote materialior et grossior igne, minus l'orbe de la Lune. L'air, en tant que plus matériel et
spatium occupat, ut iam non sufficeret implere totum plus grossier que le feu, occupe moins d'espace. 11 ne
concavum orbis lunae, sed nihilominus sufficit suffirait pas a remplir la totalité de l'espace contenu
implere totum concavum ignis et complete circum- dans l'orbe de la Lune, mais il suffit toutefois a
dare ubique sphaerice totam sphaeram inferiorum remplir la totalité de l'espace contenu dans la sphere
elementorum, scilicet aquae et terrae.· Aqua vero, ut du feu et a encercler completement, en tous points et
adhuc amplius materialis et minus formalis, contrac- sphériquement, la totalité de la sphere des éléments
tior est quantitate et spatio, ita ut <<"nec uniformiter inférieurs, c'est-a-dire de l'eau et de la terre. Dans la
nec complete» possit operire sphaerice totam terram, mesure ou l'eau est encare plus matérielle et encare
sed potius ad modum circuli et sphaerae imperfectae moins formelle, elle est aussi plus restreinte en
partero terrae operit et includit, alia parte terrae nuda .quantité et en espace, de sorte qu'elle ne peut. «ni
remanente. uniformément ni completement» recouvrir la totalité
du globe terrestre t ; bien plutót a la fac;on d'un cercle
et d'une sphere imparfaite, elle ne recouvre et n'enve-
58. Adhuc autem et aliam rationem tangit idem loppe qu'une partie de la terre tandis qu'une autre
Albertus, quia, ut dicit, aqua habet humidum frigidi- partie reste. nue.
tate coniunctum. Frigus autem ex sui natura cons-
t~ingit et co~trahit p~rtes humidi in .se ipsis, ut
stc non suffictant opertre terram. Aer autem habet Et les qualités secondaires.
humidum coniunctum calido. Calor autem non cons- .sS. Mais le meme Albert ajoute une autre· raison :
trin.git nec contrahit partes humidi in ·se ipsis, sed Dansl'eau,dit-il, l'humide est associé au froid 1• Or,
pottu~ extend~t et dilatat ad extra, et propter hoc le froid, de par sa nature, contraint et contracte sur
suffictunt ac tncludendum ubique sphaerice · ipsam elles-memes les parties de l'humide, de sorte qu'ainsi
aquam et terram. elles ne suffisent plus a recouvrir la terre. Dans l'air,
en revanche, l'humide est associé au chaud 2 • Or, le
chaud ne contraint ni ne contracte sur elles-memes les
§ 57 1. Cf. ALBERT, Meteor., II, loe. cit. parties de l'humide, mais bien plutót les détend et les
§ 58 1. Cf. ALBERT, De cae/o_. .. , lib. 4, tr. z, c. 8 (Ed. Col. V, dilate vers l'extérieur. Et c'est pourquoi elles suffisent
1, p. :2-69,_ zzs)~~ . . . a envelopper sphériquement et de toutes parts l'eau et
z. :ALBERT, Meteor., 11, tr. 3, c. i (Borgnet 4. s66a). la terre.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 2. 319
59· Item secundo moraliter exponitur: spiritus dei
ferebatur super aquas. Le sens moral.
.~oraliter spi~itus dei fertur super aquas, quia deus , S9· Voyons a présent l'explication morale de:
sptrttus. adest t_rtbulatis consolans eos. Propter quod L'esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. .
«parachtus », 1d est con~olator, dicitur « spiritus Pt;is dans le sens moral, /'esprit de Dieu plane
sanctus», Psalmus : «Cum 1pso sum in tribulatione»a. au-dessus des eaux paree que I. Dieu, l'Esprit assiste
Per aquas enim in ~criptura trib_ulatio significatur, les malheureux et les console. C'est pourquoi !'Esprit
Psalmus: «Assumpslt me de aqUis multis»h. Saint est appelé «Paraclet», c'est-a-dire consolateur,
Psaume: «Je suis avec lui dans le malheura.» De fait,
pa,r «eaux» c'est le malheur qui est signifié dans
l'Ecriture, Psaume: «Il m'a tiré des grandes eauxh.»
6o. Sec~n~o spiritus dei fertur super aquas, quia
adest homtmbus temptatis, secundum illud : « Faciet 60. 2. L'esprit de Dieu-plane au-dessus des eaux paree
cum temptatione proventum, ut p·ossitis sustinere »a; qu'il est présent a ceux qui sont soumis a la tentation,
Psalmus : « Salvum me fac, deus, quoniam intrave- selon ce passage : «Avec la tentation, il vous donnera
runt aquae usque ad animam meam» h. le moyen d'en sortira.» Psaume: «Sauve-moi, Sei-
!ertio f~rtur _supe: aquas, quia refrigerat et exstin.,. gneur, paree que les eaux sont entrées en moi jusqu'a
gwt carnaha destdena et stabilit corda nutantia. l'ame 0 . » ·
3· Il plane au-dessus des eaux, car iltempere et apaise
les désirs charnels et raffermit lc:!s cceurs chancelants.
61. Qu~rto fer~ur super ~quas, quia superat omnia
quae de 1pso dtcunt scnpturae, secundum illud 61. 4· Il plane au-dessus des eaux, car il dépasse tout
3 Reg. Io_: .~Maior est sap~ientia _tua quam rumor, ce que peuvent dire de lui les Ecritures, selon ce
quem audtv~ ; Iob. 26 : « Cum vtx parvam stillam passage de 3 R 10: «Ta sagesse est plus grande que la
serm~nu~ ~ms_ au~tveru;nus, quis poterit tonitruum rumeur que j'ai entenduea.» Jb 26: «Nous avons
magmtudtms ems mtuen? » 0 · entendu la petite goutte de sa parole, mais le tonnerre
Quinto ~ert_ur super aquas, quia non permiscetur de sa puissance, qui l'entreverra?h»
rebus creatts, m qutbus est non immersus, sed totus 5. Il plane au-dessus des eaux, car il n' est mélangé a
aucune des choses créées, n'est pas immergé en e~les
mais, en tant que supérieur, tout entier a l'intérieur,
§59 a. Ps 90, 13. h. Ps 17, 17. § 6o a. I Co ro, 13 .
h. Ps 68, 2. § 6r a. 3 R ro, 7· h. Jh z6, 14. tout entier a l'extérieur 1• !/ planait, dit-il, au-dessus des

est in ipsis et se tota in singulis, quod nihilominus est se tota


• 1.Sur cette formule patristique, cf. BoNAVENTURE, Itin. ment. extra singulum quodlihet ipsorum, tota intus, tota deforis»),
m De11m, <:: 5, ~(Q1:1aracchi V, p. 3 ro). Chez Eckhart, cf. Comm. Comm. Ex., § 163 et id meme § r66. Cf. également AllG., La
Jn, § rz·(notamhlent: «(.. :) verhum; logos sive ratio rerum sic Gen. 011 s. litt., VIII, xxv1,-48 (BA 49, p. 82), GRÉG., Mor., Il, 12,
'--::J!r
\

EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1 321

intus, totus foris, utpote superior. Ferebatur, inquit, eaux. De fait, dans l'ordre essentiel, le supérieur est
super aquas. Omne enim superius ordine essentiali tout entier dans et tout entier hors de n'importe
totum inest et totum est extra suum inferius quod- lequel de ses inférieurs.
libet.
62. 6. 11 convient que l'homme parfait possédant
62. Sexto, quod conyenienter hominem perfectum !'esprit de Dieu ne s'attache a rien de ce qui accidente
habentem spiritum dei nihil afficit eorum quae cir- les choses créées, par exemple la mutabilité et autres
cumstant creata, puta mutabilitas et alia similia, quia choses semblables, car /'esprit de Dieu plane en eux
spiritus dei in ipsis fertur super aquas et ipsos fert super au-dessus des eaux et eux-memes planent au-dessus des
aquas, super creaturarum proprietates. eaux, au-dessus des propriétés des créatures.
Septimo spiritus dei non tantum ·est causa rerum
sive entium, sed potius est ratio causae, lo h. 1 : «In } Dieu cause ou raison!
principio erat verbum»a, id est ratio. Unde in divinis
non habet locum nomen causae, sed potius nomen 7· L'esprit de Dieu n'est pas tant la cause des
rationis. choses ou des etres qu'il n'est plutot la raison de leur
cause, Jn 1 : «Au commencement était le Verbea»,
c'est-a-dire la Raison. En Dieu done, il n'y a pas place
pour le nom de cause mais plutot pour celui de
raison t.
63. Octavo fertur super aquas, quia « disponit 63. 8. 11 plane au-dessus des eaux, car «il dispose
omnia suaviter»a, Sap. 8. Omne siquidem superius toutes choses avec douceur», Sg 8a. En effet, tout
suaviter disponit et afficit suum inferius longe supérieur dispose son inférieur avec douceur et il le
~mpl~us. quam ipsa .forma substantia~i~ propria ipsius touche de beaucoup plus pres que ne le fait la propre
mfenorts, ut patet m Opere proposttlonum, tractatu forme substantielle de cet inférieur, comme on le voit
De natura superioris. clairement dans l'CEuvre des propositions, traité De la
Nono spiritus dei fertur super aquas moraliter, quia nature du supérieur t.
viri sancti, habentes spiritum dei, contemnunt tempo- . 9· L'esprit de Dieu plane au-dessus des eaux au sens
ralia sive transcendunt. moral, car les saints, qui possedent l'esprit de Dieu,
méprisent les choses temporelles ou les dépassent.

§ 62 a. Jn I, 1. § 63 a. Sg 8, 1.

2o (PL 75, 565) et J. ScoT, DDN, IV (PL 122, 759). § 62. Cf. ci-dessus, § 3-5.
1.

Ab~nda_nte J~~bliographie dans A. KLEIN, Meister Eckhart, La § 63 1. Ce traité est perdu. Cf.- Pro/. gen., § 4· Pour l'exégese
Dotirina mística del/a giustiftcazione~ Milan, 1978, p. 94-95. de Sg 8, 1 cf. Comm. Sag., § 167-200.
.,;;;.

EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 3

Dixitque deus. La paro/e de Dieu.


64. Rabbi Moyses l. 1 c. 64 dicit : dicere et loqui Et Dieu dit (1, 3).
si ve « dictum et loquela attribuuntur creatori
secundum duos modos, id est cum ponuntur pro 64. Ma"imonide, livre I, chap. 64 : Dire et parler,
vol un tate vel pro conceptu mentis ». « langage et paro le sont attribués au Créateur selon
deux modes, soit qu'ils désignent sa volonté, soit une
conception de sa pensée t. »

Apres les ténebres, la lumiere.


Dixit deus : fiat lux. Dieu dit : Que la lumiere soit ( 1, 3).
65. Notandum quod deus non legitur fuisse 65. Il faut noter que le texte n'indique pas que
locutus ante lucis productionem, primo quidem, quía Dieu ait parlé avant de produire la lumiere. Premiere-
ipsum verbum lux est, Ioh. I : « Erat lux vera a», et ment, paree qu'en vérité le Verbe lui-meme est
loh. u : «Ego lux in mundum veni b », secundo, quia lumiere, Jn 1 : «Le Verbe était la lumiere véritablea»
locutio universaliter manifestado est : « Omne enim, et Jn 12 : «Moi la lumiere, je suis venu dans le
quod manifestatur, lumen este», Eph. 5. Et glossa monde h.» Deuxiemement, paree qu'en regle univer-
super I ad Cor. I 3 dicit quod locutiones angelorum selle la paro le est manifestation : «En effet tout ce qui
sunt illuminationes d. Augustinus autem aliam ratio- est manifeste est lumiere», Ep 5c. Et la Glose sur
nem assignat. 1 Co 1 3 d dit que les paro les des anges sont des
illuminations. Augustin, toutefois, donne une autre
. raison 1•
66. Dixitque deus. De natura < dicendi > dei, quid, 66. Et Dieu dit; Concernant la nature de la parole
quibus et qualiter_ loquatur in. divinis et creaturis, de Dieu, a savoir ce qu'il dit, a qui et comment il
rursus qualiter singula deum loquentem audiant et parle, dans .le domaine divin et dans celui des créa-
ipsi respondeant, invenies multa pulchra notabilia in tures, et comment les individus entendent la parole de
secunda editione, Parabolarum scilicet in Genesim. Dieu et lui répondent, tu trouveras beaucoup de
choses belles et remarquables dans la seconde édition
(du Commentaire), c'est-a-dire dans le Livre des para-
a. Jn 1,9. h. Jn IZ,46. c. Ep 5, 13· d. 1 Co 13, 1.
boles de la Genese t.

§ .~4-l· l\1~YM., Dux ... , I, 64 (f. 2.6v, xo; Munk I, p. 2.91-2.92).


§ 65 1. AuG., La Gen. au s. /iit., I~ m, 75 (BA 48, p. 915). § 66 1. Parab. Gen., § 48-5 5.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE qE GENESE r, 3-4 32.j
.f·-· .
Pacta est lux. La lumiere et les luminaires.
67. Rabbi Moyses - dicit sapientes legis sentire Et la lumiere fut (1, 3).
quod lux prima die facta « sunt luminaria creata in
prima die, sed non ostendit ea deus usque ad quartam 67. Ma'imonide dit que l'opinion des docteurs de la
dtem». Et secundum hoc cessarent multae quaes- Loi est que la lumiere faite au premier jour désigne
tiunes et dubitationes quae circa hoc solent fieri. «ces luminaires créés au premier jour que, pourtant,
Concordat autem huic opinioni quod dicunt quidam Dieu n'a pas montrés avant le quatrieme». Ainsi,
de ipsa luce primo die creata facta esse luminaria. beaucoup de questions et de doutes que l'on a
Dionysius 4 c. De divinis nominibus dicit quod «lux l'habitude de soulever en cette matiere seraient
illa fuit lux solis», de quo habes p. I q. 67 a. 4 ad 2. résolus. Mais cette opinion est (aussi) en accord avec
ce que disent certains auteurs pour qui c'est de la
lumiere créée au pr~mier jour qu'ont été faits les
luminaires. C'est ainsi que Denys dit au chap. 4
des Noms divins : « Cette lumiere fut la lumiere du
soleill.» Vois a ce sujet la Somme de théofogie2, P Pars,
q. 67, a. 4, ad 2m.

V idit deus lucem quod esset bona. L' intérieur et 1' extérieur.
68. Nota : quamdiu res singula stat in verbo dei et
universaliter in splendore intellectualis luminis, non
y Dieu vit que la lumiere était bonne ( 1, 4).
· dicitur : est bona, quia bonum est extra in rebus, 68. Note-le: Tant qu'une réalité singuliere reste
verum autem in anima. Propter quod in « mathema- dans le Verbe divin et universellement parlant dans la
ticis non est bonum», ut ait philosophus, et multo splendeur de la lumiere intellectuelle, on ne dit pas
minus in metaphysicis. Hinc est quod Moyses dicens: «Elle est bonne», car le bien se trouve a l'extérieur
dans les choses, contrairement au vrai qui est dans
«Dicit deus: fiat lux» non ait quod esset bona, sed
l'ame t. C'est pourquoi «Le bien n'entre pas dans les
postquam adiecerat: «Et facta est lux», scilicet extra
notions mathéniatiques », comme dit Aristote, et
in rerum natura, tu.nc· demum ait quod esset bona.
encore moins dans les métaphysiques. Ainsi, disant :
«Dieu dit: Que la lumiere soit», Mo'ise ne dit pas
qu'effe était bonne. C'est seulement apres avoir ajouté
§ 67 1. Ps.-DENYS l'AREOP., Noms divins, IV, 4 (PG 3, 7ooA; «et la lumiere fut», a savoir a l'extérieur, dans la
Gandillac, p. 98). Cf. également MAlM., Dux ... , II, 31 (f. 6or, nature, qu'il dit qu' effe était bonne.
38-4o; Munk II, p. 235).
z. Thomas revient sur ce point au meme endroit, q. 68, a. 1,
resp .. ,:· _ § 54, Comm. Ex., § 176, Comm. Sag., § 6, Question 1 Utrum in
§ 68 1. Sur la théorie eckhartierine du vrai, cf. Parab. Gen., Deo, § 4, 18, Comm. jn, § 484.
p.6 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 4-~

Notandum quod circa illud, quod dictum est : vidit Concernant cette parole: Dieu vit que la lumiere était
deus luce m quod esset bona, invenies plura pulchra bonne tu trouveras beaucoup de choses belles et
notabilia in editione secunda Super Genesim. remarquables dans la seconde édition du Commentaire
de la Genesez.

S ens de la distinction.
Dlvisit lucem a tenebris, 11 divisa la lumiere d'avec les ténebres ( 1, 4).
69. quía non contaminatur nec afficitur lux a 69. Car la lumiere n'est ni affectée ni touchée par
tenebris nec deus permiscetur rebus, ut in De causis les ténebres, ni Dieu mélangé aux choses, comme le
< dicitur > ; lo h. 1 : « Lux in tenebris lucet, et tene- dit le Livre des causes 1; Jn 1 : «La lumiere a lui dans les
brae eam non comprehenderunta. » ténebres et les ténebres n'ont pu l'atteindrea. »
Divisit. Nota : divisio, de qua hic saepe fit mentio, Divisa. Note-le, la division, dont il est souvent fait
est distinctio rerum ah invicem quantum ad essentias mention ici, est la distinction des choses les unes par
suas formales et ordinem rerum essentialem, in quo rapport aux autres du point de vue de leurs essences
consistit perfectio et integritas universi, < finis > formelles et de leur ordre essentiel en quoi consiste la
primo et per se intentus. perfection et l'achevement de l'univers, fin recherchée
avant tout et pour elle-meme.

]our et nuit.
Et il appela la lumiere «jour» et les ténebres
Appellavit lucem dlem et tenebras noctem. «nuit» (1, 5).
70. Rabbi M_oyses, «quoniam tenebrae primo no- 70. « Puisque les ténebres nommées en. premiera
minatae significant ignema», ut supra dictum est, et signifient le_ feu», comme on l'a dit plus haut, et «sont
« sunt aliae a tenebris secundo dictis h», ideo distin- différentes des ténebres nommées en second h», Ma1-
guens inter has et istas dicit quod istae secundo dictae monide, distinguant celles-ci de celles-Ia, dit que ce
faciunt noctem et nox appellantur. sont les secondes qui font la nuit et sont appelées
«nuit 1 ».

§ 69 a. Jn 1, 5. § 70 a. Cf. Gn i, 2.. b. Cf. Gn 1, 5.

§ 69 1. Lib. de causis, prop. 19 (Pattin, p. 89, 97-98).


z. Parab. Gen., § ·5z-72.. § 70 1. MAYM., Dux ... , 31 (f. 6ov, 7, Munk 11, p. 238).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, ~

Factum est vespere et mane dies unus. Soir et matin.


71. Notandum quod productio rei in esse ortus Du soir et du matin il fit le premier jour (x, 5).
eius est sive mane. Propter quod rebus iam creatis
primo successit vespere, et sic redeunte mane com- 71. 11 faut noter que la production d'une chose
pletus est dies unus naturalis. Secundum hoc ergo dans l'etre constitue son lever ou son matin. Voihl
dicitur «ves pe re sabbati a», id est diei Saturni, pourquoi, une fois les choses créées, il fallut d'abord
«lucescit» sive diescit «in prima sabbati», quae est que le soir vint et qu'ainsi, le matin revenant a son
dies solis sive dominica. tour, fllt accompli le cours naturel de tout un jour.
C'est done d'apres cela qu'il est dit : «Au soir
du Sabbat», c'est-a-dire samedi, «poignit» ou com-
men<;a «le premier (jour) de la semainea», c'est-a-dire
dimanche, le jour du_c Seigneur t.

La création de 1' ange.


72. Vespere et mane dies unus. Notanda sunt hic ad 72. Du soir et du matin : le premier jour. 11 faut a
praesens duo. Primo quod per lucem productam présent noter deux points. Premierement que, selon
primo die secundum Augustinum intelligitur produc- Augustin 1, la production de la lumiere au premier
tio vel formatio angelicae naturae intellectualis et deo jour signifie la production ou formation de la nature
proximae. Dicens ergo quod dies illa habuit vespere et angélique, intellectuelle et la plus proche de Dieu.
mane, oriens et occidens, docet nos in omni creato, Done, en disant qu'il fit ce jour du soir et du matin,
quamvis supremo et perfecto, semper admixtam esse Orient et Occident, (Motse) nous enseigne qu'en tout
mutabilitatem, imperfectionem et maculam impurita- créé, meme le plus haut et parfait, se melent toujours
tis, Job 4 : «In angelis suis reperit pravitatem a», et la mutabilité, l'imperfection et la souillure de l'impu-
lob I 5 : «In ter sanctas eius nemo immutabilis, et reté, ]b4: «Il a trouvé la dépravation jusque chez ses
caeli non sunt mundi in conspectu eius b»; nec obstat angesa.» Et Jb 15 : «Nul n'est constant, meme chez
ses saints, et les cieux eux-memes ne sont pas purs a
ses yeux 0 . » Qu'il dise ensuite : « 11 divisa la lumiere
§ 71 a. Mt 2.8, 1. § 72. a. Jb 4, 18 .. b: ]b 15, 15.

§ 71 1. Sur le «premien> jour (Gn 1, 5) noter que le texte


porte «dies unus» (le «jour un») et non «dies primus» (le premier Gen., 1, 5 (CC n8A, 9s) et P. LOMBARD, Sent. II, d. 13, c. 5. Voir
jour). Voir a ce sujet le commentaire d'ORIGENE, In Exaem. également ÜRIGENE, op. cit. (SC 7bis, p. 1 78-179).
hom., 1, 1 (SC 7his, p. 2.6, 35-44). Sur le «jour un», cf. BASILE, In § 72 1. AuG., La Gen. au s. litt., 1, m-v et xvn (BA 48,
Exaem. hom., 2. (SC 2.6, p. q8-185). Concernant la no~ion de .p. 91-97 et 126-q 1), Contra Faustum, XXII, 10 (CSEL 25,
«cour.s naturel.» du jour voir la différence entre détermination «a p. 598s). Voir également la Glose ordinaire (Gn 1, 3) qui donne la
mane usque ad mane» et «a vespera in vesperam» dans BEDE, In citation d' Augustin.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, ,

quod sequitur : « Divisit lucem a tenebris c.» Quamvis d'avec les ténebresc» ne fait pas d'obstacle (a cette
enim substantia computata et eius accidentia, qualitas, lecture). En effet, meme si comptant une substance et
quantitas et similia, sint unum numero et esse unum ses accidents, qualité, quantité _et autres (détermina-
habeant. numerale, divisa tamen est natura unius- tions) semblables on ne trouve par le nombre qu'une
cuiusque a. natura alterius, etiam secundum genus seule réalité et numériquement qu'un. seul etre, la
generalissimum, quae genera se ipsis et se totis sunt nature de chacun (des accidents) reste divisée de la
condivisa. nature de chaque autre, y compris par rapport au
genre le plus général, car (tous sont) des genres par
eux-memes et entierement distincts.

Temps et création .
73· Sed quid est quod Moyses supra loquens de .f- 73· Mais que signiife le fait qu'en parlant plus haut
creatione caeli et terrae tacet de temporibus, scilicet de la création du ciel et de la terre Mo1se n'ait rien dit
de diebus, nunc autem ait : factum est vespere et mane des temps, c'est-a-dire des jours, alors qu'il dit
dies unus? Die quod creatio u tique ante tempus, supra maintenant : Du soir et du matin il jit le premier jour?
tempus et sine tempore est. Augustinus XII Confes- Répond que la création est avant le temps, au-dessus
sionum respondet dicens quod « caelum, quod in du temps et sans temps t. Augustin, quant a luí,
principio fecit deus, creatura est aliqua intellectualis », répond au livre XII des Confessions, en disant que «le
«excedens omnem volubilem vicissitudinem tempo- ciel, que Dieu a fait au commencement, est une
rum. Ipsa vero informitas terrae invisibilis » « nec ipsa créature intellectuelle », « dépassant toutes les fugaces
in diebus numerata es t. Ubi enim nulla species, nullus vicissitudes du temps». « Quant a cette masse informe
ardo, nec venit quidquam nec praeterit, et ubi hoc de la terre invisible», «elle n'a pas non plus été
non fit; non sunt utique dies nec vicissitudo spa- comprise au nombre des jours. La, en effet, ou il n'y a
tiorum temporalium ». point de forme ni d'ordre, rien n'arrive, rien ne passe,
et par conséquent, la, il n'y a place ni pour les jours ni
pour les vicissitudes de la durée 2 ».

74· Secundo notatur moraliter quod non est dies Le soir au sens moral.
aliqua nec una, quam possit horno transire in hoc 74· Deuxiemement : On note au sens moral qu'il
n'est aucun jour qu'un homme, meme puissant et
c. Gn 1, 4·

z. AuG., Conf. XII, IX, 9 (BA 1_4; p. 356-3 57) ..


EXPOSITIO LIB. GENESIS COMiiENTAIRE DE GENESE 1, S 333
mundo, quamvis praepotens et praedives, m pros- meme riche, puisse passer en ce monde dans le
peris aut deliciis sine molestiis sive corporis sive bonheur ou les plaisirs, sans recevoir quelque bles-
mentís. Non enim habet omne quod vult nec caret sure au corps ou a !'esprit. En effet, s'il n'a jamais tout
omni quod non vult. Quin immo quasi incomparabi- ce qu'il veut, il a toujours quelque chose de tout ce
liter plura sunt bona quibus caret quam quae habet. qu'il he veut pas. Et meme le nombre des biens qui
Magis ergo miser est quam felix. Unde Boethius lui manquent est, pour ainsi dire, incomparablement
II De consolatione prosa 3 sic ait : « Ullamne humanis plus élevé que celui des biens qu'il a. 11 est done
re bus inesse constantiam reris? »; et post quarta plus malheureux qu'heureux. C'est pourquoi dans
prosa : « Quis tam compositae felicitatis, ut non le second livre de la Consolation de phi!fJsophie, prose 3,
aliqua ex parte cum status sui qualitate rixetur? Anxia Boece dit : « Penses-tu que les choses humaines aient
res est humanorum condicio bonorum »; et infra : la moindre constan ce?)) puis, a la prose 4 : « Quel est .
« Quam multis amaritudinibus humanae felicitatis celui dont la joie est c~insi faite qu'elle ne soit jamais
dulcedo respersa est! » Iob : « Quasi flos egreditur et aux prises avec sa situation? L'angoisse est la condi-
conteritur» «et nunquam in eodem statu permaneta»; tion attachée aux biens des hommes. » Et plus has :
Prov. 14: «Risus dolore miscebitur, et extrema «De combien d'a:mertume la douceur de la félicité
gaudii luctus occupat b. » Hoc est igitur quod hic humaine est-elle entachée !1 » Jb : « Pareil a la fleur
dicitur: factum est vespere et mane dies unus. l'homme écl6t puis se fane » « et jamais il ne demeure
dans le meme étata. » Pr 14 : «Le rire sera melé a la
douleur et la joie s'acheve en chagrín b. » Voila done
ce qui est dit ici : Du soir et du matin il ftt le premierjour.

Les vicissitudes du <(jour >>.


75· Ubi adhuc notandum quod molesta plura sunt 75· Il faut encore noter que, quel que soit le jour,
quam placita quolibet uno die. Ratio est manifesta. les déboires sont plus nombreux que les plaisirs. La
Plura enim sunt bona quibus caret quam bona quae raison en ~st manifeste. Les biens que l'homme n'a
habet. Bonum autem habitum solum delectat, non pas sont plus nombreux que ceux qu'il a. Or, ce n'est
habitum contristat. Nam et ipsa « spes » boni, si que lorsqu'on l'a qu'un bien cause du plaisir, si on ne
«differtur, affiigit animam», Prov. 13 a. Et praeterea: l'a pas, c'est la tristesse. De fait, meme l'«espoir» d'un
« Spes enim est nomen incerti boni», ut ait Seneca bien, s'il «tarde a se réaliser, tourmente l'ame»,
Pr 13 a. En outre, «espoir est le nom d'un bien
§ 74 a. Jb 14, 2. h. Pr 14, 13. § 75 a. Pr 13, 12.
incertain», comme le dit Séneque 1 dans sa Lettre X.

§ 7:4 t._ Bo.F.~E, .Consol. Phi/., II, proses 3 et 4 (CC 94, p. u,


40-41' et 24, 56-42). Citation non littérale. § 75 1. SENÉQUE, Epist., I, 10, 2 (Belles lettres, p. 34-35).
H4 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, s-6 · B5

Epistula 10. Propter quod prius ponitur vespere C'est pourquoi le soir est placé avant le matin: du soir,
quam mane : factum est, inquit, vespere et mane dies unus. dit-il, et du matin, il ftt le premier jotlr.
76. Rursus vespere potest accipi singulariter et plu- 7~· De ~lus vespere peuf etre pris au singulier et au
raliter, mane vero tantum singulariter, quamvis ad
' ~-··
plurtel, mats mane seulement au singulier, bien qu'ici
litteram creato sole sive luce super terram cursu la lettre porte qu'une fois le soleil créé et la lumiere
naturae occurrat vespere et subsecuto mane completa (répandue) sur la terre, c'est, dans le cours de la
iam die sit dies unus, secundum illud : «V espere nature, le so~r qui arriv:e et! au matin suivant, le jour
sabbati, quae lucescit in prima sabbati», Matth. a. est accomplt, le premter JOur, conformément a. ce
Praemissis concordat Augustinus Ad Probam sic passage de Mt : «A u soir du Sabbat, quand poignit le
dicens : « Quaecumque sunt terrena sola tia, magis in premier jour de la semainea.»
ipsis desolatio quam consolatio reperitur». Ce qui précede s'accorde avec Augustin, Lettre a
Probe : « Quelle que -soit la nature des consolations
terrestres, on y trouve plutót la déception que le
réconfort t.»

Création du jirmament.
Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux
( 1' 6).
Fiat ftrmamentum in medio aquarum.
Les eaux supérieures et le Verbe.
77· Nota quod omnis creatura duplex habet esse.
Unum in causis suis originalibus, saltem in verbo dei; 77· Note que toute créature a un etre double. Le
et hoc est esse firmum et stabile. Propter quod premier dans ses causes originaires, c'est-a-dire (en
scientia corruptibilium est incorruptibilis, firma et tant qu'elles sont) dans le Verbe de Dieu, et c'est un
stabilis; scitur enim res in suis causis. Aliud est es se etre fixe et stable. C'est pourquoi la. science des
rerum extra in rerum natura, quod habent res in réalités corruptibles et incorruptibles est elle-meme
forma 'propria. Primum est esse virtuale, secundum fix~ et stable : la chose y est connue. dans ses causes.
est esse formale, quod plerumque irifirmum et varia- L'autre etre est celui des choses a Í'extérie~r, dans la
hile. Et fortasse istae sunt aquae' superiores et ihfe- nature. C'est l'etre qu'elles ont dans leur forme
propre. Le premier est un etre virtuel, le second un
etre formel qui, la plupart du temps, est inconsistant
a. Mt z8, 1. et variable. Et ce sont peut-etre la ces eaux supé-
rieures et inférieures en lesquelles Dieu a divisé le
~.:·'A~~., Épist., 130; c. z, 3 (CSEL 44, p. 43, z) .. firmament, car les supérieures sont fixes et stables, et
\
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 6 337

rieres inter quas dividit firmamentum, quia supe- c'est en cela qu'elles se divisent, c'est-a-dire se distin-
riores firmae sunt et stabiles, in quo dividuntur, id est guent des inférieures t. Le signe en est que Daniel
distinguuntur, ah inferioribus. Signum huius est ayant dit : «Que toutes les eaux qui sont au-dessus
quod Daniel, postquam dixerat : «Benedícite, aquae des cieux bénissent le Seigneura» a ajouté : « g,ue
omnes, quae super caelos sunt, dominoa», addidit : toutes les vertus du Seigneur bénissent le Seigneur . »
« Benedicite, omnes virtutes do mini, domino b. » Ces eaux, en effet, sont eaux en vertu de leur cause et
Aquae enim illae sunt aquae in virtute causae suae, non eaux formelles ou dans leur forme propre. Et
non aquae formales sive in forma propria. Et nota note-le : Ces eaux, tres parfaitement et tres propre-
quod aquae illae perfectissime et propriissime benedi- ment, bénissent le Verbe de Dieu. C'est en lui qu'en
cunt verbum dei, in quo in silentio sine verbo silence, sans verbe extérieur et au-dessus du temps,
exteriori et super tempus laudant et benedicunt elles louent et bénissent sans relache ce Verbe meme
semper verbum, quod est in silentio paterni intel- qui est dans le silenc~ de l'Intellect du Pere, Verbe
lectus, verbum sine verbo aut potius super omne sans verbe ou plutot au-dessus de tout verbe. Un
verbum. Exemplum praemissorum est de domo in exemple de ce qui vient d'etre dit est la maison dans
mente artificis, ubi cognoscitur et scitur domus, et ah !'esprit de l'artisan, ou elle est connue et sue comme
inde formatur et accipit esse formale extra domus in maison et d'ou la maison réalisée a l'extérieur, dans la
materia. matiere, tient sa forme et rec;oit son etre forme!.
L'etre des choses est double.
78. Praemissis alludit quod dicit Augustinus f 78. Ce qu' Augustin dit (dans son traité) Contre les
Contra academicos « Platonem sensisse duos esse académiciens se rapporte (aussi) a ce qui précede :
mundos : unum intellectualem, in quo ipsa veritas « Platon soutenait qu'il y avait deux mondes : l'un,
habitat, alium sensibilem, quem manifestum est nos intelligible, dans lequel habite la vérité, l'autre, sen-
sible, qui est manifeste au sens par la vue et le
a. Dn 3, 6o. b. Dn 3, 61.
d'étre, i.e. avant la création, c'est-a-dire dans "le Principe, de
f 1. On sait qu'Origene identifie les eaux supérieures et les l'autre, le néant ou quasi-néant qu'elles sont devenues, une fois
produites a l'extérieur («ad extra»). Ici la formulation reste
substances spirituelles. Voir a ce sujet le témoignage d'ÉPIPHANE
de CHYPRE, Lettre ajean traduite par )ÉRÓME, Lettre 5 l (Belles métaphorique, portée par l'opposition du virtuel et du forme!,
lettres II, p. r6s-r66). Sur «l'eau spiri~uelle qui est au-dessus du ce qu'Eckhart appellera ailleurs «etre absolu» et «etre formelle-
firmament» et «l'eau de l'abime ou l'Ecriture place les ténebres ment inhérent». 11 faut, toutefois, se garder d'entendre le
et ou habitent le Prince de ce monde et le dragon ennemi avec «virtud» a u sens négatif de « potentiel ». Est virtuel ce qui a
ses anges», cf. ÜRIGENE, In Exaem. hom. (SC 7bis, p. 30-31). vertu ou capacité de produire a l'extérieur. En ce sens le Verbe
L'interprétation développée id par Eckhan est une piece non dit ou non exprimé qui précede éternellement la création
import:,Ul~e de: _sa .théologie du Verbe. Le «double etre» des extérieure peut done lui-meme étre dit «virtud», comme le
choses é'est, en" fait, d'un coté l'etre qu'avaient les choses avant suggere ci-dessous le développeinent sur le «Ver be sans ver be».
1
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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 6
1, H9
visu tactuque sentire; illum verum, hunc verisimilem toucher. Celui-la est véritable, celui-ci est vraisem-
et ad illius imaginero factum». · Et hoc est quod blable et fait a l'image du premier 1.» Et c'est ce que
Boethius dicit : dit Boece: «( ... ) tu as tiré toutes choses d'un exem-
«cuneta superno plaire», comme on l'a rappelé plus haut 2 •
ducis ab exemplo », Mais, pour introduire convenablement l'idée de ce
ut supra habitum est. . double etre des choses, (Mo!se) pose d'abord : «Dieu
Ad insinuandum autem hoc duplex esse rerum apte dit: Quela lumiere soit» et il ajoute : «et la lumiere
dicitur prius : «dixit deus : fiat lux», < et poste- fut a» puis, il reprend une seconde fois cette distinc-
rius > : « et facta est lux »; et iterum : « dixit » : jiat tion avec : « 11 dit : Qu' if y ait un ftrmament )) a quoi il
firmamentum, et post additur: «Fecit deus firmamen- ajoute: «Dieu fit le firrnament.» «Qu'il y ait», dis-je,
tuma.» «Fíat», inquam, quantum ad primum esse, pour ce qui est du premier etre, (( fut)) et « fit)) pour ce
« facta est » et « fecit » quantum ad es se secundum, qui est du second, ~-c'est-a-dire celui des réalités
extra scilicet. Hinc est illud lo h. 1 : « Quod factum .l extérieures. De la vient cette paro le de Jn 1 : «Ce
est, in ipso vita erat b. » Ipsum enim quod in se est ' . qu'il fit, en lui était Vie h.» En effet, ce qudi étantVen sboi
extra, utpote factum sive creatum, in ipso verbo est 1 esta l'extérieur en tant que fait ou créé, ans 1e er e
vita, quantum ad primum esse, sicut arca extra meme est Vie quant a l'etre premiér3. De meme, le
in materia facta est, in mente autem artificis non coffre est fait a l'extérieur, dans la matiere, alors que
est facta, sed vita quaedam sive quoddam vivere. dans l'esprit de l'artisan il n'est pas fait, mais vie ou
Cognoscere siquidem proprie et vere vivere est '. vivre. Car, proprement et véritablement, connaitre,
cognoscentibus, et vivere esse. ' pour ceux qui connaissent, c'est vivre, et vivre c'est
; etre.
79· Sed restat quaestio, quare de aquis tantum 79· Mais reste la question de savoir pourquoi c'est
dixerit: jiat jirmamentum in medio aquarum. Ad quod seulement des eaux qu'il a dit: Qu'ily ait un ftrmament
dicendum quod nomine aquarum omnem creaturam au milieu des eaux. A cela il faut répondre qu'il a voulu
voluit intelligi, tum propter fluxibilitatem et mutabili- que l'on comprit pa_r ~e, nom d'eaux ~~u,te c~éature,
tatem, tum quía aqua videtur omnium rerum princi- soit a cause de sa flutdtte et de sa mobthte, so1t paree
pium, ut ait Thales Milesius, unus de primis septem que l'~au semble etre le príncipe de toute~ choses,
sapientibus. comme le dit Thales de Milet, un des premters Sept
Sages t.
a. Gn 1, 7· b. Jn 1, 3-4.

§ 78 1. AuG., Contre les Académiciens, III, XVII, 37 (BA 4, 3· Eckhart est ici tres proche de l'exégese érigénienne de
p. 188-~89)· . Jn 1, 3-4. Cf. Hom. s. le Pro/. dejn, IX-X (SC 1 p, p. 240-253).
2 •. Cf. éi-déssus § 4·
§ 79 1. Eckhart suit ici ARISTOTE, Mét., 1, 3, 983b 17-21.

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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 6

So. Rursus : ftat ftrmamentum in medio aquarum. L'eau et la nature intellectuelle.


Notandum primo quod aqua super firmamentum So. Autres explications : Qu'il y ait un ftrmament au
et sub potest accipi et accipitur a quibusda·m pro milieu des eaux. Il faut noter 1. que selon qu'elle est
natura intellectuali sursum in caelis, beatis angelis au-dessus.ou ati-dessous du firmament, l'eau peut etre
- Matth. 19 : «Angeli eorum in caelis »a, etc. - et pro prise et est prise par certains 1 pour désigner la nature
humana natura sub caelo. Dicitur autem natura intel- intellectuelle supérieure, dans les cieux - celle des
lectualis aqua, tum quia vertibilis est in nihil, in bienheureux anges, Mt 18 : « Leurs anges aux cieux
quantum creatura, tum quia vertibilis a bono in (se tiennent constamment en présence de mon Pere
malum, in quantum est arbitrio libera. qui est aux cieux a)» - et la nature humaine, sous le
ciel. Mais la nature intellectuelle ·est appelée «eau»
soit paree qu'elle peut verser dans le néant en tant que
créature, soit paree qu?elle peut, du bien, verser dans
le mal en tant que libre d'arbitre.

S1. Secundo aquae super caelos possunt acc1p1


L'eau au-dessus du ciel.
planetae, qui sunt frigidi virtute, licet non formaliter, S1. 2. Les eaux sont au-dessus des cieux : cela peut
puta Saturnus. Aquae enim proprietas est frigus. etre pris pour les planetes qui sont froides virtuelle-
Posset etiam dici quod caelum dividit aquas ab ment et non formellement, par exemple Saturne. Le
aquis, malos a oonis. froid est en effet la propriété de l'eau.
* Quarto die quod aquae super caelos et sub caelo On pourrait dire aussi que le ciel divise les eaux des
dicuntur propter duplex esse rerum, de quo prius eaux, les méchants des bons 1 •
dictum est: unum virtute, aliud formale extra. · 3. Dis que les eaux sont au-dessus des cieux et
au-dessous du ciel a cause du double etre des choses
dont on a parlé précédemment, l'un qui est virtuelle-
ment, l'autre qui est formellement et al'extérieur 2 •
S3. Praedictis attestatur quod commentator Super
XII Metaphysicae dicit orones formas huius mundi S3. Ces paroles sont confirmées par A verroes qui,
commentant le livre XII de la Métaphysique, dit que
toutes les formes (présentes) en ce monde sont
a. Mt 1S, 10.

§SI 1. L'édition des LW ne comporte pas de § S2.


§So t.Voir ci-dessus § 77· Nicolas de Lyre renvoie aIsidore 2. Cette «troisieme» interprétation est annoncée comme la
(«Di~ se~unQl!; posuit firmamentum (... ) hoc firmamento dis- «.quatrieme» daos le texte latin. Erreur de scribe ou }acune des
cernit aquas superiores, id est populurn angelorum»). manuscrits?.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAlRE DE GENESE 1, 6 343
esse virtute in motare caeli. Rursus notandum quod virtuellement dans le moteur du cielt. En outre, il
esse. virtute sive virtuale est longe nobilius et praes- faut noter que ce qui est virtuellement ou virtuel
tantms quam rerum esse formale. Et hoc notat li est de loin plus noble et plus éminent que l'etre
super. Super caelos sunt vel super caelo sunt, quia in formel des chosesz. Et c'est ce que signifie le mot
motare caeli sive orbis primi sunt, quantum ad illud «au-dessus». (Les eaux) sont au-dessus des cieux ou
esse. Motor autem super caelos est ordine essentialis au-dessus du ciel paree qu'elles sont dans le moteur
causalitatis et naturae. du ciel ou orbe premier quant a l'etre virtuel. Mais le
Aut super caelos, quia primum mobile, quod non moteur est au-dessus des cieux selon 1' ordre de la
est nobis visibile extra propter sui corporis subtili- causalité essentielle et naturelle.
tatem et puritatem et uniformitatem, qua caret omni Ou bien elles sont au-dessus des cieux, paree que le
stella - stellae autem tantum videntur, non orbes premier mobile nous reste invisible a cause de la
ipsarum, ut dictum est prius - ipsum, inquam, caelum subtilité, de la pureté J~t de l'uniformité de son corps
illud super caelos omnes est nobis per sensus exte- qui l'exemptent d'étoiles. Or, seules les étoiles sont
riores perceptibiles. visibles, a l'inverse de leurs orbes, comme on l'a dit
plus ha u t. (Aussi) dis-je, (ce mobile), ce ciel est-il
au-dessus de tous les cieux qui nous sont perceptibles
84. Quarto notandum quod hoc modo omnis par les sens extérieurs.
creatura ab aeterno benedicit domino et benedicit
omni nomine, quia nomine, « quod est súper omne La louange des créatures et le nom d·lvin.
nomen a» et super omne unum et per consequens 84. 4· 11 faut noter que de cette fa~on toute
praehabet omne nomen. Praehabet, inquam, omne, créature bénit le Seigneur dans l'éternité et qu'elle le
utpote unum; praehabet omne nomen, in quantum bénit de tous les noms, car (elle le bénit) avec le nom
est super nomen. «qui est au-dessus de tout noma» et au-dessus de
tout un et qui, par conséquent, contient d'avance
tout nom. «Contient d'avance», dis-je, «tout», en
85. Quinto notandum quod laus illa est sic dulcis- tant qu'Un; «contient d'avance tout nom», dans
la mesure ou ce no m est au-dessus du no m t.
a. Ph 2, 9· 85. 5. 11 faut noter que cette louange esta ce point
la plus douce et la plus joyeuse que c'est par elle que
§ 83 1. Av., Met.,· XII, comm. 18 (f. 325v F; sur 107oa
27-30).
2. Les choses ont plus de noblesse dans le Verbe qu'en comme raison de création («ratio creabilis»), theses non seulement
elles-memes. Cette dissymétrie ontologique originaire fonde compatibles mais complémentaires.
l'esse!l;~iel des ~<paradoxes» d'Eckhart sur le néant des créatures § 84 x:·
Pour tout.ce développement, se reporter: au c. 7, § 2
prises én elles~memes et la non-étance di vine supérieure al'etre pris des Noms divins (Gandillac, p. 142-144).
~
r.
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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 6 345
344

sima et iucundissima, ut ipsa laudet omnis creatura. toute créature (le) loue : «Vous toutes, a:uvres du
Dan. 3 : « Benedicite, omnia opera do mini, domi- Seigneur, bénissez le Seigneurl» Dn3 a. En outre,
noa. » Rursus sic est perfecta, ut aequalis sit in mínima elle esta ce point parfaite qu'elle est égale dans 1~ plu.s
creatura sicut in maxima. Quo contra dicitur: «Non petite créature et dans la plus grande. A u contratre, tl
est speciosa laus in ore peccatoris h.» Rursus sic· est dit : «La louange ne sied pas dans la bouche du
praecellens et delectabilis, quod laudando sic omnis pécheurb.» En outre, elle est ~ce poi~t ~xcellente et
creatura esse suum et esse simpliciter accipiat. délectable que c'est en s'y hvrant amst que toute
créature rec;oit son etre et l'etre absolument parlant 1•
86. Ubi sexto notandum moraliter quod ex hoc
patet quod peccator, utpote non laudans deum, non Néant du pécheur.
habet esse, sed est nihil, Psalmus : «Ad nihilum 86. 6. Il faut ici noter, pour le sens moral, qu'il
redactus est peccatora», et iterum : «Ad nihilum s'ensuit que le pécheur-, en tant qu'il ne loue p~s Dieu,
redactus sum et nescivi b». Nihil ergo est, quin immo n'a pas d'etre mais est néant, Psau~e .=«~e ~:e~he~r a
est ipsum .nihil omnium, de quo Sap. 1 1 : «Nihil été réduit a néane », et ene ore : «] etats. redut~ a neant
odisti eorum quae fecisti c.» Peccator enim est ipsum et je ne (le) savais pasb.» 11 n'est done rten. Bten plus,
nihil sive faex omnium, «sicut luna faex corporum ¡¡ est ce néant meme de toutes choses dont parle
caelestium et terra faex elementorum », Psalmus : Sg 11 :«Tu détestes le néant de ~outes les choses ~ue
«Eduxit me de lacu miseriae et de luto faecisd.» tu as faites e.» En effet, le pecheur est le neant
lui-meme, la fiente de toutes choses, «tout comme la
Divfdat aquas ab aquis. Lune est la fiente des corps célestes et la terre la fiente
87. Moraliter: viri boni separant se a malis etiam des éléments 1 », Psaume : « 11 me tira de la fosse de la
localiter, secundum illud supra : « Divisit lucem a misere et de la fiente du bourbierd. »

§ 85 a. Dn 3, 57· b. Si q, 9·
La séparation des eaux.
§ 86 a. Ps 14, 4· b. Ps 72, zz. c. Sg 11, 24. d. Ps 39, 3· Qu'il divise les eaux d'avec les eaux ( 1, 6).
87. Sens moral : Les gens de bien se séparent
§ 8 5 I. Eckhart reprend ici la distinction entre etre forme! et meme localement d'avec les méchants, selon cette
etre absolu. Cet «esse simpliciter» est l'etre en quoi conviennent parole plus haut: «11 divisa la lumiere d'avec les
et s'accordent originairement toutes les créatures, non pas l'etre
commun («ens commune»), simple intention logique dérivée,
mais l'etre divin lui-meme, venant immédiatement de Dieu et
donné par lui et en lui amesure égale et unique pour tous. jusque chez ALBERT le GRAND, De anima, 1, tr. z, c. 3, (Ed. Col.
§ 86 1. L'expression de «faex elementorum» est empruntée a VII, I, P· 25, s-7)· Eckhart y revient dans Comm . .Jn, § syt.. Cf.
également Comm. Sag., § 1 («~erra opaca est, gravts et fngtda et
MACR<?BE_, In .s.omn.. Scip. comm., 1, XIV, 12 (Eyssenhardt, p. s6o).
On la retrouve dans le De eodem et·diverso d' Adélard de Bath et faex elementorum») et 191 qut renvote au Comm. Gen.(§ 48-58).

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EXPOSITIO LIB. GENESIS .
COMMENTAIRE DE GENESE x, 8 347
tenebris a», -rccli. 1 3 : « Qui tetigerit picem, inquina- *
·~~~
les ténebresa»; Si 13 : «Qui touche a la poix
bitur ab ea », Psalmus : « Cum P,erverso perverte- '

s'englueh», Psaume: «Avec le pervers tu seras per-


risc», Is. 53 : «Recedite, exite inde 0 », etc.; Apoc. 18: vertí e», Is 53 : « Dehors 1 Sortez de la 1d » etc. Ap 18 :
«Exite de ea, populus meuse» etc.; «Corrumpunt «Sortez d'elle, mon peuplee», etc. 1 Co 15 : «Mau-
bonos mores colloquia prava, f » 1 Cor. 1 5. . compagme
vatse . corrompt 1es b onnes mreurs f . »

Un jour sans bénédiction.


D'un soir et d'un matin i1 fi.t le deuxieme jour
Factum est vespere et mane dz'es secundus. ( 1' 8).
88. Solet quaeri communiter quare de creatis in 88. Tous (les Peres et les théologiens) s'accordent
secunda die non dicatur quod bonum est, sicut de a demander pourquoh:e qui a été créé au second jour
prima die dictum est et infra similiter de creatis in aliis n'est pas dit «hon» alors.que cela a été dit du premier
diebus. Et quamvis de hoc, sicut et de aquis super jour et que cela le sera aussi plus has de ce qui a été
caelos, plurima sint scripta ab aliis, quae dimitto nunc créé les autres jours. Et, bien qu'a ce sujet, comme au
et alias propter brevitatem, sicut in Prologo pro- sujet des eaux au-dessus des cieux, les autres aient
missum est, dico quod binarius radix est et origo beaucoup écritl, je les oublie ici et d'autres choses
omnis divisionis. Divisio autem omnis, in quantum encare, par souci de brieveté, comme je l'ai promis
huiusmodi, mala est, ex malo et in malo. Divisio enim dans le Prologue 2 • Et je dis que deux est la racine et
innumeri, multitudo, casus· est ab uno et ah esse per l'origine de toute division3. Or, toute division est en
consequens et a bono, quae cum uno convertuntur. tant que telle mauvaise : elle vient ·du mal et elle s'y
Frustra ergo et falso diceretur bonum quod a bono tient. En effet, la division de l'innombrable, le mul-
tiple, est une chute hors de l'un et par suite hors de
1'etre et du bien qui sont convertibles avec lui. Il
a. Gn 1, 4· h. Si 13, I. c. Ps 17, 27. d. ls p, 11. serait done inutile et faux d'appeler « bon» ce qui
e. Ap 18, 4· f. z Co 15, 33·

3· Cette explication est rejetée par Nicolas de Lyre («Quía


1. Eckhart pense sans doute.a P. LoMBARD, Sen!. 11, d. 14, ( ... ) in sacro evangelio numerus binarius laudabilis et mysticus
c. 6, a )ÉRÓME, Adv. Iovinianum, I, 16 (PL 23, 286A), BEDE,ll/ designatur»). Cette position reste malgré tout assez isolée. Sur le
Gen. (CC 118A, 12), H. de SAINT-VICTOR, De sacr., 1, 1, 20 nombre pair, cf. essentiellement H. de SAINT-VICTOR, Exegetica,
(PL 176, zo1B). On notera que la solution qu'il développc XV, De numeris mysticis sacr. script. (PL 175, zzB). Pour
ci-dessous est la meme que la leur, notamment celle de Pierre l'omission de la bénédiction du deuxieme jour, voir )ÉRÓl\IE,
Lombard («quia binarius principium est alteritatis et signum Lettre 49, 19 (Belles lettres, p. 146-149). Voir également THI-
divisipnis.», !()C.: cit. (Grottaferata, p. 397, 17-18). BAULT de LANGRES, De quatuor modis quibus significationes nun¡e-
z.' Pro/. o. exp., 1 (Il, § 4). l rorum aperiuntur, 111, 1 (CIMAGL 29, p. 8o-8z).
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EXPOSITIO LIB. GENESIS

cadit et recedit, quin immo hoc ipso ruit sive labitur


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COMMENTAIRE DE GENESE t, 8

déchoit et sort du bien, puisque, au contraire, cela


349

i~ .malum et. ~t malum. Et hoc est quod Iac. 2 s'affaisse ou glisse dans le mal et devient mauvais. Et
dtcttur : « Qut m uno offendit, factus est omnium c'est ce qui est dit en Jc 2: «Si l'on commet une
reusa», omnium scilicet bonorum et rursus omnium offense sur un seul point, e' est du tout que 1' on
malorux:n, scilicet omnium bonorum quae perdidit devient débiteura», c'est-a-dire de tous les biens et
et ommum malorum quae incidit, I~r. 2 : «Malum aussi de tous les maux, de tous les biens que 1' on a
et amarum est reliquisse te dominum b»; «malum» perdus et de tous les maux o u 1' on s' est jeté, J r 2 :
propter privatio~em omnis boni, « amarum » propter «Comme il est mauvais et amer de t'abandonner,
praesenttam mah culpae et poenae. Constat enim Seigneurb»; «mauvais» a cause de la privation de
quod offendens et lapsus ab uno labitur et cadit ut tout bien, « amer » a cause de la présence du mal
dictum est, necessario a bono. Lapsus autem a b~no (propre a) la faute et a la peine. Il est constant en effet
et elongatus sive divisus a bono non potest dici bonus que, comme on l'a dit,. celui qui s'écarte et glisse de
nec quidquam boni habere. Quod si nihil boni habet, l'un glisse et déchoit du bien. Mais celui qui glisse du
nec bonus est; « factus est reus omnium » bonorum bien et s' éloigne o u se divise du bien ne peut etre dit
quía perdidit omnia bona. Et hoc Eccl. 9 dicitur ; « bon» ni comporter quoi que ce soit de bien. Que s'il
«Qui in uno peccaverit, multa bona perdetc. » n'a ríen de bien, il n'est pas bon: «Il est devenu
Et ~aec est una ratio ad praesens quare conexae débiteur de tous» biens, car il a perdu tous les biens 4 •
sunt vtrtutes necessario, et qui perdit unam, perdet Qo 9: «Si l'on peche sur un seul point, on perd
omnes, et quo? un~ virtus sine aliis haberi non potest. beaucoup de biens e.))
qu?modo emm vtrtutem haberet qui segregatus et
dtvtsus est ah uno et per consequens a bono? Et hoc La connexion des verttts.
est quod Osee dicitur : « Divisum est cor eorum nunc
. 'b d , V oila done une des raisons pour lesquelles les
m ten unt . » «Nune», inquam, id est simul, uno
eodemque momento perdit et privatur omni virtute, vertus sont nécessairement connexes s, en sorte que
celui qui en perd une les perd toutes, et que 1' on ne
peut en avoir une sans avoir les autres. En effet,
a. Jc z, 10. b. Jr z, 19. c. Qo y, 18. d. Os 1o; z. comment aurait-il de la vertu celui qui est retranché et
divisé d'avec l'un et par conséquent d'avec le bien?
4· Cf. dans le meme sens Comm. jn, § 5z6, Comm. Ex., § 58, C' est ce que dit Os : « Leur creur est di:Vi~é,
Comm. Sag., § 110. .
5.. La connexion des vertus est affirmée des AMBROISE, Exp.
maintenant qu'ils périssent! d » « Maintenant », dt.s-Je,
ev. Le, V, 63 (SC 45, p. zo6-zo7). On la retrouve chez AuGUSTIN c'est-a-dire en meme temps, au meme et umque
La Tri'ni'té, VI, IV, 6 (BA q, p. 481) et GRÉGOIRE, Moral., zz, ; instant ou l'on perd toute vertu et ou l'on en est privé
(PL 76, ziZ). Le theme se rencontre également dans les
Tusculanes 11, XIV, 32 (Belles lettres, p. 95) et AR., Et. Ni'c., VI,
Iz-t;,! .11_44b. 3.2-1.145a z, comme le souligne TH. d'AQ., / 11P,
·, passage perdu de I'CEuvre des questions), zos (qui renvoie a un
q. 65, a; 1. Chez Eckhart, cf. Comm: Sag., § 97 (qui renvoie a un Commentaire, é~alement perdu, sur Ei,_échiel), z63.
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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 8 351
utpote divisus a bono; necessario consequenter fit quand on est divisé d'avec le bien. Ensuite, nécessai-
reus omnium vitiorum. Non est enim quo cadat nisi rement, on devient le débiteur de tous les vices. En
in malum et vitium oppositum, qui cadit a bono effet, ou tombera celui qui -choit d'un bien quel-
quolibet. Et hoc est quod in Psalmo dicitur : « Cir- conque, sinon dans le mal et dans le vice correspon-
cumdederunt me mala quorum non est numeruse.» dant? Et c'est ce que dit le Psaume: «]e suis encerclé
Sic ergo divisio, quam importat binarius - et in ipso par les maux a ne pouvoir les dénombrere.)) .
oritur- malum est et in malo est, ut dictum est supra. Ainsi done, la division qu'apporte le deux- et qut
nait en lui- est mauvaise et est dans le mal, comme
on l'a dit plus haut.

L' origine de la division est le mal.


89. Rursus etiam ex malo est, ut dictum est 89. En outre, elle ví~nt aussi du mal, comme on l'a
ibídem. Divisio enim semper ex imperfectione dit au meme endroit. En effet, la division consiste
<;:onsistit sive contingit, propter quod non invenitur toujours en une imperfection ou en résulte, c'es~
nisi in imperfectis et corruptibilibus. In rebus autem pourquoi on ne la rencontre que dans les. choses
perfectis semper est unicum vel simpliciter - puta imparfaites et corruptibles. Dans les parfattes, au
«deus · unusa», Deut. 6 et Gal. 3; «semel loquitur contraire, on trouve toujours l'unique, soit (l'unique)
deus et secundo id ipsum non repetitb», Iob 33 - vel absolument parlant- par exemple Dt 6 et Ga 3 : «Un
saltero unum est in specie, puta angelus unus tantum Dieu uniquea», Jb 33: «Dieu parle une fois pour
in qualibet specie, sol unus, luna una et sic de aliis. Sic toutes; ce qu'il dit, il ne le répete pas b» - soit, du
ergo binarius sive dualitas non meretur dici bonum, moins, l'un selon l'espece, au sens ou il y a un seul
cum sit malum et in malo et ex malo. ange de son es pece t, un Soleil, une Lune, et ainsi de
suite. Deux ou la dualité ne méritent done pas d'etre
appelés « bons » : ils sont le mal, ils sont dans le mal,
ils viennent. du mal.

90. Adhuc autem probatur hoc et omnia iam


Deux, signe de la chute.
propter hoc inducta sic ad praesens brevius et eviden- 90· V oici comment on pro uve cela - et tout ce
qu'on a avancé a ce su jet- de maniere plus breve et
plus évidente. Deux ou la dualité, tout comme la
e. Ps 39, 13. § 89 a. Dt 6, 4· Ga 3, 20. b. Jb 33, 14·
spirituelles » ne sont pas numériquement individualisées mais
1.• -~c~hart,_reprendici la théorie thomiste de la diversité seulement spécifiquement, i.e. par la forme. Cf. a ce sujet ¡a P,
spécifique des· anges. N'ayant pas de matiere, les «créatures q. 50, a. 4·

1
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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE r, 8 353
tius. Binarius sive dualitas sicut divisio semper est division, est toujours une chute et une sortie de l'etre
casus et recessus ah ipso esse. Quod enim dividitur meme. En effet, a peine une chose est-elle divisée
iam non est .. Nec obstat quod lignum et huiusmodi qu'elle n'est plus. Et le fait qu'un morceau de bois de
divisum quidem adhuc manet lignum et huiusmodi. telle espece, une fois divisé, reste encore un morceau
Divisio enim ligni est divisio per se ligni quanti. de bois - et de la meme espece - n'est pas une
Lignum autem divisum nunquam manet quantum objection. De fait, diviser un morceau de bois c'est,
prius, puta si prius fuit cubitale, divisum iam non est par essence, diviser un morceau ayant une certaine
cubitale, et sic de aliis. Similiter quorum esse non est quantité. Or, une fois divisé, le bois ne conserve pas
in quantitate, divisa cadunt ah ipso esse, puta oculus sa quantité initiale. Par exemple, s'il était long d'une
divisus, manus divisa, pes divisus, et sic in omnibus. coudée, une fois divisé, il ne l'est plus, et ainsi des
Tune sic arguo breviter : cadens et recedens ah esse autres choses (semblables). Mais il en va de meme
necessario cadit a bono, tum quía bonum cum ente pour les choses dont l'etre n'est pas quantifiable: une
convertitur, tum quia ratio boni est posterior et fois divisées, elles déchoient de l'etre. Par exemple,
fundatur in ratione ipsius esse. Sed binarius, dualitas, un reil divisé, une main divisée, un pied divisé, et
utpote divisio, est casus et recessus ab esse, ut ainsi de suite. Maintenant, voici done en bref com-
ostensum est. Igitur binarius malum est et infamis, ment j'argumente: Ce qui déchoit et sort de l'etre,
quin immo nec fortassis numerus est. nécessairement déchoit du bien, soit paree que le bien
est convertible avec l'etre, soit paree que la raison du
bien est postérieure ~ celle de l'etre et se fonde sur
elle t. Mais deux, la dualité, en tant que division, est
une chute et une sortie de l'etre, comme on l'a
montré. Par conséquent, deux est mauvais et infame,
bien plus ce n'est peut-etre pas meme un nombre 2 •
91. Unde Avicenna III Metaphysicae de quiditate
numeri sic ait : « Quidam dixerunt dualitatem non Deux n'est pas un nombre.
91· De la vient qu'au ne livre de la Métaphysique,
A vicenne 1 dit au su jet de la· quiddité du nombre :
§ 90 1. La postériorité du bien dans l'ordre des raisons ne
contredit pas la these classique de la convertibilité de l'etre et du
bien. Eckhart suit sur ce point Albert pour qui «etre» et «bien»
sont convertibles du point de vue de la réalité désignée (laquelle
est unique, puisqu'il s'agit de Dieu lui-meme) mais pas du point
de vue des concepts (qui sont et restent distincts, la notion de 2. Pour tout ceci cf. Comm. Ex.,§ 134, notamment: «Quod
«bien» n'ayant pas le meme contenu que celle d'«etre»). Voir (... ) cadit ah uno, cadit ah esse. Sed binarius per se et primo cadit
Com111.. ]n, § 547, 562 et pour ALBERT, In Sent. 1, d. 1, a. 20 ah uno. lgitur binarius ut sic nec est nec numerus est. »
(Botgnét 2 5·~ "4 5b). § 91 1. Av., Met., 111, c. 5·
1

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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, to· 3.H

esse aliquem» numerum sive «de numeris». Et hoc «Certains ont pensé que la dualité n'était pas un»
tenet Augustinus in Libro quaestionum beuterono- nombre ou ne « faisait pas partie des nombres.» Et
mü 42 et Gregorius I Moralium c. 16. Vult enim telle est (aussi) la position d' Augustin dans la qua-
Augustinus et Gregorius septenarium componi «ex rante-deuxieme de ses Questions sur la Genesez et
primo -impari» numero «scilicet ternario», et ex celle de Grégoire au premier livre, chap. 1 6· de
«primo·» numero «pari», scilicet «quaternario». Avi- ses Morales3. En effet, l'un et l'autre soutiennent que·
,c:.enna tamen ubi iam prius, vadit contra hoc. Raciones sept est compasé «du premien> nombre «impair»,
autem :pulchras per Augustinum et Gregorium inve- «c'est-a-dire trois» et du «premien> nombre «pair», a
10.Íes in ~Opere :primo tractatu De uno et eius opposito. savoir « quatre». Toutefois, Avicenne, a l'endroit déja
Sic ;ergo de creatis secunda die non erat dicendum cité, soutient une opinion opposée. Tu trouveras les
«quod esset bonum», eo quod binarius sit recessus beaux arguments avancés par Augustin et Grégoire
sive casus a bono. dans l'CEuvre des propositions, traité De /'un et de son
opposé 4 •
Ain si done, de ce qui a été créé au deuxieme jour, il
n'y avait pas lieu de dire que «c'était bien», puisque:
deux est sortie ou chute du bien.
92. Rursus : « Quare non est dictum secundo die» 92. Autre explication: « Pourquoi n'a-t-il pas été
«Hquod esset bonum"? » Rabbi Moyses : vel quia dit au second jour» «que c'était bien?» Maimonide ~
completio rei < dici > meretur bonum · - bonum Soit paree que c'est l'achevement d'une chose qui
enim et finis idem ·- «operatio áutem aquarum mérite d'etre appelée bien, en effet le bien et la fin son1!:
c.ompleta» legitur tertia die , vel quia de reocculta et identiques et «la création complete des eaux » n'est
; . incognita sive latente non debet dici quod si bona, exposée qu'au troisieme jour, soit paree que d'une
!
! quia non esse scitür. Tales autem sunt aquae <<super chose cachée et inconnue ou latente on ne doit. pas
ifirmamentum ». dire qu'elle est bonne, dans la mesure ou l'on ne sait
rien de son etre, et tel est le cas des eaux. « au-dessus
VOCIWit deus aridam terram. du firmarrient». · .
. "
93· Rabbi Moyses notat duo. Primo, quod «ubi-
cumque » dicitur : « Vocavit deus aliquid sic vel sic, La. terre au sens propre.
Dieu appela ce qui était sec «terre» (1, 10).
93." Maimonide remarque deux choses. q,ue·
1.
z. AuG., Qrmt. s. la Gen., V., q. 42. (CSEL z8, z, p. 401, <<partout ou>) il est dit «_Dieu appela quelque· chose
10-12.). . · . comme. ceci. ou comme cela,. rien» d'autre «n'est
3,,En réa{¡té GRÉG., Moral., c. 14, 18 (PL 75, f34s). ·
4· Ce traité, on le sait, n'a pas été conservé. signifié)> par la que. le fait qu'il a distingué celui-la
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 10 3S7
non est», aliud, quam quod distinxit hoc ah illo, cum de celui-ci avec lequel il avait quelque chose «de
quo habebat quid « commune ». _ commun».
Secundo ex hoc sumit quod, quía supra dicens : 2. Il en déduit que, quand il est dit plus haut «A u
«In principio creavit deus caelum et terram» nomen commencement Dieu créa le ciel et la terre», le nom
terrae accipitur «communiter pro omnibus quae sunt de «terre» est pris «au sens général pour tout ce qui
sub sphaera lunae, id ~s! pro quattll:or eleJ:?entis », est sous la sphere de la Lune, c'est-a-dire pour les
hic autem secundo acc1p1tur terra « smgulanter pro quatre éléments», alors qu'ici «terre» est pris une
ultimo elementorum», idcirco ait: <( Vocavit deus seconde fois «en un sens particulier, pour le dernier
aridam terram >>. Terra enim supra dicta non est arida, des éléments». C'est pourquoi (Mo:ise) dit: Dieu
cum dicatur etiam aquae. appela ce qui était sec «!erre>>. En effet, ce qui est appelé
plus haut «terre» n'est pas sec, puisque ce nom est dit
aussi bien de l'eau t.:..:.
Congregationesque aquarum appellavz't maria.
94· Notandum quod Rabbi Moyses dicit quod
Le nom des eaux.
illud, «quod est super firmamentum et vocatur aqua, Et la masse des eaux, ill'appela «mers» (1, Io).
solum nomen aquae convenit ei». Ait enim q~od
aqua primo dicta est «materia commun~s», «et postea 94· Il faut noter que Ma:imonide dit qu'a «ce qui
divisa est in tres formas : una marmm, secunda est au-dessus du firmament et est appelé "eau", seulle
nom d'e.au convient t ». 11 précise en effet que 1'e.au
"firmamentum", tertia ''super firmai:nentuin" ». «.Di~
visit» ergo deris «divisione naturali» «aquas» prtmo mentionnée en premier est «la matiere commurie» et
dictas in tres formas naturales, et unam « partem » · qu'elle .esf ensuite divisée en trois formes; la pre-
miere, celle des mers, la seconde, «le firmall).ent», l.a
«vestivit forma» aquae, quam vocavit maria.J?t hoc. est
quod dicitur : « Congregationes aquar~m vo~avzt marta>>, troisieme, (ce qui est) «au-dessus du firm~u_nerit».
in hoc manifestans quod aquae pnus dtctae «super Dieu done <<a divisé, selon leurs natures», les «eaux»
firmamentu~» «non sunt a'luae, quae dicuntur
mentionnées en premier, en ttois formes naturelles, et
c'est la «partie» «qu'il a revetue de la forme» d.e l'eau
marta».
qu'i/ appela «merS)>. Et c'est ce qui est dit: Et la masse
des eaux, il f appela <( mers », ce qui montre «que
§ 93 1. MAIM., D11x ... , 11, 31 (f. ~or, 40-46, Munk 11, p~ 235). les eaux» mentionnées en premier comme étant
§ 94 1. MAIM., D11x ... , ll,31 (f. 6ov, 29; Mun~ ~1, p. 238). «au-dessus du firmament» «ne ·sont pas les eaux qui
2. Dans tout ce § Eckhart laisse done de cote les deux sont appelées mers»2. ·
questions classiques du chap. 8 de la quatorzieme dis~inction du
deuxieme livre des S enlences:« Ubi (... ) congregatae smt aquae»,
«Qu<?._mo!fo Q~nes aqua~ sint in unum locu~ congregatae, cum 1,9 (CCn8 A, 13s). Voir aussi AuG., la Gen. a11 s.litt., 1; xu, 26
multa sint marta et fulmma.» Pour tout cect, cf. BEDE, In Gen., (BA 48, p. I I S-I 17)·
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 11
359
Germinet terra herbam virentem; et infra lignum La création des végétaux.
pomiferum.
Que la terre germe l'herbe verte et plus has : des
9S· Notandum quod pomum est nomen commune arbres portant des fruits (x, u).
ad omnem fructum, maxime· sine testa et sine duro
cortice sicut nux ad fructum duri corticis; unde Le sens du mot «pomme ».
dicitur : nux Avellana, nux muscata et huiusmodi. 9S· 11 faut noter que pomum est un nom commun a
Sicut etiam faber commune est ad omnes artífices tous les fruits, mais plus particulierement a ceux qui
diversorum metallorum; dicimus enim : faber fer- n'ont ni coquille ni écorce dure, tout comme noix est
rarius
. ' faber aerarius,. aurifaber, faber. lignarius,
. commun a ceux qui ont une écorce dure; c'est
secundum illud Matth. 1 3 : « Nonne h1c est filtus pourquoi on dit: une «noix» aveline, une «noix»
fabri?a», cum Ioseph esset faber lignarius, ut a~~ muscade, et ainsi de ~_uite. De meme aussi «ouvrier»
Chrysostomus Super Matthaeum. Apte sane ligna~u est commun a tous lés artisans des différents métaux.
«filius fabri, qui fabricatus est» solem et lunam et «tn Nous disons en effet «ouvrier» du fer, «ouvrier» du
ligno crucis salutem humani generis » est operatus. bronze, «Ouvrier» de l'or, et meme «ouvrier» du
bois, selon ce passage de Mt 13 : « N'est-ce pas 1~ le
fils de l'ouvrier?a» alors que Joseph était charpen-
tiert. Comme ]'explique Chrysostome, dans son Com-
mentaire de f Evangile de Matthieu 2 , c'est a bon droit
qu'est appelé «fils de l'ouvrier» du bois, «celui qui a
9fi.Quod autem pomum stet pro omni ·~ructu
auvré» le Soleil et la Lune et qui a assuré «le salut du
molli, sive. pirum sive pomum fuerit p~opr1e .. aut
genre humain sur le bois de la croix».
etiam ficus fuerit, satis apparet ex modó et mtent10ne
loquendi scripturae in proposito et ubicumque de 96· Que pomum désigne tout fruit mou, qu'il
pomo loquitur. Sp~cialiter tamen patet hoc peut. 21, s'agisse de poire ou de porrtme au sens propre, ou
ubi dicitur : ·«Si quae ligna non sunt pom1fera, sed meme · de figue, cela ressort clairement·, du mode
agrestia», «succidea», et Neh._ 1<? dicitur: «Poma . d'expression et de l'intention qui anime l'Ecriture ici
omnis _ligni b~ » Item secundo hoc 1psúm ~atet ex eo, et partout ou il est question de pomum. Mais cela est
particulierement clair en Dt 20 : « Si certains arbres ne
portent pas de fruits et sont sauvages», «ahats-lesa»
§ 95 a, Mt 1~, 55· § 96 a. Dt zo, zo~ b. Ne 10, ~6~ et N e 1 o : «Les fruits de tous les arbres b. » Cela
ressort clairement aussi du fait que nous appelons
1. 11 est impossible de rendre en fran~ais le jeu d'Eckhart sur
«faber» et «faber Iignarius», le fran~ais «fevre» présent dans
«or~v~e~ ne.figurant dans aucun mot désignant un ouvrier du z. JEAN CHRYSOST., Hom. in Matth. (op. imperf.), I (PG s6,
bois~··:- · · · 630).
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 11 . 361
EXPOSITIO LIB. GENESIS
habitoellement pomerium («verger») l'endroit ou l'on
quod pomerium dicimus usualiter, ubi diversi generis
cultive différentes especes de fruits.
fructus nutriuntur.
Le fntit défendu.
97· Un autre signe est que le genre humain est dit
97· Adhuc autem signum est 9-uod genus avoir péché en mangeant la «pomme», selon cet
humanum dicitur peccasse esu pomt, secundum hymne d' Ambroise t, pour qui
Ambrosium in Hymno, qui ait: (( n•avoir mordu a la "pomme" du péché
. « pomi noxialis (Nous) a précipités dans la mort»,
morte morsu corruit», alors que beaucoup pensent que ledit fruit n'était pas
cum tamen putetur a nonnullis fructus ille non fuisse proprement une « pomme » au sens usuel, mais bie;11
proprie pomum usualher dic~u~, sed ficus, ex eo une figue, puisque bi~ptót apres qu' ils eurent ~ommts
quod mox peracto peccato prt~~ pare.ntes «c~nsue-· leur péché, nos ancetres (( cousirent des feutlles de
runt folia ficus. et fecerunt stbt pertzomata », ut figuier et s'en firent des pagnes», ainsi qu'il est dit
dicitur infra tertio capitulo, tamquam de arbore sibi plus has, au chapitre troisiemea, comme s'il s'agissait
_, proxima. Unde quidam ait: . . . de l'arbre le plus proche. D'ou quelqu'un a pu dire:
quod fuerit ficu~ fructus, quo nos mu~ucus « C'est par la figue que l'Ennemi nous a blessés,
laesit adest testls de ficu consuta vestts. L'atteste le vetement cousu (de feuilles) de
' b ..
Osee 9 dicitur : «Prima poma ficulneae . » Ecce tgttur figuier2. » _ . b . ,
quod ·pomum sit et dicatur ficus. Et Os 9 : «Les premiers frutts du figuter . »,~olla
par conséquent (la preuve) que pomum est et destgne
une 6gue.
Les rttisons séminales.
Cuius semen in semet ipso sit super terram.
d~nt la semence soit contenue en eux-memes
98. In semet ipso. Primo ad. littera~: semen ftuc- sur la terre ( 1, II ).
tuum communiter solet esse m medto.
Secundo notandum quod 1i in <in> .proposito 98. En eux-memes. 1. Sens · littéral : la semence
notat intraneitatem. Sciendum ergo quod virtus semi- des (arbres) fruitiers est habituellement .au milieu du
fruit.
2.. n faut noter que le mot en indique ici l'intério-

a. Cf. Gn 3, 7· b. Os 9, xo.
rité. n faut done savoir qu'en regle universelle, la

1. Le texte cité par Eckhart ne figure pas chez Ambroise. 2. L'mteur de ces vers, saos doute empruntés a un florilege,
Voirac~sujet-la note 2, p. 25 3 des LW qui renvoie aVENANTIUS n'est pas connu.
FoRTUNATUS, Miscellanéa II,2 (PL 88, 88B).


EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, u.

nalis rerum universaliter stat in obtrusis abditissi- vertu séminale des choses, quelles qu'elles soient,
morum principiorum rei cuiuslibet, qualia sunt genus réside d~ns les replis de leurs príncipes les plus secrets
et differentia, quae speciem sive naturam et essentiam tels que. le genre et la différence, qui fondent et
fundant et constituunt. Propter quod praemittitur : constituent l'espece ou nature et l'essence. C'est
faciens fructum iuxta genus suuum; et infra sequitur : pourquoi le texte dit juste avant : donnant des fruits
«et habens unumquodque sementero iuxta speciem ( chacun) selon son genre et poursuit plus has : et portant
suam». Hinc est quod generans virtute seminis natu- semence selon leur espece. De hl vient que tout etre qui
raliter generat sibi simile quantum ad genus et engendre par la vertu de sa semence engendre natu-
speciem, puta «horno hominem» : «animal», «oliva rellement son semblable quant au genre et a l'espece,
olivam»: «plantam». Propter hoc «Augustinus» cau- par exemple «l'homme, l'homme», c'est-a-dire «un
sas rerum originales «vocat rationes seminales». animal», «l'olive, l'olive», c'est-a-dire «une plante».
C'est la raison pour Jaquelle Augustin «appelle» les
causes originaires des eh oses « raisons séminales t ».

99· Ait ergo : cuius semen in semet ipso sit, perfectam La parfaite intérlorité.
intraneitatem significans. Quod enim est in arca vel in 99· (Moi:se) dit done: d01it la semence soit contenue en
bursa mea, non est in me. Rursus albedo aut qualitas eux-memes, signifiant par la la parfaite intériorité. En
huiusmodi, quamvis dicatur esse ·in me, tamen non effet, ce qui est dans mon coffre ou dans ma bourse
est in memet, sed potius et proprie in me quanto. n'est pas en moi. De meme, la blancheur ou une
Rtirsus quod sum rationalis ex specie, foris stat qualité de ce genre, bien qu'on la dise en moi, n'est
respectu generis, quod prius est, intimius et proprie pourtant pasen moi-meme mais plutót, proprement,
est in memet ipso. Et sic perfecta intraneitas in tribus en moi quantifié. En outre, le fait que je sois
perficitur, quae sunt longitudo, latitudo, profundum raisonnable de par l'espece (a laquelle j'appartiens)
sive sublimitas rei cuiuslibet, et notantur in tribus, reste extérieur a l'égard du genre qui est antérieur (a
quae exprimit li in semet ipso. · cette espece), plus intime qu'elle et qui, lui, au sens
propre, est en moi-meme. Ainsi l'intériorité parfaite
consiste-t-elle dans les trois (dimensions) : longueur,
roo. Tertio notandum quod li in semet ipso potest largeur, profondeur ou ·hauteur de chaque chose.
dupliciter intelligi. Primo secundum communem ac- Celles-ci sont ici désignées par ces trois mots : en
eux-memes.
lOO. 3. 11 faut noter que en CIIX-mémes peut etre
1. Pour tout ce passage, cf. AuG., La Gen. au s. litt., V, xxm,
44 (BA 48, p. 437-439). Sur la doctrine des «raisons séminales», compris de deux manieres. Premierement, selon
voir «Le double moment de la création et les raisons causales», l'acception commune: en eux-:mémes, c'est-a-dire dans
note ,á· dé la'.BA ·48, p. 6n-668. les arbres ou les herbes. Deuxiemement, de telle sorte
\
EXPOSITIO LIB. GENESIS 1 COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16

ceptionem : in semet ipso, scilicet ligno vel herba. que le sens soit en eux-memes, c'est-a-dire dans leur
Secundo ut sit sensus: in semet ipso, scilicet semine. semence. Ce n'est done sans doute pasen vain qu'est
Unde fortassis non frustra additum est: super terram, ajouté sur la terre, car, prise dans sa raison séminale,
quia altius habet esse res in ratione sua seminali, une chose possede un etre plus élevé que ne l'est l'etre
quam sit esse terrenum, materiale, palpabile, visibile, terrestre, matériel, tangible et visible, et ce au sens
ad modum aquarum quae super caelos sunt, ut meme ou les eaux sont au-dessus des cieux, comme
dictum est prius. on l'a dit auparavantl.

Fecit deus duo magna luminaria. Le Soleil et la Lune.


101. Notandum quod de sole et luna dicit duo, Dieu fit deux grands luminaires ( 1, 1 6).
scilicet quod sint magna et iterum quod sint luminaria.
De utroque videndum est. 101. Il faut noter:que (Mo1se) dit deux choses du
De sole quidem quod sit magnus ét longe valde Soleil et de la Lune, a savoir qu'ils sont grands et, de
maior terra satis concorditer docent astrorum consi- plus, que ce sont des luminaires. Voyons chacune des
deratores. De luna vero sciendum quod ipsa dicitur deux.
magna pro tanto quidem, quia propter sui vicinitatem Que le Soleil soit grand et de beaucoup plus grand
ad nos cum sit proxima terrae, ínter ceteras planetas que la Terre, voila ce qu'enseignent unanimement
et stellas < maior apparet > - omne siquidem visibile ceux qui observent les astres 1. Pour la Lune, il faut
quanto est vicinius, tanto apparet maius, ut docet savoir qu'elle est dite grande dans la mesure ou, étant
perspectivus et experientia cotidiana - secundum notre voisine puisqu' elle est la plus proche de la
veritatem tamen ipsa est minor inter omnes stellas Terre, elle nous semble la plus grande de toutes les
nobis visibiles excepto solo Mercurio. Propter quod planetes et étoiles - et certes, plus ce qu'on voit est
beata virgo «pulchra ut luna a» describitur, Cant. 6, proche, plus il nous parait grand, comme l'enseignent
eo scilicet quod ipsa inter omnes sanctos fuerit la perspective et l'expérience quotidienne- pourtant,
humilior solo Christo excepto. en vérité, la Lune est la plus petite d'entre toutes les
étoiles visibles, a la seulé exception de Mercure. C'est
. 102.Secundo ergo notandum et cavendum quod pourquoi la bienheureuse Vierge est montrée « belle
magíster
.
dicit in Historiis lunam esse maiorem terra ' comme la Lune», Ct 6a, paree que, d'entre tous les
saints; c'est elle (la Vierge Marie) qui fut la plus
a. Ct 6, xo. humble, le Christ lui-meme excepté.

§ xoo 1. Cf. ci-dessus § 77 et 83. · Explication des éclipses.


§ 101 L Voir notamment MACROBE, In Somn. Scip. comm. 1,
XX, 9 (Eyssenhardt, p. f65. 22-:ZS) et jEAN de SACROBOSCO, Tract. 102.Deuxiemement, il faut noter et prendre garde
de Sph~era,~ 4 (Thomdike, p. 1 q). · que le maitre (Pierre le Mangeur) ·dit dans ses
EXPOSITIO UB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16 .

quod et Papias asserit. Quod tamen non est verum, ut Histoires que la Lune est plus grande que la Terre 1, ce
~kstrorum periti communiter docent. Patet etiam evi- que Papias affirme aussi 2• Mais tous ceux qui connais-
·derriissime hoc non esse verum ex eclipsi ipsius lunae. sent les astres enseignent unanimement que ce n'est
Ubi notandum quod eclipsis lunae accidit ex interpo- pas vrai. Et les éclipses de Lune le montrent aussi
sition~ terrae inter solem et lunam, quae contingit in avec la plus grande évidence. 11 faut noter a ce propos
plenilunió et prope. Tune enim necesse habet luna que l'éclipse de Lune résulte de l'interposition de la
currere per umbram ipsius terrae proiectam ah umbi- Terre entre le Soleil et la Lune, ce quise produit a la
lico terrae usque ad sphaeram lunae inclusive plene pleine lune ou a proximité. A ce pJ.Oment, en effet, Ía
,per totum. Nunc ergo sciendum quod umbra terrae, Lune doit nécessairement traverser l'ombre terrestre.
·quo longius procedit, semper minar efficitur, eo quod Celle-ci projetée du centre de la, Terre jusqU:'a la
rcotpus solis luminaris, ínter quod et visum ríostrum sphere de la Lune la contient pleinement et entiere-
terra interponitur, sit maius longe quam ipsa .terra, ment. 11 faut done sayoir que l'ombre de la Terre se
quae interponitur. Sic ergo umbra terrae · semper fait d'autant plus petite qu'elle porte plus loin, du fait
in conum vadens pyramidaliter minuitur, quousque que la Terre s'interpose entre le corps du Soleil,
multis milibus miliarium transcursis attingat ipsam source de la lumiere, et l'objet contemplé. Or, ce
sphaeram lunae. Ubi nihilominus adhuc sic est densa corps est beaucoup plus vaste que la . Terre qui
et extensa, quod luna suo motu velocissimo ipsam s'interpose. Ainsi done, l'ombre de la Terre qui
umbram quandoque circa spatium duarum horarum s'étend en formant un cóne, diminue en pyramide
noctis vix percurrat et exeat. Hoc de primo, scilicet jusqu'a atteindre la sphere de la Lune apres avoi;.
quod sol et luna dicuntur duo magna. · traversé plusieurs; .miliiers, de' milles3: La, elle n'en
demeure pas. moins si dense et étendue. que, parfois,
c'es.t _a peine si la Lune~, au mouvement (pourtant) si
raptde, peut l'a parc0urtr et en sortk en deux heures
d'obscurité. Ceci pour le premier point, a savoir que
ió3. Quod autem secundo dicitur, quod sint duo le Soleil et la Lune sont dits deux grands.
luminaria, ibi quattuor notanda sunt..
Primo, quod de sole quidem clarum est, quod sit Étymologies.
luminare. «Sol» enim « dicitur quasi solus lucens » aut
. potius etymologice quasi «super omnia lucens ». 103. Mais (Moise) dit ensuite que ce sont deux
luminaires, et la il faut noter quatre points.
1. 11 va de soi que le Soleil est un luminaire.
« Soleil » en effet « désigne, pour ainsi dire, ce qui est
1. PIERRE le MANGEUR, Hist. Schol., Hist. lib. Gen., 6 (PL 198,
1o6oB).
z. Loe~ non.. inv. . empruntée a Albert le Grand. Cf. notamment De cae/o et mundo,
3···Toute c~tte théorie de l'éclipse ·est vraisemblablement lib. 2, tr. 3, c. 11 (Ed. Col. V, 1, p. 168, 36-~9).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16

104. De luna vero certum est quod lumen non seul a briller 1)) o u plutot, étymologiquement, ((ce qui
habet nisi asole- unde luna dicitur quasi luce lucens brille au-dessus de tout2». · . ·
aliena· - tum quia, ut dictum est, sol dictus est eo
104. 2.. 11 est ce·rtain que la Lune ne tient sa
quod solus vel super omnia lucet, tum quia ordo et
lumiere que du Soleil - de la vient qU:'.elle signifie
unitas universi hoc exigit quod, sicut omnia sola sunt
quasiment «ce qui brille d'une lumiere étrangere»-
quantitate quanta et sola qualitate qualia et sic de aliis, soit paree que, comme on l'a dit, le Soleil s'appelle
sic omnia sint lucida ab uno aliquo. Et secundum hoc « Soleil», car lui seul brille ou brille au-dessus de tous,
luna dicta est a lumine sive a luce per antiphrasim soit paree que l'ordre et l'unité de l'univers exigent
quasi minime lucens. Est enim lucus, ut dicitur, que de meme que toute chose est quantifiée par la
nemus quod propter densitatem arborum minime seule quantité, qualifiée par la seule qualité, etc.t de
lucet. meme, toute chose tienne la lumiere d'un seul etre. Et
c'est conformément i cela que, par antiphrase, la
Lune est dite a partir de la lumiere ou de la clarté, au
sens de ce qui a le minimum de lumiere. Et en effet (ce
qu'on nomme) lucus est, comme on dit, un bois qui,
par la densité des arbres, a tres peu de lumiere.
105.Videtur tamen fortassis melius dicendum 105. Mais il semble qu'il vaut mieux dire que tout
quod lucus non quodlibet nemus dicitur, sed tantum bois n'est pas un lucus et que seul mérite proprement
hoc nemus dicitur lucus proprie, quod propter emi- ce nom le bois qui, a cause de la hauteur de ses arbres
nentiam arborum et distantiam earum ab invicem et de la distance qui les sépare, est ombreux en son
sursum quidem est umbrosum densitate frondium, ah faite et, par la densité. de ses frondaisons, capable de
aestu refrigerans, et deorsum transparens et lucidum réconforter de la chaleur de l'été, tout en restant, en
est. In talibus enim locis gentiles diis suis immola- has, éclairé et ouvert a u regard. C' est en de tels lieux
bant, utpote sibi deliciosis et diis suis placituris ex sui que les paiens offraient des sacrifices a leurs dieux, car
amoenitate et pulchritudine. a cause de leur douceur et de leur beauté, ils étaient
agréables aux uns et ne pouvaient done manquer de
plaire aux autres.
106. Ubi notandum qúod luna dicta est a luce 1o6. 3· 11 faut noter ici que c'est positivement et
positive, non privative, «luna quasi Lucina» per non privativement que la Lune est nommée a partir

2. Cf. HoNORIUS AuGUSTODUNENSIS, De imagine mundi, 1,


§ 10~ l. Voir a ce sujet ALBERT, De cae/o ... , lib. 2, tr. ~.c. 5 72
(Ed. Cql. V, x; p. u 1, 66-76) et De gen. et corr., lib. 2, tr. ~. c. 5 (PL 172, 1~9A).
· (Ed. Col. ·v, 2; p. 2o6, Hs). .· § 104 1. Voir ci-dessus Proi. o. Prop., § 2~.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE r, r6
subtractionem . mediae syllabae, sicut protoplastus de la lumiere: «Lune est comme lucine», il suffit
dictus est Adam quasi protoplasmatus subtractione d' oter la syllabe intermédiaire 1. De meme, Adam est
similiter unius syllabae mediae. Sic et almus dicitur dit protoplastus comme si l'on avait retiré de protoplas-
altissimus suppressione duarum mediarum syllaba- matus une syllabe intermédiaire. C'est encore ainsi
rum. Sic ergo luna a luce dicta est luminare, eo que almus est tiré d' altissimus : par suppression de
quod lumen habeat sive quod luceat, quamvis lumen deux syllabes intermédiaires. Et c'est done ainsi que
aliunde mutuet. la Lune est appelée luminaire a partir de la lumiere,
paree qu'elle a de la lumiere et qu'elle brille, bien
107. Ubi quarto notandum quod luna ínter omnes qu'elle emprunte cette lumiere ailleurs.
planetas et stellas non se tota illustratur nec recipit
lumen in sui profundo; sicut docet nigredo quaedam La face de la Lune.
sive umbrositas in ipsa luna apparens, quae facies 107. 4· Il faut ainsi noter que, parmi toutes les
lunae dicitur, quasi facies hominis apparens. Cuius planetes et les étoiles, la Lune n' est pas tout entiere
quidein apparitionis praetermissis fabulosis quibus- éclairée et qu'elle ne re~oit pas la lumiere en ses
dam rationibus - sicut dicitur : profondeurs, comme !'indique certaine obscurité ou
vir stat sub luna quem sarcina deprimit una, pénombre qui apparait a sa surface et qu'on appelle
monstrat per spinas nulli prodesse rapinas - «face de la Lune», car elle a quasiment l'apparence
obmissis etiam aliorum frivolis rationibus, quas d'une face humaine 1. Les explications fabuleuses
recitant · commentatores super II Caeli et m un di, d'un tel phénomene ne manquent pas, comme par
sciendum quod huius faciei duae sunt causae natu- exemple: · .
rales in hoc uno ambae fundatae, scilicet quod «Un homme se tient sous la lune, qu'un fardeau
«luna», utpote «inter omnia caelestia corpora étouffe,
ínfima», est terrae proxima. Ses épines montrent que-les rapines ne menent a
rien 2 • » ·
Sans parler d'autres raisons frivoles que rapportent
§ 1o6 1. Cette «étymologie» est donnée par IsmoRE de les commentateurs du deuxieme livre du Traité du ciel
SÉVILLE, Etym., III, 71,2.. - ·
el du monde. 11 faut, en revanche, savoir que (l'appari-
§ 107 1. Sur ce lieu commun astronomique, cf. ALBERT, De
cae/o ... , lib. z, tr. 3, c. 8 (Ed. Col. V, 1, p. x6o, 3-29 et q4, 47-5 5, tion) de cette «face» a deux causes naturelles, toutes
notamment 49-p). . · deux fondées sur un seul fait, a savoir que «la Lune »
z. Le texte de ces vers est rapporté en substance par Robert «le plus has de tous les corps célestes » est le plus
Angles dans son Commentaire au Tractatus de Sphaera de J. de proche de la Terre 3 • -
Sacrobosco, lect. 13. Voir sur ce point la note 7 des L W 1,
p. z61-z6z.
3· AR., De gen. animal., 3, II, 761b 20-21, AvERROES, in h. lib. et 137B) et ALBERT, De animal., lib. 17, tr. 2, c. 4, 72 (Stadler,
com~.~;-1il5. 1, ·comin. x6, lib. z, comm. 42 et 49 (Venet., f. 132.E p. 1183, 23-26).
372 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16 373
108. Notandum ergo quod « corpora caelestia Deux explications.
causa sunt corporum inferiorum». Patet enim mani-
108. Note done premic~rement que «les corps
feste quod secundum mutationem situs et aspectus
secundum motum superiorum mutantur inferiora. célestes sont causes des corps inférieurs ». Il est,
Effectus autem semper praesunt in suis causis essen- en effet, ~anifestement évident que, pour ce qui
tialihus, et tanto simplicius, uniformius sive plus concerne le changement de place et d'aspect, c'est
unite, quanto fuerit causa superior in natura. Igitur, d'apres le mouvement des supérieurs que changent
cum «luna» sit causa ínfima «Ínter corpora caelestia», les inférieurs. Mais les effets sont toujours contenus
in ipsa sunt ista inferiora minus unite et plus distincte. d'avance dans leurs causes essentielles, et plus ils sont
Quam distinctionem exemplariter continet et reprae- simples, uniformes et unifiés, plus leur cause leur est
sentat diversitas illa quae in ipsa luna apparet et facies supérieure en nature t. Par conséquent, puisque «la
eius dicitur. Et haec est una ratio diversitatis eius Lune» est la plus basse cause «d'entre les corps
quae in luna apparet et est. célestes », les réalités inférieures sont en elle de fa<;on
moins unifiée et plus distinctes-: C'est cette distinction
qu'elle contient exemplairement et c'est elle que
représente cette diversité qui apparait sur la Lune et
109. Rursus secunda ratio talis : « corpora » supe-
riora «causa sunt», ut prius, «inferiorum». Igitur qu'on appelle sa «face». Telle est la premiere raison
« proprietates » inferiorum « praeexistunt in ipsis cor- de la diversité qui apparait sur la Lune et qui, de fait,
s'y trouve.
porihus caelestihus » exemplariter secundum ordinem
situs sive naturae ipsorum caelest!um. Igitur pro-
prietates infimi elementi, puta terrae, quae est 109. La seconde raison est la suivante : «Les corps
ohscuritas sive nigredo, privatio scilicet et defectus supérieurs sont causes des inférieurs » (comme dans la
formae lucís, qui defectus consequitur imper- premiere raison). Par conséquent, «les propriétés»
fectionem ultimi, exemplariter praehahetur et reprae- des inférieurs « préexistent exemplairement dans les
sentatur in ultimo et ínfimo caelorum, quod est luna, corps célestes » selon le rapport de position o u de
quae non se tota illustratur a luce nec in profundo sui nature de ces corps. Done les propriétés du plus has
lumen recipit. «lgnis» autem, utpote «supremus ínter des éléments; la terre, qui sont l' ohscurité ou le no ir,
c'est-a-dire la privation et le défaut de la forme de la
lumiere - défaut qui résulte de l'imperfection inhé-
rente a ce qui est dernier - (ces propriétés, dis-je),
§ 108 1. Cf. ci-dessus Pro/. gen.,§ 10, Comm. ]n, §55 5, Serm. sont exemplairement contenues d'avance et représen-
lat., 6/4, § 67, Comm. Ex., § 91. ·
tées dans le dernier et le plus has des corps célestes, la
§ 109 1. Pour tout ceci, voir ALBERT, De cae/o ... , lib. 2., tr. 3,
c. 11 (Ed. Col. V, 1, p. 168, 69s) notammeilt : «Luna de natura Lune, qui n' est pas tout enti ere éclairée par la lumiere
terra~ est et .J:lOn · accipit lumen in toto suo profundo· sed in et qui ne la re<;oit pas dans ses profondeurs 1 . «Le
parte.» · · feu », en revanche, qui est «le plus haut des éléments »
374 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16-17. 375

elementa», «plurimum hahet de luce». Aer autem et «a le plus de lumiere». Et l'air, et l'eau, en eux-
aqua secundum se sunt diaphana et per consequens memes, sont diaphanes et relevent par conséquent de
pertinent ad naturam lucís. Terra vero sola, utpote la nature de la lumiere. Seule la terre, qui est le plus
mfima, se tota est opaca, luce privata, illustrahilis bas des éléments, est tout entiere opaque et privée de
solum ah extra et ah alio. lllud ergo quod in terra lumiere. Elle ne peut etre éclairée que de l'extérieur et
. color est et nigredo, mínimum scílicet coloris, hoc in par autre chose. Done, ce qui sur la terre est couleur
luna est lux et tenehrae sive ohscuritas, mínimum et noir, c'est-a-dire couleur minimale, sur la Lune est
lucís, utpote privatio, per reductionem pertinens ad lumiere et ténebres ou obscurité: lumiere minimale
genus lucís. qui, en tant que privation, peut etre ramenée au genre
de la lumiere2.
Nature des étoiles.
Stellas. Et posuit eas in firmamento caeli. • et les étoiles. Et il les pla~a dans le firmament
du ciel (1, r6-17).
no. In firmamento caeli ait, ut scíamus· stellas esse
partes orhis et de substantia ipsius; pars enim orhis no. 11 dit dans le firmament du ciel pour que nous
densior stella est. · sachions que les étoiles sont des partíes de 1'orbe et
Rursus : in firmamento ait, ne putentur quasi a foris (sont faites) de sa suhstance; en effet, une étoile est
appositae aut affixae sive superpositae ipsi caelo. une partie plus dense de l'orbe.
De plus, il dit dans le firmament pour que 1' on ne
croie pas qu'elles sont comme apposées, fixées ou
Ut lucerent super terram. superposées au cíel ~eme.
111. Primo, quia orbes secundum se non lucent
nec illuminant. Fonction ·des luininaires.
Secundo moraliter, ut qui lumen, gratiam dei, pour éclairer la Terre (1, q).
recípit, scíat se debitorem illuminandi ceteros,
secundum illud 1 Petr. 4 : « Unusquisque sicut accepit . 111. 1. Paree que les orbes par eux-memes n'éclai-
gratiam a» etc. · . rent pas et n'illuminent pas.
Tertio notandum quod in hoc quod dicítur lumi- 2.· Au sens moral: Qui re~oit la grace de Dieu sait

naria facta, ut lucerent super terram, fecit scíre utilitatem qu'il doit illuminer les autres, selon ce passage de
1 P 4: «Chacun selon la grace re~ue (mettez-vous au
service les uns des autres, comme de hons intendants
a. 1 P 4, 10. d'une multiple gra.ce de Dieu a).»
3· 11 faut noter qu'en disant que les luminaires ont
·z.:"C( Co;,",n, Sag.~ § 191. été faits pour éclairer la Terre, il nous fait connaitre
EXPOSITIO LIB. GENESlS,
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 17-22. H7
luminarium, non autem voluit dicere .quod propter
quod facta sunt luminaria sit illuminare terram. Sic l'utilité. des luminaires. Toutefois, il n'a pas voulu
enim esset «nohilius», puta corpus caeleste, «propter dire pour autant que les luminaires ont été faits dans
ignobilius », puta terram. Tractat hoc diffuse satis le seul hut d'éclairer la Terre. Car alors «le plus
Rabbi M;oyses l. III c. I 3. noble», c'est-a-dire le corps céleste (exister.~it) <~en
vue du plus vil», c'est-a-dire la Terr;..Ma1momde
traite cela avec suffisamment de detatls dans le
livre III, chap. 13 (du Cuide des égarés 1).

La bénédiction du troisieme jour.


Dixit etiam deus: producant aquae reptile.
Et infra : vidit deus quod esset bonum. . Dieu dit aussi : Que les eaux produise~lt dC:s
Benedixitque illis dicens : cresdte animaux qui nagen.t, (1, 20) ~t plus ha~: .Dteu y•~
et multiplicamini. que cela était bon ( 1, 2 1 ), Dteu les bentt et dtt .
Croissez et multipliez (1, 22).
112. Notandum quod superius loquens de rehus
inanimatis corporalihus secundum planum litterae ait II2. I1 faut noter que, plus haut, parlant des
quidem «quod esset bonum», nunc autem loquens de réalités corporelles inanimées, il a dit en toutes lettres
rebus animatis generantibus sihi simile addit: bene- «que cela était hon », mais maintenant, parlant ~e~
dixitque illis dicens : crescite et multiplicamini. réalités animées qui engendrent leur ~e~blahle, vmla
qu' // les bénit et dit : Croissez et multipltez.
Ratio est primo, quia viva altiori gradu participant
bonitatem et perfectionem dei, tum quia « quod f- La participa/ion.
r , r factum est, in ipsoa» non factum est sive creatum sed La raison en est, premierement, _que les, etres
' «vita» est, tum quia ipse deus proprie vivit, utpote vivants participent a un plus haut degre la ~o~t~ et .la
. non ab extra motus, sed ah intra, a semet ipso. Unde perfection de Di~u •. soit pa~~e q~e «e~ ~Ul a ~te fatt,
scriptura ipsi frequenter vitam sive vivere appropriat. en lui.» n'est pas fatt ou cree mats « vte »,. sott paree
Secundo, quia generare ab anima est, animatorum que Dieu lui-meme, . au sens propr~,. vtt da':s la
est, perfectiorum est. Perfectum enim est quod potest mesure ou il n' est pas . mu de 1'exteneur mat~ de
l'intérieur et par lui-meme t. D~ la vient 9ue l'Ecri-
a. Jn 1, 3-4. ture lui approprie souvent la vte ou le vtvre.

§ 111 1. MAIM., Dux ... , 111, 13 (f. 77Y-78r; Munk III, La génération et le divin.
p. 92-95)·
§~12 r. Cf;~Coinm.jn, §454. La seconde raison est que l'acte d'engendrer est le
\ fait de l'ame, appartient aux etre animés, aux etres
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, zo-u. 379

generare sibi .simile. Anti9ui .etiam dicebant ipsum parfaits. En effet, est parfait ce qui peut engendrer
deut;n esse ammam mundt. · Stc ergo animata gene- ) ' son semblable; C'est pourquoi les Anciens aussi
rantta et se multiplicantia divinum aliquid perfectius disaient que Dieu est 1' Ame du monde2. Ainsi done
sapiunt ultra legem communem bonorum. Recte ergo les etres animés qui s'engendrent et se multiplient ont
bona sunt quae viva sunt et benedicta sunt. Propter un gout de divin qui, dans sa perfection, passe la
quod ~~t. 17, ~o~tquam dictum est: «in ipso», mesure commune des biens. Ne sont ainsi véritable-
deo scthcet, «vtvtmus», sequitur: «ipsius genus ment bons que ceux qui vivent et sont bénis. C'est
sumus»b. pourquoi les Actes q, apres «en lui», c'est-a-dire
Ubi notandum quod vivum in ratione vivi Dieu, «nous vivons», poursuivent: «Nous sommes
~ncre~tum est et incr~abile. Hinc est quod ubicumque de sa race h.»
tnvemtur purum et stmplex vivere, ita ut non sit esse
aliud praeter vivere, increatum est. Terminus autem _l L'incréable. ,·
creationis esse est. Hinc est quod omne habens essé "'4 Il faut noter ici que le vivant pris dans la raison du
aliquod praeter vivere facturo est et creaturri ratione vivant est incréé et incréable 3. De la vient que chaque
esse, nequaq~am aut~m ratione vivere. Verbi gratia : ( fois que l'on rencontre acte de vivre pur et simple, tel
horno mortahs ~st rattone qua corporeum est aliquod, qu'il n'y ait en lui point d'autre etre que le vivre, cela
non autem rattone qua animatus anima rationali. 1\ est incréé. Or, le tertne de la création est l'etre, c'est
Rursus corpus est visibile ratione solius coloris ¡ pourquoi tout ce qui a un ·certain etre en plus de son
~nvisibile prorsus ratione omnium aliorum quae i~ \ vivre est fait et créé. (Et il est tel) sous le rapport de
tpso sunt. cet etre, mais jamais sous le rapport de ce vivre. Par
exemple, l'homme est mortel dans la mesure ou il est
corporel, mais pas dans la mesure ou il est animé par
une ame· rationnelle. En outre, le corps est visible
sous le rapport de la seule couleur : il est absolument
.113. Ru~s~s notandum 9uod ait: multiplicamini. invisible sous le· rapport de toutes les a u tres (pro-
Sctendum tgttur quod multttudo universaliter ex súi priétés) qui sont en lui.
natura imperfectorum est, « perfectum enim et totum
L'un et le múltiple.
b. Ac 17, z8. n3. De plus, il faut noter qu'il dit : multipliez. 11
faut savoir a ce propos que la multitude, universelle-
2.. Cf. MACROBE, In Somn. Scip. comm., I, VI, 20 (Eyssenhardt ment et de par sa nature, appartient aux (etres)
P· 499, 19-zo) et 14, 1--18 (ibid. p. S39-s4z). Pour Eckhart, cf.
Comm: Sag., § 2.99, notamment: «(...) Deus, utpote anima
~un~,~; se. toto _anima et intellectus, propriissime habet creare, de ~ 3· Sur le theme de l'incréabilité, voir Comm. Sag., § 2.4.

~
ntchtlo ·facere ens et es se. >> : · · ·: ·
l Question 1 Utrum in Deo,§ 4, Serm. lat., 29, § 301 et 304. .


EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, to-:u

ídem». Totum semper unum est, partes vero e imparfaits, «parfait et tout sont en effet synonymes 1 ».
converso semper multae sunt, utpote imperfectae. J Un tout est toujours un, inversement ses parties sont
Notandum ergo quod multitudo sive multiplicatio toujours multiples en tant qu'imparfaites. 11 faut done
data est imperfectis in remedium, tum ut ex multis remarquer que la multitude ou multiplication est
co~lig.ant et quasi mutuent suam perfectionem, tum donnée aux imparfaits en guise de remede, soit pour
quta tn se durare non possunt, reliquo modo com- qu'ils collectent de plusieurs leur perfection et, pour
plevit e~ d~us, ut. di~itu.r in 11 D~ anima, scilicet per ainsi dire, se 1'empruntent mutuellement, soit paree
~enerauo~u~ .multtphcauo~em. ~tnc est quod omnia qu'ils ne peuvent persévérer en eux-memes, et que,
tncorrupttbtha habent umcum tn specie, puta sol comme le dit le ne livre du Traité de /'áme2, Dieu leur
unus, et sic de aliis. a d'une autre maniere donné un complément, grace a
la multiplication par engendrement. De la vient que
toutes les réalités inco_guptibles ne comptent qu'un
seul individu par espece, par exemple un seul Soleil,
et ainsi de suite3.

114. Adhuc autem multitudo, utpote casus ah uno } La chute.


cadit per consequens a bono et ah esse et conse~
quenter cadit in malum et in nihil sive in non ens. 114. Mais de plus, la multitude, en tant que chute
Multitudo igitur imperfectio est consequens omne de l'un, déchoit du bien et de l'etre et elle déchoit
creatum. «Deus autem unus est», sicut et deus esse . ensuite dans le mal et ·le néant ou non-etre. La
est et bon'!m sive « bonus » es t. Sicut ergo malum in multitude est done une imperfection qui suit nécessai-
bono est,. tn bono et a bono conservatur in esse, sic rement tout ce qui est créé. «Mais Dieu est un a» tout
.

omnis multitudo esse suum in unitate sive in uno et de meme qu'il est etre et bien ou « bon». Done, de
ah uno accipit et in es se substitit. « Omnis enim meme que le mal_ est dans le bien et que e' est dans le
multitud<»>, ut ait Proclus, «partkipat uno». «Deus bien et par le bien qu'il garde un etre, de llleme la
multitude a son etre dans l'unité : c'est dans l'un et
au~em unus est. » Bonum ergo multiplicatione sui
par l'un qu'elle le re~oit et qu'elle y subsiste. «En ·
uttque deficeret et a bono et ah esse, nisi benedictione
effet», comme dit Proclus, « toute multitude participe
dei, id est virtute unius, contineretur et salvaretur
de l'un 1• » « Mais Dieu est un.» Done, en sé démulti-
m esse. Et hoc est quod dicitur vidit deus quod
pliant, le bien viendrait a manquér absolument et de
bien et d'etre, si par la bénédiction de Dieu, c'est-a-
·a. Dt 6, 4: Ga 3, zo .. dire par la vertu de l'un, il n'était contenu et préservé
dans l'etre. Et c'est ce que veut dire Dieu vit que cela
§ 11 3 1. A a., Pf?ys. 111, 6, zo7 a 13.
z. AR., _Def'!lm.e, 11, 4, 4 IS b 3-7.
3· Cf. d-dessus; § 89 .. § II4 r. PRocr.us, Elem. Theol., 1 (Trouillard, p. 61).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16 383
esset bonum. Sed ne multiplicatione caderet a bono, était bonb. Et pour que la multiplication n'entraimit
benedixit dicens : crescite et multiplicamini. Sua bene- pas une chute hors du bien, il bénit et dit : Croissez et
dictio est sua in se uno conservatio sive manutentio, multipliez. Sa bénédiction est de conserver et de
ne defluat omne quod multum est et quod multipli- maintenir (toutes choses) en lui qui est un, pour que
catur. Omne enim agens physicum agencio patitur et tout ce qui est multiple et s·e multiplie ne (finisse) pas
per consequens «abicit a substantia» et deficit, nisi par sombrer. En effet, tout ce qui agit naturellement
benedictione dei praeveniatur eo modo quo dicturil patit en agissant et, par conséquent, «perd en subs-
es t. tance2» et défaille si la bénédiction de Dieu ne l'en
empeche de la fac;on qu'on a dite.

Faciamus hominem ad imaginem L'homme image de Dieu.


et similitudinem nostram. Faisons l'homme -¡ notre image et a notre
115. Auctoritas ista a diversis sanctis et in diversis ressemblance ( 1, 26).
locis tractata est, et de ipsa notavi diffuse super illo : 115. Cette autorité a été expliquée par divers
« Qui est imago dei invisibilis a», Col. 1, et in Opere docteurs en divers traités. Je l'ai exposée en détail a
quaestionum, ubi de imagine quaeritur. pro pos de Col. 1 : «(Le Fils) qui est image du J?ieu
Quantum ad nunc autem sciendum quod creatura invisible a», et dans mon (]Juvre des questions en trattant
rationalis sive intellectualis in hoc differt ab omni de l'«image» 1• .
creatura quae citra est, quod ea quae citra sunt A présent il faut savoir que la créature rationnelle
producta sunt ad similitudinem eius quod in deo est ou intellectuelle difiere de toute autre créature qui lui
et habent ideas sibi proprias in deo, ad quas ·facta est inférieure en ce que l'inférieur est produit a la
dicuntur, sed ratioñ.es determinatas ad species dis- ressemblance de ce qui est en Dieu et n'a de corres-
pondánt en Dieu que cette Idée d'apres laquelle il est
'b. Gri 1, z x. . § 115 a. Col 1, 15. dit etre créé. Une Idée (de ce type) est spécifiquement
déterminée et est relative a la réalité créée (infra-intel-
i.. AR., Top., VI, 6, 145a 4 (Tricot, p . .25 3). Eckhart interprete
ici tres librement un passage .qui dit que « toute affection, en
devenant plus íntense, défait la substance de la chose». d' Aq. (/11 P. q. 93 a. 3-4), sur la nature intellective comprise avec
. § 1x5 1. Ces docteurs sont nommés au § x ci-dessus. Le les grands philosophes (l'intellect en Dieu et chez l'homme était
Comm. SIIT' Coloss. n'est pas connu, mais indications ci-dessous alors le theme d'un grand débat). Voir ci-dessous § 18 3, 18 5,
§ zoz, 301; Parab. Gen.§ 140, 15 3, 193 et 194; Comm. Sag~ § 143; 188, 197, 301; Parab. Gen.§ 113, 138-139, zoo; Comm. ]ean § Io,
Qu. Paris. II § 7; Comm. ]ean § .23s; Serm. lat. 49/z, § 509-pz. 141, 318; Comm. Ex.§ 163, ZZ4, zn; Comm. Sag. § 32; Serm.
Eckhart utilise aussi, en plus des Senlences de P. Lombard (1 d 3) al/. 2 (DW 1, p. 3ZS; Ancelet I, p. 54S); r6a (p. zs8s; Ancelet I,
et des _ll.uteurs qui. y sont allégués, les Postilles d'Hugues de p. 144s); 20a (p. 333; Ancelet I, p. 175); 2ob (p. 348; Ancelet
Saint~Chei. Id ii insiste, a la suite de Maimonide et de Thomas p. 18o). ·
EXPOSITIO. LIB.' GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, :t6.

tinetas ah invicem•in: natura, natura vero intellectualis leetuelle) eomme a une essence spécifiquement dis-
ut sic potius habet ipsum -deum similitudiriem quam tincte2 . .Tandis que chaque nature intellectuelle a,
aliquid quod in deo sit ideale. Ratio huius est quod comme telle, plutót pour modele Dieu lui-meme et
«intellectus ut sic est; quo est omnia fieri», non hoc non pas simplement une Idée di vine 3. La raison en est
aut hoc determinatum ad speciem. Unde secundum que l'intellect, comme tel, est «ce grace a quoi (le
philosophum « est quodammodo omnia » et totum sujet connaissant) devient toutes ehoses4» et n'est pas
ens. Unde- Avicenna IX Metaphysicae c. 7 sic ait : (simplement) tel ou tel etre spécifiquement déterminé.
« Sua perfectio animae rationalis est, ut fiat saeculum En effet, l'intellect, d'apres Aristote, «est d'une eer-
intellectuale et describatur in ea forma totius », taine fac;on toutes ehosess», et l'etre en sa totalité.
« quousque perficiatur in ea dispositio esse. universi- Avicenne }'explique ainsi au livre X de sa Mitaphy-
tatis et sic transeat in saeculum intellectum, instar esse . sique: «L'aeeomplissement de l'ame rationnelle est de
totius mundi». Hinc est quod horno proeedit a deo devenir monde intelligible, que vienne s'inserire en
«in similitudinem » divinae · « substantiae », .propter elle la forme de tout (l'etre)», «au point que s'y
quod eapax est sola intellectualis natura perfectionum imprime de fac;on parfaite 1' ordonnancement de tout
substantialium divinae essentiae, puta scientiae, sa- l'etre de l'univers6».
pientiae, praesidentiae, dispositionis entium et provi- De la vient que l'homme procede de Dieu a la
dentiae et gubernationis aliarum creaturarum. Et hoe ressemblance de sa réalité substantielle 7 : e' est que la
est quod hic dicitur : faciamus hominem ad imaginem nature intelleetuelle est seule eapable de reeevoir les
et similitudinem nostram, non alicuius nostri, et perfections substantielles qui appartiennent en propre
a 1' essenee di vine, á savoir : la scienee, la sagesse, la
préséance sur tous les etres, le pouvoir d'en disposer
2. Sur les ldées divines créatrices, voir ci-dessus § 4s, 68, 78, et le gouvernement providentiel du reste des créa-
82s; Parab. Gen.§ 47-6z; Comm.Jean§ us, 138, 194, 5145· turesB.
3· Voir Comm. ]ean, §549; Serm. al/. 24 (DW 1, p.415;
Ancelet 1; p. zo6). · Ici il est done écrit : Faisons l'homme anotre image et
· 4· ARISTOTE, Traité de l'áme, 111, e~ 5; 430 a 14. a notre ressemblance, et non «a la ressemblanee de
5· /bid., c. 8, 431 b 21. THOMAS d'AQ., /~P. q. 54 a. 2. Voir
ci-dessus § 6. .
6. AVICENNE, Líber de Phi/os. Prima, IX, c. 7 (Van Riet, 11 · M-R. PAGNONI-STURLESE, «A propos du néoplatonisme d'Albert
p. 510, 72s). Eckhart s'appuie probablement sur THOMAS d' AQ., le Grand», /bid., p. 635,654, notamment p. 6425.
QD de veril. q. 2 a. 2 Resp. éd. crit. 122-129) et q. 20 a. 3, Resp. 7· «Ressemblance de sa réalité»: AviCENNE (ibid., lin. 83),
(75-83). Poúr la conception de l'homme comme monde intelli- mai5 en substituant «réalité substantielle de Dieu» a «réalité
gible, l'emprunt a Avicenne se double de réf. ad'autresauteurs: subs. du monde». Voir Parab. Gen.§ 113, 139s, 153; Comm. Ex.
voir E. ZuM BRUNN, «Ma1tre Eckhart et le nom inconnu de § 277· . .
l'ame», Arch. de phi/os. 43 (198o), p. 655-666, surtout p. 664s. 8. Eckhart ploie a son propos (l'homme image de la réalité
Albert le Grand, f<?ndateur de l'école dominicaine de Cologne, substantielle de Dieu) la réfutation par Augustin (développée
insp~_re ~es e_it]prunts d'orientation néoplatonicienne également par P. LOMBARD, Sent., 11 d. 16,. c. 3 p. 4075) de la théorie
repérables chez les confreJ:"es . Precheurs d'Eckhart : voir référant l'homme a une seule des trois Personnes divines.
EXPOSITIO UB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE t,, 2.6 · 387

sequitur : « praesit piscibus maris et volatilibus quelque chose qui est contenu en nous ». La suite dít. :
caeli ~t bestiis universae terrae »; et sequitur : {r¡ue 1'homm~) commande aux poissons de la mer, aux
«creavtt deus hominem ad imaginem suam» non ozseaux du ctel, aux betes, a toute la terre. Et encore :·
alicuius sui; «ad imaginem dei», non alicuius i~ deo. Dieu a créé i'homm~ ason image a lui, .non a l'image de
Et Augustinu~ dicit quod anima «eo imago dd est, quelque chose qut se troq,.ve en Dteu. A J'image de
quo capax det» est, capax perfectionum substantia- Dieu, non a la ressemblance de ce qui serait en Dieu.
lium .prop~iarum divin~e s~bstantiae, puta sapientiae, .Augu,stin écr,it :«Ce qui fait que l'ame est image de
provtdenttae, gubernattorus et praesidentiae seu do- ~teu, ~ ~st qu elle est capable de Dieu 9», capable
minii super omnia, quae citra hominem et intellectum d acquertr les perfections substantielles propres a
:mnt. Hoc est ergo quod hic dicitur : faciamus hominem 1'e.ssence divine : sagesse, providence, prudence ad-
ad imaginem et similitudinem nostram. mtnjstrante, préséance et maítrise sur tout ce qui est
J?e r~tione enim i~ag01s est quod sit expressiva en de~a de l'homme st de l'intelligence 1o. Tel est le
tottus etus plene, cutus tmago est, non expressiva sens du présent passage: Faisons l'homme anotre image
alicuius determinati in illo. Hinc est quod Graecus et a notre ressemblance.
vocat hominem microcosmum, id est minorem Il est de la raison de l'image de manifester pleine-
mundum. Intellectus enim, in quantum intellectus ment la totalité du modele dont elle est l'image, mais
est similitudo totius entis, in se continens universi: non pastel élément déterminé (pris isolément) en lui.
tatem en~um, ~on hoc aut illud cum praecisione. C' est pourquoi les penseurs grecs appellent l'homme
Unde et etus obtectum est ens absolute, non hoc aut microcosme, c'est-a~dire petit monde tt. En effet,
illud tantum. l'intellect, en tant que tel, est similitude de la totalité
de l'etre : il contient en lui-meme l'universalité des
et~es~ ~ais_non celui-ci ou celui-la considéré a part12,
Atnst 1 obJet propre de l'intellect, c'est l'etre pris
absolument, et non pas seulement celui-ci ou celui-
9~ AuGUSTIN, La Trln. XIV, vm, 11 (BA 16, p. 374, trad. Ia 13,
P. Agaesse). Voir Serm. al/. Iób (DW I, p. 264s; Ancelet I,
p. I48S).
Io. Eckhart explicite la dignité de la nature intellective chez
l'homme par les grands attributs divins tels que la tradition
c'e~t-a-dire petit monde.» (HADOT, M. v'ietorinus, p. 358, 6).
théologique les exposait (P. Lm.mARD, Sent. I, d. 35, c. 1 n° 1 et
Vou Comm. Sag. § 13 (réf. i Grégoire le Grand).
c. 7 no I, R· 254s; ,THOMAS ~'AQ., ¡ap; <;!· 14 et q. 22-23). 12. Reprise probable de THÓMAS d' AQ., ¡a P. q. 79 a. 2; In
11. Le theme de 1homme m1crocosme etalt courant depuis le
xue s. : voir le Microcosmus de Geoffroy de Saint-Victor étudié Sent. III d. 14, a. 1, Sol. ll (Moos n° 34). DIETRICH de FREIBERG,
De ~ntellectu et i~t~lligibili, II c. 1 (Mojsisch, p. 146s) _et De visione
par PH. DELHAYE. Hérité de l'antiquité grecque, il était connu
beatif. I, 1, 4 (t~id. p. 2_8s), expose une sentence proche. Voir
par M.a~r~be, l.sidore. d~ Séville, Grégoire de Nysse (traduit par
Scot Er1gene), Chalctd1Us traducteur du Timée, et, sous le nom
B. MoJSIS~H, pte Theorte des lntellekts bei Dietrich v. Fr., p. 46s. ·
13. Vmr ct-dessus Pro/. gén., § 9; Pro/. Oeuvre Prop., § 3;
de ~pece (PL64; 907 B), par Marius Victorinus, De diflin. :«Les Comm. ]ean § 677. ·
Grecs· .définissent comme suit : l'horrime est un microéosme ,
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, z.6

116. Adhuc autem notandum quod Rabbi 'Moyses 116. ·n faut encare noter id ce qu' enseigne Ma1mo-
. l. I c. 2. sic ait : «lntellectus, quem elargitus est deus nide, livre I, chap. 2. : «L'intellect dont Dieu a doté
Adam primo, ipse est postrema eius perfectio, quae Adam des le príncipe est la perfection supreme qui
fuit in Adam, antequam peccaret. Et ratione huius était en lui avant la faute. C'est en raison de cet
int~llectus dictum est de eo quod creatus est "ad intellect qu'il est dit qu' Adam fut créé a l'image de
imaginem dei", et mediante illo locutus est deus cum Dieu. C'est grace a cet intellect que Dieu s'est
eo », « et intellectus fuit in ipso in fine perfectionis. » entretenu avec lui», «dont l'intellect a été d'emblée
« Propter quod dictum est : "minoras ti eum paulo pro mu a la perfection supreme)) t. (( C' est pourquoi il
minus ah angelis"a. » est dit : "Vous ne l'avez qu'un peu abaissé en dessous
Quod autem dicitur faciamus in plurali, Rabbi des anges a". »
Moyses sic exponit, ditens quod « intelligentiae » Le pluriel Faisons est expliqué ainsi par Ma1mo-
secundum Aristotelem et secundum nos «angeli nide : «Les Intellig~nces séparées » selon Aristote,
medii sunt ínter creatorem et entia alía et eis median- «les anges » selon la Bible, « sont intermédiaires entre
ti bus moventur caeli, quorum motus est causa omnis le Créateur et les autres réalités. Elles meuvent les
generationis et generabilis», «nec invenies opus ali- spheres du del dont le mouvement est cause· de toute
quod quod creator fadat nisi per manum angeli ». Et génération et de tout ce qui est engendrable. Tu ne
secundum hoc, ut didt, exposuerunt «sapientes» hoc découvriras aucune reuvre que le Créateur accom-
quod hic didtur: <<jaciamus hominemJ>, «quia hoc est plisse sans la main de l'ange. C'est pourquoi des sages
sermo multorum, quasi non faciat creator aliquid, ont interprété l'expression Faisons fhomme comme un
donec videat illud in coetu superiori. Et debes mirari langage tenu par plusieurs sujets, comme si le Créa-
in dictis istis; sed vide quod Plato locutus est similiter teur n'opérait ríen qu'il ne l'ait d'abord examiné de
dicens quod creator videt in saeculo intellectuali et ex concert avec des esprits supérieurs. Cela mérite notre
ipso produdt entia». admiration. Et pourtant (dit encare Ma1monide), une
formule similaire se lit chez Platon assurant que le
Créateur considere toutes choses dans un monde
117. Sapientes .«etiam dixerunt» «quod creator
intelligible et qu'il produit les etres apartir de lui.))
nihil fadt, donec consilium habeat cum coetu supe- 117. (Ma1monide écrit encare): «Des sages ont
riori». Alibi «etiam dixerunt» sapientes quod deus aussi pensé que le Créateur n'accomplit rien qu'avec
«ipse et capitulum eius convenerunt super quolibet l'approbation du conseil supérieur.» Et plus loin.:
«Ils ont également dit que Dieu et son consetl
a. Ps 8, 6.

de Malmonide, Eckhart ajoute celui de la doctrine théologique


1. MAlMONIDE, Cuide des égarés, 1 c. 2 (f. 5v 3 5s; M un k, 1 du savoir surnaturel infus dont Adam fut doté (cf. P. LoMBARD,
p. 38:s)~y-conipris Ps 8 :.«la perfection supreme». Au sens hérité Sent., 11 d. 23, c. 3, p. 448s). Voir ci-dessous § 192.
39° EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 26 391
membro, quod est in homine, et pos~eru~t illud i~ se sont entendus au sujet de chaque membre qui
sua compositione». «Nec est intent~o, ,stcut stultt est en l'homme et l'ont disposé dans son organisme. »
putant, quod creator loquitt1:r vel c?~ltat» «et h~bet « Contrairement a ce qu' ont imaginé des insensés, le
adiutorium aliorum extra se m constlus, sed ommum sens de toutes ces formules n'est pas d'affirmer que le
istorum expositio est quod singularia entium et Créateur parle ou réfléchit», (... )«ni pour ses desseins
omnia membra animalium», «secundum quod sunt, recoure a l'aide d'autrui. C'est bien plutót de déclarer
sunt quidem medianti bus angelis ». Hucusque verba que chacun des etres et chaque membre chez tout
Rabbi Moysis. vivant» (... ) «tel qu'il a été créé existent par !'entre-
mise des anges». Tel est l'enseignement de Ma1-
monide1.
n8. Augustinus etiam III De trinitate c. 4 dicit 118. Augustin, d~_ns la Trinité, livre 111, chap. 4,
quod « corpora crassiora » «.per subtiliora » « 9-':lodam explique que les corJ?s les plus lourds sont hiérarchi-
ordine reguntur», et «omma co~pora per sput~um», quement gouvernés par les plus · subtils, que tout
et spiritus inferiores per superwres.»,. ac «';!~~~~rsa corps l'est par l'esprit, que tout esprit iriférieur l'est
creata per creatorem». Et in~ra: ~<~1~11 ~t.v~s.tbthter par un esprit supérieur, et (de fac;on générale) toute
et sensibiliter, quod non de mterton, mvtstbth atque créature par le Créateur. Un peu plus loin, il déclare:
intelligibili aula summi im~eratoris aut iubeatur aut «Rien de visible et de sensible ne se produit sans que
permittatur. » Haec Augustmus. du fond de son invisible et immatériel palais le
souverain Maitre en ait donné 1' ordre o u la permis-
sion t. » Voila ce que dit Augustin.
119. Quod autem dixeru~t sap~entes,
« quod. cr~a­ 119. Concernant l'affirmation des sages que «le
tor nihil faciat donec videat tllud m coetu supenort », Créateur n'accomplit rien qu'avec l'approbation du
et quod dic~t alii, quod deus «et capitulum eius conseil supérieur», et celle que «Dieu et son conseil
convenerunt super quolibet membro» hominis «et se sont entendus au sujet de chaque membre» de
posuerunt illud in sua c<?mpositione», sic verum. est, l'homme <<et l'ont disposé dans son organisme», la
quia unumquodque enttum et mem~ror~m am~~­ vérité est que Dieu produit chaque etre et chaque
lium operatur deus secundum convementtam apttsst- membre de l'animal dans une parfaite conformité et
mam et correspondentiam partium participalium, concordance avec les constituants principaux, pri-
primariar~m, essentialium universi. Verbi gratia : mordiaux et essentiels de l'univers. Par exemple: le
domificator intendit determinatam mensuram et figu- maitre d'reuvre, pour la maison qu'il édifie, a dans

§ II7 ':.· M,A_IMQNIDE, !bid., II c. 7 (f. 43f 25S; Munk, c. 6, II § II8 1. AuGUSTIN, la Trin. III, IV, 9 (BA 15., p. 288; trad.
p. 68s}·· M. Malet et Th. Camelot, p. 289).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 26·. 393

ram in domo quam facit. Item intendit certum !'esprit une figure et une mesure déterminées. Aux
p~rties essentielles requises pour parfaire une maison,
~u~erum et certam mens~uam in partibus essen-
ttaltbus, q~ae per se r~qutruntur ad perfectionem tltmpose un nombre précis et une mesure précise. Le
do~us. Alta autem omma, puta numerum lignorum, r~ste, par .exemple.:. matériaux, poutres, pierres, mor-
laptdum, caementi et similium, eligit et assumit tter, etc., tl en chotstt et fixe la quantité en conformité
secundum convenientiam et correspondentiam ad et concordance avec ces parties principales 1.
partes principales. no. Toujours sur Faisons. D'apres les interpretes,
le verbe Faisons signifie que l'homme, a la différence
~~$ autres cré~tures, est créé en une dignité particu-
120. Rursus faciamus. Dicunt expositores ex hoc
verbo j~ciamus si~nificari hominem pro sui dignitate here, celle qut découle d'une délibération divine t.
prae alus creaturts factum quasi ex consilio divino. C'est vrai, mais a condition de l'entendre comme
ce~i: l'ho~me est créé d'apres délibération paree que
Quod quidem verum est, si intelligamus hominem
factum de consilio, quia fecit ipsum consiliativum Dteu l'a fatt capable de délibérer. Le Siracide écrit :
secundum illud Eccli. 1 5 : « Deus ab initio ~onstitui; «Au commencement Dieu a constitué l'homme et l'a
l~is~é, dans la main de son propre conseil a.» Une
hominem et reliquit eum in manu consilii sui a.» In
«re bus~> enim, quibus « praefigitur virtus operativa realtte dotée d'avance d'un pouvoir opératif limité a
determtnata ad unum», «non agunt» libere nec «a se une seule chose ne possede pas d'agir libre ou
ipsis», sed «ab altero diriguntur in finem», secundum autonome : son orientation vers une fin lui vient d'un
illud Themistii : tota natura agit tamquam rememo- autre. Thémistius !'explique ainsi: la nature entiere
rata a causis altioribus, sicut sagitta dirigitur a sagit- agit comme si elle se souvenait sous l'influence de
causes supérieures, a la fa~on dont la fleche est guidée
tant~.. Horno ~u~em «per_ liberum arbitrium, quo
constltatur et eltgtt», ex se tpso forma sibi inhaerente par l'archer 2 • L'homme, lui, se dirige de lui-meme
in finem dirigitur. Propter quod «signanter dicitur» : vers sa fin grace a une forme intériorisée et au libre
«deus constituit hominem .et reliquit eum "in manu arbitre qui permet délibération et choix. Il est done
consilii sui"». Unde et «Damascenus dicit» quod écrit avec pertinence : ~<Die u a constitué l'homme et
«horno ad imaginem factus dicitur, secundum quod per l'a laissé dans la main de son propre conseil. »
C'est pourquoi Jean Damascene, lui aussi, écrit :
«L'homme est dit créé a l'image (de Dieu) du fait
a. Si 15, 14.

§ 119 1.Voir ci-dessous § 153; Comm. Sa~. § 36, 72, 238.


§ 120 1. Vulgarisé par la Glose, B:EDE, In Gen., c. 1
§ 518 -, s'efforce de dépasser l'opposition d' Aristote aux Idées
selon Platon. L'exemple de la fleche est sans doute repris de
(CC 118 A, 724s) allegue l'idée de délibération. Glossa ordin. in/,
Thomas d'Aq., qui l'utilise souvent pour rendre raison du
26 (Lyra~lU~, ~· 28a); Postille d'Hugues, f. 3 rb et va).
gouvemement divin dans la nature infra-intellective (cf. / 0 -/f'U
2._,Themtstlus, ·connu a travers AVERROES, In Metaph., XII
q. 1, a. z; ScGent. III, c. 24; ¡o P. q. 2, a. 3; q. 103, a. 1 et a. 8).
comm. 18 (f. 325r C) - cf. Parab. Gen. § 203 et Comm. Jean
·-·.
, .
.'A-~·-·,;r:

394 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 26


t, 395
imaginem significatur intellectuale, arbitrio liberum qu"'image" signifie faculté d'intellection, libre ar-
et per se potestativum » et « suorum operum princi- bitre, libre disposition de soi, príncipe d'opération
pium» et «habens suorum operum potestatem». Hoc propre et pouvoir d'agir3. »
est ergo quod hic dicitur : faciamus hominem ad ima- Voila ce que signifie le passage Faisons 1'homme a
ginem nostram et : «praesit piscibus» etc. De hoc non notre image ( ... ) et qu'il commande aux poissons, etc. Non
sic intelligendum est, quasi deus « creavit homines qu'on doive entendre que Dieu ait créé I'p.omme
proptei hoc, sed narravit naturam» hominis, «quae uniquement pour cette domination. Par la l'Ecriture
habet potentiam, ut possit» prodesse et «praeesse» indique seulement la nature de l'homme. Celui-ci a le
omnibus quae citra se sunt, ut ait Rabbi Moyses l. III pouvoir de commander et de veiller sur tout ce qui lui
é. I 3· est soumis, comme le montre Ma1monide4.

La maítrise de l'hómme sur l'univers.


Et praesit piscibus maris. Qu'il commande aux poissons de la mer (aux
oiseaux du ciel, aux betes, a toute la terre, aux
121. Notandum quod horno a principio creationis
reptiles ... 1, 26).
accepti praestantiam naturae excellentiorem prae aliis
·creaturis mundi inferioris : et praesit ait. Secundo 121. 11 faut noter que l'homme, des le príncipe de
accepit consequenter dominium super illa, cum sa création, re<;ut une préséance de nature qui l'éleva
dicitur: «et dominamini piscibus maris». bien au-dessus des autres créatures de ce monde
Circa quod notandum quod naturaliter in ordine inférieur. C'est la raison de cette parole : Qu'il com-
naturae supc;:riora dominantur et regulant inferiora, mande ... Deuxiemement: En conséquence, i1 a re<;u
inferiora vero naturaliter oboediunt et subiciuntur domination sur elles, car il est écrit : Qu' il commande
superioribus suis.
~ .
Ratio huius est, quia ordo rerum aux poissons de la mer...
On observera qu'il s'agit ici d'une loi de nature:
les etres qui sont supérieurs du point de vue de leur
3· jEAN DAMASCENE, De la joi orth., trad. lat. Burgondio nature doininent les etres inférieurs et les gouvernent,
(Buytaert, C. 26, 23s, etc. 39, 35s), cité probablement a la suite ta"ndis que les etres inférieurs leur sont soumis et leur
de. THOMAS d'AQ., ¡a_¡¡ae, Pro/., comme }'indique la formule per obéissentl. La raison en est que l'ordre propré aux
se potestativNm absente de la version de Burgondio mais assez
surement empruntée par Thomas a N:EM:Esms, De la nature de
l'homme (c. 39-40, PG 40, 761s) et insérée dans la citation de
Damascene en ft1-Il11e (Pro/.). . . par AuGUSTIN, La Gen. au s. litt., V, c. 20-23 (BA 48, p. 43os);
4· MAlMONIDE, ibid. III c. 14 (f. 78r 3os; Munk, c. 13, III, VIII, c. 2.3-2.6 (BA 49, p. 74s); par THOMAS d'AQ., qui amplifie
p. 94)· . . le probleme avec appui sur Denys, (cf. QD de veril. q. 5, a. 8-9;
¡a P. q. 93, a. 6; q. 110, a. 1; ScGent. III, c. 77-79). Voir
§ IZL 1. P~stul~e par les philosophes de l'antiquité, l'unité de ci-dessus Prol.gén. § 1o; ci-dessous § 230; Parab. Gen.§ 203, qui
l'univers -dans le gouvernement de la Providence était évoquée se fonde sur le L. de causis, prop. 9· ·

J.
¡
¡¡···
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 26 397
creatarum est nexus et unitas ipsarum et unitas etres créés réside dans leur connexion et leur cohé-
universi. Unde omne quod est nititur conservare rence dans l'unité de l'univers. De la vient que
suam unitatem sicut suum esse, ut dicit Boethius tout ~tre s'applique a conserver son uni_té, laqu~lle
III De consolatione. Et omne quod est . ordinem est príncipe de son etre, co~me 1'expl~~ue, Boece
servare naturaliter conatur. « Est enim quod ordinem au livre III de la Consolatwn 2 , et qu 11 s efforce
retinet servatque naturam; quod vero ab hac deficit, par nature d'assurer cet ordre universel, c_omme
esse, quod in sua natura situm. est, dere!in9u_it», le montre encare Boece au livre IV : « Est (vratment)
ut ait Boethius IV De consolattone. QUia tgttur celui qui observe et respecte l:or~re de l~pature; ~e~uf
horno praeest et praecellit in _or~ine rerum crea~a~um qui s'en écarte et le méconnatt deserte 1 etre destme a
corporalium, consequenter 1ps1 debetur dommmm sa nature3. » Comme done l'homme a préséance et
super illa. maitrise dans l' ordre des créatures corporelles, la
122. Iuxta quod sex sunt notanda. Primo, quod domination sur elle~r''lui appartient 4 •
omne animal naturaliter subicitur homini. Propter 122. Six conséquences sont a noter ici. I. Pa~
quod frequenter videmus quod unus horno, etiam nature tout animal est soumis a l'homme 1 • Auss1
parvus et iuvenis, pascit et deducit et praeest ~uber­ voit-on' souvent qu'un seul homme, meme " .Jeune et
nando multis pecoribus iumentorum et besttarum. faible, fait paitre, conduit et gouverne ~out un t~ou­
Parvulus etiam si imponatur dextrario permaximo, peau de betes de somme ou d'autres an_tmaux. ~et?-e
regulat ipsum et freno deducit. . un petit gan;on monte un énorme destrter, le mattnse
Secundo notandum consequenter quod passto tur-
et le conduit par le frein. .
bat ordinem ex natura sua. Dominando enim rationi, 2. Par nature, la passion trouble l'ordre. E~ domt-
cui naturaliter deberet subesse, utpote superiori, nant la raison a laquelle par nature .elle dmt res ter
ordinem non servat, sed violat et turbat et pervertí t.
soumise comme a son supérieur, elle ne respecte pas
123. Tertio notandum iterum consequenter quod l'ordre, mais le viole, le trouble et le pervertit 2 •
propter hoc bruta animalia, quando provocantur
123. 3· Il en résulte que~ quand o~ les provo9ue
aut alias in passionibus suis fuerint, ~icut vide~us, ou qu'elles sont agitées d'autres passtons, les betes
homini non oboediunt, utpote deordmata passwne, brutes n'obéissent plus a l'homme, alors q~'av~~t
cui prius ante passionem deordinantem ad nutum d'etre ainsi perturbées par la passion, elles lut obets-
oboediebant. saient au moindre signe.

§ 1 zz 1. Résumé de THOMAS d' AQ., ¡a P. q. 96 a. I.


2. BoECE, Consol. Phi/os., III, prose II, no 9 (CC 94, p. 57). 2. AuGUSTIN, De Gen. c. Manich., I, xx, ; 1 (P L ;4, 1 87s) :_la
;. !bid. IV, prose 2, n° ;6 (p. 68-69). domination sur les animaux signifie, au sens ~oral, la mattnse
4. ~<Dqmin.i\lm .sur tout~ la terre»: outre la Glose, P. LoM- sur les passions animales. Postille d'H. de Satnt-Cher, f. ;vb.
BARn; Sent. II, d. 15 c. 5 n 1 (p. 402). · Voir Parab. Gen. § 15 5s, 196.
COMMENTAIRE DE GENESE 1, z6 · 399
398 EXPOSlTlO LlB. GENESlS .
, 4· Que la pa~si?n trouble l'ordre et le dérange,
Quarto ?otandum quod et in hoc ipso, quod passio
turbat ordtnem et non servat, ordo servatur univer- e est conforme a 1 ordre du monde tel que Dieu l'a
constitué. Carla sensibilité, da:ns ces passions et chez
salis rerum et a deo institutus. Fit autem sensualitas in
ceux qu'elles dominent, a pris le dessus sur la raison.
talibus passionibus et passionatis superior ratione.
Or l'ordre de la nature, c'est, comme on l'a dit qu~ le
Hoc autem naturale, ut superiU:s dominetur inferiori
supérieur commande a l'inférieur. '
ut dictum est. '
124. 5. 11 en découle manifestement que la passion
124. Quinto notandum ex praemissis manifeste
n'~ntre pas .dans la raison ni, par conséquent, dans ce
9uod passi<;> ?on cadit in ratione nec per consequens
qut, est rat!onnel en tant que .teP. C'est" pourqtioi
tn rat~onah ti?- quant~m huius.~odi. Propter quod
~oece, au. hvre IV prose,3, quahfie l'homme en proie
Boethms homtnes pass10natos dtctt non esse homines
a !a passton non pas d homme, mais de bete sans
sed be.stias irrationales, l. IV prosa 3, secundum illucl
ratson 2. C'est ce que dit le Psaume: «L'homme tant
Psalmt : «Horno curo in honore esset, non intellexit. qu'il était en honneur, ne l'a pas ·compris. 11 'a été
Comparatus est iumentis insipientibus et similis
comparé aux betes qui n'ont aucune raison et illeur
factus est illis a. » est devenu semblablea. »
12,. Sexto notandum moraliter quod dominari 125. 6. Au sens moral: dominer autrui ne se
ceterts non meretur nec debet cui passiones domi-
méri~e, pas et ne d<?it pas etre confié a qui est
nantur. Nec etia~ d,~minari debet.ceteris quicumque domtne par des pass~ons. Et qui n'excelle pas par
non praeest ce~erts vutute perfect1or et praestantior,
une .vertu plu~ parfatt~ et. plu,s . ~levée~ ne doit pas
Ecch. 7 : «Noh quaerere fieri iudex, nisi valeas vir- dommer autrutl. Le Stractd~. ecrtt: «:N'ambitionne
tute irrumpere iniquitates a.» Simonides ait : « Stul-
p~s; d'obtenir la· charge de juge, de peur de manquer
~um est, ut velit q~is im.perare ceteris, curo sibi ipsi
de· force pour supprimer l'injusticea. » Simonide : « n.
tmperare non posstt. » Htnc est quod « Abraham », id
est i~~ensé de vOuloir ·commander aux· autres quand
est « pater J:?ultarum » sive multorum, prius dictus est
on n est pas capable de commander a soi-meme. »
«A~ram.», td est «pater excelsus h», scilicet per vitae
C'est pourquoi Abrahain, c'est-a. . dire. "pere d'une
emtnenttam, antequam pater multorum cOnstituere-
multitudeh", fut, avant d'etre ainsi constitué d'abord
tur. Et hoc est quod salvator, voleos Petrum caput
appelé Abram, c'est-a~dire "pere excellent",' a savoir
excellent par l'éminence de sa vie2.
C'est pourquoi le Sauveur, voulant établir Pierre

§ l2.S Voir Comm. Ex.§ s-7; Comm. Sag. § I; Comm.Je~n


I.
§ 12.4 1. Voir ci-dessous § 22.0, avec ARISTÓTE, Phys. VII,
§ 419-42.0. . . . .
c. 3, 2.47 h1s. Cf. Comm. Sag. § 9; Serm.lat. r2j2, § 14o; Ió, §163s. 2.. AuGUSTIN, la Cité de Dieu, XVI, XXVIÚ (BA 36, p. 2.82.; cf.
z..)3oE<:E,.(:onso~. IV, prose 3 n° 2.1_ (P· 72.), qui n'allégue pas
note 2.8 de G. BARDY, ibid. p. 72.5).
le Ps 48, ce que falt BEDE, In Gen., rbid. (p. 8o4s).
400 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 2.9 401

ecclesiae statuere, ait illi : « Simon Iohannis, diligis comme chef de l'Église, lui a demandé : « Simon, fils
me plus his?», Ioh. 21 c. Excelsior enim debet esse de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci?» Jn 21 c. Il doit
caritate, qui ceteris praeficitur dignitate. In horum etre plus éminent en charité celui qui précede les
figura dicitur 4 Regum 2 : « Pater mi, pater mi!» d - autres en dignité. Ceci est dit au figur~ en 4 R, 2 :
bis ait «pater», ut sibi prius, deinde aliis noverit « Mon pere! mon pere! d » D~ux fois Elisée s' écrie
imperandum - et sequitur : « Currus Israel et auriga "pere" : une premiere fois pour exprimer qu'il lui
eius», primo «ctirrus»: exemplo, secundo «auriga»: faut d'abord commander a lui-meme, une seconde
verbo. De quo invenies infra super illo : « Sarai fois pour signifier son pouvoir de commander aux
uxorem tuam» etc., c. 17· au tres. La suite : « (qui étiez le) char d'Israel et son
conducteur»: d'abord "char", qui signifie (comman-
der) par l'exemple; ensuite "conducteur": (comman-
der) par la parole _{raisonnable). Sur ce point on
s'étendra plus loin, iu chapitre 17e: Sara ton épouse ... 3.

Le végétarisme origine/.
Dedi vobis omnem herbamo Et infra : Je vous ai donné toutes les herbes ( 000) et tous
ut sint vobis in escamo les arbres ( .. o) afin qu'ils vous servent de nourri-
126. Nota quam parco cibo humanum genus insti- ture ( r, 29).
tutum c;:st; nondum ipsis carnibus u ti mandatum 1260 On observera que le genre humain est cons-
est. Unde magíster in Historiis dicit quod Christus titué pour une nourriture frugale : il ne lui est pas
non legitur comedisse carnes praeterquam de agno enjoint d'user de chair. P. Comestor, dans son His-
paschali. Et Ovidius poeta hoc ipsum, quod hic toire, dit que l'Écriture ne rapporte pas que le Christ
scribitur de herbis et fructibus arborum ad ves- ait jamais mangé d'autre viande que celle de l'agneau
cendum concessis in prima hominis aetate, describit pascall. Le poete Ovide offre la description que voici
dicens: des herbes et des fruits des arbres qui furent accordés
«per se dabat omnia tellus. en nourriture aux hommes des premiers ages :
Contentique cibis nullo cogente creatis,
«La terre (... ), d'elle-meme, offrait tout.
Contents des vivres qu'elle produisait
c. Jn 21, 15. d. 4 R 2, 12.

3. Eckhart semble condenser, en les amalgamant : 1 Rois 9,2, rappelant que celui-la est chef pour gouverner qui
I. AMBROISE, De Isaac, c. 8 (CSEL p, 1, p. 687, 23s), qui s'est d'abord fait le conducteur de ses propres chevaux.
expose en style platonicien «char et conducteur» comme signi- § 126 r. P. CoMESTOR, Hist. seo/. (Venise 1729), ch. 149,
fiant maitris~ .. de~ chevaux-passions par le conducteur-esprit; p. 669 (PL 198, 1616 B). ÜRIGENE, Hom. sur la Gen., I, 17
2. une glose, telle qu'en note une N1c. de LYRE (II f. 72vb) sur (SC 7 bis, p. 70) affirme qu'a !'origine l'homme était végétarien.
.~
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402. EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 29

arboreos fetus montanaque fraga legebant». Sans contrainte les hommes cueillaient
• ' •
Et Boethius II De consolatione : Les frutts des arbres, les fratses de montagne... 2 »
« Felix < nimium > prior aetas
contenta fidelibus arvis », Au livre II de la Consolation, Boece écrit:
« quae sera sqlebat . «Cambien heureux l'age premier!
ieiu~ia solvere glande». De ses champs féconds il était satisfait (... )
« Somnos' dabat herba salubres, Des glands apaisaient une faim sé~ere, .
potus quoque lubricus amnis ». Une couche d'herbe lui procuralt un sommetl
Eccli. 2.9 : « Initium vitae hominis aqua et panis a.» réparateur (... ), , . .
Nam, sicut Boethius II De consolatione ait, «paucis L'eau courante du ruisseau etanchatt sa s01f3. »
minimisque natura contenta est», et l. III dicit:
«naturae minimum, avaritiae nihil satis est ». Nunc Et le Siracide dit que l'homme tire sa vie du pain et
vero secus est. Cum enim unum nemus multis peco- de l'eaua. Comme dit Boece, au livre II: «La nature
ribus ad esum si ve pastum sufficiat, multa nemora uni se contente de peu et de pet.ites choses 4 »,. et,, au
homini non sufficiunt. Unde Seneca l. X Declama- Iivre III, «A la nature un nen suffit; mats a. 1~
tionum, quasi reddens rationem, quare tot moriantur convoitise rien ne suffitS. » Il n'en va plus amst
homines et subito in aetate adhuc florente, ait : maintenan~. A nourrir tout un troupeau de bestiaux,
« Quidquid avium volitat, quid quid piscium natat, un unique champ suffit, mais de nombreux cha_mps ne
quidquid ferarum discurrit, nostris sepelitur ventri- suffisent plus a nourrir un seul homme. Seneque,
bus. Quaere nunc : cur subito morimur? Mortibus \1.. cherchant une raison au fait que tant d'hommes
vivimus», quasi dicat: quomodo possent homines \' meurent subitement et dans la fleur de l'age, écrit au
diu vivere et non potius mori subito,. quorum vita 1 livre X de ses Controverses: «Tous les oiseaux qui
nutritui mortibus? Quis €nim · unquam gallinam ~ volent c;a et la, tous les poissons qui nagent, toutes les
comedit vivam aut 6vem vivam aut piscem vivum? betes sauvages qui bondissent, tro~vent leur tombea~
Et sic de aliis. ' dans notre ventre. Cherche mamtenant pourquot
l • d
\ nous mourons si subitement : nous vtvons e
\ morts6. » C'est comme s'il disait: Comment .I'hom?Ie
pourrait-il vivre longtemps et n~ pas mo~rtr subtt~­
ment, lui qui de cadavres er:trettent sa .vte ~ On n a
2.. ÜVIDE, Métamorphoses, I, 102.-104 (trad. G. Lafaye, Belles- jamais mangé vifs ni poule, m mouton, m p01sson.
Lettres, I p. 10s). Eckhart écrit «fruit des arbres» la ou nos
textes modernes disent «fruits de l'arbousier».
3· BoE:cE, ibid. II poésie 5 (début; p. 2.8s).
4· BoECE, ibid., II prose 5 n° 16 (p. 2.7). Garnier, II p. 32.9). I1 s'agit d'un exemple d'argumentation que
5. /bid. III, pro~e 3, n° 19 (p. 42. ). · Séneque ne fait pas sien. Cf. Serm. al/. IJ (DW I P· 2.15, 5s;
6. SÉNÉQUE; "Controverses, X, pré[ n° 9 (trad. H. Bor~ecque, Ancelet, I p. 12.7).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31

Vz."ditque deus cuneta quae fecerat, et erant Le bien.


valde bona. ' j
Dieu vit toutes choses qu'il avait faites et elles
1 r 127. Nota: singula quidem erant bona, sed omnia étaient tres bonnes ( 1, 31 ).
·'. 1 simul, cuneta scilicet, erant optima, quod significat li
va/de bona. Dei enim, utpote optimi, est optimum 127. Remarque: chacune des choses était bo~ne,
adducere. Sed si bene consideretur, potest dici quod mais prises ensemble, c'est-a-dire t~utes, elles, étatent
parfaitement bonnes : c'est ce qu affirme 1 expres-
singulum eorum, quae fecit aut quae facit deus, est
optimum. sion : tres bonnes 1.
« C' est le propre de Dieu, Bien par es sence, de
produire ce qu'il y a de meilleur 2. » Chacune des
128. Ubi tria sunt notanda. Primo, quod bonitas et choses que Dieu a faites ou qu'il fait, si on.l'examine
eius ratio totaliter et tota consistit in fine solo et est avec attention, peut é_tre qualifiée de la «medleure».
ídem cum fine ipso convertibiliter. Propter quod 128. Ici trois remarques : 1. Le bien et sa raison
deus, utpote finis omnium, est et dicitur Luc I 8 solus résident totalement et tout entiers dans le seul ordre
bonus a. Ex fine ergo accipit bonitatem omnem quam final. Le bien est identique a la fin et est convertible
habet ens quodlibet citra finem, sicut dieta, medicina, avec elle. C'est pourqU:oi Dieu, paree qu'il est fin pour
urina nihil prorsus habent sanitatis in se formaliter toutes eh oses, est et est dit « seul bon a» Le 18 1• C' est
plus quam lapis vel lignum, sed ab ipsa sola done de sa propre fin que tout étre situé en de~a ~'elle
sanitate, quae in animali est formaliter, dicuntur tient sa bonté. Ainsi, d'apres la nature de l'analogte, la
sana secundum naturam analogiae, qua omnia huius- diete, la médecine, l'urine, qui de soi et formellement
modi tr!lnscendentia se habent ad creaturas, puta ens, parlant ne possedent pas plus de santé que 1~ pierre ou
unum, verum, bonum. le bois, sont qualifiées de salubres du fa1t de leur
référence a l'unique santé quise trouve formellement
a. Le 18, 19.
chez le vivant. Et e'est de la méme fac;on que les
transcendantaux : étre, un, vrai, bien, s'appliquent
§ 127 1. Avec AUGUSTIN, La Gen. au s. litt., III, XXIV, aux créatures2.
(p. 2725); De Gen. c. Man. I, c. XXI (PL 34, 1888); Enchir., 111,
c. X-XI (BA 9, p. n8) cité par P. LOMBARD, Sent. 11, d. 15 c. 9
(p. 404). Voir ci-des8U8 § 13, I I 3-1 14; Comm. S ag.§ 1488, pour la § 128 x. DENYS (Noms Div. e, 2 § 1, 636 C; Dion: 1 p. 5~)
8upériorité de l'unité príncipe de toute perfection; Comm. Jean retient Le 18, 19 comme Nom principal pour Dteu. Vo1r
§ 5138. . . ci-de88U8 Pro/. (Euvre Prop. § 8.
.f 2. Axiome i8su de Platon et dont la pré5ente formulation 2. Sur l'analogie chez Eckhart, cf. Qu. Paris 1, § 11; Comm .
remonte aDENYS, Noms Div., c. 4 § 19 (PG 3. 716 B; Dionysiaca Ex.§ 54; Comm. Sirac. §52-54. Voir A. de LIBERA, Le Prob/eme
1, p. 2 34), traduit par Scot Erigene. 11 e5t 5ouvent repri8 par de Ntre chez Maítre Eckhart. Et Pro/. Gen. § 8 et 19-21; Pro/.
Albert le Grand (In DN, c. 8 § 19, Col. 37-1 p. 374, p8; Oeuvre prop. § 4, 9, 13-15; Parab. Gen.§ 94, 97, 1398, 1 54; Comm.
Metapl;., 1 tr. ;. c. u, Col. 16-1 p. 43, 7-8) et par Thoma8 d' Aq. Sir. § 38; Comm. Sag. § 140, 175s; Comm. jean § 559-562; et
(cf. Jll P. q. 103, a. 1; q. 47, a. 2 ad 1; etc). ci-de880U8 § 68, 17 5.

!1
1
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31

~29. Secundo notandum quod, si tota utilitas sive 129. 2. Si toute l'utilité, c'est-a-dire la fin de la
fims domus non esset inhabitado sive defensio a maison, n'était pas qu'on y habite, qu'on s1y abrite de
turbine et a ~lu~ria, a caumate et frigore, sed sola pura la pluie, de la tempete, de la chaleur ou du froid, si la
voluntas aruficts, tune utique melior esset domus fin de la maison était uniquement de correspondre a la
habens unum pedem i~ la~um et mille in longum, si volonté de l'architecte, en cecas, on pourrait préférer
hoc esset vol~ntas a~ufi~ts, melior, inquam, quam un édifice d'un pied de large mais de mille de long, si
domus quaehbet cumshbet formae aut materiae telle était sa volonté, le préférer, dis-je, a une habita-
contra voluntatem et intentionem ipsius artificis. don de n'importe quelle forme ou de n'importe quel
matériau qui irait contre sa volonté et son intention.

130. Tertio notandum quod, sicut bonitas nostrae - 130. 3. De meme que la bonté de notre volonté
voluntatis dependet a rebus sive ab obiecto et volito dépend des choses,__~ c'est-a-dire de l'objet de la
. ' volonté 1, ainsi mais en sens in verse, toute la bonté
stc e converso tota rerum omnium bonitas dependet
ab .ipsa vo~untate dei. Sicut ergo melior est, qui est propre a!'ensemble de la création dépend de la
ut alt Augustlnus, «unica» quantumvis brevis «oratio volonté de Dieu 2 • Augustin l'enseigne: Un seul mot,
oboedientis quam decem milia contemnentis » et meme bref, dit avec respect vaut mieux que dix mille
melior est actus unicus quilibet in maiori caritate proférés avec mépris3. Est meilleur tout acte, meme
omnibus actibus mundi minoris caritatis, eo quod isolé, qu'inspire une plus ardente charité, plutót que
numerus, magnitudo, longitudo, latitudo, sublimitas tous les actes du monde issus d'une charité moindre.
et profundum a nihil adiciunt bonitatis et meriti sed Nombre, grandeur, longueur, largeur, hautenr, pro-
sol~ caritas est mensura, sic procul dubio omne~ quod fondeura, cela n'ajoute rien de bien ni de méritoire.
fact~ deus et vult ess~, optime est nec posset esse Seule la charité est mesure4. Done, c'est clair, tout ce
mehus quam quod est td, quod deus vult ipsum esse~ que Dieu fait et veut voir etre est supremement bon
et eo modo est, quo deus vult ipsum esse. et ne pourrait etre meilleur; puisque c'est cela meme
qu'il veut voir etre et que c'est de la fa<;on dont il veut
le voir etre.
a. Cf. Ep ;, 18.

XXXII, 35 (BA 11, p. 224); P. LoMBARD, Sent., I, d. 31, c. 2


1. ~:imaut~ de l'objet du vouloir: doctrine qui suppose toute (p. 332) notait encore Hn.AIRE, De synodis, repris au Comm. Sag.
1~ noettque d Ec~hart, laquel!e est visiblement proche de celle § 1 79·
d u~ c~n~emporam~ Godefrotd de Fontaines, marquée par un ;. AuGUSTIN, De opere monach., c. xvn, 20 (CSEL 41, p. 564,
«ObJecttvtsme» radtcal. Voir Qu. Paris. I!, § 6-7; Parab. Gen. ws).
§ 62-63; Comm. Jean § 107s, 232, 508, 677, 681. 4· Cf. ci-dessus § 99· La doctrine de la charité «forme» ou
2 •. _)téf. a -~P ~_, 11 et' a Ps 134, 6 en plus de l'appui sur ·/ mesure de toute l'éthique est traditionnelle depuis Aml?roise et
AuGUSTIN, La Trm. III, n, 7 (BA 15, p. 28os); la Doct. chr., I, '. Augustin.
408 EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31
131. Ultimo notandum circa opus sextae diei quod
ultimo omnium formatus est horno. Ubi duo sunt 1
Préséance de l'homme.
'
notanda. IJI •. Enfin il faut noter, concernant l'reuvre des
Primo, quod universaliter perfectiora et praestan- Six jours, que l'homme .~ut fa~onr~e. , en dermer . 1.
tiora sunt prima in intentione et ultima in exsecu- (Deux) Trois remarques ~ tmposent tel. , . ,
tione. Et quanto aliquid est longius sive posterius ab D'abord, en regle umverselle, une reahte plus
intentione et fine et per consequens minus bonum, parfaite et plus digne est premie~e dans , 1' or.dre de
tanto est prius in exsecutione, posterius in intentione. l'intention mais derniere dans celm de l'executton. Et
Exemplum in domo et quolibet opere artis et naturae. dans la mesure ou une chose est éloignée et posté-
Sic ergo horno, utpote perfectior omni creatura huius rieure dans l'ordre de l'intention et done de valeur
mundi, ultimo omnium formatus est. moindre elle est premiere dans l'exécution, précisé-
ment . p;rce qu' elle ~st dern.iere ~ans l'i?tention 2 •
Exemple : lors de la C:onstructlon d une matson o~ e~
tout ouvrage, soit de l'art soit de la nature .. Amst
done l'homme, paree qu'il est la plus p~rfatte des
créatures de ce monde, fut fa~onné en dermer.
132. /_Fróp~r quod secundo notandum quod, sicut
132. Deuxieme remarque: chacune de~ céréale~
í, ' omne.granupf est infirmitas sive aegritudo deficiens a
forma et pérfectione tritici - propter quod in terris
quibusdam pinguibus et fecundis « siligo seminata »
l
i représente, par rapport a la forme et perfect10n du ble
¡ de froment, une déchéance, une dégénérescence. De
«in tertio anno » convalescit «in triticum » fu gata et \ la vient qu'en certaines terr~s. _grasses ~t ~erti~e~ le
expurgata aegritudine siliginis ex terrae fecunditate - \ seigle qu'on seme pour la trotsteme annee s am~hore
rursus omne metallum infirmitas ac aegritudo est auri
- propter quod alchimistae gloriantur purgata aegri-
j et, débarrassé par la bonne terre de ses defauts
primitifs, devient du froment 1. Ou encore : chacun
tudine cuiuslibet metalli ipsum convertí in verum des métaux est une déchéance et dégénérescence de
aurum - sic eodem modo horno, utpote perfectius l'or. C'est pourquoi les alchimistes se font gloire de
les transmuter en or véritable, une fois leurs défauts
éliminés2. Il en va de meme pour l'homme, animal le
plus parfait de tous, a l'égard des autres animaux, de
§ 13 1 1. Avec P. LOMBARD, Sent., II, d. 15, c. 5 n° 1 (p. 402).
z. Voir Comm.Jean§ 145, 148; THOMAS d'AQ. P-llae q. 1, a. 1
ad 1 ; a. 4; etc.
§ 132 1. D'apres ALBERT leGo., In ]oan. c. u, 24 (Borgnet (Borgnet 5, p. 68a), mais pour la critique.r (e f. p. 69~; et e; 9
z4, p. 418b) et De veget. V, tr. 1, c. 7 n° 55 (Meyer-Jessen, p. 7ob). L'exemple du blé modele du setgle et celm de 1 or
p. 312). Et peut-etre aussi BASILE. de CÉSARÉE, Hom. sur modele pour tous les métaux sont évoqués encore Serm. a/1. ;S
f Hex11(m., Y_ (SC. 26, p. 297s). · (DW II, p. zz8; Ancelet II p. 48s); Parab. Gen. § x8z, 187;
z. 'Théorie -notée par ALBERT, De miner., III, tr. 1, c. 7 Comm. ]ean § P7·
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31 4II
410 EXPOSITIO LIB.. GENESIS
sorte qu'on peut considérer tout· animal comme une
animal ~mniuf!I,. se habet ad alía animalia ita, ut réalité imparfaite et comme une déchéance de la
omn~ ~mmal stt tmperfectum quoddam et aegritudo nature humaine3. Le corps de tout animal, une fois
h.o~t~ts. Propter quod figura omnis animalis exco- écorché ou déplumé, laisse apparaitre une ressem-
rtatt stve deplumati praefert quandam similitudinem blance plus ou moins accerituée avec la distribution
membrorum hominis secundum plus et minus. Hinc des membres chez l'homme. C' est pourquoi Avicenne
est quod Avicenna in Capitulo de diluviis probat et montre et enseigne au chap. Des déluges qu'il est
vult. docere quod natura possit, quamvis per multa possible a la nature, en passant par de nombreux
n:tedta, ex ter~a generare hominem, sicut videmus ex intermédiaires, d' engendrer un etre humain a partir
ctbo generart carnem hominis. Sed Thomas vadit de la terre4. Nous voyons pareillement qu'a partir des
contra hoc p. 1 q. 91 a. 2 ad 2. aliments se constitue le corps de l'homme. Toutefois
Thomas rejette cette"' théorie en ¡a Pars q. 91 a 2
ad 2m.
133. Troisieme remarque: a cause de cette perfec-
f\l . 133· Tertio notandum qu_od propter hanc perfec- tion, l'homme est et est caractérisé comme « petit
'
tt<?nem hom<? est et dicitur minor mundus. Hanc monde t ». Cette perfection de l'homme est montrée
e~tam perfecttonem hominis ipsa sua statura indicat, par sa station debout, comme l'enseignent les Peres et
stcut dtcunt sancti et Glossae. luxta quod poeta dicit: la Glose. Le poete la décrit ainsi :
«Pronaque cum spectent animalia cetera terram
?S ~omini sublime dedit caelumque videre ' « Tandis que, tete basse, tous les autres animaux
tusstt e.t erectos ad sidera tollere vultus. » tiennent leurs yeux attachés a la terre,
Et Boethtus V De consolatione : 11 a donné a l'homme un visage qui se dresse vers le
«Unica gens homivum celsum levat altius cacu- haut;
men»; 11 a voulu lui permettre de contempler le ciel, de
et infra: lever ses regards et de les porter vers.les astres2.»
« ~aec, nisi .terrenus male desipis, ammonet figura : Boece, au livre V de la Consolation, déclare : « Seul
9U1 recto caelum vultu petis exserisque frontem l'homme se dresse tete haute( ... ) Cette configuration,
tn sublime feras animum». · ' a moins que tu n'aies perdu le sens a force de fixer le
sol, t'apprend ceci: toi, dont le front haut s'ouvre sur
le ciel, éleve jusque la-haut ton esprit3 ... »
3· Voir ?a~~b. Gen .. § 18z, 187; Comm. Jean § 527 . .
4· De drluvtts (extratt du De meteorologicis d' Avicenne ) éd.
Alonso, Al Andalus 14 (1949), p. 306-3o8. ·· ' par P. LoMBARD, Sent., 11, d. 1s, c. 4 n<' z (p. 409); BE.DE, In Gen.
§ I H I. Voir ci-dessus § II 5 et note 1 l. 1, z6, (p. z6, 788) cite Ovide.
z . .QVIDE, . iJétamorph.~ 1, 84-86 (trad. Lafaye, p. 10); 3. BoE.cE, ibid., V poésie S (p. z 12).
AUGUSTIN, Les 8J Quesf; dijf., q. S1, n° 3 (BA 10, p. 1 36), repris
4IZ EXPOSITlO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31 -

1 34· Viditque deus cuneta quae fecerat, et eran! va/de Dieu vit toutes choses qu'il avait faites et elles
bona. Rursus autem aliter exponendo praemissa verba étaient tres bonnes.
duo sunt notanda. Primo de hoc quod praemissum
est supra frequenter : « Vidit deus quod esset ,134· Autre exégese encore. D'abord sur ce que
bonum a», secundo, quod hic dicitur: cuneta quae l'Ecriture a déja dit a plusieurs reprises : Dieu vit que
fecerat, et eran! va/de bona. Illic dicit : « bonum » hic e' était bon a; enfin sur ce présent passage : !outes choses
ait : va/de bona. ' qu' il avait faites el elles étaient tres bonnes. La il est dit :
bon; ici : tres bonnes.
1~5· Quantum ad primum notandum quod, sicut
beat1tudo, secundum Thomam Super IV, est in intel- 135· Sur le premier point, on noter~ ceci. De
lectu substantialiter, in voluntate vero formaliter sub meme que la béatitude, d'apres Thomas, Ecrit sur IV
ratione scilicet et nomine finis si ve boni aut fruiti~nis Sen!., réside substantiellement dans l'intellect, mais
1\
1 bsic ~niversaliter rehs obmnis ab i~lo hab~t substantialite; formellement dans la volonté sous la raison et la
omtatem, a quo a et esse s1ve entttatem- bonum qualification de fin ou d~ bien ou encore ~e ~r~it~on,
enim et ens convertuntur- formaliter autem habet res de meme, en regle umverselle, toute reahte tlent
) bonit~tem ex ordine sive respectu ad appetitum, substantiellement sa bonté du príncipe meme dont
I Eth1corum : « Bonum annuntiaverunt, quod omnia elle rec;oit l'etre ou étance, car le bien et l'etre sont
appetunt». Et Rabbi Moyses dicit tractans verba convertiblest. Mais formellement elle tient sa bonté
praemissa : bonum est « quod convenit mentí du rapport ou relation a l'objet d'appétition (voli-
_nostrae». tive). «Ce que tous les etres ,désirent, c'est cela leur
Effectus igitur sive productum quodcumque sorti- bien», dit le Ier livre de 1' Ethique. Commentant 1~
tur perfectam rationem boni ex duobus: primo meme passage, Ma1monide écrit : « Est bon ce qm
quidem et substantialiter per formam suam per quam s'accorde avec notre estimation 2.»
habet esse, secundo autem et formaliter ex conve- Par conséquent, tout effet ou chose produite mérite
nientia sive complacentia, qua complacet voluntati sans restriction la raison de bien pour un double
eius qui producit, utpote correspondens menti et motif: d'abord a titre substantiel, par sa forme
propre qui lui vaut de posséder 1' etre; deuxiememe~t,
a titre formel, du fait de l'accord ou convenance qutle
a. Gn x, Io.xz.x8.z1.z5.
rend agréable a la volonté de celui qui le produit, en

.tq. I.
2
THo~~s d~f-Q., In J'enl, IV, d. 49. q. I, a. I qula na; ¡ap_
~· .a. 2, 1-11 e q. 3, a. 3; etc. Entre théologiens existait depuis Jean § 108, 673s; Serm. lat. 6/J § 64; II/2 § 117,120. De l'homme
le _mlhe'! _du XIII s; u_ne controverse sur le statut soit intellectif noble, (DW V p. u6s; Ancelet, Traités p. qos); Serm. al/. )9
solt voltt~f de 1~ beatltude en sa plénitude eschatologique : voir (DW II, p. 265s, Ancelet II p. 59).
Eckhart a Parrs, l.'· ns. Cf. ci-dessous § Z95-Z97; Parab. Gen. z. ARISTOTE, Ethic. Nic. 1 c. 1, 1094 a 2; MAYMONIDE, ibid. Ill,
§ 63, So-8-3, 95-97; Comm. Ex.§ z65; Comm. Sag. § z6z; Comm. c. 14 (f. 78ra zzs; M un k III, p. 94) .
..,,

j
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENT AIRE DE GENES E 1, 31
intentioni ipsius. Deus autem, quin immo ipse solus, tant qu'il répond ason esprit et a son intention3. Mais
proprie est causa rerum in esse sive causa ipsius esse Dieu, et Dieu seul, est, au sens propre, la cause de
in rebus. Et sic habemus primam et substantialem L J'etre des choseS, la CaUSe de l'etre meme qui est dans
condicionem boni, quia bonum et ens convertuntur. ces choses4. On a done ici la condition principale et
· Ru.,-sus: quid tam complacens ipsi esse, quod est essentielle du bien, car bien et etre sont convertibles.
deus, quam ipsum esse rerum et esse in rebus et res in Encore: quoi de mieux accordé al'etre qu'est Dieu
es se· et propter es se? Et haec est secunda formalis que l'etre meme des choses, que l'etre dans les choses,
ratio boni, scilicet quod complaceat et congruat que les ehoses dans 1' etre et pour 1'etre? V oici done la
menti et voluntati producentis. Et hoc est ergo quod seconde raison formelle du bien, a savoir qu'il est
hic dicitur : «Vidit deus quod esset bonum. » agréable et convient a la pensée et au vouloir de
) l'a gent. C' est pourquoi il est dit ici : Dieu vit que e' était
136. Ubi notandum quod generaliter omnis effec-
tus et omne productum a causa qualibet bonum est. bon. --
Malum enim non est effectus, sed defectus nec habet 136. On notera a ce sujet qu'en regle générale est
causam, quin immo hoc solum malum est quod bon tout effet, toute réalité produite, qui résulte d'une
causam non habet. Quaerere autem causam mali est cause quelconque. Le mal n'est pas effet mais défaut.
quaerere causam nihili; «malum enim nihil est». Il n'a pas de cause. Mieux: cela seul est mal qui n'a
Effectus igitur causae cuiuslibet, eo quod est et quod pas de causet. Chercher la cause du mal, c'est
factus sive effectus est, non defectus, bonus est chercher une cause au néant: «Le mal est néant 2 • »
substan.tialiter, quia bonum et ens convertuntur, ut L'effet de chaque cause, du fait qu'il est, qu'il a été fait
dictum est. et rendu effectif, qu'il n'est pas défaut, est bon
substantiellement, car, comme on l'a dit, le bien et
3· Voir ci-dessus § 128; ci-dessous § 136-137; Comm. Sag. l'etre sont convertibles. ·
§ 140; Eckhart met visiblement en reuvre l'analyse de THOMAS
d'AQ., 1 4 P. q. 6, a. 3 a 6; In Sen/. II, d. 36, q. I, a. 5; etc.
4· Cf. ci-dessus Pro/. gén. § 16s; Pro/. Oeuvre Prop. § 6, 9s; c. 4 § 215 Col. 37-1 p. 292, 9s): «le mal est dit sans cause paree
Parab. Gen. § 86; Comm. Sag. § 36; Comm. ]ean §53, 97, 151, qu'il survient par défaillance de la cause». Cf. ibid. § 15 3
238; Comm. Ex. § 29, 6o.
(p. 139); § 156 (p. 241)., THOM~s d'AQ. ScG_en~. III c. 7-9 ~t
§ 136 1. «N' a pas de cause» : cause, ici, a le sens de raison , f 13-14. Plusieurs textes d Augustm sur le mal etatent rassembles
créatrice, voir ci-dessus § 3.. Le V erbe divin est au sens fort . 1
\ ! par P. LoMBARD, Sen/. 1, d. 46, c. 3s (p. 314s); II, d. 35 (p. 529s).
cause: Comm. Jean § ps, 75, 91, 330; Comm. Sag. § 14-17, 33, 2. Voir ALBERT leGo, In DN c. 4 § 15 5 (p. 2.41, 29s); § 156
Serm. /at. 28j2 § 290. Eckhart use d'assonances latines impos- (p. 242, 35s); § 185 (p. 269, 15.s) pour «le ,mal est néant». ,La
sibles a restituer en frans;ais. On pourrait risquer: «Le mal n'est négation du statut substantlel du mal n est pas refus d en
pas fait, produit (ef!ectus), mais défaite, défaillance (defectus). » Ces reconnaitre la réalité, mais effort pour le détermine! en son
sentences résument tout un corps de doctrine sur la question du opposition a l'etre propre au sujet qu'il affecte. Vmr enc~re
( mal. La source principale est ici le chap. 4 des Noms Divins de ALBERT, ibid. § 164, 167, 175. EcKHART; Comm. Ex. § ,75•, c1te
· Denys commenté par Albert le Grand. Denys (DN c. 4 § 30, Augustin, Trae/. injoan. 1, Xlll (BA 71, p. 154) :.«le peche est
" ' \ 7.32 A; Dion.·p. 3oo): «le mal est sans cause». Albert (In DN néanh. Voir ibid. p. 840 note 5 : Le péché n'est rzen.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31

Rursus : quia omne agens producit sibimet simile Encore: tout agent produisant son effet a sa
et o~?e simile diligit sibi simile, complacet produ- ressemblance3 et tout semblable aimant son sem-
centl 1n producto, quod est formale in bono. Sic blable4, est formellement bon ce qui, dans l'effet
ergo omne productum a causa quacumque bonum produit, complait a l'agent producteur 5• Tout effet
est et bonum videtur. « Vidit», inquit, «quod esset produit par une cause quelconque est done un bien et
bonum.» est estimé tel : Dieu vit que e' éfait bon.
137· Verum qu.ia deus ~t ipse solus est causa ipsius 137· Mais puisque DieÚ est cause exclusive de
esse 1n rebus et Iterum 1ps1 esse proprie et per se l'etre qui est dans les choses, que l'etre lui appartient
~omplacet esse et in ipso esse complacent omnia, quía en propre, que de soi l'etre est agréahle et que chaque
1pse est esse, propter hoc productum ah ipso perfecte réalité s'y complait, puisqu'enfin Dieu est etre, tout ce
et simpliciter bonum est, tum quia ah ipso habet esse qui est produit par Dieu est bon, purement et
et ens est, quod est substantiale in bono, tum quia ipsi absolument. D'une patl:, en effet, ce qu'il y a d'etre-
esse, deo sc.ilicet, per se complacet esse, et ipsi deo substantiel dans le bien existe de par Dieu et en re~oit
complacet 1n esse. Propter quod Sap. 1 dicitur: d'etre étant. De l'autre, a l'etre meme, c'est-a-dire a
«Creavit, ut essent omnia a.» Hoc de primo quod Dieu, l'etre agrée, et (réciproquement) c'est en consi-
dicitur : « Vidit deus quod esset bonum. » dération de Dieu que toute réalité se complait dans
l'etre t. Aussi est-il dit au chap. 1 de la Sagesse: «Il a
138. Sequitur videre secundo de hoc quod dicitur: créé toutes choses pour qu'elles fussenta. » Voila pour
vidit deus cuneta quae fecerat, et eran! va/de bona; Dieu vit que e' était bon.
Notandum ergo quod, sicut duo sunt quae complent
138. Second point maintenant, a pro pos de : Dieu
rationem boni, ut dictum est, scilicet rei exsistentia et vit toutes les choses qu' il avait faites et elles étaient tres
ipsius complacentia, sic duo sunt proptet; quae cadit
bonnes. On notera done ceci : de meme que la raison
res a ratione boni : uno modo, si cadat ah exsistentia de bien contient deux choses, a savoir l'existence
si ve ab esse; secundo modo, si mutetur intentio d'une réalité et le plaisir qu'on y .prend, de meme il y a
sive vol untas circa ipsam. V erbi gratia : artifex facit deux manieres pour une réalité de déchoir de la raison
de bien: 1. quand cette réalité quitte l'existence,
a. Sg 1, 14. 1 c'est-a-dire l'etre; 2. quand change l'intention ou la
\!\\ volonté la concernant.
3· ARISTOTE, De gener. el corrupt., 1, c. 7, 324 a9s. Cf. Comm.
Sag. § 23. -
4· Axiome attribué a Empédocle par ARISTOTE, Ethic Nic., Eckhart, qui s'appuie probablement sur Th. d' Aq. (111 P. q. 74,
VIII, c. 1, 1 15 5 b7-8. THOMAS d' AQ., Sent. L. Ethic., VIII, a. 4 ad 3, ScG 1, c. 78 fin), se réfere aussi au cas maximal de la
lect. 1, 1 54S (p. 444). Voir Comm. Sag. § 220, 254-25 5; Comm. génération-production : celle du Fils dans le mystere de la
Jean §1~2, 3_6_4 . . Trinité divine. Voir Comm. Sag. § 27 (avec Pr 3,12 et Mt 3,17).
5:' Pour ceite notion de complaisance appliquée a Gn I,p, § 137 x. Cf. Prol.gén. § 15-17 ci-dessus; Comm. Sag. § 260.
418 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31

domum rotundam ex intentione, quam tune habet ad . Par exemple : un architecte batit une maison ronde
talem figuram, rotundam scilicet, Et cum facta est, d'apres l'intention qu'il a maintenant de réaliser une
domus huiusmodi complacet ipsi, tum quía domus forme telle, c'est-a-dire ronde. Une fois construite,
est, tum quia rotunda est, ut ipse voluit, et videt eam cette maison lui plait, d'une part paree que c'est une
et videtur ipsi quod bona sit. Quod si domus cadat ab maison et de l'autre paree qu'elle est ronde, comme il
esse vel tendat in non esse tale, quale ipse voluit, mox l'a voulue. Al'examen, illui semble done qu'elle est
desinit placere et per consequens desinit esse bona. bonne. Que la maison cesse d'etre ou que (menac;ant
Rursus etiam secundo modo cadit res a ratione ruine) elle ne soit plus telle qu'il l'a voulue, elle a
boni, puta si manente domo ut prius mutetur intentio bientót cessé de plaire et par la meme cesse d'etre
et voluntas artificis, puta si modo vult ipsam esse bonne.
quadratam, et ideo ipsi displicet quod est rotunda nec Seconde fac;on de déchoir de la raison de bien :
sibi iam videtur bona. Et quandoque ipsam destruit, supposons que la maison conserve son etre mais que
ut aliam faciat quadratam, quae modo placet oculis l'architecte change d'intention et de volonté, que
eius, sicut habetur Ier. I 8 de figulo et olla, quam maintenant il la veuille carrée, par exemple, et qu'il
fecerat super rotam a. lui déplaise qu'elle soit ronde: elle ne lui semble plus
bonne. Il peut arriver qu'illa démolisse pour en faire
une autre qui, carrée cette fois, plaise a son regard,
1 39· Sic ergo, sive mutetur effectus ex parte rei comme l'évoque Jr 18, a propos de la poterie remise
sive mutetur affectus artificis circa ipsam rem, semper au tour par le potiera.
cadit res a ratione boni; si ve mutetur rei exsistentia
sive eius complacentia, semper cadit a ratione boni. 139· Ainsi done une réalité déchoit de la raison de
Et hoc quidem apud nos. Propter quod nihil est bien soit que change l'effet du coté de la chose, soit
semper bonum nec perseverans bonum, et ideo non que change l'affect de l'artisan concernant cette chose.
potest dici valde bonum, sed nec satis bonum. Que cesse l'existence de la chose ou le plaisir qu'y
Secus autem de operibus dei. Deo enim nihil prend l'artisan, chaque fois la raison de bien s'éteint.
praeterit, nihil moritur nec quidquam in nihilum Ceci vaut chez nous. C'est pourquoi ríen ne se trouve
redigitur. · Quod semel est aliquid, · hoc nunquam est de définitivement bon ni n'est un bien permanent et
nihil. «Ümnia enim illi vivune», Matth. 22. Iterum ainsi rien ne peut etre estimé tres· bon ni meme
etiam affectus dei circa opus eius non mutatur, suffisamment bon.
Mal. 3 : «Ego deus et non mutorb. >> Propter quod Il en va autrement des reuvres de Dieu. Pour Dieu,
rien ne passe, rien ne meurt, rien n'est réduit a néant.
Ce qui est quelque chose une fois, n'est plus jamais
néant: «Tous sont vivants pour lui» (Mt 22)a. De
§.;r38-a. Jr x8·, 3-4. § 139 a. Mt zz, 3z;plutot Le zo, 38. plus l'affect ·de Dieu concernant son reuvre ne varie
b~ Má 3, 6. . pas: «)e suis Dieu et je ne change point» (Ml 3)b.
420 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31 421
opus eius semper bonum est, semper bonum perse- C'est pourquoi l'reuvre de Dieu est toujours bonne et
verat, et sic cuneta quae facit et quodlibet quod facit demeure toujours bonne: ainsi tout ce que Dieu fait,
valde bonum est, perfecte bonum est, Deut. 32 : chacune de ses reuvres est tres bonne, et parfaitement
«Dei perfecta sunt opera e» et perseverant semper, bonne. «Les reuvres de Dieu sont parfaites» (Dt 32)c
Eccl. 3 : « Omnia opera, quae fecit deus, perseverant et le demeurent toujours: «Toutes les reuvres que·
in aetern u m d. » Dieu a faites demeurent a jamaisd» (Si 3).
140. Sic ergo quod dicitur: « Vidit deus quod esset 140. Ainsi done le passage Dieu vit que e' était bon,
bonum » respicit rerum productarum exsistentiam et qu'elles étaient tres bonnes, c'est-a-dire chaque chose,
complacentiam. Quod autem additur : cuneta quae chaque élément de l'ensemble, se rapporte a la
fecerat, et eran! va/de bona, id est quodlibet et singu.lum permanence des reuvres de Dieu. Les natures spé-
ex cunctis, respicit operum divinorum permanenttam. cifiques des choses (créées) sont, en effet, toujours
Semper enim manent rerum species, id est semper stables, c'est-a-dire pour Dieu objet de complaisance
complacent deo «in aeternum». Unde de quolibet pour l'éternité t •. Telle est la raison d'attribuer la
productorum a deo seorsum debet addi quod est va/de qualification tres bonne a chacune des réalités créées
bonum. Propter quod post omnia et pro omnibus et par Dieu et considérées une a une. Au terme de
pro quolibet omnium semel dictum est et simul : l'reuvre créatrice, il est done déclaré, en une apprécia-
cuneta quae fecerat erant va/de bona, secundum illud tion unique et définitive sur l'ensemble des réalités
Matth. 6 in oratione dominica : « sicut in caelo et in créées et sur chacune d'elles: Toutes les choses que Dieu
terra a». Secundum Chrysostomum replicandum est avait faités étaient tres bonnes «sur la ter re comme au
super quamlibet trium petitionum praecedentium, ut ciel», ainsi qu'il est dit. dans l'Oraison dominica/e
dicatur : « "Sanctificetur nomen tuum" - "sicut in (Mt 6)a. Jean Chrysostome enseigne en effet a répéter
caelo et in terra"; "adveniat regnum tuum" - "sicut ces paroles apres chacune des trois demandes qui
in caelo- et in terra"; "fiat vol untas tua" - ."sicut précedent : «Que votre nom soit sanctifié sur la terre
in caelo et in terra" ». Notavi de hoc super illo : comme au ciel : que votre regne arrive sur la terre
«del perfecta sunt opera b», Deut 32, et super illo: comme au ciel : que votre volonté soit faite sur la
«Ümne datum optimumc» etc., Iac. 1.. terre comme au ciel. » J'ai proposé une remarque a ce
sujeta propos du Dt 32: «Les reuvres de Dieu sont
c. Dt p, 4· d. Si 3, 14. § 140 a. Mt 6, 10~ b. Dt 32, 4· parfaites b» et de Jc 1 : «Tout don excellentc ... »2
c. Jc 1, 17.

1. Allusion a la doctrine des Idées créatrices en Dieu : cf. a la suite d' Augustin entend l'Idée créatrice d'une réalité créée et
ci-dessus § 1 15. · · par «terre» cette meme réalité en son etre substantiel propre.
2. J. CHRYSOSTOME, Opus in;perf. in Matt., Hom. XIV Pour cette conception justifiée par appel a Dt 32,4 et Qo 3, 14, cf.
(PG 56, 712), passage inséré par TH. d'AQ. en sa Catena aurea in ci-dessus § 25, 77-78; Parab. Gen.§ 34, 167; Comn;. Ex.§ 137;
Matto'.6;6 (Marietti 195 3, 1 p. 105) et repris par EcKHART au Comm. Sag. § 175; Comm. Jean § 30-31; Sern;. lat. 28/1, § 279;
. Tráithur I'Oraison domln. § 7 (LW 1, p. 115). Par «ciel », Eckhart 28/2, § 285, 287-289.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31
422

141. Praemissis concordat quod Rabbi Moyses ex 141. Ce que je viens d'exposer concorde avec ce
se et Aristotele sic dicit l. 111 c. 14 : «finis» Martini que Maimonide montre et tire d' Aristote : «La fin de
«et in omni singulari speciei naturalis est», «ut sit in Martín, comme celle de tout individu appartenant a
eo forma humana». Quod si finis, et bonum; bonum u~e ~spece de la na,t~re, c'est qu'il acquiere en
enim et finis idem. « Finis vero postremus » «in lut-meme sa forme spectfique (d'homme). Paree que
istis speciebus est sempiternitas» ipsarum, et sic telle est sa fin, tel est son bien (propre) », car bien et
valde bonum, utpote finis postremus. Unde post fin e' est tout un. « Mais la fin supreme, pour les
pauca sequitur : «Primus finis secundum Aristotelem natures spécifiques de ce monde, e' est leur perma-
cuiuslibet singularis est perfectio formae s.Pecialis », nence. » Tel est pour elles ce qui est tres bon, a savoir
« ultimus vero finis speciei est permanentta sempi- le':lr fin derniere .. Et Maimonide d'ajouter un peu plus
terna ipsius». Unde infra Rabbi Moyses sic lo m : « Selon Anstote, la fin premiere de tout (vivant)
concludit : « Opinio recta secundum » legem et philo- singulier, c'est l'accomplissement de sa forme spé-
sophiam est «quod unumquodque est propter subs- cifique;>, «tandis que la fin derniere, c'est la perma-
tantiam suam». Et «sicut voluit quod species hominis nence eternelle de cette forme». 11 conclut ainsi : «La
esset ens, ita voluit quod caeli et stellae essent entia. sai?-e doc~rine, fondée tant sur la Loi que sur la
Et sicut voluit quod angeli essent», et «in omni phtlosop4te, .est que chaque réalité a pour fin son
ente» fuit «intentio propter substantiam ipsius entis». propre etre-substantiel. » «Dieu a voulu que la nature
Augustinus etiam De vera religione c." 18 loquens de essentielle de l'homme fut d'etre, tout comme il a
creaturis universaliter dicit : · « Quis ea fecit? Qui voulu que les cieux et les étoiles fussent des etres tout
summe est. Quis est hic? Deus ». « Unde fecit? Ex comme il a voulu que les anges fussent. Pou; tout
nihilo». «Cur ea fecit? Ut essenta». Vérba sunt étant, son intention a porté sur la subsistance de cet
Augustini. Sap. 1 : «Creavit, ut essent omnia». Et in étantt. »
De causis dicitur quod «prima rerum creatarum est Cons~dérant l'univers des créatures en général,
esse», id est secundum unum intellectum quod esse -:'-u~ustm, ~u chal?. 18 du traité de la vraie religion,
est prima causa rerum creatarum et creationis. Prima ecrtt : « Qutles a faltes? Celui qui souverainement es t.
autem causa causarum finis est. Esse enim finis est Qui est-ce? Dieu. De quoi les a-t-il faites? De ríen.
Pourquoi les a-t-il faites? Pour qu' elles soient. » Tels
sont les termes d' Augustin z. Le chapitre premier de
a. Sg 1, 14. la Sagesse déclare : « I1 a créé toutes ehoses pour
qu'elles fussenta», et le Livre des Causes: «La pre-
1.. MAYMONIDE, ibid. III, c. 14 (f. 77 VS5: Fini5 Jude .. ;, 95, 195;
miere des réalités créées, c'est l'etre3. » De sorte que
f. 77v so-f. 78q; Munk, c. 13, Ill p. 865). e' est selon un meme et unique point de Vue que 1'etre
z. AuGUSTIN, La Vraie Relig., xvm, 35 (BA 8, p. 70; Eckhart est cause premiere aussi bien pour les réalités créées
condense). · · · que pour leur création (effective). La premiere cause
Tr:L.- de causii, prop. 4 (version Iat. médiév., Pattin, n° 37 d' entre les causes, e' est la fin. En regle universelle,
p. 54)·
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE .~'ENESE z, 1-2 425
omnis actionis universaliter. De quo mox infra melius l'etre est fin pour toute action 4. On le montrera
apparebit. mieux plus has.

CAPITULUM SECUNDUM CHAPITRE DEUXIEME


lgitur perfecti sunt caeli et terra. Et infra : Le repos de Dieu.
requievit die sep#mo ab universo opere
quod patrarat. Le ciel et la terre furent done ainsi achevés avec
tous leurs ornements ( ...) et Dieu se reposa le
142. Nota : de requie dei, qua dicitur requievisse
septieme jour, apres avoir achevé toute l'reuvre
ab operibus suis, diversa et varia scripta sunt a qu'il avait accompije (z, 1-z).
diversis sanctis et expositoribus. Quibus in sua veri-
tate salvis quattuor sunt hic notanda. 142. Remarque : au sujet du repos de Dieu, de ce
Primo, quomodo deus et ipse solus quiescit et in se qu'il s'est, comme il est dit, reposé de toute son
ipso solo quiescit, rursus ipse et solus ipse dat reuvre, plusieurs théologiens et exégetes ont proposé
requiem et requiescere facit omnia, quae citra sunt, et des considérations di verses et variées 1. Sans préjuger
in ipso et solo ipso quiescunt omnia. de leur vérité, on notera ici quatre points.
Secundo notandum est, quid est quod ait : ab Premierement : comment il se fait que Dieu, et
universo opere suo quod patrarat. Dieu seul, est en repos et se repose uniquement en
Tertio respondendum quibusdam quae his viden- lui-meme. Ensuite : Dieu, et Dieu seul, donne le
tur obviare. repos et fait reposer toutes choses qui sont en de~a de
Quarto ponentur quaedam breves et faciles litte- lui. Et c'est en lui et en lui seul que toutes trouvent le
r~les expositiones eius, quod hic dicitur deus quie- repos.
vtsse. Deuxiemement: on notera ce que signifie la parole
se reposer (de toute son ceuvre) .
Troisiemement: on répondra aux objections quise
présentent.
Quatriemement: on proposera sur ce theme du
4· Outre la suite immédiate (sur Gn 2,1s), voir Pro/. gén. § 8 repos de Dieu quelques exégeses littérales qui seront
ci-dessus; Comm. Sag. § 27, 202. breves et faciles.
§ 142 1. Renvoi global aux auteurs nommés au §t et que
déja citait la Glose sur Gn. chap. 2 (PL 113, 82s). HUGUES de
SAINT-Ci-IER, Postilles in Gen. c. 2, offrait des compléments. I1
s'agit de textes d' AuGUSTIN surtout, La Gen. ail s. litt. IV, c. 8-20 (p. 388), reprenait un exposé d'Hugues de Saint-Victor; d. 1 s,
(p. 298s); D.e"Gen. c. Manich. 1 c. 22-25 (PL 34, 189s); B:EDE, In c. 7-10 (p. 403s) TH. d'AQ., In Sent. 11, d. 15, q. 3 a. 2-3; ¡a P.
Gen. (CC II8 A~ p. 33-39). P. LoMBARO, Sent. 11, d. 12., c. 5 n° 4 q. 73·
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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE- DE GENESE :, 1-:·

143. Primum istorum quantum ad utramque par- Le repos véritáble; privile'ge de Dieu.
tem declaro unica ratione syllogistica quae est ista. 143. Pour le premier point et ses deux parties, je
Esse est quod in se ipso solo et ipsum solum quiescit, propose une unique explication syllogistique. L' etre
et rursus ipsum esse et solum ipsum esse dat quietem est ce qui repose en soi-meme exclusivement et qui
et facit in se ipso et solo ipso quiescere omnia quae seul repose.- Et de plus, l'etre meme et seul l'etre
citra ipsum sunt. Sed deus est ipsum esse et solus ipse. meme donne le repos et fait reposer en lui et en lui
.Igit~r deus in ~e quiescit et in se quiescere facit seul toút ce qui est en des:a de lui. Or Dieu, et lui seul,
o mma. est l'etre meme. Done Dieu repose en lui-meme et fait
Minor apparet supra ex Opere propositionum et in reposer en lui-meme toutes choses. ·
Prólogo generali. La mineure est évidente a partir de ce que j'ai dit
Maiorem sic declaro : esse, utpote primum et per dans l'CEuvre des propositions et dans le Prologue généra/ 1•
consequens immobile, quia arite omne mobile prius Je prouve la majeure comme suit. En tant qu'il est
est immobile, quiescit. Rursus ipsum esse, utpote rr ~ premier et par conséquent immobile- puisque avant
supremum et per consequens perfectissimum, immo- 1
Vi tout mobile il y a de l'immobile -l'etre est en repos 2•
bile est et quietum. Ratio est quia « motus est actus De plus: i1 est immobile et en repos en tant que
imperfecti ». Patet igitur quod esse ipsum quietum est supreme et done en tant qu'il est ce qu'il y a de plus
et quiescit in se ipso, non autem in altero, tum quía in parfait. La raison en est que «le mouvement est l'acte
ipso sun~ omnia, tum quía extra ipsum esse utique d'un sujet inachevé3». Il est done évident que l'etre
nihil es t. Igitur ipsum esse quiescit in se ipso solo, et meme est en repos et repose en lui-meme et non en un
rursus ipsum solum in se ipso quiescit. Patet hoc ex autre, d'abord paree qu'en lui sont toutes choses,
ensuite paree qu'en dehors de l'etre il n'y a que le
1·. Cf. Prol.gén: § 8, i2.'.:~13; Comm. Ex'. §17-18, 24, q8,'161. néant4. Done l'etre meme repose exclusivement en
2. Eckhart s'inspire probablement de THoMAs d' AQ.~ ¡a P. / lui-meme, et lui seul se repose en Jui-meme. Cela
q. 2. a. 3 (prima via), lequel développe ARISTOTE, Phys. VII, c. 1,
2.42. a 15s; VIII, c. 5, 2. 56 a4s, sur le Premier Moteur Immobile.
Voir Comment. de Th. In Phys. VII, lect. 2. (Marietti n° 891);
VIII, lect. 9 (n° 1037); lect. 11 (n° 1068) et h!ct. 12. (n° xC>7I ). On définidve d~ toute précarité inquiétante. Voir Comm. Sag. § 12.5·,
se souviendra que le terme aristotélicien « mouvement » (motus), 159, et ci-dessus § 79· ~ -
en sa sigriifici:ltioh technique 'génuine; dit non pas transfert local 3· ARISTOTE; De l'áme, III, c. 7, 431 a6-7. Comme il est
mais acces a l'actualité de l'etre pour ce qui était seulement évident depuis Pro/. gén: § 13, Eckhart entend par «etre meme»
virtuel et rion existant. Parallelement, le terme immobile, surtout l'lpsum esse d'Augustin, l'«etre-véritable» selon Denys (DN,
appliqué par les théologiens a Dieu, exprime la stabilité et la c. 5, 817 C; Dion. I, p. 331s), l'Acte Pur selon Aristote. Voir
permanence dans l'activité et le_bonheur supremes, et nullement Comm.Jean § 32.5; Comm. Sag. § 19; Qu¡ Paris.ll § 3· ALBERT le
privation d'agir ni inertie. -. - - -- GRANO, Phys; V tr. 1, c. 9 (Bet 3 p. 37SS) expose le rapport
Avec Augustin et B,oece (cf. ci-dess~s § 47; ci-dessous_§ 164),
r-:: mutation-repos qui est ici stipposé. ·_ .
1
Eckhart entend. le -privilege divin. -de l'i111mobilitas comme o f¡ 4· Pour le sens théologique de la formule «en lui (l'etre) sont
- parb~ysme ~onstánt du bonheui" párfait; comme exemption r.l\ toutes choses», cf. Serm. lat. 4-~i § 2.3. · - ·
.... \.;' \
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z, 1-2.·

praemissis, eo scilicet quod nihil aliud sit primum aut découle de ce qui précede, c'est-a-dire de ce que rien
perfectissimum. d'autre que l'etre n'est premier ni plus parfait.
144· Adhuc autem ipsum esse, utpote bonum aut '.144. De plus, c'est l'etre meme, en tant qu'il est
potius rationem boni, omnia appetunt, quaerunt et bon ou plutot raison du bien, que toute chose veut,
desiderant et per consequens in se ipsis inquieta in illo demande et désiret. C'est done en lui que les etres en
quiescunt. Desiderium enim et appetitus quidem eux-memes privés de repos trouvent leur repos. Désir
motus sunt quiescentes in illo et adepto illo quod et appétit, qui sont des mouvements, trouvent leur
desiderant. Ergo omne, quod citra esse est, in se quiétude dans l'etre, une fois acquis ce qu'ils recher-
quidem inquietum est et in ipso esse quiescit. Patet chent2. Done toute réalité située en de<;a de l'etre est
igitur maior quantum ad hoc quod esse et ipsum esse en elle-meme privée de ce repos et n'a de repos que
solum quiescit in se et in se ipso solo et quod omnia, dans l'etre meme3. Voih1 expliquée a l'évidence la
quae citra sunt, in ipso quiescunt. majeure affirmant d~une part que ·l'etre et que seul
l'etre meme repose en soi et en soi seul, et de l'autre
145· Adhuc autem videmus manifeste quod omne que toutes choses en de<;a trotivent le repos· en lui.
operans in arte et natura quiescit adepto esse sui
operis. Doniificator quiescit siquidem adepto esse 145. En outre, nous voyons manifestement que
domus. Statim enim ut domus est, et habet esse tout agent, dans l'art ou dans la nature, trouve le
domus, sic et in aliis. « Praesentibus enim habitibus » repos des que son reuvre a re<;u l'etre .. Le maitre
quiescit motus, ut ait philosophus. Esse autem d'reuvre se repose des que la maison a re<;u l'etre, sitot
omnium et omne esse artis et naturae in quantum qu'elle est et possede son etre de maison; il en est
esse, id est in ratione esse, a deo et a solo deo est. ainsi en tout. «Une fois l'habitus acquis », le mouve-
Igitur deus dando esse rebus dat ipsis requiem et facit ment s'arrete, comme dit Aristote 1• L'etre de toute
ipsas quiescere. Et hoc de primo ad praesens sufficiat. chose, de toute réalité artificielle ou naturelle, en tant
qu'il est etre, c'est-a-dire qu'il a la raison d'etre, existe
de par Dieu et de par Dieu seul. Done en donnant
§ 144 1. Voir ci-dessus § 135-137 et ci-dessous § 174 (avec l'etre aux choses, Dieu leur confere le repos et les fait
Avicenne). . reposer2. Voila qui suffit pour le premier point.
2. Voir Comm. Jean § 375· Eckhart reprend sans doute un
exposé de TH. d' AQ. sur le désir et l'amour du bien dans . . . .

l'espérance (In Sent. III, d. 26, q. 2, a. 3 sol. II; Moas n° 122s); 2. Voir Comm. Sag. § 19, 177, 257, 26o. Comme l'exige le
¡a P. q. 73• a. 2. . . . . theme du repos explicité par les notions de fin et de béatitude
3· Eckhart use de l'antithese fameuse d'Augustin: «inquiet- ultimes, il faut conserver bien présente la conception fondainen-
quiet», explicitement formulée ci-dessous § 149. Voir Comm. tale d'Eckhart: c'est dans la mesure de la conversion (epistrophi
Ex. § 158; Comm. Jean § 205, pour la formulation de style philosophique et metanoia biblique a la fois) vers son Priricipe
philosophique universel qui vise avant tout le cas de l'homme et que la créature inteUigente res;oit l'etre. TH. d' AQ., ¡a P. q. 5
son acces au repos de la béatitude. eschatologique. a. 6, conjugue repos et bien délectable; ScG II, c. 73 (n° 1520):
§ 145. 1. ARISTOTE, De gener~ et corrupt., I, c. 7, 324 b17. repos et acquisition noétique définitive.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z, x-z·

146. De secundo autem, scilicet quod dicitur deus Nature du repos divin.
quievisse ab universo opere quod patrarat,. notandum
primo quod deus operando quiescit, proptér sex 146. Sur le deuxieme poip.t principal, a savoir qu'il
rationes. est dit : Dieu se reposa de toute 1'auvre qu'il avait
Primo, quia, sicut creatura habet esse suum et t accomplie, il faut noter tout d'abord que Dieu repose
'Vv: en reuvrant. Six raisons le montrent: 1. De meme
suum esse sive sibi esse est accipere esse, sic deo esse
que la créature a son etre et que son etre, ou ce qui
_r est dare esse, quia universaliter ipsi a!?e~e sive op~~_ari
est esse. . / - .- .pour elle est etre, e' est de recevoir 1' etre, ainsi, pour
Dieu, etre, c'est donner l'etre, paree qu'en regle
Secundo operando quiescit, quía operari et ope-
universelle, pour lui, agir o u reuvrer, e' est etre 1.
ratum esse apud ipsum et in ipso simul est et idem est.
2. Dieu repose en reuvrant, car en lui et pour lui
Omnis autem operans quiescit, quando operatus est
reuvrer et avoir reuvré sont simultanés et identiques.
et quando ipsúm operatum est sive esse habet.
Mais tout autre agent ne se repose que quand il
Tertio quiescit operando, quia volendo operatur.
parvient au terme de son action et quand son reuvre
Nihil ipsi resistita, quin immo omne quod agit et
existe ou a l'etre2.
operatur totum esse suum ah ipso accipit et ad nutum
3· Dieu reuvre en reposant paree qu'il reuvre en
oboedit. voulant3. «Rien ne lui résistea»; mieux: tout ce qui
147· Praeterea quarto sic: quanto agens est prius agit et reuvre rec;oit de lui son etre et lui obéit au
et superius, tanto agit naturalius, facilius, dulcius ac moindre signe.
suavius, sicut ostensum est supra De natura supe-
rioris. Deus autem est primum agens et supremum. + I47· 4· Plus un agent est noble et de rang élevé,
. { plus il agit de fac;on naturelle, aisée, douce et
Igitur operatur sine laboré, quiescendo, delectabiliter,
\ agréable, ainsi qu'on l'a montré plus haut au traité De
dulciter et suavissime, secundum illud : « Disponit
,/ la nature du supérieur. Or Dieu est l'agent premier et
omnia suavitera».
supreme. Done il reuvre sans prendre de peine, en
\ restant en repos, d'une mani~re agréable, suave et
-. do u ce 1, selon ce passage de l'Ecriture : « 11 a disposé
l. § 146 1. «Recevoir l'etre», «donner l'etre»: voir Comm. Sag. 1
tout avec douceura. » ·
\ § 2.92, ou l'idée s'éclaire par référence a AUGUSTIN, La Gen. au S.
litt., VIII, XII, 25 (BA 49, p. 48s); IV, XII, 22s (BA 48, p. 308s),
et a Grégoire, Moralia, XVI, c. 37 n° 45 (SC 221, p. 2o6), 3. La mention du vouloir divin pour la création vise la
lesquels enseignent que l'reuvre créatrice est assistance constante théorie de l'émanatisme nécessaire du créé a partir de son
et que l'état de créature dit dépendance permanente. Ces deux ' Principe. Voir ci-dessus § 6; ci-dessous § 169.
réf. figurent dans un exposé de Th. d' Aq. (QD de pot., q. 5, a. 1) § 147 1. Voit AUGUSTIN, La Gen. au s. litt., IV, xu, 23
sur la question. «Pour lui, agir, c'est etreJt: BoECE, De hebdom. (p. 308), qui allegue Sg 8, 1, texte soigneusement commenté par
(PL 64, 1314 B), commenté par TH. d'AQ. In B. De Hebd., ¡ EcKHART, Comm. Sag. § 167-200. Annoncé des Pro/. gén. § 4, le
lect. S· (~ar~~_tti 0° 71) et développé ScGmt.· I, c. 73; 11, c. 9· '_)· traité De la nat. du (príncipe) supér. n'est pas connu. Voir
·v
2~· o ir Pro/. gén. § 17> 21, ci-dessus~ . ci-dessus § 14 et 63.
432. EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z, 1-2.· 433

148. Adhuc quinto sic : deus operando quiescit et 148. 5. Dieu repose en reuvrant et donne le répos
dat quiescere operato. Ratio est, quia hoc est omni a son reuvre. La raison en est la suivante: pour toute
creaturae esse et natura et summum bonum et sibi créature, l'etre, la nature, le bien supreme, ce qu'il y a
melius et dulcius et quietius, quod deus vult ipsam de meilleur, de plus agréable et de plus reposant, c'est
esse et quomodo vult ipsam esse, ut supra dictum est que Dieu veut qu'elle soit et qu'elle, soit de la fa~on
de opere sextae diei. Igitur tam ipse deus operans qu'il veut,- comme il a été montré ci-dessus a propos
quam creatura operata naturaliter quiescunt et delec- de l'reuvre du sixieme jour. Done aussi bien Dieu
,. f tando operantur active et passive hinc inde. Omne producteur que la créature produite sont par nature
' ' . enim quod natura rei est, dulce est et quietum. en repos. Partant l'un et l'autre exercent leur opéra-
tion, le premier a titre actif et la seconde a titre passif,
avec délectation. En effet, tout ce qui, pour une
149· Rursus sexta ratio est, quía ipsum fieri rerum réalité, est sa nature,;c<;ela lui est douceur et repos 1 •
et ipsarum motus figitur per esse et in esse, quod a 149· 6. Le devenir et le mouvement des choses
deo est, et per consequens quietatur in illo. Es se enim parviennent a se stabiliser grace a l'etre et dans l'etre,
desideratissimum est, quiescens, dulcorans et quie- qui est de Dieu, et, par conséquent, c'est en lui qu'ils
tans omnia. Praedictis concordat illud Augustini trouvent le repos. L'etre est, en effet, ce qu'il y a de
I Confessionum : « Fecisti nos, domine, ad te, et plus désiré, donnant a toutes.choses repos, douceur et
inquietum est cor nostrum, donec requiescat in te»; quiétude. Cela concorde avec ce que dit Augustin au
et Boethius universalius loquens ait: livre Ier des Confessions: «Tu nous as faits pour toi,
«Stabilis manens das cuneta moveri ».
Seigneur, et (... ) notre creur est sans repos jusqu'a ce
qu'il repose en toi», et avec ce príncipe qu'énonce
Boece: «Toi qui, demeurant stable, donnes le mou-
150. Secundo principaliter notandum quod ait: ab
vement a toutes choses t. ))
universo opere quod patrarat. Quinque videntur hic
notanda. 150. Toujours concernant le deuxieme point prin-
Primo, ut sit sensus quod deus patrat et « operatur» cipal, il faut noter qu'il dit: de toute l'ceuvre qu'il ava,it
universa opera, quae sunt et fiunt «usque modoa», accomplie. Cinq remarques : 1. Il faut interpréter ce
passage ainsi: Dieu accomplit et «reuvre» toutes les
reuvres qui '·sont et sont faites «jusqu'a mainte-
§ 148 1. Voir Comm. Sag. § 169 : est nature ce qui est
recherché au titre de fin; cf. ibid. § 175 et 18o: l'opération divine
au sein de la créature est suave paree que pour celle-ci elle est sa St-Cher, le passage d' AuGUSTIN, Confess. 1, 1, 1 (BA 13, p. 2.72.)
fin béatifiante. ménage antithese et assonance: «creur inquiet - quiétude».
§ 149 1. Voir Comm. Sag. § 2.7. «L'etre objet de désir»: Boece: cf. ci-dessus § 47· Eckhart s'appuie probablement sur
AviceJ:Ine, cité Prpl. gén. § 8; ci-dessous § 174, 2.2.6, 2.43; Comm. TH. d' AQ. (la P. q. 8, a. 1 : texte ou figure ls 2.6, 12. cité
Sir. §" 44; Comm.]ean § 409. Déja repris par la Postille d'H; de ci-dessous § 150).
434 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1-1· 435
!.
loh. 1 : « Omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso nanta» t. Jn 1 : «Tout a été fait par lui et sans lui rien
factum est nihil 0 ». Is. 26 dicitur : « Omnia opera J n'a été faitb.» Il est dit en Is 26: «Toutes nos
nostra.operatus es, dominec». «Üpera nostra»: ecce <J:.uvtes, c'est vous, Seigneur, qui les accomplissezc.»
quod, quamvis «nostra» et a nobis facta, nihilominus l_ Nos reuvres: bien que notres et opérées ,par nous,
deus operatur « omnia » - Ro m. 1 1 : «Ex ipso et in ~· est néanmoins Dieu qui opere tout. L'Epitre aux
ipso et per ipsum sunt omnia», quantum scilicet ad Romains, chap 1 1, déclare : «De lui, en lui et par lui
' \ triplex genus causaed- «omnia», inquam, «nostra», sont toutes choses d» - d'apres les trois causes, done.
non solum naturae, sed et artis et voluntatis «opera». «Toutes nos reuvres», dis-je, et non pas seulement
Nec obstat quod dicitur patrarat. Apud ipsum enim celles de la nature, mais également celles de l'art et de
simul et id ipsum et praesens est et in fieri et operad la volonté 2 •
omne praeteritum et futurum, secundum illud Ioh. 5 : Aucune difficulté pour le verbe au passé avait
«Pater meus usque modo operatur, et ego operore». accomplie. En effet, conformément a Jn r: «Mon Pere
ne cesse point d'agir jusqu'a maintenant et moi
r ( \ aussi e», en Dieu, tout passé et tout futur sont, en leur
) devenir passif comme en leur production active,
151. Secundo notandum quod apud nos tam in ) choses contemporaines et identiquement du présent.
arte quam in natura non cessamus nec cessatur ab 151. 2. I1 n'y a, chez nous, ni dans l'ordre de l'art
opere. Ratio est, quía operata non sunt perfecta nec ni dans celui de la nature, aucune cesse pour l'acti-
semper duratura, sed imperfecta et casura. «Dei vité: rien ne cesse d'agir. La raison en est que les
autem perfecta sunt opera a», Deut. 32, et ideo reuvres produites ne sont ni parfaites ni destinées a
semper duratura, Eccl. 3 : « Didici quod omnia opera, durer toujours; elles sont bien plutot imparfaites et
quae fecit deus, perseverent in aeternum h». destinées a disparaitre. «Les reuvres de Dieu sont
Quibus tamen . hoc addendum est, quod una parfaites»: Dt 32 a, et sont en conséquence destinées
eademque operatione simplici deus res omnes creatas a durer toujours. Qo 3 : «J'ai observé que toutes les
conservat in esse, qua ipsas in esse produxit in reuvres que Dieu a accomplies demeurent a jamais b. »
principio, secundum illud : « Semel loquitur deus e» r -~ Il faut toutefois no ter que e' est par une meme et
etc., Iob 33· Natura vero et ars alia et diversa opera- 1 identique opération simple que Dieu a la fois
tione res casuras conservat in. esse et lapsas reducit conserve dans l'etre toutes les choses créées et qu'il
les a produites dans l'etre au commencement. D'ou la
§ 150 a. Jn 5, 17· h. Jn 1, 3· c. Is 26, 12-13. parole de Jb 33 : «Une fois (pour toutes) Dieu a
d. Rm 11, 36. e. Jn 5, 17. · § 151 a. Dt 32, 4· h. Si 3, 14. parlé c.» Tandis que c'est par des opérations distinctes
c. Jh 33, 14. et diverses que la nature et l'art assurent aux choses
1. AuGUSTIN, La Gen. au s.litt., IV, XI, 2.1 (p. 306), rSPris par
P. LoMBARD, St_nl. II, d. 15, c. 7 (p. 404), cite Jn f, 17 (« ...
Jusqu'a -maiñrenant») .. 2. Cf. Comm. Jean § 647.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 2., x-2. 437

ad esse. Adhuc autem : res omnes naturae et artis caduques la conservation dans l'etre ou le retour a
quamvis corrumpantur, semper manet ens, licet cor- l' etre pour celles qui ne sont plus t.
rumpatur hoc et hoc ens. Propter quod causa huius En outre, si meme toutes les. choses de la nature et
aut huius entis. non cessat. nec quiescit ab opere su o. de l'art se corrompent, l'etre demeure toujours, car ce
Et haec est ratlo, quare dtctum est ab opere, non «in qui se corrompt, c'est tel ou tel étant. Aussi bien la
opere», cuius etiam alía causa est supra assignata. cause de cet étant-ci ou de cet étant-la ne s'arrete ni ne
se repose en son ceuvre. C'est pourquoi il est dit: (se
repósa) de fauvre et non pas «dans son ceuvre». Sur ce
152. Tertio : deus quiescit ah opere universo, non
point, on a noté plus haut une explication.
solum ab hoc aut illo, sicut domificator non quiescit 15 2. 3. Die u se repose de toute son auvre, non pas de
ab ~pere peracto ft;tndat?ento et pariete, sed peractis ceci ou de cela, comme le maitre d'ceuvre qui ne
parttbus domus umversts. Causae ergo aliae secunda- s'arrete pas quand §_Ont posées les fondations ou
riae citra deum quiescunt ab hoc autillo opere, deus élevés les murs, mais~ seulement quand la maison est
autem, utpote causa universalis, quiescit ab universo. terminée en toutes ses parties. Toute cause seconde
Primum enim agens finem ultimum omnium inspicit en de<;a de Dieu se repose de cette ceuvre-ci ou de
et finis ipsi respondet. ' cette ceuvre-la. Dieu, luí, en tant que Cause univer-
selle, se repose de l'universalité (de son ceuvre). C'est la
fin ultime de tous les etres que vise 1' Agent premier,
et cette fin corresponda ce qu'il est lui-meme 1.
~53· Quarto dicitur deus quiescere non ab hoc aut
ab tilo opere sed ab universo, quía providet bonum non 153. 4· Il est dit Dieu se repose, non de cette
tantum uní aut alteri, sed pro convenientia totius ceuvre-ci ou de cette ceuvre-la, mais de l'universalité
~niver~i, sicut verbi gratia _natura particularis agens (de son ceuvre), paree qu'il pourvoit au bien, non pas
mtendtt masculum, non femmam, natura vero univer- seulement de l'une ou l'autre créature, mais au bien
qu'appelle toute leur universalité. Ainsi par exemple, la
f § 1 51 1. Identité de la création et de la conservation daos
l'etre par la Providence: avec THOMAS. d'AQ., ¡a P. q. 104, a. 1
nature, qui, en tant que cause agente particuliere, .\
veut le sexe masculin et non pas• le sexe féminin, 111'>
ad 4; ScGent. III, 64-65; Lectura in ]oan. c. 5, lect. z (Marietti
no 739). Cette ~de?tité motive le rejet de l'interprétation cou-
rante de la creatton comme reuvre ·accomplie daos le passé § 15z 1. Pour la ·disparité agent second- Agent Premier, voir
s~~lement. Chez.Th. d':\q. elle fonde la doctrine de la supério- Pro/. CEuvre prop. § 3, 23; Comm.Jean § 6o; zz6; Comm. Sag. § 71
rtte de la perfection ultime (laquelle est acquise lors de l'acces a (avec Maimonide et Th. d'Aq., ¡a P. q. zz), So, 183. Correspon-
la béatitude: cf. ~~~P. q. 73, a. 1) sur la nature du sujet créé. Chez dance de la fin avec ce qu'est le Principe-Agent Premier: avec
E:c10art elle s~~tlent ~n~ore la c~ception encore plus néoplato- TH. d' AQ., ¡a P. q. 103, a. z; ScG III, c. I 7-18; In Metaph. XII,
mctenne de 1etre ventable qu1 est acq_uis uniquement par lect. u (n° z63 1 : sentence célebre d' Aristote : 1' Acte Pur est
conversion au Príncipe. Voir ci-dessus § zo; Pro/. gén. § 1g; moteur, meut l'univers, au titre d'objet d'amour). Eckhart
Com'!I;·Stlg. §·29z;· Comm. jean § 58.z. . · repre11d ceci Comm. ]ean § 42, 339·
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 2, 1-2· 439

salis et universo providens intendit etiam feminam. tandis que, comme cause agente universelle qui
Licet ignis comburat pannum pauperis, tamen bonus pourvoit a l'univers, elle veut également .le sexe
est universo. Et mala bene ordinata sunt ad decorem féminin. Ou bien encare le feu, qui pour l'umvers est
et integritatem universi a deo, ut malum unum chose excellente si meme i1 arrive qu'il consume le
ordinet aliud malum. Et secundum istum modum manteau du pau;re. Les maux sont bien ordonnés par
quamvis aliquid sit malum huic, si tamen fuerit Dieu pour la beauté et l'intégrité de l'univers, d~
bonum toti universo; respicit deus melius et perfec- fa~on qu'un mal limite et corrige un autre mal. S1
tionem universi cum detrimento partís, sicut medicus meme quelqu~ chose est mal J?~Ur tel indÍVÍ~U ~ingu­
in praecisione membri. lier, pour l'umvers en sa totallte, ~ela reste be!lefique.
Dieu poursuit de la sorte ce qut est le medleur et
assure la perfection de l'univers, malgré le dommage
154· Quinto : deus quiescit ab universo opere, scilicet supporté par telle p~rt~e. Le méd~cin, lors de l'ampu-
ut non creet amodo universum, quamvis semper tation d'un membré, Juge de meme 1•
usque modo cotidie operetur et cooperetur hoc aut ... :

illud, secundum illud : « Pater meus usque modo · 1 54· 5. Dieu se rep~se, de t~ute ;on .auvre, ~ sa~oir
operatura». Sic et domificator cessans a domo tota qu'il n'a plus désormats a creer 1 umvers, s1 meme
facienda operatur tamen emendando hanc aut illam toujours et jusqu'a p~ésent il ol?ere et cooper~ ch~que
partem aliquam ipsius domus. jour pour la productton de cec1 <;m d~ cela, d ~pres ~~
parole: «Mon pere ne ..cesse pomt d ce':lvrer }usqu a
a. Jn 5, 17. maintenanta ... » Le mattre d ceuvre, lm auss1, cesse
d'édifier la maison (achevée), mais reste actif en en
§ 153 x. La question du mal et de la contradiction qu'il améliorant telle o u telle partie 1•
oppose a l'assurance de la foi quant a la sollicitude de
Dieu-Providence re~oit un essai d'élucidation optimiste chez
AuGUSTIN, notamment Enchirid., m, 10-12. (BA 9, p. u8s);
XXIV, 96 (p. 2.72: repris P. LOMBARD, Sent. 1, d. 46, c. 3 n° 6, professé~ alors par to~s les médecins 9uant ~ l'intention d~ la
p. 315; c. 4, p. 317); Du libre arbitre, 111, IX, 2.7 (BA 6, p. 376); nature de produire un sujet ~as,cul~n et ,a la ~ertu~b~tt?n
XI, 32 (p. 386s). Aug. tente de manifester l'utilité finale des maux «accidentelle» provoquant la generatton d un sujet femmm.
limités par leur intégration dans le plan supreme du salut Déja évoquée par ARISTOTE (ibid., IV, c. 3, 767 b9s, p. 146), la
bien supérieur et ultime. EcKHART: ci-dessus § 12.-13, 2.1, nature comme agent universel veillant a la production du sexe
69; ci-dessous § 163; Comm. S ag. § 35-37, 40, 72-73, 197, 200 féminin est rapprochée de Dieu principe de la nature chez
(avec Aug. et Hugues de St-V.), 2.35. 2.38; Serm. lat. 2I § 202. Eckhart (a la suite de TH. d' AQ., ¡a P. q. 92., · a. 1 ad 1; ScG 111,
(cite Avicenne sur le feu qui, bien qu'en soi excellent, dévore le c. 94 n° 2.695): cf. Parab. Gen.§ 115, 12.1; Comm. Sag. § 49, 197,
manteau). THOMAS. d'AQ. offre aussi a Eckhart des appuis: ·cf. i31; Serm.lat. 40/4 § 404; Serm. al/. 28 (DWII, p. 63s; Ancelet l,
¡a P. q. 103; q. 15 a. 2.; q. 19 a. 9; ScG 1, c. 78 n° 663; c. 85 p. 233)· . . . . . . ,
no 714. 1 § I 54 I. L'argument recele la profondeur et l'obscurlte ~e la
L'exemple de la génération d'un vivant de sexe féminin , \\doctrine d'Augustin sur le double mom:nt (n?~ chronolog~que)
évoque la these at?-tique (depuis Aristote, De gen. anim., 11, c. 3, \ de la création: d'abord dans les Idees dtvmes_ ou · ratson~
737~n8s; BeUes-Lettres, p. 62; cf. IV, c. 6, 775 a 15, p. 167) ) créatrices, ensuite avec le développement dans le temps qut
¿'
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z., 1-2.· 441
~55· Sciendum aute~. quod prae~issae quinque · 155· Il faut observer que les cinq arguments sus-
rattones procedunt acctptendo h umverso collective. dits supposent l'interprétation en un sens collectif du
Sexta ~u te~ ratio, .quae .n~~c sequitur, accipitur, terme toute (son auvre ... ).
prout lt ~mv~rs~ sumlt~r dtv~stve, ut sit sensus quod ~ 6. Voici un sixieme argument ou on l'entend au
deus qme.sct~ m qu?hbet, m singulo opere, quod \ sens distributif: Dieu se repose en n'importe laquelle
operatur m tpso umverso, sic in mínimo sicut in et en chacune des ceuvres qu'il accomplit dans l'uni-
maxi.mo, sic in uno sicut in omnibus. Ratio est quia vers. Il se repose aussi bien dans la plus petite que
9uohbe~ opus su~m deus se toto agit et se toto est in dans la plus grande, en une comme en toutes. Cette
Illo, et lterum quta opus mínimum in deo tantum et interprétation se fonde sur ceci que Dieu fait son
a:quale est operi ~aximo. .Propter quod doctores ceuvre par tout lui-meme et qu'il y est présent par
~1cunt quod rerum maequahum aequales sunt ideae tout lui-meme. De phis, en Dieu l'ceuvre la plus petite
1~ ?eo. Et hoc est quod in Libro 24 philosophorum .\ ~\ est aussi grande que_ la plus grande et luí est éga1e.
1
dtcltur : « Deus est totus in quolibet sui »; et iterum : ., Les théologiens en5eignent en effet qu'en Dieu les
« Deus est sphaera infinita, cuius centrum ubique est \ Idées des choses inégales sont égales 1 . A u Livre
et circumferentia nusquam »; et rursus : « Deus est des XXIV Philosophes, il est écrit: «Dieu est tout
sphaera, cuius ~ot sunt circumferentiae, quot sunt entier en tout ce qui est sien»; et encore : « Dieu est
p~ncta». Notavt de hoc infra super illo : «Nec qui une sphere infinie, dont le centre est partout et la
mmus paraverat, repperit minus», Exodi r6a. circonférence nulle part»; et enfin: «Dieu est une
sphere dont il y a autant de circonférences qu'il
156. Septima ratio et octava sunt morales. y a de points 2. » Sur ceci, je propose ci-dessous
Primo ergo accipiendo li universo collective mora- une remarque, au su jet d'Ex r 6 : « Celui qui avait
a. Ex 16, 18. préparé peu disposait de tout autant a.»
I 56. Les septieme et huitieme arguments sont
explicite les «genres _n~:mveaux». Voir La Gen au s. litt. IV, xn, d'ordre moral.
2.2-23 (p. 308; textectte P. LOMBARD, Sent. II, d. 15, c. 4, p. 404); 7· D'abord en entendant le terme toute (l'auvre ... )
V, IV, u_; xx, 41 (p. 388 et p. 43o); X, m, 5 (BA 49, p. 156s).
1. V01r Comm. Sag. § 27, 72. Par-dela la diversité de leur
interprétation des I~ées créatrices, les théologiens s'accordaient (Quaracchi, p. 315); HENRI de GAND, Quodlibet IX, q. 2, Resp.
alors--: surtout depws_la me~ure adoptée en 1241 par l'Université (Paris 1p8, f. 344, Y-Z); S. qu. ordin., a. 68, q. 5 (Paris 1520,11
d~ Par~s (Char~u_l. Umv. Pr:rz~._I,p. 17~s! J?r~p. n° 7) et prohibant f. 230, R). ECKHART, Parab. Gen.§ 55, 59; Comm. Sag. § 22-2.3;
r
d ensetgne; qu ~1 a multtphctte ,de_ v,erttes eternelles - pour dire Comm. ]ean § 45, 395, 557-5 59; Serm. al/. 9 (DW I, p. 148s;
que les Idees <;llv:~e~ s~nt des realites uniquement virtuelles. et Ancelet, I, p. 1o1s); 12 (DWI, p. 199s; Ancelet, p. 12.3).
que l~ur m~lttpliate dec<;mle de la pensée divine dont l'objet 2. Livre des XXIV phi/os., Prop. III, 11 et XVII (Baeumker,
pre~er est 1esse_nce de Dteu comme mesure unique et unifiante. p. 208 et p. 212.). C'est un ouvrage anonyme, issu sans doute de
D'ou la concess10n que ces Idées sont réalité une done sont l'école de Chartres au xne s. et utilisant des sources plus ou
égale~ en5re e!I~s :.cf. TH. d' AQ., QD de veril. q. 3, ;, 2 (éd. crit. moins gnostiques. Comm. Ex.§ 88-92.; Comm. Sir.§ 2.o; Comm.
surtout hgnes 2.66s); Roger MARSTON, QD de anima, q. 4, sol. ]ean § 371, 6o4; Serm. lat 4! § 458.
442 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1-1 443

liter vult dicere : deus in his quiescit, qui non solum au sens collectif, on obtient une interprétation
unum mandatum sive opus bonum faciq.nt, sed qui morale : Dieu repose en qui accomplit non seulement
universa. «Nec enim una hirundo facit ver, nec una un. des commandements, c'est-a-dire une reuvre
dies » clara aestatem, ut ait philosophus. Exodi 2.4 : bonne mais les accomplit tous. Comme le dit le
«Ümnia quae locutus est dominus, faciemusa». Philos~phe: «Une hirondelle ne fait pas le.print~mt's,
r. r Conexae sunt enim virtutes tam apud theologos ni une belle journée, l'été 1• » En Ex 2.4, tl est ecrtt :
' :.; \ quam apud philosophos. «Tout ce que le Seigneur a ordonné, nous. le
ferons a.» Pour les théologiens comme pour les phtlo-
sophes, les vertus morales sont connexes 2 •
. 157· Octava ratio moralis est accipiendo li universo '· 157. 8. Le huitii:me argument, qui releve égale-
divisive, et est sensus quod deus quiescit in quolibet " ment du sens moral découle de l'acception du terme
opere bono quantumvis mínimo, puta in calice aquae toute au sens distriÍ>utif. Selon cette exégese, Dieu
frigidae a, si tamen deus et amor ipsius operatur in repose en n'importe quelle reu~re bon?e, si minime
nobis opus. Non enim censum attendit deus, sed soit-elle, par exemple le verre d e~u fr~tche (offert au
affectum, secundum Gregorium. Et Ambrosius De disciple a), a condition que ce .smt Dteu et l'amour
officiis l. I dicit : «Affectus tuus operi tuo nomen .J pour Dieu qui en nous accom~lts~ent ce~te reuvre. En
imponit». effet, comme l'enseigne Gregotre, Dteu ne nous
demande pas d'~rgent, mai.s de, l'~mour. Dans son
traité Des devozrs, Ambrmse ecnt : «Ton amour
158. Tertio principaliter notandum quod praemis- donne son no m a ton reuvre 1• »
sis obviare videtur quod quies est ptiv.atio, et sic non
videtur deo competere quiescere. Dif!icultés concernant le repos divin.
Praeterea Sap 7 dicitur : « Omnibus mobilibus
158. Troisieme point p~incipal: c.e qu'on vient
mobilior est sapientia a»; ergo non quiescit.
d'expliquer semble contredtt par le fatt que le term_e
Ad primum dicendum quod quies privatio quidem
repos signifie privat~on t. En _ce ~ens, en effet, tl
semble qu'il n'apparuenne pas a Dteu de se reposer.
De plus comme il est dit en Sg 7 : «Plus que tout
mobile, 'ta Sagesse est mobilea. » Done elle n'est pas
§ 15 6 1. ARISTOTE, Éthique Nic. 1, c. 6, 1098 a 18 ; trad. fran~.
en repos 2 • • .
Gauthier-Jolif, 1 p. 16.
2. Pour le theme de la connexion des vertus morales voir
.
f V oici la réponse au premter potnt : le repos est
ci-dessus § 8 8. . '
§ 1 S7 1. GRÉGOIRE le GRANO~ Hom. sur 1'Evang., 1, hom. 5
0° 2 (PL 76, 1093 B) rapporté selon le seos. AMBROISE, De ojjiciis § 1 58 x. Le repos comme privation du mouvement-devenir :
minist.}, C: 30 .~.0 147 (PL x6, 66) explicité par EcKHART, Serm. formule issue d' ARISTOTE, Phys. VIII, c. 8, 264 a27.
iat. JI § 322. · .· · 2. Cf. Comm. Sag. § 125-133.
444 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GENES E 2., 1-2.

est, sed est privatio privationis, motus scilicet, sicut certes privation, mais privation d'une privation, a
~nu~, qu?d cum ~nte convertitur, est privatio priva- savoir du mouvement, comme l'un, qui est conver-
tl~ms !ea~ts quam tmportat multitudo. Privatio autem tible avec l'etre, est pdvation de cette privation réelle
, prtvattoms mera est et perfecta affirmatio ut unitas qu'implique le multiple. Mais une privation de priva-
\).,. pri_vatio multitudinis, est merissima dei 'unitas. Ef don, c'est une affirmation pure et parfaite, de meme
q~tes .dei pe~fectissima est et sincerissima, utpote que l'unité, au titre de privation de toute multiplicité,
pnvatto omms motus. signifie en Dieu l'unité la plus pure. Et le repos de
Dieu est le plus parfait et le plus .pur, car il est
i 59· Ad secundum respondet Thomas p. I q. 9 a. 1 privation de tout mouvement3.
ad 2.

V el die 9-uod hoc _ipso quod sapientia, quae deus 159· Thomas d' Aquin répond au second point,
est, «ommbus mobthbus mobiliora» esse dicitur ¡a Pars, q.9, a. 1, ad zm 1; tu peux également dire:
si~nificatur ipsius quies et vera immobilitas. Nihii «Plus que tout m o hile, la Sagesse, qui est Dieu, est
en~m mobile mobilius est omnibus mobilibus · iam mobile a» signifie le repos de Dieu et son immobilité.
e~um esset mobilius ~e . ips_o, quod est impos;ibile. Rien, en effet, n'est plus mobile que l'ensemble des
St.cut. ergo ca~sa ?mms tgms nunquam est ignis, sed mobiles, a moins de postuler la théorie insoutenable
ahqutd non ~gn~s, . et causa omnis corporis non d'une chose plus mobile qu'elle-meme. Done de
corp~~· sed ahqutd tncorporeum, sic mobilius omni
meme que la cause du feu ne peut etre le feu, mais
quelque chose d'autre que le feu; la cause des corps
~obdt . non est mobile, sed necessario aliquid
tmmobde. n'est pas un corps, mais quelque chose d'incorporel2.

~
, Ainsi ce qui est plus mobile que tous les mobiles n'est
( x6.o. Vel di.c. quod «m?bi~iot» dicitur «sapientia pas un mobile, mais nécessairement quelque chose
?mmb~s ~obtltbus»a, quta sme tempere, subito~ in d'inünobile. ·
mstanu agtt deus om1_1e quod agit. In his autem, quae
16o. Tu peux encore dire : «Plus que tout m6bile
agunt secunda agenua, quandoque .incidit motus et
la Sagesse est mobilea>> paree que tout ce que Dieu
l tempus. Ubi notandum quod motus et tempus
fait, ille fait hors du temps, subitement, en un instant.
i Lors de la production propre a l'agent second, il
.t a. Sg 7, 24. arrive qu'interviennent le mouvement et le temps. Ce
j,
r1' 3·. Sur ce langage négatif, cf. ici § 301 n° 2; Pro/. O. prop. créatrice, on dit que celle-ci s'étend, va jusqu'a l'etre le plus
§ 15, Comm. Sag. § 112, 148, 281; Comm. Ex.§ 74; Comm. jean modeste.
l §, 207,, 575· Pour .le ~hem~ d? ,multiple comme déchéance de 2. Ici «cause» est entendu au registre néoplatonicien, surtout
l 1umte, comme pnvatton d umte: voir ci-dessus § 88-91; Comm. daos le sillage de Denys: l'effet est conteou daos sa cause seloo
! Sag.§ III;Serm.aii.2I(DWI,p. 36os;Anceletl,p. 185s). un mode virtuel et transcendant qui lui impose dissimilitude
l , § .15.·9, t.. THOMltS d' AQ., ¡a P. q. 9, a. I ad 2 : (sur S ag. 7,24) ii par-dela une certaine ressemblance limitée. Voir Comm. Ex.
1
s agtt d une fac;on de patler. Tout le créé émanant de la Sagesse § 35, 120-123, 174-175; Comm. Sag. § 132.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENEsE 1, 1-1 447

per consequens incidunt et comitantur operationem sont la, il faut l'observer, des conséquences que
a.gen~is propter coritrarietatem et repugnantiam pa- l'opération de cet agent suscite du fait de la contra-
tte~tts: Prop~er 9uod illuminatio diaphani et gene- ~~ riété et de la résistance du patient 1• Ainsi explique-
ratto tpsa ettam tn natura sunt subito. Deo autem t-on le caractere subit de la diffusion de la lumiere

t
'
nih~l prorsus contrarium, nihil repugnans, nihil
obststens.
Praeterea termini actionis dei in creatura sunt esse
et nihil. Esse autem tempori non subiacet nihil autem
i
dans le milieu diaphane et de la génération (hylémor-
phique) dans l'ordre de la nature2. Mais, pour Dieu, il
n'est absolument rien de contraire, rien qui lui résiste
\ni lui fasse obstacle.
n~n resistit: ~otu.s ergo et tempus ipsurr: esse rerum, En outre, les termes de l'action de Dieu, dans la
ettam mobthum, tn quantum ens est sive in ratione t créature, sont l'etre et le néant. Or l'etre n'est pas
esse, n~m attin~u~t. Termini autem nullius agentis sujet au temps et le néant n'oppose pas de résistance 3 •
secundt sunt mhtl et esse, et propter hoc in suis
operationibus potest incidere resistentia, motus et
l Le mouvement et l~c:. temps n'atteignent pas l'etre
meme des choses- fussent-elles mobiles- en tant que

~
celui-ci est etre, c'est-a-dire sous la raison d'etre. En
tempus.
revanche, pour tout agent second, le terme de l'agir
Praeterea termini ultimi omnis motus sunt extra
n'est ni l'etre ni le néant. Il est done possible qu'y
motum et tempus necessario. Ultimi autem termini
interviennent résistance, mouvement et temps.
simpliciter sunt nihil et esse omnium creatorum, quos En outre, les termes ultimes de tout mouvement
sont nécessairement extérieurs au mouvement et au
temps. Or les termes ultimes de !'ensemble des
1. La création comme don de l'etre : voir § 14 et 19 ci-dessus;
créatures sont. absolument parlant, l'etre et le néant,
Prol.gén. § 16-17; Comm. Sag. § 19, 25. Supériorité de l'etre sur le
temps, avec Augustin, la Gen. au s. litt., V, v, 12 (p. 3oo): le
temps est réalité créée; il est entrainé par le devenir développé
par la créature. Appui probable sur TH. d' AQ., In Sent. I d. 15, temporelle, de la lumiere comme on la formulait. al?rs ala ~uite
q. 3, a. 2; ¡aP. q. 73 a. 2, pour la notion de repos divin. Au d' Averroes (In Phys. IV,§ 129, f. 163v, D). Celu1-c1 y voyalt un
bénéfice de ce theme, Eckhart emprunte plusieurs éléments a cas de la doctrine d' Aristote sur la génération physique supé-
l'a.naly~e. ?u changement et du devenir selon la philosophie rieure au processus de changement-mouvement. Eckhart y voit
ar1stotehc1enne: cf. Comm. Sag. § 129. Les notions de contrariété le symbole de l'efficace supérieure de la Cause premiere, a la
et de résistance évoquent le Comment. d' Averroes sur Phys. IV, différence de l'agir propre a l'agent créé qui est affecté d'un
§ 71 (Venise 1570, f.. 1~2v; E-F). ~elui-ci mentionne, pour le mode !aborieux et progressif, telle la diffusion de la chaleur.
re¡eter dans le cas d1v1n, le caractere laborieux de la pensée Voir Comm. Ex.§ 140; Comm.Jean § 18, 70-72, 370; Comm. Sir.
intellective passant par 1~ devenir (In Metaph. XII,§ 50, f. 334v, § 46.
G; In Phys. IV, § 97, f. 145v, E). C'est surtout a ce niveau 3· Voir Pro/. gén. § 8-9, 17; Comm. Ex.§ 52, 139, 15 8; Comm.
noétique qu'iei et dans les textes paralleles Eckhart, lors meme jean § 409, 574, 647; Comm. Sag. § 129, 182, 190, 28os; Serm. lat.
qu'il n'explicite rien, relie temps, devenir et insatisfaction. V oír .¡r § 416. C'est formulation abrupte du privilege de Dieu de
ci-dessous § 165, 170; Pro/. gén. § 9, 12, 18-19; Comm. Sag. § 27, communiquer l'etre, l'efficace de l'agent créé n'y coopérant qu'a
172;,,(;omm.J~x .. § 159; Comm.Jean § 129, 182, 574· titre de condition et de préparation, de relais pour la puissance
2.· Allusion a la théorie de la. diffusion instantanée, non divine (in virtute divina : voir THOMAS d' AQ., ScGent III, c. 66).
...

EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z., 1-2. 449


\

solus deus attingit sua operatione immobili immobi- que Dieu seul atteint sans se mouvoir grace a son
liter et per consequens fortiter et subito, Sap. 8 : opération immobile, et par conséquent avec force et
«Attingit a fine usque ad finem fortiterh». Finis a quo de maniere instantanée. Sg 8 : «La Sagesse atteint
est nihil, finis ad quem est ipsum esse, quos solus deus avec force d'une limite a l'autreb.» «Limite» au-dela
attingit concordat, reconciliat et pacificat, secundum de laquelle est le néant, «limite» en desa de laquelle
illud Psalmi : « Qui posuit fines tu os pacem e». Hoc de est l'etre que Dieu seul atteint, coordonne, réconcilie
tertio ínter quattuor. et ha:rmonise, d'apres ce passage du Psaume: «Luí
qui a établi en paix vos confinsc. » Voila pour le
troisieme des quatre points principaux.
161.Restat quarto exponere breviter et litteraliter
verba praemissa, quibus dicitur : requievit deus ab
universo opere.
Notandum ergo primo quod apud nos usualiter,
Seize raisons littérales sur le repos divin.
postquam horno plura locutus est et tacet, dicimus x6x. Il reste a traiter du quatrieme point principal,
quod quiescit loqui vel dicere. Quia igitur de quolibet en bref et au sens littéral du passage considéré : Dieu
opere producto a deo sive creato praemissum est : s' est reposé de toute (son) auvre.
«Dixit deusa»- «dixit», inquam, «et facta suntb»- 1. Il faut noter qu'il est usuel, chez nous, lorsqu'un
hinc est quod post facta et dicta omnia dicitur homme se tait apres un long exposé, de dire qu'il se
siluisse et a dicendo. quievisse. Hinc est quod repose de parler ou de dire. Done pour toute reuvre
1 Reg. 2 5 dicitur : « Cum venissent pueri David, produite ou créée par Dieu, il est écrit: «Dieu dita»
locuti < sunt > ad Nabal omnia verba haec ex et«Il dit»- jesouligne- «et ce fut faith», de la vient
nomine David et siluerunt», id est «quieveruntc», qu'apres que tout fut produit et dit, il est écrit que
secundum aliam litteram quam praebet Rabbi Dieu s'est tu et s'est reposé de diie. D'ou encore le
Moyses. passage de. 1 R 2 5e : «Venus aupres de Nabal, les
gens de David luí dirent toutes .les paro les de la part
162. Secundo potest dici deus quievisse die septimo,
de David, puis (attendant réponse) ils observerent
eo quod tune nihil no vi creavit, sed creata. perpe-
tuavit et quietavit sive stabilivit, ut quieta manerent .l le silencel. » C'est-a-dire qu'ils se mirent en repos,
creata in statu quo creata sunt, secundum illud 1
d'apres une autre leson proposée par Mai"monide.
Esther 2 : «In dicione tua cuneta sunt posita a». 162. 2. Dieu peut etre dit s'etre reposé le septieme
jour paree qu'alors il n'a plus rien créé de nouveau
h. Sg 8, 1. c. Ps 147, 14. § 161 a. Gn 1, 3.6.9.14.20.24.29. mais a conservé les choses créées, les a mises en repos,
h. Ps 39, 2; 148, 5· c. 1 R 25, 9· § 162 a. Est 13, 9· c'est-a-dire stabilisées, pour qu'elles ·demeurent sta-
bies en l'état ou elles futent créées, selon le passage du
.. I. ~vec.MAY~mNIDE, ibid., I, c. 66 (déhut, f. 26v; Munk c. 67, livre d'Est 2 : «Enton pouvoir (dicio), toutes choses
I p. 297)· .. . . . .. . • . sont placées (posita) a.» « Dicio », de dire; « posita »,
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE .DE GENES E z:,. ¡¡-z· 451

« Dicio » a dicen do; « posita », id est quieta et silentia, c'est-a-dire tranquilles et silencieuses reposant dans
in esse accepto quietantia. 1' etre re<;u 1•
., 163. Rursus tertio notandum quod agens in arte et · 163-.. 3· En outre, on observera. que l'agent, dans
natura nec quiescit nec passum sinit quiescere, 1'art comme dans la nature, ne repose· ni' ne laisse le
quousque assimilet sibi passum secundum intentio- patient en repos tant qu'il ne se l'est pas assimilé selon
nem agentis et possibilitatem patientis. Quo facto et sa propre intention et les possibilités du patient. Des
assimilato perfecte, quantum est possibile, tune mox que cela est fait et que celui-ci a re<_ru, dans la mesure
et primo quiescit agens et sinit sive facit et permittit du possible, cette parfaite assimilation, alors, aussitót
quiescere passum. V erbi gratia : artifex nunquam et alors seulement, l'agent se repose et fait se reposer
quiescit nec lapides et ligna permittit quiescere cae- le patient ou le lui permet. Un exemple : l'architecte
dendo, dolando et transportando, quousque accipiant jamais ne se repose ni ne laisse en repos. les pierres ou
esse domus secundum intentionem artificis et simili- les poutres a tailler;~ fa<_ronner ou transporter avant
tudinem formae domus in anima. Quo adepto cessat que n'y soit imprimé l'etre de maison .prévu par
omnis motus et quiescit tam in artífice quam ma.teria l'"archítecte et la ressemblance avec la forme de
?omus. Sic igitur creato universo, quod per se maison qu'il a dans l'esprit. Quand c'est fait, tout
mtentum est a deo et correspondens imagini et mouvement cesse et c'est le repos, aussi bien pour
similitudini in mente divina, secundum illud Boethii : l'architecte que pour le matériau de la maison 1•
· «Tu cuneta superno De meme, une fois créé l'univers, ce qui esta titre
ducis ab exemplo » essentiel le dessein de Dieu 2 et qui correspond a
«tnundum mente gerens similique imagine l'irnage et a la ressemblance présentes dans la pensée
formans», ·. ·. · · divine- c'est 1'affirmation de Boece: «Toi, tu as tiré
dicitur convenienter valde, postquam «cuneta» pro- toutes choses. d'un céleste exernplaire (... ), tu portes
ducta sunt «valde bona a» quae integrant universum, en ton esprit .le; monde que tu formes .a ta ressern-
quod deus requievit ah universo opere. · · . blance3» -, l'Ecriture le dit avec justesse : (a ce
mornent) toutes les choses dont l'univers se compase
étant produites tres bonnesa, Dieu s' est reposé d~ toute
a. Gn 1, 31.
1'txuvre ( qu' il avait accomplie).
§ 162. 1. Argument comme au § 154 explicité avec MA!Mo-
NIDE (ibid. c. 66, fin; Munk p. 2.98). Eckhart ajoute citation
d'Esther : dicio signifie en fait : emprise, autorité. ·
§ 163 1. L'exemple du maitre d'reuvre et de la maison p. nss); tr. 3 c. 6-8 (p. 396s) offrait des développements sur le
achevée est repris d'AuGUSTIN, La Gen. au s. litt., IV, xn, z.z. rapport mouvement-repos qui sont supposés ici.
(p. ;oS). Le reposau terme du changement : ARISTOTE, De gen. et z.. Pour l'univers comme objet premier de l'action créatrice,
s.
cor!up~., I •. 7.-32.4 h17. Voir Pro/. gén. § 19; Comm. Sag. § 2.9; cf. ci-dessus § 15 8. ·
Comm. ]ean § 129. ALBERT le. Go, · Phys; V tr. 1, c. 9 (Bet 3 ;. BoBeE, cf. § 4 ci-dessus.

i
1

1
452 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z., 1-2

164. Adhuc autem quarto sic exponitur litterali- 164. 4· Toujours selon le sens littéral : Dieu se
ter: requiescit deus ab universo. Esse enim et ipsum repose de tout. Car l'etre, et lui seul, repose, est en
solum quiescit, quietum est, immobile, immutabile et repos, immobile, immuable et invariable. Aussi la
invariabile. Unde «forma», eo quod est esse, «sim- «forme», du fait qu'elle est etre, «consiste-t-elle en
plici, et invariabili essentia consistit». Omnia citra une essence simple et invariablel ». Tous les étants
esse et praeter esse sunt inquieta, appetunt et sitiunt situés en de~a et aux alentours de l'etre sont sans
esse. Deus autem est esse ipsum; ab ipso, per ipsum et repos et ontfaim et soif de l'etre2. Or Dieu est l'etre
in ip~o a est omne es se naturae et artis. Propter quod meme : de lui, par lui et en lui a est tout. etre de la
optim~ Boethius ait deo loquens : nature et de l'art. Parlant de Dieu, Boece a fort bien
« Stabilisque manens das cuneta moveri. » dit : « Toi qui, demeurant stable, donnes a toutes
Esse enim ex se ipso et per se ipsum et in se ipso choses le mouvement3. » L'etre en effet, de lui-meme,
quiescit stabile, dat et facit «cuneta moveri » ad se et par lui-meme et en hii-meme, repose, stable, il donn~
propter se desiderio,. appetitu et si ti quadam ipsius et communique «a toutes choses d'etre mues» vers lUI
esse; in se autem dat et facit cuneta quiescere, non par un désir, une certaine faim et soif de l'etre, mais ce
iam moveri ad se. qu'illeur donne et communique en lui-meme, c'est le
repos et non plus ce mouvement qui tendait vers lui.
165. Iuxta quod duo sunt notanda. Primo, quod 165. Ici deux remarques.: d'abord l'etre meme
ipsum esse sic quiescit et in se ipso quietum est et repose et il est en lui-meme silencieux et en ~epos. d~
silens, quod rem quamlibet in se quietat et ipsam facit fa~on telle qu'il fai.t repose! toute chose en lut et atnsl
ut sic immobilem. Non enim est quippiam variabile, la rend immobile. En effet, aucune chose n'est chan-
nisi ratione ipsius esse quodnon habet .. Domus enim geante, si ce n'est en rai~on de l'etre qu'elle n'a pas 1•
ens sive habens esse non potest fieri domus nec album A une maison qui existe, qui possede l'etre, il est
dealbari, sed non domus vel non album; et sic impossible de devenir maison; a du blanc, impossible
universaliter. de devenir blanc. Seul le peut ce qui n'est pas une
Secundo notandum quod secundum hoc intel~i­ maison ou. ce qui n'est pas blanc : C'est une regle
genda est communis expositio qua deus dicitur quies- u ni verselle.
Deuxiemement: c'est d'apres cette regle qu'il faut
comprendte l'explication commur:e selo~ laquel~e
a. Cf. Rm 11, 36. Dieu est dit reposer paree que lut, et lut seul, fatt

164 I. Formule du L. sex princ. attribué a Gilbert de la


Porrée, c. 1 (début, Heysse-Van den Eynde, p. 8). Voir ALBERT,
in L. sex princ., I, c. 2 (Bet 1, p. 307s). 3· BoEcE, Consol. 111, poésie 9, 3 (p. p).
2. "«Aux aleptours de l'etre»: cf. Prol.gén. § 17: le créé est en § 165 1. Voir Comm. Jean § 129, 170, et les réf. proposées
dehors ·de Dieu, pres de luí (contre lui). note 3 du § 160.
454 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 2, 1-2
455

1' cere, quia facit omnia quiescere, et ipse solus, eo quod reposer toute chpse, puisqu'il est l'etre et la cause
ipse est esse et causa omnis esse universaliter. universelle de tout l'etre2.
1
- 1 166. Quinto. exponitur sic : deus quiescit in omni 166. 5. Dieu -se repose en tout, e' est-a-dire de 1'uni-
1

'i sive ab opere universo, quia ipse non permiscetur re bus versalité de son rEuvre, paree qu'il ne se mélange pas aux
operatis, ut dicitur in De causis. Ratio est quía ipse sic réalités qu'il produit, comme il est dit au Livre des
totus est in rebus singulis, quod totus est extra. Hinc Causes. La raison en est qu'il est tout entier dans
' est quod in nobis non dicitur moveri anima manu les choses singulieres, de maniere telle qu'il est
mota, quia sic est tota in manu, quod tota est extra. tout entier en dehors d'elles. C'est pourquoi, chez
Sexto sic : deus et ipse solus quiescit in opere sive l'homme, on ne dit pas que l'ame est mue quand la
l operando, quia operari est sibi esse. Unde sicut rnain se rneut, car elle aussi est tout entiere dans la
quiescit et quietus est, in silentio est in se ipso, in suo \1 rnain, de maniere telle qu'elle est tout entiere en
\ esse, sic quiescit in opere sive operando, et hoc ipsí _: dehors d 'elle t. · -~ .

i ) est proprium. / 6. Dieu, et lui seul, se repose en son rEuvre ou en


reuvrant, car pour luí, reuvrer, c'est etre. Ainsi de
1 167. Septimo s1c: omne creatum oboedit deo rneme qu'il repose et est en repos, qu'en silence il est
ij
¡!
despotice, nihil habens inclinationís sive iuris ad
en lui-merne, en son etre, de rneme il repose en son
oppositum. Causis autem secundis oboediunt opera et
reuvre ou en reuvrant, et cela lui est propre2.
operata non iam despotice, ut servus, sed politice,
utpote habentia ex se ipsis inclinationem ad oppo- 167. 7· Tout le créé obéit a Dieu comrne a un
situm. Et propter hoc non oboediunt ipsis nisi despote, sans penchant ni droit a l'opposition. En
per motum, quo vel ipsi moventes aut operantes revanche, les reuvres des causes secondes et ce qui est
reuvré par elles, leur obéissent non plus comrne a un
despote, ainsi que le fait l'esclave, rnais de maniere
2. Voir d-dessous note 2 pour 1~ § 174. au sujet de «l'explica- politique, du _fait qu'elles ont d'elles-rnemes. un pen-
tiori commune ». · chant a 1' opposition t. Et e' est pourquoi elles ne leur
§ 166 1. AuGUSTIN, La Gen; au s. litt., IV, XIV, 25 (p. 3 us): obéissent que par l'intermédiaire du mouvement, soit
Dieu se repose en lui-meme, au-dela de ses reuvres. Livre des
Causes, prop. 19 (Pattin n° 155 p. 89). Voir ci-dessus § 61, 69;
Comm. Ex.§ 163; Comm. Sir.§ 54; Comm. Sag. § 135, 291; Serm. § 167 1. ARISTOTE, Politique, I, c. 5, 1254 b3-4, distingue
al/. 9 (DW I p. 143; Ancelet I, p. 1oo). La présence de l':ime pouvoir despotique et pouvoir politique. THOMAS d' AQ., In
. entiere en chacune des parties du corps comme Dieu est présent Poiit. I, c. 5 (éd. crit. p. 94, 16s) et III, c. 5 (p. 201, 93s); ¡a P .
en sa totalité a toutes les parties de l'univers est depuis le q. 81, a. 3 ad 3, les explique comme pouvoir pour l'utilité du
stoicisme un lieu commun. La tradition théologique a retenu la maitre d'une part, et de l'autre comme pouvoir qui, usant de
comparaison: cf. Ps.-AuGUSTIN, De spiritu et anima, c. 18 (fin; persuasion, s'exerce pour l'utilité du subordonné. D'ou deux
P L 40, 794); THOMAS d' AQ., ¡a P. q. 8, a. 2 ad 3 ; ci-dessus § 21 ; types d'obéissance : l'une, relative au pouvoir despotique, qui ne
Prc/; (Euvre.prop; § 14; Comm.jean§ 93, 1p; Comm. Sag. § 72. tolere pas résistance; l'autre, ~<politique», qui laisse place a des
· 2. Sur le repos silencieux de Dieu, e[ Comm. Sag. § 28os. inclinations plus ou moins contraires. Cf. Comm.Jean § 170.
/")

EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GEN ESE z., 1-2 4S7
moventur in se ipsis, ut est in corporalibus, vel saltem que ce qui meut ou reuvre soit lui-meme mu en
per motum operum, sicut est in motoribus caelorum, lui-meme, comme e' est le cas des (causes) corporelles,
secundum illud Iob 9 : «Sub quo curvantur, qui ou qu'il le soit seulement dans le mouvement de ce
portant orbema». Motores scilicet orbium caelestium qui est reuvré, comme c'est le cas des moteurs des
in hoc curvantur, obliquantur et deficiunt a primo, cieux; d'apres Jb 9 : « Dieu sous qui se .courbent ceux
quod non operantur nisi movendo et per motum citra qui portent l'orbea. » De fait, les moteurs des orbes
operata foris. célestes se courbent, s'écartent et s'éloignent du
168. Octavo sic: princ1pmm omnium producto- Premier, dans la mesure ou ils n'reuvrent qu'en
rum naturalium est intellectus altior natura et omni mouvant, c'est-a-dire par le mouvement de ce qu'ils
creato, et hic deus, ·de quo proprie loquitur Anaxa- reuvrent en desa d'eux-memes, a l'extérieur.
goras ad litteram quod est «separatus», « immixtus »,
«nulli nihil habens commune», ut discernat omnia.
+ la 168. Le
8. princip~de
tous les effets produits dans
nature est un Intellect supérieur a la nature et a
Intellectus autem ex sui proprietate non laborat toute créature 1, et c'est Dieu, dont Anaxagore dit
operando, sed quiescit. Et hoc est quod in verbis proprement et littéralement qu'il est «séparé», «non
praemissis dicens deum quiescere ah universo opere nos mélangé», «n'ayant rien de commun avec quoi que ce
' '- docere voluit quod deus sit intellectus purus, cuius soit», pour voir tout. Or l'intellect, de par sa pro-
esse totale est ipsum intelligere. pr,iété, ne peine pasen reuvrant, mais se repose. Ainsi
1

, 169. Nono sic : amor ex· sui proprietate laborem l'Ecriture, en a.ffirmant que Dieu se repose en toute son
!,nescit, quin immo principium est et finis omnis )
auvre, veut-elle nous enseigner que Dieu est pur
poenae et passionis, ut ait philosophus. Et r J oh. intellect, dont l'etre tout entier est la pensée meme 2 •
) dicitur quod «timor non est in caritate», «quoniam
1~. 9· L'amour, de par sa propriété, ignore la
peine. Bien plus, il est, comme dit Aristote, príncipe
§ 167 a. Jb 9, 13. § 169 a. 1 Jn 4, 18. et fiJl de tout travail et de toute passion 1• Dans la
Ire Epitre de Jeana, il est dit: «Il n'y a pas de crainte
§ 168 1. «Vceuvre de la nature est d'une· Intelligence» :
axiome issu d'Averroes et courant au xme s. Cf. ALBERT
le Go, Métaph., IV, tr. ;, c. 1 (Col. 16-1 p. 186, 34; en note,
référ. multiples). Il figure dans le recueil Auctoritates Aristotelis sitian du savoir, loin d'entrainer changement destructeur chez
(Hamesse n° z.Sz, p. 139). Voir ci-dessus § 6; Parab. Gen.§ z.o3, l'intellect, lui vaut au contraire vigueur et actuation parache-
2.14; Comm. ]ean § p8; Qu. París. 1 § 5, 10. . . vante. Sur l'intellect pur (Dieu avant tout), cf. Qu. París. 1 en
z.. Sentences d' Anaxagore rapportées par ARISTOTE, De/'lime, entier; ci-dessus § ;, 6, II; Parab. Geti. § 2.14; Comm. Sir.§ 2.99;
I, c. 2, 405 a13-17; III, c. 4, 42.9 a18-2o; Phys. VIII, c. 5, 256 Comm.Jean§ 31, 34, ;os, 318,658,669, 678; Serm. iat. 22§ 214;
bz.4-27; Métaph., 1, c. 8, 989 b 14s. ALBERT leGo, De anima, I J4/r § 528; Serm. al/. 9 (DWI p. 150; Ancelet I, p. 1ozs).
tr. z, c. 3, Col. 7-1, p. 24, 1s; III, tr. z, c. 2. (p. 178, 63); c. 14-15 § 169 1. «L'amour ignore la peine»: S. BERNARD, Super
(p. J96,.66s)i Métaph. I, tr. 3, c.;, Col. 16-1 p. 72, 74s. Dans ~a Cant., Sermo 85, n° 8 (Rome, II, p. 312., 2os); AUGUSTIN, De
philosophie aristotélicien:ne, c'est doctrine courante que l'acqut- bono viduit., XXI, z6 (CSEL 41, p. 338, 17) selon le sens.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 1-1·
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poenam habeta». Amor ·enim est boni habiti iam dans l'amour»; car «la crainte comporte peine»2.
praesentis, in quo naturaliter quiescit. Dicens ergo L'amour, en effet, concerne le bien déja présent et
deum quiescere in rerum creatione docet nos deum acquis, en lequel, par nature, il se repose3. Done en
creasse universum .amore et per consequens volun- 1 di~ant que Dieu se repose dans la création du monde,
tate. Unde Hilarius in libro De synodis dicit : \ l'Ecriture nous apprend qu'il a créé l'univers par
« Omnibus creaturis substantiam dei vol untas attulit, ) amour et done par volonté4. Aussi Hilaire, au livre
sed naturam filio dedit» «perfecta nativitas. Talia Des synodes, explique-t-il: «A toutes les créatures la
enim cuneta creata sunt, qualia deus esse voluit. Filius volonté de Dieu a conféré la subsistance; tandis qu'au
autem natus ex deo talis subsistit, qualis et deus». Et Fils Dieu a donné, en une naiss.ance parfaite, sa
Augustinus I De doctrina christiana dicit quod, «quia propre nature. Toutes choses ont été créées telles que
deus bonus est, sumus » et iterum quod deus utitur Dieu les a voulues, mais le Fils né de Dieu subsiste tel
nobis propter suam bonitatem et nostram utilitatem. que Dieu es t.» Augustin, au livre Ier de la Doctrine
Sic ergo dicendo deum quiescere in rerum produc- chrétienne, déclare : «Paree que Dieu est bon, nous
tione quattuor nos docet, scilicet deum creasse omnia sommes. » Il dit encore que « Dieu en use a notre
volun tate, non necessitate; iterum ipsum ·creasse ex égard en vue de sa propre bonté et de notre utilitéS. »
amo re; item ex sua bonitate, nulla sui, sed nostra En disant ainsi que Dieu repose dans la production
utilitate. des ehoses, (Moise) nous enseigne quatre ehoses :
\ Dieu a tout créé par volonté et non par nécessité; il a
170. Rursus decimo : quia bonum et finis ídem, tout créé par amour; de par sa bonté, rien pour lui,
docet deum sic esse rerum principium, quod est et ) tout pour notré utilité.
finis omnium, vindicans sibi ex hoc ipso amorem et
voluntatem omnium. creatorum, utpote bonum et 170. i o. Bien et fin étant identiques, l'Écriture
finis singulorum.. Ex hoc patet decima ratio, quare nous apprend que Dieu est príncipe de toutes choses
deus et ipse solus quiescit in opere. Ipse enim omnium de fa~on telle qu'il est également leur fin a toutes et
operationum in creatura sic est principium, quod est que par la meme il attire a lui l'amour et la volonté de
toutes les créatures, en tant qu'il est le bien et la fin de
ARISTOTE, Ethic. Nic. VII, c. 15, 1154 a 26s et b13s, version chacune d'entre elles. Voila qui rend évidente la
Grosseteste, Arist. lat. XXVI, p. 296s : Dieu, paree que simple, dixit!me raison pour laquelle · Dieu, et Dieu seul, se
a une activité toujours délectable. Voir Comm. Ex. § 210; repose en son reuvre : il est príncipe de toute opéra-
Comm. Jean § 244, 475; Comm. Sag. § 195. 11 est probable
qu'Eckhart s'appuie sur TH. d' AQ., ScG I, c. 91 (citation de
Ethic. VII).
2. Voir Serm. lat. 6/4 en entier consacré a ¡a ]oan. 4, 18. { 4· Allusion au débat contemporain suscité par le theme de
3· Avec THOMAS d'AQ., / 0 -I/" q;66, a. 6; In Metaph. XII, création par voie émanatiste (Avicenne). Voir ci-dessus § 6, 146.
lect. 7 (n° 2529: Dieu meut comme objet d'amour et no 2535 : 5· HILAIRE, De synodis, VIII, c. 24 n° 58 (PL 10, po). Cf.
motjon. par.. mode d'assimilation intellective et volitive). Cf. Comm. Sag. § 179. Les deux sentences d'AuGUSTIN: La Doct.
Comm. Sir. § 48, 56s;· Serm. lat. 6/4 § 66-67. chr., I, XXXII, 35· (BA 11, p. 225). Voir Comm. Jean § 312.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z, 1-2.

et finisa, Apoc. 1 et ultimo. In principio autem tion dans la créature de fa~on telle qu'il en est aussi la
omnis res virescit et florescit, in fine vero quiescit, fin: Ap 1 et fin (« Je suis 1' Alpha. et l'Oméga, le
sicut notavi diffuse super illo : <<flores mei fructus», Premier et le Dernier, le Príncipe et la Fin a»). Dans le
E cel1.. 24 b. .
príncipe; en effet, toute chose verdoie et fleurit, tandis
Undecimo sic: omne agens quiescit in operato que dans la fin, elle repose, comme je l'ai expliqué en
esse, ut dictum est supra. Sed in deo operari est détail a propos de Siracide 24: «Mes fleurs, ce sont
operatum esse, eo quod finis sit et principium. Igitur mes fruits b 1 • »
deus quiescit proprie in operari et operando, ut hic 11. Tout agent repose dans l'avoir ceuvré, comme
dicitur. on l'a dit plus haut 2 • Mais en Dieu ceuvrer, c'est avoir
171. Duodecimo ex eodem melius sic: in nobis reuvré, paree qu'il est en meme temps fin et príncipe.
operari ordinatur ad operatum esse, in deo vero e Done Dieu repose, au sens propre, dans l'ceuvrer et
converso operatum esse est propter operari. Artifex en reuvrant, comme:jl est dit ici.
enim nunquam domum faceret, si operari nunquam
171. 12. Développons · mieux cet argument. En
esset operatum esse. E converso in deo : nunquam
enim deus ·mundum creasset, si creasse non esset
J.-' nous l'reuvrer s'ordonne a l'avoir ceuvré, mais en
Dieu c'est l'inverse : l'avoir reuvré est pour l'ceuvrer.
creare, nec filium genuisset, si generasse non esset
Jamais en effet l'architecte ne batirait la maison si
generare.
reuvrer ne devenait jamais pour lui avoir ceuvré. Dans
Ratio praemissorum est, quia generatum esse sive
le cas de Dieu, c'est l'inverse : jamais, en effet, Dieu
creatum esse dicit praeteritum secundum se. In deo
n'aurait créé le monde si avoir créé n'était créer, et il
autem nihil praeteritum, nihil futurum, sed omnia
n'aurait pas engendré le Fils si avoir engendré n'était
praesentia, quia nec praeteritum est nec futurum est, 1 engendrer.
nisi quatenus ad praesens reducuntur. Quod enim
La raison en est que «avoir été engendré» ou
praesens non est, nec ens est. Et hoc est quod
«avoir été créé» exprime de soi le passé. Oren Dieu il
Augustinus et Gregorius dicunt, quod filius in divinis
n'est ríen de passé ni rien de futur, mais tout lui est
semper natus est et semper nascitur.
présent, puisque ni le passé ni le futur ne sont, si ce
n'est en tant qu'ils se ramenent au présent. Car
a. Ap 1, 8; zz, 13. b. Si 24, 23.
ce qui n'est pas présent n'est pas étant. De la
§ 170 1. Cf. Comm. Sag. § 175; Pro/. gén. § 18-19; Comm. Sir.
vient qu'Augustin et Grégoire enseignent qu'en Dieu
§ 18s, 56 (les § 18-29 expliquent l'identité fleur-fruit dans le cas le Fils est toujours 'déja né et to\ljours en train de
divin); Serm. Jat. 4r § 416. Ces paralleles montrent qu'Eckhart, naitre t.
en Ap 1, 8,13 ,zz, retient surtout les titres «premien> et « dernier »
(principe paree que fin). évoqués sans doute d'apres P. LOMBARD, Sent. I, d. 8, c. 4,
2. Voir ci-dessus § 146. p. ro6s, citant plusieurs textes de chacun et aussi d'Origene sur
§ 171 1. Cf. § 20 ci-dessus; Pro/. gén. § 17, 21; Comm. Sir. la naissanae étemelle du Verbe divin. Cf. Comm. Sir. § 23 avec
§ 2I;'i.j;·Comm.Jeem § 31, 373,411, 582. Augustin et Grégoire, Origene.

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1,..
1,
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EXPOSITIO LIB. GENESIS. COMMENTAIRE DE GENESE z, 1-z

172. Rursus ~dcdmo tertio :: res omnis locata ah ~ 172. 1 3· Est sans repos toute chose qui rec;oit d'un
alio extra locum suum inquieta est, locum sitit et in autre assignation en un lieu qui n'est pas le sien, car
loco suo quiescit. Caelum autem non locatum ah alio, elle a soif de son lieu et repose en lui. Orle ciel n'est
sed locus potius locans omnia. Ipsum in loco suo ~· pas contenu localement par autre chose : il est bien
movet~u~ et m<?tus suus vita est, et esse est_ sibi
1
_,_,/ · plutót le lieu qui contient toutes choses. Lui-meme se
movert; quod st non moveretur, non esset 'taelum. ,_,-·• meut en son lieu propre, son mouvement est vie et,
Dicens ergo:deum quiescere in omni opere duo docet: '// pour lui, etre c'est se mouvoir. S'il ne se mouvait pas,
primo, quod deus est locus omnium, extra quem il ne serait pas le del. La parole affirmantque Dieu se
inquieta sunt omnia et in quo solo quiescunt ,omnia, repose en toute son ceuvre enseigne done deux choses :
secundum illud Augustini Confessionum I: «In- d'abord que Dieu est le lieu de toutes choses hors
quietum est cor nostrum, donec requiescat in te.» duque! elles sont sans repos et en qui seul toutes
Secundo docet : cum sit locus omnium, in: se ipso reposent, d'apres ce~ paroles d' Augustin au Ier livre
operatur et movet omnia, et sibi operari - non des Confessions : « Notre cceur est sans repos jusqu'a ce
operatum esse - est esse et vivere sibi et singulis qu'il repose en toil. » Deuxiemement, Dieu étant le
omnibus, scilicet universo. lieu de toutes choses, c'est en lui-meme qu'il ceuvre et
1 meut toutes choses. Pour lui, ceuvrer - et non avoir
173· ·Praeterea decimo quarto : dicendo deum \)\ eeuvré- c'est etre, c'est vivre pour lui-meme et pour
quiescere docet quod solus deus bonus esta, ut dicitur toute chose singuliere, c'est-a-dire pour l'univers.
Luc. 1 ~ et ut ~it Augustinus VIII De trinitate : deus
est bonus; « bonum omnis boni». Bonum nihil autem 173· 14. Dire que Dieu repose, c'est enseigner que
hoc aut istud adicit quidquam bonitatis ipsi bono, e0 Dieu « seul est bon a», comme il est dit en Le 1 8 et
qu?d ah ipso bonitatem accipiat, non . auferat · seu comme !'explique Augustin au livre VIII de fa
Trinité : « Dieu est bon, le bien de tout bien 1, » Or ce
bien-ci ou ce bien-la n'ajoute aucune parcelle de
a. Le. 18, 19.
b~:>nté au bien lui-meme, paree que c'est de lui que ces
btens rec;oivent .la bonté, sans la lui óter ni la lui
§ 172 1. Pour ce theme de Iieu et son développement (avec
appui sur la théorie aristotélicienne du «lieu natúrel») au conférer. ·
sens de fin recherchée par nature, voir ci-dessus § 19, '49s,
144; ci-dessous § 174; Pro/. gén. § 17; Comm. Jean § 206-215; que Dieu, lequel ne tient pas son excellence d'un bien externe,
Comm. Ex. § 128, q8; Comm. Sag. § 140-142. Citation est bien pour tout bien»~ Lourd de la doctrine néoplatonicienne
d'Augustin, cf. ci-dessus § 149. DENYS, ND, c. 4 § 10, 705 B; de la participation au bien, ce texte (déja exploité par THOMAS
Dion. I p. 194, parle de coJJocatio au sens d'orientation stable vers d' AQ., ScG I, c. 4o), avec son sens de particularisation par le
le Bien. Cf. ALBERT le Go, In DN, c. 4 § 21 (Col. 37-1 p. 128, <<ceci» ou le «cela», constitue un~ des principales références
65s): Dieu «lieu» de l'ange. d'Eckhart qui le développe souvent en termes d'etre. Voir Pro/.
§ 173 1. AuGUSTIN, La Trin. VIII, m, 4 (BA 16, p. 32) : «ceci CEuvre prop. § 3-8, 15; Comm. Sag. § 39, 98, 114; Comm. Ex.§ 17;
(hoc)ssLun bi.en,-cela (iJJuá) est un bien. Enleve le «ceci» et le Comm.Jean§ 103, 559; Serm. lat. 6/I§ 53; 2J/2 § 262; L. Consol.
«cela>>, et vois, si possible, le bien inerrie. Ainsi encore tu verras (DW V, p. 25; Ancelet, Traités1 p. 109).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z., x-.a·

conferat. Rursus non posset esse deus «omnis boni ·De_ plus, Dieu ne pourrait etre «le bien de tout
~onum », nisi .es~et primarium, supremum et plenis- bien» s'il n'était le bien primordial, supreme, le plus
slmum et punss1mum bonum. Bona autem haec illa pur et le plus plénier. Mais ces biens-ci ou ces
distincta distinctis modis sortiuntur quam habent et biens-la, dans leur distinction, rec;oivent distincte-
accipiunt bonitatem. Oportet igitur illud, quod est ment la bonté qu'ils .ont et détiennent. Il importe
omnium bonum, in se habere omnem modum et done que ce qui est le bien de toutes choses ait en soi
rationem distinctarum bonitatum indistincte et om- indistinctement le mode et la raison de chaque bonté
nem modum sine modo aut potius supra modum. ' distincte et que tout mode y soit sans mode ou plutót
Adhuc autem litteraliter et quantum ad rudiores au-dessus du modeZ.
deus dicitur quievisse a creando et operando, ne Au sens littéral encore, pour les esprits frustes, il
c~edatur operari cum labore, sicut in physicis est dit que Dieu s'est reposé de créer et d'ceuvrer pour
v1demus quod omne agens patitur et «omnis passio» qu'on n'aille pas crqire· qu'il reuvre avec peine, a la
«abicit». fac;on de ce quise passe dans la nature, ou tout agent
patit et ou tout patir déprime3.
174· Rursus autem decimo quinto dicitur deus
quiescere in omnibus creatis et eorum creatione, ut
doceamur quod deus est esse purum, plenum et 174. 1 5. L'Écriture dit que Dieu se repose en
simplex et fons unicus omnis esse, sive in anima vel toutes les choses créées et dans leur création pour
extra, sive in arte vd in natura. Unde Augustinus nous apprendre qu'il est etre pur, plénier, simple,
I Confessionum ait : « Nulla vena trahitur aliunde, source unique de tout l'etre, que ce soit dans l'ame ou
qua esse et vivere currat in nos, praeter» deum «CUÍ hors de l'ame, dans l'art ou dans la nature. D'ou la
esse et vivere non aliud aut aliud est, quia summe esse paro le d' Augustin au 1 er livre des Confessions : « On
et summe vivere » deus es t. Res autem omnis , ut · ne peut trouver aucune veine par laquelle l'etre et la
súpra diffuse ostensum est, in esse et propter esse vie ~e répandent en nous sinon~> Dieu, « pour qui etre
quiescit in omnibus. et v1vre ne sont pas distincts. Etre au degré supreme
et vie la plus éminente»: tel est Dieul. Toute chose,
Quod autem communiter dicitur, quod deus
quiescit in omnibus, quia facit quiescere omnia, sicut ainsi qu'on l'a amplement montré plus haut, repose
domus dicitur laeta, quia facit la:etos, vel societas dans l'etre et, en toutes choses, a cause de l'etre.
;Quant a ce qui est dit communément, a savoir que
D1eu repose en toutes choses paree qu'illes fait toutes
2. Exposé en logique aristotélicienne (élargie avec le theme reposer, tout comme on dit d'une maison qu'elle est
du modus) de ce que Thomas d' Aq. expliquait en usant de la joyeu~e paree qu'elle rend ·ses habitants joyeux, ou
logique néoplatonicienne (bien par essence, par participation) en
ScGent. 1 c. 38-4o; ¡a P. q. 6; etc.
3· Avec AuGUSTIN, La Gen. au s. litt. IV, VIII, 15 (p. 298),
repris p~r B~.O.E, J.n Gen. 11, 2 (CC 118 A, p. 33, 1024s). Pour le § 174 1. AuGUSTIN : cf. § 14 ci-dessus et Pro/. CEuvre prop.
patii: chez l'agent physique, voir ci-dessus § 1 14. § 20.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 2, 1-2.

laeta, quía laetificat, exemplare est, sed minus et d'une société qu'elle est joyeuse paree qü'elle e~t
imperfectum est. Sed potius sic intelligendum quod réjouissante, c'est s'exprimer par des exe~ples mats
dicitur: «Id quod vere desideratur» in esse et «quod de peu de valeur et imparfaits. 11 va~t mteux _com-
desiderat omnis res, est esse et perfectio esse, in prendre ainsi ce qui est dit : «ce qut est, ':ratment
quantum est esse», ut ait Avicenna VIII Metaphy- désiré» dans l'etre et «Ce que toute chose destre, c'est
sicae c. 6. Esse autem nihil prorsus dat aut operatur l'etre et la per.fection de l'etre en tant qu'il est etre»,
nisi in virtute dei operantis et principiantis illud, sicut comme l'écrit Avicenne au livre VIII, chap. 6 de-la
et rex dicitur vere expugnare castrum, cuius virtute Métaphysiquez. Absolu.ment ríen n~ don~e ,ni ?'opere
dux exercitus expugnat illud. l'etre sinon dans la putssance de Dteu qutl. opere ~t. le;
produit originellement, tout comme on dtt en vente
175· Rursus decimosexto quiescit deus operando du roi qu'il s'empare d'un chateau, alors que c'est par
et in omni opere seu operato, quía hoc est unicuique la ·ptiissance du roL--'-que le général de l'armée s'en
naturale et bonum, quod in ipso deus operattir et empare3.
vult. Sic ergo tamquam in bono et naturali quies est
et silentium in omni operatione dei. Ipse enim, utpote 175· r6. Dieu repose en reuvrant et en toute
esse purum, semper esse operatur, quod cum bono reuvre ou chose reuvrée paree qu'est naturel et bon
convertitur. Et ipse, utpote <<pura bonitas», malum pour toute chose ce que Dieu reuvre et veut pour elle.
operari non potest, sed semper bonum, in quo C'est done en tant que cela est bon et r:aturel9u'~} y a
quiescunt omnia et ipsum in se ipso. repos et silence en toute reuvre de .Dteu.,~ut-me~e,
en tant qu'etre pur, reuvre sans cesse 1 etre qut se
convertit avec le bien. Et lui-meme, en tant que « pure
176. Postremo moraliter notandum quod in hoc, bonté», ne peut opérer le mal, mais toujo~rs }e bien,
quod deus dicitur quiescere operando, notat~r quod eri l~quel reposent toutes choses et lm-meme en
opus divinum in nobis est, quando ipsum operari lui-meme 1•

+ était mentionnée
2.Une interprétation figurée de ce theme du repos de Dieu
par AuGUSTIN, La Gen. s. litt., IV, IX, 16
Dieu se repose dans l' action qu'il inspire.
a11
(p. 3oos). Bieri que jugée insuffisante par Augustin, la Glose l'a j'.<
f-.- 176. Enfin, . au sens moral, il faut relever. ce~i :
divulguée : cf. Lyranus I, f. 34rb (e). Elle ayait rec;u au xue s. un l'affirmation que Dieu se repose en reuvrant. stgr:tfie
regain d'intéret _avec la théorie des dénominat_ions de Dieu ,~.
\ que l'reuvre divine est en nous quand le fatt meme
expliquées comme ne signifiant ríen de propre a Dieu _en j

lui-meme mais seulement en son rapport au créé. V oír ALAIN de


LILLE, Regul. XXI et XXVI (PL 210, 6.ps)._ Eckhart souligne l'assistance de l'agent premier seul créateur, seul cause propre de
en conséquence que si Dieu communique le repos, c'est qu'il est 1' etre. V o ir ci-dessus note 3 au § 1 6o.
lui-meme repos. Citation d'Avicenne: cf. ci-dessus § 149 et § 175 1. Pour l'axiome dio~ysien: «~ie~, bien par essence,
ci-dessous § 243 .. ne peut produire que du bten», vo.tr ct-des.su~ § 127. La
3· ''L'efficaée de l'agent créé quant a-l'etre de l'effet suppose délectation du bonheur est naturelle au tttre de prtnctpe-fin.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z, 1-z

dulce est in se ipso. Propter quod secundum philoso- d'reuvrer est en lui-meme agréable. Selon Aristote, le
phum signum generati habitus est delectatio in opere. signe qu'un habitus est acquis, c'est le plaisir qu'on
Quod enim pro alio extra fit, servile est, mercenna- prend a reuvrert. Ce que l'on fait pour autre chose
' rium est. Liberum enim est quod sui gratia, quod in que l'reuvre meme est servile et mercenaire. Est libre
se et propter se placet, Prov. 16: «U ni versa propter ce qu'on accomplit pour soi,,ce qui plait en soi et a
semet ipsum operatus est deusa.» Bonum ergo quod cause de soi. Pr 16 : « Toutes choses, le Seigneur les a
non propter se ipsum, quía bonum, operamur, non t faites pour lui-memea. » Le bien que nous n'opérons
est opus divinum nec deus illud operatur in no bis; pas pour lui-meme, uniquement paree qu'il est bien,
sed hoc aliud extra, propter quod operamur, operatur ce n'est pas l'reuvre divine et ce n'est pas Dieu qui
in nobis. Propter quod signanter Matth. 5 dicitur : ) l'accomplit en nous 2 • Mais c'est cette autre chose,
« Beati qui esuriunt et sitiunt iustitiam b». Opus enim ( extérieure, pour laquelle nous opérons, qui opere en
iustum est, in quo ipsa iustitia, nihil aliud esuritur, ; nous. Aussi est-il e~pressément dit en Mt 5 : « Heu-
sititur, appetitur et quaeritur. Et infra sequitur : reux ceux qui ont faim et soif de justice h.» En effet,
« Beati qui persecutionem patiuntur propter iusti- l'reuvre juste est celle en laquelle c'est de la justice
('
tiamc». «Patiuntur» inquit, non ait: «passi sunt» aut elle-meme, et rien d'autre, qu'on a faim et soif, c'est
«patientur», ad signandum quod in ipsa operatione elle qu'on désire et qu'on cherche. La suite dit:
seu passione propter iustitiam consistit perfectio « Heureux les persécutés qui patissent a cause de la
iustitiae. Iusto enim, in quantum iustus est, iuste justicec. » « Patissent», est-il écrit, et non «ont pati» ni
agere vivere est et esse. «patiront», pour manifester que c'est dans l'opération
Rursus etiam ait in praesenti «patiuntur». Iustitia meme, c'est-a-dire dans la passion subie a cause de la
enim et eius opus, utpote divinum, non praeterit, justice que la perfection de la justice consiste. En
secundum illud . Sap. 5 : « Iusti in perpetuuril effet, pour le juste en tant que juste, agir avec justice,
viventd», et iterum: «lustitia immortalis este». Prae- c'est vivre et c'est etre3.
Encore sur le présent « patissent ». La justice et son
a. Pr 16, 4· b. Mt 5, 6. c. Mt 5, 10. d. Sg 5, 16.
reuvre en tant qu'reuvre divine ne passeront point,
e. Sg 1, 15. comme le dit Sg 5 : «Les justes vivront p~:mr tou-
í joursd», et encore: «La justice est immortellee.» A
,,1,
~
1. ARISTOTE, Ethic. Nic. II, c. 3, 1104 b3s; Arist. lat. XXVI
p. 166. Cf. ALBERT le Gn, Super L. Ethic. II, lect. 2 (Col. XIV-1 al/. 6 (DW I p. 112; Ancelet I, p. 15 1s); et surtout Comm. Jean
§ 108, p. 96). § 177 : l'ceuvre excellente que Dieu accomplit en nous releve de
2. Pour l'imperfection éthique de l'activité mercenaire, a la la grace. V o ir ibi't/. § 248 et 58 5.
suite de S. BERNARD, De dilig. Deo, c. 7 n° 17 (Rome, III p. 13 3s) 3· L'insistance sur le préseht de l'opération découle du
et ~e !HOMAS d' AQ., In Sent. III, d. 29, a. 4 et Il4 -II« q. 19 a. 4 discernement relai:if a l'intervention divine dans l'agir de l'agent
(qUl ctte ARISTOTE, Métaph., I c. 2, 982 b26: «est libre qui agit créé. Voir Comm. Sir.§ 22-23. La justice comme príncipe formel
en vu.~ de soi-!llerpe»). Voir ci-dessous § 261; Parab. Gen. § 92; constituant le j~ste: cf. Comm. Sag; § 63; Comm.Jean§ 14-22,85,
Comin. ·Jag. §' 70, 75, 7.9• 98, 18o, 195; Comm. Ex.§ 245; Serm. 169, 225, 340-341; Parab. Gen.§ 139 et 149·

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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GENES E z, 1-2 471
dictis alludit illud Ethicorum I, « differentia quaedam ceci 1' Éthique, au livre Ier, fait allusion : «Il y a, a Ce
videtur esse finium. Hi quidem enim sunt opera- qu'il semble, une différence dans les fins: les unes
dones, hi vero praeter has opera quaedam ». consistent en activités; les autres en certaines reuvres
Cetera vero, quae dicta sunt de quiete dei, de facili distinctes des activités elles-memes 4. »
moraliter exponi possunt.
Sur le repos de Dieu encore.
177. Quod autem deus dicitur quievisse ab opere, 177. Les autres opinions relatives au repós de
intelligendum est primo quía deus complacet, sufficit Dieu, il est facile de les interpréter au sens moral.
et quiescit in opere interiori, etiam si desit opus Qu'il soit dit de Dieu qu'il s'est reposé de son auvre est
exterius et eius facultas, secundum illud Psalmi : a entendre ainsi :
« Omnis gloria eius filiae regis ah intus a». 1. Dieu se ·complait, se satisfait et se repose en
(notre) opération intérieure, meme si manquent l'agir
178. Secundo notatur quod perfectio virtutum et extérieur ·et sa possibilité1, selon le Psaume: «Toute
operum divinorum consistit in hoc, quod operatio la splendeur de la filie du roi vient de l'intérieura. »
induat rationem esse et vivere, secundum illud 178. 2. En prenant note de ceci : la perfection des
Ioh. 17: «Haec est vita aeterna, ut cognoscanta». vertus (morales) et des reuvres divines consiste en ce
Tune enim cognoscere erit vivere, et « vivere viven- que l'activité revét la raison d'etre et de vie, selon ce
tibus est esse», 1 Cor. 15 : «Gratia dei sum id quod que ~it Jn 17: «La vie éternelle1 c'est q':l'ils te
sum b». Et in libro De spiritu et anima dicitur connatssenta;» Alors en effet conna1tre sera vtvre, et
«vivre, pour les vivants, c'est etre 1». I Co I 5 : «Par
§ 177 a. Ps 44, 14. § 178 a. Jn q, 3 b. I Co q, 10. la gráce de Dieu, je suis ce queje suis h.» A u livre De
l' esprit et de f áme, il est dit que les facultés inférieures
4· ARISTOTE, Ethic. Nic. I c. 1, 1094 a 4s; Arist. lat. XXVI
(v. Grosseteste, p. 141). Marthe, est, si elle est menée dans l'Esprit Saint, supérieure a la
..\-- § 177 1. Dans la ligne d'une éthique de l'intention dégagée contemplation meme (dont le type est Marie sreur de Marthe) .
au Xllc s. par Abélard et adoptée, moyennant retouches et Voir Parfb. Gen. § 165; Comm. ]ean § 68, 3~7, 373, 583-584;
compléments, par Thomas d' Aq. au xmc s., Eckhart accuse si Comm. Sag. § 117; Comm. Ex.§ 65; Comm. Str. § 26; Serm. lat.
vivement la priorité de la dimension «intérieure» de l'agir ufr § u4; L. Consol. I c. 2 (DW V, p. 4os; Ancelet, Traités
humain qu'il en vient parfois a des formules péjoratives al'égard p. uos). .
de la dimension «extérieure». Ce sera un des griefs lors de son § 178 l. «Vivre, pour le vivant, c'est etre»: ARISTOTE, De
proces : cf. Bulle In agro dominico (DENZINGER-SCHONMETZER fame, II c. 4, 415 b13. ALBERT le Go, De anima, II, tr. 1, c. 6
n° 966). Mais sur ce point la pensée exacte d'Eckhart est bien (Col. 7-1, p. 74, 1s); c. 7 (p. 85, us); In DN c. 4 § 28 (Col. 37-1
. plus souple et complexe que ne le disent les simplifications p. 13 5. 7os) : le connaitre intellectif, pour les sujets intelligent.s,
( polérniques. Le ~erm. al/. 86 (DW III; p. 481s; Ancelet, III, c'est etre. Voir ci-dessus § 78; Parab. Gen.§ 103; Comm. Str.
. p. 1'76sr explique que l'activité · extérieure, symbolisée par § 68; Comm. Sag; § 262, 270, 289; Comm. ]ean § 679.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 2., 1-2. 473
q~od vires infe~iores convertentur et induent pro- (de l'ame) changent et revetent les propriétés des
p~Ieta~em supenoru.m, et pe~ consequens supremae facultés supérie.ures. Par conséquent, celles-ci reveti-
vues I.ndue':lt propnetatem VItae et esse, quae ipsam ront les caracteres de la vie et de l'etre, lesquels
essenuam sive substantiam respiciunt. concernent l'essence ou substance meme (de l'ame) 2 •
Rursus tertio: ?eu.s quiescit ab opere, quia bonorum 3. En outre, Dieu se repose de son r.euvre «paree qu'il
nostro~u~ non I~diget nec q.uidquam ~b iis ipsi n' a nul beso in des biens qui sont les nótres e» et qu'il
accrescit , sed no bis, secundum Illud Psalmi : «O ratio ne resoit rien d'eux, contrairement a nous; comme le
mea in sinu meo converteturd». dit le Psalmiste d : «M a priere revient sur mon sein 3. »
179· Quod autem dicitur deus non solum quies- 179. L'Écriture dit non seulement que .Dieu
c~re~ sed requi'escere, quasi iterum quiescere, duo s'arrete («se pose»), mais qu'il se repose, comme si «se
sig.mficat a~ prae.sens : primo stabilitatem sive plenam reposen> disait «se poser de nouveau ». Cela signifie
quietem, sicut Illud : « Sum qui su m a» et cetera deux choses : d'abord la stabilité, c'est-a-dire la pléni-
~imilia quae geminantur. frequenter in scriptura, ut tude du repos de Dieu, comme le suggere le redou-
Illud Is. 5I : «Ego, ego Ipse consolabor vos b». · blement : « Je suis celui _qui suis a», et d'autres répéti-
~- ~ecundo signifi~at quod ~eu~ in his, qui in ipso tions analogues dont l'Ecriture use souvent, comme
quiescunt, deus Ipse reqUiescit, secundum illud en Is 5r : « C' est moi, e' est moi qui vous console-
Prov. 8 : «Ego diligentes m~ diligo e». Ex praemissis rai h.» l Enfin, cela signifie que Dieu lui-meme se
patet quod horno conformis deo sive deiformis in repose en ceux qui reposent en lui, selon la parole des
omnibus
.
requiero
. ·d
invenit,
. .
Eccli.
. .
24 : «In omnibus Pr 8· : « Moi, j'aime ceux qui m'aimente 2 • »
, req~Iem q?a:slvi » s~c m. mimmo quolibet sicut in De tout ce qu'on vient de rappeler, il ressort que
maximo, sic m uno sicut m omnibus. l'homme devenu conforme a Dieu, c'est-a-dire «déi-
forme », trouve le repos en tout. Le Siracide 2.4 : «En
c. Ps 15, z. d. Ps 34, 13. § 179 a. Ex 3, 14. b. Is 5 x, xz.
toutes choses, j'ai cherché le reposd», aussi bien dans
c. Pr 8, 17. d. Si z4, xx. les plus petites choses que dans les plus grandes, aussi
bien en une seule qu'en elles toutes3.
f z. Le traité De spiritu el anima, dont le chap. 1 z est ici allégué
(PL 40, 788), est, malgré son attribution a Augustin (déja
contestée au xme s.), simple compilation du XIIes. La sentence
( retenu~ ici et Serm. lat; I2/2 (§ 145) figure chez ScoT ERIGENE, z~ Dieu se repose en ceux qui lui sont assimilés, précise le
\ De Drv. Nat. V (PL xzz, 987 C). Elle affirme une élévation des Serm. lat. ;6-1 § 365. La déiformité de l'homme est une doctrine
J facultés de l'a~e _lors de ~a visi~.? eschatologique de Dieu-lntel- d'origine dionysienne. Depuis le Xlle s. elle exprime l'assimila-
lect, le pouvmr tntellecttf de 1ame devenant «Dieu». tion a Dieu suscitée par la gr:ice, spécialement lors de la vision
3· Reprise de l'argument exposé aux § x69 et 173 quant a la bienheureuse de Dieu: cf. THOMAS d'AQ., 111 P. q. 12, a. 6. Voir
libéralité divine. · · Comm. jean § 97, uz.
§ 179 x. «Répétitions» ou redoublements familiers a la 3· Voir ci-dessus § 155; Pro/. CEuvre prop. § 14; Comm. Jean
Bible: ci-dessous § 191. § 97 et 112.
474 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 1, 3-7 475
Et benedixit diei septimo etc. Le nombre sept.
~So. De sac~amentis e~ perfectione septenarii plura 11 bénit le septieme jour et le sanctifia... (2, 3).
scrtbunt sanctt. Macrobtus l. I De somno Scipionis
pa~um post principium diffuse valde de hoc prose- 180. Sur le mystere et súr la perfection du nombre
quttur. sept, les Peres ont beaucoup écrit. Macrobe, au
livre Ier de son Commentaire sur le songe de Scipion, un
peu apres le début, présente sur ce point de vastes
développements 1.
Creavit deus, ut faceret. Actualité du geste créateur.
• 1 181. Hoc dicitur ad signandum quod deus sic ... toutes les reuvres qu'il avait créées, il cessa
1, 1,\ creavit singula omnia, quod tamen semper creat. de les faire (2, 3s).
J «Non enim cre~vit et abiit», ut dictum est supra.
R.ursus creavzt, .ut facer_et, quia opus factionis sup- 181. Ce passage exprime que Dieua cr~é toutes les
pom~ opus creatwms; tte_m quia deus operatur in choses singulieres de fa<;on telle qu'il les crée pour-
omm opere naturae et artts. tant toujours. Comme on l'a exposé plus haut, «il ne
Notandum ergo quod deus cessando non cessat et les a pas créées pour les .quitter ensuite 1 ».
non quiescendo sive operando quiescit. Ratio est En outre: ... qu'il avait créées, il cessa de les faire,
quia operari dei est suum esse; quies autem est d~ paree que le faire (en nous) suppose le créer (en
rat!one esse, ~uin ~mmo ipsum esse est quies et Dieu). De plus, Dieu reuvre en toute reuvre de la
qutetans omma et tpsum solum, ut ostensum est nature et de l'art2.
supra. Un de Aug~stinus de deo loq~ens ait : « semper Il faut done remarquer qu'en cessant Dieu ne cesse
a~~ns, semper qmetus », I Confesstonum post prin:- pas et qu'en étant sans repos ou en reuvrant il repose.
ctptum; La raison en est que l'reuvrer de Dieu est son etre. Or
le repos appartient a la raison de l'etre, bien plus,
l'etre lui-meme, et lui seul, est repos et source de
repos pour toutes choses, comme on l'a exposé plus
Inspiravit in faciem ez'us spiraculum vitae. haut. Aussi Augustin, Confessions,-livre Ier, apres le
182. Notatur primo per haec verba quod spiritus début, dit de Dieu: «toujours en activité, toujours en
repos3». ·

§ 18o 1. Voir ci-dessus § 91. MÁcROBE, In Somn. Scip., I, c. 6 L' esprit animateur chez l' homme.
(Eyssenhardt, p. 495s). . _ _ . ·.. _ . (Le Seigneur fa~onna l'homme du limon) et il·
§ 18I 1. Cf. ci-dessus § 9 et q 1. · répandit sur sa face un souffie de vie (2, 7).
2. Cf. § 1 so et .16o.
3·-·cf. -ci-dessus § 146, n. 2 et Pro/. gén. § 17. 182. 1 •. Remarquóns que ces mots signifient que
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z, 7

':itae hominis est ah extra, a deo scilicet, per crea- l'esprit de vie de l'homme est d'origine extrinseque,
tlo?em,. non. ex trad~ce. lnspiravit, inquit, deus in c'est-a-dire divine, par création, et non par transmis-
factem ezus spzraculum vztae. Intellectus enim ah extra sion. Dieu répandit, est-il écrit, sur la face de /' homme un
est, ut ait philosophus; Eccl. 1 2 : « Spiritus redeat ad soujjle de vie. L'intellect est en effet d'origne extrin-
eum, qui ·dedit illuma». seque, comme l'enseigne Aristote 1, Qo I 2 : «L'esprit
·183. Secundo notandum quod spiritus vitae inve-
de l'homme retournera a celui qui l'a communiquéa.))
nitur primo q.uidem et imper.fectius in plantis. 183. 2.Il faut noter que l'esprit de vie se trouve,
Propter quod « tn earum producttone non fit mentio en un premier degré tres imparfait, dans les plantes.
de vita» nec de spiritu vitae, «sed solum de genera- Aussi, «lors de la création des végétaux, n'est-il fait
tionea», quae tamen ad vitam et spiritum pertinet rnention ni de la vie», ni de l'esprit de vie, «mais
animae vegetabilis. seulement de la génération a, qui appartient toutefois
Secundo invenitur vita perfectiori modo in anima- a la vie et a l'esprit de l'ame végétale. En deuxieme
libus minus perfectis, puta piscibus et avibus. Propter lieu, la vie se rencontre sous un mode plus parfait
quod dicitur supra capitulo primo : « Producant chez les animaux les moins parfaits, telle poisson ou
aquae reptilia animae viventisb». l'oiseau. Aussi a-t-il été dit au chapitre premier :
~':rsu~ tertio «animalia perfectiora» quantum ad «Que les eaux produisent ce qui, animé de vie,
«.dts~tnctlonem mem?rorum et perfectionem genera- nage b... »
twms », puta terrestna, adhuc perfectiori et nobiliori En troisieme lieu, chez les « animaux plus parfaits »,
modo participant vitam sive spiritum vitae, qui les terrestres, « qui présentent des membres plus
différenciés et un mode plus parfait de génération», et
§ 18z a. Si 12, 7· § 183 a. Gn 1, 11. b. Gn 1, zo.
participent a la vie, a !'esprit de vie, selon un mode
plus parfait et plus noble. Toutefois ce mode de vie
· r. C'est la _d?ctrin~ dite .«créatianiste» (l'ame humaine, spiri-
t~elle et superteur~ a la v1e corporelle comme telle, est créée
dtrecte~e~t par Dteu e~ p~r l~i ~eul). Elle s'oppose a la théorie
«traductamste» (transrnlSSlOn al enfant d'une ame issue de celle lement _professé dans la philosophie aristotélicienne. Il a suscité
du pere: cf. ci-dessous § 303) avancée par Tertullien et meme la théorie averro!ste de l'intellect substantiellement séparé de
évoquée, 9uoique avec réserves, par Augustin pour rendre l'ame humaine. Voir les discussions et les réponses d'ALBERT le
quelque ratson de la transmission du péché origine!. Cf. La Gen. Go, De anima, III, tr. z, c. 4 (Col. 7-1 p. 18z, 79); De animal.
au s. ~itt., BA 49, p. 53os, notes compl. de P. Agaesse et XVI, c. 1z n° 67 (Stadler, p. 1096, 33s), et de THOMAS d' AQ., In
A. S?hgnac: n. 43 et n. 44· La doctrine créatianiste de Jéróme, Sent., II d. 18, q. z a. 1 et a. 3; d. 17, q. z, a. 1; ScGent. II,
repnse par Gennade (dans une a:uvre qui sera longtemps c. 86-89; etc.
attribuée aAugustin), a été consignée par P. LOMBARD, Sen!., 11, Eckhart s'appuie sur la doctrine thomiste de l'unicité de la
d. 18, chap. 7 (p. 4zos) et d. 31 ch. z (p. 505s). forme substantielle animatrice en chaque sujet humain pour
Aristote, De gener. anim. II, c. 3, · 736 bz7s (Belles-Lettres expliquer ci-dessous § 303 que l'ame intellective, bien que
p. 61). !1extrinséeisme de l'~ntell~ct, justifié par sa supériorit~ d'origine transcendante, peut toutefois etre dite transmise par
sur le mveau purement·phys10log1que, est un axiome universel- les parents.
EXPOSITIO LIB.- GENESI!S. · COMMENT AIRE DE GEN ESE 1, 7 479
tamen est ex traduce, de quibus supra dicitur primo : leur est (entierement) transmis, ce qui était signifié au
« producat terra animam viventemc». · chapitre premier par la formule : «que la terré pro-
Adhuc autem quarto perfectiori modo et praestan- duise ce qui est ame vivantec».
tiori gradu invenitur spiritus vitae in homine, nobilis- En quatrieme lieu, l'esprit de vie se rencontre en
simo animalium, qui, inquam, spiritus vitae iam non l'homme sous un mode plus parfait et a un degré plus
est ex traduce, sed ah extra, a deo scilicet, per élevé. Animal le plus noble, l'homme a re<;u son
creationem. esprit de vi e non par transmission, mais de 1' exté-
Propter quod. signanter .dictum est supra : « Ger- rieur, c'est-a-dire de Dieu, par création 1 •
minet terra herbam vü:entemd», quantum ad infimum C' est. ·pourquoi il a été · précédemment . déclaré :
gradum vitae.· Et sequitur infra : « Producant aquae «Que de la terre.germe l'herbe verted», relativement
reptilé», quantum ad secundum gradum vitae, qui et au mode de vi e le plus has. Puis : «Que les eaux
ipse est ex traduce, propter quod ait : « Producant produisent ce qui, ~.nim~ de vie, nageh», pour le
aquaé». Et infra: «Producat terra animam viven- deuxieme degré de la vie, qui est transmis (par le
teme», quantum ad tertium gradum vitae et spiritus, géniteur), car il est dit : «Que les eaux produi-
qui adhuc similiter est ex traduce, unde ait ~ «Pro- senth ... », Ensuite: «Que la terre produise ce qui est
ducat terra». Quantilm vero ad quartum gradum ame vivanté ... », pour le troisieme degré de vie et
spiritus et vitae, qui est in homine, iam non est d'esprit qui est également transmis, d'ou la formule:
ex traduce spiritus vitae. Propter quod non est «Que la terre produise ... »
dictum: «Germinet terra>>, vel «prodúcant aquae», Mais pour le quatrieme degré d'esprit et de vie qui
aut etiam : « Producat terra», sed· dicitur : formavit est en l'homme, 1'esprit de vie n' est plus transmis.
dominus hominem et inspiravit in faciem eius spiraculum C'est pourquoi il n'est plus dit : «Que de la terre
vitae. germe ... », ni «Que les eaux produisent... », ni «Que la
terre prqduise », mais : Le Seigneur fafonna !'hommc et
184~ Ubi adhuc nota~dum est- quod in infimo tépan~it sur sa_facc un soujjle d_e vie.
gradu viventium, puta in herbis et plantis, «non fit
mentio de vita» aut "spiritu, ·.«sed ·tantum: de» 184. Ici il faut noter qu'au degré le plus has, celui
germinatione ·et «genctatione»·: «'germinet», inquit, des herbes et des plantes, «il n'est pas fait mention de
«terra». In secundo autem gradu fit mentio de vita et la vie», ni de !'esprit, «mais seulement de «germina-
anima, oblique tamen. et diminute: .«producant», tion et de génération » (production de semence) :
«Que la terre germe ... » Mais au deuxieme degré, il est
c. Gn 1, 24. d. Gn 1, 12. question de vie et d'ame, toutefois de fa<;on indirecte
et atténuée : «Que les eaux produisent ce qui, animé
1. Pour l'homme vivant le plus parfait, cf. § 13 1 s; Parab. Gen.
§ 153; Comm. Jean § 139-141; Serm. lat. 2 § 3· Cette mise en
hiérarchje d~~. degrés de perfection de la vie et la dé{i_nition du sées a la suite de Th. d'Aq. et a l'aide de ses formules memes (cf.
degré le plUs "éminent par le pouvoir intellectif sont ici profes- ¡a P. q. 72, a. 1; q. 76, a. 1; ScGent. II, c. 68).

1~
1i:'
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z., 7 .

inquit, «aquae reptile animae viventis». In tertio vero de vie, nage ... » A u troisit~me degré, mention est faite
gradu dictum est de anima et vita perfectiori modo, de l'ame et de la v'ie sur un mode plus parfait, avec
non solum scilicet « animae viventis », sed etiam l'expression, non pas simplement «animé de vie»,
«animam viventem» : «producat», ait, «terra animam mais «ame vivante», dans l'injonction: «Que la terre
viventem ». In quarto vero gradu et supremo dictum produise ce qui est ame vivan te.))
est quod deus ipse, nihil citra ipsum, inspiravit et quod Tandis que pour le quatrieme et supreme degré, il
in· faciem eius et quod spiraculum vitae, non tantum est dit que Dieu lui-meme, et ríen en de~a de lui,
vitam, sed spiraculum vitae. Propter quod dictum est répandit sur ce qui est appelé la face de 1'homme un souflle
supra quod « creavit deus hominem ad imaginero de vie. Non seulement la vie, mais un souflle de vie. Voila
dei», et iterum : «praesit piscibus maris et volucribus pourquoi plus haut il a été dit : « Dieu a créé l'homme
caelia», quantum ad secundum gradum, «et bestiis a l'image de Dieu », et encore : « Qu'il commande aux
terrae», quantum ad tertium gradum, et infra poissons de la mer _et aux oiseaux du ciel a», par
sequitur : « dominamini piscibus maris » « et .universis rapport au deuxieme degré de vie, «et aux betes de la
animan ti bus »b, et sequitur : « dedi vobis omnem terre», pour le troisieme degré. Ensuite il est ajouté :
herbam» «et universa ligna», «ut sint vobis in « Dominez sur les poissons de la mer et sur toutes les
escame», et hoc quantum ad infimum gradum betes b)), puis « je vous ai donné toutes les herbes et
viventium. tous les arbres, qu'ils vous servent de nourriturec»,
ceci a l'endroit du plus has degré de vie.
185. Et tertio notandum quod ait in faciem eius
propter duo: primo, quia operationes animae et vitae - 185. 3· On observera qu'il est dit sur saface en vue
manifestantur praecipue in facie hominis propter d'exprimer deux choses. D'abord que les activités de
omnes sensus ibídem concurrentes. Secundo, quia l'ame et de la vie se manifestent surtout sur le visage
anima intellectiva, intellectus scilicet qui ab extra est, de l'homme, paree que c'est la que concourent tous
quem deus inspirat, ipse est, « qui nos coniungit ses sens 1• Ensuite que l'ame intellective, c'est-a-dire
creatori secundum quod nos apprehendimus ipsum cet intellect d'origine extrinseque que Dieu insuffie,
cum luce intellectus, quem effundit- super nos, sicut est «ce qui nous relie au Créateur, dans la mesure ou
David dixit: "In lumine tuo videbimus lumena", et- nous l'apprehendons par la lumiere de l'intellect qu'il
similiter ipse deus cum hoc eodem lumine respicit a répandu sur nous, comme David le dit : "Nous
super nos». Ver ha s~nt Rabbi Moysis l. III c. 52.. Sic verrons la lumiere dans votre lumiere memea". Et de
la meme fa~on, c'est par cette meme lumiere que Dieu
nous regarde. » C'est ce que dit Ma!monide au
§ 184 a. Gn 1, 27. b. Gn 1, 28. c. Gn 1, 29.
§ 185 a. Ps 35. 10. livre III, chap. 52..

.J. A la.sflite.d'AUGUSTIN, Ep. r3¡J XIII, 40 (CSEL n. p. 117). p. 6o3). A la suite aussi de THOMAS d'AQ., ScGent. 11, c. 85
repds par P. Lc:iMBARD, Sen!._ III, d. 13 (Quaracchi 1916, II (n° 1705).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GENES E z., 7-8

ergo quia intellectus, quem deus inspirat, est quo +.. Ainsi done, puisque cet intellect que Dieu insuffie
deum videmus et quo deus nos videt, apte dicitur est ce pa! q~oi no~s ~<?yons ~ieu et ce par quoi Dieu
deus ipsum inspirasse in faciem hominis. Et ibídem in : nous v01t, tl est dtt a Juste tttre que Dieu l'a répandu
principio capituli sic ait : « Hominis sessio, motus, ) sur la face de l'homme. Maimonide, au meme endroit
conversado» et «verba, quando sedet domi · cum au début du cha~itre, écrit: «Les occupations qu'u~
familia», «non sic» sunt ordinata nec ornata nec homme accompht en sa demeure parmi les siens,
reverencia, « sicut sunt, quando est coram rege nobili s'asseoir, déambuler, séjourner, parler, rie sont pas
et glorioso»; et infra : « Propter hoc qui voluerit aussi réglée~ ni .aussi élé,gantes ni aussi dignes que s'il
acquirere perfectionem humanam et quod sit horno l:s accomphssa1t en presence d'un roi noble et glo-
vere, necesse est quod sciat quod rex iste sublimis, neux. » Et un peu plus has : «Aussi qui veut conférer
qui coniunctus est ei semper, est » «intellectus », la perfection a sa conduite et etre vraiment homme
«honoratior omni rege, etiam David et Salomone». doi~ savoi~ qu; e~"" roi au contact duque! il est
Praemissis concordat quod Psalmus orat dicens : tOUJour~, e :st .lmtell:ct, lequel est plus glorieux que
« Exquisivit te facies mea; faciem tuam, domine, tout r01, fut-11 Davtd ou Salomon2. » Avec ceci
requiramb»; et iterum: «Illustra faciem tuam super concorde la priere du Psalmiste : « Ma face vous
servum· tuumc». cherche, c'est votre visage, (Seigneur), que je cher-
che b», et encore : « Répandez sur votre serviteur la
Plantaverat autem dominus deus paradz'sum lumiere de votre facec.»
voluptatis a prindpio.
Haec est quinta auctoritas secundi capituli Genesis L'arbre de la connaissance du bien et du mal.
hic exposita.
Or le Seigneur Dieu avait planté des le com-
x86. Notandum quod, sicut ait Augustinus Super mencement un paradis de délices (2, 8).
Genesim ad litteram l. VIII in principio, «de para-
diso» «tres sunt generales sententiae. Una eorum qui
tantummodo corporaliter paradisum intelligi volunt, x86. Tel est le cinquieme passage a expliquer du
alia eorum qui spiritualiter tantum, tertia eorum deuxieme chapitre de la Genese.
qui utroqu:e modo paradisum accipiunt»; et subdit : On notera que, comme Augustin le dl.t dans la
«Tertiam mihi fateor placere sententiam». Propter Genese au sens littéral, au début du livre VIne, il y a, «a
propos du paradis », trois grandes opinions. La pre-
miere est soutenue par ceux qui veulent l'entendre de
b. Ps 26, 8. c. Ps 30, 16. fas:on seulement corporelle; la deuxieme, par ceux qui
2. MAi'MONIDE, ibid., III c. 53 (f. nzr, début; Munk, III
n'y voie?-t qu'~ne réalité spirituelle; la troisieme, par
p.. 4ps), qui cite le Ps 35. Voir ci-dessous § 301. Parab. Gen. ceux qu1 y v01ent les deux.
§__ 139.. 2oc;>; Camm. Ex.§ 227; Comm.jean § p8; Serm. lat. ufr « Cette derniere, poursuit Augustin, me séduit; je
§ it5; 22 § 213; 29 § 301-305... . . la préfere. » Aussi en tout ce livre VIII, sur le jardín
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GENES E 2, s-9
quod de paradiso et de lignis ibídem consitis et de paradis, les arbres qui y étaient plantés et l'installa-
homine in paradiso posito per totum librum illum tion qu'y avait l'homme, il développe d'admirables
octavum pulchre valde utroque modo exponit, sci- exposés sur l'une et l'autre interprétation, a savoir
licet ~orporaliter et spiritualiter, hoc est historice celle qui considere le paradis comme réalité corpo-
et allegorice. Rursus- etiam de hoc tractat Super relle et celle qui le comprend comme réalité spiri-
Genesim contra Manichaeos l. II diffuse; adhuc tuelle, done a u sens historique et allégorique t.
autem De civitate dei l. XIII versus finem, capitulo Augustin traite encore de ce sujet en détail dans
scilicet 21. De serpente autem et temptatione pri- l'ouvrage de la Genese contre les Manichéens, livre II
morum parentum et ipsorum peccato actis in para- puis de nouveau dans la Cité de Dieu, livre XIII, ver~
diso tractat ídem Augustinus De trinitate l. XII, et de la fin, au chap. 2 I. I1 disserte au livre XII de la Trinité
hoc notabo infra mox super tertio capitulo: Damas- sur le serpent, sur la tentation des premiers parents et
cenus vero l. II de paradiso et ibídem contentis tractat sur leur péché au pa!:_,adis. Je reviendrai bientót sur ce
pulchre tam historice quam allegorice exponehdo. point, au chapitre XIII ci-dessous.
Hieronymus autem in Libro Hebraicarum quaestio- Du paradis et des événements qui s'y sont pro-
num in Genesim sic ait de paradiso : «manifestissime duits, Jean Damascene discute de fa~on remarquable
comprobatur quod, priusquam caelum et terram er; ~lliant les interprétations historique et allégorique.
faceret deus, paradisum ante condiderat». Haec ut Jerome, dans son Livre des questions hébrai'ques sur la
nunc de paradiso sufficiant. Genese, dit du paradis: «Il est démontré avec grande
clarté qu'avant meme de créer le ciel et la terre, Dieu
avait fondé le jardín de paradis. » Voila qui suffit sur
Produxitque dominus deus omne lignum ce point2.
pulchrum visu et ad vescendum suave.
187. Notandum. primo quod, sicut habetur ex Les pouvoirs de jouissance.
1 Metaphysicae, sensus diliguntur propter duo :
propter cognitionem scilicet et propter utilitatem. Ad Le Seigneur Dieu avait aussi produit toutes
sortes d'arbres beaux a voir et de fruits agréables
a manger (2, 9).
§ 186 1. Les trois interprétations du theme de paradis :
AuGUSTIN, La Gen. au s. /itt. VIII, 1, 1 (BA 49, p. 8), repris par 187. Premierement, il faut noter que d'apres le
P. LOMBARD, Sent., II, d. 17, c. 5 (p. 413s). La premiere interpré- livre Ier de la Métaphysique, on aime les sens pour
tation est celle de Jéróme, la deuxieme d'Origene, la troisieme deux raisons : paree qu'ils nous aident a connaitre et
de Lactance et Ambroise (cf. BA 49 p. 497, note compl. 36). paree qu'ils nous sont utiles t. Ce sont l'ouie et la vue
z. AuGUSTIN, De Gen. c. Manich., 11, 9-II (PL 34, z.oz-z.o5);
Cité de Dieu, XIII, XXI (BA 35, p. pos); La Trin., XII, XII, 17
(BA 16, p. z4zs). J. DAMASCENE, De jide orth., c. z.5 (trad.
Bu~goqdio~ .,Buytaert, p. 106s); ]ÉRÓME, Heb. Qu. in Gen., § 187 1. ARISTOTE, Metaph., I, c. x, 980 az. xs et bz.z.s; Arist.
(CC 7z, p; 4). · lat. XXV, z (tr. «media») p. 7, 3s et 1 xs ..
.~·_: ~ ---~·:J.:~

'

EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 2, 9

cognitionem prin~ipa!it:r ~ervit auditus et visus. ~i qui servent principalement a la connaissance. Ces
duo sensus proprte dtsctplmales sunt sec~ndu~ pht- deux sens, d'apres Aristote, sont proprement didac-
losophum : « Omne enim, q';lod q~is n~v~t, add~scens tiques. «Tout ce qu'on connait, on le sait en l'appre-
vel inveniens novit», ut tpse att ahbt, addtscens nant ou en le découvrant» et, précise-t-il ailleurs, en
quidem auditu, inveniens .au te~ vis u. Quantu~ l'apprenant par l'ouie, en le découvrant par la vuez.
autem ad utilitatem et conststenttam naturalem ant- . Quant a l'utilité et a la conservation naturelle de
malis ordinantur alii tres sensus, primo tamen tactus, !'animal, les trois autres sens y sont ordonnés,
secundo gustus, tertio odoratus, licet et isti tres d'abord le toucher, puis le gout et en troisieme lieu
ordinentur etiam ad cognitionem, et e converso l'odorat, bien qu'ils soient aussi tous trois ordonnés a
auditus et visus ad consistentiae naturalis consetva- la connaissance, comme inversement l'ou1e et la vue a
tionem. Et hoc est quod hic dicitur : P:oduxit deus la conservation de la vie physique3. Voila pourquoi il
omne lignum pulchrum visu, quantum ad pnmum, et ad est dit : Dieu avait produit toutes sortes d' arbres beaux a
vescendum suave, quantum ad secundum. voir, ce qui concerne la connaissance, et agréables a
manger, ce qui concerne l'utilité.
188. Notandum autem secundo quod horno s:cun-
dum speciem, qua hot?o est, ordina~ur proprt~ ~d 188. En deuxieme lieu, il faut remarquer que
cognitionem, quae ordmatur et perficttur. proprte m l'homme, du point de vue de la nature spécifique qui
ratione sive intellectu. Propter quod eu~m s:nsus le fait homme, est proprement ordonné a la connais-
interiores, qui directe ordinantur. et deservt~nt t?tel- sance1, laquelle est proprement ordonnée et accom-
lectui, perfectiores sunt i? ~omme quam m ahquo plie dans la raison ou intellect. C'est pourquoi aussi
animali alio, secus de exter10nbus senstbus. Et h~c ~st les sens intérieurs, qui sont directement destinés a
quod hic loquens d~ ho~ine formato praemttttt : servir l'intellect, sont de nature plus parfaite en
pulchrum visu et postenus dtctt: et ad vescendum suave. l'homme qu'en aucun autre animal, ce qui n'~st pas le
cas des sens externes2 • Et. de la vient que l'Ecriture,
r89. Rursus notandum quod vi~us pert~n~t ad achevant le récit de la création de l'homme, dit
d'abord beaux avoir, et ensuite agréables amanger.
aspectuffi:, gustus ad affectum. Itero vtsus resp1c1t esse
189. Autre remarque : voir se rapporte a l'aspect,
mais gouter a l'affect. En outre, la vue concerne l'etre
2. ARISTOTE, De sensu et sens. c. I, 437 a3s, développ~ ~ár
ALBERT, Postilla in /saiam, c. 6 no 9 (Col. 19 P· 96, .8 3s), qut ctte
encare Réfut. soph. d' Aristote, II, c. 22, 178 b34 (Tncot, Organon, par ALBERT, De anima, III, tr. 1, c. 1 (Col. 7-1 p. 166, 33s) pour
les pouvoirs externes et les pouvoirs internes. Pour la compa-
VI p. 101). (Bet )
. D'apres AL:SERT, De sensu et sens., tr. 1, c. 2 9, p. 4-5 · raison des sens chez l'homme et chez !'animal, avec ALBERT, De
3
§ ¡88 1. Avec ALBERT, De anima, I, tr. 1, ~· 1 _(Col. 7-1 p. 2, a:imal~ XIX, c. 5 n°. 24_(Stadler, p. 1257, 24s); THOMAS d'AQ.,
&)> et THOMA~ d' AQ., ¡a P. q. 92 a. 1. V ?Ir ct-dessus § I I ~. 1 P. q. 91, a. 1. Vmr ct-dessous § 229, 237; Parab. Gen.§ 138,
32· ~ AviCENNE, L: de anima, I, c. 5 (Van Rtet, I p. 83s), reprts
2 141, 15 5; Comm. ]ean § 83.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z, 17

rerum in suis principiis, gustus respicit esse rerum in des choses en leurs príncipes, le gout ce qu'elles sont
se ipsis. Item visus respicit rerum veritate~, gust~s en elles-memes. La vue se réfere ala vérité des choses,
rerum bonitatem. Item ad litteram: pulchntudo est- le gout a leur valeur de bontét. Autre lecture litté-
bilis in homine maxime provocat et acuit appetitum. rale : c'est la beauté du comestible qui provoque et
Et hoc est quod hic praemittitur : pulchrum visu et aiguise l'appétit humain. aussi est-il dit dans un ordre
sequitur : ad vescendum suave. J intentionnel : d'abord beaux avoir, et ensuite agréables
a manger.
In quocumque die comederis ex eo, morte La sanction du péché.
morieris. ... Sitot que tu en mangeras, tu mourras de mort
190. Notandu?'l q_uod pe~cator mox, ut pe~cat, (2., 17). -~
moritur quamvts vtvere vtdetur, secundum tllud
Apoc. 3' :«Nomen habes quo d vtvas
. et mortuus ~s a ». . 190. 11 faut bien voir que le péchel;lr, des qu'il
Ipsum enim peccatum mors est, et mors pesstma, peche, meurt, si meme il semble rester en vie,comme
le rappelle Ap 3 : «Tu as le nom de vivant, mais tu es
morta. » Le péché meme est une mort et la pire des
a. Ap 3, I.

1 • Eckhart use d'assonance : aspeclus - affeclus, aspect,_ ~ffect.


du bien, ou saveur du bien». ALBERT, In De C. Hier. ibid.,
Laconique, il passe au theme tra~ition,ne,l. de~ s~ns spm!uels rattache la vue et l'ouie spirituelles au vrai, et a la valeur de bien
pour le couple vue-gout. Son bref resume s tnsptre a coup sur de (bonitas) les trois autres sens spirituels : odorat, toucher et gout.
ceux d' ALBERT In Dion. de Coel. Hier. XV§ 5 (Bet 14, p. 414s) et A celui-ci revient, conjointement au toucher, de s'unir a
In Sent. III d. '13 a. 4 Sol. (Bet 2.8, p. 2.39s), '\ui pro_l~npe~t un l'essence meme de Dieu qui se rend présent par le don de la
enseignement remontant aux auteurs du XII s. ~ertt~ d ÜRI- gloire. Pour le don de sagesse infuse réservé au gout spirituel,
GENE (Hom. 3 sur le Lévit.~ ~o 7; PG 12, .43 ;. ment!onne. In S~nt. S. Bonaventure use de l'assonance intelleclus - affeclus, pensée
III), le theme des sens spmtuels ( = ammes par 1Esprtt-Satnt) intellective - amour (selon la sagesse) : In Senl. III, d. 13 dub. 3,
est développé par GUILLAUME de ST-THI~RR;, .pe la nature el de /a Quar. III, p; 291s; d. 35 q. 1 Sol. p. 774· THOMAS d' AQ., In Senl.
dignité de l'amour (reuvre longtemps attnbuee a S. BERNARD: cf. III, d. 35, q. 2, a. 1 qla 3a et Sol. 3a, Moos n° 108 et 124-125,
M.-M. DAVY, Deux lrailés de l'amour de Dieu, no 33, p. 110-112) remarque que le jeu de mots sapor-sapienlia vaut certes en langue
en exploitant Fétymologie d'IsiDORE de SE.VILLE (Etymol. X, latine, mais non en d'autres idiomes. II montre qu'en se référant
Lindsay n° 240) : sap?~-sapiens (sap~entia), saveur-sage ~sagesse) et au signifié du terme «sagesse» on discerne le sens partout
en reliant le gout (spmtuel) au destr de la Parole de Dteu. . valable de délectation suscitée par la connaissance de sagesse
Ce couple sapor-sapienlia se retrouve chez S. BERN~RD, Sup. spirituelle. Pour une recherche plus poussée, voir K. RAHNER,
Can t. s. 8 5 n° 8 (Ro me, II p. pz., 2.1 s) : « Sagesse vtent s~ns «Le début d'une doctrine des cinq sens spirituels chez Origene»,
doute de saveur, qui (... ) rend la vertu s~vou_re~se (... ). Ce n est Rev. Ase. el Myst., 13 (1932), p. 114-145, et «La doctrine des sens
pas moi qui . jugerai répréhensible celut qut defintt !a. sagesse spirituels au m. a., en partic:;ulier chez S. Bonaventure», ibid. 14
comme saveur du bien.» Chez le Ps.-AUGUSTIN, De spmlu el an., (1933), p. 263-269. ECKHART: Comm. Jean § 224; Comm. Ex.
c. ú (PL 40, 786), le theme est n!pris·: «la sagesse est l'amour § 265.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z., 17 491
. b S .
Psalmus : « Mors peccatorum pess1ma ». tattm ergo morts, comme le dit le Psaume: «La mort des
ut quis peccat, punitur et mox peccando moritur. Et f ~ pécheurs est la plus funeste des morts h.» Des qu' on
hoc est quod post quarto capitulo dicitur : « Statim peche, on est puni; sans retard on meurt d'avoir
peccatum in foribus ader~t~». S~ne~a. Ep1stula 87 : péché 1• De hl ce qui est dit dans la suite, au chapitre
« Magnum scelerum supphcmm m 1ps~s est. Err~s, quatrieme: «Aussitot le péché est hl, devant la
si illa ad carnificem, ad carcerem d1ffers. Statlm portee.» Séneque, Lettre 87: «Le plus grand .chati-
puniuntur, dum facta sunt, immo dum fiunt. » ment des crimes réside dans ces crimes memes. Tu te
Sap. 16 : «Horno per malitiam occid~t ani~at;l trompes si tu l'attends a ce qu'inflige le bourreau ou
suamd». Augustinus Super Psalmo «Q?ld glonans le geólier. Sans délai, les crimes rec;oivent punition,
in malitia ?e» : « exspectamus » peccaton «poenam ». des qu'ils sont commis, mieux: des le moment
«Dimitte illum in se. Ut multum saevieris, subiectus V'1 meme ou ils sont perpétrés2 .)) Sg I 6 : «Par le mal,
V( l'homme tue sa propre ame d.)) Augustin commentant
est bestiis; in se ipsum peior est bestiis. Bestia potest
. corpus eius lacerare; ipse cor suum», animam sua.m, le passage du Psaume : « Pourquoi se glorifier de
lacera t. « lnterius in se ipse saevit. Et tu exterms la malice?e» écrit: «Attendons le chatiment» du
plagas inquiris? Ora pro illo, ut liberetur a se». pécheur. «Laisse-le a lui-meme. Pour lui infliger un
Propter hoc Eccli. 5 dicitur: «ne dicas : peccavi, et chatiment sévere, on le soumet aux betes? En lui-
quid accidit mihi triste?f», quasi dicat ex persona meme, il est pis que les betes. Une bete pourra
multorum: peccavi nec morior, sed potius cuneta lui déchirer le corps, lui-meme lacérera son propre
sunt mihi prospera. Isti enim caecati malitia .non creur», sa propre ame. «lntérieurement il se déchaine
vident ipsam prosperitatem interius esse mortero. contre lui-meme. Et tu exigerais qu'a l'extérieur
Sap. 2: «Excaecavit eos malit~a eorumg»: ~~gus~i~us on y ajoute des plaies? Prie bien plutót pour lui,
in Epistula prima ad Marcelhnum : « N1hll mfehcms qu'il s'affranchisse de lui-meme 3 • » Aussi le Siracide
felicitate peccantium», et infra: «perversa et adversa conseille-t-il: «Ne dis pas : "a moi qui peche, que
m'arriverait-il de facheux?f" visant par la ce que dit la
b. Ps 33, · 2.2.. c. Gn 4, 7· d. Sg 16, 14.
!( multit':lde: Si je peche, je n'en mourrai pas; au
: contra1re tout me sera favorable. A veuglé par la
e. Ps p, 3· f. Si 5, 4· g. Sg 2, 2.1. malice, on ne voit pas que cette prospérité meme est
) intérieurement mortelle. Sg 2 : « Leur malice les a
1. Pour le theme de la mort spirituelle immédiate (éloigne-
ment de Dieu), Eckhart s'inspire probablement, a travers la
aveuglésg. ». Augustin, dans la Lettre I a Marcellin:
Glose (P L 1 13, 89 A), d' AuGUSTIN, La Gen. au s. litt., IX, x, 16 « Rien de plus funeste que le bonheur du pécheur », et
(BA 49 p. 1 10s) et XI, xxxn, 42. (p. 2.98s) résumé déja par BEDE,
In Gen. II, 17 (CC 118 A p. 5z, 1648s). Le déreglement de la
sensualité comme chatiment immédiat: P. LOMBARD, Sent. II,
d. 30, c. 8 n° 2. et c. 9-10 (p. 500S). Eckhart explique sa réf. a 3· AUGUSTIN, Enarr. in Ps. JI, n° 8 (CC 39, p. 62.8, 1os). Le
Gm:A, ·7 dans Comm. Ex. § zq. . . texte cité ici differe un peu : la ou il est dit «on le soumet aux
2.. SÉNEQUE, Lettrei a Luci/ius; 87, § 2.4 (Belles-L. III, p. 15 z). betes», l'éd. moderne dit «tu t'abaisseras en dec;a des betes?».
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z., 17 493

corda mortalium felices res humanas putant, cum plus has : « L'ame double et perverse des mortels juge
tectorum splendor attenditur et la bes. n.on atten~li.tur du bonheur chez l'homme au vu des brillants exté-
animorum »; et Super Psalmo 9 3 dtctt : « Fehcttas rieurs et en négligeant la ruine de l'ame. » Et sur le
peccatorum fovea ipsorum est»; Prov. 1 : « Prosperi- Ps 93, il est écrit: «La félicité du pécheur, c'est sa
tas stultorum perdit illosh ». fosse 4 . » Pr 1 : «La prospérité perd l'insensé h.»
191. Morte morieris. Modus loquendi est in scrip- 191. Tu mourr;zs de mort. Cette fac;:on de parler est
tura sicut illud Ez. 3~ : «V ita viveta», Psalmus : couran te dans 1' Ecri tu re : Ez 33 : « Il vi vra de vie a» ;
« Exspectans exspectavi . »; Th~eni .1 : « Pec.c~tum p~~­ le Psaume: «En attente, j'ai attendu h ... »; Lm 1 :
cavit», «Plorans ploravttc»; Exodt 3 : «Ytsttans vtst- «Elle (Jérusalem) a péché par un péché», «a pleuré
tavid» et similia. Fit autem hoc ad matorem asser- des pleurs e»; Ex 3 : «En vi si te, j'ai visité d... » ; etc.
tionem vel ad expressionem perfectae vitae aut mortis On fait cela pour ~ffirmer avec intensité ou pour
perniciem maximam, ut supra: «Mors peccatorum mieux exprimer soit l'excellence de la vie, soit la tres
pessimae». _ . . . _ grande ruine de la mort, comme dans· la formule
V el dicit : morte morterzs, quta horno peccando rencontrée plus haut : «La mort du pécheur est la
moritur, antequam moriatur, aut quía dupli~i ~orte plus funeste des morts e.» 1
moritur. Augustinus Super Psalmo « Odtstt ob- Autre lecture : la parole tu mourras de mort signifie
servantes vanitatesf » : « qui » timore mortis « men- qu'en péchant l'homme meurt, avant meme de
titur», «moritur antequam moriatur». Sap. 1 : «Üs, mourir, ou bien qu'il meurt d'une double mort.
q uod mentitur , occidit animamg », Psalmus
h
: « Perdes Augustin, sur le passage du Psaume : «Vous ha"issez
orones qui loquuntur mendacium ». Propter hoc ceux qui observent des reglements videsf»: «Qui
Eccli,. 7 dicitur : « Noli :relle mentid om.n~ ~enda­ ment par crainte de la mort, meurt avant la mort. »
cium1 ». Augustinus ub1 supra : « Menttr.l vts, ne Sg 1 : «La bouche qui ment tue l'espritg. » Le
moriaris? 11entiris et morieris. Et cum vttas unam Psaume : «Vous perdrez tous les menteurs h.» Aussi
mortero, quam differre poteris, auferre non poteris, est-il dit dans le Siracide : «Aie la volonté de ne
i~cidis in duas, ut prius in anima, postea in corpore proférer aucun mensonge i. » Augustin, sur le m eme
mortarts. » Psaume, dit : «Tu projettes de mentir pour éviter la
mort? Tu vas ala fois mentir et mourir. A éluder une
h. Pr x, p. § 191 a. Ez 33, 15. b. Ps 39, 2.. c. Lm 1, 8 mort que tu peux tout au plus différer mais non
et 1, 2 • d. Ex 3, 16. e. Ps 33, 22. f. Ps 30, 7· g. Sg 1, 1 I. éviter, tu te précipites dans deux morts, en sOrte que
h. Ps 5. 7· i. Si 7, 14· tu meurs d'abord dans ton ame, puis dans ton
4· AuGUSTIN, Ep. IJ8, n, 14 (CSEL 44 p. 140, 13s); Enarr. in
corpsz. »
Ps. 9), n° 16 (CC 39, p. 1316, 1JS).
§ ~91.1. ~~do)lblement de l'Ecriture: avec AMBROISE, De
2. La double mort: a travers la Glose (PL IJ3, 89 B),
paradiso, c. 9 n° 43 (CSEL p,x· p. 300, Hs). Cf. EcKHART,
AuGUSTIN, Enarr. in Ps. JO, s.I n" 12 (CC 38 p. 199).
Comm. jean § 689; Serm. lat. 46 § 478.
494 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 2, 19
495
Multa invenies circa hoc et super hoc in Secunda Dans mon second Commentaire, on trouvera, sur ce
editione. point et ce qui s'y rapporte, plusieurs considérations3.
Omne quod vocavlt Adam animae vlventis, Le savoir infus d'Adam.
lpsum est nomen eius.
192. Videtur mihi quod vult dicere quod Adam Le no m qu' Adam donna a chacun des animaux
imposuit singulis nomina iuxta ipsarum rerum pro- est son nom (véritable) (z, 19).
prietates, ita quod ipsa indicabant naturas et proprie- 192. Ce passage, il me semble, signifie qu' Adam a
tates naturales rerum. Et hoc satis invenio in simili ex imposé un noma chaque chose d'apres ses propriétés,
A. Gellio, Tullio et Augustino. si bien que ce nom en indique la nature et les
Unde A. Gellius l. XI c. 4 dicit «nomina et verba propriétés naturelles. J'en trouve ample témoignage
non fortuito imposita, sed» naturali « quadam vi et chez Aulu-Gelle, Cicéron et Augustin. Le premier, au
ratione naturae facta esse» sive imposita. Et hoc livre XI, chap. 4, écrit : « Noms et vocables ne sont
probat multis exemplis in G~aecis voci~us et Latini~. pas décernés au hasard, mais bien plutót en considéra-
t. Possum~s etiam_ ap~d nos vtdere hoc 1psum. Lumt- tion de la vertu naturelle a chaque chose et de sa
/ nellam stve lummartam herbam quandam vocamus, nature. » Ille montre par de nombreux exemples tirés
quae, ut experimento didici, mirabilem efficaciam du grec ou du latin 1• Il est possible de faire les memes
habet in reformatione luminis et visus oculorum. Et ¡ observations dans notre propre usage. Ce qu' on
secundum aliquos sol vocatus est, eo quod s_ol_us lucet · appelle luminelle, ou herbe luminaire, possede, j'en ai fait

~
\ et ah ipso omnia lumen mutuant. Unde dtvmatores
multum se fundant et confidunt praesagiendo in
. l'expérience, la merveilleuse propriété de guérir les
yeux etde rendre la vue2 • D'apres certains auteurs, le
nominibus sive hominum sive rerum aliarum qua- soleil est ainsi appelé paree que lui seul brille et que
rumlibet, tam in numero, quam in figura, qua~. et~am , tout (ce qui brille) lui eniprunte sa lumiere ..
r in ordine litterarum. Propter quod Pythagonct dtce- · Aussi les devins se fondent-ils surtout sur lesnoms
v,' bant numeras esse rerum f9rmas, et secundum Boe-
.
/'
t, í-J
~-./
qui sont attribués soit aux hommes soit a n'importe
quelles autres choses et leur font confiance pour tirer
3· Cf. Parab. Gen. § Ioo-Io8.
des présages du nombre, de la figure ou encare de
t § 192 1.. Référé ala doctrine théologique du savoir infus chez l'ordre des lettres. C'est pourquoi les pythagoriciens
l Adam, Eckhart opte pour la these rem,on~a?t a Héraclite ~t
?
• exposée par le Cratyle : ,le lanfSage est ort&me. naturelle. ·S y
enseignaient que les nombres sont la forme (essen-
tielle) des réalités. Selon Boece «toutes les choses que
opposait la these de· Democrtte des denommattons par p~re

~
convention. Cette derniere est retenue par AUGUSTIN, De musrca,
III, n, 3 (BA 7, p. 104) et également par Au_LU-GELLE, Nuits
attiques, X, c. 4 (Belles-Lettres, I p. 154s; v?tr_p. 218 n. 4 de
R. ~ARACHE), apres présentation de la theorte adverse par 2. Simples utiÚsés alors en ophtalmologie (voir LWI, p. 337,
P. Nigidius, ce qti'Eckhart n'a pas remarqué.· notes de K. Weiss indiquant traités de botanique du temps).

i.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 2, 19. . 497

thium « omnia a primaeva rerum natura constituta la nature primordiale a constituées ont été fa~onnées
ratione numerorum formata» sunt. Et, sicut dicit en raison des nombres3• » D'apres Aristote, daris la
primus philosophus, rerum species se habent sicut Métaphysique, les natures spécifiques des choses sont
numeri. Figurae etiam rerum, quae in numeris fun- ordonnées entre elles comme le sont les nombres.
dantur, signant super naturis specierum et proprie- Meme la figure de ces choses, qui est fondée sur les
tatum naturalium, ut Thomas inducit. nombres, caractérise, comme le dit Thomas, leur
Secundum hoc igitur in verbis praemissis innuitur nature spécifique et leurs propriétés4.
quod Adam novit naturas rerum omnium, eo quod D'apres ceci, notre passage suggere qu' Adam
ipse nomina imposuit omnibus. Sic enim Adam connaissait les natures de toutes les choses, puisqu'il
institutus est a deo perfectus scientia, ut omnia sciret, leur a donné un nom a toutes. Adam a done été
1
quae cadunt et cadere possunt sub luce agentis originairement doté par Dieu d'une science parfaite,
intellectus, ut dicunt doctores. afin qu'il conmlt touJ ce qui est ou peut etre saisi a la
lumiere de l'intellect agent, comme disent les théolo-
193· Sed tune est quaestio, quare dicatur impo- )
gienss. ·
suisse nomina non rebus omnibus, sed tantum viven-
tibus sive animatis; ait enim : animae viventis etc. Ad 193· Mais ici une question se présente: pourquoi
quod nunc sufficiat quod hoc ipso, quod novit Adam est-il dit avoir donné un nom non pas a
viventia et eorum naturas, quae sunt perfectiora in toutes choses, mais seulement aux etres vivants ou
entibus, relinquitur quod multo magis novit minus animés? Il est en effet écrit : a chacun des animaux,
perfecta, inanimata scilicet non· viventia. etc. Bornons-nous ici a cette réponse : si Adam
Secundum praemissa in Psalmo dicitur de stellis: disposait d'un savoir concernant les vivants et leurs
«Et deus eis omnibus nomina vocat»a, id est proprie- natures, eux qui sont les plus parfaits des etres, a plus
forte raison disposait-il d'un savoir relatif aux choses
a. Ps 146, 4· moins parfaites, les choses inanimées, celles qui sont
privées de vie.
3· Les Pythagoriciens: cf. ALBERT, Metaph. I, tr. 4, c. 13 Conformément a cela, le Psalmiste dit au sujet des
(Col. 16-1, p. 68, 44s); BoJ?.:cE, De inst. arithm. I, c. 2. (début; étoiles : «Et Dieu leur donne a toutes leur noma.»
Friedlein, p. 12.).
4· Hiérarchie des natures ou essences créées, comme la suite
des nombres: ARISTOTE, Métaph., VIII, c. 3, 1044 a9s; THOMAS
d' AQ., In Metaph., V, lect. 5 Marietti n° 8zo); In Phys., VII, développée par Albert et Thomas d' Aq. Mais ce que ceux-ci
lect. 5 (n° 917) : la figure selon laquelle est formé chaque sujet exposatent quant au Christ doté d'une perfection intellective
dénote la nature de celui-ci. ECKHART : Parab. Gen.§ 2.08; Comm. achevée pour tout ce qu'un intellect humain peut connaitre,
]ean § 2.65 : la série des natures rapprochées de la «chaine d'or» Eckhart l'applique a Adam type de l'homme tout court. C'est
d'Homere (selon Macrobe). siirement en continuité avec l'acception de l'intellect agent
. J. J~or~u.latipri personnelle d'une these traditionnelle relative qu'on lit chez son collegue et contemporain DIETRICH de
au savoir infusé par grace a Adam au titre de principe du genre FREIBERG, De visione beatif., I, 1 (Mojsisch p. 15s). Voir Comm.
humain. La mention de l'intellect agent évoque une notion ]ean 94, 141, 15 5; Comm. Sag. 93-95.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z, 2.4 499
tates et naturas contulit, a quibus nominantur et C'est-a-dire qu'il leur confere leurs propriétés et
vocantur, sicut ·in Marte, Mercurio, Iove, Venere et leurs natures, d'apres lesquelles elles sont nommées
Saturno apparet et ipsis signis caelorum et similibus. et appelées. On le constate pour Mars, Mercure,
Jupiter, Vénus et Saturne, et pour les signes qu'on
voit dans le ciel et autres choses semblables 1•
Erunt duo in carne una.
194· Quamvis communiter hoc exponatur ad litte- Dualité des sexes.
ram et bene, quod vir et mulier sunt duo in carne una,
quia uniuntur quantum ad opus generationis - unde lis seront deux dans une seule chair (z, 24).
aliqui exponunt :in carne una, id est in prole una, quae 194. Au sens littéral, l'interprétation courante de
una est communis patri et matri - sunt tamen ce passage est bonne qui explique que l'homme et la
circa praemissa quinque principaliter consideranda, femme sont deux dans une seu/e chair par l'reuvre de
ex quorum singulo patebit quam convenienter génération 1. Certains entendent done la formule dans
dictum sit quod in natura humana mas et femina erunt une seu/e chair comme signifiant «dans une seule
duo in carne una. descendance», une et commune au pere et a la mere.
Mais pour ma part, je proposerai ici cinq considéra-
tions principales, chacune manifestant avec quelle
195. Primum est quod in quibusdam rebus natura- pertinence il est écrit que dans la nature humaine le
libus et viventibus mas, sive virtus activa, et femina, m~lle et la femelle seront deux dans une seule chair.
id est virtus passiva, sic sunt duo, quod non concur-
runt in eodem nec numero nec specie nec etiam 195. Premierement, chez certains etres de la nature
genere, sed tantum analogice. Qualia sunt quae gene- et certains vivants, le male, c'est-a-dire la puissance
rantur sine semine,. quorum virtus mascula et activa active, et la femelle, c'est-a-dire la puissance passive,
sont tellement deux que ce qu'ils produisent
ensemble n'est un ni par le nombre, ni par l'espece, ni
§ 19 3 1. Allusion aux théories antiques rapprochant les dieux par le genre, mais seulement par analogie. C' est le cas
et les astres, (astronomie et astrologie confondues), a la suite de la génération sans semence, ou la puissance male et
d'AUGUSTIN, La Gen. au s.litt. II, x, 2.3 enav, 2.9 (BA 48 p. 188
et p. 192.); Cité de Dieu, V, v-VI (BA 33, p. 656); VII, III-Iv,
(BA 34, p. 12.2.5); a la suite aussi de MACROBE, In Somn. Scip., 1,
1 c. 19 (Eyssenhardt p. 558s) et d'ALBERT le Go, De animal. 1, dualité des sexes: cf. P. LoMBARD, Sent. 11 d. 20, c. 1-3 (p. 427s),
1 tr. 2., c. 2. § 130 (Stadler, 1 p. 147). EcKHART: Parab. Gen. § 2.08; avec toutefois mention, a la suite d'Ep 5,32, d'un sens mystique
1 Comm. Sag. § 2.46-2.49; Comm. Ex.§ 132.; Comm.Jean§ 2.65-2.68. (sacramentum =:= myst~re, sens caché) expliqué par la relation du
1 § 194 1. Avec AuGUSTIN, La Gen. au s. litt., IX, m, 5 (BA 49 Christ et de l'Eglise Epouse (cf. Sent. II d. 18, c. 3 n° 2; p. 417).
¡, p. 96); vn, 12. (p. 104); VIII, 13, p. 107; voir p. p6s, note c~mpl. La Glose notait des extrait& d'lsiDORE, Qu. in Gen., c. 3 n° 11
1
42. : La fem11J~, /a.sexualité et k mariage dans le «De Gen. ad lttt.J>), (PL 83, 218). Voir Parab. Gen.§ II3-134 sur la création de la
¡ la tradition ·théologique a défini par la génération le sens de la femme.
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EXPOSlTlO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z, 24

est corpus caeleste, femina vero sive virtus passiva est active est le corps céleste, et la puissance femelle ou
materia transmutabilis aptata forrnae, quam recipit passive, la matit~re sujette a la transmutation et apte a
analogice a virtute activa caelestis corporis. la forme qu'elle re~oit de maniere analog~que de la
Sunt autem alía in secundo gradu, in quibus puissance active du corps céleste.
concurrit mas et femina, activum et passivum, in A un deuxieme degré se situent d'autres vivants
eodem tam genere quam specie et etiam numero. chez qui príncipe m~He actif et príncipe femelle passif
Et talia sunt plantae et vegetabilia, ubi mas et produisent ensemble quelque chose d'un selon le
femina, activum et passivum, sunt in eodem numero. genre, l'espece et meme le nombre. Ce sont les plantes
Quamvis in una plus· abundet virtus mascula, in alia et les végétaux, ou male et femelle, príncipe actif et
vero plus abundet virtus feminina, indistinctae tamen príncipe passif, se trouvent réunis en un meme sujet
et - communiter - sunt unum numero. individue!. Si meme en telle espece prédmpine la
In tertio autem gradu et perfectiori, puta anima- puissance male et en telle autre la puissance femelle,
libus, magis autem in perfectioribus, maxime autem les deux n'en sont pas moins indissociables dans le
in homine, perfectissimo animalium, virtus activa et végétal et ensemble ils font quelque chose d'un par le
passiva pro sui perfectione sunt haec duo, mas et nombre.
femina, activum et passivum, distincta numero et Au troisieme degré, le plus parfait, ce sont les
subiecto et sexu. Propter quod signanter et specialiter animaux, surtout les animaux plus parfaits et au plus
hic dicitur de homine quod mas et femina, activum et haut point l'homme, le plus parfait des etres vivants.
passivum, sunt duo in carne una. Chez eux la puissance active et la puissance passive
sont pour leur perfection distinguées en male et
196. Secundo notandum quod distinctio semper femelle, actif et passif, par le nombre, le sujet et le
est per actum. Hinc est non minus notandum quod sexe. Voila pourquoi il est dit a juste titre et spécifi-
formae diversae, oppositae aut contrariae eiusdem quement de l'etre humain que male et femelle, actif et
generis, numquam possunt inesse eidem actu piures passif, sont deux dans une seu/e chair 1 •
196. Deuxiemement, il faut noter que toute dis-
.J- ,1. Bref exposé des príncipes d'une sexologie générale, assez tinction se fait par l'acte. D'ou, remarque également
certainement d'apres ALBERT le Go, De veget. I, tr. 1, c. 7 importante, il suit qu'une pluralité numérique de
(Meyer-Jessen p. 23S); c. 12-13 (p. 43S); II tr. 1 c. 1 no 5-7 formes diverses, opposées ou contraires, a l'intérieur
(p. 105s); IV tr. 3, c. 1 (p. 254s) pour l'ordre végétal duque! est d'un meme genre, ne peut jamais se trouver en acte en
rapproché le couple «cause terrestre - cause cosmique», et De
animal. notamment, IV, tr. 2 c. 4 (§ 102; Stadler I p. 402s), V en un meme sujet. En revanche, elles peuvent se trouver
entier (p. 407s); XV-XVII (II p. 99os) pour l'ordre animal; et
finalement IX (I p. 674s) et XII (II p. 1349s) pour l'ordre
humain. Observer qu'a la différence de la tradition grevée des humaine au m.a., de proposer une vue plus réaliste de la
réserves et emba-rras d' Augustin sur ce theme, Eckhart a souci, a sexualité. Pour le couple actif-passif, cf. Parab. Gen. § 22-26,
1'étole d' Albert qui a rédigé le premier traité de sexologie 122; Comm. Jean § 182, 183.
so2. EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE i, 14

numero, possunt tamen inesse et insunt et simul sunt et se trouvent, et simultanément, en puissance dans
in eodem in potentia aut edam sub actu incompleto. un meme sujet ou un meme degré d'aci:ualité incom-
Verbi grada : ídem numero est in potentia album et plete. Par exemple : un sujet un numériquement est
nigrum. Idem etiam numero est album et nigrum sub en puissance blanc et noir; un sujet un quant au
actu incompleto, ut cum ex nigro fit album. Idem nombre est aussi blanc et noir a un degré d'actualité
autem esse actu completo simul album et nigrum est incomplete, comme lorsque de noir il devient blanc;
impossibile. mais il est impossible qu'un meme sujet soit a la fois
Quia igitur horno perfectissimum est animalium, in blanc et noir a un degré d'actualité complete.
ipso est potissime disdnctio activi et passivi, maris et Comme done l'homme est l'animalle plus parfait,
feminae, quam subiecto tam sexu. Propter quod de il y a chez lui distinction la plus manifeste du principe
ipso homine specialiter hic dicitur: erunt duo in carne actif et du principe passif, du ma.le et de la femelle,
una; duo, inquam, sexu et subiecto; in carne una tant au point de vue du sujet individue! qu'a celui du
quantum ad carnalem generadonem. sexe. V oila pourquoi il est ici spécialement déclaré de
197. Adhuc autem tertio notandum quod horno, l'homme: lis seront deux dans une seu/e chair. Deux,
cum sit animal radonale, naturaliter ordinatur ad dis-je, par le sexe et par le sujet. Dans une seu/e chair :
cognoscere et praecipue ad intelligere. « Cetera ani- du point de vue de la génération charnelle.
malia» non sic. Unde ipsa «non delectantur in sensi-
bilibus» nec in sentire «nisi in ordine ad cibos vel f I97· En outre, troisiemement: animal rationnel,
venerea», propter quod pro his tantum pugnant, ut l'homme est par nature ordonné a la connaissance, et
ait philosophus. Hinc edam est quod «habent faciem principalement a la connaissance intellective. Ce n' est
pronam ad terram ad cibum quaerendum. Horno pas le cas «des autres animaux», qui, eux, «ne se
vero e converso faciem», in qua sunt sensus, «habet j délectent dans les choses sensibles» ou dans les
¡
erectam» et «delectatur in ipsis sensibus secundum sensations «que pour la vie nutritive ou la vie
!
i'
¡
se» et in ipso actu, qui est sentire. Unde philosophus (
!
génitale», «la seule pour laquelle ils se battent tant»,
l 1 Metaphysicae docet quod homines plus amant comme !'observe Aristote1. C'est pourquoi aussi
sensum visus, eo quod ipse plus deserviat cognitioni « leur face est tournée vers le sol pour y chercher la
circumscripta utilitate alia. Quia ergo horno ordinatur nourriture. Au contraire l'homme, dont la face», ou
ad aliquid altius, quam sit carnalis generado, puta résident les organes de perception sensible, « est
! orientée vers le haut, se délecte de ses sens pour
eux-memes » et dans l'acte meme de sendr2. Aussi
1. ALBERT, De animal. VI, tr. 3, c. 1 § 97 (Stadler I p. 482.), ¡ Aristote, au livre Ier de la Métaphysique, enseigne-t-il
citant ARISTOTE, Hist. des anim. VI, c. 18, SJI b12.s (Belles-L. 11
p. 102.). Cf. ci-dessus § 115, 188; Comm. Ex. § 2.10. l que l'homme estime le plus le sens de la vue, car,
abstraction faite de ses autres utilités, c'est le principal
2.. Voir § 1 33 ci-d es sus et § 2. 38 ci-dessous; Parab. Gen. § 15 s,
av~c THOMAS d'AQ., ¡a P. q. 91, a. 3·
· auxiliaire · de la connaissance 3. ·
'3· Cf. § 187 note 1. · · L'homme est done ordonné a une fin plus haute
EXPOSlTlO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GENES E z, 14

ad inte~ligere, propter hoc non oportet in ipso spe- que la génération charnelle, c'est-a-dire a la connais-
cialiter in ter cetera animalia et prae ceteris concurrere í sanee intellectuelle. Pour cette raison, particuliere-
in eodem sexu et subiecto principium generationis l. ment a lui, parmi tous les autres animaux et avant eux
activum et passivum. Et hoc est quod hic dicitur : tous, il importe que les deux príncipes actif et passif
erunt duo, principium scilicet activum et passivum, de la génération ne soient pas réunis simultanément
mas et femina, in carne una, id est in carnali genera- dans le meme sexe et dans le meme sujet. Tel est le
tione et in tempore generationis et prole una. Non sens de ce qui est dit ici : lis seront deux, a savoir le
enim imaginandum est quod proles diversa esse príncipe actif et le príncipe passif, le male et la
accipiat, aliud a patre, aliud a matre, sed ídem esse femelle, dans une seu/e chair, c'est-a-dire dans la généra-
prorsus omniquaque habet a patre active et a matre tion charnelle, dans le temps de la génération et
passive. l'unité de la descendance. Impossible d'imaginer
qu'une descendance qi_visée rec;oive un etre du pere,
198. Rursus quarto notandum quod in animalibus, un autre de la mere. C'est absolument le meme etre,
in quibus est distinctio sexus, maris et feminae, non sous tous les rapports, qu'elle tient du pere de fac;on
omne tempus convenit generationi, sicut patet tam in active et de la mere de fac;on passive4.
piscibus quam in aliis. In ipsa etiam natura hominis
femina in anno communiter semel concipit et parit. 198. De plus, quatriemement : chez les animaux
Frustra ergo semper essent simul, unum et in uno ou il y a distinction des sexes, du male et de la femelle,
!- numero principia generationis. In opere vero genera- tout moment n'est pas propice a la génération,
tionis sic concurrunt in uno et in unum simul activum comme on le voit chez les poissons et bien d'autres
et passivum, mas et femina, sicut in plantis aut h~rbis especes. Dans la nature humaine, la femme, habituel-
semper sunt simul. Et hoc est quod hic dicitur : erunt lement, nc conc;oit et n'enfante qu'une seule fois par
duo in carne una. an. Il serait done vain que les príncipes de la
génération soient toujours simultanément réunis dans
199· Quinto notandum quod, sicut ait Rabbi un sujet numériquement un. Chez les humains, c'est
Moyses, liber Genesis naturalis est et rerum docet seulement dans l'ceuvre de génération que l'actif et le
naturas. Secundum hoc ergo potest convenienter passif, le male et la femelle, forment quelque chose
( exponi quod hic dicitur: erunt duo in carne una, ut sit d'un pour produire quelque chose d'un alors que,
k, chez les plantes ou les herbes, ils sont toujours réunis.
1,;·
Tel est le sens de la parole: Ils seront deux en une seu/e
1

ili chair.
!:i, 4· Role actif du pere et passif de la mere : théorie médicale
V~ alors rec;ue, d'apres Aristote et Avicenne; cf. ALBERT, De animal. 199-' Cinquiemement : comme le dit Ma1monide, le
XV, tr. 2, c. 8 § 127 (Stadler, p. 1048). Voir Comm. Sag. § 84; livre de la Genese traite de la nature et enseigne les
Parab. Gen. § 217.
natures des choses l. D'apres cela, on peut done
. ·§ f99 I•: MAlMONIDE, ibid., Prooemium (f. 2v23s; Munk I p. 9).
Cf. Parab. Gen., Pro/. § 1. légitimement interpréter ils seront deux dans une seu/e

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1 ;y
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE z, 24

sensus quod activum et passivum, forma et materia, chair comme signifiant qu'actif et passif, forme et
potencia et actus duo quaedam in se sunt principia, 1 matiere, puissance et acte, constituent en eux-memes
sed in esse et actu unum sunt in composito. Unde deux príncipes distincts, mais que dans le compasé ils
signanter dictum est: duo in carne una erunt. Li erunt sont un en etre et en acte 2 • D'ou la pertinence de la
enim esse nominat, sed futurum. Quamdiu enim duo formu.le ils seront deux dans une seu/e chair. Seront signifie
sunt,ut duo et divisa nihil principiant necdum sunt nec en effet l'etre, mais au futur. Aussi longtemps qu'ils
unum sunt. Sed quando erunt, quando esse acceperint sont deux, étant deux et divisés, ils ne sont encore le
et unum fuerint et in unum simul concurrerint forma, príncipe de ríen, ne sont pas encore et ne sont pas un.
materia, activum~ passivum, potentia et actus, tune Mais quand ils seront, quand ils auront res:u l'etre, ils
duo iam non sunt duo, sed unum. Quomodo enim aut seront devenus un et auront concouru (pour pro-
esset aut unum esset cadens ah uno, quod cum ente duire) quelque. chose d'un : la forme et la matiere,
convertitur? l'actif et le passif, la puissance et l'acte ne seront plus
Et iterum : cum « omne quod est, ideo est, quia deux en tant que deu:{"mais un. Comment, en effet, ce
unum» numero «est», ut ait Boethius, hinc est quod qui déchoit de l'un qui se convertit avec l'etre,
non solum in separatis a materia «idem est intellectus serait-il o u serait-il un 3?
et quod intelligitur», «sed et sensus et sensibile actu En outre, «Tout ce qui est, est paree qu'il est
unum sunt et ídem», ut ait philosophus De anima. Et numériquement un», comme le dit Boece4. C'est
in «V Metaphysicae dicit quod scientia, ut relatio, pourquoi, non seulement chez les Intelligences sépa-
non est scientis, sed scibilis ». Nam ut sic nullum es se rées de la matiere, il y a identité de l'intellect et de
habet scientia nec accipit a quocumque nec aliud esse l'objet connu, mais encore le sens et le sensible en acte
accipit nisi id ipsum quod est esse scibilis actu sciti. sont une meme et identique réalité, comme le dit
Et hoc ipsum esse dependet ah utroque, scilicet a Aristote au traité De 1'ámes.
sciente et scito, proles est utriusque, in ipso tamquam Au livre 5 de la Métaphysique, il dit encore que la
carne 11na cognoscens et cognitum unum sunt. Et hoc science, en tant que relation, n'est pas référée au sujet
est quod Augustinus V De trinitate c. 1 2 sic ait : .} , intelligent, mais a la chose connue6. En effet, la
¡_1 \ science en tant que telle ne possede d'etre et n'en
2. a.§ 24 ci-dessus; Parab. Gen.§ 33, 121, 126; Comm. Ex. '·J[ res:oit pas d'autre de quoi que ce soit, s. inon celui du
§ 139· \ connaissable une fois qu'il est connu en acte. Et cet
3· Pour le nombre deux comme déchéance de l'unité, cf. § 98s etre meme dépen:d de l'un et de l'autre, du sujet
ci-dessus. connaissant et de la chose connue. De l'un et de
4· Bof:cE, In lsag. Porphyrii (ed. secunda, I, c. 1o; CSEL 48,
p. 162, 2-3). l' autre il est la deseen dance. En luí, comme dans une
5· AluSTOTE, De a11ima, III, c. 4, 430 a 3-4; c. 2, 425 b 25-26. seu/e chair, le su jet connaissant et la chose connue sont
Cf. Comm. ]ean § 107, 401, 466. un.
6. Formule de THOMAS d' AQ., QD de pot., q. 8 a. 2 Resp.,
co~nta~tA~ISTOTE, Métaphys., V, c. 15, 1021 a 29s; cf. TH.
.. f! C'est ce qu'Augustin dit au livre V de la Trinité,
1 d'AQ., In Metaph. V, lect.17 (n°·xoo3s). .JV \ chap. 1 2 : « Toute chose dont nous prenons connais-
~1

1
1
508 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE ~. 1-5

~<Omni~ _res, 9~amcum~ue cognoscimus, congenerat r sanee ca-engendre en nous le savoir dont elle est

m .nobts ·notmam su1. Ab utroque enim n9titia '\ l'objet. De cette double origine nait notre connais-
p~ntur, a c?gno.s~ente et cognito. » Et hoc est quod : sanee: du su jet connaissant et de la chose connue 7 • »
hic parabohce dtcttur : enmt duo in carne una, cognos- Voila ce qui est ici exprimé sur un mode allégorique
cens et cognitum, activum et passivum, potentia et av~c la parole: ifs seront deux dans une seu/e chair,
actus in uno esse, prole utriusque. connaissant et connu, príncipe actif et príncipe passif,
puissance et acte, dans un etre unique, dans une
descendance commune.
200. Cui sententiae pulchre concordant singula 200. Avec cette lecture s'accorde admirablement
quae de Adam mare et Eva femina scribuntur Gen. 2, chacune des choses que le chapitre 2 de la <;enesea
puta quod Eva formata est de costa Adae, quod caro expose concernant Adam, l'~omme, et Eve, la
pro costa repleta est, quod de latere Adae formata femme, a savoir la formation d'Eve a partir d'une des
quod ipso dormiente, quod propter hoc relinqui~ cotes d' Adam, le remplacement de cette cote par de la
hom.o ~atren: e~ matrema, e.t. similia, de quibus chair, la dignité de celle qui fut ainsi formée du flanc
plenms tnvemes 1n secunda edtttone Super Genesim d' Adam, le sommeil de celui-ci, l'abandon des pere et
parabolice. mere par chaque époux, et autres considérations
semblables que l' on trouvera développées dans le
second Commentaire, celui des Parabofes de fa Genese 1•

CAPITULUM TERTIUM CHAPITRE TROISIEME

La tentation.
Sed et serpens erat callidior, etc. Et infra: eritis Or le serpen~ était le plus rusé de tous les
sicut dii, sci'entes bfJnum et malum animaux, etc. (3, 1). Vous serez comme des dieux,
201. Notandum quod, quia horno appetitu scien- connaissant le bien et le mal (3, 5).
tiae, quae inflat, peccavit, iustum est, ut intellectus 201. On doit noter ceci: l'homme qui désire un
/V'\./ L--- savoir qui gonfle (d'orgueil) · est pécheur. 11 est
a. Cf. Gn 2, 21-25. alors juste que notre intellect soit enténébré par
7· AuGUSTIN, la Trin. IX, XII, 18 (BA 16, p. 108). Voir Parab.
Gm. § 152; Com'!l. ]ean §57, 107, 109, 505, 679; Comm. Sag.
§ 266; Serm.·tat. ¡o§ 514; Qu. París. 1 § 7; // § 3· § 200 1. Cf. Parab. Gen. § 1 17-1 34·
po EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 3, 7· 511

noster sit obtenebratus tenebris ignorantiae, ut sit les ténebres de l'ignorance, au point qu'il soit
sicut oculus noctuae, Iob 37 : «Nos apte involvimur «comme l'reil de la chauve-souris1». Jb 37: «Nous
tenebrisa». sommes totalement enveloppés de ténebres a.»
Aperti sunt oculi amborum ~
202. Rabbi Moyses l. I c. 2 tractans hanc mate- Sur la chute origine/le.
riam sic ait : « Quaesivit a me quidam sapiens »
«mirabilem questionem » dicens : « Videtur mihi se- Leurs yeux s'ouvrirent a tous deux (3, 7).
cundum planum scripturae quod in prima creatione 202. Traitant de ce point, Maimonide, au livre I,
horno esset sicut cetera animalia sine intellectu», «et .¡_ chap. 2, s'exprime comme suit: «Un certain savant
quod nihil discerneret ínter bonum et malum. Et cum m' a exposé une étrange difficulté. (... ) Il me, semble,
peccavit, peccatum pro~ovit eum ad hu~c gradui? ¡ m'a-t-il dit, que d'apres le récit de l'Ecriture,
sublimem», «ut haberet mtellectum», «qut est nobt- l'homme en sa premiere création était, comme le reste
lior omnibus, quae sunt in nobis, et per ipsum sumus des animaux, sans intelligence, et qu'il ne discernait
quasi angeli. Et haec est admiratio magna, qu.od \ pas entre le bien et le mal. Lorsqu'il eut failli, le péché
poena peccati sui dedit ei perfectionem, quam pnus l'a promu a ce degré sublime et parfait qu'on observe
non habebat, scilicet intellectum. » Hucusque quaes- chez l'homme, a savoir la possession de cet intellect
tio sapientis. Ad quam respondens Rabbi Moyses qui nous habite et qui, chose la plus noble de toutes
dicit : « Diximus adversario» : « Intellectus quem celles qui sont en nous, nous vaut d'etre devenus
elargitus est deus Adam primo, ipse est postrema eius comme des esprits angéliques. V oici ce qui fait mon
perfectio, quae fuit in Adam, antequam peccaret. Et étonnement : que le chatiment de son péché ait valu a
ratione huius intellectus dictum est de eo quod l'homme une perfection qu'auparavant il n'avait pas,
creatus est «ad imaginem deia, et mediante illo celle de l'intellect1. »
locutus est deus cum eo. » « Et per intellectum discer- Telle était la question de ce savant. Voici ce qu'a
nitur inter verum et falsum. » «Sed bonum et malum répondu Maimonide: «C'est tout le ·contraire queje
invenitur in sensibilibÚs. » _«lgitur cum Adam esset . soutiens. L'intellect qu'au commencement Dieu a
primus in complemento suae speciei et in rectitudine conféré a Adam était la perfection ultime chez Adam
naturae suae et suorum intelligibilium, propter quod avant son péché. En raison de cet intellect, l'homme
est dit avoir été créé "a l'image de Dieu a". A u moyen
§ 201 a. Jb n, 19· § 202 a. Gn 1, 27. de ce don de l'intellect, Dieu s'est entretenu avec lui
(... ). Par lui on discerne entre le vrai et le faux, (... )
§ 201 1.L'reil de la chauve-souris : cf. § 41 ci-dessus. tandis que le bien et le mal se trouvent dans les objets
§ 202 1. MAYMONIDE, ibid., c.
2 (f. 5v, début; Munk I p: 39s), de la connaissance sensible. Ainsi done Adam était
qui t()utefois ne. dit pas «en sa premiere création» mais «la déja doté de la perfection complete de sa nature
premieré intehtion lors de sa création». spécifique, dans la rectitude de celle-ci et de ses
p2 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 3, 7 P3
dictum ~st : "minorasti eum paulo minus ah ange- savoirs intellectifs. C'est pourquoi l'Écriture dit :
lish", non erant in eo potentiae, per· quas intenderet "Vous ne l'avez qu'un peu abaissé en dessous des
sensibilibus, nec apprehendebat illa », « nec erant mala anges h." Chez le premier homme, il n'y avait aucune
apud eum, nec cognoscebat defectum suum»; «et puissance référée aux choses sensibles ni destinée a les
haec est discoopertio membrorum suorum. » « Cum appréhender. Aucun mal ne se trouvait en luí; il
vera peccavit et secutus est concupiscentiam suam et !/ ignorait toute défaillance. Tel est le sens de la nudité
desideria carnis, sicut dictum est : vidit quod esset ~ '. de ses membres.
«pulchrum visu et ad vescendum suavé», inflicta est « Mais lorsqu' Adam eut péché, il suivit sa convoi-
ei poena et recessit ah eo illa intellectualis appre- tise et ses désirs charnels. Il est en effet écrit (du
hensio et» «remansit in eo apprehensio sensibilium, fruit de l'arbre de la connaissance) : JI apparut que
et profundavit in scientia boni et mali. » « Propter hoc e' était beau a voir et agréable a mangerc. En chatiment,
dictum est : "eritis sicut elohim, scientes bonum et cette sublime connaissance intellective (dont il avait
malumd", et non dixit : scientes verum et falsum. » été doté) l'abandonna, (... ) la connaissance sensible
« Et attende quod dictum est : aperti sunt oculi amborum demeurartt seule en luí pour qu'il discerne entre le
et cognoverunt quod nudi essent, et non dixit : viderunt, ut bien et le mal.( ... ) C'est pourquoi il est dit: Vous serez
faceret te scire quod idem viderant ante, quod post»; comme des elohim, connaisant le bien el le mald, alors qu'il
«sed motus fuit ad alium gradum, in quo cognovit n'est pas dit "connaissant le vrai et le faux" (... ).
malum, quod non cognoverat ante, et <ut > videretur ,, «Considere encare ce que la suite déclare : Leurs
turpe, quod prius non apparebat tale.» Hucusque ~/11 ~ yeux s' ouvrirenl a tous deux el ils reconnurenl qu' ils élaienl \ ;...
;
~ \ ;
·'\
1 V

verba Rabbi Moysis. \ nus. Elle ne dit pas : "Ils virent", pour t'apprendre

Et notandum quod secundum ipsum li « elohim (d'abord) qu'auparavant ils voyaient (déja) cette
aequivocum est deo et angelis et iudicibus habentibus meme nudité qu'apres ils reconnaissent. (... )Le chan-

~
ducatum in villis. » In hoc autem loco : « "Eritis sicut , gement survenu concerne leur acces a un autre niveau
elohim, scientes bonum et malum", hoc <est > dicere ou ils identifient un mal qu'avant ils ignoraient, ou
sicut homines nobiles et excelsis. » apparait honteux ce qu'auparavant ils ne jugeaient
pas tel 2 . » Tels sont les dires de Ma!monide .
. On notera que, d'apres lui, le terme elohim signifie
203. Vult igitur breviter dicere Rabbi Moyses
de _fa~on équivoque Dieu, les anges, et aussi les juges
quod af!te peccatum versabatur horno in intellectua-
qut ont pouvoir dans les cités 3• Le passage vousserez
libus, in quibus est verum, non proprie bonum, nec
comme des elohim, connaissanl le bien el le mal revient a
dire: «Comme des hommes nobles et éminents».
b. Ps 8, 6. c. Gn 2, 9· d. Gn 3, 5.
· \· \' 203. En résumé, ce que Ma!monide veut dire, c'est
2. !bid. suite. i ~ qu'avant son péché le premier- homme habitait le
. F1bíd., début chap. 2, monde intelligible, la ou se trouve le vrai mais non

i
1
li ..
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE. GENESE 3, 7 515
intendebat nec afficiebatur sensibilibus, in quibus pas le bien a proprement parlerl. 11 ne s'affairait ni ne
cadit bonum et malum ~ ex VI Metaphysicae :_ et s'attachait aux choses sensibles, ou le bien et le mal
pertinent ad appetitum, ad concupiscentiam, quae apl?araissent, d'apres le livre VI de la Métaphysique,
sunt rationabilia per ·participationem tantum, quae qut relevent de l'appétit et de la convoitise, et n'ont
subiecta erant plene rationali per essentiam, ne ipsum de caractere rationnel que par participation 2. Toute-
afficerent nec praevenirent, sed· ratio ipsis praeerat, fois (chez Adam), ils étaient pleinement soumis a ce
ut ipsa imperaret et p:raeveniret, secundum illud qui est rationnel par essence, de fa<;on a ne pas
Ioh. 1 1 : « Turbavit semet ipsum » Iesusa. Et erat l'affecter ni le précéder. Mais la raison était au-dessus
rectitud o, de ·qua Ecd. I 2 dicitur : « Deus fecit ·d'eux, a~n de le_s commander et de les précéder,
hominem rectumh». Et supra capitulo primo dicitur: comme tl est dtt en Jn 11 a: «Jésus se troubla
« Spiritus dei ferebatur super aquasc», id est lux lui-meme 3 • » (Chez Adam) existait cette droiture dont
intellectus et ratio; «super aquas », id est super parle le chapitre 1 2 de .Qohélet : « Dieu a fait l'homme
passiones, in quibus cadit bonum et malum. droith», et ci-dessus, au chapitre ¡er, il est dit:
«Cum» autem «secutus est desideria» sensibilium, «L'esprit de Dieu planait au-dessus des eauxc»,
<dncidit in necessitatem comedendi cibos malos» et c'est:·a-dire la lumiere de l'intellect et la raison ·
adaequatus est iumentis in « modis ciborum suorum », «_au-dess_us des_ eaux», c'est-a-dire au-dessus des pas-'
secundum illud Psalmi : «Horno cum in honore esset, slOns, ou survtennent le bien et le mal.
Mais « lorsque, suivant ses convoitises » sensibles,
« Adam est tombé dans la nécessité de manger des
a. Jn 11, 33· b. Qo 7, 30 (Vulg.). c. Gn 1, z. aliments de misere», il s'est égalé aux betes brutes
«dans la fa<;on de se nourrir», selon le Psaume:
«L'horilme, tant qu'il était en honneur, ne l'a point
t- 1. D'apres MAXMONIDE, ibid. (f. 5V 4zs; Munk I, p. ·37s). Cette
restriction du bien au niveau sensitif s'accorde certes avec la
these de la limitation de la métaphysique a l'ordre formellement
intelligible (cf; § 68 ci-dessus), mais elle se concilie difficilement d' AQ., Sen!. L. Ethic., éd. crit. I, c. zo, p. 73, 184s, offrent les
avec l'enseignement constant d'Eckhart sur la coessentialité du expressions techniques de «rationnel par essence» et «rationnel
bien et de l'etre (cf. § 128-130, 13 5-13 8 ci-dessus). Pour discerner p~r part~cipation», ~ais c'est pour réserver le bien proprement
la cohérence cachée, on observera ceci: pour Eckhart c'est au d1t au mveau du rat1onnel par essence. Autres lieux d'Eckhart
niveau transcendant ·de l'Idée créatrice que se situe l'etre sur cette question: § 241 ci-dessous; Parab. Gen. §54 (appel a
véritable d'une réalité créée, alors que le bien de celle-ci réside en TH. d'AQ., ¡a_¡¡ae q. 59, a. 4 ad z, pour déterminer la volonté
son etre substantiel, a l'«extérieur» de la pensée divine et comme pouvoir rationnel par participation, mais a un autre titre
éventuellement sous mode corporel. Cf. § 68. que les facultés purement sensibles); 114, 141; Comm. Ex.
2. ARISTOTE, Métaph. VI (cf. § 68). L'appétit sensible chez § u6; Comm. jean § 111, z65.
l'homme comme pouvoir qui ne participe que dans une certaine 3· Jean II, 33 est lu avec Augustin, Trae!. in Joan. 52, c. 1
mesure a la liberté de la raison : ARISTOTE~ Ethic. Nic. I, c. 13, (C~- 36, p. ;446, I~s)~. qui, dans u~e optique marquée de
II5>.z lHo; .,1rist. lat. XXVI (vers. Grosseteste), I c. 18, p. 161s. sto1c1sme (mefiance a 1egard des pass10ns), souligne que Jésus
ALBERT, Ethica1 I lect. 16 § 93'·94 (Col. 13, p. 85s); THOMAS s'est librement troublé.
p6 .. EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 3, 7 517
non intellexit. Comparatus est iumentis insipientibus compris. 11 a été comparé aux betes qui n'ont aucune
et similis factus est illisd. » In primo enim statu raison et il leur est devenu semblabled. »
« licentiam habebat vesci delectabilibus » intelligibili- En son état origine}, en effet, l'homme «avait
bus «et delectari in quiete et pace», secundum illud licence de se nourrir » d'intelligibles « délectables, de
supra secundo: «Ex omni lign~ paradisi com_ede~», se délecter dans le repos et la paix», d'apres ce
quantum ad intellectualia; «de hgno autem ~c~e.ntl~e qu'affirme le chapitre deuxieme ci-dessus : «Mangez
boni et mali ne comedas», quantum ad senstbtha, m (les fruits) de tous les arbres du paradis », ce qui
quibus est bonum et malum. concerne les réalités d'ordre intelligible, «mais de
l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne
mangeras pase», ce qui regarde les réalités sensibles,
ou se trouvent le bien et le mal4.
204. Praedictis concordat quod frater Th?mas
dicit, quod primus horno vidit deum «multo e~~nen­ 204. Cette exégese ést en accord avec ce que Frere
tius per intelligibiles effectu~ qu_am ~e~ ~~nstbtles ». Thomas dit concernant le premier homme qui vit
«A consideratione autem luctda mtelhgtbthum effec- Dieu d'une maniere bien plus éminente par ses effets
tuum impeditur horno in statu » quo nunc sumus «_Per intelligibles que par ses effets sensibles. Dans l'état
hoc, quod distrahitur a sensibilibus ~t occ~patur ctrca qui est le nótre, l'homme est arraché a la claire
ipsa». « Primus autem horno no~ tm~edte~a~u~ _per contemplation des effets intelligibles par les choses
res exteriores a clara contemplattone mtelhgtbthum sensibles et les préoccupations qu'elles entraihent. En
effectuum», quae~"piebat «ex irradiatione prim~e effet, le premier homme n' était pas empeché par les
veritatis » naturali vel \gratuita. ~d hoc a~tem mduct~ choses extérieures dans sa claire contemplation des
«Augustinum X S per. ~enesur~ ~d htteram» qut effets intelligibles, laquelle provenait d'une illumina-
ait : «Fortassis d s prtmts hor~umbus loq~e~atu~, tion par la Vérité premiere et était aussi bien naturelle
sicut cum angelis loquitur, ipsa _mcommutabth. v:en- que gratuite t. Augustin commente, a u livre XI du
tate illustrans mentes eorum, ets1 non tanta partlctpa- traité de la Genese au sens littéral: « Peut-etre que Dieu
tione divinae essentiae, quantam capiunt angelis. » s'entretenait avec les premiers hommes comme il
parle avec les anges, en illuminant leur esprit de
son immuable vérité, meme si leur participation
al'essence divine n'était pas aussi grande que celle des
d. Ps 48, 13 et 21. e. Gn 2, x6-17. anges2. »

4· Multiples emprunts a MAYMONIDE, ibid.


§ 204 Avec THOMAS d'AQ., ¡a P. q. 94 a. 1. Justifiée pour
1. si elle voulait signifier une identité dans la conception du bien,
la thes~ deJ'acces privilégié d' Adam au savoir intellectif que le serait a discuter.
Verbe créateur possede en plénitude,·cette référence a Thomas, 2. AuGUSTIN, La Gen. au s.litt., XI, xxxm, 43 (BA 49 p. 302).
p8 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 3, 7
P9
Consuerunt folia ftcus. Déchoir de la raison.
Ils cousirent des feuilles de figuier (3, 7).
205. Notandum primo ex hoc est argumentum 205. 1 .. On observera : la preuve que le fruit que
quod comederunt de ficulnea, quía de foliis ipsius, nos premters parents ont mangé était une figue est
utpote proxima, sibi statim fecerunt perizomata. De hoc que c'est avec des feuilles du figuier, arbre (sans
nota vi supra capitulo primo de opere tertiae diei. doute) le plus proche d'eux, qu'ils se cousirent des
Secundo notandum quod naturale est homini eru- pagnes. J'ai fait plus haut des remarques a ce sujet au
bescere de peccato, utpote contra rationem, qua· chapitre ¡er, en traitant de l'reuvre du troisieme jo~rt.
horno est animal rationale. Rursus etiam, quía 2. On remarquera que rougir du péché est naturel
defectum detestatur omnis natura et fugit naturaliter, a l'homme, puisque le péché est contraire a la raison,
.utpote privationem esse et boni, quod appetit ipse et par laquelle l'hommt;"" est animal raisonnable2. En
qui peccat. Nemo enim aspiciens ad malum operatur, outre, toute nature a horreur du défaut, par nature
puta apparens saltem bonum appetit, etiam dum elle le fuit, car c'est une privation de l'etre et du bien
peccat. Et fortassis hoc ipsum est perizoma. Aut que désire.celui-la meme qui peche3. En effet, per-
perizoma est, dum crudelitas sub specie iustitiae se sonne n'agtt en vue du mal, car on désire un bien du
• A )

excusat. Aut iterum tertio perizoma est, dum peccans ~otns app~ren.t, meme 9uand on peche4. C'est peut-
in alterum culpam sive peccatum refert, ut infra etre cette tllu.ston (du bt~n apparent) que signifie le
sequitur dé Adam retorquente culpam in Evam et illa pa~ne (de ~eutlles). A motns que celui-ci ne désigne la
retorquente in serpentema. Contra quod in Psalmo me~ha~cete cherchant a s' excuser par une apparence
dicitur : «Non declines cor meum in verba malitiae ad de Justtce. .
excusandas excusatiories in peccatisb>>. Propter quod Ou bien encore le fait que le pécheur charge un
autr~ d~ sa fa u te, de son péché, comme on ,le voit
ensutte avec Adam renvoyant la faute a Eve et
a. Cf. Gn 3, 12-13. h. Ps 140, 4·
celle-ci au serpents. '
~e Psalmiste met en garde contre cela : «Ne laissez
pomt. mon creur s'égarer en paroles de malice pour
1. V o ir § 97 ci-dessus. me dtsculper de mes péchés b. » C'est pourquoi la loi
2. Le mal éthique, c'est le péché. « le mal est contre la
raison» : THOMAS d' AQ., In Sent. II, d. 28, q. 1 a. 1; l/4 -l/4 e q. 47
a. 6; l 4 -Il4 e q. 55, a. 4 ad 2, qui transpose en positif (le bien est
selon la raison) ce que Denys énonce en négatif (le mal est contre
la raison): cf. DN, c.4 § 32 (733 A; Dion. 1 p. 309).
3· Cf. Parab. Gen. § 18; Comm. ]ean § n 3·
4; ·DENYS, Noms Div., c. 4 § 19 (716 C; Dion. 1 p. 236); 5· Les deux dernihes remarques avec AMBROISE De paradiso
A\pert, ln1).N, c. 4 § 157 (Col. p-1 p. 242, 48s). Cf. Comm. Sag. c. 13 no 65 (CSEL 32 p. 324), et AUGUSTIN, La Gen..
all s. litt.;
§ ·q8; Comm. ]ean § 306. XI, xxxv, 47 (p. 3o6s). ·
po EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 3, 8 521
lex ait Codicis : «Non relatione criminis, sed irino-
centia reus purgatur. » dit dans le Code que: «L'accusé n'est innocenté que
par une vie sans reproche et non en se déchargeant
sur un autre du crime6. »
t t\
í' i
Abscondit se ,4dam.
2o6. Ioh. 3 : «Qui male agit, odit lucerna~>. Nota.: Le péché dissimule Dieu.
abscondit se primo, qu!a ~v~rtit se ~ deo~ quta, ut a1t Adam se cacha de devant la face du Seigneur
Augustinus circa pnnctptum Soh!o9u~orum, deus (3, 8).
neminem dimittit, nisi qui ipsum d1m1tt~t. Non ergo
deus ipsum, sed ipse se ipsum ~b~condlt_. 2o6. Jn 3 :
« Qui fait le mal hait la lumiere a.»
Abscondit, inquit, se a facie domtm, quae tllustrat per Remarque : se cacha paree qu'il s'était détourné de
gratiam et salvat per gloriam, Psalmus: «Jllustra Dieu. En effet, comme le dit Augustin, dans les
faciem tuam super servum t':lumb», quantum. ad Soliloques, peu apres léc~ début t, Dieu ne quitte per-
gratiam; et iterum Psalmus a1t : « Osten.de fac1em sonne qui ne le quitte lui-meme. Ce n'est done pas
tuam, et salvi erimusc », qu~~tu~ ad ~lon~m .. Dieu qui a caché Adam, mais Adam qui s'est caché
lui-meme.
V el abscondit se a facie dommt, quta fec1~ se mdtgnuw
aspectu et cognitione dei, secundu~ _1llud Matth. : Se cacha de devant la fa ce du S eigneur : cette fa ce qui
«Nescio vosd», et in Psalmo: «Ad mhllum deductus illumine par la grace et qui sauve par la gloire 2• Le
est in conspectu eius malignuse». . . Psalmiste chante : « RéP,andez sur votre serviteur la
Rursus etiam ipsum peccatum e~t .abscons.lO a fac1e lu mi ere de votre face b» : cela pour la grace; et
dei, Is. 59 : « Iniquitates vestrae d1v1serunt m ter vos ensuite, pour la gloire: «Montrez-nous votre face et
nous serons sauvés c.»
et deum vestrum, et peccata vestra absconderunt
faciem eius a ·vobisf. » Autre exégese: //se cacha de devant la face du Seigneur
paree qu'il s'était rendu indigne du regard et de la
connaissance de Dieu3, selon cette parole en Mt: «]e
a. Jn 3, 2o. b. Ps 30, 17. c. P_s 79, 4.8.20. d. Mt 25, 12.
ne vous connais pasa» et selon le P saume : «Le
e. Ps 14, 4· f. Is 59, 2. méchant, a ses yeux, est ramené au néante. »
En outre : le péché est dissimulation devant de la fa ce
6. Cf. Digesta de Justinien, XLVIII, I, c. 5 (Mommsen, 11 de Dieu. Is 59 f : «Vos iniquités ont mis une séparation
p. 795)· entre vous et votre Dieu. V os péchés vous ont dérobé
§ 20 6 1. AuGUSTIN, Soliloquil1m, I, 1, z-3 (BA 5;, p. 26s) : la face qu'il tournait vers vous 4. » ·
priere initiale, ou ne figure pas la formule exacte d Eckhart,
laquelle se trouve en Confess., IV, I~, 14 (~A 13 P· 432).
z. Issu du Pro/. dejean, le couple «grace- glmre» est courant 3· Avec BE:oE, In Gen., In 111, 8 (CC 118 A, p. 63).
ev th~log!~· Cf. Col/. in L. Sent. § 8 (LWV p. 2.5); Comm.Jean 4· ALBERT, Postilla in Isaiam, c. 59,§ 2 (Col 19, p. 557, ps):
§ 885; Comm. Sa2. §.zzo. «Vos péchés ont caché la face de Dieu comme les nuées cachent
le soleil. » ·
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 3, 9
523
Adhuc autem abscondit se excusando, qui non abs- En outre: !1 ~e cacha en se disculpant, plutot que de
conderetur peccatum confitendo aut de peccato ne . pas se dtsstmuler en avouant sa faute ou en
dolendo. éprouvant du remordsS.
207. Ainsi done, il y a trois choses en ce passage
207. Sic ergo habes tria. Primo: quid est quod qui expo~e ~'abord qu~ se cacha: c'est l'homme quise
ait : abscondit se, ipse, inquam se? Secundo : quid est cache lut-meme; ensutte pourquoi il se cacha: il se
quod dicit : abscondit se a facie do mini? Primo scilicet, cacha de devant la face du Seigneur. Premiere chose:
ne a deo agnosceretur; secundo, ne gratia dei illustra- Ada~, se cacha pour n'etre pas connu de Dieu.
retur; tertio, ne salvaretur. Adhuc tertio ha bes quod Deu~teme: (!1 se cacka},pour n'etre pas illuminé par
. absconditut excusando, qui non absconderetur se la grace de _Dteu. Trotsteme: pour ne pas accueillir le
accusando, Prov. 18 : «lustus prior accusator est sa~ut. ~n aJo~tera qu'~l s~ di~simula en s: disculp~nt,
suia», Ovidius : « Et veniam culpae proditor ipse lut qut, en s accusant lut-meme ne se fut pas dtssi-
meae». m~lé. Pr ~~a: «Le j~ste s'~ccus~ l~i-meme le pre-
mter.» Ovtde: «]e vtendrat mm-meme révéler ma
faute t.»
Ubi es?
208. Nota : primo est vox revocationis ad reco- Adam s'éloigne de Dieu.
gnoscendum peccatum, sicut respexit <Christus > Pe-
Ou es-tu? (3, 9)
trum negantem, ut fleret amare.
Secundo vox est arguentis et insultantis ubi sit et , 208. Remarque : 1. Il s'agit d'une paro le appelant
unde exciderit. Et sic legitur li ubi es interrogative. a re~onnaitre so~ péché~ de la. meme fas:on que
(Chr~st) regarda Pterre qm le remait, de sorte que ce
dermer pleura amerement.
· 209. Tertio, ut legatur depressive, quasi diceret : z .. I~ s'agit de la parole de celui qui accuse et qui
tu es ubi, factus es ubi, localis scilicet et temporalis, mon~ene, demandant (a Adam) ou il est et d'ou il est
affixus rebus locatis, corporalibus, temporalibus, ton: be. En ce cas ou es-tu? se lit de fas:on interro-
gatlvet.
209. 3· A lire en infléchissant le ton comme s'il
a. Pr 18, 17· disait: tu es «Ou», tu es devenu «ou»: c'est-a-dire
local et temporel, attaché aux choses localisées, cor-
5· Pour une part au moins, avec .ÑUGUSTIN, La Gen. au s. litt.,
XI, XXXV, 47 (p. 366).

v'\ ~ § 207 I." ÜV'IDE, Les Amours, II c. 8 v. 25 (trad. Bornecque, § 208 l. Comparer a AuG., La Gen. au S. litt., XI, XXXIV 45
jJ
. :¡,,
"';¡ Belles-Lettres, p. p). · ·. · · (BA 49, p. 304-305). . '
i¡··.
... E,..._.,,.! .., ,. •....
!"'"t ·t1 l . ,' ;- ~-·--.--:r: ......
1:--" J --~ ·- • ~ I , . . 1' ~ ~ ! · ...,_ ~

...:. _;

P4 EXPOSITIO LIB. GENESIS

conversione scilicet ad creaturam, aversione a deo,


V\ qui non est ub~, quasi l?calis,. sed ubique, utpot~
\ illocalis. Et est tpsum ubt ommum, extra quo?- u?t
sunt inquieta omnia, ad quod moventur omma, m
, quo quiescunt omnia. ~ugustinus I .soliloquiorum :
« Deus est, a quo avertl est cadere, tn quem reve.rtl
resurgere, in quo manere ~o~sistere. est, a quo ~xtre
morí, in quem redire revtvtscere, m quo habttare
vivere est»; et infra7: «Deus qui nos eo, quod non
est, exuis, et eo, quod est, incluís».

210. Quarto sic : ubi es? quía nusquam stabilis,


nusquam fixus, Thren. I : « Peccatum peccavit Ierusa-
lem, propterea insta bilis facta esta».
Quinto sic : ubi es qui mecum non es, cum ego
ubique sim? Ier. 23 =. . «Caelum..et terr~m ego
impleob»; Sap. 1 : « Sptntus dommt replevtt orbem
terrarumc» etc. Augustinus De vera religione c. 57 de
veritate, quae deus est, ait : «Non conti.netur loco, et
tota adest ubique; nusquam est per spatla locorum, et
per potentiam nusquam non est. »

211. Sexto sic, adhuc depressive : improperatur


ipsi Adae quod per peccatum deus suus est ens

a. Lm 1, 8.' h. Jr 23, 24. c. Sg 1, 7·

§ 209 1. Cf. Bo:EcE, De trinitate, IV (Stewart-Rand, p. 20,


54-59), notamment: <<nusquam in loco esse dicitur, quoniam
ubique est sed non in loco». autem se ipsum per omnia ut sint ea quae a se essentialiter
2. · Cf. ci-dessus, § 49· subsistunt. Motu enim ipsius omnia fiunt. »
r-;i i 3· Voir J. ScoT, DDN, 1 (Sheldon, p. 6o, 16 - 61, 2), . 4· AuG., Sol. 1, 1, 3 (BA 5, p. 28-29).
/ 1 notamment p. 6o, 25-29: «pe Deo sigui~em ~eris~ime dicetur 5· AuG., ibid. (BA 5, p. 28-31) .
.-, \ mot\ls stabilis et_status mohll1s. Stat en~~ m se 1pso mcommuta-
'·' _' bilitet ·ñunqrtam naturalem suam stab111tatem. deserens, movet § 21o 1. Cf. AuG., Conf, V, n, 2 (BA 13, p. 464-465).
2. AuG., La Vraie Religion, XXXII, 6o (BA 8, p. 112-11 3).
p.6 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 3, 14
527
aliquod, hoc et hoc, hic et illic, et ens ubi, Psalmus : son, Dieu soit un certain étant, ceci et cela t, ici et la,
« Fuerunt mihi lacrimae meaea«·, et infra : «Dum un etant dans le lieu, selon le Psaume : «Mes larmes
dicitur mihi : ubi est deus tuusb», quasi dicat : hoc ont coule», et plus has «Lorsqu'on me dit: ou est
plango quod deus meus et mihi deus facturo est · to~ Dieu? b~> co~me si_l~ Psalmiste disait : je déplore
aliquod ubi comprehendens et inclusum, non ubique ( q~ un certa~n « ou » .qut tnclut et est lui-meme inclus
semper. Ratio est: intellectus enim, per quem horno \ sm.t mon f?teu et smt devenu Dieu pour moi, non ce
/ '.'~\!
,i : est horno, abstrahit ab hic et ubi, a nunc et qut e~.t tou¡ours et partout. La raison en est, en effet,
a tempore. Propter quod sapiens De Tusculanis que ltntellect par lequell'homme est homme abstrait
quaestionibus l. V ait : patria mea totus mundus est. d'ici et ~'«ou», d~ maintenant et du temps2. C'est
Seneca: «Patria "hominis" est, ubicumque "homini" pou~quot le sage dtt, au livre V des Tusculanes: «Ma
bene est». Hugo de Sancto Victore in Didascalicon l. patne est le monde entier3. » Et Séneque: «La patrie»
<IV> sic ait : «Dedicatus» « est, cui patria dulcis est, d~ l'homme est «pa&tout ou» l'homme «se trouve
fortis, cui omne solum patria est, perfectus, cui totus bten». 4• Hu~ues ~e Saint-Victor s'exprime ainsi dans
mundus exsilium est ». · le Dtdascalicon, hv~e IV : « Celui a qui la patrie est
dou~e est trop déhcat, celui a qui toute terre est sa
patrte est courageux, mais celui-la est parfait a qui le
Terram comedes cunctis diebus. monde entier est un exilS. » '
212. Nota duo: quod non solum facientes mala
puniuntur, sed et consentientes, auxilium vel consi- Chatiment du séducteur.
lium ferentes, ut hic patet in serpente mulieri pec- Tu mangeras de la terre tous les jours (3, 14).
catum suggerente. Unde iura dicunt :
«Consensus negligit, suadet, iuvat atquetuetur: 2~2. Remarque deux .choses : r. que ne sont pas
hic minus, hicque minus luit, hic aequaliter, hic pums seulement ceux qll:t font lemal, mais ceux qui y
plus». co~s~r:t~nt, apportent atde ou conseil, comme on le
V01t 1C1 a propos du. serpent gui suggere le péché a la
femme. De la provtent ce dtt du droit : «Consentir
a. Ps 14, 4· b. !bid. c'est ?églig~r, pers~ader, aider et protéger : aux deux
prem~~rs peu~e motndre, au troisi<~me peine égale, au
§ 21 1 1. Sur ce theme d'inspiration augustinienne, cf. quatneme peme plus grande t.» Et Rm r : « Ceux qui
d-dessus Pro/. O. Prop. § 3·
2. L'intellect dont le § 115 nous a appris que son «objet
propre» était «l'etre pris absolument, et non pas seulement tel
4· SÉNEQUE, De remed.fortuit., 8, 2 (Rossbach, p. 104, 1 ). Cf.
ou tel etre» est aussi «ressemblance a la réalité substantielle» de ÜCÉRON, /oc. cit.
Dieu. C'est cette capacité de «recevoir les perfections substan-
tielles qui appartiennent en propre a l'etre divin» qui fait de t 5. HuGUES de ST-VIC:OR, Didascalicon, IV, 20 (P L 176, n8).
. ~ 2.12 1. Gloss. ord. tn Decreta/es Gregorii IX, I, 29 , 1 (texte
l'intell~ct l~homme en l'homme.
3· ClcÉRON, Tusc.,·V, xxxvn (Belles Lettres, p. 1~8). ctte dans LW 1, p. 359, note 2). ·
p8 EXPOSITIO UB. GBNESIS COMMENTAIRE DE GENESE 3 - 4 ~ 2.9

Rom. 1 : «Qui talia agunt, digni sunt morte, non font de telles choses sont dignes de mort, et non
solum qui faciunt ea, sed etiam qui consentiunt seulement ceux qui les font, mais aussi ceux qui les
facientibusa». approuventa. »
Secundo notandum quod Augustinus De agone 2. Il faut remarquer qu' Augustin, vers le début du
christiano circa principium tractans haec verba : Combat chrétien, traite ainsi de ces paroles : «Tu
terram comedes, sic ait : « Quando dictum est día bolo : mangeras de la terre» : «Lorsqu'il fut dit au diable :
terram manducabis, dictum est peccatori: "terra es et in "Tu mangerasde la terre", il fut dit au pécheur : "Tu
terram · ibis". Da tus est ergo in cibum diaboli pec- es terre et tu retourneras a la terre." Done le pécheur
cator. Non simus "terra", si nolumus manducad a fut doll:né en nourriture au diable. Ne soyons pas
serpente. » terre, Sl nous ne voulons pas etre mangés par le
serpen t 2. »
N e Jorte mt'ttat manum suam. Et infra : et vivat
in aeternum. Miséricorde pour l' homme pécheur.
214. Notandum quod deus, sicut in Psalmo
dicitur, nec "in ira sua misericordiasa" continet. De peur qu'il n'étende la main. Et plus has : et
Magna enim misericordia dei agitur, ut horno, post- vive éternellement (3, 22).
quam ex peccato tot aerumnis et miseriis subiectus 214. Il faut no ter que Dieu, « dans sa colere »,
est, non diu vivat in hoc mundo. Breviavit ergo deus co.~~e il es} dit, dans le Psaume, ne retient pas « sa f.:.
misericorditer homini peccatori dies agonis sui. ffilSe~lCOtde ». C est en effet par grande miséricorde
¡' de Dteu qu'apres avoir été sujet a tant de peines et de
miseres a cause de son péché, l'homme ne vive pas
:

longtemps en ce monde. Aussi Dieu a-t-il miséricor-


dieusement abrégé pour l'homme pécheur les jours
de son combat.
CAPITULUM QUARTUM

Adam vero cognovit Evam. Et infra : statim CHAPITRE QUATRIEME


peccatum in foribus aderit.
215. Expositum est hoc prius capitulo secundo Or Adam connut Eve.· Et plus has : Aussitot le
péché est devant la porte (4, 7).
.j'
§ 2.13 a. Rm 32.. § 2.14 a. Ps 76, 10. 215. Cela a été expliqué plus hautt, au chapitre 2
J, 1,
·'i

z.'"Áu'G., re Combat chrétien, II, 2. (BA 1, p. 132.-133)· § 2.15 1. Cf. ci-dessus § 190.
f0·:~~--
1-
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 6,7
!
super illo : . «In quacumque die comederis ex eo, concernant cette parole: «Le jour ou tu en mangeras,
morte morierisa ». . tu mourras de la mort a.»
11 édifia une cité, etc. (4, q).
Aedificavit civitatem etc.
. 216. Il faut noter que c'est le premier theme du
216. Notandum quod illud est primum quod
tractat Augustinus de libro Genesis in Libro quaes- Ltvre de la Genese dont Augustin traite daris son
tionum super Genesim. Quaerit enim Augustinus livre des Questions sur la Genese. Augustin demande en
«quomodo potuerit condere civitatem» solus, «cum e~~t « comment » a lui tout seul (Cai'n) « put fonder la
civitas alicui multitudini constituatur». Sed quía hoc ctte»! «alors qu~u~e cité est constituée pour une
ponitur hic in Glossa, pertranseo. multttude 1 ». Mats Je passe, puisque cela est indiqué
dans la Glose a cet endroit.

CAPITULUM SEXTUM CHAPITRE SIXIEME

Cumque coepissent homines multiplicari. Sens du << repentir )) et des << passions )) en Dieu.
Et infra : paenitet me fecisse hominem.
Lorsque les hommes eurent commencé a se
217. Nota quomodo paenitentia et cetera, quae multiplier. Et plus bas : Je me repens d'avoir fait
passionem implicant, de deo dicantur et ipsi conve- l'homme (6, 7).
niant. Primo videndum quod Augustinus dicit libro
De patientia, secundo quod ipse dicit I Confes- 217. Remarque de quelle fas:on le repentir et les
sionum, tertio quid circa hoc dicant doctores. Quarto autres choses qui impliquent une passion se disent
reddenda est ratio verborum Augustini. de Dieu et lui conviennent. 1. Il faut voir ce
Quinto ostendendum est quomodo deus maxime qu' Augustin en dit au livre de la Patience, 2. ce qu'il
offenditur et irascitur peccato et malo universaliter en dit au livre I des Confessions, 3. ce que les doc-
1. nec tamen afficitur passione, sed manet quietus, teurs disent a ce sujet, 4· il faut rendre conipte des
imperturbabilis et tranquillus. paro les d' Augustin.
5. Il faut montter comment Dieu est offensé et
irrité au plus haut point par le péché et par le mal en
a. Gn z, 17. gén~ral et 9ue pourtant il n'est pas touché par la
passton, mats demeure en repos, imperturbable et
. ¡·~: AÚG.," Qudes/ in Hept., 1, q. 1 · (CSEL z8, z, p. 4, 5). calme.
"'";:..'Wfi.-
1·::;:

EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 6, 7 533

218. Quantum ad primum, Augustinus libro De . 2~8. quant au prem.ier point, Augustin s'exprime
patientia circa principium sic ait :. « Zelat sine livore, atnsl au hvre de la Patrence, vers le début: «11 (Dieu)
irascitur sine perturbatione, miseretur sine dolore, aime sans jalousie, il s'irrite sans trouble, il compatit r
paenitet sine pravitatis correctione, patiens est sine '\A~ s~ns so~ffrance~ il se repe~t sans se corriger d'un 0/
.. ' í defaut, 11 est pauent sans subtr aucune passion 1. »
ulla pasione >>. _
Rursus Augustinus 1 Confessionum non longe a S'a_dre~sant a Dieu, Augustin dit en outre, au
principio deo loquens ait: «Amas nec aestuas, zelas et premter hvre des Confessions, non lo in du début : «Tu
securus es, paenitet te et non doles, irasceris et aimes
. mais sans en etre troublé ' tu brules d'amour
tranquillus es.» mats tu gardes ta sérénité, tu te repens mais tu ne
souffres pas, tu te courrouces mais tu restes pai-
¡ ' sible2. »
219. Ad hoc autem doctores dicunt quadam brevi \
maxima quod effectus passionum sortiuntur nomina
1 219. Or, les théologiens 1 énoncent a ce su jet une
ipsarum in divinis. Verbi gratia : quando quis pae- co~rte ma_xime ,= C~est d'apres l'effet des passions
nitet super suo opere et ipsi displicet, destruit illud et qu on attnbue a Dteu le nom de ces passions. Par
abicit. Iste est effectus paenitentiae sive paenitentis de exemple, lorsque quelqu'un se repent de son reuvre et
suo opere. Iste ergo effectus huiusmodi passionis qu'elle lui déplait, il la détruit et la rejette. Tel est
dicitur in deo passio sive paenitentia. Et hoc est quod l'effet du repentir chez quise repent de ce qu'il a fait.
hic praemittitur: defebo, inquit, hominem, quem creavi, C'est done l'effet d'une passion de ce genre qui est
a jacie terrae; et sequitur : paenitet enim me fecisse a~p~l~ en Dieu passion ou repentir. Et c'est ce qui est
hominem. Et sumitur haec tertia expositio ex Augus- dtt 1c1 d'abord : }' effacerai f' homme que)' ai créé de fa face
tini Libro 8 3 questionum exponentis haec verba : de fa !erre; et ensuite : Car je me repens d' avoir fait
paenitet me ftcisse hominem. f'homme. Cette troisieme explication est tirée du livre
des 8] Questions d' Augustin 2, lorsqu'il explique ces
paro les : fe me repens d' avoir fait f' homme.
220. Quarto notandum quod passÍo sive alteratio 1 220. En quatrieme lieu, il faut constater que la
non cadit circa rationem vel intellectum, ut dictum ( passion ou altération n'atteint pas la raison ni l'intel-
est supra et habetur VII .Physicorum. Unde in no bis, ) le.ct, co~me on l'a indiqué plus haut t, et comme il est
dlt au hvre VII de la Physique2. C'est pourquoi en

§ 218 1. AuG., La Patience, 1, 1 (BA ~~ p. 462-463).


2. AuG., Conf, 1, IV, 4 (BA 13, p. 280-281). § zzo 1. Cf. ci-dessus, § 124 et zozs.
§ 219 1. P. LoMBARD, Sent. !, d. 45,. c. 6 (Grottaferrata, _z. AR., Phys., VII, 3, 248a 6-9 (Belles-Lettres, p. 83): «( ...)le
p. po, 16-25), TH. d'AQ., ¡a P., q. 3, a. z, ad zm; q. 59, a. 4, fatt .d'etre altéré et l'altération se produisent dans les choses
s~nstbles et dans la partie sensitive de l'ame, mais nulle part
ad 1m. allleurs, sauf par accident. »
z:' ÁúG., 't; q~estions, q. 52 (BA IO; p. 138-141).
·( .

r. -
··.
'··1····
534 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 6, 7 535
ubi sensitivum coniunctum est in una anima et in uno nou~, ch~z. qui la partie sensitive est conjointe a la
et in unum esse cum racionali, passio consequens partte ratlOnnelle en une seule ame et en un seul etre
formale passionis alterationem in nobis inducit. Secus et en vue de cet etre, la passion sensible qui résulte d~
igitur est in deo et in omnibus separacis a sensitivo. l'él,ém~nt for~el de la passion provoque en nous une
Et hoc est quod Augustinus optime ait : «Amas nec alteratton. Or t1 en va autrement en Dieu et en tout ce
aestuas» etc., ut supra. qui ~st séparé du sensible. Et c'est cela qu' Augustin
exprtme de fa<;on excellente : «Tu aimes mais sans
etre troublé», etc. comme ci-dessus3.
Quinto igitur notandum quod ira sive paeni-
221.
221. En cinquieme lieu, il faut done remarquer
tencia et cetera huiusmodi formaliter et realiter non
que la colere ou le repentir et autres choses de ce
est aliud nisi dissimilitudo sive dissonantia naturarum
genre ne ,sont, ~orm~llement et réellement, pas autre
e~ s':la~~m proprietatum aliquarum ad invicem, quae
chose qu une dtsseniblance ou dissonance entre cer-
dtsstmthtudo causat quandam repugnanciam ipsorum
taines natures et leurs propriétés respeccives : cette
et facit dissilire et quasi fugere unum ah altero et
dissemblance produit entre elles un certain conflit
ipsum detestad et displicere, sicut manifeste videtur
conduisant l'une a quitter et quasiment fuir l'autre, i
in natura de contrariis et dissimilibus in natura et eius
proprietacibus, sicut e converso amor naturalis, com- la détester ou la hair, comme on le voit manifeste-
~ent dans la nature, pour celles qui sont contraires et
placencia et gaudium consequitur similitudinem et
convenientiam aliquorum in natura. Quod autem ex dtssemblables par nature et propriétés. Inversement
his consequitur passio sive alteratio, accidit formali- la ressemblance et la convenance existant en la hatur~
tati irae et gaudii racione adiuncti sensitivi, ut dictum de certaines choses produisent (entre elles) amour
est supra. Ex his manifestum est quod, quía malum naturel, plaisir et joie. S'il résulte de cela une passion
ou une altération, elle s'ajoute a la formalité de la
et peccatum dissimile et se toto repugnans est et
~o.lere et de la joie en raison de la sensibilité qui y est
adversut? ~ive oppositu~ bono, iusto et recto, utpote
malum, tmustum et obhquum, naturalissima et veris- ¡otnte, comme on l'a dit plus haut. Or, puisque le mal
sima detestado et displicentia est omni borio contra et le péché- en tant que mauvais, in justes et tortueux
malum, iusto contra iniustum, et sic de aliis. Et hoc - sont dissemblables et par eux-memes tout a fait
est natui:a irae, odii et huiusmodi similium. ?ostiles, adye~saires ou .coritraires a ce qui est bon,
¡uste et drott, t1 y a mamfestement une détestation et
un déplaisir absolument naturels et véritables en tout
Ubi et hoc non est praetereundum quod tale
222. h.ie~ contre le mal, en tout juste contre l'injustice, et
odium sive ira dei contra peccatorem et peccatum atnst du reste. Telle est la nature· de la colere de la
haine et autres choses semblables. '
~22. 11 ne, faut pas. omettre de dire ici qu'une telle
''f. Voii:.-ci'-dessus § 218 et Comm. jn, § 626. hatne o u colere de Dteu contre le pécheur et le péché
COMMENTAIRE DE GENES E 6, 7
EXPOSlTIO LIB. GENESIS 537

maior est omni odio et ira sive dete~tatione quo- e.st plus grande que toute haine et colere ou détesta-
rumlibet et quantumlibet contrariorum sive adversa- tton entre éhoses contraires, adversaires ou ennemies
riorum et inimicorum in natura, propter duo. quelles qu'elles soient et si grandes qu'elles soient'
Pour deux raisons. ·
Primo quia constat quod iniustum est plus dissi-
mile et contrapositum ipsimet iustitiae quam cuilibet 1• !1 e~t de fai~ que l'injuste est plus dissemblable
iusto. Iusto enim non est dissimile iniustum nisi de la JUSt!ce ~t lut est plus contraire qu'il ne l'est par
r~pport a n tmp.orte quel juste. Car l'injuste n'est
ratione solius iustitiae. Ubi notandum quod nulli,
quod sit in ipso iusto, contraponitur iniustum, nisi dtssemblable ~u JUste qu'en raison de la seule justice.
soli iustitiae. Propter quod non offenditur nec iras- l~ faut ~oter a ce propos qu'on n'oppose l'injuste a
citur iustus sive iustum se tot contra iniustum. Ipsa rten q~u S~ trou;e dans le ju~te l';li-meme, sinon a la
vero iustitia se tota contraponitur et adversatur et ~eule )~Sttce. C est pourquot le JUSte OU ce qui est
detestatur sive odit iniustum et ipsi offenditur sive J~s~e n est pa.s offen~é ni faché entierement contre
irascitur. Deus autem iustitia est; omne citra solum l.~n~uste, tandts que la justice s'oppose entierement a
iustum est. 1 InJuste, le combat, le déteste ou le hait et est
offen~ée et irrité~ par l~i. Or Dieu est la justi~e; tout
223. Rursus secundo: in nobis non omne, quod in ce qut est en de<;a de lut est seulement juste 1.
nobis est, sive id, quod nos sumus, est iustitia.
Propter quod non offenditur omne, quod in no bis est, 223. 2. Tout ce qui est en nous, ou tout ce que
nec id, quod nos sumus, per opus iniustum sive per nous sommes, n'est pas en nous tout entier justice 1.
peccatum. Deus autem est ipsa rectitudo iustitiae, et C'est pourquoi ce qui est en nous, ou ce que nous
omne, quod in ipso est, et id, quod ipse est, rectitudo ~o.mmes, n'est pas offensé tout entier par l'ceuvre
sive iustitia est. Propter quod quolibet peccato, Injuste ou par le péché. Mais Dieu est la droiture
utpote obliquo et non recto, sed distorto et iniusto, mem~ de ~la justice et. tout ce CJUi ~St en lui et ce qu'il
turbatur medullitus ipse deus et offenditur omne, e~~ lm-meme est drotture ou justtce. C'est pourquoi
quod in ipso est, tantum eius sapiencia, eius potentia, . n t~port~ quel péc~é •. en tant qu'il est retors et non
eius patientia, et cetera omnia quae in ipso sunt, drott. m~ts tordu et In Juste, atteint Dieu lui-meme au
quantum ipsa eius iustiti~, ut secundum hoc iterum p~us Inttme et offense tout ce qui est en .Iui, et offense
d autant sa sages~e, sa puissance, sa patience et toutes
autres choses qut sont en lui qu'il offense sa justice
§ 222 1. Eckhart reprend ici la distinction entre justice et
juste qui condense l'essentiel de ses vues sur le «rapport>~ de
Dieu a sa créature. Cette distinction modelée sur la différence
«aristotélicienne» de la blancheur (participé abstrait) au blanc h~ selon l~qu~ll'hom~e n'est pas uniquement ou entierement
(participant concret) est formulée aux § 3, 5 et 8 du Pro/. O. m~e, ~~ le JUste entterement ou uniquement juste, contraire-
Prop. . . ~~nt ~ Dteu qui est le jus.te en tant que tel et cela meme qui est
te? · «Horno alter alter mstus, deus vero ídem ipsum est quod
§ Z-23-I. On reconnait id le theme boécien, De trinilate, IV est tustum >>.
(Stewart-Rand, p. is, 24-41), de la différence entre quod es/ et quo
EXPOSITIO LIB. GENESIS
,
f
i
COMMENTAIRE DE GENESE 6, 7
539
verum sit quod Iac. 2 dicitur : «Qui » «m uno 2
elle-I?eme , en sorte 9ue. se vérifie a. nouveau ce qui
offendit, factus est omnium reusa». · est dtt en Jc 2 : «Celut qut commet une offense sur un
Patet ergo quod deus maxime offenditur et iras- seul point, devient débiteur du tóuta. »
citur peccato, nec est offensa aut ira similis illi . !1, apparait done clairement que Dieu est offensé et
possibilis in natura propter~:..primo, quía offen- trrtte a~ plus .haut point par. le péché, et que, pour
ditur id quod ipse deus e(~, cor dei; .secundo, quía deux ratsons, 11 ne peut y avotr dans la nature pareille
offenditur et irascitur om~in deo est, et offense.. ou col~re: pr~mierement, paree qu'est óffensé
aequaliter peccato quocumque secundum genus et cela meme qut est Dteu, le cceur de Dieu · en second
secundum speciem et in singulari sive particulari. lieu, p_arce ~u.e ,tout ce qu,i es,t en Dieu es; également
224. Ultimo hoc annecto quod, sicut, ex prae- offense et trrtte par le peche, quels que soient son
missis ·causis duabus, deus summe offenditur et iras- genre, son espece et sa qualité secondaire ou particu-
citur contra quodlibet peccatum, sic, ex eisdem liere3.
causis, maxime et summe gaudet super omni opere
bono et recto et iusto, et consequenter, minus tamen, 224. Pour ~erminer, ajoutons que, de la meme
gaudium est omni iusto et deiformi de quolibet actu fa~on que Dteu, pour les deux raisons susdites
sancto et iusto, secundum illud Luc. 1 5 : « Gaudium s'?ffe,nse et s:irrite immensément de n'importe quei
est angelis dei super uno peccatore paenitentiam peche, de meme, et pour les memes raisons il se
agentea», quía tanto quis plus gaudet, sive angelus réjouit au plus haut point et immensément de' toute
sive iustus horno, quanto ipse in se iustior fuerit et ~uvre bonne, droite et juste. Ainsi done, tout etre
deo propinquior, similior et ·deiformior. JUSte et déiforme Se réjouit, quoique a un moindre
Quomódo autem deus maxime offenditur peccato degré, de tout acte saint .et juste, selon ce passage de
et irascitur et tamen peccatum soli peccanti nocet et Le 1 5 : «Les anges de Dteu sont dans la joie au su jet
ipsum tangit et attingit, non autem aliquem iustum d'un seu~ juste qu~. se .rep~ne», car un ange ou un
tangit et attingit nec turbat passione, minime autem h<:mme ¡ust.e se reJOUlt d autant plus qu'il est lui-
deum,' et quomodo deus damnum peccatoris plus meme plus. JUSte et P~l!s proche de pieu, plus sem-
i:
ponderat quam offensam suimet dei, in Primo opere, blable a lut et plus detforme 1. ·

'¡'
i':
1¡'' propositionum scilicet, ostensum est. . quan~ a la fa~on' dont a la fois le péché offense ~t
trnte Dteu au plus haut point et, pourtant, ne nuit
§ 2.2.3 a. Jc z., 10. § 2.2.4 a. Le 15, 10.
qu'au seulyéch.eur, ne touche et n'atteint que lui, sans
touc.her m attemdre aucun juste ni le troubler par la
2.. Cf. Comm. Sag., § ÍoS. · passton, encore moins Dieu lui-meme et comment
3· Voir ci-dessus § 88. Dieu accorde plus de poids au dommage du pécheur
§ 2.2.4 ~~ Pour tout ceci, cf. Comm. Ex., 2.44 et· Comm. Sag~, qu'a l'offense que ce dernier luí fait on l'a montré
§ 63. - . - '. § . . ' ' dans la Premiere aúvre, c'e.st-a-dire c;lle des Proposi-
.''i.. V o ir Pro/. gen., 3. tions2.
'·'
¡;

11
540 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 6- IO . 541

Trecentorum cubitorum erit longitudo arcae. Mesures de 1'arche.


225. Quaerit Augustinus Lib~o q~aestiot;um sup~r La longueur de l'arche sera de trois cents
Genesim c. 4 quomodo arca «ammalta omma, qua~ tn coudées (6, 1 5).
eam ingressa dicuntur, et escas eorum ferre potuent»,
et respondet ex Origene Moysen loqui de «cubitu 225. Augustin demande au livre desQuestions sur la
geometrico », quod « t~ntum valet, quantut;n nostra Genese, chap. 4, comment l'arche «put contenir tous
cubita sex valent». Ub1 notandum quod Ongenes et les animaux qui sont dits y etre entrés, ainsi que leur
Augustinus et similiter Hieronymus Super ler. 4:7 nourriture », et il répond que, selon Origene, Mo1se
in Glossa cubitum in neutro ponunt. Et fortass1s parlait de la «Coudée géométrique» qui équivaut a six
cubitus masculine pars est brachii, cubitum autem de nos coudées t. 11 faut no ter la. qu'Otigene et
neutraliter pro mensura, quae dicta est, accipitur. Augustin, ainsi qúe Jéróme dans la Glose sur le
Versus: chapitre 47 de Jérérpie2, ont considéré la coudée
Hoc cubitum, quo mensor habet geometricus u ti, comme un terme neutre. Et peut-etre la coudée au
Senos sive novem fertur habere pedes. · masculin ( cubitus) est-elle une partie du bras : le
Sed cubitus noster, quem communis tenet usus, coude, tandis que la coudée, ( cubitum), est employée
ex uno constat dimidioque pede. au neutre pour signifier la mesure ci-dessus men-
tionnée. Citons ce vers :
«La coudée ( cubitum) dont le géometre fait usage
Est di te avoir six ·o u neuf pieds.
Mais notre coudée ( cubitus), selon l'usage commun
Mesure un pied et demi3. »
CAPITULUM DECIMUM

Hae sunt generationes Noe. Et infra: Nemrot; CHAPITRE DIX!ElrfE


ipse coepit esse potens in terra. .
Le géant Nemrod.
,i
226. Septuaginta habent : coepit esse gigas. Quaerit
Telles sont les générations de Noé. Et plus has:
)'
N emrod. 11 commen~a a etre puissant sur la terre
x. AuG.,QIItlest. in Hept., 1, q. 4 (CSEL 28, 2, p. 5, 23- 6; 4), (xo, 8).
1
' Cité de Die11, XV, XXVII, 3 (BA 36, p. 162-165). PourÜRIGENE,
cf. In Exaem. hom., 11, 2 (SC 7his, p. 94-95) et Contra Cels11111, IV, 226. La Septante dit : il commenfa a etre géant.
41 (SC 136, 2, p. 290-293). E~ fait, s:Ion l~ méthode de ~alcul,
les dimensions de l'arche attetgnent Jusqu a 90 ooo coudees de .. .
long. pour .zj ooo de large 1 . 3. Selon Du Cange, l'auteur de ce passage pourrait etre Pierre
2. ,En fait ]ÉRóME; In Ezech. Comm., XII, 40 (CC 7J, 561, de Riga. Cf. toutefois la remarque de LWJ, p. 369, note 1.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GENES E 10 - 1 z
543
Augustinus quomodo hoc sit, cum pri:us capitulo Augustin demande comment cela est possible, alors
sexto dictum sit : «Gigantes autem erant s~per terram qu' auparavant, a u chapitre 6, il a été dit : «Or il y
in die bus illisa; et solvit Augustinus quod ipse avait des géants sur la terre e'n ces jours-la a»; et
« coepit es se gigas» in novitate « humani gen:eris » Augustin répond que (Nemrod) «commenc;a a etre
«post diluvium». Posset etiam dici quod ipse coepit géant» «dans la nouveauté» «du genre· humain»
esse gigas, non quasi anteipsum gigantes non fuerint, t « apres le déluge t ». On pourrait aussi dire qu?il
sed quia ipse coepit in se ipso disponi vel se disponere " commenc;a a etre géant, non comme s'il n'y avait pas
ad facta gigantis, sicut dicimus de aliquo : iste incipit . eu de géants avant lúi, mais paree qu'il commenc;a a
esse probus horno. etre disposé, ou a se disposer, en lui-meme en vue de
) faire des actes de géant - comme nous disons de
Infra eodem capitulo decimo: De Sem quoque
quelqu'un qu'il comm~nce a etre honnete homme.
nati·sunt, patre omnium ftliorum Heber. ·
"""'
· Super isto dicit Augustinus in Libro quaestionum Origine ·du mot << hébreu».
Genesis: incertum utrum Hebraei dicti ab Heber vel
ab Abraham Hebraei vel Abrahaei. Plus bas, au meme .chapitre dixieme : Des fils
naquirent aussi a Sem, pere de tous les fils de
Héber (1o, 21).
Augustin dit hl-dessus, au livre des Questionssur la
Genese qu'il ne sait pas si le nom des Hébreux vient
d'Héber ou si Hébreux, c'est-a-dire Abrahéens, ne
vient pas plutót d' Abraham 2 •

,,
1 CAPITULUM DUODECIMUM CHAPITRE DOUZIElrfE

Dixit dominus ad Abraham : egredere de terra Le. <<mensonge )> d' Abraham.
tua. Et infra : die, obsecro, quod soror mea. s~·s.· Le Seigneur dit a Abraham : Sors de ta terre. Et
227.' Augustinus dicit quod Abraham «tacuit quod plus has : . Dis, je t'en .prie,. que tu es ma sceur
(12, 13)·
a. Gn 6, 4· 227. Augustin dit qu' Abraham « tut que (Sarai)
AuG., Quaest. in Hept., I, q. 18 (CSEL z8, z, p. 10, 1-5).
1.

1; Pour, «Héber» voir AuG., Quaest. _in Hept., l, q. 2.4


2,>: p. 190-193), concernant l'autre opinion («Abraharri»), voir Révi-
'\ •. (CSEL z8, 2., p; i 1, 2.1:-12., 2.) et Cité dé Dieu, XVI, 111, 2. (BA 36, sions, II, XVI (BA· 12., p. 478-479) .. · · ·
.1
!
...
.
544 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMBNTAIRE DE GENESE , !. u (~:v
uxor eius esset, sed non mentiebatur quod soror était son épouse, mais qu'il ne mentit pas en disá~t
esset, ut caveret quod poterat», «et deo commendaret 1. que c'était sa sceur, afin de sauvegarder ce qu'il.
quod cavere non poterat, ni si et illa, quae cavere 1 .,. pouvait» (<et recommander a Dieu ce qu'il ne pouvait
poterat, deo tantum dimitteret, non in deum sperare, sauvegarder. Car, si ce qu'il pouvait sauvegarder
sed potius temptare deum inveniretur». Glossa haec 1 lui-meme, ill'avait simplement abandonné aDieu, on
satis prosequitur. i n'eut pas trouvé qu'il mettait son espoir en Dieu,
rnais plutot qu'il tentait Dieu t.» La Glose traite
1 suffisamment de cela.

CAPITULUM DECIMUM QUINTUM


CHAP/TRE QUINZIEME
His itaque transactz's. Et infra : sopor irrult
in Abraham, et horror magnus et tenebrosus Comment le sage peul'étre troub/é.
invasit eum.
Ces choses étant accomplies. Et plus has : Le
228.Notandum quod Augustinus hic quaerit sommeil s'empara d' Abraham, et une terreur
utrum «perturbationes» cadant «in animam sapien- immense et sombre l'envahit ( 15, 12).
tis » et, narrans pulchrum de hoc exemplum, quod
ponit A. Gellius l. XXI Noctium Atticarum, sic 228. 11 faut observer qu' Augustin demande a ce
concludit : «Non ita placuisse Stoicis nullam pertur- propos si le trouble fait irruption dans l'ame du sage,
bationem cadere in animum sapientis, quasi nihil tale et, ayant conté a ce sujet un bel exemple donné
appareret in eorum affectibus, sed perturbationem ab par Aulu-Gelle au livre XXI des Nuits attiques, il
eis diffiniri, cum ratio talibus motibus cederet; cum conclut ainsi : «Les sto'iciens n' ont pas voulu pré-
autem non cederet, non dicendam perturbationem. » , tendre qu'aucun trouble ne peut pénétrer dans l'ame
Augustinus hoc includit hic in Libro quaestionum et / du sage) cotnme si rien n'apparaissait de tel dans leurs

~
l. IX De civitate dei et ponitur hic in Glossa. Sed sentiments, mais ils définissaient comme trouble le
fait que la t;aison cédat a de tels mouvements;
lorsqu'elle n'y cédait point, il ne fallait pas l'appeler
§ 227 1. Pour tout ceci, cf. AuG., Quaest in Hept., I, q. 26 trouble 1• » Augustin inclut cette explication en ce
(CSEL z8, z, p. 16, T·~IZ), Contra Faustum, XXII, 34 (CSEL 25, passage du livre des Questions sur la Gene'se2, ainsi
p. 628, 13-16), 3 5 (ibid., p. 628, zz - 6z9, 9), 36 (p. 6z9, zy-63o, qu'au livre IX de la Cité de Dieu3, et cette explication
1), Cité de Dieu, XVI, XIX (BA 36, p. 250-251). Le potnt de
départ est dans les Hebr. quaest. in Gen. de Jéróme (CC 72, 15,
23s).
r § .zz8 1. Cf. AuG., Quaest in .Hept., I, q. 30 (CSEL 28, 2, z. AuG., Quaest. in Hept., loe. cit.
p. 18, 4 et ibid.. 1. 14-19). Pour Aulu-Gelle, cf. Nuits attiques, 3· AuG., Cité de Dieu, IX, IV, 1-z (BA 34, p. 350-357) qui
XIX, í (Nisard, p. 727-728). renvoie également a Aulu-Gelle.
~c-
.. ····-:--·
--.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 16 ·
547
communiter diminute et corrupte in Glossa invenitur est reprise dans la Glose, a propos de ce verset. Mais
propter vitium scriptorum. en général, elle y appara1t raccourcie et gauchie par 1~
Rursus autem Augustinus eodem libro IX De faute des copistes.
tivitate dei sic ait : « Stoicis » non placet « passiones En outre, dans le meme livre IX de la Cité de Dieu
cadete» in animum sapientis, et Peripatetici «has» «in ~ugustin parle ai~si: «_Il _ne convient pas aux stoi~
sapientem cadere» «dicunt», «sed moderatas ratio- cten~ que des passt?~s p~~e~rent d~ns l'ame du sage»,
nique subiectas», sicut cum «ita praebetur miseri- tandts que les pertpatettctens dtsent au contraire
cordia, ut iustitia conservetur». «In disciplina» chris- «qu'elles y pénetrent, mais modérées et soumises a la
tiana «non tamen quaeritur utrum pius animus iras- raison, ainsi par exemple lorsque la miséricorde
catur» aut tristetur, «sed unde». Chrysostomus super s'exe~ce de _f~<;on a conserver la justice. Dans la
Matth. 5 c. ait : «Si ira non fuerit, nec doctrina d_o~!nne c~l!ettenne! e~ ,revanche, on ne demande pas
proficit nec iudicia stant nec crimina compescuntur. st 1 a?le pteuse est trptee ou attristée, mais d'ou cela
lusta ergo ira mater est disciplinae. » provtent 4• » Chrysostome dit dans son Commentaire
Notandum ergo quod, dum passio praevenit et sur saint Matthieu, chap: 5 : « Sans colere, l'enseigne-
movet rationem, vitium est, utpote contra ordinem ment.ne profite pas, les JU~ements n'ont pas de poids,
naturae, inferius movet suum superius. Quando vero les cnmes ne sont pas pums. Une juste colere est done
ratio praevenit et dictat motum passionis, virtus est. mere de disciplines.)}
Unde signanter dicitur Ioh. 1 1 de Christo quod ~~ssi faut~il remarquer que, lorsque la passion
«turbavit semetipsuma». pr~cede 1~ r~ts.on et la meut, e' est un défaut, puis-
qu alors ltnferteur meut son supérieur contre l'ordre
d~ la nature 6 • Au contraire, quand la raison précede et
dtcte le mouvement de la passion, c'est vertu. C'est
p~urquoi il ~st dit ~n. Jn 1 _I de fa<;on significati ve, au
CAPITULUM DECIMUM SEXTUM SUJet de Chrtst, qu «ti se troubla lui-memea».

Ig#ur Sarai; uxor Abraham. CHAPITRE SEIZIEME


Capitulum signatur hic decimum sextum.
Huit themes philosophiques exprimés en figure.
a. Jn II, 33· Or Sarai, la femme d'Abram (16, 1).
229. Ainsi commence le chapitre seizieme.
4· Eckhart condense ici plusieurs passages de Cité de Dieu,
IX, IV, 1 (BA 34. p. 3 P.-3 n) et IX, IV, 5 (ibid., p. 360-361).
5· jEAN CH_RYSOSTOME, Hom. in Matth. (op. imperf.), 11
¡ 6. Voir ci-dessus, § 12.2.
1 (PG 56, 69o).
l
¡
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 16
549
229. Ubi invenies sub figura sive parabolice octo On y trouvera huit points notables exprimés en
notanda. figure ou en allégorie. '
Primum est quod alteratio et omnis motus genera-
liter servit generationi - Agar enim ancilla est Sarae - L'altération au service de la génération.
et omnis motus et mutabilitas immobili et immu-
tabili. «Ancilla enim a cilleo, quod est inovere, 1. L'altération, ainsi que tout mouvement en
dicitur. » Propter quod Mercurius propter multifor- général, sert la génération - Agar est en effet la
mitatem motuum suorum dictus est Cillenius. servan~~ ?e Sara - ~~ tout ~ouvement ainsi que la
Secundum est quod intellectus in nobis est sicut mu~abthte servent ltmmobtle et l'immuable t. Car
tabula nuda - III De anima - nec concipit, nisi prius a~etfla (servan~e) est dit provenir de cilleo, mouvoir2.
concipiat sensus. Propter quod «deficiente sensu C est pourquot Mercure est appelé Cillenius en raison
deficit in no bis scientia » sensibilis. Ait enim : ecce de ses mouvements multiformes3.
conclusit me dominus, ne parerema etc.
230. Tertium est quod plus debito deditus sensibi- Nécessité du sens pour la connaissance.
libus impeditur a speculabilibus, et «excellentiae sen- 2. En nous l'intellect est comme une table rase -
sibilium corrumpunt sensus », et «caro concupiscit III De anima- et ne com;oit pas sans que le sens ait
adversus spirituma», Gal. 5. Ait enim: illa concepisse se c~n<;u, aupar~vant 4 • C'est pourquoi «lorsqu'un sens
videns, despexit dominam suamb. fatt _defaut, tl nous manque aussi la science». du
ser:stbl~ (correspondant 5). (Sarai) dit en effet: Vois,
Dteu m a fermée, pour queje n'enfante pasa, etc.
§ 2.2.9 a. Gn 16, 2.. § 2.30 a. Ga 5, 17· b. Gn 16, 4·
Trop s'adonner aux choses sensibles empeche
~ § 2.2.9 1. Le couple génération-altération est issu de la Phy- la connaissance.
sique d' Aristote, vraisemblablement par l'intermédiaire de TH.
d' AQ. L'altération, i.e. le mouvement (motus) qualitatif et par 230. 3· <:=elui qui s'adonne plus qu'il ne faut aux
extension tout mouvement (quantitatif et local) «servent», id est ch?ses senstbles est détourné de la spéculation, et «La
préparent la génération ou changement substantiel (mutatio)
selon le principe qui veut que toute mutation «présuppose un plethore. des cho~es sensibles corrompt les sens t », et
mouvement». C'est ainsi que l'introduction de la forme substan- «La chatr convotte contre l'esprit», Ga 5a. Il est dit
tielle du feu dans le bois demande une intensification préalable en ;ffet : Lorsqu' elle vit qu' elle avait confu, elle méprisa sa
de son degré calorique. Pour tout ceci, cf. Parab. Gen., § 1~ 8, mattresse b.
2.17, c;omm. Ex.,§ 1~9. Com~~t¡ Sag., § 31. -__ i
2.. Etymologie isidorienne (cf. Etym., XI, 1, 6~) sans doute
transmise par ALBERT, Post. sup. lsaiam (Col. 2.9, p. 2.02., ~ 1).
~· Voir l'étymologie véritable de «Cillenius» dans LW. 1,
p. H4, _not~ ,. . 5· Comm. Ex.,§ 57·
4·; .AR., De /'Ame, 111, 4, 4~oa 1 (Tricot, p. 179-18o). § 2.~o 1. AR., De 1' Ame, 11, 12., 42.4a 2.9 (Tricot, p. 140).
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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE t6 551


Quartum est quod naturaliter inferius sub manu et Soumission de l' inférieur au supérieur.
potestate est superioris sui. Unde in ~rim~ crea~ione
dictum est, quod horno praeesset ceterts ammanttbus, 4· Ce qui est inférieur par nature est soumis a la
et in Psalmo: «Ümnia subiecisti sub pedibus eiusc». main et a la puissance de ce qui lui est supérieur. C'est
Et qui vigent ratione, dominantur stul~s n~t';lralit~~' pourquoi il est dit, lors de sa premiere création, que
ut ait philosophus. Et hoc est quod htc dtcttur : m l'homme dominera les autres animaux, et dans le
manu tua est, utere ea ut libetd. Psaume: «Tu as soumis toutes choses a ses piedsc. »
Et ceux qui ont une raison vigoureuse dominent par
nature les sots, comme le dit Aristote 2 • C'est ce qui
231. Quintum est q_uod univ_ersaliter quo_ a~iqua
est dit ici : Elle est dans ta main, use d' elle comme il te
sunt inferiora, eo sunt tmperfecttora et plus dtvtsa et plaítd.
infinita et cadunt non solum ab uno, quod cum ente
convertitur, quin immo cadunt a numero, in qu.o Multiplicité synonyme d'infériorité.
creata sunt omniaa? Sap. 1 1. Et hoc est quod htc 231. 5. En regle universelle plus les choses sont
dicitur filio ancillae Aegyptiae, tenebrosae privatione inférieures, plus elles sont imparfaites, divisées et en
lucis : multiplicans multiplicabo semen tuum, et non nume- nombre infini t, et non seulement elles déchoient de
rabiturb. l'Un qui se convertit avec l'Etre, mais encare elles
Sextum est quod in sensibilibus semper est contra- déchoient du Nombre en lequel toutes choses furent
rietas et pugna, schisma et divisio sive discordia et créées, d'apres Sg 11 a. C'est ce qui est dit ici au fils de
amaritudo. Secus de spiritualibus, quae supra sensum la servante égyptienne, c'est-a-dire ténébreuse p~r
sunt, Sap. 8 : «Non habe~ a~a~itudin~m ~onversatio privation de la lumiere :fe multiplierai ta semence, et on
illiusc». Et hoc est quod htc dtcttur: h!c ertt ferus hom~, ne la comptera pasb.
manus eius contra omnes et manus ommum contra eum .
Discorde et amertume des choses sensibles.
232. Septimum est quod sensus non cognoscunt 6. Dans les choses sensibles, il y a toujours contra-
.( riété et lutte, schisme et division o u discorde et
amertume. 11 en va autrement des choses spirituelles,
c. Ps 8, 8. d. Gn 16, 8. § 2.31 a. Sg 11, 2.1. qui sont au-dessus des sens, selon Sg 8 : « Sa fréquen-
h. Gn 16, 10. c. Sg 8, x6. d. Gn x6, 12.. tation ne comporte point d' amertume e.» V oila ce qui
est dit ici : Ce sera un homme cruel; sa main sera contre
2.. AR., Politique, I, 2, 12.52a 31-34, complété par le C:ommen- tous et la main de tous contre luid.
taire de Thomas, lect. 3 qui renvoie aProv. 1I, 2.9: «Qu1 stultus
est, serviet sapienti».
§ 231 x. Pourtoutceci, cf. ci-dessu:s§ 2.5 et Comm. Sirac. § 38, Les sens n' atteignent pas la quiddité.
Parab;: Gen .., §~2o3, Comm. ]n, § 5 52.. 232. 7· Les sens ne connaissent pas la quiddité des
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552 EXPOSITIO LIB. GENESIS '···.·r···


COMMENTAIRE DE GENESE r6 553
quod quid est rerum, nec «accidentium» quidem, sed '
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sola exteriora, quae tamen « magnam partero confe- choses, ni meme des «accidents», mais seulement leur
runt ad cognoscendum quod qui est», ut ait philoso- aspect. extérieur, qui ne fait que «contribuer a la
phus. Et hoc et quod hic dicitur : vidiposteriora videntis conna1ssance de la qui~dité», comme le dit Aristote1.
mea. Intellectus enim videt sensibilia id quod sunt; C'est ce qui est dit ici : ]'ai vu le dos de celui qui me voita.
sensus autem apprehendit sola posteriora intelligibi- ¡ Car l'intellect voit quel est l'etre des choses sen-
lium, secundum illud infra 33 : «Videbis posteriora sibles 2,. tand~s .que le sens n'apers;oit que le dos des
mea, faciem autem meam videre non poteris»h. \Y choses Intelhgibles, selon cette parole dite plus has,
· chap. 3~ : Tu verras mon dos, mais tune pourras pas voir
maface .
233· Octavo sciendum quod dispositio, quae est
necessitas, ad ídem genus pertinet cum forma gene- La disposition appartient au genre de la forme
randa. Verbi gratia : calor quo disponitur aqua ad a engendrer.
ignem, cum in sui supremo et complemento fuerit, in
233· 8. Il faut savoir que la disposition qui
termino scilicet ultimo alterationis, iam non pertinet
ad formam aquae, sed ad formam ignis. Sic dispositio t déclenche nécessairement l'engendrement de la forme
(substantielle) appartient au meme genre qu'elle. Par
ultima ad habitum virtutis non pertinet ad genus
exemple, la chaleur dispose l'eau a recevoir le feu.
, Quand parvenue au degré supreme, elle res;oit son
a. Gn 16, 13. h. Ex 33, 23. complément, c'est-a-dire au terme ultime de l'altéra-
tiol_l, e~le n'appartient déja plus a la forme de l'eau,
§ 232 1. AR., De /'Ame, I, 1, 402b 21 (Tricot, p. 7).
ma1s h1en a celle du feu t. Ainsi la disposition ultime
\j ' de l'habitus de vertu n'appartient pas au genre des ~
2. L'intellect atteint l'essence ou étance («entitas») des choses
~~ en les dépouillant («depurando») du voile des qualités sensibles.
Eckhart retrouve ici la doctrine thomiste de l'abstraction
\ esquissée ci-dessus au § 21 1.
§ 233 1. Tout ce développement s'inspire étroitement de la
conception du changement élaborée par Thomas d' Aquin sur la
1 base de la physique aristotélicienne. De fait, s'inspirant d'un te~me a l'intensification continue de son degré calorique ce qui
1 passage de Physique VIII, 8 ou Aristote montre qu'il n'y fatt que la «disposition ultime» c'est-a-dire le seuil m;ximum
1 a pas d'ultimum quod non dans l'acquisition d'un état substantiel d'échauffement étant atteints, l'altération se termine. Le mobile a
(c'est-a-dire de demier instant ou une chose se trouverait dans done des ce moment changé de forme et de genre. Ainsi la nature
l'état antérieur) mais bien un primum quod sic (c'est-a-dire un ":e conna,i~-~ll~,ni !acune en~re l~s états successifs d'un corps, ni
premier instant ou elle est dans son état nouveau), Thomas stmultanette d etats contradtctotres, mais uniquement des mou-
montre que l'instant qui clot le temps de l'altération signe le vements préparatoires continus (motus) terminés discretement
changement lui-méme. C'est ainsi que l'instant de l'introduction P.ar d~s changements (mutationes). Au degré maximum d'inten-
de ht ~orme d1l feu dans le bois est précisément celui qui met un stficatton, le corps a déja changé de forme. Cf. Comm. Ex. ,
§ 14o, Comm. Jn, § 129, Comm. Sirac., § 42.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 17. 55 5
554
actuum praecedentium habitum, ut Sl;lnt d~spo~i­ a~tes qui ,P~écedent l'~abi(us, c'est-a-dire aux disposi-
tiones, sed pertinet ad ipsum ge~u~ .habltus vtrtutt~, ttons anterteures, mats bten au genre de 1'habitus de
quo iam <non> difficulter et ex trts~ltta, se.d de~ectabt­ vertu lui-meme, grace auquel nous n'agissons plus
liter et hilariter iam non servttute ttmorts, sed avec difficulté et dans la tristesse, mais avec délecta-
amore virtutis ~t filii operamur. «Mulier» enim tion et gaieté, non plus dans la servitude de la crainte
«cum parit, tristitiam habet». «Cum autem pepe- mais en tant que fils, par amour de la vertu2. Car «L~
rerit», «non meminit pressuraea», Ioh. 16: Et h<:>~ est femme, lorsqu'elle enfante, éprouve de la tristesse.
quod hic dicitur: peperitque Ag.a~, anc!lla sctl~cet, J Mais lorsqu'elle a enfanté, elle ne se souvient plus de
¡, 1 Abrae jiliumb, id est amorem. «Ft.hus entm ~ phtlos, la souffrance», Jn 16a. Voila ce qui est dit ici: et
•. \ quod est amor, dicit~r. » Senstti:vum .en~m .cum Agar, c'est-a-dire la servante, enfanta le jils d' Abra-
in nobis perfecte subtectu~ fuertt ra!tont, ttmor 1 hamb, c'est-a-dire l'amour. «En effet "fils" se dit a
conversus in amorem, alteratto perduxertt ad gener~­ ~ partir de phi/os, amour1: » Car lorsque notre sensibilité
tionem, perfectus est ~omo, .quie~ci.t tumultus omnts aur~ été compl~tement sm!mise a la raison, lorsque la
etpassio in anima, ut t~m, ettam stltceat peccare, no.n cratnte aura ete transformee en amour et que 1'altéra-
libeat et peccare nesctat. Et hoc est quod mox htc tion aura conduit a la génération, alors l'homme sera
sequitur capitulo decimo septimo : «Ambula coram parfait, tout tumulte et toute passion s'apaiseront
~ans son ame, de telle sorte que meme s'il avait
me et esto perfectusc ». . .
Notavi de his diffuse tnfra super tilo: «Non ltcence de pécher, il ne le désirerait pas et ne saurait le
concupisces »d Exodi 20 c.,. et hic statim post capitulo faire. V oila ce qui va etre dit bientót ici-meme au
decimo septimo super tllo : «Circumcidetur ex chapitre 17 : Marche devant moi et sois parfaitc. '
vobise». J'ai développé cela plus loin 4, a propos de cette
parole : «Tu ne convoiteras pas », Ex 20 d, et ici
meme 5' tout de suite apres le chapitre 17' a propos de
CAPITULUM DECIMUM SEPTIMUM la parole : «Que (tout male) parmi vous soit cir-
concise. »
Postquam vero nonaginta et novem annorum
esse coeperat etc. CHAPITRE DIX-SEPTIEME
Signatur hic capitulum decimum septimum.
Sept questions sur le texte.
a. Jn 16, 21. b. Gn 16, 15· c. Gn 17, 1. d. Ex 20, 17· Mais apres qu'il eut commencé a avoir quatre-
e. Gn 17, 10. vingt-dix-neuf ans, etc. (17, 1).
Ainsi commence le chapitre 17.
t 2 •. Comm. Ex., § 98, Comm. jn, § 186.
3:;-- Cómm:· 'Ex:, § 140. · · .
4· Comm. Ex.,§ 210, zz8. · 5· Cf. ci-dessous, § 236-247.
·.'\:

EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GENESE 17


557
234· Circa quod septem quaerenda videntur. 234· 11 y a hi sept questions a examiner.
Primum est, quid sit quod, postquam praemiserat I: Pourquoi, ap:es 9u'il est dit : « Agar enfanta un
quod « peperit Agar Abrae filium, qui vocavit nomen fi~s a Abraha~, qut lut donna un noma», n'est-il pas
eiusa», ~ non ait: quae vocavit, sed «qui vocavit», dtt: elle, mats <dl» donna un nom? Il apparait
per quod patet quod Agar non sibimet peperit, sed par la qu' Agar ne l'enfanta pas pour elle, mais
ipsa peperit Abrae - his, inquam, praemissis in fine pour. Abraha.m. Cela, dis-je, étant indiqué a la fin du
capituli decimi sexti in hoc capitulo decimo septimo chapt~re 16, 1~ est dit aussitót apres, au chapitre 1 7 :
statim ait : Apparuit ei dominus, et infra : Ambula coram Le Sergneur lut apparut, et plus has: Marche devant moi
me et esto perfectus. Nec etiam videtur frustra dictum et sois p_arfait. 11 ne semble pas non plus qu'il soit dit
quod iam erat annorum nonaginta novem. s~ns ratson qu'(Abraham) était déja ágé de quatre-vingt-
Secundo, quod ipsi Abrae dictum est : Nec ultra dtx-neuf ans. ·
vocabitur nomen tuum Abram, sed appellaberis Abrahamb. z. Que signifie ce qui fut dit a Abram: Désormais
Tertio, quod dictum est : regesque ex te egredientur; ton nom ne sera plus Abram, mais tu t'appelleras
et infra: Sarai uxorem tuam non vocabis Sarai,· sed Abrahamb?
Saramc. Et benedicam ei et ex illa dabo tibi ftlium, cuí 3. Que signifie qu' on lui ait dit : Et des rois sortiront
benedicturus sum, eritque in nationes, et reges populorum de toic? :t pl.us has: Tafemme, Sarai, tune l'appelleras
orientur ex eod, de Ismaele vero dicitur post pauca: pas Sarat mats Sara. Et je la bénirai et je te donnerai d' elle
Duodecim duces generabite. Duces ait, non reges sicut un ftls queje bénirai, et il croitra en nations, et des rois
supra. naitront de luid, tandis qu'il est dit peu apres d'Ismael :
Il engendrera douze chefse? Il est bien dit des chefs et non
des rois comme ci-dessus. '
235· Quarto, quid est quod ait: Pactum vero meum
statuam ad Isaac, quem pariet tibi Saraa, non ait: ad
Ismael? ~35· 4· Pourquoi Dieu a-t-il dit : fe jerai mon
Quinto, quod ait : .Dabo tibi omnem terram Chanaan a~hance avec Isaac, que Sara t' enfanteraa, et n'a-t-il pas
in possessionem aeternam? dtt : avec Ismael?
· Sexto, quod ait: Circumcidetur ex vobis omne masculi- 5• Que signifie :]e te donnerai toute la terre de Canaan
numc? Et hoc est principale et radix omnium quae en possession éternelle b? ·
dicuntur in hoc capitulo decimo septimo.
Septimo, quod ait: Circumcisus est Abraham et La circoncisionJ the'me principal du chapitre.
6. ,Que si&ni~e ce 9~'11 ~ dit :Que tout ce qui est mále
. §·.2.34 a. Gn .16, 15. b. Gn 17, 5· c. Gn 17, 6. parmt v~us sott ctrconcts ? e est la le sujet fondamental
d.>'Gn- 17:' 15-16. e. Gn l7; 20. § 235 a. Gn 17, 21. et premter ~e t<:>ut ce qu'explique ce chapitre 17·
h. Gn 17, s. c. Gn 17, 10. · 7· Que stgmfie : Abraham et Ismael ont été circoncisJ
l
1
._,~·:·

. ',':.-:i~ .. ·

EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 17


559
Ismael. Et omnes viri domus illius, tam vernaculi quam el tous les "/~les ~e sa m~ison, ~a?t (es ese/aves nés chez fui
emptiti~ et alienigenae pariter circumcisi sunt ?d que ceux qu ti aval/ ache~es et qut elaten! nés a1'étranger ont
été pareillement circoncisd? '
236. Ad horum igitur solutionem et evidentiam
notandum_ quod, sicut dicit Rabbi Moyses, cir-
cumcisione tollebatur id quod erat superfluum et Observation préliminaire tirée de Mai"monide.
praeternecessarium generationi, relinquebatur autem 236. Pour résoudre et éclairer ces questíons, il faut
quidquid erat necessarium et sufficiens masculo ad observer que, comme le dit Ma1monidet, la circonci-
generandum. Propter quod praeputium quod praeci- s~on otait .ce qui était superflu et inutile a la généra-
debatur, deserviebat potius concupiscentiae et volup- tlon, tandts que demeurait ce qui était nécessaire et
tati carnis quam generationi. Propter quod, sicut suffisant pour que le ma.le put engendrer. Car le
dicit, vix separabatur mulier ab incircumciso. Ex quo p~épuce qu'on retra~_fhait servait plutot a la concu-
patet quod per hoc, quod mandavit deus masculum ptscence et au plaisir de la chair qu'a la génération.
circumcidi, providebatur et mulieri de superfluo sive C'est pourquoi, comme le dit cet auteur, c'était a
de excessu carnalis concupiscentiae. peine si on pouvait séparer une femme d'un homme
,~/¡ incirconcis 2 • D'ou l'on voit que le commandement de
237·. His praemissis et ex his notanda sunt aliqua.
Primo quod hoc est naturale, quod delectatio •
1
Dieu ordonnant de circoncire le m~1le prévenait aussi
adiuncta est operationi a deo, tamquam ancilla \\ en la femme le superflu, c'est-a-dire l'exces de concu-
piscence charnelle.
dominae et servus domino. Servit enim et ancillatur
delectatio operationi et generationi, ne species rerum
deficiant corruptibilium. Premier point principal : rapport de la chair
Servit etiam naturaliter caro et sensitivum rationi a /'esprit.
237. Apres cette observation initiale et a partir
d. Gn 17, 2.6- 2.7. d'elle, il faut faire quelques remarques.'
1. 11 est naturel que Dieu ait joint la délectation a

1. MAlM., ibid., III, 50 (f. 108r, 2.9-36; Munk 111, 49, p. 417) l'acte, comme la servante asa maitresse et le serviteur
notamment (trad. Munk): «Le véritable but, c'est la douleur a son maitre. Carla délectation, telle une servante est
corporelle a infliger a ce membre et qui ne dérange en ríen les au service de l'acte et de la génération, afin qu~ les
fonctions nécessaires pour la conservation de l'individu, ni ne especes des etres corruptibles ne s'éteignent pas.
détruit la procréation, mais qui diminue la passion et la trop
grande concupiscence. » t í 2. Par nature, en effet, la chair et la sensibilité
2.. Cette phrase est, en fait, une citation des Docteurs donnée ( servent la raison et l'intellect de l'homnie, comme la
par MAlMONIDE, loe. cit. (trad. Munk, p. 417-418): «Les Doc- _)
teurs ont dit expressément: La femme qui s'est livrée a l'amour
' · avec.un incirconds peut difficilement se séparer de lui; c'est la, ce sujet la note 5, p. 417 de Munk qui renvoie a Bereschith rabba,
selon rrioi, le motif le plus important de la circoncision. >> V o ir a sect. So, f. 70, col. 3.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GEN ESE 17 561
et intellectivo hominis, sicut materia formae, mulier matiere la forme, la femme l'homme et l'imparfait le
viro et imperfectum perfecto, inferius superiori. parfait, l'inférieur le supérieur 1.
Adhuc autem tertio horno in specie ponitur per 3. L'homme est défini spécifiquement par la
rationale et intellectivum, quod, inquam, intellecti- faculté rationnelle et intellective2. Mais, en raison de
vum propter «longe distare a primo» intellectu, qui «la grande distance qui le sépare du premien> intel-
deus, est sicut tabula nuda et rasa. Providit deus lect, qui est Dieu 3, cet intellect est comme une table
nostro intellectivo, ut ministerio sensuum in cogni- nue et rase. Aussi Dieu a-t-il pourvu a ce que notre
tionem veniat. Unde et Avicenna dicit quod sensus a intellect parvienne a la connaissance gnke au minis-
sensibilibus redeunt ad animam cum suis lucris. Sic tere des sens. C'est pourquoi Avicenne dit lui aussi
ergo sensitivum quasi per accidens et per occasionem que les sens reviennent a l'ame en lui apportant le
ad hominem pertinet et quasi praeter intentionem. profit qu'ils ont tiré des choses sensibles 4. Ainsi done ~,
Patet hoc manifeste ex [se] ipsa hominis prima la ~acuité sensitive a~p;lJtient a l'homme comme par
productione in esse, Gen. 1, ubi dicitur : « Faciamus acctdent et par occaston et comme sans etre voulue.
hominem ad imaginero et similitudinem nostrama», et Cela ressort de fa~on évidente de la premiere créa-
aliis quae ibídem praeponuntur et subsequuntur. tion 5 de l'homme dans l'etre, selon Gn 1 ou il est dit :
«Faisons l'homme a notre image et a notre ressem-
238. Ex quo patet quod quaerentes in rebus, puta blancea», ainsi que ce qui précede et ce qui suit.
cibo, potu et similibus, delectationem potius quam 238. Il ressort de la que ceux qui recherchent dans
nutritionem aut prolis generationem operantur les choses, par exemple dans la nourriture, la boisson
contra ordine naturae ordinantis delectationem prop- et choses semblables plutót a se délecter qu'a se
ter operationem, non~ converso. Unde Damascenus nourrir ou a engendrer une progéniture, le font
l. JI dicit quod «omne peccatum est contra naturam». contre l'ordre de la nature qui ordonne la délectation
Propter quod Eccl. 10 dicitur: «Beata terra, cuius a l'acte, et non l'inverse. C'est pourquoi le Damas-
príncipes vescuntur in tempore suo ad reficiendum et cene dit au livre II que « Tout péché est contre
non ad luxuriama». Et Augustinus XI Confessionum nature 1.» C'est pourquoi il est dit en Qo 10: «Heu-
reuse la terre dont les princes mangent au temps qui
§ 237 a. Gn 1, 26. § 238 a. Qo .xo, 17. convient pour se refaire et non pour la luxurea. » Et
Augustin dit au livre XI des Co'!_(essions qu'il faut
§ 237 1. Cf. ci-dessus § IZ 1.
2. Cf. ci-dessus, § 188 et 211.
3· Cf. ci-dessus, § 168, Comm. Jn, § 31. le DDN, 11 (Sheldon, p. 8z, 1- 84, 2), 111 (64oC-D, 641A, 689B)
4· Av., De anima, 1, c. 5 (Van Riet, 1 p. 85, 88s). et largement amorcée chez AUGUSTIN, La Gen. au s. litt., V, v,
-1 5. L'expression de «premiere création», déja attestée au I2-l6 (BA 48, P· 391-397).
i § 23q, renvoi~ vraisemblablement a la théorie érigénienne de la § 238 l. jEAN DAMASCENE, De ftde orth., c.44 (Buytaert
~ «double création» telle qu'elle est notamment développée dans p. 162, zos).
s6z. EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 17

dicit alimenta sumenda ut medicamenta, ut salus, ~ prendre les aliments comme des remedes, de sorte
non ~oluptas sit causa sumendi, et quod voluptas sive : que la santé et non le plaisir soit la raison de les
delectatio debet esse pedisequa, non domina opera- i prendre, et que le plaisir ou délectation doit etre non

tionis alimentum sumentis. Ad litteram enim ali- la maitresse mais la suivante dans l'action de s'ali-
mentum est medicina defectus naturae ipsius aliti, menter2. Au sens littéral, en effet, l'aliment est le
quod scilicet alitur. (l remede porté aun manque dans la nature de celui qui
' est nourri- c'est ce (manque) que l'on nourrit.
239· In his qui delectationem quaerunt in opere,
mulier dominatur viro, contra illud Tim. 2 : « Docere 239. Chez ceux qui recherchent la délectation dans
mulieri non permitto, nec dominari in viruma ». Istis l'acte, c'est la femme qui domine l'homme, a
· maledicitur Is. 3 : « Dabo pueros príncipes eorum, et 1'encontre de ce précepte de Tm 2 : « Je ne permets
effeminati dominabuntur iish». pas a la femme d'e-nseigner ni de dominer sur
Rursus isti sunt de schola Epicuri, qui summum l'hommea. » C'est eux que visent cette malédiction en
bonum posuit delectationem, non operationem, ordi- Is 3 : «)e leur donnerai pour princes des adolescents,
nans bonum honestum ad bonum delectabile, cum et des efféminés les domineront h.»
secundum veritatem Peripateticorum e converso bo- De plus, ils appartiennent a l'école d'Épicure, qui
num delectabile ordinetur ad bonus honestum. fit de la délectation, non de l'acte, le souverain bien,
Item quarto in his impletur quod parabolice dicitur ordonnant le bien moral au bien délectable, alors que
Eccl. ro: «Cor sapientis in dextera eius, et cor stulti selon la vérité, telle que l'enseignent les péripatéti-
in sinistra illiusc », et infra : « Est malum quod vidi ciens, le bien de la jouissance est au contraire ordonné
sub soled», et post : « Vidi servos in equis et príncipes au bien moralt.
ambulantes quasi servos super terram~:». 4· En eux s'accomplit ce qui est dit allégorique-
ment en Qo ro: «Le cceur du sage est a sa droite,
Adhuc quinto in talibus intellectus servit
240. tandis que le cceur du sot est a sa gauchec», et plus
sensui, horno bruto animali, Psalmus : «Horno cum has: «Ce que j'ai vu sous le soleil est mauvaisd», et
in honore esset, non intellexit» etc.a. Et hoc est ensuite : « Je vois des esclaves aller a cheval, et des
quod deplorat Mathathias 1 Mach. 2: « Vae mihih», princes aller a pied comme des es da ves e.))

§ 2.39 a. Tm z., 12.. b. Is 3, 4· c. Qo 10, 2.. d. Qo 10, S· 240. 5. Enfin, chez de tels hommes, l'intellect sert
e. Qo 10, 7· § 2.40 a. Ps 48, 13 et 2.1. b. 1 M z., 7· le sens, l'homme sert la bete brute 1, selon le Psaume :
« Alors que l'homme. était dans les honneurs, il ne le
z.. En réalité AuG., Conf, X, XXI, 44 (BA 14, p. 2.18-2.19). comprit pasa», et la suite («il est semblable aux betes
§ 2.39 1. Comm_. Ex.,§ 274. qui périssent»). C'est ce que déplore Mathatias en
§ z4o -~. cf. ci-dessus, § 12.4. I M : «Malheur a moi h», et plus has : «Celle qui était
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 17

et infra: «Quae erat libera, facta est ancillac». Et libre est devenue servante e.» Et il faut remarquer
notandum quod totum illud capitulum pulchre qu' on peut donner une admirable interprétation allé-
valde parabolice plene et pertinenter exponitur gorique de tout ce chapitre de fa<;on complete et
de homine malo, in quo ratio et intellectus non pertinente, en l'appliquant au méchant. Car chez lui la
dominatur concupiscentiae sensuali, sed ipsa e raison et l'intellect ne dominent pas la convoitise des
converso dominatur rationi. Haec est ancilla ostiaria, l sens, c'est elle au contraire qui domine la raison. Elle
qua e « Petrum », 1'd est « agnoscentemd », rauonem
.
·· .. ~ est 1~ servante préposée a la porte- dont parlent tous
scilicet, facit negare Christum, de qua loquuntur les Evangiles - qui amena «Pierre», c'est-a-dire «le
omnes evangelistae. Tales sunt bestiae gestantes connaissant2», a savoir la raison, a renier Christd. De
figuram et nomen hoJ?inis, ut ait. Rabbi ~oyses et telles gens sont des betes sauvages assumant l'aspect
Boethius De consolauone. « Hommum emm genus et le no m d'homme, comme le disent Ma1monide 3 et
arte et ratione » vivit, I Metaphysicae. Propter quod Boece au livre de la 6onsolation4. «En effet, le genre
Salomon gloriatur se dominari. sensitivo et eius pas- humain» vit «grace a l'art et a la raison», Métaphy-
sionibus et ipsas possidere m servos et anclllas sique I s. C' est pourquoi Salomon se glorifie de mai-
dicens : « Possedi servos et ancillase»; et ls. I4: triser la puissance sensitive et ses passions et de les
« Possedebit eos domus Israel super terram do mini in posséder comme serviteurs et servantes, en disant :
servos et ancillasf» et cetera quae sequuntur. Haec «J'ai possédé serviteurs et servantese»; et Is 14: «La
enim omnia verificantur de homine, in quo quidem maison d'Israel les possédera comme serviteurs et
sensitivum dominatum est rationali. Nunc autem servantes sur la t~rre du Seigneurf» et ce qui suit. En
cum factus est vir, evacuavit ea quae sunt parvulig, effet, toutes ces choses sont vraies de l'homme en qui
Cor. 13; Ioh. 4: «V oca virum tuum». « Quinque la faculté sensitive est dominée par la faculté ration-
enim viros habuistih. » nelle. Lorsqu'il est devenu homme, il a dépouillé
ce qui appartient a l'enfant, selon Co I 3g; Jn 4 h :
241. Praemissis omnibus c~ncordat ~t. ipsa p~~bat «Appelle ton mari», «car tu as eu cinq maris.»
quod in 1 Ethic~r';lm .appetlt~s sens1~1vus dtcltur
rationale per partlctpattonem, mtellecttvum autem . 241. En .accord avec tout ce qui précede et le
dicitur rationale per essentiam. Constát autem quod ( pr~mvant, l'appétit sensible est dit, au livre I de
omne, quod per participationem dicitrir, servtt et \ 1' Ethique, rationnel par participation, tandis que la
) faculté intellective est di te rationnelle par essence 1• Il
est certain que tout ce qui est dit (tel) par participa-
c. 1 M 2., 11. d. Mt 2.6, 69s. Me 14, 66-68. Le 2.2.~ 56s.
Jn 18, 17. e. Qo 2., 7· f. ls 14,· 2.. g. 1 Co 13, 11.
h. Jn 4, 16 et 18.
4· Cf. ci-dessus, § 12.4.
· 2.->Gomm.-'}n; § 698. 5· AR., Met., 1, 1, 98ob 2.7 (Tricot, p. 3).
·~· 'MAlM., ibid., 111, 9 (f. 74v, 23; Munk 111, p. 44-48). § 2.41 1. AR., Eth. Nic., 1, 13, 1102.b 2.8-31.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 17

ancillatur et posterioratur ei quod est tale per essen- tion sert et est la servan te de ce qui est tel par essence
tiam. Et haec sufficiant de primo notando principa- et lui est postérieur. Et cela suffit pour les observa-
liter. tions principales concernant le premier point.

Deuxieme point principal : le bien et le mal.


242. Secundo igitur notandum quod in his verbis,
quibus dicitur : Circumcidetur ex vobis omne masculinum} t 242. En deuxieme lieu, il faut done remarquer que
docemur generaliter quid sit, in quo consistit humana ces paroles : Que tout male parmi vous soit circoncis nous
perfectio et in quo e converso consistit defectus, enseignent de fac;on générale ce qu' est et en quoi
imperfectio et malum hominis seu peccatum. j consiste la perfection humaine, et a l'inverse, en quoi
Rursus docemur quid sit bonum, quid malum,

~
1 consiste le défaut, l'imperfection et le mal ou péché de
quid in nobis sit a deo, quid a diabolo, quid deo l'homme. ::-"'
placeat in homine, quid displiceat, quid deus in nobis Elles nous enseignent en outre ce qu'est le bien, ce
operetur, quid diabolus, quid angelus bonus , ad qu'est le mal, ce quien nous est de Dieu, ce qui est du
meliora inclinans et suggerens, quid angelus malus diable, ce qui en l'homme plait a Dieu, ce qui lui
semper ad peiora inclinans et ipsa suggerens; et quid déplait, ce que Dieu opere en nous et ce qu'y opere le
«arbor bona» et «arbor mala» et «fructusa» earum, diable, ce qu' opere le bon ange qui incline au bien et
quid lex dei in mente, quid lex carnis in membris le suggere, et le mauvais ange qui toujours incline au
hominisb, Rom. 7, quid caro, quid. spiritus: «Si ! mal et le suggere; ce qu' est «le bon arbre » et «le
secundum carnem vixeritis, moriemini; si spiritu / mauvais arbre» et quels sont «leurs fruitsa», ce qu'est
facta carnis mortificaveritis, vivetisc», Rom. 8, et i la loi de dieu dans 1' esprit, ce qu' est la loi de la chair
multa similia in diversis locis bibliae et philoso- 1 dans les membres de l'homme, selon Rm 7 b : ce
phorum. .\ qu'est la chair, ce qu'est l'esprit: «Si vous vivez selon
. la chair, vous mourrez; si vous mortifiez par l'esprit
les ceuvres de la chair, vous vivrez », Rm 8 e; et
243· Adhuc autem docemur, quomodo deus et
ipse solus et ah ipso solo est omnis sufficientia beaucoup d'autres choses semblables en divers pas-
omnium, et e converso a creatura et in omni creato sages de la Bible et des philosophes.
est insufficientia.
Ad horum evidentiam et etiam aliorum a principio 243· Ensuite, on nous apprend comment Dieu est
huius capituli decimi septimi sciendum quod deus, toute la suffisance des choses, a lui seul et de lui seul,
utpote esse et causa prima omnis esse, sua substantia et al'inverse que l'insuffisance provient de la créature
et se trouve en tout créé.
Pour voir clairement ces choses, ainsi que d'autres,
~: ,-- ~ .. énoncées des le début de ce chapitre 17, il faut savoir
a. Mt 7. 17-ZO. b. Rm 7. Z3-Z5· c. Rm 8, 13· ·que Dieu, en tant qu'etre et cause premiere de tout
COMMENTAIRE DE GENESE 17
s68 EXPOSITIO LIB. GENESIS
{ l'etre, se suffit en toutes choses par ·sa substance. Il
sibi sufficit ad omnia. Non sic in aliquo creato. Omne n'en va pas de meme pour une chose créée. Car, en
1
siquidem creatum, utpote causatum, non sibhnet vérité, toute chose créée, en tant qu'elle est ca.usée, ne
sufficit, nec quantum ad esse nec quantum ad subsis- se suffit pas a elle-meme ni pour etre ni pour subsister
tere et multo minus ad operari, sed indiget alío, et bien moins encore pour reuvrer, mais elle a besoin
puta causa sua, ad hoc quod sit, quod subsistat, _ ,·._:·,_·. . d'une autre, asavoir de sa cause, pour etre, subsister,
. uU1
quod operetur. Hinc est quod nomen dei est « sadai, "'\ \ reuvrer. Voila pourquoi le nom de Dieu est «sadai, ~ll
decisum a dai, quod est sufficientia» sive «qui suffi- dérivé de dai, suffisance » o u « qui est la suffisance 1 »,
cientia»- Cor. ; : «Sufficientia nostra ex deo esta» - selon Co; : «Notre suffisance vient de Dieua», «car
quod « esse est ipsum quod desiderat omnis res» et l'etre est cela meme que toute chose désire» et «Ce qui
«quod vere desideratur est esse», ut ait Avicenna est véritablement désiré, c'est l'etre», comme le dit
VIII Metaphysicae c. 6. Iterum tantum bonum est Avicenne au livre VIII de la Métaphysique 2 , chap. 6,
esse quod tam beati quam miseri volunt esse, ut ait de plus, l'etre est un td-bien que tant les malheureux
Augustinus et declarat De libero arbitrio l. III. que les bienheureux veulent etre, comme Augustin le
dit et !'explique au livre III du Libre arbitre 3 •
244· Quía igitur omnia quiescunt in esse et ipsis
sufficit, omne quod quomodolibet est ultra citraque 244· Or done, puisque toutes choses reposent dans
esse circumquaque in circuitu superfluum est et l'etre et qu'illeur suffitl, tout ce qui d'une maniere ou
praeternecessarium et frustra et ideo circumcidendum d'une autre est au-dela ou en de<;a de l'etre et a ses
sive abiciendum et praecidendum. Et hoc est quod alentours est superflu, dénué de nécessité, vain - et
hic dicitur: Circumcidetur ex vobis omne mascufinum. c'est pourquoi il faut le circoncire ou le rejeter et le
Extra masculinum est mulier, extra intellectivum est couper2. C'est ce qui est dit ici :Que !out mále parmi
sensitivum, extra spiritum est caro, extra deum est vous soit circoncis. La femme est en dehors du mas-
omne creatum, in quantum extra est. Extra virtutem culin 3 , la puissance sensitive est en dehors de la
faculté intellective, la chair est en dehors de 1' esprit, et
toute chose créée est en dehors de Dieu dans la
a. 1 Co 3, 5· mesure o u elle est dehors 4. Hors de la vertu il y a le

§ 243 1. Voir MA!M., ibid., 1, 62 (f. 26r, 7; Munk 1, p. 284-


285) notamment: «Shadday est dérivé de Dqy, qui signifie arbres, remontent sur un mur pour conserver leur etre, tant
«suffisance», par ex. : «la matiere était suffisante pour eux» l'etre est noble.» Voir également ci-dessus § 149.
(Ex 26,7)». Texte repris par Eckhart dans Comm. Ex.,§ 21. § 244 1. Voir ci-dessus § 144s.
2. Av., Met., VIII, 6 (Van Riet, 11, p. 412, 62s). 2. V o ir Pro/. gén. § 17s ci-dessus; Pro/. CEuv. prop.§ 1 5, 22-2 3.
3· AuG., Le Libre Arbitre 111, vn, 20 (BA 6, p. 362-363). Cf. 3· Cf. § 197-198.
A Serm. a/1. 8 (DW 1, p. 134, 2-4; Ancelet 1, p. 94): «Nulle 4· Pour ces couples de notions ou un des termes est, en
l\j \. cré~ture a'est; .en effe~, si insignifi.Aante qu'elle ne porte en elle le conformité avec la visée hénologique soucieuse d'accuser l'unité
' : déstt d~etre. Les chemlles elles-memes, quand elles tombent des
1

~_.i

EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENE~E 17 571

est vitium, peccatum et malum, privationes. Haec vice, le péché et le mal, les privations. Mais ces choses
igitur et similia cum extra esse sint, utpote priva- et d'autres semblables, du fait qu'elles sont en dehors
tiones, et nihil sint sive non sint et defectus sint, non de l'etre, en tant que privations, et qu'elles sont néant
effectus, ipsa non sunt a deo nec ipse deus illa ou ne sont pas ou sont des défauts et non des effets
operatur in nobisa. Igitur huiusmodi «a nobis» sunt ces choses ne sont pas par Dieu lui-memea qui le~
et «ex nobis», ah aliquo alío citra deum sunt, a opere en nous 5. Done les choses de cette sorte sont
diabolo sunt, lo h. 8 : «Vos ex patre diabolo estisb» et «par nous» et «de nous», sont par quelqu'un d'autre
cetera ibídem. Ah inimico homine sunt, Matth. I 3 : en de~a de Dieu, sont par le diable, ] n 8 : «Vous etes
« Unde habet zizania?c» et ait: «lnimicus horno hoc de votre pe re le d~able » ~t _la suite de ce texte (« et
fecitd», id est diabolus. Sequitur enim infra: «ini- vous voulez .remphr les d~strs de votre pere b »). Ces
micus» «est diabolus»e. choses provtennent de 1homme ennemi Mt 1 3 :
«J?'m1 vient la zizani~ (dans le champ d~ bléc)?»
245. Posset etiam dici quod inimicus horno est ~epo?se. : « C' est _I'horñme ennemi qui a fait celad»,
· vetus horno, exterior horno et sensitivum, secundum e est-a-dtre le dtable. Car plus loin il est dit :
illud: «lnimici hominis domestici eiusa», Matth. 10. «L'ennemi», «c'est le diablee».
Certe sensitivum domesticum est rationalis; in uno
homine, in una domo sunt. « Quod » igitur maius et 245· On pourrait dire encare que l'homme ennemi
«abundantius est», ultra· citraque in circuitu ipsius c'est.le viel homme, l'homme extérieur et la puissance
esse, «a malo est», Matth. 5 : «Quod abundantius, est senstble, selon Mt 10: «Les ennemis de l'homme sont
a malob » id est a diabolo, vel «a malo», scilicet ceux qui habitent dans sa maison a.» Certes, le sensitif
angelo suggerente, vel «a malo», scilicet concu- habite la meme maison que le rationnel : ils se
pis~entia sensitivi, salva expositione Decretalis Extra trouvent en un seul et meme homme, une seule et
De iure iurando « Etsi Christus ». Sicut enim ratio meme maison. Done ce qui est en plus et <<en
surplus», au-dela, en des;a ou aux alentours de l'etre
l~i-meme «est par le Malin h», Mt 5, c'est-a-dire par le
§ 244 a. Cf. Is 26, 12 et 2 Co 3, 5· h. Jn 8, 44· dtabl~, ou «par le mal», c'est-a-dire par l'ange qui
c. Mt 13, 27. d. Mt 13, 28. e. Mt q, 39· suggere, ou «par le mal», c'est-a-dire la convoitise
~ 245 a. Mt 10, 36. h. Mt 5, 37·
sensible - .sau':e l'exégese ~es Décrétales (Líber)
Extra De ;ure ;urando : « Qumque le Christ 1 »... En
qui sous-tend la multiplicité, référé a l'autre soit comme
l'imparfait l'est au parfait, soit comme la privation l'est a la
possession, voir ci-dessus § 77, 132, 136, 153, 202-204, 222_.223,
232; Pro/. fEuv.prop. § 3; Parab. Gen.§ 98; Comm. Sag.§2.1, 24;
Comm. Ex. § 201.
5. En tout agent Dieu opere le bien et uniquement le bien,
t § 245 ~. Meme formule au traité von edeln menschen (DW V
p. 109, 8-17;. ~ncelet, Trai~é~, p. 144s). Comme !'indique I~
disent les§ 136-141 ci-dessus; cf. Comm. Sag. § 184; Comm.jean for.mule pauhmenne ~~ «vtetl h~mme», les expressions «le
.. § 2.o6:.:2ó8. · · rauonnel» et «le sensltlf», malgre leur allure philosophique,
jl
1
1
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 17 573
tenet arcem in bonis humanis, sic sensitivum, pars effet, de meme que la raison est au faite des biens
inferior animae, radix est et arcem tenet in malis. humains, de meme la sensibilité, part inférieure de
Superfluum est, quia praeter rationem esse est, extra l'ame, est a la fois la racine et le faite des maux
sufficiens est, ut dictum est supra, circumcidendum humains 2 • Elle est superflue, paree qu'elle est hors de
es t. Propter quod Eccli. 3 dicitur : «In supervacuis , "·· la raison d'etre, hors de ce qui est suffisant, comme on
rebus noli scrutari»c. Circumcisio enim relinquit l'a dit plus haut, et il faut la circoncire. C'est pourquoi
sufficiens generationi, cuius terminus est esse suffi- il est dit, Qo 3 : «N e cherche pas a scruter les choses
ciens omnibus, tollit autem superfluum ad gene- superflues c.» Car la circoncision laisse ce qui suffit
randum. pour la génération, dont le terme est l'etre qui suffit a
toutes choses, mais elle óte ce qui est superflu pour
246. Ex quo iterum patet ratio et evidentia engendrer 3.
omnium praemissorum ab initio huius capituli. Gene-
rationi enim - utpote quia eius terminus est esse et t 246. Cela permet de -voir clairement la raison de
per consequens sufficientia - ipsi servit alteratio et ·
1
tout ce qu'on a dit ci-dessus depuis le début de ce
motus communiter et omnis operatio generabilium et ~ chapitre. Car l'altération et le mouvement en général
corruptibilium. Sic ergo quod hic dicitur: Circumci- \ et toute reuvre des etres engendrables et corruptibles
detur ex vobis omne masculinum documentum est, ut \ sont au service de la génération, en tant qu'elle a pour
in omnibus operibus nostris et actibus intendamus ) terme l'etre, et, par conséquent, la suffisance. Ainsi
deum, qui est esse et sufficientia, circumciso et . ¡ done, ce qui est dit ici : Que tout mole parmi vous soit
praeciso omni quod praeternecessarium ~st ~d esse, ·~ circoncis, nous enseigne a avoir pour fin de toutes nos
omni quod praeter esse est, praeter suffictenuam est. . reuvres et de tous nos actes Dieu qui est l'etre et la
suffisance, en circoncisant et retranchant tout ce qui
n'est pas nécessaire a l'etre, tout ce qui est en plus de
c. Si 3, 24.

désignent ici non pas les príncipes constitutifs de la nature


humaine (cf. ci-dessus § 203), mais l'agir conduit soit selon la n'est pas orienté contre la femme comme telle: cf. ibid. c. 7
raison soit selon les passions hédonistes (réputées peccami- (p. 45 5): «Qu'il y a en nous la femme, l'homme et le serpent».
neuses, conformément au symbolisme utilisé par l'ascétisme Voir encore ibid. c. 8 : le couple femme-homme symbole du
sto'icisé du courant augustinien). Voir Comm. Ex. § 208 : «1~ couple sensitif-rationnel; c. 12 (p. 4 58) : le couple ratio-sensus en
mari, c'est-a-dire la raison»; ibid. § 207: «la femme, par quo1 tout sujet humain; c. 13 (p. 46o): la sensibilité (sensualitas)
l'on entend la sensibilité», ce qui s'inspire d' AuGUSTIN, La Trin. comme part inférieure du rationnel. EcKHART: Parab. Gen.§ 67,
XII, xn, qs (BA x6 p. 242s). P. LOMBARD, Sent. 11 d. 24 c. 4 (De II4-115; Comm. Sag. § 274; Comm. jean § 185.
sensualitate; p. 45 3), définit la sensibilité comme part inférieure 2. Cf. Décrétales de Grég. 1X, L. Extra, II, ti t. 24, c. 26
de l'ame et comme príncipe du plaisir corporel, ce que doit régir (Friedberg 11, 369). Ce texte, a propos de la demande «délivrez-
la raison mais qui de fait s'y oppose et en cette lutte contre le nous du mal», assure qu'il s'agit avant tout du mal de peine.
«mar~>>-est dite <<femme» et associée au serpent. Ce symbolisme 3· Avec Ma'imonide; cf. ci-dessus § 236.
·'
574 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 17 575
Et hoc est quod Deut. 10 dicitur: « Circumcidite l'etre, en plus de la suffisancel. C'e~t ce qui est dit en
praeputium cordis vestri et cervicem vestram non Dt 1 o : « Circoncisez le prépuce de votre creur ·et ne
induretis ampliusa»; et Ier 4: «Circumcidimini do- durcissez plus la nuquea» et en Jr 4: «Faites-vous
mino et auferte praeputium cordium vestrorumb»; circoncire par le Seigneur et enlevez le prépuce de vos
Cor. 5 : « Expurgate vetus fermentum, ut sitis nova creurs b»; 1 Co 5 : « Purifiez-vous du vieux levain
conspersioc »; Prov. 2 5 : « Aufer rubiginem de ar- pour etre une pate nouvelle e»; Pr 2 5 : « Óte la ternis-
gento et egredietur vas purissimumd». sure de l'argent, et il appara1tra un vase tres purd. »
Ex his patet quod in circumcisione praeputii intel- 11 ressort de cela que par la circoncision du prépuce
ligitur et praecipitur circumcisio superflui, inutilis et on comprend et enseigne la circoncision de ce qui est
praeternecessarii in omnibus actibus nostris cordis, superflu, inutile et sans nécessité dans tous nos actes,
oris et operis. Et hoc est quod hic dicitur Abraham qu'il s'agisse du creur, de la parole ou de l'reuvre
circumcidisse ipso die mandati accepti universos extérieure. C'est ce qui:::~st dit ici d' Abraham: le jour
viras domus suae, non se solum et Ismaelem, filium meme o u il en re~ut 1' ordre, il fit circoncire tous les
suum, sed omnes viras domus suae. males de sa maison, e' est-a-dire non pas seulement
lui-meme et son fils Ismael, mais effectivement tous
247· Ad hoc facit quod in Psalmo dicitur: «lgnis les males de sa maison.
ante ipsum praecedet et inflammabit in circuitu ini-
micos eiusa»; Psalmus: «In circuitu impii ambu- 247· A cela s'ajoute ce qui est dit dans le Psaume:
lantb »; Cor. 7 : « Circumcisio nihil est, et praeputium «Le feu le précédera et brUlera ses ennemis alen-
nihil est, sed observatio mandatorum deic»; et toura»; Psaume: «Les impies abondent alentourb»;
Cor. 5 : «Auferte malum ex vobis ipsisd». Plurima 1 Co 7: «La circoncision n'est rien et le prépuce n'est
sunt in scriptura super his, quae etiam ex eo quod hic rien, ce qui importe est d'obse!ver les commande-
dictum est, exponuntur. Notavi super hoc iam prius ments de Dieu e»; et 1 Co 5 : « Otez le mal en vous-
capitulo decimo sexto et post super illo Exodi 20 : memes d.» L'Écriture contient Ia-dessus encare beau-
«Non concupisces » diffuse. Patet ex praemtssts coup de choses qui sont a exposer selon ce qu' on a dit
solutio ad septem quaestiones supra praemissas. ici. J'ai déja fait des remarques a ce propos plus haut,
au chapitre 16 1, et les ai développées plus lo in,
'§ 246 a. Dt 10, 16. b. Jr 4, 4· c. 1 Co 5, 7· d. Pr 25, 4· concernant ce passage d'Ex 20: «Tune convoiteras
§ 247 a. Ps 96, 3· b. Ps 11, 9· c. 1 Co 7, 19. d. 1 Co 5, 13. pas2. » Ce qu'on a dit indique la réponse aux sept
questions posées ci-dessus.
§ 246 1. Interprétant la circoncision au sens symbolíque,
Eckhart accuse l'urgence du centrage, par-dela les soucis
égo!stes superflus, sur Dieu et son activité béatifiante. Cf.
ci-dessus § 134s, 142s, 2.2.9, 243; Pro/. gén. § 17; Comm. Ex.
§ 245-247; Comm. Sag. § 7, 27s, 82, 124; Comm.Jean § 129, 143s, § 247 1: Cf. ci-dessus § 229-233.
409>':--5 72. - 2. Voir Comm. Ex. § 188-2.2.8.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENT AIRE DE GENES E 17 577
Daboque tihi et semini tuo terram. Et post : 13reves exégeses.
in possessionem aeternam.
248. Augustinus quaerit <<quomodo dixerit aeter-
·A toi et a ta semence je donnerai la terre. Et
nam, cum Israelitis data sit temporaliter». Respondet ensuite : en possession éternelle (17, 8).
autem primo quod aeternum dicitur a Graeco 248. Augustin demande «pourquoi elle est di te
quodam vocabulo quod significat saeculum. Secundo "éternelle", puisqu' elle a été donnée aux Israélites
dicit quod aeterna dicta est, quía significat aliquid dans le temps». 11 répond qu'éternel se dit d'apres un
aeternum, puta terram, de qua in Psalmo : «Credo terme grec qui signifie sieclel. 11 dit ensuite qu'elle a
videre bona domini in terra viventiuma». Tertio dicit été appelée éternelle paree qu'elle signifie · quelque
quod aeternum dicitur, cui « finis non constituitur», chose d'éternel, a savoir la terre dont i1 s'agit dans le
«sicut ait Horatius : Psaume: «Je crois .queje verrai les biens du Seigneur
serviet aeterno qui parvo nesciet u ti». dans la terre des vtvants_~. » En troisieme lieu, il dit
Ubi notandum quod subiungit Augustinus, quod qu'.on ,appelle éternel «Ce a quoi aucune limite n'est
«testimonium» hoc Horatii «non» adhiberet, «nisi asstgnee», comme !'exprime Horace: «11 sera éternel-
locutionis esset», et subdit : «V erborum quippe illi lement esclave celui qui ne sait se contenter de peu2.»
sunt no bis auctores, non rerum vel sententiarum ». Remarquons ici qu' Augustin ajoute «qu'il n'aurait
pas reco~rs a ce "témoignage" d'Horace, s'il ne
concernatt une fa~on de parlen>, et il poursuit: «Ils
Sarai uxorem tuam non vocahis Sarai, (le~ poetes paiens) sont pour nous des autorités en ce
sed Saram. qut concerne les mots, et non pas les réalités ou les
249· Nota quod nomen Abrahae est prolongatum doctrines. »
et nomen Sarae est breviatum, quia, quanto vir est Quant a Sarai, ton épouse, tu ne l'appelleras
perfectior, tanto mulier ipsi minus dominatur, sed pas Sarai, mais Sara ( 1 7, 1 5).
breviatur eius potestas super virum suum, supra 2~9· Remarque : le nom d' Abraham est prolongé a
tercio : « Sub viri potestate eris, et ipse dominabitur t~ndts que le nom .de Sara est abrégé, paree que plus
tuia». . 1 homme est parfatt, ·moins la femme le domine et
Rursus notandum : hucusque vocatus est Abram, plus le pouvoir qu' elle a sur son mari diminue 1, s;lon
Gn 3 : «Tu seras sous le pouvoir de ton mari et il te
§ 248 a. Ps 26, 13. § 249 a. Cf. Gn 17, 5· b. Gn 3,16. do minera h. »
D'autre part, jusqu'alors on l'avait appelé Abram,
§ 248 1. AuGl'STIN,Qu. in Hept., 1 q. 31 (CSEL 28-2 p. 18s).
2. HoRACE, Epítre IO, 41 (Belles-Lettres 1 p. 83).
§ 249 1. Les termes «mari». et «femme» ont ici un sens
sy~boliq~~-: il~ désignent respectiv.ement la raison et la sensibi- §5-7; Comm. Sag. § 1. Pour le changement de nom chez Abram
hte: ci. § 245 c1-dessus, note 1. Vou encore § I2IS. Comm. Ex. cf.§u 5• '
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 18
579
ah hinc autem semper dictus est Abrahaffib. Ex quo mais depuis on l'a toujours appelé Abraham. C'est
primo notatur quod praelatus debet esse praeeqlinen- pourquoi:
tior meritis quam illi, quibus dominatur. Unde Saul . l. Il faut noter que le prélat doit etre supérieur en

«ah humero et sursum eminebat super omnem popu- mérite a ceux qu'il domine. C'est pourquoi Saül
lumc», 1 Reg. 9· Tantum enim, secundum Grego- dépassait tout le peuple de la tete et des épaules, selon
rium, debet supereminere ceteris, quantum vita pas- 1 R 9 c. Car, d'apres Grégoire, le prélat doit dépasser

toris vitae gregis. Et Petra dictum est : « Diligis me les autres autant que la vie du pasteur celle du
plus his? » «Pasee agnos meosd », Iohannis ultimo. troupeau 2 • Et i1 fut dít a Pierre: «M'aimes-tu plus
que ceux-d? » « Pais mes· agnea ux d. »
250. Secundo notandum quod qui vult esse
Abraham, «pater multorum», prius debet esse 250· 2. Il faut remarquer que celui qui veut etre
Abram, id est «pater excelsus». Abraham, «pere d'une;.Jllultitude», doit d'abord etre
Tertio non debet iudicare ex passione sive affec- Abram, c'est-a-dire «pere excellentt».
tione. Unde dictum est ipsi : « Egredere de terra et de 3. Il ne doit pas juger avec passion o u affectivité.
cognatione tua», supra duodedmoa. C' est pourquoi illui fut dit au chapitre 12 : « Sors de
Quarto notandum quod sub tali pastare proficit ta terre et de ta .parenté a. ))
populus et augetur numero et .m~rito. Un~e hic 4· Il faut remarquer que sous un tel pasteur le
sequitur: faciam te crescere vehementzssz"!e etc. ;·et m~ra : peuple prospere et croit en nombre et en mérite. D'ou
dabo tibi et semini tuo omnem terram. Vtde supra pnmo ce qui suit id :]e te ferai croitre abondamment, et plus
capitulo super illo: «Dominamini pisdbus marisb»; has :]e te donnerai, a toi et a ta semence, toute la terr.e.
Voir a ce sujet, au chapitre 12, l'exégese de ces
paro les : « Dominez sur les poissons de la mer h.»

CAPITULUM DUODEVICESIMUM CHAPITRE.D'IX-HUITIEME

Apparuit autem ei dominus. Et infra: erant Or le Seigneur lui apparut ( 18, 1). Et plus has :
autem ambo senes. · Or tous deux étaient vieux ( 18, 11 ).
· 251. Septuaginta habent seniores. Notandum primo 251. La Septante traduit: plus vieux (seniores). I1
quod Augustinus dicit .hic quod « seniorum aetas faut no ter en premier lieu qu' Augustin dit id que

c. 1 R 9, 2, d. Jn 21, 15· §250 a. Gn 12, 1


b. Gn 1, 28. § 250 1. Cf. ci-dessus § 125 pour le sens du changement de
nom d' Abram.
2. Voir § 121s.
·-~~ GRÉG~IRE le Go, Regula past.; II c. I (PL n, 25D).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENT AIRE DE GENES E 18
minor est quam senum, quamvis et senes vocentur
seniores ». Nota tamen quod senior est nomen digni- «l'age des ."seniors" est moindre que celui des vieil-
tatis et eius qui praeest et superior est. Propter quod lards, qu~>Ique, .parfois, ces derniers soient appelés
apud grammaticos nomen senioris sexui non com- eux ausst "semors t ", e' est-a-dire "plus vieux" ».
petit feminarum. ~em~~quer.que. «senior», plus vieux, est un titre de
d~gntte attrtbu~ a celui qui préside et est supérieur2.
252. Secundo notandum quod Augustinus hic sa- e es~ pourquot, selon les grammairiens, le nom de
tis diffuse disputat quomodo sit deputandum mira- «semor» ne peut pas s'attribuer au sexe féminin3.
culo quod Abraham genuit de Sara. Sed die quod 252: Il faut r~marq~er en second lieu qu'a cet
quis generet de femina cui desierunt fieri muliebria, endrott Augusttn tratte assez en détail de la
prorsus est impossibile iri natura. Muliebria enim fa~on d'envisager le miracle grace auquel Abraham
partim deserviunt nutrimento infantis in utero men- e~gendra de Sara. Mais j'ajouterai qu'engendrer
sibus novem circiter, partim deserviunt parienti, ut d une femme dont les menstrues sont terminées est
levius pariat, et partim convertuntur in lac, ali- absolument impossible a la nature. Car les menstrues
mentum infantis iam nati ex utero usque ad eius servent en partie a nourrir l'enfant dans la matrice
ablactationem. Quod si, ut aliqui putant, menstru·a penda~lt environ neuf mois; en partie elles aident la
sint materia fetus, adhuc maius esset miraculum. · partunente a enfanter plus facilement; et en partie
el!~,s s~ ~ransforment en lait, nourriture de l'enfant
Quare risit Sara? deJa ne jusqu'au sevrage. Et si, comme certains le
253· Augustinus: «Quare Saram redarguit domi- p~nsent, les menstrues sont la matiere du fretus le
mtracle est d'autant plus grand 1. '
nus, cum et Abraharn riserit? Nisi quia illius risus
admirationis fuit et laetitiae, Sa:t;ae autem dubita-
tionis, et ab illo diiudicari potuit, qui corda hominum Pourq uoi Sara rit-elle ( 1 8, 13 )?
novit». 2 53· Augustin : « Pourquoi le Seigneur reprend-il
Sara, alors qu' ~braham lui aussi a ri? Simplement
paree q~e son nre fut d'admiration et de joie, tandis
§ 2 p x. AuGUSTIN, Qu. in Hept. I q. 35 (ibid. p. 20). q~e le r!re de Sar~ fut celui du doute, ce qui peut etre
2. IsmoRE de SÉVILLE, Etymo/. XI, n, 6 (Liridsay): l'age du dtscerne par Celut qui connait le creur des hommes 1. »
senior est celui de la gravité, car il est éloignement de la jeunesse
et approche de la vieillesse. .
3· lsmoRE, ibid. n° 28 : le titre senex est seulement du genre
masculin; a u féminin, on use du terme anus. PRISCIEN, /nstit.
(Stadler p. 682); XV, tr. 2, c. 6 § 111 (p. 1o ); c. §
gramm. V, § 19 (Hertz 1, p. 154, 7s): senior n'a que le genre (p. 1041); C. II § 144 (p. 105 6).
39 7 114
masculin.
.§ 2p x. Jndications médicales selon les médecins de J 2,5 3 1. _AuGUSTIN, Qu. in Hept., I q. 36 (CSEL 28-2 p. 2 1),
l'é'poque: cf. ALBERT le Go., De animal. IX, tr. x, c. 2 § 2.4 dfe¡a evoque par la Postil/e d'Hugues de St-Cher, In Gen. 18 10
( . 23rb; u). '
S82 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 18

Negavit Sara dicens.: non risi. Sara nia, disant: je n'ai pas ri ( 18, 15 ).
254· Augustinus,: q.u?modo negavit, ~um deo om- 254· Augustin : Pourquoi nia-t-elle, alors :que
nia cognita sunt? «Ntst forte eos homtnes putabat, toutes choses sont connues de Dieu? Peut-etre paree
Abraham vero deum intelligebat. » Sed «quomodo qu'elle prenait (ces etres) pour des hommes, tandis
deum intelligebat », cui « hum~n.itatis ?fficia >~, cibui? qu' Abraham comprit qu'il s'agissait. de Dieu. Mais
scilicet exhibebat? «Mirum, ntst homtnes prtus arbt- comment comprit-il qu'il s'agissait de Dieu, alors
tratus ~st», in quibus «deum loqui intellexit». qu'illui rendait des services appropriés a un homme?
Il serait étonnant qu'il n'ait pas lui-meme commencé
par les prendre pour des hommes en lesquels «il
Clamor Sodomorum. comprit que Dieu parlait 1 ».
255· Ex Aug11:stini J?nchiridion c.. 10 : clamor La clameur des Sodomites ( 1 8, 20 ).
peccati est pecc~tt t?ag~ttudo, peccandt ~on.suetudo:
peccati propalatto stve stne rubore pra~dtcatto, !s. ; · 255· Dans le Manuel d' Augustin, chap. IV: la
«Peccatum suum sicut Sodoma praedtcaverunt », et clametir du péché est la grandeur du péché, l'habitude
rursus de peccato gloriatio, Prov. 2 : «Laetant~r, cu~ du péché, la louange ouverte du péché et la propa-
malefecerintb»; Psalmus: «Laudatur peccator tn dest- gande éhontée en sa faveur 1, Is 3 : << Comme Sodome
deriis animae suaé» etc. ils ont hautement publié leurs péchésa», (cette cla-
meur) est aussi la gloriole du péché, Pr 2 : «C'est avec
joie qu'ils commettent le~rs ·méfaits b»; et selon le
Psaumé: «Le pécheur se glorífie des désirs de son
"
. ame e », etc.
\
Descendam et videbo.
256. Augustinus : «y erb~ haec non dubitanti~ », Je descendrai et je V,errai ( I 8, 2 I ).
«sed irascéntis et commtnantts » sunt. « Solemus entm
sic minaciter loqui : videamus si non. tibi hoc ~acio » 256. Augustin : «Ce rie sont pas des paroles de
«et si non potero tibi facere vel sctam»; et ~nfra: doute, mais de colere et de menace (... ) car voici
« humanae infirmitatis » « deus coaptat locuttonem comment nous exprimons habituellement nos me-
suam». naces : «Tu verras si je ne te fais pas cela», « et si je· ne
suis pas capable ou si je ne sais te faire cela»; et plus
a. Is 3, 9· h. Pr 2, 14. · c. Ps 10, 3·
has : «Dieu adapte sa fa<;on de s'exprimer a la
faiblesse humaine t.»

§254 1. AuGUSTIN, ibid. q. 3S (p. 21).


§..255 1. (BA ?p. 248), et
-AV<!C AUGUS~N, Jfnchirid._ XXI, So § 2 S6 l. AUGUSTIN, Qu. in Hept. 1, q. 39 (ibid. p. 22) noté par
' la Glose reprise par la Postr/. d H. de St-Cher (f. 23Va,e). la Postille d'Hugues de St-Cher, In Gen. r 8, 20-2 r (f. 23Va; e).

\
¡¡
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 18

Secundo. notandum quod hinc sumitur f?rll?-a et 2. Notons-le, c'est a cette parole que sont emprun-
ordo iudicum, sicut patet Extra II De accus.attontbus. tées les formes de la procédure judiciaire, comme i1
Primo debet descendere ut ex C~tJ?-p.assl?~e, non appert dans le ( Liber) Extra 11, De accusationibus2.
ex passione moveatur, ~more ~t s1t1 ms~1t1ae, non Car (le juge) doit d'abord descendre afin d'etre mu
pecuniae aut aliquo hums~odt, po~t vtdere exa- par la compassion et non par la passion; par l'amour
minando causam et eius ctrcumstanttas, s~c~ndu.m et par la soif de justice, non par celle de l'argent pu
illud Job 2 9 : « Causam quam ignorabam dthgentts- d'une chose de ce genre. ·Ensuite il doit voir, c'esHl-
sime investigabama». dire examiner la cause et ses circonstances 3, selon ·ce
passage de Jb 29 : « J'ai examiné avec grande dili-
gence la cause qui m'était inconnuea.»

.Utrum clamorem opere compleverint. S'ils ont complété la clameur par l'action
gravr~1s (18, 21).
257 . Opere: maius enim peccatum est et
punitur, quando voluntas peccati .in .opus proru~ptt. 257· ·Par l'aciion: le péché est plus grand et est
Aut fortassis hoc dictum est, quta tudex ho~o ~on puní plus séverement lorsque la volonté de. pécher
punitanimum, sed manum, Reg. 16: «Horno mdtcat s'extériorise dans l'action t.· Ou peut-etre dit-:on cela
q uae. parent ' deus
b
intuetur cora»; ler. 17: «Probans
.
paree qu'un juge humain ne «punit pas l'ame mais la
renes et corda ». . main qui ~xécute2», selon R 16 : «L'homme juge ce
Cómpleverint inquit, quía secundum progressum qui apparait, Dieu regarde le cceura; et Jr 17: «son-
peccati puniendum est, Deut. 25 : «luxta mensura~ dant les reins et les ereurs b ».
delicti erit et plagarum .rnod~s~~>; ~poc. 18 · lis ont complété, est-il dit, paree qu'il faut punir le
« Quantum glorificavit se et m. dehcus futt, tantum péehé selon son degré d' exécution, Dt z 5 : «La
date illi tormentum et luctumd». mesure des peines sera selon la mesure du délitc>>;
Ap 18 : «lnfligez-lui tourments et peines aproportion
qu'elle (Babylone) s'est élevée dans son orgueil et
qu'elle s'est plongée dans les délices d.»
§ 25 6 a. Jb 29, 16. § 257 a. 1 R 16, 7· h. Jr 17, 10.
c. Dt 25, 2. d. Ap 18, 7·

§ 257 1. Pour le degré le plus accusé de matice qu'apporte


2
• DécréÚles de Grég. IX (Lib. Extra}, V, 1, c. 17 (Friedberg l'exécution d'un dessein mauvais, Eckhart s'inspire, a travers
P. LOMBARD, Sen!. II d. 24, c. 12 0° 4 (p. 45 8s), d' AuGUSTIN, La
Il, 738). d. d d' i Trin. XII, xn, 18 (BA 16, p; 246) .
. Ce développement sur le theme de« escente» u epos-
tai~e de eaptorité s'inspire .de GRÉGOIRE ~~ Go, Reg. past., II c. 5 · 2. ULPIEN, cité par le Déc'ret de Gratien, II c. 23 q. 3 (De

(PL 77, 33 B). Paenit;) d. 1 c. 14 (Friedberg, 1, II61).

·. ·.··:.'
..
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 19

CAPITULUM UNDEVICESIMUM CHAPITRE DIX-NEUVIEME

Deux anges vinrent (19, 1). Et plus has: Car j'ai


Veneruntque duo angeli. Et infra: habeo deux filies; et ensuite: Abusez d'elles (19, 8). .
énim du9s filias; et post: abutimini eis.
258. Il faut remarquer combien cet homme prit
1.
258. Notandum primo quantum iste h.omo .ad~e­ soin de ses hotes étrangers et pelerins, puisque afin de
nas et peregrinos et hospites suos curavertt, qut filtas les sauver, il sacrifia ses filies.
obtulit, ut ipsos salvaret. · · . . . 2. Il faut cependant noter qu' Augustin dit : «Cela
Secundo tamen notandum quod Augustmus dtctt : doit etre attrihué au trouhle de Loth, non a son
hoc «turbationi Loth, non consilio» tribuendum est: jugement. »En effet, s!il faut attrihuer son action a un
«Si autem perturbationi humanae t~ib.uitur et mentt trouhle humain et a un esprit choqué par un si grand
tanto malo permotae! null~ mo?o tmttanda est»? e~ malheur, on ne saurait l'imiter en aucune fa~on. Et
infra « hac perturbattone ttmorts non credebat tpst plus has : « Dans ce trouhle causé par la peur, il ne
domino, quem in angelis cognoscebat», dicens: «non croyait pas en Dieu lui-meme, qu'il reconnaissait.
possum in monte salvari » etc. . . . (pourtant) dans les anges», lorsqu'il dit: «)ene peux
Tertio autem notandum quod perfecttom vtdetur me sauver dans la montagne» et la suite («de peur
posse attribui, quod tu~ propter immanitatem .Pe~­ qu'il ne m'arrive du mal et queje ne périsse t »).
cati illius, tum propter vtrtutem, qua advenas dtlex~t 3· Il faut pourtant remarquer qu'on peut consi-
secundum mandatum deia,_: quamvis nondum fons dérer comme une perfection qu'il ait ouhlié l'amour
datum oblitus est naturae in ·amore filiarum. naturel envers ses filies - d'une part a· cause de la
'
monstruosité du péché, d'autre part en raison de
l'amour qu'il porta aux étrangers, selon le comman-
Respiciens uxor eius post se, versa dement divin, quoique ce dernier n'eut pas encore été
énoncé~ · ·· · · ·_·.
est in statuam salis.
259. Notandum quod versa est in statuam safis, post S ignifi~ation de la statue de se/.
a. Cf. Dt 10, 19.
Sa femme, ayant regardé en arriere, fut trans-
formée en statue de sel ( 19, 26).
1. La proposition étrange de Lot offrant ses filies pour 259· Il faut. remarquer que. «fut transformée en
sauvegarder ses botes des sévices des Sodomites est expliquée
comme résultant d'un émoi a ne pas imiter, chez AUGUS_TIN, Qu. Glose notée par HUGUES, Postil/e I (f. 24ra; f}. Cf. Parab. Gen.
i1i Fiépi. I q:"42. · et q . .44 (CSEL 2.8-z p. 2.4s), reproduit par la § 184. . . . . .
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 19

se respiciens, significat primo quod «nemo mittens statue de sel, paree qu' elle avait regardé en arriere »
manum ad aratrum et respiciens retro aptus est regno signifie d'abord que «Celui qui met la main a la
deia». charrue et regarde en arriere n'est pas apte au
Secundo significat quod « fiunt no.vissit?a homin~s royaume des cieux a 1 • »
illius peiora prioriqusb». Sunt. emm sl.cut «cams 2. Cela signifie que «le dernier éta~ de cet homme
reversus ad vomitumc». Ingratltudo emm et pec- est · pire que le premier b », car un tel homme est
catum dimissum revocat, ut dicebant antiqui. «comme un chien qui retourne a son vomi C2 ». En
effet, l'ingratitude fait revivre les péchés qui ont été
260. Tertio notandum quod, licet conversa in se remis, comme le disaient les anciens3.
quidem et sibimet sit in statuam, aliis tamen est sua 26o. 3· Il faut observer que, meme si en soi et
poena in terrorem, vel ne peccen~, vel .ut ~ peccato pour elle-meme elle a été changée en statue, pour les
resipiscant timare poenae, quam v1dent m~1ctam pro autres, son chatiment s-'-est commué en terreur, afin
peccato. Sic ergo alii saliuntur et condlUntura ex qu'ils ne pechent pas ou, qu'ayant péché, ils viennent
poena malorum. Est ergo sibimet statua, se~ aliis sal, a résipiscence par peur du chatiment qu'ils voient
condimentum scilicet, conservans a corrupuone pec- infliger a ce péché. Ainsi, grace au chatiment de son
cati, Prov. 21 : « Multato pestilente sapientior erit péché, les autres ont été salés et conservésa. En ce qui
parvulusb». la concerne, elle est done statue, mais en ce qui
Augustinus super illo : «V o vete et re~dite e» P~. 72 concerne les autres, elle est sel, c'est-a..:dire un condi-
sic· ait : «llli fatui sunt in se, sed ahos condmnt, ment qui préserve de la corruption du péché, selon
Pr 21 : « Quand on chatie le malfaisant, le jeune
§ 259 a. Le 9, 62. b. Mt u, 45· cf. 2 P 2, zo. gars:on en devient plus sage b t. »
c. 2 P 2, zz. Pr 26, 11. § 260 a. Cf. Me 9, 48-49· Augustin dit au su jet de ce verset du Psaume 7 2 :
b. Pr 21, u. c. Ps 75, u. «Faites des vreux et accomplissez-lesc» : «Ils sont
insensés, mais ils préservent les autres qui, craignant
§ 259 1. Avec la Glose interlin. sur le v. 17; laquelle indique
Luc 9 62 (Postille d'Hugues de St-Cher, f. 24vb; 1).
1 2. BEDE, In Gen. (CC 118 A p. 227, I í99s), a ~ropos de la
femme de Lot, et P. LoMBARD, Sent. IV d. 22 e, 1 n 223 (Quar. VENTURE, In Sent. IV d. 22 a. x q. 1 (Quar. IV p. 575b); chez
\' 19 16 p. 887), introduisent fl'fJP· 1e Pier;:~, 2, 21-27 pour le GuiLLAUME d' AuvERGNE, De sacram., De paenit. c. 19 (Rouen
theme de reviviscence des peches (meme de¡a pardonnes) chez le 1624, I {'· 5oob et s); ou encore ALBERT le Gn, In IV Sent. d. zz
pécheur qui réddive. Voir note suivante encore. · . . ~·.1 (Be 29, p. 887s). Le terme «ingratitude», qui est emprunté
3· P. LoMBARD,, Sent. IV ?· 22 ~· 1 (ibid. ~· 885s) Clte, d~s
o lCl a P. LOMBARD, ibid. d. 23 c. 1 n° 224 (p. 887), était interprété
passages d' Ambro1se, August~n, Greg01_re et Bede ~ur la ~eam­ depuis le xme s. au sens fort soit de haine, soit d'apostasie, soit
mation des péchés chez le pecheur qu1 retourne a ses ega~e­ de regret d'avoir adhéré a la foi.
ments. Voir encore GRATIEN, Décret, II causa 33 q. 3 epe pae~tt) § 26o 1. Avec la Glose ordin. sur v. 26 (Postil. f. 24vb; 1) qui
d. 4 p~r_s 1 ..(~éb!Jt; F~ie~be~g. I, 1228s). L~ quesuon etalt cite ISIDORE, Qu. in Gen., c. 15 n° 5-6 (P L 8 3. 245 s.), lequel
débatt~e au xlne s. : vo1r 1 opm1on de Prevostln chez S. BoNA- ~mprunte a AUGUSTIN, Cité de Dieu, XVI, XXX, (BA 36, p. 288).
··,:·· COMMENTAIRE DE GENESE 19
EXPOSITIO LIB. GENESIS
l'exemple des premiers, ne regardent pasen arriere 2 .»
quando » « illorum exemplum timen tes isti retro non C'est pourquoi le poete dit: «Heureux celui que les
aspiciunt». Unde P<;>eta: . . . . dangers d'autrui rendent plus prudent3! »
«Felix quem factunt ahena pertcula cautum. »

261. 4· A remarquer que tout homme qut sert


26 1 • Quarto notandum. quod o~nis qui servit deo, Dieu, s'il regarde en arriere en vue de quelque
si retro respiciat ad aliquod extertus ~ommodum vel avantage extérieur ou ehcore pour quelque récom-
etiam ad mercedem quamcurnque alta~ praeter. vel pense autre que Dieu · o u en dehors de lui, est
extra deum, procul dubio in ,stat.ua~ salts convertttur, indubitablement transformé en statue de sel, paree
quia opus ~ps~m neces~ano tpst fit. onerosum et que son ceuvre lui devient elle-meme nécessairement
amarum, qllla mvoluntartum. ~on entm yellet. abs~­ pesante et amere, étant donné qu'il ne l'accomplit pas
lute, nisi esset merces; unde ~t mvoluntanum st~ph­ de plein gré t. En effet;~ il ne la voudrait pas du tout si
citer sed tantum voluntanum secundum qutd et elle ne comportait point de récompense; c'est pour-
mixt~m. Unde supra decimoquinto: «~go» «r:netces quoi, au sens absolu, il l'accomplit contre son gré :
tuaa » · et in Psalmo dicitur « Voluntane sacrtficabo son action n'est volontaire que sous un· certain
tibib»'. Involuntarium enim semper est violent';lm et rapport~ elle est mélangée 2 • C'est pourquoi il est dit
contrarium, grave et amarum, .I~b 7 :. « ~osmt. ~e au chapitre 1 5 : «]e suis ta récompensea», et dans le
contrarium tibi, et factus sum mthtmet tpst gravts ». Psaume : « J e t' offrirai de plein gré des sacrifices b. »
Et · quia involuntarium, _ide.o deo. ingratu~, prae- Car ce qu'on fait contre son gré est toujours fait avec
sertim quia .talis habet ahqutd grat~us ~t cartus deo, violence ·et contrariété,. est pesant et plein d'amer-
habet deum pro mínimo, pro pretlo etus quod pro tume, selon Jb 7: «Tu m'as fait contraire a toi, et je
mercede .exspectat. suis devenu un poids pour moi-merriec. » Et puisqu'il
fait cette action contre son gré, elle ne saurait done
'.! .· etre agréable a Dieu, d'autant plus qu'un tel homme,
qui tient quelque chose pour plus agréable et plus
cher que Dieu lui-meme, le tienta vil prix, c'est-a-dire
au prix attendu pour sa récompense.

a. Gn 15, 1. h. Ps 53, 8. c. Jb 7, 20.


Arist. lat. XXVI, v. Grosseteste p. 179s; et jEAN DAMASCENE,
De ftde' orth. c. 38 n° 4 (Buytaert p. 147). Pour l'amour du bien
2. AuGUSTIN, Ennar. in P~. 7! n° 16 (CC 39. p. 1049· ns). comme bien, cf. ci-dessus § 176 note 2. · ·
; •.:ALBERT-US :STADENSIS, Troilus, ry;
5.83 (Teubner p. 121): 2. Avec jEAN DAMASCENE, ibid. n° 2 (p. 145. 19s).
§ 2 6 1 1. Avec ARISTOTE, Eth. Nzc. 111 c. 1-3, 1 uo aus,
·~
•·.-':

EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GENES E zz 593

CAPITULUM VICESIMUM SECUNDUM . CHAPITRE VINGT-DEUXIEME

La tentation d' Abraham.


Quae postquam gesta sunt, temptavit
deus Abraham. Lorsque ces choses furent accomplies, Dieu
tenta Abraham (22, 1).
262. Augustinus in Epistula ad Consentium sic
dicit : « V ocabulum temptationis diversas intelligen-
tias habet, eo quod sit alia temptatio deceptionis, alía 262. Augustin dit ceci dans la Lettre a Consentius :
temptatio probationis. Secundum illam non intelligi- «Le mot tentation a divers sens, carla tentation qui a
tur. qui temptat nisi diabolus, secundum hanc vero pour but de tromper est autre que celle qui a pour but
deus temptat. » · ·. d'éprouver. Au premier de ces sens; le tentateur ne
In Quaestionibus autem super Genesim c. 56 dicit peut etre que le diable, mais au second sens, le
Augustinus : « Quaeri solet quomodo hoc sit. verum, tentateur est Dieu 1. »
cum Iacobus dicat quod deus "neminem temptae", Dans les Questions sur la Genese, chap. 56, Augustin
Iac. 1, nisi quod locutione scripturarum solet dici dit pourtant : « On a coutume de se demander com-
"temptat" pro eo quod est "probat" », secundum ment cette parole de Je 1, affirmant que Dieu "ne
illud: «Temptat vos dominus deus vester, ut sciat, si ten te personne a"' peut etre vraie - a moins que
diligitis dominumb». « Ut sciat» id est « scire vos l'usage scripturaire ne consiste a employer le mot
faciat, quoniam vires dilectionis suae hominem latent, "tent er " pour d'ue ",eprouver" , se1on ce passage :
nisi experimento eiusdem innotescant». Hic in propo.:.. "Votre Dieu vous ten te pour savoir si vous aimez le
sito Augustinus dicit breviter quod 4icitur deus scire Seigneurb 2 . " "Pour savoir", c'est-a-dire pour vous
quasi de novo vel videre secundum modum loquendi faire savoir, puisque la force de son amour demeure
quo saepe dicimus : «ego videbo vel ego sciam utrum cachée a l'homme s'il ne le lui fait connaitre par
hoc vel hoc faciam vel possum facere», quod «coro- l'expérience. » A ce propos, Augustin explique brie-
minando» vel irascendo dicimus, «non ignorando», vement ceci : dire que Dieu sait ou voit, comme s'il
sicut ait Augustinus in Quaestionibus super Genesim s'agissait d'une connaissance nouvelle pour lui, c'est
c. 39· De hac quaestione habes p. 1 q. 114 a. 2. maniere de parler. Ainsi, nous disons souvent: «]e
vais bien voir» ou «]e saurai bien si je fais cela o u si je
a. Jc 1, 13. h. Dt 13, 3· puis le faire», Et nous disons cela non pas «paree que
nous l'ignorons», mais «par menace» et en nous
1. AUGUSTIN, Ep. 20J 1 c. 2 0° 16 (CSEL 57 p. 337• IS).
fachant, comme le dit Augustin dans les Questions sur
2,;AUGU~:f!N, Q11. in Hept. q. 75 (CSEL 28-2 p. 30). la Genese, chap. 393. Thomas traite de cette question
. 3: AUGUSTIN, ibid. q. 39 (p. 22). dans la Somme de théologie la Pars, q. 114 a.2 .
594 EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 2.2
595
263. Rabbi Moyses l. III c. 2 5 in principio sic ait :
« Scito quod temptatio est labor magnus de maioribus , 263. A u début du livre III, chap. 2 5 (du Cuide des
laboribus legis, et fit mentio de ipsa in lege in sex J?garés), ~aim~mide parle. ains,i :. «Sache que la tenta-
locisa». Et infra: «Fuit autem ratio temptationis ~ton est un SUJet ard~ qut r~leve des études les plus
facere opus, cum non est intentio substantiae ipsius Importantes de la Lot - et tl en est fait mention six
operis, sed intentio est, ut sit exemplum, per quod fois dans la Loi a.» Et plus bas : «Or la raison de la
addiscant populi et ambulent eadem via ». Et prae- tentatio? est de faire accomplir une reuvre dont le but
mittit : « Plane temptationes, de quibus fit mentio in ne consiste pas en sa matérialité, mais a en faire un
lege», «evenerunt per viam probationis et inquisi- exemple qui serve d'enseignement aux nations et leur
tionis ». Et infra : «Verbum temptationis duo bus permette de ?I~rcher dans la meme voie. >~ Et plus
modis exponi potest: uno modo», ut sit exemplum, haut : « Il est evtdent que les tentations dont il est fait
quomodo qui serviunt deo, praemiantur, qui vero mention dans la Loi sont survenues pour éprouver et
deum relinquunt, puniuntur. Secundo modo, ut sit sonder. » Et plus baso: «Le mot tentation peut etre
sensus : « temptat te deus », (<id est exercet te, sicut expliqué de deux manieres, la premiere pour montrer
illud quod dicitur» de aliquo, quod «<non> temptavit com?lent ceux qui s~rvent, D~eu sont récompensés,
"ambulare super terramb", id est non exercuit» se. Sic tandts que ceux qut' le delatssent sont punís. La
d temptavit vos deus, id est «exercuit vos in labore in seconde en ce sens : "Dieu te tente", c'est-a-dire qu'il
deserto, ut multiplicaret bona vestra ». « Et illud t'exerce au sens ou il est dit d'une personne qu'elle
verum est, quod exitus de labore ad quietem est "ne tenta pas de marcher sur la terreb" c'est-a~dire
maior delectatio quam continue quiescere». Verba qu'elle ne s'y .exer<;a pas. » -' ·
stint Rabbi Moysis. De hoc ultimo habes 1 II q. 32 C'est ainsi que Dieu vous a tentés, c'est-a..:dire qu'il
a. 2. · vous «a exercés par les fatigues du désett, afin de
~ultiplier votre bien. Et il est vtai que passer -du
lab,eur au repos. est une délectation plus grande
qu un repos contmu 1,» C'est ce que dit Maimonide.
Thomas traite de ce dernier theme en I.II, q. 32, a. 2
264. Adhuc autem circa temptationem Abrahae
specialiter ex Rabbi Moyse quattuor advertencia. :i64. Concernant la tentation d' Abraham, il faut
Primum est magnitudo rei, quam deus ei praecepit encore .~onsidérer quatre points dont Maimonide
et in quo ipsum deus <voluit > exemplum· fieri oboe- traite· en particulier.
I. La grandeur de ce que Dieu lui ordonna
voulant que cela devienne un exemple d'obéissanc~

a. Cf. Gn 2.2., 1. Ex 16,4 et 2.0, 2.0. Dt 8, 2. et 16; 13, 3·


i
b. pt 2.8, 56--(d'apres trad. de M::~Imonide). - 1. MAlMONIDE, ibid. III c. 2.5 (début; f. 86v-87r; Munk c. 2.4,
III p. I87S). - -

J
'l
COMMENTAIRE DE GENESE zz 597
EXPOSITIO LIB. GENESIS

dientiae et temptari sive innotescere et notum fieri pour «tenter», c'est-a-dire faire connaitre que ceux
quod oboedientes deo praeservantur a malo et remu- qui . obéissent a Dieu sont préservés du mal et
nerantur praemio « et quod "exiret sonus" » huius récompensés, et pour que «la renommée de ce fait »
facti «in omnem terrama». Fuit enim mandatum de soit répandue «par toute la terrea». Il fut en effet
filio occidendo, quem «in senectuteb» genuerat, item ordonné a Abraham d'immoler le fils qu'il avait
«per repromissionemc», item cuius semen esset. sicut engendré « dans sa vieillesse b», «en vertu d'une
. . d .
stellae caeh, quae numeran non possunt , ttem tn quo promessec» selon laquelle sa descendance serait
« benedicendae » erant « omnes nationes terraee ». comme les étoiles du ciel, qu'on ne peut dénombrerd
et en laquelle « toutes les nations de la terre seraient
bénies e» t.
265. In quo secundo notatur et commendatur
« <finis > amoris ipsius et metus in creatorem », cuius 265. 2. L'auteur souligne et loue «la grandeur de
«timar et dilectio » « contempsit in oculis A brahae son amour et de sa c.:ocrainte envers le Créateur,
filium istum desiderabilem et despexit, quidquid spe- crainte et dilection qui rendirent méprisable aux
rabat se adepturum per illum, et festinavit decollare yeux d' Abraham ce fils qu'il désirait et lui fit dédai-
tpsum». gner tout ce qu'il espérait obtenir grace a lui, de telle
sorte qu'il se hata d'aller le décapitert ».
266. Tertio notatur per hoc stabilitas prophetiae et 266. 3. L'auteur releve la sureté de la prophétie et
«quod prophetae multum credunt in his, quae perve- «cambien les prophetes croient fortement aux choses
niunt ad eos ex parte creatoris in prophetia, et ut » qu'ils connaissent de par Dieu grace a la prophétie,
sciatur quod «illud non fuit in somno nec in visione pour que» 1' on sache «que ce ne fut pas en re ve ni en
nec mediante virtute imaginativa», in quibus est vision ni par l'imagination»- choses en lesquelles «il
«aliquid dubitationis». Propter quod in talibus non demeure quelque doute». C'est pourquoi, lorsqu'il
festinat horno ad opus nec festinat credere nec tra- s'agit de ces dernieres, les hommes ne se hatent ni
hitur «facere rem tam magnam super re dubia». d'agir ni de croire et ne se laissent pas entrainer «a
' une chose aussi importante en une occurrence dou-
1'' 267. Quartum est hic ponderandum quod Abrahae teuse 1 ».
non fuit praeceptum de filio statim immolando, 267. Il faut considérer qu' Abraham ne re~ut pas
sed tertio die. Sic enim habet littera: «Die tertia» l'ordre d'immoler son fils aussitót, mais le troisieme
jour. Le texte dit: «Au troisieme jour, il vit de loin
a. Cf. Ps 18, 5· b. Cf. Gn 21, 5· c. Gn 15,4-5; Ga4, 23.
d. Gn 15, 5· e. Gn 18, 18.
§ z66 1. !bid. (f. 87v 19s; Munk p. 194s). Comme !'observe
§ z64_ 1. !VIA!~ONIDE; ibid. (f. 87r; Munk p. 19os). Koch (LW I p. 407 note 3), Eckhart use d'un texte portant une
négation intempestive (comme éd. Paris, f. 87vz1), mais son
§'i65 1. !bid. (f. 87rp-v5; Munk p. 19zs).
COMMENTAIRE DE GENESE 12.
599
EXPOSITIO LIB; GENESIS
l'en~r?ita. »
La raison en est que «s'ill'avait fait tout
« vidit locum procula ». Ratio est, « quoniam, si statim de sutte, on aurait ,Pu c~oire 9u'_il l'avait fait par
fecisset», posset credi quod «fecisset istud ex terrore terreur, sans comprehenston m reflexion · mais du
absque intellectu et inquisitione, sed quoniam fecit moment qu'ill'avait fait quelques jours pius tard il
illud post aliquos dies, ostendit quod fecit ex delibe~ ~ontra que ~'était apresen avoir délibéré et selori ~ne
ratione et intelligentia recta». V erba sunt Rabbt J~ste comprehension 1 ». Ce sont les termes de Maimo-
Moysis ubi supra. mde dans le passage mentionné ci-dessus.

268. On nous enseigne ainsi que nous devons


268. Docemur ergo quod non ex passione, sed ex reuvrer .e~ accomplir les reuvres et les commande-
virtute facienda sunt opera et mandata dei explenda. me~ts dtvtns par vertu et non par passion. Cicéron dit
Unde Tullius l. 1 De officiis sic ait: « Multum interest au hvre .1 des Devoirs.qu'«il y a une grande différence
utrum perturbation~ aliqua ~nit·~·ü, quae br~vis es~», e_ntre fatre 9uelque chose en raison d'une perturba-
«an consulto et cogttatum ahqUld fiat. Lev10ra emm u,o~ -p~ssagere de l'ame, ou de fa<;on intentionnelle. et
sunt quae repentino motu accidunt, quam quae medí- refl~chte. Car _les choses faites par impulsion ont
tata et praeparata». m~tns, de potds que celles qu'on a méditées et
preparees. 1»

Maintenant j'ai reconnu que tu crains Dieu


N une ergo cognovi quod time as deum. · · (22, I 2). .
269. Iam supra expositum. Augus~inus hic dicit
. 2~. ~la a déja été e:cposé p~~~ haut1. Augustin
sic :·«Nune cognovi », id est « nunc te fect cognoscere »,
d~t tct, a propos de Matntenant 1 at reconnu, «c'est-a-
<< significans per efficientem id q~od effici~ur~ si~ut
dtr~: ma~ntenant je. t'ai. fait reconnaitre, signifiarit ce
frigus pigrum» p~o eo ··<<q';~od ptgros _fac~t». Vt1e qut est fatt par celut qutle fait, de meme que le froid
plenius de hoc pnus super tllo : « ReqUlevtt deus ».
est arpelé ~aresseu~ paree qu'il rend les gens pares-
seux ». Votr les developpements donnés plus haut
concernant: «Dieu se reposa a»3.
§ 2.67 a. Gn 2.2., 4· - § 2.69 a. Gn 2., 2..

interprétation retro~v:e ce que, ex~ose sur. la cer~itude ~e la


l':f·
;.• connaissance propheuque super1eure a celle, mcertame, qu1 est § 2.69 1. Voir ci-dessus § z.6z.. ·
'
issue des images oniriques. · :· AuGUSTIN,Qu. in Hept. I q. 58 (CSEL 2.8-2. p. 31 ); cf. La
,__ § 1.67 .J.• MAlMONIDE, ibid. (f. 87v 6s; Munk p. 193). Trzn. III, XI, 2.5 (BA 15 p·. 32 s).
· § z.68 1~ ÜCÉRON, Les Devoirs, c. 8 n° 2.7 (Belles-Lettres I 3· Cf. § 165 et 174 ci-dessus.
p. 1 q). .
.t

l.
COMMENTAIRE DE GENESE u 6o1
EXPOSITIO LIB. GENESIS

Per memet .z"psum iuravi. La vérité en soi. r--.


-.... - .. •
-~·--,-·.:.

270. Notandum primo quod illud potest exponi J'ai juré par moi-meme (2.2., 16).
secundum ea, quae notavi supra capitulo primo de 270. Remarquons d'abord qu'on peut expliquer
oper~ tertiae diei super illo : «In semet ipsoa », ut sit cette parole d'apres ce que j'ai indiqué plus haut au
sensus: luravi per memet ipsum} hoces~ per intima et premier chapitre concernant l'reuvre du troisieme
potissima et abditissima mei. Nec obstat quod deus · jour: «En lui-mémea», au sens de ]'ai juré par
non est in genere nec genus habens nec speciem. Nos moi-meme} c'est-a-dire par ce qu'il y a en moi de plus
tamen nihilominus de ipso concipimus et loquimur intime, de plus puissant _et de plus secret 1• ·A:_ cela ne
secundum modum nostrum intelligendi et secundum s' oppos~ pas le ~ait q~e J?ieu ne r~leve p~s d'une (
naturam rerum et modum, a quibus _nostra cognitio categorte et qu'd n'att nt genre m . espec~. Nous ·
ortum habet, sicut etiam in attributis et appropriatis formons néanmoins d~s concepts le concernant et
deo apparet. nous parlons de lui selon notre fa~on de comprendre,
selon la nature des choses et le mode selon lequel
271. Notandum secundo quod iuramentum verbis notre connaissance prend origine: c'est ce qui appa-
adhibetur ad firmandum et stabiliendum verum esse rait dans les qualités que nos attribuons et appro-
id quod promittitur verbis. Veritas ergo est quod prions a Dieu 2.
intenditur ab ipso cuí iuratur et ab ipso qui iurat. 271. Remarquons ensuite qu'on emploie les termes
Deus autem veritas ipsa es t. Cetera quidem vera sunt, du serment pour assurer et confirmet la vérité de ce
non autem veritas sunt; vera autem u tique sunt que ces termes promettent. Car la vérité est ce
veritate. Ex quo patet manifeste primo quod omnia qu'entendent celui a qui on jure et celui qui jure. Or
quae citra sunt possunt fallere, possunt deficere Dieu est la vérité elle-méme, tandis que, pour étre
veritati, ipsa vero veritas sibimet deficere, se· ipsam vraies, les au tres réalités ne sont pas la vérité; mais
deserere non potes t. V erbi -gratia : album potest elles sont vtaies de par la· vérité 1. 11 apparait claire-
fieri mgrum, albedo autem nunquam potest fieri ment par la que toutes les choses qui sont en de~a de
la vérité peuvent tromper, peuvent étre un manque-
a. Gn 1, 11.
ment a la vérité, tandis que la vérité ne peut manquer
a elle-méme ni se déserter elle-méme. Ainsi, par
§ 270 1. Cf. ci-dessus § 98s.
exemple, ce qui est blanc peut devenir noir, mais
2. Pour la connaissance humaine qui, pour connaitre Dieu,
doit partir des réalités corporelles sensibles (empirisme aris-
totélicien et thomiste, opposé a l'innéisme augustinien), voir accédons a une certaine connaissance de Dieu absolument
ci-dessus § 187-189, 199, 229; Comm~ Ex. §57; Comm. Jean simple et un. Voir Comm. Ex. § 39, 44, 56, 58.
§ 303. Que Dieu transcende les catégories, c'est doctrine tradi- § 271 _1~ Voi~ ci-dessus Pro/. gén. § 12, 16; Pro/. (Euvr~ prop_.
tionnelle:·cf. Parah. Gen. §188;Comm. _f3x. § 54.:.55, 165. D'ou
'l'inadéqúation des multiples attributs divins par lesquels nous §4, 7· 9--: 12 • 1 5·

~·-
COMMENTAIRE DE GENESE u 6o3
EXPOSITIO LIB. GENESIS
la blanche"!r. ne p~ut jamais ~evenir noirceur. Un
nigredo. Infirmus sanatur, infirmitas autem nuriquam ma!a?e gue~lt'. mats la maladte ne devient jamais
fit sanitas. Sic ergo omnia alia firmantur et verifi- guenson. A.mst toutes les vérités autres que la vérité
cantur alio, puta veritate; veritas autem se ipsa sont a~ermtes ,e~ ~en~ues v~aies _par cette autre; au
firmatur, stabilitur et verificatur. Et hoc est quod hic contra!re la vente s affermtt, s' etablit et se vérifie
dicitur: per memet ipsum iuravi,· Psalmus: «Judicia elle~m~me. C'est ce qui est dit ici: J'ai juré par
domini vera, iustificata in semet ipsaa», apostolus ait moz-me!"e 2 ,· et dans le Psaume: «Tous les jugements
Tim. 2.: «Fidelis permanet. Negare se ipsum non du Setgneur sont vrais, justifiés en eux-memesa».
potesth». ·· · 1'Ap?tre ~it ~n Tm 2: «11 demeure fidele. 11 ne peu~
se mer lut-meme h. »
272. Rursus etiam universaliter priora et superiora ~72. D'a;t~re part, ~'e~t. une· loi universelle que ce
firmant naturaliter et stabiliunt inferiora et posteriora, qut est anter~eur ~t ~uperteur affer~it et établit. par
et e converso ista per illa accipiunt fixionem et nature ce qm est mfeneur et posterteur et inverse-
immobilitatem sive immutabilitatem. Deus igitur, ~ent e~ ?~rnier. acquiert~ ~race au premi;r, fixation et
utpote primus et supremus, firmat et stabilit omniaa, tmm~bthte ou l_!llmutabthtéat. Or Dieu; en tant que
ipse vero a nullo quam a se ipso et se ipso in p~emter et ~upre~e, affermit et établit toutes choses.
se ipso firmatur et stabilitur. Et hoc est quod Hebr. 6 C est ce qut est dt.t en He 6: «N'ayant personné de
dicitur
.
: « Quoniam
. . .
neminem
.
habuit, per . .
quem
b pl~s ~rang que lm au_ nom duquel. jurer, il jura par
lUraret, ma10rem, lUravtt per semet tpsum ». lut-meme . » En effet, les hommes JUrent au nom de
«Homim!s autem per. maiores sui iurant», ut ibídem plus grand qu'eux, comme il est dit par la suite. ·
sequitur.
273· A .ce J?~opos, il faut noter trois points. ·
I. ~elut q~t J'!re a u nom d:une créature la « déi6e »
273· Ex his notanda sunt tria. Primo, quod iurans et devtent lu~-meme «plus execrable qu'un idolatre»,
per·cr~aturám illam «deifican> et ipse «exsecrabilion> com~e le d~t C~uy~ostome en commentant Mt 5 t.
«idolatra» efficitur, ut ait' Chrysostomus super Car tl ,~pparttent ~ Dteu seul, en tant qu'il est la vérité
Matth. 5. Solius enim dei est~ utpote qui veritas est et et qu 11 _est supreme, d'assurer et rendre vraies les
supremus, ut per ipsum stabiliantur et verificentur promess~s. C'est pourquoi il est prescrit dans la Loi
promissa. Propter hoc in lege praecipitur quod per

§ 271 a. Ps 18, 10. b. 2 Tm 2, 13. ¡


§ 272 a. Cf. Si 42, 17· b. He 6, 13.16. 1
i
1 consistance; p. 89). Cf. Parab. Gen.§ 146; Comm.]ean§ x8o-x8 2.
~2. (:f. f.arab.. Gen. § 188. ! § 273 1. ]EAN CHRYSOSTOME, Opus imperf. in Matt hom 12
· §2.72 ·comme l'atteste letermeftxio, Eckhart s'inspire du
1.
i
(PG s6, 6 8).
9
. · ., '
L. des causes, prop. 9 et 20 (Pattin p. 66; ibid. note b : ftxio = i

1
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE u- z3 6os

nomen dei solius iuretura, Deut. 6 et 10, et prohi- de jurer uniquement par le nom de Dieu, Dt 6 et IOa,
betur, ne per alía iureturb, los. 23. et il est interdit de jurer par quoi que ce soit d'autre,
Jos 23 b.
274· Secundo notandum quod hoc est contra 274· 2. Ce précepte est dirigé contre les méchants
malos qui, ut minus peccent vel ut minus teneantur qui, pour commettre un péché moins grand, ou etre
~e~vare l?r?missa, iurant per alía et non per deum. Sed moins tenus de garder leurs promesses, jurent par
1st1s acqdtt quod scribitur in simili casu Extra De d'autres choses que Dieu t. Mais illeur arriye ce qui
celebratione missae : «Falsa remedia veris periculis est écrit pour un cas analogue, dans le (Líber) Extra,
sunt graviora». De celebratione missae : «Les faux remedes sont plus
graves que les vrais dangers 2 • »
. ~75· Tertio notandum quod, quia ipsa divina se 275. 3. Étant donnéc:--que les réalités divines sont
1ps1s sunt vera, fixa et stabilia, quaerere istorum vraies, fixes et stables en elles-memes, c'est etre
<:au~am et pr?bation~m sive rationem- cum sit ipsa dément et ignorer la vérité de Dieu que de rechercher
ventas e~ r~tlo o~mum, loh. 1. : <<In principio erat leur cause et leur preuve ou raison - puisque la vérité
ver?um» st~e ratio - dementlae est et ignorantis elle-meme est la raison de toutes choses, selon Jn I :
verttatem det. Oportet ergo credere in talibus et «Au commencement était le Verbe» ou «Raisona». Il
ipsis propter se ipsa fidem adhibere secundum illud faut done croire a ces choses pour elles-memes et y
~salmi: «ludida domini vera, ius~ificata in semet adhérer par la foi, selon ce passage du Psaume : «Les
tpsa»b. jugements de Dieu sont vrais, justifiés en eux-
memesb.»

CAPITULUM VICESIMUM TERTIUM CHAPITRE VINGT-TROISIEME

Or Sara vécut (23, 1). Et plus has: 11 adora le


Vixit autem Sara. Et infra : adoravit populum peuple de la terre (23, 7).
terrae. 276. Augustin se demande comment il se fait
276. Quaerit Augustinus quomodo Abraham ado- qu' Abraham adora lé peuple de la /erre alors qu'il est

1. Avec P. LoMBARD, Sent. III d. 39 c. 7 n° 292 (Quar. 1916,


II p. 729s), qui cite plusieurs textes d' Augustin sur le serment.
-_ §-2727 a.. Cf.-~Dt· 6, x.12 ·, ro, 20. b- . Cf- . Jos 23, 7· 2. Décrétales de Grég. IX (L. Extra), III, 41, c. 7 (Friedberg,
§ 275" ·a; Jn I, I. b. Ps 18, 10. - II, 64o).
6o6 EXPOSITIO LIB. GENESIS
c;:oMMENT AIRE· DE GENES E 2.4 "1.7 6o7
raverit populum terrae, cum scriptum sit: « Dominum écrit: «Tu adoreras le Seigneur ton Dieu a.» C'est
deum tuum adorabisa». Et est hic in Glossa. dans la Glose, a cet endroitt.

CHAPITRE VINGT-QUATRIEME

CAPITULUM VICESIMUM QUARTUM Or Abraha~ était (un vieillard) (24, 1). Et plus
bas: Done la Jeune filie a qui je dirai (prends ta
cruche, pour que je boive (24, 14).
Brat autem Abraham. Et infra : igitur puella, . 277· .~ugu~ti?. se demande «en quoi une prédié-
cui dixero etc. tto~ tlhctte dtffe.re de "'~a demande d'un signe, telle
277· Quaerit Augustinus in «qUo differant augura- qu en fit le servtteur d Abraham pour que Dieu lui
tione~ illicitae ah illa petitione· signi, qua petivit
montd.t que (cette jeune filie) était la future femme
servus Abrahae, ut ei deus ostenderet ipsam esse de son seigneur Isaac.» C'est dans la Glose a cet
futuram uxorem do mini sui Isaac» etc. Et est hic in endroit 1• Voir II II q. 95 a. 7. '
Glossa. Vide II II q. <95 > a. <7 >.
CHAPITRE VINGT-SEPTIEME
. ' Accord de 1'action avee les paro/es .
chez les prélats.
CAPITULUM VICESIMUM SEPTIMUM
Mais Isaac vieillit (27, 1). Et plus bas: La voix
est en effet celle de Jacob, mais les mains sont
Senuit autem Isaac. Et infra: vox quidem celles d'Esaü (27, 22).
vox lacob est, sed manus manus sunt Bsau.
278. o.n explique habituellement ces paroles
278. V erbum hoc communiter exponitur contra comme VlSat;lt ceux qui parlent bien et agissent mal.
illos qui bene loquuntur et male agunt, de qua sensu Je passe sur plusieurs autorités canoniques en ce sens,
plurimae sunt auctoritates canonis, quas dimitto. Sed et mvoque: · · ·

a. Mt 4, 10. Le 4, 8. Cf. Dt 6, 13·

·· §,.n6 L .A.uGUsTIN, Qu. in Hept. 1 q. 61 (CSEL 28-2 p. p), §. 277 L AuGUSTIN, ibid., q. 63 (p. 33), repris par la G/ossa
tnmscrit par la Posti//e d'Hugues de St-Cher, f. 30 a; e. ordrn. (Lyr. f. So a; e) .

.;-_-
6oS. EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 2.7

adduco primo auctoritatem Ambrosii in Pastorali, ubi 1. L'autorité d' Ambroise dans sa Lettre pastora/e,
sic ait: « nomen» episcopi «conveniat actioni», «ne ou il s'exprime ainsi: «Le nom d'éveque doit etre
sit nomen inane et crimen immane», «honor sublimis accordé a l'action de ce dernier, afin qu'il ne s'agisse
et vita proclivis », «deifica professio et illicita actio », pas d'un vain nom et d'un crime monstrueux, d'une
« religiosus amictus et irreligiosus profectus », «ca- haute dignité et d'une basse fa<;on de vivre, de
thedra sublimior et scientia» «humilior», «locutio proclamations déifiantes et d'actions illicites, d'un
columbinaa et mens canina».· habit religieux et d'une vie irreligieuse, d'une chaire
élevée et d'une science infime, . du langage d'une
colombea et de !'esprit d'un chien t.»
279· SecUndo Bernardus De consideratione l. II : 279· 2. Selon Bernard, La Considération, livre II :
«Monstruosa res est gradus summus et animus «C'est chose monstrueuse que (d'associer) le rang le
infimus, sedes prima et vita ima, lingua magniloqua et plus élevé avec l'ame la plus basse, la chaire principale
manus otiosa, sermo multus et fructus nullus». avec la vie la plus vile, l'éloqu~nce de la langue avec
_T~rtio Chrysostomus super Matth. 5 : qui docet, l'oisiveté des mains, l'abondance des paroles et le
verborum suorum sit ipse exemplum, ut magis opere néant des fruits t.»
doceat quam sermone; et infra : « Prima doctrina est 3· Chrysostome, commentant Mt 5 : «Celui qui
videre bonum, secunda audire»; et iterum : « Prius enseigne doit etre lui-meme un exemple, de sorte
vocavit» Christus apostolos suos «sal, postea luxa», qu'il enseigne davantage par les reuvres que par la
« quia prius est bene vivere, secundum autem bene parole»; et plus has : «Le premier enseignement ·
docere». (qu'on doive recevoir) consiste a voir ce qui est bien,
le second a l'entendre (precher)»; et encore: «Christ
a d'abord appelé ses apótres sel, et ensuite lumierea,
280. Quarto A. Gellius, cuius mentio supra facta
paree qu'il importe d'abord de vivre bien, et que bien
est ah Augustino, l. XIV Noctium Atticarum c. 7 sic
~~h: . enseigner ne vien t q u' en second 2. »
«Ego odi homines ignava opera et philosopha sen- 280. 4· Aulu-Gelle, dont on a rappelé plus haut un
tentia». texte cité par Augustin, commence ainsi le chapitre 7
Et infra: «nihil indignius» «quam quod homines au livre XIV des Nuits attiques: «)e déteste les
ignavi et desides operti sint barba et pallio» «et vitia hommes paresseux a l'action et pleins de sagesse dans
leurs avis.» Et plus has : «Il n'y a rien de plus indigne
§ 2.78 a. Cf. Mt 10, 16. § 2.79 a. Cf. Mt 5, 13-14. que des paresseux qui arborent la barbe et le manteau
§ 2.78 x. En fait Gerbert (Sylvestre TI, pape), De inform. episc. ,..
(PL 139, 171 B).
§ 2.79 1. S. BE~NARD, De consid. 11, VI, 14 (Rome III p. 42.2., 2.. ]EAN CHRYSOSTOME, Op. imperj. in Matt., hom. 10 (PG 56,
3S).: .,: .. ~ 684s) selon le sens.
·-~,_'!,.

·.:;.

COMMENTAIRE DE GENESE '-7 611


61o EXPOSITIO LIB. GENESIS

facundissime accusent, intercutibus ipsi vitiis roa- de philosophes~ attaquant le vice avec faconde alors
dentes». qu"ils suent eux-memes le vice par tous leurs. potes-! 1 »
Quinto Senecá Epistula 6 : « Longum iter per . 5. Séneque écrit dans la Lettre 6 :. « Longue est la
praecepta, breve et efficax per exempla », « quia voie qui passe par les préceptes, courte et efficace celle
amplius homines oculis credunt quam auribus ». Et qui_ passe par les exemples - paree que les· hommes
20 Epistula dicit: «Maximum» «iudicium est sapien-
crot~nt davantage leurs yeux que leurs oreilles. » 11 dit
tiae, ut ver bis opera concorderit ». Et rursus Epis- auss1 dans la Lettre 20 : «Le plus important critere de
tula 24 sic ait : « Hoc turpissimum est, quod nobis la sagesse consiste en (l'accord) des actes avec les
o bici solet, verba philosophiae, non opera tractare ». paro les.» I1 dit encare dans la Lettre 24 : «Ce qu' on
nous reproche habituellement de plus honteux, c'est
Sexto poeta Statius magnus l. VII sic ait :
281.
de tirer de la philosophie des paroles et non des
actes 2.» ·
«Ast ubi ductor
taurus init fecitque viam, tune mollior unda,
tune faciles saltus visaeque accedere ripae. » 281. 6. Le grand poete Stace dit au livre VII (de la
Vult dicere quod in transitu cuiusdam. fluvii, dum Thébaide) : «La ou le taureau de tete se jette dans le
miles, ductor exercitus, primo se misit in aquam et fleuve et fraye la voie, les ondes cedent et s'ouvrent
transivit, omnes reliqui animati sunt, et visus est ipsis au troupeau, et la rive semble se rapprocher t.» 11 veut
transitus facilis et quasi ripa, qua tendebant, ipsis dire par la que, lors de la traversée d'un fleuve, quand
occurrere videbatur. le soldat qui dirigeait l'armée entra le premier dans
l'eau et traversa, tous les autres furent encouragés, et
282. Secundo principaliter notandum quod tales que la traversée lui parut facile, comme si la rive vers
similes sunt primo ranae, quae totum corpus habet laquelle ils se dirigeaient venait elle-meme a leuí
·. situm in hito, os autem exponit caelo et clamat in rencontre. ·
caelum. ·
Secundo símiles sunt cifrae in algorithmo, quae ih
se nihil significans dat aliis significare. . 282. On observera en deuxieme lieu, a titre prin-
Tertio sunt sicut idolum quod figuram habet dei ctpal, que de telles gens ressemblent a : .
vel sancti, sed non habet naturam, Zach. I I : «O I. U:ne grenouille dont le corps tout entier est
enfoncé dans lavase, tandis qu'elle découvre sa face-
et coasse - en direction du ciel.
§ 28o 1. Auw-GELLE, Nuits att., Xlll, c. 8 (trad. Nisard 2. Ces gens sont semblables au zéro dans les

p. 635)· nombres : ne signifiant rien par lui-meme, il donne


2. SÉNÉQUE, Lettres a Luc., L. 6, 5 (Belles-L. 1 p. I7s); aux autres chiffres une signification.
Lett. zo, z (ibid. p. 8 1s); Lett. 24, 15 (p. 107). )· 11s so?t co~me une idole ay_ant l'apparence de
__ § z8I L,,STACE, La Thébai'de, VII, 438-440 (voir trad. Nisard, D1eu ou d un samt, sans en avotr la nature, selon
p.' 203)·

.l
;1
612. EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 1.7
pastor et idolum, derelin<tuens gregema», «ldolum Za 1 1 : « Ó pasteur et idole, toi qui abandonnes
autem nihil est in mundo ». · ton troupeaua.» «Car une idole est néant dans le
Quarto secundum Horatium sunt similes coti mondeb.» · ·
lapidi: 4· Selon Horace, ces gens sont semblables a des
« Fungar vice cotis, acutum pierres de meule: «Je servirai de (pierre de) meule,
reddere quae ferrum valet, expers ipsa secandi ». bonne pour aiguiser le fer, mais incapable de couper
283. Tertio principaliter notandum quod isti fa- elle-meme t.»
ciunt contrarium deo, naturae et arti. Deo quidem, 283. On observera en troisieme lieu, a titre prin-
quia deus ait : « Diliges proximum tamquam te cipal, que pareilles gens agissent contre Dieu, contre
ipsum a». Isti autem diligunt proximum plus quam se la nature et contre l'art. ·
ipsos, quia alios volunt salvari docendo, se ipsos 1. Contre bieu, paree qu'il a dit: «Tu aimeras ton
negligunt male vivendo. prochain comme toi-triemea. » Mais ceux-la aiment
Naturae sunt contrarii, quia «lingua» congruit vraiment leur prochain plus qu'eux-memes, puisqu'ils
primo «in gustum » propter es se, secundo «in veulent sauver les autres en les enseignant, tandis
loquelam» «propter bene esse», ut ait ph~lo~ophus, qu'ils se négligent eux-memes en vivant mal!
isti loquuntur antequam gusten t. Praeterea ~stl volunt 2. Contre la nature, paree que «la langue sert
prius. bene esse quam esse, cum loquela stt propter d'abord au gout en vue de l'etre, et ensuite a la parole
bene esse, gustus propter esse. Praeterea contra en vue du bien-etre», comme le dit Aristote 1 • Mais
naturam volunt mortui loqui, dum in se mortui ceux-la parlent avant de gouter. Ils ·verilent leur
loquuntur ~t doce~t. Prae~erea contr~ naturam es.se bien-etre avant leur etre, puisque la parole sert au
volunt acctdens sme subtecto et sme substantta, premier et le gout au second. Ils sont cohtre la nature,
colorem <habere > sanctitatis sine sanctitate. Rursus car ce sont des morts qui veulent parler, qui morts en
contra naturam, quae prius nutrit quoad . esse sui eux-memes parlent et enseignent. Contre la nature, ils
ipsius et etiam augmentat, secundo quoad bene et veulent l'accident sans sujet ni substance, la couleur
perfectum esse sui ipsius, tertio et ultimo gene!at de la sainteté sans la sainteté elle-meme, contre la
quantum ad alios. Adhuc autem cont.r~ natura?l pnus nature qui cómmence par nourrir et accroitre son
volunt esse tale quam esse, esse scthcet acctden~ale propre etre - en troisieme lieu enfin, engendre
quam esse substantiale. Multiformes sunt, plurahta- d'autres etres. Contre la nature, ils veulent l'etre tel
tem formarum sentiunt. avant l'etre, l'etre accidente! avant l'etre substantiel.
Et multiformes eux-memes, ils enseignent la pluralité
§ 282 a. Za u, 17. h. 1 Co 8, 4· § 283 a. Me 12, 3I. t;-
des formes 2!
Lv 19, 18.

§ 282 1. HoRA_CE, Art poétique, 304-305 (Belles-L., Épltres, § 283 1. ARJSTOTE, De l'ame, II, c. 8, 420 bx8s.
p. 218)~ - '- 2. Pour la dépendance de la forme accidentelle, cf. ci-dessus
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 27

284. Adhuc autem contra artem : venator quando . 284. Enfin, contre l'art: lorsque le chasseur veut
vult canes incitare ad cursum, ponit strictius cornu ad inciter les chiens a courir, il presse la trompe a. sa
se ipsum, ad os proprium et latius extendit dexteram bouche, serrée contre lui, tandis qu'il fait un large
adversus canes. Isti e converso sibi sunt largi et geste de la main droite al'adresse des chiens. Ces gens
mites, aliis austeri. Contra quos Chrysostomus super sont au contraire généreux et doux envers eux-
Matth. 2 3 sic ait : «Vis apparere sanctus? Circa vitam memes, mais séveres envers les autres. Dans son
tuam esto austeros, circa aliorum autem benignus ». commentaire de Mt 5, Chrysostome parle ainsi contre
Rursus auriga non solum clamat verbo super equos eux: «Veux-tu passer pour saint? Sois sévere en ce
suos, sed et humeros supponit ad rotam. qui regarde ta propre vie, mais clément pour celle des
In figura praemissorum dicitur 1 Reg; 1 8 : « Saul autres 1• » Et le cocher, d'autre part, ne se contente pas
percussit mille, et David decem milia a», Saul docens des mots qu'il crie a ses chevaux, mais pousse la roue
et pugnans verbo, «David», « speciosus b» et « manu de l'épaule. ;': -. .
fortis», docens et pugnans exemplo. Rursus de li est dit en figure des choses qu'on vient de
Ioseph cantat ecclesia sumens de Psalmis : « Manus rapporter, 1 R 1 8 : « Saül eh tua mille, et David dix
ejus in laboribus servierunt e»; et post sequitur : « et millea», Saül enseignant et luttant par la parole,
lingua eius inter príncipes loquebatur sapientia!Jl ». «David», « beau b» et «courageux dans l'actionz»,
Act. 2 dicitur : « Repleti sunt spiritu sancto»; et enseignan! et luttant par 1' exemple. Et a propos de
sequitur: «coeperunt loqui d». Joseph, l'Eglise chante ces versets des Psaumes : «Ses
mains ont serví dans les travauxc»;. ce passage est
suivi de : « Et sa langue a anrioncé la sagesse parmi
285. Et quía praemissa verba frequenter valde les princes 3. » Dans Ac 2, il est dit : «lis furent
assumuntur sive in sermonibus sive in prothematibus remplis . du . Saint-Esprit», ensuite: «lis commen-
cerent a parlerd. »
285. Les paroles qu'on vient de commenter étant
a. 1 R 18, 7· b. 1 R 16, 12; 17, 42. e~ Cf. Gn 39, 1. tres souvent prises pour themes ou prothemes t de
Ps So, 7· d. Ac 2, 4·

Pro/. gén. § 8; Q11. París. I § 11; Comm. Ex. §54· Allusion


ironique a la these contemporaine de la pluralité des formes 3· Joseph en Egypte (Gn 37s); Répons de l'Office canonial
substantielles chez un su jet humain, rejetée avec THOMAS d' AQ. : pour le lile Dim. de Careme, 2e Nocturne, apres la 4e Lectio
cf. ci-dessus § 196. selon l'office des Precheurs, la 5e selon le rite romain.
§ 284 1. jEAN CHRYSOSTOME; Op. imperf. in Matt., hom. 43 § 285 · 1. Dans la technique médiévale du Sermon solennel, le
(PG 56, 878). protheme est un second theme qui, apparenté au theme prin-
2. «David» signifiant manufortis, «courageux dans l'action»: cipal, serta introduire la priere initiale. Voir TH.-M. CHARLAND,
)ÉR(>_ME, Lib, inlerp. hebr. nom. (CC 72 p. 103, 11; p. 135, 9; Artes praedicandi. Contrib. a l'hist. de la rhétorique du m. a.,
P·I45,13;p.15~,29)· " " chap. 2, p. 125s.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GENES E 1.7

sermonum, propter hoc plura hic notare volui tam de sermons, j'ai voulu noter id -davantage de choses,
sanctorum auctoritatibus et philosophorum quam tant en ce qui concerne les citations des Peres et des
etiam de exemplis et similibus, ut nunc unum, nunc philosophes, qu'en donnant des exemples et des
aliud, sicut cuique placuerit, acdpiat vel assumat. comparaisons, pour que chacun, selon ce qu'il lui
Notavi de hoc super illo Matth. 7: «In vestimentis plaira,. puisse prendre o u emprunter tantot une eh ose,
oviuma». tantot l'autre. J'ai (aussi) traité de ce sujeta propos de
Mt 7 : «En vetements de brebis a.»

Det tibi deus de rore caeli et de pinguedlne Biens du ciel et biens terrestres.
terrae abundantlam.
Que Dieu te donne ~n abondance de la rosée du
286. Nota primo quod in benedictione Iacob prae-
ciel et de la graisse de la terre (27, 28).
mittitur : de rore caeli, posterius additur : de pinguedine
terrae,.in benedictione verb Esau e converso praemit- 286. r. A remarquer que, dans la bénédiction de
titur: «in pinguedine terrae» et post additur: «in Jacob, il est dit d'abord: de la rosée du ciel et
rore caeli». Boni enim primo amant et quaerunt qu'il est ajouté ensuite : de la graisse de la terre,
caelestia et deinde temporalia, Matth. 6 : « Primum tandis qu'a l'inverse, dans la bénédiction d'Esaü,
quaerite regnum dei», «et haec omnia adidentur il est dit d'abord : «dans la graisse de la terre» et
vobisa», mali autem praeponunt sibi in animo et qu'ensuite est ajouté: «dans la rosée du del». Car les
quaerunt «possessionem dtra Iordanem h», Num. 32. gens de bien aiment et recherchent premierement les
Rursus boni operantur quae agunt amore iustitiae, choses célestes, ensuite les temporelles, selon Mt 6:
mali vero timore poenae, Horatius : « Cherchez premierement le royaume de Dieu » et
« Oderunt peccare boni virtutis amo re, «toutes choses vous seront données de surcro!ta» -
oderunt peccare mali formidine poenae. » tandis que les méchants préferent en leur ame et
Attendunt boni · rorem gratiae, mali vero terram recherchent «les possessions en de~a du Jourdain»,
gehennae. Nb 32 b 1 • Et d'autre part, les gens de bien font ce
qu'ils font par amour de la justice, tandis que les
méchants le font par peur du chatiment, (comme le
dit) Horace :
« C' est par amour de la vertu que les gens de bien
détestent pécher;
1. A vec HuGUES de ST-CHER, Postille sur Nombres }2 (I
f. 149 rb; g), qui transcrit la Glose issue de B:EDE, Comm. sur C'est par crainte du chatiment que les méchants
Nombres, c. 32 (PL 91, 371). détestent pécher2. »
2 •. H~RA~~. Epítre 16, 52 (Belles-Lettres I, p. 109; le texte du l . Les gens de bien s'attachent a la rosée de la grace
l ".:
secó~d vers cité est différent). mais les méchants a la terre de géhenne.
6x8 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 27- z8

. 287. Secundo notandum quod non solum spititua- . 287 .. 2. A noter que non. seulement les choses
ha et aeterna sunt a deo sicut a creatore sicut et · éternelles et spirituelles proviennent de Dieu en tant
largitore, verum etiam et bona temporalia. que créateur et donateur, mais aussi les biens tem-
Tertio notandum quod in donis divinis semper porels. ·
relucet dantis liberalitas - det, inquit, non : vendat aut 3· A noter que dans les dons divins resplendit
reddat; un de : « Quis prior dedit illi a?>~, Ro m. 1 1 - toujours la libéralité du donateur : qu'il donne, est-il
recipientis utilitas, cum dicitur : tibi. Dativus enim dit, non qu'il vende ou qu'il rende; d'ou : «Qui lui a
a~qui.sitivus est, utilitatem habens et significans reci- donné le premier? >~ Rm 1 1 a; et l'utilité du service
ptentls. rendu a celui qui rec;oit, lorsqu'il est dit : atoi. Car le
Item doni abundantia et immensitas notatur, cum datif est le cas de l'acquisition, il implique et signifie
dicitur: de rore caeli et de pinguedine terrae abundantiam. quelque chose d'utile a celui qui rec;oit.
De his tribus Iac. 1 : « Dat omnibus affiuenter b» De meme, il faut noter l'abondance et l'immensité
«nec enim ad mensuram date» dominus, Ioh. 3· Secu; du don, lorsqu'il est dit : 1'abondance de la rosée du ciel et
est de aliis donis quantum ad omnia tria praedicta. de la graisse de la terre.
Concernant ces trois derniers points, voir J e 1 : « Il
donne a tous abondammentb», et Jn 3 : «Car il donne
sans mesurerc. » Mais les trois explications susdites ne
s'appliquent pas aux autres dons.

CAPITULUM DUODETRICESIMUM
CHAPITRE VINGT-HUITIEME

Vocavitque Isaac lacob. Et infra: viditque Et Isaac appela Jacob (28, 1). Et plus has: Et il
in somnis sctilam ·stantem etc. Et infra : dominum vit en songe une échelle dressée, etc. (sur la terre,
innlxum scalae. son sommet atteignant le ciel, et les anges de
Dieu y montaient et descendaient) (28, 12). Et
288. Notandum quod se~undum Rabbi Moyses plus bas :le Seign~ur deb?ut sur l'échelle (28, 13).
l. II c. 1 1 scala ista totum universum parabolice
significat. «En tia enim dividuntur tripartito : prima 288. Il faut remarquer que, selon Mai:monide,
pars intellectus separati, et ipsi sunt angeli. Secunda livre II, chap. 1 1 ( du Cuide des Égarés), cette échelle
pars corpora caelorum. Tertia pars materia prima, signifie symboliquement tout l'univers. «En effet, les
scilicet corpora variabilia, quae sunt infra caelos. » etres se divisent en trois parties : la premiere com-
prend les intellects séparés, ce sont les anges. La
:::
deuxieme les corps célestes. La troisieme la matiere
a. Rm Il, 35· b.· Jc I, 5; c. Jn 3, 34· premiere, c'est-a-dire les corps changeants qui sont
11

1
62.0 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 2.8 62.1

Quibus omnibus dominus innixus est, creator ipse au-dessous des cieux t.» Au-dessus d'eux tous, setient
universi. le Seigneur, lui le Créateur de l'univers.
Unde ipse in Prologo primi libri dicit in parabola C'est pourquoi Ma!monide dit au prologue du
huius scalae septem notanda. Primum est, quod livre I qu'il faut noter sept points. dans le
dicitur sea/a. Secundum, quod. dicitur posita in !erra. symbolisme de cette échelle, a savoir que l'auteur
Tertium, quod dicitur: cacumen eius tangebat caelum. a dit 1. une écheJ/e ,· 2. dressée sur la !erre; 3. son
Quartum, quod ait angelos. Quintum, quod ait ascen- sommet touchait le· ciel; 4· les anges; · J. montan!;
dentes. Sextum, quod ait descendentes. Septimum, quod 6. descendant,· 7· le Seigneur debout sur l'éche/Je 2 • J'ai
ait dominum innixum scalae. Notavi de hoc plenius in développé cela davantage dans le traité Des symboles
tractatu De parabolis rerum naturalium. des choses de la nature3;

Prépondérance du malheur dans la vie humaine,


Si fuerit deus mecum et dederit mihi panes vraie raison : le péché. ·
ad vescendum et vestem ad induendum.
Si Dieu est avec moi et me donne des pains a
289. Notandum· quod Rabbi Moyses l. III c. 13 manger et un vetement pour m'habiller (28, 20).
tractans haec verba solvit duas quaestiones, quas ab
antiquo multi communiter movent. Prima est, quod 289. Il faut remarquer que Ma!monide, livre XX,
«mala mundi sunt plura quam bona». Et «cum chapitre 1 3, résout deux questions qui, depuis les
tempus quietis et delectationis hominis comparaveris ages anciens, émeuvent partout beaucoup de gens.
angustiis et doloribus », « infirmitatibus et impe- Selon la premi<~re : «Les maux de ce monde sont plus
dimentis, videbis ·quod esse hominis est ultio et nombreux que les biens. » Et «si 1' on compare le
magnum malum», secundum illud Iob 7: «Militia» temps de repos et de joie a celui des angoisses et des
vel «malitia» vel «temptatioa» secundum aliam lit- obstacles, on verra que l'existence de l'homme est
teram «est vita hominis super terram». et: «Horno un chatiment et un grand malheur 1 », selon Jb 7 :
natus de muliereb» «repletur multis miseriis» etc., «La vie de l'homme sur terre est une "milice"
Iob 14. ou "malice" ou, selon une autre lecture, "tenta-
Secunda ·quaestio est, qua homines mala quae tion a". » Et « L'homme né de la femme » « est plein de
patiuntur ascribunt necessitati infirmitatis humanae nombreuses miseres», etc., selon Jb 14 h_
La seconde question réside en ce que les hommes
attribuent les maux dont ils souffrent ala nécessité ou
a. Jb 7, 1 : tentation: Vet. latina. b. Jb 14, 1-2. ..

§z88 1. MA1MONIDE, !bid, II, c. 11 (fin: f.45r 18s; Munk 3· Voir Parab. Gen. § 2.04-2.12..
c. 10, II P..· 91)._,Cf.. Parab. Gen.§ io4s; Comm.Jean§ 175. § 2.89 1. D'apres MArMoNIDE, ibid, III c. 13 (début; f. 75V;
z . .Ofbid.) i, c. 1; Prooem. (f. 3v5os; Munk I·p. zo). Munk c. 12., II p. 66s).
6z.z. EXPOSITIO LIB. GENESIS ..,; COMMENTAIRE DE GENESE z.B 62.3

natu~ae, casui et fortu~ae pot~us quam culpae suae, les met la faiblesse de la natúre humaine, au hasard et
quast_ deo non provtdente nec · gubernante res au_ destin, plutót .qu'a leur propre faute, comme si
humanas, secundum illud : ·« Circa cardines ca~li Dteu ne pourvoyatt pas aux choses humaines ni ne les
perambulat nec nostra consideratc», Iob 22. gouvernait 2, selon ce passage de Jb z2 : «11 parcourt
les póles célestes sans nous considérer e. »
290. Ad utramque quaestionem respondet ex ver-
bis praemissis : Si fuerit deus mecum et dederit mihi panes 290. (Maimonide) répond a ces deux questions en
etc., dicens quod malum hominis non est in pluribus, se fondant sur la parole qu'on vient de citer: Si Dieu
sed paucioribus, si respiciantur homini necessaria, est ave~ moi et me donne des pains, etc. 11 dit que le mal
puta victus et ves ti tus,· 1 ad Tim. 6 : « Habentes humatn ne touche pas la majorité des hommes mais
alimenta et quibus tegamur, his contenti simusa». une minorité, si on regarde ce qui leur est néce;saire
« Paucis enim minimisque natura contenta est», ut ait a savoir le vivre et le vetementt, selon 1 Tm 6;
Boethius 11 De consolatione~ et post ibidem : « Lors9ue nous avons de la nourriture et de quoi nous
«Felix nimium prior aetas · couvrtr, soyons-en contentsa.» En effet, la nature se
contenta fidelibus ·arvis ». contente de peu et de choses infimes conime le dit
Iuxta quod poeta ait : B~ece au livre 11 de la Consolation, et pius loin dans le
«Si ventri bene, si lateri pedibusque tuis, nil meme ouvrage :
divitiae poterunt régales addere maius ». « Bienheureux les hommes des ages anciens
Si autem respiciantur superflua, in quae fertur ·cóncu- Qui se contentaient de rester fideles a leurs
champs2! » · ·
piscentia, sic certe malum est in pluribus. Et hoc est
quod apostolus 1 ad Tim. 6 : « Qui volunt di vi tes .A cela le poete ajoute : _
fieti, incidunt in temptationes et iillaqueum diaboli et «Si ton ventre est satisfait, si tes flanes et tes pieds
desideria multa et in utilia et nociva b» Et · hot est sont a l'aise,
quod hlc Iacob orat dicens : Si fuerit detiS meeum et Les richesses royales ne pourront rien t' apporter de
plus3. » .
Si l'on consider~ en revanche le superflu, sur lequel
se porte la concuptscence, alors, certes, le mal atteint
la majorité des hommes 4. C'est ce que dit 1'Apótre,
1 Tm 6: «Ceux qui veulent s'enrichir tombent dans
c. Jb z.z., 14. § 2.90 a. 1 Tm 6, 8. b. 1 Tm 6, 9· les tentations et les lacets du diable et en toute sorte
de désirs inutiles et nocifs h.» C'est pourquoi Jacob
dit ici dans sa priere: Si Dieu est avec moi et me donne des
z.. Inspiré de Malmonide toujours, ibid. (f. 76r z.1s; Munk
p. 70).
§~90 1. Cf. _MAIMONIDE, ibid. (f. 76 qz.-v; Munk p. 71s).
4· D'apres MAIMONIDE, ibid. (f. 76vxs; Munk p. 74s) et ARIS-
).: .B"oocE.;·· Co!Zsol. Phi/os., comme ci-dessus § 12.6. TOTE, Top., II, 6, x ub x I-IZ.
3· HoRACE, Epitres, 12., ~ (Belles-L., I p. 90) .

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EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE zB 625
t
dederit mihi panes ad vescendum etc., secundum illud pains pour me nourrir, ett.'~ selon Mt 6 : « Donne-nous
Matth. 6 : « Panem nostrum cotidianum da no bis e», notre pain quotidienc»; Pr 30: «Ne me donne ni
Prov. 30: «Divitias et paupertates ne dederis mihi, richesse ni pauvreté, mais attribue-moi seulement ce
sed tribue tantum victui meo necessaria d». qui m'est nécessaire pour vivred. » .
291. Ex·· dictis patet ad secundam quaestionem 291. Ce qu'on vient de dire répond avec évidence a
quod non ascribenda sunt mala necessitati naturae la seconde question : il ne faut pas attribuer les maux
aut defectui gubernationis divinae, sed culpae et a une nécessité de la nature ni a un défaut du
stultitiae hominis; Prov. 19: «Stultitia hominis sup- gouvernement divin, mais a la faute et a la sottise de
plantat gressus eius, et contra deum fervet animo l'homme t, selon Pr 19 : «La sottise de l'homme le fait
suoa. » Et hoc est quod Sallustius De bello Iugur- trébucher, et son ame s'emporte contre Dieu a.» C'est
thino ait : «Falso queritur de natura sua genus ce que dit Salluste, dans la Guerre de ]ugurtha : «C'est a
humanum». «Sin» «animus» «captus pravis cupidini- tort que le genre humain se plaint de ~a nature. Mais
bus », «perniciosa libídine» « pessum da tus», «aliena en vérité, si l'ame prisonniere de désirs dépravés et de
aut nihil profutura», ·«etiam periculosa» homines passions funestes s'adonne au mal, alors les hommes
«appetunt», casibus «reguntur magis quam regant désirent des choses étrangeres, d'aucun profit ou
casus». Et Seneca Epistula 4 dicit: «Lex naturae» meme dangereuses, et ils sont régis par les hasards
terminum statuit «non esurire, non sitire»- quod hic plutot qu'ils ne les maitrisent2. » Et Séneque dit dans
dicitur : panes ad vescendum - «non algere » - quod hic la Lettre 4 : «La loi de la nature a fixé pour norme a
dicitur : vestem ad induendum. Et sequitur in Seneca : l'homme de ne pas avoir faim, de ne pas avoir soif. »
« Ut famem sitimque depellas », «non est necesse C' est ce qui est dit ici : un vétement pour m' habiller. Et
maria temptare nec sequi castra». «Ad manum est, Séneque poursuit: « Pour chasser la faiin et la soif,
quod satis est»; «ad supervacua sudatur. lila sunt, point n'est besoin de se risquer sur mer ni de s'enroler
quae conterunt, quae nos senescere» «cogunt». Unde dans l'armée. Ce qui suffit esta pottée de main, mais
Epistula 2.2. ait: «non naturae vitium est» quod male on se met en sueur pour le superflu. C'est cela qui
vivimus. «lila de nobis conqueri debet et dicere : nous déchire, qui nous fait vieillir. » C'est pourquoi il
Quid est hoc? Sine cupiditatibus vos genui, sine dit dans la Lettre 22 : «Ce n' est pas la fa u te de la
timoribus, sine superstitione, sine perfidia ceterisque nature si nous vivons mal. Elle devrait se plaindre de
pestibus. Quales intrastis exite. » Eccl. 7 : « Inveni nous et dire : Qu'est-ce? Je vous ai enfantés sans
désirs, sans craintes, sans superstition, sans infidélité
et sans toutes les autres laideurs. Quittez done ce
c. Mt 6, 11 (Vet. lat. et liturgie). d. Pr · 30, 8.
§ 291 a. Pr 19, 3·
2. SALLUSTE, la Guerre contre Jugurtha, 1, 1 et 4, 5 (Belles-L.
p. 75S).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 30
quod fecerit deus hominem rectum et ipse se infinitis monde comme vous y etes entrés 3 1» Et Qo 7: «J'ai
miscuerit quaestionibus b. » Notavi de bis diffuse in trouvé que Dieu a fait l'homme droit, mais il s'est
Opere
1
quaestionutn, ubi de malo quaeritur, utrum sit
summum malum.
englué dans des problemes sans fin » J'ai traité °.
abondamment de cela dans l'CEuvre des questions, la ou
l'on demande, au sujet du mal, s'il y a un mal
supreme 4•

CAPITULUM TRICESIMUM CHAPITRE· TRENTIEME

Cernens autem Rache/, Et infra : ponebat autem lnfluence de l'imaginaire et du désir sur le corps.
Iacob vlrgas ln canallbus aquarum etc.
Mais lorsque Rachel vit (30, 1). Et plus bas :
Jacob mit les baguettes ... dans les abreuvoirs (ou
292. Notandum quod praeter id quod Augustinus les betes· venaient boire, et les betes s'accou-
hic inducit de hypotheca et est in Glossa, sumpta ex .plaient en venant boire. Elles. s'accouplerent
Hieronymo, Avicenna VI Naturalium p. IV c. 4 sic done devant les baguettes, et elles mirent has des
ait : «Attende dispositionem infirmi, cum credit se petits rayés; mouchetés et tachetés) (3o, ·39).
convalescere, aut dispositionem sani, cum credit se
292. Outre ce qu' Augustin dit id de cette ac~i?n et
aegrotare. Multotiens contingit ex hoc, ut, cum
de ce qui se trouve dans la. Glose. et est ~lr~ de
corroboratur forma in anima eius, patiatur ex ea
Jéróme t, il faut noter qu' Avtcenn: parle ~mst, au
ipsius materia et proveniat ex hoc sanitas aut infir-
livre VI des Choses de la nature : « Prete ~ttentton a la
mitas. Et est actio haec efficacior quam id quod agit
disposition du malade quand il croit qu:il s~ rétablir~,
medicus instrumentis ~uis et mediis. Et propter hoc ou a celle de l'homme en bonne sante, s tl se crolt
malade. Il arrive tres fréquemment qu'une telle repré-
..
1 "'
~_,
sentation, lorqu'elle acquiert de la force en l'ame,
h. Qo 7, 30. informe la matiere qui lui est soumise et produise
ainsi la santé ou la maladie. Et cette action est plus
3· SENEQUE, Lett; 4, xo-I1 (Belles-L., 1 p. us); L. 22, 15 (íbid. efficace que celle du médecin avec ses instruments et
p. 97)·
4· Ouvrage inconnu aujourd'hui.
§ ~92 _1. .1\VGUSTIN, Qu. in Hept. 1 q. 93 (p. 47s). Comm~ 1~ celui de subpositio d' Aug. (ibid. q. 95, p. 49, 17). )ÉRÓME, Heb. qu.
note K. WEISS (LW I, p. 429 n. 1) le terme hypotheca renvo1e a in Gen. (CC 72, 37s), repris parla Glose (PL 113, 157).
628 EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 30

horno P?test ambulare super trabem, quae est tn ses techniques. C'est pourquoi un homme peut mar-
media v1a; sed si posita fuerit pons super aquam cher sur une poutre qui se trouve au milieu du
profundam, non audebit ambulare super eam, eo chemin, mais si elle sert de pont au-dessus d'une eau
quod imaginatur in anima eius forma cadendi vehe- profonde, il n'osera pas passer dessus, paree que
menter impressa, cui oboedit natura eius et virtus l'image de la chute s'imprime puissamment en son
membrorum eius». ame, comme une forme a laquelle obéissent sa nature
et la capacité de ses membres2, »
293· Rursus in libro suo De animalibus l. VII in 293· Avicenne dit d'autre part, dans son livre des
fine sic dicit Avicenna: «De mirabilibus animalium Animaux, livre VII, vers la fin : « Parmi les eh oses
est, ~uando gallina vincit gallum in pugna, erigit étonnantes concernant les animaux, lorsqu'une poule
qu.asl e.sse~ gallus et el~vat. caudam suam et percutit est victorieuse d'un <:oq dans un combat, elle se
su1s ahs In sua luxurta stcut gallus, et aliquando souleve comme si elle--était un coq, éleve la queue et
nascitur cornu in crure suo quasi gallo. Et in hoc bat des ailes de plaisir comme un coq, et parfois illui
potest percipi oboedientia naturae in cogitationibus pousse un ergot a la patte, comme au coq. On peut
animae, quando propter suam cogitationem post percevoir en cela comment la nature obéit aux repré-
pugnam nascebatur ei cornu in crure ». sentations de l'ame, puisqu'apres le combat il luí a
poussé un ergot a la patte, a cause de sa représen-
tation t.»
294· Ad hoc facit quod Augustinus XI De trinitate 294. A ce meme propos, Augustin dit au livre XI
c. 2 dicit quod «Amor aut cupiditas aut libido corpus de la Trinité que «l'amour ou le désir ou la concupis-
animantis vehementer afficit et, ubi non resistit cence affectent fortement le corps d'un etre animé et
·f pigrior duriorque materies, in similem speciem colo- que, lorsque ne s'y oppose pas une matiere trop
remque commutat. Licet videre corpusculum cha- paresseuse ou trop rétive, cet amour le rend sem-
maeleontis ad colores quos videt facillima conver- blable en apparence et en couleur a ce qu'il aime. On
sione variad. Aliorum autem animalium, quía non est peut voir le petit corps du caméléon changer avec
ad conversionem facilis corpulentia, fetus plerumque beaucoup de facilité en adoptant les couleurs qu'il
produnt libídines matrum, quid cum magna delecta- voit, _tandis que chez d'autres animaux, dont la
tione prospexerint. » corpulence ne se prete pas aisément a ce changement,
les petits expriment (par leurs apparences) quel fut le
désir de leurs meres, et ce qu'elles eurent grand plaisir
a regarder 1, »
2.. AVICENNE, De ani!lla, p. IV c. 4 (Van Riet II p. 64).
§ 293 De ani!lla!ibus, VII c. 7 (Venise 1 5oS, f. 40
1 .. Av.I<;;ENNE,
va 3os).. - - .· · § 294 1. AUGUSTIN, La Trin. XI, n, 5 (BA x6 p. 172.).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 32·

CAPITULUM TRICESIMUM CHAPITRE TRENTE-DEUXIEME


SECUNDUM
La solitude n'est bonne que pour le sage.
Jacob aussi partit (32, 23). Et plus has: 11 resta
Iacob quoque abt"t"t. Et infra: remanst"t solus, seul, et voici qu'un homme lutta avec lui (3 2, 24).
et ecce vt"r luctabatur cum eo. 295. On doit noter a ce propos que l'homme est
295· Notandum ex hoc quod horno temptationi- exposé aux tentations lorsqu'il demeure seul, selon
bus exponitur, dum solus fuerit, Eccl. 4 : « Vae solí, Qo 4: «Malheur a l'homme seul, car s'il tombe i1
quía, si ceciderit, non habet sublevantem se», et n'aura personne pour le relevera. » Et plus haut:
praemittitur « melius est simul duos esse qqam «Mieux vaut etre deux ensemble qu'un seul, car ils
unum; habent enim emolumentum societatis suae a». ont l'avantage de leur communauté. » Séneque écrit
Seneca in Epistula Io ·sic scribit: «Zenocrates» ceci dans la Lettre Io: «Ayant vu un jeune homme
«cum vidisset adulescentulum secreto ambulantem, marcher a l'écart, Zénocrate (Crates) luí demanda ce
interrogavit quid illic solus faceret. "Mecum", inquit, qu'il faisait la tout seul - Je parle avec moi-meme,
"loquor". Cuí Zenocrates : "cave", inquit, "rogo, et dit-il. Zénocrate lui répliqua : Prends garde, je te prie,
diligenter attende, ne cum homine malo loquaris" ». et fais bien attention de ne pas parler avec un
«Nemo est ex imprudentibus, qui relinqui sibi méchant. On ne doit laisser seul personne d'inexpéri-
debeat. Tune mala consilia agitant», «tune, quidquid menté. Tantot de telles gens fomentent de mauvais
aut metu aut pudore animus celabat, exponit, tune desseins, tantot leur ame fait montre de ce qu'elle
audaciam acuit, libidinem irritat, · iracundiam insti- cachait auparavant par peur ou par honte; tantót elle
gat». Et post Epistula 25 sic ait: «Ümnia nobis mala aiguise leur audace, excite leurs désirs, aiguillonne
solitudo persuadet. Cum iam profeceris tantum, ut leur colere 1. » Puis il dit dans la Lettre 2 5 : «La
sit tibi etiam tui reverenda, licebit dimittas pae- solitude nous conseille tous les maux. Lorsque tu
dagogum; interim te aliquorum auctoritate custodi. » seras parvenu au respect de toi-meme, alors il te sera
De hoc vide II II quaestione paenultima articulo permis de renvoyer ton maitre; en attendant fais-toi
ultimo. garder par des hommes qui ont autorité2. » Voir a ce
sujet Ila Ilae, avant-derniere question, dernier ar-
ticle3.

a. Qo 4, 1 o et 9·
z. SÉNEQUE, Lett. 2J, 5-6 (ibid. p. 1 13).
¡: SÉNEQUE, Lettres a Luc., L. IO,· I-2. (Belles-L., 1 p. 34)· 3· THOMAS d'AQ., ¡¡a_/l« q. 188 a. 8.
EXPOSITIO LIB. GENESIS . COMMENTAIRE DE GENESE 32 633

Nequaquam lacob appellabltur nomen tuum,


f._ed Israel.
296. Quaerit Augustinus quomodo Iacob, «cuí»
dominus « dixerat : "non vocaberis Iacob, sed Israel
'
1~
.!lif La béatitude consiste en la connaissance de Dieu.
Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israel
(32, 29)·
296. Augustin demande: «Pourquoi Jacob, a qui
erit nomen tuum"», «per totam vitam suam» etiam le Seigneur avait dit: "Tune t'appelleras pas Jacob,
ab ipso domino «et deinceps post vitam suam appel- mais Israel sera ton no m a,, fut appelé J acob pendant
labatur · Iacoba», secus in omnibus aliis, quibus toute sa vie- par le Seigneur lui-meme- puis ~pres, s~
mutata sunt nomina. Postquam · enim dictum est mort, a la différence de ceux dont les noms avatent ete
Abrae supra decimo septimo quod non Abram, sed changés t? » En effet, apres qu'il fut dit a Abram, plus
Abraham vocareturh, nec in scriptura nec in usu haut, au chapitre 17, qu'il ne s'appellerait pas Abra~,
loqúendi deinceps vocatus est Abram. Respondet mais Abraham h, ~m~ne l'appela plus par la sutte
autem Augustinus dicens quod « hoc nomen» «Israel, Abram ni dans l'Ecriture, ni dans l'usage courant.
"videns deum" », « ad illam pertinet promissionem » Augustin répond a ce sujet que: «Ce noni, Israel»,
si ve ad illam vitam, ubi «non erit nomen vetus », c'est-a-dire "voyant Dieu 2"; «appartient a cette pro-
luctac scilicet, «et dei visio summum erit praemium». messe, ou a cette vie en laquelle le "vieux nom" de
Nota ergo aperte sententiam Augustini quod beati- "luttew n'existera plus et ou la vision de Dieu sera la
tudo consistit in visione sive in cognitione dei. De récompense supreme3. » Indiquo~s ~onc clair~ment
quo diffuse invenies in Opere quaestionum nos- !'avis d' Augustin selon lequella beat~tude constste en
trarum. la vision ou en la connaissance de Dteu. On trouvera
qu'il en est abondamment traité dans notre (Euvre des
297· Nunc autem aliquas sententias Augustini questions 4•
multum evidentes ínter alias ponencias iudico. Augus-
tinus De moribus ecclesiae sic ait : «Fortasse non 297· )'estime opportun de relever ici, entre autres,
incongrue quaeritur aeterna ipsa vita quid sit. Sed certains passages d' Augustin montrant. cela ave~ ,une
'' ,. clarté particuliere parmi les auteurs qm ont tratte de
ce sujet. Augustin s'exprime ainsi dans les Maurs de
/' Église : «Peut-etre n' est~il ,pas hors de. p~opos de
a. Gn 35. 10. b. Gn 17, 5· c. Gn 32, 24. rechercher ce qu'est la vte eternelle. Mats ecoutons

1. AuGUSTIN, Qu. in Hept. I q. 114 (p. 57). ·


2. Étymologie de l'appellation «<srael» d'apres )ÉRÓME, L.
interp. hebr. no m. (CC 72, p. 75, 21; p. 139, 22; p. 15 2, 15; p. 15 5, l'ange), l'étymologie du nom «<srael» selon Josephe rapportée
2o). par la Postille d'HuG,UES de ST-CHER ~f. 46ra; e). , .
3. Relié au monde présent destiné a faire place a u monde 4· Allusion au debat contemporam. sur ~e caractere. ~o1t
nouveau p~om~s. daos l'eschatologie et aux noms nouveaux, ce intellectif soit volitif du moment pnmord1al de la v1s1on
theme d~ lutte évoque, outre Gn 32;24 (lutte de Jacob contre bienheureuse. Voir § 13 5 note 1 ci-dessus.
EXPOSITIO LIB. GENESIS · COMMENTAIRE DE GENESE 31

eius largitorem potius audiamus. "Haec est", inquit, plutót celui qui en fait don: "La vie éternelle c'est
"vita aeterna, ut cognoscant te, verum deum3 »; et qu'ils te connaissent, toi vrai Dieu a"; et ·plus b~s :
infra : «Aeterna igitur vita est cognitio ipsa veri- "La vie éternelle est done la connaissance elle-meme
tatis. » de la vérité t ". »
Rursus in Epistula ad Dardanum sic ait : « Beatis- Il dit d'autre part dans la Lcttre a Dardanus: «lis
simi sunt, quibus hoc est deum habere quod nosse. sont les plus heureux, ceux pour qui posséder Dieu
lpsa quippe notitia plenissima, verissima, felicissima e'est le connaitre. En effet, cette connaissance est la
est. » plus pleine, la plus vraie, la plus heureuse2. »
Super Iohanne · parte tertia homilía 4 7 tractans Dans la troisic~me partie de son Commentaire sur
Au~ustinus illud lo h. 16 « Iterum autem vi debo saint Jean, Homélie 47, Augustin explique ainsi ce
vos » sic ait : « Ad fructum contemplationis cuneta texte de J n 16 : « Mais je vous verrai de no u vea u h » :
officia referuntur actionis. » « Ad hunc refertur quid- «Tous les devoirs de l'-action se rapportent au fruit de
quid bene agitur, quia propter hunc agitur. lpse la contemplation. C'est a ce fruit que se rapporte
autem non· propter aliud, sed propter se ipsum toute action bonne, car elle est faite pour lui. Quant a
tenetur et habetur. lbi enim finis est, qui "sufficit lui, il n'est pas pour autre chose, mais on le garde et
nobisc" ». on le possede pour lui-meme. Car il est la fin qui
Adhunc autem quarto Augustinus De trinitate l. I "nous suffitc" 3 • »
c. 8 hoc ipsum apertissime asserit et diffuse, tractans En quatrieme lieu enfin, au livre 1, chap. 8 de la
ad hunc sensum piures auctoritates Pauli et lohannis Trinité, Augustin affirme cela de fa~on tres claire et
in epistula. développée, comment~nt en ce sens plusieurs pas- ·
Haec ad praesens ex Augustino sufficiant, quamvis sages de Paul et de l'Epitre de Jean 4.
in locis quasi innumeris hoc idem testetur. Ces textes d' Augustin suffisent pour le moment,
quoique le meme enseignement soit attesté en des
passages quasiment innombrables de son ceuvre.

Cur quaeris nomen meum, quod est t~tlrablle?


lneffabilité du Nom divin.
298. Pri~o sic: nomen meum est mirabile3 , Psalmus:
Pourquoi demandes-tu mon nom, qui est
§ 297 a. Jn 17, 3· b. Jn 16, 22.. c. Jri 14, 8. admirable (3 2, 29)?
§ 298 a. Jg 13, 18. 298. · 1. Ainsi: Mon nom est: Admirable\ Psaume:

x. AuGUSTIN, Les Maurs de 1' Église, I, xxv, 47 (BA x p. 905).


¡! .
z. _4~Gl}STIN~-- Épitre z8¡, VI, z I (CSEL 57, p. xoo, 35).
3· AuGUSTIN, Trae/. injoan. t_r. xoi n° -~ (CC 36, P: ~93, z~5). 4· AUGUSTIN, La Trin. I, VIII, 17 (BA q p. 1 308).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 3z 6n
«Quam admirabile est nomen tuumb»; Is. 9: «Voca- «Que ton no m est admirable b1»; ls 9 : « 11 sera appelé
bitur admírabilis e». . · admirable C1. » .
Se.cu~do sic: Nomen meum admirabile: quod est, 2. Ainsi : Mon nom admirable : qui est, comme s'il
quas1 dtcat: ~oc .quod est .síve «quí est» ipsum est disait: ce qui est ou «celui qui est», cela meme est mon
nomen meum mtrabtle. Exod1 3 : «Ego sum qui sum » · nom admirable. Ex 3 : «]e suis celui qui suisd»; «Qui
« Qui est, misit me d» : hoc nomen meum. ' est m'a envoyé»: voila mon nom2. \
.2~. Tert~o s~c: Cu_r quaeris nomen meum, quod est 299. 3.. Ainsi : Pourquoi demandes-tu mon nom, qui est
mtrabtle? Muabde qUidem primo, quía nomen et admirable? En vérité, il est admirable d'abord paree
tamen «super omne nomen», Phíl. 2 : «Donavit illi que e' est un no m et que, pourtant, ce .no m est
nomen quod est super omne nomena». «au-dessus de tout nom», Ph 2 : «Illui a donné un
Secundo nomen est mirabile, quia nomen est innomi- nom· qui est au-dessus de tout nomat.»
~abile, nomen i~dícibil~ ~t nomen ineffabile. Augus- Ensuite, ce nom est admirable paree que c'est un nom
ttnus 1 De doctrma chr1st1ana locutus de deo sic ait : impossible a nommer, un nom indicible et un nom
«~!ximusne aliquid et s~nuimus dignum deo?» «Si ineffable2. Augustin, au livre 1 de la Doctrine chré-
d1x1, non est hoc quod dtcere volui. Hoc unde scio tienne, s'exprime ainsi apres avoir parlé de Dieu:
nisi quía deus ineffabilis est? Quod autem a m~ «Avons-nous dit et fait entendre quelque chose qui j
dictum est, si íneffabile esset, dictum non esset». « Et soit digne de Dieu? Si j'ai dit quelque chose, ce n'est ,~
~ic nes~io quae ~'!&na verborum. Quod si illud est pas ce que j'ai voulu dire. D'ou le sais-je, sinon paree fi
meffablle quod 1c1 non potest, non est ineffabile q~e J?i~~ ~st_ineffable~ Mais, d'a':ltre pa~t, ce que _j'a~ :j
quod vel ineffabile potest dici. Quae pugna verborum ~ht, src_etatt meffabl~, Je ne l'aura1s pa_s ~lt. 11 y a ams1 ,¡
sílentio cavenda potius quam voce pacanda est». Je ne sa1s quelle batadle de mots, ca~ s1l'meffable c'est :1
ce qui ne peut etre dit, n'est pas ineffable ce qui peut 1
etre appelé "ineffable". 11 vaut mieux se garder par l~e'
,30~.. Qu~~to : cur quaeris nomen · meum? Quod est silence de cette bataille de mots que de chercher a
mtrabtle, scdicet te quaerere nomen meum, cum sim l'apaiser avec des mots3! » . .·
300. 4· Pourquoi demandes-tu mon nom? (Voila) qui
est admirable : a savoir que tu demandes mon nom
h. Ps 8, 2. c. Is 9, 6: d. Ex 3, 14· § 299 a. Ph 2, 9·

§ 298 1. EcKHART s'inspire visiblement de la Postille d'H. de


St-Ch. sur ]uges 13,18 (f. 2o7vb, e), ou sont cités dans l'ordre 2. Pour la transcendance de Dieu au-dela de tout nom, cf.
Ps 8, Is ~ et le Tétragramme d'Ex 3,14. ci-dessus § 84, 270; Comm. Ex.§ 35, 166; Serm. lat. 4/r § 28; 4/2
2. Votr Comm. Ex.§ 14-26. . § 3o; 3 § 88-9o; 9 § 96; Serm. al/. 20a (DW 1 p. 329; Ancelet 1,
§ 299 L Textes .bibliques rapprochés comme chez DENYS p. 174)·
Noms.1J,iti. c. i~§ 6 (PG. 3., 596 A; Dion. I p. 43s). ' 3· AUGUSTJN, La Doct. chr. I, VI, 6 (BA 11 p. 186).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 31- 37
innominabilis. Mirabile cer~e quaerere nomen ret alors que je suis innommable. Et certes, il est admi-
innominabilis. rable de demander le no m d'une chose qu' on ne peut
Secundo mirabile quaerere . nomen eius, cuius nommer!
natura e~t es se absconditum, Is. 4 5 : «Vere tu es deus En deuxieme lieu, il est admirable de demander le
absconditus a)), no m de celui dont la nature est d' etre caché, seloh
Tertio: mirabile quaerere foris nomen eius, qui Is 4 5 : «Tu es vraiment un Dieu caché a 1 • »
non est extra, sed intimus est. Augustinus De vera En troisieme lieu, il est admirable de chercher
religione : « Noli foras ire, in te ipsum redi, in dehors le hom de celui qui n'est pas au-dehors, mais
interiori homine habitat » deus, «ve ritas», «ad quam au plus intime2. Augustin dans la Vraie Religion: «Ne
nullo modo perveniunt qui foris eam quaerunt». va pas dehors, rentre en toi-meme», Dieu, «la vérité,
habite dans l'homme intérieur, et qui la cherche
dehors n'y accede pa~;)).

CAPITULUM TRICESIMUM CHAPITRE TRENTE-SEPTIEME


SEPTIMUM
Quoique voilée, 1' image de Dieu es! toujours
présente en nous.
Ioseph cum sedecim esset annorum. Et infra : Lorsque Joseph eut seize ans (37, 2). Et plus
puer non comparet, et ego quo ibo? has: L'enfant a disparu, et moi ou irai-je (37, 3o)?
301. Notandum quod deus, imago dei nobis 301.11 faut remarquer que Dieu -l'image de Dieu
impressa, «lumen vultus dei super nos signatuma», imprimée en nous, «la lumiere de la face de Dieu

§ 300 a. Is 45, 15. § 301 a. Ps 4, 7·


d'apophase, «réplique au Cur quaeris nomen meum, o'IY la quete de
1. A propos .de ce passage sur pieu. c,ach~, V. ~ossK:, l'lneffable est finalement supprimée» (... ). «La fin demiere de
Théologie négative... , p. 2.2., propose une mterpretatlon surdetenru- l'etre, ce sont les ténebres ou la non.:.connaissance de la Déité
nante de la formule esse absconditum. A son gré, Eckhart l'emploie cachée ... » (p. 39). Voir Comm. Ex. § 2.37; Comm. ]ean § 195;
ici au sens substantif (sa nature est l'etre caché), alors qu'a notre Serm. lat. 8 § 86-9o; I2/2 § 144; JJ/4 § 547; Serm. al/. IJ (DW 1
avis il s'agit d'un sens simplement attributif (sa nature est d'etre p. zsz,7~;A_ncelet,lp. I4i);q(DWip. 2.84,Anceletp. ts6):
caché). Cette remarquen'ote aucunement sa valeur a !'admirable z. Votr ct-dessus § 14, x66; Comm. Ex. § 163; Comm. Str.
interprétation des§ 2.98-300 offerte par le chap. Ier de la Théokgie § zo, 54; Comm. Sag. § 135, 139; Comm.]ean § 2.38, 304; Serm.
négat. (p. 13-39). S'appuyant également sur d'autres textes, al/. 9 (DW 1 p. 143; Ancelet 1 p. xoo);
Lossky estime qu'Eckhart a effectué une synthese entre l'tsse 3· AUGUSTIN, La Vraie Re/ig. XXXIX, 72. (BA 8, p. 130); cf.
thórpiste· et l'íntériorité augustinienne, daps une perspective Confess. 111, VI, 11 (BA 13, p; 382.); X, XXVIId8 (BA 14, p. zo8).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 37

nobis ostendens bonab et dirigens in agendisc, ut in imprimée sur nous a» «nous montrant le bien b» et
Psalmo dicitur, semper in nobis est, sed non apparet. «nous dirigeant dans ~'action e», comme i_l est, dit dar:s
Propter hoc labitur horno in peccatum et defectum le Psaume - est tou¡ours en nous, ma1s n apparalt
nesciens quo vadatd, in tenebris ambulans, secundu~ pas t. C' est pourquoi l'homme tombe dans le péché et
illum Sap. 5 : « Erravimus a via veritatis, et iustitiae ·t défaille ne sachant ou il va, marchant dans les
lumen non luxit nobis, et sol intelligentiae non est ténebr;sd, selon Sg 5 : «No~s nous sommes ~ga~és
ortus no bis e». Propter quod Luc. 1 r dicitur : «Vide, loin du chemin de la vérité, et la lumiere de la ¡usuce
ne lumen, quod in te est, tenebrae sintf». Et hoc est n'a pas brillé pour nous, et le soleil de l'in_t~lligen~e ne
quod hic dicitur : puer non compare!, et ego quo ibo? s'est pas levé sur nous e.» C'est pourquo1 11 est dtt en
Obducitur autem, obumbratur et occultatur, vel per Le 1 1 : « Prends garde que la lumiere qui est en toi ne
imagines rerum creatarum superinductas, secundum soit ténebref.» C'est ce qui est dit id: L'enfant a.
illud Matth. 22, quod improperando dicitur: «Cuius disparu, et moi oit irai-je? 1ylais (l'image) est recouverte,
est haec imago et superscriptiog?» Videtur enim esse obombrée et occultée ___ par les images des choses
non dei, sed « caesaris ~ », scilicet m undi. «Verum- terrestres qui lui sont surimposées, selon cet avertis-
tamen in imagine pertransit homoi», quamvis aversus sement en Mt 22 : «De qui est-ce l'image et qu'est-il
non percipiat nec appareat, sed lateat. Augustinus écrit par-dessusg?» Il apparait en effet que ce n'est
Confessionum l. X. « Mecum eras, et ego tecum non pas celle de Dieu, mais «de Césarh», c'est-a-dire
eram», «intus eras et ego foras». Revelatur autem du mot)de. « Et pourtant l'homme demeure d~ns
haec imago, ut appareat, per electionem imaginum l'image 1 » quoique, s'étant détourné, il ne l'apers:01ve
superinductarum, Prov. 15 : «Aufer fl:lbiginem de pas et qu'elle n:apparaisse pas, m~is _reste cac~ée.
argento et egredietur vas purissimuml», 1 Ioh. 3 : Augustin, Confessions, livre X : «Tu etals avec m01 et
«Filii dei sumus, sed nondum apparuié.» Cum autem je n'étais pas avec toi. Tu étais a l'intérieu~ et moi
j'étais dehors. » Mais cette ima_ge se dév~)lle P?ur
apparaitre quand on rejette les 1mages sunmposees,
h. Cf. Ps 4, 7· c. Cf. Ps 89, 17. d. Cf. Jn u, 3 5. selon Pr 1 5 : « Óte la ~ernissure de 1' argent et il en
e. Sg 5, 6. f. Len, 35· g. Mt 22, zo. h. Mt zz, 21. sortira un vas e tres put l »; 1 Jn 3 : « Nous s?mmes fil_s
i. Ps 38, 7· j. Pr zs, 4· k. 1 Jn 3, z. de Dieu mais il ne parait pas encore. » « Ma1s quand 11
1. Pour le theme d'image de Dieu imprimée en l'ame, cf.
ci-dessus § n 5, note 1. Cf. encore Parab. Gen.§ 193, qui allegue
ÜRIGENE, Hom. sur la Gen., XIII n° 4 (SC 7his, p. 3z6s); De
1'homme noble (D W V p. 1 1 3 et déja p. 1 n ; Ancelet, Tráités présente une comparaison: l'image de _Dieu, 1~ Fi_ls,de ~ieu est
p. 147 et p. 145): «Pour cet hommeintérieur, cet homme noble, dans le fond de l'ame comme source vtve. Ma1s s1 1on ¡ette sur
en qui la semence de Dieu est imprimée et insérée - comment elle de la terre elle est entravée et couverte, en sorte que l'on
cette semence, cette image de la nature et de l'essence divines le n'en reconnai; et n'en voit plus ríen. Cependant elle reste
Fils d_e Dieu ·app~rait, comment on la pers:oit et comment par vivante, et quand on enleve la terre, elle réapparait et on la
mo1Jlen~ el1e demeure cachée - le grand maitre Origene voit. »
EXPOSITIO LIB. GE~'ESIS COMMENT AIRE DE GEN ESE 37

apparuerit, símiles ei erimus et videbimus »; Col. 3 : paraítra nous serons semblables a lui et nous le
«Cum autem apparuerit Christus, vita vestra 1» etc., verrons k»; Col 3 : «Mais lorsque paraítra Christ,
quasi diceret : Christus in no bis est filius dei, «qui est votre vie 1», etc., comme si l'auteur disait: Christ en
imago dei invisibilis m», ibídem I; «in quo sunt nous est le Fils de Dieu, -«il est l'image du Dieu
omnes thesauri sapientiae- et scientiae absconditi n », invisible», m eme Építre 1 m; ((en qui sont cachés tous
ibídem 2. Exemplum de imagine educta per artem de les trésors de la sagesse et de la science », meme
lapide vel ligno, _quae latet nec apparet nisi prius Építre 2 °. Exemple: l'image extraite de la pierre ou
abiectis et eductis his quae ipsam occultabant. Augus- du bois par l'art, qui est cachée et n'apparaít pas avant
tinus· De doctrina christiana l. I : sapientia dei venit, que ne soit d'abord rejeté et óté ce qui l'occultait 2 •
non mutans locum, sed apparens, ubi erat invisibilis; Augustin; la Doctrine chrétienne, livre I : «La sagesse
Ti t. 3 : « Apparuit benignitas et humanitas salvatoris de Dieu est venue sans changer de lieu, mais en
nos tri dei 0 »; et iterum 2 : « Apparuit gratia salvatoris paraissant la ou elle;"' était invisible»; Tt 3 : «La
nostri deiP», Gal. 1 : «Cum autem complacuit ei», bénignité et l'humanité de notre Dieu sauveur sont
« ut revelaret in me filium suum q »; Cor. 3 : « Revelata apparues 0 »; et aussi au chapitre 2 : «La grace du
facie», id est postquam revelata est, quando velamen Sauveur notre Dieu est apparueP»; Gal I : «Ür,
ablatum est imaginis ceterorum, <<in eandem ima- lorsqu'il lui plut » «de révéler en moi son Fils q »;
ginero transformamur r ». 2 Co 3 : «La face dévoiléer», c'est-a-dire une fois
Ad praemissa etiam facit exemplum, quod imago dévoilée, lorsqu'on a óté le voile qu'est l'image de
visibilis non minus est in medio absente speculo sive toutes choses, «nous sommes transforniés en la meme
corpore speculari, quamvis ·non appareat, sed lateat . 3
1mage ». .
inspectores. - : Autre exemple pour ce qu' on vient de dire :
l'image du visible n'existe pas moins dans le milieu
(diaphane) en l'absence d'un miroir ou d'un corps
reflétant, quoiqu'elle n'apparaisse pas mais soit cachée
l. Cpl 3, 4: m. Col 1, 15. n. Col 2, 3· o. Tt 3, 4· a ceux qui regardent4 ..
p. Tt 2, 11. q. Ga 1, 15-16. r. 2 Co 3, 18.

3· AuG., La Doct. chr. 1, XII-XIII, 12 (BA 11, 194). Pour la


2. AuG. Conf X, xxvn, 38 (BA 14, 208). Cf. ci-dessus § 15 8 progressive ressemblance avec Dieu, voir Parab. Gen. § 130,
n. 3; Comm. Jean § 575; De l'homme noble (DW V p. 1 q, 17s; 140-141.
Ancelet, Traités p. 148) : « ... J'ai parfois présenté une compa- 4· L'image dans le milieu (transparent) : theme traditionnel
raison frappante. Quand un maitre fait une image de bois ou de d'optique désignant l'aspect de la réalité objet de vision que la
pierre~ il n'introduit pas l'image dans le bois, il enleve les lumiere transfere jusqu'a l'reil a travers l'air transparent. Ce
copeaux qui cachent et recouvrent l'image. Il n'ajmite rien au theme est symbole de la présence virtuelle du connu dans la
bois; au contraire, il enleve et creuse ce quila recouvre; il óte les représentation. 11 suggere encore la primauté de la réalité connue
scories~ :Alors-; brille ce_ qui était caché dessous. » sur l'activité de vision dont elle est l'objet. · -
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE 46

CAPITULUM QUADRAGESIMUM CHAPITRE QUARANTE-SIXIEME


SEXTUM
Israel partit (46, 1). Et plus bas, peu apres : Jacob,
Jacob (46; 27).
Profectus est Israel. Et infra: lacob, Iacob
302. Il faut remarquer que le Seigneur lui-meme,
post pauca. .'É-.

' qui avait dit auparavant : «Tu ne t'appelleras pas


302. Notandum quod ipse dominus, qui supra Jacoba», l'appelle de nouveau ]acob. Il a été traité de
dixerat: «Non vocaberis Iacoba», rursus hunc ipsum cela plus haut1. . . . .
vocat lacob. De quo supra dictum est. Remarque en second lieu que le Setgneur avalt dtt
Secundo nota quod dominus superius bis dixerat deux fois auparavant "'gu'il ne fallait pas l'appeler
ipsum non lacob, sed Israel vocandumb, primo scilicet Jacob, mais Israel, a savoir la premiere fois au
capitulo tricesimo secundo et iterum secundo, capi- chapitre 32 et la seconde fois · au chapitre 35h.
tulo scilicet tricesimo quinto. Nunc igitur bis ipsum Maintenant done il l'appelle deux fois disant jacob,
Iacob vocat, dicens lacob, Iacob. Jacob.
Cunctae animae quae ingr'!ssae sunt cum la.cob Toutes les ames, qui entrerent en Égypte avec
ln Aegyptum et egressae simi de fe1JZore llllus. Jacob et qui sont issues de ses reins (46, 2.6).
303. Quomodo accipiendum sit quod dicuntur
303. Comment faut-il comprendre qu'on dise ,des
animae egressae de jen1ore Iacob, cum anima hominis
ames issues des reins (flanes) de Jacob, alors que l'ame
non sit ex traduce, tangit hoc Augustinus in libro
de .l'homme n'est pas transmise (par génération)?
Quaestionum, et doctores satis hoc pertractant.
Augustin touche ce sujet au livre des Questions, et les
Notandum tamen quod et ipsa intellectiva anima,
quae ab extra est. et dicitur, .ex. traduce est etiam théologiens en traitent suffisa~~ent.1 . .
Il faut pourtant noter que 1 ame tntellecttve elle-
proprie, et concedí potest absolute quod sit ab
homine parente sicut quaecurrique forma alía. Notavi meme, qui est et qu'on dit d~ provena~c~ ex~érieure,
de hoc ·in Opere quaestionum .. est aussi proprement transmtse (par generatton). Et
l'on peut absolument concéder qu'elle pro~i~nt ?~
géniteur humain, comme toute autre forme. J at tralte
de cela dans l'CEuvre des questions 2 •
a. Gn ;5, 10. b. Gn p, 28; 35, 10.

§ 302 1. Voir ci-dessus § 296. 2. L'O. des qnest. est disparu. Pour le probleme de l'ame
§jo;· 1. AuGÜSTIN, Qu. in Hept. I q. qo (p. 77). intellective, cf. ci-dessus § 181-185 et note 1 (§ 185).
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENTAIRE DE GENESE so

CAPITULUM QUINQUAGESIMUM CHAPITRE CINQUANTIEME

Quod cernens Ioseph. Et post pauca : transierunt Joseph voyant cela (5o, 1). Et peu apres: Qua-
quadraginta dies; iste quippe rante jours passerent, car telle était la coutume
mos erat cadaverum conditorum. lorsqu'on embaumait les cadavres (5o, 3).
304. Notandum quod Augustinus tractans in libro 304. Notons qu' Augustin, traitant des paroles
Quaestionurn Genesis praemissa verba sic ait : « Sep- ci-dessus au livre des Questions sur la Genese, s'exprirne
tuaginta interpretes» «?Iaiore auctorita~e pra~~iti, ainsi : «Les traducteurs de la Septante, investís d'une
quarn interpretum ~fficm_m. est, prop?ett_co spu1tu, autorité plus grande que ne le comporte le rnétier de
quo etiam ore uno 1!1 sms mterpretat10mbus, quod simple traducteur, ont écrit dans un esprit prophé-
rnagnum miraculurn fuit, consonuisse firmantur». tique grace auquel, on Passure, ils furent a l'unisson
Idem etiam scribit ipse Augustinus De doctrina dans leurs traductions, cornrne s'ils avaient parlé
christiana l. II. Hieronymus autem in Prologo Penta- d'une seule bouche, ce qui fut un grand rniracle 1. »
teuchi aliter sen ti t. Ait enim sic : « Nescio quis prirnus Augustin écrit la mérne chose encore dans la Doctrine
auctor septuaginta cellulas Alexandriae rnendacio chrétienne, livre IJ2. Mais Jérórne est d'un autre avis
exstruxerit, quibus divisi eadern scriptitarint » septua- dans son Prologue au Pentateuque. 11 dit en effet: «Je ne
ginta;· et infra: «Aliu~ est esse vate~,. aliud est e~se sais qui fut le prernier a inventer le rnensonge des
interpretem». Augustmus tarnen d1c1t quod, s1ve soixante-dix cellules d' Alexandrie, dans lesquelles les
divisi per cellul~s sive coniuncti ~ranstule_ri?-t,_n:a~nae septante, séparés les uns des au tres, auraient ·écrit les
auctoritatis est 1psorurn translatto. Narn. s1 d1v1s1 per rnérnes ehoses ! » Et plus has : «C' est une ehose que
cellulas sic per ornnia concordav~r.unt, sign~rn ~t d'étre prophete, une autre que d'étre traducteur 3 !»
plenurn miraculo q':lod ah_ uno « sp1r1tu sanct_o mspl- Augustin dit toutefois que leur traduction est d'une
rati locuti sunta». S1 vero m unurn congregatt, adhuc grande autorité, qu'ils aient été séparés les uns des
rnagnae auctoritatis, quod a tot sapientibus concor- autres dans leurs cellules respectives ou qu'ils aient
diter approbatum est. traduit ensemble. Car si, séparés dans leurs cellules,
ils se sont accordés en tout, e' est un signe et cornbien
Explicit líber Genesis. rniraculeux qu' «ils ont parlé sous l'inspiration du
Saint-Esprie». Mais, s'ils se sont concertés, cequia
été approuvé d'un cornrnun accord par tant de sages
a. Z p 1, ZI.
derneure d'une grande autorité4.
I. AUGUSTIN, ibid. q. 169 (p. 89). Fin du livre de la Gene'se.
2. AuGUSTIN, La Doct. chr. II, xv, zz (BA 11 p. z7os).
-~.: }ÉRÓME, • Préf. a u Pentat. (Ve t. lat., Sabatier 1
p. LXXXIIIb). 4· AuGUSTIN, La Doct. chr., ibid.
TABLE DES MATIERES

Avant-Propos................. . . . . . . . . . 7
Bibliographie .. , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

l. PROLOGUES

Table des Prologues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32


Prologue général a l'CEuvre tripartite . . . . . . . 40

Prologue a l'CEuvre des propositions . . . . . . . 70


Commentaire du traducteur . . . . . . . . . . . . . . . 97

II. COMMENTAIRE DE LA GENESE

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 99
Prologue a l'CEuvre des expositions . . . . . . . . 204

Table des ·autorités du livre de la Genese. . . . 210

Commentaire par Eckhart du livre de la Genese 2. 38

Index des citations bibliques . . . . . . . . . . . . . . 65 1


Index des auteurs cités par Eckhart . . . . . . . . 6 58
Index des auteurs allégués par les traducteurs 663
Index des themes doctrinaux . . . . . . . . . . . . . . 679
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES

PROLOGUES
table prol. gén. Dt 6, 4 : § 5 ; 6.
Dt 32, 4 : § 2. ---
jb I, 4: § 5·
Za 6, 2: § 2. Sg 8, 1 : § 1 3·
Le 1, 78: § 2. Is 4 1 , 4 : § 1 3.
Me xo, 18: § 8.
prologue général Le x8, 19: § 8.
Jn 1, 3 : § 21. 1, 5 : § 22.
Ex 3, 14 : § 12 ; 13 . 14, 6: § 7·
Dt 32, 4: § 19. Rm u, 36: § 22.
Ps 32, 9 : § 19. Ga 3, 20: § 5·
Sg1,14:§q;18.
7. 21: § 18.
Is 41, 4: § 18. prologue reuvre
Rm 4, 1 7 : § 11. des expositions 11
Ap 1, 8: §x9; 21. 21, 5 : § 18.
22, 13: § 19; 21.
Jn 16, 1 6 : § 3.
tCo5,6:§3.
prologue reuvre
des propositions
Ex 3, 14: § 5 (bis).

COMMENTAIRE DE LA GENESE
(astérisque = allusion)

Genese
I, 2: § 30, *70, 203. I, 4: § 72, 87.
I, 3·6·9·14.20.24.29: § 161. 1, 5 : § *70. -
6p. INDEX DES CIT ATIONS BIBLIQUES INDEX DES CIT ATIONS BIBLIQUES
1' 7 : § 78. 18, I8! § 264. Juges 5.7:§191.
1, 9: §44, 48, 50. 21, 5 : § 264. 8, 2: § 298.
1, 10.12.18.21.25: § 134· 13, 8: § 298.
2.2, 4: § 267. 8, 6: § u6, 202.
1, 1 1 : § 18 3, 270. 32. 24 : § 296. Rois 8, 8 : § 230.
1, 12: § 183. 32, 28 : § 302., 10,3:§255·
I, 20: § I 8 3•
35. 10: § 296, 302.· 1 R 9· 2 : § 249· II, 9: § 247•
1,21:§114. 39. 1 : § * 2.84. 16, 7! § 25 7• 14, 4: § 86, 206, 211.
1, 24: § 18 3• 16, 12 : § 284. 15. 2: § 178.
1, 26: § 2.37. Exode 17, 4Z.: § Z.84. 17, 17: §59·
1, 27: § 184, 202. 25, 9: § 161.
3. 14: § 179. 2.98. 17, 27: § 87.
1, 28: § 250. 3 R IO, 7 : § 6I.
3. 16: § 191. 18, 5 : § 264.
1, 29: § 184. 4 R 2, 12: § 125.
16, 18 : § 1 55. 18, 10: § 2.71, 275•
1, 3l : § 163. 26, 8 : § 185.
2, 2 : § 269. 2.0, 17 : § 2. 33.
Néhémie 26, 13 : § 248.
2, 9: § 202. 2.4, 3 : § J56.
10, 36 ! § 96. 30, 7 : § 191.
2, 16-17: § 203. 33. 2.3 : § 2.3 2 •
30, 16: § 185.
2, 17: § 215. 30, 17 : § 206.
2, 21-25 : § 200. Lévitique Esther
32, 9: § 7·
3. 5 : § 202.. 13. 9 : § 162.
19, 18: § 2.83. 33. 22 : § 190, 191.
3. 7: § *97· 34. 13: § 178.
3. 12-13 : § 205. Nombres Maccabées 1
35. 10: § 185.
3, 16: § 249. 2, 7. 11 : § 240. 38, 7: § 3°1.
4. 7: § 190. 32., 5 : § * 2.86. 39, 2: § 161.
4. 2.3 : § 264. Job 39. 3 : § 86.
6, 4: § 226. Deutéronome 39. 13: § 88.
q, 1 : § 261. 4. 18: §72.
6, 4 : § 2.6, 89, 114. 7, 1 (Vet. lat.): § 289. 39. 2.2. : § 19°·
15, 4-5: § 2.64. 44. 14: § 177·
16, 2 : § 229. 6, 13 : § * 273; * Z.76. 7. 20: § 15, 261.
8, Z..16: § 2.63 . . 48, 13.2.1 : § 12.4, 2.03, 2.40.
16, 4! §230. 9, 13 : § 167. .
10, 16 ! § 2.46, . p, 3 : § 190.
16, 8 : § 2j0. J4, 1-2. : § 289.
10,1 9 : §*z.s8. ·. ·· · 53. 8 : § z.6I.
16, 10: § 231. 14, 2: § 74·
1o, 2.0 : § * 2. 7 3'. .. ' 61, 12.: § 7•
16, 12. : § 2. 3I . 15, 15: §72. 68, 2. : § 6o.
12., I : § 250. 22, 14: § 289.
16, 13 : § 2. 32.. 72, 22: § 86.
1 3· 3: §263.
16, 15 : § 2.33, 234· 26, 7: § 45· 7 5, 1 z. : § z6o.
17, 1: § 233· 20, 20: § 96. 26, 14 : § 61.
2.2, 10 : § 34· 76, 10: § 214.
17, 6: § 234· . 29, 16 ! § 256.
25,2: § 257 .. 79, 4.8.z.o : § z.o6.
1 7. 8: § 2 35· 33, 14: § 89, Ip.
28, 56 . (trad. Mai'monide) : So, 7 : § 2.84.
17, 10: § 2.33, 235· 33. 15 : § 7· 89, 17: § 301.
17, 15-16: § 234· § 263. 37. 19: § 20.
17, 20: § 234. 9°. 13 : §59·
Josué Psaumes 96, 3: § 247·
17, 21: § 235· 101, 2.6: § 2., 8.
17, ~6~27: §.t"35·· _27, 7: § * 273· 4. 7 : § 301. 101, 27S: § 8.
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES ·

103, 5 : § .9· Sagesse Jérémie 7. 15: § 285.


103, 24: § 5· 7. 17-20: § 242.
1,7:§210. 2, 19: § 88.
1 35, 5 : § 6, 2 5· 10, 16: § *278.
t, 14: § 19, 137. 141. 4, 4: § 246 ..
139, 8 : § 2 l. 10, 36: § 245·
140, 4: § 205. 1, I5 : § 176. 17, 10: § 257·
2, 21 : § 190· 18, 3-4: § 138. 10, 42: § 157·
146, 4: § 193· 12, 45 : § 259·
147, 14: § 160. 5. 6: § 301. 23, 24: § 210.
5, 16: § 176. 13· 27-28 : § 244·
147, 18 : § 46. 13, 39: § 244·
148, 5 : § 161. 7, 24: § 158, 159, 160. Lamentations
8, 1 : § 63, 147, 160. 13,55=§95·
8, 16 : § 2 3 l.
1, 2.8: § 191. 18, 10 : § So.
Proverbes 11, 21: § 231. 1, 8: §210. 20, 12 S: § 34·
22, 20-21 : § 301.
II, 24: § 86.
1, 32: § 190. Ezéchiel 22, 33: § 139·
2, 14 : § 25 5. 16, 14: § 190.
24, 47: § 22.
5, 2 6 : § 33. 33. I5 : § 1 91. 25, 12: § 206.
Siracide
7,lo:§33· 26, 69 S : § 240.
8, 17 : § 179· Daniel
3, 14: § 139, Ip. 28, 1 : § 71, 76.
13,12:§75· 3. 24: § 245. 3,57:§85. 28, 18 : § 22.
14, 13 : § 74· 5. 4: § 190. 3, 6o-61 : § 77·
16, 4: § 176. 7,6:§125. 4, 32 : § * q6. Mare
18, 17: § 207. 7. 14: § 191. 8,24!§15.
19, 3 : § 291. 13, 1: §87. Osé e 9, 48-49 : § * 260.
21, 11: § 260. 15.9:§85. 12, 31 : § 283.
25, 4: § 246, 301. 15, 14: § 120. 9, lO: § 97·
10, 2 : § 88. 14, 66-68 : § 240.
26, 11: § 259· 18, 1 : § 2, 9·
30, 8: § 290· 24, I l : § 179· Luc
24, 23 : § 170. Zacharie
29, 28 : § 126. 4, 8 : § 276.
Qohelet II, I7: § 282.
42, 17 : § * 272. 9· 62: § 259·
2, 7: § 240. Malachie 11,35=§301.
4. 9-10: § 295· 15, 10: § 224.
7, 30 (Vulg.): § 203, 291. Isaie 3, 6 : § 1 39· 18, 19: § 128, 173.
9, 18: § 88. 20, 38 : § 1 39·
3. 4: § 2 39· Matthieu 22, 56 S : § 240.
lO, 2: § 239· 3.9:§ 2 55·
10, 5 : § 239· 9· 6: § 298. 4, lO: § 276.
10, 7: § 239· 14, 2 : § 240. Jean
5' 6: § 176.
10, 17: § 238. 26, 12-13: § 150. 5, 10: § 176. 1, 1: § 3, 62, 65, 275•
12, 7: § 182. 45, 7: § 2 1. 5. 13-14! §*279· 1, 3 : § 3, 78, qo.
4 5, 1 5 : § 3OO. 5. 37: § 245. 1, 5 : § 69.

Cantique p, 12: § 179· 6, lO: § 140. 1, 12: § 22.


52, I I : § 87. 6, 11 (Vet. lat.): § 290. ,, 8: § 46.
6, lo{§ io1.·- 59, 2: § 206. 6, 33: § 15. 286. 3. 20: § 206.
6s6 INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES INDEX DES OT ATIONS BIBLIQUES
H: § 2.87.
3, 2 Corinthiens Jacques 1 Jean
4,
16. 18 ! § 2.40.
17 : § 17, IS o, 154·
5, 3. 18: § 301. 1, 5 ! § 287. 3. 2 : § 301.
2. 5 : § 17.
8, . I s. H: § 87• 1, 13 : § 262. 4. 18: § 169.
8,
44: § 2.44· 1, 17! § 140.
II, H : § 2.03, 2.2.8, Galates 2, 10: § 88, 223. Apocalypse.
12., 35 : § * 301. 1, 15-16! § 301. 1, 8 : § qo.
12., 46: § 6s. 1 Pierre
3, 20: § 26, 89, 114. 3, 1 : § 190.
13, 13: § zs. 5, 17 : § 2 30. 4, 10 : § 11 I. 18, 4! § 87.
14, 8 : § 2.97· 18, 7 : § 2. 57·
16, 2.1 : § 2.33. Pierre zz, 13: § 170.
16, 2.2. ; § 2.97·
Ephésiens 2

17, 3 : § 297· 3, 18 : § q.o. I, 21 ! § 304.


18, 17: § 240. s, 13: §6s. 2, 20! §*259.
21, 15 : § 12.5, 249• 2, 2.2 : § 2 59·
Philippiens
Actes
z, 9 : § 84, 2 99·
2, 4! § 284.
Colossiens
Romains
1, I5: § 115, 301.
1, 32.! § 212. z, 3 : § 301.
7, 2.3-25 ! § 242. 3. 4: § 301.
8, I 3 ; § 242..
8, 2.8 : § 16. 1 Timothée
9· 19 : § 146.
II, 35 ! § 287. 6, 8-9 : § 290.
II, 36: §ISO, * 164.
2 Timothée
1 Corinthiens 2., 12! § 239·
3. 5 : § 2.44· z, 13: §271.
s. 7: § 246.
s. 13 : § 247· Tite
7. 19: § 247·
8, 4 : § 282. 2, 1 1 : § 301.
10, 13! §6o. 3. 4: § 301.
II,3:§ss.
11,8:§ 55 . Hébreux
13, 1: §6s. 1, 10 : § 2, 8, 9•
13, 1I : § 240. 1, 12! § 8.
15, IQ =. §· 178: '· 6, 13.16: § 272.
INDEX DES AUTEURS INDEX DES AUTEURS

COMMENTAIRE DE LA GENESE
Albert (le Grand) Du sens et de s. 1, 437a 3s :
§55, 57, 58.
§ 187.
Hist. anim. VI, 18, 571b
Albertus Stadensis 12.S; §· 197•
INDEX DES AUTEURS CITÉS § 260.
Métaph. I, 1, 98oa 21 et
b 22s: § 187; 98ob 27:
PAR ECKHART Ambroise § 240
II, 1, 993b 9: § 41, 2.01
§ 11 157. III, 2., 996a 29 : § 68
PROLOGUES V, 15. 102Ia 29S: § 192
«Ambroise» (ps-) ej. Venan-
tius Fort. VIII, 3, 1044a 9s: § 192..
Aristote VIII, 3, 4 : P. o. pr. : § 8; Ethique Nic. I, 1, 1094a 2 :
P. o. prop. § 2 8, 3 : ibid. § 7 Anaxagore § 13 5 ; a 4s : § q6
Topiques I, 14, 1o5b5 : Prol. Avicenne § 168. c. 6, 1098a 18: § 156
gén. § 3 C. J3, II02.b 2.8-3 I ; § 241
Réf. soph. I, 15, 174b5 : Pr. Métaph. I, 6 :P. gén. § 9, 13 Aristote II, 3. II04b 3S: § 176
gén. § 3 VIII, 6 : P. gén. § 8 De l'interpr. II, 1, 2ob 1 : § 8 VII, 1 5, 1 1 54a 2.6s :
Phys. I, 2, 184b5; 5, << Sujjicientia )) :P. o. pr. § 5 § 169.
Anal Post. I 8, 75b 31: § 3
188a19: P. o. pr. § 5 Boece, Cons. Phi/. II, 2, 9oa 31 s : § 3 Polit. I, 2, 12pa 31-34:
Du Ciel II, 6, 289a7 : P. Top. III, 2, 117b 20-26 : § 9; § 230.
gén. § 3 P. gén. § 17; P. o. pr. § 9
VI, 6, 14 5a 4 : § 114
Métaph. VII, 8, Io33b16- Augustin
Causes (L. des) Phys. I, 9, 192a 25 : § 33
19 : P. o. pr. § 14 III, 6, 207a 13 : § I I 3 Cité de D., IX, 4-5 : § 228
P. o. pr. § 6 VII, 3, 248a 6-9: § 22o (bis)
Augustin (s.) prop. I: P. gén. § 13 XIII, 21 : § 186
Gén. et Corr. I, 3, 31 8b 3-
P. o. exp. II prop. VIII :P. o. pr. § 11 Comb. chrét., II, 2 : § 2.1 2.
I 1 : § 55 ; C. 7, 324b 17 :
Conf I, 3, 3 : P. o. pr. § 14; prop. XX: P. gén. § 10; P. Conf I, 1 : § 149, 172, 181
o. pr. § 21
§ 145
6, 10: P. gén § 18, 21; II, 3, 33ob 7-33 Ia 6 : § 31 c. 4, 4 : § 218, 220
P. o. pr. § 2o; De /'ame, I, 1, 402b 21 : c. 6, 10 : § 14
Denys (ps-Aréop.)
IV, II, 17: P. gén. § 17; . § 232 IV, u, 18 : § 19
12, 18 : P. gén. § 20 N.D. IV, 1 : P. o. pr. § 8 II, 4, 415a 26-29: § 98; X, 2 I ' 44 : § 2 38
a
L. Orose: P. gén. § 7
Jean Darnascene 415b 3-7: § Il3 C. 2 7, 38 ; § 3O I
Maurs Manich. I, 1 : P. gén. c. 8, 420b 11 : § 28 3 XI-XIII: § 1
§4 P. o. pr. § 5 c. 12, 424a 19 : § 230 XII, 2, 3 : § 35
fmm. ame 4, 6 et 10, 17: III, 2, 42 5b 2 5 : § 199 c. 3. 3 : § 43
P. gén. § 13; 12, 19 : ibid. Proclus
c. 4, 4 3oa 1 : § 2 29; c. 4. 4 : § 3 5. 37
§4 P. o. pr. § 6, 8 43oa 3-4 : § 199 c. 5, 5 : § 40
Quest. LXXXIII: P. gén. c. 5, 43oa 14: § 115 c. 6, 6 : § 29, 35' 37
§7 . . Thornas d' Aquin c. 7. 7: § 35
c. 7, 43 1a 6-7 : § 143
Triíi. Vil, 1·~ ·2 :P. gén. § 9 P. gén. § 5; P. o. exp. I C. 8, 431b 21: § 115 c. 8, 8 : § 35
66o INDEX DES AUTEURS INDEX. DES· AUTEURS 661

c. 9· 9: § 73 XI, 2, S : § 294 pr. 9 : § 4, 47, 78, 149· Hilaire (s.)


c. 17· 24: § 32, 43· XII, 12, 17: § 186
C. Academ.: § 78 c. 12, 18: § 199
163, 164 § 169
pr. § 121
11 :
C. Faust: § 72, 227 XIV, 8, 11: § 115. IV pr. 2 : § 121 Horace
Doct. chrét. : I, 32, 3 S : Vr. Relig.: § IS, 140, 210, § 248, z82, 286, 290
pr. 3: § 124, 240
§ 169, 2 99· 304 300.
V po. S:§ 133
Enchir. : § 25 5 ..,;,
Hugues de St-Víctor
Aulu-Gelle In Isag. Porph: § 199
Enn. Psalm. jO, S. I n° 12: § 211
Inst. arithm: § 192
§ 191 § 192, 228, 280. '}~
JI n° 8: § 190 :"T Jean Chrysostome
Averroes Causis (L. de)
7J: § 260 ::;': § 46, 95, 140, 228, 273, 279,
9) n° 18: § 190. In De Coelo 11 comm. 49 : prop. IV: § 141
284
Ep. IJO (a Proba) : § 76 . § i07 prop. VIII : § 6
Ij8 (a Maree/.) : § 190 In Phys. IV c. 38: § 4o; prop. XIX: § 69; 166 J ean Damascene
187: § 297 c. 43: § 9
:::.::.
§ 120, 238
Cicéron
20J: § 262. In Met. VII c. 5 : § 3
§ 268 Jéróme (s.)
Gen. c. Manich. : § 1 VIII, c. 12: § 40
I, 3 : § 65 XII, c. 14: § 4o; § 186, 225, 292, 304
Décrétales
11, 9-11: § 186 c. 18: § 83 Livre des XXIV Philosophes
III, 1~ et IJ : § 72 § 245. 256, 274
Avicenne § 15 5
Gen. s. lttt. : § 1
De anima I c. 5 : § 2 37 Denys (ps-Aréop.)
I, 1 : § 15, 29; c. 3-4 et Macro be
17: § 72 Metaph. III c. 5 : § 91 Noms Div. IV § 4 : § 67
V, 23: § 98 IX c. 4 : § 1o, 2 1 ; §33
VIII, 1, 1: § 186; c. 3: c. 7: § 115 Digesta (Justin.)
Ma1monide
§ 99 X c. 6: § 243 § 205
De diluv.: § 132. Cuide des égarés
XI, 33, 43 : § 204 Prooemium: § 33, 199, 288
Gen. ad litt. L. imperf. : § 30 Euclide
Avicébron . I,c:2 :§ n6, 202, 203;
Lib. arb. : § ,5, 243 § 31 c. 64: § 64
Maurs de f Egl. : § 297 Fons vit. V, z4: § 27 II, c. 6: § 34; c. 7: § 117,
Patience: § 218 Gerbert
Basile 119
Qmst. heptat. : § 91, 2 16, § 278 c. 11 : § 288; c. 23 : § 10
22s-228, 248, 2s1, 213- §1 c. 31 : § 1, 17, 18, 29, 3 1,
254, 2s6, 258, 262, 269, Glossa
Bernard (s.) 47.67,70,92,93·94
216-211· 292,· 296, 303- § 65, 133, 216, z2r, 276, Ill, c. 9 : § 33, 240
304. De consid. 11, 6, 14: § 279 271, 292 c. 13 : § 111, 289, 290
lj Quest.: § 5, 219 c. 14: § 120, 135.141
Soliloq. : § 206, 209 Boece Glossa in Decret.
c. 25 : § 263-267
Tr .. ]ean, tr. CI n° s : § 297 Consol. Phi/. JI poés. 5 : § 212 c. 5o: § 2 36; c. 52 : § 18 5
Trtn. I, 8, 17: § 297 § 126, 290
III,,4, 9: § II~ · prosa 3: § 74 Grégoire (le Gd) Office canonial (Répons)
VII~. 3. 4··:"§ 173 III pr. 3 : § u6 § 91, 157, 249 § 284
662 INDEX DES AUTEURS INDEX DES AUTEURS

Ovide Stace
§ 133, 207 § 281
«Papias» Thales
§ 102 INDEX DES AUTEURS ALLÉGUÉS
§ 79
Pierre Le Mangeur (Co- Thémistius
PAR LES TRADUCTEURS
mestor) § 120
§ 102, 126 1- PROLOGUES: COMMENTAIRES
Thomas d'Aquin
Platon DE F. BRUNNER
In IV Sent. d 49 q 1 a 1
§ 3. 25, 31, 78 . qla na : § 1 3 5 (on désigne la page et en décimale la note)
Proclus S. Theoi. ¡a P. q 9 a 1 ad 2:
A. Autres reuvres 17 5, 6; 176, 8 ; 18 2, 1 ;
§ 159
Élém. de théol. prop. I: qq. 44-47: § 1 d'Eckhart 187, 1
§ 114 q. 47 a 1 : § 10 Comm. Genese: 107, 8; 133, 1 Sermons iatins: 107; 108;
prop. XI: § 14 qq. 65-74: § 1 (§ q); 134, 2 (§ x6) et 1 109, u; 112, 1; uo, 2; 137;
q. 67 a 4 ad 2 : § 67 (§ 17); 136, 6; 147, 4; 167; 138, 3; 16o, 1 (§ 7); 164, 1
Pythagoriciens
q. 9 1 a 2 ad 2 : § 1 32 171, 3; 173. 3; 182, 1 Co/1. Sentences: 148
§ 192 q. 94 a 1 : § 204 Paraboies Genese: 97; Questions París. : 100; xoo, 5;
Salluste q. 114 a 2 : § 263 133, x(§ 15); 158, x; 171, 3;
na-nae q. 95 a 7 : § 277 105; 139· 3; 174; 176, 9
§ 290 176; 182, 1 Proces d'Eckhart: 102; u8
q. 188 a 8 : § 294
Comm. Exode : xo6, 4 et 5 ; Oeuvre allemande (en géné-
Séneque Venantius Fortunatus 109; 109, 1O; I 15, 2; 13 1, 1 ral): 99-100
§ 75, 126, 190, zu, .z.8o, § 97 et 2; 138, x(§ 19); 146, 2;
291, 295 148, x; 157, 2; 173, 2; S ermons ali. : 1 11, 12 ; 1 59
176, 8; 183, 2 lnstructions spir. : 101, 2.
De spiritu el anima
(ps.-Augustin) Comm. Siracide: 15 5, 167
§ 178 Pro/. OeNvre des expositions : 97 B. Autres. auteurs
Comm. Sagesse: 103, 2; Abélard : 12.9
111, u; u6; 12.2., 3; 126, 1; Albert K. : 15 7, 2.
X:35. 3; IH, 2; 147. 4;
1p, 5; 157, 3; 163; 167, 4; Ancelet-Hustache J. : 101, 2
170; 175, 6; 177, 11; 186- Anselme (s.): 101, 1; 130
187 Aristote, aristotélicien : 98;
Comm. ]ean: 97; 103, 1; 1 O 3, 1 ; I 04; 1O 5; II7; ll8 ;
107, 6; 115; 120, 2; 138, 3; 118, 8; 1 19; iz2, 4; 127;
140; 141; 146, 3; 1~2, 1; u8, 2; 130; 141; 145;
163, 2; 165, 1; 166; 171; 1 5O, 4; 1 51-1 52; l5 6; 1 59;
172, 7; 173. 3; 174. 5; 163, 2; 174; 177; 196
, INDEX DES AUTEURS INDEX DES AUTEURS 665
Auctoritates Aristotelis: 103, 2 Livre des causes : 1 2 2; 15 8 ; 2- COMMENTAIRE DE LA GENESE
Augustin (s.), augustinien: 167, 5; 172; 175. 6; 185 (renvoi au §, la décimale précise la note)
98; 107; 109; 113; 114; Livre des XXIV philosophes:
117; Izo; 131; 133; 134; 111, 12 A. Autres reuvres § 1]9 : § 11 5, 1 ; 1 1 5, 7;
q8; 141; 147; 147. 4; d'Eckhart 176, 3; 185, 2
Lossky VI. : 105, 3; II 1, n;
148, lj 152; 159; 160; 161; 142, 1 Paraba/es de la Genese §1J9S: § 128, 2
166; 167; 167, 5 j 17 3; 18 5 § 140: § 115, 1; 301, 3
Lyttkens H. : 119, 11 § 1 : ici § 199, 1 §141: § liS, 1; 188, z;
Ps.-Augustin, L. de spiritu el § 11: § 2, 3
anima : 1 22, 3 Ma!monide: 114 203, 2; 301, 3
§18: § 205,3 §146: § 272, 2
Avicenne, avicennien : 98; Maurer A. A. : 100, 5 ; 157, 2 § 22-26: § 19S. 1
néoplatonicien : 105; 128, 2;
§ 149 : § 176, 3
114; 117; 118, 10; 119; § 2 f: § H, 3 §1¡2: § 115, 1; 199,7
120; 1 31 ; 151 ; 156 145 § P: § H, 3 §1¡;: § IIS, 1; 115, 7;
Bernard (s.) : 114 Parménide et Mélissos : 1 56 § JJ: § 199· 2 18 3. 1
§ J4: § 140, 2 § 1f4·: § 128, 2
Boece: 98; 101, 1j 114; pascalien : 1 96 § 47-62 : § I1 5, 2
136; 148; 163 § 1JJ: § 188, 2
Platon, platonicien : 103, 2; § 48-JJ : § 66, 1 §1JJs:§122,2
Bonaventure (s.): 103, 1 ,• 117; 120, z; 121; 127; 13o; § J2-p : § 68, 2 § 16¡ : § 177, 1
13 5, 5 131; 141; 1p; 196 §·u : § 68, 1; 203, 2 § 167 : § J40, 2
Cicéron : 1 14 Proclus: 121, 1; 122, z; §JJ:§qs,1 §ISO: § zo, 2
148, z; 158; 159;· t6o; 164; § J9 : § 1 SS, 1 § 182 : § 1 p, 2
Denys (ps-Aréop.): 147, 4; § 62-6] : § qo, 1
159; 160 167,5; 172; 188;188, 1 §184: § 258, 1
§ 6]: § 135. 1 § I87 : § 13 z, 2
Fischer H.: 104; 113; 113, 3 Quint J.: 101, 2 § 67: § 245, 1 § 188: § 270, 2; 271, 2
Gilbert de la Porrée: 101, 1 Séneque : 114 § 8o-8;: § 135, 1 §I9J: § 301, 1
Grabmann~ M.:· 101, 1 stoiciens : 129 § 86: § 13S, 4 § 19]-194: § 115. 1
§ 92: § 176, 2 § 1.96 : § 122, 2
Hamesse, J. : 103, 2 Théry G. : 1oz, 4; 118, 9 §94et97 :§ 128, z; 135,1 § 200 : § 1 15, 1; 18 5, 2
hégélien : 104 Thomas d'Aquin (s.), · tho- § 98: § 244, 4 §20}: § 120, z; 121, 1;
Hissette R. : 1 3h 4 miste : 102, 3; 103, 1 et z; § 100-108: § 191, 3 168, 1
104; 105; 105, 1; 1 12; 114; §10]: § 178,.1 § 204-212: § 288, 1; 288, 3
Jeán (s.): 159; 166; 186 115, 3; u7;· u8; 118; 8; §11}: § II5, 1; 115,7 § 208: § 192, 4; 193, 1
Jean Damascene (s.): q6 119; 12o; 122, 4; 127; § 11}-1}4: § 194~ 1
§214: § 168, 1; 168, 2
Jérome (s.): 156 128, z; 134; 146, z; 148, 1; § 114: § 203, z; 245, 1 § 2IJ : § 197· 4; 229, 1
149, 3; 1p; 159; 165, z; § 11J : § 1 53, 1 ; 24 5, 1
Kant: 99 167; 167, 5; 172; 172, 7; § 117-1}4: § 200, 1
kierkeggardien: 196 174; 175; 177; 182, 1; § 121 : § 153, 1; 199· 2 Comm. du L. de 1' Exode
Koch J.: 112, i 18 3, 1 j 190, 1 j 191 , .2 § 122: § 195· 1 § J-7 ! § 12 5, 1 ; 249, 1
Weiss K. : 1 57, 2 § 126: § 199· 2 § 14-26: § 298, 2
Libéra· A. de : 148, 1; 155, 2; §1}0: § 301,3 § 1J: § 29, 7
175,7 Zavalloni R. : 176, 10 §1;8: § 115, 1; 188, 2; § 16: § 7. 1
229, 1 § 1J : § 173, 1
1
1
i

1
666 INDEX DES AUTEURS INDEX DES AUTEURS

§ q-18: § 143. 1 § 201 : § 244, 4 § 2J: § 16o, 1 § 140: § 128, 2; 135, 3


§ 21: § 243. 1 §20)! § 231, I §27: § 1 36, 5 ; 1 4 1, 4 ; § 140-142: § 172, 1
§ 24: § 143. 1 § 207-208: § 245, 1 149, 1; 155, 1; 160, 1; §14): § IIS, 1
§ 2.9 : § 1 3S, 4 § 2/0: § 169, 1; 197, 1; 246, 1 §148:§1s8,3
§.JI:§ 1s9, 2; 299, 2 233,4 § 2.9 : § 163, 1 § 148s: § 127, I
§ ).9 : § 270, 2 § 217 : § 190, 1 §.JI : § 229, 1 §11.9•: §.·14>7 2
§ 12: § 16o, 3 § 224 ; § 115, 1 §p:§u5,2 § 167-200: § 63, 1
§ J4: § 128, 2; 270, 2; 283, 2 § 226: § 203, 2 §.J.J! § 136, 1 § 169 : § 148, 1
§ JJ: § 270, 2 § 227 : § 1 8 5, 2 §.JJ! § B• 1 § 172 : § 16o, 1
§ 16: § 270, 2 § 228: § 233, 4 §.JI-)7: § 12, 2; 153, 1 §17¡: § 140, 2; 148, 1;
§ 17 : § 229, S ; 27o, 2 § 2)7 ; § 300, 1 §)6: § II9, 1; 135, 4 170, 1
§ ¡8: § 88, 4; 270, 2 § 244 : § 224, 1 §)9: § 173· 1 § 17JS: § 128, 2
§ 6o: § 135. 4 § 241 : § 176, 2 § 40 ! § 12, 2; 1 53, 1 § 177: § 14S, 2
§ 6¡: § 177, 1 § 241-247 : § 246, 1 § 49; § 1j3, 1 §178: § 205,4
§ 71: § q6, 2 § 262: § 33, 3 § 12-J4: § 128, 2 -··
§ 17.9 : § 169, 5
§ 88-92 : § 15 5' 2 §261: § 135, 1; 189, 1 § 6) : § 176, 3; 224, 1 § 180 : § 148, 1; 176, 2
§ 91 : § 108, 1 §274:§239,1 . § 64 ; § 20, 1 ; 20, 2 § 182 : § 16o, 3
§98: § 233,2 § 277 ; § 1I 5, 1 ; 1 1 5, 7 § 70: § 176, 2 § 18) : § 152, I
§ 120-12): § 159. 2 § 71: § 1 p, 1 § 184 : § 244. 5
§128:§172,1 Comm. du Siracide § 72 : § 119, 1; 155, 1 ; 166, 1 § 1.90 : § 16o, 3
§ 1)2: § 193, 1 § 18S : § 1 70, 1 §72-1): § 12, 2; 153,1 § 191 : § 86, I; 109, 2
§ 1)4 : § 28, 1 ; 90, 1 § 20 : § 1 j5, 2 §7J: § 176, 2 § 1.91 : § 169, 1.; 176, 2
§ 1)7 : § 140, 2 § )8: § 33, 3; 128, 2 §79: § 176, 2 § 197: § 153, 1 (bis)
§1)8; § 28, 1 § 44 ; § 149, 1 § 80: § 1 p, 1 § 1,97S : § 12, 2
§1)9: § 16o, 3; 199, 2; § 46: § 16o, 2 § 82: § 246, 1 § 200 : § 153, 1
229, 1 § 48: § 169, 3 § 84: § 1!)7. 4 § 202: § 141, 4
§ qo : § 16o, 2; 2 33, 1 ; § J4: § 166, 1; 300, 2 § 9)-91: ~ 192, 5 § 201 : § 88, S
2 33· 3 § 16s: § 169, 3 § 97: § 88, 5 § 220: § 136, 4; 2o6, 2
§ 147; § 4, 1 § 299 : § 168, 1 §98: § 173· 1; 176,2 § 2)1 : § 15 3, 1
§ IJJ: § 197, 2 § 108: § 223, 2 § 2)1-2)8 ·= § 12, 2
§1¡8: § 143. 1; 144, 3; Comm. de la Sagesse § 110: § 88, 4 § 2)8 : § ll_9, 1
1 6o, 3 ; 17 2, 1 · § 1 : § 86, 1; 12 5, 1; i49, 1
§ 111: § i 58, 3 § 246-24.9 : ~ 193· 1
·: § 11.9 : § 1 6o, 1 § 6: § 68, I . . § 112: § 158, 3 § 247 : § 24 5, 1
§ 161 : § 143, 1 § 7: § 246, 1 §114!§173,1 § 2J4-2JJ ! § 136, 4
§ 1 6) : § 61, 1 ; 11 5, 1 ; § .9 : § 124, 1 § 1 l7 : § 1 77, 1 § 2J7: § 14S. 2
166, 1; 300, 2 §1.J:§u5,u § 124 : § 246, 1 §260: § 137, 1; 145. 2
§ 16¡ : § 270, 2 § 14-17: § 136, l. § 121: § 143. 2 § 262 : § 13 S, 1; 178, 1
§ 166 : § 299· 2 § 1.9: § 143, 3; 14s, 2; 160, 1 §121-I.J.J: § 15 8, 2 § 26) ; § 88, 5
§ 169: § 4, 1 § 21 : § 1!>• 1; 244, 4 § 12.9: § 160, 1; 16o, 3 § 266 : § 1 99· 7
§ 174-17J: § I 59, 2 §22-2): ~ 155, I § 1)2 : § 1 59, 2 . §270: § 178, 1
§J7Ó.: § .6.8, } §2): § 136, 3 § 1)1: § 166, 1; 300, 2 § 28os: § 16o, 3; 166, 2
§ 188-228: § i47, 2 § 24 : § II 2, 2; 244, 4 §1).9 :§ 300, 2 § 281 : § 1 58, 3
668 INDEX DES AUTEURS INDEX DES AUTEURS
§ 2S7s: § 28, 1 §r;S:§11s,2 185. 2 § J72 : § 246, 1
§ 2S9 : § 178, 1 § 1)9-141: § 183, 1 §}2J: § 9, 2; 143, 3 § JN : § 16o, 1; 16o, 3
§ 291 : § 166, 1 §r41: §liS, 1; 192, S §;;o:§ q6, 1 § Jlf: § 158, 3; 301, 2
§ 292 : § 20, 1; 146, 1; 1p, 1 § 1 4)S : § 246, 1 § }}9 : § 1 S2, 1 § ¡S2: § 1p, ; 171, 1
§ 299 : § 1 12, 2 §r4¡: § 131, 2 § )40-)41 : § 176, 3 § ¡S;-¡S4: § 177, 1
§ 1 4s : § 1 3 1, 2 § )64: § 136, 4 §¡S¡: § 176, 2
Comm. de f Évang. de Jean
§ IJI: § 13S, 4; 166, 1 §370: § 16o, 2 § 604 : § 15 S, 1
§ro:§115,1 § IJJ: § 192, S §}1r: § 15S, 2 § 626 : § 220, 3
§IIs:§us,2 § 162 : § 136, 4
· § 12: § 61, 1 §}7;: § 171, 1; 177,1 § 6)9: § 28, 1
§ 169 : § 176, 3 § }1J : § 144. 2 § 647: § qo, 2; 16o, 3
§ 14-22: § 176, 3 § 110: § 16s, 1; 167, 1 § J9J : § 1 SS, 1 § 6¡S: § 168, 2
§ rS: § 16o, 2 § 11J : § 288, 1
§ 19: § 20, 2
§ )96-)91: §33. 3 § 67)S : § 13 S, 1
§ 111 : § 176, 2 §401: § 199, S § 677 : § 115, 13 ; 130, 1
§2p:§us,1 § rSo : § 33, 1; 33, 2 § 409 : § 149, 1; x6o, 3; § 67S: § 168, 2
§)O-ji : § 140, 2 § rSo-rS2: § 272, 1 246, 1 § 679: § 178, 1; 199, 7
§;r :§ 168, 2; 171, 1; 237,3 § rSr: § 33, 3 §411: § 171, 1 § 6Sr : § 130, 1
§ }4: § 168, 2 § rS2 : § 16o, 1 § 419·420 : § us,
§ 42 : §• 1 p, 1
1 § 6S9: § 191, 1
§ rS2-1S): § 195, 1 § 440 : § 36, 1 § 698 : § 240, 2
§ 4J: § 1 Ss, 1 § rS¡: § 24s, 1 § 4!4 : § 1 12, 1
§ J2S : § 1 36, 1 § rS6: § 233, 2 § 466 : § 1 99, S S ermons latins
§JJ: § 13S. 4 § 194 : § 1 1 S, 2
§414= § 169, 1 2 §}: § 183, 1
§ Jl: § 199· 7 § 19J : § 300, I § 4S4: § 68, 1 4/I § 21: § 19, 2;
§ 6o: § 1 s2, 1 §20J: § 144. 3 §¡o¡:§ 199,7 § 2): § 143. 4;
§ 6S: § 177, 1 § 2o6-2oS : § 244, S §¡oS: § 130, 1 § 2S: § 299· 2
§ 70-72 : § 16o, 2 § 206-2/f: § 172, 1 §¡r;s:§127,1 4/2 § JO : § 299, 2
§ 1J: § 136, 1 § 201 : § 15 8, 3 § JI 4S : § ll 5, 2 6/r § JJ: § 173, 1
§S;:§ 188,2 § 224 : § 1 89, 1 § J 11 : § 1 32, 2 6/J § 64 : § 13 S, 1
§S¡: § 176, 3 § 22J: § 176, f . § ¡rS: § 120, 2; 168, 1 6/4: 169, 2;
§ SSs : § 206, 2 § 226 : § 1 S2, 1 § J26: § 88, 4 §· 66-67 : § 169, 3;
§9r:§x36,1 § 2)2 : § 130, 1 § 67: § 108, 1
§ 9} : § 166, 1 § J21 : § 1 32, 3
§ 2)S : § 13 S.1 ; 300, 2 § J)I: § 33. 1 S§ SS-90: § 299, 2; 300, 1
§ 94: § 192, S § 244 : § 169, 1 § J40: § 2S, 2 9 § 96 : § 299· 2;
§ 97 : § 13 5' 4; 179. 2; 179· 3 § 24S : § 176, 1 § /41: § 90, 1 § 97: § 33. 1
§ 10}: § 173. 1 § 26¡ : § 192, 4; 203, 2 § J49 : § I I S, 3 II/r § II4: § 177, 1;
§ 107 : § 199· 5; 199· 7 § 26j-26S: § 1~)3. 1 § JJ2 : § 2 31, 1 § IIJ: § 18s, 2
§ IOJS : § 130, 1 §;o;:§ 270, 2 §JJ}: § 20S, 3 II f2 § r 11 el r20 : § 1 3 S, 1
§roS:§ 13s, 1 § )04 : § 300, 2 § JJ4: § 86, 1 12/2 § 140: § 124, 1;
§ 109 : § 199· 7 §;o¡:§ 168, 2 §JJJ: § 108, 1 § 144: § 300, 1;
§ III: § 203, 2 § )06 : § 20 5' 4 §JJ7-JJ9: § 1SS. 1 § 14J: § 178, 2
§ II 2 : § 179, 2 ; 1 79, 3 §)07: § 177· 1 § !!9: § 173, 1 r6 § r6;s : § 124, 1
§I.-?.9: .§ 1.~9, -1; 163, 1; §)12: § 169, 5 § JJ9·J62: § 128, 2 21 § 202 : § 1 S3, 1
165, .! ; 233, 1; 246, 1 §pS: § IIS, 1; 168, 2; § ¡62: § 90, 1 22 § 213: § 185, 2; ·
INDEX DES AUTEURS
INDEX DES AUTEURS
§ 214: § 168, 2 16b:§us,9
109, 1 In Sent. Id 1 a 20 : § 90, 1
2) § 220, 222 : § 19, 2 IJ: § 300, 1
IV:§ s8, 1
2J/I § 2J8: § 7, 1 20a : § ll5' 1 ; 299· 2 JI! d 13 a 4: § 189, 1 .
De causis prop. elem. : IV d 22 a 1 : § 2 59, 1
2J/2 § 262 : § 173· 1 20b: § 115. 1
28/1 § 279 : § 140, 2 21 : § II, 2; 1 S8, 3 § 29, 4i 49, 4i 50, 1 In Dion. De C. Hier. c. 15 :
22: § 11, 2
De gen. et corr. I : § 49, 1 § 189, I
28/2§28},287-289 :§ 140,2j II: § p, 1; 103, 1
§ 290 : § 136, 1 24: § 11 S, 3 In Div. Nom. c. 4 (Alb.
Meteor.: § 29, 4; 51, 1; § 21): § 172, Ij (§153):
29 § 29J·JOJ: § 26, 1; 28: § 15 3. 1
SS, 1j 57, 1j s8, 2 § 13 6, 1 ; (§ 1 5S-15 6) :
§JOI-)OJ: § 112, 3 j 185, 2 ;8: § 132, 2
De miner.: § 132, 2 § 136, 2j (§ 157): § 20S,
JI§ )22: § 157, 1 }9 : § 13 5. 1
De anima I, 1, 1 : § 188, 1; 4; (§ 164, 167, 175, 185):
40/4 § 404: § 153. 1 86: § 177. 1 tr 2, 3 : § 86, 1 ; 168, 2
41§416:§ 16o, 3; 170,1 § 136, 2j (§ 215): § 136, 1
L'Homme noble: § 135, 1; III, 1, 1: § 188, 2j c. 8 (~ 19): § 127, 2
4J § 4JO: § 7, 2 i tr 2; 4 : § 1 82, 1 ; tr 3, 3 :
§4¡8:§155,1 245. 1; 301, 1
§ 168, i. Algazel
46 § 418: § 191, 1 L. de la Consola/ion:§ 173, 1; Desensuets. :§ 187,3
49 ¡2§j09-J12 :§ 1JS,·1 § 21, 2
177· l De veget. : I, 1, 7 : § 19 5, 1 ;
JO § f/4: § 199, 7 . c. 12-13: § 19S. 1
J4/I § J28: § 168, 2 Expos. de I'Oraison dominica/e: Ambroise
§ 140, 2 II, 1' 1 : § 19 5' 1
JJ/4 § 147 : § 300• 1 IV, 3, 1 : § 19 5, 1 § 5,1 ; 29, S; 8 8, 5 ; 12 5, 3 ;

.Questions Parisfennes Conjér. sur les << Sentencen> : De animal. I, 2, 2: § 193, 1 186, 1; 191, 1; 205, 5
· § 206, 2 IV, 2, 4: § 195, 1
I: § II, 1; 168, 2 V: § 195, 1 Aristote
§ 4: § 68, 1; 112, 3; § J : B. Autres auteurs VI, 3, 1 : § 197, 1 Post. Anal. I, 8, 75 b 31 :
§ 168,, 1; § 1 : § 199, 7; IX : § 1 9 5, 1 ; tr 1, 2 :
§ 10 : § 168, 1; § II : Adelard de Bath § 3. 5
§ 2 52, 1 II, 2, 9oa 31-34: § 3, 4
§ 128, 2j 283, 2j §¡8: § 86, 1 XII: § 195· 1 Phys. I, 4, 187a 12: § 29, 6
§ 68, 1 XV : § 2 52, 1 ; tr 2, 8 :
Agaesse P. et Solignac A. III, 3, 202b 10-x4: § 24, 1
II§;: § 143, 3; 199, 7 § 1 97. 4 VII, 1, 242a xss: § 143,
§ 6-7 : § 115' 1; 130, 1 § 182, 1 XV-XVII: § 19s, 1 2;c. 3, 247b 1s :§ 124,1
IV§ 4: § 9, 2 XVI, 12, 67: § 182, I VIII, s, 256a 4s: § 143,
V§ J: § 12, Alain de Lille
2 XVII,·2, 4: § 107, 3 2; 256b 24-27: § 168, 2;
§ 174. 2 XIX, 5 : § 188, 2 c. 8: § 233, 1; 264a 27:
Sermons al/emands
Albert le Gd Ethica I: § 203, 2 § I5 8, I
2:§115,1 Super L. Eth. II: § 176, 1
6:§176,2 L. de sex princ. : § 164, 1 Du Cíe/ II, 2, 284b 28 :
Metaph. I, 3, 3 : § 168, 2; § 9. 2
8: § 243. 3 Phys. IV, 1, 10: § 49, 2; c. 12 : § 12 7, 2 ; tr 4, 1 3 :
9= § 155. 1j 166, 1j 168, 2j 52, 1 .
Gen. et corr. I, 7, 324b 17:
§ 192, 3 § 163, I
300, 2 V, 1, 9 : § 143. 3; 163, 1; IV, 3. I : § 168, 1
tr 3, 6-8 : 163, 1 De l'áme I, 2, 4osa 13-17:
/2:§155,1 Post. Is.: § 187, 2; 206, 4; § 168, 2
IJ: § 126, 6 De Coelo et m. II: § 29, 4i 229, 2
Ija ~.§ LI, 2 .• p, 1 ; 49, 3 ; 49, 5 ; So, 2; III, 4, 429a 18-26:
In ]oan. 12: § 132, 1 § 168, 2 ·
If: § 300, 1 p, 1j 103, 1j 107, 1j De nat. boni : § 52, 1

Hist. anim. VI, 18, S7tb
f
~-.
INDEX DES AUTEURS INDEX DES AUTEURS

125 : § 197. 1 III, 6, 11 : § 300, 3 Musique: § 192., 1 Boece


Gen. anim. II, 3, 737a 2.85: IV, 9, 14: § 2o6, 1 Révis. : § 2.2.6, 2.
§ 146, 1; 2.09, 1; 223, 1
§ 153, 1 V, 2, 2. : § 2. 10, 1 S;Quest. :§ 3, 1; 5,4; 2.5,1
III, II, ¡6th 2.0-2.1 : XI, ¡, 9 : § ¡, 1; Tr. Ev.Jean 1, 13: § 136, z.; Bonaventure (5.)
§ 107, 3 C. 10, IZ-1 3, 16: § 7, 2. LII, 1 : § 2.03, 3 § 61, 1 ; 189 •. 1 ; 2. 59· 3
IV, 3, 767b 95: § 153, t; XII, z.o, 29 : § s, 1 Trin. III, 2., 7 : § 130, 2.;
c. 6, 775a 5 :§ 153,1 Doct. chrét. : § 1 30, 2. C. II, 2.5 : § 2.69, 2. Bulle «In agro dominico»
Métaph. 1, 2, 982b 2.6 : Enchir.: § 153, 1 IV' 1, 3 : § 7' 3 § ¡, 2; 177, 1
§ 176, z.; c. 8, 989b 145: Enn. in Psalm. JO s. 1 n° 12. : VI, 1' 9 : § 7. 2.; c. 4. 6 :
§ 168, 2. § 191, 2 § 88. 5 ; c. 1o, 12. : § 5. 2. Campanu5
IV,¡, 1012a 23 : § 3, 3 7J n° 16: § 2.6o, 2 VIII, 3. 4: § 173, 3 § p, 4
V, 15, toua 2.95: Epist. r87: § 185, 1 XII, 12,. 17: § 186, z.;
§ 199· 6 Gen. c. Manich. 1, 20: 2.45, 1; De causis (L. de)
VII, 1, 1028b 11: § 3, 2; § 1zz, 1 ; c. 2.1 : § 12 7' 1 ; ibid. n ° 1 8 : § 2. 57•" 1 prop. 111: § 2.1, 2.
c. u, tonh 1o-12. : § 3, 3 c. 2.2.-2. 5 : § 142, 1 prop. IX:§ 12.1, 1; 2.72, 1
XII : § 15 2, 1; c. 4, 107ob II, 9-11 : § 186, 2 Ps-Augu5tin, De spiritu el prop. XX : § 272, 1
2.5:§4,1 Gen. s. litt. 1, 12, z6 : § 94, 2 anima
Eth. Nic. 1, 13, 1102.b 30 : II, 1' 4 : § 6, 1 ; c. 6 : § 166, 1 ; 189, 1 Calcidiu5
§ 2.03, 2. § ¡, lj C. 10, 23: §193, § 31, 1
III, 1-3 : § 261, 1 1 j C. 14, 2.9 : § 19 3, 1 Aulu-Gelle
VI, 12.-13, 1 I44h 32.- IÍI, 2.4: § 127,1 § 192., 1 Charland Th.M.
II45a 2. : § 88, 5 IV, 8-20: § 142, 1; § 28 5, 1
Averroe5
VII, q, 1154a z.6: 166, 1;c. 8,15 :§ 173, 3;
§ 2.1, z.; 107, 3; 12.0, z.; Chartul. Univer5. Pari5
§ 169, 1; b 135: § 169, 1 c. 9· 16: § 174. 2.;
VIII, 1, unh 7-8: C. 12, 22-23: § 147, l; 16o, 1; 16o, 2.; 168, 1 § 1 S5. 1
§ 136, 4 1 54, 1 ; 16 3, l ; C. 33, 5I- Avicenne Chenu M.D.
Polit. 1, 5, 12.54h 3-4: 52. : § 9· 4
§ t6¡, 1 V, 4. 1 : § 15 4. 1; § 115, 7; 149, 1; 153, 1; § 2., 3
C. 5, 12. : § 16o, 1; ibid.
169, 4; 188, 1; 2.92., z.;
Aristoteli's ( Auctoritates) 2.9 3• 1 Cicéron
n° 12.-16: § 2.37, 5;
§ 9, z.; 168, 1 c. 20, 41: § 154. l; c. 2.0- Basile de Cé5arée § 8 8, 5; 211, 3 et 4
2.3: § 12.1, 1 § 13, 1 ; 17, 1 j 2.9, 5 j 71, 1 j Davy M.M.
Augu5tin (5.) VIII, 1, J: § 186, t; 13 2., 1
C. 12, 2.5 : § 146, 1; C. 12.-
§ 189, 1
De bono vid. : § 169, 1
Cité de D. V, 5-6 : § 193, 1 13 : § 194· 1; c. 2.3-2.6: Be de Delhaye Ph.
VII, 3-4: § 193, 1 § 12.1, 1;c. 2.6,48 :§61, 1 § 8, 2.; 71, 1; 88, 1; 94, 2. j
IX, 3, 5 : § 194, 1 ;
§ II5, 11
IX, 4 : § zz8, 3 12.0, 1; 12.4, 2.; 142., 1;
XIII, 2.1 : § 186, 2. c. 10, 16 : § 19Q, 1 173. 3; 190, 1; 2.06, ·3; Démocrite
XV, 2.7: § 2.2.5, 1 X, 3, 5 : § 1 54. 1 2.59. 2.; 2.86, 1 § 192., 1
XVI, 2.9: § 2.2.7, 1; c. 30 : XI, p, 11 : § 190, 1;
§ .,2.60; 1 . ~ c. 34. 4 5 : § 2.08, l ; Bernard (5.) Deny5 le p5-Aréopagite
_.Conf. '1, 1, 1: § 149, ¡ c. 35.47: § 2.0j, 5; 2.06, 5 § 169, 1 j 176, 2.j 189, 1 § 15 9, 1; 17 5, 1
674 INDEX DES AUTEURS
INDEX DES AUTEURS
ND c. 1 § 6 (¡96A): Godefroid de Fontaines Isidore de Séville 112, 2; 115, n; 192, 4;
§ 299· 1 § 130, 1
c. 2 § 1 ( 6;6C): § u S, 1 §So, 1·; 106, 1; 115, u; 193· 1
c. 4§7 (7o4A): § 2, 4 Gratien 1S9, 1; 194, 1; 229, 2; Malmonide, Cuide des Égarés
· § 10 (70JB): § 172, 1 2p, 2 et 3; 26o, 1
§ 2 59· 3 § 162, 1; 203, 4; 243, 1;
§ 19 (p6B) : § 127, 1; J ean Damascene
Grégoire de Nysse 245. 3; 291, 1
(716C): § 205, 4
§JO (7}2A) : § 136, 1 § 1S6, 2; 261, 1 et 2 Mojsisch B.
§ 115, 11
§ 32 (7JJA): § zo5, 2 Jean de Sacrobosco § 115, u
c.¡ (SqC) : § 143, 3; § J Grégoire le Gd
§ 101, 1 Mun k
(82oB): § 3, 1 § 61, x; SS, 5; xq, II;
c. 7 § 2 : § S4, 1 146, l; 256, 3 Jean Scot Erigene § 236, 2
Dietrich von Freiberg Guillaume d' Auvergne § 2, 4; 4, 5, 4; 5, 5 ; 7, 2 ;
1; Nautin P.
§ 4, 1; 11 5, 12; 192, 7, 3; 20, 3; 61, 1~"-7S, 3;
§ 2 59. 3 115, 11; 17S, 2; 209, 3; § 17, 1
Éphésiens V, }2 Guillaume de St-Thierry 2
H· 5 Némésius
§ 194, 1 § 1 s9, l Jeauneau E. § 120, 3
Épiphane Henri de Gand 7. 3; 20, 3 Nicolas de Lyre
§ 7. 2 § 155, 1 Jérome (s.) §So, 1; SS, 3; 12.5, 3
Épiphane de Chypre Hilaire (s.) § 3, x; 17, 1; 77, 1; SS, 1; Origene
§ 77> 1 SS, 3 ; 1 S2, 1 ; 1S6, 1 et 2;
§ 130, 2
22.7, 1; 2S4, 1; 292, 1; § 5. 1; 5. 5; 71, 1; 77, 1;
Étienne de Bourbon 2.96, 2 126, 1; 171, x; xS6, 1;
Hissette R. 1 S9, 1 ; 22 5, 1
§ 15. 1
§ 6, 3 Josephe
Pagnoni-Sturlese M.R.
Gennade § 296, 3
Honorius Augustodunensis § 115, 6
§ IS2, 1
§ 103, 2 Klein A;
Geoffroy de St-Victor Pierre Abélard
Hugues de St-Cher
§ 61, 1 -
§II5,11 § 177, 1
Postilles : § 3, 1 ; 3 5, 2; Lactance
Pierre de Riga
Gilles de Rome 115, 1., 120, 1; 122., 2; § xS6, 1
§ 7, 2; 10, l; 2 I, 2 142, 1., 149. 1., 25 3· 1; § 22 5. 3
Libera A. de
25 5. 1. 256, 1. 25 8, 1; Pierre Lombard, Sentences
Glossa 2 59. 1.' 26o, 1.' 276, 1 ; § uS, 2
' l
2S6, 1; ' 296, 3; 29S, /d;:§II5,1
§ 7~ 1; 120, 1; 174, z; Lossky VI.
190, 1; 191, 2, 194· l; - d 8: § 171, 1
255, x; 25S, x; 259, 1; Hugues de St-Víctor § 300, 1 d JI: § 130, 2
260,":1;. 276, I)- 2S6, x; § 13, 1; SS, 1; SS, 3; 142, 1; d;¡ :§ 115, 1o; 136,1
Macro be
292, l. ' i j3, 1 d 4/: § 219, 1
§ 21, 2; 31, 2; S6, 1 ¡ 1O 1, 1 ; d 46 : § 1 36, 1 ; 1 53, 1
p·· - .......... -- ..... ~ - - - - · · . -· ... ······-- .
---~----

.676 INDEX DES AUTEURS INDEX DES AUTEURS


II d 2: § 13. 1 Tempier (Étienne) c. 86-89: § 182, 1 q 48 aa 2-3 : § 21, 3
d 12: § 142, 1 § 6, 3 III c. 7-9: § 136, 1 q54a2:§1q,s
d13: § 71,1 1 1 : § 21, 1
C. q 59 a 4: § 219, 1
d 14: § 88, 1; 94. 2 Tertullien 13-14: § 136, 1
C. q 6s a 1 : § 88, 1
d 1J: § 121, 4; 127, 1; § 182, 1 c. 17-18: § 152, 1 q 66 a 1 : § 29, 5
131, 1; 142, 1; 1~0, 1; c. 24 : § 120, 2 q 68 a 1 : § 67, 2
154, 1 Théophile d' Antioche C. 64-65 : § 1p, 1 q 69 a 1 : § 29, 6
d16:§115,8 § 17, 1 c. 66 : § 16o, 3 q 72 a 1 : § 183, 1
d 18: § 182, 1; 194, 1 C. 71 : § 21, 3 q 73 : § 142; a 1 : § 1 p, 1;
d 20: § 194· 1 Thibault de Langres
c. 77-79: § 121, 1 a 2: § 144, 2; 16o, 1
d 23: § u6, 1 § 88, 3 c. 94 : § 1 53' 1 9 74 a 2 : § 29, 6; a 4 :
d 24: § 245. 1; 257, 1 Quest. Disp. de Veritate § 136, 4
d JO: § 190, 1 Thomas d' A quin
q2a2:§II5,6 - q 76 a 1 : § 12, 3 ; 18 3, 1
d JI: § 182, 1 Écrit sur Sent. q 79 a 2 : § 1 15, 1 2
l/1 d 13: § 185, 1 1 d. 1 5 q 3 a 2 : § 1 6o, 1 q 3 a 1 : § 5, 2 ; 5, 3j-"a 2 :
§ xss. 1 q 81 a 3 : § 167, 1
d Jj: § 274. 1 II d 12 a 4 : § 2q, 6 q 91 a 1 : § 18.8, 2; a 3:
d 1s q ~ aa 2-~ : § 142, 1
q 5 aa 8-9 : § 1 2 1, 1
IV d 22 : § 2 59, 2 et 3 q 20 a 3 : § 1 1 5, 6 § 197· 2
d qq2a 1 :§182, 1 q 92 a 1 : § 15 3, 1; 188, 1
Platon (Cratyle) d 18 q 2 a 1 et 3 : Quest Disp. de Potentia
q 93 a 6: § 121, 1
§ 192, 1 § 182, 1 q3a6:§21,3
q 96 a 1 : § 1 22, 1
d 19 q 1 a 3 : § 21, 2 q 4 a 1 : § 29, 6
Priscien q 103: § 12, 2; a 1 :
d 28 q 1 a 1 : § 205, 2 q 8 a 2 : § 1 99, 6
§ 127, 2; a 2 : § 15 2, 1
§ 251, 3 JI/ d 14 a 1 sol II : Quest. Disp. de Malo q 104 a 1 : § 1 p, 1
Proces de Cologne (do-
§ 115, 12 q 1 a 2: § 21, 3 q 110 a 1: § 121, 1
d 26 q 2 a 3 sol. II : S. de théo/. ¡a P.
cuments éd. Théry, Daniels) S. théo/. ¡a_IJat P.
§ 144, 2 q 2 a 3 : § 120, 2; 143, 2
§ 7, 2; 21, 1; 25.2 d 29 a 4 : § 176, 2 Prol. : § 120, 3
q 3 a 2: § 219, 1; aa 3-4: q 1 a 1 : § 131, 1; a 2 :
Proces d' A vignon d 3s q 2 a 1 : § 189, 1 § II5, 1
d 36 q 1 a 5 : § 13 5.3 § I 20, 2; a 4 : § 1 3 1, 1
§ Cf Bulle «<n agro domi- q4a1:§55,2 q 55 a 4 : § 20 5, 2
nico» · S. c. Gentiles q5 a6: § 145,2 q 59 a 4 : § 203, 2
I ce. 38-40: § 173, 2 q 6 aa 3-6 : § 13 5, 3 q 66 _a 6 : § 169, 3
Rahner K. c. 40 : § 17 3, 1 q 8 a 1 : § 149, 1; a 2 :
c. 73 : § 146, 1 § 166, 1 S. théol. l/0 -l/at P.
§ 189, 1 q 19 a 4 : § 176, 2
c.78: § 12, 2; 136, 4; q 9 a 1 : § 1 59, 1
Robert Angles 153. 1 q 12 a 6 : § 179, 2 q 47 a 6: § ·205, 2
§ 107, 2 c. 8s :§ 12, 2; 153,1 q 1 5 a 2 : § 1 53, 1 Cat. aurea in Matth. :
c. 91 : § 169, 1 q 17 a 4: § 21, 3 § 140, 2
Roger Marstori II c. 9 : § 146, 1 q 19 a 9 : § 15 3, 1
§ 155. c. 42: § 21, 1 Expos. in Ev. johan. :
1 q 22 : § 15 2, 1; a 2 : § 1p, 1
c. 68: § 183, 1 § 21, 3
Siger de Brabant c. 73: § 145, 2 9 47 a 1 : § 10; a 2 : Expos. in Phys.
§ 6,-i;~Ío, i." c. 8 5 : § 1 8 5, 1 § 127, 2 . III lect 4 : § 24, 1
INDEX DES TFIEMES
INDEX DES AUTEURS

IV lect 7 : § 9, 2 Expos. L. Boeth. de Hebdom.


VII lect 2 : § 143, 2 lect 5 : § 146, 1
VIII lect 9 et II-12 :
Ulpien
§ 143. 2
Expos Metaph. § 257, 2
V lect 1 7'! § IJ9• 6 Victorinus (Marius)
XII lect 7 : § 169, 3 ;
lect 12: § 152, 1
§ 115, I l INDEX DES THEMES DOCTRINAUX
Sent. L. Ethic. Zum Brunn E.
I c. 20 : § 20 3, 2 §II5,6 1. COMMENTAIRE DES PROLOGUES
Expos. Politic. PAR F. BRUNNER
I c. 3 : § 230, 2; c. 5 : (référence a la gage, en dédmales a la note)
§ 167, 1
III c. 5 : § 167, 1 accident: IIO-II1; II4-121; 123; 139; 144-146; 155; 162; 183;
188-189; 193-194. Opp. substance, terme général, transceh-
dantal
adjacent (deuxieme ou troisieme): 1so; 192.-194; voir prédicat
ame: 122.; 173-174; 176
amour: 1o6-1o8
analogie: II8-II9; 142., 1; 155-q6; 179
antérieur- postérieur: 114-116; 12.1; 12.3; 154; 16o; 163-165
(syn. supér. - inférieur)

bon: 104; 16o; 187; et passim

cause : analogique, univoque : 179


premiere, seconde: II6; 118; 12.5; 12.7-128; 151; 165-168;
172.; 180-181; 185-192; 194
quatre causes, causes subordonnées : 190-191
ceci (hocouhocethoc): 148-154; 161; 167-168; 178, 1; 180-182.;
185-186; i89; 192.-194; voir étant, etre, forme, essence
collatio :101, 2; II 2.
commencement et fin : 137-140
68o INDEX DES THEMES INDEX DES THEMES 681

commun: 107-108; 164-165 (syn. indistinct) ·¡


universellement désiré: 117; 119
• opp. a l'étant participé: voir étant
copule: 149-150; 154; 18o; 186; 192-193 opp. aJ'etre limité: 159; 162; 168-169; 178-179; VOÍrétant
conversion essentielle: 188 etre de la créature: II2; 116; II8-12o; 123-125; 128; 136;
142; 154-156; 180-181; 186-187; 193-195; voir analogie,
création (active): 117; 125; 127; 132-140; 152; 187 intérieur - ext.
etre double de la créature : 13 6, 6; cf. 152
créature: IIO-II2) 118; 121; 123; 141-142; 144; 151-152;
opp. a la forme (ou a l'etre formel ou etre-ceci pris comme
154-155; 161; 170; 179-18o; 185; 192-195;voiranalogie,ceci,
essence, étant, etre forme, essence ceci): 117; 148; 165-166; 173; 176-177; 181; 186; 19o; voir
es sence
se dit de tout : voir tout
voir Dieu, étant, terme général, transcendantal
devenir : 134; 186
exégese: 97; 133; 140-141; 145; q8; 177
Dieu : est etre o u étant : 11o; 124 et la suite; 153 et la suite; etc.
opp. au non-etre; voir etre
son existence: 128-132
étemel: 137-138; voir 120; 132; 161 Fils ou Verbe: q6; 138; 141; 181; 183-184
opp. a la créature; voir ce mot ftxio: 167, 5
estletranscendantaJ: 105-106; 110-111; 142; 1p; 153;etc.
cause unique du transcendantal dans la créature: 116-117; forme: 108, 8; 109-1II; 115; u7; 118, 10; 161; 166-168; 171;
123-124; 133-134; 153; 15 5; 162-169; 187 173-177; 181-186; 189-190
cause immédiate du transcendantal dans la créature: 109; unicité de la forme: 175-176; 182-183
II6-u7; 153; 155; 169-179; 181; 186; 193; 195 voir ceci, etre
voir création, etre, perfection spirituelle, terme général,
transcendantal
génération: 173, 4; 174-177
en tant que (in quantum) : 119
essence: 109; 131-132; qo-1p; 154; 166-167; 177; voir ceci, idée : voir : raison en Dieu
etre, forme
indistinct : 107-108
étant : opp. a l'étant participé (l'étant-ceci pris comme étant) :
119; 154; q6-157; 162; 166; 169; 178, etc. inhérence: 114-115; 193
participé, opp. a l'etre: 104; 119; 124; 128, 2; 129; 134: intellect : 120
136-137; 144-147; etc.
participé, opp. au ceci (a l'étant-ceci pris comme ceci) : 148 et intérieur- extérieur: 134-138; 142; 170-171; 178
la suite; 161-162; x86; 192-194
prédicat ou copule: 149-qo; 154; x8o; 186; 192
etre : est Dieu : 1oo; 124-129; 143; 15 8; 192; passim mal: 104-1o6; 147
opp.aunéant: 104-105; 108-111; 116; 123-124; 133;135; matiere: 109; 119; 171; 174-176; 181-182; 184
137; 1-39; ·LP; ·170; 186-187; 193
opp. au devenir: 134; 139; 186. .\
!
mixte: 176; 189
682 INDEX DES THEMES INDEX. DES TREMES
néant : voir etre
193
.négation de la négation : 159-1 6o; I 68; I 78 voir sujet
nombre: 105; II4-II6 sujet: 114-IIS; 120~121j 149-150; 182-183; 193
nouveau: 102-103; 137-138 supérie~r et inférieur: 107-IoS; 121-123; 147; 152; 194

Oeuvre tripartite: intention : 1oo-xox terme général: 114-121; 123; 144-146; 168
dÍVÍSÍOn: 100-IOI j 103-104; I 12
tout; 107-108; 174-175; 181-185; 190
ordre et méthode: 100-101; 112-113; 124; 141
transcendantal: 104-108; 110-111; 114; 117; 141-142; 146;
opposés: 103 et la suite; 146-147 149-1 51; x56-q8; 161-165; 169-J70j 188-189; 193
Trinité: 105
panthéisme : 19 5 ; voir etre de la créature
participation: 111; 125; 142, 1; 147; 154; 162; 180
un (ou unité); 104-105 j 115; 122 j 1 57-~60; 163-164; 168 j
perfections spirituelles: 107; 110-111; 114; u6; no; 146; 193 171-172; 178; 182-183; 189-191; et pamm.
philosophie et théologie: 106; 12 5; 127; voir: 97; 98; 141-142; union hypostatique: 183-184
184, 1; 195-196
prédicat(ouprédication): 149-150; 153-154; 18o; 186; 192-193 vertu: 106-107
premier et dernier: 1o8-1o9; 137; 172 vie spirituelle: 99; 11 1-112; 125; 142; 156; 179; 195-196
príncipe: Dieu: 134; 136; 181 vrai : 104; 159-160; 163-164; et passim
commencement: 137-140
proces de Cologne: 102; 114; u8

quod est - quo est : 109- 11o

raison: idée en Dieu: 1o9; 152; 161; 167-168 z. COMMENTAIRE DE LA GENESE


naturelle: 140-141
(référence au §, en décimale a la note)
sens propre: 15 3-156; 162; 17o; 195 action volontaire
- au moyen de l'intellect : § 10
signe (ou signifier): 145-147; 150-151; 153-155; 162; 192-193; - en partie seulement si elle n'est pas de bon gré: § 261
196 rapport de la récompense et de l'action : § 261
substarice·: uo:.ni; 114-121; 123; 145-146; 155; 167; 182-:183; «Admirable» (nom de Dieu): § 298-300


INDEX DES THEMES INDEX DES THEMES

agir bien:§ 127-130; 135-139; 144; 148; 173


- en Dieu, c'est etre : § I46; x66; I 72 - pur (Dieu): § 175
- divin, supérieur au teinps: § 171-172 - lié au sensible, selon Ma!monide: § 203 ·
- divin dans l'activité de la créature : § 1 5o; x76; 18 1 - est «a l'extérieur» : § 68
- droit et juste : par amour de la justice : § 286 · réjouit précarité des -s humains: ~ ,75 ,, .
immensément Dieu : § 2.24 ' - moral et - délectable (cr1t1que d Eptcure): § 2.39
mode divin du -: sans mode: § 173
altération - et bénédiction absente au deuxieme jour: § 88
- sert la génération : § 229; 229, 1; 246 ej. «mal», «péché»
- et disposition: § 233; 233, 1
- et intellect: § 12.4; 2oz; 22o; 220, 2
cause
ame - intrinseque et - extrinseque : § 5 ; 5, . 1 ; 14
or~gine de. 1'- (traducianisme et créatianisme) : § 182; 303 - premiere pour Averrges n'est pas D1eu : § 3
- mtellectlve : sa perfection : devenir monde intelligible :
§ xq; 115,6 ciel
- du monde : § Ilz; 1 12., z localisation du - par la terre o u centre : § 9; 9, z
ej. «Íntellect» localisation du - par ses parties : § 9, 2
amour cit:concision : § 236-247
- igno~e la peine (s. Bernard): § 169 coéternité du monde a Dieu: § 7; 7, 2
- du b1en: § 15; 176, 2; z61; 261, 2 ej. «création dans le Verbe»
- et crainte : § 23; 286
ej. «bien» colere
- comme dissemblance et dissonance : § 2.21
analogie: § u8 - de Dieu contre le pécheur: § 222
ange ej. « passion »
création de 1'-: § 13; 72 commencement : cf ((príncipe))
individuation de l'- : § 8 9; 89, 1
- du mal: § 245 connexion des vertus : § 8 8 ; 88, 5 ; I5 6
ej. « intellect » (A vicenne) erainte : doit se transformer en amour : § 2 33
appétit création
- sensitif: rationnel par participation : § 241 - dans l'etre : § 19
- intellectif: rationnel par essence : § 241 - comme collation de l'etre: § 14
- premiere et :- secor~:de : § 2 .3~;, 2 37 .
- et conservatlon, umque actlvlte d1vme : § 1 51
béatitude - est activité présente de Dieu : § 20; 181
substantiellement dans l'intellect et formellement dans la - dans le V erbe (o u Fils) : § 3 ; 5; 7; 7, 2 ; 20
volonté: § 135, _296 - dans l'lntellect : § 6
- avec le concours des anges selon Ma!monide : § 1 16-1 17
ej. <(r~pos» ·(en Dieu)
686 INDEX DES THEMES INDEX DES THEMES

- nécessaire : § ~ 6, 3; Io étance (des choses créées): § 4; 4, 1; 41,_,._1


- volontaire et libre : § 6; 146; 169 etre
fait ex-sister «a l'extérieun (de Dieu) les formes-Idées qu'il
«possede d'avance»: § u; u, z. premiere de toutes les notions et príncipe de toutes les
simultanéité de toute la- : § 7; 7, 3 ; 8 ; 1 3 ; 18 ; 18, x perfections : § 19
- et temps: § 7; 7, z.; 73; t6o - pur et plénier, Dieu : § 174
ej. « émanation » - de toutes choses est rec;u de Dieu sans intermédiaire : § 21
est antérieur au temps : § 7; 7, 2; 160
créature confere le repos en lui : § 164-165
- est «aux alentours de l'étre» : § 164; 245 sa suffisance : § 246
- en produisant les -s, Dieu parle : § 7 objet du plus vif désir: § 149; 164; 174; 226; 247
etre double de la - : § 77-78 donne aux essences créées d'etre formées: § 33
ne se suffit pas : § 24 3 · - substantiel et - accidente! : § 28 3
déchoit de l'unité et dans l'imperfection : § 9; 26; 72 - intelligible et - sensible : § 78
- intellectuel et - matériel : § 2 5
- virtuel et - forme! : § 77; 77, 1 ; 81 ; 8 3; 8 5 ; 8 5, 1
déiforme : § 179 - pour le juste, c'est agir avec justice : § 176; 178
ej. « création », «un», « repos »
délectation
sert la raison qui doit la régler : § 2 37 exemplaire : ej. «<dées », « raisom>
non réglée par la raison est contre nature: § 238-240
deux femme : ej. « homme » (en général)
signe de déchéance : § 26; 28; 90; 199 fils
o~igine de la division et du mal : § 88; 89
n est pas un nombre : § 91 création dans le - : § 5; 20
l'homme juste est - de Dieu : § 22
disposition fils et «philos» (amour, aimé): § 233
déclenche nécessairement l'engendrement de la forme subs- ej. «Verbe divin», «raison», «ldée»
·tantielle: § 233; 233, 1 fin : premiere cause: § 141 _
le supérieur dispose l'inférieur avec douceur : § 6 3 - de l'opération (immanente_, triuisitive): § q6
forme
éléments (les quatre): § 3o; 46-48; 53-58 - et matiere: § 24; 55
hiérarchie des - par le degré forme! : § 1 2; 57
émanation essence simple et invariable (L. VI Princ.) : § 164
- si!llult~ée des ~ersonnes. ~vines ~t du créé : § 7; 7, - substantielle unique chez l'homme: § 196; 283; ej.
- necessa1re des creatures (cnuque de 1-): § to; 21; 21, 2 « intellect » . ·· ·
esprit animateur de l'homme : § t82..:185 Dieu « possede d'avance» toutes les - : § 1 1; 11, 2; 83
ej. «ame» fruit défendu
«est:~~?-» ( dn- est?): § 27; 29; 29; 7 sens du mot «pomme»: § 95-96
688 INDEX DES TREMES INDEX DES THEMES

c'est la figue : § 97 incréable : § 112


inférieur
génération est par nature soumis au supérieur : § 2 3 ; 121
- absolue et - relative : § s5 est établi et affermi par le supérieur: § 272
- du v~va~t masculin et du vivant féminin : § s5 ; 15 3 instant de l'éternité : § 7
ej. « alteratton »
intellect: § 11 s-116
gout (spirituel, sapor) : a pour objet le bien : § 189 est nature de Dieu: § 11; 112, 2; 237 .
grace - gloire : § 2o6 est «séparé, non mélangé» (Anaxagore) : § 168
príncipe de toute la nature : § 6
esdme intellective de l'homme : § 181-18 5 ; 18 5, 1 ; 30 3
hiérarchie est perfection supreme de l'homme (Mai'monide) : § 202
est créé avec sa perfection intelligible chez l'homme avant la
- des etres créés : § 1 2 1
- des modes d'animation: § 182-185 chute (Maimonide): § 116
son objet propre: § 11 S
homme la connaissance intellective est fin de l'homme : § 18 8; 197
- image de Dieu : ej. « image » n'est pas atteint par la passion : § 124; 202; 220
l'- fils dans le Fils : ej. « fils » abstrait d' « ici » et d' «o u» : § 211
défini par la connaissance intellective : § 188; 197; 23 7 comme «table rase» : § 229 ; 2 37
mortel quant a u corps : § 1 12 ej. «ame»
1'- intérieur est 1'- noble : § 301 intelligence
1'- extérieur (soumis aux passions), le vieil -, 1'- ennemi:
§ 245 contient toutes choses : § 6
médium de la création (Avicenne): § 21; 21, 2
priorité de 1'- masculin sur la femme, symbole de celle de la
premiere apres Dieu (Ibn Gebirol): § 27
rai.son sur la sensibilité :· § 55 ; 2 37; 249 ·
pnmauté de 1'- sur l'univers: § 131-133; 230; cf «micro- ej. «intellect»
cosme» intériorité
opération intérieure (intention morale) : § 177
- parfaite : § 99
Idées divines
- créatrices, sont exemplaires du créé : § 3 ; 5; 115
- sont égales en Dieu : § 1 55 justice
image - engendrée et - inengendrée : § 20
- de Dieu en l'ame : § 301 dissemblance du juste et de l'injuste: § 222
tout ce qui est en nous n' est pas tout entier - : § 2 2 3
l'homme - de Dieu: § 115-120; 301; par l'intellect:
§ 115-II6; 188; 211; 237; par la liberté: § 21o; d'ou Dieu est droiture de la - : ·§ 22 3
domination sur les etres inférieurs : § 120-1 2 5
dégag~mel!-t prpgressif de 1'- de Dieu: § 301
-. tepréseritation : § 301; 301, 4· · langage: origine naturelle du-: § 192
INDEX DES THEMES INDEX DES THEMES

lieu nature
sa nature : § 49 obéit a l'imagination : § 292-294
Dieu n'est pas «oth>, c.-a-d. dans le lieu: § 2.09-2.10 hiérarchie des -s créées dans l'univers : § 288
Dieu est le «ou» de toutes choses : § 2.09 . eJ. « forme»
néant
lumiere le mal est - : § 2.44
- du péché : § 86
- et luminaires : § 67; 101; 103-111 - de la matiere premiere : § 35
- dans le Verbe et - dans la nature : § 68 r
- de la créature prise en elle-meme, sans sa nature véritable
- et ténebres: § 69-70 qui est son Idée créatrice en Dieu: § 8;, 1
explication des éclipses : § 102. la nature intellectuelle peut verser dans le - : § So
mal négativité : § ;ox
est défaut et non effet (done n'a pas de cause créatrice) : § 136; )

2 44
no m
n'~s~ pasvoulu comme tel mais sous apparence de bien : § 2.05 «le - au-dessus de tout nom>>: § 84; 299
ortgtne du -: § 2.89-2.91 . -s attribués a Dieu: § I74; 270; 2.98-;oo
Dieu_n'opere pas le- en nous: § 136-141; 244 - des passions attribué a Dieu : § 2 19
fonctton du-: § 21; 2.1, 3
Dieu est irrité par le - sans etre touché par la passion : § 2.1 7; .
2.2.4 pair- impair: § 2.8; 88, ; ; ej. «un», «deux»
matiere paradis : a la fois spirituel et corporel : § 186
son informité : § 2.9; 29, 5 parole de Dieu : pensée et volonté : § 64
- et privation: § 36-39; 40-45
désire sans cesse d'etre formée: § 33 participation
néant de la - : § 35 ce qui est dit par - est au service de ce qui est dit «par
ej. «forme» essence » : § 241
microcosme : l'homme est un - : § 11 5 ; 133 passions
m o de chez l'homme et chez !'animal:·§ 12.2-12.5
- divin du bien est sans mode, au-dessus de tout mode : chez l'homme vertueux : § 228; z68
§ 173 les -s et la raison : § 2.40
l les -s et le mal : § 2.91
mort -s attribuées a Dieu : § 219
- spirituelle, chatiment immédiat du péché: § 190-191 péché
- est double: § 191
- est contre la raison: § 205
multiple : § 89; 113; 2. 31 ; 244, 4 dissimule Dieu a l'homme: § zo6
néantise le pécheur : § 86
'< irrite cela meme qui est Dieu: § 2.2.3
1
\ ,~,--

INDEX. DES THEMES


'
1 INDEX DES THEMES
la volonté de pécher : § 2 s7
le ch:itiment du - : § 26o ~ sage
r· le - peut-il etre troublé?: § 228
prédicateur : exigences le concernant : § 280-28 s la solitude n'est bonne que pour le-·: § 29s
prélat: exigences concernant le-: § 249-250; 278-279 savoir infus chez Adam : § 192-193; ej. «intellect»
premier : dans un ordre essentiel, contient cet ordre : § 49 senior: § 251
primauté de l'homme: ej. «homme» sens
príncipe - externes et - internes : § 18 7-1 89
difiere de premier : § 17 sensibilité et faculté intellective: § 2.37; 244-24S
la faculté -itive appartient a l'homme comme par accident:
le - (commencement) de toutes choses est la Raison o u
Verbe: § 20 § 237 .
nécessité des - pour la connatssance : § 2.2.9; .2 37 .
privation les - ne connaissent ni-la quiddité (essence) n1 les acctdents,
supérieure a la matiere : § 38 mais seulement l'aspect extérieur: § 232 , .
est «face» de la matiere : § 40-41 les -ibles excessifs sont des obstacles ala speculatton : § z3o
privation de privation : § 1s8 l'appétit -ible est rationnel par participation: § 241
la puissance -~ble est part ~n~érieure de l'~me : § 24S , .
la puissance -tble est «le vted homme», 1homme exteneur,
raison l'homme ennemi : § 24 5
la -ibilité est racine et faite des maux humains : § 24S
-s .i~éelles (Idé.es d~vines) sont exemplaires du créé: § s
-s 1deelles sont tdenttques au Ver be ou Fils : § 3; 3, 1; 5; 20; serment: § 270-27s
27S
sexe
-s idéelles sont causes intrinseques de l'étance des choses: § 4;
4. 1 dualité des -s: § 12.1; 194-2oo; Z4S; 24s, I; 249; 2.49, 1
-s séminales : § 18; 18, 1 ; 98; 98, 1 - masculin et- féminin comme actif et passif : § 19 5
Dieu est moins la cause des choses que la- de leur cause:§ 62 simplicité : ej. «un»
ej. « péché »
suffisance: Dieu est la - de toutes choses: § 243; 246
réalités sensibles : sont discordantes : § 231
supérieur : ej. « inférieur»
redmiblements de l'Écriture : § 179
repos
1
1
- de Dieu conféré par Dieu: § 142; 179; 181 .
- en Dieu est fin et bien pour toute créature: § 172-173; 244 1 tenter: en quel sens Dieu tente l'homme: § 262s
- en l'etre : § 144s, z44
ter re
reviviscence du péché: § 2s9; 259, 3
¡
1
premier nom de la matiere : § 29
- et eau : § 51-52
sens propre du mot -: ~ 93 , . .
- est le no m de tout ce qu1 est d essence tmparfalte : § 33
r
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INDEX DES THEMES

Theses censurées d'Eckhart


§ lntrod. p. 2oo; § 7, 2; 21, 1; 2~, 2; 177, 1 l

traducteurs de la Septante : § 304

un
§ 1 99
. .
1'-ité est ce qui est propre a Dieu: § 26; 114
l'-ité est signe de perfection : § 89; 11 3 '
Dieu contient tout d'avance en tant qu'-: § 84
1'- et le multiple: § 113; 231; 244; 244, 4
1'- ne peut produire que de 1'-: § 10; xo, 2; u
ej. «deux», «multiple»
univers Pnotocomposition
C.C.S.O.M.
§ 12; 21; 69; 288 Abbaye de Melleray
a une unité d'ordre (l'inférieur gouverné par le supérieur): 44520 Moisdon-la-Riviere
§ 121
ACHEVÉ D'IMPRIMER PAR
L'IMPRIMERIE CH. CORLET
végétarisme 14110 CONDÉ-SUR-NOIREAU
§ 126 W d'Éditeur : 7613 ·
N° d'Imprimeur: 3674
Verbe divin: § 3; 3, 1; 5; 275 DépOt légal: avril 198"4
ce qui est dans le - est vie : § 78; 78, 3
- sans verbe : § 77 ·Imprimé en France
ej. «<dées»; «raison»; «príncipe»; «vérité»
vérité
Dieu est la - elle-meme : § 2. 7 1 ; 2. 73
est la raison de toutes choses : § 275
volonté
son objet: § 130; 135
ej. «agir volontaire», «bien», «appétit intellectif»

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