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Cahiers du monde russe et

soviétique

Les écoles du parti de Capri et de Bologne : La formation de


l'intelligentsia du parti
Jutta Scherrer

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Scherrer Jutta. Les écoles du parti de Capri et de Bologne : La formation de l'intelligentsia du parti. In: Cahiers du monde russe
et soviétique, vol. 19, n°3, Juillet-Septembre 1978. Hommage à Georges Haupt. pp. 259-284;

doi : https://doi.org/10.3406/cmr.1978.1321

https://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1978_num_19_3_1321

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JUTTA SCHERRER

LES ÉCOLES DU PARTI

DE CAPRI ET DE BOLOGNE :

La formation de l'intelligentsia du parti

« Un intellectuel (intelligent) acquiert des habitudes


méthodologiques élémentaires à l'école secondaire. Quelle que soit celle-ci, elle
discipline le cerveau. Et ceci confère à l'intellectuel dans le cadre
du parti d'énormes avantages sur l'ouvrier. Ce dernier si on
l'arrache à la masse se sent nu et sans défense. Le chaos des faits
l'écrase. Pourquoi ? Parce qu'il manque de méthode. C'est dans
cette direction que l'école doit diriger tous ses efforts. Donnez à
l'ouvrier la méthode, il acquerra la plénitude des connaissances lui-
même [...] Le parti a besoin de travailleurs intellectuels (intelli-
gentnye rabotniki), l'école veut en donner au parti. »r

Les idées de Trotski sur la fonction et les objectifs d'une école du parti
qui sont développées dans une longue lettre, inédite jusqu'à ce jour,
adressée de Vienne le 20 juin 1909 à Maksim Gor'kij, l'un des initiateurs
de l'école de l'île de Capri, ne relèvent pas de la pure spéculation. Dès le
début de cette même année, un autre organisateur de l'école, l'ouvrier
Mihail (pseudonyme de N. E. Vilonov) avait écrit de Capri aux
organisations locales du parti en Russie, en les priant de répondre sans détours
aux questions suivantes : qu'exigent-elles d'une école du parti ? Quelle
sorte de travailleurs veulent-elles y former : des agitateurs, des
organisateurs, des propagandistes, des militants du mouvement syndical ou
agraire ? Ont-elles des ouvriers à envoyer à cette école ?2
Puis, en juin, Mihail lui-même s'était rendu clandestinement en
Russie pour accélérer le déroulement des élections des élèves-ouvriers
par les organisations locales et le départ de ceux-ci pour Capri. Sur le
chemin de Moscou, il s'arrêta à Vienne chez Trotski. Ils ne s'entendirent
pas uniquement sur la nécessité de fonder une école du parti. Trotski
promit aussi d'insérer un long article de Mihail consacré à ce sujet dans
la Pravda dont il était l'éditeur. Cependant, avant la sortie du numéro
prévu, le numéro 53 (il parut seulement au début d'octobre 1909, et ce,
sans l'article de Mihail), Lénine avait convoqué à Paris une conférence de
la rédaction élargie du Proletarij. Au nom du « centre bolchevik » et sous
la présidence de Lénine, « tous les organisateurs et les initiateurs de

Cahiers du Monde russe et soviétique, XIX (3), juil.-sept. igj8, pp. 25Ç-284.
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l'école de NX », nom de code de Capri, furent condamnés « en tant que


représentants de l'otzovisme, de l'ultimatisme et de l'idéologie du bogo-
stroitel' stvo (construction de Dieu) ». « Sous couvert d'une école », peut-on
lire dans la résolution officielle publiée par le Proletáři), « un groupe
idéologique et politique particulier » est en train de se constituer et devient le
« centre d'une fraction en rupture avec les bolcheviks »4. On accusa au
premier chef Bogdanov d'être la cause de la « destruction de l'unité
organisationnelle de la fraction bolchevique ». Au cours de cette même
réunion, Bogdanov fut exclu de la rédaction du Proletarij d'abord, de la
fraction ensuite, mais non du parti5. « L'école est une nouvelle fraction. »•
Telle fut dans les mois qui suivirent la devise adoptée par Lénine et par
ses partisans pour se livrer à une polémique impitoyable contre les
organisateurs et idéologues des écoles de Capri et de Bologne qu'ils qualifiaient
de « bolcheviks de gauche », ou même ď « otzovistes divins » (božestvennye
otzovisty), assimilant ainsi le bogostroitel' stvo à l'otzovisme. Outre
Bogdanov, étaient visés Lunačarskij, Gor'kij, Aleksinskij, Ljadov, Pokrovskij et
Vol'skij qui à la fin de 1909 créèrent le groupe Vpered et publièrent à
Genève un journal du même nom. C'est ainsi que fut consommée la
rupture de la fraction bolchevique. Le groupe littéraire indépendant Vpered
joua, sous la conduite de Bogdanov, un rôle non négligeable dans le
Gesamtpartei jusqu'au moment, vers 1911-1912, où il le quitta, départ qui
lui fit perdre progressivement de son importance7. C'est essentiellement
pour faire contrepoids à l'influence du groupe Vpered, autrement dit à
l'influence de Bogdanov, que l'école léniniste fut fondée à Longjumeau
pendant l'été 191 1.
Les considérations politiques, tactiques et idéologiques qui aboutirent
à la fondation de la contre-école de Longjumeau et qui avaient déjà
présidé à la création des écoles de Capri et de Bologne, constituent un
chapitre passionnant, non écrit jusqu'à ce jour, de l'histoire du POSDR8.
Même s'il appartint à la fraction bolchevique et en particulier au groupe
issu de son aile gauche de fonder les deux premières écoles de Capri et de
Bologne, l'école du parti en tant que telle était de nature à concerner
le parti dans son ensemble. Ainsi, les mencheviks ne manifestèrent pas
uniquement un intérêt théorique pour le programme d'enseignement.
Maslov, Kollontaj et Vel'tman-Pavlovic acceptèrent même d'être lecteurs
à Bologne. Si Martov et Dan revinrent sur leur engagement initial d'y
faire des cours, ce fut simplement parce qu'on leur avait laissé entendre,
— intentionnellement par Kamenev — , le plus proche collaborateur de
Lénine, que les fonds de l'école provenaient de Г « expropriation » de
Miass9 : l'hostilité des mencheviks aux expropriations était sans
équivoque10. Par la suite, tous les mencheviks refusèrent même d'aller à
Longjumeau. Plehanov qui figurait aussi sur la liste des lecteurs invités
à Capri, Bologne et Longjumeau ne prit même pas la peine d'informer les
organisateurs de Capri et de Bologne de son désintérêt. Trotski qui n'était
« ni bolchevik, ni menchevik, mais social-démocrate révolutionnaire »
en attendant ď « intervenir pour concilier les inconciliables »n voyait
pour cette raison dans l'école du parti un instrument particulièrement
adéquat. Lui qui n'était soutenu par aucune organisation et qui disposait
uniquement de son journal, la Pravda, adopta à son égard une attitude
favorable ; il se prononça pour la fondation d'une école qui soit l'émana-
LES ÉCOLES DU PARTI 2ÓI

tion du parti tout entier, tout en critiquant en particulier les programmes


d'enseignement de Capri. Par la suite, Trotski fut lecteur à Bologne
pendant quelques semaines.
Cependant le problème d'une école du parti russe n'était pas l'affaire
de la social-démocratie russe seule, le mouvement social-démocrate
international se devait aussi de prendre position à l'égard de cette initiative.
Kautsky et Rosa Luxemburg déclinèrent l'offre qui leur fut faite de
donner des cours à l'école de Capri. Rosa Luxemburg allégua le maneme de
temps12 et Kautsky le fait qu'il était un homme de plume et non de
discours13. Cependant on ne peut pas accepter complètement leur
argumentation : les implications politiques et tactiques étaient beaucoup trop
importantes pour que les deux social-démocrates les plus renommés aient
voulu se prononcer pour une tendance, et par là même, contre l'autre
à l'intérieur de la fraction bolchevique. En août 1909, Rosa Luxemburg
écrit à Bogdanov que « la scission qui s'est produite », lors de la réunion de
la rédaction élargie du Proletarij, est pour elle « quelque chose d'incongru ».
« J'aurais positivement honte de parler de cet incident à Kautsky. »u
La véritable raison de son refus d'aller à Capri apparaît dans une lettre
à Leo Jogiches (Tyszka) : elle craint que le fait de participer à cette école
ne la mette « en collision avec les principes de la politique du parti, du fait
de l'hostilité entre la colonie de Capri et Lénine »15. Plus tard, elle ne
jugera même pas digne de répondre à l'invitation de l'école de Bologne.
Kautsky qui avait catégoriquement refusé de se rendre à Capri, et qui,
à dessein, ne fut pas invité à Bologne, fut tenu au courant des activités
de l'école par l'un des lecteurs, Ljadov. Dans une longue lettre aux
organisateurs, Kautsky approuve le programme des cours16. Cependant,
il ne peut s'empêcher d'aborder la question des tâches immédiates de
la social-démocratie russe. Le fait qu'il ait conseillé aux organisateurs de
Bologne d'utiliser les « possibilités légales » de la Duma prouvait
clairement qu'il avait adopté la position tactique et politique de Lénine à
l'encontre des oztovistes et des ultimatistes ; en sa qualité de dépositaire
des fonds de la social-démocratie russe, il alloua par la suite la somme
de 10 000 francs à l'école de Longjumeau organisée par Lénine17. Firent
également part de leur refus de participer aux travaux de l'école de
Bologne la socialiste italienne d'origine russe, Anna Markovna Kulešova,
et ce pour raison de santé, ainsi que le socialiste italien Ettore Ciccotti.
Les conceptions divergentes de la politique du parti, les considérations
tactiques qui présidèrent à la naissance de trois écoles du parti et
expliquent les différences entre les groupes qui y participent activement,
sont trop complexes pour pouvoir être présentées et a fortiori analysées
dans cette brève étude18. C'est pourquoi nous nous limiterons dans ce qui
suit à un aspect spécifique essentiel : l'étude des programmes des écoles de
Capri et de Bologne et la question du but recherché par un type
d'enseignement qui s'adressait exclusivement à des ouvriers. Les écoles devaient-
elles former tout simplement des fonctionnaires du parti ou bien permettre
aux ouvriers d'accéder à une éducation au sens le plus large du terme ?
S'agissait-il pour elles de créer une intelligentsia ouvrière (rabočaja intelli-
gencija) ou une intelligentsia du parti (partijnaja intelligencija) recrutée
parmi les ouvriers ? En d'autres termes comment y considérait-on le
rapport ouvriers-intelligentsia dans le cadre du parti et comment les
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écoles de Capri et de Bologne qui certes ne présentent pas d'unité absolue,


mais dont les acteurs principaux sont les garants d'une certaine
continuité, se considèrent-elles elles-mêmes ? Si nous n'approfondissons pas
davantage ici l'expérience de l'école de Longjumeau, cela ne signifie pas
pour autant qu'elle semble a priori moins importante. Mais l'école de
Longjumeau, inconcevable sans les expériences de Capri et de Bologne
et qui n'aurait certes pas vu le jour sans ces prédécesseurs gênants, vise
un objectif tout à fait différent19. L'examiner n'est pas le propos ici,
d'ailleurs son orientation idéologique, marquée par son initiateur Lénine,
responsable pour plus d'un tiers de tout le programme d'enseignement20,
peut être supposée connue dans ses grandes lignes.
LES ÉCOLES DU PARTI 263

Quelques brèves données sur les différentes écoles constituent un


préalable nécessaire.

1. L' école du parti de Capri : août igog-décembre igog


A l'origine, cette école avait treize élèves — nominalement connus — ,
envoyés principalement par les organisations de Moscou et des districts
environnants. En outre, treize auditeurs libres recrutés sur place furent
inscrits dont certains promirent de se rendre en Russie à la fin du stage
pour y faire de la propagande — ce qui était obligatoire pour les élèves
en titre. En cours d'année, cinq élèves, dont un provocateur qui s'était
glissé parmi eux, ainsi que l'un des organisateurs, l'ouvrier Mihail (Vilo-
nov) cité précédemment, passèrent dans le camp de Lénine. Il en résulta
une scission au sein même de l'école. Mihail et les cinq élèves exclus
quittèrent alors Capri avant la date prévue et se rendirent à Paris chez
Lénine21. Des cours y furent organisés à leur intention par Lénine,
1. Dubrovskij, Zinov'ev, Kamenev et Krupskaja.
Les lecteurs de l'école de Capri étaient A. Bogdanov (connu à Capri
sous son autre pseudonyme, N. Maksimov), A. V. Lunačarskij, Maksim
Gor'kij, G. A. Aleksinskij, membre de la fraction social-démocrate à la
deuxième Duma, les historiens M. N. Pokrovskij et M. N. Ljadov,
l'historien de la littérature V. A. Desnickij et le philosophe Stanislav Vol'skij ;
ils avaient tous la même tendance politique et constituèrent à la fin du
stage avec une partie des élèves le groupe Vpered. Dès la fondation de
l'école, Lénine avait décliné l'invitation d'y enseigner en raison du
« caractère fractionnel de l'école ».

2. L'école du parti de Bologne : novembre igio-mars ign


L'école de Bologne prit le relais de l'école de Capri dans la mesure
où elle eut les mêmes organisateurs, même si, les cours étant commencés,
Maksim Gor'kij se désista pour des raisons personnelles. Cependant la
condamnation des lecteurs de Capri par la rédaction élargie du Proletarij
qui conduisit à la fondation du groupe littéraire indépendant Vpered,
encore que tous les lecteurs n'y aient pas appartenu, confère à l'école de
Bologne, du moins en apparence, un caractère d'indépendance politique
et idéologique plus prononcé qu'à l'école de Capri.
Dix-sept élèves venaient de Russie ; en outre l'école avait des auditeurs
libres recrutés dans l'émigration et dont certains, comme la femme de
Lunačarskij, n'étant pas des ouvriers, jouissaient à l'école d'un statut
particulier.
Sur douze lecteurs, sept étaient directement rattachés au groupe
Vpered (Bogdanov, Lunačarskij, Ljadov, Vol'skij, Aleksinskij,
Pokrovskij, et V. R. Menžinskij qui, en 192b, succéda à Dzeržinskij) ; un en était
très proche (l'historien Heraskov) ; trois autres étaient mencheviks
(Maslov, Kollontaj, Vel'tman-Pavlovic), un n'appartenait à aucune
fraction (Trotski).
A Bologne dont la municipalité était socialiste, l'école russe du parti
était rattachée à l'Université populaire G. Garibaldi. C'est là qu'eurent
lieu les cours pendant le premier mois et que se trouvait la bibliothèque de
l'école du parti22.
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3. L' école du parti de Longjumeau : mai içn-août içii

Cette école avait seize élèves dont douze mandatés de Russie et quatre
auditeurs libres23. Le groupe des lecteurs se répartissait ainsi : huit
bolcheviks (Lénine, Krupskaja, Inès Armand, Kamenev, Zinov'ev,
N. A. Semaško, Ja. E. Janson, Ju. M. Steklov), un menchevik du parti
(M. K. Vladimirov), un membre de la social-démocratie polonaise
(V. L. Leder), deux membres de Vpered (Lunačarskij , Vol'skij)24, deux
social-démocrates non fractionnels (Charles Rappoport, D. B. Rjazanov),
un représentant du Bund (Davidson).

L'une des argumentations les plus intéressantes en faveur de la


création d'une école du parti se trouve dans l'article déjà mentionné
que l'ouvrier Mihail (Vilonov) écrivit pour la Pravda et qui avait été
approuvé par le comité d'organisation de l'école de Capri25. Se réclamant
avant tout des informations fournies par les organisations locales, Mihail
constate que partout en Russie on « manque de propagandistes,
d'agitateurs, d'organisateurs et de dirigeants (rukovoditeli) ». La « désertion
massive » du parti par l'intelligentsia ( poval' noe begstvo intelligencii)
après la défaite de la révolution de io,O526 a fait que les tâches du parti
reviennent à des ouvriers qui n'étaient pas préparés à prendre en charge
une action de direction idéologique et qui n'avaient aucune prédisposition
à faire de la propagande ; incapables de rédiger des tracts, Us ne savaient
pas non plus répondre aux questions de la base. L'absence totale de
« dirigeants-ouvriers » (rabotniki-voždy) eut pour « conséquence la
disparition des organisations du parti »27. Les tentatives directes faites par les
organisations locales — création de cercles où les ouvriers devaient
recevoir une formation de propagandistes (Mihail mentionne un « collège de
propagande » à Sormovo) — échouent la plupart du temps, faute de
représentants de l'intelligentsia. Même s'ils fonctionnent, ces cercles
végètent et pâtissent de l'absence d'hommes capables, de la pénurie de
moyens financiers des organisations locales. Diverses organisations, comme
celle de Moscou ou de la région industrielle ( central' nyj promyUennyj
rajon), réclament depuis longtemps déjà des écoles du parti et de
propagande pour faire « des ouvriers social-démocrates expérimentés, les
dirigeants idéologiques du mouvement ouvrier », et « des ouvriers, les
fonctionnaires du parti ». Mais c'est au parti en tant que tel qu'il incombe
ď « organiser les écoles du parti auxquelles participeront les meilleurs
théoriciens et praticiens », c'est-à-dire l'intelligentsia à laquelle dans l'état
actuel des choses on ne fait pas appel pour le travail du parti, et qui par
sa vie est coupée des « masses laborieuses en Russie ». Mihail conseille
de prendre exemple sur les partis social-démocrates allemand et belge qui
créent des écoles du parti pour la formation des différentes catégories de
travailleurs du parti, alors qu'ils disposent tous deux de bien d'autres
moyens pour former des dirigeants ouvriers.

« La crise que la vie du parti vient de traverser », constate Mihail,


« nous a donné une bonne leçon. Espérer comme auparavant l'aide
LES ÉCOLES DU PARTI 265

de l'intelligentsia ne nous convient pas. Le prolétariat, en tant que


classe sociale, doit avoir sa propre intelligentsia qui travaille dans
ses rangs à l'anéantissement du capitalisme [...] La seule issue à
cette situation c'est que les travailleurs eux-mêmes reçoivent une
éducation du parti. Au fur et à mesure que les écoles du parti se
développeront, avec chaque promotion, le prolétariat russe se verra
effectivement doté de véritables dirigeants pour ses
organisations. » Et faisant un usage quelque peu naïf et maladroit de la
terminologie et du style de Bogdanov, Mihail explique : « Dans
les écoles du parti où le travail se fait dans un esprit de
camaraderie mutuelle (v duhe tovariŠčeskoj vzaimopomoŠči) , les expériences
des théoriciens et des praticiens fusionnent ; le travailleur reçoit
de ses enseignants le savoir dont il a besoin et en même temps
il leur apprend la manière dont ils doivent enseigner. Sur la base de
cette relation réciproque, concrète, il peut se créer chez nous cette
littérature accessible à tous dont les ouvriers ont tant besoin [...]
Finalement cette relation directe créera les véritables organes
dirigeants du parti à l'expansion desquels les masses elles-mêmes sont
si intéressées, car elles y trouvent une réponse à leurs questions et
à leurs besoins [...] Ce sont les masses qui ont fait surgir de leurs
rangs leurs dirigeants pendant les jours de la révolution », écrit
Mihail en conclusion de son article, « maintenant aussi, elles les
font surgir pour remplacer l'intelligentsia en fuite. »

Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un document non publié, donc
particulièrement intéressant à ce titre, que nous reproduisons ce long extrait
de l'article de Mihail. Mihail « Zavodskoj » (« celui de l'usine »), de son
vrai nom Nikifor Efremovič Vilonov, était le seul des organisateurs de
l'école du parti de Capri issu d'un milieu ouvrier. Les raisons qu'invoque
Mihail (qualifié ď « ouvrier-philosophe » par Bogdanov28) pour la création
de l'école du parti ont une importance spécifique, car c'est en sa qualité
d'ouvrier qu'il exige la transformation des ouvriers en intelligentsia, afin
que le parti puisse avoir les « dirigeants ouvriers » dont il a besoin.
L'intérêt tout à fait nouveau d'une telle formulation sous la plume d'un ouvrier
est évident car en général on ne connaît la discussion du sujet de 1' «
intelligentsia ouvrière » qu'à travers les prises de position de l'intelligentsia
elle-même. Or, le débat sur la signification de Г « intelligentsia ouvrière »
revêt une importance de plus en plus grande à l'époque des écoles du parti
et tous les problèmes qui lui sont liés acquerront une nouvelle dimension
après la révolution d'Octobre.
Mihail lui-même se considère comme un représentant de cette «
intelligentsia ouvrière » qu'il postule, même s'il ne définit pas plus précisément
ce terme. N. Valentinov, partisan du courant empirio-criticiste, et à ce
titre proche de Bogdanov, a insisté sur la soif de culture pratiquement
illimitée de Mihail lorsque celui-ci cherchait à assimiler les fondements du
marxisme dans un cercle social-démocrate dirigé par le « propagandiste »
d'alors Valentinov (pseudonyme de N. V. Vol'skij), à Kiev au début du
siècle. La grande ambition de Mihail n'aurait pas été seulement d'acquérir
un savoir réellement encyclopédique, mais aussi d'être un intelligent.
Simultanément, il aurait éprouvé un dégoût profond, une méfiance
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immense à l'égard de l'intelligentsia d'origine noble ou bourgeoise. Selon


Vilonov, le mouvement spontané des ouvriers conduirait directement au
socialisme (et non au trade-unionisme) ; mais l'intelligentsia du parti qui
reste malgré tout étrangère au milieu ouvrier le détourne du droit chemin
en raison de son origine sociale différente29.
Membre de la fraction bolchevique depuis 1903s0, président du soviet
de Samara en 1906, Mihail est envoyé en 1908 à Capri aux frais du parti
à cause d'une maladie pulmonaire. Là, il fait la connaissance de Gor'kij,
autodidacte comme lui, auquel le lie une profonde amitié, intense mais
de courte durée. L'idéal de Gor'kij et de Bogdanov — très proche de lui
à cette époque — d'une formation et d'une culture encyclopédiques des
ouvriers a profondément impressionné Mihail. Lunačarskij qui vivait
alors en Italie et recherchait fréquemment la compagnie de Gor'kij à
Capri, se rappelle que Vilonov fut le premier à avoir l'idée d'une «
université du parti ». Les réticences initiales de Gor'kij, Bogdanov et
Lunačarskij à cette idée réellement « fantastique » avaient rapidement cédé
devant « notre soif de voir d'authentiques prolétaires russes et de
travailler avec eux »31. Dans une lettre que Mihail adresse à sa femme,
Marija Mihajlovna Zolina travaillant comme membre du parti en Russie,
on peut lire : « Je choyé cette école comme un véritable enfant. »32
Cependant, à peine la moitié du programme d'enseignement est-elle
réalisée que Mihail quitte Capri pour rejoindre Lénine33. La déception
que lui cause l'école jette une lumière éclatante sur le double objectif que
s'était fixé celle-ci et que l'ouvrier militant, l'activiste révolutionnaire du
parti et l'autodidacte n'avait pu harmoniser en lui. La source du conflit
n'est autre que l'identification faite par Mihail entre « intelligentsia
ouvrière » et « dirigeants ouvriers », car pour Gor'kij et Bogdanov «
intelligentsia ouvrière » n'est absolument pas synonyme de « dirigeants
ouvriers ».
Certes Gor'kij et Bogdanov aussi, de même que les autres lecteurs de
l'école, croyaient avoir en elle un instrument permettant d'atteindre « un
nouveau type plus élaboré de propagande du parti », comparativement à
ce qui se faisait dans les cercles de propagande d'alors et de « former ainsi
les cadres permanents des dirigeants du parti puisés dans le milieu
ouvrier », comme on peut le lire dans le Rapport d'activité de la première
école supérieure de propagande et d'agitation social-démocrates pour les
ouvriers, publié par le conseil de l'école de Capri34. Mais si la « tâche
première de l'école consiste à approfondir [la conscience] de classe de la
propagande social-démocrate », l'école se propose moins de former des
« politiciens de la révolution » que « des socialistes conscients, capables
d'analyser toutes les questions d'actualité d'un point de vue de classe »35. Il
était évident pour Bogdanov surtout que sans une coopération consciente
et fraternelle (soznatel'no-tovarisceskoe sotrudničestvo) — ainsi définissait-
il la conscience de classe des ouvriers — , sans « la faculté de s'organiser
( organizovannosť ) dans le travail et dans la lutte sociale, consciente et
fraternelle, le prolétariat ne serait jamais capable de s'orienter vers le
socialisme, ni a fortiori de prendre le pouvoir et de le conserver ». « Ce n'est
pas dans la gestion des biens des organisations, tant professionnelles que
du parti ou autres, qu'il faut actuellement chercher le socialisme, mais
dans une réelle coopération de classe des ouvriers ». Ce n'est que plus tard,
LES ÉCOLES DU PARTI 267

après la victoire définitive de la révolution, que le « socialisme cessera


d'être seulement la coopération de classe du prolétariat » ; il « s'emparera
alors de l'économie dans son ensemble », et « réalisera une organisation
nouvelle de la propriété et de sa répartition »3e.
C'est en ces termes que, dans un des premiers numéros de Vpered,
Bogdanov avait incité les ouvriers à élaborer leur propre idéal social sur
la base d'une organisation caractérisée par un esprit de camaraderie
consciente de la classe ouvrière : la « culture socialiste prolétarienne »37.
Par ces mots, Bogdanov n'avait fait que formuler les préoccupations qui
étaient non seulement les siennes mais aussi celles de Gor'kij , Lunačarskij
et Aleksinskij lorsqu'ils parlaient du modèle d'éducation et de formation
que l'école du parti devait proposer aux ouvriers. Selon la « culture
prolétarienne », l'éducation de l'ouvrier en vue de le guider vers le
développement d'une conscience collective englobe tous les aspects de l'existence
et ne se réduit en aucune façon à l'organisation politique et à l'activité
sociale. Ainsi l'ouvrier doit aussi établir de nouveaux types de rapport au
sein de sa famille, en renonçant à son comportement autoritaire envers
sa femme et ses enfants ; il doit acquérir de nouvelles méthodes de
connaissance scientifique et philosophique, créer un art nouveau « pour se
transformer d'abord lui-même en socialiste, pour transformer ensuite
l'humanité entière en socialiste (socialističeski preobrazovať ) »38.
Bogdanov, Gor'kij et Lunačarskij avaient expliqué, quelques mois
seulement avant la fondation de l'école de Capri, ce qu'ils entendaient
par l'énergie organisée du peuple, voire du collectif prolétarien, lors de la
préparation de la révolution, dans une anthologie intitulée Essais de la
philosophie du collectivisme (Očerki filosofii kollektivizma) . Dans l'avant
propos qui est sans doute de la plume de Bogdanov bien qu'il ne l'ait pas
signé, leur conception du travail d'organisation est définie ainsi : il ne
s'agit pas seulement de la « création d'organisations formelles », mais
de « l'élaboration d'une conscience active et orientée des masses et qui,
dans la société présente, apparaît comme l'autoconscience (samosoznanie)
politique et sociale des classes. L'unité des buts et des sentiments reconnus
comme vitaux qui relie l'individu indissolublement à son collectif dans la
lutte pour ces objectifs, telle est l'aptitude à l'organisation (organiza-
cionnosť ) indispensable à toute classe progressiste pour réaliser ses tâches
historiques résultant du cours objectif des choses. »39
Le « socialisme prolétarien » de Bogdanov ou bien la « culture socialiste
prolétarienne » sur quoi se fonde l'idéal d'éducation et de formation
dispensé par les écoles de Capri et de Bologne, déborde donc l'objectif de
l'éducation et de la formation que fixe Mihail (Vilonov). L'une comme
l'autre n'existe que dans la mesure où la politique du parti est concernée.
Face à la pensée collectiviste de Bogdanov qui voit dans une éducation
prolétarienne au sens large du terme une condition fondamentale de la
société socialiste future40, Mihail oppose une conception plutôt élitiste qui
voit dans la formation et dans l'éducation le moyen de créer une
intelligentsia ouvrière exclusivement au service du parti.
Il est significatif que Bogdanov veuille que sa conception de « la culture
socialiste prolétarienne » — c'est-à-dire des « rapports de vraie
camaraderie du prolétariat dans toute la praxis de la vie du prolétariat » —
pénètre aussi l'organisation du parti. Le « socialisme prolétarien » doit y
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détruire les vestiges de la société bourgeoise « qui n'ont rien à voir avec
le socialisme », ainsi que l'exige une plate-forme élaborée par le collectif
des élèves et des lecteurs de l'école de Capri, et qui fut manifestement
écrite sous l'influence de Bogdanov. On peut y lire ceci :
« Ce n'est un secret pour personne combien le prolétariat et tout
le mouvement révolutionnaire souffrent de l'individualisme de très
nombreux militants (dejatel'), de leur ambition personnelle, de
leur aspiration à se mettre en avant, de leur aversion pour la
discipline fraternelle, de leur manque de patience devant la critique
fraternelle [...] L'habitude largement répandue parmi les militants
(partijnye rabotniki) de faire aveuglément confiance à des autorités
en vue, de s'en rapporter sans les jauger, aux opinions de tel ou
tel chef reconnu, en repoussant tout doute sur leur sûreté de
jugement, n'en cause pas moins de tort. »41
De même, Bogdanov, dans l'article cité de Vpered, estimait qu'il ne
peut y avoir de « pouvoir » dans une véritable organisation prolétarienne :
le « pouvoir » des dirigeants n'existe que dans la mesure où ils exécutent
la volonté du collectif42.
L'activité des écoles de Capri et de Bologne doit être appréciée en
ayant l'idée, esquissée, que Bogdanov se fait de la « culture prolétarienne »,
en tant qu'idéologie consciente des tâches du prolétariat, présente à
l'esprit.
LES ÉCOLES DU PARTI 269

Mais comment se présente concrètement le programme d'enseignement


de ces écoles ? Correspond-il à leur intention de former des propagandistes
et des agitateurs ? Ou bien est-ce le vaste idéal de Bogdanov et de Gor'kij
de donner aux ouvriers une culture prolétarienne et encyclopédique ou
même de l'élaborer avec eux qui domine ?
Un programme des activités conçu en commun par les organisateurs
de l'école de Capri avait été joint à l'article sur l'école du parti que Mihail
envoya à la Pravda le 31 mai 1909. Il avait été présenté aux « auditeurs »
(telle est la dénomination officielle dans le compte rendu d'activité où
à dessein il n'est jamais question ď « élèves » ou ď « étudiants »43), lors
de leur arrivée de Russie à Capri, afin de solliciter leurs avis. Les «
auditeurs » apportèrent d'un commun accord avec les lecteurs quelques
modifications, comme la réduction du nombre d'heures de cours et
l'introduction de matières nouvelles (« Le mouvement coopératif », « La question
nationale », « L'histoire des révolutions dans l'Europe moderne »), la
suppression de sujets proposés (« Statistique. Théorie et application »,
« Militarisme »)44. Le programme finalement adopté portait sur trois mois.
Il prévoyait deux cours par jour de deux heures chacun. Les exercices
pratiques qui avaient trait aux questions d'organisation, de propagande
et d'agitation devaient avoir lieu le soir45.
Le 10 août 1909, Lunačarskij envoie le plan des activités à Karl
Kautsky dans l'espoir « de recueillir ne fût-ce que sous forme de lettre,
votre avis précieux sur le programme ci-joint de notre école, ainsi que
quelques conseils et suggestions »4e.
Voici le texte du programme de l'école de Capri que Lunačarskij
envoya en allemand à Kautsky47 :

(Voir Programme pp. 270-271)


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JUTTA SCHERRER 27 1

PROGRAMME

I. Organisation du parti (exercices pratiques du soir)

1. La pratique de l'organisation
2. Propagande et agitation
a) Propagande et agitation dans les cercles et réunions de masses
b) Littérature du parti
c) Cadre légal : club, université populaire
d) Bibliothèques et rapport avec les maisons d'édition
3. Technique et finances

Nombre de séances
IL Partie théorique (cours)48 dont la durée est de 1 h 30

1. Économie politique 30
2. Histoire du mouvement ouvrier en Occident 2049
3. Histoire de la social-démocratie russe et du
mouvement ouvrier 20
4. Théorie du mouvement professionnel et
coopératif et histoire des unions d'ouvriers
en Angleterre, Allemagne, France io50
5. Histoire de Russie 651
6. Panorama des partis en Russie 662
7. Conceptions théoriques et pratiques des
partis sur la question agraire 6
8. Fondements du droit public 263
9. Histoire des révolutions européennes depuis
la grande révolution française 654

III. Philosophie de la lutte prolétarienne

1. Histoire des conceptions sociales du monde


(matérialisme historique) 1256
2. Histoire de la littérature et de l'art 65e
3. Littérature russe au xixe siècle 6
4. Art contemporain en Europe 2
5. Culture socialiste 3

IV. Critique de la situation actuelle

Quelques cours 5
272 JUTTA SCHERRER

Le compte rendu d'activité de l'école indique que les cours de une


heure trente en principe duraient en fait deux heures. Les exercices
pratiques du soir prenaient de deux heures et demie à trois heures. Les
auditeurs occupaient le reste du temps à la préparation de leurs exposés
et à des discussions ; au cours de ces heures « libres » ils étaient également
informés du contenu de la presse socialiste étrangère67. En 1922, un
ancien élève de l'école, V. Kosarev évoque le déroulement de la
journée : jusqu'à 12 h les élèves préparaient leurs cours, rédigeaient leurs
exposés, etc. De 12 à 14 h avait lieu le premier cours, entre 14 et 16 h le
déjeuner, de 16 à 18 h le deuxième cours, à partir de 18 h les exercices
pratiques du soir58. Le compte rendu d'activité relève que les élèves
ouvriers, non préparés à ce genre d'activités intellectuelles, avaient
rapidement ressenti une profonde fatigue. Le conseil de l'école décida en
conséquence de raccourcir les cours et de laisser systématiquement après
chacun d'eux un temps de débat59. Les dimanches, en principe libres,
furent fréquemment utilisés par Lunačarskij pour faire des cours
d'histoire de l'art à l'occasion de visites des musées de Naples ou d'excursions
dans les environs de Capri60.
Comme l'école disposa finalement de moyens financiers beaucoup plus
importants que prévu, on put prolonger d'un mois la durée des cours.
Pendant cette période de quatre mois, les cours relevant de la section II
du programme consacrés à la théorie et plus précisément à la théorie du
parti, furent les suivants :
1. Science économique : A. Bogdanov ;
2. Histoire du mouvement ouvrier et du parti social-démocrate en
Russie : M. N. Ljadov ;
3. Panorama des partis existant en Russie : G. A. Aleksinskij ;
4. Histoire et théorie du mouvement syndical : A. V. Lunačarskij ;
5. Histoire de la Russie : M. N. Pokrovskij ;
6. Question financière et budgétaire : G. A. Aleksinskij ;
7. Question agraire : S. Vol'skij ;
8. Histoire du mouvement ouvrier ouest-européen :
a) histoire de l'Internationale : A. V. Lunačarskij ;
b) histoire de la social-démocratie allemande : A. V. Lunačarskij ;
c) histoire du mouvement ouvrier contemporain en France :
G. A. Aleksinskij ;
d) aperçu sur le développement du mouvement ouvrier en
Belgique : G. A. Aleksinskij.
9. (A la place du droit public) État et Église en Russie : V. A. Des-
nickij61.
En ce qui concerne la troisième section du programme — « Philosophie
de la lutte prolétarienne » — les cours suivants furent professés :
1. Histoire de la littérature russe : M. Gor'kij ;
2. Histoire des conceptions sociales du monde : A. Bogdanov.
Bien que, faute de temps, sur décision du conseil de l'école, les cours
d'histoire de l'art n'aient pu prendre place dans le cadre strict du
programme, pressé par les élèves, Lunačarskij fit toutefois une série d'exposés
sur ce thème. Le cours sur la « culture socialiste » ne fit pas l'objet d'un
enseignement distinct, mais fut intégré à la dernière partie des analyses
LES ÉCOLES DU PARTI 273

sur le socialisme faites par Bogdanov dans son cours ď « économie


politique »62.
La partie pratique de l'enseignement comportait quatre sections :
1. Problèmes d'organisation ;
2. Agitation ;
3. Propagande ;
4. Technique de la presse.
Un exposé d'Aleksinskij sur « L'histoire du problème de l'organisation
dans le parti et le rapport entre les tâches de classe du mouvement ouvrier
et ses formes d'organisation » servit d'introduction aux exercices sur les
questions d'organisation. A la suite de cet exposé, lecteurs et auditeurs
choisirent un certain nombre de thèmes relatifs aux problèmes de
l'organisation sur lesquels les auditeurs devaient rédiger des travaux écrits,
comme par exemple : « Le problème du centralisme et du démocratisme
dans le POSDR » ; « Controverses relatives à l'organisation lors du
IIe Congrès du POSDR » ; « La question de l'organisation lors du premier
congrès des socialistes-révolutionnaires » ; « Les avis des anarchistes sur
le centralisme et l'organisation en général » ; « Le problème du rapport
entre le parti et les unions syndicales dans la littérature de la social-
démocratie russe » ; « Le parti et la fraction social-démocrate dans la
Duma » ; « L'opinion de Kautsky sur la fraction parlementaire et son
rapport avec le parti » ; « But final et tâches quotidiennes des organisations
d'ouvriers » ; « Fonctions spécifiques de l'organisation du parti et
l'agencement de leurs relations ».
Lunačarskij introduisit les exercices d'application sur le thème
agitation par un exposé intitulé « Tâches et formes de l'agitation socialiste ».
Un certain nombre de thèmes de discours d'agitation à l'intention des
élèves furent choisis. Au début, les élèves devaient préparer des discours
sur des thèmes simples tels que les problèmes économiques et surtout la
grève (la journée de huit heures, l'appel à la grève, le mot d'ordre de fin
de grève) ; puis on leur fit aborder des sujets de réflexion plus complexes,
comme l'analyse des tâches de l'organisation social-démocrate, les appels
aux élections pour le congrès des médecins d'usine. Ces exercices avaient
pour principal objet d'initier les élèves à la rhétorique, de leur apprendre
à se servir de leur voix, à acquérir un langage imagé et à manier
adroitement la polémique face à un adversaire politique. D'après le compte
rendu d'activité, les discours improvisés ont été les meilleurs. L'un des
thèmes favoris était celui des réunions électorales en vue des élections
complémentaires à la troisième Duma qui se déroulaient alors à Saint-
Pétersbourg. L'un des élèves jouait le rôle d'un cadet qui défendait la
politique de son parti en attaquant la social-démocratie. D'autres
répondaient au nom de leur parti. De même, les élèves devaient s'entraîner à
improviser un discours contre les socialistes-révolutionnaires, les
anarchistes et les octobristes. Le rôle de la défense des partis adverses, plus
difficile, était habituellement tenu par les lecteurs. L'ancien élève Kosarev
évoque encore la façon impressionnante dont Aleksinskij avait campé un
socialiste-révolutionnaire, Ljadov, un octobriste et surtout Gor'kij, un
Cent-noir63.
Les exercices journalistiques étaient choisis dans un but précis. Il
s'agissait de préparer les auditeurs à éditer, après leur stage, des journaux
274 JUTTA SCHERRER

locaux ou régionaux en Russie ; il ne s'agissait pas, souligne le compte


rendu d'activité, de les former en vue de collaborer à l'organe central.
Les caractéristiques de la presse locale et régionale ont été précisées par
Ljadov dans un exposé. On demanda alors aux élèves de rédiger des
articles destinés aux rubriques suivantes de ce type de journaux : i.
correspondance avec les usines, les syndicats, les organisations du parti ;
2. editorial ; 3. feuilletons populaires illustrant les questions du
programme. Parmi les éditoriaux, les thèmes suivants sont relevés : « Le
congrès du parti » ; « A bas la scission » ; « L'école du parti » ; « Unions
syndicales et parti » ; « Clubs d'ouvriers » ; « La crise de l'industrie » ;
« La paupérisation du village » ; « Le soulèvement de décembre » ; « Le
tsarisme et l'Europe » ; « Le voyage des députés de la troisième Duma
à Londres » ; « La révolution et l'Orient » ; « Les résultats des trois
Dumas » ; « La conférence bolchevique » ; « Le Ier mai » ; « Le 9 janvier » ;
« Le gouvernement et la question ouvrière » ; « La question nationale » ;
« Les coopératives et le parti », etc. Le compte rendu d'activité fait valoir
le rôle précieux de Maksim Gor'kij qui aidait les élèves à analyser et à
corriger des articles rédigés sur ces sujets64. A cette occasion Gor'kij a
formulé son opinion sur les problèmes de style en général : jusqu'alors le
« jargon particulier » de la littérature du parti était resté
incompréhensible aux masses et portait ainsi préjudice à la diffusion des idées social-
démocrates dans des cercles de lecteurs plus vastes.
Le projet de couronner ces exercices de rédaction par la publication
d'un journal que réaliseraient les participants du stage dut être
abandonné. Capri où aucun journal n'était imprimé n'offrait aucun moyen
pratique de le réaliser65.
Vol'skij était responsable de la section propagande. Sa méthode
consistait à créer deux types de cercles : les « cercles des enseignants » et les
« cercles de propagande ». Il faut noter que les « cercles des enseignants »
étaient dirigés par les auditeurs de l'école qui devaient y apprendre à
enseigner la propagande, c'est-à-dire à répondre à des questions de façon
très brève sous forme de définitions ou de formules scientifiques. Dans
les « cercles de propagande », les élèves devaient apprendre à répondre à
des questions élémentaires afin que leur attention soit concentrée sur des
phénomènes tout à fait concrets. Dans les deux types de cercle il s'agissait
avant tout d'un travail pratique. Les élèves préparaient des exposés, sur le
schéma des questions /réponses, dont les sujets étaient empruntés aux
cours. Ils rédigeaient pour le journal local des articles d'agitation et aussi
de propagande sur ces mêmes sujets et préparaient des discours
d'agitation à l'intention des usines, des syndicats, des clubs, etc. ; ils devaient en
principe se procurer eux-mêmes auprès des usines, syndicats et clubs la
documentation nécessaire à leurs articles et discours afin de pouvoir les
illustrer de façon plus persuasive. La tâche des lecteurs dans ces cercles
de propagande consistait à donner aux élèves des indications de méthode
et à les aider à se procurer le matériel indispensable. Même si ce genre
d'exercices était généralement positif, l'efficacité des méthodes devait être
éprouvée dans la pratique. C'est sur ces paroles prudentes, empreintes
d'un certain scepticisme, que le compte rendu d'activité de l'école de
Capri concluait le chapitre consacré au programme d'enseignement66.
LES ÉCOLES DU PARTI 275

L'école de Bologne dont le comité d'organisation réunissait Bogdanov,


Lunačarskij, Vol'skij, Aleksinskij et Ljadov ne présente pas de différences
essentielles avec celle de Capri. Certes tous les lecteurs n'y étaient pas des
vperedovcy comme c'était le cas à Capri. Mais ces derniers étaient chargés
des cours les plus importants et dirigeaient en outre les exercices pratiques.
Un bref coup d'œil au programme qui était prévu pour quatre mois fait
ressortir le lien avec Capri :
Nombre de séances
1. Économie politique : A. Bogdanov 39
2. Histoire du mouvement ouvrier et du
socialisme :
a) en France, en Angleterre, en Allemagne :
A. V. Lunačarskij 31
b) en Autriche : L. Trotski 6
c) en Finlande : A. M. Kollontaj 3
3. Histoire du mouvement ouvrier et du
socialisme en Russie : M. N. Ljadov 28
4. Histoire de la Russie :
a) période antérieure à Pierre le Grand :
Vasil'ev 9
b) de Pierre Ier à l'émancipation des
paysans : M. N. Pokrovskij 6
5. Panorama des partis en Russie : G. A.
Aleksinskij 7
6. Question agraire : P. P. Maslov 8
7. Fondements du droit public : V. R. Men-
žinskij 8
8. Politique
9. Histoire des internationale
théories sociales
: M. : P.
A. Bogdanov
Vel'tman- 7
Pavlovič 6
10. Histoire de la littérature russe : A. V.
Lunačarskij 8
11. L'époque contemporaine67.

Au cours des soirées libres, on organisait des conférences qui se


terminaient par de longs débats. C'est dans ce cadre que Vol'skij parla du
rapport des « otzovistes » avec la Duma, Trotski, de la situation du parti
à cette époque. On discuta en outre de la lettre de Kautsky relative au
programme de l'école et des réflexions qu'elle contenait sur la situation
d'alors en Russie. Une autre soirée fut consacrée au projet de manifeste
du groupe Vpered. A. M. Kollontai conduisit des débats sur la
prostitution et l'organisation des ouvrières. Enfin la presse socialiste ouest-
européenne, comme par exemple Vorwârts, Die Neue Zeit, L'Humanité,
fut analysée68.
Le cours de Martov sur le mouvement syndical auquel on avait
réservé quinze séances de deux heures dut être réduit, en raison de son
désistement subit, à six séances que Lunačarskij et Ljadov assumèrent.
Du fait de la maladie des lecteurs, les cours sur la question nationale et
sur les problèmes financiers ne purent finalement être assurés69.
276 JUTTA SCHERRER

Lunačarskij fit trois conférences hors programme sur l'histoire de


l'art, Kollontaj en consacra quatre au travail des femmes et à
l'organisation des ouvrières, et Trotski une à Tolstoj.
Forts de l'expérience acquise à Capri, les organisateurs de l'école
de Bologne se proposèrent d'insister davantage sur les travaux pratiques
personnels des élèves. On conserva les sections Agitation, Organisation,
Propagande et Technique de la presse, ainsi que généralement les
méthodes qui avaient fait leurs preuves à Capri.
Comme à Capri, Vol'skij était responsable des exercices de propagande.
Pour commencer, il demandait à chaque élève de travailler un chapitre du
livre de Kautsky, Théories économiques de Karl Marx (1887), de le
compléter par d'autres sources puisées par exemple chez Bogdanov, Tugan-
Baranovskij ou chez Marx lui-même et d'en faire une leçon de propagande.
A la suite de cela, les élèves devaient préparer deux sortes d'exposés :
1. des exposés à partir de questions où lecteur et élève avaient le même
rôle;
2. des exposés où des faits étaient présentés sous forme de cours.
Mais l'accent principal était mis sur le travail de propagande dans des
cercles. D'un côté on forma des cercles qui s'occupaient de propagande au
sens large du terme, de l'autre, on en créa qui visaient plus spécialement
le travail parmi les propagandistes. Dans les premiers, on s'exerçait à des
exposés sur des thèmes généraux, tels le mouvement syndical, le
mouvement ouvrier international, la signification de la Duma, et ainsi de suite.
Les exposés devaient être conçus de manière à dégager une utilisation
pratique, autrement dit on engageait les élèves à rédiger leurs textes en
vue d'une utilisation immédiate, par exemple pour le travail syndical ou
pour l'armée. Dans les cercles plus spécialisés qui visaient à former les
propagandistes eux-mêmes, on faisait un travail systématique : on
préparait des exposés sur l'économie politique, sur la question agraire, mais aussi
sur les événements politiques récents.
L'animation des exercices relevant de la technique de la presse était
confiée à Menžinskij qui bénéficia pendant trois semaines de l'aide de
Trotski, lorsque ce dernier se rendit à Bologne. Ils ne présentaient pas de
différence notoire avec ceux de Capri, à cette variante près qu'à Bologne
deux groupes d'élèves distincts éditaient deux journaux différents dont
le succès, selon le compte rendu d'activité de cette Deuxième école
supérieure d'agitation et de propagande social-démocrates pour les ouvriers,
dépassa toutes les espérances des lecteurs ; les seuls défauts de ces articles
auraient été leur longueur et la langue trop peu populaire dans laquelle
ils étaient rédigés70.
Les exercices de la section agitation, dirigés par Lunačarskij, ainsi que
temporairement par Trotski et par Aleksinskij, étaient pratiquement
identiques à ceux de Capri.
Le responsable de la section organisation était Ljadov qui eut de
nouveau recours à sa méthode des questions/réponses ; les questions
étaient posées par les lecteurs et les réponses données collectivement par
les élèves, parfois avec l'aide des premiers. Les sujets de fond étaient
l'organisation du parti en général, la signification du programme du
parti, la discipline du parti, le centralisme. L'analyse de la situation du
POSDR était, elle, considérée comme un thème déjà plus difficile. A la fin
LES ÉCOLES DU PARTI 277

du stage, on traita de sujets tels que l'analyse des statuts du parti et des
divergences au sein de l'organisation, c'est-à-dire l'évolution du parti du
deuxième congrès à la dernière conférence tenue à Paris, en janvier 1910.
En outre, Ljadov enseignait aux auditeurs les rudiments du travail
clandestin, dont l'apprentissage des codes secrets.

Les comptes rendus d'activité des écoles de Capri et de Bologne


apportent peu d'information sur la teneur plus précise des programmes et
surtout sur celle des cours. L'information est réduite, faute de pouvoir
accéder aux archives soviétiques, aux textes que les lecteurs écrivaient à
l'époque même où ils enseignaient et surtout à quelques-unes de leurs
œuvres qui sont l'émanation directe de leurs cours71. Les indications
relatives aux objectifs poursuivis sont également données avec parcimonie
dans ces comptes rendus et cela tient vraisemblablement au fait que le
parti devait aussi faire preuve de la plus grande prudence en ce qui
concernait ses activités en dehors de la Russie. « Nous sommes fermement
persuadés de l'utilité de l'école en tant que nouvel instrument de
l'éducation de classe du prolétariat », constatent les organisateurs de Capri72 ;
aussi se prononcent-ils en faveur de la poursuite de l'expérience de
l'école et du développement d'une « propagande social-démocrate
supérieure parmi les ouvriers »73. Un autre document politique, directement
issu, lui aussi, de l'école de Capri, est beaucoup plus clair que les formules
quelque peu laconiques et sèches des comptes rendus d'activité destinés
au parti dans son ensemble (où systématiquement on ne veut pas faire
apparaître l'école de Capri comme l'entreprise isolée d'une petite fraction
de bolcheviks). Il s'agit du tract « A tous les camarades » (Ko vsem tova-
riščam) publié à Paris par l'édition du groupe Vpered au début de 1910.
Bogdanov explique clairement de quoi il s'agit : l'organisation d'une
propagande socialiste approfondie parmi les ouvriers n'est pas souhaitée par
une poignée d'intellectuels du parti, le « centre bolchevik ». Ceux-ci
veulent avoir le monopole de la direction du parti. Ils pensent que c'est
gaspiller les forces de celui-ci que former pour ce travail des dirigeants
issus du milieu ouvrier. Pour Bogdanov, une telle peur de la «
concurrence » des forces nouvelles issues du prolétariat lui-même, « une telle
position n'a plus rien à voir avec le bolchevisme »74.
Bogdanov énumère dans le même article les conditions nécessaires
à l'éducation des ouvriers socialistes conscients appelés à diriger un
mouvement de masse, à savoir : 1. la création d'une nouvelle littérature de
propagande supérieure à celle qui existe, c'est-à-dire d'une littérature qui
met la conception du monde du socialisme scientifique en rapport avec la
réalité russe76 ; 2. la création d'une propagande orale d'un niveau supérieur
sous forme d'universités du parti pour les ouvriers (rabočie partijnye
universitety) . Car le bolchevisme, insiste Bogdanov, est un phénomène
non seulement politique mais aussi socio-culturel. L'hégémonie politique
du prolétariat sur la bourgeoisie est inconcevable sans une hégémonie
culturelle générale. « La condition implicite du bolchevisme est la création
d'une vaste culture prolétarienne hinc et mine, dans le cadre de la société
existante », tel est le credo de Bogdanov. Celui qui ne perçoit pas ce
278 JUTTA SCHERRER

rapport de la politique, de la science, de la philosophie et de la littérature


et qui ne comprend pas la tâche de la culture prolétarienne, n'est pas
bolchevik et d'ailleurs, le véritable bolchevisme, selon Bogdanov, n'est
absolument pas présent dans les cercles existant à l'étranger, dans le
« centre bolchevik » chez ceux qui sont « politiquement malades », chez
ceux qui ont été atteints et opprimés par la dureté de la réaction ; le
bolchevisme vit uniquement dans le « solide mouvement prolétarien qui
s'organise actuellement, seul capable de résister ». Le véritable
bolchevisme, l'unique compréhension vraiment révolutionnaire des tâches et des
idéaux du prolétariat, c'est, selon Bogdanov, sa libération politique,
culturelle et sociale. « Notre affaire est celle du collectif et non pas celle
de personnalités individuelles. » C'est sur ces paroles combatives et
provocantes qu'il conclut son article.
Que les écoles de Capri et de Bologne aient servi les intentions de
Bogdanov qui voulait y former les dirigeants du mouvement prolétarien
pour donner aux masses la conscience de la culture prolétarienne ne fait
guère de doute. C'est exactement en ce sens aussi qu'il faut entendre chez
lui le terme ď « intelligentsia ouvrière ». Il en est de même pour Maksim
Gor'kij. Dans une rétrospective sur l'époque de Capri, il écrivait en 1924 :
« Je considérais que la tâche première de la révolution était de créer des
conditions telles qu'elles solliciteraient les forces culturelles du pays. Pour
atteindre ce but, je proposais de créer à Capri une école pour les ouvriers et
dans les années de la réaction, de 1907 à 1913, j'essayais de mon mieux de
remonter de toutes les manières possibles le moral des ouvriers. »7e
Dans son livre Les tâches culturelles de notre temps (Kul'turnye zadati
našego vremeni), rédigé à l'époque de Capri, Bogdanov mentionne la
« nouvelle intelligentsia » qui « sort des rangs du prolétariat lui-même » :
le prolétariat éthiquement, artistiquement et scientifiquement « cultivé ».
Cette « nouvelle intelligentsia » est « pénétrée de toutes les expériences du
prolétariat » et pour cette raison elle ne rompra pas avec celui-ci. Elle
seule « est capable de donner au travail la logique nécessaire et l'intégralité,
l'unité interne de la psychologie de classe, consciente et partout fidèle
à elle-même »77.
Dans le même écrit, Bogdanov se déclare favorable à la fondation d'une
« université prolétarienne », afin que cette « nouvelle intelligentsia »,
ď « origine purement prolétarienne », triomphe, en ce qui concerne le
développement culturel de sa classe (delo kuV turno-klassovogo razvitija)1* ,
de l'intelligentsia traditionnelle, autrement dit issue de la bourgeoisie.
Déjà en 191 1, les écoles de Bologne et de Capri constituaient aux yeux de
Bogdanov un premier pas vers la réalisation de ce type totalement
nouveau d'université ; dans celle-ci on devra dépasser les programmes
d'enseignement de Capri et de Bologne et ne pas enseigner seulement les
sciences et la philosophie sociales, mais aussi les sciences naturelles en leur
donnant la même importance79. Lorsqu'en 1918, la première conférence
panrusse des organisations prolétariennes de culture et d'éducation
envisage la fondation d'une université ouvrière, Bogdanov n'est pas seulement
le porte-parole de cette idée : il sera le premier organisateur de Г «
université prolétarienne ». Dans un article rédigé la même année, «
L'université prolétarienne », il voit dans l'époque actuelle les « conditions
objectives » réunies pour mener à bien l'idée de Capri et de Bologne. Certes il
LES ÉCOLES DU PARTI 279

insiste sur le fait que cette « université prolétarienne » n'est qu'un aspect
de l'idée universelle plus large, de la culture prolétarienne80. Lors de la
fondation en octobre 191 1 de l'Académie socialiste des sciences sociales,
la collaboration de Bogdanov avec Lunačarskij, Pokrovskij, Bazarov, etc.,
est placée sous le même signe.
Lénine n'a pu résister longtemps au défi lancé par Bogdanov qui
voyait dans les écoles de Capri et de Bologne le seul garant de la tradition
révolutionnaire et combative du bolche visme81. L'école de Longjumeau
en tant que contre-école de Capri et de Bologne faisant reposer la
formation à l'activité d'organisation et de propagande sur le principe de la
« stricte orthodoxie du parti »82 devait former des cadres et des activistes
du parti, bref une « intelligentsia du parti » correspondant à l'idéal
léniniste d'une élite de révolutionnaires professionnels. Ce que Bogdanov
entendait par l'énergie organisatrice du collectif ou du prolétariat est à
l'opposé de l'idée de Lénine sur l'énergie organisatrice du parti. La
conception de Lénine d'une « intelligentsia révolutionnaire » appelée à jouer le
rôle de direction politique ira de pair avec son « modèle d'un parti conspi-
ratif »83 et n'a rien à voir avec le postulat de Bogdanov d'une « intelligentsia
ouvrière ». Si pour Bogdanov, dans l'emploi qu'il fait de ce concept, le
caractère de classe est décisif — l'intelligentsia doit nécessairement venir
du prolétariat — de même que la conscience prolétarienne, pour Lénine
il s'agit de l'orthodoxie marxiste de l'intelligentsia ainsi que de sa
conscience de lutte de classe. La formation de cette conscience de lutte
de classe semblerait, à l'époque de Capri, pour Lénine être plutôt garantie
par la tribune de la Duma qui « offrait la possibilité légale de formation
de cadres »84 que par une école du parti. Mais traiter la question de Lénine
et de l'école de Longjumeau, appelée école léniniste (leninskaja škola) et
même considérée comme la toute première école par l'historiographie
soviétique du parti85 par opposition aux écoles « fractionnelles » de Capri
et de Bologne, fera l'objet d'une étude ultérieure.

1. Lettre inédite de L. Trotski se trouvant dans les archives de G. A. Aleksinskij,


in The Russian Archive of Columbia University, New York.
2. Cité par S. Livšic, « Kaprijskaja partijnaja škola. 1909 g. » (L'école du parti
de Capri. 1909), Proletarskaja revoljucija, 6 (29), 1924, p. 37.
3. A l'origine, la publication en était prévue dans le numéro 4 de la Pravda
(14/27 juin), mais d'après Trotski il n'y aurait plus eu assez de place dans ce numéro.
4. Cf. la résolution « O partijnoj škole, ustraivaemoj za granicej v NN » (A
propos de l'école du parti organisée à l'étranger à X), in V. I. Lenin, Polnoe sobranie
soČinenij (Œuvres complètes) , Moscou, 5e éd., 1961, 19, pp. 41-42, ou V. I. Lénine,
Œuvres, Moscou, 4e éd., 197.5, 15, pp. 481-482.
5. Cf. la résolution « Ob otkole t. Maksimova » (A propos du départ du camarade
Maximov), in V. I. Lenin, Polnoe..., op. cit., 19, p. 42, ou in V. I. Lénine, Œuvres,
op. cit., 15, p. 482.
6. Cf. la lettre de Lénine aux élèves de l'école de Capri dans Proletarskaja
revoljucija, 2 (49), 1926, pp. 179-180.
7. Le groupe Vpered se désagrégea presque totalement entre 19 13 et 19 14 ;
il se renforça à nouveau après l'éclatement de la Première Guerre mondiale et prit
pour devise « L'unité de l'internationalisme révolutionnaire ». La plupart de ses
membres, en premier lieu Lunačarskij, Pokrovskij, Menžinskij, Lebedev-Poljanskij,
rejoignirent Lénine en 1917.
280 JUTTA SCHERRER
8. Dans ce contexte, il est absolument indispensable de signaler le déplorable
état des recherches relatives à l'historiographie du parti, en particulier aux questions
d'organisation du POSDR. Ceci vaut surtout pour la période 1909-1910, mais
également pour les années antérieures et postérieures. Il y a peu de travaux à
mentionner en dehors de l'ouvrage général de L. Schapiro, The Communist party of
the Soviet Union, Londres, 1970.
9. A ce propos consulter Ju. Kamenev, Dve partii (Deux partis), [éd. Rabočaja
gazetaj, 19 11, pp. 130-131.
10. Cf. à ce sujet la lettre adressée le 19 janvier 1911 par F. I. Dan au comité de
l'école du parti de Bologne, citée par S. Livšic, « Partijnaja škola v Bolon'e. 1910-
19 11 gg. » (L'école du parti de Bologne. 1910-1911), Proletarskaja revoljucija, 3 (50),
1926, pp. 129-130.
11. B. Souvarine, Staline, Paris, 1977, P- I2°-
12. Dans une lettre de 21 août 1909, adressée à Lunačarskij, Rosa Luxemburg
écrit qu'elle ne peut se rendre à Capri en raison de ses obligations dans le parti et
surtout de son activité à l'école du parti de Berlin. Cf. Rosa Luxemburg, Vive la
lutte. Correspondance 18ÇI-1914, publié par G. Haupt, Paris, 1975, 1, pp. 314-315.
13. La lettre de Kautsky fut reproduite pour la première fois dans la Pravda
éditée par Trotski ; cf. Priloženie к n° 5 Pravdy (Annexe au n° 5 de la Pravda),
20 sept./з oct. 1909 ; également in Otčet pervoj vysšej social-demokratičeskoj propa-
gandistsko-agitatorskoj školy dlja rabočih (Rapport d'activité de la première école
supérieure de propagande et d'agitation social-démocrates pour les ouvriers), Paris,
1910, pp. 6-8.
14. Cf. une lettre de Rosa Luxemburg à A. Bogdanov, datée du 13 août 1909,
in Rosa Luxemburg, op. cit., pp. 313-314.
15. Ibid., p. 314, n. 60.
16. La lettre de Kautsky du 21 décembre 1910 a paru dans OtČet vtoroj vysšej
social-demokratičeskoj propagandistsko-agitatorskoj školy dlja rabočih (Rapport
d'activité de la deuxième école supérieure de propagande et d'agitation social-démocrates pour
les ouvriers) , Paris, 191 1, pp. 14-16.
17. Cf. à ce sujet les archives Kautsky à l'Internationaal Instituut voor Soziale
Geschiedenis d'Amsterdam, et avant tout les lettres de Kautsky à Clara Zetkin du
13 août 191 1 et du 14 août 191 1, ainsi que la réponse de Clara Zetkin à Kautsky du
16 août 191 1. La même indication est donnée également par H. Fenner, Die Propa-
ganda-Schulen der Bolschewisten, Berlin, 19 19, p. 24 ; Fenner n'a pu évidemment
avoir connaissance de cet échange de correspondance ; il tire ses informations des
documents du département moscovite de l'Ohrana dont les agents étaient
parfaitement au fait des activités des écoles du parti, publiés en 19 18 par les bolcheviks.
18. Pour une analyse approfondie de ces questions, on pourra se reporter à un
ouvrage de synthèse que je prépare actuellement sur les trois écoles du parti de la
social-démocratie russe et qui traitera en détail non seulement de la situation et
des rapports extrêmement complexes à l'intérieur du parti, mais également de la
problématique de Г « otzovisme », de Г « ultimatisme », du likvidatorstvo et du bogo-
stroite'lstvo, en relation étroite avec les écoles du parti de Capri et de Bologne.
19. Cependant, il convient de faire des réserves sur le point de vue de Ralph
Carter Elwood. Il mesure l'importance de l'école du parti de Longjumeau presque
exclusivement au fait que certains étudiants de l'école, une fois leur stage terminé,
ont joué un rôle de premier plan lors de la scission définitive du POSDR à la
Conférence de Prague en 1912. L'objectif de l'école de Longjumeau aurait consisté à
» prendre le contrôle de la machinerie du parti » pour préparer ainsi la conférence de
Prague, constate Elwood. Cf. R. C. Elwood, « Lenin and the social-democratic
schools for underground party workers, 1909- 11 », Political science quarterly,
LXXXI, 1966, pp. 370-391. S. Livšic porte un jugement analogue, mais plus réservé,
dans Partijnye universitety podpolja (Les universités clandestines du parti), Moscou,
1929, p. 136.
20. Sur les 158 cours donnés à Longjumeau, 98 ont été assurés par des lecteurs
de la fraction bolchevique, dont 56 par Lénine. Cf. à ce propos « Otčet pervoj
parti] no j školy v Lonžjumo » (Rapport de la première école du parti de
Longjumeau), Istoričeskij arhiv, 5, 1962, pp. 46-47, et R. Ju. Kaganova, Lenin vo Francii
(Lénine en France), Moscou, 1972, p. 153.
21. Le compte rendu d'activité officiel de l'école de Capri mentionne les noms
de cinq élèves qui adoptèrent le point de vue de Lénine. Le même chiffre est donné
LES ÉCOLES DU PARTI 28l

par S. Livšic, « Kaprijskaja... », art. cit., p. 64 et par un rapport de l'Ohrana qui


avait envoyé un de ses agents comme « élève » à l'école de Capri. cf. Bol'seviki.
Dokumenty po istorii bol ševizma s 1903 po 1916 god byvš. Mosftovsk. Ohrannogo
otdelenija (Les bolcheviks. Documents relatifs à l'histoire du bolchevisme de Kjoj à
1916 de l'ex-départment moscovite de l'Ohrana), publié par M. A. Cjavlovskij, Moscou,
ic) 18, p. 24. A la différence de ces sources, les ouvrages soviétiques reflétant le point
de vue officiel du parti mentionnent le chiffre de six, et le plus souvent même de huit
élèves qui auraient quitté Capri pour se rallier à Lénine.
22. Selon le rapport d'un agent de l'Ohrana, il s'agissait d'une très petite
bibliothèque d'environ trois à quatre cents volumes consacrés à la littérature
marxiste et aux belles lettres. Cf. ibid., p. 46.
23. « Otčet pervoj... v Lonžjumo », art. cit., p. 4Q. Une note ajoutée
ultérieurement par V. Kozlov au compte rendu d'activité de l'école de Longjumeau mentionne
le chiffre de dix-huit élèves (treize de Russie et cinq auditeurs libres), ibid., p. 56,
n. 38. Le rapport de l'Ohrana, lui, atteste la présence de dix-sept auditeurs dont
treize étaient délégués par les organisations russes du parti et quatre s'étaient
inscrits de leur propre initiative comme auditeurs à Paris. Il joint une liste très
détaillée avec le nom de ces dix-sept élèves, leur signalement, ainsi que des
renseignements sur leurs activités antérieures, cf. Bol'seviki, op. cit., pp. 61-65.
24. Selon le rapport de l'Ohrana {ibid., p. 67), Lunačarskij et Vol'skij n'ont pas
terminé la série des cours prévus (le premier devait assurer quatre séances de deux
heures chacune, et le second deux séances de deux heures). Les raisons de cette
interruption ne sont pas mentionnées, mais elles doivent manifestement être
imputées aux divergences idéologiques qui existaient entre les membres du groupe
Vpered et les partisans de Lénine (lenincy).
25. L'original qui se trouve aux archives de la Fondation Lelio et Lisli Basso-
Issoco à Rome, paraîtra prochainement dans « Correspondance Gor'kij-Bogdanov »,
publié par G. Haupt et J. Scherrer in Annali délia Fondazione Lelio e Lisli Basso-
Issoco, Rome, vol. 5.
26. Mihail invoque surtout un rapport de l'organisation du parti d'Ivanovo-
Voznesensk : il y aurait eu dans cette région environ 10 000 ouvriers et pas un seul
intellectuel travaillant dans les organisations du parti. La même situation est
décrite par l'organisation du parti de Perm" dans Pr oie tari j : toute l'intelligentsia
locale qui avait travaillé au parti entre 1906 et 1907 l'aurait quitté.
27. Sur l'intelligentsia qui quitte « le navire ballotté du parti » après la
révolution de 1905 et sur la nécessité de fonder des écoles du parti pour les ouvriers,
voir le récit d'un ancien élève de l'école de Capri, V. Kosarev, « Partijnaja škola na
ostrove Kapři » (L'école du parti de l'île de Capri), Sibirskie ogni, 2, 1922, pp. 63-64.
28. A. Bogdanov, « Proletarskij universitet » (L'université prolétarienne), in
A. Bogdanov, O pmletarskoj kul' ture (De la culture prolétarienne), Moscou, 1924,
p. 242. Mihail, fortement influencé par Bogdanov, se proposait d'écrire lui-même
une « vulgarisation » des idées de Bogdanov, inaccessibles, au grand regret de
Mihail, aux ouvriers mêmes auxquels elles s'adressaient. Sur les rapports Mihail-
Bogdanov, cf. Correspondance Gor'kij-Bogdanov, édité par G. Haupt et J. Scherrer
à paraître prochainement (cf. supra, n. 25) ; l'auteur du présent article prépare
actuellement une étude plus détaillée sur Mihail.
29. N'. Valentinov, a Leninec ran'se Lenina » (Un léniniste avant Lénine),
Novyj žurnál /The Xew Review, 81, 1965, pp. 148- 171.
30. Valentinov évoque l'effet produit par la lecture du Que faire ? de Lénine
sur Mihail, lecture qui aurait incité celui-ci à devenir un « révolutionnaire
profes ionnel », ibid., pp. 154, 163-164.
31. A. V. Lunačarskij, Velikij perevorot (Le grand chambardement) , Petersburg,
1919, p. 45.
32. Lettre du 13 avril 1909 citée par S. Livšic, « Kaprijskaja... », art. cit., p. 44.
33. Cependant la collaboration de Mihail avec Lénine n'est que de courte
durée : Mihail meurt au printemps 1910 de la maladie pulmonaire que Lénine l'avait
envoyé soigner à Davos aux frais du parti. Quelques mois à peine avant sa mort,
il était candidat des bolcheviks au comité central dont le plenum avait eu lieu en
janvier 19 10 à Paris, plenum qui créa une commission en vue de fonder une école
pour tout le parti (obšČe partijnaja škola).
34. Otčet pervoj... školy dlja rabočih, op. cit., p. 1.
35. Ibid., p. 3.
282 JUTTA SCHERRER
36. A. Bogdanov [sous le pseudonyme de Maksimov], 0 Socializm v nastojaščem »
(Le socialisme en réalité), Vpered, 2, févr. 191 1, p. 68.
37. Ibid.
38. Ibid., pp. 70-71.
39. Očerki filosofii kollektivizma (Essais de la philosophie du collectivisme), Saint-
Pétersbourg, 1909, p. 4.
40. « Développer la conscience de classe veut dire organiser la force de classe » :
A. Bogdanov, Kul'turnye zadati našego vremeni (Les tâches culturelles de notre
temps), Moscou, 191 1, p. 45.
41. Cité par Bogdanov dans son article « Proletarskij universitet », art. cit.,
p. 244. Cf. traduction française, « L'université prolétarienne », in A. Bogdanov,
La science, l'art et la classe ouvrière, Paris, Maspero, 1977, p. 148. Des arguments
analogues sont développés également dans « Socializm v nastojaščem », art. cit.,
p. 69.
42. Ibid., p. 66.
43. Cf. à ce sujet une lettre de Bogdanov du 11 avril 1909 au comité de
l'organisation du parti de Moscou, jusqu'alors inédite : « Les , élèves ' ne seront pas des
enfants, mais des ouvriers du parti (partijnye rabotniki) conscients et adultes qui
désirent rattraper le retard de leur éducation pour la praxis du parti, des hommes
qui savent ce qu'ils attendent de l'école. » Pour l'édition de cette lettre dont
l'original se trouve aux archives de la Fondation Lelio et Lisli Basso-Issoco à Rome,
voir supra, n. 25.
44. On modifia aussi les intitulés des deux premiers cours du cycle « Philosophie
de la lutte prolétarienne » : « Poznavatel'naja kartina mira v ее razvitii » devint
simplement « Istorija obščestvennyh mirovozzrenij » et « Hudožestvennaja kartina
mira v ее razvitii » a été remplacé par « Istorija literatury i iskusstva ». Le terme
о tableau du monde » (kartina mira) renvoie directement à la philosophie de
Bogdanov, développée dans Empir iomonizm, de même que la notion de « philosophie de
la lutte prolétarienne ».
45. Otčet pervoj... školy dlja rabočih, op. cit., pp. 4-5.
46. Lettre d'Anatol Lunaciarskv [sic] à Karl Kautsky, aux archives Kautsky,
DXVI, 163, à Amsterdam, Internationaal Instituut voor Soziale Geschiedenis.
47. Le texte russe du programme d'enseignement se trouve dans le rapport
d'activité de l'école de Capri publié au début de 1910, cf. Otčet pervoj... školy dlja
rabočih, op. cit., pp. 4-5. Il présente parfois des différences avec le texte allemand du
programme de Lunačarskij (se trouvant dans les archives de Lelio Basso) surtout
en ce qui concerne le nombre de séances. Là où le rapport officiel d'activité diverge
du texte de Lunačarskij, je me référerai au rapport cité dans la présente note, sous
la forme Otčet I.
48. Otčet I : « Parteitheorie » (partijnaja teorija) au lieu de « partie théorique ».
49. OtČet 1 : 18 séances.
50. Otčet I mentionne séparément le mouvement syndical (professionnel) et le
mouvement coopératif, pour le premier, huit séances sont prévues, pour le second,
aucune indication n'est fournie.
51. Otčet 1 : 20 séances.
52. Otčet 1 : 5 séances.
53. Otčet I : le nombre d'heures n'a pas été indiqué.
54. Otčet I : le nombre d'heures n'a pas été indiqué. Dans Otčet I les matières
« Finances » (4 séances) et « Question nationale » (aucune indication du nombre
d'heures) appartiennent toutes deux à la section II.
55. Otčet 1 : 4 séances.
56. Otčet 1:8 séances.
57. Otčet I, pp. 8-9.
58. V. Kosarev, art. cit., p. 66.
59. Otčet I, pp. 8-9.
60. Kosarev se rappelle que des distractions étaient proposées par les lecteurs,
le dimanche, pour détendre les élèves fatigués par ces efforts inhabituels. Maksim
Gor'kij aurait invité les élèves chez lui à plusieurs reprises et organisé des concerts
ou des séances de lecture à leur intention. V. Kosarev, art. cit., p. 67.
61. Otčet I, p. 9. Kosarev donne des indications différentes {ibid., p. 66) :
Bogdanov a consacré 40 séances à l'économie politique, Lunačarskij, près de 40 à l'histoire
du mouvement syndical, à celle des révolutions et à celle de la social-démocratie
LES ÉCOLES DU PARTI 283
allemande ; Ljadov, 20 environ à l'histoire du POSDR ; Pokrovskij, 7 à l'histoire
de la Russie.
62. Otčet I, p. 9.
63. V. Kosarev, art. cit., p. 71.
64. Otčet I, p. 12.
65. Cf. S. Livšic, « Kaprijskaja škola... », art. cit., p. 62.
66. Otčet I, p. 13.
67. Cf. à ce sujet le rapport d'activité de l'école de Bologne, Otčet vtoroj...
školy dlja rabočih, op. cit., pp. 18-25.
68. S. Livšic, « Partijnaja škola... », art. cit., p. 132. Le fait que l'école ait reçu
aussi d'autres journaux comme le Social-demokrat, la Pravda, la RaboČaja gazeta,
le Golos social-demokrata, est mentionné par l'agent de l'Ohrana, cf. Bol ševiki,
op. cit., p. 46.
69. Le programme d'enseignement est très méticuleusement cité par un
collaborateur de la section pétersbourgeoise de l'Ohrana, von Kotten, dans un rapport
daté du 16 mars 10. n. On trouve également dans ce rapport de nombreuses
précisions sur l'emploi du temps des auditeurs, sur leurs conditions d'habitation, sur
l'argent dont ils disposent. Cf. Bol' ševiki, op. cit., p. 45. Ce même von Kotten
mentionne dans un rapport du 3 mai 1911 tant les noms véritables que les noms de
code de vingt-trois élèves, ainsi que leur profession, leur origine et parfois même
leur âye. ibid., pp. 47-48.
70. OtČet vtoroj... školy dlja rabočih, op. cit., p. 23.
71. Par exemple, A. Bogdanov, Vvedenie v politiČeskuju ekonomiju. V voprosah i
otvetah (Introduction à l'économie politique. Sous forme de questions et de réponses),
Saint-Pétersbourg, 1914, 10e éd., 1923 ; du même, Nauka ob obšČestvennom soznanii.
Kratkij kurs ideologičeskoj nauki v voprosah i otvetah (La science de la conscience
sociale. Bref cours de science idéologique sous forme de questions et de réponses) ,
Moscou, 1914, 3e éd., 1923 ; du même (avec I. I. Skvorcov-Stepanov), Kurs politi-
českoj ekonomii (Caurs d'économie politique ), Saint-Pétersbourg, 1910, 2e éd., 1918.
— M. Gor'kij, Istorija russkoj literatury (Histoire de la littérature russe), Moscou,
1939. — M. N. Pokrovskij, Russkaja istorija s drevnejših vremen (Histoire russe
depuis les temps les plus anciens), 5 vols., Moscou, 1910-1913.
72. Otčet I, p. 21.
73. Otčet I, p. 27.
74. A. Bogdanov [sous le pseudonyme de Maksimov], « Ne nado zatemnjať »
(II ne faut pas assombrir), in Ko všem tovariščam (A tous les camarades), Paris,
1910, pp. 4-5.
75. Dans le même contexte Bogdanov reproche aux dirigeants du « centre
bolchevik » de ne pas avoir rédigé un seul texte de propagande.
76. M. Gor'kij, « V. I. Lenin », in Lenin und Gor'kij, Berlin- Weimar, 1970,
PP- 51-54-
77. A. Bogdanov, Kul'turnye zadači našego vremeni, op. cit., p. 69. Le titre
prévu à l'origine, bien plus significatif, « Kul'turnye zadači proletariata » (Les
tâches culturelles du prolétariat) a dû être changé par Bogdanov à cause de la
censure.
78. Ibid., p. 69.
79. Ibid., pp. 73-73.
80. A. Bogdanov, « Proletarskij universitet », art. cit.
81. Cf. à ce sujet un rapport de l'Ohrana de janvier 191 1, c'est-à-dire quatre
mois avant la fondation de l'école du parti de Lon»jumeau, où il est écrit que
l'initiative des vperedovcy de « former des ouvriers du parti (partijnye rabotmki)
parmi les ouvriers mêmes » aurait eu un écho très favorable dans les milieux ouvriers
de Russie. Pour parer l'influence du groupe Vpered en Russie, Lénine décida de
fonder à Paris sa propre école du parti. Cf. Bol' ševiki, op. cit., p. 44.
82. Ibid., p. 59.
83. Cf. O. W. Millier, Intelligencija, Francfort-sur-le-Main, 197 1, p. 384.
Cependant, Muller ne fait pas mention de l'ambiguïté du concept ď « intelligentsia
révolutionnaire » chez Lénine.
84. Cf. à ce sujet, V. I. Lénine, « Vtoraja reč' pri obsuždenii voprosa o zadačah
bol'sevikov po otnošeniju к dumskoj dejatel'nosti i proekt rezoljucii » (Discours et
projet de résolution sur les tâches des bolcheviks dans le domaine de l'activité à la
Duma), in V. I. Lenin, Polnoe..., op. cit., 19, p. 24, ou in V. I. Lénine, Œuvres,
284 JUTTA SCHERRER

op. cit., 15, p. 469. Cf. de même la résolution rédigée par Lénine « O partijnoj škole... »,
art. cit. qui fut adoptée lors de la conférence de la rédaction élargie du Proletarij en
juillet 1909 : une école du parti correctement organisée et représentant de façon
conséquente l'esprit du parti « pourrait le cas échéant, même si elle se trouve à
l'étranger, aider les organisations locales jusqu'à un certain point, à former des
ouvriers du parti compétents, issus du milieu des ouvriers » [souligné par nous. - J . S.] ,
ibid., p. 41.
85. L'historiographie soviétique légitime le fait d'appeler Longjumeau la
« première école du parti » dans la décision du plenum du comité central du POSDR
(Paris, janvier 19 10) dont le but était l'unification de principe des fractions. On a
constitué, avec des représentants de toutes les tendances du Gesamtpartei une
commission scolaire, directement rattachée au comité central, qui avait pour
tâche de préparer une école du parti. Mais l'unité du Gesamtpartei à l'intérieur de
cette commission fut de courte durée. Au moment de sa création en 1911, l'école du
parti de Longjumeau était essentiellement animée par des « bolcheviks-léninistes ».
Cf. S. Livšic, Partijnye..., op. cit., p. 6.

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