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Traité des faillites et

banqueroutes, ou
Commentaire de la loi du 28
mai 1838, par J. Bédarride,....
Edition 4,Tome 2

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Bédarride, Jassuda (1804-1882). Auteur du texte. Traité des
faillites et banqueroutes, ou Commentaire de la loi du 28 mai
1838, par J. Bédarride,.... Edition 4,Tome 2. 1862.

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TRAITE
DES FAILLITES ET BANQUEROUTES
AtXi iwjtr. Afafiiiirct rite Panl-Mo'r'eait) 2,
GODE DE COMMERCE

LIVRE III.
Des Faillites et Banqueroutes,

TITRE Ier.
BÈ LA FAILLITE.

CHAPITRE V.

DES FONCTIONS DES SYNDICS.

SECTION III.
DE "LA VENTE DES MARCHANDISES ET MEUBLES,
ET DES RECOUYREMENS.

ARTICLE 4.8G.

Le juge-commissaire pourra, le failli entendu ou dû-


ment appelé, autoriser les syndics à procéder à la vente
des effets mobiliers ou marchandises.
Il décidera si la vente se fera soit à l'amiable, soit aux
enchères publiques par l'entremise de courtiers ou de
,
tous autres officiers publics préposés à cet effet.
Il *
2 TRAITÉ DES FAILLITES.

Les syndics choisiront dans la classe d'officiers publics


déterminée par le juge-commissaire, celui dont ils vou-
dront employer le ministère.

SOMMAIRE.

373. Caractère de la disposition de l'article 486.


374. La vente du mobilier peut être autorisée, comme celle de la
marchandise.
375. Conditions exigées pour la réalisation de l'une et de l'autre.
376. L'article 486 ne confère qu'une faculté. — La décision du
juge est en dernier ressort.
377. Distinction jugée nécessaire entre les effets mobiliers et les

marchandises.
378. Avantages et inconvéniens de la vente aux enchères.
379: C'est au juge à décider si la vente se fera soit à l'amiable soit
aux enchères, et à choisir la classe d'officiers publics qui
devront y présider.
380 Malgré le silence de l'article 486 le juge-commissaire peut
,
ordonner que les marchandises seront vendues à la Bour-
se, par l'entremise des courtiers.

575. — On ne doit point se méprendre sur le vé-


ritable caractère de la disposition de l'article 486. La
faculté de. vendre les marchandises et effets mobiliers
n'est qu'une exception autorisée pour un cas extraordi-
naire ef'non une règle générale que l'on doive suivre
,
dans-toutes les faillites. Il est, en effet, dans la pensée
du législateur de maintenir autant que possible les cho-
ses dans un tel état, que le failli, s'il obtient un concor-
dat puisse se remettre sur-le-champ à la tête de son
,
commerce, sans autre interruption que celle qui résulte
des formalités nécessaires pour parvenir à cette solution
ART. 486. 3
Or la vente préalable des marchandises et meubles
,
rendrait non-seulement ce fait impossible, mais serait
encore, dans bien des cas, un obstacle invincible à tout
concordat. Le failli, obligé de se procurer des marchan-
dises, pourrait n'avoir ni les ressources, ni le crédit in-
dispensables pour une pareille acquisition il se verrait
,
ainsi dans l'impossibilité d'exploiter son industrie, et
conséquemment d'offrir à ses créanciers autre chose que
le produit des ventes réalisées par les syndics.
La loi n'a donc admis la vente du mobilier et des
marchandises, à cette période de la faillite, que comme
une nécessité à laquelle l'intérêt des créanciers pourra
commander d'avoir recours, si ces marchandises et mo-
biler sont dans le cas de souffrir une forte dépréciation
d'un ajournement quelconque dans leur réalisation.
574» — Cette pensée avait été celle du législateur de
1807. Sous l'empire du Code de commerce, les syndics
provisoires ne pouvaient vendre que les marchandises,
et encore fallait-il qu'elles fussent susceptibles de dépé-
rissement, ou que leur aliénation fût commandée par la
nécessité de pourvoir aux frais de gestion ('). Celte res-
triction que la doctrine, avait admise sans difficultés,
,
n'a pas été consacrée par la loi actuelle. L'article 486
permet la vente du mobilier, comme celle des marchan-
dises. Mais l'exercice de ce droit nous paraît devoir être
régi par les considérations consacrées par la législation
précédente, avec d'autant plus de raison qu'aujourd'hui,

(') Pardessus, n° nSo.


4 TRAITÉ DES FAILLITES.

les délais pour arriver au concordat sont beaucoup


moins longs qu'ils ne l'étaient alors.

575. — Le caractère de l'article 486 rend parfaite-


ment raison des conditions exigées pour la réalisation
de la vente à savoir : l'autorisation du juge-commis-
,
saire d'abord, ensuite l'appel du failli.
Le juge-commissaire ne doit autoriser la vente qu'en
se pénétrant des considérations qui précèdent, et qui
doivent constamment régir l'application du pouvoir que
la loi lui confère. Le failli doit être entendu, ou dûment
appelé ; l'intérêt incontestable qu'il a à la mesure qu'il
s'agit d'ordonner justifie en ce qui le concerne la
, , ,
prescription de la foi. On peut encore ajouter que ses
connaissances spéciales sont de nature à éclairer la reli-
gion du juge sur l'opportunité d'une vente actuelle. Si
les créanciers sont intéressés à retirer de l'actif le prix
le plus élevé, le failli ne l'est pas moins qu'eux-mêmes.
Plus la vente sera productive, et plus il y gagnera per-
sonnellement par l'extinction proportionnelle de ses det-
tes. Il a donc le droit de s'opposer à ce qu'on la réalise,
s'il croit le moment défavorable et inopportun.

576. — C'est sur les explications du failli et celle


des syndics que le juge refuse ou donne son autorisa-
tion. La loi s'en rapporte entièrement à son apprécia-
tion. Cette autorisation peut être générale ou partielle •
elle peut être accordée pour les marchandises, refusée
pour le mobilier ; en un mot, chargé de concilier tous
les intérêts, le juge use ou n'use pas de la faculté que
ART. 486. 5
lui laisse la loi. Quelle qu'elle soit, sa décision n'est ja-
mais susceptible d'aucun recours.

577. — Nous venons de dire que l'article 486 place


sur la même ligne les effets mobiliers et les marchan-
dises. Nous croyons cependant que dans l'application
,
de la faculté qui lui appartient, le juge-commissaire ne
doit pas hésiter à faire une distinction entre les uns et
les autres. On comprend, en effet, qu'il devienne néces-
saire de vendre les marchandises ; la crainte d'une dé-
préciation une occasion de s'en défaire avantageuse-
,
ment , peuvent légitimer le parti pris par les syndics et
autorisé par le juge. Mais aucune de ces circonstances
ne saurait être invoquée pour la vente des effets mobi-
liers. Il est évident qu'un retard de quelques mois ne
leur fera rien perdre de leur valeur; tandis que leur
aliénation avant le concordat aurait, si celui-ci venait à
être réalisé, les plus fâcheuses conséquences pour le failli.
Elle ne doit donc être autorisée que s'il y a certitude
sur l'issue de la faillite. Tant que tout espoir d'arrange-
ment n'est pas perdu, il y aurait de la cruauté à dispo-
ser du mobilier du failli.
578. — Le mode le plus avantageux pour la vente
des marchandises est sans contredit celui des enchères.
La publicité qu'elles reçoivent, le concours d'acquéreurs
qu'elles déterminent, sont autant d'élémens qui aug-
mentent lès chances d'un bon résultat. D'ailleurs le
,
procès-verbal de l'officier public qui prête son ministè-
re, est une sauvegarde contre toute dilapidation ; il em-
pêche surtout toute dissimulation dans le prix.
6 TRAITÉ DES FAILLITES.

Mais ce mode n'est pas sans inconvéniens. Le plus


grave qui puisse en naître , est le préjudice qu'il peut
occasionner aux marchands de la localité, en inondant
la place d'une quantité considérable de marchandises
vendues nécessairement au dessous du cours. Cette cir-
constance peut amener une mévente temporaire qui, en
temps de crise commerciale, surtout, pourrait détermi-
ner de nouveaux sinistres. L'intérêt général faisait donc
un devoir de prendre toutes les précautions que com-
mandait une pareille éventualité.

579. — En conséquence, la loi laisse au juge-com-


missaire mieux instruit de la position commerciale de
,
la place que les syndics le droit de prescrire le mode
,
qui doit être employé. C'est donc à lui seul à décider si
la vente se fera, soit à l'amiable, soit aux enchères pu-
bliques. Sa décision n'est susceptible d'aucun recours.
C'est aussi au juge-commissaire qu'appartient le droit
de désigner les officiers publics qui seront chargés de la
vente. C'est là une innovation à ce qui se pratiquait sous
le Code de commerce. Alors en effet, les syndics qui
,
décidaient seuls du mode de vente, choisissaient aussi les
officiers par l'entremise desquels ils la faisaient effectuer;
mais il arrivait souvent que ce choix était querellé. Les
courtiers, les commissaires-priseurs réclamaient contre
la décision qui les avait exclus, et retardaient ainsi par
un procès le moment de la vente.
La disposition de' notre article fait cesser tous les effets
de celte rivalité entre les officiers préposés aux ventes
publiques. Les syndics n'ont plus à choisir que la per-
ART. 486. 7

sonne qu'ils veulent employer /et qu'ils doivent néces-


sairement prendre dans la classe déterminée par le juge,
dont la décision, à cet égard, est également insusceplible
de recours (').
580. — Indépendamment de la vente à l'amiable
et de celle aux enchères, le Code de commerce autorisait
expressément la vente à la Bourse et par lots. Malgré le
silence de l'article 486 sur cette dernière nous n'hési-
,
tons pas à penser qu'il est dans le droit du juge-com-
missaire de l'ordonner. Cette vente a l'avantage d'offrir,
quoique dans des limites plus restreintes, la publicité et
la concurrence de la vente aux enchères, sans présenter
l'inconvénient que nous signalions tout-à-1'heure. Les
lots ne sont pas à la porlée de tout le monde, et ne peu-
vent guères convenir qu'aux commerçants eux-mêmes.
Bien entendu que les marchandises seules peuvent faire
l'objet d'une vente de ce genre. Dans ce cas encore le
,
juge-commissaire ne pourrait désigner d'autres officiers
publics que les courtiers qui ont seuls qualité pour pré-
sider à ces ventes.

ARTICLE 487.
Les syndics pourront, avec l'autorisation du juge-
commissaire, et le failli dûment appelé, transiger sur
toutes contestations qui intéressent la masse, même sur
celles qui sont relatives à des droits et actions immobi-
liers.

(') V. suprà art. 43g.


8 TRAITÉ DES FAILLITES-

Si l'objet de la transaction est d'une valeur indéter-


minée ou qui excède trois cents francs la transaction
,
ne sera obligatoire qu'après avoir été homologuée, sa-
voir : par le tribunal de commerce pour les transactions
relatives à des droits mobiliers et par le tribunal civil
,
pour les transactions relatives à des droits immobiliers.
Le failli sera appelé à l'homologation ; il aura, dans
tous les cas la faculté de s'y opposer. Son opposition
,
suffira pour empêcher la transaction, si elle a pour ob-
jet des biens immobiliers.

SOMMAIRE.

381. Motifs qui ont fait admettre, pour les syndics, la faculté de
transiger.
382. La lof actuelle permet la transaction dès l'ouverture d& la
faillite.
383. Avantages de cette disposition :
4° Economie de temps et de frais. '

384. 2° Lumières qui en naissent pour la délibération sur le


concordat.
385. 3° Facilité de terminer les difficultés nombreuses que les
traités souscrits par le failli peuvent amener.
386. Comment se règlent les obligations défaire, et les promesses
de marchandises à livrer ?
387. Conditions de la transaction :
"\° Autorisation du juge-commissaire.
388. 2° Appel et mise en demeure du failli.
389. Quels seraient les effets du refus du failli de consentir à la
transaction ?
390. 3° Homologation de la justice. — Dans quels cas est-elle
nécessaire ?
ART. 487. 9

391... C'est sur la valeur intégrale du titre contesté qu'il convient


de décider s'il y a lieu ou non à homologation.
392. Quel est le tribunal qui doit homologuer ?
393. Le failli doit être appelé à l'homologation. — Effets de son
opposition.
394. Dans quel cas pourra-t-oii appeler du jugement du tribunal
civil ?
395. Les syndics ne peuvent compromettre hors le cas d'arbi-
,
trage forcé en vertu de la loi, ou de la convention léga-
lement souscrite avant la faillite.

581. — La faculté de transiger n'appartient, d'après


la loi civile qu'à ceux qui peuvent disposer de l'objet
,
qui fait la matière de la transaction ('). Il résulterait de
ce principe que les syndics, incapables d'aliéner, seraient
-dans l'impossibilité de transiger.
Mais l'exercice de cette faculté peut devenir d'une uti-
lité immense dans une faillite. Cela est d'une évidence
telle que personne ne l'a jamais contesté. Aussi, malgré
le silence que le Code de commerce avait gardé à cet
égard, le droit de transiger avait été universellement re-<
connu aux syndics, à la charge par eux d'obtenir l'ho-
mologation du tribunal de commerce (2).

582. — La loi actuelle a formellement consacré celte


opinion. Frappée des avantages que la transaction en-
traine elle n'a pas hésité à en admettre la possibilité à
,
toutes les phases de la faillite dès l'ouverture de celle-
,
ci, et avant toute vérification. On peut trouver dans les

(') Art. 2045 du Code civil.


(') Pardessus, n° 11S1.
40 TRAITÉ DES FAILLITES.

motifs de l'article 450 un exemple pratique de cette vo-


lonté de la loi.
585. — Au reste, cette détermination n'était qu'une
déduction logique de l'esprit qui a présidé à la législa-
tion qui nous régit. On a voulu économiser le temps,
réduire les frais. Ce double but n'est-il pas atteint par
la transaction ?
Obliger les syndics à plaider dans tous les cas, c'était
non-seulement s'exposer à des lenteurs inévitables, mais
encore compromettre bien souvent les intérêts de la mas-
se. Il est des débiteurs envers lesquels la prudence com-
mande d'agir avec les plus grands ménagemens ; il est
des créances qu'il faut savoir réduire pour ne pas les
perdre en totalité. C'est précisément à quoi l'on arrive
par une sage transaction.
584. — Un autre avantage d'une transaction, dès
le début de la faillite, était signalé en ces termes par le
rapporteur de la loi, dans la session de 1838 : « L'au-
torisation de transiger avant qu'on soit arrivé à la déli-
bération du concordat aura pour éclairer et faciliter
,
cette délibération, une utilité toute spéciale, puisqu'elle
pourra servir à constater les élémens incertains et liti-
gieux de l'actif et du passif de la faillite. »
585. — N'est-ce pas d'ailleurs à l'instant de l'ou-
verture de la faillite que naissent les difficultés les plus
sérieuses, les contestations les plus nombreuses et les plus
graves ? On se trouve alors en présence des recouvremens
à opérer, des actes présumés frauduleux à poursuivre,
des engagemens et traités souscrits par le failli à liquider.
ART.J-87. 41

586, — On sait, quant aux obligations de faire qui


pourraient résulter de ces engagemens, qu'elles ne pour-
raient être exigées de la masse, si elle croyait devoir s'y
soustraire. Tout se résoudrait alors en une condamna-
lion pécuniaire, à titre de dommages-intérêts. Mais ce-
lui qui a reçu l'engagement du failli ne pourrait se sous-
traire à son exécution, si la masse la requérait. Par rap-
port à lui, la faillite n'est point une cause de résiliation
ou de nullité du contrat. Il suffit que les obligations pri-
ses par le failli soient remplies par les créanciers , pour
qu'il soit tenu d'exécuter celles qu'il s'est imposées lui-
même. ~
.

Quant aux traités qui auraient pour but une vente de


marchandises, il faudrait distinguer s'il s'est agi de la
vente d'un objet déterminé, d'un corps certain, la pro-
priété en a été transférée à l'acheteur, au moment même
du contrat. Dès lors la masse ne saurait en refuser la
,
livraison, s'il existe dans l'actif. L'acheteur aurait même
le droit d'empêcher qu'il fût placé sous les scellés, à la
charge d'en payer le prix convenu aux époques déter-
minées.
S'il s'agit, au contraire, d'un objet non spécialement
déterminé ; si, par exemple, le failli s'était engagé à li-
vrer telle quantité de marchandises , l'acquéreur serait
considéré comme le créancier d'une obligation de faire,
c'est-à-dire que la masse pourrait le contraindre à ac-
cepter la livraison aux époques convenues, et qu'en cas
où elle se refuserait elle-même à faire cette livraison,
l'acquéreur n'aurait qu'une action en dommages-inté-
42 TRAITÉ DES FAILLITES.
rets, dont la liquidation le constituerait jusqu'à concur-
rence créancier du failli.
Il est donc certain que l'existence de ces engagemens
peut faire surgir à l'ouverture de la faillite une foule
, ,
de contestations qu'il sera souvent avantageux de tran-
siger. Le législateur a donc consacré une mesure excel-
lente en admettant une exception à l'article 2045 du
Code civil, et en n'apportant aucune entrave à son ab-
solue application, quelle que soit l'époque à laquelle il
sera utile d'y recourir.
587. — La consécration formelle de cette exception
a déterminé la nécessité de fixer les conditions et les rè-
gles qui doivent en diriger l'exercice.
La première condition pour que les syndics puissent
transiger est que la transaction soit autorisée par le
,
juge-commissaire. Rien de ce qui intéresse les droits
des créanciers ne peut s'effectuer sans le concours et
' l'adhésion du surveillant que la loi leur a choisi. Le
juge-commissaire est l'appréciateur impartial des besoins
de la faillite. Lui demander d'autoriser une mesure,c'est
l'amener à en examiner mûrement l'utilité et l'opportu-
nité; et cet examen est le plus efficace contrôle des opé-
rations projetées par les syndics.
Le refus du juge-commissaire de donner son autorisa-
tion serait un obstacle invincible à toute transaction.

588. — La seconde condition est que le failli soit


mis à même de s'expliquer sur la transaction. L'aban-
don qui peut en résulter la remise d'une partie de là
,
dette qui peut en être la conséquence, intéressent le failli
ART. 487. 43
à un très-haut point. Quoique dessaisi de l'administra-
tion lé failli n'est pas moins resté propriétaire de ses
,
biens. Le sacrifice plus ou moins considérable qu'on en
consentirait, resterait à sa charge en laissant subsister
une partie équivalente de ses dettes ; il est donc juste
qu'il puisse l'empêcher, s'il croit que rien de sérieux ne
le commande.
589. — Quel serait le résultat du refus que ferait le
failli, de consentir la transaction ? La loi distingue en-
tre les droits mobiliers et ceux immobiliers. Pour les
premiers la transaction peut être réalisée nonobstant
,
l'opposition du failli ; pour les seconds, au contraire,
cette oppositition ne permet plus de passer outre.
Celte conséquence est absolue. Ce n'est même qu'à
cette expresse condition que la faculté de transiger a été
étendue aux biens et droits immobiliers. On avait, en
effet, formellement proposé de l'exclure pour ce qui les
concerne. Pour le mobilier, disait-on les syndics pou-
,
vant en disposer avec l'autorisation du juge-commissaire,
il n'y a rien que de simple dans la permission de tran-
siger à la même condition ; pour les immeubles, au con-
traire celte autorisation ne suffisant plus le droit de
, ,
transiger ne doit pas être reconnu. Mais l'utilité de la
transaction même lorsqu'il s'agit d'immeubles fit re-
, ,
jeter cette proposition, en subordonnant toutefois l'exis-,
tence du droit à l'adhésion du failli.

590. — La troisième condition est que la transac-


tion soit homologuée par la justice. Nous avons vu tout-
à-1'heure que sous l'empire du Code, la doctrine, qui
,
4 4 TRAITE DES FAILLITES.
avait admis le droit de transiger, soumettait, dans tous
les cas la transaction à l'homologation du tribunal de
,
commerce. L'article 487 consacre une double dérogation
à celle doctrine.
D'abord, l'homologation n'est obligatoire que lorsque
l'objet de la transaction excède trois cents francs ou
,
qu'il est d'une valeur indéterminée. Conséquemment,
s'il ne s'agit que d'une valeur de trois cents francs ou
au dessous de cette somme, la transaction n'est pas sou-
mise à être homologuée.

591. — C'est donc le chiffre de l'objet transigé qui


règle s'il faut ou non recourir à l'autorité judiciaire.
Mais ce chiffre doit être déterminé, non pas sur le ré-
sultat que la transaction amène, mais par le titre sur le-
quel le litige s'est élevé. Par exemple, si le débiteur d'u-
ne somme de mille francs offre de transiger en en payant
sept cents , il y a lieu de faire homologuer la transac-
tion. Dans cette hypothèse, la masse, il est vrai, ne per-
dra que trois cents francs ; mais, en réalité,.l'objet de la
transaction est une créance supérieure en valeur ; or, la
loi a bien voulu autoriser les syndics à agir sans le con-
cours delà justice,mais pour ce qui concerne des droits
peu importants. C'est là une exception qu'il convient de
restreindre, parce qu'il a été dans la pensée du législa-
teur de la limiter ; ce qui est prouvé par le texte : Si
Vobjet de la transaction et non pas : Si Veffet de
la transaction. Ces termes, indépendamment de la dis-
cussion que la loi a subie et qui en fixe le sens nous
,
paraissent justifier la solution que nous indiquons.
ART. 487. 45
592, — A cette dérogation au principe de l'homo-
logation, la loi en ajoute une quant à la juridiction ap-
pelée à la prononcer. Le tribunal de commerce n'est in-
vesti, que s'il s'agit d'un droit ou d'un objet mobilier.
Ce qui concerne les biens et droits immobiliers est dé-
féré aux tribunaux ordinaires. Ainsi le chiffre de l'objet
transigé règle s'il y a ou non lieu à homologation; sa
nature détermine l'autorité à laquelle cette homologation
sera réclamée.
595. — Devant l'une et l'autre juridiction , la de-;
mande en homologation est faite par requête le failli
,
dûment apppelé. Celte obligation d'appeler le failli est
la conséquence du droit qui lui est réservé de former op-
position à l'homologation, alors même qu'il aurait refusé
de comparaître sur la dénonciation qui lui a été faite du
projet de transaction.
L'opposition du failli à l'homologation produit des
effets analogues à ceux qui résulteraient de son refus de
transiger. Ainsi, le tribunal de commerce, qui ne con-
naît que des transactions mobilières, a la faculté de pas-
ser outre, nonobstant cette opposition , sauf au failli la
faculté d'émettre appel de la décision.
Le tribunal civil, au contraire, ne peut jamais homo-
loguer la transaction à laquelle le failli aurait formé op-
position soit qu'on suppose qu'il se fût réavisé après
,
avoir d'abord consenti, soit que ne s'étant pas expliqué
lors du projet il le fasse sur la demande en homolo-
gation.
Il importe, au reste, de remarquer les termes de l'ar-
4 6 TRAITÉ DES FAILLITES.
*

ticle 487 Vopposition du failli suffira pour empêcher


:
la transaction. Il faut donc que le failli ait réalisé cette
opposition ; d'où la conséquence que si le failli, sur la
citation à se présenter à l'homologation, se borne à ne
pas comparaître, son absence ne saurait être un obsta-
cle à ce que cette homologation soit accordée par le tri-
bunal civil.
.

594. — Dans quel cas pourra-t-on appeler du ju-


gemet rendu par le tribunal ? Le texte même de notre
article établit une distinction fort naturelle. Le tribunal
peut refuser l'homologation, alors même que le failli dé-
clarerait y consentir. 11 est évident, en effet, que ce con-
sentement n'a pas pour résultat de lier le juge. Quoi-
qu'il arrive, les magistrats doivent toujours apprécier la
transaction. S'ils ne sont pas convaincus de son utilité,
s'ils la trouvent onéreuse pour les créanciers, il est ra-
tionnel qu'ils se refusent à la sanctionner. Dans ce cas,
les syndics peuvent émettre appel de leur décision, selon
que la matière est ou non appellable.
Mais si le jugement est uniquement basé sur le refus
du failli de consentir à la transaction ce jugement est
,
en dernier ressort. Nous venons de voir que le droit du
failli est absolu, et que son veto suffit pour rendre toute
transaction impossible. L'autorité supérieure, devant la-
quelle on porterait l'appel', ne saurait donc réformer un
jugement qui aurait fait une application exacte d'une
disposition impérieuse. Ce jugement est donc inatta-
quable
.

595. — Les syndics qui peuvent transiger pourront-


ART. 487. ; 47
ils compromettre ? La négative se justifie par celte con-
sidération de fait, que notre article 487, qui autorise la
transaction, se tait sur le compromis. Ce silence doit être
pris pour un refus formel. On connaît la maxime : Qui
dicil de uno, de altero negat.
En droit, l'exclusion du compromis ne saurait être
contestée par cela seul que la faculté de transiger est au-
torisée. En thèse, le pouvoir de transiger ne renferme
pas celui de compromettre ('). L'admission du premier
ne préjuge donc rien sur le second. Sans doute, l'un et
l'autre tendent à prévenir ou terminer un procès , mais
il y a entre eux une différence essentielle.
« Le premier, disait M. Tarrible, donne au manda-
taire la faculté de terminer lui-même le procès aux con-
ditions qu'il juge convenables ; le second lui donne celle
de soumettre le procès au jugement d'arbitres. Termi-
ner par son propre jugement, ou par le jugement d'au-
trui sont deux choses différentes (a). »
Or, c'est précisément parce que le compromis n'est
qu'un déplacement de juridiction, qu'il n'a pu être dans
l'esprit de la loi de permettre aux syndics de le con-
sentir. Le législateur tient essentiellement à ce que toutes
les fois qu'il s'agit de faillites, les contestations soient ju-
gées autant que possible avec le concours et sur le rap-
port du juge-commissaire. Cette intention, pour ce qui
concerne la loi de 1838 , est invinciblement démontrée
par la modification qu'elle a fait sublir à l'article 635

(') Art. 1989 du Code civil.


(*) Rapport au Iribnnat.
II 2
4 8 TRAITÉ DES FAILLITES.

du Code de commerce. Or le compromis ne tend qu'à


, .
éloigner ou même à annuler ce concours, enlevant ainsi
à la justice elle-même la garantie de bonne administra-
lion qu'elle est assurée d'y puiser. N'est-il pas évident,
dès lors, que si la loi s'est tue sur la faculté de compro-
mettre c'est parce qu'elle ne l'a pas admise, ni voulu
,
admettre?
Les syndics ne peuveut donc compromettre toutes
;
les contestations non transigées devront être soumises
aux tribunaux, à.moins toutefois qu'elles ne fussent, par
leur nature indépendantes de leur compétence. Telles
,
seraient, par exemple les difficultés qui se rattache-
,
raient à la liquidation d'une société dont le failli serait
membre ou à l'exécution d'un traité renfermant la
,
clause compromissoire légalement souscrit avant la
,
faillite.
Dans ce cas, l'arbitrage devenant forcé en vertu de la
loi ou de la convention les syndics seraient contraints
,
à y recourir, comme l'aurait été le failli lui-même.

ARTICLE 488.

Si le failli a été affranchi du dépôt, ou s'il a obtenu


un sauf-conduit, les syndics pourront Remployer pour
faciliter et éclairer leur gestion ; le juge-commissaire fi-
xera les conditions de son travail.
ART. 488. 19

SOMMAIRE.

396. Intérêt commun du failli et des créanciers à la liquidation de


l'actif. — Avantage du concours du premier.
397. Ce concours ne peut être exigé que si le failli est libre de sa
personne.
398. Les conditions en sont réglées par le juge-commissaire.
399. Les syndics, demeurant seuls responsables, ne peuvent être
contraints à employer le failli.
400. Le failli peut-il refuser la mission que les syndics voudraient
lui conférer? Quelles seraient les conséquences de ce
refus?

596. — Dans la liquidation de l'actif de la faillite,


l'intérêt du failli est si intimement lié avec celui des cré-
anciers qu'on n'a jamais hésité à permettre qu'il fût
,
employé par les syndics dans les actes de cette liquida-
lion.
En effet, si les créanciers doivent recevoir une plus
forte somme de la réalisation des ressources de la fail- 1

lite, ce qui amènera ce résultat tournera au profit du


failli dont la libération s'acquerra dans les mêmes pro-
portions. Cette conséquence doit enlever toute crainte
d'abus de la part de celui-ci, s'il est appelé, en vertu de
notre article, à aider et éclairer la gestion des syndics.
D'autre part, l'efficacité du concours du failli n'a pas
besoin d'être justifiée. Il est évident que, mieux que per~
sonne, le débiteur peut diriger les opérations qu'il avait
lui-même entreprises, et fixer d'une manière précise sa
position vis-à-vis des tiers.
:_
597. — Ce concours du failli ne peut être ordonné
20 TRAITÉ DES FAILLITES.

que s'il est libre de sa personne. Cette liberté, il l'aura


acquise, soit par l'application de l'article 456 soit par
,
l'obtention d'un sauf-conduit. L'article 488 est donc un
nouvel encouragement à l'exécution littérale des obliga-
tions que la loi impose au débiteur au moment de la
cessation de paiemens, puisque les conséquences de cette
exécution permettront au failli de jouir du bénéfice de
notre disposition actuelle.
Il n'est pas douteux en effet, que l'emploi dans la
,
gestion ne soit, sous un double rapport, Irès-favorable
pour le failli. Il fournit, en premier lieu , l'occasion de
prouver la bonne foi,avec laquelle il a toujours agi ; il
dispose les créanciers à reconnaître le zèle qu'il mettra
à leur devenir utile, et dont il sera, sans doute, récom-
pensé, lorsqu'il s'agira de lui témoigner de l'indulgence.

598, — En second lieu, cet emploi donne au débi-


teur l'occasion de gagner par son travail ce qui est né-
cessaire à ses besoins personnels et à ceux de sa famille.
Il ne serait pas juste, en effet, que le failli fût condam-
né à ne recevoir aucun salaire des peines qu'il pourra
se donner. Le législateur qui l'a ainsi pensé , laisse au
juge-commissaire le droit de régler les conditions de son
travail. *
Au reste, quel que soit le salaire alloué, il est certain
que son paiement ne saurait occasionner aux créanciers
aucun grief raisonnable. Ce salaire, en effet, diminue-
rait en proportion les secours qui auraient été alloués
aux termes de l'article 474 ; ils recevraient donc d'un
côté ce qu'ils donneraient de l'autre. Ils gagneront mê-
ART. 488. 21

me à cette position nouvelle du failli qui leur prêtera


son industrie, en échange d'un argent qui lui serait plus
humiliant, sans doute, mais beaucoup moins pénible de
recevoir sans rien faire pour eux.
599. — Les syndics sont appréciateurs souverains
de l'utilité et de l'opportunité de l'emploi qu'ils doivent
faire du failli. Ils ne peuvent être contraints à le réaliser,
s'ils ne jugent pas convenable de le faire. La raison en
est simple. Us ne cessent pas de rester solidairement
responsables de la gestion et des actes qu'ils auraient
laissé faire par le failli. En conséquence, s'ils se méfient
de sa probité, s'ils suspectent sa bonne foi, ils auront,
non-seulement le droit de ne pas l'admettre, mais en-
core celui de le congédier après l'avoir admis. Par rap-
port à eux, le failli n'est jamais qu'un commis ordinai-
re qu'ils peuvent prendre et renvoyer à leur gré.
400. — Le failli est-il, de son côté, maître de refuser
la mission que les syndics voudraient lui conférer? Nous
ne le pensons pas, si, d'ailleurs, des motifs graves, ap-
prouvés par le juge-commissaire, ne lui faisaient un de-
voir d'agir ainsi. Le failli doit à ses créanciers tous les
soins que ceux-ci exigeront de lui, dans le but de liqui-
der son actif. C'est là un faible équivalent de la perle
qu'il leur cause. En conséquence, si, libre de sa person-
ne, il refusait de se rendre à l'appel des mandataires lé-
gaux de ses créanciers, ceux-ci, de leur côté, pourraient
se croire déliés de l'obligation de lui fournir des secours,
que les syndics pourraient faire rétracter, si déjà ils a-
vaient été concédés.
TRAITE DES FAILLITES

ARTICLE 489.

Les deniers provenant des ventes et des recouvremens


seront, sous la déduction des sommes arbitrées par le
juge-commissaire, pour le montant des dépenses et frais,
versés immédiatement à la caisse des dépôts et consigna-
tions. Dans les trois jours des recettes, il sera justifié au
juge-commissaire desdits versèmens ; en cas de retard,
les syndics devront les intérêts des sommes qu'ils n'au-
ront point versées.
Les deniers versés par les syndics, et tous autres con-
signés par des tiers, pour compte de la faillite, ne pour-
ront être retirés qu'en vertu d'une ordonnance du juge-
commissaire. S'il existe des oppositions, les syndics de-
vront préalablement en obtenir la mainlevée.
Le juge-commissaire pourra ordonner que le verse-
ment sera fait par la caisse directement entre les mains
des créanciers de la faillite, sur un état de répartition
dressé par les syndics et ordonnancé par lui.

SOMMAIRE.

401. Système du Code de commerce sur les recouvremens opérés


par les syndics.
402'. Le défaut de sanction en laissait les formalités sans exécu-
tion. — Inconvéniens qui en naissaient.
403. Obligation actuelle des syndics de verser les deniers reçus à
ART. 489. 23.
-

la caisse des dépôts et consignations, et de justifier de


ce versement dans les trois jours de la recette.
404. Peine que la violation de cette obligation fait encourir; sa
nature, son efficacité.
405. Exception pour les sommes nécessaires aux dépenses aux
,
frais et aux autres besoins de la faillite.
406. Toutes les sommes consignées sont retirées sans frais, sur
ordonnance du juge-commissaire.
407. Innovation consacrée quant au mode de paiement.
408. Obligation pour les syndics d'obtenir la mainlevée des oppo-
sitions. — Quels créanciers peuvent s'opposer à la dé-
livrance.

405. — Le Code de commerce voulait que les de-


niers provenant des recouvremens et ventes fussent ver-
sés, déduction faite des dépenses et frais, dans une caisse
à double serrure. Une des clés devait être remise au plus,
âgé des agens ou des syndics, l'autre à celui des créan-
ciers que le juge-commissaire désignait.
Le bordereau de la caisse devait être, chaque semai-
ne, remis au juge-commissaire, qui pouvait, sur la de-
mande des syndics ordonner le dépôt des fonds à la
,
caisse d'amortissement. Le retirement de ces fonds était
ensuite opéré en vertu d'une ordonnance de ce magis-,
trat. Jusque-là ils produisaient, au profit de la masse,,
l'intérêt accoutumé.
402. — Malheureusement, ces prescriptions man-
quaient de sanction. Aussi, rien n'était moins exécuté
que les obligations qu'elles imposaient. La caisse à dou-
ble serrure n'existait dans aucune faillite. Les syndics
n'usaient querarement de la faculté de faire ordonner le
dépôt des fonds. Us préféraient, en général, en conser-
24 TRAITÉ DES FAILLITES

ver exclusivement la manipulation, ce qui n'exerçait pas"


unB minime influence sur les longueurs de la liquida-
tion si souvent interminable.
Il arrivait bien souvent, en effet, que les syndics n'hé-
sitaient pas à faire valoir à leur profit les deniers ap-
partenant à la faillite. Ces fonds qui étaient censés res-
ter improductifs dans la caisse de la faillite et dont il
,
n'était dû aucun intérêt, étaient placés par eux chez des
banquiers qui leur en supportaient l'intérêt qu'ils s'ap-
pliquaient, en attendant une répartition, qu'à cause de
cela même, ils retardaient le plus possible.

405. — Le législateur nouveau, vivement préoc-


cupé des réclamations que cet abus avait excité s'est
,
appliqué à en empêcher la reproduction et à enlever
,
ainsi aux syndics tout intérêt à voir la faillite se prolon-
ger indéfiniment. Déjà, et dans ce but, il les autorise à
réclamer le salaire de leur gestion, qu'ils soient ou non
créanciers, pour les dissuader, de chercher ce salaire
par des moyens détournés. Il fait plus encore , dans
l'article 489 : il les prive de la disposition des fonds,
en les obligeant à les verser , dans les trois jours
de leur réception, à la caisse des dépôts et consigna^-
tions.
Cedevoir, de facultatif qu'il était, est devenu obliga-
toire. Non-seulement les syndics doivent opérer ce ver-
sement ; mais ils doivent encore en justifier dans le mê-
me délai, en remettant au juge-commissaire une note
exacte des recettes et des sommes déposées. Ce magistrat
doit en vérifier l'exactitude, pour se conformer à la mis-
ART. 489. 25
sion de surveillance active que la loi lui confère spécia-
lement sur cette partie de la gestion.

404. — Une clause pénale garantit l'exécution de


cette obligation. Les syndics doivent les intérêts de tou-
tes les sommes qui n'auraient pas été déposées, à partir
de l'expiration du délai de trois jours. La loi assimile
les syndics retardaires au débiteur d'une somme d'ar-
gent en demeure de payer. Elle leur applique donc, com-
me à celui-ci, la disposition de l'article 4153 du Code
civil. Mais elle n'exige pas pour eux la sommation qui,
seule, aux termes de cet article, fait courir les intérêts.
Il suffit, pour que les syndics en soient tenus , qu'ils
n'aient pas faille dépôt qui leur est ordonné. Pour eux,
les intérêts sont dus de plein droit par la seule expira-
lion du délai de trois jours.
Il était, ce semble, difficile d'aller au delà de celle exi-
gence, surtout en présence de l'article 1153. Cependant,
on a, dans la discussion de la loi, reproché à celte clause
pénale d'être beaucoup trop indulgente. Ce n'est pas as-
sez , disait-on , d'assimiler dans ce cas les syndics aux
débiteurs en retard. L'absence de dépôt peut constituer
une négligence grave ; on la prolongerait volontairement
dans certains cas ; enfin un syndic consentirait à sup-
porter les intérêts, s'il pouvait ainsi acheter la faculté de
disposer à son profit de sommes appartenant à la faillite.
Il fut répondu que le sens que cette objection suppo-
sait à la disposition de l'article 489 n'était pas celui
,
qu'il avait réellement ; que le paiement des intérêts n'é-
tait la peine que du simple relard ; mais que ce retard
26 TRAITÉ DES FAILLITES.

pouvait, de plus, selon-les circonstances, constituer une


prévarication ; que, dans ce cas, indépendamment des
intérêts, on pourrait, non-seulement prononcer la des-
titution, mais encore appliquer la peine corporelle pro-
noncée contre les syndics qui ont malversé, sans préju-
dice dés dommages-intérêts pour la réparation du pré-
judice résultant de la malversation.
Ainsi fixée, la disposition de l'article 489 permet d'at-
teindre le but qu'elle s'est proposée. Ses termes se justi-
fient par ce principe : que la loi doit se préoccuper des
cas généraux, et disposer pour ce qui a lieu le plus sou-
vent, de eo quod plerumque fit, et non pour les excep-
tions qui peuvent se réaliser. Or, en thèse ordinaire, il
ne s'agira le plus souvent que d'un simple retard. En
effet, les syndics ne seront plus tentés de disposer des
fonds de la faillite de courir les chances d'un place-
,
ment, lorsqu'ils ne pourraient se procurer qu'un intérêt
tout au plus égal à celui qu'ils seront obligés de sup-
porter eux-mêmes en faveur des créanciers. Dès lors,
l'obligation de servir de plein droit ce dernier, fait dis-
paraître tout motif de prolonger la liquidation qu'il est
dans l'esprit de la loi de voir terminer au plutôt.
Sans doute il "peut se trouver quelques syndics qui
,
seront tentés d'abuser de leurs fonctions et bien aises
,
de contracter ce qu'ils considéreront comme un emprunt
à la faillite. La loi a prévu celte exception, lorsqu'elle a
appelé toute la surveillance durjuge-commissaire sur les
recouvremens, lorsqu'elle a ordonné qu'on lui justifiât,
.dans les trois jours, du versement à la caisse des dépôts.
Contre cette exception, la loi s'en repose d'abord sur le
ART. 489. 27
juge-commissaîre, qui doit tenir la main à l'exécution
littérale de cette justification, et sur les peines que les
syndics peuvent encourir. Ainsi le juge-commissaire
avertira une première fois les syndics négligents. En
cas de nouveau retard, il en recherchera les motifs, et,
selon leur gravité, proposera ou la destitution seulement,
ou concurremment, cette même destitution et la pour-
suite autorisée par l'article 596. Ainsi, le mal prévu
trouvera une sûre et prompte répression grâce au dé-
,
veloppement donné par la loi nouvelle au germe de pro-
tection que renferme l'institution des juges-commissai-
res , et que la précédente législation n'avait pas assez
fécondé.
Les syndics n'ont donc plus d'intérêt réel à retenir en
leurs mains les deniers de la faillite. Ne fût-ce même
que par la crainte des poursuites que cet acte pourrait
motiver, ils s'empresseront de réaliser le dépôt qui leur
est ordonné. Ainsi consignées, toutes les sommes pro-
venant de la vente du mobilier et des recouvremens,
produiront en faveur de la masse les intérêts que la
caisse des dépôts supporte en pareil cas. Il en serait de
même des sommes que des tiers auraient consignées
pour le compte de la faillite.
405. —
Le législateur a cependant admis et dû ad-
mettre une exception à l'obligation absolue de déposer.
Cette exception se rapporte aux sommes présumées né-
cessaires pour faire face aux dépenses, aux frais que la
faillite entraîne, et à tous les autres besoins actuels de
la liquidation.
28 TRAITÉ DES FAILLITES.

Ainsi nous avons vu que dans l'actif de la faillite


peuvent se trouver des valeurs payables sur une autre
place, et qu'il faudra négocier. Or les syndics peuvent
,
être obligés de restituer les fonds qu'ils ont ainsi tou-
chés si l'effet retourne impayé. Il était peu rationnel
,
d'ordonner dès lors le dépôt de ces fonds avant d'avoir
acquis la certitude qu'il ne faudra pas les rembourser.
Les sommes nécessaires à ces remboursemens éven-
:

tuels ainsi que celles pour faire face aux dépenses et


,
frais, seront donc laissées,entre les mains des syndics ;
leur quotité en sera déterminée sur leur demande par le
juge-commissaire.
406. — Le législateur, pour suivre un ordre logi-
que, a été amené à traiter, sous cet article, du mode de
restitution des sommes déposées pour le compte de la
faillite, soit par les syndics, soit par des fiers. Cette res-
titution s'opère sans frais et sur le vu de l'ordonnance
du juge-commissaire qui la prescrit.

407. — C'est aussi ce qui se réalisait sous l'empire


de la législation précédente. Mais l'article 489 consacre
une innovation importante quant au mode de paiement,
en permettant au juge-commissaire d'ordonner que ce
paiement sera fait directement par la caisse entre les
,
mains des créanciers.
La décision à cet égard est livrée à la seule apprécia-
tion du juge. Elle ne peut être attaquée ni par les syn-
dics ni par aucun des créanciers. Pour son exécution,
,
un état de répartition est dressé par les syndics, ordon-
nancé par le juge-commissaire, et remis au directeur de
ART.' 489. 29
la caisse qui y fait consigner la quittancé des sommes
,
payées. Cependant chaque créancier est obligé de pré-
senter aux syndics le titre affirmé, pour que la mention
prescrite par l'article 569 y soit portée.

408. — Ce paiement direct, ou la délivrance des


sommes totales aux syndics, est subordonnée à la main-
levée des oppositions qui auraient été faites à la caisse
des dépôts et consignations. La faculté de former oppo-
sition n'appartient jamais aux créanciers ordinaires. Elle
serait par rapport à eux sans objet, puisqu'elle ne sau-
rait leur donner plus de droits que ceux que leur qua-
lité leur assure. >

Mais il n'en est pas de même des créanciers privilé-


giés, ou se prétendant tels. Ceux ci devant être payés in-
tégralement, peuvent s'opposer à la délivrance des fonds
jusqu'après leur paiement. C'est dans la prévision d'une
opposition de ce genre que l'article 489 oblige les syn-
dics à en obtenir préalablement la mainlevée.

SECTION IV.

DES ACTES CONSERVATOIRES.

ARTICLE 490.
A compter de leur entrée en fonctions les syndics
,
seront tenus de faire tous actes pour la conservation des
droits du failli contre ses débiteurs.
30 TRAITÉ DES FAILLITES.

Us seront aussi tenus de requérir l'inscription aux hy-


pothèques sur les immeubles des débiteurs du failli, si
elle n'a pas été requise par lui : l'inscription sera prisé
au nom de la masse par les syndics qui joindront à
,
leurs bordereaux un certificat constatant leur nomina-
tion.
Ils seront tenus aussi de prendre inscription, au nom
de la masse des créanciers, sur les immeubles du failli
dont ils connaîtront l'existence. L'inscription sera reçue
sur un simple bordereau énonçant qu'il y a faillite , et
relatant la date du jugement par lequel ils auront été
nommés.

SOMMAIRE.

409. Obligation pour les syndics de prendre toutes les mesures


conservatoires.
440. Objet de ces mesures.
444. Les syndics peuvent-ils retourner aux correspondants les
valeurs transmises en compte courant, si elles restent
impayées ?
,
412. Quid, si ces valeurs portaient la clause de retour sans frais?
413. Les syndics sont recevables à exercer toutes exécutions con-
tre les débiteurs du failli.
-4U. Ils doivent inscrire les droits hypothécaires du failli, et re-
nouveler les inscriptions que celui-ci aurait prises.
44 5. Les inscriptions requises par les syndics profitent au failli
concordataire.
'416.. L'inscription ordonnée par l'article 490, sur les biens du
failli, confère-l-elle une hypothèque ?
ART. 490. 34

409. Le résultat immédiat de l'acceptation des



fondions de syndics, est l'obligation de veiller à la con-
servation des biens et droits de la faillite, par conséquent
le devoir de prendre dans ce but, et le plus tôt possible,
toutes les mesures nécessaires.
Ce devoir était imposé par le Code de commerce aux
agens qui précédaient nécessairement les syndics provi-
soires et succédaient immédiatement au failli. On com-
prend en effet que l'efficacité des actes conservatoires
est souvent attachée à leur prompte réalisation, et que
le besoin s'en fait plus particulièrement sentir à l'ouver-
ture de la faillite. Les syndics provisoires , remplaçant
aujourd'hui les agens dans l'administration première,
sont naturellement appelés à pourvoir à tout ce que l'in-
térêt de cette administration peut exiger.
410. — Les mesures conservatoires ont pour objet
non-seulement les droits et biens immobiliers, mais en-
core et essentiellement les créances mobilières et les ga-
ranties qui y sont attachées,. Nous avons déjà vu en
,
parlant des billets à courte échéance que les syndics
,
doivent les faire prolester à défaut d'acceptation ou de
paiement, et exercer ensuite le recours contre les endos-
seurs. Il en est de même pour tous ceux trouvés en la
possession du failli, et qui écherront parla suite.

411. — Si des valeurs commerciales avaient été


transmises en compte-courant par des 'correspondants
du failli, ceux-ci pourraient-ils en cas de non paie-
,
ment, en exiger le retour pur et simple sous l'obligation
d'en créditer le failli? C'est ainsi qu'on en use en pa-
32 TRAITÉ DES FAILLITES.

reille matière. H" n'est pas douteux que le commerçant


qui aurait reçu de valeurs pareilles , et qui en aurait
crédité l'envoyeur, se serait borné à les retourner si elles
n'avaient pas été payées, en les portant cette fois à son
propre crédit. Mais cette opération n'est possible qu'au-
tant que le commerçant a la plénitude de ses droits. Les
syndics né pourraient donc plus la réaliser après la fail-
lite. Cette décision nous parait commandée par un dou-
ble motif.
D'abord, parce que les livres doivent être arrêtés, et
les comptes réglés au jour même de l'ouverture. Cette
mesure imprime dès lors aux écritures un caractère de
fixité qui exclut toute modification ultérieure. Or, le ren-
voi d'effets par la passation en compte atteindrait un ré-
sultat contraire; il constituerait une continuation d'opé-
rations de banque, une véritable disposition d'une partie
de l'actif, qui excéderait les fonctions confiées aux syn-
dics.
De plus le failli est devenu propriétaire définitif des
,
billets qui lui sont transmis en compte courant. Ainsi, il
serait déchu de tout recours contre son correspondant,
s'il ne les avait pas fait protester en temps utile. Les
syndics succèdent au nom des créanciers à cette pro-
priété. Ils doivent faire pour ce qui la concerne, ce
,
qu'ils sont obligés de faire pour tous les autres droits ;
en conséquence , exiger du correspondant lui-même le
paiement que le souscripteur ou l'accepteur refuserait
d'opérer. Le failli pouvait, il est vrai, compenser avec
son correspondant ; les syndics ne le peuvent plus. Aptes
à recevoir intégralement tout ce qui est dû à la faillite.
ART. 490. - 33
ils n'ont qu'une capacité éloignée et restreinte pour le
paiement de ce qui est dû par elle. Ils ne peuvent ja-
mais l'opérer en dehors des réparlilions, lorsqu'il s'agit
de créances ordinaires.
La prétention du correspondant d'obtenir le retour
des effets par lui transmis est donc condamnée. Elle se-
rait la violation des principes qui précèdent. Elle exige-
rait d'une part une rectification du compte. Elle consti-
tuerait de plus une véritable compensation.
Cette prétention violerait en outre la disposition de
l'article 574 de la loi.- Elle créerait en effet un droit de
revendication en dehors des conditions rigoureuses que
cet article exige. Elle est donc sous tous ces rapports,
,
inadmissible.

412. —:
Ainsi, les effets transmis en compte courant
doivent être encaissés par les syndics. Peu importe qu'il
y ait ou non la clause retour sans frais. Les inconvé-
niens que nous avons signalés, l'absence de qualité des
syndics, n'en existent pas moins. Où ces effets seront
dans le cas d'être revendiqués, ou non. Or, on sait que
la clause de retour sans frais est indifférente dans l'ap-
plication des règles tracées pour cette revendication (').
Si celle-ci n'est pas autorisée, l'envoyeur sera solidaire-
ment tenu du paiement avec le souscripteur, l'accepteur
et les autres endosseurs des effets.

415. — Les syndics étant obligés de prendre toutes


les mesures nécessaires pour assurer le paiement des

(') V. infrà art. 574.


H 3
34 TRAITE DES FAILLITES.

créances actives, il en résulte qu'ils sont recevables à


faire toutes saisies-arrêt contre tous débiteurs ;
A poursuivre, par toutes les voies de droit, l'exécu-
tion des jugemens et actes ;
A interrompre, par des citations en justice, toutes les
prescriptions qui ont commencé à courir et dont on
,
pourrait plus tard exciper.
Toute négligence dans ce dernier cas engagerait for-
tement leur responsabilité, et les rendrait personnelle-
ment garans des sommes qu'elle aurait fait perdre aux
créanciers.

414. — Parmi les actes conservatoires, tout ce qui


concerne les hypothèques acquises au failli se recom-
mande d'une manière spéciale à la vigilance des syn-
dics.' Ainsi, ils doivent, non-seulement entretenir et con-
server les inscriptions existantes, mais encore requérir
celles que le failli aurait négligé de prendre. L'inscrip-
tion ou le renouvellement se fait au nom de la masse,
sur le vu des titres qui en confèrent le droit, accompa-
gnés d'un certificat constatant la nomination des syn-
dics. Ce certificat est délivré par le greffier du tribunal
de commerce et reste joint au bordereau.
L'inscription pour être valable, doit réunir les con-
,
ditions exigées par l'article 2148. La seule exception
créée par la faillite, n'est relative qu'au nom des créan-
ciers qu'il n'est pas nécessaire d'indiquer autrement que
par la mention que cette inscription est requise en faveur
de la masse des créanciers du failli.
ART. 490. 35
415.— Le profit de ces inscriptions est acquis au
failli, si, obtenant un concordat, il est remis à la tête
de ses affaires. Dans ce cas, les syndics ont été des ad-
ministrateurs judiciaires dont tous les actes peuvent être
valablement invoqués par l'ancien failli. Il n'a pas mê-
me besoin pour cela de faire émarger les inscriptions.
11 est, par le concordat, subrogé dans tous les droits des

créanciers qui avaient inscrit.


Cependant, la prudence conseillerait au failli concor-
dataire de rectifier ou même de renouveler en son nom
les inscriptions prises par les syndics, afin de n'être pas
exposé à ignorer la vente des biens affectés à sa créance.
Sans cette précaution en effet, il pourrait arriver que
,
les notifications faites au domicile élu par les syndics ne
lui fussent pas transmises, et qu'il perdit par ignorance
soit la faculté de surenchérir, soit le droit de se présen-
ter utilement dans l'ordre.
Cette rectification ou renouvellement serait fait par le
conservateur sur le vu du jugement qui homologue le
,
concordat, et sur la justification que ce jugement a ac-
quis l'autorité de la chose jugée.

416. — L'article 490 charge, en outre les syndics


,
de prendre inscription en faveur de la masse sur les
, ,
immeubles du failli. Celle disposition n'est qu'une répé-
tition littérale de Celle de l'ancien article 500.
Nous ne pouvons nous rendre un compte exact de
l'utilité de celte prescription. Le Code de 1807 l'avait
consacrée dans Tunique but d'empêcher que la masse
36 TRAITÉ DES FAILLITES.

des créanciers ne fût pas avertie des expropriations [').


Nous ne saurions admettre la possibilité du danger qu'on
aurait ainsi voulu prévenir; car l'ignorance qu'elle sup-
pose est difficile à prévoir. La publicité que l'expropria-
tion reçoit, son insertion dans les journaux, l'affiche qui
doit être apposée au domicile de l'exproprié tout ga-
,
rantit contre une crainte qui ne peut être que chimé-
rique.
' Il est encore une raison plus décisive de le penser
ainsi. Depuis la faillite, aucun créancier ne peut pour-
suivre l'expropriation des biens du failli que contre les
syndics. C'est contre eux encore que la poursuite inten-
tée avant la faillite devrait être continuée. Il est donc
matériellement impossible que l'expropriation soit jamais
consommée, sans que les syndics en soient instruits.
On a prétendu encore que l'inscription sur les immeu-
bles du failli donnait à la faillite une plus grande publi-
cité. Mais cette considération ne nous touche que mé-
diocrement. Il est vrai que les registres hypothécaires
sont publics. Mais les moyens ordonnés par la loi pour,
rendre la faillite notoire sont bien autrement énergi-
,
ques, et s'ils ne suffisaient pas pour amener une entière
publicité, nous ne voyons pas ce que pourrait faire une
inscription qui ne se manifeste que par la transcription
sur un registre que les commerçants surtout vont rare-
ment consulter.
Sous tous ces rapports l'inscription prescrite par
, ,
l'article 490, serait donc superflue. Que sera-ce, si, re-

(') Locrc, Esprit du Coile de commerce, art. 5oo.


ART. 490. 37
cherchant/quels peuvent en être les effets, on arrive à ce
résultat qu'elle ne saurait en produire aucun. Or, sous
l'empire du Code, ce résultat était incontestable. Il était,
en effet, admis en doctrine et en jurisprudence que l'in-
scription ordonnée par l'article 500 ne créait aucun
droit hypothécaire en faveur des créanciers , parce que
la masse se composant principalement de créanciers chi-
rographaires, dont les titres ne conféraient point hypo-
thèque leur réunion ne pouvait dénaturer leurs droits,
,
ni leur accorder un privilège que chacun d'eux pris iso-
lément n'aurait pu réclamer; parce que la faillite ne
transforme pas les créances, qu'elle ne fait que les éga-
liser entre elles en en déterminant irrévocablement la
,
nature , le caractère et le mode uniforme de paiement ;
parce qu'enfin l'inscription est destinée à constater un
droit préexistant, et non à créer celui qui n'existerait
pas.
Ces principes avaient déjà reçu plusieurs fois la sanc-
tion de la cour suprême, lorsqu'une nouvelle occasion
s'est présentée de les appliquer. La cour de Nîmes avait
jugé, que l'inscription prise par les syndics n'établissait
pas en faveur des créanciers, sur les biens advenus par
succession à leur débiteur un droit de préférence sur
,
les créanciers du défunt, alors que ceux-ci n'avaient ins-
crit leur hypothèque ni du vivant de leur débiteur ni
dans les six mois du décès, mais seulement après la fail-
lite de l'héritier, et à une date postérieure à l'inscription
des syndics.
Les syndics à l'appui de leur pourvoi, soutenaient
,
que leur inscription devait primer celle des créanciers
38 TRAITÉ DES FAILLITES.

du défunt. Pour empêcher cette préférence, disaient-ils,


ceux-ci auraient dû au moins inscrire dans les six mois
du décès; alors, ils auraient pu obtenir le privilège de
la séparation des patrimoines , et être payés avant les
créanciers de l'héritier, sur les immeubles de la succes-
sion. Cette, séparation ne pouvant plus se faire , la loi
confond les uns et les autres, et range tous les créanciers
à la date de leur inscription. Conséquemmenl, celle des
syndics étant antérieure à celle des créanciers du défunt,
doit être payée avant celle-ci.
Mais, par arrêt du %% juin 1841, la cour de cassation
a rejeté le pourvoi par les motifs suivants :
« Attendu qu'une inscription n'a pour but et pour
effet que de conserver une hypothèque, quand elle existe
en vertu d'actes préalables ; de lui faire obtenir une pré-
férence de rang sur les hypothèques à l'égard desquel-
les cette formalité n'a pas été observée, mais non de
créer, par elle-même, cette hypothèque qui ne peut être
le résultat que d'une convention, d'une loi expresse ou
d'un jugement ayant acquis l'autorité de la chose jugée;
» Attendu que, dans l'espèce, la masse des créanciers
deDeleutrefils n'avait en sa faveur aucun de ces moyens
de prendre droit sur les immeubles de son débiteur, de
préférence surtout aux hypothèques qui, longtemps avant
la faillite, avaient été légalement concédées sur les biens
du sieur Deleutre père, lesquels n'avaient pu passer, à
titre de succession, dans les mains de Deleutre fils, que
chargés des hypothèques qui les grevaient avant l'ou-
verture de cette succession ;
» Attendu que si l'article 500 du Code de commerce
ART. 490. *9
enjoint aux syndics de prendre inscription au profit de
la masse des créanciers , rien ne prouve que ce même
article ait nécessairement attaché à cette inscription la
vertu non de conserver une hypothèque qui n'existait
,
pas , mais de la créer hors des cas qui, dans le droit
commun» peuvent la faire acquérir ('). »
Les principes consacrés par cet arrêt sont également
enseignés par la doctrine. MM. Pardessus (') et Trop-
long ( 3) notamment rappellent les paroles de M. Locré,
et en concluent que l'article 500 ne confère aucuns droits
d'hypothèque. Ainsi, ajoute ce dernier, le créancier por-
teur d'un titre hypothécaire qui ne l'aurait pas fait ins-
crire, ou qui, ayant requis l'inscription, ne l'aurait pas
renouvelée, ne pourrait se prévaloir de l'inscription prise
par les syndics pour suppléer à l'omission de ces forma-
lités en ce qui le concerne.
C'est aussi pour cette raison que plusieurs cours et
tribunaux de l'empire avaient demandé la suppression
de l'inscription comme inutile. Cette opinion eut de l'é-
cho dans le sein du conseil d'Etat, qui la maintint ce-
pendant. Nous avons vu dans quel objet (4).
La loi nouvelle a-t-elle dérogé à l'article 500 du Code?
A-t-elle accordé l'hypothèque que celui-ci n'avait pas
concédée ? Le doute peut s'élever de l'article 517 qui dis-
pose que le concordat conserve aux créanciers l'hypo-
thèque inscrite en vertu de l'article 490. Mais nous ne

(*) D. P.,4i,r, a6i.


(') Tora.4,n°ii57.
(') Sur Fart. 2i46, n°655.
(*) V. Locrc, loc. cit.
40 TRAITÉ DES FAILLITES.

croyons pas cette énonciation suffisante. pour qu'on


puisse résoudre ces questions par l'affirmative.
Il nous parait, en effet, que l'article 490 laisse les
choses dans le même état où elles étaient sous le Code
de commerce. La faillite est aujourdhui ce qu'elle était
autrefois. On doit donc raisonner sous l'empire de notre
législation actuelle,, comme on le faisait sous le Code.
Or, l'hypothèque dit la cour de cassation ne peut
, ,
résulter que delà convention, d'un jugement définitif ou
d'une loi expresse.
De conventions ! il n'en existe aucune, entre le failli
et ses créanciers chirographaires, qui ait changé la na-
ture du titre. Conséquemmenf, aucune hypothèque n'é-
tant originairement due il n'en existe aucune après la
,
faillite.
De jugement ! il en est un que la masse pourrait in-
voquer : celui qui prononce l'ouverture de la faillite.
Mais ce jugement se borne à constater un fait : il ne pro-
nonce aucune condamnation ; il ne s'occupe des créan-
ces que pour les liquider, que pour en déterminer le ca-
ractère et l'importance au moment où il intervient. Il
est, dès lors, évident qu'il ne renferme aucun élément
d'un droit hypothécaire.
A défaut de convention et de jugement, existe-t-il une
loi qui ait expressément conféré hypothèque ? On ne
pourrait invoquer que l'article 490. Mais celui-ci n'or-
donne qu'une inscription, et ne parle point d'hypothè-
que. Il ne saurait donc suffire pour établir un droit qui
ne peut être reconnu , que s'il était formellement con-
sacré.
ART. 490. 41

Mais, dira-t-on, à quoi bon inscrire, s'il n'y a au-


cuns droits à conserver? Cette question on pouvait la
,
faire sous le Code qui répondait que le but de cette ins-
cription était d'empêcher que les créanciers ignorassent
les expropriations et de donner à la faillite une plus
,
grande publicité. Or, la preuve que le nouveau législa-
teur n'a pas voulu autre chose .c'est que l'article 490
n'est que la reproduction littérale de l'ancien article 500,
et que rien dans les discussions que la loi actuelle a
,
subies depuis 1834 jusqu'en 1838, ne fait supposer une
innovation quelconque dans les conséquences de la for-
malité qui y est prescrite.
L'article 490 n'est donc aujourd'hui que ce qu'était
l'article 500, et si celui-ci n'accordait aucune hypothè-
que, le premier n'en confère pas davantage. Les expres-
sions de l'article 517 sont le résultat de la préoccupation
dont nos lois ne portent que trop souvent les déplorables
traces. L'article 517 (') crée et ne conserve rien. Il in-
troduit un droit nouveau à savoir : que le jugement
,
d'homologation confère hypothèque à la condition d'être
inscrit. Si une inscription nouvelle est indispensable,
celle prise en vertu de l'article 490 est donc insuffisante,
et si elle est insuffisante comment aurait-elle conféré
,
hypothèque?
Le système consacré sous le Code par la doctrine et
la jurisprudence est donc encore vrai aujourd'hui.
,
L'inscription ordonnée par l'article 490 ne saurait créer
des droits qui n'ont jamais existé et qui sont même
,

( ') V. nos observ. sons cet article.


42 TRAITÉ DES FAILLITES.

proscrits par l'article 446 et c'est sans doute à cause


,
de ce résultat que, contrairement à la disposition de l'ar-
ticle %\ 48 du Code civil, cette inscription est reçue sur
un simple bordereau énonçant qu'il y a faillite, et rela-
tant la date du jugement qui a nommé les syndics.

SECTION V.

DE LA VÉRIFICATION DES CRÉANCES.

ARTICLE 491.
partir du jugement déclaratif de la faillite, les cré-
A
anciers pourront remettre au greffier leurs titrés avec
,
un bordereau indicatif des sommes par eux réclamées.
Le greffier devra en tenir état et en donner récépissé.
Il ne sera responsable des titres que pendant cinq
années, à partir du jour de l'ouverture du procès-verbal
de vérification.

ARTICLE 492.
Les créanciers qui, à l'époque du maintien ou du
remplacement des syndics en exécution du troisième
,
paragraphe de l'article 46â n'auront pas remis leurs
,
titres, seront immédiatement avertis, par des insertions
dans les journaux et par lettres du greffier qu'ils doi-
,
ART. 491, 492 43
vent se présenter en personne ou par fondés de pou-
voirs, dans le délai de vingt jours, à partir desdites in-
sertions, aux syndics de la faillite, et leur remettre leurs
titres accompagnés d'un bordereau indicatif des sommes
par eux réclamées, si mieux ils n'aiment en faire le dé-
pôt au greffe du tribunal de commerce ; il leur en sera
donné récépissé.
A l'égard des créanciers domiciliés en France hors
,
du lieu où siège le tribunal "saisi de l'instruction de la
faillite, ce délai sera augmenté d'un jour par cinq my-
riamètres de distance entre le lieu où siège le tribunal et
le domicile du créancier.
A l'égard des créanciers domiciliés hors du territoire
continental de la France ce délai sera augmenté con-
,
formément aux règles de l'article 73 du Code de procé-
dure civile. '

SOMMAIRE.

417.. Approbation générale que les formes prescrites à la vérifica-


tion avaient reçues. — Objet de celle-ci.
418. Le législateur nouveau a voulu les améliorer et non les af-
faiblir.
419. lia surtout cherché à abréger les délais. — Dispositions du
Code de commerce à cet égard.
420. Nécessité du dépôt préalable des titres. La loi l'envisage

à une double époque.
421. Il est facultatif, à partir du jugement déclaratif, jusqu'à ce-
lui qui maintient ou remplace les syndics.
44 TRAITÉ DES FAILLITES.

422. A cette époque, il ne peut être effectué qu'entre les mains


du greffier. — Obligations de celui-ci envers les syn-
dics maintenus ou institués.
423. La responsabilité du greffier, quant aux titres déposés, est
réduite à cinq ans, à partir de l'ouverture du procès-
verbal de vérification.
424. Le dépôt des titres est forcé, après le jugement qui maintient
ou remplace les syndics. — Conséquences.
423. Substitution d'un délai franc de vingt jours, à celui uniforme
de quarante jours accordé par le Code de commerce.
,
— Abrogation de l'article 511 de celui-ci.
426. Les créanciers hypothécaires ou privilégiés doivent être mis
en demeure de faire vérifier leurs titres.
427. Les titres déposés en vertu de nos deux articles, ne sont pas
soumis à enregistrement préalable.
428. Les récépissés délivrés par le greffier ou les syndics sont dis-
pensés du timbre et de l'enregistrement.
429. Délais pour les créanciers résidant hors France.

'417.— Les formes que le législateur de 1807 avait


imposées à la vérification des créances avaient été con-
sacrées par l'approbation de toutes les chambres de com-
merce ; et la surveillance du juge-commissaire , qu'il a
eu soin d'ajouter , donnait sur cet objet important une
complète sécurité : les enquêtes autorisées, l'apport des
registres ordonné dans certains cas, devaient rassurer
tout créancier légitime, et dissiper toute crainte d'erreur
ou de fraude à cet égard (').
Tel doit être, en effet, le but de la vérification : faire
participer à la répartition de l'actif les créanciers sérieux
et en écarter ceux qui n'auraient aucun titre réel ; et

(') De Ségur,.Exposé des motifs.


ART. 491, 492. 45

comme en définitive un pareil résultat est autant dans


l'intérêt de la masse que dans celui du failli, s'il est de
bonne foi, l'une et l'autre doivent imprimer à celte opé-
ration un caractère tel qu'elle ne se réduise pas à un
contrôle passif de toutes les prétentions qui viendront à
se produire.
418. — Ce qui était vrai sous le Code de commerce,
n'a pas cessé de l'être aujourd'hui. Aussi, le législateur
nouveau s'est-il bien gardé de porter aucune atteinte aux
formes de la vérification. Mais l'expérience avait signalé
des améliorations dans le but de les perfectionner ; et ce
sont ces améliorations qu'on s'est hâté de consacrer.

419. — La plus importante est celle qui concerne


les délais dans lesquels il doit être procédé à la vérifi-
cation. Celle-ci, on le sait, est le principe de la liqui-
dation de la faillite. Ce n'est, en effet, qu'après avoir
fixé l'état des créanciers et le chiffre des créances, qu'on
appelle les intéressés à délibérer sur le concordat ou l'u-
nion. L'urgence d'une détermination quelconque rejail-
lit donc sur l'opération qui doit l'amener. Aussi de
,
tous les temps les législations qui la prescrivaient ont-
,
elles manifesté l'intention qu'il y fût procédé dans le
plus court délai.
Cependant, il faut reconnaître que tout en proclamant
l'urgence de la vérification le Code de commerce ren-
,
voyait cette opération à un délai fort éloigné. Les agens
ne pouvant y procéder, le temps pendant lequel ils ad-
ministraient et qui était presque toujours d'un mois,
était complètement perdu. Les syndics qui les rempla-
46 TRAITÉ DES FAILLITES.

çaient avaient d'abord à s'occuper de la levée des scellés,


de l'inventaire et quelquefois de la vente des marchan-
dises. Les démarches pour la vérification ne venaient
qu'après tous ces préliminaires.
A cette cause de retard venaient se joindre les délais
énormes accordés par les articles 502, 503 et 511. Ce-
lait d'abord quarante jours pour opérer le dépôt des litres
qui n'étaient vérifiés que quinze jours après l'expiration
de ce premier délai. C'était ensuite un nouveau délai
pour les créanciers retardataires, calculé sur leur éloi-
•gnement de manière qu'ils eussent au moins un jour
,
par chaque distance de trois myriamètres, avec obliga-
tion d'observer, pour les créanciers résidant hors de
France les délais prescrits par l'article 73 du Code de
,
procédure civile.
Convaincue de la nécessité de fixer le plus tôt possible
le sort de la faillite la loi nouvelle a sagement précisé
,
son intention à cet égard. La suppression de l'agence a
fait disparaître les longueurs que son existence entraî-
nait ; mais là ne s'est pas bornée sa prévision. Nous al-
lons voir combien elle a réduit les divers délais, qu'elle a
accordés aux créanciers.

420. — Un préalable indispensable à toute vérifi-


cation est le dépôt des titres et renonciation des préten-
tions individuelles des créanciers. Ces premières démar-
ches facilitent le travail de vérification confié aux syn-
dics. Us peuvent ainsi par le rapprochement du bor-
,
dereau, avec les écritures du failli, se convaincre du plus
ou moins de sincérité des créances prétendues.
ART. 491, 492. 47
La loi règle ce dépôt à une double époque : 1° depuis
le jugement déclaratif de la faillite , jusqu'au maintien
ou au remplacement des syndics ; 2° depuis le jugement
qui prononce l'un ou l'autre, jusqu'à la clôture du pro-
cès-verbal de vérification.

<
21. — Dans le premier cas, le dépôt est faculta-
tif; u'nsi chaque créancier peut, dès l'ouverture de la
failli remettre ses tilres avec un bordereau indicatif
,
des sommes réclamées au greffier du tribunal de com-
merce, qui doit en tenir un état, et en donner récépissé.
422. —
On comprend pourquoi l'article 491 nom-
me exclusivement le greffier comme devant recevoir ce
dépôt. A celte période de la faillite, on ne sait encore si
les syndics en exercice seront ou non maintenus. Dans
cette incertitude, la loi a compris que les créanciers pour-
raient avoir de la répugnance à confier leurs titres en
des mains qui, peut-être, resteront étrangères à l'opé-
ration que ce dépôt prépare ; elle a considéré d'autre
,
part, que les syndics eux-mêmes ne se livreront à au-
cune recherche tant qu'ils ne seront pas certains d'être
maintenus, et que partant il était inutile de les consti-
tuer dépositaires.
Mais dès que le jugement qui maintient ou remplace
les syndics est rendu, le greffier doit livrer à ceux-ci les
litres dont il est dépositaire. Il est évident, en effet, que
le dépôt n'en est pas ordonné pour qu'il les conserve
entre les mains, mais bien dans l'objet que nous indi-
quions tout à l'heure ; il doit donc mettre les syndics à
même de le remplir.
48 TRAITÉ DES FAILLITES.

Il est vrai que les récépissés qu'il a délivrés engagent


sa responsabilité, mais il a pour s'en dégager une dou-
ble voie ou reprendre des mains des syndics les titres
:

que ceux-ci ont examinés , ou exiger des créanciers la


restitution de ces récépissés au moment de la vérifica-
tion contradictoire. A défaut de cette restitution, le gref-
fier pourrait retenir les litres même vérifiés pour en faire
plus tard l'échange ou ne les délivrer que sur valable
,
décharge.

425. — Sous l'empire du Code de commerce la


,
responsabilité des greffiers relativement aux litres qui
leur sont confiés était indéterminée. Cet état de choses
avait depuis longtemps excilédes réclamations. Ces fonc-
tionnaires trouvaient injustel'obligation de répondre sans
mesure de la négligence des créanciers.
Ces réclamations ont été entendues, et les effets de la
responsabilité restreints à une durée de cinq ans. Ce dé-
lai commence à courir du jour de l'ouverture du procès-
verbal de vérification. La logique indiquait ce point de
départ ; car, puisque le dépôt n'a lieu que pour parve-
nir à la vérification, il n'était pas probable que le cré-
ancier retirât ses titres avant ; mais comme dès que
,
celle-ci a commencé, chacun doit se présenter pour faire
admettre sa créance, on a supposé que les titres ont dû
faire retour à leurs propriétaires. Alors commence d'ail-
leurs la négligence, le dépôt a produit tous ses effets, le
déposant a pu le faire cesser, et s'il reste cinq ans sans
en réclamer la restitution , le greffier est complètement
libéré de toutes ses conséquences.
ART. 491, 492. - 49

424, — Dans le second cas, le dépôt est forcé. En


conséquence, les créanciers qui n'ont pas usé de la fa-
culté de l'article 491 , doivent être mis en demeure de
produire leurs titres, soit aux syndics définitifs, soit au
greffier du tribunal.
Cette mise en demeure se réalise par l'insertion dans
les journaux, et par lettres du greffier. L'envoi de celles-
ci pourrait paraître suffisant pour avertir les créanciers.
Mais comme le greffier ne peut écrire qu'à ceux dont le
nom est connu ou porté dans le bilan , et qu'indépen-
damment de ceux-là il peut en exister d'autres, la loi a
prescrit la publicité de la convocation pour garantir tous
les intérêts et répondre à toutes les éventualités.
Remarquons encore que la loi impose au greffier le
devoir d'écrire aux créanciers, que le Code de commerce
avait attribué aux syndics. On a voulu ainsi prévenir les
réclamations qui s'étaient quelquefois élevées sur la
manière dont les syndics avaient accompli cette mission.
On leur avait reproché dans plus d'une circonstance de
n'avoir prévenu que certains créanciers dont les disposi-
tions favorables à l'intérêt qu'ils s'étaient formé leur é-
taient connues. La substitution dans ce mandat d'un of-
ficier ministériel, dégagé de tout intérêt dans la faillite,
a paru un moyen péremptoire pour déjouer tout calcul
de ce genre et pour empêcher la mauvaise foi d'élever
,
des plaintes injustes ou mal fondées.

425. — L'article 492 a remplacé le délai uniforme


de quarante jours par un de vingt jours seulement, mais
augmenté d'un jour par chaque cinq myriamètres de
II 4
50 TRAITÉ DES FAILLITES.

distance entre le lieu où siège le tribunal et le domicile


du créancier." Ce délai court à partir de l'insertion dans
les journaux. Il est de rigueur pour tous les créanciers;
il est, dans tous les cas, unique. L'article 511 du Code
de commerce relatif aux créanciers retardataires est
, ,
complètement abrogé. Il a été considéré comme dange-
reux et inutile. Accorder deux délais , a-t-on dit, c'est
rendre le premier purement comminatoire ; c'est le se-
cond seul auquel on se met en mesure d'obéir.
La suppression de celui-ci a, d'ailleurs cet avantage,
qu'en même temps qu'elle rend la liquidation plus ex-
péditive, elle économise les frais du jugement et des for-
malités prescrites par les articles 511 et 512 du Code de
commerce ancien.,
Les créanciers doivent donc profiter des vingt jours
francs qui leur sont accordés pour opérer le dépôt de
,
leurs titres. Nous verrons, sous les articles suivants les
,
conséquences de la violation de cette obligation. La ré-
alisation du dépôt est constatée par un récépissé, soit des
syndics soit du greffier selon qu'il a été effectué entre
,
les mains des uns ou de l'autre.

426. — Les lettres que le greffier est chargé d'écrire


doivent être envoyées à tous les créanciers indistincte-
ment, aux hypothécaires , aux privilégiés , comme aux
chirographaires. Nul ne peut participer aux répartitions
de l'actif mobilier, s'il n'a été admis au passif après due
vérification. Or, les créanciers privilégiés et hypothé-
caires sont admis à ces répartitions, si elles ont lieu a-
vant la liquidation des objets affectés à leur privilège et
ART. 491, 492. 51

hypothèque, ou si cette liquidation préalable ne les a pas


soldés en entier. Ils sont donc, dans cette double prévi-
sion, soumis à la vérification sans laquelle ils ne pour-
raient exercer leur droit ; ils doivent dès lors être mis en
demeure de se présenter.
Cela est surtout vrai pour les créanciers privilégiés sur
les meubles. Leur créance ne peut être payée que si elle
a subi l'épreuve de la vérification. Cela a été notam-
ment jugé par la cour de Bordeaux le 10 décembre
,
1839 contre un médecin qui réclamait les honoraires
,
de ses visites pendant la dernière maladie du failli. Cet
arrêt décide que le tribunal civil, compétent pour juger
la question de privilège, était incompétent pour ordon-
ner le paiement de la créance non vérifiée, et que la
demande de ce paiement était non recevable jusqu'après
vérification (').

427. — Les titres déposés en vertu des articles 491


et 492 ne sont pas soumis à enregistrement préala-
,
ble (a) ; ils peuvent être sur papier libre, et leur enregis"
trement exposerait les porteurs à des frais considérables,
avant même qu'il fût certain s'ils retireront quelque chose
de la faillite.

428. — Il en est de même des récépissés délivrés,


soit par les syndics soit par le greffier. Us ne sont sou-
mis, ni à l'enregistrement ni au timbre. Le dépôt, alors
même qu'il est reçu par le greffier, ne constitue pas un

(,)D.P.,4o,a, ia7.
(!) Décision ministérielle du 28 juin 1808.
52 TRAITÉ DES FAILLITES.

acte de ses fonctions; c'est une simple remise officieuse,


et le récépissé n'a. pas d'autre objet que. de prouver que
les titres sont en la possesion de son auteur.
429. — L'article 492 accorde aux créanciers rési-
dant hors de France les délais prescrits par l'article 73
du Code de procédure civile. Mais cette prescription n'est
pas obligatoire pour la masse, en ce sens qu'en attendant
l'expiration de ce délai, il lui est permis de passer outre
à la vérification et à toutes autres opérations ultérieures,
et même à la répartition de l'actif, comme nous le ver-
rons plus bas.
ARTICLE 493.

La; vérification des créances commencera dans les trois


jours de l'expiration des délais déterminés par les pre-
,mier et deuxième paragraphes de l'article 492. Elle sera
continuée sans interruption. Elle se fera aux lieu jour
,
et heure indiqués par le jugé-commissaire. L'avertisse-
ment aux créanciers ordonné par l'article précédent con-
tiendra mention dé cette indication. Néanmoins les cré-
anciers seront de nouveau convoqués à cet effet, tant par
lettres du greffier que par insertions dans les journaux.
Les créances des syndics seront vérifiées par le juge-
commissaire ; les autres le seront contradictoirement en-
tre le créancier ou son fondé de pouvoirs et les syndics,
en présence du juge-commissaire, qui en dressera pro-
cès-verbal.
ART. 493, 494. 53

ARTICLE 494.

Tout créancier vérifié ou porté au bilan pourra assis-


ter à la vérification des créances, et fournir des contre-
dits aux vérifications faites et à faire. Le failli aura le
même droit.

SOMMAIRE.

430. La vérification doit s'ouvrir trois jours après l'expiration des


délais accordés aux créanciers domiciliés en France.
431. Quand et de quel moment ces trois jours commencent à
courir.
432. Nécessité d'une nouvelle convocation.
433. A quelle époque et par quels moyens elle doit être faite ?
434. Innovation de la loi actuelle quant au mode de vérification.
Avantage que cette innovation présente.
435. Il suffit aujourd'hui d'être inscrit au bilan pour avoir droit
d'assister à l'assemblée.
436. La vérification ne peut donc commencer qu'après l'expira-
tion des délais pour la dislance qui sépare les créanciers,
du chef-lieu.
437. Exception en ce qui concerne les créanciers résidant hors
France.
438. Au jour indiqué les créanciers se réunissent pour la vérifi-
cation.
439. Le créancier qui a perdu son titre peut le suppléer et assis-
ter à la vérification.
440. La loi actuelle accorde la même faculté au failli.
444. On doit d'abord vérifier la créance des syndics.
— Ge soin
est confié au juge-commissaire.
442. Les créances présentées sont vérifiées contradictoirement en-
tre le porteur et les syndics.
54 TRAITE DES FAILLITES.

443. Elles peuvent être contestées par les créanciers même après'
qu'elles ont été admises.
443 bis. Le droit des créanciers n'est éteint que par l'expiration
des délais de la vérification et de l'affirmation. — Doc-
trine et jurisprudence.
444. Les syndics ne sont pas obligés de poursuivre sur les con-
testations soulevées par les créanciers.
445. Le droit de contester appartient au failli, mais il ne peut
l'exercer que par le ministère des syndics.
446. Les créanciers peuvent personnellement s'approprier et
poursuivre les contestations faites par le failli.
447. A défaut des poursuites des uns et des autres le failli fait
,
insérer ses protestations au procès-verbal ; il peut en-
suite les réaliser lors de la distribution de l'actif.
448. La clôture du procès-verbal de vérification rend les créan-
ciers non recerables à contester les créances.

450. — L'article 493 renferme une nouvelle modi-


fication aux dispositions du Code de commerce relati-
,
vement à l'ouverture du procès-verbal de vérification.
Nous avons dit que l'article 503 prescrivait cette ouver-
ture quinzaine après l'expiration des quarante jours fixés
par l!article 502. La loi actuelle l'exige dans les trois
jours, à dater de l'expiration des vingt qu'elle accorde
aux créanciers domiciliés en France.
Mais nous venons de voir que ces vingt jours sont sus-
ceptibles d'être augmentés des délais de distance à rai-
son d'un jour par chaque cinq myrianièlres. De là plu-
sieurs conséquences importantes.

451. — La première, c'est que le délai de trois jours


ne commence à courir que de l'expiration des délais ac-
cordés au créancier le plus éloigné. C'est ce qu'on doit
ART. 49.3, 494. 5o

forcément induire des termes de noire article 493 : la


vérification commencera après Vexpiration des délais
déterminés par les premier et deuxième paragraphe de
l'article 492. La loi a donc entendu accorder non-seu-
lement le délai de vingt jours , mais encore celui des
distances. On ne peut, en conséquence , procéder à la
vérification, tant que l'un et l'autre ne sont pas épuisés.
Or le dernier ne l'est que-lorsque le créancier le plus
,
éloigné a joui dans son entier de celui auquel il a droit.

452. — La seconde, c'est qu'une nouvelle convoca-


tion apprenne à tous les créanciers les jour lieu et
,
heure précis auxquels la vérification commencera. S'il
est facile aux syndics qui ont sous les yeux l'état général
des créanciers, de calculer d'avance les délais et leur ex-
piration, les créanciers, isolément, ne peuvent le faire.
Il est donc juste qu'ils en soient, officiellement avertis,
pour qu'ils puissent se présenter à l'assemblée dans la-
quelle il sera procédé à celle importante opération.
Aussi, et malgré que l'avertissement donné aux cré-
anciers en vertu de l'article précédent, doive indiquer
,
le moment de la vérification, l'article 493 exige-t-il une
convocation spéciale.
455. — Celte convocation doit nécessairement être
réalisée avant l'expiration des délais de l'article 492. Il
est évident, en effet, que si l'on attendait, pour la faire,
cette expiration, elle deviendrait entièrement illusoire,
puisque la vérification doit nécessairement s'ouvrir trois
jours après, ce qui ne permettrait pas à la convocation
d'arriver utilement aux divers créanciers.
5.6 TRAITÉ DES FAILLITES.
r
C'est encore par lettres du greffier, et par inserlioi
dans les journaux, que les créanciers doivent être aver
lis. Ici comme dans tous les cas où elle est prescrite
,
cette seconde formalité est commandée non-seulemen
dans l'intérêt des créanciers inconnus, mais, encore dan
cejui des créanciers que le greffier pourrait oublier d
convoquer. Il est dès lors certain que l'allégation de n'a
voir point reçu de lettres du greffier ne saurait, dan
aucun cas, relever les créanciers non comparants de
effets de leur absence (').

454. — A cette innovation,


quant aux délais, la le
en ajoute une tout aussi importante relativement au mo
de dans lequel il doit être procédé à la vérification. L'ar
ticle 501 du Code de commerce prescrivait de la réali-
ser au fur et à mesure que les créanciers se présentaient
L'opération se passait donc uniquement entre le créan
cier produisant et les syndics, sauf, pour tous les autres
le droit de contester plus tard.
Aujourd'hui, la vérification a lieu en assemblée gêné
raie. Ce mode a l'avantage d'appeler sur les créances ui
examen plus sévère et plus utile , en les soumettant i

l'appréciation des membres présents. Il rend, par consé


quent, beaucoup plus difficile l'introduction de fau:
créanciers.
Sans doute, le Code de commerce appelait aussi ui
semblable résultat, en permettant aux créanciers vérifié
d'assister aux vérifications ultérieures, et de conteste:
même les créances précédemment admises. Mais dan;
,

(') V. infrà art. 5o3.


ART. 493, 494. 57
l'exécution, cette faculté rencontrait des obstacles forcés
qui en rendaient l'exercice difficile. Le premier de tous
était l'ignorance de ce qui avait été fait avant. Le, cré-
ancier ne pouvait connaître même le nom des créanciers
déjà admis, qu'en prenant connaissance des procès-ver-
baux dressés par le greffier ; et l'admission prononcée
par les syndics , sanctionnée par le juge-commissaire,
ne créait-elle pas d'avance un préjugé défavorable à toute
contestation ultérieure? Ce n'était donc qu'après des re-
cherches peu usitées chez les commerçants qu'en pré-
,
sence d'une présomption fâcheuse, qu'une attaque pou-
vait être dirigée contre un créancier précédemment ad-
mis et cette double circonstance a toujours rendu ces
,
attaques extrêmement rares.
Le système de la loi nouvelle est donc préférable. Les
créanciers trouvent, dans leur réunion même, les moyens
de faire subir à chaque créance un examen sérieux,
d'empêcher toute fraude. Chacun d'eux peut, en décla-
rant les circonstances qui sont à sa connaissance en
,
révéler qui soient de nature à être utilisées soit par les
syndics, soit par les créanciers.

455. — La conséquence du nouveau mode de véri-


fication était l'abrogation de la condition que l'article
504 du Code de commerce avait mise au droit des cré-
anciers d'assister à la vérification. Il est évident que la
loi nouvelle prescrivant qu'il soit procédé à cette opéra-
lion en assemblée générale ne pouvait exiger qu'une
,
seule condition chez ceux qu'elle appelait à cette assem-
blée, à savoir, d'être porté au bilan comme créancier.
58 TRAITÉ DES FAILLITES. '

Sans doute cette inscription n'établit qu'une présomp-


tion ; mais on ne doit pas oublier que le bilan a été sou-
mis aux observations dés créanciers réunis pour délibé-
rer sur le maintien ou le remplacement des syndics;
que s'il a été rédigé par ceux-ci, il a été précédé d'un
examen attentif des écritures. Cette double circonstance
est de nature à donner à la présomption un caractère
de gravité qui se rapproche beaucoup de la certitude.
Qu'importait d'ailleurs que plus tard il soit reconnu
que celui qui figurait d'abord sur le bilan n'est pas ré-
ellement créancier ? Quel inconvénient pouvait-il résul-
ter de son concours à la vérification? Si ce concours a
été purement passif, personne ne saurait s'en plaindre.
S'il a eu pour résultat d'éclairer les créanciers sur le
plus ou moins de fondement de telle ou telle créance,
c'est un service rendu à la masse, qu'il aura mise ainsi
à même soit d'éviter un procès injuste soit d'obtenir
, ,
le retranchement ou la réduction de la créance préten-
due.
456.,— En conséquence, le droit d'assister à la vé-
.' rification appartient à tous ceux que le bilan qualifie de
créanciers ; ils doivent être appelés à y concourir, et ce
n'est qu'après les avoir mis en.demeure de s'y présen-
ter , que l'on peut, dès l'expiration des délais qui leur
sont accordés, passer outre à cette vérification'.
457. — Il est cependant une exception pour les cré-
anciers domiciliés et résidant hors de France ; mais cette
exception était commandée par la force des choses. Il
était certain que, comme tous les autres, ces créanciers
ART. 493, 494. 59
ont le droit d'assister à toutes les opérations de la fail-
lite. Cependant, on a dû passer outre malgré que les
,
délais qui leur sont accordés ne soient pas expirés. Le
système contraire rendait la liquidation interminable,
en retardant quelquefois , pendant des années entières,
le moment de la vérification. On eut ainsi sacrifié les in-
térêts des créanciers domiciliés en France qui seront
,
toujours les plus nombreux et que leur qualité de na-
,
tionaux recommande plus' particulièrement à toute-la
protection du législateur.
D'ailleurs le retard- qui leur aurait singulièrement
,
nui, ne pouvait être d'une grande utilité pour ceux en
faveur desquels on l'eut admis. Il est, en effet, certain
que par leur éloignement même, les créanciers résidant
hors France n'auront jamais à exercer qu'une, très-mé-
diocre influence sur la vérification.
On a donc sagement fait de prescrire la vérification,
malgré que les délais de l'article 73 du Code de procé-
dure civile ne soient pas encore expirés. Il est vrai que,
par ce moyen , les créanciers résidant hors France sont
privés du droit de contester les créances produites dans
la faillite ; mais, à cet égard l'intérêt commun des au-
,
tres créanciers à écarter de la masse ceux qui n'auraient
aucun titre pour en faire partie, est une sauvegarde suf-
fisante pour tous.

458, — Au jour indiqué dans la convocation, les


créanciers se réunissent sous la présidence du juge-
commissaire; ils présentent en personne, ou par fondé
de pouvoirs leurs titres à la vérification qui doit être
, ,
60 TRAITÉ DES FAILLITES.

continuée sans interruption jusqu'à épuisement. Il est


du tout dressé procès-verbal par le juge-commissaire. Ce
procès-verbal reste déposé au greffe du tribunal de com-
merce. Des expéditions partielles pourront en être prises
par les parties intéressées (').
459. — Le créancier qui aurait perdu son titre se-
rait admis à y suppléer par tous les moyens à sa dispo-
sition et à réclamer son admission au passif. Il pour-
,
rait obtenir et produire un extrait des livres du failli. Il
peut, par cela même, assister à la réunion et concourir
avec les autres créanciers à toutes les opérations.
440. — Enfin,' et par une dérogation expresse à la
législation précédente, la loi permet au failli d'assister à
la vérification. Le Code de commerce avait repoussé cette
faculté pour éviter de jeter dans la discussion de l'ai-
,
greur et de la passion. On avait aussi craint que la pré-
sence du failli ne fit que compliquer, embarrasser et ra-
lentir inutilement l'opération.
La loi nouvelle n'a pas cru devoir sacrifier à cette
double considération l'utilité que peut offrir pour les
,
créanciers, la présence du failli ; le droit qu'il peut, à
juste titre, revendiquer lui-même, d'être partie dans une
mesure aussi importante.
Que le failli ait, à l'admission des créances à son pas-
sif, un intérêt direct et majeur, c'est ce qui ne sera con-
testé par personne ; c'est de sa chose qu'il va .être dis-
posé f c'est son avenir qui va demeurer grevé de toute la

(') V. infrà art. 56g.


ART. 493, 494. 61
partie du passif qui restera impayée. Il lui importe donc
de repousser toutes les prétentions injustes et mal fon-
dées. Plus il y aura de créances réduites ou rejetées, et
plus fortes seront les proportions dans lesquelles sa dette
s'éteindra. Il était donc de toute justice de lui permettre
d'assister à la vérification.
Cela était plus équitable encore, lorsque, par des mo-
tifs quelconques, le failli n'a pas lui-même rédigé son
bilan. Dans ce cas , en effet, les syndics n'ont pu agir
que par approximation, non-seulement quant au chiffre
de la créance mais encore quant au nom et à la per-
,
sonne des créanciers. Les écritures peuvent, d'ailleurs,
ne pas être le miroir fidèle de la position du failli, et
quel autre que lui pourra signaler, avec plus de certi-
tude, les erreurs échappées aux syndics ?
Remarquons que, dans cette circonstance, le failli a
un intérêt qui lui est commun avec les créanciers. S'il
importe au premier de réduire sa dette, il n'importe pas
moins à. ceux-ci de diminuer le nombre des ayants droit.
Moins il y- aura de parties prenantes, et plus les vérita-
bles créanciers verront augmenter la part qui leur sera
déférée dans les répartitions..
Sous un autre point de vue, le concours du failli n'est
pas moins avantageux pour les créanciers. Dans la vé-
rification les syndics agissent plutôt comme représen-
,
tant delà masse qu'au nom du failli. Aussi, tout en
,
obligeant irrévocablement celle-ci, ils ne lient point ce-
lui-là. Il est, en effet, certain que la vérification est,
pour le failli qui n'y a pas concouru res inter alios
acta, et qu'il a le droit de contester les créances admi-
62 ' TRAITÉ DES FAILLITES.

ses, même après le concordat ou l'union. Sa présence à


cette opération, sans protestations ni réserves, lui enlè-
verait l'exercice de ce droit ; elle produirait donc un bien
réel pour les créanciers dont le sort resterait ainsi défi-
nitivement fixé.
On ne peut donc qu'applaudir à la disposition nou-
velle qui permet au failli d'assister à la vérification ;"
d'autant que le législateur a agi avec prudence, en n'ac-
cordant au failli qu'une faculté qu'il dépend de lui d'exer-
cer. Ainsi, les syndics ne sont pas obligés de l'appeler.
Son absence n'est jamais un obstacle.; seulement s'il use
de son droit, il ne peut être exclu de la réunion.

441. — La vérification s'ouvre par l'examen des


créances dues aux syndics. Cet examen est confié par la
loi au juge-commissaire. Dans la crainte que ce magis-
trat ne pût se livrer utilement aux recherches que celle
vérification exige, on avait proposé d'en livrer le soin à
tel créancier qu'il désignerait lui-même. Mais cette pro-
position fut rejetée pour exclure vtoute idée d'une com-
plaisance réciproque que la position respective du cré-
ancier et des syndics pouvait inspirer. D'ailleurs, il im-
portait, surtout pour la créance des syndics, de s'assu-
rer d'une vérification sérieuse et sincère , et c'est pour
l'obtenir qu'on en a chargé le juge-commissaire.
La créance des syndics peut être contestée. Il est, dans
ce cas, procédé aux formes de l'article 498 et suivants.
Mais cette contestation ne porte aucune atteinte aux fonc-
tions qu'ils ont à remplir, et n'empêche nullement qu'il
ART. 493, 494. * 63
soit passé outre à la vérification des titres des autres cré-
anciers..
442. — Celte vérification se fait contradictoirement
entre les créanciers produisants et les'syndics. Ceux-ci
ont donc le droit d'admettre la créance ou de la-con-
,
tester en tout ou en partie.
445. — Mais ce droit ne leur appartient pas exclu-
sivement. Il est vrai qu'ils sont dans tous les cas les re-
présentants de la masse, et que c'est en cette qualité que
la loi les commet pour recevoir contradictoirement les
vérifications. En conséquence, la masse ne peut agir que
par eux ; ils ont seuls qualité pour la protéger et la dé-
fendre.
Il est vrai encore que cette masse comprend l'univer-
salité dès créanciers. Mais, à côté des droits qui appar-
tiennent en général à l'être moral, il convient de placer
ceux qui peuvent être réclamés personnellement par tous
les membres de cet être moral. Or, chacun d'eux, dans
la sphère de ces droits peut avoir intérêt à contester
,
l'admission des créances qu'il a lieu de croire fausses ou
éteintes. On devait donc lui reconnaître la faculté de s'op-
poser à cette admission.
Ainsi si chaque créancier n'est pas partie nécessaire
,
dans la vérification,en ce sens que son absence n'empê-
che pas de passer outre, il peut y intervenir activement
en contestant les créances, même celles déjà admises.
445 bis. — Quelle est la durée de la faculté laissée
aux créanciers ; peut-elle être exercée après l'affirmation
de la créance ?
64 ' TRAITÉ DES FAILLITES.

Les termes de l'article 494 semblent résoudre cette


question. Puisqu'il permet de contredire aux vérifica-
tions déjà faites, puisqu'il n'a fixé aucun délai à la re-
cevabilité de l'action, on pourrait croire qu'il en autorise
perpétuellement l'exercice. Il n'en saurait être ainsi, ce-
pendant. Celte faculté doit avoir un terme , pour qu'on
puisse arriver à quelque chose de certain. Or, ce terme
était naturellement indiqué au moment où les vérifica-
tions étant achevées, on va sortir du provisoire et abor-
der le définitif.
Nous pensons donc que le droit de contester existe
jusqu'à la clôture du procès-verbal de vérification et
d'affirmation ; qu'il peut être exercé contre toute créance
admise et affirmée. Tel est aussi l'avis de MM. Pardes-
sus, Boileux et Dalloz (').
M. Renouard estime' au contraire que l'affirmation
rend la créance désormais inattaquable et crée une fin
de non recevoir absolue contre toute contestation ulté-
rieure.
Celte doctrine conduisait à une conséquence .étrange,
qui ne pouvait échapper à la pénétration de l'honorable
magistrat. Je sais bien dit-il, que l'affirmation peut
,
suivre immédiatement l'admission ;.que l'article 497 or-
donnant de la prêter dans la huitaine au plus tard ne
,
met nul obstacle à ce qu'elle soit prêtée de suite ; que la
faculté de contredire aux vérifications faites, ouverte par
l'article 494 pourra ainsi devenir illusoire. Tout cela
,

(*) N0II86; sur Boulay-Paty, n" 4g5; Jurisp. gén., v° faillite n°


,
63..
ART. 493, 494. 65
est vrai ; mais il est vrai aussi qu'une créance affirmée
n'est plus au simple état de créance vérifiée ; qu'elle a
acquis un caractère légal de certitude auquel des effets
pareils doivent être attachés (').
Ainsi le législateur rompant avec toutes ses habitu-
des, n'aurait accordé qu'un droit illusoire dont il aurait
remis le sort à la discrétion de celui qui avait à en re-
douter les effets.
Le pouvoir de contester n'a rien d'alarmant pour les
créanciers sérieux et sincères. Il ne menace et ne peut
inquiéter que ceux qui croient tout permis pour atté-
nuer la perle à laquelle la faillite les expose. Or, quel
plus puissant encouragement à suivre cette voie pou-
vait-on leur offrir, que leur reconnaître le moyen d'as-
surer le triomphe de leur fraude.
Il est évident, en effet, que, plus une créance offrira
de prise à de contestations, plus le porteur aura intérêt
à les prévenir et à les empêcher de se produire. Il ne
manquera donc pas, après avoir obtenu une admission
que l'ignorance des syndics aura fait prononcer, de prê-
ter son' affirmation à l'instant même et à rendre ainsi
,
impossible, même la recherche de la vérité. C'est au lé-
gislateur, qui a veillé avec tant de sollicitude à assurer
la sincérité des prétentions que la faillite soulève, qui a
pris tant de précautions pour faire régner l'égalité entre
tous lés créanciers, qu'on pourrait reprocher d'avoir au-
torisent par cela même encouragé une pareille déloyauté,
une telle fraude ? ^
(') Sur l'art. 497.
II 5
66 TRAITÉ DES FAILLITES.

Nous ne saurions l'admettre. Nous sommes au con-


traire convaincus qu'un pareil résultat n'est ni dans la
lettre ni dans l'esprit de la loi.
Evidemment l'article 494 a un but. Il n'a pas été
inscrit dans la loi pour y demeurer une lettre morte et
sans effets possibles. Or, ceux qui l'y ont inscrit pou-
vaient-ils ignorer que, nous ne dirons pas le plus sou-
vent, mais qu'à peu près toujours, l'affirmation suit im-
médiatement l'admission. Donc si cette conviction ne
,
les a pas empêchés d'autoriser de contredire aux vérifi-
cations déjà faites sans parler de l'affirmation c'est
, ,
que pour eux cette affirmation ne pouvait être un obsta-
cle à l'exercice de cette faculté.
C'était là d'ailleurs une appréciation rationnelle du
caractère de celte formalité. L'affirmation n'est, au fond,
que l'allégation du créancier. Sans doute, le serment
est une garantie, mais à l'égard de l'homme loyal et
probe. Mais en'est-il de même de celui que la nécessité
de le prêter, n'a pas empêché de recourir au menson-
ge? Reculera-t-il devant celle nécessité après l'avoir
,
audacieusement bravée? Et parce qu'au, mensonge il
aura joint le parjure , on déclarera inviolable le droit
emprunté à ces sources impures.
Si cette inviolabilité avait été dans la pensée du lé-
gislateur, il n'eut pas manqué de la concilier avec la fa-
culté qu'il concédait. Le moyen s'en offrait naturelle-
ment. Il fallait prescrire un délai obligatoire entre l'ad-
mission et l'affirmation ; délai pendant lequel les ayants
droit auraient pu et dû réaliser leur action. L'article
497 accorde bien huit jours. Mais, comme l'enseigne M.
ART. 493, 494. 67
Renouard lui-même, ces huit jours sont une faveur pour
celui qui doit prêter l'affirmation et qui peut toujours
la prêter instantanément. Ainsi c'est sciemment que le
législateur aurait fait de la faculté qu'il concède, un vé-
ritable piège pour les créanciers pouvant toujours être
désarmés avant d'avoir été en mesure d'agir.
La cour de Lyon avait donc raison lorsque, dans son
arrêt du 25 novembre 1849, elle déclarait qu'une doc-
trine si favorable à l'erreur et à la fraude, n'avait pu
entrer dans l'esprit du législateur. La preuve de la vé-
rité de cette appréciation résulte pour nous du rap-
, ,
prochement des articles 494 et 497.
Vainement M. Renouard, pour atténuer l'étrange effet
de son système, objecte-t-il que les créanciers concou-
rent aux vérifications par le ministère des syndics, leurs
représentants légaux ; qu'ils doivent subir les conséquen-
ces de leurs actes ; que d'ailleurs ils ont le droit d'y as-
sister en personne ; que leur abstention les constitue en
état de faute, dont les effets restent naturellement à leur
charge.
Ces objections trouvent une réponse péremptoire dans
la loi elle-même. Les vérifications faites sont nécessai-
rement l'oeuvre des syndics. Donc la loi, en accordant
aux créanciers le droit de les contester, a par cela mê-
me reconnu que, dans cette opération le fait des syn-
,
dics ne liait pas les créanciers.
On ne pouvait consacrer le contraire sans compromet-
tre le but qu'on se proposait. On ne voulait faire parti-
ciper à l'actif que ceux qui y avaient des droits sérieux,
légitimes, incontestables. Or il était facile de prévoir
,
68 TRAITÉ DES FAILLITES.

que les syndics, quelque bien intentionnés qu'ils fussent,


pouvaient être induits en erreur par ceux qui avaient
intérêt à la faire naître; qu'ils pouvaient ignorer beau-
coup de choses que la vérification d'autres créances fe-
rait ultérieurement découvrir. Il était donc rationnel,
puisqu'on voulait avant tout la vérité vraie, qu'on sanc-
tionnât tout ce qui était de nature à y conduire.
De là, la faculté pour les créanciers individuellement
de contredire même après l'admission prononcée par
,
les syndics.
D'autre part, leur assistance à toutes les vérifications
ne constitue pas un devoir. On ne pouvait même pas la
leur imposer à ce titre. Comment, en effet, exiger qu'un
négociant, absorbé par ses affaires, vint journellement
perdre cinq à six heures et cela pendant les mille et
,
une séances que la vérification peut exiger ? Etait-il juste,
était-il possible de le contraindre à sacrifier un intérêt
urgent, actuel, considérable, à un intérêt encore problé-
matique, et dans tous les cas fort minime ?
L'article 494 a voulu, non créer une obligation,mais
prévenir une difficulté. On n'eut pas manqué d'exciper
contre l'action personnelle du créancier, du principe qui
prohibe en matière de faillite la poursuite individuelle.
On aurait ajouté pour les, créances déjà admises, que le
mandant était lié par le fait du mandataire, et comme
la loi entendait et voulait le contraire, fallait-il bien
qu'elle s'en expliquât.
De là, la disposition : tout créancier POUBKA assister
à la vérification, elc Or une faculté emporte
,
avec elle le droit d'en user ou non. Donc , le créancier
ART. 493, 494. 09
qui s'abstient fait une chose licite ne se constitue pas
,
en faute. Une peine quelconque légitime , dans l'hypo-
thèse d'un devoir méconnu ou violé, serait une vérita-
ble énormité dans le cas où l'on n'a pas fait ce qu'on
était libre de ne pas faire.
Dans un arrêt du 8 avril 1851, visé plus bas la
,
cour de cassation objecte que , s'il était permis, sous
prétexte d'une erreur commise, de remettre en question
ce qui a été décidé à la suite d'une vérification régu-
lière, le même droit devrait, par réciprocité, être accordé
au créancier lui-même ; qu'ainsi la condition de tous de-
meurerait perpétuellement incertaine; qu'aucune limite
ne séparerait l'état provisoire de l'état définitif; qu'aux
cune liquidation ne s'opérerait avec succès.
Cette considération était puissante et décisive dans
,
l'espèce de l'arrêt, puisque, comme nous allons le voir,
la contestation était postérieure à la clôture du procès-
verbal de vérification. Mais elle ne pourrait être juste-
ment opposée à la doctrine que nous professons.
Nous soutenons, en effet, que le droit des créanciers
ne peut être exercé que jusqu'à cette clôture. Nous n'ad-
mettons cet exercice que pendant la"durée de l'état pro-
visoire. Jusqu'à l'expiration des délais de la vérifica-
tion la mission des syndics est précaulionnelle et con-
,
servatoire. La liquidation elle-même pourra être évitée,
s'il intervient un concordat.
Quel inconvénient peut-il naître délaisser jusque-là
la position des créanciers incertaine. Celte incertitude
n'est-elle pas commandée par la nature des choses?
N'est-ce pas par l'ensemble des vérifications qu'on pourra
70 TRAITÉ DES FAILLITES.

sainement apprécier cette position et l'asseoir d'une ma-


nière définitive.
11 est donc rationnel de faire participer la vérification
du caractère de la période de la faillite dans laquelle
elle a lieu. On ne pourrait faire autrement sans se lier
d'avance et en aveugle, sans s'exposer à accepter comme
sincères, des créances qui ont osé se produire contre
toute vérité.
A cet égard encore, l'intention du législateur ne peut
même être révoquée en doute. Elle résulte explicite et
formelle de l'article 581.
S'il est une mesure destinée à exercer une influence
décisive sur le sort des créances, c'est sans contredit le
report de la date de la faillite. Ce report peut être pour-
suivi et prononcé même d'office jusqu'à l'expiration
, ,
des délais de la vérification et de l'affirmation. Supposez
ce report prononcé la veille, quelle position fera-t-on
aux créanciers qui auront à en souffrir. Pourront-ils, se
prévalant de la vérification et de l'affirmation, préten-
dre que leurs créances ont acquis un caractère légal
de certitude qui les rend inviolables ? Répondront-ils à
l'objection de la postériorité du report, qu'il y. a eu faute
à le réclamer si tard, qu'on pouvait et devait le faire
plus tôt.
Evidemment non, et malgré l'admission et l'affirma-
tion les paiemens faits au mépris des articles 446 et
,
447 devront être rapportés, et leurs montans'accroitront
le chiffre de la créance primitivement admise à moins
,
qu'on ne prétende que l'article 581 n'autorise le report,
jusqu'au moment qu'il indique, que pour lui refuser ses
ART. 493, 494. 74
effets les plus immédiats, les plus importants pour la
masse.
Singulier rôle que la doctrine que nous repoussons
ferait jouer au législateur. Là, dans l'article 494, il au-
rait édicté un droit dont l'extinction pouvait et devait
être acquise avant qu'il eût pu être exercé. Ici, dans
l'article 581, il en concéderait un autre au moment mê-
me où il ne pourrait plus produire son effet. Et l'on as-
signerait à cette doctrine un caractère légal et juridique!
Concluons donc que tant que le procès-verbal de vé-
=

rification n'a pas été clôturé toutes les opérations sont


,
essentiellement provisoires; la vérification des créances
plus encore que les autres, car la nécessité de la modi-
fier peut naître de ses développemens, des faits qui peu-
vent en surgir.
On pourrait prétendre avec raison qu'il n'y a rien de
commun entre la position du créancier présentant sa
créance à la vérification au moment qui lui conviendra,
et celle des syndics qui n'auront pas même sous les yeux
les écritures pouvant contrôler celles dont on produit
l'extrait. Nous préférons, quant à nous, reconnaître qu'il
est juste que tout soit égal entre le créancier et la masse.
Or loin de s'écarter de ce principe notre doctrine
, ,
ne tend qu'à en réclamer l'application en faveur de celle-
ci. En effet que le créancier puisse revenir contre son
,
erreur et la faire réparer , c'est ce qui n'est pas contes-
table. Sans doute il serait irrecevable à faire modifier le
chiffre vérifié et admis ; mais il se présentera de nou-
veau à la vérification, et si les créances pour lesquelles
il demande son admission sont certaines, si elles ne font
72 TRAITÉ DES FAILLITES.
...__
pas double emploi avec les précédentes , celte seconde,
admission ne saurait lui être refusée. Pourquoi donc la
masse forcée de réparer l'erreur qui lui était profitable
ne pourrait-elle revenir contre celle qui lui serait nui-
sible.
Loin donc de revendiquer un privilège pour la masse,
nous la plaçons dans un état marqué d'infériorité vis-
à-vis du créancier. Son droit à elle expire avec la clô-
ture du procès-verbal de vérification Son droit à lui ne
reconnaît aucune limite et peut s'exercer après comme
,
avant (').
Notre doctrine, appuyée sur la saine entente de la loi,
trouve encore un fondement puissant dans les considé-
rations de morale et de justice.
On pourra lui opposer deux arrêts de la cour de cas-
sation. Mais ces décisions s'expliquent par les espèces
sur lesquelles elles sont intervenues.
Dans celle de l'arrêt du 8 avril 1851, la créance avait
été contestée après la clôture des vérifications. C'est ce
qui résulte de ces termes de l'arrêt :
« Considérant qu'aucune contestation ne s'est élevée
sur le taux , ni sur la sincérité de la créance qui a été
admise par les syndics, visée par le juge-commissaire,
affirmée par le créancier, comprise parmi celles qui ont
,
servi de base au concordat, et à trois répartitions de di-
vidende (*). » Loin de contredire notre doctrine, cet ar-
rêt n'en est qu'une application.

(') Art. 5o3.


(') D.P., Si, I, lai.
ART. 493, 494. 73
Nous ignorons à quelle époque était né le litige dans
l'espèce de l'arrêt du 1er mai 1855. L'omission du point
de fait, par l'arrêtiste, ne nous permet de l'apprécier.
Mais ce qui nous a frappé, c'est la contradiction fla-
grante entre les motifs et le dispositif sur un des points
en litige. ,
Il s'agissait de la faillite d'une société. Un créancier
avait été admis au passif social.
Plus tard, les syndics qui avaient procédé à cette ad-
mission, contestent le chiffre de la créance pour double
emploi d'une somme de 2,000 fr., et la qualité du por-
teur qu'ils soutiennent n'être que le créancier personnel
d'un des associés. Leur prétention est accueillie par le
tribunal et la cour de Rouen.
La cour de cassation, investie par le créancier, pose,
en principe, que la déclaration d'admission, lorsqu'elle
n'est accompagnée d'aucune restriction ni réserve, cons-
titue de la part des syndics, une reconnaissance de là
,
dette; que ceux-ci ne peuvent être reçus à contester ul-
térieurement cette créance, à moins toutefois qu'ils n'ad-
ministrent la preuve que des circonstances de dol ,"de
fraude ou de force majeure ont arrêté la manifestation
de la vérité et empêché une vérification exacte et sin-
,
cère ; mais que la simple erreur de fait ou de droit dans
l'appréciation des titres ou documens alors connus ou
ayant dû l'être ne saurait détruire l'effet de la recon-
,
naissance des syndics, et de l'affirmation du créancier (')•:
Or, admettre au passif une somme compensée dans

(') D.P.,55,i,5n.
74 TRAITÉ DES FAILLITES

un précédent compte, est-ce autre chose que commettre


une erreur que l'appréciation du compte , connu ou
ayant dû l'être , aurait infailliblement prévenu et. em-
pêché ? Cependant le retranchement de la somme de
2,000 fr., prononcé par la cour de Rouen, est maintenu
et consacré par la cour de cassation.
Ce maintien, il est vrai, est motivé sur ce que l'er-
reur serait imputable au créancier lui-même. Mais tout
ce qu'on avait à lui reprocher c'était d'avoir mal à pro-
pos compris, dans son bordereau des sommes dues,
2,000 fr. dont il avait été payé. Ce n'était certes pas là
un dol ni une fraude. On n'articulait aucune manoeuvre
tendant à empêcher la découverte de la vérité que l'exa-
men des comptes en possession des syndics aurait clai-
rement manifesté:
La cour de cassation recule donc devant les consé-
quences du principe , et en réalité elle consacre notre
système, car, dans les cas d'erreurs, la condition qu'elle
exige ne manquera pas de se réaliser. Toutes les fois, en
effet, que les syndics admettront comme due une cré-
ance qui ne l'était pas , ils ne l'auront fait que parce
que mal à propos, volontairement ou involontairement,
le créancier l'aura portée sur le bordereau des sommes
pour lesquelles il réclame son admission au passif. Or,
si cela suffit pour faire réparer l'erreur, nous avons rai-
son de dire que l'affirmation ne pourra jamais créer un
obstacle à cette réparation.
Ajoutons que si, en ce qui concerne la qualité du
créancier, l'arrêt de la cour de Rouen est cassé c'est
,
que la cour régulatrice considère , en fait, que la con-
ART. 493, 494. 75
testation émane des mêmes syndics qui avaient admis
la créance ; que les motifs invoqués â l'appui existaient
et étaient connus au moment qu'ils agissaient ainsi ;
que, par conséquent, ils n'avaient pas cédé à une erreur.
Qu'aurait fait la cour, si la contestation avait été soule-
vée par un créancier non présent à la vérification , ou
si l'erreur alléguée n'avait été découverte qu'après l'ad-
mission et l'affirmation ?
La cour suprême a elle-même résolu cette question,
lorsque, dans un arrêt du 16 janvier 1860 elle décla-
,
re : que l'admission après vérification implique recon-
naissance de la créance admise et renonciation aux
causes de nullité DONT ON AURAIT PU ALORS EXCI-
PER (').
Ce dernier arrêt fixe le sens de celui de 1855. Il lui
enlève ce que son principe avait de trop absolu et lui
,
affecte le caractère d'arrêt d'espèce plutôt que de doc-
trine. En restreignant les effets de la renonciation aux
moyens dont on aurait pu se prévaloir lors de la vérifi-
cation, la cour de cassation admet par cela même la fa-
culté et le droit de faire réparer l'erreur qui n'a été dé-
couverte qu'après l'admission et l'affirmation.
En résumé l'article 494 prouve que, dans la vérifi-
,
cation, les créanciers ne sont représentés par les syndics
que dans une certaine mesure ; que chacun d'eux est re-
cevable à contester, même après que ceux-ci ont admis
la créance. On ne saurait donc opposer une fin recevoir
à l'aetion personnelle, alors même que, d'après la juris-

(') D. P., 60, i,;5; J.ditP., 1860,996.


76 TRAITE DES FAILLITES.
prudence de la cour de cassation, la fln.de non recevoir
écarterait les syndics.
Le droit existant, il est impossible que le législateur
s'en soit, pour son exercice, entièrement remis à la dis-
crétion de celui que cet exercice, menace. En déduire
l'extinction de l'affirmation c'eut été méconnaître la
,
maxime : contra non valentem agere, non currit pres-
criptio, règle de morale et de justice, dont l'observation
en matière commerciale était sollicitée par l'intérêt pu-
blic lui-même.
L'admission et l'affirmation participent du caractère
de la phase de la faillite pendant laquelle elles s'accom-
plissent. Elles sont essentiellement provisoires, et doivent
se modifier suivant les nécessités qui surgiront 'de leur
développement. Il est impossible d'admettre que le lé-
gislateur ait entendu consacrer le mensonge et la dé^
loyauté, assurer le triomphe de la mauvaise foi et de la
fraude. Cette vérité qu'il appelle de tous ses voeux, il n'a
pu permettre de l'étouffer sous l'erreur qu'on serait par-
venu à créer. La découverte de cette erreur mettant en
mouvement l'intérêt de la masse, ouvre par cela même
l'action en réparation (').
Mais celte action ne pouvait être éternelle. Son terme
naturel s'induisait du passage de la faillite de l'état pro-
visoire à l'état définitif, c'est-à-dire de l'expiration des
délais pour la vérification et l'affirmation.
A cette époque où l'on va aborder la liquidation on
,
(')
Lyotij 21 novembre i84g; Nimes 29 novembre 1849; Çolmar,
,
27 décembre 1855; Dijon, 12 mai [856 ; D. P., 5o, 5, 225, 226; 56,
2, i8o; 57,3,6.f
ART. 493, 494. 77

ne pouvait plus en laisser les bases variables et incertai-


nes. Aussi devrait-on,déclarer non recevable toute con-
testation ultérieure sur la sincérité et la quotité des cré-
ances.
Cette règle ne comporte qu'une exception à savoir,
,
le cas de dol, de fraude ou de force majeure. Des actes
de cette nature n'ont jamais pu créer de titres valables,
et pféjudicier à autrui. Les réprimer en tout temps est,
pour les tribunaux, non pas seulement une faculté, mais
un impérieux devoir. C'est ce que l'arrêt- de cassation,
du 16 janvier 1860, consacre en matière de vérification
et d'affirmation de créances.

444. — Les syndics seront-ils obligés de suivre les


contestations soulevées par les créanciers, et de combat-
tre au nom de la masse les créances attaquées ? Non,
sans doute. Le droit des uns est indépendant de celui des
autres ; il peut donc être exercé séparément. En consé-
quence, les syndics ne peuvent être contraints de pren-
dre qualité que s'ils croient la contestation sérieuse et
,
fondée. S'ils s'abstiennent, c'est aux créanciers contes-
tans à poursuivre à leurs périls et risques les prétentions
qu'ils ont relevées.
445. — Le failli a, comme les créanciers, le droit
de fournir tous contredits aux vérifications faites et à
faire. C'est là, la conséquence directe de la faculté que la
loi lui donne d'assister à la vérification.
Mais pourrait-il poursuivre isolément des syndics les
contestations que ceux-ci refuseraient de soutenir ? Nous
ne le pensons pas. La loi, en appelant le failli à la vé-
-78 TRAITÉ DES FAILLITES.

rification, n'a pas voulu lui donner directement ou in-


directement le moyen d'embarrasser et de ralentir la |
marche de la faillite. Or il lui serait facile de pousser !

,
jusqu'à l'abus la faculté de contester, pour peu qu'il le
crût utile à ses intérêts. De plus, il pourrait ainsi grever !

la masse de frais considérables, puisque les condamna- '

lions aux dépens prononcées contre lui viendraient, au |

grand détriment des. créanciers augmenter le passif de !

,
la faillite.
En outre le failli est désinvesti de ses actions. Nous
,
avons déjà dit que, s'il peut ester en justice pour les
droits exclusivement attachés à sa personne, il ne peut,
quant à ses biens, agir que par le ministère des syndics.
C'est donc à eux à apprécier les contestations soule-
vées par le failli, à en rechercher la nature et la portée;
à se les approprier s'ils les croient fondées, et à passer \

outre à la vérification dans le cas contraire.


r
446, — Chaque créancier pourrait, à défaut des syn- [.

dics, relever en son nom et poursuivre les contestations !

faites par le failli. De leur part, en effet, on n'a pas à


craindre des procès dont les bases uniques seraient la
morosité, ou le caprice. Leur propre intérêt est, à cet é-
gard, une garantie suffisante. Plaidant en leur nom, ils
auraient personnellement à supporter les conséquences
d'une condamnation ; et celte perspective doit les rendre
circonspects dans l'exercice du droit que la loi leur con-
fère.
447. — Quant au failli dont la contestation ne se-
rait relevée ni par les syndics ni par les créanciers, ses
ART. 493, 494. 79
droits sont sauvegardés par les protestations qu'il peut
faire insérer dans le procès-verbal. Ces protestations lui
conservent le droit de les faire juger lui même, lorsqu'a-
près concordat ou union il s'agira de distribuer l'actif
,
aux créanciers. A celle époque, les craintes qui ont dé-
terminé le législateur à lui refuser ce droit, au moment
delà vérification, n'ont-plus aucun objet; il n'y a, dès'
lors plus d'inconvéniens à lui permettre de réaliser une
action utile à ses intérêts. Il pourrait demander la res-
titution de ce qui aurait été indûment payé ; à plus forte
raison doit-on l'autoriser à empêcher que celui à qui il
n'est rien dû touche quelque chose (').

448. — Il n'en est pas de même pour les créan-


ciers. Le droit qu'ils ont de contester les créances doit
être exercé pendant la durée de la vérification. La clô-
ture du procès-verbal les rendrait non recevables à con-
tester ultérieurement les créances admises, sauf les cas
de fraude dont la preuve serait à la charge du conles-
' tant (').
Cette différence entre le failli et les créanciers pour
,
la durée du pouvoir de contester, explique celle que nous
signalions tout à l'heure dans l'exercice de ce pouvoir.
Les créanciers étant contraints, sous peine de déchéan-
ce , de le réaliser avant la clôture du procès-verbal, il
eut été irrationnel de prétendre les en empêcher. Le failli,
au contraire, n'ayant à craindre aucune fin de non re-

(') V. infrà art. 5.6, n^gD^.


(') V. infrâ art. 5o3, n° 5o4.
80 " TRAITÉ DES FAILLITES.

cevoir de ce genre, ne saurait se plaindre de l'interdic-


tion dans laquelle on l'a maintenu pendant la durée de
la vérification.

ARTICLE 495.

Le procès-verbal de vérification indiquera le domicile


des créanciers et de leurs fondés de pouvoirs.
Il contiendra la description sommaire des titres, men-
tionnera les surcharges, ratures et interlignes, et expri-
mera si la créance est admise ou contestée.

SOMMAIRE.

449. Importance du procès-verbal. — Enonciations qu'il doit


renfermer.
450. 4° Le domicile des créanciers et de leurs fondés de pou-
voirs.
451. 2° La description sommaire des titres, et la mention des
surcharges, ratures et interlignes.
452. 3° Si la créance est rejetée ou admise, avec ou sans ré-
serves.
453. Ces réserves peuvent être faites par les créanciers présents.
454. Par le failli qui y a intérêt.
455. Par le porteur de la créance lui-même. — Nécessité de ces
réserves pour les créanciers privilégiés sur les meubles.
456. Indépendamment des procès-verbaux de vérification, on doit
constater la composition de l'assemblée. — Fin de non
recevoir contre les créanciers et le failli, présents, qui
n'auraient pas contesté.

449, — Nous venons de voir que l'article 493 char-


ge le juge-commissaire de dresser procès-verbal des vé-
ART. 495. 81
rifications. Il semblerait résulter de ces termes que la
rédaction de ce procès-verbal appartienne à ce magis-
trat ; mais il est évident qu'il faut appliquer dans cette
circonstance l'article 1040 du Code de procédure civile.
Ce procès-verbal est destiné à constater la qualité des
ayants droit, le chiffre de leur créance ; à remplacer le
titre qui aurait été égaré après l'admission. Sous tous
ces rapports , il a une importance réelle, et il n'est pas
étonnant que la loi en ait tracé expressément les formes.
Ce procès-verbal doit contenir :

450. — 1° L'indication du domicile des créanciers


et de leurs fondés de pouvoirs.
Nous avons vu que pour tout ce qui concerne la vé-
rification il n'est pas indispensable que les créanciers
,
comparaissent en personne. Chacun d'eux peut se faire
représenter par un mandataire. Le domicile dont la men-
tion est requise est le domicile réel, tant du créancier
que du mandataire. Or , la loi n'exige pas que ceux-ci
soient résidants dans le lieu où siège le tribunal saisi de
l'instruction ; elle laisse les créanciers entièrement libres
dans leur-choix.
On avait proposé dans la discussion d'obliger les cré-
anciers à élire domicile au chef-lieu ; mais cette propo-
sition fut rejetée pour ne pas introduire dans la loi des
formalités de procédure obligatoires, et dont la violation
pouvait devenir, la source de nombreuses contestations
ou le prétexte d'une déchéance incompatible avec la na-
ture des droits des créanciers.
Le mandataire peut donc être pris ailleurs que. dans
Il : o
82 TRAITÉ DES FAILLITES.

la localité ; mais, quel que soit son domicile il en est


,
fait mention dans le procès-verbal, concurremment avec
celui du créancier qui l'a délégué.

451. — 2° La description sommaire des titres, et


la mention des surcharges, ratures et interlignes.
Cette prescription a pour objet, en constatant la ma-
térialité des titres, d'assurer aux créanciers l'exercice du
droit de contester les créances admises en leur absence.
Le porteur intéressé à déguiser cette matérialité pourrait,
après l'admission, prétendre avoir égaré son titre, et le
remplacer par l'extrait du procès-verbal. Cette ruse de-
vient impossible, dès que celui-ci n'est que le miroir fi-
dèle du titre lui-même et qu'il constate les vices dont
,
celui-ci peut être entaché.
452. — 3° Si la créance est admise ou rejetée.
L'admission peut n'être prononcée qu'avec réserves,
soit de la part d'un créancier soit de la part du failli,
,
soit enfin de la part du porteur de la créance lui-même.

455. — Les créanciers présents à la vérification


peuvent suspecter la sincérité de la créance dont on de-
mande l'admission, sans être actuellement à même d'en
démontrer la fausseté ou l'exagération. Ce cas se réali-
sant ils ont le droit de faire telles réserves qu'ils juge-
,
ront utiles pour empêcher qu'on ne leur oppose plus
,
tard leur silence comme une fin de non recevoir. Il doit
en être fait mention dans le procès-verbal d'admission,
454. —-
Il en serait de même de celle que le failli
aurait intérêt à faire insérer pour pouvoir plus tard être
ART. 495. 8ÎT

admis à contester la créance. Nous avons déjà dit (')


que sa présence à la vérification lui enlèverait le droit
de quereller les créances admises s'il ne s'est pas op-
,
posé à leur admission. Il a donc pour conserver ce
,
droit, à faire constater son opposition par l'insertion de
ses réserves au procès-verbal.

455. — Enfin le créancier vérifié et admis, peut avoir


intérêt à n'accepter cette admission qu'avec réserves. Dans
le cas notamment où, étant débiteur de la faillite, il au-
rait à prétendre une compensation entre sa créance et sa
dette. Mais c'est surtout pour les créanciers privilégiés
sur les meubles que ces réserves sont indispensables ;
car, en faisant procéder purement et simplement à la
vérification de leurs créances, ils sont censés avoir fait
novation et avoir accepté le rang de créancier simple
,
chirographaire (').

456. — Toutes ces formalités sont relatives aux pro-


cès-verbaux particuliers à chaque créance vérifiée. Mais
nous croyons que le mode de vérification admis par la
loi actuelle exige que ces procès-verbaux soient précédés
d'un protocole dans lequel le juge-commissaire doit é-
noncer le nom de tous les créanciers qui ont comparu
sur la convocation. La vérification en assemblée a pour
but de simplifier cette opération, en mettant les créan-
ciers en demeure de contester les créances qui vont être
vérifiées. Et nous n'hésitons pas à croire que celui qui,

(') V. suprà art. 4g3, n° 44o.


(') Cass., gg juillet 1841 i D. P., 4i, 1,294.
84 TRAITÉ DES FAILLITES

ayant assisté à cette vérification , n'aurait pas contesté,


ne serait plus recevable à le faire ultérieurement.
Il est vrai que l'article 494 place sur la même ligne
les vérifications faites et à faire ; mais nous croyons que
la faculté de contredire ces dernières n'est réservée qu'aux
créanciers qui n'y ont pas assisté et qui n'ont pu, par
,
conséquent, manifester leur opposition au moment mê-
me de la présentation. Ceux-là donc qui ont été à même
de s'expliquer, qui ont laissé s'accomplir la vérification
sans protestations ni réserves, ne sauraient prétendre re-
venir sur la reconnaissance au moins tacite qu'ils ont
faite des droits du créancier, sauf le cas où il serait
prouvé que la découverte du fait qui motive la contes-
tation est postérieure au procès-verbal.
11 faut donc dans l'intérêt même de la stabilité des
,
vérifications, que l'on connaisse les personnes qui y ont
assisté. Cette connaissance résultera de la mention faite
en tête des procès-verbaux de vérification , du nom des
créanciers qui formaient l'assemblée.
Ce que nous disons des créanciers est surtout vrai
pour le failli. La présence de celui-ci à la vérification
ne se décèlera dans les procès-verbaux particuliers, que
dans le cas où il croira devoir contester. D'où la consé-
quence que, pour les créances non contestées, il n'y au-
rait aucun moyen de constater son assistance et d'en
,
tirer une fin de non recevoir contre ses prétentions ul-
térieures.
Il importe donc pour la sauvegarde des droits ac-
,
quis que la preuve de la présence du failli ressorte de
,
l'opération elle-même et cette preuve doit être donnée
,
ART. 495. 83
l'indication de la composition de l'assemblée, non-
par
seulement au commencement de la vérification , mais
encore à toutes reprises de séances, après suspension ou
renvoi.

ARTICLE 496.

Dans tous les cas, le juge-commissaire pourra, même


d'office, ordonner la représentation des livres du créan-
cier, ou demander, en vertu d'un compulsoire, qu'il en
soit rapporté un extrait fait par les juges du lieu.

SOMMAIRE.

457. Toutes les créances, excepté celles résultant d'un jugement


régulier et passé en force de chose jugée, peuvent être
contestées.
458. Il appartient au juge-commissaire d'ordonner la communi-
cation de tous documens, et même l'apport des livres.
459. Si le domicile du créancier était trop éloigné le juge peut
,
ordonner, par un compulsoire, la production d'un extrait
de ses livres. — Quelle est l'autorité qui peut être char-
gée de ce compulsoire ?
460. La décision du juge peut être provoquée ou rendue d'office.
Différence dans les effets.
461. Si les énonciations des livres sont insuffisantes ou contradic-
toires, le juge doit, s'il y a contestation, renvoyer au tri-
bunal de commerce qui défère, s'il y a lieu, le serment
au créancier contesté.

457. — Toutes les créances produites dans une fail-


lite peuvent devenir l'objet de contestations de la part
des parties intéressées. Ce principe reçoit
une seule ex-
86 TRAITÉ DES FAILLÎTES.

ceplion, lorsque la créance résulte d'un jugement régu-


lièrement obvenu soit contre le failli avant sa faillite,
,
soit depuis contre les syndics, et ayant acquis l'autorité
de la chose jugée. Il est vrai de dire, dans ce cas, que
la créance a été d'avance contestée les droits du por-
,
treur contradictoirement établis. Toute recherche ulté-
rieure est donc impossible. Res judicata pro vcritate
habetur.
458. — Il est cependant des cas où la créance, sans
être précisément contestée encore, peut présenter quel-
ques doutes qui, s'ils n'étaient levés , occasionneraient
un procès. L'appréciation des mesures nécessaires pour
les éclaircir est laissée par la loi à la prudence du juge-
commissaire. Ce magistrat peut donc ordonner la com-
munication de tous titres et documens utiles à consulter,
et même la représentation des livres du créancier.

459. — L'apport des livres pourrait devenir onéreux


et gênant, si le créancier était domicilié dans un lieu
éloigné du siège de la faillite. Cette considération, rele-
vée lors de la discussion du Code de commerce avait
,
fait admettre la faculté pour le juge d'ordonner qu'il
en serait produit un extrait qui devait être fait par les
juges de commerce du domicile.
Notre article autorise aussi le compulsoire mais en
,
modifiant la disposition de la législation précédente,
quant à la désignation de l'autorité chargée d'y procé-
der. Il peut se faire en effet, que le tribunal de com-
,
merce de l'arrondissement du créancier obligé de pro-
duire ses livres, soit éloigné du domicile de celui-ci. Dans
ART. 496. 87
n'évitait pas le déplacement des écritures,
ce cas, on
quoiqu'on abrégeât de beaucoup les distances.
C'est pour éviter même ce déplacement restreint, que
la loi actuelle permet de confier le compulsoire aux ju-
ges du lieu. Ce qui signifie qu'à défaut de magistrats
consulaires, on pourra recourir aux magistrats civils, et
qu'à défaut des uns et des autres, le juge de paix sera
compétent. Il est certain qu'on atteint ainsi sûrement le
but que le législateur s'est proposé, à savoir : de ne pas
soumettre les créanciers à faire voyager leurs livres. Il
yen aura, en effet, bien peu d'entre eux qui n'habiteront
pas au moins au chef-lieu de justice de paix.
460. — L'exercice du pouvoir confié au juge-com-
missaire peut être provoqué par les syndics ou par les
créanciers. Il peut aussi être le résultat spontané de la
volonté du juge. Mais si, dans chacun de ces cas, il y a
identité dans le but, les effets peuvent être et sont très-
différents. Ainsi l'apport ordonné d'office ne préjuge
,
rien à rencontre des syndics ou des créanciers qui con-
testeront plus tard ; tandis que si cet apport est réclamé
par eux, on pourra en induire l'intention de soumettre
le sort de la créance aux énonciations qui se rencontre-
ront dans les livres. \

461. — Si les écritures du créancier ne contiennent


rien de relatif à l'opération qu'il s'agit de vérifier, et que
celles du failli soient explicites contre lui ; ou bien si les
énonciations des unes et des autres sont contradictoires,
et se détruisent réciproquement, le juge-commissaire,
s'il y a contestation, doit renvoyer au tribunal de com-
88 TRAITÉ DES FAILLITES.

merce. C'est alors aux juges investis à se décider par les


présomptions respectivement invoquées. Us pourront
même déférer le serment, mais au créancier contesté.
Le failli, en effet, n'est plus en position de le prêter ;
et le fait n'étant pas personnel aux syndics, il n'y a que
le créancier qui soit en état de remplir cette solennelle
formalité.

ARTICLE 497.

Si la créance est admise, les syndics signeront, sur


chacun des titres, la déclaration suivante ;
Admis au passif de la faillite de pour
la somme de... .le <

Le juge-commissaire visera la déclaration.


Chaque créancier, dans la huitaine au plus tard, a-
près que sa créance aura été vérifiée, sera tenu d'affir-
mer , entre les mains du juge-commissaire , que ladite
créance est sincère et véritable.

SOMMAIRE.

462. La créance qui ne réunit pas en sa faveur l'unanimité des


syndics, ne saurait être admise; elle est par cela seul
coritestée.
463. Cette même unanimité est requise pour tous les actes d'ad-
ministration. — Règles à suivre en cas de dissidence de
la part des syndics.
464. Dans quelle forme l'admission au passif doit être constatée?
465. L'admission ne produit d'effets efficaces que si elle est suivie
de l'affirmation. — Forme et délai de celle-ci.
ART. 497. 89
*
466. Débat dont elle a été l'objet à la chambre des députés.
467. Il doit en être rédigé procès-verbal..
468. Le délai de huitaine est facultatif et simplement commina-
toire. — Conséquences qui naissent d'un retard pro-
longé.
469. A dater de la clôture du procès-verbal, l'admission, suivie
de l'affirmation, fixe irrévocablement la position du cré-
ancier vis-à-vis de la masse.
470. Quid, par rapport au failli.
471. Distinction des passifs dans les sociétés en nom collectif ou
en commandite.
472. Distinction dans le caractère de la créance ; mention si elle
n'est qu'éventuelle.

462. — La créance soumise à la vérification, si elle


n'est contestée par personne, doit être admise au passif
de la faillite. Quelles sont les conditions de cette admis-
sion, sa forme et ses conséquences ?
Nous avons énoncé déjà la condition la plus efficace,
la plus essentielle, à savoir l'absence de toute contesta-
tion.
Cette condition serait-elle remplie s'il y avait diver-
,
gence dans l'opinion des syndics, sur la sincérité de la
créance ? En d'autres termes, faut-il que les syndics
soient unanimes en faveur de l'admission ?
Il ne saurait, à notre avis, s'élever aucune difficulté,
s'il n'y avait que deux syndics. L'un votant pour et l'au-
tre contre, il n'y a pas plus de probabilité pour l'opinion
de l'un que pour celle de l'autre. II. n'y a qu'un doute
qu'il convient de faire lever par la justice. L'admission
devrait donc être ajournée jusqu'après jugement.
90 TRAITÉ DES FAILLITES.

Si les syndics sont au nombre dé trois la majorité


,
devra-t-elle décider de l'admission ou du rejet ?
Les termes généraux de la loi nous paraissent repous-
ser la solution affirmative. La vérification doit se faire,
dit l'article 493, entre le créancier et les syndics. Cha-
cun de ceux-ci est donc partie essentielle dans cette opé-
ration, et s'ils ne sont pas tous convaincus de la certi-
tude des droits du réclamant, il n'y a pas de vérifica-
tion efficace.
De plus, l'article 497 veut que la déclaration d'ad-
mission soit signée par les syndics. Celte prescription
resterait inexécutée si tous les syndics ne pouvaient don-
ner et ne donnaient pas leur signature.
Si du texte de la loi on passe à l'esprit qui y a pré-
sidé, on arrive à des conséquences identiques : le légis-
lateur s'est appliqué à entourer la vérification des cré-
ances de toutes les conditions qui doivent en assurer la
sincérité ; ainsi et malgré que, dans celte opération, les
syndics soient les représentants de la masse leur opi-
,
nion unanime ne saurait déterminer l'admission, si celle-
ci est contestée par un seul créancier. Or, comment re-
fuserait-on à un syndic le droit qu'un simple créancier
peut revendiquer ?
De deux choses l'une : ou le syndic qui refuse l'ad-
mission est créancier, et dans ce cas sa qualité lui con-
férerait le droit d'empêcher cette admission jusqu'après
jugement ; ou il n'est pas personnellement créancier, et
sa qualité de mandataire de justice donnerait un poids
plus fort à son opposition, dans laquelle on ne pourrait
supposer aucune idée d'intérêt personnel.
ART. 497. 91
D'ailleurs il est, après tout, possible que le syndic con-
testant ait raison contre les deux autres. Des recherches
plus exactes peuvent lui avoir fait connaître des circons-
tances que ses collègues n'ont pu apprécier. N'y eût-il
que ce doute, que l'intérêt de la masse commanderait un
examen ultérieur, et partant le renvoi devant la justice.
Nous pensons donc, avec 31. Locré ('), qu'il y a cré-
ance contestée toutes les fois que les syndics ne sont pas
unanimes pour l'admission. Ce cas se réalisant, et quel
que soit le nombre de ceux qui ont voté pour celle-ci,
il y a lieu de faire prononcer sur les observations des
syndics dissidents.

463. — n'est pas seulement pour l'ad-


Au reste, ce
mission que l'unanimité des syndics est requise ; il doit
en êlre de même pour tous les actes d'administration.
Nous avons vu que l'article 465 déclare que les syndics
ne peuvent agir que collectivement, et qu'ils sont tous
solidairement responsables de l'administration. Or, com-
ment celte responsabilité pourrait-elle être infligée au
syndic qui se refuserait à l'encourir ?
Celui-ci pourrait donc, si-l'acte auquel il ne voudrait
pas consentir lui paraît dangereux ou inutile, en appe-
ler d'abord au juge-commissaire et ensuite au tribunal;
et en attendant qu'il eût prononcé entre ses collègues
et lui, son opposition suffirait pour empêcher ceux-ci
de passer outre à l'opération qu'ils sont d'avis de tenter.

464. — Dans la forme , la déclaration d'admission

(') Ton». 6, poj. 263, art, 5o5.


92 TRAITÉ DES FAILLITES

se borne à renonciation qui en est insérée dans le pro-


cès-verbal conformément à l'article 495. Cette énon-
,
ciation doit contenir le chiffre de la créance. Elle est ré-
pétée sur les titres produits, signée par les syndics et
,
visée p"ar le juge-commissaire.
La mention de l'admission devrait être inscrite sur
chaque titre de créance. Dans la pratique cependant,
,
elle est faite sur le bordereau qui accompagne ces titres.
L'intérêt des créanciers a dû faire adopter de préférence
cette marche qui est plus simple et plus économique pour
eux. En effet, si les titres déposés sont dispensés d'un
enregistrement préalable, cet enregistrement devient forcé
au moment de la vérification. Or, plusieurs de ces titres
sont quelquefois sur papier libre, ce qui, indépendam-
ment des droits d'enregistrement, soumettrait les créan-
ciers à des amendes considérables. On évite celte fâcheuse
nécessité en portant l'admission sur le bordereau qui ré-
sume la position du créancier, et qui, destiné à l'enre-
gistrement est toujours fait sur papier timbré. Tel est
,
au moins l'usage suivi, si nous ne nous trompons, de-
vant le tribunal de commerce de Paris ; tel est celui que
nous avons toujours vu pratiquer au tribunal de com-
merce d'Aix.
Les créanciers par comptes courant n'ont à produire
que l'extrait de leurs livres. C'est sur cet extrait que
l'admission est inscrite. Il doit donc être sur papier tim-
bré et enregistré.

465.
— La vérification est complète par l'accom-
plissement de la formalité qui précède et dès que la
,
ART. 497. 93
mention a été signée par les syndics et visée par le juge-
commissaire. Mais elle n'est pas encore efficace. Le cré-
ancier n'a le droit de prendre part aux répartitions que
si, dans la huitaine du procès-verbal, il a affirmé entre
les mains du juge-commissaire que sa créance est sin-
cère et véritable.
Toutefois, par une dérogation aux principes ordinai-
res, il n'est pas indispensable que cette affirmation éma-
ne personnellement du créancier. Nous avons vu que la
vérification peut être requise par un mandataire dont
le pouvoir enregistré reste annexé au procès-verbal. Ce
même mandataire est admis à affirmer la créance ; car,
a-t-on dit, ce n'est point ici un serment dérisoire, dé-
féré sur un litige, mais bien un acte que le droit com-
mun permet de remplir par mandataire (')..
466. — C'est principalement sur ce caractère de
l'affirmation que la commission de la chambre des dé-
putés s'appuyait pour demander la suppression de celte
formalité ; car, disait-elle, si elle pouvait avoir quelque
efficacité elle la perdrait dès qu'elle peut être faite par
,
mandataire. En réalité, ajoutait la commission, elle n'en
a aucune ; elle n'est qu'un jeu pour les hommes de mau-
vaise foi, et une formalité superflue pour les honnêtes
gens.
La chambre ne crut pas devoir adopter la suppression
qui lui était proposée, non qu'elle se fît illusion sur la
force des motifs sur lesquels la demande était fondée,
mais dans l'espérance que la crainte du parjure, même

(') Discussion àla chambre des de'pule's.


94 TRAITÉ DES FAILLITES.

simplement autorisé, préviendrait peut-être certaines ma-


noeuvres ; car , si l'affirmation n'empêche pas toujours
celui qui est engagé d'aller en avant, la nécessité de l'ac-
complir peut détourner ceux qui ne le sont pas encore,
en l'état surtout de l'article 593, qui appelle sur le par-
jure les peines de la banqueroute frauduleuse.
D'ailleurs, la remise de titres non sincères et la véri-
fication peuvent n'avoir été dans les premiers momens
,
de la faillite que le résultat d'un entraînement irréflé-
,
chi. Faire dépendre la complicité de banqueroute frau-
duleuse de ce fait seul, c'eût été agir avec une sévérité
par trop rigoureuse ; on a donc maintenu l'affirmation
qui emporte avec elle une telle idée de persistance et de
calcul que la conduite de celui qui n'ayant aucuns
, ,
droits réels, y aurait procédé ou fait procéder, serait sans
excuse. C'est donc comme dernier terme accordé à la
bonne foi et au repentir, qu'elle a été adoptée. Ainsi, la
loi obéit à la dignité et à la noblesse du mandat qui lui
est dévolu. Maneat priusquam feriat.

467. — L'affirmation est donc le complément né-


cessaire de la vérification. En conséquence, elle doit être
comme celle-ci constatée par écrit. Quoique la loi soit
muette sur ce point, il est certain qu'il doit en être dressé
procès-verbal à la suite de celui de la vérification. Ce
procès-verbal doit être signé par le créancier affirmant,
le juge-commissaire et le greffier.
468. — L'affirmation doit être faite, avons-nous dit,
dans les huit jours de la vérification ; mais ce délai est
essentiellement facultatif. Rien ne s'oppose à ce que le
ART. 497. 95
créancier y fasse procéder avant son expiration et mê-
me immédiatement après la vérification. La fixation de
huitaine n'a eu d'autre objet que celui de déterminer le
point de départ de l'obligation pour les syndics, de con-
voquer les créanciers pour la délibération sur le concor-
dat et l'union.
A défaut d'affirmation dans le délai de huitaine le
,
créancier est-il déchu du droit de la faire plus tard?
Non ; mais il est censé n'être pas réellement créancier,
et il est, par rapport à lui, procédé conformément à ce
qui est prescrit par l'article 503. Ainsi il ne fait point
,
partie de la réunion qui vote sur le concordat ; il ne par-
ticipe à aucune des répartitions de l'actif. Une loi sur les
faillites ne pouvait admettre des déchéances rigoureuses.
Elle devait se borner, et celle qui nous régit s'est bornée
en effet à imposer à chacun l'obligation de supporter les
risques résultant de sa négligence.

469. — L'affirmation suivie de vérification fixe ir-


révocablement la position du créancier, par rapport à la
masse , à partir de la clôture du procès-verbal. La dé-
claration d'admission le lie lui-même d'une manière ab-
solue. Ainsi, s'il l'avait acceptée sans protestations ni ré-
serves, il serait à jamais non recevable à préfendre faire
rétablir dans son entier le chiffre réduit par les syndics,
ni réclamer aucun privilège sur les autres créanciers,
s'il ne lui en a été concédé aucun.

470. — Quant au failli, il faut distinguer : s'il a


lui-même dressé son bilan, et si, présent à la vérifica-
tion il n'a élevé aucune difficulté ni fait des réserves,
,
96 TRAITÉ DES FAILLITES.

il serait non recevable à contester plus tard. Mais s'il n'a


pas assisté à la vérification , nous avons déjà dit qu'il
n'était pas personnellement lié par ce qui a été fait pen-
dant son absence. Il pourra donc, même après le con-
cordat ou l'union, faire réduire la créance en prouvant
qu'elle est exagérée ou la faire supprimer en justifiant
,
qu'elle n'était pas due. Mais ce pouvoir n'existerait plus
si la créance déjà contestée par les syndics avait été con-
sacrée par un jugement ayant acquis l'autorité de la
chose jugée, sauf la voie de la requête civile dans les cas
autorisés par la loi.
Mais, même contre le failli, l'admission ferait pleine
foi de la qualité de créancier. Il ne serait donc pas re-
cevable à prouver, par témoins, contre celle qualité, ni
à exiger la représentation du titre primitif qui peut avoir
été perdu. La preuve de l'admission couvre le créancier
d'une présomption juris, qui ne le céderait qu'à la
preuve du contraire , résultant des écritures ou de tout
autre titre émané de celui qui serait attaqué. Rien, pas
même le serment, ne pourrait suppléer cette preuve lit-
térale.

471. — La faillite d'une société en nom collectif, ou


en commandite, établit forcément deux passifs : l'un de
la société, l'autre particulier à chacun des associés ou au
gérant. Dans le premier, se rangent tous les créanciers
sociaux ; dans le second ceux personnels aux associés
,
ou au gérant. Les syndics doivent donc, lors de l'admis-
sion des diverses créances, indiquer le passif auquel el-
les appartiennent. Cette indication est indispensable,
ART. 497. 97

parce que l'avoir social, c'est-à-dire tout ce qui est pos-


sédé par l'être moral, y compris les mises de fonds des
associés, devient le partage exclusif des créanciers de la
société. Le concours des créances indistinctement ne s'é-
tablit que sur l'actif personnel du débiteur particulier,
et qui se compose de tout ce que celui-ci possède en de-
hors de la société.

472. — Enfin , il peut exister dans les faillites une


catégorie de créanciers dont les droits ne seront défini-
tifs que par la réalisation d'une condition. Telles seraient
les créances garanties par un cautionnement résultant
d'une convention ou de la nature du litre. Or, la faillite
est libérée, si le débiteur principal paye. Mais l'incer-
titude de ce paiement autorise les porteurs de ces enga-
gemens à se présenter à la faillite, au passif de laquelle
ils doivent être admis (').' Il importe, dans ce cas, pour
la conservation des droits de la masse qu'il soit fait
,
mention que l'admission n'est qu'éventuelle. Les syndics
doivent donc l'énoncer dans la déclaration insérée au
procès-verbal et inscrite sur les livres.

ARTICLE 498.
98 TRAITÉ DES FAILLITES.

Le tribunal de commerce pourra ordonner qu'il soit


fait, devant le juge-commissaire enquête sur les faits,
,
et que les personnes qui pourront fournir des renseigne-
mens soient, à cet effet, citées par-devant lui.

ARTICLE 499.

Lorsque la contestation sur l'admission d'une créance


aura été portée devant le tribunal de commerce, ce tri-
bunal, si la cause n'est point en état de recevoir juge-
ment définitif avant l'expiration des délais fixés, à l'é-
gard des personnes domiciliées en France, par les arti-
cles 4921 et 497, ordonnera, selon les circonstances, qu'il
sera sursis ou passé outre à la convocation de l'assem-
blée pour la formation du concordat.
Si le tribunal ordonne qu'il sera passé outre, il pourra
décider par provision que le créancier contesté sera ad-
mis dans les délibérations pour une somme que le mê-

me jugement déterminera.

ARTICLE 500.

Lorsque la contestation sera portée devant un tribu-


nal civil, le tribunal de commerce décidera s'il sera sur-
sis ou passé outre ; dans ce dernier cas, le tribunal civil
saisi de la contestation jugera, à bref délai, sur requête
ART. 498, 499, 500. 99
des syndics signifiée au créancier contesté, et sans autre
procédure si la créance sera admise par provision ,
et
,
pour quelle somme.
Dans le cas où une créance serait l'objet d'une ins-
truction criminelle ou correctionnelle le tribunal de
,
commerce pourra également prononcer le sursis ; s'il or-
donne de passer outre, il ne pourra accorder l'admis-
sion par provision ,' et le créancier contesté ne pourra
prendre part aux opérations de la faillite tant que les tri-
bunaux compétents n'auront pas statué.

SOMMAIRE.

472 bis. Objet de ces dispositions.


473. Obligation du juge de renvoyer au tribunal, s'il y a contes-
tation. — Ne peut plus ordonner ce renvoi d'office.
474. Le tribunal saisi par le renvoi, ou par la citation doit sta-
,
tuer dans le plus bref délai possible. — Il peut ordon-
ner qu'il sera fait enquête par le juge-commissaire.
475. Doit-on recueillir par écrit les dépositions ?
476. Le juge-commissaire peut ordonner le dépôt au greffe du ti-
tre contesté.
477. Quel est le tribunal compétent ? Distinction entre la com-

pétence territoriale et celled'attribution.—Conséquences.
478. Les articles 499 et 500 ont introduit un droit nouveau quant
aux formes de la procédure.—Motifs de ces dispositions.
479. Dans quels cas le tribunal est-il appelé à décider s'il y a
lieu à surseoir ?
480. L'admission du sursis est purement facultative, excepté dans
le cas où la contestation serait de nature à constituer la
banqueroute frauduleuse.
100" TRAITÉ DES FAILLITES.

481. En rejetant le sursis, le tribunal doit prononcer sur l'admis-


sion provisoire pour une somme déterminée.
482. Cas dans lequel cette admission ne saurait être ordonnée.
483. De quelle manière il est statué sur le sursis et sur l'admis-
sion, lorsque la contestation est déférée au tribunal civil.
484. Dans tous les cas, l'admission provisoire n'est que faculta-
tive, malgré que le tribunal doive être consulté. — Pro-
cédure à suivre.
485. Droits du créancier intéressé contre les syndics.
486. Les jugemens sur le sursis et admission provisoire, ne sont
susceptibles d'aucuns recours.

472 bis. — Nous avons vu sous les articles précé-


,
dens par qui les créances peuvent être contestées. Les
,
articles actuels tracent les obligations que le litige sur-
venu sur l'une ou plusieurs de ces créances impose au
juge-commissaire, et le mode de jugement par le tribu-
nal investi de la connaissance de la contestation.

475. — Le juge-commissaire n'a reçu de la loi au-


cune attribution sur les difficultés que la vérification fait
naître, soit qu'il s'agisse de l'existence entière de la cré-
ance , soit que tout se borne à une simple réduction,
soit, enfin, que l'on ne conteste que les privilèges et hy-
pothèques qu'on voudrait en faire résulter. Il doit, dans
chacun de ces cas, renvoyer les parties à se pourvoir de-
vant qui de droit.
Il est vrai que les termes de l'article 498 semblent éta-
blir que ce renvoi n'est que facultatif; mais ce serait mal
en saisir l'intention que de l'admetlre ainsi. D'abord,
,
il répugne à la raison que le mandat de surveillance
confié à ce magistrat puisse s'étendre jusqu'à l'autoriser
ART. 498, 499, 500. «01

à connaître si un créancier a ou non cette qualité. Par-


tout où la loi a voulu rendre ce mandat plus ample, elle
s'en est formellement expliquée. Son silence, dans l'ar-
ticle qui nous occupe ne permet donc pas d'admettre
,
pour lui le pouvoir de juger.
Mais les termes mêmes de cet article s'expliquent par
eux-mêmes. La faculté laissée au juge de renvoyer à
l'audience, ne se rapporte qu'à la forme et non au fond
même. Ainsi, ou le juge usera de la faculté qui lui est
accordée, et l'instance se trouvera liée sans citation; ou,
dans le cas contraire, le contestant sera obligé d'investir
le tribunal par un ajournement régulier.
Au reste, pour qu'il y ait lieu aujourd'hui à renvoi, il
faut que la créance soit contestée. Ainsi se trouve abrogé
le pouvoir conféré au juge-commissaire de renvoyer
d'office au tribunal les créances qui lui paraissaient sus-
pectes.
Le Code de 1807 avait admis ce pouvoir, afin d'ar-
mer le juge-commissaire du moyen le plus efficace pour
déjouer toute collusion entre les syndics et les créan-
ciers de mauvaise foi ('). Mais le danger de cette collu-
sion est moins à craindre aujourd'hui. La vérification à
jour fixe en réunion des créanciers, en présence du
,
failli, suffit seule pour en éviter la possibilité, par la fa-
cilité qu'elle offre à tous les intéressés de surveiller leur
propre droit, et conséquemment celui de la masse.
Ainsi, des principes consacrés par l'article 505 du
Code de commerce, la loi actuelle n'a maintenu que celui

(') Locré, Esprit du Code de commerce, art. 5o5.


-S 02 TRAITÉ DES FAILLITES.

qui refuse au commissaire le droit de statuer personnels


iement sur la qualité de créancier ou sur la quotité de
,
la créance. On n'a pas cru qu'il fût prudent d'abandon-
ner au jugement d'un seul homme une opération de
laquelle, lorsque la créance est considérable, peut dé-
pendre la fortune du créancier ou le sort de la masse (').
Mais quelle que soit l'opinion personnelle du juge-com-
missaire, il ne peut empêcher l'admission toutes les fois
que les syndics , les créanciers et le failli ne contestent
point.
474. — par le renvoi pro-
Le tribunal investi, soit
noncé par le juge, soit par la citation du contestant, doit
prononcer dans le plus bref délai possible. La loi im-
prime à toutes les contestations relatives à la vérification
un tel caractère d'urgence, que la solution qui détermine
la position de chacun ne saurait trop tôt intervenir.
C'est dans ce but qu'on a permis au tribunal d'or-
donner qu'il sera fait, si les besoins de la cause l'exigent,
enquête par le juge-commissaire. Celte faculté emporte
pour ce magistrat celle d'entendre toutes les personnes
dont il croira le témoignage utile à la manifestation de
la vérité. Les syndics ou les créanciers contestants se-
raient tenus de les citer à comparaître.

475. — Doit-il être tenu note des dépositions ? L'ar-


ticle 498 est muet sur ce point. Mais l'affirmative nous
parait être dans l'esprit de la loi. Elle est d'ailleurs con-
forme aux véritables principes.

(') Id,, ibid.


ART. 498, 499, 300. 103
Nous venons de voir, en effet, que lé juge-commis-
saire ne peut décider seul les contestations relatives aux
.

vérifications. Ne serait-ce pas cependant lui en accorder


le pouvoir que de le laisser appréciateur exclusif de l'en-
quête?
Or, comment en serait-il autrement, si le tribunal ne
doit connaître les dépositions des témoins que par le
rapport que le commissaire est obligé de faire ? Ce rap-
port sera-t-il assez fidèle ? Rappellera-t-il, dans lous les
cas, avec assez d'exactitude toutes les circonstances ?
N'est-il pas à craindre que, par une préoccupation bien
naturelle et surtout très-facile à concevoir le juge do-
,
miné par l'opinion qu'il se sera formée n'appuyé pas
,
avec la même insistance sur les dépositions que l'opinion
contraire aurait à invoquer ? Et dons le cas d'une erreur
involontaire, quels moyens aura-t-on pour la rectifier ?
Il nous semble donc que la dignité de la justice, que
.
l'équité que les droits sacrés de la défense exigent que
,
les dépositions recueillies par le juge soient fidèlement
retenues par écrit ; qu'elles soient ensuite soumises au
tribunal. L'opinion de la majorité des juges n'est pas
liée par celle du commissaire; il faut donc lui fournir
les élémens nécessaires pour qu'elle puisse se former avec
cette indépendance et cette liberté sans lesquelles il n'y
a plus de bonne justice.
Ces considérations, vraies dans tous les cas, reçoivent
une application bien plus incontestable encore , lorsque
l'objet du litige excède le taux du dernier ressort. Or,
:cornment l'appelant pourrait-il espérer convaincre la cour
de la nécessité de réformer s'il n'a d'autre élément d'ap-
104 TRAITÉ DES FAILLÎTES.

prédation à lui soumettre que ses propres allégations,


repoussées déjà par le premier juge ? Les magistrats su-
périeurs n'auront pas même la ressource d'entendre le
rapport du juge-commissaire. Us ne pourraient donc
qu'ordonner une nouvelle enquête pour éclairer leur re-
ligion sur les faits énoncés.
Or, cette nouvelle enquête retarderait la solution du
procès. Evidemment donc le législateur qui a tout fait
pour rendre cette solution plus prompte, n'a pu, de près
ni de loin, autoriser un pareil résultat.
Ainsi, si en principe l'enquête peut être ordonnée d'of-
fice, sans que les parties l'aient demandé sans que les
,
faits aient été cotés, l'exécution de cette enquête demeure
pour la relation des témoignages soumise à la règle or-
dinaire, c'est-à-dire à une constatation par écrit.

476. — L'article 508 du Code de commerce per-


mettait au juge d'ordonner le dépôt au greffe du titre
contesté. La loi nouvelle se tait sur celte faculté ; mais
ce silence ne nous paraît pas devoir être considéré com-
me une prohibition. Le dépôt au greffe ne sera le plus
souvent nécessaire que lorsque la matérialité des titres
inspirera des soupçons de faux. Or, la mission du juge
étant essentiellement de veiller à tout ce qui intéresse
l'ordre public et à la répression de toutes les frau-
,<

des, elle comprend virtuellement le pouvoir de faire


tout ce qui tend à garantir l'un et à assurer l'autre.
A ce double titre le dépôt au greffe peut être ordon-
,
né, sans qu'il soit besoin d'une autorisation expresse de
la loi.
ART. 498, 499, 500. 105
477. — Quel est le tribunal compétent pour statuer
sur les difficultés soulevées par la vérification ? Incontes-
tablement celui devant lequel la faillite est elle-même
,
pendante. Nous avons déjà dit que, quant à la compé-
tence territoriale, toutes les contestations dans lesquelles
la faillite est défenderesse principale, doivent être portées
au siège de cette faillite ('). Or, dans la vérification,
chaque créancier est demandeur en admission. Dès lors,
toutes les difficultés qui se rattachent à cette demande
sont de droit déférées au tribunal auprès duquel cette
vérification se poursuit.
Mais si, pour la compétence territoriale, la faillite est
attributive de juridiction, il n'en est pas de même pour
celle d'attribution. Les matières sur lesquelles le tribunal
de commerce n'aurait pu statuer avant la faillite restent,
après celle-ci, de la compétence exclusive des juges or-
dinaires. Si donc la contestation née dans la vérifica-
,
tion porte sur celles-ci, c'est le tribunal civil qui doit
être investi.
Ainsi, s'agit-il d'une lettre de change d'un billet à
,
ordre, d'un acte ou d'une opération de commerce, d'une
transaction entre négociants, d'un gage ou d'un nantis-
sement commercial en un mot d'un engagement ou
,
d'une obligation ayant son origine dans les relations
d'affaires du failli, le tribunal consulaire sera appelé à
juger le différend. S'agit-il, au contraire, d'un emprunt
contracté civilement, de la nullité d'un acte authenti-
que, de la constitution d'une hypothèque ou d'un privi-

('.) V. suprà art. 452, n° i55.


106 TRAITÉ DES FAILLÎTES.

lége sur les immeubles du failli, la contestation sera ex-


clusivement dévolue au tribunal civil.
Mais, dans l'un et l'autre cas, c'est le tribunal du lieu
delà faillite qui est seul compétent, pour l'un comme
pour l'autre. Le pouvoir de saisir le tribunal par un
simple renvoi appartient au juge-commissaire.

478. — Les dispositions des articles 499 et 500 ont


introduit un droit nouveau, quant aux formes de la pro-
cédure sur les contestations. Elles ont pour but de pré-
venir un abus contre lequel la législation précédente
était désarmée. On sait que le concordat qui ne pouvait
être voté que par les créanciers admis était obligatoire
,
pour ceux qui n'y avaient pas concouru, alors même que
leur absence n'avait eu pour cause que les contestations
soulevées contre leurs créances. Le failli trouvait dans
cet état de choses un excellent moyen pour écarter de
la délibération un créancier dont il redoutait la position,
les renseignemens ou l'influence. 11 n'avait qu'à se con-
certer avec un autre créancier qui contestait l'admission
du premier et le plaçait ainsi en dehors de toutes les
,
opérations subséquentes.
Ou bien les syndics attendaient pour faire délibérer
sur le concordat, l'issue de la contestation, et un temps
souvent fort long s'écoulait au grand préjudice de tous.
La loi nouvelle a pris contre l'une ou l'autre de ces
éventualités une précaution efficace. Il doit être rendu
.compte au tribunal de commerce des contestations que
les vérifications ont fait naître. Le tribunal avise au moyen
de concilier l'urgence de la délibération sur le concor-
ART. 498, 499, 500. 107
dat.avec le droit appartenant au créancier, qui s'est mis
en mesure de faire vérifier sa créance, de faire partie de
la réunion appelée à prendre cette délibération.

479. — 11 peut, en conséquence , si la cause n'est


pas en élat de recevoir jugement définitif dans les délais
fixés par les articles 492 et 497 ordonner qu'il sera
,
sursis à la convocation des créanciers jusqu'après ce ju-
gement. On ne comprendrait pas , en effet, que le tri-
bunal eût à s'occuper s'il y a lieu ou non à surseoir, si
..la contestation étant réglée avant l'expiration des délais,
tout était terminé avant l'époque où la convocation doit
être effectuée.
Biais ce qui étonne dans la condition prescrite par
l'article 499, c'est le rappel de l'article.492 et l'admis-
sion seulement hypothétique d'un fait dont la réalisation
est inévitable.
Nous avons vu, en effet, que l'article 493 n'ordonne
la convocation pour la vérification que lorsqu'il s'est é-
coulé trois jours de l'expiration non-seulement du délai
de vingt jours mais encore de celui accordé aux cré-
,
anciers domiciliés en France pour la distance de leur
,
domicile au chef-lieu de la faillite. Or, comment pour-
ràit-il se faire qu'une contestation élevée dans le cours
de la vérification, fût en état d'être jugée avant l'expira-
tion de délais qui doivent être échus, pour que la véri-
fication elle-même puisse s'ouvrir ?
Le législateur s'est donc laissé dominer par une pré-
occupation d'autant plus fâcheuse que, des termes de
,
l'article 499 on pourrait induire des conséquences ré-
,
108 TRAITÉ DES FAILLITES.

prouvées par l'article 493, sur le moment où la vérifi-


cation doit commencer. Il y a, en effet, une contradic-
tion évidente entre ces deux articles : l'un fixant l'ou-
,
verture de la vérification, après tous les délais accor-
dés par l'article 492 ; l'autre supposant qu'une con-
,
testation née après cette ouverture sera en état d'être
définitivement jugée avant l'expiration de ces mêmes
délais.
Mais si cette contradiction existe dans les termes, elle
n'est ni dans l'esprit ni dans l'intention du législateur.
Ce qu'il a voulu dire dans l'article 499, c'est : si la con-
testation est de nature à être jugée définitivement pen-
dant le cours de la vérification. Telle est la véritable pen-
sée qu'il a voulu exprimer. C'est donc à elle qu'il faut
recourir sans se préoccuper autrement des termes im-
,
propres dans lesquels elle a été rendue.
Cette même pensée nous est divulguée par le rappel
de l'article 497. Celui-ci donne à chaque créancier véri-
fié huit jours pour affirmer sa créance. Or il est fort
,
possible qu'une contestation, née au commencement ou
au milieu de la vérification, soit en état d'être jugée dé-
finitivement avant l'expiration de cette huitaine dont
le créancier dernier vérifié a droit de profiter puis-
, , ,
qu'elle est accordée individuellement à chaque cré-
ancier.
Mais cela ne pourra guère se réaliser, lorsque la con-
testation sera de nature à subir les deux degrés de juri-
diction. Il appartiendra donc, dans ce cas, au tribunal
de commerce de statuer s'il y a lieu ou non de surseoir
à la convocation des créanciers.
ART. 498, 499, 500. 109

:
480. — Or, sur ce point, le tribunal de commerce a
un pouvoir éminemment discrétionnaire. C'estlà, la con-
séquence de la mission réglementaire que la loi lui confie
sur la faillite. Il peut donc admettre ou rejeter le sur-
sis sans que sa décision puisse être attaquée ni cri-
,
tiquée.
Il est un seul cas où le sursis est forcé à savoir :
,
lorsque la contestation aurait pour résultat de constituer
le failli en état de banqueroute frauduleuse. Comme si,
par exemple, on soutenait qu'une créance est le produit
d'un concert frauduleux entre le failli et le prétendu
créancier. La preuve de cette fraude placerait le failli
sous le coup de l'article 591, et rendrait tout concordat
impossible. Il serait donc nécessaire, avant de s'occuper
de celui-ci, d'attendre que la justice eût prononcé sur la
contestation.
Mais, hors ce cas exceptionnel, et toutes les fois qu'il
s'agit d'une contestation ordinaire soit sur l'existence,
,
soit sur le chiffre de la créance la question du sursis
,
est entièrement livrée à l'appréciation souveraine du tri-
bunal. La loi ne trace aucune règle à cette appréciation.
Mais ce que les tribunaux ne doivent jamais perdre de
vue, c'est que le sursis n'est pas dans l'intention du lé-
gislateur, et qu'ils se conformeront à sa véritable pensée
en ne l'admettant que très-rarement, et seulement dans
des circonstances impérieuses et urgentes.
On sait, en effet, combien la loi nouvelle s'est effor-
.
cée, par la réduction des divers délais, d'arriver promp-
lement à la délibération du concordat. Or, tout ce qui
contrarierait ce résultat important s'éloignerait d'une
110 TRAITÉ DES FAILLITES.

manière sensible de son esprit ; et ce qui le prouve sans


réplique, c'est la seconde disposition de l'article 499.

481. — En effet, le jugement qui rejette le sursis


n'aura pas pour objet d'empêcher le créancier contesté
de prendre part à la délibération. Le tribunal peut, en
ordonnant de passer outre, décider que ce créancier sera
admis à cette délibération pour une somme déterminée.
Le tribunal aura donc toujours la faculté de concilier
l'urgence que l'opération commande, avec le droit des
créanciers d'y participer ; et l'on comprend que l'ad-
mission provisoire ne sera refusée que lorsque les pré-
somptions les plus graves viendront d'avance démontrer
la justice de la contestation, et l'inanité absolue des droits
prétendus par le créancier.
482. — Mais le refus est forcé
,
lorsque la créance
contestée est l'objet d'une instruction correctionnelle ou
criminelle. Quelque prudent qu'il fût, dans ce cas de
,
surseoir, le tribunal peut ordonner qu'il sera passé ou-
tre mais sans pouvoir admettre provisoirement le cré-
,
ancier.
La présomption de fraude qui résulte de la poursuite,
légitime cette exception à la faculté laissée au tribunal.
Mais, précisément à cause de sa nature exceptionnelle,
cette mesure doit être restreinte au seul cas prévu par la
loi. Ainsi, il faut qu'il y ait instruction commencée, et
non pas seulement plainte ou projet de poursuite. Il faut,
en outre, que cette instruction se renferme rigoureuse-
ment dans la personne du créancier. Car, si le fait était
de nature à compromettre le failli, et à constituer contre
ART. 498, 499, 500. ÏH
lui une présomption de banqueroute frauduleuse , le
sursis, comme nous le disions plus haut, deviendrait de
rigueur pour la validité même du concordat à intervenir.
Mais, la poursuite correctionnelle pourrait être com-
mune au failli, sans qu'il en résultât la nécessité de sur-
seoir. Le failli, même condamné pour banqueroute sim-
ple, peut concorder ; à plus forte raison le pourrait-il
,
s'il n'était encore que sous le poids du soupçon. Il y au-
rait donc lieu dans ce cas à l'application littérale de
, ,
l'article 500. L'admission provisoire ne pourrait être
prononcée.

485. — Si la contestation est déférée au tribunal


civil, il est procédé, quant au sursis et à l'admission
provisoire de la même manière que devant le tribunal
,
de commerce avec cette différence que le premier est
,
prononcé ou rejeté par le tribunal de commerce, tandis
qu'il est statué sur la seconde par le tribunal civil.
La raison de celte prescription est facile à saisir. Le
tribunal de commerce est investi dès l'origine de la pour-
suite de la faillite ; il l'a vue se dérouler toute entière
sous ses yeux ; il en connaît toutes les circonstances, et
c'est par cette connaissance générale qu'il peut saine-
ment apprécier s'il convient de surseoir ou de passer
outre.
Le tribunal civil, au contraire, n'est saisi qu'acciden-
tellement d'un épisode qui se rattache à la faillite mais
,
dont les débats se concentrent dans un intérêt particu-
lier. Il ne pourrait donc juger la question de sursis que
relativement à cet intérêt, n'ayant pas auprès de lui le
112 TRAITÉ DES FAILLITES.'

juge-commissaire dont le rapport est d'un si puissant


secours pour l'exposition des besoins généraux de la
faillite.
Il était donc rationnel de laisser la solution de la
question du sursis au juge le mieux en position de la
résoudre. C'est à ce titre que le tribunal de commerce a
été choisi.
L'admission provisoire n'exige pas une connaissance
approfondie de la faillite. Elle ne peut être que le résul-
tat de l'opinion que le juge peut immédiatement se for-
mer du caractère de la contestation et de la nature de
la créance contestée. C'est donc au juge saisi de l'appré-
ciation de l'une et de l'autre qu'appartient naturellement
le droit de la prononcer.

484, — Il en est, au reste , pour le tribunal civil


comme pour le tribunal de commerce, l'admission pro-
visoire n'est que facultative. Elle peut donc être refusée
malgré que le sursis ait été rejeté.
Mais le tribunal doit toujours être consulté. La loi
n'admet, pour le faire expliquer d'autres procédures
,
qu'une requête expositive des contestations existantes, et
communiquée par les syndics aux créanciers contestés,
Sur le vu de cette requête, le tribunal statue dans le plus
bref délai.

485. — C'est au créancier qui a intérêt à l'admis-


sion provisoire, à veiller à.ce que les syndics présentent
cette requête. S'ils négligent ce devoir il doit les som-
,
mer de s'en acquitter au plus vite sous peine de dom-
,
ART. 498, 499, 500. 113
mages-intérêts auxquels les syndics pourraient être per-
sonnellement condamnés.
Il pourrait, de plus, s'opposer à toute réunion, avant
qu'il eût été statué sur son admission sauf la voie de
,
plainte au juge-commissaire, autorisée par l'article 466,
et, selon les circonstances, le droit de poursuivre la ré-
Vocation des syndics.

486. — Les jugemens qui ordonnent de surseoir ou


de passer outre, ceux rendus par les tribunaux civils ou
de commerce, sur l'admission provisoire ne sont sus-
,
ceptibles d'aucuns recours, aux termes de l'article 583,
paragraphe 4.

ARTICLE SOI.

Le créancier dont le privilège ou l'hypothèque seule-


ment serait contesté sera admis dans les délibérations de
la faillite comme créancier ordinaire.

SOMMAIRE.

487. Nécessité de combiner cet article avec l'article 508.


— Dis-
tinction entre le droit d'assister à la délibération, et celui
de voter sur le concordat.
488. C'est simplement le droit d'assistance qu'établit l'article 501.
Motifs pour lesquels il est déféré aux créanciers hypo-
thécaires ou privilégiés.
489. Le créancier dont l'hypothèque ou le privilège est contesté,
n'a pas le droit de voter sur le concordat.
II 8
1 I 4 TRAITÉ DES FAILLITES.

490. Si la contestation porte sur la créance, l'hypothécaire est


régi par l'article 499.
491. Dans quel sens faut-il entendre ces mots de l'article 501 :
Sera admis comme créancier ordinaire.

487. — La disposition de cet article ne peut, par


elle-même donner matière à des difficultés sérieuses.
,
Mais il en est autrement, lorsqu'on la rapproche de celle
de l'article 508. Celui-ci, en effet, exclut les créanciers
hypothécaires, privilégiés ou nantis de gages de tout con-
cours au vote sur le concordat, sous peine d'être privés
des effets attachés à l'hypothèque, au privilège ou au nan-
tissement.
Le droit conféré par l'article 501 doit donc, dans l'exé-
cution, être combiné avec l'article 508. Il importe sur-
tout aux créanciers hypothécaires, privilégiés ou gagis-
tes, d'en bien saisir la portée et la nature, pour ne pas
être exposés à se voir ravir, malgré eux des avantages
,
qu'il n'aurait jamais élé dans leur pensée de répudier.
Il faut, en conséquence, distinguer la faculté d'assis-
ter à la délibération du concordat, de celle de voler sur
les propositions qui en font la base.

488. —La première appartient à tous les créanciers


sans distinction des titres qui leur confèrent celle qua-
lité. Ce principe se justifie par l'utilité que la masse peut
puiser dans leur concours individuel. Un créancier pri-
vilégié ou hypothécaire peut être à même comme le
,
simple chirographaire, de fournir des renseignemens
précieux, d'éclairer la discussion par des documensqui
seront en sa possession et de contribuer ainsi à l'ap-
,
ART. 501. 115
préciation exacte de la conduite et des propositions du
failli.
C'est ce droit d'assistance que l'article 501 garantit
aux créanciers dont on conteste l'hypothèque ou le pri-
vilége. Us peuvent le revendiquer, comme ils le pour-
raient si aucune contestation ne s'était élevée. La loi,
,
en effet, n'a exclu , nulle part, les créanciers hypothé-
caires ou chirographaires de la réunion appelée à voler
le concordat. Elle n'a pas dû le faire :
1° Parce que l'interdiction de voter est toutedans leur
intérêt exclusif; qu'il leur est loisible de s'y soustraire,
en se soumettant aux conséquences du vote. Us doivent
donc être présents, pour être à même d'épuiser l'option
qui leur est laissée.
2° Parce que le créancier hypothécaire, notamment,
peut n'avoir dans son hypothèque qu'un litre illusoire,
soit qu'il n'existe pas d'immeubles, soit que le rang de
son inscription lui enlève toute espérance de paiement.
Il est donc alors dans la position d'un créancier ordi-
naire quant à la remise stipulée dans le concordat; et
,
il est permis de croire qu'il n'hésitera pas à prendre part
au vote.
3° Enfin le concordat peut être rejeté et l'union,
,
dans ce cas ayant lieu de plein droit séance tenante,
,
les créanciers hypothécaires et privilégiés ont intérêt à
être présents pour prendre part au vote des mesures que
l'union commande.
Ainsi le créancier hypothécaire ou privilégié droit
a
d'assister comme tel à la réunion. Il assiste
y comme
116 TRAITÉ DES FAILLITES.

créancier ordinaire, si son hypothèque ou son privilège


est contesté.
489. — Mais le droit de voter ne lui appartient dans
aucune de ces hypothèses, et il ne saurait l'exercer sans
être atteint par la pénalité de l'article 508. Il devien-
drait trop facile d'éluder celle-ci, s'il suffisait d'une at-
taque contre le privilège ou l'hypothèque , pour donner
au créancier la faculté que cet article lui refuse , lors-
que ces privilège et hypothèque sont admis sans diffi-
cultés.
Vainement le créancier prétendrait-il que, son hypo-
thèque étant mise en question, il n'a fait en votant que
ce que la possibilité de n'être que simple chirographaire
lui commandait de faire ; et qu'il ne peut être censé avoir
renoncé à un droit dont il poursuivait judiciairement le
maintien. On lui répondrait avec raison que si ce droit
pouvait être douteux pour celui qui le contestait il ne
,
devait pas l'être à ses propres yeux, puisqu'il en soute-
nait la sincérité. Qu'il devait donc se considérer toujours
comme créancier hypothécaire ou privilégié , et agir
comme tel ; qu'il s'est condamné lui-même, en prenant
part à un vote qui lui était prohibé, et qu'il ne saurait
se plaindre de son propre fait dont il a pu d'avance con-
naître et calculer toutes les suites.

490. — Doit-on induire des termes de l'article 501


que les créanciers hypothécaires ou privilégiés ne pour-
raient être provisoirement admis, si la contestation por-
tait sur la créance elle-même ? Evidemment non. L'ar-
ticle 501 crée une hypothèse spéciale qu'il régit sans
ART. 50) 1 17
.
dérogation aux articles précédents. C'est donc à ceux-ci
qu'il faudrait recourir, si la créance était contestée.

491. — U y a en outre entre l'hypothèse de cet


, ,
article et celles de l'article 499 celte différence que, dans
celles-ci, l'admission est provisoire, qu'elle doit être pro-
noncée par justice, tandis que, dans la première, l'ad-
mission est définitive ; qu'elle a lieu de plein droit, sans
qu'il soit besoin de recourir aux tribunaux. Quel que
soit, en effet, le sort de la contestation, la qualité de cré-
ancier ne sera nullement altérée. La quotité de la cré-
ance ne variera pas. La perte des accessoires réclamées
réduira le créancier à la qualité de simple chirographai-
re, et c'est dans ce sens ;que l'article 501 prescrit de
l'admettre comme créancier ordinaire.

ARTICLE 502.

A l'expiration des délais déterminés par les articles


492 et 497 à l'égard des personnes domiciliées en
,
France, il sera passé outre à la formation du concordat
et à toutes les opérations de la faillitesous l'exception
,
portée aux articles 567 et 568, en faveur des créanciers
domiciliés hors du territoire continental de la France.

ARTICLE 503.

A défaut de comparution et affirmation dans les dé-


lais qui leur sont applicables, les défaillants
connus ou
118 TRAITÉ DES FAILLITES.

inconnus ne seront pas compris dans les répartitions à


faire : toutefois, la voie de l'opposition leur sera ouverte
jusqu'à la distribution des deniers inclusivement; les
frais de l'opposition demeureront toujours à leur charge.
Leur opposition ne pourra suspendre l'exécution des
répartitions ordonnancées par le juge-commissaire;
mais s'il est procédé à des répartitions nouvelles, avant
qu'il ait été statué sur leur opposition ils seront com-
,
pris pour la somme qui sera provisoirement déterminée
par le tribunal, et qui sera tenue en réserve jusqu'au
jugement de leur opposition.
S'ils se font ultérieurement reconnaître créanciers, ils
ne pourront rien réclamer sur les répartitions ordon-
nancées par le juge-commissaire ; mais ils auront le
droit de prélever, sur l'actif non encore réparti, les di-
videndes afférents à leurs créances dans les premières
répartitions.

SOMMAIRE.

492. Caractère et objet de l'article 502.


493. Conséquences de l'abrogation des articles 510, 511 et 512
du Code de commerce, par rapport :
1° Aux créanciers domiciliés en France.
494. 2" Aux créanciers domiciliés hors du territoire continental.
495. Caractère de l'article 503.
496. L'expiration des délais pour la vérification, laisse les créan-
ciers en retard de se présenter, sans action pour le rap-
port de l'actif déjà distribué.
ART. S02, 503. 1Î9
497. Mais cette disposition ne s'applique ni aux créanciers étran-
gers qui sont dans les délais de l'article 73 du Code de
procédure, ni aux créanciers contestés.
498. Dans tous les autres cas, la déchéance est de plein droit en-
courue, mais elle n'est relative qu'aux répartitions con-
sommées ou ordonnancées.
499. L'opposition des créanciers aux répartitions se règle par l'é-
poque à laquelle elle est formée.
Première hypothèse, a\ant toute répartition.
500. Deuxième, postérieurement à l'ordonnance du juge-commis-
saire.
501. Troisième, après plusieurs répartitions.
502. Droit des opposants à prélever, avant toute répartition nou-
velle, le dividende déjà distribué.
503. Formes de l'opposition. Les frais autres que les dépens des
contestations qu'elle ferait naître, restent à la charge de
l'opposant.
504. L'opposition étant nécessairement postérieure à la clôlure do
procès-verbal de vérification celui qui l'a formée ne
,
peut être admis à contester les créances vérifiées,
509. Les prescriptions de l'article 503 ne s'appliquent qu'au cas
où la faillite s'est terminée par union.

492. — Le législateur de 1838 a simplifié puissam-


ment la marche de la faillite en abrogeant les articles
510, 514 et 512 du Code de commerce. On sait que
ces articles accordaient un second délai aux créanciers
qui ne s'étaient pas présentés à la vérification ; et que
ce n'était qu'après qu'il était expiré que l'on passait
,
outre à la convocation des créanciers à l'effet de déli-
,
bérer sur le concordat.

493. — De cette abrogation, il résulte :


1° Pour les créanciers domiciliés qu'ils
en France ,
120 TRAITÉ DES FAILLITES.

n'ont plus que le délai prescrit par les paragraphes 1 et


2 de l'article 492 ; et qu'à l'expiration de ce délai, il
est passé outre à la formation du concordat et à toutes
les opérations de la faillite, quel que soit le nombre des
créances vérifiées et admises.
Il est donc, pour eux, de la plus haute importance de
faire leur diligence dans ce délai. Leur négligence pour-
rait leur nuire, d'abord en les privant de participer au
vote sur le concordat ; en second lieu, en rendant obli-
gatoire un concordat lésif que leur présence aurait fait
repousser , en déplaçant la majorité. On sait, en effet,
que cette majorité ne peut être calculée que sur le nom-
bre des créanciers et sur le chiffre des créances admises.
Il est donc certain que si tous les ayants droit avaient ac-
compli cette formalité les adhésions au concordat au-
,
raient dû, par cela même, être plus nombreuses.
Il est bon, d'ailleurs que le traité avec le failli soit
,
l'expression vraie des besoins et de l'intention de la ma-
jorité. L'inaction que s'imposeraient certains créanciers
ne leur nuirait donc pas seulement à eux-mêmes ; elle
pourrait encore léser ceux qui, s'étant opposés à l'admis-
sion des propositions déraisonnables du failli, auraient
trouvé dans leur concours le moyen de les faire rejeter.
L'intérêt général s'unit donc à l'intérêt privé pour
,
faire un devoir à tous ceux qui sont créanciers d'une
faillite de se présenter à la vérification dans le délai re-
quis.
494. — 2° Pour les créanciers domiciliés hors Fran-
ce, la conséquence de l'esprit de la loi était de les lais-
ART. 502, 503 4 24

ser complètement à l'écart, et en dehors de toutes les


opérations de la faillite, quoique les délais qui leur sont
accordés pour la vérification ne fussent pas expirés. On
ne pouvait parvenir à une prompte solution, qu'en leur
imposant le sacrifice d'un droit que leur qualité leur as-
surait, qu'en les condamnant ainsi à subir la loi tracée
par les autres créanciers.
Cette disposition pourrait paraître injuste, si de puis-
santes considérations ne venaient la légitimer. Quant au
droit du législateur, il est incontestable. Le règlement des
faillites intéresse l'ordre public. L'autorité chargée de
veiller à celui-ci trouvait donc dans la mission qui lui'
était confiée, le pouvoir d'intervenir d'une manière effi-
cace dans ce règlement, et d'ordonner toutes les mesu-
res propres à le favoriser. On reconnaîtra sans peine que
la prompte expédition dans lés formalités indispensables
est, sous tous les rapports, un avantage trop considéra-
ble, pour qu'on dût la subordonner à des scrupules pour
un droit, sans utilité réelle, même pour ceux qui peu-
vent le revendiquer et dont le nombre sera, tel, en gé-
,
néral que leur concours aurait été sans influence sur
,
la solution adoptée par les créanciers présents.
De plus, le législateur devait d'abord toute sa protec-
tion aux créanciers nombreux domiciliés en France ; et
en leur laissant la direction exclusive de la faillite , il
obéissait au principe qui, en matière d'assemblées, sub-
ordonne le sort de la minorité à la volonté de la ma-
jorité.
Enfin, le retard occasionné par l'exécution littérale de
l'article 73 du Code de procédure civile, que la justice
422 TRAITÉ DES FAILLITES.

commandait d'appliquer aux créanciers domiciliés hors


France, eut été pour ceux-ci aussi fâcheux que pour les
autres. Que serait devenu pendant ce temps l'actif de la
faillite ? Ne pouvait-il pas dépérir, même entre les mains
de ses administrateurs?
La disposition qui eût consacré ce retard pouvait donc
devenir meurtrière, même pour ceux en faveur desquels
il eut été admis. Il y avait, pour sauvegarder leurs inté-
rêts une mesure beaucoup plus efficace à prendre et
, ,
c'est celle que nous trouvons ordonnée par l'article 502.
Quoique non vérifiées les créances des étrangers sont
,
censées exister réellement, et aucune répartition ne peut
être ordonnancée,, sans que ces créances ne soient com-
prises dans la masse prenante. Or, de deux choses l'u-
ne : si la faillite se termine par l'union , les créanciers
qui n'ont pu concourir à la délibération sont placés sur
la même ligne que tous les autres. Comme eux, ils sont
assurés de leur part, puisque, tant que dure le délai de
la vérification, cette part doit être prélevée sur les som-
mes à répartir ; si un concordat est volé , l'intérêt des
créanciers présents à obtenir les conditions les plus avan-
tageuses garantit suffisamment les droits des créanciers
étrangers auxquels ces conditions seront communes.
C'est cette double considération que dans la session
,
de 1835, faisait parfaitement ressortir le rapporteur de
la loi. « Ce serait souvent, disait M. Raynouard, si on
attendait l'expiration des délais de l'article 73 du Code
de procédure, nuire aux étrangers eux-mêmes, en lais-
sant l'actif, qui est aussi leur gage se détériorer par
,
des lenteurs. La réserve de leur dividende les tiendra
ART. 502, 503. 423
indemnes de toutes pertes ; et si la force des choses met
un obstacle à ce qu'ils figurent dans les opérations du
concordat, ils trouveront une garantie dans l'intérêt per-
sonnel des créanciers présents qui, soumis comme eux
à des conditions égales pour tous, auront pesé et débattu
ces conditions, avant de les accepter pour eux-mêmes. »
On voit par là les inspirations qui ont présidé à l'a-
doption de la loi. Les articles 567 et 568 corrigent ce
que l'article 502 pourrait avoir de trop rigoureux. L'en-
semble de ces dispositions concilie toutes choses.

495. —
L'article 503 réglant une hypothèse relative
au paiement des créances , aurait pu être renvoyé au
chapitre qui traite de la répartition de l'actif. On en fit
même l'obserlion dans la discussion ; mais il fut répon-
du que l'ordre logique voulait qu'il fût maintenu à la
place qu'il occupait. Cet article en effet, n'est que la
,
sanction pénale de la violation des prescriptions relati-
ves à la vérification , et dont il est, par conséquent, le
complément nécessaire.
L'actif, avons-nous dit, n'appartient qu'aux créan-
ciers réels du failli. Il n'y a de créanciers réels que ceux
qui ont fait vérifier et affirmer leurs titres. Il n'y a de
créances certaines que celles qui ont été admises. Con-
séquemment, les premiers, seuls, doivent être appelés à
la délibération du concordat ; si le rejet de celui-ci amè-
ne une répartition, les dernières seules ont droit d'y con-
courir, quelles que soient les énonciations du bilan .Voilà
le principe consacré par l'article 503.

496. — L'intérêt des créanciers à utiliser les délais


424 TRAITÉ DES FAILLITES.

pour la vérification , en devient beaucoup plus urgent.


L'actif, en effet, peut être d'une nature telle, qu'il a pu
être totalement réalisé et qu'une seule répartition en
,
comprenne l'intégralité. Or, celte hypothèse se réalisant,
les créanciers retardaires seraient définitivement déchus
de tous leurs droits. En effet, ce qui s'est réalisé pendant
leur absence est définitif. Ils ne pourraient ni rechercher
les créanciers qui ont touché, ni les contraindre à rap-
porter tout ou partie des sommes reçues.
Cette disposition peut d'autant moins être taxée de sé-
vérité que des mises en demeure réitérées provoquent
,
les créanciers à se présenter à l'affirmation ; que dès
,
lors leur inaction prend un caractère tel qu'on peut
,
présumer qu'ils se reconnaissent sans qualité et sans
droits dans la faillite. La loi a dû le supposer ainsi jus-
qu'à manifestation d'une prétention contraire. Pouvait-
elle se montrer plus jalouse des droits des créanciers,
qu'ils ne le sont eux-mêmes ? Devait-elle conférer un
droit qu'ils ne demandent même pas ? Evidemment non.
Ce qu'elle devait faire, c'était de laisser à chacun la res-
ponsabilité des conséquences que peut entraîner une in-
concevable négligence.

497. — De ce que le législateur n'a dû ni pu punir


que la négligence, il suit :
4° Que la disposition de l'article 503 n'est applicable
aux créanciers étrangers qu'après l'expiration des délais
de l'article 73 du Code de procédure. C'est précisément
parce que tant que les délais courent, ils sont censés
,
n'avoir pu légalement se présenter, que la part leur re-
ART. 502, 503. 425
venant dans les répartitions doit être mise en réserve.
Mais l'échéance des délais, sans qu'ils aient fait leur
diligence, les constitue en état de négligence, et les range
sous le coup de la disposition entière de l'article 503.
En conséquence, non-seulement il n'y a pas lieu de leur
réserver une part quelconque dans les répartitions ul-
térieures, mais celle qui, dans les précédentes,, leur était
réservée, doit être comprise dans les sommes à distribuer.
2° Que les créanciers dont les titres sont contestés doi-
vent être compris dans les répartitions pour la totalité
de leur créance sauf à ne délivrer le dividende qu'en
,
proportion des droits consacrés par le jugement défini-
tif. On ne pourrait en effet rendre des créanciers sérieux
victimes d'une contestation qui s'est opposée à l'admis-
sion par eux réclamée, ni les exposer à perdre une par-
tie de ce qu'ils doivent légitimement toucher même
,
après qu'ils auront fait rejeter la contestation, car ce re-
jet pourrait ne se réaliser qu'après plusieurs répartitions.
Il est donc juste que dans chacune d'elles on mette en
réserve le dividende afférent à la créance totale. Si celle-
ci est en définitive réduite une part proportionnelle de
,
ce dividende sera retenue pour le compte de la masse.

498. — Dans tous les autres cas le créancier en


,
retard de se présenter est déchu de toute participation à
la répartition de l'actif. Celte déchéance est encourue de
plein droit, sans qu'il soit besoin de la faire prononcer
par justice ('). Mais elle n'est pas absolue, en ce sens

(') Pardessus, n° 118S.


428 TRAITÉ DES FAILLITES.

qu'elle n'enlève pas le droit de se faire admettre plus


tard. Elle ne s'applique qu'aux répartitions consommées
ou simplement ordonnancées au moment où l'admission
est poursuivie. Il n'était pas, en effet, de l'essence d'une
loi sur les faillites de créer des forclusions générales et
définitives. Ainsi, les retardaires peuvent se présenter à
toute époque, et former opposition à la répartition jus-
qu'à la délivrance des deniers inclusivement. L'effet de
cette opposition se détermine par l'époque qui la voit se
réaliser.
499. — 1° L'opposition est faite avant toute répar-
tition. L'opposant est de plein droit admis à concourir à
tout ce qui s'est réalisé plus tard. Si une distribution
était ordonnancée avant que son opposition fût jugée, il
serait procédé à son égard de la manière que nous ve-
nons d'établir pour les créanciers contestés.
500. —
2° L'opposition est postérieure à l'ordon-
nance du juge qui détermine une répartition. Dans ce
cas, l'opposition n'arrête pas l'exécution de l'ordonnan-
ce. Les décisions rendues par le juge-commissaire sur
cette matière sont insusceptibles de recours. Elles doivent
en outre fixer la quotité du dividende. Or, pour établir
cette quotité, le juge a nécessairement pris pour base le
chiffre de la somme à distribuer, et celui des créances
admises. Il faudrait donc, si ce dernier s'augmentait a-
près coup diminuer proportionnellement le dividende
,
primitivement fixé, et conséquemment annuler l'ordon-
nance rendue , ou tout au moins lui en substituer une
nouvelle.
ART. 502, 503. 427

Il n'y aurait donc jamais rien de certain, même en


matière de répartitions, s'il fallait sans cesse, au gré de
créanciers coupables de négligence , modifier ce qui a
été fait par le juge. Que d'embarras surgiraient dans la
liquidation ! Que d'entraves sans cesse renaissantes I
Aussi, la loi n'a-t-elle pas hésité entre les droits en souf-
france et ceux qui ont eu le tort de se manifester bien
tard. La répartition ordonnancée se continuera sur les
bases déterminées. Le tort qui pourra en résulter pour
les retardataires, n'étant qu'une conséquence de leur né-
gligence il était rationnel de leur en laisser subir la
,
chance plutôt que de rendre les créanciers diligents,
,
victimes d'un fait qui leur est étranger.
Les créanciers opposants n'ont donc aucuns droits aux
répartitions ordonnancées avant leur opposition ; mais
ils doivent de plein droit compter dans celles qui pour-
ront se réaliser plus tard.
Si au moment où elles s'ouvrent il n'avait pas encore
été statué sur l'opposition, le tribunal arbitrera la som-
me qui doit être prélevée sur celles à distribuer. Cette
somme sera tenue en réserve jusqu'au jugement. Elle
doit, pour se conformer à l'esprit de la loi, représenter
non-seulement le dividende qu'il s'agit de délivrer ac-
tuellement, mais encore celui que l'opposant aurait pris
dans la précédente répartition (').
501. — 3° Enfin l'opposition ne vient qu'après plu-
sieurs répartitions consommées. Les opposants n'ont,
dans ce cas, rien à réclamer des autres créanciers, alors

.(') V. înfràn°5oa.
428 TRAITÉ DES FAILLITES.

même que l'actif aurait été intégralement épuisé. La né-


gligence est une faute, et, plus elle se prolonge, plus les
conséquences s'en aggravent. Quelles qu'elles soient,
c'est à celui qui n'a pas voulu les prévenir, à les subir.
Si l'actif n'a pas été épuisé, les créanciers opposants sont
admis à la répartition de ce qui reste à distribuer.

502. — Dans les deux dernières hypothèses, les op-


posants sont autorisés à prendre , dans les distributions
auxquelles ils participent, non-seulement un dividende
égal à celui des autres créanciers, mais encore à préle-
ver sur les sommes à partager une part représentant celle
déjà reçue par ces derniers.
Cette prescription est une innovation à ce qui se pra-
tiquait sous l'empire du Code précédent. L'article 513
de celui-ci déclarait les créanciers en retard définitive-
ment déchus du dividende qu'ils auraient pris dans les
distributions réalisées pendant leur absence. De telle sorte
qu'on arrivait à ce résultat : que, dans une faillite, des
créanciers pouvaient toucher quarante ou cinquante pour
cent tandis que d'autres n'en recevaient que cinq ou
,
dix. Aussi, ne doit-on pas être étonné de l'opposition
que cette disposition souleva , soit auprès des cours et
tribunaux de l'empire, soit dans le conseil d'Etat.
La plupart des opinions recueillies admettaient la
déchéance, vis-à-vis des créanciers payés avant l'oppo-
sition, en ce sens que ceux-ci ne pourraient, dans aucun
cas, être tenus à rapporter ce qu'ils avaient reçu. La né-
gligence des autres sera assez punie disait-on par la
, ,
chance qu'ils courent de ne rien recevoir, si, au moment
ART. 502, 503 429
de leur opposition, il ne reste plus rien à distribuer, ou
si ce qui reste est insuffisant pour leur faire obtenir un
dividende égal à celui que les autres ont retiré. Vouloir
davantage c'est vouloir consacrer une injustice , c'est
,
blesser l'égalité avec d'autant moins de raison que les
,
causes qui ont empêché le créancier de se présenter plus
tôt, peuvent ne provenir que d'une impossibilité réelle ;
et, dans ce cas, l'équité exige que, tout en respectant ce
qui a été fait en son absence on l'assimile aux autres
,
créanciers, en lui permettant de prélever sur ce qui res-
te, une part égale à celle que les autres ont déjà reçue (')..
Ces observations donnèrent naissance à un amende-
ment en ce sens. Mais il fut rejeté sous le prétexte que
son admission était la suppression de l'article 513. Cet
article, disait-on tend à stimuler les créanciers en re-
,
tard ; cependant, loin d'opérer cet effet, il donnerait, au
contraire, aux créanciers négligens, l'avantage de rece-
voir leur créance en un seul paiement ; il pourrait mê-
me en résulter qu'ils absorberaient en entier le reste de
l'actif, et que, par là, les créanciers qui se sont empres-
sés à conserver le gage commun se trouveraient dé-
,
chus (2).
Mais, ces motifs ne présentent au fond rien de solide.
La déchéance prononcée par l'article 513 pouvait fort
bien se concilier avec l'amendement, et les inconvéniens
signalés n'en sont pas à vrai dire. Aussi, doit-on ap-
,

( ) Locré Observations des cours et tribunaux , tom. 6, pag. 297


,
et suiv.
(') Procès-verbaux du conseil d'Etat, 5îme séance, n° 58,
II 9.
4 30 TRAITÉ DES FAILLITES.

plaudir le nouveau législateur d'être revenu sur la réso-


lution consacrée par ses prédécesseurs ; et l'on ne peut
ne pas reconnaître que sa disposition a gagné en justice
ce qu'elle a perdu sous le rapport de la sévérité.
;
Ainsi, à l'avenir, si un créancier ne se présente qu'a-
près l'épuisement de la masse, il n'aura rien à recevoir.
Mais si, au moment de son opposition, il reste une par-
tie quelconque de l'actif, il sera admis, dut-il l'absorber,
à prélever, avant toute distribution nouvelle une part
,
égale à celle déjà reçue par les autres ; l'insuffisance,
s'il y en a, restant toujours à sa charge.

505. — L'opposition n'a pas besoin d'être introduite


et jugée comme une action ordinaire. Il suffit que le
créancier dénonce sa qualité au juge-commissaire et aux
syndics, et qu'il requière la vérification de sa créance (').
Celte vérification a lieu en la forme ordinaire. Les frais
de l'opposition et du procès-verbal de vérification et
d'affirmation restent à la charge de l'opposant. Mais les
dépens auxquels pourrait donner lieu la contestation qui
serait faite, continueraient à être supportés par la partie
qui succomberait.

504. — Nous avons déjà dit que la faculté de con-


tester les créances même admises ne peut être exercée

que jusqu'à la clôture du procès-verbal. Ce principe re-


çoit son application à l'enconfre des créanciers oppo-
sants. Il en résulte que cette opposition étant nécessai-
rement postérieure à la clôture les créanciers qui l'ont
,

(') Pardessus, n° u88.


ART. 502, 503. 434
formée sont privés du droit de contester les autres cré-
ances. C'est là une nouvelle conséquence de leur négli-
gence.

505. — La déchéance prononcée par l'article 503


ne peut être encourue que lorsque la faillite s'est ter-
minée par union. Le concordat n'a d'autre effet en fa-
veur du failli que d'obliger tous les créanciers à suppor-
ter la remise consacrée par la majorité ; à quelque épo-
que donc que chacun d'eux se présente aucun doute
,
ne pourrait s'élever sur leur droit. Ils ne peuvent de-
mander plus que le dividende stipulé ; ils ne peuvent ja-
mais recevoir moins.

CHAPITRE IV.

DU CONCORDAT ET DE L'UNION.

SECTION PREMIÈRE.

DE LA CONVOCATION ET DE L'ASSEMBLÉE DES CRÉANCIERS.

ARTICLE 504.
Dans les trois jours qui suivront les délais prescrits
pour l'affirmation, le juge-commissaire fera convoquer,
par le greffier, à l'effet de délibérer sur la formation du
4 32 TRAITÉ DES FAILLITES.

concordat, les créanciers dont les créances auront été

vérifiées et affirmées, ou admises par provision. Les in-


sertions dans les journaux et les lettres de convocation
indiqueront l'objet de l'assemblée.

ARTICLE 505.
Aux lieu, jour et heure qui seront fixés par le juge-
commissaire, l'assemblée se formera sous sa présiden-
ce ; les créanciers vérifiés et affirmés , ou admis par
provision s'y présenteront en personne ou par fondés
,
de pouvoirs.
Le failli sera appelé à cette assemblée ; il devra s'y
présenter en personne, s'il a été dispensé de la mise en
dépôt, ou s'il a obtenu un sauf-conduit, et il ne pourra
s'y faire représenter que pour des motifs valables et ap-
prouvés par le juge-commissaire.

ARTICLE 506.
Les syndics feront à l'assemblée un rapport sur l'état
delà faillite, sur les formalités qui auront été remplies
et les opérations qui auront eu lieu ; le failli sera en-
tendu.
Le rapport des syndics sera remis signé d'eux au
, ,
juge-commissaire qui dressera procès-verbal de ce qui
,
aura été dit et décidé dans l'assemblée.
ART 504, 505, 50(5. ^3
SOMMAIRE.

506. Importance du concordat. — Différence entre ses effets et


ceux de l'union.
507. Avantage qu'il présente pour les créanciers. — Conséquence
quant à la remise de la dette.
508. Précautions que la loi a dû prendre pour en assurer la sin-
cérité.
509. Convocation des créanciers dans les trois jours de l'expira-
tion du délai delà vérification. — Quel est le point de
départ de ces trois jours.
510. Cette convocation doit être faite d'ordre du commissaire. —
Motifs qui l'ont fait ordonner ainsi.
511 .* Mode adopté pour cette convocation. — Fixation du jour de
la réunion.
512. Composition de l'assemblée.
513. Obligation des syndics d'y appeler le failli. — Intérêt de
celui-ci à s'y rendre.
514. Chaque créancier a le droit de se faire représenter ; le failli
ne le peut, que si les causes d'empêchement sont jugées
valables.
515. La délibération est précédée de la lecture du rapport des
syndics. — Le failli est ensuite entendu.
516. Motifs pour lesquels la loi a exigé un rapport écrit et signé.
Action des créanciers contre les syndics qui auraient fait
un faux rapport en faveur du failli.
617. Pourrait-on, dans ce cas, faire annuler le concordat?
518. Le rapport doit être annexé au procès-verbal, et déposé au
greffe.
519. Le failli absent et non représenté, ne peut obtenir un con-
cordat.
520. Il en serait de même, si les propositions faites par lui étaient
simplement orales.
521. Mais non, si elles étaient écrites.
— Vérité de cette opinion
depuis la loi nouvelle.
522. Pouvoirs dont le mandataire du failli doit être revêtu.
4 34 TRAITE DES FAILLITES.

506. — La période dans laquelle nous entrons est,


sans contredit, de toutes celles de la faillite, la plus im-
portante. La conduite du failli va être, enfin, souverai-
nement appréciée par ses créanciers ; le mode de liqui-
dation définitivement fixé ; l'intérêt qui s'attache à cette
double décision se fait plus particulièrement sentir, en
,
ce qui concerne le failli dont l'avenir entier est puissam-
ment engagé à l'issue qu'elle va recevoir.
L'union, en effet, le dépouille de toutes ses ressour-
ces l'exproprie de tous ses biens. Il ne peut désormais
,
se livrer avec sécurité à une industrie quelconque ; car
tout ce qu'il acquerra par la suite deviendra immédiate-
ment le gage de ses créanciers. Ainsi privé de tous
,
moyens , pour toujours plié sous le poids de ses dettes,
comment pourra-t-il atteindre celle mesure si désira-
ble, qui doit le relever de toutes les incapacités, la réha-
bilitation ?
Le concordat, au contraire, comme on l'a si bien dit,
est un premier pas vers celle-ci. Son acceptation entrai-
ne, en effet, avec elle, l'idée de la bonne foi du failli,
la présomption que sa conduite a été exemple de fraude.
De plus, en le replaçant à la tête de ses affaires, elle le
met à même de continuer son commerce, et de trouver,
dans des chances plus heureuses, l'occasion de désinté-
resser tous ses créanciers..Enfin, et dans tous les cas,
elle assure sa tranquillité future, puisque, payé que soit
le dividende qu'il a promis il n'y a plus pour lui, à
,
l'égard des créanciers d'autres liens que ceux que sa
,
conscience lui impose.
ART. 504. 503, 506. 135
507. — Pour les créanciers eux-mêmes, le concor-
dat présente cet avantage qu'ils sont dispensés de courir
les chances d'une liquidation le plus souvent sans ré-
,
sultats heureux, et de retirer à des époques rapprochées
une partie plus ou moins considérable de leur créance.
Mais il produit cet effet remarquable que la majorité
,
impose sa volonté à tous les intéressés même à ceux
,
qui ont refusé un vote favorable. Ainsi un créancier
,
légitime se voit contraint, malgré lui, à abandonner une
partie des droits que ses titres et le droit commun lui
conféraient.

508. — Sous ce dernier rapport surtout, il impor-


tait de prendre toutes les précautions nécessaires pour
,
que la volonté exprimée fût sérieuse, sincère, dégagée de
toutes idées d'intérêt personnel et exclusif. Il fallait em-
pêcher que cet acte ne devînt un instrument de spolia-
tion, un encouragement à la fraude. La solennité des
formes pouvait conduire à ce résultat, et c'est dans cet
objet que notre législation a si soigneusement prescit les
conditions au prix desquelles elle rend le concordat obli-
gatoire.

509. — Le concordat doit être voté par l'assemblée


générale des créanciers, de la composition de laquelle
la loi s'occupe d'abord. A cet effet, et dans les trois jours
qui suivent les délais de l'affirmation, tous les créanciers
qui ont subi cette épreuve et qui ont affirmé leurs cré-
ances, doivent être convoqués.
Lé délai dont parle notre article doit être calculé à
partir de l'expiration de la huitaine accordée au créan-
436 TRAITÉ DES FAILLITES.

cier dernier vérifiée pour l'affirmation de sa créance. Ce


n'est qu'après l'expiration de cette huitaine que les dé-
lais de la vérification sont réellement consommés, et que
celui de trois jours accordés pour la convocation com-
mence à courir.
510. — C'est le juge-commissaire que la loi charge
de cette convocation. Le Code précédent en avait remis
le soin aux syndics. L'abrogation de celte disposition a
eu pour objet de garantir à tous le droit d'être nomina-
tivement appelés. L'impartialité du magistrat est un gage
certain qu'il n'y aura aucune omission volontaire; et
les syndics ne pouvant plus selon leurs dispositions
,
personnelles, laisser à l'écart ceux dont ils craindraient
l'opposition, n'exerceront sur la délibération d'autre in-
fluence que celle qu'ils puisent dans leur position et
dans la parfaite connaissance des affaires qui en est la
conséquence.
5îi.— La loi prescrit pour cette convocation le
même mode que pour les précédentes, c'est-à-dire, let-
tres individuelles par le greffier et insertion dans les
journaux. Mais celle-ci n'a pas, dans la circonstance ac-
tuelle le même objet que dans les autres c'est-à-dire
, ,
celui d'appeler les créanciers inconnus. Il est évident,
en effet, qu'en supposant qu'il en existe encore, il serait
inutile de les mettre en demeure puisqu'ils ne pour-
,
raient assister à la réunion, alors même qu'ils s'y pré-
senteraient. Le concordat ne peut être délibéré que par
les créanciers admis après vérification. Eux seuls doivent
être convoqués. L'insertion de l'avis dans les journaux
ART. 504, 505/506. 437

ne peut avoir qu'un seul but, à savoir : réparer les omis-


sions involontaires que le greffier pourrait commettre à
l'encontre d'un ou de plusieurs créanciers.
L'insertion dans les journaux comme les lettres de
,
convocation, doit annoncer l'objet de la réunion. Le jour
de celle-ci est fixé par le juge-commissaire. Ce magis-
trat doit, dans cette fixation , avoir égard à la volonté
de la loi, qui est de terminer le plus promptement pos-
sible. Or, il est à peu près certain que les créanciers é-
loignés du siège de la faillite auront choisi un manda-
taire sur la localité, et que conséquemment rien ne s'op-
posera à ce que le jour de la réunion suive de près ce-
lui de la convocation. Cependant, comme les pouvoirs
donnés pour la vérification peuvent être, insuffisants,
comme des créanciers domiciliés dans les communes plus
ou moins voisines peuvent avoir procédé en personne,
il convient d'accorder le temps moral, pour que chacun
d'eux puisse se présenter, ou pour que de nouveaux pou-
voirs soient transmis.
Au reste sur ce point, le juge a pour guide certain
,
.le procès-verbal de vérification qui énonce, non-seule-
ment le domicile réel du créancier, mais encore celui du
mandataire, s'il en existe. Dans ce cas encore, la pro-
curation se trouvant annexée, il est facile de calculer les
exigences qui peuvent en naître.

512. — Aux jour, lieu et heure indiqués, l'assem-


blée se forme sous la présidence du juge-commissaire.
Elle se compose en général de tous les créanciers vérifiés
4 38 TRAITÉ DES FAILLITES.

et admis, sauf la disposition de l'article 508, en ce qui


concerne les hypothécaires ou privilégiés.
Les créanciers contestés mais provisoirement admis
,
pour une quotité quelconque, sont, jusqu'à due concur-
rence , à l'instar des créanciers définitivement admis.
Comme eux ils ont le droit d'assister à la réunion et
,
de prendre part au vote.

513. — La présence du failli est indispensable, puis-


que c'est sur ses propositions qu'il doit être statué, et que
les modifications volées par les créanciers ne sont vala-
bles qu'autant qu'elles seraient régulièrement acceptées
par lui. Lés syndics doivent donc judiciairement l'appe-
ler à la réunion.
Sur cet appel ,vle failli est tenu de comparaître et il
,
doit s'empresser de le faire. Le concordat est une véri-
table conciliation que la présence du failli et ses explica-
tions peuvent plus facilement déterminer. II est donc du
plus haut intérêt pour lui de profiter du droit que la loi
lui accorde, et de venir en personne convaincre les cré-
anciers de sa bonne foi et de la sincérité des malheurs
qui ont déterminé sa faillite. Mais l'exercice de ce droit
est purement facultatif, et l'absence du failli n'est, dans
aucun cas , un obstacle à ce qu'il soit immédiatement
passé outre à la délibération.
Seulement cette absence peut avoir pour le failli les
plus graves conséquences. Elle jette sur sa conduite un
vernis de mauvaise foi; Elle fait présumer la fraude (').

(') V. infrà art. 586.


ART. 504, 505, 506. 439
Le simple bon sens lui fait donc un devoir impérieux de
prévenir par sa présence une éventualité de cette na-
ture.
514. — Chaque créancier a le droit de se faire re-
présenter à l'assemblée par un fondé de pouvoirs. Mais
cette faculté n'est accordée au failli , que si les motifs
qui l'empêchent de comparaître sont déclarés valables et
approuvés par le juge-commissaire ('). A défaut, son
mandataire ne serait pas admis à la réunion.

515. — L'assemblée ainsi constituée, la délibération


s'ouvre par le rapport des syndics sur l'état de la fail-
lite. Le vote des créanciers doit être l'expression exacte
de la connaissance que chacun d'eux a des circonstances
et des causes de la faillite. Ce vote est un véritable juge-
ment sur la conduite du failli ; il était donc indispen-
sable de le faire précéder d'un exposé sincère des forma-
lités remplies, des opérations qui ont eu lieu ; enfin, de
tout ce qui peut être utile à l'appréciation de la nature
de la faillite.
C'est ce caractère de jugement imprimé à la délibéra-
tion, qui a motivé la disposition de l'article 506, portant
que le failli sera entendu. C'est surtout dans celle cir-
constance que se manifeste l'intérêt qu'a celui-ci à as-
sister à la délibération. Il est incontestable que le rapport
des syndics exercera la plus grande influence sur la dé-
termination des créanciers. Or, ce rapport pourrait être
inexact, exagéré, contraire à la vérité. Il resterait cepen-

(') V. suprà art, ^j5.


440 TRAITÉ DES FAILLITES.

dant sans contradiction si le failli ne se mettait pas à


,
même d'éclairer la religion des créanciers, et de rétablir
les faits sciemment ou involontairement dénaturés.
La disposition de la loi qui appelle le failli, est donc
pour lui toute de protection. Il ne doit pas être condam-
né, sans avoir été défendu. C'est donc à lui à profiler
de cette protection que l'équité commandait et que l'hu-
manité avoue.

516. — Après avoir veillé ainsi à ce que la posi-


tion du failli exige, la loi s'occupe des créanciers. On a
vu quelquefois des syndics, par une collusion coupable
avec le failli, tromper les créanciers par un faux exposé,
et les amènera consentir un concordat dont l'obtention
leur était payée par des traités particuliers, s'ils étaient
créanciers ; par d'autres faveurs, s'ils ne l'étaient pas.
Sous le Code de commerce cet abus était fort diffi-
,
cile à réprimer. Le rapport des syndics ne laissant au-
cune trace,il était impossible de les convaincre d'inexac-
titude, alors même que celle-ci se manifestait plus tard
aux parties intéressées.
La loi nouvelle rend cet abus moins à craindre. Elle
en prépare, dans tous les cas, la répression, par le de-
voir qu'elle impose aux syndics de rédiger leur rapport
par écrit, et de le remettre signé entre les mains du juge-
commissaire. Comme tous les autres actes d'administra-
tion, ce rapport engage la responsabilité des syndics; et
si, après le concordat, il était prouvé que les syndics ont
sciemment altéré la vérité en faveur du failli les cré-
,
anciers auraient le droit d'obtenir contre eux personnel-
ART. 504, 505, 506. 4 41

lement la réparation du préjudice que celle forfaiture a


pu leur causer sauf au ministère public à poursuivre
,
lui-même en vertu des articles 596 et 597, dans l'inté-
rêt de la vindicte publique.

517. — Les créanciers seraient-ils en droit d'obte-


nir en outre la nullité du concordat? Oui, s'il était
, ,
prouvé que le failli a directement concouru aux moyens
à l'aide desquels les créanciers ont été induits en erreur,
comme si, par exemple, les termes du rapport ont été
préparés entre lui et les syndics.
Mais si le failli s'est borné, sur la promesse de ceux-
ci de le faire concorder à signer un traité dans lequel
,
il s'est engagé à leur payer le montant intégral de leur
créance, ou telle autre somme convenue le concordat,
,
fruit du faux rapport, continuerait à être exécuté.
Cette opinion peut paraître spécieuse, et la distinction
sur laquelle elle repose, subtile. On pourrait, *'en effet,
soutenir que, dans l'un et l'autre cas le failli s'est as-
,
socié à la fraude des syndics, qu'il en a assumé la com-
plicité et que s'il ne doit pas en partager la peine ma-
,
térielle il serait au moins immoral de lui en accorder
,
le bénéfice. Mais cette objection nous paraît repoussée
par l'esprit de la loi.
Ainsi, l'article 597 punit d'une peine corporelle le
créancier dont l'adhésion au concordat a été la consé-
quence d'un traité particulier. Or, le concours du failli
à ce traité est indispensable et il est certain qu'en le
,
signant, il ne peut en ignorer le but. Cependant l'arti-
.
cle 597 affranchit le failli de toute peine.
4 42 TRAITÉ DES FAILLITES

L'acceptation du traité par celui-ci ne constitue donc


ni délit ni contravention. Pour l'admettre ainsi, la loi
ne s'est préoccupée que de la question intentionnelle;
elle a pensé que la position du failli, le mettant en quel-
que sorte à la discrétion de ses créanciers , ne lui per-
mettait pas de se soustraire aux exigences dont ils peu-
vent l'assaillir et de résister d'une manière absolue à
,
leurs prétentions.
Or si, dans ce cas la présomption d'une contrainte
,
morale affranchit de tout reproche le failli qui a connu
les conséquences de son fait, les moyens qui devaient
servir à la fraude comment déciderait-on autrement,
,
lorsque la contrainte étant exercée par les syndics, il en
a subi l'influence , sans connaître même le mode que
ceux-ci emploieraient pour lui faire obtenir le concordat
promis?
Le fait en lui-même n'est donc pour le failli d'aucune
conséquence. La faute en reste tout entière aux syndics
qui ont abusé de leur position des fonctions qui leur
,
avaient été confiées. Ayant calculé seuls les moyens de
consommer la fraude, ils doivent seuls en supporter toute
la responsabilité.
Nous avons donc raison de dire que le failli qui n'a
cédé qu'à une promesse vague de concordat, ne saurait
être puni d'une manière quelconque d'un fait innocent
aux yeux de la loi ; qu'on ne saurait donc faire annuler
le traité intervenu sur un faux rapport, que s'il s'est ac-
tivement associé à la fraude que s'il a participé à sa
,
consommation. Mais si, pour lui, tout s'est réduit à l'ac-
ceptation d'un traité particulier les créanciers n'auront
,
ART. 504, 505, 506. 4 43

recours que contre les syndics, qui seront personnelle-


ment tenus des dommages-intérêts qu'ils ont le droit de
réclamer.

518. — Le rapport des syndics après avoir été lu


,
aux créanciers, doit être, séance tenante, remis au juge-
commissaire. La loi n'indique pas d'une manière for-
melle la destination que ce magistrat doit lui donner.
Mais, il est évident, par ce qui précède, qu'il doit le dé-
poser au greffe du tribunal. Le but que le législateur
s'est proposé, en exigeant un rapport écrit et signé, se-
rait complètement manqué, si ce rapport n'était pas con-
servé à la disposition des créanciers. Comment espère-
rait-on convaincre les syndics, si l'écrit qui les con-
damne était susceptible de se perdre dans le domicile
du juge-commissaire ?
Ce magistrat doit donc annexer le rapport des syn-
dics au procès-verbal de la séance qu'il est tenu de ré-
diger. Le tout est ensuite déposé dans les archives du
greffe où les créanciers pourront en prendre expédi-
,
tion, le cas échéant.

519. — Immédiatement après le rapport, il est pro-


cédé à l'appréciation des propositions faites par le failli.'
Si celui-ci est absent, et non représenté par un fondé
de pouvoirs, pourrait-il intervenir un concordat ?
L'affirmative nous paraît inadmissible. Le concordat
est une convention synallagmatique qui exige, pour sa
perfection, le consentement réciproque de tous les inté-
ressés. L'absence absolue du failli rend l'accomplisse-
4 44 TRAITÉ DES FAILLITES,

ment de cette condition impossible. En cet état, le con-


cordat signé par les créanciers serait illusoire, car il dé-
pendrait du failli de l'exécuter ou non, selon qu'il le ju-
gerait convenable.
De plus le concordat doit, à peine de nullité être
, ,
signé, séance tenante. L'impossibilité d'obtenir la signa-
ture du failli frapperait donc d'une impuissance absolue
tout traité intervenu en son absence, et sans sa partici-
pation.
L'absence du failli rendrait donc l'union des créan-
ciers inévitable, avec d'autant plus de raisons que le con-
cordat est une faveur qui mérite d'être recherchée et
,
qu'on ne doit jamais conférer à celui qui, par sa con-
duite, parait vouloir la répudier.

520. — En serait-il autrement, si le failli non com-


paraissant avait fait des propositions ? Non, si ces pro-
positions étaient purement verbales ; car il n'existerait
aucun lien de droit contre le failli. Il lui suffirait, pour
annuler le concordat, de dénier les engagemens qui n'au-
raient pas d'autres bases que sa parole.

521.
— Mais si les propositions avaient été écrites
et signées par le failli, rien ne s'opposerait à ce qu'elles
fussent adoptées. L'acceptation des créanciers rendrait
l'engagement proposé définitif et obligatoire.
Cette opinion était professée par M. Locré, sous l'em-
pire du Code ("). Mais nous croyons qu'à celte époque

(') Esprit du Code de commerce, art. 5^6.


ART. 504, 505, 506. 4 45
M. Locré se trompait. Cette opinion n'est devenue vraie
que depuis la loi nouvelle. Il était, en effet, reconnu par
la législation de \ 807, que le banqueroutier simple ne
pouvait concorder. Or, l'absence du failli à la délibéra-
tion constituait la banqueroute simple. Elle était donc
un obstacle invincible à tout traité.
Aujourd'hui, cette absence produirait encore il est
,
vrai le même résultat ; mais il est à remarquer que le
failli, même condamné pour banqueroute simple, n'est
pas privé de la faculté de concorder. A plus forte raison
ne pourrait-il l'être, tant qu'il ne serait que présumé
banqueroutier simple.
Il pourrait donc faire, quoique absent, des proposi-
tions par écrit, et celles-ci pourraient être sanctionnées
par les créanciers, Mais on comprend que cette sanction
devrait être pure et simple. La moindre modification ne
serait obligatoire qu'après avoir été formellement adoptée
par le failli.

522. — Si le failli a obtenu le pouvoir de se faire


représenter, il est essentiel que la procuration donnée à
son mandataire soit de nature à autoriser celui-ci à trai-
ter, sans être obligé, à chaque modification, d'en réfé-
rer à son mandant. Cette nécessité serait dans le cas de
rendre le concordat impossible, en empêchant qu'il fût
signé séance tenante, comme le veut la loi.

H 10
446 TRAITÉ DES FAILLITES.

SECTION II.

DU CONCORDAT.

De la formation du concordai.

ARTICLE 507.

Il ne pourra être consenti de traité entre les créan-


ciers délibérants et le débiteur failli, qu'après l'accom-
plissement des formalités ci-dessus prescrites.
Cetraité ne s'établira que par le concours d'un nom-
bre de créanciers formant la majorité et représentant,
en outre, les trois quarts de la totalité des créances vé-
rifiées et .affirmées ou admises par provision confor-
, ,
mément à la section V du chapitre V ; le tout à peine
de nullité.

ARTICLE 508.

Les créanciers hypothécaires inscrits ou dispensés


d'inscriptions, et les créanciers privilégiés ou nantis d'un
gage, n'auront pas voix dans les opérations relatives au
concordat pour lesdiles créances, et elles n'y seront
ART. 507. 508, 509. 4 47
comptées que s'ils renoncent à leurs hypothèques, gages

ou privilèges.
Le vole au concordat emportera de plein droit celte
renonciation.

ARTICLE 509.

Le concordat sera à peine de nullité signé séance


, ,
tenante. S'il est consenti seulement par la majorité en
nombre, ou par la majorité des trois quarts en somme,
la délibération sera remise à huitaine pour tout délai ;
dans ce cas, les résolutions prises et les adhésions don-
nées lors de la première assemblée demeureront sans
effet.

SOMMAIRE.

523. Ces articles déterminent les conditions relatives à l'époque


du concordat, à la majorité qui doit le consacrer, au mo-
de de délibération à suivre.
524. Le concordat ne peut intervenir qu'après l'accomplissement
des formalités prescrites par les articles précédents.
525. Différence dans les effets entre le concordat et les traités que
le débiteur en déconfiture peut faire avec ses créanciers.
526. Ceux-ci ne sont valables que s'ils réunissent l'unanimité, et
s'ils interviennent avant la déclaration de faillite.
526 bis. Après la déclaration judiciaire de la faillite, peut-il inter-
venir un traité autre que le concordat.
527. Quelle majorité doit réunir le concordat ?
— Système de
l'ordonnance de 4673. — Conséquences.
528. Motifs qui déterminèrent le législateur de 4807 à exiger do
plus la majorité en nombre.
4 48 TRAITÉ DES FAILLITES.

529. Il n'y a de concordat valable que celui qui réunit la majorité


en nombre et en sommes.
530. Comment se calcule la première. Est-ce sur le nombre des
créanciers admis, ou sur celui des présents à la délibé-
ration?
531. Ne sont pas considérés comme présents les créanciers do-
miciliés hors France malgré qu'ils soient encore dans
,
les délais de la vérification.
532. Ni les créanciers hypothécaires, quant aux créances garan-
ties par l'hypothèque et les privilégiés pour celles af-
,
fectées à leur privilège.
533. Chaque créancier ne peut compter que pour une voix, quel
que soit le nombre de ses créances.
534. Distinction créée par un arrêt de la cour de Bordeaux, entre
les cessions antérieures à la faillite et celles postérieures,
condamnée par la cour de cassation.
535. Le mandataire compte pour autant de voix qu'il a de procu-
rations.
536. La majorité en sommes se calcule sur le total des créances
vérifiées. Elle doit être des trois quarts.
537. Exception :
4 ° Pour ce qui concerne les créances hypothécaires ou pri-
vilégiées.
538. 2° Pour celles dues aux créanciers étrangers.
539. Les créances provisoirement admises ne comptent que pour
la quotité déterminée par le tribunal.
540. Les créanciers hypothécaires ou privilégiés, s'ils volent sur
le concordat, sont présumés, par cela seul, avoir renoncé
à leur hypothèque ou privilège.
541. Il importe donc que le nom de ceux qui auraient voté soit
inscrit au procès-verbal. — Qui peut demander l'ap-
plication de l'article 508 ?
542. La déchéance, résultant du vote, annulle l'hypothèque et le
privilège même à l'égard des créanciers postérieurs au
,
concordat.
ART. 507, 508, 509. 149
543. Les privilèges sur les meubles sont également atteints par
l'article 508.
544. La nullité ou la résolution du concordat restitue aux renon-
çants tous les effets de leur hypothèque ou privilège.
545. Distinction entre le concordat et les traités particuliers entre
les créanciers et le failli.—Ces derniers sont-ils valables?
546. La loi ne qualifie de concordat que l'acte délibéré en assem-
blée de créanciers, et signé séance tenante.
— Cette si-
gnature est prescrite à peine de nullité.
547. Si, dans la première réunion, le concordat est volé par l'une
des deux majorités, il y a lieu de renvoyer à huitaine.
Ce délai, sous la loi actuelle, est de rigueur.
548. Ce renvoi n'est pas une continuation de la délibération.Tout


ce qui s'est fait à la première séance est nul et sans
portée.

525. — L'importance du concordat a déterminé le


législateur à en fixer les conditions d'une manière pré-
cise. Ces conditions se rapportent à l'époque à laquelle
il est permis de le consentir, à la majorité requise pour
le rendre obligatoire au mode de délibération qui doit
,
être suivi.

524. — A quelle période de la faillite


peut-on vala-
blement concorder? Des motifs d'intérêt général ont dé-
terminé la disposition de l'article 507 qui défend tout
traité avant l'accomplissement des formalités prescrites
par les articles précédents. Une vérité démontrée par
l'expérience c'est les commerçants sont beaucoup
, que
trop faciles à concorder. Cela lient à leur profession, qui
n'est qu'une chance perpétuelle de gains ou de pertes.
Quel est le négociant.dans les prévisions duquel il n'en-
tre pas annuellement quelques faillites à supporter ? Or,
450 TRAITÉ DES FAILLITES

la perle prévue est plus facilement supportée. Ce qu'on


désire, c'est de la régler le plus tôt possible, afin de n'y
plus penser.
Ce sont ces dispositions que la loi a voulu combattre.
Les facilités qu'elles présentent pour terminer aimable-
ment pourraient encourager les fraudes et contribuer à
augmenter le nombre des faillites.
En effet, autoriser à concorder à l'ouverture de la fail-
lite, c'était conférer au failli tous les bénéfices de sa po-
sition, sans lui en imposer les charges; c'était lui per-
mettre d'abuser ses créanciers sur l'importance de son
actif sur la consistance de son passif; c'était faciliter
,
l'introduction de créanciers simulés et par cela même
,
l'adoption d'un concordat frauduleux au mépris des
,
droits des créanciers sérieux ; c'était enfin mettre le
failli à l'abri de toutes poursuites du ministère public,
en créant un obstacle invincible à toutes recherches ul-
térieures.
Tous ces inconvéniens, le législateur de 1807, appelé
à la réforme de nos institutions commerciales, les voyait
se dérouler sous ses yeux. Telles étaient, en effet, les
tristes mais réelles conséquences des prescriptions in-
,
complètes de l'ordonnance de 4673, dont l'insuffisance
avait été si audacieusement exploitée, que les faillis pou-
vaient impunément jouir des richesses qu'ils extor-
quaient à leurs créanciers (').
Le remède était ici à côté du mal. Le Code de com-

(') V. Discussion au eonseil d'Etat.


ART. 507, 508, 509. 4SI

merce n'hésita pas à le prescrire et sa disposition est


,
passée dans la loi nouvelle.
Il n'y a de concordat obligatoire que celui dont l'a-
doption a été précédée par l'accomplissement des forma-
lités que nous avons retracées. Ainsi, le failli né peut
plus tromper sur la consistance de son actif. L'apposi-
tion des scellés et l'inventaire l'ont fixé d'une manière
invariable.
On n'a plus à redouter le concours de créanciers si-
mulés, la vérification ayant constaté les litres de ceux
appelés à délibérer. Enfin, si la fraude existe, elle a pu
être recherchée et punie, la liquidation ayant subi toutes
ses phases préliminaires sous les regards du juge-com-
missaire, et la surveillance qu'il est loisible au procureur
impérial d'exercer.

525. — On ne doit pas confondre le concordat avec


les traités qu'un débiteur en déconfiture peut faire avec
ses créanciers. Ceux-ci peuvent se réaliser à toutes les
époques. Ils diffèrent du concordat en ce que celui-ci,
s'il est régulier et légal, oblige tous les créanciers, même
ceux qui s'y sont opposés, ou qui n'y ont point concou-
ru, tandis que les autres ne lient que les créanciers qui
les ont consentis. Peu importe que les adhésions soient
nombreuses, qu'elles représentent la très-grande majo-
rité ; n'y eut-il qu'un seul dissident, qu'on ne pourrait
non-seulement pas le contraindre à subir le sort des
autres, mais encore l'empêcher de poursuivre la dé-
claration de faillite et, par là la nullité complète du
, ,
traité.
i52 TRAITÉ DES FAILLITES.

526. — Il faut donc, pour qu'un traité de ce genre


puisse exister, qu'il réunisse l'unanimité des créanciers.
A cette condition, la loi ne pouvait que l'accepter, quel-
les qu'en fussent les stipulations. Mais il faut, de plus,
que ce traité ait été consenti avant toute déclaration de
faillite. Après le jugement qui la proclame, l'unanimité
des créanciers se prononcerait en vain. Elle ne pourrait
arrêter la marche de la faillite , ni se soustraire à l'ap-
plication de l'article 507. Les formalités qui doivent pré-
céder le concordat sont d'ordre public. Il n'est donc per-
mis à personne d'en empêcher la réalisation.

526 bis. — La cour d'Agen s'est prononcée en sens


contraire. Elle a jugé le 23 juin 1859 que le traité
, ,
consenti au failli par tous les créanciers, est valable, et
met fin à la faillite, bien qu'il n'ait pas été conclu dans
la forme du concordat, et que le failli s'engage par ce
traité à payer ses dettes à des conditions et à des termes
différents, si d'ailleurs cette inégalité d'avantages est ac-
ceptée d'un commun accord par les créanciers (*).
Dans la note dont il accompagne cet arrêt, M. Dàlloz
pense que sa doctrine est à l'abri de critique , qu'elle
présente un intérêt qu'il importe de faire remarquer. Le
failli animé de bonnes intentions trouve dans le droit
,
qui lui est ainsi reconnu, le moyen de couper court aux
opérations de la faillite, et d'arriver plus tôt et plus éco-
nomiquement à la solution qu'il désire autant que les
créanciers. Le'traité dont il s'agit ici joue le même rôle
que le règlement amiable en matière d'ordre, et les tri-

(')D.P., 59,2> i7fc


ART. 507, 508, 509. 4 53
bunaux ne peuvent que l'accueillir favorablement. Mais
il faut, pour que le traité produise les mêmes effets qu'un
concordat, qu'il contienne un règlement définitif ; et, à
cet égard, il a été jugé avec raison, que le traité par le-
quel les créanciers du failli consentent à sa mise en li-
berté moyennant le cautionnement de sa femme n'a
, ,
pas pour effet de lui faire recouvrer l'exercice de ses
droits et l'administration de ses biens.
Nous ne nous dissimulons pas toute la faveur qui
s'attache aux moyens de couper court aux opérations de
la faillite, et d'économiser les frais. Mais encore faudrait-
il, pour que les tribunaux pussent les accueillir et les
consacrer, que la loi leur en eût conféré le pouvoir.
Or bien loin de concéder ce pouvoir le législateur
, ,
l'a très-expressément prohibé. Les termes de l'article 507
sont aussi absolus que formels : Il ne pourra être con-
senti de traité entre les créanciers délibérants et le
failli, qu'après l'accomplissement des formalités ci-
dessus prescrites.
Ainsi, le législateur qui, en matière d'ordres, a per-
mis de couper court aux opérations et aux frais par un
règlement amiable, n'a pas laissé la même faculté dans
les faillites. Il exige que toutes les formalités préliminai-
res, et notamment la vérification et l'affirmation des cré-
ances , aient été accomplies avant qu'une entente quel-
conque puisse s'établir entre les intéressés.
On pourra regretter cette exigence qui entraîne des
longueurs et des frais à la charge de l'actif. Mais
on ne
peut se dissimuler qu'elle était inspirée par la nature
des choses. Nous
venons de rappeler les conséquences
4 54 TRAITÉ DES FAILLITES.

déplorables pour les créanciers qu'avait entraîné le si-


lence que l'ordonnance de 1673 avait gardé à ce sujet.
D'autre part, les faillites touchent à. l'ordre public,
non-seulement au point de vue de l'atteinte qu'elles por-
tent au commerce, mais encore à celui de la répression
des crimes et délits dont elles peuvent être l'occasion.
Permettre de les étouffer à leur naissance sans aucun
,
contrôle sur les droits des créanciers, sur la véritable po-
sition du failli, sur les causes et les caractères de sa dé-
confiture offrait le moyen de multiplier les faillites,
'
,
d'encourager l'intervention de tiers sans titres réels, et
qui dictaient cependant la loi aux créanciers sérieux;
assurer enfin l'impunité à la conduite la plus déloyale,
la plus coupable.
On voit combien est puissant et respectable le mobile
qui a déterminé le législateur. Dans tous les cas, il suf-
fit qu'il ait exprimé sa volonté, pour que les tribunaux
ne puissent ni la méconnaître ni la violer.
Au reste, la cour d'Agen n'a encouru ni l'un ni l'au-
tre de ces reproches. Dans l'espèce , le voeu du législa-
teur avait été rempli. L'arrêt, en effet, constale que tou-
tes les créances avaient été vérifiées et affirmées, et que
le traité n'était intervenu qu'après l'expiration des délais
fixés pour celte opération. Donc, ce traité n'avait pas eu
pour effet de couper court aux opérations de la faillite:
effet que la loi repousse d'ailleurs.
Mais la loi n'a pas seulement déterminé l'époque à la-
quelle le traité peut intervenir. Elle a, de plus, réglé la
forme dans laquelle il doit être conclu ; et si l'arrêt de
la cour d'Agen est irréprochable au premier point de
ART. 507, 508, 509. 455

vue, il ne l'est pas sous le second. À tort ou à raison le


législateur a voulu que le traité fût délibéré en assemblée
de créanciers, sous la présidence du juge-commissaire;
qu'il fût ensuite homologué par le tribunal. Accepter
comme valable un traité fait en dehors de ces formes,
non soumis à l'homologation, c'est donc méconnaître le
texte même de la loi.
Sans doute, dans l'espèce de l'arrêt, les circonstances
étaient éminemment favorables : les faillis s'engageaient
à payer intégralement les créanciers. Mais, un principe
ne puise son caractère juridique que dans la loi. Une
opération est licite dans toutes les circonstances, ou elle
ne l'est dans aucune. Faire dépendre de celles-ci sa va-
lidité, c'est remplacer une règle uniforme et précise par
un arbitraire indéfini.
A quoi bon d'ailleurs lorsque le moment légal du
, ,
traité est arrivé, dispenser des formes exigées. Ne peut-
on pas faire , dans le concordat, ce qu'on fait dans le
traité amiable. Ne suffit-il pas de l'accord des parties,
pour que leurs conventions, quelles qu'elles soient, pro-
duisent leurs effets ? Sans doute, dans le concordat volé
par la majorité seulement, tout doit être égal pour les
créanciers. Mais, lorsque tous les créanciers sans excep-
tion y accèdent, qu'importe la différence stipulée. Il suf-
fit que les créanciers les plus maltraités acceptent le sort
qui leur est fait, consentent l'avantage fait aux autres.
Ce serait
pousser l'amour du principe de l'égalité jus-
qu'au plus ridicule fanatisme que de soutenir que
,
les parties intéressées
ne sont pas libres d'en répudier le
bénéfice.
456 TRAITÉ DES FAILLITES.

Donc, après que toutes les formalités pour arriver au


concordat ont été remplies, il n'y a plus qu'à délibérer
sur l'acceptation, sur les conditions de ce concordat. Si
tout le monde est d'accord, le juge-commissaire n'aura
qu'à le constater. Plus le traité sera avantageux pour les
créanciers, et moins le tribunal hésitera à lui donner la
sanction que des motifs d'ordre public l'appellent à con-
céder. Dès que les parties peuvent consentir un concor-
dat elles le doivent. Tout autre arrangement, quelle
,
qu'en soit la nature ne serait qu'un refus déguisé d'o-
,
béir à la loi, qu'un moyen de se soustraire au contrôle
du juge-commissaire, à celui du tribunal. La justice ne
saurait donc le consacrer, sans méconnaître et violer la
loi.
Vainement la cour d'Agen prétend-elle qu'il est im-
possible de rejeter, en principe et d'une manière abso-
lue, les traités amiables; que, s'ils ne sont point per-
mis, ils ne sont point non plus prohibés par la loi.
Nous répondons qu'il suffirait que ces traités ne fus-
sent pas permis, pour qu'on ne pût les permettre ; que
ne pas voir une prohibition formelle , dans les articles
507, 509, 513, SU et 515 du Code de commerce,
c'est fermer les yeux à l'évidence.
En résumé, après la déclaration judiciaire de la fail-
lite tout traité intervenu avant l'accomplissement des
,
formalités prescrites pour arriver à la délibération
,
du concordat, est frappé d'une nullité absolue et radi-
cale.
Après cet accomplissement, il ne saurait intervenir
d'autre traité que le concordai lui-même, délibéré dans
ART. 507, 508, 509. 457
les formes prescrites et devant être homologué par le
,
tribunal.
La justice, en validant le traité qui a été consenti en
dehors de ces conditions, ne fait pas autre chose qu'ho-
mologuer un concordat irrégulier au mépris de la pro-
hibition formelle de l'article 515.

527. — A quelle majorité doit être consenti le con-


cordat? L'ordonnance de 1673 n'en exigeait qu'une qui
se composait des trois quarts des créances.
Il résultait de cette prescription, que le failli n'avait
qu'à créer quelques dettes simulées pour former tout-à-
coup un volume de créances capables de réduire au si-
lence les porteurs de titres sérieux.

528.,—• Rassurés sur ce point par la nécessité d'une


vérification préalable, les auteurs du Code avaient pro-
posé l'adoption de la disposition de l'ordonnance ; mais
cetle proposition fut vivement attaquée par les sections
réunies du tribunat, comme ne protégeant pas également
les intérêts de tous les créanciers.
« En effet, disait l'orateur , en écartant même tout
soupçon de fraude, les créanciers les plus considérables
dans une faillite sont toujours les négociants avec les-
quels le failli fait des affaires. Or, ceux-là se prêtent vo-
lontiers à un concordat, parce qu'ils espèrent se remplir
de leur perte dans les relations subséquentes qu'un com-
merce ultérieur leur donnera l'occasion de se ménager.
» Il n'en est pas ainsi du petit capitaliste, comme le
rentier, le journalier, le domestique qui a placé ses éco-
nomies sur le failli. Celui-là se les voit enlever sans
,
4 58 TRAITÉ DES FAILLITES.

avoir, pour les recouvrer, les mêmes ressources que ceux


qui lui imposent ce sacrifice.
» D'ailleurs, ajoutait le tribunat, en principe géné-
ral tout créancier a le droit d'exercer sur son débiteur
,
tous les effets attachés à son litre, jusqu'à l'acquit par-
fait de ce qui lui est dû. Nulle remise ne peut lui rien
faire perdre, si elle n'est consentie par lui-même et de
son plein gré.
» Le concordat repose sur des bases entièrement con-
traires puisqu'il s'y trouve toujours quelque créancier
,
qui est forcé, par la volonté d'autrui, à voir s'évanouir
une partie, quelquefois notable, de sa créance, et à lais-
ser en même temps son débiteur jouir, en pleine fran-
chise de la liberté de sa personne et de tous les avan-
,
tages du bien qui lui reste.
» Pour qu'une telle condition, quelquefois si injuste,
toujours si dure à l'égard du créancier qui s'y refuse,
lui soit imposée malgré lui, il faut au moins que sa vo-
lonté se trouve contrebalancée par un grand poids de
volontés opposées. Il est donc équitable que dans un
,
concordat, les voix soient non-seulement pesées mais
,
comptées de manière que pour faire la loi aux refu-
, ,
sants il fallût, avec la plus haute quotité de créances,
,
réunir aussi la majorité des voix. »
529. — C'est ce qui fut, en définitive, admis par le
Code. C'est aussi ce que, la loi nouvelle a consacré. Il
n'existe donc de concordat valable que celui qui réunit
la majorité des créances en nombre et en sommes.
Comment doit-on calculer cette double majorité ?
t
ART. 507, 508, 509. 159
.550. — 4° Majorité en nombre. Elle se forme dé
la moitié plus un des créanciers admis à voter. Or, sont
admis de droit tous ceux qui ont fait vérifier et affirmer
leur créance. Sera-ce sur leur nombre total que l'on de-
vra calculer la majorité ou bien sur celui des présents
,
au vote ?
C'est dans ce dernier sens que s'était prononcé le Code
de commerce ("), et cette solution était rationnelle et
juste. En effet, exiger la majorité des créanciers vérifiés,
c'était laisser la décision du concordat en dehors de tou-
tes règles, donner à la négligence ou à l'inertie la fa-
culté de le rendre impossible et livrer la majorité ;en
,
sommes au caprice du nombre.
Sans doute, chaque créancier vérifié a droit de voter
le concordat. Mais ce droit veut être exercé; celui qui
s'abstient de le faire s'en rapporte volontairement au
,
jugement d'autrui,et se soumet à subir une loi à laquelle
il n'a pas voulu s'opposer.
Il est à regretter que la loi actuelle ne se soit pas net-
tement expliquée sur ce- point, et que l'article 507 ne
reproduise plus les expressions de l'article 522 du Code.
Mais cette omission ne doit pas être considérée comme
introduisant un droit nouveau. Rien dans la discussion
législative n'autorise une pareille idée, que l'esprit de
la loi repousse, au contraire, formellement. Il est certain,
en effets qu'on a voulu favoriser le concordat, et le ren-
dre plus facile que sous le Code. Or, celle intention se-
rait inconciliable avec la faculté laissée aux créanciers

.(') Art. 522, '. •


,.'.;. .: ..'
.
4 60 TRAITÉ DES FAILLITES.

d'en empêcher l'adoption par une absence involontaire


ou calculée. Il faut donc tenir, aujourd'hui comme au-
trefois que les présents délibèrent pour les absents, et
,
que la majorité qu'exige la loi est celle des suffrages
réellement exprimés.
531. — Les mêmes motifs empêchent de considérer
comme présents les créanciers étrangers qui sont encore
dans les délais de la vérification. Le résultat, en effet,
eut été le même, puisqu'ils peuvent être en nombre tel
qu'avec les absents volontaires, l'unanimité des votants
ne pût pas atteindre à la majorité voulue ;
il n'a pu cer-
tainement entrer dans l'esprit de la loi de créer une hy-
pothèse dans laquelle, par la seule force des choses, le
concordat serait d'avance condamné.

532. — Ne sont réputés présents, dans le sens de


la loi, que ceux qui ont droit de voter, et qui votent en
effet. Ainsi, les créanciers hypothécaires ou privilégiés
ne peuvent, quoique assistant à la délibération, compter
pour déterminer la majorité. Mais , il en serait autre-
ment, si, renonçant à leur hypothèque ou privilège , ils
prenaient part au vote; ou si, porteurs d'un titre ordi-
naire, vérifié et admis, ils avaient voté comme créanciers
chirographaires jusqu'à due concurrence.
En effet, la prohibition de voter n'est relative qu'aux
créances garanties par une affectation spéciale; toule
autre créance, quel qu'en soit le porteur, donne à celui-
ci le droit de participer à toutes les opérations de la fail-
lite, sans distinction.
533. — Mais chaque créancier ne compte que pour
ART. 507, 508, 509. 46!
une voix, quel' que soit, d'ailleurs, le nombre des cré-
ances dont il est porteur, soit que ces créances lui soient
personnellement dues soit qu'elles lui aient été trans-
,
mises par vente, cession ou transport. Le droit de voter
est indivisible et insusceplible d'être exercé plus d'une
,
fois par le même créancier.

534. — Un arrêt de la cour de Bordeaux du 26


,
avril 1836 ('), avait décidé qu'il fallait distinguer si les
cessions étaient antérieures ou postérieures à la faillite.
Dans le premier cas disait la cour, les titres cédés se
,
confondent sur la tête du cessionnaire, qui devient cré-
ancier unique et qui, par conséquent-, ne peut avoir
,
qu'une voix dans les délibérations. Dans le second cas,
les créanciers cédants transmettent à leur cessionnaire
tous les droits qu'ils avaient eux-mêmes et partant la
,
faculté de voter que chacun d'eux avait incontestable-
ment acquise ; conséquemment, le cessionnaire doit
compter dans la délibération pour autant de voix qu'il a
de créances.
Mais cet arrêt, déféré à la cour régulatrice, a été cassé
le 24 mars 1840:
« Attendu, porte l'arrêt, que le droit de voter est un
droit individuel qui ne peut être exercé qu'une seule fois
par la même personne, quel que soit le nombre des ti-
tres qui lui confèrent le droit de l'exercer et que, pour
;
qu'il en fût autrement, il faudrait qu'il existât dans la
loi une disposition qui n'existe
pas clans le Code, de com-
merce; que la distinction faite par l'arrêt, attaqué entre

(') D.P.,36,3, hf7.


II 41
4C2 TRAITÉ DES FAILLITES.

les cessions faites postérieurement à la faillite et celles


faites avant son ouverture, est une distinction arbitraire
qui n'est également fondée sur aucune disposition de
la loi {'),. »
Il résulte bien clairement de cette décision qu'un cré-
ancier ayant déjà le droit de voler qui acquiert de
, ,
nouvelles créances confond celles-ci avec les siennes
,
propres; que sa substitution aux cédants ne lui transfère
pas la faculté de voter , appartenant à ceux-ci ; en un
mot, que cette faculté étant exclusivement attachée à la
personne, le même individu ne peut l'exercer plusieurs
fois.
535. — C'est par un autre principe qu'il faut régler
le cas où un créancier réunit en ses mains plusieurs pro-
curations. Alors, en effet, le créancier n'est plus substi-
tué aux droits des mandants. Les créances restent dis-
tinctement sur la tête de chacun de ceux ci qui sont
,
censés agir personnellement. Leur mandataire a donc
le droit de voter pour chacun d'eux, et il doit, dans les
délibérations compter pour autant de voix qu'il a de
,
procurations.
536.
—- 2° Majorité en sommes. Comme l'ordon-
nance de 1673 et le Code précédent, la loi actuelle exi-
ge , pour que la majorité existe , l'adhésion des trois
quarts des créances. Or , il n'en est pas de cette majo-
rité comme de celle en nombre. On ne la calcule pas
,
seulement sur le chiffre des créances représentées, mais
sur le total des sommes vérifiées et admises.
(') D. P., 4o, i,5d.
ART. 507, 508, 509. 4 63
537. — Ce principe comporte cependant exception
dans certains cas qui naissent, soit de la nature des
choses, soit d'Une prévision implicite de la loi.
1° Les créances hypothécaires ou privilégiés doivent
être vérifiées. Mais elles sont loin d'être dans la position
des chirographaires relativement au concordat.
Ainsi les premières restent étrangèree aux stipula-
,
tions du traité. Quelle que soit la remise accordée, elles
n'en seront pas moins intégralement payées, et c'est sur-
tout à cause de ce résultat, que la loi interdit à leurs
propriétaires dé voter sur le concordat. Il ne serait ni
rationnel ni juste de confier la détermination de la re-
mise à consentir, à ceux qui ne doivent en supporter
aucune.
Par réciprocité, il convient de laisser ces mêmes cré-
ances de côté , lorsqu'il s'agit de calculer la majorité en
sommes exigées par la loi. Le contraire eut conduit in-
évitablement dans certains cas à la conséquence que
, ,
nous signalions lout-à-1'heure, à savoir que tout concor-
dat pourrait devenir impossible. En effet, les créances
hypothécaires peuvent s'élever à plus d'un quart du pas-
sif, et, dans ce cas, l'unanimité des créanciers ordinai-
res ne pourrait atteindre au chiffre exigé.
Un pareil résultat serait d'autant plus extraordinaire,
que les créanciers hypothécaires privés de voter sous
,
peine de perdre les effets attachés à leur titre, ne pour-
raient, dans aucun cas, compléter la majorité, et qu'ainsi
les chirographaires seraient dans l'impuissance d'obtenir
un concordai avantageux et forcés malgré eux à se
, , ,
lancer dans
une liquidation qui peut être désastreuse.
4 04 TRAITÉ DES FAILLITES.

Il n'était donc pas possible que la loi qui a voulu favo-


riser le concordat, dans l'intérêt des créanciers autant
que dans celui du failli, se jetât dans celle inextricable
difficulté.
La majorité que la loi impose ne peut être que les
trois quarts des créances chirographaires. Les hypothé-
caires, ou privilégiées, quoique dûment vérifiées, ne doi-
vent influer en rien dans le calcul de cette majorité.

558.•—
2° Nous avons vu que les créances dues
aux créanciers domiciliés hors France, sont censées vé-
rifiées lorsqu'il s'agit de la répartition des deniers.
,
Mais il n'en est pas de même pour le concordat; elles
restent donc nécessairement en dehors de celles sur les-
quelles se calcule la majorité.

539. — Les créances provisoirement admises en


vertu des articles 499 et 500 , ne sont comptées que
pour la quotité déterminée par le tribunal. Le concordat
n'est pas nul, si, la contestation étant jugée, ces créan-
ces sont porlées à une valeur supérieure , à moins ce-
pendant que cette augmentation n'eût pour effet de faire
disparaître la majorité (').
Le concordat qui serait intervenu en violation des dis-
positions de l'article 507, soit quant à l'époque où il a
été consenti, soit quant à la majorité requise serait
,
frappé de nullité. Dans les articles suivants, nous expo-
serons les conséquences de cette nullité, les formes et les
délais dans lesquels elle doit être relevée.

(') V. iufïàart..5i?,u° 567.


ART. 507, 508, 509. 465
1 540. — Nous venons de voir que les créances hy-
pothécaires restent nécessairement en dehors de toutes'
les opérations du concordat, à moins que leurs proprié-
taires ne renonçassent aux avantages qui sont attachés à
leur qualité. Cette renonciation n'a pas besoin d'être ex-
presse. Elle est complète par la seule participation au
vote.
Sous l'empire du Code de commerce qui consacrait ce
principe, on admettait qu'il était loisible au juge-com-
missaire ou au tribunal d'autoriser ces créanciers à vo-
ter si, par le rang du privilège ou de l'hypothèque, il
,
était évident qu'ils n'en retireraient aucun bénéfice (').
Cette tolérance n'est plus dans l'esprit de la loi qui nous
régit. Dans aucun cas, et quel que soit le rang de leur
hypothèque, les créanciers ne peuvent voler, sans per-
dre immédiatement leur qualité. La loi leur laisse le
choix ou de suivre les chances de la distribution du prix
des immeubles, ou de revêtir la qualité de simples chi-
rographaires. Us ne peuvent profiter des unes et de l'au-
tre. C'est donc à eux à voir ce qui leur est le plus avan-
tageux, et à agir au mieux de leurs intérêts.

541. — Il importe donc que les noms des créan-


ciers hypothécaires ou privilégiés qui ont pris part au
vote, soient inscrits sur le procès-verbal. Celte constata-
tion assure à chacun des intéressés le bénéfice de l'arti-
cle 508. Or, tous les créanciers indistinctement ont qua-
lité pour poursuivre la déchéance encourue. Les hypo-

(') Pardessus, tom. 4, n° ia35; Boulay-Paty, n" 255, i56.


465 TRAITÉ DES FAILLITES.
thécaires, parce que les sommes que le renonçant aurait
touchées seront attribuées à ceux qui viennent après lui;
les chirographaires, parce que s'il n'existe aucune ins-
cription postérieure ces sommes viendront augmenter
,
la masse mobilière.
542. — La déchéance qui résulte du vote au con-
cordat est absolue et définitive contre le créancier. Son
hypothèque est à jamais éteinte, même en faveur du
tiers qui aurait contracté avec le failli, postérieurement
au concordat, alors même que celui-ci consentirait à la
considérer comme valable. Admettre le contraire, serait
éluder la loi, et donner à la fraude une large issue. En
effet, tous les créanciers hypothécaires pourraient voler,
imposer ainsi le concordat aux chirographaires après
,
s'être assurés d'avance de la volonté du failli, de consi-
dérer comme non avenue la renonciation écrite dans
l'article 508.
Or loin d'autoriser de pareilles conséquences, l'in-
,
tention de la loi a été de proscrire toute espèce de fraude
dans l'obtention du concordat. Aussi, le créancier qui
se trouverait dans cette position , ne pourrait-il même
exciper du consentement du failli. Dans tous les cas, non-
seulement il n'obtiendrait pas d'être relevé des effets de
sa renonciation tacite , mais il serait encore susceptible
d'êlre poursuivi en vertu de l'article 597.

543. — Les créanciers privilégiés sur les meubles


sont-ils, par rapport au concordat, placés sur la même
ligne que les privilégiés sur les immeubles ? Sont-ils,
comme eux, atteints par la prohibition de l'article 508?
AUT. 507, 508, 509. 4 67
Celle question était controversée sous l'empire du
Code. M. Locré (') soutenait la négative. L'affirmative
était, au contraire, enseignée par MM. Pardessus (") et
Boulay-Paty (3). C'est dans ce dernier sens que sem-
blent l'avoir résolue le texte et l'esprit de la loi actuelle.
Le texte. Il est certain, en effet, qu'en comparant.la
disposition de notre article 508 avec celle de l'ancien
article 520, on est forcé de reconnaître que la première
à entendu régir tous les privilèges de quelque nature
quils soient, puisque après avoir parlé des créanciers
dispensés d'inscription c'est-à-dire des privilégiés sur
,
les immeubles elle ajoute les privilégiés ou nantis d'un
,
gage. 11 est évident que ce second membre de phrase ne
peut s'appliquer qu'aux privilèges sur les meubles.
L'esprit de la loi corrobore celte explication. Les pri-
vilégiés sur les meubles ne sont pas plus soumis aux
conditions du concordat que les privilégiés sur les im-
meubles. Quelle que soit la remise consentie, ils retirent
toujours l'intégralité de leur créance. Et, puisque ce mo-
tif a fait écarter ceux-ci du vote on ne voit pas pour-
,
quoi on ne prendrait pas la même décision contre les
autres, ubi eadem ratio, idem jus.
L'intérêt des créanciers chirographaires est : que tous
ceux qui ne participent pas à la perte qui résulte du
concordat,ne concourent pas à la rendre obligatoire. Sur
ce point, il n'y a nulle différence entre les privilégiés
sur les immeubles, et les privilégiés sur les meubles. Us

(') Esprit du Code de commerce, tom. 6, p. 45.


H Tom. 4; nu ia35.
'(') Tom. i, p»gr.362,n°255.
4î)8 TRAITÉ DES FAILLITES.

doivent conséquemment être tous placés sur la même


ligne, et être atteints par les mêmes prohibitions.
Pour les uns, comme pour les autres, le vote au con-
cordat entraîne donc renonciation à tous les effets de
leur privilège.
544. — Dans tous les cas où celle renonciation est
encourue, elle n'est définitive que si le concordat reçoit
son exécution. En conséquence , si celui-ci n'était pas
homologué, s'il était annulé ou rescindé les créanciers
,
hypothécaires ou privilégiés rentreraient dans la pléni-
tude de leurs droits, et seraient relevés des effets de leur
renonciation. Dans le concordat, comme dans tous les
autres contrats synallagmatiques les deux obligations
,
sont corrélatives et inséparables. Les créanciers ne sont
censés avoir renoncé à leurs droits que contre les avan-
tages promis par le concordat. Si la réalisation de ceux-
ci devient impossible, leur propre obligation s'évanouit
et s'efface. Toutes les parties sont remises au même état
qu'avant.
545. — On ne doit pas confondre le concordat avec
les traités que le failli peut souscrire individuellement
avec un ou plusieurs de ses créanciers. Ces traités, en
les supposant valables n'obligent que ceux qui les ont
,
contractés.
Or, cette validité serait aujourd'hui beaucoup plus
douteuse que sous l'empire de la législation précédente.
Ce qui nous le fait penser ainsi, c'est l'intention mani-
feste du législateur de réprimer énergiquement tout ce
qui tendrait à amener une inégalité quelconque dans le
ART. 507, 508, 509. 4 69
sort des créanciers. Dans tous les cas,ces traités de-
vraient être appréciés sous l'influence de l'article 597,
dont la sévère application est la garantie la plus efficace
de la sincérité du concordat.

546. — La loi ne considère comme tel que l'acte


qui est délibéré par l'assemblée des créanciers réguliè-
rement convoqués. C'est pour empêcher qu'il en soit au-
trement que l'article 509 exige que cet acte soit signé
,
séance tenante. Sans celle précaution, le concordat pour-
rait être colporté auprès des créanciers, et des adhésions
recueillies par séduction ou corruption, arrachées par la
ruse à la faiblesse , imposeraient la loi aux dissidens.
Or, dans bien des circonstances, celte loi est assez dure,
pour qu'on ait dû, dans toutes, s'assurer de la sincérité
des suffrages qui l'ont sanctionnée.
La signature, séance tenante, est impérieusement exi-
gée à peine de nullité. Le juge-commissaire doit dune
veiller à l'exécution stricte de cette formalité. Le con-
cordat intervenu au mépris de cette prescription ne pour-
rait être homologué par le tribunal. Chaque intéressé
pourrait faire valoir celte irrégularité et casser le con-
,
cordat prétendu, si le tribunal ne croyait pas devoir le
faire d'office.

547. — Si les adhésions recueillies à la première


séance ne représentent ni la majorité en nombre, ni
celle en somme le concordat est définitivement rejeté.
,
Mais, si l'une de
ces majorités s'est prononcée en faveur
du traité, la loi autorise une seconde épreuve, en per-
mettant le renvoi de la délibération à huit jours.
470 TRAITÉ DES FAILLITES.

La précédente législation contenait une disposition


semblable. Mais, dans l'exécution, celle-ci avait reçu une
modification dont la législation actuelle est insusceptible.
On décidait, en effet, sous le Code, que l'article 522 n'é-
tait que comminatoire et que rien n'empêchait que le
,
concordat qui n'avait pas été admis dans la seconde ré-
union ne le fût postérieurement (').
Cette doctrine ne saurait être adoptée sous l'empire
de notre article. Elle a élé formellement proscrite, ainsi
que flous l'apprend la discussion législative. Le délai que
l'article 509 accorde, est un délai fatal, enlraînant une
déchéance absolue. Si, dans la seconde délibération le
,
concordat n'est pas sanctionné, par la majorité, de l'ar-
ticle 507, il est immédiatement procédé à l'union. Le
juge-commissaire est forcé d'en proclamer l'existence (').
Il devient donc désormais impossible même de s'occu-
per d'un concordat.
548. — L'article 509 a définitivement tranché une
difficulté que le vague de l'article 522 du Code de com-
merce avait fait naître , à savoir : si les crérnciers qui
avaient adhéré au concordat dans la première réunion
étaient liés par leur consentement. Le doute n'est plus
permis aujourd'hui en présence des termes formels de
la loi. Il n'y a de concordat obligatoire même pour
,
ceux qui l'ont signé, que celui qui réunit la majorité in-
dispensable pour sa constitution valable. L'absence de

(') D. A., t. 8, p.i25, n* i5; Caen, 2 avril i838; D.P.,4<>, 2, i5.


(*) V. infrà art, 529; cass., 6 août 18^0; D. P., 4°. '> 3?9-
ART. 507, 508, 509. 474
traité en étal de simple projet, et
celte majorité laisse le
rend sans effet les adhésions qui avaient été déjà re-
cueillies.
Or, le renvoi à huit jours autorisé par l'article 509,
n'est pas une continuation de la délibération ; c'est une
délibération nouvelle, indépendante de la première, qui
s'ouvrira au jour indiqué. Là, les propositions du failli
seront renouvelées et la discussion recommencera sur
,
leur appréciation. C'est à la majorité des membres pré-
sents que la délibération devra être prise, et l'admission
ne sera valable que si cette majorité signe le Irai lé sé-
ance tenante. Les créanciers absents ne seront point
comptés pour déterminer celte majorité alors même
,
qu'ils auraient assisté à la réunion qui a déjà eu lieu, et
signé le concordat. En un mot, tout ce qui a été fait a-
vant la seconde réunion est considéré comme non ave-
nu , et ne saurait être invoqué en faveur ou contre le
failli.

ARTICLE 510.
Si le failli a été condamné comme banqueroutier frau-
duleux, le concordat ne pourra être formé.
Lorsqu'une instruction en banqueroute frauduleuse
aura été commencée, les créanciers seront convoqués à
l'effet de décider s'ils
se réservent de délibérer sur un
concordat, en cas d'acquittement, et si, en conséquen-
ce ils sursoient à statuer jusqu'après l'issue des pour-
,
suites.
472 TRAITÉ DES FAILLITES.

Ce sursis ne pourra être prononcé qu'à la majorité en


nombre et en somme déterminée par l'article 507. Si,
à l'expiration du sursis, il y a lieu à délibérer sur le
concordat, les règles établies par le précédent article se-
ront applicables aux nouvelles délibérations.

ARTICLE 511.

Si le failli a été condamné comme banqueroutier sim-


ple, le concordat pourra être formé. Néanmoins, en cas
de poursuites commencées, les créanciers pourront sur-
seoir à délibérer jusqu'après l'issue des poursuites en
,
se conformant aux dispositions de l'article précédent.

SOMMAIRE.

549. La banqueroute frauduleuse est un obstacle à tout con-


cordat.
550. Dérogation à la disposition du Code de commerce. — Auto-
risation de surseoir à la délibération en cas de poursuite
commencée.
554. Majorité requise pour ce sursis.
552. N'aurait pas dû être exigée. Par quels motifs ?
553. Dès qu'il y a poursuite commencée, le juge-commissaire
doit consulter les créanciers sur le sursis.
554. Peut-on renvoyer la solution à huitaine si le sursis, fans
,
réunir les deux majorités, est voté par l'une d'elles.
555. Si le sursis est accordé, la délibération est renvoyée jusqu'a-
près le jugement sur la poursuite.
556. C'est le principe de la condamnation et non la peine appli-
quée qui fait décider s'il peut ou non être consenti de
,
concordat.
ART. 540, 541. 473

557. La plainte en banqueroute, faite par un créancier, n'empê-


che point la délibération sur le concordat.
558. Le premier projet du Code de commerce, contenait une dis-
position analogue à celle de l'article 544. — Motifs et
conséquences de son rejet.
559. La loi actuelle, en la rétablissant, s'est conformée aux idées
de justice déjà adoptées parles magistrats.
560. Les créanciers pouvant concorder en cas de poursuites en
,
banqueroute simple, peu\ent, à la même majorité, sur-
seoir à la délibération.
564. L'exécution des articles 510 et 514 est laissée au juge-com-
missaire et au tribunal, sauf, pour les créanciers, la voie
de l'opposition et le droit de demander la nullité du con-
cordat, même après l'homologation.

549, — La prohibition de concorder, faite au ban-


queroutier frauduleux, n'a pas besoin d'être justifiée. Il
eut été immoral que l'homme que la loi condamne à
une peine afflictive et infamante obtînt de ses créanciers
une faveur réservée à la bonne foi et au véritable ma-
lheur.
Aussi, le législateur n'a-t-il pas voulu que les inté-
rêts privés en opposition avec l'intérêt public amenas-
sent une transaction lorsqu'il y a crime. Nous aurons
,
occasion de remarquer plus d'une fois que la disposilion
de l'article 510 est d'ordre public; qu'il ne peut y être
dérogé sous aucun prétexte, et que la banqueroute frau-
duleuse non-seulement empêche tout concordat à inter-
venir, mais encore efface et annule celui déjà intervenu.

5aO, — Le Code de commerce était beaucoup plus


sévère que la législation actuelle. Noire article ne pro-
4 74 TRAITÉ DES FAILLITES.

hibe le concordat qu'en cas de condamnation interve-


nue, tandis que l'article 521 du premier, faisait produire
cet effet à la simple présomption , sans s'expliquer sur
le cas où par suite de l'instruction celte présomption
, ,
venait à se dissiper. Celte lacune se trouve aujourd'hui
remplie par le second paragraphe de l'article 510.
En principe donc, le soupçon de fraude ne suffit plus
pour rendre tout traité impossible. Il y a possibilité de
concorder tant que le failli n'est pas condamné. Tant
qu'il n'est que poursuivi, il ne saurait, il est vrai, inter-
venir de concordat définitif; il eut été imprudent de le
permettre, puisque, si la poursuite se terminait par une
condamnation, celle-ci entraînerait de plein droit la
nullité de ce qui aurait été fait ; mais la délibération peut
être suspendue jusqu'après le jugement; et comme celle
suspension n'est qu'une concession faite à l'intérêt des
créanciers, c'est à eux que la loi s'en rapporte pour en
déterminer l'opportunité.
Le législateur de 1838 a compris que, dans bien des
cas les créanciers auront beaucoup à perdre à être con-
traints à contracter l'union ; que le concordat n'est pas
seulement favorable au failli ; qu'il importait donc, en
voulant punir justement celui-ci, de ne pas faire sup-
porter aux premiers les fâcheuses conséquences du doute
qui existe encore. Ce but nous parait atteint par la dis-
position qui autorise le sursis en cas de poursuites pour
banqueroute frauduleuse. Les créanciers en effet, ne
,
manqueront pas de le consacrer toutes les fois que leur
intérêt exigera d'éviter l'union.
ART. 510, 514 475
551, — Le sursis ne peut être admis que s'il est
voté par la majorité voulue pour le concordat lui-mê-
me c'est-à-dire,la moitié plus un des volants ,
et les
,
trois quarts des créances chirographaires admises. Le
législateur semble s'être vivement préoccupé de cette
pensée : que pour différer la marche de la faillite il
, ,
fallait avoir la presque certitude que le concordat sera
adoplé, s'il est possible qu'il le soit. Présumant, en con-
séquence, que les opposants au renvoi s'opposeront plus
tard au concordat lui-même, il considère comme inutile
de relarder une solution que le nombre et le chiffre des
oppositions rendent dès lors extrêmement probable.

552, — Nous ne saurions nous associer à celte pré-


occupation et l'exigence d'une pareille majorité pour
, ,
autoriser le sursis, nous parait conlrarier le but que ce-
lui-ci doit atteindre. Il a été dans la pensée de la loi de
favoriser le concordat. Or, est-ce celte pensée que l'on
poursuit, lorsqu'on laisse au premier mouvement d'ir-
ritation la faculté de le rendre impossible, dans des con-
ditions telles que la plus extrême prudence devait pro-
téger les créanciers contre leur propre impulsion.
En effet, la poursuite contre le failli peut n'avoir pour
base qu'une erreur que le grand jour de l'audience vien-
dra éclaircir et dissiper. Et cependant, cette poursuite
imméritée se sera aggravée par le rejet du concordat
qu'elle aura peut-être seule déterminé. Il est possible, il
est même probable que l'opposition de certains créan-
ciers n'aura été que la conséquence de la conviction de
la fraude imputée au failli, convietion que les créanciers.
4 76 TRAITÉ DES FAILLITES.

ont tous ordinairement à l'ouverture de la faillite et


,
qui, dans la circonstance, aura puisé un plus haut de-
gré de force dans l'accusation poursuivie par la justice.
Cette éventualité n'était-elle pas de nature à empêcher
que le sort de tous les créanciers, que l'avenir du failli
fût livré à la merci d'un petit nombre d'entre eux qui
,
seront les premiers à regretter plus tard la mesure irré-
parable qu'ils ont prise par erreur ?
Il eut été, ce semble, beaucoup plus rationnel de sui-
vre, dans ce cas, la règle ordinaire des assemblées dé-
libérantes, et de s'en rapporter à la majorité des volants;
ou bien, puisque la condamnation pour banqueroute
frauduleuse est seule exclusive du concordat, proclamer
en principe qu'il serait sursis à la délibération, lorsque
le failli serait poursuivi sauf à la majorité des créan-
,
ciers de déclarer qu'il serait passé outre. On évitait ainsi
de laisser à quelques refus la faculté de proscrire le con-
cordat ; on donnait à chaque créancier le moyen de re-
dresser son opinion, de s'éclairer des renseignemens que
l'instruction aura fait surgir. On substituait, enfin, à une
précipitation irréfléchie, une marche plus juste, quoique
plus lente.
En l'état, il n'existe, relativement au soupçon de ban-
queroute frauduleuse, qu'une différence, plutôt appa-
rente que réelle , enlre la disposition de la loi nouvelle
et celle du Code précédent. Sous l'empire de celui-ci,
l'effet de la prohibition était peu sensible soit par les
,
longs délais qui s'écoulaient de l'ouverture de la faillite
à la délibération du concordat, et qui permettaient tou-
jours de fixer la position du failli ; soit parce que l'union
ART. 540, 544. 477
devant être contractée par les créanciers, il était toujours
loisible à ceux-ci d'en retarder l'époque. Aujourd'hui,
au contraire , le rejet du sursis entraîne de plein droit
l'union qui doit être proclamée séance tenante. C'est ce
qui se réalisera, dans la plupart des cas, par la difficulté
que présente la nécessité de réunir la majorité en nom-
bre et en sommes en faveur du sursis.

555,— Quoi qu'il en soit, dès qu'il y aura pour-


suite commencée le juge-commissaire consultera les
,
créanciers sur le sursis ; si celui-ci n'est pas adopté par
la majorité en nombre et en sommes il doit être passé
,
outre à l'union.

554. — Si l'une de ces majorités se prononce pour


l'affirmative faut-il, aux termes de l'article 509, ren-
,
voyer la délibération à huitaine ? Il convient, dans le
silencedu texte, de rechercher l'esprit de la loi. A notre
avis, on parvient ainsi à résoudre affirmativement celte
question.
Le sursis, en cas de poursuite pour banqueroute frau-
duleuse est assimilé au concordat. Il doit être admis
,
par la majorité requise pour celui-ci. Il est donc naturel
que, dans une circonstance identique, l'on procède éga-
lement pour l'un et pour l'autre, et que la double épreuve
ordonnée leur soit commune.
Le rejet du sursis lorsque l'une des deux majorités
,
le sanctionne,
ne condamne pas seulement le failli, mais
encore l'autre majorité elle-même. Or entre celle qui
,
adopte et celle qui ne s'est
pas prononcée, il serait par
II <2
4 78 TRAITÉ DES FAILLITES.

trop sévère d'opter pour le côté de la rigueur , avec


d'autant plus de raison que cette dernière peut ne man-
quer que d'un nombre ou d'un chiffre peu important.
D'ailleurs un tel état de choses constitue au moins un
doute et ce doute ne peut être tranché que par une
,
nouvelle et dernière épreuve. Ce qui est vrai pour le
concordat, ne peut pas ne pas l'être pour le sursis, puis-
que le refus de celui-ci entraîne inévitablement la cons-
titution de l'union, et produit, par conséquent, un effet
analogue au rejet du premier. Il ne pouvait donc entrer
dans l'esprit de la loi d'agir dans un cas autrement que
dans l'autre.
Conséquemment, l'obligation quant à la majorité,
,
d'obéir à l'article 507, dans le cas de sursis crée celle
,
de se conformer à l'article 509 lorsque cette majorité
,
se divise. Il y a donc lieu de recourir à une seconde é-
preuve, lorsque, sans\être encore décisive, la première
a été favorable.
555. — Si le sursis est accordé, la délibération sur
le concordat est de plein droit renvoyée jusqu'après l'is-
sue de la poursuite, A celte époque , une convocation
nouvelle, faite dans les formes prescrites par l'article
504, réunit les créanciers qui peuvent ou non consentir
le concordat, selon qu'il y a eu acquittement ou con-
damnation.
556. — C'est le principe de celle-ci, et non la peine
appliquée, qui doit, dans ce dernier cas, faire admettre
ou rejeter le concordat. Ainsi , le failli condamné pour
banqueroute frauduleuse, en faveur de qui le jury aurait
ART. 510, 5M. 179
admis des circonstances atténuantes, et qui ^'aurait été
puni que correctionnellement, ne resterait pas moins
sous le coup de la prohibition de l'article 510.

557. — On avait agité, sous le Code, la question de


savoir si la plainte en banqueroute déposée par un cré-
ancier suffisait pour empêcher le concordat. On pour-
rait aujourd'hui se demander s'il y aurait lieu à déli-
bérer sur le sursis ? La négative doit s'induire des ex-
pressions poursuites commencées, que le législateur a
avec intention inscrites dans les articles 510 et 511.
' Le droit de plainte qui appartient à chaque créancier

serait une source d'abus, si on l'assimilait à l'action ré-


alisée de la justice. Celle-ci suppose qu'il existe contre
le failli des indices graves, des présomptions puissantes
qu'il convient d'apprécier. L'autre au contraire peut
, ,
n'avoir de fondement que le ressentiment de la perte que
la faillite fait éprouver ; n'être, entre les mains du cré-
ancier qu'un moyen de ^retarder la liquidation; ou
,
qu'une spéculation, pour effrayer le failli, et lui impo-
ser des sacrifices particuliers (").
On n'a donc pas voulu attachera la plainte d'un cré-
ancier un effet réservé à l'instruction commencée à la
,
poursuite réalisée. Il est, par conséquent, malgré l'exis-
tence de cette plainte loisible aux créanciers d'adopter
,
le concordat, sauf au plaignant de s'opposer à l'homo-
logation, si la plainte a déterminé des poursuites

( ) Il serait dangereux de laisser aux cre'anciers le droit d'empê-


cher le concordat. Chacun d'eux pourrait, par ce moyen, chercher à
se procurer des avantages particuliers. (Exposé des motifs m i838)..
480 TRAITÉ DES FAILLITES.

558. — Le projet du Code de commerce présentait


une disposition analogue à celle de l'article 511. Mais
la discussion au conseil d'Etat ne fut pas favorable à la
distinction entre la banqueroute simple et la banque-
route frauduleuse. L'article 521 les plaça sur la même
ligne et défendit tout traité dans l'une comme dans
,
l'autre.
Cette disposition était d'autant plus rigoureuse, qu'in-
dépendamment de ce qu'elle assimilait la faute au cri-
me , elle ne punissait pas seulement le fait constaté,
mais encore le simple soupçon. Si l'examen des actes,
disait l'article 521 livres et papiers du failli, donne
,
quelques présomptions de banqueroute il ne pourra
,
être fait aucun traité entre le failli et ses créanciers.
Mais il ne faut pas perdre de vue les circonstances au
milieu desquelles se trouvait le législateur de 1808. On
sortait à peine d'une crise qui avait favorisé tous les de-
sordres et le scandale des faillites avait été poussé si
,
loin, qu'il semblait que la répression ne pouvait en être
trop sévère. Il fallait, par des mesures énergiques, ras-
surer le crédit public, ramener k confiance, en faisant
de la loyauté la condition essentielle de toutes relations
commerciales.
Trente ans de ce régime ont permis au nouveau lé-
gislateur de se départir d'une sévérité qui n'était plus
dans nos moeurs. Il répugnait, en effet, au progrès de
celles-ci de voir punir comme banqueroutier fraudu-
,
leux, le malheureux que le fait de n'avoir pas tenu de
livres réguliers, quelquefois par impuissance de le faire,
ou d'avoir omis de déposer son contrat de mariage au
ART. 54 0, 511. 484
greffe du tribunal de commerce, faisait déclarer banque-
routier simple.

559. —
Déjà la magistrature s'était associée à celte
répugnance. Plusieurs arrêts avaient, dans des circons-
tances de ce genre, refusé d'annuler les concordats in-
tervenus contrairement au texte formel de la loi et
, ,
malgré la jurisprudence de la cour de cassation (').
L'article 511 généralise le principe de ces arrêts, et
l'élend à tous les cas de banqueroute simple. Le con-
cordat n'est plus prohibé. C'est aux créanciers à décider
si le fait qui la constitue permet ou exclut l'indulgence.

560. — Le concordat, pouvant être consenti après


la condamnation, peut à plus forte raison l'être tant que
le failli n'est que poursuivi. Il semblerait dès lors que
tout sursis à la délibération ne dût constituer qu'un re-
tard inutile. Cependant la loi en admet la possibilité,
dans ce cas, comme dans celui de banqueroute fraudu-
leuse. Cette prescription se légitime par l'intérêt que
peuvent avoir les créanciers à être fixés sur les véritables
causes de la faillite, sur la gravité de la faute reprochée
au failli, avant de traiter définitivement. On leur a per-
mis, dans cet objet, de suspendre leur décision jusqu'a-
près l'issue de la poursuite.
L'admission du sursis ne peut être prononcée qu'à la
majorité en nombre et en sommes, fixée par l'article
507. Dans l'hypothèse actuelle cette exigence de la loi
,

(') V. notamment Rouen, ai novembre 1855 ; Aix, 9 janvier i84o ;


D- p-.37,a, i32; 4t,2,5o.
482 TRAITÉ DES FAILLITES.

nous parait beaucoup plus naturelle. En effet, le con-


cordat pouvant être valablement adopté, quelle que soit
l'issue de l'information il était inutile de suspendre la
,
délibération et de perdre un temps précieux pour se
, ,
rétrouver en définitive dans une position identique. Il
convenait donc de permettre qu'il en fût ainsi, seule-
ment dans le cas où une utilité réelle et démonlrée vien-
drait le prescrire. Ce cas se réalise, lorsque la grande
majorité de l'article 507 a elle-même.proclamé celte
utilité.

561. — L'exécution des prescriptions des articles


510 et 511 est confiée au juge-commissaire, et, après
lui, au tribunal de commerce. C'est au premier à pro-
clamer l'union, dans le cas de banqueroute frauduleuse,
si elle est conslalée et, dans le cas d'une poursuite de
,
celte nature si le sursis a été rejeté. Si, par négligence
,
ou inattention, il laisse former un concordat, le tribu-
nal doit en refuser l'homologation, alors même que tous
les créanciers la demanderaient. On ne peut pas transi-
ger sur une prohibition d'ordre public, et tel est le ca-
raplère de celle consacrée par l'article 510.
L'initiative déférée au juge-commissaire et au tribu^
nal ne fait nul obstacle au droit d'opposition ouvert à
chaque créancier. Il y a même plus : le concordat fait
au mépris de l'article 510 est frappé d'une nullité telle-
ment radicale que l'homologation même ne serait pas
,
un obstacle à ce qu'on le fit ultérieurement annuler.
ART. 512, 5^3, 514, 515. 483

A.RT1CLE 512.

Tous les créanciers ayant eu droit de concourir au


concordat, ou dont les droits auront été reconnus de-
puis, pourront y former opposition.
L'opposition sera motivée, et devra être signifiée aux
syndics et au failli, à peine de nullité, dans les huit
jours qui suivront le concordat ; elle contiendra assigna-
tion à la première audience du tribunal de commerce.
S'il n'a été nommé qu'un seul syndic, et s'il se rend
opposant au concordat, il devra provoquer la nomina-
tion d'un nouveau syndic, vis-à-vis duquel il sera tenu
de remplir les formes prescrites au présent article.
Si le jugement de l'opposition est subordonné à la so-
lution de questions étrangères,à raison de la matière,à la
compétencedu tribunal decommerce,ce tribunal surseoira
à prononcer jusqu'après la décision de ces questions.
Il fixera un bref délai dans lequel le créancier oppo-
sant devra saisir les juges compétents, et justifier de ses
diligences.

ARTICLE 513.

L'homologation du concordat sera poursuivie devant


le tribunal de commerce à la requête de la partie la
,
plus diligente.; le tribunal ne pourra, statuer avant
481 TRAITÉ DES FAILLITES,

l'expiration du délai de huitaine fixé par l'article pré-


,
cèdent.
Si, pendant ce délai, il a été formé des oppositions, le
tribunal statuera sur ces oppositions et sur l'homologa-
tion par un seul et même jugement.
Si l'opposition est admise, l'annulation du concordat

sera prononcée à l'égard de tous les intéressés.

ARTICLE 514.
«

Dans tous les cas, avant qu'il soit statué sur l'homo-
logation, le juge-commissaire fera au tribunal de com-
merce un rapport sur les caractères de la faillite et sur
l'admissibilité du concordat.

ARTICLE 515.

En cas d'inobservation des règles ci-dessus prescrites,


ou lorsque des motifs, tirés soit de l'intérêt public, soit
de l'intérêt des créanciers, paraîtront de nature à empê-
cher le concordat le tribunal en refusera l'homologa-
i
tion.

SOMMAIRE.

562. Le concordât n'est obligatoire qu'après qu'il a été homolo-


gué par le tribunal de commerce.
563 Le délai de l'opposition étant de huitaine > le tribunal ne doit
<
ART. 512, 543, 514, 515. 485

prononcer sur l'homologation demandée , qu'après son


expiration pour ne rendre sur toutes les oppositions
,
qu'un seul jugement.
564. Le droit d'opposition appartient aux créanciers signataires
du concordat. — Dans quels cas ?
565. Aux créanciers qui ont refusé de signer.
566. Aux créanciers qui n'ont pas assisté à la délibération. —
Distinction entre ceux qui ont été admis, et les retarda-
taires. — Droits de ces derniers.
567. Aux créanciers provisoirementadmis.
568. Aux créanciers hypothécaires ou privilégiés, mais dans deux
hypothèses seulement.
569. Formes de l'opposition. — Elle doit être motivée.
570. Sont parties nécessaires dans l'instance, le failli,, les syndics
S'il n'en existe qu'un,et qu'il soit opposant, il doit, avant
tout, en faire nommer un second.
571. La dénonciation de l'opposition doit contenir ajournement
à la première audience utile. — Quelle est cette au-
dience?
572. La poursuite de l'opposition est personnelle à l'opposant.—
Les autres créanciers ne peuvent ni intervenir, ni suivre
l'instance en cas de désistement.
573. Si les causes de l'opposition excèdent la compétence consu-
laire, il est sursis au jugement de celle-ci jusqu'après la
décision des juges ordinaires. — Modification au Codé
de commerce.
574. Le jugement qui prononce le sursis doit déterminer un délai
dans lequel l'opposant sera tenu d'investir le juge com-
pétent, et de justifier de ses diligences.
675. Influence du jugement de l'opposition sur l'homologation

Le concordat annulé à la requête d'un seul créancier est
nul pour tous les autres.
6?6. La nullité du concordat, pour tout autre cause que pour ban-
queroute frauduleuse, ne constitue pas les créanciers en
état d'union.
486 TRAITÉ DES FAILLITES.

577. Les jugemens sur l'opposition peuvent être attaqués par


appel.
578. En l'absence de toute opposition l'homologation est pour-
,
suivie par la partie la plus diligente.
579. Le jugement doit, dans tous les cas, être précédé d'un rap-
port du juge-commissaire.
580. Le tribunal peut toujours accorder l'homologation, excepté:
4° Si le failli a été condamné pour banqueroute frauduleuse.
584. 2° Si les règles prescrites par les articles précédents ont
été violées.
582. 3° Si des motifs tirés soit de l'intérêt public, soit de l'inté-
rêt des créanciers-, paraissent de nature à empêcher le
concordat.
583. Le tribunal peut, en outre, refuser d'office l'homologation
pour cause de fraude , alors même que , poursuhi pour
banqueroute frauduleuse, le failli a été acquitté.
584. Il le peut aussi, si le failli a été condamné pour banqueroute
simple.
585. Le jugement qui refuse ou accorde l'homologation est-il sus-
ceptible de recours de la part, soit des syndics, soit du
failli, soit des créanciers ?
586. Est-ce par opposition ou par appel que l'on doit procéder,
587. Les prescriptions des articles 513 et 54 4 sont-elles ordonnées
à peine de nullité?
588. L'annulation du jugement d'homologation remet les parties
au même état qu'auparavant. La plus diligente doit donc
demander de rechef l'homologation que le tribunal peut
refuser ou accorder de nouveau.

562. — Le concordat voté par la majorité requise


par les articles précédents n'est encore qu'un projet de
transaction arrêté entre les créanciers et le failli. Une
devient définitif et obligatoire que lorsque, soumis à
l'examen du tribunal de commerce il a été approuvé
,
AHT. 512; 543,-514, 513. 187

par la justice. Cette approbation résulte du jugement


qui prononce l'homologation.
La nécessité de l'homologation se justifie par les con-
séquences que le concordat entraine. En principe gé-
néral, les conventions n'ont de force qu'entre les parties
contractantes. Ici, au contraire , on a dû admettre que
le voeu de la majorité liait la minorité; d'où la consé-
quence que les créanciers connus ou inconnus doivent
le subir. C'est pour consacrer cette dérogation au droit
commun, que l'on appelle le concours de la justice.
Celle-ci veillera à ce que le traité ne soit pas le pro-
duit d'une majorité viciée. Elle protégera la minorité
contre l'excès d'une générosité injustifiable. Elle s'assu-
rera que les formes, protectrices des intérêts de tous, ont
été religieusement observées. Son intervention a donc
une haute portée ; il importe que les magistrats en soient
eux-mêmes convaincus, pour qu'ils ne soient jamais por-
tés à ne la considérer que comme une pure formalité.

563. — C'est au tribunal de commerce que l'on doit


demander l'homologation. Ce soin est laissé à la partie
la plus diligente* La loi n'a même fixé aucun délai à
celte action. Seulement, le tribunal ne peut jamais pro-
noncer avant l'expiration de celui de huit jours à dater
de la signature du concordat.
On l'a voulu ainsi, parce que les créanciers qui vou-
dront réaliser le recours que la loi leur laisse, étant obli-
gés de former leur opposition dans ces huit jours il
,
pourra être statué sur le tout par un seul et même ju-
gement.
488 " TRAITÉ DES FAILLITES.

564. — La voie d'opposition au concordat est ou-


verte à tous ceux qui y ont été parties ou qui auraint
,
eu le droit d'y concourir. Dans ces termes se trouvent
compris ceux qui ont signé ; mais par rapport à eux,
,
il convient de remarquer qu'ils ne seraient recevables
dans leur opposition que si leur consentement ayant été
,
le résultat du dol ou de l'erreur ils prouvaient qu'ils
,
n'ont découvert l'un et l'autre, qu'après avoir signé; ou
bien encore, que si les causes de leur opposition étaient
postérieures au concordat (').

565. — Les créanciers qui, présents à la délibéra-


tion, ont refusé designer cet acte, ont incontestablement
le droit de l'attaquer. On ne pouvait sans injustice les
empêcher de déférer à la justice l'appréciation des
moyens qu'ils ont fait valoir à l'assemblée. Ces moyens
que la majorité a repousssés, pourraient fort bien être
admis par le tribunal, et faire annuler la transaction.

566. — Pour les créanciers qui n'ont pas assisté à


la délibération il faut distinguer entre ceux dont les
,
créances ont été vérifiées et admises et ceux qui n'ont
,
pas subi cette double opération. Les premiers sont con-
sidérés comme les non signataires, et l'on doit leur ap-
pliquer les mêmes règles.
Quant aux derniers, l'article 512 leur reconnaît le
droit de former opposition au concordat ; mais ils doi-
vent, avant tout, faire vérifier et affirmer leurs créances.
Tant qu'ils n'ont pas au moins dénoncé leur qualité au

(') V. infrà art. 5i8.


ART. 4 2 513, 514, 515. 489
,
juge-commissaire et aux syndics, ils ne sont pas censés
créanciers. Ils ne peuvent, par suite, exercer aucune des
facultés attachées à cette qualité.
Mais il importe de remarquer que, si les créanciers
retardataires ont le droit de se faire reconnaître jusqu'à
la distribution intégrale de l'actif, la faculté de s'opposer
au concordat n'est, dans aucun cas, possible qu'avant
l'expiration de la huitaine de la signature; et que, passé
ce délai, elle ne peut plus être exercée. Cette déchéance,
tellement absolue qu'elle s'applique à la femme mariée,
aux mineurs, aux interdits, régit les créanciers qui ne
se sont pas présentés. On ne pouvait, en effet, laisser
éternellement l'état du failli en suspens. Les créanciers
négligents sont assimilés aux créanciers vérifiés qui ont
gardé le silence ; ils seraient, comme eux non receva-
,
bles à former opposition.
Celui qui se présenterait dans la huitaine pourrait
valablement former opposition, quoique sa créance fût
contestée. Celte opposition est indépendante du juge-
ment sur la contestation. Il suffit qu'elle ait été réalisée
dans le délai légal, pour qu'aucune éventualité puisse
priver le créancier des effets qu'elle est susceptible de
produire. Or, la contestation n'enlève pas la qualité de
créancier ; c'est le jugement qui peut seul produire cet
effet. Conséquemment, tant
que ce jugement n'est pas
rendu, la présomption qui résulte du titre rend le por-
teur capable de prendre toutes les mesures conservatri-
ces des droits qu'il peut avoir. Seulement, le jugement
de l'opposition est forcément renvoyé jusqu'après la dé-
cision de la contestation
sur la qualité de l'opposant.
490 TRAITÉ DES FAILLITES.

Admettre le contraire serait rendre le créancier vic-


,
time d'un fait qui lui est étranger, des lenteurs calculées
que la vérification de sa créance peut rencontrer.
Ce serait de plus le livrer à la discrétion du failli, ou
de tout autre intéressé, qui saurait bien, pour se débar-
rasser d'un redoutable adversaire, lui susciter une con-
testation dût celte contestation ne produire d'autre ré-
,
sultat que de rendre par l'expiration du délai légal,
,
toute opposition au concordat impossible.
Le créancier qui requiert sa vérification, avant l'ex-
piration du délai de l'article 5121, n'est donc pas tenu
d'attendre que son admission ait été prononcée. Il peut,
dès qu'il a dénoncé sa qualité, former opposition au
concordat, s'il le croit utile à ses intérêts. Le tribunal
saisi doit surseoir à y statuer jusqu'après le règlement
des contestations que cette vérification fait nailre.
Si ces contestations ne portaient que sur une partie
de la créance tout sursis deviendrait inutile. Il serait
,
alors certain que le réclamant est créancier pour la par-
tie non contestée; et, comme le droit de former oppo-
sition n'est pas subordonné au chiffre de la créance,
mais seulement à la qualité de créancier la certitude
,
de celle-ci rendrait l'appréciation de l'opposition indis-
pensable. Le tribunal pourrait donc y statuer immédia-
tement.

567. — Les créanciers provisoirement admis, aux


termes des articles 499 et. 500, peuvent former opposi-
tion .alors même.que la contestation sur leur qualité
ne serait pas encore jugée, Le tribunal peut surseoir ou
ART. 512, 513, 514, 515. 191

passer outre à la décision de cette opposition, selon que


le litige existerait sur la totalité ou sur une partie seu-
lement de la créance.
Il est cependant une hypothèse où le sursis serait for-
cé, malgré que la contestation fût limitée à la quotité de
la créance, à savoir si l'admission de la parlie contestée
était de nature à modifier la majorité qui a voté le con-
cordat. Il y a, en effet, entre les retardataires et les cré-
anciers provisoirement admis, cette différence, que les
premiers n'ayant pu, par leur négligence assister à la
,
délibération n'étant même pas à cette époque réputés
,
créanciers, restent à tout jamais exclus des personnes et
des sommes sur lesquelles se calcule la majorité. De là,
la conséquence que celle obtenue n'est, dans aucun cas,
modifiée par leur admission ultérieure.
Les seconds, au contraire, se sont spontanément pré-
sentés en temps utile. Us ont requis leur admission dans
le délai légal. On ne pourrait donc raisonnablement les
rendre victimes des contestations qui leur ont été sus-
citées. Eri conséquence, c'est sur la somme qui leur est
réellement due que se.calcule la majorité. Le jugement
qui rejette les contestations et admet l'intégralité de leur
créance, a un effet rétroactif qui le reporte au moment
où l'admission a été demandée par le créancier.
Il résulte de celte rétroactivité que si la majorité qui
a admis le concordat ne représente plus les trois quarts
des créances le concordat est nul. On comprend dès
, ,
lors, que. toutes les fois
que la parlie de la créance con-
testée doit, si elle est admise, entraîner de telles consé-
quences, le tribunal considère comme un devoir de sur-
192 TRAITÉ DES FAILLITES

seoir à statuer sur l'opposition jusqu'après lé jugement


définitif sur la contestation.
Toutefois, ce retour sur la majorité n'est possible que
lorsque le créancier dont l'admission intégrale le déter-
minerait, a formé opposition au concordat. D'où la con-
séquence qu'en l'absence de toute opposition de ce gen-
re, le concordat serait régulièrement obvenu, et que l'ho-
mologation devrait être prononcée par le tribunal, quel
que fût le nombre des créances provisoirement admises
et non définitivement réglées au moment où cette homo-
logation est demandée.

568. — Les créanciers privilégiés ou hypothécaires


peuvent-ils former opposition au concordat ? Les ter-
mes de l'article 512 font cesser toute incertitude. Celle
voie n'appartient qu'à ceux qui ont eu le droit de con-
courir au concordat, ou dont les droits ont été re-
connus depuis. Or , les privilégiés ou hypothécaires,
étant nommément exclus de ce concours ne pour-
,
raient revendiquer une faculté incompatible avec leur
qualité.
Cette conséquence du principe posé par l'article 508
nous parait rationnelle. On comprend, en effet, que le
concordat resle en dehors des atteintes de ceux qui ne
doivent pas en supporter les effets. Il convenait donc de
laisser, à ceux qui doivent en ressentir tout le poids, le
soin exclusif de veiller à ce qu'il ne soit pas consenti
contrairement à leurs intérêts et au mépris des prescrip-
tions de la loi.
Cependant ce principe reçoit exception, et les créan-
ART. 542, 513, 514, 215. 193
ciers hypothécaires ou privilégiés peuvent, dans les dé-
lais de l'article 512, former opposition au concordat.
1° Si en réalisant cette opposition ils déclarent renon-

cer aux effets de leur privilège ou hypothèque. Cette re-


nonciation, loisible à toute époque, leur assurerait l'exer-
cice de tous les droits attachés à la qualité de simple
chirographaire à laquelle ils se réduiraient.
%° Si au moment de l'opposition le prix des objets
,
affectés à leur privilège ou hypothèque ayant été distri-
bué, leur créance n'avait pas été colloquée en rang u-
tile. Cette hypothèse peut se réaliser lorsque l'expropria-
tion ayant été poursuivie avant la faillite l'ordre a été
,
définitivement clôturé avant l'expiration du délai de huit
jours depuis la signature du concordat. La validité de
l'opposition est, dans ce cas, subordonnée à la condi-
tion que le créancier n'ait absolument rien touché dans
l'ordre; car si une parlie de sa créance, quelque mi-
,
nime qu'elle fût, avait été payée, sa qualité d'hypothé-
caire ayant produit ses effets le soumettrait pour tou-
,
jours aux prescriptions de l'article 508, et partant à l'ex-
clusion qui en résulte quant au droit de former oppo-
sition.

569. — En la forme, l'opposition est réalisée par


une requête contenant les motifs sur lesquels elle est
fondée. L'omission de cette formalité frappe de nullité la
demande de l'opposant. Ou l'a ainsi admis pour empê-
cher ces oppositions, qui ne sont souvent tentées que
pour effrayer le failli, et l'amener à composition.
Ce but du législateur donne la mesure complète de
Il 13
194 TRAITE DES FAILLITES.

ce que l'on doit entendre par l'obligation de motiver


l'opposition. Une énonciation générale que le concor-
,
dat a été fait au mépris des prescriptions de la loi, ne
suffirait pas. La requête doit impérieusement renfermer
renonciation détaillée des vices sur lesquels l'opposition
est fondée. De plus et pour se conformer au véritable
,
esprit de la loi on devrait décider que l'opposant est
,
non recevable à invoquer d'autres moyens que.ceux qu'il
aurait explicitement énumérés dans sa requête.
570. — Sont parties nécessaires dans l'instance en
opposition les créanciers et le failli. Les premiers conti-
nuent à être valablement représentés par les syndics.
D'où la conséquence que le créancier opposant ne
doit ajourner que ces derniers. S'il n'existe qu'un seul
syndic et que celui-ci ait lui-même formé opposition,
,
il ne peut poursuivre cette opposition qu'après avoir fait
nommer un autre syndic. Cette nomination appartient
au tribunal de commerce.
Le failli est ordinairement représenté par les syndics.
Mais, dans cette circonstance ta loi fait une exception
,
au principe de l'incapacité du failli, qui n'est anéantie
que par l'homologation définitive du concordat. L'im-
portance réelle du débat soulevé par l'opposition a mo-
tivé et justifie cette exception.

571. — L'opposant doit donc appeler dans l'ins-


tance le failli et les syndics. L'ajournement doit être si-
gnifié pour la première audience utile. Il faut entendre
par là celle qui suit l'expiration du délai de huitaine de
la signature du concordat. Car tant que ce délai n'est
ART. 542, 513, 514, 215. 195

pas expiré , il peut se former de nouvelles oppositions ;


et il est dans l'intention de la loi qu'il soit statué sur
chacune d'elles par un seul et même jugement. Si l'au-
dience indiquée était antérieure à cette expiration le
,
tribunal devrait surseoir et renvoyer à un jour posté-
rieur.

572. — La poursuite de l'opposition reste purement


personnelle à celui qui l'a réalisée. Ceux qui se sont
abstenus ne pourraient, après l'expiration du délai de
huitaine, intervenir dans l'instance et profiler de la di-
ligence de l'opposant. M. Pardessus (') pense, en outre,
qu'ils seraient non recevables à poursuivre la plainte en
banqueroute qu'ils auraient précédemment formée et
,
dont leur adhésion tacite au concordat ferait supposer
l'abandon.
11 suit encore de notre principe que, si l'opposant se

désistait de son opposition tout serait irrévocablement


,
terminé en faveur du failli aucun autre créancier ne
,
pouvant se faire substituer dans la poursuite.

575. — Malgré que l'homologation soit exclusive-


ment déférée au tribunal de commerce il peut arriver
,
que ce tribunal soit incompétent pour l'appréciation de
l'opposition. C'est ce qui se réalise lorsqu'elle repose sur
des faits dont la connaissance appartient à la juridic-
tion ordinaire,
par exemple, lorsque l'opposant prétend
que le failli est coupable de banqueroute frauduleuse,
qu'il a dissimulé son actif au moyen de ventes dont il

(') N° ,a40.
198 TRAITÉ DES FAILLITES.

attaque la sincérité. Il est évident, dans ces cas, que le


sort de l'opposition est subordonné à l'instruction cri-
minelle sur la plainte en banqueroute, ou à l'annula-
tion des actes simulés. Or, le tribunal de commerce ne
peut ni réaliser la première, ni prononcer la seconde.
L'article 635 du Code de commerce déférait, dans ces
cas et autres analogues, la connaissance de l'opposition
aux juges ordinaires , seuls compétents pour en appré-
cier les causes. Mais la loi nouvelle a abrogé cette dis-
position. La connaissance de l'opposition appartient dé-
sormais, dans toutes les hypothèses, au tribunal de com-
merce ; seulement il est sursis à y statuer jusqu'après la
décision des juges ordinaires sur les causes de l'opposi-
tion (').
574» — Cette nécessité de deux jugemens, l'un pré-
judiciel, l'autre sur l'opposition, pourrait entraîner une
perte de temps considérable si le créancier opposant
,
n'avait, pour intenter son action devant le juge compé-
tent, d'autres règles que sa volonté. Il pourrait être d'au-
tant moins pressé de le faire que son opposition elle-
,
même peut n'être qu'un prétexte pour empêcher le con-
cordat de sortir à effet et pour amener le failli à un
,
sacrifice. C'est pour remédier à cette éventualité, que la
loi exige que, par le jugement qui ordonne le sursis, le
tribunal de commerce détermine un délai pendant lequel
le créancier sera tenu de réaliser son action et de justi-
fier de ses diligences. Si l'opposant laisse écouler ce dé-
lai sans investir i'autorilé compétente le tribunal de
, ,

(') V. nos observations sur le préambule delà loi.


ART. 542, 5<3, 514, 545. 187

commerce doit, sur la demande de la partie intéressée,


le débouter incontinent de son opposition.

575» — L'homologation du concordat est la consé-


quence naturelle du rejet des oppositions. Mais si ces op-
positions sont fondées, si elles sont admises, le concor-
dat est déclaré nul à l'égard de tous les créanciers sans
exception.
disposition remplit une lacune qui avait donné
Celte
lieu, sous l'empire du Code à bien des difficultés. On
,
s'était demandé si le concordat, annulé sur l'opposition
d'un créancier restait obligatoire pour tous ceux qui
,
n'avaient pas formé opposition. Les auteurs, et notam-
ment M. Pardessus ('), considérant le silence de ces der-
niers comme un acquiescement au concordat, s'étaient
prononcés pour l'affirmative, sauf à ces créanciers à de-
mander la résolution si par l'effet du jugement sur
, ,
l'opposition le failli ne pouvait plus exécuter le con-
,
cordat.
solution avait ce singulier résultat, qu'un acte
Celte
qui est de sa nature invisible pouvait être nul pour les
uns et valable pour les autres. On arrivait ainsi à celte
conséquence étrange, que même la fraude du failli en-
vers tous ses créanciers lui était profitable contre la plu-
part d'entre eux ; et que là où la loi exige une égalité
absolue pour tous, certains créanciers recevaient la tota-
lité de leur créance tandis d'autres ne pouvaient
,
que
jamais en recevoir qu'une partie. Il pouvait donc résul-
ter de cette doctrine que dès qu'une seule opposition
,

(')' »° 1242.
498: TRAITÉ DES FAILLITES.

menaçait le concordat, chaque créancier devait se rendre


à son tour opposant pour profiter de la chance d'annu-
lation et se faire payer l'intégralité de ce qui lui.était dû,
Ce système et ses conséquences sont proscrits par la
loi actuelle. Le concordat, nul pour un seul des créan-
ciers est nul pour tous. Cela paraît, et est, en effet,
,
beaucoup plus rationnel ; car, que l'opposition soit fon-
dée sur la fraude ou sur la violation de la loi, il suffit
que l'une ou l'autre ait réellement existé, pour qu'il soit
impossible de la diviser dans l'application. Le vice qui
en résulte atteint le traité dans sa parlie essentielle, et en
anéantit tous les élémens.
D'ailleurs, le concordai quoique signé n'est pas enco-
re obligatoire , même pour les signataires. 11 ne le de-
vient que par l'homologation. Cela est si vrai que, si le
tribunal de commerce, en l'absence de toute opposition,
refuse celle-ci, îe concordat ne saurait recevoir d'exécu-
tion. Par quel motif plausible donnerait-on au refus
d'homologation provoqué par les plaintes fondées d'un
,
créancier, un effet moins général qu'au refus prononcé
d'office par le tribunal de commerce ?

576. — La nullité du concordat prononcée pour


tout autre cause que pour banqueroute frauduleuse, ne
constitue pas les créanciers en état d'union. Les créan-
ciers doivent seulement être appelés à délibérer de nou-
veau. Leur convocation doit être faite , et l'avis donné
dans les formes prescrites par les articles 504 et suivants,

577. —
Les jugemens qui prononcent sur les oppo-
silions sont susceptibles d'appel de la part de la partie
ART. 512, 513, 514, 515. 199
qui a succombé. Cet appel doit être émis dans la quin-
zaine de la signification. L'instance d'appel, est pour-
suivie entre l'opposant, les syndics et le failli.

578. — Nous venons de voir que les uns et les au-


tres sont parties nécessaires sur l'opposition. Il n'en est
pas de même pour, l'homologation. Celle-ci est deman-
dée par une simple requête, sans assignation par la
,
partie la plus diligente, dès l'expiration du délai de l'op-
position.
Ces formes expéditives et sommaires ont fait craindre
qu'on ne vit dans-le jugement à rendre par le tribunal,
qu'une simple formalité sans importance, plutôt qu'un
acte sérieux et c'est pour obvier à la méconnaissance
,
formelle de l'intention de la loi qui naîtrait de cette
,
idée, que l'article 514 a tracé les obligations que le juge
a à remplir, en l'absence de toute discussion contradic-
toire surtout.
En effet, le jugement d'homologation est une épreuve
solennelle imposée principalement au failli. Il doit être,
aux yeux de la justice, digne de la faveur que ses cré-
anciers lui ont témoignée et qui ne sort à effet que si
,
elle est ratifiée par l'autorité judiciaire.

579. — C'est au juge-commissaire que la loi confie


l'exécution de cette haute pensée. Le jugement du tribu-
nal doit être précédé d'un rapport de ce magistrat. Ce
rapport, nécessaire dans tous les cas, est indispensable
en l'absence de toute opposition ; il doit exposer les ca-
ractères de la faillite, la conduite du failli l'état de ses
,
affaires et. les causes de sa catastrophe; il doit énoncer
200 TRAITÉ DES FAILLITES.

si les formalités voulues par la loi ont été remplies, et


si le concordat est ou non admissible. Mention de l'exé-
cution de cette importante formalité doit être faite dans
le jugement qui admet ou rejette l'homologation.
580. —. La loi laisse à la prudence du tribunal à
accorder ou refuser l'homologation ; elle se borne à in-
diquer quelques cas dans lequel le refus est forcé à
t ,
savoir :
4° Si le failli a été condamné pour banqueroute frau-
duleuse. Cette défense est la conséquence directe de la
disposition de l'article 510. Si à l'époque où l'homolo-
gation est demandée, le failli n'est que poursuivi, le tri-
bunal renvoie à y statuer, jusqu'après l'événement de
la poursuite.
Les prescriptions du second paragraphe de l'article
510 rendent celle dernière hypothèse peu probable. Elle
peut cependant se réaliser si, depuis le vote du concor-
dat, et sur la plainte d'un créancier, une information en
banqueroute frauduleuse a été prise.
581. — 2° Lorsque les règles prescrites par les ar-
ticles qui précèdent n'ont pas été observées. Ces règles
ne concernent pas seulement l'intérêt privé, mais encore
l'ordre public ; elles protègent celui-ci ; car elles ont pour
but de rendre les faillites moins nombreuses, en enlevant
aux faillis toute espérance d'un arrangement clandestin
et précipité ; en les soumettant aux investigations inté-
ressées des créanciers et de la justice. Il était donc ra-
tionnel d'attacher à leur violation une sanction pénale
suffisante pour la prévenir et l'empêcher.
ART. 512, 513, 514, 515.. 20Î
Le tribunal de commerce peut donc aujourd'hui re-
fuser d'office l'homologation pour violation des formes.
Celle possibilité avait fait, sous l'empire du Code, l'objet
d'un doute grave en doctrine et en jurisprudence. L'o-
1 pinion même la plus généralement adoptée était que
,
l'initiative du tribunal se restreignait au cas de fraude,
parce que, disait-on, les formes étant plus particulière-
ment en"faveur des créanciers ceux-ci pouvaient vala-
,
blement y renoncer. Or, cette renonciation résultait ex-
plicitement de l'absence de toute opposition.
On invoquait, en outre, la disposition de l'article 526
qui n'admettait pour causes de refus de l'homologation
que l'inconduile et la fraude. La preuve, disait-on, que
cet article est limitatif, c'est que le refus du tribunal
constituait le failli en prévention de banqueroute. Or,
cette prévention, naturelle dans la supposition d'une in-
conduite ou de fraude aurait été exorbitante et injuste
,
dans le cas d'inexécution des formalités qui ne pouvait
même être exclusivement imputable* au failli (').
Ce dernier motif avait seul une véritable et réelle im-
portance; et ce qui prouve qu'il devait faire admettre
l'opinion qui l'invoquait, c'est que la loi actuelle qui a
consacré l'opinion contraire a abrogé les conséquences
que le Code attachait au refus d'homologation. Quel
qu'en soit aujourd'hui le motif, et principalement en ce
qui concerne la violation des formes, ce refus n'établit
plus une présomption de banqueroute.

(') Pardessus, n° 1245; Boulay-Paty, tom. i,pag. 270; Locrc, sur


l'article 5Ï6.
202 " TRAITÉ DES FAILLITES.

582. — 3° Si des motifs tirés soit de l'intérêt pu-


blic, soit de l'intérêt des créanciers, paraissent de nature
à empêcher le concordat. Le refus, dans ce cas, est su-
bordonné à l'existence de ces motifs. Mais celte exis-
tence reconnue et constatée dans le jugement, aucune
considération ne saurait autoriser ni légitimer l'adop-
,
tion de l'homologation.
Bien entendu que l'appréciation de ces motifs est lais-

sée tout entière à l'arbitrage du tribunal. Ainsi si les


,
magistrats étaient convaincus qu'il y a eu fraude, s'il est
certain pour eux que le concordat est le fruit de com-
plaisances illégales, ou d'une collusion trop souvent dé-
terminée par des manoeuvres et des transactions illicites,
si même les conditions du concordat leur paraissent ex-
céder les bornes de la raison ('), ils doivent refuser leur
approbation, et ne pas hésiter à repousser la demande
en homologation.
583. — Le tribunal de commerce pourrait-il refu-
ser d'homologuer le concordat sous prétexte de fraude,
alors que le failli, ayant été poursuivi pour banqueroute
frauduleuse, aurait été acquitté ? En fait, la loi n'impo-
sant pas aux juges l'obligation d'indiquer les élémens de
leur conviction, il est certain que leur indépendance est
absolue, et qu'il suffit qu'ils soient convaincus de l'exis-
tence des motifs dont parle l'article 515 pour qu'ils
,
soient autorisés à refuser l'homologation dans toutes les

(') Il y a peu de temps , le tribunal dela Seine a refusé d'homolo-


guer un concordat qui avait réduit les créances à cinq pour cent, et
accordé au failli cinq ans pour le paiement de ce dividende.
ART. 512, 513, 514, 515. 203
hypothèses. En droit, notre question pourrait paraître
douteuse, si la chose jugée au criminel pouvait avoir une
influence forcée sur la décision des tribunaux ordinaires.
Mais, depuis longtemps les principes sont fixés sur ce
,
point, et nous croyons incontestable que les faits même
qui ont motivé la poursuite, peuvent être pris en consi-
dération, après l'acquittement, pour faire rejeter la de-
mande en homologation, soit que le tribunal pense que
le jury s'est trompé, soit que des circonstances nouvel-
les viennent donner à la fraude une plus grande consis-
tance.

584. — La condamnation pour banqueroute simple,


bien qu'elle ne soit plus une prohibition de concorder,
peut cependant motiver le rejet de l'homologation. Les
causes de celte condamnation peuvent être de telle na-
ture, qu'il y eût danger, pour l'intérêt public, à donner
au failli un témoignage d'indulgence, que la loi réserve
à la bonne foi, à la négligence, à l'imprudence même,
mais jamais à la déloyauté.

585. — Le jugement qui accorde ou refuse l'homo-


logation, est-il susceptible de recours ? Nous avons déjà
dit qu'aucun doute ne saurait s'élever lorsqu'une op-
,
position ayant été formée le tribunal a statué contra-
,
dictoirement entre toutes les parties sur cette opposition,
et comme conséquence sur l'homologation. Il y a alors
une instance ordinaire, soumise, comme tout autre, aux
principes qui régissent les deux degrés de juridiction.
Mais, lorsqu'en l'absence de toute opposition l'homolo-
gation est demandée, il n'y d'autres parties en cause
a
204 TRAITÉ DES FAILLITES,

que le poursuivant. La question de recours peut donc


éprouver une véritable difficulté non-seulement en ce
,
qui concerne le failli et les syndics, en cas de refus d'ho-
mologation mais principalement à l'égard des créan-
,
ciers dans l'hypothèse contraire.
Si l'homologation est refusée la raison de douter
,
qu'il puisse exister un recours, se puise dans les termes
et dans l'esprit des articles 514 et 515. Pour ce qui
concerne l'homologation, le tribunal exerce, avons-nous
dit, un pouvoir dont la loi ne lui demande aucun comp-
te. Son opinion se détermine sur le rapport du juge-
commissaire, et sur les faits puisés dans la conduite du
failli, et dans les circonstances de la faillite qui s'est dé-
roulée sous ses yeux. Dans celte occurrence, il est diffi-
cile d'admettre un mal jugé, de nature à être réparé par
l'autorité supérieure; d'autant plus que celle-ci devra
se prononcer en l'absence de toute contradiction, et sur
simple requête, et sans que sa décision puisse être éclai-
rée par le rapport du juge-commissaire.
Cependant l'intérêt majeur que l'homologation a pour
le failli et pour les créanciers ; le silence de l'article 583
qui laisse cette décision sous l'empire du droit commun,
doivent faire admettre pour les uns et pour les autres
la faculté d'émettre appel, si, sur leur demande, l'ho-
mologation n'a pas été accordée.
Si le jugement accorde l'homologation, les créanciers
seuls pourraient avoir à s'en plaindre. Mais par rap-
,
port à eux la faculté de l'attaquer paraîtrait condam-
,
née par des considérations bien plus puissantes encore.
D'abord, l'article 512 n'accorde que huit jours pour
ART. 512, 513, 514, 545. 205
former opposition au concordat. Or, concéder, après ce
délai, la faculté de recourir contre le jugement qui l'ho-
mologue, ne seraitJce pas relever les créanciers de la dé-
chéance absolue dont cet article les frappe, et éluder sa
disposition ?
Ensuite l'absence de toute opposition n'est-elle pas,
delà part des créanciers , un acquiescement formel au
concordat? Or, qui veut la fin veut les moyens ; et puis-
qu'il ne saurait exister de concordat valable sans ho-
mologation l'adhésion à celui-ci entraîne le consente-
,
ment à celle-là, ce qui rendrait inattaquable le jugement
qui la prononce.
Enfin, à ces causes de non recevabilité vient s'en join-
dre une autre non moins précise, le défaut d'intérêt des
créanciers à faire annuler le jugement. En effet, la loi
n'a pas prescrit à l'homologation un délai après lequel
elle ne puisse plus être prononcée. Or, le défaut d'op-
position ayant rendu le traité définitif, rien ne s'oppo-
serait à ce que après l'infirmation d'un premier juge-
,
ment on ne fit prononcer l'homologation par un autre
,
plus régulier.
Quelque concluants que puissent paraître ces motifs
contre l'admission d'un recours quelconque envers le
jugement qui a homologué le concordat, c'est l'opinion
contraire qui a prévalu en doctrine et en jurisprudence;
on s'en est référé au droit commun dans le silence de
la loi spéciale. Mais, il importe de remarquer que l'ac-
tion des créanciers
se borne à exciper des irrégularités
qui pourraient vicier le jugement, comme si, par exem-
ple il avait été rendu contrairement
, aux prescriptions
206 TRAITÉ DES FAILLITES.

des articles 513 et 514 elle ne pourrait jamais aller


,
jusqu'à contester le concordat lui-même ni soutenir
,
qu'il doit être annulé. Sur ce point, tout est terminé par
le défaut d'opposition et ainsi se trouvent conciliés le
.;

droit de recours et la disposition de l'article 512.

586. — Quelle est la voie que les créanciers doivent


prendre pour obtenir la réformation du jugement d'ho-
mologation ? doivent-ils procéder par appel ou par op-
position ?
On a voulu distinguer trois hypothèses : ou l'homo-
logation a été poursuivie par les syndics, ou par le failli
contre les syndics, ou par le failli seul.
Dans les deux premiers cas les créanciers ont été
,
parties dans l'instance. Car, jusqu'après l'homologation,
les syndics les représentent valablement; ils ne pour-
raient donc venir que par appel contre le jugement.
Dans le troisième cas,- le jugement pourrait être assi-
milé à un défaut, et la voie de l'opposition semblerait
indiquée naturellement. C'est dans ce sens que se pro-
nonce M. Pardessus (').
Plusieurs motifs, selon nous condamnent celte opi-
,
nion. D'abord il nous paraît impossible d'assimiler à
,
un défaut le jugement rendu sur l'homologation du con-
cordat. Il ne peut y avoir défaut que lorsque la partie
ayant été appelée, n'a pas comparu. Or, dans l'instance
en homologation , l'appel en cause des créanciers n'est
pas même ordonné puisque la loi en confie la pour-
,

(') N° 1245.

ART. 512, 513, 514, 515. 207
suite à la partie la plus diligente sans ajournement et.
,
sans débats.
La raison d'une telle prescription est facile à saisir.
L'homologalion n'est qu'une conséquence de l'admission
du concordat. Consentir à celui-ci, c'est conférer au
failli le mandat de la requérir de la faire prononcer.
,
Cette présomption existe tant que, par une opposition en
forme les créanciers n'ont pas manifesté une opinion
,
contraire.
Il suit de là qu'en demandant l'homologation,le failli
agit au nom de tous les intéressés, et que tous ceux que
le concordat atteint sont représentés dans l'instance, s'ils
n'ont pas formé opposition.
En deuxième lieu le droit des créanciers réduits à
, ,
quereller la régularité du jugement, ne s'ouvre qu'après
la prononciation de celui-ci. Or, comment le tribunal
pourrait-il connaître d'une action qui a son origine dans
la décision qu'il a rendue, qui n'existait pas avant, qui
ne s'est ouverte qu'après qu'il s'est lui-même désinvesti
en prononçant sur l'objet qui lui était déféré? L'opposi-
tion, dans ce cas, n'aurait d'autre résultat que celui de
saisir le premier juge de la connaissance du bien ou mal
jugé de sa propre décision. Elle violerait donc le prin-
cipe qui a présidé à la constitution des deux degrés de
juridiction à savoir qu'un tribunal ne peut jamais se
,
réformer lui-même et que l'examen du plus ou moins
,
de validité légale d'un jugement définitif appartient au
juge supérieur.
Ainsi, l'opinion de M. Pardessus ne pourrait être ad-
mise que si les créanciers devant être admis dans Tins-
208 TRAITÉ DES FAILLITES.

tance pouvaient soutenir que le jugement devait rejeter


l'homologation. Mais quisque, d'après lui-même, ils ne
peuvent jamais que critiquer les irrégularités du juge-
ment, il est évident que tout se réduit à une question de
nullité pour la solution de laquelle le juge d'appel est
,
seul compétent.
Le jugement d'homologation n'est donc jamais un ju-
gement de défaut. Dans toutes les hypothèses, il ne peut
être attaqué que par appel.

587. — Les prescriptions des articles 513 et 514


sont-elles de droit rigoureux à tel point que leur vio-
,
lation frappe de nullité le jugement intervenu ? Cette
question doit se résoudre par les motifs qui ont fait a-
dopter chacune de ces prescriptions.
La défense que fait l'article 513 de prononcer le ju-
gement avant l'expiration du délai de huitaine, n'a évi-
demment pour but que d'éviter les frais qui résulteraient
de la nécessité de prononcer par jugemens séparés sur
les oppositions qui peuvent être formées dans ce délai.
C'est donc une économie que la loi a voulu faire dans
l'intérêt de tous. Il suit de là que la violation de cette
défense n'enlève ni ne crée aucun droit. Ainsi les op-
,
positions faites après le jugement, mais avant l'expira-
tion des huit jours, seraient bien obvenues, et il devrait
y être statué , malgré que l'homologation eût été une
première fois accordée.
Mais si le délai expire sans qu'il ait été formé de
,
nouvelles oppositions, le jugement rendu avant est va-
lable et définitif. Les créanciers qui, pouvant faire op-
ART. 512, 513, 514, 545. 209
position, ont gardé le silence ne pourraient demander
,
la nullité.d'une décision qui ne leur a causé aucun pré-
judice.
Il n'en est pas de même pour le rapport prescrit par
l'article 514. L'homologation dégénérerait bientôt en
une simple formalité sans importance , si elle pouvait
être donnée sans que la faillite, son état, ses causes, 3a
conduite du failli aient été exposés au tribunal. On doit
donc considérer l'obligation imposée au juge-commis-
saire comme substantielle. Le seul moyen d'en assurer
l'exécution, c'est de l'exiger à peine de nullité, avec d'au-
tant plus de raison que cette exécution touche à l'intérêt
général, à l'ordre public comme tout ce qui tend à
,
n'accorder le bénéfice du concordat qu'à la bonne foi,
et non à la surprise, à la collusion ou à la fraude (').

588. — L'annulation du jugement d'homologation,


comme irrégulièrement rendu, n'autorise pas la cour à
annuler le concordat. Elle doit renvoyer au tribunal de
commerce à juger de nouveau sur la requête de la par-
tie la plus diligente. Le tribunal n'est nullement lié par

sa décision précédente. Il peut refuser l'homologation,


malgré qu'il l'eût précédemment accordée, si, plus éclai-
ré il se trouve en présence de causes et motifs de la
,
nature de ceux énoncés dans l'article 515.

(') Douai, 23 décembre I85CJ; D. P., 4', 2, 43.

4.5.
210 TRAITÉ DES FAILLITES

§11.

Des effets du concordat.

ARTICLE 516.

L'homologation du concordat le rendra obligatoire


pour tous les créanciers portés ou non portés au bilan,
vérifiés ou non vérifiés et même pour les créanciers
,
domiciliés hors du territoire continental de la France,
ainsi que pour ceux qui, en vertu des articles 499 et
500, auraient été admis par provision à délibérer, quelle
que soit la somme que le jugement définitif leur altri-
buerait ultérieurement.

ARTICLE 517.

L'homologation conservera à chacun des créanciers,


sur les immeubles du failli, l'hyothèque inscrite en vertu

du troisième paragraphe de l'article 490. A cet effet, les


syndics feront inscrire aux hypothèques le jugement
d'homologation, à moins qu'il n'en ait été décidé autre-
ment par le concordat.
ATIT. 516, 517. 211

SOMMAIRE.

589. L'homologation rend le concordat définitif. En conséquence,


la remise consentie par les créanciers est acquise au
failli.
590. Le concordat est obligatoire pour tous les créanciers sans ex-
ception. Dérogation à ce qui était admis sous le Code.
590 bis. La reconnaissance de la dette, et l'engagement de la payer
après l'homologation du concordat, lient obligatoirement
l'ancien failli.
591. Les créanciers contestés ne pourront, après le règlement de
leur créance réclamer que le dividende proportionnel
,
sur les sommes définitivement admises.
591 Ws. Le concordat voté par les créanciers sociaux seuls, est-il
opposable aux créanciers personnels des associés ?
592. Par réciprocité les créanciers antérieurs à la faillite auront
,
le droit d'exiger le dividende convenu.
593. Arrêts qui décident que le failli qui a poursuivi l'homologa-
tion ne peut plus contester les créances.
594. Justification de l'opinion contraire.
595. Exceptions à la faculté de contester après l'homologation.
596. Dans quelles proportions les créanciers hypothécaires ou
privilégiés participent-ils à la remise convenue ?
597. Le failli ne peut opposer aux créanciers, qui ne se présente-
raient qu'après l'homologation, le défaut de vérification
et d'affirmation antérieures.
598. L'homologation confère une hypothèque aux créanciers chi-
rographaires.
599. Comment doit-on interprêter les termes de l'article 517 ? En
résulte-t-il que l'inscription de l'article 490 confère hy-
pothèque ?
600. L'hypothèque résultant du jugement d'homologation doit
être inscrite.
601. Il suffit d'un seul bordereau
pour tous les créanciers. — Ses
formes.
212 TRAITÉ DES FAILLITES.

002. Le bordereau doit être pris au nom de tous les créanciers


opposants ou signataires du concordat.
603. En celui des créanciers domiciliés hors France , et qui sont
encore dans les délais de la vérification.
604. Les créanciers encore inconnus participent-ils à l'hypothè-
que prise par les syndics ?
605. Par rapport à eux, il en est des cautions comme de l'hypo-
thèque.
606. L'hypothèque pour les créanciers contestés est toujours pour
le montant de ce qui leur sera dû en vertu du règlement
définitif de leur créance.
.
607. Le jugement d'homologation produit de plein droit hypothè-
que, à moins de stipulations contraires, sur les hiens du
failli et des cautions.

589. —Le concordat légalement consenti et régu-^


fièrement homologué devient obligatoire et forcé. C'est
,
exclusivement par ses dispositions que se règlent la po-
sition du failli, et les droits des créanciers dans leurs
rapports ultérieurs.
Ainsi, le failli est définitivement libéré de toute la
partie de la dette qui lui est remise. Il ne doit plus à
chacun de ses créanciers que le dividende proposé et
accepté. Le paiement de ce dividende le met à l'abri de
toute action et de toutes recherches, de la part de ceux
dont les titres remontent à une date antérieure à celle
du jugement qui avait déclaré la faillite.
590. — Cet effet seproduit sans exception envers
les créanciers, quels qu'ils soient, alors même qu'ils se-
raient demeurés inconnus, et qu'ils prétendraient avoir
ignoré la faillite. Les termes généraux de, l'article 516
ART. 516, 517. .213
ne laissent plus aucun doute à cet égard et terminent
,
ainsi une controverse que le vague de l'article 524 du
Code de commerce avait fait naître*
[ Cetarticle, en effet, disposait que l'homologation du
concordat le rendait obligatoire pour tous les créan-
ciers. Cette expression comprenait-elle ceux qui n'ayant
pas été inscrits au bilan, étaient restés en dehors, et n'a-
vaient participé à aucune opération de la faillite ? S'é-
tendait—elle également à ceux dont les créances contes-
tées dans la vérification n'avaient été réglées que pos-
térieurement à l'admission du concordat ?
Telles étaient les questions qui avaient divisé la doc-
trine et la jurisprudence. On peut cependant se convain-
cre que celte division allait en s'affaiblissant, et que la
négative ralliait chaque jour de nouveaux suffrages (').
Il résultait de cet état de choses que le concordat n'é-
tait bien souvent, pour le failli, qu'une ressource incer-
taine, impuissante; pour les créanciers, qu'une source
d'injustices. Si le failli était de bonne foi, et qu'il eût
promis tout ce qu'il pouvait réellement donner, les cré-
ances qu'il lui fallait payer, en dehors du concordat, in-
tégralement et sans même pouvoir exciper- du bénéfice
,
du terme, venaient jeter le désordre dans ses prévisions,
détruire tous ses calculs le livrer à des exécutions im-
,
médiates ou lui enlever toutes ses ressources actuelles.
,
Dans chacune de ces prévisions, devait nécessairement
se rencontrer la chance depe pouvoir plus tard remplir

(') Y, cour de cassation, 24 août i83G ; D. P., 5j, 1, a4i.


214 TRAITÉ DES FAILLITES.

les obligations qu'il s'était imposées, et par conséquent,


la probabilité d'une nouvelle faillite.
Si le failli était de mauvaise foi, qu'il eût colludé a-
vec quelques créanciers pour les tenir éloignés de sa
faillite, les créanciers concordataires devenaient victimes
de celte collusion. Ils perdaient, eux, une parlie de leur
créance, tandis que sous leurs yeux, et sans qu'ils pus-
sent l'empêcher , d'autres créanciers recevaient l'inté-
gralité de ce qui leur était dû.
Un pareil résultat pouvait-il se concilier avec la
loyauté qui doit être le principe du concordat, et l'éga-
lité qui doit présider au sort commun de tous les cré-
anciers ? Etait-il d'ailleurs équitable de diviser dans
,
l'exécution, un acte qui, pour être juste, doit être essen-
tiellement indivisible? Or, le concordat doit inévitable-
ment régir tout ce qui s'est accompli avant lui. De sa
date, commence pour le failli une ère nouvelle qui subs-
titue les obligations qu'elle crée à celles qui existaient
auparavant. Et puisque la loi accorde à la majorité le
droit de l'imposer à la minorité convient-il de laisser
,
à quelques membres de celle-ci les moyens de se sous-
traire à ses effets ?
Il nous semble donc que le système admis sous le
Code était irrationnel, dangereux, injuste. Etait-il permis
d'alléguer valablement qu'on avait ignoré la faillite,
qu'on n'avait pas été mis en demeure de s'y présenter,
lorsque la publicité donnée sous tant de formes, et à
tant de reprises différentes , n'a pour but précisément
que d'obvier aux oublis que le failli ou les syndics pour-
raient commettre, en rédigeant l'état des créanciers?
ART. 510, 517. 215
Nous ne pouvons, en conséquence, qu'approuver hau-
tement le système de la loi actuelle. Sa disposition est
claire, précise, absolue. Tout créancier quelconque, con-
nu ou inconnu, présent ou absent, est définitivement lié
par le concordat ; il n'a pas d'autres droits que les si-
gnataires eux-mêmes. La date du titre réclamé règle
donc seule le sort de la créance. Le paiement est total
ou partiel, selon que cette date est postérieure ou anté-
rieure à l'homologation.

590 bis. — Nous avons déjà dit que par la mise


,
en faillite de la société,chaque associé solidaire est per-
sonnellement et de plein droit en état de faillite ; que
leurs créanciers particuliers ne peuvent agir que contre
les syndics administrant l'actif social, et qui admettent
chacun d'eux au passif personnel de leur débiteur (').
Le concordat délibéré par les créanciers sociaux lie-
rait-il les créanciers particuliers des associés ? Pour-
raient-ils être obligés d'en accepter les conditions ?
Les créanciers sociaux ont un double droit : celui de
participer à la répartition de l'actif social ; celui de venir
en concours avec les créanciers personnels sur l'actif
particulier de chacun des associés.
Ce dernier ne peut jamais absorber le droit de ces
créanciers personnels, et faire qu'on puisse disposer de
l'actif de leur débiteur les consulter à ce sujet. Ce
, sans
droit restreint à cet actif n'a rien perdu de
son carac-
tère. Il est, quant à
ce l'égal de celui des créanciers
,

(') V. suprà n° 35 bis.


. v
216 TRAITÉ DES FAILLITES.

sociaux. Il doit, par conséquent, jouir de la même pré-


rogative.
On ne saurait donc leur contester et moins encore
,
leur dénier la faculté de délibérer sur le concordat,
d'admettre ou de rejeter le sacrifice qui doit en résulter.
Celui qui serait intervenu sans leur concours ou sans
,
qu'ils eussent été mis en état et en demeure de le prêter,
ne leur préjudicierait en rien , et ne saurait même leur
être opposé.
Les syndics doivent donc les appeler à la délibéra-
tion. Quel sera le mode à adopter dans cette délibé-
ration?
M. Renouard estime qu'on doit d'abord faire voter
les créanciers sociaux, puis établir une délibération par-
ticulière sur chaque associé, à laquelle concourront les
créanciers sociaux et les créanciers personnels.
Ce qui pourrait résulter de ce mode c'est que les
,
associés auxquels le concordat voté par les créanciers
sociaux profiterait, verraient ce concordat repoussé lors
de la seconde délibération ou obtiendraient de celle-ci
,
le bénéfice que la première leur avait refusé. Il est fa-
cile de prévoir que l'adjonction des créanciers person-
nels aux créanciers sociaux peut, dans un sens ou dans
l'autre, modifier les majorités requises.
Le même individu pourrait donc se trouver en état
de concodat pour les uns, d'union pour les autres. Nous
n'avons pas besoin d'insister sur les embarras inextri-
cables que créerait un pareil état des choses. Le moyen
de le prévenir est donc à rechercher et surtout à em-
,
ployer.
ART. 516, 517. 217
Ce moyen , la loi de 1838 l'a donné en autorisant,
par l'article 531, les concordats particuliers, c'est-à-dire
autant de délibérations distinctes qu'il y a d'associés.
Ce qui est facultatif dans tous les cas nous paraît un
,
devoir rigoureux à l'égard des associés qui ont des cré-
anciers particuliers parce qu'alors il n'y aura qu'une
,
délibération à laquelle prendront part et ces créanciers
et les créanciers sociaux. La position du débiteur en
ressortira avec netteté et précision.
Sans doute il pourra arriver que, parmi les membres
d'une même société les uns obtiendront un concordat,
,
et les autres se trouveront en état d'union. Mais, ce ré-
sultat, l'article 531 l'autorise. Tout au moins, éviterait-
on ainsi l'anomalie que nous venons de signaler, d'une
seule et même personne en état de concordat pour les
uns, de contrat d'union pour les autres.

59i. — La loi met nominativement sur la ligne des


créanciers soumis au concordat, ceux dont les créances
contestées n'auraient pas encore été réglées au moment
de l'homologation. Cette application.spéciale, malgré les
termes généraux de notre article, indique avec quel soin
le législateur a voulu prévenir toule difficulté et éviter
de donner naissance à toute interprétation qui aurait
été plus ou moins fondée. En l'état, donc quelle que
,
soit la somme définitivement adjugée, le créancier con-
admis provisoirement, ne pourra réclamer qu'un
testé et
dividende proportionnel
sur le montant définitif de sa
créance.
En résumé le concordat a pour effet immédiat', en
,
218 TRAITÉ DES FAILLITES.

faveur du failli, de réduire toutes ses dettes de la por-


tion dont remise lui est accordée. Personne ne peut exi-
ger plus que le dividende qui excède cetle partie. Payé
que soit celui-ci, ses obligations légales sont éteintes,
sans qu'il puisse être recherché au delà, ni sur ses biens
présents, ni sur ceux qu'il pourra acquérir par la suite.

591 bis. — La remise partielle de la dette résultant


du concordat est, pour le failli, une pure faveur. Il peut
donc en répudier les effets, y renoncer en faveur de tel
ou tel de ses créanciers. L'engagement qu'il contracte-
rait, à cet égard, le lierait obligatoirement. Il ne pour-
rait en être exonéré que dans le cas et aux conditions
qui fairaient annuler un contrat ordinaire c'est-à-dire
,
pour défaut de consentement valable , pour incapacité,
pour absence de cause, ou son caractère illégal ou illi-
cite.
Or le consentement s'induirait de l'acte régulier
,
constatant l'engagement. La présomption naissant de
cette induction ne céderait que devant la certitude que
le consentement a été déterminé par le dol ou la fraude,
surpris par l'erreur ou imposé par la violence. On com-
prend qu'il ne suffirait pas d'alléguer l'existence d'un
de ces vices ; il faudrait surtout la prouver.
La capacité du failli, remis par le concordat à la tête
de ses affaires, est incontestable. Le jugement qui ho-
mologue le concordat, lui restitue ses droits et actions
dont il recouvre ainsi le libre et entier exercice. Ici en-
core , le titre est d'un utile secours , puisque le rappro-
chement die sa date et de celle du jugement homologatif
ART. 516, 517. 219
tranche la question de savoir si l'engagement a été sous-
crit avant ou depuis ce jugement.
Mais la sincérité de la date à moins de la supposer
,
authentique, ou devenue certaine par un des modes in-
diqués par la loi, pourra être attaquée, et le sera infail-
liblement lorsque le titre aura été souscrit dans un
,
temps plus ou moins rapproché du moment où le failli
aura repris sa capacité. On ne manquera pas de soute-
nir que l'engagement a été réellement contracté en état
de faillite ; qu'il constitue l'arrangement particulier pro-
hibé par l'article 597; que sa date n'a été qu'une pré-
caution contre l'effet de cette prohibition.
Nous convenons qu'en présence d'allégations de ce
genre, le porteur du titre ne pourrait se prévaloir de
l'article 1322 du Code Napoléon. Il s'agirait, en effet,
d'une fraude à une loi d'ordre public dont peut se
,
prévaloir l'auteur même de la fraude. La preuve même
par témoins et par présomptions pourrait être admise.
Mais, en cas de défaut ou d'insuffisance de preuve la
,
capacité s'induisant de la postériorité de la date serait
acquise. ' '
,
Valable sous ce double rapport, l'obligation ne le se-
rait pas moins au point de vue de la cause et de son
caractère. Il est unanimement admis en doctrine et en
jurisprudence, que l'obligation civile fondée sur la pré-
existence d'une obligation naturelle a une cause juste
,
et légitime.
Or le concordat ne libère le failli de la partie de la
,
dette remise civilement. Il demeure donc naturelle-
que
ment obligé, et son obligation a même un caractère spé-
220 TRAITÉ DES FAILLITES.

cial et particulier, puisque ce n'est qu'en y satisfaisant


que le failli se libérera des incapacités légales qui ont
survécu au concordat.
L'engagement du failli de payer intégralement ses
créanciers, a donc une cause. Loin de le réprouver, la
loi en fait un devoir moral, par le prix qu'elle attache
à sa réalisation.
On a prétendu cependant le qualifier d'immoral et
d'illicite. L'égalité, a-t-on dit, doit régner entre les cré-
anciers de la même faillite ; et ce principe crée un obs-
tacle invincible à ce que les uns obtiennent un paiement
intégral, tandis que les autres ne recevraient qu'un di-
vidende plus ou moins considérable.
Cette objection n'aurait de fondement juridique, que
si l'engagement de payer avait été contracté ou convenu
pendant la durée des opérations précédant le concordat.
Alors, en effet, il serait considéré comme le prix du con-
cours aux délibérations de la faillite, au vote du concor-
dat. Il constituerait donc le traité particulier prohibé
,
par l'article 597 , et rien ne pourrait le soustraire aux
effets de cette prohibition.
Après l'homologation du concordat, l'unique consé-
quence à induire du principe d'égalité, est le droit des
créanciers à être payés du dividende convenu. A ce paie-
ment se trouve plus particulièrement affecté l'actif qui
a été rendu au failli. Il doit donc servir à le réaliser de

préférence aux charges nouvelles dont il a été grevé en


faveur d'un ou de plusieurs de ces créanciers.
Nous considérerions donc l'engagement de payer in-
tégralement l'ancienne dette, comme essentiellement con-
ART. 516, 517. 221
ditionnel. Il ne serait, en effet, ni juste ni moral que
son exécution devint un obstacle au paiement du divi-
dende à tous les ayants droit. On ne devrait donc l'au-
toriser qu'après ce paiement, et sur les ressources dé-
sormais libres du failli.
A cette condition et dans cette occurrence, comment
serait-on admis à invoquer le principe d'égalité. La
faillite n'existe plus ; le droit général que les créanciers
indistinctement avaient sur l'actif a. disparu. Il a été
cantonné par le concordat, et restreint au dividende con-
venu. Celui-ci payé, tout ce qui reste appartient exclu-
sivement au failli. Il peut en, disposer à ses plaisir et
volonté, le transmettre à titre onéreux et gratuit; à plus
forte raison le consacrer à éteindre son ancienne dette.
Qu'aurait à y redire le créancier non favorisé. Quel
préjudice éprouverait-il ? Les sommes consacrées à cette
extinction.lui étaient-elles affectées. Pouvait-il les saisir;
se les faire appliquer en tout ou en parlie, depuis qu'il
a touché intégralement le dividende ?
Il est donc évident que, dans ces circonstances, il est
impossible de faire intervenir la loi d'égalité. La nullité
qu'on voudrait en déduire ne profiterait en rien aux cré-
anciers que le principe protège exclusivement. Son ré-
sultat unique serait d'enrichir le failli en lui assurant
,
l'excédant d'actif qu'a laissé laisse laissera le paie-
,
ou
ment du dividende. Or nous pouvons sans témérité,
, ,
affirmer que cet intérêt a fort peu préoccupé le législa-
teur.
l'économie de la loi nous en fournit la preuve. Ainsi,
les articles 446 et suivants
ne disposent qu'en faveur
222 TRAITÉ DES FAILLITES.

des créanciers. La nullité qu'ils consacrent n'est qu'à


leur profit, et lorsque le failli concordataire a voulu
s'appliquer le bénéfice du jugement par eux obtenu, et
prononçant la nullité de l'hypothèque concédée dans les
dix jours de la cessation de paiemens, sa prétention a
été repoussée, et l'effet de cette hypothèque a été main-
tenu sur les immeubles restant libres après l'acquitte-
ment du dividende. C'est ce que la cour d'Aix jugeait,
sur ma plaidoirie , le 7 août 1856. Le pourvoi contre
son arrêt était rejeté par la cour de cassation le 15
,
juillet 1857 (').
Comment, d'ailleurs déclarer illicite un acte que la
,
loi appelle de tous ses voeux. Si elle ne prescrit pas obli-
gatoirement la réhabilitation, c'est qu'elle ne pouvait le
faire sans annuler l'effet du concordat; elle devait doncse
borner à l'encourager, à la favoriser en attachant à son
obtention la reprise des droits de citoyen et de com-
merçant.
Or l'engagement de solder intégralement l'ancienne
,
dette, est un acheminement vers celle réhabilitation. Lui
refuser tout effet, quoique, réellement souscrit en état de
capacité.il ne doive affecter que les ressources personnel-
les au failli concordataire, ce serait violer le texte de la
loi, et en méconnaître formellement l'esprit (a).

592. — Pour les créanciers, le concordat homolo-


gué leur confère le droit d'exiger leur dividende aux épo-

(') D.P., 57, i,385.


(') Paris, a4 mai i856; Bordeaux 24 août 1849, et 34 avril I8JS;
,
D. P., 5o, 2, 102; 5y, 2, 45; 58, 2, 157.
ART. 510, 517. 223
ques convenues. Nous avons déjà dit que ceux qui ont
été admis après vérification, étaient présumés avoir ré-
ellement la qualité qu'ils réclament. Mais cette pré-
somption exclut-elle la preuve contraire, et le failli qui
a signé le concordat, qui en a demandé l'homologation,
serait-il recevable à refuser le dividende sous prétexte
,
que celui qui le réclame n'est pas créancier ?

595. — Divers arrêts, et notamment un de la cour


de Douai, du 25 avril 1813, et un de la cour de cas-
sation du 23 avril 1834 ('), ont décidé la négative. Ces
arrêts se fondent sur ce que le concordat devant réunir
la majorité en nombre et en sommes, cette majorité se
calcule sur l'état des créances vérifiées et affirmées ;
que, dès lors, toutes les créances qui ont servi à établir
celte majorité, sont tellement fixées au concordat, qu'il
ne pourrait y être rien changé , sans détruire l'harmo-
nie des calculs arrêtés entre tous les délibérants ; que,
d'ailleurs, en demandant que ce concordat soit homo-
logué, le failli l'exécute et se rend ainsi non recevable à
attaquer la réalité des créances qui ont concouru à le
former.

594. — Malgré tout le respect que nous inspirent


les décisionsde la magistrature nous avouons ne pas
,
pouvoir partager l'opinion de la cour de Douai et de la
cour de cassation. Il nous semble que cette opinion ne
tend à rien moins qu'à un véritable déni de justice au
préjudice du failli.

(') D. A.,t. 8, p. i65; D. P., 34, i, 179.


224 TRAITÉ DES FAILLÎTES

En effet, tant que dure l'état de faillite celui-ci est


,
incapable d'agir pour tout ce qui concerne ses biens.
Il ne nous paraît pas exact de dire, comme l'arrêt de la
cour de cassation, que le failli est capable de contrac-
ter avant le concordat, de faire de bonne foi tous
actes, donner tous acquiescemens qui sont de son in-
térêt. Cela pourrait être admissible pour tout ce qui n'a
pas été réglé par la loi spéciale ; mais évidemment on
ne saurait l'admettre dans tous les actes que cette loi a
nominativement confiés aux syndics.
Ainsi, nous avons vu, sous l'article 494 qu'en ma-
,
tière de vérification le failli n'est pas partie nécessaire
,
dans l'opération ; que, s'il y assiste, il ne peut poursui-
vre par lui-même les contestations qu'il est dans le cas
de soulever et que sur le refus des syndics de les sou-
,
tenir, il ne peut que protester pour faire valoir plus tard
les droits qui peuvent être fondés.
Voilà bien une incapacité clairement établie par la
loi. Or tant qu'elle se continue il est certain que le
, ,
failli ne peut se rendre non recevable à user plus tard
de la faculté de relever les protestations qu'il a pu faire
insérer dans le procès-verbal.
Remarquons que c'est l'intérêt de la masse qui a fait
consacrer cette incapacité. On n'a pas voulu permetlre
au failli de rendre la vérification interminable , et de
grever son actif des frais nombreux qui pourraient ré-
sulter de l'abus de la faculté de contester.
Cette incapacité n'a d'autre ferme que celui de la fail-
lite. Elle finit avec celle-ci, au moment où, tout étant
décidé il va être procédé à la distribution des fonds.
,
ART. 516, 517. 225
Ainsi, si les créanciers repoussent le concordat ; s'ils se
rangent sous le régime de l'union, le failli est admis à
contester les créances qui prétendent à la répartition de
l'actif ('). Cela n'est ni contestable ni contesté. Pour-
,
quoi en serait-il autrement, lorsqu'il est intervenu un
concordat ?
Parce que le failli, en poursuivant l'homologation,
aurait reconnu les droits des créanciers I Mais, ce n'est
que par le concordat lui-même que le failli reprend sa
capacité absolue et l'administration de ses biens. D'au-
tre part, il n'y a de concordat valable que celui qui est
homologué. En poursuivant cette homologation, le failli
ne fait donc qu'un acte indispensable pour rentrer dans
ses droits pour reprendre l'exercice de ses actions ; et
,
c'est cet acte qu'on invoquerait pour le soutenir non
recevable dans cet exercice ! Ainsi, c'est au moment où
sa liberté, où son droit de contester lui est acquis, qu'on
lui en interdirait l'usage ; et l'on ferait résulter cette in-
terdiction du fait même qui doit lui acquérir ce droit.
En d'autres termes, tant que le failli serait incapable
d'agir, il pourrait contester ; il ne le pourrait plus, dès
qu'il aurait conquis cette capacité ! On nous permettra
de croire qu'une telle conséquence doit rendre le prin-
cipe, dont elle découle, inadmissible.
Remarquons, d'ailleurs, qu'à cette période de la fail-
lite l'abus qui fait refuser failli la faculté de
, a au con-
tester les créances, n'est plus à craindre. La marche de
la faillite
ne peut plus être entravée ni retardée. La
,

(') Douai, 25 mai 1829; D. P., 29,2, 23g.


II <3
'226 TRAITÉ DES FAILLITES,

masse ne sera plus tenue des frais qui pourront être ex-
posés. Le concordat a définitivement réglé le sort des
créances, l'époque et le mode de leur paiement. Une
contestation ultérieure ne réagirait ni sur les unes, ni sur
l'autre. Il n'y a plus qu'un procès ordinaire entre le
failli et celui qui s'est injustement porté créancier, et
l'intérêt du premier à ne pas gaspiller follement ses
ressources, est un sûr garant qu'il n'ira pas les compro-
mettre dans des difficultés hasardées et sans fondement.
Ainsi, jusqu'après l'homologation, on ne peut arguer
de l'inaction et du silence du failli. Il n'a pas eu le
pouvoir de poursuivre judiciairement. Ce pouvoir, l'ho-
mologation le lui confère. La demande qu'il en fait est
donc pour lui un préliminaire indispensable. En con-
séquence la raison et l'équité ne tolèrent pas qu'on lui
,
oppose cette demande comme une fin de non recevoir
contre son action.
Mais, dit-on ('), permettre au failli de contester après
le concordat, ce serait perpétuer illégalement l'état de
faillite. Cette objection manque de. portée. Après l'ho-
mologation, il n'y a plus de faillite. Les créanciers sont
payés, ou le seront aux termes convenus. Une difficulté
entre l'un d'eux et le failli concordataire ne peut exer-
cer une influence quelconque sur le sort des autres; à
moins que, par le rejet de la créance contestée, le con-
cordat ne réunît plus la majorité requise. Ce serait là,
sans doute , un motif pour en faire prononcer la nul-
lité et chaque créancier pourrait s'en prévaloir, puis-
,

(') V. arrêt de la cour de Douai, ci-dessus cité.


ART. 516, 517. 227
qu'il se serait réalisé après le jugement d'homologation.
Mais, dans une éventualité semblable, on peut être sûr
que le failli se gardera bien de réclamer. II. aimera
beaucoup mieux payer ce qu'il ne devrait réellement
pas, que de s'exposer à perdre le bénéfice de son traité.
Il est donc facile de prévoir que les contestations sou-
levées par le failli ne seront pas de nature à détruire
l'harmonie des calculs arrêtés, au moins d'une manière
sensible. La masse ne sera donc jamais intéressée à ce
qu'on lui interdise le droit de les soutenir. Nous pour-
rions même ajouter que ce qui lui importe bien réelle-
ment, c'est que le failli ait la faculté de faire réduire les
créances excessives, disparaître celles qui ne sont pas
dues. En effet, la masse ne saurait rester indifférente,
même après sa dissolution au mode de répartition de
,
l'actif. Elle a un intérêt direct à ce qu'il n'arrive qu'à
ceux qui y ont un droit légitime. Moins le failli aura à
payer, plus facilement il pourra remplir les engagemens
qu'il a contractés dans le concordat.
Jusqu'ici nous avons parlé du cas où le failli présent
à la vérification aurait fait des protestations contre les
créances plus tard attaquées par lui. Mais nos observa-
tions s'appliquent à fortiori à l'hypothèse où absent
,
de l'assemblée il n'a faire ces protestations. Alors,
, pu
en effet, la vérification est pour lui res inter alios
'.MJa () ; et si on ne lui accordait pas la faculté de con-
tester après le concordat, il s'en suivrait qu'il n'aurait
jamais le moyen de le faire qu'ainsi,
; par cela seul qu'il

( ) Locic tom. 6, 23.


, pag.
228 TRAITÉ DES FAILLITES.

a concordé , il serait inévitablement tenu de payer mê-


me les dettes qu'il ne devrait pas.
Objecterait-on qu'il ne dépendait que de lui d'assis-
ter à la vérification pour signaler aux syndics et aux
créanciers les exceptions qu'il pouvait avoir contre telle
ou telle créance, ou tout au moins pour protester contre
son admission ? Mais cette absence du failli ne consti-
tuerait une faute, que si la loi lui faisait un devoir de
se rendre à la vérification. Mais, on a compris que l'ab-
sence du failli pouvait être le résultat de tout autre sen-
timent que de la négligence comme si, par exemple,
,
il est détenu, s'il a été dans l'impossibilité d'obtenir un
sauf-conduit, s'il a craint, par sa présence, de paraître
braver ses créanciers, ou de jeter une plus vive irritation
au milieu de discussions toujours pénibles. En consé-
quence , on l'a laissé le seul juge de l'opportunité de
l'exercice de la faculté qu'on lui conférait.
Il suit de là, que le failli ne peut commettre une faute
en s'abstenant. Il suffirait, d'ailleurs, qu'aucune peine
n'ait été attachée à cette abstention pour qu'on ne pût
,
lui en appliquer une, en lui enlevant le droit de discu-
ter des exigences qui ont pu faire illusion aux syndics,
quoiqu'elles ne fussent nullement fondées.
Ainsi, et dans toutes les hypothèses, le failli est rece-
vable à contester, après avoir poursuivi l'homologation
du concordat. Cet acte ne le lie qu'envers ceux qui sont
réellement créanciers ; et puisqu'il serait admis, même
après paiement, à répéter ce qu'il aurait payé par er-
reur et pour dette non due , à plus forte raison peut-il
résister à la demande d'un paiement injuste. Que l'on
ART. 516, 517. 229
soit sévèredans l'appréciation de son action , que l'on
exige de lui des preuves certaines, évidentes, écrites, de

son assertion nous le comprenons ;


mais lui refuser
,
même le moyen de produire ces preuves, serait une ri-
gueur déplorable et injuste.

595. — Toutefois, ce principe souffre quelques ex-


ceptions :
ainsi, le failli serait non recevable à contester
après le concordat, les créances qui auraient été vérifiées
.

en sa présence, et sans réclamation aucune de sa part;


celles qu'il aurait lui-même inscrites sur son bilan. Dans
le premier cas, il a pu, sinon contester, du moins met-
tre les syndics à même de le faire. En gardant le silen-
ce , en s'abstenant même de protester il a reconnu la
,
sincérité des droits prétendus. Dans le second, il a for-
mellement avoué l'existence de la dette ; car si les dé-
clarations faites par le failli dans son bilan, ne lient ja-
mais les créanciers, il.est certain qu'elles font pleine foi
contre lui-même, à moins qu'il ne prouve qu'elles sont
le résultat d'une erreur de fait (').
Il est une autre exception que l'on doit également
admettre. Les créances contestées par les syndics et ad-
mises par un jugement définitif ne peuvent plus être at-
taquées. L'autorité de la chose jugée les couvre de sa
protection, et la maxime res judicata pro veritate ha-
betur les rend désormais inviolables. On ne pouvait, eu
effet, permettre de revenir sans cesse sur les jugemens.
a pu se défendre. La loi, en lui en accordant
Le failli
le droit, lui faisait
un droit d'intervenir. S'il s'est abs-
( ) D, A., t. 8, p. n4; Locrc, tom. 6, p. 260.
230 TRAII'É DES FAILLITES.

tenu, il est à l'instar de celui qui ayant été condamné


,
par défaut, a laissé le jugement devenir définitif. Nous
devons faire remarquer que cette hypothèse se réalisait
dans l'espèce jugée par l'arrêt de la cour de cassation
que nous citions tout à l'heure. La créance attaquée par
le failli après l'homologation résultait d'un jugement
définitif. Il est permis de croire que cette circonstance
n'a pas été sans influence sur la décision de la cour.
596. — Les créanciers hypothécaires ou privilégiés
restent en dehors des stipulations du concordat. En con-
séquence ils ne supportent aucune réduction si, par
, ,
l'importance des objets affectés à leur créance et par le
rang de leur hypothèque ou privilège , ils peuvent être
intégralement payés. Dans le cas contraire ils restent
,
simples chirographaires pour toute la partie de la dette
non colloquée en rang utile , et la remise stipulée au
concordat affecte cette partie. Nous aurons à l'expliquer
d'une manière plus complète, en examinant la disposi-
tion de l'article 556.
597. — Nous avons dit que le concordat dûment
homologué était obligatoire pour les créanciers inconnus
qui ne se sont pas présentés à la faillite. Il résulte de là
qu'ils peuvent en invoquer les stipulations et exiger du
failli le paiement du dividende convenu. Ce paiement
est exigible dès qu'ils ont dénoncé leur qualité et le
,
failli ne pourrait s'y soustraire. Il ne le pourrait no-
tamment sous le prétexte que ces créanciers n'ont pas
fait vérifier leurs créances. Cette obligation ne leur est
imposée que lorsque le régime de l'union ayant été ad-
ART. 516, 517. 231
mis, ils veulent faire partie de la masse ; ils doivent
alors prouver contradictoirement avec elle que le droit
qu'ils réclament leur appartient réellement; et cette
preuve ne pouvant résulter que de la vérification et de
l'affirmation, ils sont obligés de procéder à cette double
opération.
Il ne saurait en être de même après le concordat. Le
failli remis à la tête de ses affaires, a repris l'exercice
de ses actions actives et passives. Il a donc qualité pour
faire rejeter la demande d'un créancier qui se préten-
drait tel sans y être fondé. A cette époque d'ailleurs, il
n'y a plus de masse, plus de syndics, et la vérification
ne peut se faire qu'avec le failli concordataire. Elle est
acquise, si celui-ci convient de la dette. Dans le cas con-
traire la justice est appelée à prononcer sans que le
, ,
défaut de vérification antérieure puisse être un obstacle
à l'admission des prétentions du créancier. Nous avons

vu, en effet, que les créanciers en relard de se présenter


n'encourent d'autre déchéance que celle édictée par l'ar-
ticle 503, qui ne peut jamais se réaliser lorsqu'il y a eu
concordat.

598, — Un autre effet du concordat est de conférer


aux créanciers chirographaires un droit d'hypothèque
jusqu'à concurrence de la somme que chacun d'eux doit
recevoir. Cet effet se réalise par l'inscription du juge-
ment d'homologation.

599. — La loi fait remonter la date de celte hypo-


thèque à l'inscription conservatoire que l'article 490 im-
pose aux syndics le devoir de requérir. Nous avons déjà
232 TRAITÉ DES FAILLITES.

dit (')que les termes de l'article 517 peuvent créer des


doutes sur la question de savoir si cette inscription pro-
duit ou non des effets en faveur des créanciers. Nous
avons fait remarquer , avec la doctrine de la cour de
cassation qu'au moment où elle se réalise il n'existe
, ,
aucune des conditions auxquelles la' loi a attaché le droit
hypothécaire, ni conventions authentiques, ni jugement
de condamation, ni disposition législative.
Nous avons ajouté que dans l'exécution le bordereau
n'était soumis à aucune des perscriptions de l'article
2148 du Code Napoléon; qu'il était simplement au nom
des syndics représentant la masse, et reçu sur un certi-
ficat attestant qu'il y a faillite. Enfin, nous avons relevé
la nécessité d'inscrire le jugement d'homologation com-
me indiquant qu'avant ce jugement il existait bien une
inscription, mais que bien certainement il n'y avait pas
encore hypothèque , et nous avons conclu que celle-ci
ne pouvait résulter que du jugement d'homologation
lui-même.
A cette époque, en effet, il y a une convention que le
concours de la justice a rendue authentique. Il y a donc
une base légale à l'hypothèque : aussi voyons-nous que
les bordereaux d'inscription doivent être pris par les syn-
dics au nùm des créanciers qui y sont nominativement
désignés ; qu'il doit y être fait mention des sommes dues
et de l'époque de leur exigibilité.
Il est donc vrai de dire que l'homologation du con-
cordat crée l'hypothèque et ne la conserve pas. Que si-

(') V. suprà art. 4go.


ART. 516, 517. 233
gnifie donc la disposition littérale de l'article 51,7, en,
indiquant le contraire ?
Il n'est pas difficile derrière l'expression employée
,
par le législateur , de découvrir sa véritable pensée. Il
faut consulter la discussion de la loi, et de son examen
attentif il résulte, que les termes employés n'ont d'autre
signification possible que celle d'une priorité absolue,
que la loi a voulu, dans tous les cas, accorder aux cré-
anciers, sur les droits acquis après le concordat.
En principe, cette priorité est légitime et équitable. 11
est juste que les créanciers d'un failli qui, pouvant réa-
liser tous les biens de leur débiteur, pour s'en appliquer
la valeur, les lui ont conditionnellement restitués, con-
servent sur ces mêmes biens un privilège qui garantit
l'exécution du contrat. Le failli n'a été remis à la tête
de ses affaires, qu'à la charge de payer le dividende
convenu par le concordat. Assurer ce paiement par une
préférence sur tous les créanciers ultérieurs, n'était donc
que la conséquence légitime, qu'une déduction logique
des engagemens respectivement contractés, et déjà exé-
cutés par les créanciers.
Ce résultat était, il est vrai, naturellement atteint par
l'inscription du jugement d'homologation. Car depuis
,
l'ouverture de la faillite, le débiteur a été dans l'incapa-
cité la plus absolue de consentir des obligalious de
,
conférer des droits d'hypothèques ; il ne peut exister, au
moment où ce jugement est rendu, que les dettes attein-
tes par la faillite et qui, si elles sont hypothécaires,
,
continueront à être préférées après le concordat, com-
me elles avaient le droit de l'être avant. D'autre part,
254 TRAITÉ DES FAILLITES.

ce n'est qu'après que le jugement d'homologation a ac-


quis l'autorité de la chose jugée que le failli reprend
,
l'exercice de ses droits. Or si dans l'intervalle de sa
, ,
reddition à l'expiration des délais pour l'attaquer les
,
syndics requièrent l'inscription il est certain que par
, ,
sa date seule , l'hypothèque primera forcément toutes
celles qui seraient plus tard consenties.
Il paraissait dès lors inutile de rattacher cette hypo-
thèque à l'inscription prise conservatoirement; mais
l'hypothèse que nous venons de prévoir peut ne pas
toujours se réaliser, et le législateur a cru devoir le faire
pour éviter tout ce qui pourrait contrarier sa volonté
d'assurer envers les créanciers l'exécution littérale et
privilégiée des obligations qui naissent du concordat.
L'utilité de cette prévision se décèle notamment dans les
deux circonstances suivantes :
1° Le jugement d'homologation a acquis l'autorité de
la chose jugée. Le failli rentre dans l'exercice de ses
droits, dans l'administration de ses biens, sans que les
syndics aient requis inscription. Voulant plus tard ré-
parer cette négligence , ceux-ci prennent hypothèque;
mais, à cette époque, des inscriptions, pour droits nou-
vellement consentis, ont été réalisées par des tiers. Or,
en vertu des règles qui régissent notre système hypothé-
caire, la date de ces inscriptions étant antérieure à celle
des créanciers,en assurera l'effet de préférence à celle-ci.
2° Les syndics ont négligé de prendre inscription.
.Chaque créancier l'a requise en ce qui le concerne ; c'est
un droit qui lui appartient. Devra-t-on , dans l'ordre,
colloquer chacun d'eux à la date de leur inscription in-
ART. 516, 5)7. 235
dividuelle? En principe ordinaire, l'affirmative ne sau-
rait être douteuse , et il serait ainsi arrivé que les uns
auraient été payés de leur dividende, tandis que les au-
tres ne recevraient rien , quoiqu'ils aient tous le même
titre, et qu'ils méritent tous la même faveur.
Remarquons que, dans le premier cas, les créanciers
concordataires verraient s'évanouir les droits que leur
assurait le concordat; vainement, en effet, recourraient-,
ils à la résolution. Les dettes hypothécaires contractées -
dans l'intervalle n'en souffriront aucune atteinte, et leur
paiement n'en sera pas moins assuré de préférence.
Ainsi, la légitimité de leurs droits ne les eut pas garan-
tis, dans ce cas, et leur titre à une égalité absolue eut été
violé dans le second.
Sans doute, ceux qui en auraient été victimes auraient
•pu être renvoyés à se pourvoir contre la négligence des
syndics ; mais ce recours pouvait être impuissant et il-
lusoire. Un moyen plus simple, plus rationnel, s'est pré-
senté, et le législateur l'a avec raison préféré ; à savoir,
de rattacher l'inscription du jugement d'homologation à
celle prise en vertu de l'article 490 et de faire rétro-
,
agir l'hypothèque conférée par la première jusqu'à la
seconde'.
Celte rétroactivité concilie tous les intérêts, sans bles-
ser aucuns droits. Les tiers qui ont traité avec le failli
après le concordat, ne sauraient prétendre raisonnable-
ment être payés avant les signataires de celui-ci ; ils ne
peuvent se plaindre que le principe de la publicité a été
violéà leur encontre ; l'inscription prise conservatoire-
ment les a prévenus de l'état de faillite antérieure de leur
233 TRAITÉ DES FAILLITES.

débiteur. Ils ont su dès ce moment, que le concordat,


,
qui lui a rendu la capacité, lui a imposé des obligations
sacrées dont l'extinction sera privilégiée et opérée de
préférence à celles qu'on leur propose d'accepter. Us ont
donc dû se faire représenter cet acte calculer les res-
,
sources de leur débiteur, eu égard au chiffre de ses obli-
gations. Ils ont, dans tous les cas, traité avec connais-
sance de cause, et on ne leur infère aucun grief en les
soumettant à la chance qu'ils ont bien volontairement
courue.
Ainsi encore les créanciers concordataires n'auront
,
pas à se disputer une préférence qui n'appartient à au-
cun d'eux , et qu'il serait déplorable de rendre le prix
de la course, lorsqu'il est certain que la moindre faveur
pour l'un serait une injustice pour l'autre. A une iden-
tité parfaite de droits et de titres, la loi a ajouté une
date unique et commune dans le point de départ de
l'hypothèque. Elle a ainsi veillé au maintien de l'éga-
lité acquise aux créanciers d'une faillite en assurant à
,
tous une participation proportionnelle aux biens qui
n'ont jamais cessé d'être le gage de tous.
Voilà la véritable signification des termes de l'article
517. Egalité entre tous les créanciers, préférence légiti-
me pour le montant de leur dividende, et, pour attein-
dre ce double but, rétroactivité de l'hypothèque jusqu'à
l'inscription conservatoire. Il n'est donc pas exact de
soutenir que celle-ci puisse, par elle-même, produire au-
cun effet. L'hypothèque ne naît que du jugement d'ho-
mologation. Ce jugement crée donc, et ne conserve rien.
ART. 516, 517. 237
Jusque-là nous le répétons il y a une inscription,
, ,
mais point d'hypothèque.

600. — Ce qui le prouve d'une manière décisive,


c'est que si le jugement d'homologation n'est pas inscrit,
il n'y a réellement aucune affectation hypothécaire sur
les biens du failli, en faveur des créanciers. Cependant,
si cette affectation résultait déjà de l'inscription conser-
vatoire elle ne pourrait être effacée que par le laps de
,
dix ans et faute de renouvellement. En conséquence,
,
en faisant un devoir d'inscrire le jugement d'homologa-
tion, la loi a, de nouveau, de plus fort établi qu'il n'y
a réellement hypothèque qu'en vertu des dispositions de
ce jugement.

601. — Il suffit d'un seul bordereau pour tous les


créanciers. Mais le nom de chacun d'eux doit être clai-
rement désigné, ainsi que la somme due, et l'époque de
l'exigibilité. Ce bordereau doit, de plus contenir élec-
,
tion de domicile dans l'arrondissement.
Toutefois, cette prescription qui est toute dans l'inté-
rêt du failli et pour lui éviter les frais d'inscriptions
,
nombreuses, ne fait pas obstacle à ce que chaque cré-
ancier inscrive pour la conservation de ses droits, si les
syndics ont négligé de le faire. Dans le cas contraire,
toute diligence individuelle serait frustratoire et inutile.

602. — Le bordereau des syndics doit comprendre


non-seulement les créanciers signataires du concordat,
mais encore tous ceux dont les créances ont été vérifiées,
affirmées et admises. La minorité doit subir la loi de
238 TRAITÉ DES FAILLITES.

la majorité ; elle n'a donc point de droits plus étendus


que celle-ci, mais elle en a toujours autant. Il importe
donc qu'elle soit protégée comme elle ; et que partici-
pant forcément à la remise votée, elle participe égale-
ment aux garanties qui assurent le paiement du divi-
dende convenu.
603. — L'inscription doit être prise , en outre , au
nom des créanciers domiciliés hors France, et qui sont
encore dans les délais de la vérification. Nous avons vu
que , même pour les répartitions que l'union pourrait
amener avant l'expiration de ces délais , la loi assimile
ces créanciers à ceux qui ont été régulièrement admis.
Cela tient à ce que leur silence est dû à leur éloigne-
ment, et non à leur négligence. Or la même considé-
,
ration les protège dans l'hypothèse du concordat. Il est
donc juste de leur rendre communes les garanties accor-
dées aux autres créanciers.

604. — En serait-il de même pour les créanciers


inconnus et qui n'ont pas même décelé leur existence
,
au moment où l'inscription se réalise ? Nous ne le pen-
sons pas. Nous venons de voir que, pour être régulier,
le bordereau rédigé par les syndics doit énoncer le nom
des créanciers, et indiquer le chiffre de la créance. Or,
comment accomplir cette double formalité, lorsqu'il n'est
pas même certain qu'il y ait des créanciers ?
En cet état, soit que l'on prit une hypothèque de pré-
caution, soit que l'on fit participer à celle prise par les
syndics les créanciers qui produiraient plus lard leurs
titres et justifieraient de leur qualité, on tomberait dans
ART. 516, 517 239
des inconvéniens graves, désastreux pour le failli ou pour
les tiers.
Pour les tiers car , lorsqu'après l'homologation ils
1

ont traité avec le failli, ils ont consulté l'état des créan-
ciers le concordat et l'inscription requise en exécution
,
de celui-ci ; ils ont mesuré sur ces pièces authentiques
les obligations de l'ancien failli et accordé leur con-
,
fiance sur l'importance de celles-ci relativement aux
ressources et à la valeur des immeubles. Serait-il juste
que la production tardive de plusieurs créanciers, cou-
pables de la plus insigne négligence, vint, malgré leur
prévoyance, bouleverser leurs calculs, et leur enlever le
gage sur lequel ils ont dû compter ?
Désastreux pour le failli ! car si l'hypothèse que nous
indiquons pouvait se réaliser, si les créanciers inconnus
se présentant devaient évincer les tiers, ou si les syndics
en inscrivant étaient obligés de faire des réserves en
leur faveur, quelle serait la position du failli? Les ca-
pitalistes, effrayés d'une obligation dont ils ne pourraient
apprécier ni l'étendue ni la portée, refuseraient de trai-
ter avec lui. Aucun ne consentirait à courir la chance
d'une perte plus ou moins importante. Le failli ne pour-
rait donc ni vendre ses immeubles ni emprunter ; il
,
verrait la confiance s'éloigner de lui, ses ressources im-
mobilisées entre ses mains ; et cela précisément au mo-
ment où il a un besoin de crédit d'autant plus pressant
qu'il a à satisfaire aux obligations que le concordat lui
impose. Il serait donc condamné inévitablement à une
nouvelle ruine, et menacé d'une seconde faillite.
N'est-il pas plus rationnel et plus juste de faire sup-
240 TRAITÉ DES FAILLITES.

porter les conséquences d'une négligence inconcevable,


à ceux qui ont à se la reprocher ? Les créanciers qui,
malgré la publicité acquise à la faillite, n'ont pas utilisé
les délais que la loi accorde depuis l'ouverture jusqu'au
concordat, pour déceler au moins leur existence ne
,
méritent aucune faveur. La loi ne doit pas les supposer
et ne les suppose pas créanciers jusqu'au moment où il
leur plaira d'établir leurs droits ; et de même que s'ils
se présentaient après la distribution entière ils auraient
perdu tout litre à la répartition de l'actif, de même,
lorsqu'ils ne viennent qu'après l'homologation du con-
cordat, ils ne peuvent prétendre aux garanties accordées
aux créanciers qui, plus diligents , se sont conformés
aux prescriptions de la loi. Leur qualité de créancier
n'existe que lorsqu'ils l'ont fait reconnaître, et c'est à cet
instant, et sans rétroactivité sur les faits accomplis, qu'ils
peuvent exiger une garantie.
Or de deux choses l'une : ou ils se contenteront de
,
la simple reconnaissance du failli, et ils n'auront qu'un
titre chirographaire ; ou ils exigeront un titre hypothé-
caire, soit conventionnel, soit judiciaire, et cette hypo-
thèque n'aura d'effets en leur faveur que du jour de
son inscription. Ainsi le voulaient la faveur due au con-
cordat et le respect des droits acquis pendant qu'ils de-
meureront dans l'inaction et le silence.

605. — Ce que nous disons de l'hypothèque s'ap-


plique au cautionnement. Les cautions données par le
failli seraient tenues envers tous les créanciers vérifiés,
admis ou contestés ; elles ne le seraient envers les re-
ART. 516, 517. 241
tardataires inconnus, que jusqu'à concurrence de l'en-
gagement spécial qu'elles seraient dans le cas de con-
tracter en leur faveur.

606. — Les créanciers contestés ont hypothèque


pour l'intégralité du dividende acquis sur les sommes
dont ils demeureront définitivement créanciers. En sup-
posant donc que le bordereau des syndics ne leur attri-
buât qu'une somme moindre ils sont autorisés à faire
,
rectifier l'hypothèque après le jugement de la contesta-
lion. L'hypothèque ainsi rectifiée remonte, comme celle
de tous les autres créanciers à l'inscription conserva-
,
toire prescrite par l'article 490.

607. — Le jugement d'homologation produit de


plein droit hypothèque lors même que le concordat ne
,
s'en serait pas occupé. Les syndics devraient donc re-
quérir l'inscription que les créanciers individuellement
pourraient prendre faute par eux de l'avoir fait ; mais
,
cette hypothèque n'étant pas d'ordre public, la disposi-
tion de l'article 517 ne sort à effet que s'il n'y a pas été
dérogé par le concordat.
Or, cette dérogation peut être, dans certains cas, d'une
grande importance pour le failli, si, par exemple, il était
dans la nécessité d'emprunter pour le paiement du di-
vidende. Cet emprunt sera d'autant plus facile que ses
,
biens seront moins grevés. Il peut donc proposer aux
créanciers de s'abstenir de toute inscription.
L'acceptation de cette proposition par la majorité en
nombre et en sommes, la rend obligatoire pour tous. En

II *6
242 TRAITÉ DES FAILLITES.

conséquence,.les opposants au concordat ne seraient pas


fondés à requérir l'inscription.
Le jugement d'homologation produit, contre les cau-
tions, le même effet que conlre le failli, c'est-à-dire que
le cautionnement est présumé immobilier, et qu'en con-
séquence, les créanciers sont autorisés à inscrire contre
ceux qui l'ont donné, à moins de stipulations contraires.
Il convient donc à ceux qui ne voudraient consentir
,
-qu'un cautionnement mobilier ou immobilier avec dis-
pense d'hypothèque , de s'en expliquer dans le concor-
dat, pour ne pas se trouver engagés autrement et au
delà de leurs intentions.

ARTICLE 518.

Aucune action en nullité du concordat ne sera rece-


vable, après l'homologation, que pour cause de dol dé-
couvert depuis cette homologation, et résultant, soit de
la dissimulation de l'actif, soit de l'exagération du

passif.

SOMMAIRE.

608. Cette disposition consacre une exception à l'article 512, pour


le cas de dol ou de fraude. — Débat qu'elle a soulevé.
Motifs de son adoption.
609. Pour que le concordat puisse être attaqué après l'homologa-
tion, il faut:
1° Que la découverte du dol soit postérieure au jugement.
610. 2° Qu'il consiste soit dans la dissimulation de l'actif, soit
dans l'exagération dtr'passif.
ART. 518. 243
611. Aucunes fins de non recevoir ne sauraient résulter de l'ab-
sence de poursuites criminelles , ou de l'exécution du
concordat.
612. Formes de la demande, poursuite, intervention des créan-
ciers.
613. Moyens de constater la pertinence des faits cotés.
614. Toute poursuite pour banqueroute simple de la part des cré-
anciers est impossible après l'homologation; mais ils
peuvent la dénoncer s'ils viennent à la découvrir.
615. Durée de l'action autorisée par l'article 518.

608. — La seule voie laissé par la loi pour atta-


quer le concordat, est celle de l'opposition dans la hui-
taine de la signature. Nous avons déjà dit que l'éché-
ance de ce délai sans réclamations rendait toutes de-
,
mandes ultérieures non recevables.
Cela s'entendaitcependant de celles qui auraient pour
bases des moyens nés et connus avant l'homologation.
Le silence, par rapport à ceux-ci, équivaut à la renon-
cialion à s'en prévaloir. Les créanciers qui s'abstiennent
sciemment de contester le concordat à l'époque où la loi
leur permet de le faire, sont censés y acquiescer, et rien
de ce qui a précédé cet acquiescement ne peut les en
relever.
Mais le dol, la fraude, même lorsque l'un ou l'autre
a précédé le concordat, peut n'être découvert qu'après
le jugement d'homologation. Cetle hypothèse
se réali-
sant, les réclamations auxquelles elle aurait donné lieu
ne pouvaient être considérées comme éteintes par l'ac-
ceptation du concordat faite avant la découverte du vice
qui l'entachait. Convenait-il donc d'autoriser une ex-
244 TRAITÉ DES FAILLITES.

ception au principe absolu que nous rappelions tout-à-


l'heure ?
Le Code de commerce ne s'était pas occupé de cette
hypothèse. On avait conclu de son silence qu'il fallait
s'en référer au droit commun en matière de contrats.
On décidait, en conséquence, que le consentement n'é-
tant ralable que s'il n'a été dégagé de toute erreur et
,
pur de dol et de fraude. La découverte postérieure de
l'un de ces vices permettait de poursuivre la rétractation
du concordat, même après son homologation.
Dans la discussion de la loi actuelle on faisait re-
,
marquer que cette faculté indéfinie n'était pas sans in-
convéniens. Il importe, disait-on au failli et aux tiers
,
qui contracteront avec lui, que sa position soit stable et
certaine. Or, la menace incessante d'une action en nul-
lité peut compromettre les relations qu'il voudra établir.
La chance qui résulterait de sa réalisation éloignera de
lui la confiance rendra son état précaire et incertain,
,
jusqu'à ce que, par le bénéfice du temps toute crainte
,
ait disparu.
Ces considérations avaient déterminé la chambre des
députés, dans la session de 1835, à proscrire toute atta-
que contre le concordat après son homologation , alors
même qu'elle serait fondée sur la fraude ultérieurement
découverte. Mais la chambre des pairs fut d'un avis con-
traire. « En droit, disait M. Tripier son rapporteur,
,
le dol, l'erreur ou la fraude vicient le contrat, lorsqu'il
est évident que, sans les manoeuvres employées par l'une
des parties, l'autre n'aurait pas contracté. En fait, l'ap-
AUT. 518. 245
plication de ce principe peut être faite sans danger au
concordat. »
Mais, de l'avis de la chambre des pairs elle-même,
cette application devait être restreinte à des cas graves
et limités. Il était juste de donner un moyen de se dé-
fendre contre la fraude ; mais il fallait bien se garder de
fournir un prétexte à des persécutions qui, sans motifs
sérieux, et dans un intérêt facilement appréciable, met-
traient sans cesse en question l'état du failli.
De là, la disposition de l'article 518,qui crée le prin-
cipe et en limite l'application.

609. — Le concordat pourra être attaqué même


,
après l'homologation dans le cas de dol ou de fraudé
,
seulement, et aux conditions suivantes :
1" Si le dol et la fraude ont été découverts après le
jugement d'homologation. Si cette découverte était an-
térieure à ce jugement, elle remonterait soit à l'époque
de la délibération soit au temps qui s'est écoulé entre
,
celle-ci et le jugement d'homologation. Dans le premier
cas, elle pouvait motiver un refus d'acceptation ; dans
le second, une opposition. On ne fait donc aucun grief
aux créanciers, en leur déniant la faculté d'attaquer par
une voie extraordinaire un acte qu'ils ont ou sciem-
,
ment consenti, ou refusé d'attaquer par la voie ordi-
naire.

610. — 2° Si le dol consiste, soit dans la dissimu-


lation de l'actif, soit dans l'exagération du passif.
Il est évident, dans l'un et dans l'autre de ces cas,
que le concordat n'aurait pas été adopté sans les man-
346 TRAITÉ DES FAILLITES.

oeuvres employées. Si les créanciers eussent connu l'im-


portance réelle de l'actif, ils ne se seraient pas contentés
d'un dividende qui n'était pas le juste équivalent de ce
que le failli pouvait leur payer. D'autre part, si des cré-
anciers supposés ont concouru au vote la majorité a
,
été faussée dans son principe ; il n'en existe donc au-
cune, et il est juste que ce qui a été ainsi arrêté ne
puisse produire aucun effet.
D'ailleurs, chacun de ces deux faits est constitutif de
la banqueroute frauduleuse. Son existence peut donner
lieu à une poursuite criminelle que le ministère public
pourrait intenter d'office même après l'homologation
,
du concordat ('). Or, comme le disait M. Tripier à la
chambre des pairs, condamner les créanciers à la né-
cessité de poursuivre en banqueroute frauduleuse par
la voie criminelle, ou de subir la perte que leur impo-
sera le concordat, serait violer à leur égard les règles du
droit et de l'équité, ainsi que l'intérêt du commerce.
Tout crime en effet, donne nécessairement lieu à
,
deux actions. L'une publique, dans l'intérêt social, l'au-
tre privée en faveur de celui qui a éprouvé un préjudi-
ce. Or, en matière de banqueroute frauduleuse, comme
après l'homologation du concordat, l'action civile a es-
sentiellement pour objet la nullité de cet acte, et comme
cette action en thèse ordinaire est indépendante de
, ,
l'action publique, la partie lésée doit pouvoir deman-
der directement aux tribunaux civils la réparation du
tort qu'elle a éprouvé. La disposition de l'article 518

(') Art. 5ao, 521.


ART. SIS. 247
n'étant que la consécration de ce principe, est parfaite-
ment conforme au droit commun.
Ainsi, dans les cas que cet article prévoit, les créant
tiers peuvent déférer la connaissance de la fraude au
ministère public, attendre le résultat de la poursuite, y
intervenir même, en se portant partie civile ; ou bien se
pourvoir contre le failli en nullité du concordat, et pro-
voquer ainsi, des tribunaux ordinaires, un résultat iden-
tique à celui qu'aurait la poursuite criminelle.

611. — Cette demande ne saurait être repoussée


par aucunes fins de non recevoir tirées, soit de l'absense
de poursuites criminelles soit de ce que antérieure-
, ,
ment à l'action, le concordat aurait été exécuté en tout
ou en partie, il est évident que cette exécution n'a pu
être, comme le concordat lui-même, que la conséquence
de l'ignorance des créanciers relativement à la fraude
,
imputée au failli. De plus, dans l'espèce, la nullité étant
d'ordre public, elle n'a pu faire tacitement ni expressé-
ment, l'objet d'une transaction valable.

612. — Par analogie avec la disposition de l'article


512, on doit décider que la demande en nullité formée
après l'homologation du concordat, doit être motivée et
énoncer les faits dont on veut faire résulter la fraude.
Cette demande est uniquement dirigée contre le failli. À
cette époque, en effet, il n'existe plus de syndics, plus
de masse. Aussi contrairement à ce qui lieu pour
, a
l'opposition chaque créancier le droit d'intervenir
, a
dans l'instance et de la poursuivre
en son nom, en cas
de désistement du demandeur originaire.
248 TRAITÉ DES FAILLITES.

613. — La pertinence des faits est facile à vérifier,


en se pénétrant bien de l'esprit de l'article SI8. On doit,
en les admettant comme prouvés , rechercher s'ils sont
de nature à annuler forcément le concordat. Que si,
quelque graves qu'ils puissent être leur existence n'est
,
pas inconciliable avec celle du traité, la réclamation doit
être repoussée, sans même qu'il soit nécessaire d'ordon-
ner la preuve des faits allégués.
Or, il n'y a qu'une seule hypothèse dans laquelle la
loi proscrit absolument le concordat c'est celle de la
,
banqueroute frauduleuse et nous avons vu que c'est à
,
celte hypothèse seule que se réfère l'article 518.

614. — Il suit de là, que si les faits découverts après


l'homologation ne constituaient qu'une banqueroute
,
simple toute demande en nullité du concordat serait
,
inadmissible. Il faut, conséquemment, admettre que les
créanciers ne peuvent, par défaut d'intérêt, poursuivre
le failli en banqueroute simple. En effet, cette poursuite
serait pour eux sans avantage possible. Elle ne ferait pas
annuler le concordat dont l'existence est aujourd'hui
possible, même après condamnation. Us ne pourraient
obtenir de dommages-intérêts ; car leurs rapports pécu-
niaires sont souverainement réglés par ses dispositions.
Elle serait, dès lors, non recevable.
Mais cette fin de non recevoir ne va pas jusqu'à leur
interdire le droit de porter plainte, Le ministère public
peut toujours poursuivre ; son action n'est éteinte que
par la prescription du délit. Elle peut être exercée d'of-
ART. 518. 249
fiée, même après l'homologation. Rien ne s'oppose à ce
qu'elle soit provoquée par les créanciers.

615.' — L'article 518 ne limitant pas la durée de


l'action en nullité qu'il autorise, c'est par l'article 1304
du Code civil, que l'on devra régler son exercice. La
prescription ne sera donc acquise qu'après dix ans, à
partir de la découverte du dol.

ARTICLE 519.

Aussitôt après que le jugement d'homologation sera


passé en force de chose jugée, les fonctions des syndics
cesseront.
Les syndics rendront au failli leur compte définitf, en
présence du juge-commissaire ; ce compte sera débattu
et arrêté. Us remettront au failli l'universalité de ses
biens, livres, papiers et effets. Le failli en donnera dé-
charge.
Il sera dressé du tout procès-verbal par le juge-com-
missaire, dont les fonctions cesseront.
En cas de contestation, le tribunal de commerce pro-
noncera.

SOMMAIRE.

616. L'homologation dji concordat rétablit le failli dans là pléni-


tude de ses droits, sauf les restrictions admises par le
concordat.
250 TRAITÉ "DES FAILLITES.

617. Les restrictions apporte'es à la capacilé du failli sont obliga-


toires pour les tiers qui ont contracté avec lui.
618. Elles cessent de plein droit dès que le dividende promis esl
intégralement payé.
619. Par dérogation à l'article 525 du Code de commerce,le failli
n'est remis à la tête de ses affaires que lorsque le juge-
ment d'homologation a acquis l'autorité de la chose ju-
gée. — Quand celte autorité est-elle acquise?
620. A cette époque les fonctions des syndics expirent de plein
droit.
621. La remise au failli de l'universalité de ses biens, livres, pa-
piers et effets doit être précédée de la reddition du
compte.
622. Cette reddition a lieu en présence du juge-commissaire qui
dresse procès-verbal et cesse ses fonctions.
623. Si le compte est admis, décharge est donnée aux syndics
dans le procès-verbal, et la remise des écritures a lieu
instantanément.
624. En cas de contestation, le juge doit renvoyer les parties à so
pourvoir, en la forme ordinaire par devant le tribunal
,
de commerce.
625. Le juge-commissaire doit-il nécessairement concourir au ju-
gement?
626. Les syndics ne peuvent être contraints à se dessaisir des li-
vres et papiers de la faillite, avant l'apurement de leur
compte; mais ils sont obligés de les laisser consulter au
failli
627. Les créanciers peuvent nommer un gérant chargé de rece-
voir les comptes. — La décharge de ce gérant libère
définitivement les syndics.
628. Les syndics sont tenus solidairement et par corps au paie-
ment du reliquat de leur compte.
629. Les syndics peuvent porter en dépense les honoraires qui
leur sont dus, sauf au tribunal à les déterminer, s'il y a
contestation.
AUT. 5J9. 251

630. Par la cessation du dessaisissement, le failli rentre dans


l'exercice de ses actions actives et passives. — Consé-
quences.

616. — Un autre effet du concordat est de rétablir


le failli dans la plénitude de ses droits et actions. L'in-
capacité qui pesait sur lui par l'effet de la faillite dis-
,
parait et s'efface. L'administration de ses biens lui est
rendue, ainsi que la faculté d'en disposer.
Toutefois, cet effet peut être modifié par le concordat.
Les créanciers peuvent y stipuler telles précautions qu'ils
croient utiles contre l'administration du failli. Us peu-
vent désigner plusieurs d'entre eux pour surveiller cette
administration, liquider les biens et assurer la réparti-
tion de leur prix conformément au concordat. Us peu-
vent même convenir que le failli ne pourra agir et dis-
poser de ses biens qu'avec l'assistance et le consente-
ment des créanciers nommés à cet effet.

617. — Ces restrictions sont obligatoires et valables.


Leur effet doit être appliqué non-seulement au failli,
mais encore aux tiers, alors même qu'ils soutiendraient
avoir agi de bonne foi. Aussi a-t-il été jugé, dans lé
dernier cas qu'un créancier postérieur à la faillite ne
,
peut se prévaloir, au préjudice de la masse, de la ces-
sion qui lui aurait été faite le failli concordataire,
, par
d'une créance appartenant à son actif, nonobstant que
ce créancier allègue avoir contracté de bonne foi et dans
l'ignorance delà faillite (').

(') Bruxelles, 2i juin 1820.


252 TRAITÉ DES FAILLITES.

La doctrine consacrée par cet arrêt nous paraît ra-


tionnelle et légale. Elle repose sur la maxime que cha-
cun doit vérifier la position de celui avec lequel il con-
tracte et dans le cas d'une faillite antérieure exiger
, , ,
la représentation de l'acte qui a rendu la capacité au
failli (').

618. — Les restrictions stipulées dans le concordat


ne sont exécutoires qu'autant que le dividende convenu
n'est pas encore intégralement payé. Elles cessent de
plein droit et sans stipulations expresses dès que ce
,
paiement est effectué. Les créanciers étant désormais
sans droits légaux contre le failli, n'ont plus à s'immis-
cer dans l'administration de ses affaires, qui lui demeure
exclusivement libre et personnelle.

619. — Le point de départ de la restitution au failli


de ses droits et actions avait été fixé par le Code de
commerce au moment de la signification aux syndics du
jugement d'homologation. Le législateur avait donc ac-
cordé à ce jugement une exécution provisoire qui pou-
vait amener des complications étranges si, attaqué
,
dans les délais, ce jugement venait à être rétracté.
Celte disposition a été modifiée par notre article. On
a avec raison pensé que rien n'était terminé , tant que
tout pouvait être remis en question. En conséquence, la
faillite n'est définitivement close que lorsque le jugement
qui a homologué le concordat a acquis l'autorité de la
chose jugée. Cet effet est produit par l'expiration de

(') D. A., t. 8,p. x6i.


ART. 519. 253
quinze jours de la signification aux syndics, sans qu'au-
cun appel ait été formé (').

620. — Avec cette expiration cessent de plein droit


les fonctions des syndics. Le failli est remis à la tête de
ses affaires. L'universalité de ses biens livres papiers
, ,
et effets lui est rendue. La faillite est effacée, sinon pour
le passé au moins pour l'avenir à la charge par le
, ,
failli d'exécuter le concordat.

62!. — La remise effective des biens, livres et pa-


piers doit être précédée du compte que les syndics doi-
vent rendre de leur gestion. Ce compte est rendu au
failli, et cet effet du concordat est remarquable. Les syn-
dics, jusque-là mandataires des créanciers, sont deve-
nus ceux du failli. Ce changement de caractère, produit
par le concordat, ne doit point être perdu de vue. Il
enseigne aux syndics à ménager, dans l'exercice de leurs
fonctions, l'intérêt du failli envers lequel ils peuvent, en
définitive voir leur responsabilité gravement compro-
,
mise, dans le cas contraire.

622. — Le compte est rendu et débattu en présence


du juge-commissaire. Cette prescription a un double mo-
tif. Acteur dans toutes les opérations de la faillite ce
,
magistrat est à même d'apprécier la sincérité des arti-
cles accusés par les syndics. La nécessité de braver ce
contrôle est seule capable d'empêcher la supposition de
dépenses non réalisées, et l'exagération dans celles qui
ont été réellement faites. De plus, l'influence attachée à

(') V. infrà art. 532.


254 TRAITE DES FAILLITES.

son caractère préviendra souvent des difficultés que le


failli pourrait soulever sur les doutes qu'il s'est faits, et
que le témoignage impartial du juge sera de nature à
dissiper complètement.
Mais, dans cette circonstance le pouvoir du juge est
,
tout moral. La faillite est finie, et, avec elle est expirée
la mission que ce magistrat avait reçue de la loi. Il n'a
donc plus d'autorité réelle sur les parties. Si ses fonc-
tions ont survécu un instant à celles des syndics c'est
,
qu'il doit rédiger le procès-verbal de la reddition des
comptes qui clôture définitivement la faillite et termine
son mandat.
625. — Le compte présenté par les syndics est ad-
mis ou rejeté. Dans la première hypothèse, tout est dit.
La remise des biens, titres, papiers, effets, se réalise im-
médiatement. Le failli en donne décharge dans le pro-
cès-verbal du juge, et les syndics sont à tout jamais li-
bérés des effets de leur administration.

624. — Si le compte n'est pas admis le procès-


,
verbal mentionne les contestations, et délaisse les parties
à se pourvoir, ainsi qu'elles aviseront. Le juge-commis-
saire qui ne peut plus prononcer lui-même, n'a pas non
plus la faculté de renvoyer les parties à l'audience. Il
ne s'agit plus que d'un procès ordinaire qui doit être
instruit et jugé dans les formes prescrites par le Code
de procédure.
Mais la décision du litige appartient au tribunal de
commerce. C'est donc à la partie la plus diligente à in-
vestir sa juridiction, et à porter la cause à son audience.
ART. 519. 255
625. — Le juge-commissaire doit-il concourir for-
cément au jugement ? En fait, son concours peut être
utile pour éclairer la religion du tribunal sur le plus ou
moins d'exactitude de certains articles du compte. Mais,
en droit, ce concours n'est pas indispensable. En effet,
à l'époque de ce jugement, il n'y a plus de faillite, plus
de juge-commissaire. Les fonctions qu'il exerçait n'ont
pas survécu au procès-verbal qu'il a dû rédiger. Son
absence, par conséquent, lors du jugement qui prononce
sur ces contestations, ne nuirait en rien à sa validité.

626. — Le failli qui contesterait le compte , pour-


rait-il exiger la remise immédiate des livres et papiers
de la faillite ? Nous ne le pensons pas, du moins en ce
qui concerne ceux relatifs à la gestion des syndics. On
ne peut contraindre ceux-ci à livrer les documens qui
doivent justifier l'existence et l'exactitude de leurs opé-
rations, avant l'apurement de leur compte. Quelque né-
cessaires qu'ils puissent être au failli, leur détention par
les syndics se légitime par l'intérêt que ces derniers ont
à leur possession. Cet intérêt se continue jusqu'à l'ac-
ceptation ou au règlement du compte. Dès cet instant,
la résistance des syndics serait injuste et mal fondée, et
le failli pourrait non-seulement les contraindre à la res-
titution, mais encore obtenir contre eux des dommages-
intérêts.
Dans l'intervalle du jugement d'homologation à l'a-
purement du compte, quelque long qu'il soit, et malgré
que les syndics fussent restés nantis des livres et papiers
de la faillite tout acte d'administration qu'ils
, se per-
256 TRAITÉ DES FAILLITES.

mettraient de faire serait frappé de nullité radicale. Leur


mandat cesse de plein droit, dès que l'homologation est
devenue définitive. Le failli seul est capable d'adminis-
trer. Il faut donc concilier le droit de celui-ci avec la
faculté que nous venons de reconnaître aux syndics, de
retenir les livres et papiers jusqu'à l'apurement de leur
compte. En conséquence, les syndics seraient obligés de
faciliter la gestion du failli, et de lui permettre de con-
sulter chez eux, et en leur présence, les documens dont
la communication serait nécessaire.

627. — La disposition de l'article 519 en ce qui


,
concerne la reddition du compte au failli, n'est pas ab-
solue. Il peut y être dérogé par le concordat. La stipu-
lation dans celui-ci que les comptes seront rendus à un
commissaire gérant, nommé par les créanciers, est va-
lable. Dans cette hypothèse, la décharge donnée par ce
commissaire met les syndics à l'abri de toutes réclama-
lions ultérieures, quant à leur administration soit de
,
la part du gérant, soit de la part des créanciers ('), et
à plus forte raison de la part du failli qui, n'ayant ja-
mais repris l'administration est demeuré étranger aux
,
résultats de celle des syndics.

628. — Les syndics sont tenus solidairement et par


corps au paiement du reliquat de leur compte, soit en-
vers le failli, soit envers les créanciers dans le cas d'une
gérance. En thèse ordinaire, il est difficile d'admettre
l'existence d'un reliquat quelconque à la charge des syn-

('). Rouen, 16 février 182g; D. P., 31, 2, 20.


ART. 519. 257
dics, qui n'ont à payer que les frais de la faillite aux-
quels ils doivent satisfaire au moyen des rentrées. Mais
plusieurs causes peuvent amener ce résultat. Les syndics
peuvent être déclarés responsables des intérêts des som-
mes qu'ils n'auront pas déposées à la caisse des consi-
gnations dans les trois jours de leur réception ; des re-
couvremens qu'ils auront négligé de faire et qui ne pour-
ront plus l'être; enfin, ils peuvent avoir à rendre compte
d'une exagération constatée dans les dépenses. Quelles
qu'en soient d'ailleurs les causes s il suffit qu'ils soient
débiteurs, pour que la restitution des sommes qui for-
ment le reliquat soit solidairement prononcée avec con-
trainte par corps sauf les peines prononcées par la loi
,
contre les malversations dont ils se seraient rendus cou-
pables.

629. — Les syndics doivent porter dans le compte,


à la charge de l'oyant, les honoraires que l'article 462
leur alloue. La disposition de cet article, qui charge le
tribunal de commerce d'en déterminer le chiffre, ne fait
pas obstacle à ce qu'en cas de concordat les parties s'en-
tendent amïablement. Si le chiffre porté par les syndics
est contesté, le tribunal prononce.

650. — Enfin la cessation du dessaisissement ré-


,
sultant de l'homologation du concordat, rend au failli
l'exercice de ses actions actives et passives. C'est donc
contre lui personnellement que doivent être intentées ou
continuées les poursuites qu'il y aurait lieu de diriger,
ou qui auraient déjà été commencées contre les syndics.

II <7
258 TRAITÉ DES FAILLITES.

Les actions intentées par les syndics ne peuvent plus


être suivies que par le failli. Seul, il profite des jugemens
obtenus par les syndics et subit les conséquences de
,
ceux intervenus contre eux. Il résulte de là qu'il peut
seul se pourvoir contre les uns et défendre sur l'appel
des autres. La signification des premiers aux syndics ne
ferait courir les délais de l'appel que si elle avait été
réalisée avant le jugement d'homologation. Toute signi-
fication ultérieure ne serait valable qu'autant qu'elle se^
rait faite à la personne ou au domicile de l'ancien failli.

§ m.

De l'annulation ou de la résolution du concordat.

ARTICLE 520.

L'annulation du concordat, soit pour dol, soit par


suite de condamnation pour banqueroute frauduleuse
intervenue après son homologation, libère de plein droit
les cautions.
En cas d'inexécution, par le failli, des conditions de
son concordat, la résolution de ce traité pourra être

poursuivie contre lui devant le tribunal de commerce.en


.présence des cautions, s'il en existe, ou elles dûment ap-
pelées.
ART. 520, 521. 259
La résolution du concordat ne libérera pas les cau-
tions qui y seront intervenues pour en garantir l'exécu-
tion totale ou partielle.

ARTICLE 521.

Lorsque, après l'homologation du concordat, le failli

sera poursuivi pour banqueroute frauduleuse, et placé


sous mandat de dépôt ou d'arrêt, le tribunal de com-
merce pourra prescrire telles mesures conservatoires
qu'il appartiendra. Ces mesures cesseront de plein droit
du jour de la déclaration qu'il n'y a lieu à suivre de
,
l'ordonnance d'acquittement ou de l'arrêt d'absolution.

SOMMAIRE.

631. Le concordat homologué peut être annulé pour dol ou pour


cause de condamnation pour banqueroute. — Effet que
produit chacune de ces causes.
632. L'annulation du concordat libère les cautions.
633. Le concordat peut, en outre, être résolu pour inexécution.
634. Principe et conséquences de l'action en résolution. — En
quoi elle diffère de celle en nullité.
6,3b. Chaque créancier peut individuellement l'exercer. — Pro-
position contraire rejetée par la chambre des députés.
636. Elle ne se prescrit que par trente ans de l'exigibilité de la
dette.
637. Effets de la résolution par rapport au failli.
638. L'effet de la condamnation obtenue par un seul créancier
s'applique-t-il à tous les autres?
639. La résolution ne libère pas les cautions.
260 TRAITÉ DES FAILLITES.

640. Critique de cette disposition sous le rapport de l'équité et du


droit.
641. Opinion de la commission de la chambre des pairs.
642. Discussion des motifs qui la firent rejeter.
643. Intérêt des cautions à empêcher la résolution. — Elles doi-
vent être appelées dans l'instance.
644. L'offre qu'elles feraient devant le tribunal de payer le divi-
dende intégralement, ne rendrait pas la demande en ré-
solution non recevable.
645. Motifs réels de leur appel en cause.
646. Etendue de l'obligation des cautions. — Comment s'impu-
tent les sommes que les créanciers touchent dans les
répartitions de l'actif.
647. Après la résolution, il peut être consenti un nouveau con-
cordat. — Effet de celui-ci sur l'obligation des cautions
qui n'y ont pas été appelées.
648. Devait-on ordonner des mesures conservatoires, dans le cas
de poursuites en annulation ou résolution, comme dans
celui de banqueroute frauduleuse?
649. Motifs pour lesquels le législateur en a restreint l'emploi à
ce dernier cas.
650. La disposition de l'article 521 n'est pas restrictive.
651. Elle doit être interprétée par son esprit, plutôt que par la
lettre qui n'a été conservée que par une négligence in-
concevable.
652. L'initiative de ces mesures appartient au tribunal, sauf le
droit des créanciers de les provoquer, s'il omet d'y sta-
tuer.
653. En quoi ces mesures peuvent et doivent consister.
654. Leur durée est nécessairement subordonnée aux résultats
de la poursuite.

631. — Le concordat dûment homologué est sus-


ceptible d'être annulé, aux termes de l'article 518, pour
cause de dol découvert depuis l'homologation. La con-
ART. 520, 521. 261
damnation pour banqueroute frauduleuse ultérieurement
prononcée produit un effet identique. C'est ce qui est
réglé par l'article 522. Il y a entre ces deux causes de
nullité cette différence, que la première doit être consta-
tatée par le tribunal de commerce, tandis que la seconde
résulte de plein droit de l'arrêt de condamnation.
Cependant il y a une telle similitude entre ces deux
causes, que les effets en sont identiques. Nous avons déjà
remarqué que le dol, tel que le détermine l'article 518,
n'est qu'une banqueroute frauduleuse poursuivie par la
voie civile,puisque les faits qui le constituent sont égale^
ment constitutifs de celle-ci.

652. — Il résulte donc de l'un et de l'autre que


, ,
l'annulation qui en est la conséquence anéantit le
concordat, qui non-seulement n'existe plus pour l'avenir,
mais qui est censé n'avoir jamais pu valablement exis-
ter; que tout en respectant certains faits accomplis ('),
les parties sont remises au même état qu'avant le con-
cordat. Toutes les stipulations du traité s'évanouissent.
Ainsi les garanties hypothécaires conférées en vertu de
l'article 517 se trouvent rétractées ; ainsi les cautions
qui répondaient de l'exécution du concordat sont, non-
seulement libérées pour l'avenir, mais elles peuvent en-
core se faire restituer ce qu'elles ont déjà payé par suite
de leur engagement.

633. A ces causes de nullité qui peuvent anéan-



tir le concordat, il faut joindre l'action
en résolution
('). V. infrà art. 5î6.
262 TRAITÉ DES FAILLITES.

qui peut en faire cesser les effets. Le concordat est, com-


me tous les autres actes, soumis à la condition résolu-
toire. Ce principe, que le Code n'avait pas expressément
consacré, avait été admis par la jurisprudence. Mais les
conséquences qu'on en faisait résulter étaient bien dif-
férentes de celles consacrées par la loi actuelle.

634. — L'action en résolution diffère dans ses cau-


ses de l'action en nullité. Aussi, les effets de l'une et de
l'autre, quoique identiques sur un point, celui de la re-
constitution de l'état de la faillite agissent d'une ma-
,
nière bien distincte sur la position des parties intéres-
sées. C'est ce qui ressort bien formellement de la dispo-
sition de nos articles.
En principe la consécration de l'action résolutoire
,
est une pensée d'équité et de justice. La réduction con-
sentie ou subie par les créanciers sur le total de leurs
créances, n'est que la conséquence de l'engagement que
prend le failli de payer à chacun d'eux et aux termes
,
convenus, le dividende déterminé. Si le failli manque à
cet engagement, les créanciers doivent être relevés des
obligations qu'ils se sont eux-mêmes imposées. Celles-
ci deviendraient dès lors des effets sans cause. Or, quel-
que faveur que l'on dût professer pour le concordat, il

était impossible de la porter au point d'admettre qu'il


continuerait à lier les créanciers, alors même que le failli
se refuserait à l'exécuter , ou serait dans l'impuissance
de le faire.
635. — Ces notions qui ont présidé à l'admission
,
du droit en principe, indiquent quels sont ceux qui peu-
ART. 520, 521.' 263
vent en requérir l'exercice. Le failli est obligé à l'exécu-
tion du concordat envers chacun de ses créanciers per-
sonnellement. En conséquence celui d'entre eux qui a
,
à se plaindre d'une inexécution en ce qui le concerne,
peut faire prononcer la résolution du traité.
Cependant, le projet présenté d'abord par le gouver-
nement à la chambre des pairs et adopté par elle, dis-
posait que la demande en résolution ne pourrait être
intentée que par la double majorité dont le concours est
requis pour l'adoption du concordat. On craignait, en
autorisant les poursuites individuelles de livrer le sort
,
du failli et l'intérêt des créanciers, au caprice et à l'im-
patience d'un seul, qui pouvait gravement les compro-
mettre l'un et l'autre par une démarche précipitée et ir-
réfléchie.
Mais cette prescription consacrait une injustice, tout
eu voulant remédier à des inconvéniens qui étaient au
fond plus spécieux que graves. En effet, le failli aura
toujours le moyen d'empêcher la résolution en exécu-
,
tant religieusement ses obligations envers tous les créan-
ciers. Quant à ceux-ci, chacun a un droit égal à ce que
cette exécution se réalise à son égard. Il faut donc qu'il
ait les moyens de l'assurer, dans le cas où le failli ten-
terait de s'y soustraire. Subordonner ces moyens à la
volonté d'autres, plus heureux peut-être, envers lesquels
le failli s'est acquitté, c'était rendre l'exercice de
ce droit
impossible, et livrer le créancier en souffrance à la dis-
crétion de son débiteur.
Or, de tous les moyens pour contraindre le failli à
payer, le plus énergique est, sans contredit, la demande
264 TRAITÉ DES FAILLITES.

en résolution. La crainte seule de voir recommencer


l'état de faillite,doit inspirer au débiteur les plus grands
efforts, dans l'intention de satisfaire à ses engagemens.
En conséquence, refuser à chaque créancier individuel-
lement la faculté de poursuivre cette même résolution,
c'était leur ravir la garantie la plus efficace.
« De plus, ainsi que le disait le rapporteur de la
commission à la chambre des députés, après le concor-
dat, il n'y a plus de masse plus de communauté, plus
,
de majorité plus de minorité. Il n'existe plus que des
,
droits individuels dont l'exercice ne reconnaît d'autres
limites que celles qui sont tracées par la loi. Reconsti-
tuer la majorité serait impossible surtout s'il s'était
, ,
écoulé quelques années depuis le concordat. Soumettre
l'action en résolution au concours de cette majorité, c'é-
tait écrire dans la loi un principe condamné d'avance à
ne recevoir jamais aucune application. »
Telles furent les raisons opposées au projet du gou-
vernement et à l'avis de la chambre des pairs. L'un et
l'autre les sanctionnèrent, en se rangeant à Popinion de
la chambre des députés qui les avait consacrées. L'ac-
tion en résolution n'est donc dans son exercice sou-
, ,
mise à aucune condition. Elle appartient à chaque cré-
ancier individuellement. Elle peut être exercée dès que
se réalise, chez le failli , le refus d'exécuter les charges
que le concordat lui impose.
636. — De ce que cette action n'est qu'un mode
pour déterminer le paiement, il résulte que le droit de
l'intenter existe, tant que celui de demander ce paiement
ART. 520, 521. 265
n'est pas éteint. Il ne peut donc être atteint de pres-
cription, que par l'expiration de trente ans à partir de
l'échéance du terme.

657. — Quels sont les effets de la résolution pro-


noncée par justice sur la réclamation d'un créancier ?
,
Nous avons à examiner cette question sous le point de
vue.de la position du failli, des créanciers, des cautions.
Quant au failli, aucun doute ne saurait s'élever. Le
jugement qui admet la résolution le constitue en état
de faillite. Le concordat s'efface, et les opérations pres-
crites par la loi sont reprises et continuées selon leurs
derniers erremens.

638. — Mais cet état régit-il le failli envers tousses


créanciers? En d'autres termes la résolution obtenue
,
par un seul,ne produit-elle des effets qu'en faveur de
celui-ci, ou bien profite-t-elle à tous les autres créan-
ciers ?
Le concordat, disait M. Teste, est, dans ses résultats,
un acte essentiellement divisible. Sa résolution ne doit
donc profiter qu'a celui qui l'a obtenue.
Cette opinion émise dans la discussion de la loi ac-
tuelle, ne souffrait aucune difficulté sous le Code. Elle
avait été enseignée et consacrée par la doctrine et la ju-
risprudence. Biais c'était là un effet du silence gardé
par le législateur sur les conséquences de la résolution.
En l'absence de toute prescription contraire, on admet-
tait dans son entier le principe qui régit les conventions
synallagmatiques. Le créancier qui se plaignait de l'in-
exécution du concordat, était libéré des engagemens
266 TRAITÉ DES FAILLITES

qu'il avait lui-même contractés. La résolution le déga-


geait de la promesse d'une remise sur la dette, et obli-
geait le failli à le payer intégralement. On comprend
dès lors que les créanciers qui n'avaient pas été parties
dans l'instance ne pouvaient en revendiquer le bénéfice,
précisément en vertu du principe incontestable rappelé
par M. Teste.
Mais il ne saurait en être ainsi sous l'empire de la
loi nouvelle. L'article 522 exige que par le jugement
,
qui prononce la résolution le tribunal de commerce
,
nomme un juge-commissaire et un ou plusieurs syndics.
La conséquence forcée de la résolution est donc aujour-
d'hui la reconstitution de l'état de faillite. Or, cet état
est essentiellement indivisible ; il ne peut pas exister
pour les uns , et ne pas exister pour les autres. D'où il
résulte qu'il reçoit forcément application, non-seulement
aux créanciers qui avaient concordé , mais encore aux
créanciers nouveaux envers lesquels le débiteur s'est en-
gagé dans l'intervalle écoulé depuis le jugement d'ho-
mologation jusqu'à la résolution (').
Ainsi, relativement aux créanciers, les effets de la ré-
solution sont exactement les mêmes que ceux de l'annu-
lation. Dès l'instant que la demande est accueillie , ils
sont tous autorisés à venir, dans la faillite, faire valoir
les droits qui peuvent leur compéter.
Toutefois, il est des créanciers qui ne pourront pro-
fiter de la résolution, et auxquels on ne saurait l'oppo-
ser. Ce sont ceux qui auraient été payés intégralement

( ') V. infrà art. 5^3 et suiv.


ART. 520, 521. 2(37

du dividende convenu, avant cette résolution. Ceux-là ne


sont plus créanciers. Par rapport à eux , le concordat
ayant reçu sa pleine et entière exécution, ils n'ont plus
rien à exiger, et la transaction qu'il renferme reste irré-
vocable. Peu leur importe que cette transaction soit ou
non exécutée vis-à-vis d'autres créanciers. 11 suffit
qu'elle l'ait été à leur égard pour que la remise de la
,
dette, stipulée en échange de celte exécution, soit défini-
tivement acquise au failli.
Il faut donc distinguer, parmi les créanciers, ceux qui
ont reçu le dividende de ceux qui n'en ont été payés
,
qu'en partie. Les premiers restent étrangers à une ré-
solution qu'ils n'auraient ni intérêt, ni droit à poursui-
vre. Les seconds, au contraire, étant recevables à la faire
prononcer personnellement, doivent profiter du juge-
ment provoqué par l'un d'eux. Toute demande ultérieure
n'aurait pas un effet plus grand que celle qui a été ju-
gée. L'opinion contraire entraînerait à cet inconvénient
qu'il faudrait se livrer à une série de procès, et suppor-
ter des frais considérables.
En effet, par cela seul que la résolution provoquée
par un seul créancier fait, aux termes de l'article 522,
revivre la faillite, il suit que l'exécution du concordat est
désormais impossible. Le débiteur est de nouveau des-
saisi de ses biens. Il ne peut donc plus faire de paie-
mens valables ; et les créanciers concordataires ne pour-
raient recevoir de lui aucune somme sans être tenus de
la rapporter à la
masse. Dès lors, si tous les créanciers
ne profitaienLpas de la résolution provoquée et obtenue
par l'un d'eux, ils seraient personnellement tenus delà
268 TRAITÉ DES FAILLITES.

faire prononcer en ce qui les concerne. Ce serait autant


de procès particuliers qu'il y aurait de créanciers ; et
c'est précisément cette multitude de demandes que la lé-
gislation actuelle a voulu empêcher.
Aussi, contrairement à ce qui se pratiquait sous le
Code la résolution prononcée lie tous les créanciers.
,
Tous sont forcés d'en subir les effets.

639. — Quant aux cautions, l'effet de la résolution


est bien différent de celui de la nullité. Nous avons vu
que, par l'admission de celle-ci, les cautions se trou-
vaient libérées. La résolution au contraire les laisse
, ,
sous le coup de leurs engagemens.
640. — Cette prescription parait peu en harmonie
avec les principes ordinaires du cautionnement, avec
les idées d'équité et de justice qui doivent toujours pré-
valoir. En effet, l'engagement de la caution devient exi-
gible par le refus que fait le débiteur principal d'exécu-
ter ses obligations. Il est donc étrange , lorsque cette
condition se réalise, de permettre au créancier de con-
server la faculté d'exiger son paiement de celle-ci, et de
faire en même temps rétracter l'engagement en échange
duquel elle s'était obligée. Or, il est certain, en matière
de faillite, que ceux qui cautionnent le failli le font sur-
tout dans l'intention de lui assurer le bénéfice du con-
cordat. D'où la conséquence qu'ils devraient être libérés
si, par le fait des créanciers, celui-ci vient à être résolu,
avant même qu'une mise en demeure légale les ait mis
à même de réaliser leur cautionnement.
ART. 520, 521. 2C9

64 i. — C'est ce que demandait la commission de


la chambre des pairs. « Comment pourrait-on vouloir,
» disait son honorable rapporteur, M. Tripier, que lors-
» qu'un débiteur est dépouillé de tous les avantages du
»
concordat, la caution restât obligée à payer pour lui ?

» Le premier effet de la résiliation, c'est d'annuler en-


» tièrement le concordat. Dès ce moment la règle de
» droit, sauf
les conventions particulières, c'est que le
» concordat est annulé, surtout à l'égard des tiers, de
» la caution
qui n'est intervenue que pour faire jouir
» le débiteur
du bénéfice du contrat. Quelle sera donc
» la position des créanciers ? Us auront à choisir : ou
» de rester dans les termes du contrat, ou d'en provo-
» quer l'annulation. S'ils trouvent que le débiteur ne
>> présente pas de solvabilité suffisante, et que la cau-
» tiou soit.bonne, c'est à eux de ne pas provoquer l'an-
» nulation ; et alors ils conserveront tous les droits que
» leur confère le concordat. S'ils trouvent, au contrai-
» re, qu'il y a bénéfice pour eux à demander la rési-
!>>
liation, la caution doit être libérée. »

6i2. — On ne pouvait méconnaître tout ce qu'un


pareil système avait de concluant et de logique; cepen-
dant on l'a rejeté, sur le motif surtout que c'est en vue
des cautions que le concordat a été adopté et le failli
remis à la tête de ses affaires ; que, dans cet intervalle,
il peut avoir contracté de nouvelles dettes qui viennent
diminuer les droits des créanciers à l'actif, ce qui ne
serait pas arrivé si les cautions n'étaient pas interve-
nues ; qu'il était donc juste de garantir, par le maintien
270 TRAITÉ DES FAILLITES.

de leur engagement, les créanciers, du tort que cette in-


tervention a seule en définitive occasionné.
Ces argumens, qui ont triomphé, sont loin d'être sans
réplique. Les créanciers n'auraient à craindre un pré-
judice de l'administration du failli, que si les cautions
n'étaient pas à même de satisfaire à leur engagement.
Mais si le contraire se réalise, si, au refus du failli, elles
offrent de payer le dividende convenu, c'est aux créan-
ciers à l'accepter. Que si la résolution leur parait pré-
férable de quel droit pourraient-ils se plaindre d'une
,
chance qu'ils ont volontairement courue ?

643. — Quoi qu'il en soit, le principe de la non


libération a été inscrit dans la loi, et ce qui n'a pas peu
contribué à amener ce résultat, c'est que l'engagement
des cautions peut n'être que partiel, et que dans cette
,
hypothèse, l'exécution que celles-ci donneraient au con-
cordat ne désintéresserait pas complètement les créan-
ciers. Il est même permis de croire que c'est dans celle
circonstance surtout qu'il pourra s'agir de résolution,
car, si le cautionnement était égal à l'intégralité du di-
vidende, l'intérêt des cautions à empêcher le retour de
la faillite, est un sûr garant des soins qu'elles mettront
à ce que le failli soit en mesure de s'acquitter à l'éché-
ance.
En effet, la résiliation du concordat enlève aux cau-
tions l'espérance de se faire rembourser ce qu'elles au-
ront payé à la décharge du failli. Non-seulement les
biens actuels de celui-ci passent de nouveau à ses cré-
anciers mais encore son industrie est arrêtée, ses res-
,
ART. 520, 521. 271

sources pour l'avenir perdues. Ainsi s'évanouit l'espé-


rance de se récupérer plus tard , en cas d'insuffisance
des biens présents. C'est sous ce rapport que la loi a dé-
claré les cautions parties nécessaires dans l'instance en
résiliation, et qu'elle prescrit de les y appeler.

644. — Résulte-t-il de cette obligation imposée au


demandeur que si, devant le tribunal, les cautions of-
frent d'exécuterintégralement le concordat, en désinté-
ressant le créancier celui-ci doive être déboulé de sa
,
demande?
L'affirmative semblerait commandée par les principes
que nous rappelions tout à l'heure. On pourrait, en ef-
fet, soutenir que l'obligation de la caution ne commence
qu'après que le cautionné a refusé d'exécuter ses enga-
gemens; qu'il n'y a inexécution absolue que lorsque
celle-ci, mise à son tour en demeure, a fait éprouver ce
même refus ; que les créanciers en acceptant le cau-
,
tionnement se sont soumis à opérer cette mise en de-
,
meure ; que si la caution veut payer, l'acte est réelle-
ment exécuté ; que peu importe, en effet, aux créanciers
la main qui réalise le paiement, pourvu qu'il soit tel
qu'il suffise pour les désintéresser de toutes les sommes
portées au concordat.
Mais celte solution quelque fondée en droit qu'elle
,
puisse l'être ne saurait être admise. Le principe con-
,
sacré par l'article 520 s'y oppose.
En effet, l'inexécution par le failli donne lieu à la ré-
solution, et ne libère pas les cautions. Il suit de là que,
dès que cette inexécution
se réalise, les créanciers sont
272 TRAITÉ DES FAILLITES

investis d'une double faculté : 1° celle de se faire payer


par les cautions ; 2" celle de retirer au failli le bénéfice
du concordat. Ces deux facultés peuvent être simultané-
ment exercées. Elles sont également utiles. Par la pre-
mière, les créanciers sont assurés de retirer tout ce qui
leur a été garanti par les cautions; par la seconde ils
,
ont la chance de recevoir davantage, si la liquidation de
l'actif amène des résultats plus favorables que ceux en-
trevus au moment du concordat.
Il est donc impossible que la réalisation de l'une de
ces facultés empêche les créanciers de jouir du bénéfice
de l'autre. Le paiement qui sérail offert par les cautions,
elles le doivent, même après la résiliation ; elles ne fe-
raient donc, en offrant de le réaliser au commencement
de l'instance, qu'anticiper sur l'obligation qu'elles seront
tenues de remplir après le jugement. Leur offre n'aurait
donc aucune influence sur le droit qu'ont les créanciers
d'obtenir la résiliation indépendamment du paiement
,
qui leur est dû en tout état de cause.
645. — Il semblerait, dès lors, que l'appel en cause
des cautions est inutile puisqu'elles ne peuvent, dans
,
aucun cas, empêcher la demande des créanciers de sor-
tir à effet. Mais ce qui le justifie, c'est l'intérêt que nous
signalions tout à l'heure. La résiliation est trop impor-
tante pour elles , par les conséquences qu'elle peut en-
traîner ; il faut qu'elles soient en mesure de surveiller et
de discuter la défense du failli et les prétentions du
poursuivant, d'examiner les actes dont celui-ci veut faire
résulter l'inexécution. Le fait matériel du refus de paie-
ART. 520, 521. 273
ment peut ne pas toujours constituer celle-ci. Ce refus
peut tenir à des difficultés justement soulevées, ou à des
circonstances de force majeure dont le débiteur peut
être relevé. Or, les cautions peuvent, de leur chef, faire
valoir tous ces moyens et repouser la demande par les
exceptions que le débiteur principal pourrait opposer
lui-même.

646. — Il nous reste à examiner quelle est l'éten-


due de l'obligation des cautions dans l'hypothèse de la
résolution. Il est évident que cette obligation est subor-
donnée soit à la liquidation de l'actif, soit à l'admission
d'un nouveau concordat. Ainsi, la chance que les cré-
anciers ont de toucher un dividende plus fort que celui
primitivement obtenu ne peut se réaliser aux dépens
,
des cautions; on ne peut les autoriser à prendre.d'a-
bord les sommes cautionnées, et ensuite le dividende ré-
sultant de la liquidation. Ce serait vouloir les enrichir
au détriment de tiers qui ne leur devaient rien , qui ne
sont devenus leurs débiteurs que d'une manière acces-
soire. En conséquence, les à-comptes payés par le failli
avant la résolution, ont libéré d'autant les cautions. De
plus, tout ce qui sera produit par les répartitions que
l'union amènera, sera tout d'abord imputé sur les som-
mes dues par les cautions ; de telle sorte que celles-ci
n'auront à payer que la différence qui existera entre ce
que les créanciers auront reçu sur l'actif, et le dividende
cautionné. Si celui-ci n'est pas atteint par le résultat de
la répartition, le solde doit
en être supporté par les cau-
tions ; si, au contraire les sommes distribuées égalent
,
II 's
274 TRAITÉ DES FAILLITES.

ou dépassent le chiffre de celles cautionnées, les cau-


tions sont complètement libérées; elles ont, en outre, le
droit de se faire restituer ce qu'elles auraient déjà payé.
-
Cela n'est, d'ailleurs, absolument vrai que si l'enga-
gement des cautions comprenait l'intégralité du dividende
promis dans le concordat. Ainsi, si cet engagement n'est
que partiel , les créanciers auraient le droit d'imputer
soit les à-comptes reçus du débiteur soit les produits
,
de la liquidation sur la partie de la dette due par le
,
failli seul. Les cautions ne profiteraient des uns et des
autres qu'après l'extinction complète de celle-ci.
647. — L'annulation et la résiliation diffèrent en-
core en ce que la première est inévitablement suivie du
régime de l'union. Après la seconde, au contraire, il est
loisible aux créanciers de consentir un nouveau con-

'
cordat.
Mais, si dans la délibération et l'adoption de celui-ci,
ceux qui avaient cautionné le premier, ne sont ni admis
ni appelés ; si on n'exige pas qu'ils renouvellent leurs
engagemens, on ne pourrait plus les rechercher à raison
de leur concours au concordat précédent. Il y a nova-
lion complète dans le titre, et partant libération entière
pour ceux qui n'auraient pris aucune part à celui qui

a remplacé le premier (').


648. — Les approches de l'annulation ou de la ré-
solution du concordat étaient de nature à inspirer des
craintes sur la conduite ultérieure du failli. En effet,

(') Art. 1281 du Code civil.


ART. 520, 521. 273
celui-cipeut, pour se garantir des chances d'une solu-
tion affirmative se hâter de mettre à couvert tout ou
,
partie de son actif. On avait donc parlé de mesures con-
servatoires à prendre dès le début de la poursuite.

649. — Le législateur a dû peser les inconvéniens


auxquels ces mesures étaient destinées à remédier, et
ceux qui pouvaient naître de ces mesures elles-mêmes,
La poursuite dirigée contre le failli peut être l'effet de
l'irritation d'un désir de vengeance d'un mouvement
, ,
irréfléchi ; elle peut être, en définitive, rejetée par la jus-
tice; elle est, dans tous les cas, particulière à celui qui
l'a intentée. En cet état, des mesures conservatoires pou-
vaient être nuisibles au failli ; fallait-il s'exposer à causer
,un préjudice considérable avant que la justice se fût
prononcée sur la réalité des torts imputés au débiteur?
Le législateur, par respect pour le droit de propriété,
n'a pas cru devoir autoriser la moindre atteinte aux pou-
voirs que le concordat a conférés à l'ancien failli ; il a
subordonné les mesures conservatoires à l'existence de
présomptions assez graves pour que l'autorité publique
ait jugé nécessaire d'intervenir.
Ainsi, une demande en résolution, l'action en nullité
pour dol poursuivie par la voie civile, ne peuvent déter-
miner l'adoption d'aucune mesure touchant l'adminis-
tration des biens du failli. Elle reste entre les mains de
celui-ci, jusqu'après la décision du juge investi de la
•demande.
Mais., il
n'en est pas de même pour la poursuite en
banqueroute frauduleuse. L'intervention de l'autorité,
276 TRAITÉ DES FAILLITES.

une fois réalisée, la liberté du failli se trouve compro-


mise et, avec la perte de celle-ci, naît la nécessité de
,
s'assurer de l'administration des biens dans l'intérêt des
créanciers.
Telle est la disposition de l'article 521. On pourrait
la résumer dans ces quelques paroles, si la rédaction
malheureusement maintenue contre le vote de la cham-
bre, ne donnait naissance à des difficultés qu'il faut
éclaircir.

650. — L'article 521 semble n'autoriser les mesures


conservatoires que lorsque le failli se trouve placé sous
mandat de dépôt ou d'arrêt. C'est ce qui est textuelle-
ment écrit dans sa disposition. Cependant, on mécon-
naîtrait évidemment l'intention du législateur si, par
,
^respect pour ce texte, les tribunaux lui subordonnaient
aveuglément l'application de la faculté qui leur est lais-
sée. Il est certain, en effet, que s'il peut y avoir danger
pour les créanciers à laisser un mandataire du failli ad-
ministrer, lorsque celui-ci est en prison le danger est
,
bien plus réel, lorsque sous le poids d'un simple man-
dat d'amener le failli administre lui-même , et peut
,
ainsi facilement, dans la prévision des suites de l'ins-
truction, dilapider ou dénaturer sa fortune.
Or, c'est précisément dans la crainte d'une éventua-
lité de ce genre que la loi a prescrit de prendre des
,
mesures conservatoires. Conséquemment, donner à ses
paroles un sens limitatif et restrictif, ce serait proclamer
qu'on ne pourrait utiliser la précaution qu'elle autorise
ART. 520, 521. 277
précisément dans le cas où le besoin s'en fait plus par-
ticulièrement sentir.

651. — L'article 521 doit donc être interprêté par


son esprit, plutôt que par son texte. La pensée réelle de
la loi est d'autoriser les mesures conservatoires toutes
,
les foisqu'il y aura poursuite sérieuse, certaine, et non
dans le cas où il y aurait seulement plainte en banque-
route de la part des créanciers. Or, comme la banque-
route frauduleuse est un crime, il était difficile d'admet-
tre une intervention de la justice, sans supposer l'exis-
tence d'un mandat de dépôt ou d'arrêt ; et voilà la série
d'idées à l'aide de laquelle on est arrivé à rendre la
pensée que nous venons d'indiquer d'une manière que
l'on a crue plus énergique, et qui n'est au contraire que
fort incomplète.
Au reste ce défaut de précision dans; les termes de
,
l'article 521 a préoccupé le pouvoir législatif lui-même.
On a craint que les tribunaux ne se crussent liés par le
texte, et n'ordonnassent des mesures conservatoires que
lorsqu'il existerait, soit un mandat de dépôt, soit un
mandat d'arrêt. « Cependant, disait-on à la chambre
des députés, un mandat d'amener peut avoir été décer-
né, et cet état peut se prolonger longtemps. Le failli
peut avoir pris la fuite ; il peut aussi, sous des motifs
plausibles, retarder son interrogatoire et pendant ce
,
temps que deviendra l'actif ? »
On proposa, en conséquence, de retrancher de l'arti-
cle 5211 les mots
: et placé sous mandai de
dépôt ou
d'arrêt. Cette proposition fut adoptée. Mais le retran-
278 TRAITÉ DES FAILLITES.

chement n'a pas été opéré dans le texte officiel, et l'ar-


ticle 521 a conservé sa rédaction première.
Malheureusement cette omission laisse exister les dif-
ficultés que l'amendement voté par la chambre avait
pour objet de prévenir. En l'état cependant de ce qui
précède le sens de l'article 521 nous parait fixé. On
,
peut ordonner les mesures conservatoires toutes les fois
qu'une poursuite judiciaire étant réalisée, il peut y avoir
péril pour les créanciers. On ne doit donc pas hésiter,
si ce péril se manifeste, encore que le failli ne se trou-
verait qu'en l'étal d'un simple mandat d'amener.
652, — L'initiative de ces mesures appartient au
tribunal de commerce. A cet effet, le procureur impérial
ou le juge d'instruction doit officiellement dénoncer au
président l'existence de la poursuite criminelle. A défaut
de cet avertissement, ou si après avoir été avisé, le tri-
bunal néglige de statuer, choque créancier peut indivi-
duellement les provoquer. Le droit de ceux-ci est in-
contestable. On ne doit pas, en effet, perdre de vue qu'il
n'y a plus, à cette époque, personne qui puisse agir au
nom et dans l'intérêt de tous , les syndics ayant cessé
leurs fonctions après l'homologation du concordat.

653. — L'étendue et l'importance des mesures con-


servatoires qu'il convient d'ordonner sont laissées à la
prudence des juges. On ne doit cependant pas oublier
que, tant qu'il n'y a pas eu condamnation, le failli con-
cordataire jouit de la plénitude de ses droits; qu'il peut
déléguer l'administration de ses affaires à tel mandataire
qu'il lui plaira choisir; qu'on ne saurait donc le priver
ART. 520, 521. 279
de cette faculté sans violer à son égard le droit sacré
,
de la propriété.
Tout doit, en conséquence, se borner à une surveil-
lance efficace dans l'intérêt des créanciers. Le tribunal
pourra donc adjoindre au mandataire du failli, ou au
failli lui-même un ou plusieurs créanciers, sous le con-
trôle desquels devra se réaliser l'administration. Il peut
aussi, sans aller jusque-là, ordonner telles mesures qu'il
jugera devoir concilier l'intérêt.des créanciers, et ce qui
est dû à la présomption d'innocence qui protège encore
le failli.'

654. — La durée des mesures conservatoires est


limité par celle de l'information, au sort de laquelle el-
les sont forcément attachées ; elles cessent de plein droit,
si le failli est acquitté ou renvoyé de la poursuite par

une ordonnance de non lieu ou seulement convaincu


,
de banqueroute simple. Dans l'un comme dans l'autre
de ces cas, le failli reprend la plénitude de ses droits
et actions.
S'il est condamné pour banqueroute frauduleuse, les
mesures conservatoires cessent également pour faire place
à un état définitif réglé par les articles suivants.

En effet, la condamnation même par contumace,


,
annule de plein droit le concordat. Nous allons voir les
formalités qui doivent être remplies dans ce cas, com-
me dans ceux d'annulation pour dol, ou de résolution
pour inexécution.
280 TRAITÉ DES FAILLITES.

ARTICLE 522.

Sur le vu de l'arrêt de condamnation pour banque-


route frauduleuse , ou par le jugement qui prononcera
soit l'annulation, soit la résolution du concordat, le tri-
bunal de commerce nommera un juge-commissaire et
,
un ou plusieurs syndics.
Ces syndics pourront faire apposer les scellés.
Us procéderont, sans retard, avec l'assistance du juge
de paix, sur l'ancien inventaire, au récolement des va-
leurs actions et des papiers et procéderont, s'il y a
, ,
lieu, à un supplément d'inventaire.
Us dresseront un bilan supplémentaire.
Us feront immédiatement afficher et insérer, dans les
journaux à ce destinés, avec un extrait du jugement qui
les nomme, invitation aux créanciers nouveaux, s'il en
existe, de produire, dans le délai de vingt jours leurs
,
titres de créances à la vérification. Cette invitation sera
faite aussi par lettres du greffier, conformément aux ar-
ticles 492 et 493.

ARTICLE 523.

Il sera procédé, sans retard, à la vérification des titres


de créances produits en vertu de l'article précédent.
ART 522, 523, 524. 281
Il n'y aura pas lieu à nouvelle vérification des créan-

ces antérieurement
admises et affirmées, sans préjudice
néanmoins du rejet ou de la réduction de celles qui, de-
puis, auraient été payées en tout ou en partie.

ARTICLE 524.

Ces opérations mises à fin s'il n'intervient pas de


,
nouveau concordat, les créanciers seront convoqués à
l'effet de donner leur-avis sur le maintien ou le rempla-

cement des syndips.


Il ne sera procédé aux répartitions qu'après l'expira-
tion, à l'égard des créanciers nouveaux, des délais ac-
cordés aux personnes domiciliées en France par les
,
articles 492 et 497.

SOMMAIRE.

655. La loi nouvelle a tranché la controverse qui s'était établie


sur les questions de savoir si le failli concordataire pou-
vait être poursuivi pour banqueroute frauduleuse, et si
la condamnation annulait le concordat.
656. Cette annulation est aujourd'hui la conséquence forcée de
cette condamnation. — L'étal de faillite doit être re-
constitué sur le vu de l'arrêt.
657. En cas d'annulation pour dol, ou de résolution pour inexé-
cution cette reconstitution doit être faite par le juge-
,
ment qui admet lune ou l'autre.
658. Le jugement est exécutoire nonobstant opposition ou appel.
282 TRAITÉ DES FAILLITES.

659. L'existence possible de nouveaux créanciers empêche qu'il


soit immédiatement passé outre aux opérations ultérieu-
res de la faillite.
660. Caractère des mesures à prendre par les nouveaux syndics.
661. L'apposition des scellés, pour la conservation de l'actif, est
facultative.
662. Récolement des effets sur l'ancien inventaire; supplément
d'inventaire, s'il y a lieu.
663. Ces récolemens et supplément d'inventaire doivent être faits
en présence et avec l'assistance du juge de paix.
664. Mesures requises dans l'intérêt particulier des créanciers
nouveaux :
1° Bilan supplémentaire.
665. 2° Publicité que doit recevoir le nouveau jugement. —
.Mode à suivre.
666. Objet de cette publicité. — Convocation des créanciers con-
nus ou inconnus, avec invitation de faire vérifier leurs
créances dans les \ingl jours.
667. Ce délai, qui nécessite la suspension de la liquidation, est de
rigueur alors même qu'il n'existerait aucun nouveau
,
créancier connu.
668. 3° Vérification des créances. — A lieu au fur et à mesure
de la production des titres nouveaux.
669. Le droit de contester'appartient à tous les créanciers et au
failli,
670. Les créanciers nouveaux ne peuvent contester les anciens.—
Développement de celte opinion.
671. Mais tous peuvent demander la radiation ou la réduction des
créances payées en tout ou en partie.
672. Les discussions nées dans la vérification sont régies par les
articles 494 et suivants.
673. Après ces opérations, les créanciers doivent être appelés à
délibérer sur le concordat.
674. Cette délibération est inutile, après condamnation pour ban-
queroute frauduleuse.
ART. 522, 523, 524. 283
675. Quid, lorsque le concordat a été annulé pour dol ?
676. On peut, après la résolution, consentir un nouveau concor-
dat. — A quelles conditions.
677. Formalités à remplir, lorsqu'il n'intenieni pas de con-
cordat.
678. Suspension de toute répartition jusqu'après l'échéance des
délais accordés par les articles 492 et 497.

655. — Deux faits étaient fortement controversés


sous l'empire du Code de 1807, à savoir : si le failli
pouvait, après l'homologation du concordat, être pour-
suivi pour banqueroute frauduleuse ; si sa condamnation
entraînait l'annulation du concordat.
La loi actuelle a dissipé tous les doutes.' Non-seule-
ment le failli peut être poursuivi à quelque époque que
la fraude se découvre mais encore sa condamnation
,
entraîne, comme conséquence forcée, la nullité du traité
consenti par les créanciers, et homologué par la justice.
Le consentement des uns l'assentiment de l'autre sont
,
présumés les fruits de l'erreur et du dol. Us ne peuvent
être, dans aucun cas, une égide derrière laquelle le failli
puisse cacher sa mauvaise foi, et profiter de sa fraude.

656. — C'est ce qu'enseigne expressément l'article


ol!2, en prescrivant aux tribunaux de commerce de pro-
clamer, sur le vu de l'arrêt de condamnation, la recons-
titution de la faillite par la désignation de nouveaux
,
syndics et le choix d'un juge-commissaire. Le législateur
considère donc, dans l'hypothèse d'une condamnation,
leconcordat comme anéanti de plein droit ; et cet ané-
antissement remettant les parties dans l'état où elles
284 TRAITE DES FAILLITES.
étaient avant le vote du concordat, les opérations delà
faillite doivent être reprises au point où elles ont été
laissées.

657. — L'annulation du concordat pour dol, sa ré-


solution pour inexécution produisent un effet identique.
Le jugement qui prononce l'une ou l'autre doit donc,
pour se conformer aux exigences qui naissent de l'état
des choses qui en résulte, désigner le juge-commissaire
et les syndics,

658. — Il est vrai que, dans l'un comme dans l'au-


tre cas , ce jugement est susceptible d'être frappé d'ap-
pel. Mais l'appel lui-même n'est point suspensif pour
ce qui concerne l'institution des syndics , et les consé-
quences qu'elle entraine. Le jugement est, quant à ce,
assimilé au jugement déclaratif, et, comme celui-ci, il
doit être exécuté provisoirement. Le danger de laisser le
failli administrer ses biens est le même dans les deux
circonstances. Il y a donc lieu d'adopter, dans chacune
d'elles, une détermination identique.

659. — Toutefois s'il est vrai que par rapport


,
,
aux anciens créanciers, il ne s'agisse que de reprendre
les opérations au point où elles ont été interrompues,
l'existence possible de créanciers nouveaux fait un de-
voir de revenir, en ce qui les concerne, sur les opéra-
tions précédemment accomplies. L'homologation du con-
cordat a remis le failli à la tête de ses affaires. Des re-
lations nouvelles ont pu accroître le nombre des inté-
ressés à l'actif. Il était impossible, dès lors, de prendre
ART 522, 523, 524. 285

une mesure définitive quelconque avant que ceux-ci


,
aient été mis à même d'y concourir dans la limite de
leurs droits.

' 660. — Ainsi, il est des précautions générales dont


l'accomplissement est indispensable dans l'intérêt des
créanciers tant anciens que nouveaux. Il en est d'autres
particulières à ces derniers. Nous allons les rappeler
toutes.

661. — Les mandataires légaux de la masse doi-


vent en première ligne veiller à la conservation de
, ,
l'actif existant au moment de la reconstitution de la fail-
lite. Mais leurs obligations, même sur ce point, se res-
sentent des circonstances au milieu desquelles ils agis-
sent.
Ainsi, l'apposition des scellés ordonnée par l'article
,
455, n'est plus que facultative. Celte différence s'expli-
que parfaitement par celle qui existe dans la position
du failli dans chacune de ces hypothèses. On comprend
que lorsque la faillite éclate, il devient urgent de placer
sous la main de la justice toutes les facultés mobilières
du failli. Leur consistance, leur valeur n'étant détermi-
née par aucun élément certain, des détournemens, des
dilapidations peuvent facilement se réaliser. L'apposi-
tion des scellés les rendant impossibles, ne saurait trop
tôt être effectuée jusqu'à ce que, par un inventaire ré-
gulier, tout danger ait disparu.
Or, dans l'hypothèse de nos articles l'inventaire
,
existe. Il a été régulièrement dressé par les premiers
syndics. Il est déposé au greffe du tribunal. D'autre
286 TRAITÉ DES FAILLÎTES.

part, le compte-rendu par les syndics, après l'homolo-


gation fixe les biens qui ont été restitués en nature au
,
failli les valeurs qui lui ont été remises. Le failli ne
,
pourrait donc essayer de soustraire les uns et les autres,
sans qu'on fût en mesure de le convaincre , et en état
de lui en demander compte. On prouverait facilement
par l'inventaire que les objets réclamés existaient dans
ïa faillite, par le compte des syndics qu'ils lui ont été
remis.
Il n'y a donc aucun besoin réel de requérir une nou-
velle apposition des scellés surtout si l'intervalle qui
,
sépare l'homologation de l'annulation ou de la résolu-
tion du concordat n'a pas été d'une bien grande durée.
Si cet intervalle a été considérable si plusieurs an-
,
nées se sont écoulées, et que le failli, remis à la tête de
ses affaires, ait continué de se livrer au commerce, on
peut aisément présumer qu'il aura , en quelque sorte,
renouvelé son actif; que, quant aux marchandises sur-
tout, il en existera peu de celles qui ont déjà été inven-
toriées. Alors, il peut devenir fort utile de faire procé-
der à l'apposition des scellés. C'est pour parer à toutes
ces éventualités, que la loi s'en est rapportée à l'appré-
ciation des syndics. C'est donc à eux à voir selon les
,
circonstances ce qu'exige l'intérêt réel des créanciers
,
qu'ils ont mission de protéger.
662. — Les mêmes considérations ont fait prendre
une décision identique pour ce qui concerne l'inventai-
re. Ce qui est rigoureusement prescrit aux nouveaux
syndics, c'est de procéder immédiatement au récolement
ART. 522, 523, 524. 287
des valeurs, effets et papiers énumérés sur l'ancien. Us
constateront ainsi s'ils existent encore en la possession
du failli, et, dans le cas contraire la destination que
,
celui-ci a donnée à ceux qui ne se retrouveront plus.
Cette opération terminée il arrivera ou que l'actif n'a
, ,
pas été augmenté , et l'ancien inventaire sera suffisant,
ou qu'il existe de valeurs nouvelles, et les syndics pro-
céderont sans retard à un supplément d'inventaire ; tous
les objets y seront décrits et estimés. Les syndics se
chargeront ensuite tant des anciens que des nouveaux,
pour en disposer dès ce moment conformément aux
pouvoirs que la loi leur confère et sous leur respon-
,
sabilité.

663. —
Le récolement et le supplément d'inventaire
doivent, que les scellés aient été ou non apposés être
,
faits en présence et avec l'assistance du juge de paix.
Nous avons déjà dit que cette assistance est lé gage le
plus certain de la sincérité de ces opérations, le con-
cours d'un magistrat éloignant toute idée de collusion
entre le failli et les syndics.

664. — L'actif ainsi fixé et la faillite reconstituée,


,
nous rencontrons la série des mesures ordonnées en fa-
veur des créanciers dont les litres ont été souscrits de-
puis l'homologation du concordat. Comme les anciens,
ceux-ci ont droit au partage de l'actif. On ne pouvait
donc procéder à
sa répartition , qu'après les avoir mis
à même de
se présenter utilement, et de subir les épreu-
ves qui sont imposées aux intéressés dans une faillite.
288 TRAITÉ DES FAILLITES,

C'est dans cet intérêt particulier que la loi a prescrit aux


syndics :

\" La confection d'un bilan supplémentaire. Il est


évident qu'on ne pouvait, dans l'hypothèse d'une de-
mande en annulation ou résolution d'une condamna-
,
tion pour banqueroute frauduleuse imposer au failli
,
l'obligation de rédiger lui-même l'étal des nouveaux
créanciers. Celui qui résiste à une action ne peut être
tenu d'exécuter volontairement l'acte auquel on veut le
contraindre. Or comme cependant il importe de con-
,
naître le nom de ceux qui sont devenus créanciers, on
devait en imposer la recherche aux syndics qui, par le
dépouillement des écritures, pourront se procurer tous
les élémens nécessaires à celte recherche.

665. — 2° De donner de la publicité au jugement


qui fait revivre la faillite. Cette publicité a un double
objet : d'abord d'appeler tous les ayants droit à la véri-
fication de leurs titres, ensuite de suppléer à l'imperfec-
tion des écritures et à leur insuffisance relativement à
la désignation des créanciers. C'est même plus particu-
lièrement pour ceux dont les noms auraient été omis,
dans les livres du failli, que cette publicité est ordonnée.
Ceux, en effet, qui figureront dans le bilan supplémen-
taire, seront convoqués par lettres du greffier, tandis que
les premiers ne seront dans le cas de connaître le chan-
gement d'état de leur débiteur que par l'insertion faite
dans les journaux.
Quoi qu'il en soit, le mode de publicité, dans notre
hypothèse est le même que celui prescrit par l'article
,
ART. 522, 523, 524. 289
442 pour le jugement déclaratif. Elle a le même but;
elle doit donc recevoir la même étendue les mêmes
,
soins.

666. — Les créanciers connus ou inconnus doivent


être invités à se présenter dans les vingt jours pour faire
procéder à la vérification de leurs litres de créance, Ce
délai est absolu pour tous, indépendant des distances.
Il commence à courir du jour de l'insertion et de l'af-
fiche.

667. :—
Tant que ce délai n'est pas expiré, les opé-
rations ultérieures de la faillite sont forcément suspen-
dues. Cette suspension est de rigueur alors même que
,
le dépouillement des écritures n'aurait signalé aucun
créancier nouveau. Cette absence d'indication peut être
le résultat de la négligence ou de l'incurie du failli. Or,

comme c'est pour les créanciers inconnus que la publi-


cité est surtout prescrite on doit, dans la présomption
,
qu'il en existe, attendre l'effet de la mise en demeure, la
certitude du contraire n'étant acquise qu'après l'expira-
tion des vingt jours, sans qu'il s'en soit présenté aucun.
Dès lors, il y a lieu de passer immédiatement outre
aux opérations qui restent à accomplir, et qui sont indi-
quées par l'article suivant.

668. — 3° De procéder à la vérification des créan-


ces quiseront produites. Remarquons que l'avis adressé
aux créanciers n'est plus de déposer leurs titres entre
les mains des syndics mais bien de les faire vérifier
;
,
qu'en outre, le délai de vingt jours détermine le maxi-
II 19
290 TRAITÉ DES FAILLITES.

mum du temps accordé, sans qu'il soit prohibé aux cré-


anciers de se présenter avant son expiration.
Il résulte de ces deux circonstances que contraire-
,
ment à ce qui est prescrit par l'article 493, la vérifica-
tion n'a pas lieu en assemblée de créanciers ; qu'elle
s'opère isolément à mesure de la production des titres,
et contradictoirement entre le créancier et les syndics. Il
n'est pas même nécessaire d'appeler le failli. Cet appel
serait impossible, puisque les syndics ignorent eux-mê-
mes le moment où les créanciers se présenteront, et que
dès que les titres sont produits, ils doivent les vérifier.
Mais rien n'empêche que le failli, s'il est sur les lieux,
n'assiste à la vérification, s'il le juge convenable.
La vérification est faite dans la forme ordinaire. Elle
doit être suivie, dans les huit jours de l'affirmation de
,
la créance par le créancier en personne ou par un fondé
de pouvoirs.

669. — Le droit de contester les créances appartient


à tous les créanciers vérifiés sans distinction des anciens
et des nouveaux ; il peut être exercé par le failli lui-
même dans les proportions et de la manière que nous
,
avons plus haut déterminées (').
670. — Les créanciers nouvellement admis pour-
ront-ils contester les créances déjà vérifiées par les an-
ciens? Nous ne le pensons pas. En principe, l'admission
d'une créance forme pour le porteur un titre incontes-
table envers la masse, dès que le procès-verbal de véri-

(') V. suprà art. 4Q4 et suivants.


ART. 522, 523, 52i. 291
fication est devenu définitif. Or, celui qui a été rédigé
dans les premiers momens de la faillite, a été régulière-
ment clôturé. La disposition de l'article 523 n'a pas
pour objet de revenir sur celte clôture. Si une nouvelle
vérification est ordonnée, c'est par respect pour les faits
accomplis, et dans le but unique de consacrer des droits
régulièrement acquis. En conséquence, le créancier ad-
mis comme tel à prendre part à la délibération du con-
cordat annulé dont les titres n'ont pas été contestés à
,
l'époque de leur vérification est à l'abri de toute dis-
,
cussion ultérieure, surtout de la part de ceux qui ne sont
devenus créanciers qu'après que cette qualité lui était
définitivement acquise.
Telle nous parait être la volonté du législateur, qui
s'induit d'abord de ce que l'article 523 dispense les cré-
anciers anciens de toute vérification nouvelle ce qui
,
indique que, par rapport à eux, la première est consi-
dérée comme efficace et suffisante; ensuite de ce que
cette même disposition garde le silence le plus complet

sur la faculté que pourroient revendiquer les créanciers


nouveaux de contester les créances anciennement admi-
ses. Dans l'hypothèse ce silence équivaut à un refus
,
formel.:
On reprocherait vainement à cette décision de violer
l'égalité, en accordant aux premiers créanciers contre
les nouveaux un droit que ceux-ci ne pourraient exercer
à leur encontre. Mais cette prétendue inégalité est plu-
lot apparente que réelle. Les premiers créanciers ont
subi l'épreuve imposée aux nouveaux. L'intérêt de la
masse à écarter de son sein tous ceux dont les droits ne
292 TRAITÉ DES FAILLITES.

seraient pas certains, est une garantie que cette épreuve


a été sérieuse. Et si, en résultat, l'admission a été pro-
noncée, il n'est plus permis de douter de la sincérité de
leur qualité. Le respect pour les droits acquis contra-
dictoirement ne peut donc constituer la violation du
principe de l'égalité. Ce qui la constituerait, ce serait
de soumettre les créanciers anciens à une nouvelle épreu-
ve , tandis que les nouveaux n'en subiraient jamais
qu'une seule.
671. — D'ailleurs, la loi a suffisamment veillé aux
intérêts de ces derniers en les autorisant à demander
,
le rejet ou la réduction des créances qui, depuis le con-
cordat auraient été payées en tout ou en partie. Or,
,
par leur accession dans la faillite après l'annulation ou
la résolution du concordat, il est à présumer que ces
créanciers contesteront bien plutôt le chiffre, que la na-
ture et l'origine des créances. L'article 523 leur offrant
la faculté d'éloigner ou de faire réduire les créances qui
mériteraient de l'être une plus ample exigence de leur
,
part serait évidemment sans intérêt et partant non rece-
vable.
672. — Les discussions nées à l'occasion des véri-
fications nouvelles seront jugées en la forme déterminée
par les articles 498 et suivants. Ainsi , le tribunal de
commerce décidera d'abord s'il y a lieu de surseoir ou
de passer outre. Le juge saisi réglera ensuite l'admission
provisoire en déterminant le chiffre jusqu'à concurrence
duquel elle aura lieu.
673. — Ces opérations terminées et le délai de vingt
ART. 522, 523, 524. 293
jours expiré , les créanciers sont convoqués pour déci-
der s'il y a lieu ou non à consentir un nouveau con-
cordat.

674. — Cependant cette délibération ne peut avoir


lieu que lorsqu'il y a possibilité de concorder. Or si
,
l'annulation du premier traité n'est que la conséquence
d'une condamnation pour banqueroute frauduleuse, il
serait inutile de consulter les créanciers. L'union, dans
ce cas, est forcée , tout concordat étant formellement
prohibé par l'article 510.

675. — Qu'en est-il, lorsque l'annulation a été pro-


noncée pour cause de dol ? Pourrait-il intervenir un
nouveau concordat ? Nous ne le pensons pas. Il est vrai
que l'article 510 ne prohibe celui-ci que dans le cas de
conviction du crime de banqueroute frauduleuse; mais
il faut remarquer que le dol, pour être une cause d'an-
nulation, doit consister dans l'exagération du passif, ou
dans la dissimulation de l'actif, c'est-à-dire, dans une
véritable fraude tentée contre les créanciers.
Or, c'est précisément dans la prévoyance d'une pa-
reille éventualité, que l'article 515 a fait un devoir au
tribunal de commerce de refuser l'homologation qui lui
serait demandée. Ainsi, nous avons vu que ce refus peut
se réaliser même après l'arrêt d'acquittement du failli,
à plus forte raison devrait-il l'être, si celui-ci avait été
civilement convaincu de fraude contre ses créanciers.
Alors, en effet, l'intérêt public exigerait ce refus, puis-
que le concordat, destiné à récompenser le malheur et
la bonne foi,
ne saurait être, sans danger pour l'ordre
294 TRAITÉ DES FAILLÎTES.

social, accordé au dol et à la fraude, qu'une faveur de


cette nature encouragerait.
Ainsi, dans notre hypothèse le concordat, quoique
,
échappant à la disposition de l'article 510 n'en serait
,
pas moins frappé dans son essence. Les tribunaux de-
vraient le proscrire en vertu de la disposition de l'ar-
ticle 515.

676. — Ce n'est donc réellement que pour le cas


de résolution pour inexécution, qu'un second concordat
peut légitimement intervenir et qu'il y a , par consé-
,
quent, lieu à interroger les créanciers sur son opportu-
nité. Cette délibération doit être faite dans les termes et
conditions des articles 504 et suivants. Le traité devra
être voté par la majorité en nombre et en sommes de
tous les créanciers tant anciens que nouveaux , sauf le
renvoi à huitaine, si, dans la première séance, l'une de
ces majorités seulement s'est prononcée en faveur du
failli.
Le nouveau concordat, s'il réunit la majorité requise,
doit subir toutes les épreuves qui avaient été imposées
au premier. Chaque créancier peut, dans la huitaine, y
former opposition. Il n'est obligatoire que par l'homo-
logation qui doit être poursuivie par la partie la plus
diligente (').

677. — Dans le cas de condamnation pour ban-


queroute , et d'annulation pour dol ; dans celui de ré-
solution, s'il n'intervient pas de nouveau concordat, les
ART. 522, 523, 524. 295
créanciers sont de plein droit sous le régime de l'union.
En conséquence les créanciers sont consultés sur le
,
maintien ou le remplacement des syndics, et sur la na-
ture des pouvoirs qui leur seront confiés pour l'admi-
nistration de l'actif (').''
678. — Les conséquences de l'union peuvent ame-
ner la distribution entre les. créanciers de l'actif actuel-
lement disponible. Celte distribution est suspendue par
la loi en faveur des créanciers nouveaux.
Nous avons vu que pour la vérification des créan-
,
ces , nos articles n'accordent qu'un délai uniforme de
vingt jours quelle que soit la distance des domiciles.
,
Cette disposition n'est pas susceptible de causer un grave
préjudice ; elle ne peut que priver le créancier de con-
courir au maintien ou au remplacement des syndics, et
de plus à la délibération du concordat.
Il n'en est pas de même des distributions de l'actif.
La partie de celui-ci, susceptible d'être actuellement ré-
partie, peut former la presque totalité de ce que le failli
possède. Le créancier exclu de la répartition pourrait
donc être exposé à ne jamais recevoir autant
que les au-
tres, si ce qui reste est de peu ou de nulle valeur.
Or, comme cette exclusion peut n'être que le résultat
de l'éloignement, le créancier serait donc puni d'un fait
qu'il n'a pas dépendu de lui d'empêcher. Ce serait là
une évidente injustice que la loi prévient, en accordant
les délais supplémentaires des distances.
Ainsi, pour ce qui concerne la délibération sur le

(') V. infrà art. 529 et suiv.


296 TRAITÉ DES FAILLITES.

concordat, l'admission de l'union, on doit passer outre


dès l'expiration du délai de vingt jours. Pour ce qui
concerne la distribution , au contraire , ce délai s'aug-
mente, conformément aux dispositions des articles 492
et 497, d'un jour par cinq myriamèlres de distance, en-
tre le lieu où siège le tribunal et le domicile du failli, et
de la huitaine accordée au dernier créancier vérifié pour
l'affirmation de sa créance ; bien entendu que celte aug-
mentation ne concerne que les créanciers domiciliés en
France.
Mais, l'expiration de ces délais sans que le créan-
,
cier eût dénoncé son existence, ferait disparaître la sus-
pension. Cette inaction prolongée constituerait une né-
gligence dont la masse ne pourrait, dans aucun cas,
supporter la responsabilité (').

ARTICLE 525.

Les actes faits par le failli postérieurement au juge-


ment d'homologation et antérieurement à l'annulation
,
ou à la résolution du concordat, ne seront annulés qu'en
cas de fraude aux droits des créanciers.

ARTICLE 526.

Les créanciers antérieurs au concordat rentreront dans


l'intégralité de leurs droits, à l'égard du failli seulement;

(') V. suprà art. 5o3.


ART. 525, f-26. 297
mais ils ne pourront figurer dans la masse que pour les
proportions suivantes, savoir :

S'ils n'ont touché aucune part du dividende pour


,
l'intégralité de leurs créances ; s'ils ont reçu une partie
du dividende, pour la portion de leurs créances primi-
tives correspondante à la portion du dividende promis

qu'ils n'ont pas louché.

Les dispositions du présent article seront applicables


au cas où une seconde faillite viendra à s'ouvrir sans
qu'il y ait eu préalablement annulation ou résolution du
concordat.

SOMMAIRE.

679. Objet de ces deux dispositions.


680. Effets de l'annulation et de la résolution sur les actes du
failli depuis l'homologation.
681. La loi ne fait plus de distinction entre eux ; elle n'annule que
ceux faits en fraude des créanciers.
682. Nature de la preuve que le demandeur sera obligé de four-
nir. — Dérogation aux dispositions des articles 446,
447 et 448.
683. Motifs qui ont dû faire admettre cette dérogation.
684. Conséquences de l'annulation, de la résolution, ou d'une se-
conde déclaration de faillite, pour le failli vis-à-vis de
ses créanciers.
685. Pour les créanciers par rapport à la masse.
— Comment se
règle l'admission à celle-ci des anciens créanciers.
686. Les bases adoptées par l'article 526 ont été dictées par l'in-
térêt des nouveaux créanciers.
687. Elles concilient, d'ailleurs, ce qui est dû à chacun, en assu-
298 TRAITÉ DES .FAILLITES.

rant aux anciens un dividende égal ou supérieur à celui


des nouveaux, ou tout au moins plus fort que celui qu'ils
avaient accepté.
688. Dans tous les cas, l'infériorité éventuelle du dividende est
compensée par l'application de l'article 526 au cas de
,
nouvelle faillite.
689. Les créanciers nouveaux ne seraient pas fondés à forcer les
anciens à se pourvoir contre les cautions, ni à se faire
subroger à leurs droits contre elles.
690. La faillite sur faillite, amenant la résolution du concordat,
ne libère pas les cautions.
691. A quelles conditions, et par qui, la nouvelle faillite peut être
poursuivie ?
692. Ses effets, quant aux actes du failli, dans un temps voisin.
"693. La validité de l'hypothèque inscrite en vertu de l'article 517
ne donne pas aux_ créanciers le droit d'en retirer le pro-
duit, et de concourir aux répartitions de l'actif. — On
doit appliquer à cette hypothèse l'article 526
694. La solution est la même en cas d'annulation du concordat,
,
ou de résolution simple pour inexécution.

679. — Après avoir réglé les conséquences de l'an-


nulation ou résolution du concordat, par rapport à l'é-
tat du failli, le législateur a dû s'occuper des consé-
quences de l'administration momentanée qui lui avait
été confiée, et fixer la position des créanciers entre eux.
Tel est le double objet de nos deux articles.

680. — L'annulation ou la résolution du concor-


dat, avons-nous dit, fait revivre l'état de la faillite. On
reprend les opérations de la liquidation au point où oa
les avait laissées, pour les continuer jusqu'à l'entier ac-
complissement des prescriptions de la loi. On pouvait,
dès lors, contester la capacité du failli dans l'époque in-
ART. 525, 526 299
termédiaire, et soutenir que tout ce qu'il avait fait dans
celte période devait être frappé de nullité.
C'est sur cette considération que sous l'empire du
,
Code, la doctrine avait insisté pour se refuser à admet-
tre la résolution du concordat. Les créanciers non payés,
disait-on pourront provoquer une nouvelle faillite si
, ,
le débiteur est encore négociant, sinon, ils le poursui-
vront par les voies ordinaires (').

681. — Le nouveau législateur ne pouvait donc, en


autorisant l'annulation et la résolution, ne pas régler le
sort des actes faits par le failli depuis l'homologation du
concordat jusqu'au rétablissement de la faillite ; il y avait
nécessité de le faire pour empêcher de sérieuses et graves
difficultés.
Ces actes sont déclarés valables. Us ne pourront être
annulés que s'ils ont été faits en fraude des droits des
créanciers.
Remarquons que la loi ne fait plus entre eux les dis-
tinctions qu'elle a tracées dans l'article 446. Elle les
met donc tous sur la même ligne. Ainsi qu'il s'agisse
,
d'une aliénation ou d'une libéralité, d'un paiement en
espèces ou en marchandises, pour dettes échues ou non
échues, d'une hypothèque ou d'un nantissement, la nul-
lité ne sera prononcée que sur la preuve de la fraude.

682. — Le demandeur en nullité aura donc à prou-


ver que la fraude existe. Pour être efficace, cette preuve
devra établir que la volonté du failli de tromper ses cré-

(') Locré, Espril du Code de commerce, toni. 6, p. 444-


300 TRAITÉ DES FAILLITES.

anciers a été connue et partagée par celui avec qui il a


traité. La fraude, en effet, n'est une cause de nullité que
si elle a été concertée entre les parties contractantes. Si
l'une de ces parties a été de bonne foi, la convention
doit être respectée, quels que soient les reproches fondés
que l'on peut adresser à l'autre.
Il n'en est donc plus ici comme pour les actes faits
aux approches de la faillite. Pour ceux-ci la fraude con-
siste dans la connaissance que le tiers a eue de la gêne
du commerçant avec lequel il a traité. Dans notre hy-
pothèse, au contraire, la fraude n'est constituée que par
ses caractères ordinaires, c'est-à-dire consilium et ewi-
tus. Son appréciation est donc subordonnée à l'existence
de ces élémens indispensables.

683. — Cette différence dans les exigences de la loi


se justifie par celle qui existe dans la position du failli
à ces deux époques. Le commerçant gêné dans ses affai-
res doit s'arrêter. Il doit surtout ne pas consommer dans
des tentatives ruineuses l'actif qui lui reste et qui doit
appartenir à ses créanciers. Celui qui l'aide sciemment
dans ces tentatives se rend complice de sa faute ; et
puisque, contrairement à ce que veut la loi qu'il ne peut
ignorer, il favorise la dissipation de l'actif, il ne peut
se plaindre si, par application de cette même loi, les
créanciers le font condamner à supporter les consé-
quences de son propre fait. C'est une chance qu'il a
bien volontairement courue.
Après le concordat, au contraire, la faillite peut être
considérée comme terminée. Le failli a repris sa capa-
ART. 525, 526. 301
cité, l'administration et la régie de ses biens ; et s'il est
vrai que ce soit à la condition de remplir les obligations
que le concordat lui impose il n'est pas moins certain
,
qu'il ne pourra parvenir à. leur exécution qu'à l'aide
des traités qu'il contractera avec les tiers ; du crédit
qu'il pourra en obtenir. La confiance lui est même plus
nécessaire que jamais ; et ce serait en tarir la source
que d'exposer les actes qu'il pourrait souscrire à une
présomption de fraude, dans les cas d'annulation ou de
résolution ultérieure.
Que pourrait-on d'ailleurs reprocher à ceux qui au-
raient traité avec le failli concordataire ? De n'avoir pas
deviné qu'il existait des faits qui peuvent le faire décla-
rer banqueroutier frauduleux, et annuler le concordat?
mais tout le monde l'a ignoré jusqu'au moment où la
poursuite s'est ouverte. De n'avoir pas découvert le dol
qui peut lui être imputé plus tard? mais les créanciers
eux-mêmes, beaucoup plus intéressés, n'ont pas été plus
clairvoyants. Enfin, de n'avoir pas prévu qu'il n'exécu-
terait pas ses engagemens ? mais cette idée devait d'au-
tant moins les préoccuper, que leurs relations avec le
failli le mettaient précisément à même de trouver les

ressources nécessaires à cette exécution.


Aucun reproche ne pourrait donc leur être adressé.
Les tiers n'ont vu et n'ont pu voir dans le failli qu'un
homme jouissant de la plénitude de ses droits, capable
de contracter, et dont ils n'avaient aucun motif de sus-
pecter les intentions. Us sont donc à l'abri de toute at-
teinte, s'ils ont agi de bonne foi. Dans le cas contraire,
ils ne pourraient profiter de leur fraude. Mais
pour eux,
302 TRAITE DES FAILLITES.

comme dans tous les cas ordinaires, la fraude n'est pas


présumée ; elle doit être prouvée. Si cette preuve est
faite, l'acte sera annulé. L'absence de toute justification,
ou son insuffisance, ferait rejeter la demande des cré-
anciers (').

684. — Après avoir ainsi réglé la position des cré-


anciers vis-à-vis des tiers qui ont contracté avec le failli
concordataire, la loi s'occupe des rapports que l'annu-
lation la résolution ou la déclaration nouvelle de la
, ,
faillite déterminent entre les créanciers et le failli ; entre
les créanciers individullement et la masse.
En ce qui concerne le failli, la rétractation du con-
cordat, quelle qu'en soit la cause, révoque de plein droit
la remise qui lui avait été consentie. Chaque créancier
rentre dans la plénitude de ses droits et recouvre sa
,
créance tout entière. Ces résultats sont indépendants des
paiemens qui ont été faits en vertu du concordat, et qui
sont dès lors imputés sur l'intégralité des capitaux, in-
térêts et frais sans autre extinction en faveur du failli
,
que celle des sommes réellement reçues.
685. — Mais
,
entre créanciers il n'en est pas de
même. Si le concordat a été exécuté en tout ou en par-
tie c'est par cette exécution que se règlent les droits
,
qu'ils peuvent avoir à l'actif.
Ainsi, ceux qui auront touché l'intégralité du dividende
convenu sont définitivement désintéressés ; ils ne sont
,

(') V. ]nrràn°6gi.
ART. 525, 526 303
plus censés créanciers par rapport à la masse dont ils
,
ne peuvent plus faire partie.
Ceux qui n'ont encore rien reçu sont, de plein droit,
admis dans celle-ci pour le montant intégral de leurs
créances vérifiées et affirmées.
Enfin, si le dividende a été payé en partie les cré-
,
anciers n'y figurent que pour la partie du capital corres-
pondant à la portion du dividende restant due.
Par exemple, le concordat avait été consenti au moyen
d'un dividende du vingt-cinq pour cent. Le créancier
d'une somme de 80,000 fr. devait donc loucher réelle-
ment 20,000 fr. Il en a reçu 10,000, et, après ce paie-
ment, le concordat a été annulé ou résolu. Il résulte de
la disposition de l'article 526, qu'il ne sera plus créan-
cier dans la nouvelle masse que de la somme de 40,000.
fr.; car le restant dû de son dividende représente bien
cette somme au vingt-cinq pour cent. Les 10,000 fr.

reçus auront donc éteint la moitié de sa créance.

686. — Il semblerait cependant beaucoup plus na-


turel que ce créancier n'ayant été payé que de 10,000
fr., figurât dans la faillite pour le reste de son capital,

ou soit 70,000 fr. L'annulation du concordat est incom-


patible avec les effets que l'on fait produire au paiement
partiel qui s'est réalisé en force de ses dispositions. Mais
une considération puissante, puisée dans l'existence des
créanciers nouveaux appelés à la répartition de l'actif,
a conduit le législateur à excepter la masse de la loi
qu'il a faite au failli. On ne peut, en effet, douter que
oe ne soit à l'occasion de ces nouveaux créanciers seu-
304 TRAITÉ DES FAILLITES.

lement, que les proportions de l'article 526 ont été


fixées.
N'est-il pas certain que, s'il n'en existe aucun, la dis-
position de cet article est complètement indifférente?
L'actif, dans cette hypothèse, sera réparti entre les cré-
anciers primitifs sur les bases déterminées ; mais, en
supposant qu'il soit supérieur aux sommes dues, d'après
cette détermination l'excédant devrait appartenir au
,
failli. Or comme les créanciers conservent contre lui
,
tous leurs droits jusqu'à concurrence de ce qui leur est
réellement dû en capital, intérêts et frais, c'est entre
eux, et au marc le franc du soldé dont ils sont encore
créanciers, que cet excédant sera réparti.
L'article 526 n'est donc d'une application effective
que lorsque, dans l'intervalle de l'homologation au ré-
tablissement de la faillite, des tiers ont contracté avec
le failli et sont devenus ses créanciers. Dans le règle-
ment de leurs droits, vis-à-vis des précédents intéres-
sés, le législateur devait observer une mesure exacte, et
éviter de les grever ou de les avantager en faveur ou
, ,
au détriment de ceux-ci.
Le premier eut été d'autant moins juste que si une
,
partie du dividende a déjà été payée, on peut présumer
facilement que c'est à l'aide des ressources que le failli
a trouvées dans les relations postérieures au concordai;
et qu'en définitive ceux qui ont fourni ces ressources
,
n'ont encore rien touché, tandis que les créanciers ont
déjà été payés d'une partie de leurs créances.
Or, ce paiement est irrévocablement acquis ; il ne peut
être j'apporte à la masse. Les nouveaux venus sont donc
ART. 525, 526. 305
définitivement privés de toute participation à cette par-
tie de l'actif qui leur aurait été dévolue au marc le
franc si elle avait existé en caisse lors de la nouvelle
,
faillite.
Les nouveaux créanciers éprouvent donc déjà un vé-
ritable préjudice de cet état des choses ; et ce serait l'ag-
graver outre mesure que d'admettre que ce paiement
n'aurait pas, par rapport à eux, la conséquence d'étein-
dre la partie correspondante du capital. Vainement vou-
drait-on pour répudier cette conséquence exciper de
, ,
ce que le concordat disparaissant, doit entraîner avec
lui tous les effets qu'il était susceptible de produire ; on
pourrait facilement rétorquer cet argument, et dire que
si l'annulation du traité doit remettre les parties dans le
même état qu'avant sa signature les paiemens faits en
,
vertu de ses stipulations doivent être rapportés comme
irréguliers et nuls.
Si cependant ceux qui les ont reçus sont autorisés à
les retenir, c'est que, par exception aux règles ordinai-

res, le concordat, quoique annulé, est susceptible d'exé-


cution pour les faits accomplis de bonne foi sous son
empire. Or, au moment même où ces paiemens ont été
réalisés, l'extinction de la partie du capital s'est opérée.
Cet effet est inséparable de la Cause, et puisque l'annu-
lation reste sans effets pour celle ci, elle devait demeurer
étrangère à celui-là, à moins qu'on ne prétendit impo-
ser aux tiers toutes les charges dont le concordat était
susceptible sans leur conférer les avantages qu'il peut
,
entraîner.
II 20
306 TRAITÉ DES FAILLITES.

687. — Nous avons déjà dit, cependant, qu'on ne


saurait leur adresser aucun reproche fondé. Us ont traité
avec le failli sur la foi d'un concordat qu'ils devaient
croire définitif, et dont l'annulation ou la résolution ne
saurait leur être imputée. Us méritent donc autant de
faveur que les anciens créanciers qui, dans quelque po-
sition qu'on les place, d'ailleurs, recevront un dividende
égal ou supérieur au leur ou tout au moins plus fort
,
que celui dont ils s'étaient contentés.
Supposons en effet, deux créanciers de 20,000 fr.:
,
l'un avait concordé moyennant une remise de soixante-
quinze pour cent. Il lui revenait 5,000 fr. dont il a
touché la moitié. Après l'annulation du concordat, il est
admis à la masse pour 10,000 fr,; tandis que le second
doit l'être pour la totalité des 20,000 fr.
Si la liquidation de l'actif présente une perte de soi-
vante-quinze pour cent, ces deux créanciers auront reçu
un dividende égal. Le premier aura touché 2,500 fr.,
en vertu du concordat , il aura à prendre le vingt-cinq
pour cent sur la somme de 10,000 fr. dans la nouvelle
faillite; total 5,000 fr. que le second touchera dans
celle-ci seulement.
Si la perte est du quatre-vingt-cinq pour cent, le pre-
mier recevra plus que le second. Celui-ci n'aura en
,
effet que le quinze pour cent sur la totalité de ses
, ,
20,000 fr.; tandis, que le premier touchera le quinze
pour cent, sur 10,000 fr., et le vingt-cinq pour cent,
sur 10,000 fr.
Enfin si cette perte n'est que du soixante-dix pour
,
cent, le second créancier prenant le trente pour cent,
ART. 525, 520. 307

sur ses 20,000 fr., recevra plus que le premier qui


n'aura eu que le vingt cinq pour cent, sur la moitié de
sa créance. Mais, dans ce cas encore, celui-ci réalise un
bénéfice comparativement à ce qu'il avait à recevoir d'a-
près le concordat, puisqu'au lieu de vingt-cinq pour
cent sur la totalité de sa créance il en recevra réelle-
,
ment trente sur la moitié restant due. Il aura donc plus
que ce qu'il avait exigé lui-même.

688. — Ajoutons que si la loi place ainsi les cré-


anciers anciens sous le coup d'une inégalité éventuelle,
par rapport aux nouveaux, cette éventualité est plus que
compensée par l'application qu'elle fait de l'article 526,
au cas d'une nouvelle faillite avant la liquidation de
,
celle que le concordat avait clôturée. C'est là un vérita-
ble avantage conféré aux créanciers primitifs. On ad-
mettait en effet, sous le Code précédent, qu'en cas de
,
faillite sur faillite les créanciers qui avaient concordé
,
sur la première , n'étaient admis dans la seconde que
pour le montant du dividende qu'ils avaient accepté, dé-
duction faite des a-comptes qui leur avaient été payés.
Il résultait de là qu'un créancier de 40,000 fr., qui a-
vait concordé moyennant le vingt-cinq pour cent, ne fi-
gurait dans la nouvelle faillite que pour 10,000 fr.;
qu'en supposant que la perte que celle-ci faisait éprou-
ver fût du soixante-quinze pour cent, il retirait une som-
me de 2,500 fr., ou soit le six et quart pour cent sur
sa créance de 40,000 fr., tandis que, sur un capital
pareil, le créancier nouveau touchait une somme totale
de 10,000 fr.
308 TRAITÉ DES FAILLÎTES.

Le rapporteur de la loi nouvelle avait donc raison,


lorsque, dans la session de 1835, il reprochait au Code
de commerce d'avoir sacrifié les créanciers anciens aux
nouveaux, et trouvait qu'il était urgent de concilier,
d'une manière plus juste ce qui était dû aux uns et
,
aux autres. Nous avons prouvé que le terme moyen,
adopté par l'article 526, était de nature à remplir cette
exigence; sa disposition est donc à l'abri de tout re-
proche.
Ainsi les créanciers anciens s'ils n'ont rien touché
, ,
du dividende convenu dans le concordat, concourront
dans la nouvelle faillite pour la totalité de leurs créan-
ces , tant dans l'hypothèse de l'annulation ou de la ré-
solution que dans celle d'une seconde déclaration. Si
,
ce dividende leur a été payé en partie, ils ne seront ad-
mis que pour la partie du capital correspondant à celle
du dividende qui leur est encore due.
689. —
De la combinaison des articles 520 et 526
pourraient naître quelques difficultés si la reprise de
,
la faillite était la conséquence de la résolution du con-
cordat. Cette résolution avons-nous vu ne libère pas
, ,.
les cautions ; qu'arrivera-t-il donc lorsque les anciens
créanciers se trouveront en présence des nouveaux? Ces
derniers pourront-ils contraindre les autres à se faire
payer par les cautions , et les exclure de tout concours
dans la répartition de l'actif, sous prétexte que, pouvant
retirer l'intégralité du dividende, ils sont en réalité dé-
sintéressés ? Pourront-îls, tout au moins, se faire su-
broger contre les cautions jusqu'à concurrence de ce que
ART. 525, 526. 309
les premiers créanciers recevront dans la liquidation de
l'actif?
L'on doit résoudre négativement ces questions. Et
d'abord les principes que nous avons développés sous
l'article 520 répondent à la première.
Par la résolution du concordat, les créanciers sont in-
vestis d'un double droit : celui de se faire payer par les
cautions ; celui de venir dans les répartitions de l'actif,
et d'y recevoir au delà même de ce que le concordat leur
promettait. Ce sont là deux facultés, dont l'exercice si-
multané est si peu inconciliable, qu'ainsi que nous l'a-
vons déjà dit, l'offre par les cautions de payer le divi-
dende auquel le failli était obligé n'empêcherait pas la
,
résolution demandée. Il suit de là que les créanciers
nouveaux seraient mal fondés à prétendre soumettre à
une option ceux que la loi en a formellement affranchis,
et à les obliger de se livrer à une poursuite qui, réali-
sée qu'elle fût ne saurait être un obstacle à ce qu'ils
,
fussent compris dans les répartitions ultérieures.
Quant aux cautions elles ne sont obligées que si les
,
créanciers ne reçoivent pas du failli le montant de ce
que celui-ci s'est engagé à leur payer. Le rétablissement
de la faillite substitue l'actif au failli c'est donc cet actif
;
qui devient le principal obligé. En conséquence, s'il est
suffisant pour solder le dividende promis les cautions
,
sont libérées, comme elles l'auraient été si le failli avait
payé lui-même. Il résulte de ces considérations que non-
seulement les créanciers nouveaux ne pourraient se
faire subroger contre les cautions, mais
encore que cel-
les-ci ont le droit incontestable d'obtenir des créanciers
310 TRAITÉ DES FAILLITES.

qu'elles désintéresseraient la subrogation à leurs droits


pour venir en leur lieu et place prendre part à la répar-
tition de l'actif, jusqu'à concurrence de ce qu'elles au-
raient payé, si le dividende excédait les sommes caution-
nées.

690. — L'effet que la résolution produit contre les


cautions se réalise-t-il dans le cas d'une nouvelle dé-
claration de faillite avant la liquidation de la première?
Les créanciers concordataires peuvent-ils prendre leur
part proportionnelle dans l'actif du failli , et conserver
leurs droits contre les cautions ?
Il nous parait que ces questions doivent être résolues
par l'affirmative. Dans cette hypothèse, il y a véritable-
ment résolution du concordat, son exécution étant dé-
sormais impossible, par suite du dessaisissement du failli
qui est la conséquence du jugement déclaratif. Il n'y a
pas d'autre différence entre ce cas et celui de la résolu-
tion ordinaire que celle qui s'effectue dans le mode de
sa réalisation : dans l'un , la résolution est de plein
droit ; dans l'autre elle ne peut être que le résultat
,
d'une décision spéciale de justice.
Il doit donc y avoir dans chacun d'eux des effets
identiques. C'est ainsi d'ailleurs que parait l'admettre le
second paragraphe de l'article 526, en assimilant le cas
de faillite à ceux d'annulation ou de résolution quant
,
aux droits des créanciers anciens vis-à-vis des nouveaux.
Or, on ne pourrait appliquer, dans aucun cas à l'hy-
,
pothèse de la faillite sur faillite les effets de l'annula-
,
tion. Celle-ci étant circonscrite datis ses causes, ne sau-
ART. 523, 526. 311
rait résulter de la première, qui ne peut jamais donner-
lieu qu'à une inexécution, et par conséquent à la réso-
lution. C'est, dès lors dans les effets de celle-ci qu'il
,
faut exclusivement se renfermer pour régler les consé-
quences que la déclaration de la faillite doit entraîner
contre les parties intéressées.

69L — La déclaration de faillite ne peut être pour-


suivie qu'avant l'annulation ou la résolution du concor-
dat. Il est évident qu'après la prononciation de l'une
ou de l'autre, cette poursuite serait complètement inutile,
l'état qu'elle tend à créer existant déjà. Mais pour qu'il
y ait lieu à l'admettre, il faut que le débiteur ait cessé
ses paiemens', et que cette cessation réunisse les carac-
tères que nous avons décrits sous l'article 437.
Dans ce cas encore comme dans celui d'une pre-
,
mière déclaration, la faillite peut être spontanément re-
quise par le débiteur, provoquée par les créanciers, sans
distinction, entre les anciens et les nouveaux ou pro-
,
noncée d'office par le tribunal. Dans la première hypo-
thèse, le failli devrait opérer le dépôt de son bilan, dont
la rédaction est laissée, dans les deux autres, aux nou-
veaux syndics, conformément à l'article 532.

692. — Quant aux actes et paiemens faits par le


débiteur aux approches de cette nouvelle faillite, les pré-
somptions et distinctions créées par les articles 446,
447 et 448 reprendraient leur empire. A la différence
de ce qui a lieu dans le cas d'annulation ou de résolu-
tion du concordat, la fraude qui devrait les faire annu-
ler résulterait de la simple connaissance de la cessation
312 TRAITE DES FAILLITES
de paiemens. Il est évident, en effet, que les motifs qui
l'ont fait décider autrement dans ces deux hypothèses,
seraient sans application à celle-ci, et qu'il y a lieu par
conséquent de s'en référer à ceux que nous avons dé-
veloppés sous ces trois articles (').

695. •—
Mais l'hypothèque inscrite en vertu de l'ar-
ticle 517, au profit des créanciers concordataires, ne
pourrait être valablement querellée ; elle pourrait donc
sortir à effet et assurer ainsi à ces mêmes créanciers
,
une préférence sur les immeubles du failli, à l'encontre
de tous autres.
Cette hypothèse se réalisant, comment règlera-t-on
la position de ces créanciers sous le point de vue de
,
l'article 526 ? Devra-t-on établir leur admission au pas-
sif, en calculant leur capital sur le dividende qui leur
est dû ; imputer ensuite sur ce capital ce qu'ils touche-
ront en vertu de leur hypothèque, et les faire concourir
pour l'excédant aux répartitions de l'actif ? Exemple:
Paul était créancier de 20,000 fr.; il a concordé pour
un dividende de vingt-cinq pour cent ; il devait donc
recevoir 5,000 fr. pour lesquels il lui a été conféré une
hypothèque. Avant tout paiement, le débiteur a été de
nouveau déclaré en état de faillite. En vertu de l'article
526 Paul doit être admis dans cette faillite pour sa
,
créance entière de 20,000 fr. Plus tard, les immeubles
se vendent; Paul est colloque pour le montant de son
hypothèque, soit pour 5,000 fr. Devra-t-on le considé-

(') y. suprà an. 446,447,443; u0!680,681.


ART. 525, 526. 313

rer comme créancier de 15,000 fr., dans la nouvelle


faillite, et l'admettre à concourir comme tel aux distri-
butions ?
Il résulterait de la solution affirmative, que Paul re-
tirerait l'intégralité du dividende qui lui a été promis,
et qu'il ne subirait aucune extinction sur son capital.
Or, ce résultat, mis en présence de la disposition de
l'article 526, des motifs qui en ont déterminé l'adoption,
nous parait inadmissible.
Le texte de la loi attache au paiement du dividende
une extinction proportionnelle du capital. Que ce paie-
ment s'opère avant ou après l'anéantissement du con-
cordat, il ne saurait régner aucune différence de nature
à modifier celte prescription absolue. Le concordat, an-
nulé ou résolu, ne doit produire aucun effet, sauf les
actes accomplis sous son empire ; dès lors, l'hypothèque
qui n'a encore rien produit devrait être entraînée dans
sa chute. Il est vrai que la loi n'admet pas cette déduc-
tion fort logique pourtant, et qu'elle autorise le créan-
cier à en poursuivre le bénéfice, mais évidemment à la
charge des conséquences qu'elle attache à celui-ci,, ou
tout au moins sans dérogation aucune au principe qu'elle
consacre-.
Si l'hypothèque avait produit tous ses effets avant la
nouvelle faillite le créancier aurait été payé de l'inté-
,
gralité de son dividende et son capital eut été éteint.
,
Il doit en être de même, si ce paiement intégral se réa-
lise après la déclaration. La loi, qui laisse
au créancier
l'option de retirer
son dividende, ou de courir les chan-
314 TRAITÉ DES FAILLITES.

ces de la nouvelle liquidation , prohibe le cumul de


l'un et de l'autre. C'est donc au créancier à se pro-
noncer.
L'esprit de la loi vient ici au secours du texte. Le cu-
mul est proscrit dans l'intérêt des nouveaux créanciers
que l'on n'a pas voulu sacrifier aux anciens. Cependant
on arriverait infailliblement à ce résultat , si l'on per-
mettait à ces derniers de toucher d'abord hypothécaire-
ment une partie de leur créance de venir ensuite au
,
marc le franc pour ce qui. resterait dû.
Vainement argumenterait-on de ce que ces créanciers
conservent le droit, tout en concourant aux répartitions
de l'actif, de se faire payer par les cautions, dans le cas
prévu par l'article 520. Il n'y a, entre le cautionnement
et l'hypothèque sur les biens du failli, aucune assimila-
tion possible. En effet, si les cautions sont obligées de
payer, ce n'est pas par un prélèvement sur l'actif de la
faillite qu'elles opèrent ce paiement, mais par leurs pro-
pres fonds sur lesquels les créanciers nouveaux n'ont
jamais eu aucuns droits. Us ne pourraient donc se plain-
dre d'un fait qui ne peut, dans aucun cas, diminuer ni
altérer leur gage commun. On pourrait donc concevoir
sans peine que le cumul pût se réaliser dans cette hy-
pothèse, sans qu'il fallût l'admettre dans l'autre.
Mais, en réalité, même pour ce qui concerne les cau-
tions, les créanciers ne cumulent pas, nous l'avons déjà
dit; tout ce qu'ils touchent dans les répartitions est, de
plein droit, imputable sur les sommes dues par les cau-
tions qui sont libérées d'autant. Leur admission à ces
ART. 525, 526. 315
répartitions est donc plutôt une justice accordée à celles-
ci, qu'un acte de faveur pour les créanciers. On a voulu
alléger ainsi, autant que possible, le fardeau qu'on fait
peser sur des tiers qui ne sont devenus débiteurs qu'à
l'occasion du concordat, dont on enlève cependant le
bénéfice, que leur engagement avait pour but d'acquérir

au failli.
Tout ce que les créanciers peuvent donc espérer dans
l'hypothèse de l'article 520, c'est de retirer un dividende
jamais moindre, quelquefois plus élevé que celui que
,
le concordat leur assurait. Il est vrai que dans le cas
,
de l'hypothèque, celte chance est plus défavorable, puis-

que le dividende peut être plus faible; mais c'est à eux


à prononcer avec prudence sur ce qu'il leur convient
de faire.
leur qualité d'hypothécaire, ils con-
S'ils renoncent à
courent, comme tous les autres créanciers, à la réparti-
tion de l'actif; mais si tenant à cette qualité ils se
, ,
font payer par préférence du montant de leur hypothè-

que, ils ne peuvent prétendre au paiement intégral de


leur dividende et à l'admission au partage de l'actif
,
pour une quotité quelconque de leur ancienne créance.
Si le prix des immeubles n'a
pas suffi pour opérer le
premier en totalité, leur droit à la seconde se règle par
ce qui leur reste dû conformément au mode prescrit par
l'article 526.

694. Le même effet se produit dans le cas d'an-



nulation ou de résolution du concordat pour simple in-
exécution. La disposition de l'article 520
ne concerne
316 TRAITÉ DES FAILLITES.

pas le cautionnement hypothécaire fourni par le failli,


et qui est réglé par rapport aux nouveaux créanciers,
,
de la manière que nous venons d'établir.

SECTION m.

DE LA CLÔTURE EN CAS D'INSUFFISANCE DE L'ACTIF.

ARTICLE 527.

Si, à quelque époque que ce soit, avant l'homologa-


tion du concordat, ou la formation de l'union, le cours
des opérations de la faillite se trouve arrêté par insuffi-
sance de l'actif, le tribunal de commerce pourra, sur le
rapport du juge-commissaire, prononcer, même d'office,
la clôture des opérations de la faillite.
Ce jugement fera rentrer chaque créancier dans l'exer-
cice de ses actions individuelles tant contre les biens,
,
que contre la personne du failli.
Pendant un mois, à partir de sa date, l'exécution de
ce jugement sera suspendue.
ART. 527, 528. 317

ARTICLE 528.

Le failli, ou tout autre intéressé, pourra, à toute épo-

que, le faire rapporter par le tribunal, en justifiant qu'il


existe des fonds pour faire face aux frais des opérations

de la faillite ou en faisant consigner entre les mains


,
des syndics somme suffisante pour y pourvoir.
Dans tous les cas, les frais des poursuites exercées en
vertu de l'article précédent, devront être préalablement

acquittés.

SOMMAIRE.

695. Le Code de commerce ne contenait aucune disposition de la


nature de celle de ces deux articles. — Fâcheuses con-
séquences de celte omission.
696. Le failli trouvait dans la profondeur de sa ruine le moyen
d'en éviter les conséquences.
697. Cependant cet excès pouvait, provenir de la fraude, ou cons-
tituer au moins une faute.
698. Le système adopté par le nouveau législateur contre cet
abus, est renfermé dans les articles 461, 527, 528 et
541.
699. La faillite sera toujours déclarée au moyen de l'avance des
frais faite par l'Etat.
700. Si l'actif est ensuite insuffisant, le tribunal de commerce
clôture la faillite.
— Forme dans laquelle le jugement
est rendu.
701. Ce jugement ne fait pas cesser l'état de faillite, ni l'incapa-
cité du failli; mais il rend aux créanciers la faculté de le
poursuivre individuellement.
318 TRAITÉ DES FAILLÎTES.

702. Quel sera, par rapport à la masse, le sort du paiement obte-


nu par l'effet de ces poursuites ?
702 b;,!. Le partage fait avec un cohéritier en état de faillite clôtu-
rée par insuffisance d'actif, est valable.
703. Par l'abolition de la cession des biens, le failli ne peut plus
se libérer de la contrainte par corps, que par le concor-
dat ou l'excusabilité. — Il a donc le plus haut intérêt à
arriver à l'un ou à l'autre. — Conséquences.
704. La clôture de la faillite peut être prononcée à toutes les
époques.
705. Application des articles 527 et 528 aux faillites anciennes.-
Différence entre les anciens et les nouveaux faillis rela-
tivement à la cession des biens.
706. L'exécution du jugement qui clôture la faillite est suspendue
pendant un mois à partir de sa date. — Motifs.
707. Le jugement de clôture peut toujours être rétracté.
708. A quelles conditions ?
709. L'obligation d'indemniser les créanciers des frais de pour-
suite par eux exposés, indique tout l'intérêt qu'a le failli
à utiliser le délai d'un mois pendant lequel l'exécution
est suspendue.
74 0. La rétractation devrait être prononcée s'il existait dans l'actif
des effets mobiliers ou des marchandises.
711. Le jugement de clôture n'est susceptible ni d'opposition ni
d'appel. — La rétractation doit en être demandée par
action principale.
713. Mais on peut appeler du jugement qui statue sur celle-ci.
713. Les jugemens sur la rétractation, prononçant toujours
sur un intérêt indéterminé , sont toujours appel-
lables.
714. Les parens, la femme, les enfans du failli, ses créanciers
peuvent, comme lui, poursuivre la rétractation du juge-
ment de clôture.
Î'î5. Effets du jugement qui admet cette rétractation.
ART. 527, 528. 319
695. — Le Code de commerce n'avait pris aucun
moyen pour amener à une solution quelconque les fail-
lites dans lesquelles l'actif ne pouvait faire face aux frais
de la liquidation. Il résultait de cet état des choses, que

ces faillites étaient interminables ; que les créanciers dé-


couragés finissaient par faire le sacrifice de ce qui leur
était dû ; et que le failli dégagé de toute crainte d'une
poursuite individuelle parce qu'il était perpétuellement
,
dans les liens de la faillite, ne payait jamais rien. C'était
là, il faut en convenir, une conséquence que les faillis
devaient naturellement rechercher avec ardeur.

686. — D'autres fois, un négociant était dans une


telle déconfiture, que l'actif qui lui restait était évidem-
ment insuffisant pour fournir aux frais que la déclara-
tion judiciaire de la faillite eut entraînés. Aucun des
créanciers n'osait en faire l'avance, dans la crainte fon-
dée d'ajouter une perte nouvelle à celle qu'ils éprou-
vaient déjà. En l'absence de toute poursuite, le débiteur
restait à la tête de ses affaires, continuait de gérer son
actif, finissait par le dévorer en totalité. Il trouvait donc
dans la profondeur de sa ruine, au moins apparente, le
moyen de braver impunément ses créanciers.

697. — Cependant, pour arriver à ce point, le com-


merçant avait commis ou une faute grave, ou une fraude
coupable.
En effet, la raison et la loi exigent qu'un négociant
qui ne peut plus faire face à ses engagemens s'arrête, et
appelle ses créanciers à recueillir les ressources dont il
peut encore disposer. Celui-là donc qui, loin d'agir ainsi,
320 TRAITÉ DES FAILLITES

continue un commerce frappé de mort ; qui, sous le


vain espoir d'une chance heureuse, dévore jusqu'à son
dernier sou dans des tentatives ruineuses et désespérées,
viole ouvertement toutes les obligations morales que sa
qualité lui impose.
C'est cette rébellion à l'esprit de la loi, que le Code
de commerce encourageait malheureusement. En effet,
pourquoi le commerçant se serait-il arrêté au moment
où la gêne se manifestait? L'actif qui lui restait per-
mettait, non-seulement la déclaration mais encore la
,
liquidation de sa faillite. L'une et l'autre l'exposaient à
subir la responsabilité des actes frauduleux ou impru-
déns qu'il avait pu commettre ; tandis qu'après avoir
dévoré l'intégralité de ses ressources, il était assuré d'é-
chapper aux conséquences de ses engagemens. Il se dé-
barrassait de toute contrainte individuelle, en déclarant
sa faillite; il était affranchi de tous les effets de celle-ci,
par l'insuffisance de l'actif qui la laissait impoursuivie.
Cette insuffisance pouvait, en d'autres circonstances,
n'être que le résultat de la fraude. A l'approche du pé-
ril, le commerçant se hâtait de faire disparaître sa for-
tune après l'avoir dénaturée. Son dénûment apparent
laissait les créanciers désarmés et il lui était facile de
,
jouir en paix du fruit de ses rapines ou d'obtenir sa
,
libération définitive au moyen d'une faible somme qu'il
leur faisait facilement accepter.

698, — De tels abus voulaient être réprimés. L'in-


térêt public, comme celui des créanciers, exigeait qu'on
fit disparaître ce funeste encouragement à toutes les frau-
ART. 527, 528. 321

des. Et c'est avec juste raison que le législateur nouveau


s'est efforcé d'en rendre le retour impossible.
L'ensemble du système qu'il a adopté nous est divul-
gué d'abord par l'article 461 ensuite par les articles
,
527 et 528 enfin par l'article 541. Il est facile de se
,
convaincre que toutes ces dispositions convergent vers
un but identique.

699. — La faillite sera toujours déclarée. La pers-


pective de perdre les frais avancés pour la déclaration,
et les autres mesures qui 's'y rattachent, n'arrêtera plus
personne , puisque l'Etat est chargé de fournir à cette '
dépense sans répétition contre les créanciers, si l'actif
,
ne suffit pas à leur remboursement. La publicité que
cette déclaration recevra, l'apposition des scellés, l'exa-
men des livres et écritures amèneront la découverte des
fraudes qui auraient été commises et dont la répression
sera facilitée par l'incarcération que le failli subira. Dans
tous les cas, le dessaisissement sera réalisé, l'actif pas-
sera aux mains des créanciers pour faire face aux opé-
rations ultérieures de la faillite.

700. — Si l'actif est insuffisant pour remplir celte


destination le tribunal de commerce prononce la clô-
,
ture de la faillite. Ce jugement est rendu sur le rapport
du juge-commissaire ; il est provoqué par les créanciers
ou les syndics, ou rendu d'office par le tribunal. La pré-
sence du failli n'est dans aucun cas nécessaire ; il ne
doit donc pas être appelé dans l'instance. Ce jugement

a pour effet :

-Il 21
322 TRAITÉ DES FAILLITES.

701. — De laisser subsister l'état de faillite, et, par,


conséquent, les incapacités qui en sont les conséquen-
ces et qui grèvent le failli jusqu'à la réhabilitation. L'ar-
ticle 527 est positif. Il autorise non là clôture de la fail-
lite, mais la clôture des opérations. A quoi bon, en effet,
poursuivre ces opérations, lorsque l'actif n'est pas même
suffisant pour subvenir aux frais auxquels elles donnent
lieu.
L'état de faillite continue donc, mais il est profondé-
ment modifié par la clôture de ses opérations. Avant et
depuis le jugement déclaratif le failli est dessaisi de ses
biens même de ceux qui lui obviennent postérieure-
,
ment ; ses droits et actions passent aux mains des syn-
dics qui les font valoir, et les exercent au nom de la
masse. Comme conséquence de ce désinvestissement gé-
néral et absolu, qui le met dans l'impossibilité de répon-
dre aux diverses prétentions qui pourraient surgir, le
failli est à l'abri de toute poursuite individuelle, et sur-
tout de toute contrainte par corps autre que celle résul-
tant de la disposition du jugement déclaratif qui ordon-
nerait le dépôt de sa personne dans la maison d'arrêt
pour dettes.
Cet état des choses ne pouvait exister perpétuellement.
L'intérêt des créanciers exigeait qu'il eût un terme. Ce
terme arrivait naturellement avec la liquidation de l'ac-
tif et sa répartition entre les ayants droit. Le sort des
' créanciers ainsi fixé, l'existence de la masse n'a plus au-
cune raison d'être , et sa dissolution devait avoir pour
conséquence de faire rentrer les créanciers dans l'exer-
cice de leurs droits, et de leur restituer celte action in-
ART. 527, 528. 323
dividuelle qu'on leur avait interdit. C'est ce que consa-
cre l'article 539.
Or, le législateur n'a vu et ne pouvait voir, dans l'in-
suffisance de l'actif, que la plus désastreuse mais la
,
plus certaine, la plus positive des liquidations. On pou-
vait, dès lors, sans plus tarder, fixer la position res-
pective du failli et des créanciers et c'est ce que fait
,
l'article 527. Par la clôture pour insuffisance d'actif, les
créanciers rentrent dans l'exercice de leurs actions in-
dividuelles, tant contre la personne que contre les biens
du failli.
La clôture par insuffisance d'actif place donc le failli
dans la position que la clôture de l'union fait à celui
dont l'actif vient d'être liquidé. A cette différence que ce
dernier est définitivement et pour toujours libéré des
liens de la faillite ; que la déclaration d'excusabilité le
mettra à l'abri de toute contrainte par corps. Tandis
que le premier peut à toute époque être replacé sous
l'empire de la faillite et que ne pouvant être déclaré
,
excusable il peut toujours être contraint sur sa per-
,
sonne.
Dans la discussion de la loi, dans la session de 1837,
un membre de la chambre des députés voulut faire dis—
paraite cette dernière différence. M. Démonts proposait,
en conséquence, de charger le tribunal, en prononçant
sur la clôture, de statuer sur l'excusabilité, et de n'au-
toriser l'exercice de la contrainte par corps que si la
,
réponse était négative. A l'appui de cette proposition,
MM. Sevin-Moreau et Martin de Strasbourg disaient que

son rejet mettrait le petit commerce, les petits patentés,


324 TRAITÉ DES FAILLITES.

dans l'impossibilité de se soustraire à la contrainte par


corps ; qu'il fallait une exception pour le malheur.
Mais permettre pour le failli qui a dévoré tout son
actif avant de se déclarer en faillite, ce qu'on autorisait
pour celui dont l'actif vient d'être liquidé et réparti, c'é-
tait méconnaître et contrarier le but qu'on se proposait.
On voulait que les commerçants s'arrêtasssent à temps;
qu'ils s'abstinssent de gaspiller leurs dernières ressour-
ces dans des opérations que leur profonde insolvabilité
condamnait d'avance à la stérilité et à l'impuissance.
Or, pour assurer la réalisation de celte sage volonté, il
fallait une sanction pénale. Et quelle pouvait être cette
sanction si ce n'est l'exercice de la contrainte mena-
,
çant à tout instant la liberté de la personne. Donner le
moyen de s'en affranchir ,.accorder la même faveur à
celui qui avait méprisé le voeu de la loi et à celui qui
s'y était conformé c'était lui dénier toute efficacité en
,
lui enlevant la garantie qui pouvait et devait seule en
assurer l'observation.
C'est ce que le rapporteur de la loi, M. Quesnault
répondait. La position, n'est pas la même, disait-il. On
comprend que lorsque l'union a eu son cours, que lors-
que l'actif a été liquidé , on fixe définitivement le sort
du failli, et qu'on le fixe d'une manière favorable, si sa
conduite ne présente rien de fâcheux ni aux créanciers
ni au tribunal. Mais à l'égard d'un homme qui s'est
,
joué de ses créanciers en ne déclarant sa faillite qu'au
,
moment où il ne lui restait plus rien à leur offrir, il ne
saurait en être ainsi ; ce serait encourager la fraude, que
d'affaiblir la disposition du projet.
ART. 527, 528. 325
Mais, relativement à la capacité future du failli, il n'y
a aucune différence. L'article 527, loin de vouloir créer
une distinction, a, au contraire, confondu les deux po-
sitions et c'est le rapporteur de 1835 M. Renouard,
, ,
qui va nous l'apprendre :

« Une analogie assez sensible devait exister entre la


clôture par insuffisance d'actif, et le cas de clôture de
l'union après liquidation totale. Dans cet esprit, le pro-
jet de loi dispose que, par l'effet du jugement de clôture,
chaque créancier rentrera dans l'exercice de ses actions
individuelles tant contre les biens que contre la per-
,
sonne du débiteur. Au mot débiteur, la commission a
substitué le mot failli, afin qu'il demeure bien constant
que l'état de faillite et toutes les incapacilés qui en dé-
coulent continuent à subsister comme après la clôture
de l'union ('). »
Or, aprèsl'union, l'incapacité du failli est plutôt mo-
rale qu'effective. Ainsi', les biens qu'il acquiert ou qui
lui obviennent restent en sa possession. Il peut les ad-
ministrer en disposer sauf le droit des créanciers de
, ,
les exécuter dans la forme légale. Il reprend l'exercice
de ses droits et actions, la capacité de contracter, d'ester

en justice. On ne pourrait dès lors contester ces droits


à celui dont la faillite a été clôturée par insuffisance
d'actif, tant que cette clôture n'aura pas été rétractée.

702. — On ne comprend pas, dès lors qu'on ait


,
pu sérieusement agiter la question de savoir si, après la
reconstitution de la faillite les créanciers payés dans
,

(') Sur l'art. 5a7.


326 TRAITÉ DES FAILLITES.

l'intervalle sont tenus de rapporter à la masse les som-


mes par eux reçues. C'est cependant l'affirmative que la
cour de Paris a consacrée en jugeant, le 8 mars 1856,
que si, après la clôture par insuffisance d'actif, le failli
peut payer tel ou tel de ses créanciers, ces paiemens ne
sont point irrévocables ; que les sommes touchées par
l'un ou quelques-uns de ces créanciers, doivent être
rapportées à la masse dans le cas où le jugement de
,
clôture vient à être rétracté (').
L'obligation de rapporter à la masse n'est et ne peut
être que la conséquence de l'irrégularité ou de l'illéga-
lité des paiemens. Ainsi, le débiteur qui paye, le créan-
cier qui reçoit après faillite ou contrairement aux dis-
positions des articles 446 et 447, violent la loi, consom-
ment une opération pour laquelle ils n'ont ni l',un ni
l'autre, ni qualité, ni capacité. Qu'on prive le créancier
du profit qu'il a illégalement recherché et obtenu ce
,
n'est qu'une juste réparation de sa désobéissance auï
ordres du législateur.
Mais, consacrer la peine lorsque l'acte n'a été de la
,
part des parties , que l'exercice d'un droit conféré par
la loi elle-même, c'est, non plus faire justice, mais mé-
connaître les plus simples notions de la raison de la
,
morale, du droit lui-même.
Or que le failli puisse valablement payer après la
,
clôture des opérations de la faillite, comment le contes-
ter en présence de l'article 527. Est-ce qu'on ne l'a sou-
mis aux exécutions individuelles de ses créanciers que

(')D.P,, 56, a, i3si.


ART. 527, 528. 327

•pour lui refuser le moyen de se soustraire à ces pour-


suites, et d'échapper à la contrainte par corps ?
D'autre part, n'a-t-on rendu aux créanciers l'exercice
de leurs actions, qu'à la condition qu'on pourrait leur
arracher le profit qu'ils auraient retiré de cet exercice.
C'est cependant cette double anomalie que la doctrine
de la cour de Paris tend à consacrer.
Le tort de l'arrêt c'est, en posant un principe vrai, de
repousser les conséquences naturelles et logiques qui en
découlaient. Si, après la clôture des opérations, le failli
peut payer, et comment le méconnaître il n'a fait, en
,
payant, qu'un acte légitime autorisé par la loi. Dès lors,
comment en contester l'efficacité ?
L'argument tiré de la continuation de l'état de faillite,
n'a aucune portée sérieuse. Nous venons de l'établir.
L'élat que la clôture par insuffisance d'actif l'aisse sub-
sister est celui que la clôture de l'union après liqui-
,
dation crée pour le failli. Or, contesterait-on la validité
absolue du paiement que celui-ci aurait fait à un des cré-
anciers ? Pourquoi donc repousserait-on cette validité en
,ce qui concerne l'autre puisque en réalité ainsi que
, , ,
nous le disait M. Renouard, il ne continue à être inca-
pable que comme après la clôture de l'union.
".
H faut, pour être de l'avis de la cour de Paris, ad-
mettre que la clôture des opérations a laissé subsister
dans toute son énergie l'état que le jugement déclaratif
à constitué ; qu'ainsi la masse a continué d'exister com-
me être moral, concentrant sur sa tête les droits et les
actions de tous ses membres, faisant exclusivement va-
loir les uns, exerçant les autres par le ministère des
328 TRAITÉ DES FAILLITES.

syndics. Or, n'est-ce pas le contraire qui s'induit de


l'article 5^7 ; ne dissout-il pas la masse, n'éteint-il pas
l'action collective en restituant aux créanciers l'exercice
de leurs droits et actions individuels ?
La doctrine que nous repoussons et qui méconnaît le
texte de la loi, n'en méconnaît pas moins l'esprit. Le
législateur a donné à la clôture par insuffisance d'actif,
le caractère d'une peine contre une imprudence telle-
ment lourde , qu'elle atteignait les proportions d'un dol
contre les créanciers. Cette peine consiste dans le dan-
ger que présente l'exercice sans fin de la contrainte par
corps.
Mais l'efficacité de la peine tient évidemment à la ré-
alisation de cet exercice. Offrir aux créanciers la chance
d'être désintéressé de ce qui leur est dû, c'était les ap-
peler à user de leur droit ; les y encourager.
Mais les priver du profit de cet exercice les réduire
,
à ne retenir du paiement qu'une part tellement minime
qu'ils n'y trouveront aucun intérêt réel, c'est leur impo-
ser en quelque sorte le devoir de s'abstenir. Pourquoi
braver les ennuis, les soucis d'une poursuite rigoureuse,
si on doit être privé de la seule compensation qu'on pût
s'en promettre. Ainsi se trouvera assurée pour le failli
cette impunité que la loi a repoussée comme un malheur
et un danger.
Vainement exciperait-on du principe qui prescrit une
égalité absolue entre les intéressés à la même faillite. Le
législateur a dû se préoccuper de ce principe, et se mon-
trer jaloux d'en assurer la plus stricte application, lors-
que, prohibant toute action individuelle il privait les
,
ART. 527, 528. 32.9
parties du moyen de se protéger elles-mêmes. Mais il
,
ne pouvait faire survivre le principe à la cause qui l'a-
vait fait se produire, continuer à défendre un droit que

son bénéficiaire doit et peut vivifier. Or, c'est ce que ré-


alise la clôture des opérations de la faillite.
Le législateur en faisant rentrer les créanciers dans
l'exercice de leurs actions impose à chacun d'eux l'o-
,
bligation et le devoir de faire toutes les diligences qu'e-
xige leur intérêt. Il ne pouvait surtout punir celui qui a
accompli ce devoir, au profit de ceux qui ont dédaigné
ou négligé de le remplir.
De quoi peuvent raisonnablement se plaindre ces der-
niers? Ils devaient être au courant de la condition de
leur débiteur. Celle-ci s'étant améliorée ils pouvaient,
,
de leur côté, soit diriger des poursuites et se faire payer,
soit provoquer la rétractation de la clôture et empêcher

que l'actif remis sous le régime de la faillite ne reçût


aucune destination particulière. S'ils n'ont fait ni l'un
ni l'autre ils ont encouru le reproche de négligence.
,
Est-ce agir avec trop de sévérité que de leur en laisser
la responsabilité et la charge.
En résumé donc, tant que le jugement de clôture n'a
pas été rapporté, le failli a le droit et la capacité de ré-
aliser les paiemens nécessaires pour arrêter les poursui-
tes dont il est l'objet, et échapper à la contrainte par

corps.
Les créanciers autorisés à poursuivre individuellement
le remboursement de
ce qui leur est dû , puisent dans
cette faculté la capacité et le droit d'accepter ce rem-
boursement.
330 TRAITÉ DES FAILLITES

Le rapport à la masse des sommes qui en sont sor-


ties, n'est juste et par conséquent légitime, que lorsque
la sortie de ces sommes a eu lieu au mépris des dispo-
sitions et contre la prohibition de la loi ;
Il ne saurait, ni en morale, ni en raison, ni en droit
être ordonné lorsque celte sortie n'a été que la consé-
,
quence de l'exercice d'un droit reconnu et consacré par
la loi.
La légalité du paiement fait depuis le jugement de
clôture et avant sa rétractation, en assure tous les effets
et repousse invinciblement toute obligation de rapporta
la masse.

702 bîs. — Nous avons été consulté sur la question


de savoir si un partage intervenu avec un cohéritier dé-
claré en faillite mais dont les opérations avaient été
,
clôturées par insuffisance d'actif, devait être annulé sur
la demande des créanciers f
La détermination précise de la position réelle du failli,
après application de l'article 527, commandait une ré-
ponse négative. Puisque, après la clôture des opérations,
il est à l'instar du failli dont l'actif a été liquidé et dis-
tribué, il est comme celui-ci apte à tous les actes delà
vie ordinaire ; il peut emprunter, prêter, vendre, ache-
ter actionner ou se défendre en justice transiger et
, ,
compromettre; toujours sauf le droit des créanciers
défaire rétracter le jugement de clôture ou de procé-
,
der à des exécutions contre ses biens et contre sa per-
sonne.
ART. 527, 528. 33!
A plus forte raison ne saurait-on lui contester la ca-
pacité de procéder au partage d'une succession dans la-
quelle il a une part. La liquidation de celte part peut
être nécessitée par le besoin de faire face aux poursuites
individuelles dont il peut être l'objet, et qui compromet-
tent sa liberté. On ne saurait donc avec raison lui in-
terdire cette ressource.
Quant aux cohéritiers qui ont procédé avec lui on
,
n'aurait aucun reproche fondé à leur adresser. Quel
motif alléguerait-on contre leur concours ? L'intérêt des
créanciers Mais ont-ils mission et charge de le proté-
1

ger , de le défendre ? La loi leur en fait-elle une obli-


gation? Doivent-ils se montrer plus diligents que ces
créanciers eux-mêmes ? Ceux-ci en effet ont été en po-
sition et par conséquent en demeure de prévenir le
,
préjudice dont ils se plaignent. Us pouvaient faire rap-
porter la clôture et frapper le failli de l'incapacité qui
,
serait résultée de la reprise des opérations. Us pouvaient,
sans recourir à cette mesure , s'opposer au partage , y
intervenir. Si ,• malgré ce droit, ils n'ont rien fait, leur
négligence n'a pu nuire qu'à eux-mêmes, et il y aurait
rigueur injuste à en faire peser les conséquences sur les
cohéritiers qui n'ont fait qu'user du droit que la loi leur
conférait.
Le partage serait donc valable. Les créanciers se trou-
veraient sous l'empire de la disposition de l'article 882
du Code Napoléon. Us
ne pourraient donc, comme nous
l'avons dit ailleurs le faire annuler qu'en prouvant
,
qu'il a été sciemment fait, par toutes les parties non
,
332 TRAITÉ DES FAILLITES.

pas seulement au préjudice , mais encore en fraude de


leurs droits (').
Aucun monument de jurisprudence n'est encore in-
tervenu sur notre question. Mais la cour de Colmara
eu à résoudre une difficulté qui n'est pas sans analogie
avec elle. Il s'agissait de savoir si le partage fait avec
connaissance de la cessation de paiemens, tombait sous
l'application des articles 446 et 447. Voici les remar-
quables motifs qui portent la cour à consacrer:1a né-
gative :
.« Considérant qu'il résulte de l'esprit comme des ter-
mes des dispositions prohibitives énumérées dans l'ar-
ticle 446 (sauf les transmissions à titre gratuit), qu'il
faut pour que cet article puisse recevoir son application
qu'il existe entre les contractants un litre engendrant le
rapport de créancier d'une part, de débiteur de l'autre,
et qu'il y ait, de la part du failli, paiement d'une délie,
ou dation en paiement opéré au profit ou par préférence
d'un créancier au détriment de tous les autres, enfin
rupture de l'égalité de position qui doit être la condi-
tion de tous les créanciers du failli ; que ce n'est donc
qu'à des transmissions à titre gratuit, et à des actes de
libération opérés par le failli dans- les conditions de
,
l'article 446 qu'est attachée la présomption de fraude
,
entraînant de plein droit, la nullité de ces transmis-
,
sions et paiemens conformément audit article;
» Qu'en présence de ces principes et des dispositions
spéciales à la matière commerciale et pour le cas de
,

(') V. notre Traité du Dol et de la Fraude, t. 5, n° i55'2.


ART. 527, 528. 333
faillite, il devient évident que l'article 446 pas plus
,
que
l'article 447, ne sauraient s'appliquer aux partages
et liquidations, lorsque d'ailleurs les actes qui les opè-
rent sont réguliers, sérieux et sincères ; qu'en effet, en
matière de partages, les contractants ou plutôt les co-
partageants ne sont point, à l'égard les uns des autres,
des créanciers ou des débiteurs, mais des communistes

ou
copropriétaires des choses à partager; qu'ils ne sont
tenus ou liés les uns envers les autres par aucune con-
vention ou lien contractuel ; qu'ils ne tirent leurs droits
respectifs d'aucun engagement pris ou consenti, mais
les puisent dans leur qualité d'héritiers qu'ils tiennent

delà loi, ou d'une institution faite par un tiers, droits


remontant au jour de l'ouverture de la succession et se
rattachant à la personne dont l'hérédité est à partager;
qu'enfin l'effet du partage étant purement déclaratif et
non attributif de propriété, il ne s'opère ni transmission
soit à litre gratuit, soit à titre onéreux, ni paiement ou
dation en paiement, conditions exigées par les articles
446 et 447, quel qu'ait été d'ailleurs le mode de par-
tage qu'il ait convenu aux parties d'adopter, et qu'il se
soit fait soit par attribution soit par lotissement, sauf
,
toutefois la simulation et la fraude ('). »
Il serait difficile de ne pas rendre hommage à la force
et au caractère éminemment juridique de ces motifs. Us
confirment évidemment l'opinion que nous venons d'é-
mettre. Si le partage est en dehors de la catégorie des
actes prévus et réglés par les articles 446 et 447, il ne

(') 19 janvier iS56;D. P., 56, 2, I3;.


334 TRAITÉ DES FAILLITES.

peut être attaqué et annulé que conformément aux prin-


cipes du droit commun. Dès lors surgissent l'article 882
du Code Napoléon et les conséquences que nous en
,
avons déduites (')» (

L'immunité attachée au partage ne saurait s'étendre


aux contrats accessoires auxquels il aurait donné nais-
sance. Ainsi, les libéralités que le failli aurait consen-
ties les paiemens qu'il aurait fait à ses cohéritiers se-
,
raient, après la déclaration de faillite ou la rétractation
de la clôture, régis par les articles 446 et 447 f).

703. — Le failli se trouve donc placé dans celte al-


ternative de ne pouvoir s'exonérer de la contrainte par
corps que par le développement de la faillite. A son tour
celle-ci ne peut recevoir que l'une de ces deux issues :

le concordat ou le régime de l'union. Il entrera donc


forcément dans les prévisions du commerçant obéré d'at-
teindre à l'une d'elles. De là, la conséquence qu'il s'ar-
rêtera, lorsqu'il verra sa ruine imminente; car, pour y
arriver il faut que l'actif puisse fournir aux frais des
,
opérations qu'il faut accomplir. Il ménagera donc celui
qui lui reste au moment où il s'aperçoit que sa décon-
fiture est inévitable, dans la crainte de s'exposer, s'il le
dissipe dans des spéculations hasardeuses à une ruine
,
complète pour le présent, à une situation extrêmement
précaire pour l'avenir.
D'autre part, en intéressant le failli, aux opérations
de la faillite en rendant leur accomplissement indis-
,

(') V. suprân0 120 bis.


(') V. sous ces deux articles.
ART. 527, 528 335
pensable, on l'amènera à désirer soit le concordat, soit
la déclaration d'excusabilité. On restreint donc d'autant
les chances laissées à la fraude, dont l'existence recon-

nue appellerait une peine ; dont la supposition suffirait


pour exclure non-seulement tout traité, mais encore une
solution favorable sur la question d'excuse. L'une ou
l'autre, en effet, sera le prix de l'opinion que les créan-
ciers et les juges se seront formée de la bonne foi du
failli.
Il est donc permis de croire que le système de la loi
nouvelle produira de bons résultats. C'est aux tribunaux
à seconder l'intention du législateur par une applica-
tion sévère mais juste de la faculté qui leur est dé-
, ,
férée.

704. — Cette application ne reconnaît aucune li-


mite. Elle peut être réalisée à partir de la déclaration
jusqu'après l'adoplion de l'union, dès que l'insuffisance
de l'actif se décèle. Peu importe que plusieurs opéra-
tions aient déjà été accomplies. N'en restàt-il qu'une
seule, que, si les fonds manquent pour l'exécuter, il y
a lieu à prononcer la clôture. C'est dans ce sens que no-
tre article déclare celle-ci facultative à toutes les épo-
ques. Il est certain que, si l'on avait posé des bornes
quelconques au delà desquelles le remède autorisé par
l'article 527 eut été inapplicable, les faillis de mauvaise
foi n'auraient
pas manqué de laisser tout juste de quoi
arriver au point qui devait les en garantir. Le législa-
teur a donc prudemment adopté la maxime qu'il n'y a
rien de fait tant qu'il
y a quelque chose à faire. Ce n'est
336 TRAITÉ DES FAILLITES.

que lorsque la faillite a reçu sa solution légale, que


l'article 527 ne peut plus être appliqué.

705. — Le préambule de la loi rend la disposition


de cet article commune aux faillites déclarées sous la
loi ancienne. On a donc considéré cette disposition com-
me se rapporlant à la forme seulement. Ce n'est, en ef-
fet que comme loi de procédure qu'on a pu la faire
,
rétroagir sur des faits accomplis sous l'empire d'une lé-
gislation précédente.
On ne devra pas perdre cette observation de vue, lors-
qu'il s'agira de régler à l'encontre des anciens faillis les
effets de la clôture. Sans doute ils seront identiques à
,
ceux produits contre les nouveaux, quant aux droits des
créanciers de les poursuivre individuellement. Mais les
premiers pourront s'affranchir de la contrainte par
corps , par la cession volontaire ou judiciaire de leurs
biens. C'est là un droit qui leur a été acquis dès que
,
la loi, sous l'empire de laquelle ils ont failli, leur en
permettait l'exercice. On ne saurait donc le leur enle-
ver , sans violer à leur égard le principe de la non ré-
troactivité des lois (').

706. — Nous avons déjà dit que le failli n'était pas


partie nécessaire dans l'instance en clôture de la faillite.
Le jugement qui la prononcera sera donc par défaut.
Mais l'exécution en est suspendue pendant un mois à
partir de la date.
Cette dernière disposition enlève au jugement ce qu'il

(') V. suprà n° 12.


'ART. 527, 528. 337
pourrait avoir de trop rigoureux dans la forme. On
pourrait s'étonner, en effet, qu'on puisse laisser ainsi de
côté le failli dans une instance qui peut avoir pour lui
de si graves conséquences. Mais, l'insuffisance de l'actif
est un fait matériel qui résulte des écritures du bilan,
,
de l'inventaire. Quelle valeur pourraient avoir les ex-
plications personnelles du failli, en présence de docu-
mens si positifs et si certains ?
Que si le failli a d'autres ressources soit personnel-
,
les soit qu'il les doive à des tiers il doit s'empresser
, ,
d'en justifier. C'est pour lui en fournir les moyens, sans
préjudice possible que la loi ordonne de laisser toutes
,
choses en l'état, pendant un délai de trente jours à par-
tir du jugement qui a prononcé la clôture.

707. — Le jugement qui clôture la faillite peut tou-


jours être rétracté. Le failli peut faire prononcer cette
rétractation à toutes les époques. Mais on comprend
qu'il ne pourrait atteindre à ce résultat, à l'aide d'allé-
gations plus ou moins fondées. La loi a eu le soin d'en
préciser les conditions, tant pour le principe que pour
les conséquences.

708. — Ainsi, pour que le jugement puisse être ré-


tracté, ilfaut :
1" La justification qu'il existe des fonds suffisants

pour faire face aux frais des opérations de la faillite, ou


la consignation entre les mains des syndics d'une som-

me capable d'y subvenir.


8° Le paiement préalable des frais des poursuites in-

II 22
338 TRAITÉ DES FAILLITES.

dividuellement exercées par les créanciers en vertu du


jugement qui avait prononcé, la clôture.

709. — La dernière de ces conditions manifeste


clairement quel est le véritable esprit de la disposition
qui suspend pendant un mois l'exercice de la faculté
rendue aux créanciers. C'est là un délai de grâce ac-
cordé au failli un encouragement qu'on lui donne à
,
utiliser le temps pour se procurer des ressources. Que
,
si, par négligence ou impuissance, ce délai s'écoule sans
que la rétractation ait été poursuivie et obtenue , il est
dû aux créanciers une réparation pour le dommage que
leur fairait éprouver une rétractation ultérieure. Les
poursuites qu'ils peuvent avoir dirigées n'ont été que
l'exercice d'un droit incontestable ; il est donc juste que
les conséquences en soient supportées par celui qui l'a
occasionné par son long silence.
Il est donc d'un haut intérêt pour le failli de faire ré-
tracter le jugement le plus tôt possible. Chaque jour
aggrave la charge qui lui est imposée à cet effet, puis-
que les poursuites peuvent chaque jour aussi devenir
plus nombreuses. Or, quelque multipliées qu'elles aient
été quel que soit le chiffre, total des frais qu'elles ont
,
déterminés l'acquittement intégral el préalable de ces
,
frais est de rigueur. La rétractation, alors même que la
première condition serait remplie, ne saurait être obte-
nue que par l'accomplissement simultané de celte obli-
gation.
710. — Celle première condition serait-elle elle-
même suffisamment remplie si, au lieu de fonds, on
,
ART. 527, 528 339
prouvait qu'il existe des marchandises ou effets mobiliers
de nature à subvenir aux frais ? L'affirmative ne nous
paraît pas douteuse. Aux yeux de la loi, il n'y a réelle-
ment insuffisance que lorsqu'il n'existe aucune ressour-
ce. Si l'actif en présente de quelque nature qu'elles
,
soient, les syndics doivent les réaliser, et fournir par ce
moyen aux frais des opérations prescrites par la loi. Ce
n'est qu'après l'épuisement total de l'actif qu'ils peuvent
demander la clôture. En conséquence si elle avait été
,
poursuivie et prononcée sans qu'il eût été au préalable
procédé à la vente des effets mobiliers et marchandises
existant en nature le failli pourrait la faire rétracter,
,
alors même que ces marchandises et effets seraient évi-
demment insuffisants pour faire face aux frais de toutes
les opérations sauf à la voir prononcer de nouveau
,
après l'emploi du produit de la vente.

711. — La rétractation du jugement de clôture doit


être poursuivie par action principale dirigée contre les
syndics. Il nous paraît, en effet, que par sa nature ce
jugement n'est susceptible ni d'opposition ni d'appel.La
loi lui imprime un caractère essentiellement transitoire
et précaire, qui le rend plutôt un acte d'administration
qu'un véritable jugement.
est, en effet, de l'essence de ceux-ci de disposer
Il
pour le présent comme pour l'avenir, et d'être inébran-
lables lorsqu'on leur a laissé acquérir l'autorité de la
chose jugée. Dès lors, le bénéfice en résultant est défi-
nitivement acquis. Ainsi, les jugemens déclaratifs de
faillite .quoique
ne constatant qu'un fait, lient à tout
340 TRAITÉ DES FAILLITES.

jamais les créanciers et le failli, s'ils n'ont été attaqués


en temps utile. Le jugement de clôture n'est obligatoire
que tant qu'il n'a pas été rétracté , et il peut l'être à
toute époque. Il n'est donc pas susceptible d'acquérir
l'autorité de la chose jugée.
D'ailleurs, l'opposition, si elle est accueillie a pour
,
résultat de faire rétroagir la caducité du jugement au
moment même où il a été rendu, de telle sorte qu'il n'a
pu en aucun temps produire des effets obligatoires. Or,
dans notre espèce, c'est le contraire qui se réalise, puis-
que la loi n'accorde la rétractation qu'au prix de l'ac-
complissement préalable des conséquences que le juge-
ment a pu produire.
L'appel lui-même n'a été institué que pour obtenir
de la juridiction supérieure .une réformation qu'il n'est
plus au pouvoir du juge du premier degré d'accorder.
Or par une exception à la règle générale en matière '
, ,
de clôture de la faillite c'est le juge qui l'a prononcée
,
qui peut toujours la rétracter. Il serait donc inutile de
demander à un autre ce qu'il est dans tous les cas loi-
sible d'obtenir de celui-ci.
Ainsi, le jugement de clôture n'est susceptible ni d'op-
position ni d'appel. C'est donc par action principale
qu'on doit en poursuivre la rétractation.
712. — Mais, il n'en serait pas de même de celui
qui aurait prononcé sur la demande de celle-ci. En
effet, des difficultés peuvent s'être élevées sur l'accom-
plissement des conditions exigées par l'article 528. La
solution qu'elles ont reçue peut devenir la matière d'une
ART. 527, 528 341
appréciation par le juge supérieur ; comme si, par exem-
ple un créancier prétendant avoir dirigé des poursui-
,
tes réclamait le remboursement de telles ou telles dé-
,
penses, que le failli soutiendrait ne devoir pas être rem-
boursées.
Ce serait là un véritable procès ordinaire sur lequel
la décision du juge serait susceptible d'acquérir l'auto-
rité de la chose jugée. Il n'est donc pas douteux que si
le tribunal, adoptant le système du créancier, avait re-
fusé la rétractation, le demandeur pourrait se pourvoir
par appel contre le jugement, et en obtenir la réforma-
tion de l'autorité de la cour. En l'absence de toute dis-
position prohibitive il y a lieu de recourir au droit
,
commun.
715. — La faculté d'émettre appel, dans ce cas, ne
devrait pas être réglée sur le chiffre de la somme récla-
mée mais par les conséquences du refus de rétracta-
,
tion. Or, celui-ci constitue un intérêt indéterminé, qui
rendrait le litige appellable, quelle que fût la quotité des
frais réclamée.

714. — La rétractation du jugement de clôture peut


être poursuivie, non-seulement par le failli, mais encore
par tous ceux qui pourraient y avoir un intérêt. Nous
croyons qu'on ne devrait pas distinguer entre l'intérêt
matériel et celui purement moral. Il est dans l'intention
de la loi de favoriser la liquidation des faillites; on ne
doit donc pas se montrer difficile sur le mobile de celui
qui en fournit les moyens. Ainsi, les parens, la femme,
les enfans du failli, l'un de
ses créanciers seraient re-
,
342 TRAITE DES FAILLÎTES.
cevables après avoir rempli les conditions de l'article
,
528 à faire rétracter le jugement qui a clôturé la
,
faillite.

715. — L'effet de cette rétractation, à quelque épo-


que qu'elle se réalise , est de remettre toutes les parties
au même état où elles étaient avant la clôture. On re-
prend donc les opérations de la faillite au point où elles
avaient été interrompues. La faculté pour les créanciers
de poursuivre individuellement est,de plein droit, retirée;
tout rentre en un mot, sous l'empire des règles que
,
nous avons ci-dessus retracées.

SECTION IV.

DE L'UNION DES CRÉANCIERS,

ARTICLE 529.

S'il n'intervient point de concordat* les créanciers se-


ront, de plein droit, en état d'union.
Le juge-commissaire les consultera immédiatement,
tant sur les faits de la gestion, que sur l'utilité du main-
tien ou du remplacement des syndics. Les créanciers
privilégiés, hypothécaires ou nantis d'un gage seront
,
admis à cette délibération.
ART. 529. 343
11sera dressé procès-verbal des dires et observations
des créanciers, et, sur le vu de cette pièce le tribunal
,
de commerce statuera comme il est dit à l'article 462.
Les syndics qui ne seraient pas maintenus devront
rendre leur compte aux nouveaux syndics, en présence
du juge-commissaire, le failli dûment appelé.

SOMMAIRE.

716. La loi actuelle modifie la forme et les effets de l'union.


-717. Système du Code de commerce ; embarras qui en résultaient;
solution qu'ils avaient reçue.
718. Système adopté en 1838. — L'union résulte de plein droit
soit du rejet, soit de l'annulation du concordat pour dol
ou banqueroute frauduleuse.
719. La déclaration du juge-commissaire que les créanciers sont
en état d'union, doit êlre consignée au procès-verbal.
720. Devoirs que l'union impose au juge-commissaire et aux cré-
anciers.
721. A la différence de ce qui était admis sous le Code, l'union ne
révoque plus les syndics.
722. Les créanciers n'ont sur la nomination de ceux de l'union
que voix consultative. — Motifs de cette dérogation.
723. Le juge-commissaire doit donc les interroger tant sur les
actes de la gestion que sur le maintien ou le remplace-
ment de ceux qui existent.
724. Le tribunal prononce sur le vu du procès-verbal contenant
les dires et observations des créancier?-.
735. Les créanciers hypothécaires privilégiés ou gagistes sont
,
assimilés aux chirographaires, quant à cette délibé-
ration
.
726. Si les syndics sont maintenus, ils ne rendent leur compte
définitif qu'à l'expiration de leur nouveau mandat.
344 TRAITÉ DES FAILLITES.

727. S'ils sont remplacés, ils rendent immédiatement compte aux


syndics nouveaux.
728. Le compte peut être débattu :
1° Parles syndics.
729. 2° Par le failli.
730. Il suit de là que ce dernier doit être appelé à la reddition.
731 .• L'approbation donnée par les syndics lie le failli qui n'a pas
comparu , quoique dûment appelé, ou qui n'a rien con-
testé, quoique présent.
732. Mais cette forclusion ne s'étend pas aux erreurs ou omis-
sions, ni au cas de dol ou de fraude.
733. L'application de l'article 489, aux syndics de l'union, a ren-
du inutile la nomination d'un caissier, prescrite par l'ar-
ticle 527 du Code de commerce.'

716. — La loi nouvelle a introduit une grave inno-


vation,en cequi concerne l'union, non-seulement quant
à ses effets mais encore quant à la forme. C'est dans
,
cette dernière, surtout, que ses dispositions peuvent être
considérées comme de véritables améliorations.

717. — En effet, le Code ancien soumettait l'union


à l'assentiment des créanciers. Elle n'existait régulière-
ment, même après le rejet du concordat, que si elle avait
été souscrite par la majorité c'est ce qui lui avait fait
,
donner le nom de contrat d'union.
Cette prescription soulevait des difficultés sérieuses
qui avaient partagé la doctrine et la jurisprudence. Il
pouvait en résulter des complications étranges et une
,
impossibilité de toute solution pour la faillite. Ainsi, par
exemple, le concordat n'ayant pas réuni la double ma-
jorité exigée pour sa validité, si le contrat d'union n'était
ART. 529. 345

pas souscrit par le nombre requis, que devenait la liqui-


dation ?
Au milieu des différents systèmes que cette supposi-
tion avait fait naître, la jurisprudence avait signalé dès
longtemps le vice illogique qui en résultait. Aussi s'était-
elle efforcée de le corriger dans l'application. C'est ainsi
qu'un arrêt de la cour de cassation , du 6 août 1840,
avait, entre autres décidé qu'un contrat d'union signé
,
par six créanciers seulement, sur trente-huit présents à
la délibération était obligatoire et valable (') ; mais cet
,
arrêt consacrait bien plutôt l'induction qui se tire, pour
la nécessité de l'union, du refus du concordat, que l'ex-
pression littérale de l'article 527 du Code de commerce
sous l'empire duquel il était rendu.
L'embarras n'était pas moindre lorsque le contrat d'u-
uion avait été consenti par la majorité des créanciers.
Fallait-il qu'il fût homologué par le tribunal de com-
merce , pour le rendre obligatoire contre les créanciers
qui avaient refusé leur adhésion ? Malgré le silence ab-
solu du Code, l'affirmative n'en avait pas moins été sou-
tenue : « Malgré que le Code n'en ait rien dit, enseigne
M. Emile Vincens, le principe subsiste et doit être appli-
qué toutes les fois qu'une délibération non unanime peut
obliger tous les créanciers d'une faillite (2). »

718. — La loi de 1838 a banni toute controverse


tant sur la constitution de l'union que sur ses effets
,
contre les créanciers ; elle dispose que s'il n'intervient

(') D. P., 4o, t,329.


(') ïora. i, pag, 443» couform. Boulay-Paty, loin, i, pag\ 5u.
346 TRAITÉ DES FAILLITES.

pas de concordat, soit par défaut de consentement delà


majorité, soit par suite du refus d'homologation ; ou si
celui qui avait été consenti est annulé pour cause de
dol ou de banqueroute frauduleuse, les créanciers sont
en état d'union.
Cet état se réalise donc aujourd'hui de plein droit,
par la seule force de la loi et sans le concours des cré-
anciers. Il est obligatoire pour lous dès que le juge-
,
commissaire en a proclamé l'existence qui est la consé-
quence immédiate et directe du rejet du concordat.
De plus, dès qu'il a été régulièrement déclaré, cet état
est définitivement acquis pour et contre tous de telle
,
sorte qu'aucun traité ne pourrait être ultérieurement
proposé ni admis. Celui qui interviendrait au mépris de
cette prescription, serait frappé d'une nullité radicale.
719. — Le procès-verbal doit donc énoncer l'ac-
complissement du devoir imposé au juge-commissaire.
Ainsi, après avoir énoncé que les formalités prescrites
par la loi ont été remplies , mentionné le résultat du
Vote sur le concordat et le rejet de celui-ci, il doit indi-
quer que le commissaire a déclaré que les créanciers
étaient en état d'union. Le rappel de toutes ces formali-
tés est indispensable pour la validité des opérations ul-
térieures. Le silence du procès-verbal rendrait celles-ci
contestables et permettrait même soit aux faillis, soit
,
aux créanciers de poursuivre la nullité de l'union.
720. — Les conséquences du rejet du concordat et
de la proclamation de l'union qui le suit, sont d'impo-
ser des obligations nouvelles aux créanciers et au juge-
ART. 529. 347
commissaire. En première ligne figure le choix des syn-
dics qui doivent administrer.

72!. — Sur ce point encore la loi actuelle s'éloigne


de la pratique consacrée par le Code précédent. Sous
l'empire de celui-ci le contrat d'union mettait fin de
,
plein droit à la mission des syndics provisoires que le
tribunal avait choisis sur la liste triple qui lui avait été
soumise; et comme les nouveaux étaient censés être plus
spécialement les mandataires des créanciers c'était à
,
eux que la faculté de les choisir avait été exclusivement
dévolue. Le tribunal n'avait plus à intervenir ni dans
,
l'institution ni dans le remplacement des syndics qui
,
étaient dès lors définitifs.
Aujourd'hui, l'union ne révoque plus les syndics pré-
cédemment élus. La gestion leur est, au contraire, con-
tinuée, sauf le droit réservé au tribunal de les rempla-
cer sur l'avis des créanciers.

722. — Ceux-ci n'ont donc, pour le choix des syn-


dics de l'union que voix consultative. Il en est de ces
,
derniers, comme des syndics provisoires. Nous avons
déjà exposé les motifs qui ont fait consacrer le système
adopté par l'article 462 mais son application à l'hy-
,
pothèse actuelle pourrait néanmois paraître exorbitante.
Il ne s'agit plus en effet, au moment de l'union de
, ,
créanciers présumés. Tous ceux qui concourent à la dé-
libération ont subi l'épreuve de la vérification qui a
,
constaté leurs droits. Il semble donc que lorsqu'il s'agit
delà disposition d'un actif qui est bien réellement leur
348 TRAITÉ DES FAILLITES.

gage, on aurait dû leur rendre la faculté d'élire les


mandataires qui doivent l'administrer en leur nom.
Mais le désir de maintenir l'unité dans l'administra-
tion, la nécessité de tenir les syndics directement dépen-
dants du tribunal de commerce et conséquemment du
,
juge-commissaire, l'intérêt des créanciers éloignés, qui
sont encore dans les délais pour faire vérifier et qui
,
ne peuvent voter , quoiqu'ils en aient le droit , ont dé-
terminé le législateur à rendre commune aux syndics de
l'union la forme adoptée pour les syndics définitifs.
723. —Le juge-commissaire doit donc immédiate-
ment après avoir déclaré que les créanciers sont en élat
d'union, les consulter sur le maintien ou le remplace-
ment des syndics et sur les faits de la gestion. L'opi-
,
nion des créanciers sur le premier objet se ressentira
nécessairement de celle qu'ils se seront formée sur le
second ; et si l'on réfléchit qu'aux termes de l'article
506, la délibération qui se termine par l'union s'ouvre
par le compte que les syndics doivent fournir de leur
administration, on demeure convaincu qu'il ne sera pas
difficile aux créanciers de trouver les élémens nécessai-
res pour se prononcer sur l'un et sur l'autre.
724.— Les dires et observations, tant sur la ges-
tion, que sur le maintien ou le remplacement des syn-
dics doivent être insérés dans le procès-verbal de la
,
séance. C'est en les consultant que le tribunal apprécie
leur nature et leur gravité ; qu'il continue les syndics,
ou les remplace par d'autres.
ART. 529. 349
725. — Les créanciers hypothécaires, privilégiés ou
nantis d'un gage ont voix délibérative comme les chi-
,
rographaires. Il ne s'agit plus, en effet, d'imposer à ces
derniers un sacrifice qu'ils ne supporteraient point eux-
mêmes mais de voler sur le mode d'administration de
,
l'actif. Il convient donc que tous les intéressés et les
,
créanciers hypothécaires privilégiés ou gagistes ont au
,
moins un intérêt éventuel, participent à une décision
qui doit les obliger tous.
On voit dans cette circonstance, dans quelle intention
la loi a ordonné que les créanciers privilégiés fussent
appelés à l'assemblée formée en vertu de l'article 504.
S'ils n'ont pas le droit de voter sur le concordat, ils ont
incontestablement celui de prendre part aux opérations
que la constitution de l'union nécessite. Or , comment
exerceraient-ils ce dernier, s'ils n'étaient pas convoqués
à la réunion unique qui doit voir s'accomplir l'un ou
l'autre ?

726. — Si les syndics sont continués dans l'admi-


nistration ils ne cessent de gérer conformément au
, ,
mode prescrit par les créanciers, quant aux objets réglés
par les articles suivants. Us ne rendent leur compte dé-
finitif qu'àl'expiration de leur nouveau mandat, qui se
termine soit par la liquidation entière de la faillite, soit
dans le cas prévu par l'article 536.

727. — Si le remplacement des syndics définitifs,


proposé par les créanciers, est admis par le tribunal,
les nouveaux élus reçoivent le compte de leurs prédé-

cesseurs. Ce compte est rendu en présence du juge-com-


350 TRAITÉ DES FAILLITES.

missaire qui dresse procès-verbal des difficultés qui


pourraient naître.
728. — Le compte est débattu :
1° Par les syndics en exercice. Il est vrai que la res-
ponsabilité des actes antérieurs à leur entrée en fonc-
tions s'attache exclusivement aux anciens syndics ; mais
celle de la reddition du compte lui-même est encourue
par les nouveaux. Si, par négligence, par connivence ou
par faiblesse, ceux-ci ont négligé la défense des intérêts
qui leur sont confiés, et qu'il en soit résulté un préju-
dice pour les créanciers ce préjudice leur est imputa-
,
ble, et ils seraient tenus de le réparer. Ils doivent donc,
pour se soustraire à toutes réclamations de ce genre, se
montrer sévères dans le règlement de la gestion qu'ils
sont chargés d'apurer.

729. — 2° Par le failli. Nous avons déjà dit que


l'administration de l'actif doit concilier le double intérêt
des créanciers et du failli. S'il importe aux uns de reti-
rer le plus possible , il convient à l'autre qu'il en soit
ainsi. Car sa libération se réalisera sur des bases plus
,
larges. Celle identité d'intérêt dans le résultat donne à
chacun d'eux le droit d'exiger que les actes des syndics
aient été sans cesse de nature à le déterminer; de pour-
suivre et d'exiger la réparation de tout ce qui se serait
éloigné de ces bases.
Mais, l'action des uns est indépendante de celle de
l'autre. Elle peut et doit être exercée séparément. Ainsi,
le failli n'est nullement lié par l'assentiment donné par
les nouveaux syndics à la gestion des syndics précé-
ART. 529. 351

dents. Le compte qu'ils déclareraient accepter au nom


des créanciers ne serait nullement obligatoire contre lui.
Et les redressemens qu'il prouverait justes devraient être
consacrés par la justice.

730. — H suit de ce qui précède que le failli doit


être appelé à la reddition du compte. Vainement on lui
reconnaîtrait le droit de le contester si l'on pouvait se
,
dispenser de le mettre à même de le faire. L'omission
de cette formalité vicierait l'opération, et permettrait au
failli de l'attaquer à toutes les époques.

751. — Si le failli, régulièrement appelé , n'a pas


comparu , quoique dans le cas de se présenter , ou si,
ayant assisté à la reddition il avait négligé de débattre
,
le compte, il ne pourrait plus le faire après l'approba-
tion qu'en auraient faite les nouveaux syndics. La dé-
charge accordée par ceux ci serait définitive en faveur
des rendants. Tout ce que le failli pouvait exiger c'est
,
d'être partie nécessaire dans cette reddition ; mais la loi
qui l'a ainsi décidé pour obéir à une pensée de justice,
n'a pu livrer le sort de celte opération à ses caprices.
Elle a dû, en conséquence, lui retirer le pouvoir de con-
tester, dès l'instant où mis en demeure de l'exercer il
,
y a renoncé lui-même.

732. — Toutefois, la forclusion contre le failli n'est


pas telle qu'il ne pût obtenir raison des omissions ou
erreurs dont il justifierait l'existence. Il en serait, en ou-
tre relevé, s'il prouvait que l'approbation du compte
n'est que le résultat du dol ou de la fraude.
352 TRAITE DES FAILLITES.

755. — La disposition de l'article 489 s'applique


aux syndics de l'union, comme aux syndics provisoires
et définitifs. En conséquence, comme ceux-ci les pre-
,
miers sont obligés de verser dans la caisse des dépôts et
consignations toutes les sommes qu'ils seront dans le
,
cas de recouvrer ; dès lors, la nomination d'un caissier
prescrite par l'article 527 du Code de commerce était
,
complètement inutile. Aussi notre article 529 n'en fait-il
plus un devoir aux créanciers.

ARTICLE 530.

Les créanciers seront consultés sur la question de sa-


voir si un secours pourra être accordé au failli sur l'actif
de la faillite.
Lorsque la majorité des créanciers présents y aura
consenti, une somme pourra être accordée au failli à
titre de secours sur l'actif delà faillite. Les syndics en
proposeront la.quotité, qui sera fixée par le juge-com-
missaire, sauf recours au tribunal de commerce de la
,
part des syndics seulement.

SOMMAIRE.

734. Effets de l'union sur les secours à allouer au failli et à sa


famille.
735. Différence entre l'article 474 et l'article 530.
736. Ce dernier déroge au Code de commerce. Parallèle entre

leurs dispositions.
ART. 530. 353
737. Avantages du système actuel.
738. Les créanciers sont donc seuls juges de l'opportunité du se-
cours. — Leur délibération doit, dans tous les cas, être
provoquée par le juge-commissaire.
739. Le vote a lieu à la majorité des créanciers présents.
740. Le principe seul est soumis aux créanciers. — Le chiffre
est fixé par le juge-commissaire.
741. Le failli n'a aucun recours'contre le vote des créanciers qui
refusent le secours ni contre la fixation du chiffre. —
,
Celle-ci peut être attaquée par les syndics.
742. Forme du recours de ceux-ci. — Il est déféré en dernier
ressort au tribunal de commerce.

754. — Nous avons vu sous l'article 474 que,


, ,
dans les débuts de la faillite des secours alimentaires
,
peuvent être accordés au failli sur la masse ; que leur
quotité doit être réglée d'abord par le juge-commis-
saire et, en dernier ressort par le tribunal; ce qui
, ,
implique que les créanciers peuvent être contraints à les
fournir.
L'union, dépossédant complètement et d'une manière
définitive le failli, fait de plein droit cesser les effets de
cette disposition ; elle peut cependant créer par cela mê-
me un besoin plus urgent de ces secours. C'est cette
prévision qui a fait introduire dans la loi l'article que
nous examinons.

755. — H'y a entre l'article 530 et l'article 474


cette différence que, dans l'hypothèse de celui-ci, c'est
le tribunal qui décide s'il
y a lieu à accorder une som-
me quelconque à titre d'aliment. Dans celle du premier,
au contraire, la solution de cette question est laissée ex-
il 23
354 TRAITÉ DES FAILLITES.

clusivement aux créanciers, sans que la justice puisse


juger lé refus qu'ils feraient d'accorder le secours récla-
mé par le failli.

756. — Cette disposition est une innovation à la lé-


gislation précédente. L'article 530 du Code accordait au
failli, contre lequel il n'existait aucune présomption de
banqueroute, le droit de demander et d'obtenir un se-
cours dont la quotité était fixée par le tribunal, sur le
rapport du juge-commissaire. Si cette prescription parait
plus humaine, celle qui l'a remplacée est au fond beau-
coup plus juste.
Remarquons, d'abord que l'humanité a une bonne
,
part dans la loi nouvelle ; l'article 474 qui proclame les
secours forcés dans la première période de la faillite,
est dicté par un sentiment qui honore le législateur; et
la différence que nous signalions tout-à-1'heure entre
cette disposition et celle de l'article 530, est une appré-
ciation judicieuse et juste de la position du failli à ces
deux époques.
Le moment qui voit la faillite éclater est naturellement
pour le commerçant un instant critique. Plus l'événe-
ment aura été imprévu et plus la perturbation qu'il jette
dans la vie du failli sera considérable. Il fallait donc
lui ménager le temps de s'habituer aux soins nouveaux
qui viennent l'assaillir de chercher dans le travail la
,
possibilité de subvenir à ses propres besoins, à ceux de
sa famille. D'ailleurs, le jugement déclaratif ordonnant
le dépôt de sa personne dans la maison d'arrêt, est lui-
même un obstacle à ce que le failli trouve ailleurs que
ART. 530. 355
dans l'actif des ressources pour vivre. Il était donc juste
de prélever sur celui-ci une somme suffisante pour rem-
plir ce but.
Après l'union, au contraire, le failli ne sera que très-
rarement en butte à des mesures contre sa personne. 11
pourra donc trouver dans son industrie et dans son
travail les moyens qui lui manquent. Sa famille elle-
même aura eu le temps de se résigner à la position que
lui fait la catastrophe de son chef, et de prendre un
parti convenable pour se procurer par elle-même les se-
cours dont elle a besoin.
En cet état, forcer les créanciers à en fournir encore,
c'était pousser jusqu'à l'injustice la faveur pour le failli.
En effet, la liquidation dp la faillite peut avoir eu des
résultats tels qu'on pourra présumer la fraude sans
, ,
avoir cependant la moindre possibilité de la prouver.
Fallait-il à la perte matérielle déjà éprouvée par les cré-
anciers, ajouter le sacrifice d'une partie quelconque de
l'actif?
Et si, sans supposer la fraude il est certain que le
,
failli a commis une faute grave S'il a anéanti une no-
1

table portion de sa fortune, en confinant son commer-


ce lorsque déjà sa ruine était inévitable Si, dans la
1
,
folle espérance de se relever, il a compromis outre me-
sure le gage de ses créanciers, l'humanité s'accorderait-
elle bien du résultat que nous indiquions tout-à-1'heure?
Pourrait-elle jamais autoriser qu'on contraignît encore
les créanciers à permettre, qu'avant même toute répar-
tition, le plus clair de l'actif fût abandonné au failli ?
356 TRAITÉ PES FAILLITES.

757. — Tout se réunissait donc pour conseiller la


consécration du système adopté par notre article. Il est
d'ailleurs d'une plus haute moralité et peut produire
,
des effets plus désirables que celui de la législation pré-
cédente. Par cela seul que le failli est placé dans une
dépendance plus absolue vis-à-vis des créanciers, il est
à présumer qu'il s'efforcera de les persuader de sa bonne
foi, et de mériter, par la loyauté de sa conduite, la fa-
veur qu'il sera dans le cas de solliciter.
758. — Les créanciers jugeront donc à l'avenir, et
d'une manière souveraine, s'il convient ou non d'accor-
der un secours au failli. Cette délibération doit être pro-
voquée d'office par le juge-commissaire alors même
,
que le failli serait absent, ou que, présent à l'assemblée,
il ne la réclamerait pas. La loi a compris la susceptibi-
lité qui pourrait l'empêcher de prendre lui-même l'ini-
tiative. Plus un homme est honorable et plus il lui ré-
pugne , le malheur venu, de paraître tendre la main;
et cependant celui-là peut être bien plus digne d'obtenir
un secours que tel autre qui ne craindra pas de le sol-
liciter hautement. Le mandat donné au juge-commis-
saire est donc un véritable témoignage de commisération
en faveur de la bonne foi honteuse.
739. —. La délibération est prise en la forme ordi-
naire, c'est-à-dire, l'admission ou le rejet du secours est
voté par la majorité des membres présents. Il résulte de
ces termes de l'article 530 , que la majorité numérique
suffit. Ce n'est, en effet, que dans les cas expressément
ART. 530. 357
prévus que la majorité en sommes doit accompagner
celle-ci.

740. — Les créanciers ne sont jamais consultés


que sur la question de savoir si un secours sera accordé
au failli ; s'ils se prononcent pour la négative , tout est
dit. Si le principe est admis les conséquences en sont
,
laissées à l'appréciation du juge-commissaire.
En conséquence, les syndics proposent à ce magistrat
la quotité du chiffre qu'ils pensent devoir être allouée.
L'opinion des syndics ne lie nullement la conscience du
juge, qui peut diminuer ou augmenter le chiffre pro-
posé.

741. — Le failli n'a aucun recours à exercer contre


la délibération négative des créanciers, ni contre la dé-
cision du juge-commissaire quelle qu'elle soit. Mais
,
cette dernière peut être attaquée par les syndics. La rai-
son de cette différence réside dans la nature de la dis-
position de l'article 530. Le secours dont il y est parlé
est une pure libéralité de la part des créanciers ; en
conséquence, le failli ne saurait ni les contraindre à la
réaliser ni se plaindre de la quotité de celle qui lui a
,
été accordée.
Les syndics, au contraire, doivent veiller à ce que le
principe admis par les créanciers ne reçoive pas une
extension qu'il ne comporterait pas. En conséquence,
s'ils pensent que le chiffre admis par le juge-commis-
saire a dépassé les prévisions de leurs mandants, ils
peuvent en demander la réduction.
358 TRAITÉ DES FAILLITES

742. — Le recours des syndics se réalise par une


simple requête sans citation ni ajournement du failli. Il
est déféré au tribunal de commerce, qui juge par appel
et souverainement quelle est la quotité du secours qui
sera allouée.

ARTICLE 531.

Lorsqu'une société de commerce sera en faillite , les


créanciers pourront ne consentir de concordat qu'en fa-
veur d'un ou de plusieurs des associés.
En ce cas, tout l'actif social demeurera sous le régime
de l'union. Les biens personnels de ceux avec lesquels
le concordat aura été consenti en seront exclus, et le
traité particulier passé avec eux ne pourra contenir l'en-
gagement de payer un dividende que sur des valeurs
étrangères à l'actif social.
L'associé qui aura obtenu un concordat particulier
sera déchargé de toute solidarité.

SOMMAIRE.

743. Le principe de la solidarité qui régit les sociétés en nom col-


lectif rend, en cas de faillite, le sort de tous les associés
commun et identique.
744. Ce principe avait été rigoureusement consacré par le Code
de commerce.
745. Exception admise par la loi actuelle. motifs.
— Ses
ART. 531. 359
746. Le concordat particulier opère la décharge de la solidarité eu
ce qui concerne les créanciers.
747. Il déroge vis-à-vis des associés à l'article 1214 du Code Na-
; poléon.
748. La libération de l'associé concordataire n'a qu'un effet ac-
tuel. — A quelles conditions pourra-t-il se faire réha-
biliter ?
749. La partie de la dette afférente à cet associé est éteinte même
au profit des autres.
750. Différence entre cette hypothèse et celle prévue par les ar-
ticles 542 et 545.
751. Le fonds social reste affecté à la dette de la société. — C'est
sur ses biens personnels que l'associé doit'payer le divi-
dende auquel il s'est obligé.
752. Si, au moment de la faillite, l'associé qui a obtenu un con-
cordat n'avait pas versé sa mise de fonds, il serait obligé
de le faire nonobstant celui-ci.

745. — Dans les sociétés en nom collectif, la soli-


darité qui lie les associés rend leur sort indivisible. La
faillite de l'être moral est commune à tous ses membres.
Chacun d'eux subit dans sa personne et ses biens les
mesures qui résultent du jugement déclaratif, et cela,
non-seulement quant aux biens sociaux mais encore
,
pour ceux qui leur sont propres et particuliers.
Si la faillite se termine par un concordat, les conven-
tions qui y sont stipulées profitent à tous les associés,
sauf le droit de celui qui paierait le dividende convenu
sur ses biens , de répéter contre les autres leur part et
portion. En attendant, chacun d'eux reprend l'adminis-
tration tant du capital social que de sa fortune particu-
lière, à la charge pourtant de la solidarité dans le paie-
ment du dividende convenu.
360 TRAITÉ DES FAILLITES.

Si le refus d'un concordat amenait l'adoption du ré-


gime de l'union, les effets de celui-ci régissaient tous les
associés qui demeuraient, dès lors indéfiniment tenus
,
sur leurs biens présents et à venir vis-à-vis des créan-
ciers.
744. — Ces principes admis par le Code de com-
merce ne comportaient aucune exception. Ils avaient
leur point de départ dans les maximes de la législation
civile et commerciale : l'indivisibilité de l'union sociale
d'abord, la solidarité des associés ensuite. On était ar-
rivé à celte conséquence, que le sort de tous les mem-
bres d'une société devait être commun ; et cela dans
,
un double intérêt : celui des créanciers qui avaient ainsi
plus de garanties pour le remboursement de ce qui leur
était dû ; celui des associés eux-mêmes qui trouvaient
dans la répartition des biens de tous le moyen de se
,
libérer sur une échelle plus vaste peut-être même de
,
s'exonérer des incapacités que l'état de faillite entraîne,
si les masses réunies étaient suffisantes pour désintéres-
ser les créanciers.
Il fallait donc, sous l'empire de cette législation, con-
corder avec les associés, ou les envelonper tous dans le
régime de l'union- Quelque favorable que fût d'ailleurs
la position particulière de l'un d'eux la rigueur du
,
principe était un obstacle invincible à toute distinction
dans le règlement des rapports ultérieurs avec les cré-
anciers.
745* — Le législateur nouveau appelé à s'expliquer
à son tour, n'a pas cru devoir adopter les bases consa-
ART. 531. 361
crées par ses prédécesseurs. L'application rigoureuse des
principes absolus et de l'unité fictive de la personne so-
ciale aurait quelquefois pour résultat de blesser l'équité,
de nuire aux créanciers eux-mêmes et de rendre im-
,
possibles les égards dus à celui des associés qui est évi-
demment malheureux, et de la plus entière bonne foi.(').,
Sous ces inspirations la faculté pour les créanciers de
,
consentir des concordats particuliers, a été inscrite dans
la loi.
Il convient, en conséquence, d'établir les effets dont
les traités particuliers seront susceptibles, ainsi que leur
mode d'exécution. Nous verrons, en recherchant celui-
ci, sur quels biens doit être payé le dividende qui y sera
convenu.

746. — Par rapport à l'associé concordataire, le


traité le libère pour l'avenir de toute solidarité. Il n'est
donc plus tenu des engagemens sociaux que jusqu'à
'concurrence des sommes qu'il doit payer en vertu de ce
traité. Cet effet se produit vis-à-vis les créanciers en force
des principes ordinaires. Ainsi, chacun est libre de re-

noncer à un droit créé en sa faveur. Or , la novalion


dans le titre, opérée par l'acceptation du concordat, im-
plique nécessairement l'abandon de la solidarité résul-
tant, pour les créanciers, des titres souscrits par la rai-
son sociale. Aussi la dernière disposition de l'article
,
§31 était-elle
sans objet en ce qui les concerne.
747. — Mais ce qui l'a fait inscrire dans la loi,

(') Rapport de M. Raynouard, session de 1835.


362 TRAITÉ DES FAILLITES.

c'est qu'à côté des créanciers existaient les coassociés.


Pour ces derniers,, il convenait de régler toutes choses
pour éviter les difficultés que leurs rapports , avec celui
d'entre eux qui a concordé pouvaient faire surgir. Or,
,
l'un des associés soumis à l'union ayant payé beaucoup
plus que la portion de la dette le concernant aurait pu,
en vertu de l'article 1214 du Code Napoléon, redeman-
der au concordataire la partie de la dette qu'il aurait
dû payer lui-même. La dernière disposition de notre
article condamne cette prétention. L'associé qui a ob-
tenu un concordat particulier ne peut jamais être tenu
à payer plus que le dividende mis à sa charge, soit en-
vers les créanciers, soit envers ses coassociés.
Tel est donc l'effet de l'abandon de la solidarité con-
senti par les créanciers, que le débiteur en faveur du-
quel il a lieu est libéré des effets de celle-ci, même en-
vers ses codébiteurs. L'article 531 déroge formellement
à la disposition de l'article 1214 du Code Napoléon. Au
reste c'était là une conséquence forcée de l'admission
,
des concordats particuliers. On ne pouvait relever l'as-
socié de la solidarité envers les créanciers, sans l'en af-
franchir en même temps à l'égard de ses coassociés.

748. — La remise consentie par les créanciers pro-


fite donc au concordataire envers et contre lous. Le
paiement du dividende convenu le libère de toute parti-
cipation, quelconque aux dettes sociales. Mais celte libé-
ration n'a qu'un effet actuel et ne lie nullement l'a-
venir.
Ainsi, si cet associé voulait plus tard se faire réhabi-
ART. 531. 363
liter, il devrait payer non-seulement la portion intégrale
de sa dette en capital, intérêts et frais, mais encore tou-
tes les dettes sociales (').

749. — Par rapport aux coassociés, le concordat


obtenu par l'un d'eux produit cet effet que la partie de
la detteà la charge de celui-ci est définitivement éteinte
en ce qui les concerne. Peu importe que les créanciers
ne reçoivent qu'un faible dividende de celle-ci. La re-
mise du surplus qu'ils consentent profile à tous les co-
débiteurs. Anéantie pour l'un en totalité la dette est
,
également anéantie pour les autres codébiteurs.

750. — Au reste, cet effet se réalise dans les cas


ordinaires en vertu de la disposition de l'article 1285
,
du Code Napoléon ; mais il était d'autant plus nécessaire
de le rappeler dans celte circonstance, qu'on aurait pu
être tenté de chercher un résultat contraire dans les ar-
ticles 542 et suivants, relatif aux coobligés du failli ;
mais, ce qui doit enlever tout doute c'est la différence
,
qui existe entre notre hypothèse et celle réglée par l'ar-
ticle 545. Dans celle-ci, la remise consentie par le cré-
ancier n'est jamais censée être volontaire; tandis que
dans la faillite d'une raison sociale les biens de tous
,
les associés solidaires étant également dévolus aux cré-
anciers, et le concordat particulier n'étant que facultatif,
sa souscription émane d'une volonté libre et spontanée.
Dès lors, la remise est
une véritable libéralité de la part
des créanciers ;'. et
comme elle a pour effet de soustraire

(') V. infrà art. 6oa.


364 TRAITÉ DES FAILLITES

l'associé à l'action de. la solidarité à l'égard de ses cor


débiteurs il est juste que ceux-ci reçoivent en échange
,
la faveur d'une libération partielle.
D'ailleurs, le concordat particulier divise la dette qui
était jusque-là commune à tous les associés. Or cette
,
division, aux termes de l'article 1210 du Code Napoléon,
suffit pour que le créancier doive déduire de la dette so-
lidaire à la charge des débiteurs la part et portion du
,
débiteur déchargé de la solidarité. Dans le cas de l'ar-
ticle 545, la signature du concordat n'opère ni décharge
de la solidarité, ni division de la dette.
Enfin, par le paiement du dividende convenu, l'asso-
cié concordataire est censé avoir payé intégralement sa
part de la dette. Les droits des créanciers sont donc
complètement éteints quant à ce, et ils ne peuvent, alors
même qu'ils prétendraient se les réserver, exercer con-
tre les autres associés aucune répétition. La dette n'existe
plus pour personne.

751. — Les concordats particuliers n'altèrent en


rien les droits des associés sur le fonds social. C'est à
l'être moral que ce fonds appartient ; c'est exclusivement
à sa décharge qu'il doit être consacré. Il faut entendre
par fonds social, les mises que chaque associé a ver-
sées ou dû verser ; les marchandises effets mobiliers,
,
meubles, ustensiles qui font l'objet ou qui servent à l'ex-
ploitation du commerce ; les immeubles, les créances et
valeurs appartenant à la raison sociale; enfin tout ce
,
qui n'est pas la propriété particulière de l'un des as-
sociés.
ART. 531. 365
Cet actif, disons-nous, est destiné à éteindre la dette
commune, et, dans aucun cas, celle de l'un des associés
seulement. Cette affectation particulière ne peut céder à
aucune considération. Or, la dette résultant du concor-
dat consenti en faveur de l'un des associés, lui est toute
personnelle ; dès lors il ne saurait, pour y faire face,
,
prétendre l'imputer sur la part de l'actif qui pourrait
lui revenir. Le consentement des créanciers ne pourrait
lier les coassociés qui s'opposeraient à ce qu'il en fût
ainsi.

C'est sur ses biens personnels dont l'administration


lui est rendue par l'effet du concordat, que l'associé
doit prendre pour payer les obligations qu'il a contrac-
tées.

752. — II. suit de là que si cet associé n'avait pas


,
encore, au moment de la faillite, versé sa mise de fonds,
il devrait le faire, même après avoir obtenu un concor-
dat. La perte de tous droits à l'actif social est la condi-
tion imposée par la loi à la décharge de la solidarité
qu'elle lui confère. Etranger désormais à la société il
,
ne saurait participer en rien aux ressources que celle-ci
peut posséder, et qui sont exclusivement acquises à ses
membres. Or le contraire se réaliserait, s'il pouvait
,
retenir par-devant lui la portion de ces ressources qu'il
détient, et la consacrer à ses besoins personnels. Il ac-
querrait ainsi sa libération aux dépens de ses coasso-
ciés. Cela serait d'autant plus injuste, que ceux-ci déjà
frustrés des avantages qu'ils auraient trouvés dans l'ap-
plication à la dette commune de ses biens personnels,
366 TRAITÉ DES FAILLITES.

verraient encore leur position grevée jusqu'à concur-


rence du montant de la mise qui leur serait ainsi sous-
traite.
Les syndics de l'union devraient donc, dans l'intérêt
des autres faillis, exiger ce versement. Les créanciers ne
pourraient en dispenser l'associé concordataire, qu'en
en appliquant l'intégralité à la décharge des autres as-
sociés.

ARTICLE 532.

Les syndics représentent la masse des créanciers, et

sont chargés de procéder à la liquidation.


Néanmoins, les créanciers pourront leur donner man-
dat pour continuer l'exploitation de l'actif.
La délibération qui leur conférera ce mandat en dé-
terminera la durée et l'étendue, et fixera les sommes
qu'ils pourront garder entre leurs mains à l'effet de
,
pourvoir aux frais et dépenses. Elle ne pourra être prise
qu'en présence du juge-commissaire et à la majorité
,
des trois quarts des créanciers en nombre et en somme.
La voie de l'opposition sera ouverte contre celte dé-
libération au failli et aux créanciers dissidens.
Cette opposition ne sera pas suspensive de l'exécu-
tion.
ART. 532, 533. 367

ARTICLE 533.

Lorsque les opérations des syndics entraîneront des


engagemens qui excéderaient l'actif de l'union, les cré-
anciers qui auront autorisé ces opérations seront seuls
tenus personnellement au delà de leur part dans l'actif,
mais seulement dans les limites du mandat qu'ils au-
ront donné ; ils contribueront au prorata de leurs cré-
ances.

SOMMAIRE.

753. L'union confèreaux créanciers le droit de faire régir l'actif


par leurs mandataires, dont les actes les obligent tous.
754. Exceptions pour les droits hypothécaires qui ne peuvent être
défendus et protégés que par les créanciers personnels
lement.
755. Les hypothécaires ne sont donc pas légalement représentés
parles syndics, dans les instances relatives aux immeu-
bles du failli.'
756. Ils doivent y être appelés, et s'ils ne l'ont pas été, ils peu-
vent attaquer le jugement par tierce opposition.
757. Ils peuvent aussi en émettre directement appel.
758. Il en est autrement pour les jugemens et actions qui ont
pour objet l'actif mobilier.
759. L'union étant une communauté accidentelle d'intérêts, la
mission des syndics est de la faire cesser le plus tôt pos-
sible.
760. Autorisation donnée par la loi de 1838 de confier aux syn-
,
dics la continuation du commerce. — Innovation au
Code de commerce.
368 TRAITÉ DES FAILLITES*

761. Critique de cette disposition.


762. La délibération doit préciser l'étendue et la durée du mandat.
763. Elle doit réunir les trois quarts des suffrages des créanciers
en nombre et en sommes.
764. Fixer la somme que les syndics garderont en mains pour
faire face aux dépenses et aux frais.
765. Elle doit être prise en présence du juge-commissaire, et si-
gnée par ceux qui l'ont votée.
766. Les créanciers hypothécaires, privilégiés ou nantis de gages,
ne peuvent compter pour déterminer la majorité.
767. Elle peut être attaquée par opposition. — Forme de celle-ci.
— Autorité qui doit en connaître. — Délai.
768. Le droit de former opposition appartient aux créanciers dis-
sidents et au failli. — Conséquences pour celui-ci.
769. L'opposition ne suspend pas l'exécution.
770. Effets de la gestion des syndics pour les créanciers et le failli,
en cas de bénéfices.
.
771. En cas de pertes, elles ne sont supportées par les créanciers
dissidents que jusqu'à concurrence de l'actif. — Dans
.
quelles proportions ?
772. Les créanciers qui ont autorisé l'exploitation répondent au
marc le franc de leurs créances , des engagemens excé-
dant l'actif.
773. Les créanciers privilégiés ou hypothécaires qui auraient si-
gné la délibération, sont soumis à la même obligation.
774. Toutefois, les uns et les autres ne seraient pas tenus, si ces
engagemens excédaient les limites du pouvoir des syn-
dics.

755. — L'union établit, entre tous les créanciers


d'une faillite une communauté d'intérêts qui doit être
,
régie en leur nom par des mandataires. Ces mandatai-
res sont les syndics nommés en vertu de l'article 529.
L'actif de cette communaiité se compose de tous les
' ART. 532, 533. 3G9
meubles et immeubles du failli. Les syndics de l'union
l'administrent au même titre que les syndics provisoires
ou définitifs ; ils continuent d'exercer toutes les actions
actives et passives ; leurs actes lient la masse, et obligent
tous les créanciers, sauf le cas prévu par l'article 533.

754. — Il convient cependant de rappeler que les


créanciers hypothécaires ne sont représentés légalement
par les syndics de l'union, que lorsqu'ils ont un inté-
rêt commun avec les chirographaires. Dans le cas con-
traire, et lorsqu'il s'agit, par exemple, de la disposition
des droits inhérents à leur qualité, la faculté de les pro-
téger et de les défendre leur appartient exclusivement.
Ainsi, la rédaction d'un cahier des charges pour l'adju-
dication des immeubles du failli, faite par les syndics,
ne saurait leur être opposée ; et ceux d'entre eux qui
pourraient prétendre à exciper du pacte commissoire, ne
seraient nullement liés par la renonciation au droit de
l'exercer contenue dans ce cahier des charges ('). Une
clause semblable, susceptible de rendre la vente plus fa-
cile et ses résultats plus avantageux, servirait les intérêts
de la masse, mais au détriment du créancier de ce droit.
Il est donc impossible que les syndics aient pu, en mê-
me temps, représenter ce double et contradictoire in-
térêt.
Vainement exciperait-on de ce que les créanciers hy-
pothécaires ont concouru à la délibération sur le main-
tien ou le remplacement des syndics et qu'ainsi ils ont
;

(') Rouen, 27 janvier I8I5; Sirey-, I8I5, 2, i4o.


II M
370 TRAITS DES FAILLITES
donné à ceux-ci le mandat de les représenter. Cela est
vrai pour les droits purement mobiliers, et même pour
l'administration des immeubles; car les syndics seuls
peuvent faire valoir les uns et être chargés de l'autre.
,
Mais il n'en est pas ainsi des droits hypothécaires. Ces
droits restent constamment en dehors de la faillite ; leur
exercice se concentre dans la personne et sur la têle de
leurs propriétaires qui ont exclusivement la capacité de
s'y livrer dans la distribution du prix des immeubles,
et de prendre, en attendant, toutes mesures conserva-
toires. Les syndics n'ont donc pas à s'en occuper; et,
s'ils ne sont pas préposés à leur administration ils
,
n'ont, à plus forte raison, aucune qualité pour consentir
les actes qui en intéressent la disposition, et conséquem-
ment pour défendre aux attaques qui seraient dirigées
contre leur existence.
On doit surtout le décider ainsi, dans les cas où l'in-
térêt des hypothécaires est en contradiction avec celui
de la masse. Supposez en effet, que le vendeur d'un
,
immeuble non payé poursuive la résolution de la venle
par lui consentie au failli. Les chirographaires peuvent
trouver quelque avantage dans la réussite de cette ac-
tion. Elle aura, en effet, pour résultat défaire disparaî-
tre plusieurs créanciers privilégiés, et d'augmenter l'actif
mobilier de toutes les sommes que le demandeur en ré-
solution aura touchées, et qu'il sera tenu de restituer.
De plus, c'est dans cet actif que tombera le prix des
améliorations faites par le failli, et qui, sans cette cir-
constance, aurait été dévolu aux créanciers hypothécai-
res. Comment, dans cette circonstance, les syndics con-
ART. 532, 533. 371
eilieront-ils ce qu'exige la position de ces derniers, et
l'intérêt contraire de la masse ? Comment pourront-ils
défendre le droit de l'une et des autres? Ne devront-ils
pas nécessairement sacrifier l'un d'eux ? Or, on évite ce
résultat, qui serait déplorable, en reconnaissant aux
hypothécaires le pouvoir exclusif de se défendre eux-
mêmes, toutes les fois que les actions intentées sont de
nature à influer sur les garanties inhérentes à leurs cré-
ances.

755. — C'est dans ce sens que s'est, dans tous les


temps, prononcée la jurisprudence. Ainsi, il a été jugé :
que les créanciers hypothécaires ne sont pas légalement
représentés par les syndics, dans une instance relative
à la propriété de l'immeuble hypothéqué, et dont l'issue
pourrait diminuer et anéantir les droits hypothécai-
res (') : ou lorsque l'instance a pour objet, et pourrait
avoir pour résultat de diminuer la valeur de l'immeuble
hypothéqué (').

756. — Il résulte de là que, dans les instances de


celte nature, le poursuivant doit non-seulement intenter
l'action contre les syndics, mais encore appeler en cause
les créanciers hypothécaires. Que s'il s'est contenté d'a-
journer les syndics ces derniers pourront intervenir
,
dans le procès, et prendre en mains la défense de leurs
intérêts.
Il en résulte encore que si cette intervention n'a pas

(') Paris, IO juillet i855 ; D. P., 33, 2, î4-


(') Cass., TJ. janvier I833 : D. P., 53, i, I5I.
372 TRAITÉ DES FAILLITES.

été réalisée le jugement n'aura contre eux aucun effet


,
valable ; et qu'ils pourront le frapper de tierce opposi-
tion, lorsqu'on prétendra le leur opposer.

757. — Mais pourront-ils, sans recourir à cette op-


position, l'attaquer directement par appel ? La négative
semblerait s'induire de ce que n'ayant pas été légale-
ment représentés, il n'y a pas à leur égard de véritable
jugement. Mais remarquons d'abord que le créancier
,
hypothécaire est seul apte à exciper du défaut de repré-
sentation, et que si, au lieu deJe faire valoir, il accep-
tait l'autorité de la décision intervenue en son absence,
il serait étrange que celui qui profite de cette accepta-
tion, pût en faire résulter une fin de non recevoir con-
tre l'appel.
En second lieu la tierce opposition est toute dans
,
l'intérêt de l'opposant, et pour lui assurer le bénéfice
des deux degrés de juridiction. 11 peut donc renoncer à
un droit créé à son profit exclusif, s'il le juge convena-
ble. Son adversaire ne pourrait avoir la prétention de
l'en empêcher, avec d'autant plus de raison, qu'il serait
"sans intérêt à le faire puisque par rapport à lui, la
, ,
demande aurait réellement subi les deux degrés. En
conséquence, la fin de non recevoir qu'il élèverait con-
tre, l'appel, devrait être repoussée comme mal fondée.
C'est dans ce sens que divers arrêts ont prononcé •(').

758. '— Ainsi, pour tout ce qui, de près ou de

(') Bordeaux, 7 décembre 1829 ; Lyon, 21 de'cembre i83i ;


D.™>

29, 2, 117 ; 01,2, io5.


ART. 532, 533. 373
loin, peut intéresser les droits hypothécaires, ou les im-
meubles hypothéqués les syndics sont sans pouvoirs
,
pour engager ceux qu'ils concernent, et auxquels la fail-
lite du débiteur n'en enlève jamais la libre et exclusive
disposition. Mais, pour les actions personnelles et mobi-
lières il n'y a aucune distinction à faire entre les cré-
,
anciers. Tous sont irrévocablement liés par les actes des
syndics qui les représentent légalement. Aucun d'eux ne
serait dès lors admis à intervenir dans une instance pen-
dante, ou former tierce opposition au jugement, et à en
émettre appel.

759. — Quelle est la nature des pouvoirs conférés


aux syndics? l'ourles déterminer avec précision,il con-
vient de bien se fixer sur le caractère de l'administra-
tion qui leur est confiée. L'union n'est pas une société
entre les créanciers. Elle constitue seulement une com-
munauté d'intérêts résultant de l'indivision des biens,
créée par la loi, et qui n'existe que le temps nécessaire
pour arriver au partage de ces mêmes biens entre tous
les ayants droit.

La principale mission, l'unique, devrions-nous dire,


que les syndics soient censés avoir reçue, est donc celle
de hâter ce partage à l'effet de faire cesser le plus
,
promptement possible cette indivision accidentelle qui
,
unit forcément les créanciers. Les syndics devraient donc
se borner à liquider le commerce, et non le continuer,
à moins cependant
que les communistes en aient autre-
ment décidé. Mais, dans ce cas, les syndics agissent non
plus en force de la disposition de la loi, mais en vertu
374 TRAITÉ 'DES FAILLÎTES.

du mandat formel qu'ils reçoivent des intéressés, man-


dat que le législateur autorise et réglemente quoiqu'il
,
ne le crée point.
760. — Au reste, celte autorisation est déjà assez
remarquable. Elle serait naturelle si elle ne s'appli-
,
quait qu'au voeu unanime des créanciers. Il doit, en
effet, leur être loisible, comme à tous les autres citoyens,
d'investir leurs mandataires de pouvoirs aussi étendus
qu'ils le jugent convenable. Mais cette unanimité n'est
pas même requise. C'est la majorité qui décide de l'é-
tendue du mandat, et qui peut ainsi imposer à la mi-
norité une concession allant jusqu'à la disposition en-
tière de la propriété commune. Cette dérogation aux
principes qui régissent le mandat, déjà atteints parla
nomination des mandataires, qui est confiée au tribu-
nal rend beaucoup plus grave l'innovation créée par
,
l'article 532.
Le Code de commerce gardait, en effet, le silence sur
l'exploitation de l'actif par les créanciers. En l'absence
de toute disposition à ce sujet, on ne s'était nullement
préoccupé de la question de savoir si on pouvait ou non
autoriser les syndics à la continuer. On laissait donc à
leur mission son véritable caractère qui était et qui est
encore, nous venons de le dire, de liquider pour mettre
un terme à l'indivision.
Il est vrai qu'à cette époque, l'union était un contrat
auquel il n'était pas rare de voir plusieurs créanciers
refuser de prendre part. Assez de difficultés s'étaient éle-
vées sur la portée de cette faculté ; on était assez embar-
ART. 532, 533. 375
rassé de déterminer la position de ceux qui en avaient
usé, pour qu'on-pût songer à compliquer encore cet état
de choses par la prétention de faire exploiter pour leur
compte l'actif de la faillite. Cette prétention n'avait donc
jamais été émise ; dans tous les cas, elle eût été inévi-
tablement condamnée, car elle n'aurait eu aucun point
d'appui dans la législation.
La faculté de continuer l'exploitation du commerce
est donc un droit créé par la loi de 4838. Or, il ne s'a-
git plus à l'époque actuelle, comme au début de la fail-
lite, d'une exploitation provisoire et bornée. L'autorisa-
<»tion que la majorité peut consentir ne reconnaît d'autres
bornes que sa propre volonté. C'est elle seule qui déter-
mine la durée et l'étendue du mandat. Elle peut donc
décider qu'il sera exercé pendant tel nombre d'années
qu'elle jugera convenable, et donner aux syndics la mis-
sion d'acheter, de vendre, de fabriquer ; en un mot, de
faire le commerce comme le faisait le failli lui-même.

761. — Ce droit nous paraît exorbitant. Il répugne


à ce principe incontestable, que le mandat ne peut exis-
ter s'il n'est volontairement consenti par celui qui le
confère. Or dans l'espèce la minorité est obligée de
, ,
subir la loi qu'il plaira à la majorité de lui imposer ;
elle sera liée par un mandat qu'elle refuse et obligée
,
de supporter les conséquences d'une administration
qu'elle ne veut pas autoriser. Que deviennent les droits
sacrés de propriété, si l'on condamne ainsi à braver les
chances du commerce, celui qui ne veut pas y consen-
tir ; soit qu'effrayé de la catastrophe de son débiteur, il
376 TRAITÉ DES FAILLITES.

craigne de voir disparaître dans le même abîme les dé-


bris échappés au naufrage; soit qu'ayant besoin du di-
vidende qu'il percevrait dans le partage, quelque modi-
que qu'il fût, il ne puisse , sans péril pour ses propres
affaires attendre plusieurs années encore ; soit, enfin,
,
qu'étranger au commerce, il préfère donner à ce qui lui
reste une autre direction.
Déjà la loi avait, pour la nomination des syndics,
dérogé aux principes ordinaires en n'accordant aux cré-
anciers que voix consultative. Fallait—il après avoir im-
posé les mandataires, imposer encore le mandat? Nous
le pensons d'autant moins qu'en laissant le sort de l'actif
au vote de la majorité , on s'expose à porter un grave
préjudice à celle classe de créanciers que l'orateur du
tribunat nous signalait tout à l'heure comme la plus in-
téressante (') ; à ces petits capitalistes, employés, jour-
naliers domestiques qui, ayant placé leurs économies
,
sur le failli, n'ont pas d'autres ressources que le divi-
dende qui leur revient, sans qu'ils puissent espérer se
refaire de leurs pertes par les opérations que d'autres
pourront plus tard réaliser avec les syndics autorisés à
continuer le commerce.
Vainement voudrait-on exciper de ce que dans les
,
réunions d'intéressés, la majorité doit toujours faire la
loi. Cela peut être vrai dans les associations ordinaires,
parce qu'en y accédant, chaque membre s'est volontai-
rement soumis à l'application de cette règle. Mais, l'u-
nion qui naît de la faillite est, pour tous les créanciers,

(') V. suprà ri° 5îS.


ART. 532, 533. 377
accidentelle et forcée. Il y a autant d'intérêts particuliers
qu'il y a de membres, et leur volonté est restée étran-
gère aux circonstances qui l'ont déterminée. Par consé-
quent, les principes qui régissent les sociétés volontaires
sont ici sans application possible.
Que, dans les débuts de la faillite le juge-commis-
,
saire autorise l'exploitation provisoire du commerce, on
le comprend l'orsqu'on s'arrête aux motifs de cette
,
prescription (') ; lorsqu'on sait qu'elle ne doit recevoir
son exécution que dans le cas où cette exploitation ne
pourrait être interrompue sans préjudice pour les
créanciers. Mais, après l'union, cette crainte n'est plus
à concevoir. Les syndics ont eu le temps de parer à ce
qu'elle exigeait, et l'exploitation ne répond plus à au-
cune nécessité. •

On devait donc revenir aux principes ordinaires et


,
ne l'autoriser qu'en tant que l'unanimité des créanciers
se serait prononcée pour sa continuation.
Quoi qu'il en soit, la loi ayant consacré l'opinion
contraire, il nous reste à examiner les conditions qu'elle
exige pour que les syndics puissent valablement exploi-
ter le commerce, et les effets que leur exploitation pro-
duit pour les créanciers.

762. — Nous venons de voir que les syndics ne


sont plus quant à ce des mandataires légaux ; qu'ils
, ,
n'agissent et ne peuvent agir qu'en vertu du pouvoir
que leur confèrent les créanciers. Il résulte de là que,

(') V. suprà arl. 4t>9,47<>'


378 TRAITÉ DES FAILLITES.

vis-à-vis de ceux-ci, comme vis-à-vis des tiers avec les-


quels ils contractent, ils sont soumis aux obligations et
aux règles ordinaires du mandat. Or, il est certain que
le mandant n'est régulièrement obligé que par les acles
qui ne dépassent pas les limites du pouvoir qu'il a con-
senti. On doit donc dans la délibération qui autorise
,
l'exploitation de l'actif, soigneusement déterminer, fixer
sans ambiguïté et sans équivoque l'étendue et la durée
de la mission des syndics. Cela importe aux créanciers
quant à leur responsabilité ; aux tiers pour la sécurité
des transactions qu'ils seront appelés à faire avec les
syndics.
763. — La délibération ne peut être prise qu'à la
majorité des trois quarts des créanciers en nombre et en
sommes. Celte majorité est plus forte que celle exigée
pour le concordat lui-même. Mais on remarquera que
la décision peut avoir pour les créanciers des consé-
quences plus graves , plus fâcheuses que celle du con-
cordat. Celui-ci, en effet, n'impose jamais qu'une re-
mise plus ou moins forte, tandis que l'autre peut avoir
pour résultat la perte de la créance entière, selon que la
gestion des syndics aura été malheureuse.
D'ailleurs, en exigeant une majorité aussi considéra-
ble le législateur a en quelque sorte subi l'influence
, , ,
des principes que nous rappelions tout-à-l'heure; il
s'est ainsi efforcé d'atténuer la dérogation qu'il y appor-
tait, en se rapprochant le plus possible de l'unanimité à
laquelle il renonçait.
761. — Nous avons dit que l'article 489 oblige les
ART. 532, 533. 379
syndics de l'union comme les syndics provisoires et
,
définitifs, à verser le montant des recouvremens à la
caisse des dépôts et consignations. Les uns et les autres
ne peuvent retenir par devers eux, que les sommes que
le juge-commissaire arbitrera être nécessaires pour fa-
ciliter leur gestion. Mais ce principe reçoit forcément
une exception, dans l'hypothèse qui nous occupe. Il est
certain, en effet, que son application littérale serait in-
compatible avec l'exercice du commerce permis aux syn-
dics. La fixation des sommes qu'ils devront garder en
mains ne peut, dans ce cas avoir d'autres bases que
,
l'étendue de leur mission et les besoins présumés de
l'exploitation. C'était donc à ceux qui déterminent cette
étendue à apprécier ces derniers. Aussi, et par déroga-
tion à la règle ordinaire la loi a-t-elle chargé les cré-
,
anciers de fixer la somme, jusqu'à concurrence de la-
quelle les syndics seront dispensés de l'obligation de ver-
ser à la caisse des consignations.
Cette partie de la délibération importe à la régularité
de la gestion des syndics. L'omission d'y statuer les lais-
serait sous le coup de la disposition de l'article 489. Ils
doivent donc ne rien omettre, pour attirer sur ce point
l'attention des créanciers.

765. — Enfin, la délibération doit être prise sous


la présidence et en présence du juge-commissaire. Il
résulte de la combinaison des articles 532 et 533 que
le vote doit ê!re ostensiblement donné
par chaque cré-
ancier et le procès-verbal signé par tous ceux qui ont
,
été d'avis d'autoriser. Sans cette double formalité, l'exé-
380 TRAITÉ DES FAILLITES.

eu lion de l'article 533 serait difficile, pour ne pas dire


impossible.

766. — Les créanciers hypothécaires, privilégiés ou


nantis de gage doivent-ils concourir à former la majo-
rité en nombre et en sommes voulues par la loi ? La ré-
ponse devrait être affirmative , si l'on ne consulte que
l'article 529. En effet, le texte les admet nommément à
la délibération et aucun des articles suivants ne leur
,
fait un devoir de s'abstenir dans telle ou telle circons-
tance.
Mais, la solution doit être différente en se rapportant
à l'esprit de la loi. L'on trouve entre les conséquences
de la continuation du commerce et celles du concordat
une telle identité d'effets, qu'il serait illogique de ne pas
exiger dans le vole de l'une les règles que la loi a tra-
cées pour celui de l'autre. Si les créanciers hypothécai-
res ou privilégiés sont exclus de la délibération sur le
concordat, c'est qu'ils demeurent, dans tous les cas, af-
franchis de la remise qui y est stipulée. Or, si la conti-
nuation du commerce a pour résultat une perte quel-
conque , celte perte leur restera également étrangère,
l'intégralité de leur créance leur étant assurée par l'effet
de leur hypothèque ou privilège.
Conséquemment, leur concours à celle-ci serait dans
le cas d'imposer aux autres créanciers un sacrifice au-
quel ils ne prendaient aucune part, et celte éventualité
suffit pour leur faire refuser toute coopération au con-
cordat ; elle doit suffire pour les écarter d'un acte qui,
ART. 532, 533. 384
ainsi que nous le disions, peut être plus désastreux en-
core que le concordat lui-même.
Nous pensons donc que la majorité des trois quarts
en nombre et en sommes doit être uniquement calculée
sur la masse chirographaire, et que si ce chiffre n'était
atteint qu'à l'aide des créanciers hypothécaires ou pri-
vilégiés, la délibération serait dans le cas d'être annulée
sur la demande des parties intéressées.
767. — En effet, la loi déclare la délibération sus-
ceptible d'opposition. La connaissance de celle-ci est
déférée au tribunal de commerce en premier ressort.
Elle constitue donc une instance ordinaire qui doit être
introduite par ajournement contre les syndics. Le juge-
ment à intervenir pourra toujours être attaqué par
appel.
Devant l'un et l'autre degré, l'opportunité de la me-
sure pourra être examinée et contestée indépendam-
,
ment des vices de forme qui pourraient être relevés.
-
Le législateur ne dit rien du délai dans lequel l'op-
position devra être formée. Il faut conclure de ce silence
qu'elle peut l'être à toutes les époques et malgré que
,
la délibération ait déjà été exécutée. On peut, en effet,
conjecturer qu'il est dans l'intention de la loi de per-
mettre de révoquer une mesure qui mériterait d'autant
plus de l'être, que l'expérience acquise en aurait cons-
taté les dangers pour les créanciers.

768. — Le droit de former opposition appartient :


1° Achaque créancier opposant. L'intérêt qu'ils ont
à empêcher l'exécution du projet consacré par la majo
-
382- TRAITÉ DES FAILLITES.

rite est évident. Cet intérêt motive suffisamment l'action


qui leur est ouverte.
2° Au failli. La réserve que la loi fait en sa faveur
est remarquable. Elle tranche une difficulté qui aurait
pu s'élever sur les conséquences de l'exploitation du com-
merce.
On aurait pu en effet, soutenir en son nom que,
,
quel que soit le résultat, il doit être libéré jusqu'à con-
currence de l'actif par lui délaissé au moment de la
faillite, et dont la valeur a été fixée par l'inventaire. La
continuation de l'exploitation aurait-on pu ajouter,
,
étant le fait personnel des créanciers, doit s'accomplir à
leurs risques et périls sans que le débiteur puisse ja-
,
mais voir sa position s'aggraver par un acte qui lui est
resté étranger.
Quelque rationnel que pût paraître ce système ce
,
n'est pas celui que la loi a adopté. Toutes les fois que
le commerce sera continué, les bénéfices de l'exploita-
tion profiteront au failli qui sera libéré d'autant, et les
pertes resteront à sa charge en ce sens qu'il ne sera
,
censé avoir payé que ce que les créanciers auront réel-
lement touché. La preuve de cette intention de la loi
nous est fournie par le droit d'opposition que l'article
522 lui confère expressément.
Il est évident, en effet, que si le failli était déchargé
jusqu'à concurrence de l'actif, il ne pourrait, dans au-
cun cas, exiger davantage ; peu lui importerait la desti-
nation ultérieure que celui-ci recevrait. Maîtres d'en
disposer à leur volonté, les créanciers n'auraient nulle-
ment à s'enquérir de ses intentions. Il n'aurait lui-mè-
ART. 532, 533. 383
me aucun intérêt à s'immiscer dans la manière dont il
leur plairait d'en régler l'administration.
Celte absence d'intérêt excluait toute action. Mais la
réserve de celle-ci indique bien que le législateur n'ad-
met point l'existence de la première. Or, quel peut être
l'intérêt du failli dans celte circonstance à empêcher,
, ,
que l'actif soit de nouveau exposé aux chances du com-
merce, si ce n'est celui de diminuer sa dette, en obte-
nant que l'intégralité de ses ressources soient distribuées
à ses créanciers ? C'est donc uniquement parce que ce
résultat ne sera pas atteint, si l'exploitation ne réussit
point, que le droit de s'opposer à ce qu'elle soit conti-
nuée lui a été accordé.
Ainsi donc, l'avenir du failli restera grevé des pertes
que l'administration des syndics présentera. Sa réhabi-
litation ne pourra se réaliser qu'après en avoir tenu
compte aux créanciers, en capital, intérêts et frais, tout
comme il profitera des bénéfices qui en seront résultés.
Le failli est donc nécessairement partie dans la déli-
bération qui permet l'exploitation. Si sa voix n'est point
comptée pour en établir l'opportunité, il a la faculté de
faire rétracter le vote affirmatif des créanciers. S'il s'abs-
tient d'en faire usage il adhère à leur opinion ; il est
,
censé avoir autorisé lui-même la continuation du com-
merce. Conséquemment, il n'y a rien d'injuste à lui
faire subir, à son tour, les chances qu'elle aura déter-
minées.

769. — De quelque part qu'elle vienne, à quelque


époque qu'elle se réalise l'opposition ne suspend pas
,
384 TRAITÉ DES FAILLITES.

l'exécution de la délibération. Cette prescription n'est


qu'une conséquence forcée de sa recevabilité absolue, et
du défaut de détermination d'un délai quelconque à la
déchéance du droit. Il pourrait, en effet, arriver qu'au
moment où elle sera formée, l'exploitation fût en pleine
activité, et qu'une suspension de quelques jours seule-
ment amenât, pour les créanciers, un préjudice irrépa-
rable.
770. — Si l'exploitation réussit et produit des bé-
néfices chaque créancier concourt au prorata de sa
,
créance dans les répartitions qui en seront ordonnan-
cées. Il n'y a nulle différence entre ceux qui ont autorisé
l'exploitation et ceux qui ont refusé d'y consentir. Tous
ont des droits égaux même ceux qui ayant formé op-
,
position à la délibération en ont été déboutés par la jus-
tice. Si ces bénéfices étaient plus que suffisants pour
que tous les créanciers pussent être payés, l'excédant,
après le solde de ce qui leur est dû, en capital, intérêts
et frais, serait acquis au failli.

771. — Si la gestion des syndics a été malheureuse,


les effets en sont supportés par les créanciers dans des
proportions différentes, selon que les engagemens n'ex-
cèdent pas ou excèdent l'actif de l'union.
Dans le premier cas, les dettes étant éteintes au moyen
de l'actif lui-même chaque créancier contribue réelle-
,
ment pour sa part et portion. La privation du dividende
afférent à chaque créance les soumet toutes à une con-
tribution égale.
Dans le second cas, les obligations changent. Les cré-
ART. 532, 533. 383
anciersqui ont volé contre la continuation du commerce
ne sont jamais tenus au delà de leur part dans l'actif.
Ils ne retirent rien, mais ils n'ont jamais rien à payer.

772. — Ceux , au contraire , qui ont autorisé celte


continuation sont obligés de solder tout ce qui sera dû
indépendamment de l'actif. Ainsi, non-seulement ils ne
retirent rien, mais ils sont en outre tenus de parfaire de
leurs propres fonds aux charges contractées par les syn-
dics.
Toutefois celte obligation n'est pas solidaire entre
,
eux. Chacun ne doit que sa part et portion. On calcule
celle-ci sur le chiffre de leur créance et c'est au pro-
,
rata que la contribution s'opère.
On voit par là combien il est indispensable que la
délibération soit signée par ceux qui l'ont autorisée.
Bientôt personne ne voudrait l'avoir approuvée ; ce qui
ferait surgir de graves difficultés pour les tiers qui au-
raient une somme quelconque à répéter.

773. — Nous avons dit plus haut que les créanciers


hypothécaires, privilégiés ou nantis de gages restent en
dehors de la délibération à laquelle ils ne peuvent con-
courir. Si quelqu'un ou plusieurs d'entre eux l'avaient
cependant signée la disposition de l'article 533 leur
,
deviendrait commune. Ils seraient, en conséquence,
soumis à contribuer au paiement des engagemens excé-
dant l'actif en proportion du montant de leur créance.
Les tiers qui ont traité avec les syndics n'ignorant pas
,
les prescriptions de l'article 533 ont nécessairement
,
II 25
386 TRAITE DES FAILLITES.

consulté la délibération, et mesuré leur confiance sur le


nombre et l'importance des signatures. Ce serait les
tromper que d'en affranchir quelques-unes de l'obliga-
tion commune à toutes alors même que ceux qui les
,
auraient données eussent pu légalement se dispenser de
le faire.

774. — Le droit des tiers est donc ouvert par le fait


seul de la souscription. Il est cependant une condition
sans laquelle ce droit ne saurait sortir à effet : c'est que
les engagemens des syndics aient été pris dans les limi-
tes de leur mandat. Ceux qui excéderaient, resteraient
à la charge exclusive des syndics ou des tiers, selon les
règles tracées par l'article 4997 du Code Napoléon.
On ne pourrait taxer cette prescription d'injustice :
les tiers les syndics sont en faute les uns pour avoir
, ,
outre-passé leur mission, les autres pour avoir accepté
de pareils engagemens, s'ils en ont connu la nature ; et,
dans le cas contraire, pour ne pas avoir exigé la repré-
sentation de l'acte de procuration, à l'effet de s'assurer
de l'aptitude de ceux avec lesquels ils ont traité. Négli-
gence, imprudence ou légèreté, peu importe. Les cré-
anciers ne peuvent répondre que des actes qu'ils ont au-
torisés. On ne leur fait donc pas une faveur en les pla-
çant, dans celte circonstance, sous l'égide des principes
ordinaires en matière de mandats (').

(') Art. 1998 du Code civil.


ART. 53 i, 533. 387

ARTICLE 534.

Les syndics sont chargés de poursuivre la vente des


immeubles marchandises et effels mobliliers du failli,
,
et la liquidation de ses dettes actives et passives ; le tout

sous la surveillance du juge-commissaire , et sans qu'il


soit besoin d'appeler le failli.

ARTICLE 535.

Les syndics pourront en se conformant aux règles


,
prescrites par l'article 487, transiger sur toute espèce
de droits appartenant au failli, nonobstant toute oppo-
sition de sa part.

SOMMAIRE.

775. L'union laissant subsister l'état de faillite la mission du


,
juge-commissaire continue jusqu'à la liquidation.
776. Le dessaisissement qui résulte de l'union ne confère aux
créanciers que le droit de vendre les meubles et les im-
meubles.
776 ^s. Les syndics de l'union peuvent-ils aliéner les rentes sur
l'Etat, malgré l'opposition du failli?
776 'er. Caractères de la soustraction des titres. Responsa-

bilité de l'agent de change.
777. La vente des premiers a lieu dans les formes établies par
l'article 486 ; mais il n'est plus nécessaire de la faire au-
toriser, ni d'appeler le failli.
388 TRAITÉ DES FAILLITES

778. Si l'exploitation du commerce a été autorisée, la vente ne


comprend que les meubles meublants, argenterie, elc,
sauf ceux délivrés au failli.
779. La disposition de l'article 592 du Code de procédure civile
est inapplicable aux faillites. — Les droits du failli sont
exclusivement réglés par l'article 469 du Code de com-
merce.
780. Le failli qui, avant l'union n'aurait pas obtenu la remise
,
autorisée par cet article, peut la réclamer après.
781. Les syndics de l'union ont mission de liquider les créances
actives et passives.
782. Dettes qu'ils peuvent payer avant les répartitions générales.
783. La faculté de transiger leur appartient comme aux syndics
provisoires et définitifs.
784. Il n'y a cependant plus de distinction entre les droits mobi-
liers et immobiliers. — Les syndics de l'union peuvent
transiger sur les uns et sur les autres, malgré l'opposi-
tion du failli.
785. Mais celui-ci doit être appelé à la transaction et à l'homolo-
gation, si celle-ci est nécessaire.
786. L'omission de cette formalité entraîne nullité. — Le failli
seul peut la faire valoir.
787. Si, absent de la transaction mais appelé à l'homologation,
,
le failli n'a pas relevé cette nullité, il est déchu du droit
de le faire plus tard.
788. Les syndics de l'union ne peuvent transiger avec le ban-
queroutier frauduleux, ni avec le failli ordinaire.
789. Caractère de la transaction qui serait consentie par les cré-
anciers.

775. — L'union ne fait point cesser l'état de faillite


tant à l'égard du failli qu'à l'égard des créanciers et des
syndics. La mission de surveillance conférée au juge-
commissaire s'exerce donc sur l'administration des re-
ART. 534, 535. 389
présentants de l'union, de la même manière,et avec des
effets identiques, que pour celle des syndics provisoires
et définitifs.

776. — Par le fait seul de l'union , le failli est dé-


finitivement dessaisi de ses biens. Toutefois leur pro-
,
priété n'est pas transférée sur la tête des créanciers. Ils
n'ont que la faculté de les vendre avec ou sans le con-
cours du failli.
Cette faculté d'aliéner s'applique aux meubles, com-
me aux immeubles. Le chapitre ix que nous aurons à
,
analyser plus tard règle ce qui concerne ces derniers.
,
Quant aux meubles, marchandises et effets mobiliers,
il est évident qu'après le refus d'un concordat, les motifs
qui en ont fait jusque-là suspendre la vente n'existent
plus. Il n'y a plus ni espoir ni possibilité que le failli
en reprenne l'administration et la jouissance. Il serait
donc inutile d'en relarder plus longtemps la vente et
,
d'éloigner ainsi l'époque qui doit en voir le prix dis-
tribué aux créanciers.

776 bis. — Les rentes sur l'Etat sont-elles comprises


dans les effets à vendre par les syndics, et peuvent-elles
être transférées malgré l'opposition formelle du failli ?
L'importance de cette question se fait facilement sentir.
L'actif du failli peut consister en tout ou en partie plus
ou moins considérable, en inscriptions de rentes. En ré-
alité donc il s'agit de savoir si les créanciers victimes
,
d'une faillite se verront contraints de laisser leur débi-
teur à la tête de la fortune qu'il se sera frauduleusement
ménagée, et qu'il aura acquise de leurs dépouilles.
390 TRAITÉ DES FAILLÎTES.

L'immoralité d'un pareil résultat semble être un obs-


tacle invincible à sa consécration. Comment imaginer,
en effet, que le législateur se soit prêté à une pareille
iniquité, et l'ait encouragée en la couvrant de son au-
torité.
C'est cependant ce que de graves jurisconsultes n'ont
pas hésité à admettre ; c'est ce que l'honorable M.Mollot
enseignait naguères formellement (').
L'unique fondement de celte doctrine repose sur l'in-
saisissabilité des rentes sur l'Etat, sur la législation spé-
ciale qui les régit. Mais appliquer ce principe même
,
au cas de faillite, est-ce l'apprécier sainement, et don-
ner à la législation exceptionnelle qui le consacre , une
juste, une exacte interprétation? C'est ce qu'il faut re-
chercher.
L'insaisissabilité des rentes sur l'Etat a pour fonde-
ment, non une faveur pour leur propriétaire, mais l'ir>
térêt de l'Etat exclusivement. La loi du 24 août, qui
institue le grand-livre déclarait les rentes saisissables,
,
et réglait la forme de la saisie-opposition. Celte dispo-
sition excita de vives et nombreuses réclamations. On la
signalait comme un obstacle au but que le législateur
s'était proposé. L'Etat, disait-on, était intéressé à don-
ner aux inscriptions la valeur et l'effet du numéraire
circulant ; dès lors, les inconvéniens des oppositions qui
entravent leur circulation nuisent essentiellement au
,
crédit public; la difficulté pour les porteurs de négocier
leurs titres, qu'ils sont souvent obligés de vendre à vil

(') Qazelfç <les {rîbunauiç, n" io35{, du 7 jtiiit iSÊa,


ART. 534, 335. •
391
prix, éloigne les capitalistes et devient un invincible obs-
tacle au développement de l'institution.
Ces plaintes étaient graves et sérieuses. La menace
d'une opposition dont pouvait être frappé le titre offert
à la négociation et qui pouvait se réaliser depuis la
,
vente et avant le transfert, devait décourager et retenir
les acheteurs, et, par conséquent, nuire au but d'utilité
publique qu'on voulait atteindre.
Aussi devaient-elles faire,et firent-elles impression.La
loi de l'an VI prohiba toute opposition au paiement des
rentes. Les créanciers, disait le rapporteur, prévenus et
instruits qu'ils n'auront point à compter sur cette res-
source pour la sûreté et le paiement de leurs créances,
régleront à l'avenir leurs transactions en conséquence,
et se ménageront d'autres sûretés moins sujettes à trom-
per leur attente.
Ce motif de justification de la prohibition est remar-
quable. Les précautions qu'il indique aux créanciers
peuvent facilement être observées en matière ordinaire.
Rien n'empêche le prêteur tout, au contraire lui fait
, ,
un devoir, avant de livrer son argent, de vérifier la sol-
vabilité de l'emprunteur d'exiger une hypothèque, un
,
gage , ou toute autre garantie de nature à assurer son
remboursement.
Est-ce que tout cela est possible en commerce ? Exi-
ger, du banquier avançant des fonds à un négociant, du
manufacturier ou du marchand en gros livrant ses mar-
chandises, de se faire justifier de la solvabilité du pre-
neur ou de l'acheteur ; vouloir qu'il se fasse préalable-
ment donner une hypothèque ou un gage, serait-ce au-
392 TRAITÉ DES FAILLITES.

tre chose que tuer le crédit et anéantir tout commerce


au grand détriment de l'intérêt public lui-même.
Mais, s'il en est ainsi, quel reproche pourrait-on
adresser à celui qui n'a d'autre tort que celui d'avoir
subi les nécessités de sa position ; où serait la justice,
si ces nécessités devaient fatalement devenir pour lui,
,
une cause de ruine? A-t-on pu croire, a-t-on cru que ce
serait là le moyen d'offrir, au commerce, cet encoura-
gement que son influence sur la prospérité publique lui
a fait de tout temps prodiguer.
Nous pouvons donc, sans trop de témérité, considérer
la législation spéciale comme laissant les affaires com-
merciales en dehors de ses dispositions ; surtout dans
l'hypothèse d'une faillite plaçant le débiteur dans une
position extraordinaire et exceptionnelle. Celte convic-
tion nous est inspirée par l'esprit de cette législation,
tel qu'il résulte des paroles du rapporteur de l'an VI.
La doctrine contraire conduit à la fraude la plus dé-
loyale, la plus intolérable. Aux approches de la faillite,
un négociant utilisera le crédit qui lui reste, contractera
des emprunts, réalisera tout son actif réalisable, en con-
sacrera tout ce qui en proviendra à l'acquisition de ren-
tes sur l'Etat. La faillite éclatant, on ne pourra pas pré-
tendre qu'il a détourné l'actif, puisqu'il en justifiera
l'emploi. Mais cet emploi aura été fait exclusivement à
son profit personnel ; les créanciers n'auront rien à y
prétendre et devront souffrir que le failli jouisse en
,
paix de vingt, de trente de cinquante mille francs de
,
rente qu'il leur a littéralement volées.
Objectera-t-on qu'ils-ont pu et dû se préoccuper de
ART. 534, 535. 393
fraude I Mais quels moyens avaient-
la possibilité de cette
ils pour en éviter les effets, en paralyser les conséquen-
ces ? La base des opérations commerciales a été , est et
sera toujours la solvabilité apparente de l'emprunteur
ou de l'acheteur. Du jour où il ne devra plus en être
ainsi, le commerce, cette grande artère de la fortune so-
ciale cette source de la prospérité publique aura cessé
,
d'exister.
L'insaisissabilité absolue des rentes sur l'Etat, possible
et légitime dans les affaires civiles, serait, en commerce
et en présence d'une faillite, une rigueur injuste et un
danger. L'intérêt de l'Etat qui la fait sanctionner dans
le premier cas, proleste lui-même énergiquement contre
son adoption dans le second.
Dailleurs, par le jugement déclaratif et le dessaisisse-*
ment qui en est la conséquence, tous les biens du failli
passent aux mains des syndics. Ils sont donc nantis des
inscriptions de rentes, comme de toutes les autres par-
ties de l'actif. Pourquoi ne pourraient-ils pas disposer
des unes, de la même manière qu'ils sont autorisés à le
faire pour les autres.
Cette dernière considération signale une distinction à
observer dans la solution de notre question. Ou le failli
ayant acheté ou acquis les inscriptions avant la cessa-
tion des paiemens les titres se trouvent dans l'actif de
,
la faillite ; ou elles ne lui sont obvenues que depuis la
faillite et après la cessation légale du dessaisissement.
Dans ce dernier cas les choses sont rentrées sous
,
l'empire de la législation spéciale. Son application ne
saurait être récusée. Les créanciers ne pourraient at-
39i TRAITS DES FAILLITES.
teindre les renies que par une opposition. Ils seraient
donc repoussés par la prohibition formelle de la loi. La
cour de Paris l'ayant ainsi jugé , le 30 juillet 1853', le
pourvoi dont son arrêt avait été l'objet, était rejeté par
la cour suprême, le 8 mai 1854 (').
La cour de Lyon appelée plus tard à statuer sur la
première hypothèse, déclare, le 19 juin 1857, quel'in-
saisissabilité dont sont frappées les rentes sur l'Elat,
ne s'oppose pas à ce que ces rentes soient, après faillite,
aliénées à la diligence des syndics et au profit de la
,
masse des créanciers. Cette décision ayant été à son tour
dénoncée à la cour de cassation, le pourvoi était égale-
ment rejeté le 8 mars 1859 [').
Dans la note dont il accompagne cet arrêt, M. Dallez
en critique la doctrine. Il lui reproche d'être en contra-
diction avec l'arrêt de 1854. C'est ce que pense égaler
ment M. Camps (3). Ces reproches sont-ils mérités?
Nous ne saurions l'admettre.
Il ne peut exister de contradiction, que si deux espè-
ces identiques ont reçu une solution en sens opposé. Ici
nous avons bien une divergence formelle dans la déci-
sion. Mais quelle différence dans les espèces.
Dans celle de l'arrêt de 1854 un commerçant avait
,
été déclaré en faillite le 8 avril 1809. Le 25 avril 1823,
il recueillait dans la succession de son père une rente
cinq pour cent de 2,640 fr., qu'il vend aussitôt à son
profit.

(') O.P., 54, i, 187.


U') D'V., 5g, 1, i45.
(,') Moniteur des Iriiimttitx, du "ii) juin '85g,
ART. 534, 535. 395
En 1846, c'est-à-dire, ving-trois ans après la vente,
trente-sept ans depuis la faillite , les syndics actionnent
le notaire rédacteur des certificats qui avaient servi à la
Yente.et sous prétexte d'irrégularité dans leur délivrance,
exigent de lui le remboursement du capital de la rente,
à titre de dommages-intérêts.
Accueillie en première instance, cette demande fut re-
poussée en appel et, en définitive, par la cour de cas-
sation.
L'existence de l'irrégularité est reconnue et constatée;
mais, dit notamment la cour régulatrice, les dommages-
intérêts ne pourraient être dus, que si cette irrégularité
avait occasionné un préjudice. Or, si le certificat de
propriété délivré par le notaire a facilité la vente de la
rente qui se trouvait dans la succession du père du failli,
ce n'est pas ce certificat qui a créé pour celui-ci le droit
de disposer de la rente. Ce droit découlait pour lui de
la qualité d'héritier de son père, combinée avec le ca-
ractère d'insaisissabililé de l'objet qu'il aliénait. Le prin-
cipe qui soustrait les rentes sur l'Etat à toute espèce de
mainmise de la part des tiers, n'est pas modifié par l'é-
tat de faillite du propriétaire de la rente.
Pour saisir la signification réelle de ces arrêts, il faut
se rappeler que le sens et la valeur des monumens ju-
diciaires se déterminent par la nature du litige qu'ils
tranchent ; qu'ils ne prononcent jamais que secundum
materiam subjectam. Donc, les arrêts de Paris et de la
cour de cassation ne disent qu'une chose, à savoir que
l'état antérieur de faillite est sans influence sur le ca-
ractère des rentes obvenuesau failli vingt-trois ans après
396 TRAITÉ DES FAILLITES.

le jugement déclaratif. Dans ces termes, qui oserait con-


tester le caractère légal et juridique de cette proposition.
L'union fait cesser l'état de faillite, en ce sens que le
failli n'est pas dessaisi de plein droit des ressources
qu'il peut acquérir. Libre désormais de se livrer au
commerce, d'exercer une industrie. 11 en fait les résul-
tats siens; il peut les administrer, en disposer.
Sans doute, il n'est pas à l'abri des poursuites de ses
anciens créanciers. Mais pour l'un de ceux-ci indivi-
,
duellement, comme pour le syndic agissant au nom de
tous, il n'y a d'ouverte que la voix executive : la saisie-
arrêt la saisie-exécution l'expropriation immobilière.
, ,
Dès lors la renie sur l'Etat échue au failli ne pouvant
,
être atteinte que par une de ces voies et la législation
,
spéciale les proscrivant toutes il y a lieu de recourir à
,
son application.
La cour de Paris et, avec elle, la cour de cassation
ne rendent donc, en 1853 et 1854, qu'un arrêt d'espè-
ce. Elles ne posent aucun principe absolu. Elles ne dé-
cident pas, notamment, que la législation des ans VI et
VII doit être appliquée, lorsque la rente existant au
moment de la faillite a passé aux mains du syndic, en
vertu du dessaisissement général du failli. Or, c'est cette
hypothèse sur laquelle la cour de cassation statuait en
1859.
Un sieur Buer, négociant à Lyon avait été déclaré
,
en faillite le 1er mars 1855. Dans son actif figurait une
rente sur l'Etat qu'il avait donnée en gage à un de ses
créanciers et que les syndics retirèrent en désintéres-
,
sant le détenteur.
ART. 534, 535 397
Après contrat d'union les syndics se mettaient en
,
mesure d'aliéner le titre , lorsque, le 27 octobre 1856,
à la suite d'une opposition par lui faite à la caisse du
receveur général , le failli assigne les syndics , aux fins
de voir valider cette opposition et s'entendre condam-
,
ner à lui restituer le bordereau d'inscription.
On le voit, il n'y avait là rien de commun avec l'es-
pèce de l'arrêt de 1854. C'était une position toute dif-
férente, sans aucune analogie. Il est donc impossible de
qualifier de contradictoire l'arrêt rendu en 1859.
Cet arrêt a-t-il méconnu et violé la législation spé-
ciale et, à tort, refusé d'appliquer le principe de l'in-
,
saisissabilité ?
Nous n'insisterons pas sur la circonstance si décisive
que les syndics n'étaient en possession du titre que par-
ce qu'ils l'avaient repris du créancier gagiste en lui
payant intégralement ce qui lui était dû. Cela seul de-
vait faire repousser la demande du failli. Aurait-il été
recevable à contraindre celui-ci à lui restituer le gage
avant de le désintéresser de sa créance? Comment donc
l'aurait-il été contre les syndics. Subrogée de droit au
créancier par le paiement de cette créance la masse
,
n'avait-elle pas succédé aux actions que le créancier
pouvait exercer aux exceptions qu'il était dans le cas
,
d'opposer.
Mais, abstraction faite de ce point de vue, et en droit
pur, la doctrine de l'arrêt de 1859 se justifie de la ma-
nière la plus péremptoire. Les magistrats qui l'ont ren-
du n'ont pas méconnu les lois de la matière, ils les ont
déclarées inapplicables à l'espèce. Or, avant de leur re-
398 TRAITÉ DES FAILLITES.

procher de les avoir violées, on aurait dû établir qu'on


pouvait, qu'on devait les appliquer;
Celte preuve, les faits du procès la rendaient impos-
sible. Le tribunal de Lyon l'observait fort judicieuse-
ment. Le litige consistait non à prononcer sur une op-
position faite par des tiers mais à savoir si les syndics
,
seraient dépossédés d'un titre dont ils s'étaient trouvés
régulièrement nantis, en vertu du dessaisissement édicté
contre le failli par l'article 443 du Code de commerce.
Evidemment, un pareil litige ne pouvait tomber sous
l'empire des lois de l'an VI et de l'an VII. Vouloir le
résoudre par leur disposition, c'était ajouter à ces dispo-
sitions, et les faire sortir du cercle dans lequel leur ca-
ractère exceptionnel les renfermait étroitement.
Il fallait, de plus oublier l'esprit dans lequel elles
,
avaient été conçues le but qu'elles s'étaient proposées.
,
Rappelons-nous qu'on a voulu faire de ces rentes une
monnaie circulante. Or, comment atteindre à ce résul-
tat , si ce n'est en donnant aux inscriptions , quoique
nominales, le caractère d'effet au porteur.
C'est, en effet, ce qui s'est réalisé. L'article 5 de la
loi du 22 floréal an VII nous dispense de toute démons-
tration : Les arrérages dus pour rentes perpétuelles,
seront payés au porteur de l'extrait d'inscription au
grand-livre, sur la représentation qu'il en fera. Il en
donnera son acquit au payeur.
Voilà donc quant à l'utilité de la rente le porteur
, ,
de l'extrait d'inscription préféré au titulaire lui-même.
Le droit de celui-ci se borne à faire opposition au paie-
ment. Mais, pour que sa prétention soit accueillie par
ART. 534, 535 399
les tribunaux auxquels elle sera forcément soumise il
,
sera tenu de justifier que le titre a été volé , perdu , ou
subrepticement retenu par le porteur. A défaut de cette
preuve , ou si le porteur établit la légitimité de sa pos-
session, l'opposition, loin d'être validée, serait repous-
sée, et le détenteur du titre continuerait d'en percevoir
les arrérages.
Or peut-on contester la légitimité de la possession
,
des syndics. Le titre,ils le tiennent de la loi elle-même qui
n'est pas moins puissante, et ne doit pas* par conséquent,
avoir moins d'efficacité que la volonté de la partie. Com-
ment donc les tribunaux pourraient-ils refuser de la
.

consacrer , alors qu'ils n'hésiteraient pas à sanctionner


celle du créancier gagiste.
La conséquence de la légitimité de cette possession
est, pour les syndics le droit exclusif de percevoir les
,
arrérages au profit de la masse. Comprendrait-on dès
,
lors, qu'ils fussent contraints à renoncera ce droit. Nous
ne connaissons aucune loi exigeant que la masse se dé-
pouille en faveur du failli, et c'est pourtant à ce résultat
qu'aboutirait la doctrine que nous repoussons.
C'est donc avec infiniment de raison que, dans l'ar-
rêt de 1859 la cour de cassation insiste sur la main-
,
mise des syndics. Les effets qui en résultent sont déci-
sifs.
A notre avis, ces effets ne peuvent se borner au droit
de percevoir les arrérages. Ce droit entraîne forcément
celui d'aliéner le titre, lorsque le contrat d'union a fait
évanouir toute possibilité d'arrangement. Alors, en effet,
nait, pour les syndics,le devoir de liquider et de réaliser
400 TRAITÉ DES FAILLITES.

l'actif pour arriver à sa distribution entre les ayants


droit. Pourquoi en serait-il autrement pour les rentes
sur l'Etat. La faillite devra-t-elle être éternelle , et les '
syndics devront-ils à perpétuité retirer les arrérages
pour les distribuer aux créanciers ?
Nous avons donc raison de le dire. Dès que la masse
est autorisée à jouir de l'intérêt, son droit à disposer du
capital ne saurait être contesté, au moment où la liqui-
dation de l'actif est devenue une nécessité.
Comment, d'ailleurs, dénier aux syndics cette faculté
d'aliénation. Ils sont les mandataires légaux, les repré-
sentants du failli. C'est en cette qualité qu'ils procéde-
ront. Or , la règle quis mandat ipse fecisse videlur,
est aussi incontestable dans le mandat légal que dans.le
mandat conventionnel.
Ce que l'arrêt de 1859 en a induit, ce qu'il devait en
induire c'est que le transfert de la rente opéré par les
,
syndics est réellement fait par le failli lui-même. Ce qui
rendait de plus fort inapplicable les lois des ans YI
et Vil.
M. Dalloz ne méconnaît pas l'autorité de celle consi-
dération ; mais il en conteste l'exactitude. «' Si, dit-il,
la vente opérée par les syndics pouvait être réputée vo-
lontaire de la part du. failli, il n'y aurait plus de doute
sur le droit des créanciers. Mais comment admettre le
consentement du failli., lorsque, comme dans l'espèce,
il résiste à la vente, et réclame la restitution de son titre,
de la même manière qu'il réclamerait la restitution de
toute autre valeur déclarée insaisissable par la loi. »
Celte objection a le tort d'équivoquer sur la nature et
ART. 534, 535. 40*
l'étendue du mandat des syndics ; de confondre deux
choses qu'il est impossible d'assimiler.
Les syndics de l'union sont tenus de liquider et de
vendre l'actif mobilier et immobilier. En procédant à
cette vente, ils sont dans les limites du mandat qu'ils
ont reçu. Ce mandat doit recevoir sa pleine et entière
exécution que le failli veuille ou ne veuille pas. Il n'a
,
pas même à donner son consentement. Ce consentement
la loi fait mieux que le présumer; elle le fait résulter
de plein droit du dessaisissement.
Vainement objecte-t-on que ce dessaisissement n'a
trait qu'à l'administration : que la propriété des biens
n'a jamais cessé de résider sur la tête du failli, malgré
le jugement déclaratif. Mais celte propriété est purement
nominale. Elle a perdu ses attributs principaux, no-
tamment le droit de disposition. Ce droit est désormais
dans le patrimoine exclusif de la masse qui l'exerce par
ses syndics. N'est-ce pas en force de ce droit que ceux-
ci, sans le concours du failli, sans avoir à le consulter,
perçoivent les revenus négocient les effets du porte-
• ,
feuille, quittancent et reçoivent les capitaux exigibles.
Donc, si dans les premiers momens de la faillite, et
alors qu'un concordat la résoudra peut être aimable-
ment, les syndics n'ont pas à se préoccuper du consen-
tement du failli, a fortiori n'ont-ils pas à le faire lors-
que l'union est venue donner la certitude qu'il ne sera
jamais replacé à la tête de ses affaires. Alors surgit la né-
cessité de réaliser l'actif le plus proinptement possible.
Pouvait-on, dès lors, exiger le consentement formel du
II 26
402 TRAITE DES FAILLITES.
failli, et l'autoriser à entraver la liquidation au gré de
sa volonté ou de ses caprices.
La loi ne mérite pas ce reproche, car elle a soigneu-
sement proscrit toute éventualité de ce genre. Ainsi,
l'article 534 autorise les syndics à vendre les immeu-
bles, marchandises et effets du failli, sans qu'il soit be-
soin d'appeler celui-ci.
L'article 535 va plus loin encore : Lès syndics pour-
ront transiger sur toute espèce de droits appartenant
au failli, NONOBSTANT TOUTE OPPOSITION DE SA PART.
Si les syndics ne sont pas le failli, comment se fait-il
qu'après concordat les jugemens rendus en faveur
,
ou contre les syndics seuls , profitent ou nuisent au
failli ? Comment, après l'union, les syndics pourront-ils
transmettre notamment la propriété des immeubles,
sans que le failli ait été présent ou appelé à la vente?
Comment, enfin, si le consentement du failli devait avoir
une autorité quelconque, les syndics sont-ils autorisés à
transiger, c'est-à-dire, à aliéner ses droits, nonobstant
son opposition expresse et formelle.
De toute certitude, donc, les syndics n'agissent qu'au
nom et comme mandataires légaux du failli, l'engagent
irrévocablement, et ils ne sont appelés à le faire que
parce que, relativement à l'aliénation de l'actif, le failli
est frappé d'une incapacité absolue qu'il n'a aucune
,
opinion à manifester et à émettre, lorsque le contrat
d'union est venu le dépouiller de tous ses biens et les
transmettre à la masse.
L'induction que l'arrêt de 1859 tire de la règle quis
ART. 53i, 535. 403
mandat ipse fecisse videtur, est donc légitime autant
que juridique.
Reste l'objection tirée du caractère d'insaisissabilité
des rentes. Le droit du failli, quant aux choses que la
loi défend de saisir, est purement personnel, et sa dis-
position est exceptée des attributions des syndics. Or,
nous dit M. Dalloz , la revendication par le failli des
rentes snr l'Etat ne peut pas plus être repoussée que celle
des autres effets déclarés insaisissables.
Nous ne pouvons admettre l'assimilation que M. Dal-
loz établit entre les rentes sur l'Etat et les choses que
l'article 592 du Code de procédure civile déclare insai-
sissables. Nous comprenons fort bien que, dans un but
d'humanité qu'on ne saurait trop louer, lé législateur
ait voulu conserver au débiteur quelques infimes débris
du naufrage dans lequel vient s'engloutir sa fortune.
Mais nous ne comprendrons jamais le motif qui en
,
présence de créanciers injustement dépouillés, ferait au-
toriser le failli à jouir impunément et insolemment de
dix, vingt, trente, cinquante mille francs de rente.
N'est-ce pas cependant, nous dira-t-on, ce qui peut
se réaliser dans la déconfiture civile ? Oui sans doute.
Mais, quelque énorme quelque irrationnel que soit ce
,
résultat, ce qui le justifie dans la vie civile , c'est que
ceux qui en sont victimes ont pu l'éviter et le prévenir.
Les créanciers, dirons-nous avec le rapporteur de la loi
de l'an VI ne peuvent pas trop se plaindre. Dûment
,
prévenus par la loi, ils ont été en mesure et par consé-
quent en demeure de conjurer le péril en se ménageant
des garanties plus efficaces. Ils ne souffrent donc que
404 TRAITÉ DES FAILLITES.

de leur négligence. Or, un, pareil reproche, nous l'avons


déjà dit, ne saurait justement atteindre les créanciers
du failli.
La différence que nous établissons en leur faveur,
fondée en raison trouve en droit, un point d'appui
, ,
dans les effets respectifs de la déconfiture civile et de la
faillite. La première laisse le débiteur debout et à la
tête de ses affaires. Il n'en a perdu ni l'administration
ni la jouissance. Ses créanciers n'auront que le droit de
saisie. Ils seront donc contraints de le restreindre dans
les limites tracées par la loi.
La faillite, au contraire désinvestit le failli de ses
,
droits et actions ; le dépouille de ses biens dont la dis-
position appartient désormais exclusivement aux syn-
dics. Les créanciers n'ont donc pas besoin de recourir
à la saisie. Us sont légalement nantis par la loi elle-
même. Les arrérages des rentes leur sont valablement
acquis. Il s'agit pour eux, non d'acquérir, mais de n'ê-
tre pas dépouillés. Comment leur opposerait-on l'insai-
sissabilité résultant de la loi de l'an VI.
Le résultat que nous venons de signaler serait donc,
en présence d'une faillite , une véritable monstruosité
qu'aucune loi ne peut autoriser.
On ne peut, d'ailleurs, équivoquer sur le caractère de
la législation spéciale. La prohibition de toute opposi-
tion a eu pour but., non de favoriser le titulaire de la
rente, mais l'intérêt de l'Etat ; de faciliter la circulation
et la négociation des titres ; d'éviter les graves et nom-
breux inconvéniens qui pouvaient naître des opposi-
ART. 534, 535. 405
lions ; de dégager la comptabilité dû trésor des entraves
qui devaient en naître.
Il y a loin de là à l'insaisissabilité édictée par le Code
de procédure civile; on ne saurait dès lors assimiler à
celle-ci, cette prohibition. Non les renies ne sont pas
,
insaisissables au même titre que les choses déclarées
tellespar l'article 592 ; et la preuve c'est que, relative-
ment à celles-ci, celui qui les détiendrait serait obligé
de les restituer sans que le réclamant eût à prouver au-
tre chose que leur classement dans une des catégories
énumérées par cet article.
Pour les rentes, au contraire, les arrérages sont ac-
quis au porteur, de préférence au titulaire de l'inscrip-
tion. Celui-ci pourra bien s'opposer à leur paiement,
mais il ne pourra se le faire attribuer personnellement
mi'en faisant valider son opposition, et pour obtenir ce
résultat, il devra prouver que son titre a été perdu ou
volé'; que la possession du porteur est illégitime ou en-
tachée d'illégalité. Cette preuve pourra-t-elle jamais être
proposée contre les syndics ?
Enfin, il faudrait admettre que l'article 592 du Code

de procédure civile régit le failli, et nous allons voir
qu'il ne saurait en revendiquer le bénéfièe (').
Nous avons donc raison de le dire :toule assimilation
entre les deux insaisissabilités est impossible. Les lois des
ans VI et VII ne créent pas l'insaisissabilité proclamée
par le Code de procédure civile. Elles n'ont en vue qu'une
seule hypothèse : celle où un tiers vient, à quelque

(') V. infrà n° 779.


406 TRAITÉ DES FAILLITES.

titre que ce soit faire opposition au paiement de la


,
rente. Il faut, dès lors , comme toutes les lois d'excep-
tion, les renfermer strictement dans le mode qu'elles se
sont tracées.
Ainsi tombent les reproches de contradiction et d'il-
légalité adressées à la jurisprudence de la cour suprême.
L'arrêt de 1859, comme celui de 1854, n'a fait qu'une
juste et exacte application des lois de la matière.
L'insaisissabilité absolue telle que l'enseignent MM.
,
Mollot, Dalloz et Camps, méconnaît le caractère de
cette législation. Comment la concilier, en effet, avec la
volonté du législateur de faire des rentes une monnaie
circulante avec la nécessité de payer les arrérages au
,
porteur de l'extrait d'inscription.
Ce que ces lois prohibent, c'est toute tentative de
mainmise de la part des tiers, c'est l'expropriation du
titulaire encore nanti de son titre.
Mais si ce titulaire s'est lui-même dépouillé de son
titre.ou lorsque sa dépossession ordonnée par la loi s'est
matériellement accomplie, la légitimité de la possession
du porteur, lui conférant le bénéfice exclusif de la rente,
l'autorise par cela même à en aliéner le capital. Refu-
serait-on.ce droit au créancier gagiste voulant réaliser
le gage pour se payer de ce qui lui est dû ? Or com-
,
ment dénier au gage légal et judiciaire, l'effet qu'on ac-
corderait au gage conventionnel ? La présomption du
consentement du débiteur, qui naît pour celui-ci du
contrat, ne résulle-t-elle pas, en cas de faillite, du des-
saisissement légal.
La conclusion à tirer de tout cela, est la justesse de
ART. 534, 535. 407
la distinction que nous avons signalée. La rente obve-
nue au failli ou acquise par lui après le contrat d'u-
,
nion, n'est jamais sortie de ses mains et les créanciers
,
né pouvant l'acquérir que par une saisie opposition , se
verraient atteints et repoussés par la prohibition de la
loi spéciale.
La rente acquise ou obvenue avant le jugement dé-
claratif de la faillite, ou pendant la durée du dessaisis-
sement résultant de ce jugement, a été de plein droit
dévolue à la masse. Les syndics qui ont trouvé les litres
sous les scellés, en sont régulièrement nantis. Ils ont le
droit exclusif, non-seulement de percevoir les arrérages,
mais encore de vendre les inscriptions, et de les trans-
férer, lorsque le contrat d'union aura rendu la liquida-
tion et la réalisation de l'actif indispensables.

776ter. — Quel sera le droit de la masse, si le


failli ayant soustrait les titres avant l'apposition des
scellés en a disposé à son profit ? A notre avis, cette
,
soustraction n'est que le détournement de l'actif consti-
tuant la banqueroute frauduleuse, et puni comme tel.
Or comme un crime ne saurait jamais conférer un
,
droit à son auteur, et occasionner un préjudice à un
tiers nous estimons que les syndics seraient redeva-
,
bles et fondés à s'opposer au paiement des arrérages.
C'est là l'opposition du propriétaire réservée par la loi.
Cette opposition devrait infailliblement réussir contre
le failli, s'il était encore nanti des extraits d'inscription.
Mais elle ne produirait aucun effet, si ces extraits ayant
été vendus, avaient été transférés au nom de acheteur.
•408 TRAITÉ DES FAILLITES.

Le mode dans lequel s'opère la vente de ces effets,


ne permet aucun recours contre cet acheteur. La négo-
ciation est le fait exclusif des agents de change. Les par-
ties ne se sont jamais rapprochées et ne se connaîtront
peut-être jamais. La fraude concertée entre elles n'est
pas même sérieusement proposable, ce qui exclut loule
idée de la nécessité d'une réparation quelconque vis-à-
vis de l'acheteur.
Mais cette réparation est due par l'agent de change
qui a vendu. Il a en effet, gravement manqué à ses
,
devoirs. La législation de l'an X, qui institue les agents
de change leur défend de prêter leur ministère à un
,
failli, sous peine de destitution et de 3,000 f. d'anaende.
Or, l'agent de change qui aurait vendu pour le failli,
malgré le jugement déclaratif, ne pourrait même exciper
de son ignorance. La publicité donnée à ce jugement;
la possibilité de le connaître, repousseraient toute excuse
de ce genre, qu'il ne pourrait d'ailleurs alléguer sans
se reconnaître coupable de négligence ou d'imprudence.
Le délit existerait donc et la peine serait encourue.
,
Or tout délit ouvre de droit une action en faveur de
,
celui qui en souffre ; et comme dans notre hypothèse,
,
le préjudice causé aux créanciers est évident, leur droit
à en obtenir la réparation est incontestable. Us devraient
donc, à ce tilre, être admis à exiger de l'agent de change
le remboursement du capital des rentes aliénées.
Celte prohibilion faite aux agents de change est un
argument contre l'insaisissabilité. Elle ne tend à rien
moins en effet, qu'à frapper d'indisponibilité entre les
,
mains du failli, les renies qu'il aurait soustraites à ses
ART. 534, 535 409
créanciers, et à fournir à ceux-ci le moyen de les attein-
dre. Si c'est là le motif de là loi et on ne saurait en
,
indiquer un autre, que devient le principe enseigné par
les honorables jurisconsultes dont nous venons de dis-
cuter l'opinion.
777. — Il est procédé à celte vente dans les formes
prescrites par l'article 486. L'unique dérogation que la
loifait à sa disposition est relative à la nécessité de faire
autoriser la vente par le juge-commissaire, le failli en-
tendu ou dûment appelé. Cette autorisation, indispen-
sable pour les syndics provisoires ou définitifs, n'est
pas même exigée pour ceux de l'union. La raison de
cette différence est fort simple. Les premiers ne sont
institués que pour administrer et conserver en atten-
,
dant que par la vérification des créaeces, on puisse
,
délibérer s'il y aura ou non concordat. Les derniers, au
contraire, ne viennent qu'après que, par un vote négatif
sur celui-ci, tout arrangement amiable est démontré
impossible. La mission qu'ils reçoivent est donc celle de
liquider et de réaliser l'actif pour opérer les réparti-
tions. La vente qui n'est qu'une exception pour les
,
uns, est donc obligatoire et forcée pour les autres. On
comprend, dès lors qu'ils soient dispensés de requérir
,
l'assentiment du failli et l'autorisation du juge-commis-
saire.

778. —>
Si les syndics ont été autorisés à continuer
l'exploitation du commerce, la vente ne comprend plus
que les effets mobiliersproprement dits , ou soit les
meubles meublants, l'argenterie, bijoux, linges et har-
410 TRAITÉ DES FAILLITES.

des personnels au failli. Les droits de celui-ci, par rap-


port à ces derniers , se bornent à retenir ceux qui lui
ont été délivrés en conformité de l'article 469.
779è — Ainsi, il ne serait pas recevable à exiger
qu'on lui abandonnât les objets énoncés dans les n03 3,
4, 6, 7 et 8 de l'article 592 du Code de procédure ci-
vile. Cet article est spécial aux cas de déconfiture ordi-
naire, et reste sans application aux faillites qui sont ex-
clusivement réglées par la loi particulière ('). Or, tout
ce que celle-ci accorde au failli, c'est la délivrance des
objets dont s'occupe l'article 469 l'article 530 laissant
,
les créanciers arbitres souverains de la question desa-
voir s'il y a lieu ou non d'accorder un secours pécu-
niaire.

780.—
On remarquera que ,
dans la section que
nous examinons, il ne se trouve aucune disposition ana-
logue à celle de l'article 469 ; mais on ne doit pas in-
terpréter celle absence dans ce sens que, si le failli n'a-
vait ni demandé ni obtenu la délivrance des objets dont
parle celui-ci, dès le début de la faillite il ne puisse
,
plus les recevoir après l'union. Le silence de la loi re-
pose uniquement sur la présomption que le failli est
déjà en possession de ces objets. En conséquence si
,
cette présomption n'était pas fondée et si, dans un but
,
quelconque le failli n'avait pas usé de la faculté que
,
lui donne l'article 469 rien ne s'opposerait à ce que,
,
par application de ce même article, le juge-commissaire

(') Roueu, 4 févri'Si 18:28; D. P., 5O,Q, I.4O.


ART. 534, 535 411
n'ordonnât la remise qu'il peut autoriser, L'exercice de
ce
pouvoir, même après l'union, serait parfaitement lé-
gal. Il pourrait être provoqué par les syndics ou par le
failli lui-même.
781.' — A la différence de celle des syndics provi-
soires ou définitifs la mission des syndics de l'union
,
consiste à liquider non-seulement l'actif, mais encore le
passif. Ainsi, ils ont qualité pour contraindre tous dé-
biteurs, opérer la rentrée des créances actives recevoir
,
tous capitaux et en concéder quittance. Les inscriptions
prises suries biens des débiteurs, soit par le failli, soit
par les syndics, leurs prédécesseurs, doivent être radiées
sur le vu de la quittance qu'ils auraient signée , ou du
consentement qu'ils en auraient accordé, sans la parti-
cipation du failli.

782. — La liquidation des créances passives est,


en général, quant au mode à employer , réglée par la
loi. Elle s'opère par des répartitions ordonnancées par
le juge-commissaire. Mais, il est des délies susceptibles
d'être payées avant ces répartitions : telles seraient les
sommes dues pour loyers , pour salaires de commis,
pour les reprises et dot de la femme ; celles dues au
créancier gagiste. Ce paiement importe d'autant plus à
la masse, qu'il arrête, pour la plupart de ces sommes,
le cours des intérêts qu'elle supporte au cinq ou six
pour cent, tandis que les fonds de la faillite, placés à la
caisse des dépôts et consignations, n'en produisent que
trois. C'est donc un acte de bonne administration que
de faire cesser un pareil état de choses. D'autre part, le
412 TRAITÉ DES FAILLITES

gage affecté à la créance peut être d'une valeur supé-


rieure. En retirant les objets qui le constituent et en les
vendant, les syndics opèrent donc d'une manière dou-
blement avantageuse à la masse. Ils l'exonèrent du paie-
ment des intérêts , et la font profiter de ceux que pro-
duira l'excédant de valeur.
785. — La faculté de transiger que l'article 487
,
reconnaît aux syndics provisoires ou définitifs, devait, à
plus forte raison appartenir aux syndics de l'union.
,
Pour éviter toute équivoque, l'article 535 l'énonce for-
mellement, en rendant obligatoires pour ceux-ci les for-
mes tracées aux premiers par l'article 487.
Ainsi, pour transiger après l'union, il faut l'autorisar
tion du juge-commissaire, la mise en demeure du failli.
La raison en est simple. La mesure n'a pas changé de
caractère avec l'époque qui la voit se réaliser. L'intérêt
du failli est le même, quels que soient les pouvoirs dont
sont revêtus ceux qui l'ont projetée : c'est toujours un
sacrifice, une réduction ou même un abandon complet
des droits qui lui appartiennent, qui en sera le résultat.

784. — On a donc maintenu la solennité des for-


mes ordinaires pour les premiers temps de la faillite,
avec cette différence cependant qu'après l'union on ne
distingue plus entre les droits mobiliers ou immobiliers.
Les syndics peuvent, malgré l'opposition du failli, tran-
siger sur les uns comme sur les autres. On n'a pas
voulu lui accorder le droit de contraindre les créanciers
à plaider, en s'opposant à la transaction la plus raison-
nable, ce qu'il pourrait faire, ne fût-ce que pour se
ART. 534, 535. 413
venger de ce qu'on n'a pas voulu lui accorder un. con-
cordat.

785. — Au reste , cette précaution prise contre le


failli n'aura jamais pour lui des conséquences bien gra-
ves. En effet, ou l'objet de la transaction n'excède pas
trois cents francs, et alors même qu'il s'agirait de sacri-
fier celle somme tout entière le préjudice serait mini-
,
me, indépendamment de ce que la nécessité de l'auto-
risation du juge-commissaire est une garantie contre
tout abandon injuste de la part des syndics;
Ou la transaction porte sur des droits excédant cette
somme, ou sur des objets indéterminés , et la nécessité
d'obtenir l'homologation de la justice est une protection
efficace pour l'intérêt du failli. Celui-ci, en effet, doit
être appelé à l'homologation; il peut en contester l'op-
portunité, prouver que la transaction est lésive. Evidem-
ment, si son opposition est fondée sur des motifs justes
et raisonnables le tribunal de commerce, s'il s'agit de
,
droits mobiliers le tribunal civil, s'il s'agit de droits
,
immobiliers ne manquera pas d'accueillir ses préten-
,
tions et de refuser son adhésion au projet des syndics (').

786. — Si le failli n'est pas appelé à la transaction


et à l'homologation, il peut demander la nullité de tout
ce qui a été fait. Cette nullité devrait être prononcée. Il
est évident, en effet, que l'acte et le jugement seraient
entachés d'un vice radical. Mais la nullité n'est pas ab-

(') Pour la détermination de la nature !,du droit et de sa quotité,


vid. nos observatious sous l'art. 487.
454 TRAITE DES FAILLITES.
solue. Elle est toute dans l'intérêt du failli ; d'où la con-
séquence qu'il pourrait seul la faire valoir. Les créan-
ciers seraient donc non recevables à en excjper (').
M. Dalloz jeune fait suivre cet arrêt d'une annota-
tion qu'il termine par ces mots : « Cette décision peut
paraître prêter à une critique au moins spécieuse. »
Tel n'est pas notre avis. 11 nous semble, au contraire,
que la cour de cassation a sainement appliqué les vrais
principes. Au reste en supposant que l'opinion de M.
,
Dalloz fût vraie sous l'empire du Code, il serait difficile
de l'admettre depuis la loi nouvelle. C'est ce que nous
établirons, en examinant l'article 570 relatif à l'aliéna-
tion à forfait des créances de la faillite.

787. — Le failli peut donc seul faire prononcer la


nullité de la transaction à laquelle il n'a pas été appelé.
Mais, si les syndics le mettent en cause lors de la de-
mande en homologation, c'est devant le tribunal investi
qu'il doit requérir cette nullité. S'il ne comparait pas,
quoique dûment cité et si, condamné par défaut, il
,
laisse le jugement devenir définitif; ou si, présent dans
l'instance il se borne à contester au fond la transac-
,
tion sans la quereller pour l'omission en ce qui le
, ,
concerne, il est censé avoir renoncé à la nullité dont il
ne pourrait plus exciper ultérieurement.
788. — Les syndics de l'union peuvent-ils transiger
avec le banqueroutier frauduleux ? Non, évidemment.
Celte transaction ne serait qu'un concordat déguisé, et,

(!) Cass., 17 septembre i855; D, P., 34, i, 5.


ART. 534, 535. 415
indépendamment de ce que tout traité de ce genre est
'impossible après condamnation pour banqueroute frau-
duleuse, les syndics n'ont aucune qualité pour consen-
tir, au nom des créanciers, une remise quelconque au
failli, même ordinaire. C'est là un acte de pure libéra-
lité que les créanciers sont seuls individuellement capa-
bles de faire.

789. —
Il résulte de là que les créanciers pour-
raient personnellement transiger même avec le banque-
routier frauduleux. Mais il faut remarquer que, dans ce
cas, la transaction ne serait obligatoire que pour les
signataires, et qu'alors même qu'il y en aurait un nom-
bre plus que suffisant pour former la majorité, leur
adhésion ne pourrait lier la minorité dissidente. Il n'y
a d'actes opposables à tous les créanciers que ceux qui
ont le caractère légal d'actes de l'union comme ceux
,
qui interviennent entre les syndics et les tiers. Ceux faits
entre l'union et le banqueroutier frauduleux ou le failli
ordinaire ne constituent que des traités particuliers sans
aucune force contre les personnes qui n'y ont pas con-
couru (').

ARTICLE 536.

Les créanciers en état d'union seront convoqués au


moins une fois dans la première année, et, s'il y a lieu,
dans les années suivantes, par le juge-commissaire.

(') Paris, 2 juillet i84o; D. P., 4', a, a5.


416 TRAITÉ DES FAILLITES.

Dans ces assemblées , les syndics devront rendre


compte de leur gestion.
Us seront continués ou remplacés dans l'exercice de
leurs fonctions, suivant les formes prescrites par les ar-
ticles 462 et 529.

SOMMAIRE.

790. Silence que le Code de commerce avait gardé sur la con-


vocation des créanciers après le contrat d'union.

Conséquences.
79*. Amélioration créée par l'obligation faite au juge-commis-
saire de la réaliser au moins une fois dans la première
année.
792. Influence que cette disposition aura sur l'administration des
syndics.
793. Motifs qui ont fait confier le soin de cette convocation au
juge-commissaire.
794. Les créanciers après avoir entendu le compte des syndics,
,
délibèrent s'il y a lieu de les maintenir ou de les rem-
placer.
795. L'utilité d'une convocation dans les années subséquentes est
laissée à l'appréciation du juge-commissaire.
796. A quelque époque que les créanciers soient réunis, ils doi-
vent délibérer is'il y a lieu de conserver ou de changer les
syndics.
.
797. Les articles 466 et 467 règlent les rapports des créanciers et
des syndics, et le mode de remplacement de ceux-ci.

790. — Sous l'empire du Code de commerce Iç


,
contrat d'union ayant été souscrit et les syndics élus,
les créanciers n'étaient plus convoqués, jusqu'à ce que
la liquidation entière déterminât leur réunion, pour re-
.ART, 536. il7
çevoîr les comptes, et donner aux syndics décharge de
leur mission. Cet état des choses laissait les syndics trop
indépendants des créanciers, et n'était pas un faible en*
couragement à cette interminable lenteur qui rendait
les faillites perpétuelles.

79!, — Le nouveau législateur a voulu corriger cet


abus. Le remède apporté par l'article 536 atteindra-t-il
ce résultat? Ce serait peut-être se faire illusion que de
répondre affirmativement d'une manière absolue. Ce
qui paraît moins contestable, c'est que l'obligation im-
posée au juge-commissaire de réunir les créanciers au
moins une fois dans le courant de la première année de
la gestion des syndics est un véritable progrès. Elle peut
avoir sur cette gestion la plus heureuse influence.

792. — Il est certain, en effet, que la nécessité de


se trouver en présence des créanciers , de leur rendre
compte de leur administration, sera pour les syndics un
puissant levier pour les engager à leur présenter des
résultats favorables, et à justifier, ainsi, qu'ils ont ho-
norablement répondu à l'attente qui leur avait fait con=-
férer les fonctions qu'ils ont à remplir. Ils craindront
d'avoir à se convaincre eux-mêmes de négligence, avec
d'autant plus de raison que la preuve de celle-ci pour-
rait entraîner leur remplacement.

795, — Le soin de procéder à cette convocation a


.
été avec raison confié au juge-commissaire. On com^
,
prend, en effet, qu'en l'imposant aux syndics eux-mêmes
on leur accordait la faculté d'éluder cette assemblée,
II *7
418 TRAITÉ DES FAILLITES

Plus ils auraient mis de la négligence dans leur gestion,


et plus ils auraient reculé devant une mesure qui avait
pour but d'apprendre aux créanciers qu'ils ne s'étaient
pas montrés dignes de les représenter , tandis que la
certitude de ne pouvoir échapper à ce compte rendu
leur inspirera une conduite vigilante et active dans l'ad-
ministration qui leur est confiée.
Il importe donc que le juge-commissaire se pénètre
bien de la gravité du devoir qui lui est imposé. Il im-
porte surtout qu'il ne le néglige point. Il ne pourrait le
faire sans manquer à la mission que la loi lui confie, et
sans se rendre complice du dommage qui pourrait ré-
sulter pour les créanciers de l'omission de l'épreuve que
la gestion des syndics doit subir.

794. — Après avoir entendu le compte rendu des


opérations, les créanciers délibèrent sur le maintien ou
le remplacement des syndics. Le tribunal statue ensuite
sur le vu du procès-verbal contenant les dires et obser-
vations des créanciers, et sur le rapport du juge-com-
missaire. Cette disposition de l'article 536 est la sanc-
tion de celle qui précède. Il est, en effet, de toute évi-
dence que si les syndics sont dans l'impossibilité de té-
moigner de leur diligence si le compte de leur gestion
,
les constitue en négligence, le tribunal ne doit plus leur
confier une mission qu'ils ont mal à propos délaissée.
Les magistrats, nous l'avons déjà dit, doivent se mon-
trer d'autant plus sévères qu'ils ont eux-mêmes imposé
-et choisi les syndics et qu'ils ont ainsi une plus haute
,
responsabilité morale à ce que les créanciers ne puis-
ART. 536. 419
sent, dans aucun cas se plaindre avec justice de leurs
,
actes.

795. — En rendant obligatoire l'assemblée des cré-


anciers dans la première année de l'union la loi n'a
,
pas entendu prohiber de les réunir les années subsé-
quentes. Elle a seulement pensé que sous son empire,
,
le plus grand nombre de faillites serait complètement
liquidé au bout de ce laps de temps. En conséquence,
toutes les fois que le contraire se réalisera, le juge-corn-*
missaire pourra, au moins une fois l'an, réunir les cré-
anciers. La fréquence de celte formalité rentre parfaite-
ment dans les intentions de la loi, comme tout ce qui
est de nature à stimuler le zèle des syndics.
Au reste, la nécessité de la convocation dans les an-
nées subséquentes est laissée à l'appréciation du juge-
commissaire. Ce magistrat a alors pour se former une
,
opinion, l'expérience déjà acquise. L'administration des
syndics peut être jugée par les résultats qu'elle a pro-
duits. Ainsi, si, depuis leur entrée en fonctions, des ré-
partitions se sont succédées à des intervalles plus ou
moins longs ; si le juge-commissaire est à même de
connaître les progrès de la liquidation de savoir que
,
les obstacles qui s'opposent à ce qu'elle soit complète
proviennent de causes indépendantes des syndics, la ré-
union des créanciers peut paraître inutile. Le zèle des
syndics est à la hauteur de leur mission, il n'a pas be-
soin d'être excité. Que si, au contraire, plus d'une an-
née s'est écoulée sans que la liquidation ait fait un pas;
si, malgré une première assemblée, l'inaction des syn-
420 TRAITÉ DES FAILLITES.

dics se prolonge il est urgent d'en convoquer une se-


,
conde à l'effet de mettre les parties intéressées à même
d'aviser.
796. — quelque époque que le juge-commissaire
A
réunisse les créanciers, et alors même que la distance
qui sépare une assemblée de l'autre serait moindre d'u-
ne année , l'article 536 doit toujours recevoir son en-
tière application. Ainsi, les syndics sont obligés de ren-
dre compte de leur gestion ; les créanciers doivent être
consultés sur leur maintien ou leur remplacement, qui
est ensuite décidé par le tribunal de commerce.

797. — Indépendamment du droit que chaque cré-


ancier a d'exposer en assemblée générale les plaintes
qu'il peut avoir à diriger contre l'administration et les
actes des syndics, la loi réserve à chacun d'eux l'action
créée par les articles 466 et 467. Ces dispositions rela-
tives aux syndics provisoires et définitifs régissent au-
jourd'hui ceux de l'union. Nous avons déjà dit (') que,
par rapport à ces derniers , les créanciers n'ont plus
qu'un simple droit de plainte ; tandis que , sous l'em-
pire du Code, ils pouvaient les remplacer. C'est là , la
conséquence, avons-nous dit, de l'innovation introduite
par la loi actuelle dans le mode de nomination. Sous
l'empire du Code les syndics définitifs étaient choisis
,
par les créanciers ; ils pouvaient donc être révoqués par
eux. Aujourd'hui, c'est le tribunal qui désigne les syn-
dics de l'union ; Jui seul peut en conséquence les ex-

(') V. suprâ art. 46?, foc).


ART. 536. 421
dure. Les créanciers doivent dès lors lui demander cette
exclusion s'ils ont intérêt à la faire prononcer. Cette
,
demande est réglée par l'article 467 qui devient par
conséquent parfaitement applicable.

ARTICLE 537-

Lorsque la liquidation de la faillite sera terminée, les


créanciers seront convoqués par le juge-commissaire.
Dans cette dernière assemblée les syndics rendront
,
leur compte. Le failli sera présent ou dûment appelé.
Les créanciers donneront leur avis sur l'excusabilité
du.failli. Il sera dressé à cet effet, un procès-verbal
,
dans lequel chacun des créanciers pourra consigner ses
dires et observations.
Après la clôture de cette assemblée, l'union sera dis-
soute de plein droit.

ARTICLE 538.

Le juge-commissaire présentera au tribunal la déli-


bération des créanciers relative à l'excusabilité du failli,
et un rapport sur les caractères et les circonstances de
la faillite.
Le tribunal prononcera si le failli est ou non excu-
sable.
422 ' TRAITÉ DES FAILLITES.

SOMMAIRE.

798. Après la liquidation de l'actif et sa répartition les syndics


,
doivent être déchargés de leur gestion.
799. Celte décharge doit être précédée de la reddition des comp-
tes. — Le juge-commissaire doit donc convoquer les
créanciers à se réunir pour la recevoir.
800. Le failli doit être appelé à l'assemblée.
801. Son concours est dans l'intérêt des créanciers.
802. Dans son propre intérêt.
803. Dans celui des syndics.
804. Mais il reste facultatif pour le failli. — S'il le refuse, quoi-
que appelé, il est lié par l'approbation des créanciers.
805. S'il s'élève des contestations, le juge peut simplement ren-
voyer la délibération, ou délaisser les parties à se pour-
voir.
806. Avantage du renvoi qui peut être demandé par les syndics,
le failli ou les créanciers.
807. Dans le second cas, le tribunal est investi et prononce en la
forme ordinaire.
808. Les créanciers et le failli ayant également le droit de con-
tester , peuvent agir conjointement ou séparément. —
Les créanciers qui ne seraient pas parties dans la contes-
tation ont le droit d'intervenir dans l'instance.
809. La prudence ferait un devoir aux créanciers de nommer parj
mi eux des mandataires pour soutenir le procès. —
Forme et effets de la procuration.
810. Le failli qui n'aurait pas d'abord contesté peut intervenir
dans le procès fait par les créanciers.
811. Si les comptes ne sont pas contestés, il est passé outre à la
décharge des syndics.
812. Les syndics reliquataires peuvent être contraints au paiej
ment solidairement et par corps.
813. Cette solidarité avait été déniée sous le Codé. — Opinion
contraire de Mi Dalloz, et réfutation.
ART. 537, 538. 432

814. Elle est formellement établie par la loi actuelle.


815. Si les syndics sont créanciers, ils ne peuvent poursuivre leur
paiement que contre chaque créancier pour sa part et
portion. — Décidé en ce sens sous le Code.
816. Réfutation d'un arrêt de la cour de Bordeaux qui décide que
les syndics sont personnellement tenus des frais faits au
nom de la faillite.
817. L'absence de toute solidarité chez les créanciers ne pourrait
plus être contestée.
818. Après la reddition du compte, les créanciers doivent donner
leur avis sur l'excusabilité. — Importance réelle de
celte innovation.
819. Comment cet avis doit-il être constaté ?
820. Après cette formalité la séance est clôturée et l'union de
,
plein droit dissoute.
821. Effets que le silence, que le Code avait gardé sur la dissolu-
tion, avait produits sur les conséquences de celle-ci.
822. Il est certain, aujourd'hui, que l'état de faillite cesse par le
fait de cette dissolution, et que le failli est libre de trai-
ter avec tel ou tel de ses créanciers.
823. Les fonctions du juge-commissaire cessent avec l'union. —
Il n'a plus qu'à soumettre au tribunal l'avis des créan-
ciers sur l'excusabilité.
824. Motifs qui lui ont fait imposer le devoir de faire un rapport
sur les caractère et circonstances de la faillite.

798. — La dissolution de l'union est la conséquen-


ce forcée de la liquidation de la faillite. Partant, dès que
celle-ci est complète que l'actif réalisé a été distribué,
,
la communion d'intérêt qui réunissait les créanciers a
rempli son objet. L'administration des syndics n'a plus
aucun but. Il ne reste donc plus qu'à les en décharger.

799. — Cette décharge doit être précédée de la red-


424 TRAITÉ DÉS FAILLITES.

dition du compte d'administration à laquelle les syn-


dics sont tenus. A cet effet, le juge-commissaire doit
convoquer les créanciers-à se réunir sous sa présidence
aux jour, lieu et heure indiqués. Cette convocation est
faite dans les formes ordinaires.
800. — La présence du failli n'est pas indispensa-
ble en ce sens que son absence n'est jamais un obsta-
cle à ce qu'il soit passé outre à la reddition des comptes
et à leur règlement. Mais il est du devoir des syndics de
l'appeler à la réunion. La loi leur en impose l'obliga-
tion non-seulement dans son intérêt, mais encore et
,
essentiellement dans celui des créanciers.
80!. — Il importe, en effet, à ceux-ci, que le failli
assiste à la reddition des comptes. Personne ne connaît
mieux que lui la consistance réelle de l'actif qui lui
restait au moment de sa faillite; personne n'est donc
plus en état d'en exiger un compte exact et fidèle, d'ap-
précier d'une manière plus juste l'administration des
syndics. Les erreurs qu'il relèvera les omissions qu'il
,
fera réparer tourneront nécessairement au bénéfice de
la masse.
802. — Quant à lui personnellement, son droit à
être partie dans cette opération est incontestable. Nous
avons plusieurs fois répété que la gestion des syndics
est autant dans l'intérêt du failli que dans celui des cré-
anciers. Plus ces derniers recevront, et plus il sera lui-
même libéré de ses dettes. Les syndics ne peuvent donc
être comptables envers les créanciers sans le devenir
,
au même titre envers le faillie
ART. 537, 538. 425
803. — Nous ajoutons que son appel en cause n'est
pas moins avantageux aux syndics eux-mêmes. Son con-
cours est indispensable pour donner à leur décharge un
caractère définitif et irrévocable. On ne pourrait décider
autrement sans arriver à consacrer que malgré son
,
droit évident, le failli pourrait être à son insu dépouillé
de l'exercice du contrôle qui lui appartient sur la ges-
tion des syndics, du pouvoir qu'on ne saurait mécon-
naître d'exiger et d'obtenir la réparation des erreurs,
omissions ou détournemens dont il pourra justifier.

804. — Or, ce concours, le failli est maître de l'ac-


corder ou de le refuser ; mais les syndics n'ont plus à
se préoccuper de sa conduite, dès qu'ils l'ont mis en de-
meure de se présenter. Si , sur l'ajournement, le failli
s'abstient, l'approbation donnée au compte par les cré-
anciers est obligatoire pour lui. Il ne pourrait, sous
quelques prétextes que ce fût, obtenir une nouvelle red-
dition de compte. La seule action qu'il aurait à exercer
serait celle en réparation des omissions, erreurs faux
,
ou doubles emplois dont il prouverait l'existence maté-
rielle.
C'est ce que la cour de cassation a consacré, le 15
mars 1826. Après l'approbation du compte par les
Créanciers, dit son arrêt, le failli ne peut remettre en
question l'administration des syndics, pour parvenir
par là à reviser et à renverser même le compte qui
l'a liquidée et fixée (').
Ce principe est absolue et ne fléchit devant aucune
(') D.P., 16, 1,308.
426 TRAITÉ DES FAILLITES.

considération. Ainsi, le jugement qui,sous prétexte d'er-


reurs,ordonne,sur la demande du failli,que les syndics,
quiontdéjà rendu compte aux créanciers,en rendront un
nouveau, doit être interprété en ce sens : que les syndics
sont soumis non à une reddition de compte propre-
,
ment dite , mais seulement à la réparation des erreurs
signalées dans le compte précédemment rendu (').
Mais l'absence du failli ne produirait aucun de ces
effets, si elle était imputable aux syndics. Or, cette im-
putabilité résulterait de plein droit de l'omission qu'ils
auraient faite de l'appeler à la reddition de compte.
Dans ce cas la décharge donnée par les créanciers ne
,
serait pas même opposable au failli et les syndics de-
,
vraient, à sa première réquisition, procéder à une nou-
velle reddition.

805, — Si, dans l'assemblée régulièrement consti-


tuée, dés difficultés s'élèvent, le juge doit, ou ajourner
la délibération à tel jour convenable si les difficultés
,
sont de nature à être amiablement terminées sur plus
amples explications, et sur la production de nouvelles
pièces ; ou renvoyer, dans le cas contraire, les parties à
se pourvoir devant le tribunal de commerce.
806. — Dans le premier cas , l'ajournement peut
être sollicité tant par les syndics que par les créanciers
et le failli. Cette mesure peut leur être à tous d'une
grande utilité. Elle peut, dans un sens comme dans
,
l'autre prévenir un procès les recherches faites dans
, ,

(')2Bordeaux juin i83o; D. P., 3i, 2, ifa.


, 17
ART. 537, 5.38. 427
l'intervalle pouvant convaincre les contestants de l'exac-
titude du compte, ou les syndics, de la justice de la ré-
clamation. Ce résultat permettra le jour indiqué étant
,
venu, de s'entendre définitivement, d'apurer le compte,
et depasser outre immédiatement aux autres opérations
ordonnées par l'article 537.

807. — Dans le second cas, les contestations sont,


selon leur importance, appréciées en premier ou en der-
nier ressort par le tribunal de commerce. Mais l'exis-
tence du litige engagé n'est point un obstacle à ce que
les formalités voulues par l'article 537 reçoivent leur
exécution. Ce litige n'est plus qu'un procès qui s'agite
entre les parties, et dont le sort reste complètement sans
influence sur la faillite et sur l'union elle-même. En
conséquence l'une et l'autre n'en sont pas moins clô-
,
turées et dissoutes.

808, — La décision dé l'autorité judiciaire est pour-


suivie en la forme ordinaire entre les anciens syndics et
les parties contestantes. Celles-ci sont les créanciers ou
le failli. Le droit que chacun d'eux
a à réclamer peut
être exercé séparément ou conjointement.
Ainsi, si le failli assiste à l'assemblée, et s'il conteste
lui-même les comptes, les créanciers peuvent s'unir di-
rectement à lui, s'associer à la contestation, pour la sou-
tenir devant la justice; ou bien lui laisser le soin ex-
clusif de la poursuivre en son nom. Faute par les cré-
anciers d'avoir pris qualité dans l'instance ils seraient
,
recevables à y intervenir, pour surveiller leurs intérêts,
dès l'instant qu'ils auraient à craindre
que par le ré-
,
428 TRAITÉ DES FAILLITES.

suîtat d'un accord entre les syndics et le failli, celui-ci


ne soutînt que faiblement ses prétentions et ne désertât
en quelque sorte le procès. Une transaction sous la for-
me d'un jugement léserait leurs droits , puisque si les
syndics ont des restitutions à opérer c'est à eux à en
,
profiter exclusivement.
Si le failli est absent de la réunion, ou si, étant pré-
sent, il n'a pas contesté, les créanciers peuvent contes-
ter les comptes , et en poursuivre judiciairement le re-
dressement. Ou la contestation est particulière à l'un
d'eux et c'est à lui que l'obligation de la soutenir est
,
imposée ; ou elle est faite par tous, et c'est à la masse
elle-même qu'incombe le devoir de la poursuivre.

809. — Mais il est évident, dans ce dernier cas,


que chaque créancier se trouve directement et person-
nellement partie ; qu'en conséquence, il devrait être mis
en cause, ce qui entraînerait des frais considérables.
L'intérêt général exige donc que, dans la même séance,
les créanciers délèguent un ou plusieurs d'entre eux, à
l'effet de plaider en leur nom et de les représenter. Celte
délégation peut être faite dans le procès-verbal rédigé
par le juge-commissaire, et signée par tous les créan-
ciers.
Mais, comme à cette époque il n'y a plus de masse,
que les créanciers n'agissent et ne peuvent plus agir
qu'en leur nom la délibération et la procuration ne
,
seraient obligatoires qu'à l'encontre des signataires,
et nullement pour ceux qui n'y auraient pris aucune
part.
ART. 537, 538. 429
810. — Dans tous les cas ,
le failli, alors même
qu'il n'aurait pas contesté en principe, pourrait interve-
nir dans l'instance existant entre les syndics et les cré-
anciers. Il est certain que le failli, en ce qui concerne,
les comptes, n'est et ne peut pas être représenté par les
syndics. D'abord parce que ceux-ci n'agissent plus en
,
cette qualité ; la mission qui leur était confiée a expiré
avec la dissolution de l'union. Ensuite, parce qu'il exis-
terait une division d'intérêts qui commandait de repla-
cer le failli dans la position de se défendre personnelle-
ment. Aussi, est-il réintégré dans la jouissance de ses
actions actives et passives et par conséquent seul apte
,
à les exercer, depuis l'accomplissement des formalités
prescrites par l'article 537.

811. —
Si les comptes ne sont contestés par per-
sonne, ils sont immédiatement apurés, et rien ne s'op-
pose à ce que les syndics reçoivent la décharge de leur
gestion. Cette décharge est consignée dans le procès-
verbal. Elle est définitive si les comptes sont exacte-
,
ment balancés. Elle le devient par le paiement du reli-
quat, s'il en existe un contre les syndics et s'ils sont,
,
au contraire, créanciers; sauf les droits qui leur compé-
tent contre la masse.

812. — Si les syndics sont reliquataires les som-


,
mes qu'ils ont à payer forment la dernière répartition,
qui est immédiatement ordonnancée par le juge-com-
missaire. Chaque créancier peut, en vertu de cette or-
donnance, réclamer la part et portion lui revenant, con-
430 TRAITÉ DES FAILLITES*

traindre les syndics, même par corps ; enfin, les pour-


suivre solidairement.

815. — Celte solidarité, que nous avons dit exister


pour l'administration ("), avait été contestée sous le
Code, surtout pour les syndics définitifs. Ceux-ci,disait-
on , sont directement nommés par les créanciers. Leur
choix n'a pas même besoin d'être approuvé par la jus-
tice. Le mandat est donc purement conventionnel. En
conséquence il ne peut y avoir solidarité qu'autant
, ,
qu'elle est exprimée. L'article 1995 du Code Napoléon
l'exige expressément ainsi. Or, si cet article est inappli-
cable aux agens et aux syndics provisoires ce qui est
,
douteux, rien ne saurait en empêcher l'application aux
syndics définitifs (*).
Mais cette doctrine de M. Dalloz avait été plusieurs
fois proscrite par la conr de cassation (3), et l'opinion
de celle-ci avait été adoptée et enseignée par MM. Par-
dessus et Boulay-Paty.
Nous l'eussions nous-même, sans hésitation, embras-
sée sous l'empire du Code de Commerce ; car il nous
paraît évident que M. Dalloz se préoccupant beaucoup
,
trop des personnes, néglige ce qui se rapporte au ca-
ractère et à la nature du mandat lui-même. Dans tous
les temps c'est la loi qui en a déterminé l'importance
,
et réglé l'étendue ; c'était donc dans ses dispositions,

(*) V. suprà arl. 465.


(*) D. A., tom. 8, ch i,scct 7, n°jt.
(') V. arrêts des 18 janvier i8i4, et 26 juillet i836; D. A. loin. 8,
p. 107: D. P., 36, 1, 307.
ART. 537, 538. 431
plutôt que dans la délibération des créanciers que les
,
syndics puisaient les pouvoirs dont ils étaient revêtus.
Le mandat était donc légal, même dans la disposilion
qui conférait aux créanciers le choix des personnes qui
devaient en être investies. En effet, la minorité était
liée par la majorité. Or, existe-t-il dans le mandat con-
ventionnel quelque chose qui se rapproche de ce ré-
sultat ?

814. — Mais, toute discussion devient superflue en


l'état de la loi actuelle. Le choix des syndics de l'union
a été enlevé aux créanciers qui n'ont plus que voix con-
sultative. Il est donc vrai, surtout aujourd'hui, que les
syndics sont des mandataires légaux ; car c'est la loi
qui, non-seulement trace l'étendue de leur mandat,
mais encore leur nomination, qu'elle a confiée à la jus-
tice. Ils ne pourraient donc, sous aucun prétexte, exci-
per de l'article 1995, ni se soustraire à la solidarité qui
résulte de l'indivisibilité de leurs fondions.
Remarquons, de plus, que celte indivisibilité qui n'é-
tait qu'une induction sous le Code, est, sous la loi nou-
velle, un précepte formel. Nous en avons vu les consé-
quences, en examinant l'article 465. Or, cette disposi-
tion affecte les syndics de l'union comme les syndics
,
provisoires et définitifs. Les premiers sont donc solidai-
res pour tous les actes de leur administration , pour la
réparation du dommage qui proviendrait de leur négli-
gence , .imprudence ou malversation. Or , n'est-ce pas
une véritable malversation que d'être reliquataire, et de
ne pouvoir immédiatement s'acquitter ?
432 TRAITÉ DES FAILLITES.

815. — Si les syndics sont créanciers ils ont in-


,
contestablement le droit de se faire rembourser. Us sont,
jusqu'à concurrence de leurs avances privilégiés sur
,
l'actif de la faillite. Après la distribution de celui-ci, ils
sont recevables à forcer les créanciers à opérer ce rem-
boursement.
L'action qu'ils auront à cet effet peut-elle être solidai-
rement poursuivie contre les créanciers ,de la faillite ?
Cette question avait été résolue négativement sous l'en>
pire du Code, alors que la nomination des syndics dé*-
finitifs était laissée au choix des créanciers ; on avait
admis que pour que ceux qui constituent conjointement
un mandataire soient tenus solidairement des effets du
mandat, il faut que ce mandat ait été de la part de
,
tous, libre et volontaire (') , et non pas que , comme
dans le cas de désignation d'un syndic définitif par les
créanciers d'une faillite, le choix de la minorité ail pu
être écarté par le voeu de la majorité f). On pouvait
dire, en effet, que les syndics n'avaient pas été nommés
par chaque créancier individuellement ; qu'ils étaient
institués par la masse. Ils ne pouvaient donc avoir re-
cours que contre celle-ci, c'est-à-dire contre les intérêts
distincts qui la constituent, et dans les proportions que
chacun d'eux comporte.
La doctrine de la cour régulatrice avait été appliquée
par un arrêt de la cour de Bordeaux, du 24 avril 4838 (3),

(') Art. 2"o2du Code civil.


(*) Cnss., 23 mai I83J; D. P., j5, i, 265.
<*) Sirey, i838, 2, 269.
ART. 537, 538. 433
qui avait jugé que : le syndic d'une faillite qui a chargé
un avoué d'occuper dans une instance intéressant celle-
ci est tenu personnellement des frais dus à cet avoué,
,
sauf son recours contre la masse; qu'il n'a pas d'action
solidaire contre les créanciers pour la répétition de ces
frais, chacun de ceux-ci n'étant obligé que pour sa part
et portion.

816. — Autant cette seconde partie de l'arrêt nous


parait irréprochable autant la première s'écarte des
,
véritables principes de la matière. Le syndic d'une fail-
lite qui a agi en cette qualité ne peut être personnelle-
ment tenu que dans le cas où il aurait dépassé les limi-
tes de son mandat, ou commis une faute ('). Mais tou-
tes les fois qu'il s'est renfermé dans ces limites, qu'il a
fait connaître sa qualité et la nature de ses pouvoirs, il
ne saurait être obligé personnellement envers qui que ce
soit pas plus que ne le serait un mandataire ordinaire,
alors surtout qu'on ne pourrait lui reprocher une faute
quelconque.

817. — Ainsi, sous l'empire du Code, les créanciers


n'étaient pas tenus solidairement des avances faites par
les syndics ; à plus forte raison doit-on l'admettre ainsi
depuis que la loi nouvelle a enlevé à leur mandat tout
caractère conventionnel en attribuant leur nomination
au tribunal de commerce. La volonté libre , qui seule
rend les constituants solidaires existe si peu que le
, ,
droit du tribunal va jusqu'à maintenir les syndics dont

(') Art. iqoa du Code civil.


H 28
434 TRAITÉ DES FAILLITES.

la majorité aurait demandé le remplacement. On peut,


en outre, et contre la solidarité, tirer un argument dé-
cisif de la disposition de l'article 533. Là, en effet, il y
â délibération volontaire et cependant ceux qui l'ont
,
prise ne sont tenus des engagemens qu'au prorata de
leur créance, et chacun pour sa part et portion.
818. — La reddition des comptes terminée, soit que
les syndics aient été déchargés soit que, sur des pré-
,
tentions contradictoires, le règlement en ait été déféré à
l'autorité judiciaire, les .créanciers sont appelés à don-
ner leur avis sur l'excusabilité du failli.
Cette disposition crée un droit nouveau aussi logique
que rationnel. Elle soumet l'avenir du failli à l'appré-
ciation de son passé par les effets qu'elle attache à la
,
déclaration d'excusabilité. Sans doute, l'avis des créan-
ciers n'est pas obligatoire pour le tribunal ; mais il est
permis de croire que si, à l'unanimité ou à une très-
grande majorité, ceux-ci avaient voté contre l'excusabi-
lilé, le tribunal de commerce se conformerait à ce vole,
à moins de circonstances extraordinaires qu'il n'est pas
facile de prévoir.
Dans cette conviction, le failli a le plus puissant in-
térêt à se concilier l'indulgence de ses créanciers, pour
en obtenir un avis favorable ; et cet intérêt influera né-
cessairement sur sa conduite à leur égard, avant et pen-
dant sa faillite.
819. — L'importance qui s'attache à la déclaration
d'excusabilité est démontrée par le soin que la loi prend
pour la constatation de l'avis des créanciers. Si cet avis
ART. 537, 538. 435
est affirmatif et unanime, il est consigné dans le procès-
verbal de la séance, et n'a pas besoin d'être motivé. S'il
est négatif, ou si une minorité plus ou moins forte se
déclare, il est rédigé un procès-verbal spécial, dans le-
quel les créanciers ou chacun d'eux doit inscrire les di-
res et observations sur lesquels son vote s'est fondé.

820. — Après l'accomplissement de celte formalité,


le juge-commissaire doit clore la séance, et, dés ce mo-
ment, l'union est de plein droit dissoute.

82 t. — La conséquence la plus immédiate et la


plus directe de cette dissolution est de faire cesser l'état
de faillite, et de rendre au failli la capacité de contrac-
ter tant avec ses anciens créanciers qu'avec tout autre
personne. Or, le silence gardé par le Code de commerce
sur l'époque de la dissolution, avait fait naître des dou-
tes sur son existence et ses effets. On avait soutenu que
même après la décharge des syndics l'état de faillite
,
continuait, en ce sens que le failli demeurait incapable
de payer les créanciers, s'il acquérait plus tard de nou-
veaux biens ; que le seul mode de libération praticable
était d'obtenir la désignation d'un juge-commissaire, et
la nomination de syndics chargés de répartir ces biens
entre tous les créanciers.
Mais ce système avait rencontré de nombreux et
,
puissants adversaires. MM. Pardessus, Dalloz, Boulay-
Paly l'avaient tour à tour combattu, et la jurisprudence
l'avait enfin rejeté complètement.

822. — Ce rejet est aujourd'hui consacré par le


436 TRAITÉ DES FAILLITES.

texte de l'article 537. Il résulte de plein droit de la dé-


claration que l'union est dissoute. Or dès l'instant de
,
cette dissolution le failli est, quant à ses biens nou-
,
veaux sous l'empire du droit commun ; il peut, par
,
conséquent, traiter librement avec tel ou tel de ses cré-
anciers, lui payer le solde de sa créance, sans que dans
aucun cas celui-ci soit dans l'obligation de rapporter à
la masse les sommes qu'il aurait reçues ; l'état de fail-
lite ne peut plus revivre ; seulement, si les créanciers,
qui ont tous un droit égal aux biens nouvellement ac-
quis craignent les frais énormes qu'amèneraient des
,
poursuites individuelles, ils peuvent se réunir et charger
l'un d'eux de poursuivre dans l'intérêt commun (').
La dissolution de l'union a donc pour effet défaire
cesser l'état de faillite , de relever le failli de son inca-
pacité quant à l'exercice de ses actions actives et pas-
,
sives ; de le replacer, quant aux transactions à venir,
dans la plus entière indépendance sauf l'obligation de
,
payer aux créanciers tout ce qui leur reste dû en prin-
cipal, intérêts et frais.

823. — Les fonctions du juge-commissaire cessent


avec l'union. Le dernier acte qui lui est imposé est le
devoir de présenter au tribunal le procès-verbal relatif
à l'excusabilité du failli.

824. — Le tribunal délibère sur cette excusabilité.


Son opinion est indépendante de l'avis des créanciers.
C'est pour le mettre à même d'apprécier celui-ci', que

(') V. cour de cassation, 4 août 184' ; D. P,,4', i, 024.


ART. 537, 538. 437
la loi charge le juge-commissaire de faire un rapport
sur les caractère et circonstances de la faillite.
L'avis des créanciers peut n'être dicté que par la
complaisance ou produit par la colère et la rancune.
,
Le rapport du jiige-commissaire doit être impartial et
vrai. Il doit démasquer la fraude établir la bonne foi
,
et le malheur. Il s'agit d'un avantage immense à confé-
rer, ou d'un refus, grave dans ses conséquences, à faire
subir, il importe donc que la décision du tribunal re-
pose sur des élémens purs de toule exagération, de tout
mensonge. '

ARTICLE 539.

Si le failli n'est pas déclaré excusable, les créanciers


rentreront dans l'exercice de leurs actions individuelles,
tant contre sa personne que sur ses biens.
S'il est déclaré excusable il demeurera affranchi de
,
la contrainte par corps à l'égard des créanciers de sa
faillite, et ne pourra plus être poursuivi par eux que sur
ses biens , sauf les exceptions prononcées par les lois
spéciales.

ARTICLE 540.

Ne pourront être déclarés excusables : les banque-


routiers frauduleux les stellionataires les personnes
, ,
condamnées pour vol, escroquerie ou abus de confiance,
les comptables de deniers publics.
i'38 ' TRAITÉ DES FAILLITES.

SOMMAIRE.

825. Objet de ces deux dispositions.


826. Effets de l'union par rapport aux engagemens du failli.
827. Sa dissolution rend aux créanciers toutes leurs actions pour
le paiement du solde de leurs créances.
827 hi*. La lellre de change formant le titre du créancier rentré
dans l'exercice de ses droits, est prescrite après cinq
ans à compter de la clôture et de la dissolution de
l'union.
828. Importance que la déclaration d'excusabilité a acquise sous
la loi actuelle. — Ce qu'elle était sous le Code.
829. Les conséquences qu'elle entraîne aujourd'hui sont beau-
coup plus rationnelle?. — En quoi elles consistent;
quels effets on peut s'en promettre.
830. La contrainte par corps dont le failli est libéré par l'excusa-
bilité est celle qui résulte des engagemens ordinaires,
,
et non celle à laquelle il serait soumis par des lois spé-
ciales.
831. Les créanciers pourront-ils exécuter le failli immédiatement
après la dissolution de l'union, et sans justifier qu'il a
acquis de nouvelles ressources ?
832. Exceptions au principe que tous les faillis peuvent être dé-
clarés excusables.
833. Sont exceptés : les banqueroutiers frauduleux et les stellio-
nalaires.
834. Ceux qui ont été précédemment condamnés pour vol, escro-
querie ou abus de confiance.
835. Les comptables des deniers publics.
836. Modification à l'article 575 du Code de commerce, en ce qui
concerne les tuteurs , administrateurs, étrangers et dé-
positaires.
837. L'article 540 est limitatif. — Conséquences.
838. Le jugement sur l'excusabilité est susceptible de recours,
839. Parla voie d'appel seulement.
ART. 539, 540. 439
840. De quel'moment courent les délais de l'appel ?
841. Quelle en est la durée ?
842. Procédure à suivre par les créanciers ou le failli.

825. — Ces deux articles règlent les effets de l'union


par rapport au failli vis-à-vis de ses créanciers. Ces effets
diffèrent essentiellement dans leur mode d'exécution, se-
lon que le failli a été ou non déclaré excusable. Cette
double hypothèse est régie par l'article 539. Il est des
cas dans lesquels les créanciers n'ont pas même à don-
ner leur avis sur l'excusabilité du failli ; ce sont ces ex-
ceptions que l'article 540 établit.

828. — Il n'en est pas de l'union comme du con-


cordat. Nous avons vu que, par l'admission de celui-ci
et moyennant le paiement du dividende stipulé, le failli
est libéré envers ses créanciers; qu'il ne peut plus être
recherché tant sur ses biens présents que sur ceux à ve-
nir ; qu'il n'y a pour la partie de la dette restante qu'un
lien purement moral, et que le débiteur n'est réellement
obligé à la solder intégralement, que s'il veut plus tard
obtenir sa réhabilitation.
L'union, au contraire, ne libère le failli qu'à concur-
rence de ce que les créanciers ont touché dans la répar-
tition de l'actif. L'excédant est dû par le failli qui peut
être contraint à en opérer le paiement. Seulement, tant
que l'union n'est pas liquidée, le débiteur est en état de
faillite, il jouit des immunités que cet état crée, et no-
tamment des effets de l'interdiction faite aux créanciers
de poursuivre individuellement la rentrée de ce qui leur
est dû.
440 TRAITÉ DES FAILLITES.

827. — La dissolution de l'union fait cesser l'état


de faillite et, avec lui, toutes les prescriptions qui s'y
,
rattachent. La communauté d'intérêt qui liait les créan-
ciers n'existe plus ; il n'y a plus de masse, plus de man-
dataires légaux. Chaque créancier se trouve dans le
même état qu'avant la faillite. Il reprend donc, dès cet
instant la liberté d'action que la loi avait un instant
,
suspendue. L'appréciation des moyens à l'aide desquels
il doit être payé est désormais laissée à son seul arbitre,
ainsi que le droit de les exercer.
Cet exercice n'est limité par rien. Toutes les voies
d'exécution résultant du titre peuvent être employées. En
effet, le principe général est que la faillite ne modifie
aucuns des droits attachés à la qualité de créancier.
Conséquemment, après comme avant ', il est loisible au
porteur d'un titre commercial de contraindre , même
par corps, son débiteur.
827 bl's. —Les créanciers reprenant l'exercice indi-
viduel de leurs droits, reprennent, quant à leurs titres,
la position qu'ils avaient avant la faillite. Ainsi, les por-
teurs de lettres de change ou de billets à ordre se trou-
vent de plein droit replacés sous l'empire de l'article
489. Ils ont perdu tout recours, s'ils ont laissé s'accom-
plir la prescription de cinq ans.
L'opinion contraire a été soutenue. Elle s'étayait sur
la novation qu'on prétendait induire de l'admission au
passif substituant, au titre ancien le litre résultant du
,
procès-verbal d'admission. Celle opinion ne nous parait
pas admissible*
ART. 539, 540. 441
Nous l'avons dit bien de fois nous venons de le re-
,
dire : la faillite ne modifie, n'altère et ne change aucuns
droits. Elle constate ceux qui l'ont précédée, tels qu'ils
résultent des titres dont on les induit.
La vérification et l'admission qui en est la consé-
quence , ont pour objet de contrôler la légitimité des
créances d'autoriser leur porteur à prendre part aux
,
opérations de la faillite, à la délibération sur le concor-
dat, comme à toutes celles que l'état d'union nécessite-
rait; à concourir enfin à la répartition de l'actif, au
, ,
marc le franc avec les autres créanciers. Ces droits sont
la conséquence de la sincérité de la créance, bien plutôt
que du procès-verbal d'admission , qui n'est elle-même
que l'effet de l'affirmation de cette sincérité.
La clôture de l'union ouvre une ère nouvelle, ou plu-
tôt remet les choses sur leur ancien pied. La masse est
dissoute, les fonctions des syndics cessent. Il n'y a plus
qu'un débiteur en présence de créanciers personnelle-
ment appelés à exercer leurs droits, tels qu'ils résultent
des titres dont ils sont porteurs.
Or, si ces titres ont repris tout leur empire, relative-
ment aux prérogatives qui en naissent, il ne serait ni
rationnel ni juste de les affranchir des conditions aux-
quelles la loi a subordonné leur efficacité.
La cour d'Aix le jugeait implicitement ainsi, lorsque,
le 19 juillet 1820 elle repoussait l'exception de pres-
,
cription. Dans celte espèce la faillite s'étant terminée
,
par un concordat, il y avait eu réellement novation, car
le créancier puisait son droit, non dans son titre an-
cien, mais dans le concordat lui-même qui avait en-
442 TRAITÉ DES FAILLITES

traîné la remise partielle de la dette. Or dit l'arrêt, le


,
concordat faisant novation à la dette, réduite au di-
vidende stipulé, ce n'est plus en vertu de leur premier
titre que les créanciers agissent, mais en vertu du
concordat constitutif d'une obligation nouvelle, et il
ne serait pas juste de laisser le créancier exposé à tous
les risques d'un litre dont on lui fait perdre les avan-
tages.
La relation que la cour admet entre les risques et les
avantages et la conséquence qu'elle en déduit, sont
,
d'une justesse aussi évidente qu'incontestable. Mais si
l'affranchissement des risques résulte de la perte des
avantages, le maintien de ceux-ci doit laisser les autres
à la charge du créancier. Or ce maintien est acquis
,
par l'union. Sa clôture remet les créanciers en mesure
d'exercer leurs droits, et tels que les établit leur titre que
rien n'est venu modifier.
Aussi, la cour d'Aix n'a-t-elle pas hésité. Saisie delà
question, dans l'hypothèse que nous examinons, elle dé-
clare la prescription admissible, attendu que le créan-
cier était resté plus de cinq ans sans agir, qu'il ne pou-
vait le faire qu'en vertu des lettres de change dont il
était porteur ; que la faillite s'étant terminée parmi
contrat d'union, n'avait opéré aucune novation (').

Déjà et le 23 mai 1856 la cour de Rouen avait,
, ,
dans les mêmes circonstances, appliqué l'article 189 du

(')
io janvier i8(5i ; Bulletin des arrêts de la cour d'Aix iS6r,
,
.
paj. (6.
ART. 539/540. 443
Code de commerce, attendu que l'admission d'une cré-
ance au passif d'une faillite n'ajoute rien au titre pri-
mitif qui se trouve seulement vérifié ; qu'elle n'en change
pas la nature, et le laisse dans la classe des actes à la-
quelle il appartenait; que la prescription suspendue
pendant la faillite, interrompue par le jugement qui la
clôt et réintègre le créancier dans tous leurs droits an-
ciens contre le débiteur reprend son cours à compter
,
de ce jugement au titre auquel ces droits existaient pré-
cédemment.
Cet arrêt fut déféré à la cour de cassation. On lui re-
prochait d'avoir violé et faussement appliqué l'article
189. L'admission d'une créance au passif d'une faillite,
disait-on, est prononcée par une sorte de jugement spé-
cial rendu avec la contradiction de toutes les parties in-
téressées et du débiteur lui-même. Ce jugement devient
un titre unique et collectif pour toutes les créances com-
prises dans la même admission. Il opère donc une trans-
formation que l'arrêt a mal à propos méconnue, en re-
fusant de lui faire produire les effets d'une reconnais-
sance de dette par écrit séparé, dans le sens de l'arti-
cle 189.
Mais, par arrêt du 7 avril 1857, la cour de cassa-
tion rejette le pourvoi, par les motifs que le créancier
qui a fait admettre sa créance au passif de la faillite de
son débiteur n'est pas fondé à prétendre que , par
,
ce faitseul, il y a eu novation à sa créance primitive ;
que cette admission faite sur son affirmation , n'a
pour objet et pour résultat que de vérifier et de con-
444 TRAITÉ DES FAILLITES.

firmer la créance sans en changer la nature et l'ori-


,
gine (').
Nous pouvons donc tenir pour, certain qu'à l'égard
des lettres de change et billets à ordre,.la faillite du dé-
biteur ne fait que suspendre la prescription quinquen-
nale édictée par l'article 189.
Si la faillite se termine par un concordat, il y a no-
vation. Une dette nouvelle se substitue à l'ancienne et
,
le droit du créancier réside moins dans le titre originaire
que dans le concordat lui-même.
S'il intervient un contrat d'union, la prescription est
suspendue pendant toute la durée de la liquidation, par
la raison que les créanciers demeurent sous l'empire de
l'interdiction de poursuites individuelles, et que contra
non valenlem agere,non currilprescriplio.
La clôture de la liquidation remet les créanciers dans
l'exercice de leurs droits et actions. Chacun d'eux recou-?
vre, avec sa liberté d'agir, le tilre tel qu'il le possédait
avant la faillite. En leur restituant la faculté de pour-
suivre individuellement, la loi leur en fait le devoir pour
tout ce qui intéresse la validité et l'efficacité du titre. Le
porteur d'une lettre de change ou d'un billet à ordre
qui est resté plus de cinq ans sans remplir ce devoir,
s'est volontairement placé sous le coup de l'article 189,
et exposé à voir son action postérieure repoussée par
l'exception de prescription (').
Sans doute, et nous allons le dire, il est dans l'esprit

(') D. P., 57, i,56i.


(') V. notre Commentaire des lettres de change, n° -]5\.
ART. 539, 540. 445
de la loi que la poursuite des créanciers ne soit admise
que s'ils justifient que le failli a acquis de nouvelles
ressources. Mais cela ne peut s'entendre des mesures
conservatoires. Tout ce qui tend à prévenir une déché-
ance , à empêcher une prescription est, dans tous les
temps d'une nécessisé absolue, et puise sa raison d'être
dans cette nécessité même. On peut et on doit donc l'ac-
complir à toute époque, sous peine de la perte du droit
lui-même.

828. — Cependant, ce que la faillite ne fait pas,


est aujourd'hui produit par l'excusabilité. La déclara-
tion de celle-ci en faveur du failli l'affranchit de la con-
trainte par corps pour tous les engagemens antérieurs
,
à la faillite.
attaché à l'excusabilité fait subir à cette for-
Cet effet
malité, telle qu'elle avait été exigée par le Code de com-
merce , une complète transformation , et la rend d'un
bien plus puissant intérêt. L'article 531 de l'ancienne
loi des faillites chargeait le tribunal de commerce de dé-
clarer si le failli était ou non excusable. La réponse né-
gative constituait contre lui une prévention de banque-
route simple. Mais, quelle qu'elle fût, cette réponse res-
tait sans influence sur les droits des créanciers.
Ainsi les conséquences pour le failli du refus d'ex-
,
cusabilité étaient, au fond, d'une bien minime impor-
tance. Malgré les termes de l'article 531 ce refus res-
,
tait sans application sur la réhabilitation. L'article 612
ne plaçait pas le failli non excusé dans la catégorie de
ceux aui ne pouvaient se faire réhabiliter. Restait donc
446 TRAITÉ DES FAILLITES.

la prévention de banqueroute simple, qui, n'ayant d'au-


tre fondement que l'opinion du tribunal de commerce
sur l'excusabilité, était nécessairement vouée à l'impuis^
sance. Le refus du tribunal n'entraînait donc aucune
peine. Le failli non excusé se libérait de la contrainte
par corps de la même manière que celui qui l'avait été.
La loi les admettait indifféremment à la cession.
D'autre part, la déclaration affirmative ne conférait
aucun privilège au failli. En conséquence , peine plutôt
apparente que réelle, absence de tout bénéfice, voilà le
résultat que, sous l'empire du Code, avait l'avis affirma-
tif ou négatif sur l'excusabilité. On comprend, dès lors,
que les faillis ne s'en préoccupassent pas trop dans leurs
prévisions,

829. — L'article 539 a donné à cette formalité un


caractère plus analogue à sa inture, et des conséquen-
ces plus rationnelles. Désormais, les faillis s'efforceront
d'obtenir una déclaration affirmative. Celle-ci constitue
un véritable témoignage de bonne conduite et déloyauté.
Elle ne reste pas sans fruit, puisqu'elle affranchit de la
contrainte par corps, et c'est là un véritable, un puis-
sant encouragement à la mériter.
Il est vrai que sous le Code ce résultat eut pu pa-
, ,
raître exorbitant, car les créanciers n'étaient pas même
consultés sur l'excusabilité. C'eut été leur arracher un
droit, après les avoir placés dans l'impuissance de se
défendre. Aujourd'hui, au contraire, c'est à eux que la
loi a déféré l'initiative de la délibération à prendre sur la
conduite du failli ; et s'ils la déclarent eux-mêmes loyale
ART. 539, 540. 447
et pure de toute fraude, ils provoquent directement la
faveur qui lui est décernée, et dont ils ne sauraient en
aucune façon se plaindre.
En regard de la récompense attachée à l'excusabilité,
plaçons la peine que son refus fait encourir. Le failli
qui l'a méritée est pour toujours soumis à l'exercice de
la contrainte par corps. Il a donc le plus haut intérêt
à échapper à une solution qui grève sa liberté d'une
manière absolue et indéfinie, l'abolition de la cession
de biens ne lui laissant aucun moyen de la rédimer.
La déclaration d'excusabilité n'est donc plus une for-
malité sans portée. La loi a su lui rendre toute son im-
portance. Les conséquences que sa solution entraine
placent le failli dans la nécessité de l'obtenir favorable.
Elles doivent donc avoir sur sa conduite une influence
puissante.

830. — La déclaration que le failli est excusable ne


le libère de la contrainte par corps qu'en tant que celle-
ci est attachée aux actes ordinaires que sa qualité de
négociant lui a fait souscrire. C'est ce qui s'induit des
termes de l'article 539 : sauf les exceptions prononcées
par les lois spéciales. L'art. 575 du Code de commerce
ancien nous fournit un exemple de ces exceptions dans
les catégories qu'il crée pour ce qui concerne la cesssion
de biens. Ainsi, les étrangers non domiciliés "en France,
les tuteurs,administrateurs ou dépositaires, qui ne pou-
vaient être admis à la cession, peuvent aujourd'hui être
déclarés excusables. Mais leur excusabilité les laisserait
contraignantes par corps pour les engagemens ressortis-
448 TRAITE D&S FAILLITES.

sant uniquement de leur qualité, en conformité des lois


qui les régissent.
851. — Quelle qu'ait été la décision du tribunal,
les créanciers pourront-ils se livrer à des exécutions
contre le failli, immédiatement après la dissolution de
l'union qui leur en aura rendu le pouvoir?
La jurisprudence a varié et varie encore dans la so-
lution de cette question. Plusieurs arrêts ont proscrit les
exécutions immédiates, et exigé que le poursuivant jus-
tifiât que le failli avait acquis de nouveaux biens (').
D'autres au contraire , ont admis la recevabilité des
,
poursuites, dès que, par la reddition des comptes, l'u-
nion avait été dissoute (*).
Dans ce conflit de doctrines il faut chercher dans
,
l'esprit de la loi la solution de la difficulté que son texte
n'a pas résolue. De cette recherche est née pour nous
la conviction que le système adopté par la cour de Paris
doit être préféré.
Que les créanciers puissent se faire payer du solde
de leurs créances c'est ce qui ne saurait faire l'objet
,
d'un doute; mais le législateur , en leur conférant le
,
droit, n'a pas entendu autoriser des poursuites qui ne
seraient qu'une persécution évidemment inutile et frus-
tra toire. Or , telles seraient incontestablement celles qui
suivraient immédiatement la dissolution de l'union. Le
failli vient d'être dépouillé de tous ses biens mobiliers

(') V.Notamment, Paris, 17 juillet i8a4 ; 23 février i833; D. P.,


25, 2, 4; 34, 2, 43.
(*) Colmar, 3i décembre iSoo; Sirey, 3i, 2, a3o.
ART. 539, 540. 449
et immobiliers, toutes ses ressources ont été discutées et
distribuées son élat de faillite l'a forcément empêché
,
jusque-là d'en acquérir de nouvelles ; il ne peut donc
payer, car il n'a plus rien. Des poursuites quelconques
ne pourraient avoir aucun intérêt réel pour le créancier.
Les autoriser, serait un encouragement pour des senti-
mens passionnés que la loi n'a pu ni dû vouloir sanc-
tionner.
En l'absence de biens, exercera-t-on la contrainte
par corps , si le failli n'a pas été déclaré excusable ?
Quel fruit pourra4-on en retirer en l'état de dénûment
complet dans lequel se trouve le failli ? Par quels moyens
le failli pourra-t-il racheter sa liberté, lui qui vient d'ê-
tre exproprié de toutes ses ressources? Nous n'hésitons
pas à penser, avec M. Dalloz ('), que l'exercice de la
contrainte ne pourrait à cette époque que constituer un
droit odieux et vexatoire. On ne devrait donc pas le
consacrer.
Ajoutons que les créanciers eux-mêmes sont intéres-
sés à ce qu'il en soit ainsi. Il leur importe à tous que
le failli trouve dans son industrie le moyen de se créer
des ressources dont l'acquisition se réalise à leur profit,
puisqu'elles deviennent immédiatement affectées au
paiement du solde de leurs créances. Or, des poursui-
tes, sur-le-champ exécutées, rendraient ce résultat im-
possible et leur causeraient par conséquent un grave
,
préjudice.
On ne doit donc permettre des poursuites contre le

(') Ton). S , >°Faillite, cliap. i ,sect. 7, '20,11.


II ' *»
-
450 TRAITÉ DES FAILLITES.

failli, que si leur auteur justifie que celui-ci a depuis


,
l'union, acquis de nouvelles ressources. Il en est ainsi
surtout pour ce qui concerne la contrainte par corps,
et la solution admise sous l'empire du Code doit, par
supériorité de raisons, être consacrée depuis la loi nou-
velle. En effet, avant elle le débiteur poursuivi par la
,
contrainte pouvait, à quelque époque que ce fût, s'en
exonérer par la cession, tandis qu'aujourd'hui cette voie
rigoureuse est éternelle contre le failli non excusé. On
doit donc se montrer beaucoup plus sévère dans l'em-
ploi qui en sera fait. Qu'on l'autorise lorsque le failli
aura acquis le moyen de s'en libérer en payant sa dette,
rien de plus naturel ; mais, lorsque le failli ne possède
rien lorsqu'il sort à peine de l'état de faillite c'est se
, ,
conformer à l'équité et à la justice que de le proscrire.
La loi actuelle sanctionne donc le système admis par
la cour de Paris. Il est certes à regretter qu'elle ait
imité le silence gardé par le Code et qu'elle n'ait pas
,
réglé d'une manière expresse les droits des créanciers en
pareille occurrence. Mais ce que le texte ne dit pas, ré-
sulte suffisamment de l'esprit de la loi. Nous venons d'en
développer la portée.

852. — Tous les faillis peuvent être déclarés excu-


sables. Tel est le principe général ; mais la nature mê-
me de la mesure entraînait nécessairement des excep-
tions. Ainsi, déclarer l'excusabilité d'un failli, c'est dé-
cider que sa déconfiture est le résultat du malheur, que
sa moralité est pure, que sa conduite est sans reproche.
Il est dès lors évident que lorsque la preuve du contraire
ART. 539, 540. 451
est acquise
, on ne saurait lui accorder ce témoignage
honorable.

833. —
Or, cette preuve contraire est invincible-
ment faite :
1° Contre le banqueroutier frauduleux par l'arrêt
,
qui le condamne ;
2° Contre les stellionataires, par le jugement qui les
déclare tels.
La banqueroute frauduleuse est un crime dont la gra-
vité est indépendante de la peine appliquée. Celui qui
s'en est rendu coupable a violé les lois de la probité et
de l'honneur. Ce serait porter atteinte à l'effet moral des
arrêts, que de déclarer excusable celui qu'ils ont juste-
ment flétri.
Le stellional est une fraude déloyale et évidente ; c'est
à bon droit que la loi la punit de la perte de la liberté.
L'excusabilité devait rester impuissante devant celle
peine ; nous venons, d'ailleurs, de le dire ; cette excu-
sabilité repose sur la présomption de bonne foi. Le stel-
lionalairea évidemment foulé aux pieds les prescriptions
de ce-lleci ; il est donc aux yeux de la loi, indigne de
,
cette faveur.

834. — La même indignité est encourue par ceux


qui auraient élé précédemment condamnés pour vol,
escroquerie ou abus de confiance ou qui auraient élé
,
convaincus de ces délits par des faits nés de leur faillite
elle-même. De pareilles condamnations ne permettent
pas d'assimiler ceux qui les ont encourues aux faillis
432 TRAITÉ BES FAILLITES.

malheureux et de bonne foi. Elles ont justement motivé


l'exception consacrée par l'article 540.

835. — Il est une dernière classe que la loi a frap-


pée de la même indignité ; ce sont les comptables des
deniers publics. L'intérêt général a motivé cette dispo-
sition pour empêcher ces fonctionnaires de sortir des li-
mites que leurs fonctions leur imposent. Or celles-ci
,
sont le plus souvent ce qui leur a attiré la confiance et
le crédit ; ils abusent donc de leur qualité si, violant
leur devoir ils dissipent les sommes qui leur sont re-
,
mises soit par de simples particuliers, soit par le tré-
,
sor. Devant un pareil résultat, la loi ne pouvait se mon-
trer trop sévère. Il fallait bien se garder d'affaiblir au-
cune des dispositions qui garantissent leur exactitude et
leur probité ('). On les a en conséquence, laissés sous
,
le poids de la contrainte par corps.

836. — Remarquons que les catégories créées par


l'article 540 sont empruntées à l'article 575 du Code
,
ancien. La raison en est simple : la déclaration d'excu-
sabilité remplace aujourd'hui la cession ; elle en produit
les effets. Les débiteurs indignes de celle-ci devaient
donc être exclus de celle-là ; mais le premier a fait dis-
paraître ce que le second avait de trop sévère dans l'ex-
clusion qu'il prononçait contre les tuteurs,'les adminis-
trateurs ou dépositaires, les étrangers. Ce qui avait mo-
tivé cette exception rigoureuse, était la qualité des uns
et des autres ; mais il est certain que toutes les dettes

(') Loeré, surl'article 575.


ART. 539, 540 • 453

ne tiraient pas leur origine de cette qualité, et que pour


protéger les intérêts que la loi ou la volonté des parties
leur avaient confiés, on méconnaissait les malheurs réels
qu'un tuteur ou administrateur avait éprouvés dans son
commerce.
La loi actuelle fait une part plus équitable. Les tu-
teurs, administrateurs, dépositaires et étrangers peuvent
être déclarés excusables. Ils sont donc affranchis de la
contrainte par corps pour toutes les dettes contractées
en dehors des lois spéciales qui les régissent ; mais ils
restent soumis à cette voie rigoureuse pour tous les en-
gagemens qui n'ont pas d'autres causes que leur qualité
même.

857. — La disposition de l'article 540 est limita-


tive. Ainsi il n'y a d'exclues de l'excusabilité que les
,
personnes nommément comprises dans les- catégories
qu'elle crée. Au reste, elle ne fait nul obstacle au pou-
voir accordé aux créanciers, et aux tribunaux de com-
merce, de refuser celle faveur à tout failli quel qu'il soit.
Par exemple, le banqueroutier simple n'est compris dans
aucune de ces catégories. Cependant, rien n'empêche
que les causes qui l'ont fait condamner ne deviennent
un motif pour le tribunal de ne pas le déclarer excusa-
ble. Mais, s'il a obtenu une solution favorable, les cré-
anciers ne pourraient la faire annuler en se fondant sur
sa condamnation. Il suffit que l'article 540 ne l'ait rap-
pelé dans aucune de ses dispositions, pour que le tri-
bunal ait pu l'excuser légalement.
838. — La décision du tribunal sur l'excusabilité
454' TRAITÉ DBS FAILLITES.

est-elle susceptible de recours ? La négative avait été ad-


mise sous le Code; mais, à celte époque, elle était plu-
tôt la constatation d'un fait qu'un véritable jugement;
elle n'enlrainait, d'ailleurs, ni contre le failli ni contre
les créanciers, aucunes conséquences graves, aucun pré-
judice réel.
Mais, sous la loi actuelle la déclaration ou le refus
,
d'excusabilité compromet les intérêts des créanciers,
ceux du failli. La première, arrache aux uns la garantie
de la contrainte personnelle, et par là, peut-être, toute
espérance d'être payés du solde de leurs créances. Le
second, laisse le failli incessamment menacé dans sa li-
berté, et grève, par conséquent, son avenir entier de la
plus rigoureuse servitude. N'y a-t-il pas dans chacune
de ces hypothèses des motifs puissants de ne pas laisser
le tribunal arbitre souverain lorsque surtout son .juge-
,
ment doit être prononcé sans que , de part ni d'autre,
on ait été appelé à se présenter et à se défendre.
Il y a plus : si la décision était en dernier ressort, si
elle n'était susceptible d'aucun recours, le tribunal pour-
rait même juger contrairement à la disposition de l'ar-
ticle 540; et les créanciers perdraient la contrainte par
corps au mépris de la volonté expresse du législateur 1

Ainsi, ils ne pourraient, même en cas d'erreur recon-


nue, obtenir la rétractation qui leur serait due I Evidem-
ment ce serait, là, méconnaître toutes les notions de la
justice et de la saine raison.
Dès que la loi nouvelle a fait de la déclaration d'ex-
cusabilité une véritable cession de biens il faut tenir
,
pour elle ce qui était admis pour celle-ci sous l'empire
ART. 539, 540. 455
du Code. Or, le jugement qui intervenait sur la cession
pouvait être attaqué; donc, celui qui est rendu sur l'ex-
.
cusabilité pourra l'être par la partie qui y aura intérêt.
Ce qui prouve que c'est de cette manière que l'a
compris le législateur, c'est le silence qu'il a gardé dans
l'article 583. On sait que celui-ci a soigneusement énu-
méré les jugemens contre lesquels il n'y a aucun recours
possible; le jugement sur l'excusabilité n'est inscrit dans
aucune de ses catégories. Or , lorsque la loi spéciale se
tait, il faut recourir au droit commun, qui autorise la
partie lésée à attaquer les jugemens qui lui préjudicient,
si, par la quotité de l'intérêt engagé, le tribunal n'a pas
prononcé en dernier ressort. L'excusabilité est toujours
d'un intérêt indéterminé; donc,la décision qui y statue
est susceptible de recours.

859. — Ce recours ne peut être que l'appel. Nous


avons déjà dit que la loi n'a pas fait un devoir aux cré-
anciers ni au failli, d'être partie dans le jugement.
,
Celui-ci ne saurait donc être par défaut. On ne saurait
prendre ou prononcer le défaut que contre la partie qui
devait comparaître et qui n'a pas comparu. Celle-là
seule paurrait former opposition..Or, dans l'hypothèse
de notre article, aucun des intéressés n'ayant à compa-
raître, n'aurait le droit de se pourvoir par opposition.

840. — Les créanciers ou le failli pourront donc


appeler du jugement qui a prononcé sur l'excusabilité.
Les délais de cet appel courront du jour de la pronon-
ciation du jugement. Rien, en effet, n'impose au failli
436 TRAITÉ DES FAILLITES.

le devoir de faire signifier ce jugement, dont le bénéfice


lui est immédiatement acquis. A cette époque, d'ailleurs,
il n'y a plus de syndics ; la masse est dissoute et l'on
,
comprend que cette signification serait d'autant plus in-
juste qu'elle imposerait au failli, dépouillé de toutes
,
ressources, des frais considérables. Les délais dans les-
quels l'appel devra être émis partent donc tant contre
,
les créanciers que contre le failli, du jour du jugement.

841. — Quelle sera leur durée; faut-il appliquer


l'article 443 du Code de procédure civile ou l'article
,
582 de la loi actuelle ? Le véritable caractère de celui-
ci ne nous permet pas de le rendre l'arbitre de la ques-
tion. Les motifs qui ont fait limiter les délais ordinaires
de l'appel n'existent plus pour le jugement d'excusabi-
lité. Il n'y a plus faillite lorsqu'il est rendu, car l'union
est alors dissoute. Il n'est donc pas intervenu en matière
de faillite, mais bien après faillite. Or, les premiers seuls
sont régis par l'article 582 ('). Le délai d'appel sera
donc celui qui est accordé par le Code de procédure,
c'est-à-dire, de trois mois.

842. — L'instance sur l'appel s'agitera contradic-


toirement entre les parties qui y figureront nommément.
Chaque créancier pouvant émettre appel, doit dénoncer
celui-ci au failli ou intervenir sur celui émis par un
,
autre. Mais le failli devra appeler contre tous les créais
ciers ; car à cette époque il n'y a plus de masse et
, , ,
parlant plus de syndics pour les. représenter tous. La

(') Yi iufrà nos observations sur cet article*


ART. 539, 540. 457
procédure qui lui est imposée est, en réalité, celle qu'il
aurait suivie sous l'empire du Code pour la cession de
biens.

ARTICLE 541.

Aucun débiteur commerçant ne* sera recevable à de-^


mander son admission au bénéfice de cession de biens.
Néanmoins, un concordat par abandon total ou par-
tiel de l'actif du failli peut être formé suivant les rè-
,
gles prescrites par la section n du présent chapitre.
Ce concordat produit les mêmes effets que les autres
concordats ; il est annulé et résolu de la même ma-
nière.
La liquidation de l'actif abandonné est faite confor-^
mément aux paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 529,
aux articles 532, 533, 534, 535 et 536, et aux paraj
grapes 1 et 2 de l'article 537.
Le concordat par abandon est assimilé à l'union pour
la perception des droits d'enregistrement.

SOMMAIRE.

843. Définition, caractère et effets de la cession de biens.


844. Son abolition était une conséquence de la disposition de Tar-
de 539.
845. Celte abolition n'est pas restreinte au cas de faillite. — Elle
concerne tous les débiteurs commerciaux.
458 TRAITÉ DES FAILLITES.

846. Motifs de la disposition nouvelle. — Ses avantages pour la


cession poursuivie avant la déclaration de faillite.
847. Après la dissolution de l'union elle n'était qu'une occasion
,
d'exposer des frais, que Ton a eu raison de proscrire.
848. L'article 541 introduit de plus une modification qui laisse le
jugement à l'autorité la plus compétente pour le rendre.
849. La prohibition prononcée par cet article ne s'applique qu'à
la cession judiciaire.
849 tu, La prohibition de l'article 541 s'étendait-elle à la cession
volontaire.
849ter. Arrêt remarquable de la cour de cassation.
849 quat. Sous la loi de 1838, le concordat par abandon était-il
obligatoire.
849 qu'iq. Inconvéniens et abus que la loi de 1856 est venue ef-
facer.
849 sext_ Formes du concordat par abandon.
849 sePl. Ses effets quant à la personne du failli.
849 oct. Quant aux biens.
849 nono. Objet de la dernière disposition.
849 decies. Comment et dans quels cas le concordai par abandon
est-il annulé ou résilié.
849 undec. Le concordat par abandon fait-il cesser l'attribution de
compétence du tribunal de la faillite ?

845. — Dans la définition que le législateur nous


a lui-même donnée de la cession, celle-ci est qualifiée
l'abandon qu'un débiteur fait de tous ses biens à ses
créanciers, lorsqu'il se trouve hors d'état de payer ses
dettes (').
Il résulte évidemment de ces termes que le com-
,
merçant , dont la faillite avait été déclarée , ne pouvait
recourir à ce mode de libération tant que la liquidation

(') Art. 1265 du Code civil.


ART. 541. 459
ri'étaît pas terminée. Il était, en effet, dans l'impossibi-
lité de consentir l'abandon de ses biens le jugement
,
déclaratif les ayant transportés de plein droit à ses cré*
anciers.
D'autre part, à cette époque, la cession était inutile;
elle n'avait pas pour effet de libérer complètement le
failli ; elle l'exonérait seulement de la contrainte par
corps ['). Or, vis-à-vis des créanciers individuellement,
cet effet était produit par l'état de faillite.
Ce n'était donc qu'après la dissolution de l'union, ou
avant la déclaration de la faillite qu'un commerçant
,
pouvait utilement invoquer le bénéfice de cession.
La cession de biens était volontaire ou judiciaire :
dans le premier cas, son effet était réglé par la trans-
action ; dans le second, par la loi (*).
La cession judiciaire était consacrée contre le voeu et
malgré l'opposition des créanciers. La loi avait voulu
ainsi arracher à toute contrainte personnelle les débi-
,
teurs malheureux et de bonne foi.

844. — Les conséquences de l'excusabilité telles


,
qu'elles sont déterminées par les articles précédents,
rendaient la cession de biens superflue. L'article 541
n'est donc que la déduction logique de l'article 539.

845. — Toutefois, il faut remarquer que l'abolition


de la cession n'a pas été restreinte au cas de faillite.
Notre article l'étend à tous les débiteurs commerciaux.

(') Art. 1270 fin Code civil.


(') Articles 1269, 1270 du Code civil.
460 TRAITÉ DES FAILLITES.

Il n'y a donc plus pour les commerçants qu'une seule


voie pour sortir d'une déconfiture : celle de la faillite,
qui doit amener la déclaration d'excusabilité.

846. — Les motifs qui ont déterminé le législateur


à adopter ce système méritent une entière approba-
,
tion. Ils ne sont, d'ailleurs que l'exécution littérale
,
d'un principe qui n'a jamais soulevé la moindre oppo-
sition.
Le débiteur qui réunit ses créanciers à l'effet de leur
abandonner ses biens, se déclare lui-même insolvable,
et prouve qu'il est dans l'impossibilité de faire face à
ses engagemens. Il est, dès lors, évident que s'il a con-
tinué ses paiemens il ne pourra plus le faire à l'ave-
,
nir. Il est donc en état de faillite, d'autant plus que nous
avons déjà vu que la cessation des paiemens peut résul-
ter de la circulaire dans laquelle le débiteur demande
un atermoiement. A plus forte raison , le déciderait-on
ainsi, lorsqu'au lieu d'un simple retard, c'est l'accepta-
tion d'une cession de biens, qui est sollicitée.
En cet état, la position du débiteur est nettement
tranchée par l'article 437. Elle appartient à la loi spé-
ciale dont l'application est commandée par l'intérêt
,
public et privé. Or, la cession avant la déclaration de
,
la faillite, ne pouvait avoir d'autre objet que de se sous-
traire à cette application. De là des inconvéniens gra-
,
ves. L'état des affaires du débiteur ne pouvait, à cette
époque être sainement apprécié. Les créanciers n'a-
,
vaient pu ni l'explorer, ni le faire vérifier par des man-
dataires ; ils se trouvaient donc dans l'impossibilité de
ART. 541. 46!
découvrir et de signaler les fraudes que le débiteur avait
pu commettre , et de contester utilement les malheurs
qu'il prétendait avoir essuyés.
En rendant désormais la déclaration judiciaire de la
faillite inévitable et forcée la loi.actuelle s'est précau-
,
tionnée contre ces inconvéniens. Il est difficile que la
mission confiée au juge-commissaire et aux syndics ne
produise pas, enfin, quelques lumières sur les actes du
failli. La fraude qui échappe au premier coup d'oeil finit
par se trahir devant les investigations profondes des
parties intéressées. Cette crainte, qui doit préoccuper le
débiteur, la certitude de la réparation que la justice ne
manquerait pas d'exiger sont de nature à le retenir
,
dans les bornes de la loyauté à arrêter ceux qui pour-
,
raient vouloir devenir ses complices à garantir, enfin,
,
l'intérêt des créanciers celui de la société tout entière,
,
en empêchant les faillites par spéculation.

847. — Après la dissolution de l'union, la cession


de biens telle que l'organisait le Code ne répondait à
,
aucune exigence véritablement utile, n'avait aucune ré-
alité dans l'objet qu'elle se proposait. Le débiteur sortait
à peine de l'état de faillite, entièrement dépouillé de tous
ses biens; quels étaient donc ceux qu'il pouvait aban-
donner ? Dès lors, si les créanciers, quoique ne recevant
rien, étaient contraints de consentir la cession il était
,
beaucoup plus rationnel d'arriver à ce résultat, en évi-
tant une instance longue et coûteuse. La disposition de
l'article 539 est donc encore sous ce rapport, d'une
,
utilité incontestable.
4*62 TRAITÉ DES FAILL1ÏES.

848. — Enfin , et sous le rapport de l'autorité ap-


pelée à prononcer, l'abolition de la cession répond à un
voeu dès longtemps exprimé. La connaissance de la ces-
sion, même après faillite, était déférée au tribunal civil.
Ainsi, la conduite du failli, la moralité delà faillite,ses
circonstances étaient soumises à l'appréciation de ma-
gistrats qui n'avaient jamais eu à s'en occuper et qui
,
ne pouvaient profiter de la connaissance qu'en avait ac-
quise le juge-commissaire. Un pareil état de choses,
justement relevé par les hommes spéciaux rendait les
,
surprises beaucoup plus faciles. On pouvait, par des al-
légations plus ou moins exactes égarer la religion du
,
tribunal, et en obtenir une décision erronée soit pour,
,
soit contre le failli.
Le remplacement de la cession par la déclaration
d'excusabilité ; l'examen de celle-ci laissé d'abord aux
créanciers et ensuite au tribunal de commerce ; la fa-
,
culté pour celui-ci de ne pas se conformer à l'avis des
premiers, rendent à la mesure qu'il s'agit de sanction-
ner son véritable caractère. Le juge devant lequel la fail-
lite s'est déroulée est essentiellement le plus capable de
prononcer sur l'avenir du failli. Le concours du juge-
commissaire à ce jugement suprême lui assure, d'ail-
leurs les élémens de certitude que la part active que
, ,
ce magistrat a prise à toutes les opérations de la faillite,
l'a mis à même d'acquérir.
849.— La disposition prohibitive de l'article 541
ne concerne que la cession judiciaire. Il est, en effet,
certain qu'avant la faillite comme après la dissolution
,
ART. 541. 463
de l'union le débiteur capable de tous les actes de la
,
vie civile peut transiger avec ses créanciers ; que de
,
leur côté, ceux-ci sont libres de consentir tels sacrifices
qu'ils jugent convenables, et notamment de renoncer à
l'exercice de la contrainte par corps. Mais la validité de
la cession d'une part, de ses conditions de l'autre ne
,
pourrait être opposée qu'à ceux qui auraient été réelle-
ment parties. Elle ne saurait nuire aux créanciers qui
n'auraient pas voulu y souscrire, et qui pourraient tou-
jours exécuter la personne et les biens cédés au mépris
de leurs droits.

849 b!s. — Quelle est l'étendue de la prohibition de


l'article 541. Kégil-elle non-seulement la cession judi-
ciaire, mais encore la cession amiablement acceptée par
les créanciers ?
La solution de celte question, que la pratique fit bien-
tôt surgir semblerait ne devoir rencontrer ni contra-
,
diction ni doute. Tant qu'il n'est pas déclaré en faillite,
le commerçant jouit de sa capacité légale; il a la libre
administration de ses biens ; il peut en disposer sauf
,
les restrictions que créent les articles 446 et suivants.
Mais évidemment, l'abandon de ces biens fait à tous les
créanciers, et devant leur être répartis à tous également,
ne saurait être querelé au point de vue de ces articles,
ni régi par leurs dispositions. Qui pourrait, d'ailleurs,
en invoquer le bénéfice, si tous les créanciers, sans ex-
ception, adhèrent au traité ? Or, cette adhésion unanime
est la condition sine qua non de sa validité.
Du côté des créanciers, pourrait-il y avoir des diffi-
4^4 TRAITÉ DES FAILLITES.

cultes sérieuses. L'acceptation delà cession de biens im-


plique, de leur part, la remise partielle de la dette la
,
renonciation à exercer la contrainte par corps, à pour-
suivre la déclaration de faillite. Or, tout cela n'intéresse
en rien la morale ni l'ordre public ; n'a rien de con-
traire à la loi. Ce ne sont là que des avantages parti-
culiers, que ceux qui sont appelés à en profiler peuvent
à leur gré répudier.
Contesterait-on la légalité du traité amiable intervenu
avant la déclaration de faillite entre le débiteur et tous
ses créanciers , dans l'objet d'atermoyer la dette ou de
la réduire ? Or la cession de biens offerte et acceptée
, ,
dans les mêmes circonstances, n'est que ce traité amia*
ble à des conditions spéciales. On doit donc la déclarer
valable et obligatoire, comme on ferait de celui-ci.
Le contraire a élé cependant soutenu, et on a invo-
qué la doctrine de M. Renouard. Cet honorable magis-
trat , après avoir rappelé que la cession des biens était
permise aux commerçants, par le Code de 1807, ajoute,
en effet : La loi de 1838 a été plus conséquente; elle
s'est gardée d'ouvrir elle-même de faux-fuyans à qui
voudrait l'éluder, et elle a généralisé pour tous les dé-
biteurs commerçants la législation des faillites en leur
,
interdisant la cession de biens. Si l'abandon des biens
du débiteur est volontairement accepté par tous les cré-
anciers, ce sera la condition du concordat (').
Ne permettre à tous les créanciers la faculté de s'en-
tendre avec le débiteur que par le concordat, c'est leur

O, Sur l'art. 541.


ART, 541. 465
refuser le droit de le faire avant la faillite ; c'est rendre
la déclaration de faillite inévitable, alors même que les
créanciers auraient l'intérêt le plus évident à l'empêcher.
Est-ce là réellement ce qu'a pu vouloir ce qu'a voulu
,
le législateur ? Nous ne saurions le croire.
La déclaration de la faillite et les formalités qu'elle
entraine n'ont d'autre objet que l'intérêt des créanciers.
Or, qui peut mieux apprécier cet intérêt que les créan-
ciers eux-mêmes.
Quel sera, d'ailleurs, le résultat de la faillite? On ne
peut en imaginer un plus favorable que celui qui met
les créanciers en possession de l'universalité de l'actif
du débiteur. Mais si ce résultat peut être atteint immé-
diatement par un accord amiable, comment leur inter-
dire le droit de l'accepter, et les contraindre à subir les
longueurs et les frais de la faillite.
La cession de biens n'a en elle-même rien d'injuste
ni d'odieux. Ce qu'on peut lui reprocher, c'est de s'im-
poser aux créanciers malgré leur volonté et contre leur
voeu. Or , cette contrainte n'est attachée qu'à la cession
judiciaire. C'est donc celle-ci seule que l'article 541 a
entendu et voulu proscrire.
Le but principal de sa disposition a été de mettre un
terme au grave inconvénient qui naissait de la possibi-
lité pour le débiteur commerçant de réclamer judiciaire-
ment le bénéfice de cession , ce qui, dit M. Dalloz, en-
traînait une grande complication dans la position res-
pective du commerçant et de ses créanciers. Il en ré-
sultait notamment que ces derniers étaient obligés de
II 30
466 TRAITÉ DES FAILLITES.

défendre devant le tribunal civil à la cession de biens


demandée par le débiteur, en même temps qu'ils avaient
saisi le tribunal de commerce d'une action en déclara-
tion de faillite. Ce qui pouvait aboutir d'une part, à
,
l'admission au bénéfice de cession de biens, de l'autre,
à une déclaration de faillite.
On comprend que le législateur ait voulu remédier à
une pareille anomalie, prévenir la possibilité d'une telle
contradiction. Mais lui attribuer la pensée de restrein-
dre le principe de la liberté des transactions, et pros-
crire tout accord amiable avant la déclaration de faillite,
c'est ouvertement se méprendre sur ses intentions et
,
lui supposer une volonté qu'il n'a jamais eue.

849 ter. _ Le texte même de l'article 541 repousse


cette interprétation. La fin de non recevoir qu'il consa-
cre contre toute demande en admission au bénéfice de
cession de biens, suppose, en effet, une action en jus-
tice à l'effet de contraindre les créanciers. On ne sau-
rait ni rationnellement ni juridiquement, l'appliquer
,
aux propositions que le débiteur ferait à ses créanciers,
et que ceux-ci peuvent toujours accepter ou refuser.
La doctrine de M. Renouard méconnaît donc le texte
et l'esprit de la loi : elle doit dès lors être repoussée.
C'est ce que la cour de cassation a fait en consacrant
celle que nous soutenons, par arrêt du 18 avril 1849.
« Attendu, dit la cour régulatrice, que la prohibition
faite par l'article 541 d'admettre aucun débiteur com-
merçant au bénéfice de cession , n'est relative qu'à la
cession de biens judiciaire laquelle est devenue sans
,
ART. 541. 467
objet par les dispositions du Code de commerce sur les
faillites; que la preuve de cette distinction se trouve
dans les termes dont se. sert l'article 541, et qui suppo-
sent nécessairement qu'il s'agit d'une demande en jus-
tice formée par le débiteur, et que le tribunal est appelé
à apprécier.
» Attendu que l'intention du législateur n'a pu être
d'interdire, entre un négociant à la tête de ses affaires,
jouissant de tous ses droits, et ses créanciers, une con-
vention qui a pour effet d'assurer la liberté d'un débi-
teur de bonne foi, de le garantir de la honte d'une fail-
lite tout en réservant dans son actif l'intégralité du
,
gage sur lequel ils ont dû compter ('). »
849 quat. — La faillite déclarée et les formalités pré-
alables remplies, pouvait-il intervenir un traité libérant
le failli de toute contrainte par corps au moyen d'une
cession de biens ? Ce traité réunissant la majorité en
nombre et en sommes lierait-il les dissidents ?
On a soutenu la négative par la raison que ce ne
,
serait là que la cession de biens prohibée ; que sous la
couleur d'un concordat se cachait un contrat d'union
,
déguisé dans le but unique de soustraire le débiteur à
,
la nécessité de la déclaration d'excusabilité et au con-
,
trôle que le tribunal était appelé à exercer sur cette dé-
claration.
Ces objections n'avaient aucun fondement sérieux. La
loi en autorisant le concordat n'a nullement limité les

C) D.P., 49, I.IIO.


468 TRAITS DES FAILLITES.
stipulations qui pourraient en former la base. Elle n'au-
rait pu le faire sans gêner la liberté des transactions.
Les créanciers n'ont d'autre règle que leur intérêt et
leurs convenances; et puisque, en celte matière, la vo-
lonté exprimée par les majorités requises s'impose à la
minorité faut-il bien que celle-ci subisse la loi telle
,
qu'elle est édictée.
Le contrôle du tribunal de commerce ne sera pas
éludé. A défaut de porter sur la déclaration d'excusa-
bilité il s'exercera sur le concordat. Le pouvoir de re-
,
fuser l'homologation, soit d'office, soit sur l'opposition
de la minorité, sauvegarde et garantit contre tout abus,
contre toute surprise.
849iuini. — Ainsi, l'article 541 qui avait supprimé
la cession de biens pour le commerçant, ne l'avait pas
fait sortir des habitudes et des usages. La pratique com-
merciale continuait de l'admettre soit avant, soit après
la déclaration de faillite. Cette pratique consacrée par la
cour de cassation elle-même, était recommandée par
la magistrature consulaire. Le.tribunal de commerce de
Paris, par deux délibérations en assemblée générale, en
signalait la convenance et l'utilité.
Cet état des choses appelait l'attention du législateur.
Il fallait, puisque le principe était un besoin réel, l'in-
troduire dans la loi, et, en se l'appropriant, lui tracer
des règles de nature à faire disparaître les inconvéniens
que leur absence rendait inséparables d'une application
purement arbitraire.
Ces inconvéniens, l'exposé des motifs de la loi de
ART. 541. 469
1856 les énumère et les divulgue. « A défaut de toute rè-
gle, le soin de la liquidation était remis à des commis-
saires choisis parmi les créanciers ; la surveillance du
juge-commissaire n'existant plus, il en résultai que les
mandataires sans responsabilité sans contrôle, com-
,
merçants eux-mêmes, préoccupés avant tout du soin de
leurs affaires manquaient de temps ou d'expérience
,
ou quelquefois même de scrupuleuse probité; étrangers
souvent aux affaires,ils se laissaient diriger par des con-
seils quelquefois plus dangereux qu'utiles et toujours
,
onéreux; ils encaissaient des sommes qu'ils pouvaient
conserver un temps indéterminé ; ils refardaient indéfi-
niment la reddition de leur compte, et quand ils le fai-
saient, c'était sans ordre, sans régularité, sans garantie
pour les autres créanciers, et surtout pour le failli. En-
fin si leur gestion était mauvaise il était difficile de
, ,
les remplacer. La loi ne prescrivant rien, tout était ar-
bitraire. »
Il fallait donc ou prohiber absolument le concordat
par abandon de biens malgré son utilil'; reconnue , eu
le conserver en principe, mais en lui traçant des règles
et une forme capables de mettre un terme à lous ces
inconvéniens. C'est ce dernier parti dont l'assemblée lé-
gislative avait pris l'initiative, en adoptant, avec l'adhé-
sion du garde des sceaux, une proposition dans ce sens
proposée et développée par M. Bravard-Veyrières. C'est
ce que vint consacrer enfin la loi des 17-23 juillet 1856.

849 sext. — L'abandon de biens est désormais ins-


crit dans la législation. Biais, en l'élevant à la hauteur
.470 TRAITÉ DES FAILLITES.

du concordat, en lui en attribuant tous les effets on a


,
subordonné son adoption aux conditions prescrites pour
celle du concordat lui-même et qui ont pour objet d'en
garantir la sincérité.
Ainsi il ne pourra être proposé et accepté qu'après
,
l'accomplissement de toutes les formalités auxquelles
donne lieu le jugement déclaratif, notamment la vérifi-
cation et affirmation des créances. Il doit être délibéré
en assemblée générale soUs la présidence du juge-com-
missaire ; être volé séance tenante, et réunir la majorité
en nombre et en sommes , sauf renvoi à huitaine s'il
n'a obtenu qu'une de ces majorités; enfin être homo-
logué par le tribunal de commerce après l'expiration du
délai laissé aux dissidents pour y former opposition.

849 sept. — Le concordat par abandon de biens,


régulièrement intervenu est obligatoire pour tous les
,
créanciers antérieurs à la faillite, sans distinction entre
ceux qui ont pris part à la délibération et qui l'ont ad-
mis, et ceux qui se sont abstenus ou qui l'ont repoussé.
L'homologation prononcée sur ou sans opposition le
rend définitif etinattaquable. Ses effets, quant à la per-
sonne du failli, sont les mêmes que ceux du concordat
ordinaire. C'est-à-dire qu'il est civilement libéré de la
dette, quel que soit le résultat de la liquidation des
biens abandonnés ; qu'à raison du solde qui resterait
dû aux créanciers, il ne peut plus être recherché ni sur
les biens qu'il a conservés si l'abandon a été partiel, ni
sur ceux qui pourront lui échoir plus tard si l'abandon
a été total.
ART. 54t. 471
Sous ce rapport, donc, le concordat par abandon est
plus utile plus efficace que la cession de biens. Celle-
,
ci en effet ne libère le débiteur que jusqu'à concur-
, ,
rence de ce que les créanciers ont réellement touché, et
ses biens à venir restent affectés au surplus de la dette.
À cet avantage s'en joint un second. La cession de biens
comprend forcément l'universalité de ceux actuellement
possédés par le débiteur. Le concordat par abandon peut
n'être que partiel. La loi a dû s'en remettre, à cet égard,
à la décision des créanciers. Elle leur permet de venir
en aide à la bonne foi et au malheur,et de faciliter ainsi
une réhabilitation que la certitude de l'un et de l'autre
fait espérer. Notons bien, en effet, que, comme le con-
cordataire ordinaire, le failli qui a abandonné ses biens
n'est exonéré des incapacités que la faillite fait peser
sur lui que par la réhabilitation.
La loi de 1856 fait donc mieux et plus que de réta-
blir la cession de biens. Ce qui la rend irréprochable
même à ce point de vue c'est que, contrairement à ce
,
qui se pratique pour celle-ci, le concordat par abandon
ne peut exister que par son acceptation spontanée par
la majorité des créanciers en nombre et en sommes ;
que les tribunaux qui ne peuvent jamais l'imposer de-
meurent investis du droit de le repousser en refusant
l'homologation soit d'office, soit sur l'opposition d'un
,
ou de plusieurs créanciers.

849oct. — Quant aux biens, le concordat par aban-


don n'est qu'un véritable contrat d'union. Ainsi ceux
,
qui sont abandonnés sont régis, administrés et vendus
472 TRAITÉ DES FAILLITES.

par les syndics dans la forme et aux mêmes condi-


,
tions que celles imposées aux syndics de l'union.

8ï9non 0. — Le caractère de l'abandon exigeait qu'on


s'expliquât sur le droit d'enregistrement dont l'acte est
passible. La régie considérant la cession de biens com-
me une transmission de propriété, percevait le droit de
mutation, indépendamment de celui de quittance sur la
valeur totale des biens, alors même que ces biens étaient
grevés d'hypothèques au delà de cette valeur.
Ainsi la masse payait une somme considérable et
,
souvent au profit exclusif des créanciers hypothécaires,
et voyait ainsi sa perle s'accroître d'autant. Le législa-
teur de 1856, en assimilant fort justement le concordat
par abandon à l'union, n'autorise pour l'un que le droit
d'enregistrement à prélever sur l'autre.
849 derirs. — Aux termes de l'article 541 le con-
,
cordat par abandon sera résolu et annulé de la même
manière que le concordat ordinaire. Nous comprenons
une annulation pour dol, fraude ou banqueroute frau-
duleuse ; mais la résolution pour inexécution est plus
difficile à entrevoir et à supposer.
En effet jusqu'à l'homologation du concordat les
, ,
biens du failli sont dans les mains des syndics. Il ne
les reprend qu'en force du concordat lui-même. Or, si
ce concordat consacre leur abandon , il est évident que
les syndics n'auront pas à en faire la remise, et que la
rétention des biens constituerait l'exécution pleine et
entière du concordat.
La dissimulation par laquelle le failli aurait gardé
ART. 541. 473

par devant lui une partie quelconque de ses biens, cons-


tituerait le détournement de l'actif, c'est-à-dire non
,
une simple inexécution, mais une banqueroute fraudu-
leuse qui motiverait l'annulation du concordat.

849 undec.
— Le paragraphe 7 de l'article 59 du
Code de procédure civile défère au tribunal de la faillite
la connaissance des actions nées de la faillite ou à son
occasion. Au nombre de ces actions se place évidemment
celle en rapport des sommes reçues contrairement aux
articles 446 et 447. Elle a, en effet, si bien son fonde-
ment dans la faillite que, sans son événement, elle n'eût
jamais existé. En conséquence, le défendeur appelé de-
vant le tribunal de la faillite ne serait ni recevable ni
,
fondé à en décliner la compétence à raison du domicile.
La question de savoir s'il en était ainsi après concor-
dat ne pouvait naître que dans l'hypothèse d'un con-
,
cordat par abandon de biens. Le concordat ordinaire,
en effet, anéantit l'état de faillite. Il n'y a plus ni masse
ni syndicat. Une seule action survit : celle en paiement
du dividende ; mais elle n'appartient qu'à chaque cré-
ancier individuellement, et ne peut être exercée que con-
tre l'ancien failli.
Le concordat par abandon, s'il libère la personne du
failli, laisse les biens à la disposition des créanciers ;
leur administration continue d'être exclusivement con-
fiée aux syndics qui les aliènent au nom et profit des
créanciers et qui restent sous la surveillance du juge-
,
commissaire.
De tout cela la cour de Besançon concluait que le
,
474 TRAITÉ DES FAILLITES.

concordat par abandon ne fait cesser l'état de faillite


qu'à l'égard du failli ; que les créanciers sont en état
d!union à l'effet de liquider et de répartir entre eux l'ac-
tif abandonné. Elle jugeait, en conséquence, que l'ac-
tion des liquidateurs se rattachant à cette liquidation et
devant sa cause à la faillite, devait être nécessairement
appréciée par le juge du domicile du failli (').
Mais, comment concevoir une faillite sans un failli.
N'est-ce pas exclusivement pour le débiteur que l'état
de faillite se réalise. Donc en consentant à le relâcher
,
de ses liens les créanciers ont par cela même abso-
,
lument fait disparaître cet état.
Ce qui a survécu c'est une communauté d'intérêts
,
dont la liquidation doit être opérée par des mandataires
légaux. Le droit de ceux-ci à actionner les communistes
pour les contraindre à restituer la partie de l'actif qu'ils
détiendraient indûment, est évident et incontestable.
Mais son exercice quant au juge à investir n'est plus
, ,
régi par le paragraphe 7 de l'article 59 du Code de pro-
cédure civile. Il obéit au contraire à la règle que nul ne
doit et ne peut être distrait de son juge naturel.
Aussi la cour de cassation par arrêt du 14 avril
, ,
1856, rendu après délibération en chambre de conseil,
cassait-elle l'arrêt de Besançon comme ayant faussement
appliqué et violé l'article 59 du Code de procédure
civile (').
Plus tard et par arrêt du 16 décembre 1856, la cour

(') 28 mars i855; D. P., 55, 2, 234-


(') J.duP.,i, i856, 319; D. P., 56, 1, 2o3.
ART. 541. 475
de Colmar devant laquelle parties et matière avaient été
renvoyées jugeait dans le sens consacré par la cour
,
suprême (').

CHAPITRE VII.

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CRÉANCIERS ET LE LEURS DROITS IN CiS

DE FAILLITE.

SECTION PREMIERE.

DES COOBLIGÉS ET DES CAUTIONS.

ARTICLE 5i2.
Le créancier porteur d'engagements souscrits, endos-
sés ou garantis solidairement par le failli et d'autres
coobligés qui sont en faillite participera aux distribu-
,
tions dans toutes les masses, et y figurera pour la valeur
nominale de son titre* jusqu'à parfait paiement.

(') J.duP., I857, 18.


475 TRAITÉ DES FAILLITES.

ARTICLE 543.

Aucun recours pour raison des dividendes payés,


,
n'est ouvert aux faillites des coobligés les unes contre
les autres, si ce n'est lorsque la réunion des dividendes
que donneraient ces faillites excéderait le montant total
de la créance en principal et accessoires auquel cas
, ,
cet excédant sera dévolu suivant l'ordre des engage-
,
mens, à ceux des coobligés qui auraient les autres pour
garants.

SOMMAIRE.

850. Il existe dans chaque faillite di\erses classes de créanciers.


Comment on les distingue.
851.. Droits des créanciers contre les débiteurs solidaires. — Con-
séquences des paiemens partiels faits par l'un d'eux.
852. Exception en matière de faillite.
853. Motifs de la dérogation créée par l'article 542 aux principes
ordinaires.
854. Le droit de produire dans la faillite de chaque coobligé est
laissé à l'arbitrage du créancier.
855. Il peut poursuivre ceux qui sont demeurés solvables, pour
l'intégralité de la dette.
856. Mais si avant il avait produit dans les faillites, il ne pourrait
leur demander que le solde encore dû jusqu'à parfait
paiement.
857. Ces termes comprennent, dans l'intention de la loi, le solde
des intérêts et frais. — Comment se règlent les premiers.
858. Le droit de produire dans la faillite de chaque coobligé,pour
ART. 542, 543. 477
la totalité de la dette, n'existe que lorsque celle-ci est
due solidairement. — Dans ce cas il est absolu.
859. Ainsi, la répartiton ordonnancée dans la faillite d'une cau-
tion même avant l'échéance, devrait comprendre le
,
créancier qui se serait fait admettre.
860. Comment s'exerce l'action en recours soit des faillites entre
elles soit de la part des coobligés solvables qui ont
,
payé.
861. La loi la prohibe aux unes et aux autres lorsque le créan-
,
cier a retiré dans chaque faillite le dividende auquel il
' avait droit. — Motifs.
862. Conséquences par rapport aux obligés demeurés solvables.
863. Mais cette prohibition ne concerne que la masse et nullement
le coobligé lui-même.
864. Nature de l'obligation qui lui serait imposée, s'il voulait ob-
tenir sa réhabilitation.
865. On suivait sous le Code de commerce les mêmes principes,
bien qu'ils ne fussent pas textuellement écrits dans la
loi.
866. Arrêt de la cour de Paris. — Singulière contradiction dans
ses dispositions.
867. Preuve de cette contradiction.
868. Dans tous les cas le système de cet arrêt est aujourd'hui
,
proscrit par l'article 542.
869. L'excédant produit par les dividendes dans les diverses fail-
lites est attribué dans l'ordre des engagemens au codébi-
teur, qui aurait les autres pour garants.
870. Application de cette disposition aux titres ordinaires.
871. Aux titres commerciaux. — Droits des souscripteurs ac-
,
cepteurs et endosseurs.
872. Ordre dans lequel la dévolution s'opère entre ces derniers.
873. A qui profite cet excédant du tireur pour compte ou de l'ac-
cepteur?
874. Obligations du porteur en cas d'excédant. — Droit du pre-
mier appelé à le recueillir.
478 TRAITÉ DES FAILLITES.

850. — Il existe dans les faillites diverses classa


de créanciers : elles se distinguent par les facultés atta-
chées aux titres en vertu desquels elles agissent. Tels
sont les créanciers hypothécaires , privilégiés sur les
meubles ou les immeubles, nantis de gages ou porteurs
d'engagemens souscrits par plusieurs débiteurs solidai-
res ou non. C'est de ces derniers que la loi s'occupe
d'abord.
851. — Tous les débiteurs solidaires sont tenus de
l'intégralité de la dette. Le créancier peut à son gré les
contraindre individuellement, s'adresser à celui qu'il lui
plaît de choisir. Mais, en thèse ordinaire les sommes
,
payées par l'un d'eux font disparaître au profit de tous
une partie équivalente de la dette dé telle sorte que le
,
créancier ne peut jamais demander aux autres que le
solde encore dû.
De plus chaque débiteur solidaire n'est tenu envers
,
ses codébiteurs qu'au paiement de sa part et portion ;
et s'il a réellement payé une plus forte somme, il a ac-
tion contre ces derniers pour les contraindre à lui resti-
tuer la part qui les concerne (').
852. — Une double exception a été consacrée à ces
deux derniers principes lorsque les débiteurs ont été
,
déclarés en faillite. C'est ce que règlent nos deux dispo-
sitions actuelles.
Ainsi, le porteur d'un titre souscrit par plusieurs dé-
biteurs faillis a le droit de se présenter à la faillite de

(') V. Articles îioo et suivants du Code civil.


ART. 542, 543. 479
chacun d'eux, de se faire admettre au passif pour la to-
talité de sa créance, et de retirer dans chacune d'elles le
dividende sur l'intégralité de la dette. On ne saurait
l'obliger à précompter le montant des répartitions aux-
quelles il a concouru, alors même qu'au moment où il
demande son admission une ou plusieurs des faillites
,
se trouvassent liquidées.
Exemple : Paul est créancier d'une somme de francs
10,000 de Jacques, de Pierre et de Joseph. Au moment
où la faillite de ce dernier s'ouvre celle de Jacques et
,
de Pierre a déjà produit un dividende de cinquante pour
cent, qui a été louché par Paul. Celui-ci n'est donc plus
créancier en réalité que de fr. 5,000. Cependant, il doit
être admis au passif de Joseph pour f. 10,000 mon-
,
tant intégral de la créance originaire. Or, il est cepen-
dant certain que si aucun des débiteurs n'était tombé en
faillite, les fr. 5,000 payés par l'un d'eux auraient ré-
duit d'autant les droits de Paul, qui ne pourrait plus
exiger que les fr. 5,000 restants.

855. — L'article 542 contient donc une dérogation


au droit commun. Mais il est facile de s'en rendre
compte en recherchant les modifications que la faillite
des débiteurs impose dans les relations ultérieures entre
eux et leurs créanciers.
Le porteur d'une créance solidairement due a le droit
de se faire intégralement payer par ses débiteurs. Or,
tant que ceux-ci sont solvables, il y a certitude que ce
paiement se réalisera. En conséquence, lorsque le cré-
ancier s'adresse à l'un d'eux pour l'exiger, tout ce qu'il
480 TRAITS DES FAILLITES.
doit obtenir, c'est ce qui lui reste dû prélèvement fait
,
des à-comptes déjà reçus. L'autoriser à se faire payer
l'intégralité de la dette sans égard pour ce que les au-
tres débiteurs lui ont compté, ce serait l'autoriser à re-
cevoir plus qu'il ne peut demander.
Lorsque tous les débiteurs sont en faillite, le droit du
créancier d'exiger un paiement intégral n'en existe pas
moins ; mais la faculté de l'obtenir est singulièrement
altérée. Il ne recevra, dans chaque faillite, qu'un divi-
dende plus ou moins considérable. Or, si ce dividende
était déduit dans les diverses faillites s'il n'était admis
,
dans chacune que pour le solde résultant de celte dé-
duction, il est certain d'avance qu'il n'obtiendrait jamais
le paiement total de ce qui lui est dû, au mépris du droit
que sa qualité lui assure.
C'est donc par respect de ce droit que la loi lui laisse
la faculté de se faire admettre dans la faillite de chacun
de ses débiteurs pour la totalité de ce qui lui est dû, et
de retirer un dividende proportionnel jusqu'à parfait
paiement. Cette faculté n'est que la conséquence de la
solidarité qui lie les débiteurs. S'il est vrai que chacun
d'eux est tenu de toute la dette, il n'y a rien d'exorbi-
tant à exiger qu'à eux tous ils la payent en entier.
854. — L'exercice de cette faculté est entièrement
laissé à l'arbitrage du créancier. Il peut, sans s'astrein-
dre ni à la nature, ni à l'ordre des engagemens, s'adres-
ser à telle ou telle faillite; produire dans l'une, s'abs-
tenir dans l'autre, sans qu'on pût l'obliger à rechercher
d'abord le débiteur principal, ensuite la caution. Dès
ART. 542, 543. 481
qu'il y a faillite, les droits, même simplement éventuels,
s'ouvrent en faveur du créancier, qui peut immédiate-
ment les faire utilement valoir, sauf l'action récursoire
des coobligés ou cautions telle qu'elle va être établie
,
plus bas.

855. — Si parmi les coobligés ou cautions, il en


est qui ne soient pas en état de faillite, ils continuent à
être tenus intégralement delà dette. Le créancier peut
indifféremment leur demander paiement, ou produire
d'abord dans la faillite des autres. Dans le premier cas,
celui ou ceux qui auraient opéré ce paiement, seraient
subrogés aux droits du créancier qu'ils pourraient faire
valoir dans les faillites de leurs codébiteurs (').

856. — Si avant de recourir contre les obligés sol-


vables le porteur de la créance avait produit dans les
,
faillites des autres codébiteurs solidaires, les dividendes
qu'il aurait touchés devraient être prélevés sur le mon-
tant de la dette dont il ne pourrait demander que le
solde. La raison en est simple. Si la loi permet au cré-
ancier de produire dans chaque faillite, pour l'intégra-
lité de ce qui lui est dû, c'est pour lui fournir le moyen
d'en être payé par la réunion des dividendes. Or si ce
,
paiement complet est assuré, il faut revenir au principe
ordinaire dont le législateur ne s'est écarté que dans
l'hypothèse de la faillite de tous les obligés solidaires. Ce
résultat se réalise lorsque quelques-uns d'entre eux sont
encore solvables. Tenus à tout payer lorsque le créan-

(") V. iufràn°862.
II 31
482 TRAITÉ DES FAILLITES.

cier n'a rien reçu, ces derniers sont obligés de le rendre


indemne dans tous les cas mais non de lui faire avoir
,
au delà de ce qu'il a droit d'exiger; c'est cependant ce
qui arriverait si les dividendes touchés dans les faillites
n'avaient pas éteint à leur égard une partie correspon-
dante de la dette.
La loi n'a pu autoriser de près ni de loin un pareil
résultat. Tout ce qu'elle devait faire pour le créancier,
c'était de rendre plus probable et plus facile la rentrée
des fonds qu'il avait prêtés. Or, lorsqu'il existe des dé-
biteurs solvables, cette rentrée est certaine. Le paiement
du solde restant dû, prélèvement fait des à-comptes payés
par les codébiteurs, le désintéresse complètement et as-
sure ce parfait paiement , qu'il a été dans l'intention
de la loi de lui garantir.

857. — Que faut-il entendre par ces mots de l'arti-


cle 542? Comprennent-ils non-seulement le principal
de la créance, mais encore ses accessoires naturels, tels
que les intérêts et frais ? C'est dans ce sens que la dis-
cussion au conseil d'Etat avait fixé l'étendue de l'article
534 du Code de commerce ('). Telle est aussi l'intention
delà loi actuelle. Les intérêts et les frais s'unissent à la
créance en déterminent le chiffre. Il n'y a paiement
,
parfait que lorsque les uns et les autres ont été soldés.
Mais, par rapport aux intérêts, il convient de distin-
guer : ou tous les obligés sont en état de faillite, ou il
en existe qui sont encore debout. Dans le premier cas,

(') Locre', tom. 7, pag. 53 et suiv.


ART. 512, 543 483
le cours des intérêts est réglé dans chaque masse au
jour du jugement déclaratif de la faillite ('). Dans le se-
cond, les débiteurs solvables doivent les intérêts jusqu'au
jour du paiement effectif.

858. — La faculté laissée au créancier par l'article


542 est une conséquence de la solidarité supposée entre
les débiteurs. Si donc cette solidarité n'existait pas si
,
la dette commune avait élé divisée, et si chacun des co-
obligés n'était tenu que de sa part et portion, le créan-
cier n'aurait dans les faillites particulières d'aulres droits
que ceux qu'il aurait pu exercer contre le débiteur per-
sonnellement. Il ne serait admis au passif de chacune de
ceux-ci que pour la part et portion le concernant.
Mais si la dette est solidaire soit par la convention
,
des parties, soit par la nature du titre, le droit du cré-
ancier d'être admis au passif des diverses faillites pour
l'intégralité de ce qui lui est dû, est absolu et ne souffre
aucune exception. Ainsi, alors même qu'une des cau-
tions viendrait à faillir avant l'échéance de la dette, et
que le principal obligé et plusieurs autres cautions étant
évidemment solvables, il y aurait certitude de paiement,
l'admission du créancier dans la faillite de la caution
ne pourrait être contestée. On consignerait seulement
dans le procès-verbal, et au dos du titre, que l'admis-
sion n'est qu'éventuelle. Ses effets tomberaient de plein
droits si, à l'échéance, le créancier était désintéressé par
les débiteurs solvables.

(') V. suprà art. 44^*-


484 TRAITE DES FAILLITES.
859. — Si, avant cette échéance des répartitions
,
étaient ordonnancées, le créancier éventuellement admis
pourrait-il y prendre part ? L'affirmative ne nous parait
pas douteuse. L'admission n'a pas d'autre objet que la
faculté de concourir à la distribution de l'actif. Celui
qui a fait procéder à la première a donc irrévocablement
acquis le droit de participer à la seconde. D'ailleurs, la
caution solidaire est réellement débitrice et sa faillite
,
rendant son engagement exigible, le créancier peut à sa
volonté réclamer son paiement. Seulement, comme en
l'état de la solvabilité des autres codébiteurs, il y a
probabilité de paiement à l'échéance la masse serait
,
fondée à exiger que la part afférent au créancier dans
les répartitions restât, jusqu'à celte échéance, déposée
,
dans la caisse des consignations ou que le créancier
,
donnât caution pour sa restitution, si le débiteur princi-
palement obligé exécutait son obligation.

860. — Dans tous les cas, la masse de la caution


qui aurait payé serait, jusqu'à concurrence subrogée
,
aux droits du créancier contre le débiteur principal et
les autres coobligés solidaires ; mais elle ne pourrait les
exercer que dans les limites des engagemens de chacun
d'eux et de la même manière que le failli aurait pu le
faire. Ainsi, si la dette était commune entre celui-ci et
les autres débiteurs, elle ne pourrait exiger que la part
proportionnelle de chacun d'eux d^ans ce qui dépasse-
rait celle que le failli devait payer. Si celui-ci n'était
que caution , comme, par exemple, s'il avait garanti le
paiement ou endossé le titre le débiteur principal, les
,
ART. 542, 543. 485
souscripteurs de l'effet, l'accepteur et les endosseurs pré-
cédents seraient tenus de rembourser à la faillite tout ce
qu'elle aurait payé.
Ce que nous disons de l'action récursoire se réalise
lorsqu'à côté des débiteurs faillis, il en existe qui ne le
sont pas. Il en serait autrement si tous les coobligés
étaient également en élat de faillite. Ici s'applique la
disposition de l'article 543.

861. — Or, cet article prohibe tout recours, à rai-


son des dividendes payés , aux faillites des coobligés les
unes contre les autres , à la condition toutefois que le
porteur du titre ayant produit danschacune d'elles, y a
concouru à la répartition de l'actif. C'est là une déro-
gation formelle aux principes ordinaires, en matière de
solidarité et de cautionnement. D'une part, en effet, en
vertu de l'article 1213 du Code Napoléon, la masse qui
aurait payé cinquante pour cent pourrait recourir contre
celle qui n'en a payé que dix. De l'autre la caution
,
qui a soldé une partie quelconque de l'engagement, se-
rait fondée à s'en faire rembourser par le débiteur prin-
cipal aux termes des articles 2028 2029 et suivants
, ,
du Code Napoléon.
Mais, à côté des rapports entre les codébiteurs, entre
eux, la faillite fait surgir un intérêt non moins sacré :
celui des tiers qu'elle compromet. Pour eux, il ne sau-
rait jamais exister qu'une seule créance ayant droit à
la répartition de l'actif. Or, lorsque par le résultat de
son admission au passif, cette créance a reçu le divi-
dende proportionnel il ne lui est plus rien dû et ce
, ,
486 TRAITÉ DES FAILLITES.

serait blesser l'égalité que de l'admettre à exiger sous


un autre nom un nouveau dividende. C'est cependant
ce qui se réaliserait si on avait admis l'action récursoire
des faillites entre elles. La même créance figurerait deux
fois dans le passif : une première fois pour la totalité
,
en faveur du créancier; une seconde fois, pour une par-
tie quelconque en faveur du codébiteur qui aurait payé
une somme plus forte.
Ainsi la masse de la faillite aurait à payer deux et
,
quelquefois trois dividendes, selon le nombre des codé-
biteurs solidaires tandis que chacun de ses membres
,
indniduellement n'en recevrait qu'un seul. Il n'était
pas possible de consacrer un tel état de choses , et c'est
dans l'intention de le proscrire que l'article 543 a été
sanctionné.

862. — C'est par le même principe qu'il faudrait


régler les droits des codébiteurs solvables qui auraient
payé la dette en tout ou en partie. Nous avons déjà dit
que lorsque parmi les coobligés quelques-uns seulement
sont en état de faillite, le créancier peut : ou se faire
payer intégralement par les autres , ou produire dans
les faillites, et, après avoir retiré les dividendes lui re-
venant, exiger d'eux la restitution du solde.
Dans la première hypothèse, les coobligés sont subro-
gés aux droits du créancier. Ils sont recevables à les
exercer dans les faillites de leurs codébiteurs et prennent
dans chacune d'elles le dividende sur la totalité si la
,
dette était exclusive au failli ; sur la portion le concer-
nant, si elle est commune.
ART. 542, 543. 487
Dans la seconde la faillite est complètement libérée
,
par le paiement qu'elle a fait au créancier du dividende
qui est résulté de l'actif. Celui-ci a épuisé son droit. Les
coobligés solvables qui paient le solde restant dû n'ont
plus rien à exiger quelque minime qu'ait élé ce divi-
,
dende, eu égard à ce qu'ils remboursent eux-mêmes. Ils
ne peuvent être subrogés à une action qui est éteinte
parce qu'elle a produit tous ses effets.
Remarquons que, dans l'une comme dans l'autre, il
n'existe aucune différence réelle dans le sort des coobli-
gés. En effet, dans la première ils auraient payé l'inté-
gralité de la dette, et, en vertu de la subrogation, ils se-
raient venus, dans les faillites des codébiteurs prendre
,
le dividende qui en serait résulté. Or, ils jouiraient, dans
la seconde, de ce même dividende, puisque le créancier
est obligé de leur en tenir compte. Ils ne perdent donc
rien dans celle-ci à ne pas être subrogés au créancier ;
celle absence de subrogation ne mettant à leur charge
que ce qu'ils auraient réellement eu à supporter dans le
cas contraire.

863. — La suppression de l'action récursoire est


donc fondée sur le principe de l'égalité qui doit régner
entre tous les créanciers d'une même faillite. La masse
ne doit jamais qu'un dividende proportionnel au chiffre
des créances. En conséquence elle ne doit plus rien,
,
lorsque ce dividende a été délivré. Par rapport à elle, la
créance est éteinte, et cette extinction la met forcément
à l'abri de toute action récursoire de la part des dé-
biteurs solidaires qui oui payé dans des proportions
488 TRAITÉ DES FAILLITES.

plus fortes qu'ils soient ou non en état de faillite (').


,
Mais le failli n'est personnellement dégagé envers eux
que de la même manière qu'il l'est envers tous les au-
tres créanciers. Ainsi, il est tenu , après la dissolution
de l'union de parfaire à ses engagemens tels que la
, ,
loi civile les a déterminés, et, s'il acquiert de nouveaux
biens ses coobligés pourront le contraindre dans les
,
proportions fixées par les articles 1213 et 2028 du Code
civil. Dans tous les cas, il ne pourrait obtenir sa réha-
bilitation qu'après avoir intégralement désintéressé ses
codébiteurs de tout ce qu'ils auraient payé pour lui.

864. — On comprend, au reste, que son obligation


à cet égard varie, suivant qu'il était débiteur principal
ou seulement caution. Dans le premier cas , si la detle
lui a exclusivement profité, il doit en rembourser l'in-
tégralité aux codébiteurs qui l'ont éteinte. Si elle était
commune avec d'autres, il lui suffirait de restituer la
partie qui le concernait personnellement.
Dans le second, il ne doit désintéresser que ceux en-
vers lesquels il était garant de la.dette. Ainsi, l'endos-
seur d'une lettre de change en devient débiteur solidaire
envers le porteur et les endosseurs qui l'ont acceptée
après lui. Il ne pourrait donc se faire réhabiliter qu'en
remboursant à chacun d'eux, soit les sommes qui peu-
vent encore être dues, soit celles qu'ils auraient payées
à cause de sa faillite. Quant aux endosseurs précédents,
ils n'ont rien à lui réclamer ; ils sont les garants du

(') Pardessus, n" a S5 ; Locré, sous l'article 534 D. A., loin. 8,


1
>

Pao- 'ytf-
.
ART. 545!, 543. 489
failli lui-même ; tout ce qu'ils auraient payé viendrait
donc à la décharge de celui-ci.

865. — Les principes que nous venons d'exposer


sur l'action récursoire des coobligés n'avaient pas élé
expressément réglés par le Code de commerce ; mais ils
étaient universellement enseignés par les auteurs et con-
sacrés par la jurisprudence. Nous venons d'invoquer les
noms de MM. Pardessus , Locré , Dalloz. Nous pour-
rions, à ces autorités, joindre celle de nombreux arrêts;
mais nous n'en citerons qu'un seul dans lequel nous
aurons à signaler une bien singulière contradiction.
866. — Cet arrêt rendu par la cour de Taris, le
11 juin 1825 ('), avait à résoudre les deux questions
suivantes :
1° Si, lorsque le tireur de lettres de change tombe
en faillite et que , par suite d'un corcordat passé avec
les créanciers, il paie un dividende au porteur, l'accep-
teur (ou ses syndics , s'il est lui-même en faillite) peut
avoir action à raison de ces traites contre le tireur, en-
core que les porteurs aient le droit de recourir contre
lui accepteur, ou de se faire admettre au passif de sa
propre faillite, jusqu'à leur parfait paiement?
2° Si lorsque l'accepteur des traites tombe en fail-
,
lite après avoir reçu provision et sans avoir acquitté ses
acceptations, le tireur, failli lui-même , mais qui par
suite d'un concordat a payé un dividende au porteur de
ces traites peut êlre admis au passif de la faillite de
,

(') D. P., 26, 2, 5a.


490 TRAITÉ DES FAILLITES

l'accepteur pour le montant de la provision qu'il lui


,
avait envoyée, et cela encore que les tiers porteurs exer-
cent eux-mêmes un recours contre l'accepteur, pour leur
entier paiement ?
A notre avis ces deux questions n'en font qu'une
,
seule. Il s'agit uniquement du recours par la faillite
d'un codébiteur contre celle de son codébiteur. Dans la
première c'est l'accepteur qui prétend l'exercer contre
,
le tireur; dans la seconde c'est ce dernier qui la re-
,
vendique contre le premier. Les mêmes principes de-
vaient donc les régler toutes deux. Aucune difficulté ne
saurait aujourd'hui empêcher qu'il en fût ainsi.
Cependant l'arrêt que nous rapportons ne le jugea
pas de cette manière. Il décide négativement la première
et affirmativement la seconde, et, sur chaque point, il a
reçu la sanction de la cour régulatrice qui a rejeté le
pourvoi qu'on avait formé contre lui (').

867. — Il est facile cependant de se convaincre de


la contradiction flagrante dans laquelle est tombée la
cour de Paris. Les motifs de sa décision sur la première
question condamnent inévitablement celle qu'elle a ren-
due sur la seconde.
Ainsi elle refuse tout recours à la faillite de l'accep-
teur contre celle du tireur, attendu : « que le concor-
dat qu'obtient un débiteur failli et qui est homologué
,
par la justice, devient obligatoire pour et envers tous les
créanciers ; que le dividende que paye le débiteur en

(') V. cour de cassation, S février 1827; D. P., 27, 1, i36.


ART. 542, 543. 491
vertu de ce concordat, équivaut au paiement intégral de
sa dette; qu'en principe la dette du tireur est unique,
qu'il ne la doit qu'une seule fois et que portée une
,
seule fois dans le bilan elle ne peut participer aux di-
,
videndes qu'une seule fois quelles que soient les per-
,
sonnes intéressées à son acquittement ; que si les ac-
cepteurs ou tous autres, dont la signature garantit le
paiement de la traite, sont obligés d'admettre le porteur
à leur faillite le dividende qu'ils lui payent ne vient
,
pas à la décharge du tireur, qui est déjà libéré par celui
qu'il a payé, mais n'a d'autre objet que de les dégager
de leur cautionnement personnel. »
Ces motifs sont irréprochables en droit et justifient
bien le rejet de l'action récursoire exercée par l'accep-
teur contre la faillite du tireur. Mais ils dictaient impé-
rieusement une solution identique contre celle-ci, pour-
suivant un recours contre celle de l'accepteur. En effet,
pour ce qui concerne celui-ci, il est certain que la dette
est unique qu'elle n'est due qu'une seule fois .qu'elle
,
ne peut être portée qu'une seule fois au bilan , et ne
doit participer qu'une seule fois aux dividendes; que le
paiement de celui-ci équivaut au paiement intégral, et
qu'enfin si le tireur ou d'autres garants de la dette sont
obligés d'admettre le porteur à leur faillite, le dividende
qu'ils lui payent n'a d'autre objet que de les dégager
de leur cautionnement personnel.
En conséquence, l'arrêt que nous examinons, en ad-
mettant le tireur à se présenter à la faillite de l'accep-
teur a méconnu les véritables principes et violé ceux
,
qu'il venait de proclamer lui-même, à savoir: l'existence
492 TRAITÉ DES FAILLITES

d'une seule et même dette et l'impossibilité de lui ac-


,
corder un double paiement.
Vainement dirait-on qu'en faisant provision le tireur
a payé tout ce qu'il devait, et que si, par le fait de .l'ac-
cepteur , il est obligé de payer une seconde fois il est
,
juste de le reconnaître créancier pour le montant de la
provision. Cela est exact contre l'accepteur personnelle-
ment, mais non contre la masse de sa faillite. L'égalité
entre tous les créanciers n'existe plus dès que la même
dette produit deux dividendes et nous avons vu que
,
c'est surtout pour éviter un pareil résultat que l'action
récursoire entre les faillites a élé proscrite.
D'ailleurs, l'accepteur n'est réellement obligé au paie-
ment de la traite que parce qu'il y a ou qu'il est censé
avoir provision. Si, en fait, celle-ci n'a pas été fournie
et qu'il paye il a, en thèse ordinaire un recours in-
, ,
contestable conlre le tireur. Or, ce recours on le lui re-
fuse cependant contre la faillite de celui-ci. Quelle diffé-
rence y a-t-il entre sa position dans ce cas et celle du
tireur lorsque la provision a été faite ? Si, dans le pre-
mier, l'accepteur a fait confiance au tireur, dans le se-
cond c'est le tireur qui l'a faite à l'accepteur ; il n'y a
,
donc aucun motif pour créer entre eux une distinction
quelconque, et pour accorder à celui-ci ce qu'on refuse
à celui-là.
Enfin, si par cela seul que le tireur, ayant fait pro-
vision, ne doit plus rien on doit l'admettre à recourir
,
contre la faillite de l'accepteur on devrait accorder le
,
même recours aux endosseurs, aux simples cautions,
car les uns et les autres ne sont obligés que parce qu'ils
ART. 542, 543. 493
ont signé le titre, sans qu'ils aient été jamais réellement
et véritablement débiteurs. Or , comme pour eux il n'y
a pas d'aclion récursoire , lorsqu'avant de les attaquer
le porteur a produit dans la faillite de l'obligé principal,
on doit évidemment prendre une décision identique
contre le tireur qui a fait provision. Ce n'est pas agir
avec une trop grande rigueur que de l'assimiler à une
simple caution.
Ce qu'il faut surtout remarquer dans les arrêts dont
nous nous occupons , c'est l'absence complète de motifs
sur la seconde question. La cour impériale se contente
de la trancher en disant que le tireur, étant créancier de
l'accepteur doit être admis dans sa faillite et la cour
, ,
de cassation garde à cet égard le plus complet silence.
Mais ce qui prouve la justesse de notre critique c'est
,
que, devant la première, le tireur, reconnaissant que le
système qu'il soutenait contre l'accepteur se rétorquait
contre lui-même , prétendait que, créancier par compte
courant, il n'agissait pas en vertu des lettres de change;
qu'il ne demandait donc pas le même dividende que les
porteurs de celles-ci.
La cour a-t-elle admis ce point de vue ? C'est ce que
son arrêt laisse préjuger. Cependant, c'est là une con-
sidération qui, sauf des circonstances particulières ne
,
peut avoir une portée réelle. Il serait extrêmement facile
d'éluder la loi, si on pouvait la consacrer. En effet, tous
les endosseurs toutes les cautions pourraient tenir le
,
même langage présenter un compte courant dans le-
,
quel ils passeraient ce qu'ils ont payé pour le failli, et,
laissant de côté les lettres de change se prétendre cré-
,
494 TP.AITÉ DES FAILLITES.

anciers de la balance du compte. Dans l'espèce jugée


par la cour de Paris , la demande était fixée par son
objet. C'est comme accepteur des traites qu'on recher-
chait celui qui, ayant reçu provision n'avait pas fait
,
honneur à ses acceptations. Mais c'est précisément parce
qu'il avait reçu cette provision, que celui-ci était devenu
débiteur réel des traites. Dès lors, sa faillite ayant payé
au porteur le dividende commun à tous les autres cré-
anciers s'était complètement libérée pour ce qui con-
,
cernait cette provision. Elle ne pouvait donc plus être
recherchée à raison de ce.

868. — En admettant le contraire, l'arrêt a mécon-


nu les vrais principes. Il est, de plus, tombé dans une
contradiction manifeste. Que si la cour de cassation n'a
pas vu dans sa seconde disposition une violation de la
loi c'est que le Code de commerce n'avait nullement
,
réglé la position des coobligés entre eux. Depuis la pro-
mulgation de l'article 543 une décision de la même
,
nature est impossible. Elle rie manquerait pas , dans
tous les cas, d'être réformée par la cour régulatrice.

869. — Nous avons déjà dit que le porteur ne peut


jamais recevoir plus que ce qui lui est légitimement dû.
Cependant les dividendes produits par les diverses fail-
lites peuvent dépasser ces limites. À qui appartiendra
l'excédant?
La loi l'attribue à ceux des coobligés qui auraient les
autres pour garants, suivant l'ordre des engagements.
Pour la saine application de cette doctrine il convient
,
ART. 542, 543. 495
de distinguer entre les titres civils et les titres commer-
ciaux.
870. — Dans les premiers
,
il y a un ou plusieurs
débiteurs principaux. Dans ce dernier cas la commu-
,
nauté dans l'obligation crée pour tous un droit égal à
l'excédant, qui est dès lors distribué au marc le franc.
S'il n'y a qu'un seul obligé principal et plusieurs
cautions, celles-ci se partagent l'excédant dans la pro-
portion de ce que chacune d'elles a payé.

87!. — Dans les titres commerciaux, s'il existe plu-


sieurs tireurs et que l'un d'eux ail exclusivement profilé
de la créance les autres sont considérés comme des
,
cautions. 11 est alors procédé comme pour celles-ci.
Les accepteurs qui ont été obligés de payer sans avoir
reçu provision , sont naturellement préférés aux sous-
cripteurs. L'acceptation suppose la provision à l'égard
du porteur et des endosseurs ; mais les tireurs restent
garants de sa réalisation. Si elle n'a pas été fournie,
l'accepteur, après avoir payé, a le droit de les contrain-
dre à le rembourser. L'excédant produit par les diverses
faillites doit donc lui être attribué.
Enfin, si la lettre de change ou le billet à ordre a été
négocié cet excédant appartient aux endosseurs plutôt
,
qu'à l'accepteur. Vainement celui-ci se prévaudrait-il,
si la date de son acceptation était postérieure aux en-
dossemens de ce que la loi ordonne la dévolution de
,
l'excédant dans l'ordre des engagëmens. Cet ordre n'est
obligatoire qu'après la détermination de la nature de
l'obligation. 11 ne doit être suivi qu'entre les parties qui
496 THAITÉ DES FAILLITES.

se doivent respectivement garantie, de manière à ce que


celle-ci soit exercée conformément aux droits de cha-
cun. Or, l'accepteur est toujours garant envers les en-
dosseurs. C'est donc à ces derniers à profiter d'abord
de l'excédant.

872. — Par rapport à eux la dévolution s'opère


,
en faveur du dernier , qui a pour débiteurs solidaires
tous les autres. On remonte ainsi jusqu'au premier, en
supposant que l'excédant soit de nature à permettre
d'aller jusque-là. Ainsi, en admettant que deux endos-
semens fussent datés du même jour, c'esl le second qui
est préféré au premier, puisque dans l'ordre de la né-
gociation la garantie lui est due par celui-ci.

875. — La détermination à appliquer donnerait


lieu à plus de difficultés , s'il s'agissait d'une lettre de
change tirée pour compte et acceptée par le tiré. A qui
du tireur ou de l'accepteur devrait-on attribuer l'excé-
dant? Ils sont l'un et l'autre les mandataires du don-
neur d'ordre , et une préférence entre eux pourrait pa-
raître difficile à établir, si le principe de la garantie
n'arrivait à faire résoudre naturellement la question. Il
convient donc de rechercher en faveur de qui ce prin-
cipe existe réellement.
La rédaction de l'article 115 du Code de commerce
avait laissé exister des doutes. On avait voulu induire
de ses dernières expressions que le tireur pour compte
restait personnellement tenu même vis-à-vis de l'ac-
,
cepteur à la garantie du paiement de la traite. Mais
,
cette interprétation avait trouvé de nombreux adversai-
ART. 1342, 543. 497

res ; elle était combattue par la discussion que cet ar-


ticle avait subie dans le conseil d'Etat qui, depuis, l'a-
vait, au fond, condamnée par son avis du 22 novembre
1811, tout en reconnaissant qu'en la forme, c'était aux
tribunaux qu'appartenait le soin de le faire.
De nouvelles difficultés s'étant présentées, et la juris-
prudence se divisant sur le sens de celte disposition,
l'interprétation en fut soumise au pouvoir législatif.
L'article 1er de la loi du 19 mars 1817 a définitivement
tranché la question contre l'accepteur en restreignant
,
la responsabilité du tireur pour compte à ce qui con-
cerne les porteurs et les endosseurs.
Le tireur pour compte n'est donc jamais obligé en-
vers l'accepteur ; il ne lui doit conséquemment aucune
garantie. Qu'en est-il de celui-ci à son égard?
L'acceptation suppose provision. Dès qu'elle se réa-
lise, celui dont elle émane devient débiteur direct envers
tous les intéressés. Or, le tireur pour compte n'a jamais
rien dû. Ce n'est que par une exception aux principes
ordinaires du mandat, qu'il devient obligé personnelle-
ment, en exécutant celui qui lui a été donné. Mais son
obligation n'est et ne peut être qu'un cautionnement.
Dès lors il peut, comme les autres cautions de la traite,
contraindre le débiteur direct à lui rembourser ce qu'il
a payé par suite de son cautionnement.
Il suit de là que, si le porteur a été désintéressé mê-
me partiellement par le tireur pour compte , celui-ci
peut se faire restituer soit par le donneur d'ordre , soit
par l'accepteur. II pourrait donc se faire admettre dans
II 32
498 TRAITÉ DES FAILLITES.

leur faillite, à moins que le porteur n'eût lui-même été


admis et n'eût retiré le dividende. Ce droit, il le puise-
rait soit dans l'article 542, soit dans la subrogation lé-
gale qui se serait opérée en sa faveur par le paiement
qu'il aurait fait au porteur. De telle sorte qu'alors même
que l'accepteur, étant encore solvable, aurait payé une
partie de la traite, non-seulement il ne pourrait empê-
cher le tireur pour compte de venir dans la faillite du
donneur d'ordre de préférence à lui-même mais en-
, ,
core d'être admis pour la totalité de la créance jusqu'à
parfait paiement de ce qu'il a déboursé en principal et
accessoires (').
De plus, si le dividende n'était pas suffisant pour at-
teindre ce résultat, l'accepteur serait tenu de payer le
solde restant dû. Dès lors, il est certain qu'il doit ga-
rantie au tireur pour compte et que par cela seul,
, ,
celui-ci prendrait avant lui l'excédant qui existerait.

874. — Les paiemens que le porteur reçoit dans


les faillites des coobligés doivent tous être portés sur
,
le titre original. Son inspection suffirait donc pour éta-
blir s'il y a ou non un excédant. Ce fait, d'ailleurs, se-
rait facile à constater, en consultant les étals de répar-
titions conservés par les syndics. Du moment que les
divers dividences ont atteint l'intégralité de la dette le
,
porteur n'a plus le droit de participer aux répartitions
ultérieures. Ce droit appartient à l'obligé premier ap-
pelé dans l'ordre qui précède. Celui-ci doit donc exiger
la remise du litre ; il peut saisir-arrêter entre les mains

(') Pardessus, ri* I'J55; D. A. ton). 3, pag\ içjy, ÏI° g.


ART. 542, 543 499
des, syndics le montant des dividendes qui suivront, et
exiger la restitution de ceux qui auraient été emboursés
par le porteur.

ARTICLE 554.

Si le créancier porteur d'engagemens solidaires entre


le failli et d'autres coobligés a reçu, avant la faillite, un
a-compte sur sa créance il ne sera compris dans la
,
masse que sous la déduction de cet à-compte, et con-
servera, pour ce qui lui restera dû, ses droits contre le
coobligé ou la caution.
Le coobligé ou la caution qui aura fait le paiement
partiel sera compris dans la même masse pour tout ce
qu'il aura payé à la décharge du failli.

SOMMAIRE.

875. Cette disposition est une exception à l'article 542 et un re-


tour à la règle ordinaire, lorsque les à-comples ont été
donnés et reçus pendant que les débiteurs étaient tous •

solvables.
876. Reproches que l'on avait adressés à cet article :
4° Celui de déroger à l'article 542 et de retirer au créan-
cier le bénéfice qu'on venait de lui conférer.
877. Réfutation.
878. 2" Celui de violer la disposition de l'article 4252 du Code
Napoléon.
879. Cette violstion existe-t-elle réellement, et l'admission du
coobligé a la faillite de son codébiteur n'est-elle pas au
contraire dans l'intérêt du créancier?
500 TRAITÉ DES FAILLITES.

880 Les droits du coobligé dans la faillite de son codébiteur sont


réglés par les articles 424 3 et 1214 du Code Napoléon.
.

881. Comment on doit procéder si la dette était commune. — Ou


si celui qui a payé n'était que caution.
882. Les droits des endosseurs contre les tireurs accepteurs et
,
endosseurs précédents sont régis par la loi spéciale.

875. — En principe, avons-nous dit, le paiement


partiel fait par un débiteur solidaire éteint la dette,
jusqu'à concurrence, au profit de tous les débiteurs. En
recherchant quel était le motif de l'exception que l'ar-
ticle 542 faisait subir à ce principe, nous l'avons indi-
qué dans l'état de faillite et dans les modifications qui
,
en résultent dans la position du créancier. L'article 544
est une preuve que notre système repose sur une inter-
prétation exacte de l'esprit de la loi.
En effet, nous voyons que, pour les paiemens opérés
et reçus, pendant que les débiteurs étaient inlegri sta-
tus, le législateur revient au principe ordinaire. Ce paie-
ment a tous les effets qu'un acte de cetle nature est sus-
ceptible de produire c'est-à-dire qu'il entraine l'ex-
, ,
tinction de la dette pour les créanciers, et la subroga-
tion en faveur de celui qui l'a réalisé. De là le règle-
,
ment des droits de l'un et de l'autre contre la faillite du
coobligé, tel qu'il est établi par l'article 544.

876. — Cependant, divers reproches ont été adres-


sés à cetle disposition. Imposer au créancier, a-t-on dit
d'abord, la déduction de l'à-comple par lui reçu c'est
,
lui retirer le bénéfice que lui confère l'article 542, .c'est
déroger au droit qu'on lui reconnaît d'être payé inté-
ART. ai), 5o1
gralement. En effet ne devant retirer qu'un dividende
,
dans chaque faillite , il y a presque certitude d'une
perte pour lui, et cette perte sera d'autant plus forte
qu'il ne sera pas admis au passif pour le chiffre total
de sa créance.

877. — Mais ce reproche était injuste. La faillite


prend, au moment où elle se réalise, le créancier dans
l'état qu'il s'est fait lui-même, avec les droits qu'il a à
prétendre. Or, si à cette époque la dette originaire a été
réduite, on ne saurait annuler les actes qui ont amené
cette réduction,sans violer des droits définitivement ac-
quis.
Enadmetfant donc le créancier à concourir dans les
faillites de chacun de ses débiteurs, pour l'intégralité de
ce qui lui reste dû , on lui accorde tout ce qu'il était
permis de lui accorder.
On ne pouvait, en effet, assimiler les à-comptes reçus
avant la faillite à ceux que le créancier recevra plus
tard dans la répartition de l'actif. Les uns ont été vo-
lontairement acceptés par les créanciers et n'ont pro-
,
duit qu'une libération proportionnelle. Les autres, au
contraire, libèrent complètement la masse, et interdisent
tout recours ultérieur contre elle, malgré la solidarité
du débiteur. Le créancier contraint de recevoir ne peut
être censé vouloir libérer les autres débiteurs jusqu'à
,
ce qu'il soit lui-même intégralement payé, et c'est sur-
tout celle présomption qui a fait admettre le principe
consacré par l'article 542.
Or, il serait impossible de la supposer pour les paie-
502 TRAITÉ CES FAILLITES.

mens opérés avant la faillite , et alors que les débiteurs


étaient tous inlegri status. Dans celle hypothèse le»
,
paiemens n'ont été faits et, reçus que dans l'intention
d'une libération partielle. En l'admettant ainsi, la loi
ne consacre qu'un fait qui résulte clairement et explici-
tement de cette intention commune.
Dès qu'il y a eu libération proportionnelle la dette
,
a été éteinte jusqu'à concurrence. Celle extinction ac-
quise la faillite postérieure n'a rien pu changer à un
,
pareil état des choses. En effet, sa déclaration ne crée
aucuns droits nouveaux en faveur de qui que ce soit.
Elle se borne à mettre en mouvement ceux qui existent.
Conséquemment, elle n'a pu faire revivre en faveur du
créancier la partie de la dette régulièrement éteinte ni
,
annuler les effets d'un paiement valablement opéré et
volontairement reçu.
On devait d'autant moins l'admettre, que la recons-
titution de la dette était de nature à porter préjudice
aux créanciers des autres coobligés. En: effet, celui qui
a payé, ou sa faillite, est subrogé aux droits du créan-
cier, et doit être admis au passif des autres codébiteurs.
Or, s'il s'y présente lui-même il n'aura à répéter sur
,
ce qu'il a payé que la part afférente à chacun d'eux,
tandis que le créancier prendrait dans chacune un di-
vidende sur la totalité de la dette. Dans ce dernier cas,
les simples cautions paieront, et n'auront aucune action
récursoire contre les obligés principaux ('). Dans le
premier au contraire la faillite des cautions sera ou
, ,

(') V. sùpràVSgi.
.
ART. 544. 50.3
totalement ou partiellement libérée, selon que le coobligé
qui a payé l'à-compte était ou caution lui-même ou
obligé principal.
L'intérêt des tiers s'unissait dès lors au respect des
droits acquis pour dicter au législateur la disposition
qu'il a consacrée. Il est donc, sous ce rapport, à l'abri
de tout reproche.

878. — La disposition de l'article 544 a été atta-


quée sous un second point de vue. Elle ne devait pas,
a-t-on dit, admettre dans la faillite des codébiteurs,
concurremment avec le créancier, le coobligé qui a opéré
le paiement partiel. C'est là une violation manifeste de
l'article 1252 du Code Napoléon, qui veut que le cré-
ancier soit payé de préférence au codébiteur, dont il n'a
reçu qu'un à-compte sur la dette.
879. — Il était impossible de se soumettre, en ma-
tière de faillites à la rigueur des principes ordinaires.
,
La substitution d'une masse à la personne d'un débiteur,
faisait un devoir de concilier ce qui était dû à l'intérêt
du créancier individuellement, avec les droits des tiers
nombreux dont celle-ci se compose. Que cetle exigence
ait motivé dans quelques cas l'affaiblissement des liens
que le droit civil impose , c'est ce qu'on doit parfaite-
ment comprendre c'est ce qu'il est impossible de blâ-
,
mer.
Mais dans notre hypothèse, le blâme serait de plus
,
immérité car la loi a fait pour le créancier tout ce
,
qu'elle pouvait raisonnablement faire. Elle lui accorde
le droit de poursuivre son paiement intégral, et consé-
504 TRAITÉ DES FAILLITES.

quemmenl la faculté d'être admis dans la faillite de ses


débiteurs pour la totalité de ce qui lui est dû. Pouvait-
elle l'affranchir du sort commun à tous les autres cré-
anciers de voir cette faculté se résumer dans la récep-
,
tion du dividende produit par chacune d'elles ? Evidem-
ment non, sans sacrifier les autres créanciers déjà assez
malheureux de n'avoir que le failli pour unique débi-
teur.
Le paiement du dividende effectué le créancier n'a
,
plus rien à prétendre. Peu lui importait donc que le
coobligé fût ou non admis à en recevoir un proportion-
nel sur ce qu'il a payé à la décharge du failli. C'était
là d'ailleurs un droit qu'on ne pouvait méconnaître.
, ,
Celui qui a payé pour le compte d'un autre devient
,
réellement son créancier, et il n'y a aucune faveur à le
traiter comme tel.
Dans celte hypothèse donc son admission à la fail-
,
lite est indifférente ; le créancier n'aurait aucun motif
de s'en plaindre. Que sera-ce si, au fond, il est certain
que cette admission lui est au contraire favorable ? Or,
le paiement partiel avant la faillite, a éteint la dette,
,
et nous venons de voir que le créancier n'est jamais
admis que déduction faite de ce qu'il a reçu, et qui ne
peut plus produire un dividende quelconque en sa fa-
veur. Cependant, ce dividende il le trouve dans l'ad-
mission du coobligé ordonnée par l'article 544. En
,
effet de deux choses l'une : ou le coobligé est encore
,
solvable ou il est tombé en faillite. Dans l'un comme
,
dans l'autre cas, il reste tenu, en vertu de la solidarité,
de tout ce qui est encore dû au créancier. Celui-ci pourra
ART. 544. .505
donc, dans le premier cas, saisir-arrèler entre les mains
des syndics le dividende auquel le coobligé a droit (') ;
dans le second l'actif de la faillite se trouvera aug-
,
menté de ce même dividende dont le créancier profitera
proportionnellement.
Loin donc que la disposition de l'article 544 lèse le
créancier il faut reconnaître qu'elle est toute à son
,
avantage. Il ne pourrait, sans elle, recevoir ce que son
application est de nature à lui procurer.
La détermination du législateur est donc parfaitement
justifiée. Il nous reste à en déduire les conséquences.

880. —•
Les droits du coobligé dans la faillite de
ses codébiteurs sont régis par les articles 1213 et 1214
du Code Napoléon. C'est ce qui résulte du texte et de
l'esprit de notre disposition. Il est évident, en effet,
qu'en ne l'admettant dans chaque faillite que pour les
sommes payées à la décharge du failli, le législateur
n'entend parler que de la part et portion de la dette
dont celui-ci était tenu.

881. — Ainsi, si la dette était commune, le coobligé


qui a payé ne pourrait réclamer de ses codébiteurs que
la partie qui les concernait personnellement. Il ne pour-
rait donc être admis dans aucune des faillites pour la
totalité des sommes qu'il aurait payées. Ce pouvoir n'est
accordé au créancier qu'en vertu de la solidarité des
débiteurs à son égard. Or, de débiteur à débiteur, il
n'existe jamais de solidarité.
i

(') Pardessus, n° 1216.


506 TRAITÉ DES FAILLITES.

Si le coobligé n'était que caution, le paiement qu'il


aurait réalisé l'aurait subrogé contre les débiteurs prin-
cipaux, au droit de demander à chacun d'eux la totalité
de la somme ('). Il devrait donc être admis dans leur
faillite individuelle pour l'intégralité des sommes qu'il
aurait payées. Il serait, pour eux à l'instar du créan-
,
cier.

882. — Enfin, les obligations qui naissent de l'en-


dossement étant réglées par des dispositions spéciales,
c'est à celles ci qu'il faudrait recourir pour fixer la po-
sition de l'endosseur qui aurait, en tout ou en partie,
désintéressé le porteur. Il est certain qu'il pourrait re-
courir soit contre les tireurs et accepteurs soit contre
, ,
les endosseurs précédents qui sont tous ses débiteurs so-
lidaires. Il devrait donc être admis dans la faillite de
chacun d'eux pour l'intégralité de ce qu'il aurait payé.

ARTICLE 545.

Nonobstant le concordat, les créanciers conservent


leur action pour la totalité de leur créance contre les
coobligés du failli.

SOMMAIRE.

883. Objet de cet article.


884. Le concordat ne constitue jamais la remise conventionnelle
de la dette.

(') Art. ao3o du Code civil.


ART. 545. 807
885. Exception contenue dans le projet de la loi pour ceux qui
avaient consenti au concordat.
886. Discussion et motifs du rejet adopté par les chambres.
887. La disposition de l'article 545 se justifie, d'ailleurs en droit,
par l'article 1208 du Code Napoléon.
888. En réalité,le concordat ne libérant pas complètement le
failli obligé de payer intégralement pour être réhabilité,
ne pouvait libérer définitivement les coobligés.
889. Les droits du créancier contre ceux-ci restent donc ce qu'ils
étaient avant la faillite, qu'il ait ou non volé le con-
cordat.
890. Par exception à ce principe le créancier hypothécaire qui
,
aurait renoncé à sa qualité, en votant le concordat, per-
drait tout recours contre les coobligés et cautions.

883. — Les principes consacrés par l'article 1285


du Code Napoléon pour les conséquences de la remise
,
de la dette pouvaient faire naître des difficultés entre
,
les débiteurs solidaires et le créancierqui aurait concordé
avec l'un d'eux. Pour les prévenir, le législateur n'a pas
hésité à se prononcer expressément, quoique son inten-
tion fût implicitement démontrée par l'article 542.

884. — Le concordat ne constitue donc pas la dé-


charge conventionnelle, et n'a, par conséquent, jamais
les effets que l'article 1285 attache à celle-ci. Les motifs
de cetle disposition sont on ne peut pas plus justes. Dès
que le concordat est homologué par la justice, il devient
obligatoire pour tous les créanciers. La remise qui y est
stipulée manque donc du premier caractère exigé par
sa loi civile , c'est-à-dire qu'elle n'est ni spontanée , ni
volontaire, et que, partant, elle ne peut et ne;doit pro-
fiter qu'à celui qui l'obtient.
5Q8 TRAITÉ DES FAILLITES.

885. — Il est vrai que cetle considération ne pour-


rait pas être utilement invoquée par ceux qui ont voté
pour le concordat, et c'est par ce motif que le projet pré-
senté par le gouvernement avait distingué entre eux et
ceux qui s'étaient abstenus , en restreignant à ces der-
niers le bénéfice de l'article 545.
886. — Mais cette proposition n'était pas autre
chose qu'une exclusion de la délibération sur le concor-
dat de tous les porteurs d'engagemens souscrits par plu-
sieurs débiteurs solidaires et l'abandon de l'admission
,
de celui-ci à la discrétion de quelques créanciers. Sans
cela, ainsi que le disait le rapporteur de la chambre des
députés, dans la session de 1835, c'était rendre dans
,
plusieurs cas, le concordat impossible. En effet, les cré-
anciers porteurs d'engagemens de ce genre, peuvent être
fort nombreux surtout dans la faillite d'un banquier.
,
Or, leur faire un devoir de s'abstenir de voter, sous peine
de perdre tout recours contre les autres souscripteurs,et
maintenir les sommes qui leur sont dues au nombre de
celles qui doivent servir à calculer la majorité c'était
,
renoncer à atteindre à celle exigée par l'article 507.
887. — Arriver fatalement à l'union, eut été d'au-
tant plus regrettable dans cette circonstance, qu'en droit
la disposition de l'article 545 se justifie par les princi-
pes du droit civil lui-même , notamment par l'article
1208 du Code Napoléon.
On sait, en effet, qu'aux termes de sa disposition, le
codébiteur solidaire ne peut exciper des exceptions pu-
rement personnelles à son coobligé. Or, s'il en est une
ART. 545. 509
qui soit dans celte catégorie, c'est, sans contredit, celle
tirée de l'état de faillite et des conséquences qu'il en-
traine.
Le concordat est, en quelque sorte, forcé par la po-
sition malheureuse du débiteur. La remise qu'il impose
n'a été consentie que pour éviter une perte plus consi-
dérable qui pouvait résulter de la liquidation faite en
état d'union. Les effets de cette remise restent donc ex-
clusivement concenlrés sur la tête du failli. « C'est là,
dit le judicieux Pothier une exception in personam,
,
qui n'est accordée au débiteur qu'en considération de
son état de pauvreté qui lui est personnel. Les remises
accordées par le contrat d'atermoiement n'ayant pas été
faites animo donandi, mais par nécessité l'exception
,
qui résulte de ce contrat ne donne atteinte qu'à l'obli-
gation civile. L'obligation naturelle, pour ce qui reste à
payer, subsiste dans toute son intégrité , et sert d'un
fondement suffisant à l'obligation des fidéjusseurs ('). »
L'article 545 n'est donc qu'une saine application du
principe consacré par l'article 1208 du Code Napoléon.
L'exception tirée du concordat étant purement person-
nelle ne peut être invoquée par les codébiteurs du
,
failli ; et c'est surtout à cause de ce caractère que, sous
l'empire du Code de Commerce, la doctrine et la juris-
prudence l'avaient ainsi admis malgré l'absence de
,
toute disposition de la nature de celle que nous exami-
nons.
888. — D'ailleurs ceux-là même qui ont volé au
,

(') Des oâligalions, n° 58o.


510 TRAITÉ DES FAILLITES.

concordat n'ont pas consenti une remise de la dette


dans l'acception ordinaire de ce mot. En effet, l'avenir
du failli reste grevé de l'obligation de payer le surplus,
à tel point que le défaut de libération le maintient dans
les incapacités qui résultent de l'état de faillite et qui
,
ne disparaissent que par la réhabilitation. Or, il n'est
admis à celle-ci qu'après avoir intégralement payé ses
dettes en principal. intérêts et frais ; tandis que pour
les coobligés la remise eût été définitive par cela seul
,
que le créancier eût voté, au concordat.
Le rejet du projet du gouvernement était donc dicté,
non-seulement par les principes que nous venons d'ex-
poser, mais encore par celle puissante considération que
le concordat eut produit un effet beaucoup plus étendu
pour les codébiteurs que pour le failli lui-même. La
décision contraire eut, d'ailleurs rendu le concordat
,
difficile impossible même dans plusieurs cas tandis
, , ,
qu'il a été dans l'intention du législateur d'en favoriser
l'adoption.
889. — Les droits du créancier restent donc, aprè
le concordat, ce qu'ils étaient avant la faillite, ce qu'ils
sont dans l'hypothèse d'une union. Il peut, qu'il ail ou
non voté pour l'adoption du traité, après avoir reçu le
dividende stipulé, s'adresser aux codébiteurs solidaires,
réclamer de chacun d'eux le solde de sa créance s'ils
,
sont solvables, et, s'ils sont en faillite, se faire admettre
à leur passif pour la totalité de ce qui lui est dû jusqu'à
parfait paiement (').

(') Cass., 8 août 1S42; D. P.,/fa, 1, 556.


ART. 545. 511
Les droits du créancier sont transmis au codébiteur
solidaire qui l'a désintéressé, sauf à celui-ci à les exer-
cer dans les limites tracées parles articles précédents.
890. — Il est cependant une hypothèse dans la-
quelle la part prise par le créancier à la délibération
,
du concordat, peut influer sur ses droits contre les cau-
tions. Nous avons vu que le créancier hypothécaire perd
les effets de son hypothèque, s'il vote à eelte délibéra-
tion. Il n'est pas douteux que , ce cas se réalisant , la
caution ne fût libérée. Il y a dans ce fait un abandon
volontaire, de la part du créancier, des garanties affec-
tées à sa créance, et qui devaient profiter à la caution.
Or, la faculté qu'a tout créancier de consentir tel sacri-
fice qu'il juge convenable, ne peut jamais aller jusqu'à
dénaturer l'engagement au préjudice des tiers. Dans
l'espèce cependant, c'est la caution qui serait victime
,
de l'abandon volontairement souscrit par le créancier.
Un tel résultat serait injuste; on ne pourrait donc le
consacrer. On devrait voir dans le fait du créancier une
véritable novation dans le titre qui, aux termes de l'ar-
ticle 1281 du Code Napoléon, aurait complètement libéré
la caution et les autres débiietïrs^ôTidaires.

FIS M IIÉÏ VQLKKE>


TABLE DES CHAPITRES

LIVRE III. Des faillites et banqueroutes.

TITRE I". De la faillite. — CHAPITRE 5. Des fonctions des syndics.


SECTION 3. De la vente des marchandises et meubles
et des recouvremens (suite) 1

SECTION 4. Des actes conservatoires 29


SECTION 5. De la vérification des créances 42

CHAPITRE 6. Du concordat et de l'union 431

SECTION 4. De la convocation et de l'assemblée des cré-


anciers 4 31

SECTION 2. Du concordat 4 46
§ 4. De la formation du concordat 4 46
§ 2. Des effets du concordat 210
§ 3. De l'annulation ou de la résolution du con-
cordat 258
SECTION 3. De la clôture en cas d'insuffisance de
l'actif 316
SECTION 4. De l'union des créanciers 342

CHAPITRE 7. Des différentes espèces de créanciers, et de


leurs droits en cas de faillite 475

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