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Réglementation

MALL Zakaria, Capacité d’adaptation des pionniers de l’immigration libre et volontaire dans la société
réunionnaise de la fin du XIXe siècle, Mémoire de Master 2 d’Histoire, Université de La Réunion, Juin 2006

P41 : « Les étrangers souhaitant s’établir librement dans la colonie, ne peuvent le faire qu’à partir de l’arrêté du 12
juin 1862. Cette loi autorise les Chinois et autres arrivants dans la colonie à y pénétrer comme passagers libres
d’engagement, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas besoin de contracter un engagement auprès d’un propriétaire terrien
pour pouvoir y séjourner. L’Administration peut également leur accorder des permis de séjour renouvelables à partir
de cette date.

P 52 : « 

1- Décision de l’administration pour freiner l’immigration

Le 30 décembre 1886, le Conseil général décide la mise en place d’une taxe de séjour pour calmer cette xénophobie
qui s’étale dans les journaux. Dans cette séance, le Conseil général adopte un projet de décret stipulant que nul
étranger de race asiatique ou africaine ne peut résider dans la Colonie sans être muni d’un permis de séjour. Celui-ci
donne lieu à une taxe annuelle établie suivant la profession ou l’emploi de l’étranger. Ce décret fixe la taxe, le 17 juin
1887. Les étrangers sont classés selon 11 catégories, en fonction de leur activité :

Tableau 9 : TARIFDE LA TAXE DE SEJOUR EN 1887 ET 1904^

Catégorie Désignation Tarif en 1887 Tarif en 1904

1er Patenté commerçant de 1er classe 500 750


2 Patenté commerçant de 2eme classe 300 450
3 Patenté commerçant de 3eme classe 250 375
4 Patenté commerçant de 4eme classe 200 300
eme
5 Patenté commerçant de 5 classe 150 225
eme
6 Patenté commerçant de 6 classe 100 150
7 Associé de maison de commerce, moitié de la taxe 100 150
afférente à la patente avec minimum
8 Commis de commerce ou individu sans emploi 100 150
9 Marchand de denrées au marché, marchand ambulant, 50 75
ouvrier industriel
10 Agriculteur 25 25
11 Agriculteur, Ancien Immigrant 10 10

P53 : « Les articles 4 et 5 de l’arrêté du 27 décembre 1888 sur les travailleurs immigrants portant un permis de
séjour définitif, viennent compléter cet arsenal législatif. Ils sont exemptés de la nouvelle taxe. Les vieillards sans
ressources, les infirmes indigents, les salariés du service colonial ou du service local, peuvent bénéficier d’un permis
de séjour gratuit. De plus, la femme qui, à son arrivée à La Réunion, est immatriculée comme épouse d’un immigrant
et celle qui a contracté un mariage en sont exemptées lorsque le mari possède un permis de séjour. Dans ce cas
précisément, elles sont pourvues d’un permis gratuit.

1- L'esprit, de. la mise en place. de cette taxe

Dans un rapport rédigé par le directeur de l’Intérieur, à l’orée de l’application de cette loi, celui-ci rappelle aux
conseillers généraux l’extrême nécessité de limiter le nombre d’étrangers sur le territoire :

« Des Etats dont le libéralisme ne saurait être mise en doute, nous ont déjà précédé dans cette voie et leur ont même
fermé complètement l’entrée de leur territoire. J’ajouterai que cette taxe existe dans quelques unes de nos Colonies
et notamment en Cochinchine »1.

Ce dernier déclare que les immigrés, par leur diversité culturelle, sont une charge pour l’Administration :

« D'autre part, Messieurs les conseillers généraux, il est certain que l’agglomération de plus en plus grande d‘une
population étrangère dont les mœurs et les coutumes sont si différentes et l’état de civilisation si peu en rapport avec
celui de notre Société (sic) oblige la colonie à un surcroît de dépenses pour le maintien de l'ordre public [...] quoi de
plus équitable[...] qu’ils viennent contribuer[...] frais nécessités, par le fait de leur habitation au milieu de nous (sic)
»2.

P54 : « II poursuit son développement par un discours xénophobe. Il reprend les arguments de la presse locale et de
la rue sur la concurrence asiatique. Les immigrés chinois et arabes sont qualifiés de races envahissantes :

« Comment repousser une taxe sur des étrangers qui envahissent journellement le pays où ils exercent à leur profit,
sans payer aucune charge pour ainsi dire, des professions, des industries [...] au détriment des enfants du'pays [...]
aussi, on voit aisément que nul créole ne peut résister à la concurrence que ces asiatiques font partout où ils
s'implantent.

Le directeur de l’Intérieur se lâche :

Si l'Administration ne devait demander à ces gens un impôt comme l'a fait déjà le Cochinchine et comme le fera
probablement dans nos autres colonies de l’Ouest, si cela n’existe déjà, la Réunion qui compte 17 ou 1 800 Asiatiques
et Africains, comme patentés, propriétaires et employés, serait tellement envahie par eux que ; tous seraient obligés
de faire place à ces races envahissantes ; soit de se retirer dans les campagnes, soit d’émigrer ».

La création de cette taxe ne fait nullement diminuer, le nombre de Chinois et d’Arabes en résidence à La Réunion.
Toutefois, celle-ci remplit les poches de l’Administration au point qu’elle est littéralement obnubilée, chaque année,
par la question fondamentale de V accroissement ou du fléchissement de la recette. On peut constater que, depuis
1888, le produit de cet impôt n’a cessé de croître et que le nombre de recettes a suivi une évolution régulièrement
1 ADR, idem, Rapport du Directeur de l’intérieur.

2 ADR, idem.
ascendante. L’argent des immigrés est devenu, en l’espace de quelques années, indispensable au budget colonial. La
recette passe de 85 992,64 francs en 1888 à 77 340,98 francs en 1889, 83 612,32 en 1890, 89 317,32 en 1891 et 84
396,76 en 18923 4. »

P55-56 : « Tableau 10 : Recette de la taxe de séjour sur les étrangers par catégorie d’activités entre 1894 et 190584

Année 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Total Recette


d’étrangers
1893 4 16 193 11 2 11 5 879 187 133 1554 2995 88 442,72
1894 4 14 208 16 2 19 3 899 190 130 1642 3127 93 147,19
1895 6 12 190 12 2 19 2 952 236 144 1618 3193 95 397,11
1896 2 7 209 8 4 11 l» 955 253 139 1624 3212 97 521,”
1897 1 10 204 8 4 9 4 1084 299 158 1683 3464 104 388,70
1898 3 9 210 9 3 61 5 1118 339 185 1618 3505 108 225,18
1899 2 11 221 6 2 5 f 1038 368 177 1531 3366 107 978,45
1900 3 12 249 10 3 1 4 959 ■324 192 1533 3290 104 288,66
1901 10 9 293 11 1 (J 4 926 307 167 1471 3199 106 081,62
1902 4 5 271 14 (J lJ 10 1027 289 159 1368 3147 106 238,”
1903 7 11 267 25 (» (f 11 1161 357 142 1322 3305 116 797,60
1904 11 7 375 25 (, ti 12 933 398 103 1133 2997 109 868,97
1905 13 11 482 43 (J 17 621 429 111 977 2704 178 248,4

En 1903, des nécessités budgétaires, amènent l’Administration à proposer au Conseil général une hausse de 20% de
la taxe du permis de séjour. Lors de la séance du 13 novembre, le Conseil général vote sur proposition d’un de ses
membres, une augmentation de 100 % sur la base de l’argument suivant :

« Les droits sur les spiritueux, les vins et les liqueurs, constituent une grosse partie de notre budget, ils les dédaignent
de par les prescriptions de Mahomet. Ils n 'ont pas les mêmes besoins que nous ; ils n'ont, ni société, ni famille, leur
genre d’alimentation et la nuance de leur mœurs font qu 'il ne consomment rien de ce qui contribue à former l'impôt
chez nous. Ils échappent, ipso facto, au paiement des g r contributions diverses » .

Cette délibération est approuvée le 8 mai 1904, sous réserve qu’elle ne comporte aucune augmentation de taxe
supérieure à 50 %. Celle-ci a pour effet, encore une fois, de contribuer à l’augmentation des recettes du budget
colonial, mais n’a guère d’effet sur les mouvements de population étrangère. Les arguments les plus souvent
avancés consistent dire que la plupart des Asiatiques ne paient pas les impôts indirects et échappent aux droits
d’enregistrement par le changement de propriétaire de fonds de commerce sans acte et sans déclaration. Il est par
conséquent impossible de savoir si celui qui gère un magasin en est le propriétaire, le mandataire ou l’employé. Ils
ne versent aucun impôt de mutation ; les biens des étrangers sont surtout mobiliers et donc facilement
dissimulables. Les étrangers, enfin, sont souvent accusés de se soustraire à la catégorie à laquelle ils
appartiennent. »

3 ADR, Idem.

4 ADR, Idem.
MOURREGOT Marie-France, L’islam à l’île de la Réunion, L’Harmattan, 2010

« Mais on n’entre pas à La Réunion comme dans un moulin… Pour éviter la contamination de l’île par des maladies
infectieuses, tous les voyageurs en provenance de pays à risques : l’Inde, l’Afrique et les îles de l’océan Indien sont,
depuis une réglementation de 1853, soumis à une quarantaine98. En 1867, le permis de résidence temporaire est
assorti d’une taxe. Et, les arrivées « sauvages » d’étrangers libres, essentiellement Chinois et Indiens, conduisent en
1882 le gouverneur à prendre un arrêté réglementant leur présence sur l’île. Tout free passenger doit demander une
carte de séjour qui, elle aussi, fait l’objet d’une taxe. Il y a cette année-là vingt Gujaratis à La Réunion, uniquement
des hommes. La classe dirigeante, agacée de l’installation de ces commerçants étrangers qui menacent les
commerçants créoles, obtient grâce à l’appui du gouverneur, l’instauration d’une taxe sur les étrangers »

« La quotité de cette taxe de séjour a été fixée par arrêté du 31 mars 1887 :

– Patenté commerçant : 1ère classe : 500 francs - 2ème classe : 300 francs 3 ème classe : 250 francs - 4ème classe :
200 francs 5 ème classe : 150 francs - 6ème classe : 100 francs 7 ème classe : 100 francs

– Associé dans une maison de commerce : la moitié de la taxe afférente à la classe de patente, sans que cette taxe
puisse être inférieure à celle du commis de commerce.

– Commis de commerce ou individu sans emploi :8ème classe : 100 francs

– Marchand de denrées au marché, marchand ambulant : 9ème classe : 50 francs

– Ouvrier industriel

– Agriculteur 10ème classe : 25 francs

– Tout individu ayant accompli au moins cinq années d’engagement dans la colonie 11 ème classe : 10 francs

« Cette taxe frappe les Chinois, les Indiens Mahométans de Bombay dénommés « Arabes », qui sont à La Réunion
des sujets britanniques, et les anciens immigrants africains ou indiens malbars101. Les anciens disent que pour éviter
de payer une taxe trop importante, un commerçant déclarait souvent son commis comme jardinier ou cuisinier,
prenant en compte la période improductive pendant laquelle le jeune migrant avait pour mission essentielle
d’apprendre suffisamment de mots créoles pour communiquer et compter dans la langue du pays »

« A partir de 1888, les étrangers doivent obtenir une autorisation de résidence provisoire et un permis de circuler
valable un mois. Au-delà, ils ont l’obligation de s’acquitter d’une taxe et d’obtenir un permis de séjour. Cette même
année, la presse locale vitupère contre les Asiatiques qui éliminent peu à peu les Créoles de secteurs entiers du
commerce. Les Indiens se font une spécialité des textiles et des « grains », laissant aux Chinois les comestibles. Ces
commerçants étrangers ne sont pas les bienvenus et les choses vont encore se compliquer pour eux après qu’ait été
votée, le 11 janvier 1892, une loi protectionniste stipulant que la colonie devait acheter français et appliquer une
taxe sur toutes les marchandises achetées à l’étranger, donc en Inde. Et, puisque « ces gens » semblent vouloir
rester durablement dans l’île, l’Administration décide de s’intéresser à leurs enfants, nés à La Réunion. Ceux-ci
peuvent obtenir la nationalité française. »

« En 1903, les nécessités budgétaires de la colonie incitent le Conseil général à voter une augmentation de la taxe de
séjour de 100 %112, motivée par les déclarations xénophobes de l’auteur de l’amendement : « Cette augmentation
de taxe est légale à tous égards et se justifie par des considérations qui démontrent amplement que les Asiatiques
paient beaucoup moins d’impôt que nous. Les droits sur les spiritueux, les vins, les liqueurs constituent une grosse
partie de notre budget ; ils les dédaignent de par les prescriptions de Mahomet. Ils n’ont pas les mêmes besoins que
nous ; ils n’ont, ni société, ni famille ; leur genre d’alimentation et la nuance de leurs mœurs font qu’ils ne
consomment rien de ce qui contribue à former l’impôt chez nous » .

La même année, le Conseil général se plaint que les Asiatiques : « Echappent le plus souvent aux droits
d’enregistrement-les fonds de commerce changent de propriétaires sans qu’aucun acte soit dressé, sans qu’aucune
déclaration soit faite-il est presque impossible de savoir si celui qui gère un magasin en est propriétaire, s’il est le
mandataire ou l’employé d’un tiers. Parmi les diverses situations juridiques auxquelles il peut prétendre, l’étranger
choisira vis-à-vis de la loi française celle qui l’exposera aux moindres frais. La situation réelle ne sera connue que de
ses coreligionnaires »

« Le gouverneur qui écrit au ministre des Colonies en 1922 déplore qu’aucun impôt de mutation ne soit versé et
ajoute que la fortune des étrangers, surtout mobilière, est facilement dissimulable. Il conclut : « Ces deux groupes,
Chinois, et Indiens de Bombay vivent sur le pays, mais entièrement en dehors de lui.»

« Dans les années 1930, la conjoncture n’est pas bonne ; la Réunion subit une grave crise de l’agriculture. C’est le
moment de jeter l’anathème sur les étrangers qui prennent le pain des Créoles. La presse reparle du péril asiatique.
En 1932 sont promulguées des lois interdisant aux étrangers certaines activités, politiques et professionnelles. Ils ont
désormais l’obligation de verser un dépôt de garantie à leur arrivée, de posséder une carte d’identité, de s’acquitter
du paiement d’une taxe mensuelle et de tenir les livres de comptes en français. »

Livre de compte

Quelques années plus tard, les Créoles continuent à accuser les commerçants asiatiques de fraudes et de
dissimulation, au prétexte que leurs livres de comptes, tenus en gujarati ou en chinois, leur permettent d’échapper à
toute vérification. Vérification à laquelle eux-mêmes sont susceptibles d’être soumis ; ils ressentent cela comme une
injustice.
C’est pourquoi, le 17 juillet 1907, par la voix de son président, la Chambre de commerce demande au gouverneur
l’application d’un décret relatif à la tenue des livres de commerce des Asiatiques en français, comme cela existe à
Madagascar depuis 1902.

« Cette mesure s’impose absolument. […] Les livres manquent ou bien sont remplacés par de simples notes écrites
en dialectes inconnus et pour la traduction desquels il n’est pas possible de trouver des traducteurs sincères. Cet
état de choses constitue évidemment un danger des plus sérieux pour le commerce français de l’île et des Maisons
métropolitaines »377

Malgré le danger évoqué, le gouverneur n’a pas donné de suite favorable à cette requête. Cette question sera
régulièrement remise à l’ordre du jour, sans succès. Les Zarabes continueront à faire tenir leur comptabilité par des
compatriotes qu’ils font venir du Gujarat ou de Maurice. C’est des années plus tard que les livres de comptes, établis
en gujarati, seront régulièrement traduits en français par des jeunes gens de la communauté, nés à La Réunion, qui,
allant quelques jours chez l’un et quelques jours chez l’autre, trouveront là un moyen de gagner quelque argent.

COSADIA Salima, Du Gujarat à l’île de La Réunion  : l’insertion économique et sociale des Indiens musulmans au
sein de la société réunionnaise (1887-1946), Mémoire de Maîtrise d’Histoire, Université Paul Valéry, Montpellier
III, octobre 1996

P 15 : « Nous avons également utilisé la série 8K, celle des Bulletins Officiels de l’île de la Réunion qui annoncent les

lois et décrets applicables dans la Colonie car ceux de la Métropole ne sont pas toujours appliqués à la Réunion. Elle

nous a surtout intéressé pour la réglementation concernant l’immigration à la Réunion. »

P42 : « Des mesures sont prises également afin de freiner l’immigration chinoise à La Réunion : une taxe de séjour
est imposée aux Asiatiques en 1887 ; il en est de même à l’ile Maurice. »

P87-88 : « Le 30 décembre 1886, le Conseil Général adopte un projet de décret selon lequel aucun étranger de race
asiatique et africaine ne peut résider dans la colonie sans être muni d'un permis de séjour. Ce permis est assorti
d'une taxe annuelle établie. suivant la profession de l'étranger.

a) Les raisons de cette taxe à la Réunion.

La concurrence qu'ils font aux Créoles incite le Conseil Général à leur imposer cette taxe : Ils "envahissent
journellement le pays où ils exercent à leur profit, sans payer aucune charge pour ainsi dire, des professions, des
industries (...) au détriment des enfants du pays" 5.
D'autre part, les étrangers vivent en vase clos ; ils ont des mœurs et coutumes différentes des Créoles ce qui "oblige
la colonie à un surcroît de dépenses pour maintenir l'ordre public" 6 .
En 1903, il est proposé une majoration de 20% car les Asiatiques paient moins d'impôt que les Créoles : "Les "droits
sur les spiritueux, les vins, les liqueurs, constituent la grosse partie de notre budget ; ils [les musulmans] les
5 Lettre du chef de service de l'enregistrement au Ministre des Colonies datée du 10 juillet 1922 (A.D.R. 4M135)
6 Ibid
dédaignent de par les prescriptions de Mahomet. Ils n'ont pas les mêmes besoins que nous ; ils n'ont ni société, ni
famille ; leur genre d'alimentation et la nuance de leur mœurs font qu'ils ne consomment rien de ce qui contribue à
former l'impôt chez nous ; ils échappent ipso facto au paiement des contributions diverses" 7 8.
Cependant, tous les conseillers ne sont pas du même avis. M. Belllier retorque par exemple : "Je ne comprends pas
qu'on traite d'envahisseurs, les Arabes et les Chinois qui viennent faire du commerce sous la protection des lois et
qui en définitive sont utiles au pays3 et ils peuvent à notre grand profit venir nous apporter leur capital, leur
intelligence, leur esprit industrieux9 ".
Néanmoins, ces raisons sont toutes de nature xénophobe ; c'est en effet un climat de "peur de l'autre" qui s'instaure
et il ne fera que s'accroître au fil des années. »

P89-91 : « Le décret du 17 juin 1887 fixe la quotité de la taxe de séjour ; l'arrêté du 31 mars 1887 est ainsi appliqué à
la Réunion :

Patenté commerçant de 1 ère classe 500 francs

2 éme classe 300 francs

3 éme classe 250 francs

4 éme classe 200fran“

5 éme classe 150 francs

6éme classe 100 francs

7éme Associé dans une maison de

7 Ibid
8 J. DEFOS DU RAU op. cité ; L 'île de la Réunion : Etude de géographie humaine , 1960 p!71
9 Ibid
commerce : la moitié de la taxe afférente à la classe de patente sans que cette taxe puisse être inférieure à celle du
commis de commerce 100 francs

8 éme Commis de commerce ou individu

sans emploi 100 francs

9éme Marchand de denrées au marché, marchand ambulant ou ouvrier industriel 50 francs

lOéme - Agriculteur 25 francs

1 léme Cette dernière quotité est abaissé à

10 francs pour tout individu ayant accompli au moins cinq années d'engagement dans la colonie .

Cette taxe frappe les Chinois, les Indiens Mahometans de Bombay dénommés "Arabes" qui sont à la Réunion des
sujets britanniques, et les anciens immigrants africains ou Indiens malabars dispensés d'engagement, inscrit à la
11eme catégorie.

Cette taxe de séjour va de pair avec un permis de séjour. Les dispensés de la taxe de séjour ont droit à un permis
gratuit : "La femme qui à son arrivée à la Réunion a été immatriculée comme épouse d'un immigrant et celle qui a
contracté mariage, est exempté de'la taxe lorsque le mari est pourvu d'un permis de séjour. Elle est dans ce cas
pourvue d'un permis gratuit ; peut être admise à la même exemption, la veuve de permissionnaire indigente et mère
d'enfants en bas âge.

Tout étranger exempts de la taxe est muni d'un permis de séjour gratuit . Ces demandes de permis de séjour sont
soumises à des enquêtes de moralité.

a. Demandes de permis de séjour, soumises à des enquêtes de moralité.


Ainsi, avant d'accorder un permis de séjour ou un renouvellement de permis de séjour, la police se charge
d'effectuer une enquête sur les mœurs et les moyens de subsistance du demandeur.

Ainsi, comme l'Arabe Abdul Karimestry Rajimamod, permissionnaire de 3eme classe, est possesseur d’une boutique
bien achalandée, d'une cantine, d'une charette et d'une mule et des cabris, un avis favorable au renouvellement de
son permis de séjour lui est accordé.

Une autre enquête de police nous révéle qu'une enquête discrète a été livrée sur la profession, les moyens
d'existence et la moralité du sieur Ismaël Mohamed Mullan, permissionnaire N°6951.

Des renseignements recueillis, il en résulte que le nommé Ismaël Mohamed Mullan est âgé de 22 ans, qu'il est
célibataire, sans enfants, et que depuis deux mois, il exerce la profession de cultivateur (colon partiaire) sur la
propriété du sieur Issop Wazir à Bois-de-Nèfle Saint-Paul.

Il est subvenu par son frère Sulliman Mullan, qui est commerçant de comestible et mercerie, chez qui il habite.
"Ismaël Mohamed Mullan jouit d'une bonne conduite et d'une bonne moralité"1 . Le renouvellement de son permis
de séjour lui est par conséquent accordé. »

P105 : « Les Indiens musulmans, s’enrichissant tout en payant la taxe de séjour ne représentent seulement en 1915
que 7,16% du total des patentés de 1ère, 2ème, 3ème classe (sur un ensemble de 1033, ils sont 74) 10 11. Mais aux
dires des Créoles, ils représentent un pouvoir économique considérable. »

P109 : « Dans les années 20, les critiques contre les Asiatiques semblent s’être atténuées, et en 1934 paraît, dans La
Victoire Sociale, une série d’articles destinée à démontrer que les Asiatiques (aussi bien Chinois qu’Arabes) ne
constituent aucun danger pour la Réunion car ceux-ci pratiquent leurs activités sans déranger personne. Or, dès lors,
des voix s’élèvent afin de protester, dont celle du Dr Arnaud qui estime que « la vraie richesse du pays étant
l’agriculture, les étrangers ne doivent pas y venir pour s’adonner au commerce. Cette activité doit être réservée aux
fils et aux parents d’agriculteurs créoles qui créent la richesse et font le service militaire »’.
Craignant que les Créoles ne soient obligés de s’exiler, le Dr Arnaud propose des mesures sévères pour lutter
contre l’invasion asiatique. Ainsi, demande-t-il, entre autres, « le dépôt d’une forte caution par tous les étrangers
qui désirent [s’installer dans l’île] (...), et l’expulsion de tous les faillis étrangers » 12 13.

10 Réponse du Président de la Chambre de Commerce transmise par le Gouverneur au Chef des Douanes à travers le
procès verbal de la séance du 4 décembre 1915, lu et adopté dans la séance suivante du 19 février 1916, (A.D.R. 6M 1324).
11 Etat indiquant par commune et par classe, le nombre des commerçants français, naturalisés, arabes et chinois vendant en
gros (1ère classe), en demi-gros (2ème classe) et au détail (3ème et 4ème classe), (A.D.R. 4M 124).
12 P. Eve, op. cité, p. 352.
13 Ibid.
P109-110 : « Le Décret du 29 juillet 1935.

Ce décret, appliqué à la Réunion par Arrêté du 4 décembre 1935, et concernant les conditions
d’admission des Français et des étrangers dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion,
contraint les nouveaux arrivants à verser une caution en garantie de leur rapatriement dans leur pays d’origine ;
il ne concerne que les immigrants installés à la Réunion après le 29 juillet 1935.
Ce décret pose un véritable problème pratique. En effet, les immigrants établis à la Réunion avant ce fameux
décret, ayant voyagé entre temps et revenant à la Réunion après le 29 juillet 1935, doivent quand même payer
cette caution. Ils se font rembourser uniquement sous réserve de fournir les preuves de leur installation dans
File avant le 29 juillet 1935. L’administration est alors envahie de demandes de remboursement.
Cette mesure destinée à freiner l’immigration ne parvient pas totalement à atteindre son but. En effet, les
arrivées restent toujours supérieures aux départs. »

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