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Le marchand de Bagdad :

conte des Mille et une nuit

Source gallica.bnf.fr / Ville de Paris / Fonds Heure joyeuse


. Le marchand de Bagdad : conte des Mille et une nuit. 1912.

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2. — Cendrillon (6 contes). 48 — Histoire d'Ondine.
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4. — Contes de Grimm(6 cont.).60. — Les Travaux d'Hercule.
5. — Histoire d'Aladin. 51. — Les Six Lévriers blancs.
6. — Gulliver chez les Géants.52. — Nouvelles Aventures du
7. — Sindbad le Marin. Vieux Frère Lapin.
Histoires
8. —
- d'Animaux. 53. — Les Quatre Prunes.
9. Contes d'Afrique (6 cont.). 54. — Rimes enfantines.
10. — Le Nain jaune. as. — Du Guesclin.
Il. — De Janvier a Décembre. 56. — Contes de Russie.
12. — Les Enfants dans les 57. — Le Petit Démon de Va-
Bois, et autres Contes. lentin.
13. — Fables d'Esope. 58. — La Conversion de Ca-
u. — La Rose magique. therine.
16. — Contes fabuleux de la 59. — Mémoires de Négro.
Grèce antique (6 contes). 60. — Le Prince joueur.
16. — Budge et Toddie. 61. — Un Coup de tête.
17. — Ivanhoe. 62. — Contes de Chine.
18. — La Petite Blanche-Neige. 63. — Les Outils merveilleux.
19. — Au Paysdes Merveilles. 64. — Frère Renard et Frère
20. — Le Tailleur fou.
Lapin.
65. — Aventures de Peloton.
21. — Le Roi Arthur. 66. — Le Roman d'un Lutin.
22. — Le Géant aux Cheveux 67. — Le Petit Parapluie.
d'or (3 contes). 68. — Persée.
13. — La Princesse volée. 69. — Jeannot Lapin.
24. — La Sirène. 70. — Histoire d'une Tortue.
25. — Goupil le Renard. 71. Graine de Moutarde.
26. — Le Sapin merveilleux. —
72. — Contes des Flandres.
27. — Les Cygnes sauvages. 73. — La Fleur mauve.
28. — Le baron Munchausen. 74. — Le Talisman.
29. — Au Jardin des Plantes. 75. — Les deux Voix.
30. — Le Renard nigaud. 76. — Récits de la Rome an-
31-32. Aventures d'Alice. tique.
33 34. Robinson Crusoé. 77. — Lucienne, la petite va-
35. — La Maison dans la forêt. niteuse.
36. — Le Tapis enchanté. 78. — Le Premier Bébé.
37. — L'Hirondelle qui revient 79. — Conte de Provence.
d'Egypte. 80. — La Tempête.
38. — La Vie à la campagne.
39. — Le Chef des Géants.
-
si Le Marchand et le Génie.
82. — Histoire de Gallus.
, ,

40. — Le Vieux Frère Lapin. 83. — Contes danois.


41. — Au Pays des Ecureuils. 84. — Le Dernier des Ménes-
42. — La Vie des Insectes. trels.
43. — Le Roi des Cygnes. 85. — Contes du Nivernais.
44-45. Don Quichotte. 86. — Les Jeunes Marchands
46. — Lettresdu Pays des Fées. de Fourrures.

Pour paraître le 17 août 1912.


No 88.
— La Conquête de la Toison d'Or.
LE MARCHAND DE BAGDAD
Conte des Mille et une Nuits
LES LIVRES ROSES
POUR LA JEUNESSE

LE MARCHAND
-

DE BAGDAD
Conte des Mille et une Nuits

26 GRAVURES

LUBRAIRlE LAROUSSE F> PARUS


-7, rue Montparnasse. — SuccuRSALE : rue des Écoles, 58.
LA F MLLE DU GÉAKT
(Légende alsacienne)

Il était
une fois, dans les temps très lointains
Où l 'Alsace abritait
les géants et les nains,
Sur un
roc gigantesque un si haut mur de pierre,
Que nul
ne soupçonnait ce qui vivait derrière.
Il projetait ombre au loin dans la campagne.
G était là
son
que vivait le roi de la montagne
Avec sa fille Hilda, le
charme de ses jours. '
Or, Hilda
ne montait jamais aux grandes tours,
ne franchissait pas l'immense enceinte ronde
Qui cachait à
ses yeux les merveilles du monde.
le s amusait seule à des jeux de géants,
Maissoupirait parfois,et regardait souvent
a poterne fermée et la muraille grise.
es parfums de l'été
que lui portait la brise
Rendaient Hilda rêveuse, et, privé d'horizon,
on château lui semblait une horrible prison.
n jour, le gardien dort, et la porte est ouverte ;
V
oici l enfant dehors. Oh ! la
campagne verte,
)
Les jolis arbres fins qui tiennent en sa main,
Et ce ruban d'argent, tout là-bas: c'est le Rhin !

Hilda pourrait s'en faire une écharpe légère.


Franchissant en deux pas les rocs et la bruyère,
La fille du géant se baisse sur les champs.
C'est le temps du labour : oh les jouets charmants
! !

Elle saisit alors la petite'charrue,


Le pauvre paysan qui vaguement remue,
Et les chevaux peureux, s'agitant vainement.
A son père aussitôt apportant ses trouvailles :
Admirez, lui dit-elle, ils étaient aux semailles.
— Qu'as-tu fait mon enfant ? dit en grondant le roi.
Ce petit être frêle travaillait pour toi.'
Ce n'est pas un jouet, car les nains de la plaine
Sèment le blé qui fait le pain, tissent la laine,
Pour nous donner le vin pressent les grappes d'or. »
Alors Hilda, pensive, emporta son trésor,
Et remit gentiment chaque chose à sa place.
Depuis ce matin-là, dans ce coin de l'Alsace,
On vit lever le blé et mûrir la moisson,
La vigne se dorer à l'arrière-saison,
Sans que les petits nains qui travaillaient la terré
Comprennent le miracle et percent le mystère
Qui faisait les travaux s'achever seuls la nuit.
Le sol tremblait un peu lorsque sonnait minuit,
Etquand l'aurore ouvrait ses deux portes vermeilles,
On voyait dans les champs de nouvelles merveilles.
Mais se cachant la nuit dans quelque rocher noir,
Les petits nains craintifs dans l'ombre auraient pu voir
La fille du géant, travaillant en amie,
Hilda qui se penchait sur là terré endormie.
LE SONGE D'ALI COGIA

LE MARCHAND DE BAGDAD
(Conte des Mille et une Nuits)

Sous le règne du calife Haroun-Alraschid, il


y avait à
Bagdad
un marchand nommé Ali Cogia, qui n'était ni
s plus riches ni des plus pauvres, qui demeurait, sans
femme
et sans enfants, dans une maison que lui avait lais-
sée son père.

Alors que, libre de


Produisait son
il
ses actions, vivait content de ce que
commerce, il eut, trois jours de suite, uu
songe dans lequel un vieillard vénérable lui apparut avec
un regard sévère, le réprimandant de ne pas encore s'être
acquitté du pèlerinage de La Mecque.

Ce songe troubla Ali Cogia, et le mit dans un grand


embarras. En bon musulman, il n'ignorait pas qu'il était
dans l'obligation de faire ce pèlerinage ; mais comme il
était chargé d'une maison, de meubles et d'une boutique,
il avait toujours cru que c'était un motif assez puissant pouf
s'en dispenser, et il tâchait d'y suppléer par des aumônes
et par d'autres bonnes œuvres.

Mais depuis ce songe, sa conscience le pressait si vive-


ment, que la crainte qu'il ne lui arrivât quelque mal-
heur le décida de ne pas différer davantage de s'en acquit-
ter.
Pour se mettre en état d'y satisfaire dans le courant de
l'année, Ali Cogia commença par se défaire de ses meubles ;
il vendit ensuite sa boutique et la plus grande partie des
marchandises dont elle était garnie, réservant celles dont
il pourrait avoir le placement à La Mecque ; pour ce
qui est de sa maison, il trouva un locataire qui la prit à
bail.
Les choses ainsi disposées, il se trouva prêt à partir pour
l'époque où la caravane de Bagdad pour La Mecque se
mettrait en chemin. La seule
chose qui lui restait à faire
e mettre en sûreté une somme de mille pièces d'or
qui 1 eut embarrassé dans le pèlerinage,
après avoir mis à

ALI COG1A REMPLIT LE VASE AVEC DES CUVES

part l'a
qu'il jugea à propos d'emporter avec lui pour
urgent
epense
^
et pour d'autres besoins.
Ali Cogia
choisit un vase d'une capacité convenable ; il
mille pièces d'or, et il acheva de le remplir d'oli-
ves. Après
avoir bien bouché le vase, il le porta chez un
marchand de ses amis.
« Mon frère,
lui dit-il, vous n'ignorez pas que dans peu
de jours je pars comme pèlerin de La Mecque avec la cara-
vane ; je vous demande en grâce de vouloir bien vous
charger du vase d'olives que voici, et de me le conserver
Jusqu'à mon retour.»
Le marchand lui dit obligeamment : « Tenez, voilà la
clé de mon magasin ; portez-y vous-même votre vase, et
mettez-le où il vous plaira ; je vous promets que vous l'y
retrouverez. »

Le jour du départ de la caravane de Bagdad étant ar-


rivé, Ali Cogia s'y joignit, avec un chameau chargé de
marchandises dont il avait fait choix, et qui lui servit
de monture dans le chemin, et il arriva heureusement a
La Mecque.
Il y visita, avec tous les autres pèlerins, le temple si
célèbre et si fréquenté chaque année par les nations
musulmanes qui y viennent de tous les endroits de la terre,
en observant très religieusement les cérémonies qui leur
sont prescrites.
Quand il se fut acquitté des devoirs de son pèlerinage, il
exposa les marchandises qu'il avait apportées, pour les ven-
dre ou pour les échanger.
Deux marchands qui passaient et qui virent les marchan-
dises d'Ali Cogia, les trouvèrent si belles qu'ils s'arrêtèrent
pour les considérer, bien qu'ils n'en eussent pas besoin. ;
X MARCHANDS S'ARRÊTENT POUR CONSIDÉRER LES MARCHANDISES
D'AU COGLA
Quànd ils eurent satistait leur curiosité, l'un dit à
l'autre en se retirant :
« Si. ce marchand savait le gain qu'il ferait au Caire sur

ses marchandises, il les y porterait, plutôt que de les vendre


ici où elles sont à bon marché. »
Ali Cogia entendit ces paroles ; et comme il avait en-
tendu parler mille fois des beautés de l'Egypte, il résolut
sur-le-champ de profiter de l'occasion et de faire le
voyage. Ainsi, après avoir rempaqueté et remballé ses mar-
chandises, au lieu de retourner à Bagdad, il prit le che-
min de l'Egypte, en se joignant à la caravane du,
Caire.
Quand il fut arrivé au Caire, il n'eut pas lieu de se re-
pentir du parti qu'il avait pris ; il y trouva si bien son
compte, qu'en très peu de jours il eut achevé de vendre
toutes ses marchandises avec un bénéfice beaucoup plus
grand qu'il n'avait espéré. Il en acheta d'autres dans l'in-
tention de passer à Damas,et,en attendant l'occasion d'une
caravane qui devait partir dans six semaines, il ne se con-
tenta pas de voir tout ce qui était digne de sa curiosité au
Caire, il alla admirer les pyramides, et il remonta le
Nil jusqu'à une certaine distance, visitant lesvilles les plus
célèbres situées sur l'un et l'autre bord. !

Dans le voyage de Damas, comme 'le chemin de la cara- |


vane était de passer par Jérusalem, notre marchand de
Bagdad profita de l'occasion visiter le temple,
pour re-
gardé par tous les musulmans comme le plus saint, après

VISITE D'ALI COGIA AliX PYRAMIDES

celui de La Mecque, d'où cette ville prend le


nom de Noble
Sainteté.

Ali Cogia trouva la ville de Damas


un lieu si délicieux
Par l'abondance de ses eaux, par ses prairies et par ses jar-
dins enchantés,
que tout ce qu'il avait lu de ses agréments
dans nos histoires lui parut beaucoup au-dessous de la vé-
rité, et qu'il y fit un long séjour.
Comme, néanmoins, il n'oubliait pas qu'il était de Bag-
dad, il en prit le chemin, et il arriva à Alep, où il fit en-
core quelque séjour, et,de là, après avoir passé l'Euphrate,
il s'e dirigea sur Moussoul, dans l'intention d'abréger son
retour en descendant le Tigre.
Mais quand Ali Cogia fut arrivé à Moussoul, des mar-
chands de Perse, avec qui il était venu d'Alep et il avait
contracté une grande amitié, avaient pris un si grand as'
cendant sur son esprit par leurs prévenances et leur entre-
tiens agréables, qu'ils n'eurent pas de peine à lui persua-
der de ne pas abandonner leur compagnie jusqu'à Schiraz,
d'où il lui serait aisé de retourner à Bagdad, après avoir
fait un gain considérable. Ils le menèrent par les villes de
Sultana, de Reï, de Coam, de Caschan, d'Ispahan, et,de là,
à Schiraz, d'où il.eut encore la complaisance de les accom-
pagner aux Indes et où il revint avec eux.
De la sorte, en comptant le séjour qu'il- avait fait dans
chaque ville, il y avait bientôt sept ans qu'Ali Cogia était
parti de Bagdad, quand enfin il résolut d'en prendre le
chemin.
Jusqu'alors, l'ami auquel il avait confié le vase d'olives
avant son départ, pour le lui garder, n'avait songé ni à lui
ni au vase.
.
LES JARDINS EACHANTÉS DE DAMAS
Au moment où il était en chemin avec une caravane par-
tie de Schirnz, le marchand, son ami, soupait un soir ell
famille. On vint à parler d'olives, et sa femme exprima le
désir d'en manger, en disant qu'il y avait longtemps qu'oll
n'en avait vu dans la maison.

« A propos d'olives, dit le mari, vous me faites souvenir


qu'Ali Cogia m'en laissa un vase en allant à La Mecque, il
y a sept ans, et qu'il les mit lui-même dans le magasin,
pour les reprendre à son retour. Mais où est Ali Cogia de-
puis qu'il est parti? Il est vrai qu'au retour de la caravane,
quelqu'un me dit qu'il avait passé en Egypte. Il faut qu'il
soit mort, pour n'être pas revenu depuis tant d'années ;
nous pouvons désormais manger les olives si elles sont en-
core bonnes. Qu'on me donne un plat et de la lumière ;
j'irai en prendre et nous en goûterons.

— Mon mari, reprit la femme, gardez-vous bien,au nom


de Dieu, de commettre une action si noire ; vous savez que
rien n'est plus sacré qu'un dépôt. Il y a sept ans, dites-
vous, qu'Ali Cogia est allé à La Mecque et qu'il n'est pas
revenu ; mais on vous a dit qu'il était allé en Egypte, et
d'Egypte, que savez-vous s'il n'est pas allé plus loin P U
suffit que vous n'ayez pas de nouvelles de sa mort ; il peut
revenir demain, après-demain. Quelle honte ne serait-ce f

pas pour vous et pour votre famille, s'il revient et que vous
I j
ne puissiez lui rendre son vase dans le même état et tel qu'il
vous l'a confié! Je vous déclare que je n'ai pas envie de ces
olives, et je n'en mangerai Si j'en ai parlé, je
que pas. ne
^ ai
fait que par manière d'entretien. De plus, croyez-vous

LE MARCHAND ET SA FEMME

^U'après tant de temps les olives soient encore bonnes ?


sont pourries et gâtées. Et si Ali Cogia revient,comme
pressentiment me le dit, et qu'il s'aperçoive que vous y
1111

touché, comment appréciera-t-il votre amitié et votre


délité p Abandonnez votre dessein, je
vous en con-
jure.
»
La femme ne tint un si long discours à son mari, que
parce qu'elle lisait son obstination sur son visage.En effet,
il n'écouta pas de si bons conseils ; il se leva et alla à son
magasin avec dela lumière et un plat.

« Alors, souvenez-vous au moins, lui dit sa femme, que


je ne prends pas part à ce que vous allez faire, afin que
vous ne m'en attribuiez pas la faute, s'il vous arrive de
vous en repentir. »
Le marchand ferma les oreilles et persista dans son des-
sein. Quand il fut dans son magasin, il prend le vase, le
découvrent voit les olives toutes pourries. Pour s'assurer si
le dessous était aussi gâté que le dessus, il en verse dans le
plat, et la secousse fait tomber quelques pièces d'or avec
bruit.
A la vue de ces pièces, le marchand, naturellement avide
et attentif, regarde dans le vase ; il remarque qu'il avait
versé presque toutes les olives dans le plat, et que tout le
reste était en belle monnaie d'or. Il remet dans le vase ce
qu'il avait versé d'olives, il le recouvre, et il revient.
« Ma femme, dit-il en rentrant, vous aviez raison, les
olives sont pourries, et j'ai rebouché le vase de manière
qu'Ali Cogia ne s'aperçoive pas que j'y ai touché, si jamais
il revient.
— Vous eussiez mieux fait de me croire, reprit la femme,
et de n'y pas toucher. Dieu veuille qu'il n'en arrive aucun
ïïial ! »
.1

Le marchand fut aussi peu touché de ces dernières pa-

LE MARCHAND S'EN VA A SON MAGASIM AVEC UN PLAT

t'oIes de femme que de la remontrance qu'elle lui avait


sa
faite. Il
passa presque toute la nuit à songer au moyen de
s Approprier
l'or et de le conserver,dans le cas où Ali Cogia
reviendrait et lui réclamerait le
vase.
\
Le lendemain, de grand matin, il va acheter des olives
de l'année ; il revient, il jette les vieilles du vase ; il etl
prend l'or, il le met en sûreté, et, après l'avoir rempli
des olives qu'il venait d'acheter, il le recouvre du même
couvercle, et le remet à la même place où Ali Cogia l'avait
déposé.
Environ un mois après que le marchand eut commis
action si indigne et qui devait lui coûter cher, Ali
une
Cogia rentra à Bagdad de son long voyage. Comme il avait
loué sa maison avant son départ, il descendit dans un
khan (i),oùil prit un logement, en attendant qu'il eût si"
gnifié son arrivée à son locataire, et que le locataire se fût
pourvu ailleurs d'un logement.
Le lendemain, Ali Cogia alla trouver le marchand, son
ami, qui le reçut en l'embrassant et en lui témoignant
la joie que lui causait son retour, après une absence de
tant d'années qu'il avait commencé à perdre l'espérance de
jamais le revoir.
Après les compliments de part et d'autre, comme il est
d'usage après une si longue séparation, Ali Cogia pria le
rendre ^
marchand de vouloir bien lui le vase d'olives qu
qu'il
avait confié à sa garde, et de l'excuser de la liberté
avait prise de l'en embarrasser.

(i) Lieu préparé pour lè repos des caravanes 4


« Ali Cogia, mon cher ami, reprit le marchand, vous
avez tort de me faire des excuses ; je n'ai nullement été em-
barrassé de votre
vase, et, dans une semblable occasion,

APRÈS AVOIR PRIS L'OR, LE MARCHAND REMET LE VASE A SA PLACE

j en aurais usé avec vous comme vous en avez usé envers


Tenez, voilà la clé de mon magasin ; allez le pren-
dre,
vous le trouverez à la même place où vous l'avez
tnis.
»
Ali Cogia alla au magasin du marchand; il en rapporta

y
son vase, et, après lui avoir rendu la clé et l'avoir bien
remercié de sa complaisance, il retourna au khan où il
avait pris logement.

Il découvre le vase, et,en y mettant la main à la hauteur


où les mille pièces d'or qu'il y avait cachées devaient être,
il est très surpris de ne pas les y trouver. Il croit se trom-
per, et pour se tirer promptement de peine, il prend une
partie des plats et autres vases de sa cuisine de voyage, et
il verse tout le vase d'olives sans y trouver une seule pièce
d'or. Il demeure immobile d'étonnement, et, élevant les
mains et les yeux au ciel : « Est-il possible, s'écrie-t-il,
qu'un homme que je regardais comme un ami, m'ait fait
une semblable infidélité 1»
Ali Cogia, sensiblement alarmé par la crainte d'avoir
fait une perte si considérable, revient chez le mar-
chand.

« Mon ami, lui dit-il, ne soyez pas surpris de me voit


revenir sur mes pas. J'avoue que j'ai reconnu le vase d'oli'
ves que j'ai repris dans votre magasin pour celui que j'y
avais déposé: Avec les olives, j'y avais mis mille pièces
d'or que je n'y trouve pas ; peut-être en avez-vous eu be-
soin et vous en êtes-vous servi pour votre commerce. S'il
en est ainsi,'elles sont à votre service ; je vous prie seule'
ment de me tirer de peine et de m'en donner une recoI1'
LE MARCHAND REÇOIT SON AMI ALI COGIA EN L'EMBRASSANT
naissance, après quoi vous me les rendrez à votre conve-
nance. »
Le marchand qui avait prévu qu'Ali Cogia viendrait
lui faire ce compliment, avait médité aussi ce qu'il devait
lui répondre.

« Ali Cogia, mon ami, dit-il,quand vous m'avez apporté


votre vase d'olives, y ai-jetouché ? Ne vous ai-je pas donne
la clé de mon magasin? Ne l'y avez-vous pas porté vous-
même, et ne l'avez-vous pas retrouvé à la même place OÙ
vous l'aviez mis, dans le même état et couvert de la
même façon ? Si vous y avez mis de l'or, vous devez l'y
avoir trouvé. Vous m'avez dit qu'il y avait des olives, je
l'ai cru. Voilà tout ce que j'en sais; vous m'en croirez sj
vous voulez, mais je n'y ai pas touché.»
Ali Cogiaprit tous les moyens de douceur pour que le
marchand se rendît justice à lui-même.

« Je n'aime, dit-il, que la paix, et je serais fâché d'en


1

venir à des extrémités qui ne vous feraient pas honneur


dans le monde, et dont je ne me servirais qu'avec un pro-
fond regret. Songez que des marchands comme nous doivent
abandonner tout intérêt pour conserver leur bonne réputa-
tion. Encore une fois, je serais au désespoir si votre opi-
niâtreté m'obligeait de faire appel à la justice, moi qui ai
ALI COGIA S'APERÇOIT DE L"NFlDÉLTTÉ
DE SON AMI LE MARCHAND
toujours mieux aimé perdre quelque chose de mon droit
que d'y recourir.
— Ali Cogia, reprit le marchand, vous convenez que
vous avez mis chez môi un vase d'olives en dépôt ; vous
l'avez repris, vous l'avez emporté, et vous venez me de-
mander mille pièces d'or. M'avez-vous dit qu'elles fussent
dans le vase ? J'ignore même qu'il y ait des olives, vous ne
me les avez pas montrées. Je m'étonne que vous ne me de-
mandiez pas des perles ou des diamants, plutôt que de
Croyez-moi, retirez-vous, et ne me faites pas assembler le
monde devant ma boutique. »
Quelques passants s'y étaient déjà arrêtés,et ces dernières
paroles du marchand, prononcées du ton d'un homme qui
sortait des bornes de la modération, firent que non seule'
ment il s'y en arrêta un plus grand nombre, mais même
les marchands voisins sortirent de leurs boutiques, et
que
vinrent prendre connaissance de la dispute qui s'était éle;
vée et tâcher de mettre les adversaires d'accord.

Quand Ali Cogia leur eut exposé le sujet, ils demande-'


rent au marchand ce qu'il avait à répondre..
Le marchand avoua qu'il avait gardé le vase d'Ali Cogie
dans son magasin ; mais il nia qu'il y eût touché, et il fit
serment qu'il ne savait qu'il y eût des olives que parce
qu'Ali Cogia le lui avait dit, et qu'il les prenait tous comme

1
[texte_manquant]

3 VOISINS ASSISTENT A LA QUERELLE DU MARCHAND D'ALI COGIA


ET
témoins de l'insulte qu'il venait lui faire jusque chez
lui.
Vous attirez l'affront vous-même, dit alors Ali
« vous
Cogia en prenant le marchand par le bras ; mais puisque

ALI COGIA ESSAYE DE PERSUADER SON AMI

vous en usez si méchamment, nous verrons si vous au-


rez le front de dire la même chose devant le cadi.»
A cette sommation, à laquelle tout bon musulman doit
obéir, le marchand n'eut pas la hardiesse de faire résis-
tance.
« Allons, dit-il, c'est ce que je demande; nous verrons
qui a tort, vous ou moi.»
Ali Cogia mena le marchand devant le tribunal du cadi,
Où il l'accusa de lui avoir volé
un dépôt de mille pièces
d'or,
en exposant le fait comme nous venons de le
yoir.

Le cadi lui demanda s'il avait des témoins. Il répondit

DEVANT LE CADI ALI COGIA ACCUSE LE MARCHAND

c'était une précaution qu'il (n'avait pas prise, parce


^ U avait
cru que celui à qui il confiait son dépôt était.
son
ami, et que jusqu'alors il l'avait considéré comme un
honnête
homme.
Le marchand n'ajouta pas autre chose pour sa défense que
ce qu'il avait déjà dit à Ali Cogia, en présence de ses voi-
sins, et il acheva en disant qu'il était prêt à affirmer par
serment, non seulement qu'il était faux qu'il eût pris les
mille pièces d'or, comme on l'en accusait, mais même qu'il
n'en avait aucune connaissance.
Le cadi exigea de lui le serment ; après quoi il le renvoya
absous.
Ali Cogia, extrêmement mortifié de se voir condamné à
une pèrte si considérable, protesta contre le jugement, en
déclarant au cadi qu'il porterait plainte au calife Haroun-
Alraschid, qui lui ferait rendre justice ; mais le cadi ne
s'étonna pas de sa protestation il la regarda comme l'el-
fe t du ressentiment ordinaire à tous ceux qui perdent leur
procès, et il crut avoir fait son devoir en renvoyant absous
un accusé contre lequel on ne lui avait pas produit de té"
moins. |
Pendant que le marchand retournait chez lui en triom-
phant d'Ali Cogia, avec la joie d'avoir ses mille pièces
d'or à si bon marché, Ali Cogia alla écrire un placet (i) et,
après avoir choisi le moment où le calife devait revenir de
la mosquée après la prière de midi, il se mit dans une rue
sur son chemin, et, comme il passait, il éleva le bras en

(i) Demande par écrit pour obtenir justice.


tenant le placet à la main. Alors,
un officier, chargé de
cette fonction, qui marchait en tête du cortège,
se dé-
tacha de son
rang et vint le prendre pour le donner au
calife.

Comme Ali Cogia savait que la coutume du calife Ha-

LE MARCHAND EST RENVOYÉ ABSOUS

roun-Alraschid, en rentrant dans


son palais, était de lire lui-
les placets qu'on lui présentait de la sorte, il suivit
9 marche, entra dans le
palais, et attendit que l'officier
avait pris le placet sortît de l'appartement du calife.
officier, le voyant, lui ditque le calife avait lu
son placet,
indiqua l'heure à laquelle il lui donnerait audience, le
lendemain,et, après avoir appris de lui la demeure du mar'
chand, il envoya lui signifier de se trouver aussi le lende-
main*à la même heure.

Le soir du même jour, le calife, avec le grand-vizir


Giafar, et Mesrour, l'intendant du palais, l'un et l'autre
déguisés comme lui, alla faire sa tournée dans la ville'
comme il avait coutume de le faire de temps en temps.
En passant par une rue, le calife entendit du bruit ; il
pressa le pas,et il arriva dans une cour où dix ou douze en-
fants, qui n'étaient pas encore rentrés chez eux, jouaient
au clair de la lune, ce dont il s'aperçut en regardant par uns
fente.
Le calife, curieux de savoir à quel jeu ces enfants
s'amusaient, s'assit sur un banc de pierre qui se trouva
à propos à côté de la porte ; et comme il continuait de
*

regarder par la fente, il entendit l'un des enfants, le plns


vif et le plus éveillé de tous, dire aux autres : « Jouons
cadi Je suis le cadi; amenez moi Ali Cogia et le marchand
f

qui lui a volé mille pièces d'or. »

A ces paroles de l'enfant, le calife se souvint du place'


qui lui avait été présenté le même jour, et qu'il ava1
lu, et il redoubla d'attention pour voir quelle serait l'issu
du jugement.
Comme l'affaire d'Ali Cogia était nouvelle et qu'elle fai-
sait grand bruit dans la ville de Bagdad jusque parmi les
enfants, les autres enfants acceptèrent la proposition avec
joie, et ils convinrent du personnage que chacun devait
jouer. Personne ne refusa à celui qui s'était offert de faire le
c&di, d'en représenter le rôle,

ALI COGIA SE PLACE AUX ABORDS DE LA MOSQUÉE


Quand il eut ouvert la séance avec le semblant et la
gravité d'un cadi,un autre faisant l'officier compétent du tri-
bunal,il lui en présenta deux, dont il appela l'un Ali Cogia,
et l'autre le marchand contre qui Ali Cogia portait sa
plainte.
Alors le cadi supposé prit la parole et, interrogeant gra-
vement le feint Ali Cogia : « Ali Cogia,dit-il,que demandez-
vous au marchand que voilà ? »
profonde révérence, informa le
Ali Cogia, après une
cadi du fait, de point en point, et, en achevant, il con-
clut en le suppliant d'interposér l'autorité de son juge-
empêcher qu'il fit une perte aussi considé-
ment, pour ne
rable.
écouté Ali Cogia, tourna du côtt
Le cadi, après avoir se
rôle du marchand, et lui demand*
de l'enfant qui jouait le
pourquoi neil rendait à Ali Cogia la somme qu 'ii luide'
pas
mandait.
Le feint marchand apporta les mêmes raisons que le v6
ritable avait alléguées devant le cadi de Bagdad, et il
manda de même à affirmer par serment que ce qu'il disai
était la vérité. *

N'allons pas si vite, reprit le cadi ; avant d'en venir


«
je serais bien aise de voir le vase d olives
votre serment,
il, s'adressant marchand de c
« Ali Cogia, ajouta-t- en au
nom, avez-vous apporté le vase ? »
CALIFE ET SON ministre GIAFAR FONT UNE tournée DANS LA. VILLE
Gomme il répondit qu'il ne l'avait pas apporté : «
AlleZ

le prendre, dit-il, et apportez-le moi. »


L'enfant, jouant à merveille le rôle d'Ali Cogia, dis'
paraît pour un moment, et, en revenant, il feint de poser
un vase devant le cadi, en disant que c'était le même vase
qu'il avait mis chez l'accusé et qu'il avait retiré de che2
lui.
Pour ne rien omettre des formalités, le cadi supposé
manda au marchand s'il le reconnaissait aussi pour 18
même vase, et comme le marchand témoignait par soi1
silence qu'il ne pouvait le nier, il commanda qu'on le dé-
couvrît.
Ali Cogia fit semblant d'ôter le couvercle, et le cadi,
feignant de regarder dans le vase : « Voilà de belles ollr
ves,dit-il, il faut que j'en goûte... Elles sont excellentes,"
ajouta-t-il, après avoir fait le simulacre d'en' prendre v&e
et d'en goûter.

Mais, continua-t-il, il me semble que des olives gaf'


«
dées pendant sept ans ne devraient pas être si bonnes, Qu on
fasse venir des marchands d'olives,et qu'ils examinent lS

question. »
Deux enfants lui furent présentés en qualité de mar-
chands d'olives.
« Etes-vous marchands d'olives ? » leur demanda le
cadi.

— Oui, seigneur, répondirent-ils.

— Dites-moi alors, reprit le cadi, si vous savez combien


de temps des olives, accommodées par des gens qui s'y en-
tendent, peuvent se conserver bonnes à manger.

LES ENFANTS REPETENT LA DISPUTE D'ALI COGIA ET DU "MARCHAND

-
le
Seigneur, répondirent les marchands supposés, quel-
peine que l'on prenne pour les garder, elle ne valent
Plus rien à la troisième année ; elle n'ont plus ni saveur,
ni couleur ; elles ne sont bonnes qu'à jeter.

— S'il en est ainsi, reprit le cadi, voyez le vase que


voilà, et dites-moi depuis combien de temps on y a mis les
olives qui s'y trouvent. »
Les marchands firent semblant d'examiner les olives et
d'en goûter, et affirmèrent au cadi qu'elles étaient récentes
et bonnes.

« Vous vous trompez,reprit le cadi : voilà Ali Cogia qui


prétend les avoir mises dans le vase il y a sept ans.

— Seigneur, repartirent les marchands appelés comme


experts, ce que nous pouvons affirmer, c'est que les oli-
ves sont de cette année,et nous maintenons que de tous les
marchands de Bagdad, il n'y en aura pas un seul qui puisse
rendre un témoignage autre que le nôtre. »
Le marchand supposé, accusé par le feint Ali Cogia,

bouche.
voulut protester contre le témoignage des marchands
experts ; mais le cadi ne lui donna pas le temps d'ouvrir la

« Tais-toi, dit-il, tu es un voleur.Qu'on le pende »


!

Ce jugement rendu, les enfants mirent fin à leur jeu avec


une grande joie, et, battant des mains, ils se jetèrent sue
le feint criminel, comme pour le mener pendre.
On ne peut exprimer combien le calife Haroun-Alras'
chid admira la sagesse et l'esprit de l'enfant qui venait de
rendre "un jugement si sage sur l'affaire qui devait être
Plaidée devant lui le lendemain. Cessant de regarder par la
fente, il
se leva et demanda à son grand-vizir,qui avaitaussi
attentif à ce qui venait de se passer, s'il avait en-
tendu le jugement
que l'enfant venait de rendre,et ce qu'il
en pensait.

L'ENFANT FAIT SEMBLANT D'APPORTER LE VASE AUX OLIVES

Commandeur des croyants, répondit le grand-vizir


((

P.
on ne peut être plus surpris que je le suis d'une si
grande
sagesse, dans un âge si peu avancé.
— Mais, reprit le calife, sais-tu que j'ai un jugement à
tendre demain
sur la même affaire, et que le véritable Ali
Cogia
m'en a présenté le placet aujourd'hui?
Je l'apprends de Votre Majesté, répondit le grand'

vizir.
Crois-tu, dit le calife, je puisse rendre un
— que
jugement autre que celui que nous venons d'entendre ?
Si l'affaire est la même, reprit le grand-vizir, il neifle

paraît pas que Votre Majesté puisse procéder d'une autre
manière, ni prononcer autrement.
donc bien maison, lui dit le calife, et
— Remarque cette
amène-moi demain l'enfant, afin qu'il juge la même affaire
en ma présence. Ordonne aussi au cadi qui a envoyé ab'

sous le marchand voleur de s'y trouver, afin qu'il aP'


prenne son devoir de l'exemple d'un entant, et qu'il se

corrige.
« Je veux aussi que tu prennes le soin d'avertir Ali Cogli
d'apporter son vase d'olives, et que deux marchands d'oli'
ves se trouvent à mon audience.»
Le calife donna ces ordres en continuant sa tournée,
qu'il acheva sans rencontrer autre chose qui méritât son at-
tention.
Le lendemain, le grand-vizir Giafar vint à la maison Oe
le calife avait été témoin du jeu des enfants, et il demand9
à parler au maître. A défaut du maître, qui était absent,Oe
lui fit parler à la maîtresse. Il lui demanda si elle avait de5
LES ENFANTS
SE JETTENT SUR LE FEINT CRIMINEL POUR LE PENDRE
enfants. Elle répondit qu'elle en avait trois, et elle les fil

venir devant lui.


« leur demanda le grand-vizir, qui de vous
Mes enfants,
faisait le cadi, hier au soir, quand vous jouiez en-
semble ? ?'

répondit que c'était lui; ;et


Le plus grand,qui était l'aîné,
il ignorait pourquoi il lui faisait cette demande, ^
comme
changea de couleur.
Mon fils, lui dit le grand-vizir, venez avec moi, le Com-
«
mandeur des croyants veut vous voir.»
La mère fut dans une grande alarme, quand elle vit qUe

le grand-vizir voulait emmener son fils.


« Seigneur, lui demanda-t-elle, est-ce pour enlever mon
fils que le Commandeur des croyants le demande ? »
Le grand-vizir la rassura, en lui assurant que son
lui serait rendu en moins d'une heure, et qu'elle appren-
drait à sont retour le motif,fort heureux pour elle, de la de,
mande du calife.
« S'il en est ainsi, Seigneur, reprit la mère, permette
moi de lui faire prendre auparavant des vêtements plus
pres,et qui le rendent plus digne de paraître dedant le Com-
mandeur des croyants. »
Elle les lui fit prendre alors sans perdre de temps.
Le grand-vizir emmena l'enfant, et il le présenta au ce
life à
l'heure qu'il avait donnée à Ali Cogia et au marchand
pour les entendre.
Le calife, qui vit l'enfant un peu interdit, le rassura

LES TROIS ENFANTS MANDÉS PAR LE GRAND-VIZIR

avec bienveillance,et voulut le préparer à ce qu'il attendait


de lui.

«Venez, mon fils, dit-il, approchez. Est-ce vous qui ju-


giez hier l'affaire d'Ali Gogia et du marchand accusé de lui
avoir volé son or ? Je vous ai vu et je vous ai entendu ; je
suis très content devous. n
L'enfant ne se déconcerta pas, et répondit modestement
que c'était lui.
« Mon fils, reprit le calife, je veux vous faire voir au-

LE GRAND-VIZIR RASSURE LA MÈRE

jourd'hui le véritable Ali Cogia et le véritable mar-


chand ; venez vous asseoir près de moi. »

Alors le calife prit l'enfant par la main, monta el s'assit


sur son trône, et quand il l'eut fait asseoir près de lui, il
demanda où étaient les plaideurs t
ALI COGIA JUGÉS PAR T;E]CAIJFE HAROUN-ALRASCHTD
I JG MARCHAND ET4
On les fit avancer, et on les lui nomma pendant qu'ils se
prosternaient et qu'ils frappaient de leur front le tapiS
qui couvrait le trône.

Quand ils se furent relevés, le calife leur dit :

« Plaidez chacun votre cause ; l'enfant que voici voUs


écoutera et vous rendra justice ; s'il manque en quelque
chose, j'y suppléerai. »
Ali Cogia et le marchand parlèrent l'un après l'autre, et
quand le marchand vint à demander à faire le même ser"
ment qu'il avait fait lors de son premier jugement, l'eV'
fant dit qu'il n'était pas encore temps, et qu'auparavant ^
était à propos devoir le vase d'olives.
A ces paroles, Ali Cogia présenta le vase, le posa au*
pieds du calife, et le découvrit.
Le calife regarda les olives, et il en prit une dont il goûta-
Le vase fut donné à examiner aux marchands experts, qui
avaient été appelés,et ils déclarèrent dans leur rapport qtJe
les olives étaient bonnes et de l'année.
L'enfant leur dit qu'Ali Cogia assurait qu'elles y avaiept
été mises sept ans auparavant ; mais ils firent la même f
ponse que les enfants qui jouaient le rôle de marchands
experts, comme nous l'avons vu.
le
Ici, quoique marchand accusé vît bien que les detf*
1
experts venaient de prononcer sa condamnation, il per-
sista néanmoins à vouloir trouver de bonnes raisons pour
se justifier.
Mais l'enfant se garda bien de prendre une décision et de

.ALI COGTA PRÉSENTE LE VASE D'OLIVES AU CALIFE

l'envoyer pendre. Il regarda le calife: « Commandeur des


broyants, dit-il,ceci n'est pas un jeu. C'est à Votre Majesté
qu'il convient de rendre le jugement et de condamner à
mort sérieusement, et non pas à1moi, qui ne le fis hier que
pour rire, en jouant avec mes camarades. »
Le calife, pleinement édifié sur la mauvaise foi du mar-
chand, l'abandonna aux ministres de la justice pour le
faire pendre, ce qui fut fait immédiatement, après qu'il
eut déclaré où il avait caché les mille pièces d'or.
C'est ainsiqu'Ali Cogiarentra en possession de son trésor.

L'ENFANT REÇOIT UNE BOURSE DE CENT PIÈCES D'OR

Le calife, enfin, plein de justice et d'équité, avertit les


cadi qui avait rendu le premierjugement, et qui était pré-
sent, d'apprendre d'un enfant à être plus scrupuleux dans
ses fonctions.
Puis il embrassa l'enfant, le félicita de son bon sens,
et le renvoya avec une bourse de cent pièces d'or qu'il lui
fit donner comme marque de sa satisfaction.
Thomas, le petit ramoneur

Il s'appelait Thomas, du moins il ne se connaissait pas


d'autre nom. C'était un petit, un très petit ramoneur de
grandes cheminées, qui servait un maître brutal, le vieux
Grinime. Souvent des larmes lourdes et sincères traçaient
sillon sur les joues noircies du pauvre petit bonhomme
lorsqu'il était obligé d'ascensionner les sombres chemi-
nées et que,de ses coudes et de ses genoux meurtris, le
s&ng coulait.

Mais, quoique les jours pénibles fussent nombreux, Tho-


mas savait rire aussi, et il avait ses moments de gaieté et
joie. Et sa figure, si noire et si souillée fût-elle, savait
sourire encore et s'illuminer même de joyeuse malice.
C' était les
jours où, possédant quelques sous, il pouvait
lesjouer avec des camarades de rencontre, ou bien

Sauter par-dessus les barrières,
ou jeter des pierres dans
lesjambes des chevaux passant sur les chemins.
Son ambition était de devenir un homme. Pour lui, un
maître ramoneur était un homme, et la pauvre petite
cervelle se l'était proposé comme modèle. Il se voyait déjà
installé dans une taverne avec une grande chope de bière
et une longue pipe, jouant aux cartes et gagnant des
pièces d'argent. C'était toute son ambition. L'idée
d'avoir des apprentis le séduisait assez ; il en aurait deux.
trois, qu'il dominerait et rudoyerait comme il était do-
miné et rudoyé lui-même. Sa pauvre imagination n'en"
visageait rien au-delà, ni rien de plus, mais c'est qu'alors
Thomas n'était qu'un pauvre petit ramoneur sans au-
cune éducation, ignorant tout de la vie et de ce
qu'elle contient de beau et de bon. Cela, il l'apprit, et c'est
précisément la manière dont il l'apprit qui fait le sujet de
cette histoire.
Un jour, Grinime fut requis par un domestique d'aller
les cheminées de son maître. La propriété de cet
ramoner
homme était superbe et immense,avec un parc, une rivière
poissonneuse, une chasse et une très belle maison. Son
propriétaire était un magistrat, homme bon et juste s'il en
fut, que Grinime connaissait bien, et son apprenti d'ail"
leurs aussi, pour les avoir condamnés tous deux à quelque
temps de prison qu'ils n'avaient certes pas volé.
Par un matin d'été, alors que trois heures venaient de
sonner, Grinime et Thomas se mirent en route, Grinime
sur l'âne et l'enfant marchant derrière, portant les instru-
ments de travail. Et Thomas,' tout en cheminant, contem-
plait les choses et les êtres qu'au cours de la route il ren-
contrait. Toute la nature semblait encore dormir; les ar-
bres et les animaux des champs continuaient leur sommeil,
et les grands nuages lourds, qui passaient lentement, pa-
raissaient somnoler aussi. Et toutes ces choses intéressaient
le petit ramoneur; de ses yeux attentifs il suivait dans le
éiel le vol d'une alouette dont le chant triomphant lui
égayait le cœur, ou bien, laissant errer sa vue sur le sol, il
voyait s'ouvrir les boutons d'or et les pâquerettes pendant
que s'éveillaient dans leurs nids les oiseaux. Une vieille
femme, misérablement vêtue, jambes et pieds nus,avec un
châle usé sur ses cheveux gris, suivait le même chemin ;
elle avançait péniblement, comme si, fatiguée d'une trop
longue marche, ses pieds meurtris la faisaient souf-
frir.

Bientôt, ils furent côte à côte,et la vieille, s'adressant à


l'enfant, lui posa maintes questions et lui parla de choses
merveilleuses qu'il n'avait jamais vues. Elle lui parla
de la mer et des vagues furieuses et bruyantes,et des grands
rochers contre lesquels elles viennent se briser. Comme
ils parvenaient à la rivière d'un moulin, Grinime, plon-
geant la tête dans l'eau claire et babillarde, se lava la figure,
et comme, tout étonné d'un tel geste,Thomas lui en deman-
dait la raison, il lui répondit :

« Ce n'est pas par propreté ; j'aurais honte d'avoir besoin


de me laver chaque semaine comme tant d'autres ; mais
j'avais trop chaud,et cette eau m'a rafraîchi. » Le petit ra-
moneur se lava aussi, mais alors Grinime entra dans une
grande colère, et, saisissant Thomas, il le frappa rudement.
La vieille femme intervint. Le ramoneur, redoutant la
connaissance que cette femme avait de tous ses larcins et
de ses crimes,obéit à son injonction,et, lâchant l'enfant,re-
partit à une allure plus rapide vers la demeure du magis-
trat. Mais quelle que fut sa hâte à s'éloigner, il entendit la
pauvresse lui dire qu'un jour il la retrouverait sur son che-
min,et,comme adieu,elle ajouta :« Propres seront toujours
ceux qui souhaitent d'être propres, et fous seront ceux qui
veulent être fous ; souvenez-vous en! »

Après avoir parcouru trois kilomètres,ils arrivèrent à la


grille du parc, d'où un garde les conduisit à travers la
grande avenue de peupliers, longue d'une demi-lieue envi-
ron, et Thomas, entendant le bourdonnement des ruches,
demanda quel était ce murmure. Apprenant que cela pro-
venait des abeilles, il s'enthousiasma, et déclara qu'il serait
heureux comme un roi si on lui confiait la garde d'un tel
parc, des ruches si bruyantes, et un bel habit de velours
yert, avec un sifflet pendu à l'un de ses boutons bril-
lants.

Mais il fallut abandonner un si beau rêve,et, prenant ses


Outils, le petit ramoneur commença la toilette des chemi-
nées. Elles étaient nombreuses, si nombreuses que la fati-
gue vint et qu'il souhaita un peu de repos ; mais pour lui,
il n'en était jamais question avant
que le travait fût entière-
ment terminé. De plus, la tâche était rendue plus pénible
Par la forme des cheminées ; ce n'était plus celle
habituelle des villes, toute droite et toute simple, mais
d'immenses conduits tortueux, comme ceux que l'on ren-
contre encore en de vieilles demeures campagnardes. Parmi
toutes ces cheminées Thomas se perdit ; il s'en aperçut
avec quelque indifférence,quoiqu'il fût environné des plus
épaisses ténèbres; mais, habitué comme il l'était à l'obscurité
»

s'en souçiait fort peu, et s'agitait et se conduisait dans,


l'ombre avec autant d'aisance qu'une taupe dans ses laby-
l'inthes souterrains. Tout de même, étant résolu à achever
sa descente, il s'engagea dans le conduit qu'il croyait être
bon, et débarqua, à sa grande stupéfaction, dans une
chambre comme jamais encore il n'avait vu la pareille ;
ses deux pieds enfonçaient moelleusement dans une toison
épaisse et blanche qui n'était autre qu'une carpette en peau
d'ours v
D'abord cloué au sol par la stupéfaction, n'osant risquef
un geste, il commença des yeux l'inspection de la chambre-
C'était une chambre à coucher, adorable de blancheur et
de joliesse. Aux fenêtres dorées par le soleil pendaient de
grands rideaux blancs ; blancs aussi les légers rideaux da,
lit, blanc le papier avec, par place, de minces filets roses.
Sur les murs des gravures,jolies en leurs cadres d'or, eurent
le don de retenir son attention. Il les regardait conscien-
cieusement, cherchant à en deviner le sens. Mais ce qui
l'étonnale plus,ce fut,à terre,au milieu de la pièce,un grand
bassin de zinc peint d'une belle couleur blanche, plein
d'eau claire, et, placés à l'entour, une grosse éponge, dt1
savon, une brosse et une grande serviette toute propre,
quoique dépliée.

Ne connaissant rien de la nécessité d'être propre,


imbu qu'il était des principes de son maître à cet égard, il
se demandait avec stupéfaction comment il pouvait se fait6
qu'une dame, habitante d'un nid aussi charmant, pût être
assez sale pour faire usage de toutes ces choses. Ce qui
l'émerveillait, lui l'enfant aux mœurs frustes,c'est l'habileté
laquelle cette dame,si sale à idée,puisqu'elle avait
avec son
besoin de se laver, ne laissait aucune trace de souil'
lure sur les objets dont elle faisait usage et de l'ea¡¡
même qui avait servi à son bain. Problème inouï pour une
si petite cervelle encore plongée dans l'ignorance de toutes
choses.
Pendant que,perdu dans ses pensées, réfléchissant à cette
énigme insoluble, il restait là, ne pensant même plus à
bouger, ses yeux se portèrent sur le lit où dormait cette
femme si dépourvue de propreté. Alors ils s'arrêtèrent,
écarquillés, comme fixés àjamais sur le spectacle qu'ils ve-
naient de découvrir ; l'enfant,émerveillé,retintsa respiration.
Sous une couverture de soie blanche, reposant sur un
oreiller tout blanc entouré de dentelles, une petite fille ravis-
sante dormait. Sa délicieuse petite figure pâle rivalisait de
blancheur avec l'oreiller qui la soutenait,.et ses cheveux
blonds,roulésen lourdes boucles, s'éparpillaient mollement,
luisants, lumineux sous le soleil du matin.
A travers le désarroi de ses pensées,une idée surgit dans
l'esprit du petit ramoneur. Serait-ce possible que chacun
pût être blanc, ainsi une fois lavé, et lui-même alors ne
pourrait-il pas, une fois propre, avoir une même figure
claire et pâle ? Se retournant, il vit soudain, tout près de
lui,une figure grimaçante et noire qui le regardait.
Son premier geste fut de la chasser, si grande était son
indignation de voir un si vilain petit être offenser de sa
présence un lieu aussi charmant; mais bientôt il s'aperçut
avec dépit que ce n'était autre que lui-même, toute sa per-
sonne étant reflétée dans un grand miroir, comme il n'en
avait encorejamais vu. De rage il voulut frapper ce miroir
trop fidèle,et,poussant un juron,il avança le poing, mais la
fillette, réveillée à sa voix, répondit à son juron par un cri
de terreur, et, de saisissement, il laissa retomber inerte son
poing fermé. Une bonne accourut, affolée. Elle saisit le pe-
tit ramoneur pour l'entraîner hors de la chambre; mais,si
forte qu'elle fût, l'enfant lui échappa, et, sautant lestement
par la fenêtre, s'aidant des branches d'un arbre,il atteignit
le sol ; puis il se mit à courir à travers les pelouses et les
plates-bandes, et, dévalant avec la rapidité que lui permet-
taient ses petites jambes, il parcourut successivement une
longue route, un village,des prés, pour venir enfin échouer,
épuisé de fatigue, à la porte d'un cottage tout blanc et
coiffé de tuiles rouges, où une vieille femme enseignait de
belles choses à de jeunes enfants. Son arrivée inopinée
causa un grand trouble parmi ces enfants : les fillettes
effrayées pleuraient, les garçons criaient ou se mo-
quaient.
La vieille dame s'approcha de lui et lui demanda ce qu'il
voulait : « De l'eau, » murmura-t-il. Alors, à ses vêtements
en désordre et à ses pieds meurtris elle connut qu'il venait
de parcourir un long chemin. Elle lui présenta du lait
dans une tasse, et un morceau de pain, puis le porta
dans une grange où, sur du foin odorant, il s'endormit.
Quand il s'éveilla, son épouvante première lui revint,
et,oublieux,de la bonté de son hôtesse, il s'enfuit à nouveau.
Une rivière coulait douce et claire non loin de la maison ;
la grande idée de propreté qui était née en lui depuis peu lui
revint; il souhaita à nouveau d'avoir un visage blanc,et,un
instant, il se vit beau et propre,dormant dans un grand lit
parmi de soyeuses blancheurs.
Alors, plongeant son visage et ses mains dans l'eau pure,
il commença sa toilette. Puis, goûtant enfin la joie d'être
propre,il voulut être propre entièrement; il quitta ses vête-
ments et les lava,ainsi que lui-même. Tout à l'ardeur de sa
tâche, il oubliait le reste de l'univers; pourtant il n'était pas
seul.La vieille femme qu'il avait rencontrée le matin se te-
nait sur le bord de l'eau.Quand il leva la tête,elle lui parla,
heureuse de sa propreté nouvelle,et, le complimentant, lui
promit d'aller lui quérir des vêtements, car les siens, qu'il
avait si bien trempés dans l'eau,étaient encore ruisselants
et ne pouvaient servir avant d'être secs. Elle revint, suivie
de la maîtresse d'école portant des vêtements neufs. Il les
revêtit en les remerciant. Puis il s'éloigna, pendant que la
pauvresse répétait : a Propres seront toujours ceux qui veu-
lent être propres... »

Il est maintenant encore un ramoneur, un ramoneur tout


noir, quand il travaille, et pas bien riche ; mais quand il 3
fini son ouvrage,son premier soin est de se débarrasser de
la suie qui le souille ; c'est un ramoneur propre, avec une
figure blanche aux heures de repos ; il est devenu meilleur
et presque beau. Thomas le petit ramoneur est maintenant
un homme, et un homme bon.
Adapté de l'Anglais par Renée SAINT-ANGE
.
RÉCRÉATIOINS
RÉBUS (1)

CHARADES(2)
Ce qu'il approche, mor. premier,
Toujours excessif, l'exagère.
Mon deux attire l'héritier
Beaucoup plus même que la terre,
Où pourtant quelquefois se cache mon entier.
DEVINETTES (2)
1° En Afrique on me voit, animal destructeur.
Respirer le carnage, inspirer la terreur
Mais aussi on me voit, embell ssant la Perse,
Fertiliser les lieux qu'en passant je traverse.
20 Quel temps fait-il habituellement au mois d'août?
3° Dans quelle ville les habitants ont-ils le moins à craindre les inondattons ?
4° Dans quelle ville est-il le plus aisé d'avoir de la farine ?
SOLUTIONS DU N°86
RÉBUS.— Où entres-tu (entre tu) ? Tu entres mal. N'y entre pas.
PROBLÈME.— 1° Ils ne peuvent pas mesurer la tour Eiffel, puisqu'ils ont assis
-
sans mètre (à 60Ô mètres). 21 LE.
CHARADE.— Murmure (Mur-Mûre )
DEVINETTE. — Le mot NON.
(1) Emprunté au Larousse mensuel illustré.
(t) Proposées par MUes Anne et Paule L..., de -Santés.
Autour de la lettre V sont groupées 27 gravures représen-
tant des personnages, animaux, plantes et objets divers dont
le nom commence par cette lettre.
Trouver ces 27 mots en se servant, s'il est utile, du Petil
Larousse illustré.

Désignation des 9 mots de la lettre U


(Voir n° 86)

Uhlan — Un—Unau (Singe) Univers Urne


— — — Urus
(Bison) — Usines
— Ustensiles (Cuisine) — Ut (Note de
musique)
Grand Concours de. Coloriage

Notre Concours de coloriage a obtenu le succès auquel nous


avaient habitués nos précédents concours. Un nombre considérable
d'abonnés et d'abonnées, de lecteurs et lectrices ont répondu à notre
appel et nous ont envoyé des volumes habilement, coloriés, dénotant
un sentiment artistique déjà très développé.
Qu'ils reçoivent tous nos bien sincères félicitations.
Nous avons promis de décerner des prix aux 20 meilleurs coloris-
tes. Mais beaucoup d'envois classés après les 20 premiers, sont tel-
lement intéressants que nous avons décidé d'accorder 26 prix, au
lieu de 20, et, en outre, des mentions aux concurrents dont le travail
nous a semblé digne d'une récompense.
Que ces derniers se consolent de n'avoir pas obtenu le prix dé-
siré, et qu'ils redoublent d'efforts pour le mériter lors de notre pro-
chain concours. N

Voici, par ordre de mérite, les noms des 26 premiers lauréats :


1er Prix : M. René Cointre, à Mirande (Gers) ; Mlle Claire Spoo,
à La Boudie, par Viviez (Aveyron).
21 Prix : Mlle Jeanne German, aux Darboussèdes, Toulon (Var).
3e
—. Mlle Clairette Caboufigue, à Marseille.
4e
— Mlle Alice Franchomme, à Bruxelles (Belgique).
5c
— Mlle Anny Franchomme, à Bruxelles (Belgique).
6e
— Mlle Suzanne Barot,à Angers.
7e
— M. Willy Palffy, à Breznitz (Bohème).
8e
— M. Robert Brullard, à Briançon (Hautes-Alpes).
9c
— Mlle Daisy Dessart, à Cabourg (Calvados).
10c
— Mlle Denise Carpot, à Vincennes (Seine).
11e
— Mlle Amélie Berger, à Brive (Corrèze).
12c
— Mlle Chiffonnette Marcoux, à Chantilly (Oise).
13e
— Mlle M. J. Guilloux, à Nice.
14e
— Mlle Léa Soschi, à Oneglia (Italie).
15e M. Philippe de Rothschild, à Paris ; Mlle Trùde von Grien-

berger, à Vienne (Autriche).
16e Prix : M. Pierre Pilette, à Fressenneville (Somme)
riette Bachrach, à Vienne (Autriche).
; Mlle Hen-
17e Prix : Mlle Marie German, aux Darboussèdes, Toulon (Var) *

Mlle Joséphine Riedel, à Vienne (Autriche).


Mlle Paule Houzé, à Visé (Belgique) Mlle Lydie Schik,
18c Prix : ;
à Vienne (Autriche).
19e Prix : Mlle Juliette Ritter, à Paris ; Mlle Marianne Egger, a
Vienne (Autriche).
20e Prix : Mlle Gertrude Ramberg-Mayer, à Vienne (Autriche).
Ces 26 lauréats recevront un joli volume édité par la Maison La-
rousse.
Ont été jugés dignes d'une Mention les envois suivants dont les
auteurs sont cités par ordre alphabétique :
Première Mention (58 lauréats)
Mlle Marinette Archimbault, à Vanzay (Deux-Sèvres).— Mlle An-
toinette Barthe,à Saint-Marcel, Marseille.—Mlle Grete Bettelheim,
à Vienne (Autriche). — Mlle Emmy BeÙtel, à Vienne (Autriche).
M. Henri Blaise, à Saint-Mihiel (Meuse). — Mlle Bordenave-Labra-
que, à Orange (Vaucluse).— Mlle Jeanne Bratières,à Foissac (Avey
ron).— Mlle Claire Carpot, à Vincennes (Seine). — Mlle Germaine
Caussignac, à Balleroy (Calvados). —Mlle Juliette Choiselat, à Mar-
gatte-on-Sea (Angleterre).— Mlle Hilda Cicoli, à Vienne (Autriche).
Mlle Jeanne Cigogne, à .Paris.- M. Valentin de Cooreleyter, à

Duffel (Belgique).— M. Paul Coudray, à Paris. — Mlle Suzanne Del-
bos, à Neuilly-sur-Seine.— M. Marcel Deleuze, à Constantine (Algé-
rie).— M. Robert Drœshout,à Paris.— Mlle Marie-Thérèse Durand,à
Montélimar (Drôme). — Mlle Frida Eisenstaedter, à Vienne (Autri-
che). — Mlle Marguerite Estadès, à Villefranche (Aveyron). — Mlle
MartheFranchomme,à Bruxelles (Belgique).— Mlle Marguerite Gan-
dois, à Genouillac (Charente). — Mlles Gilberte et Jane Gataud, à
Prahecq (Deux-Sèvres).— M. Roger Gimpel, à Paris.— Mlle Made-
leine Granjon, à St-Etienne (Loire). — Mlle Louise Gross, à Vienne
(Autriche). — M. Henri Guillemot, à Lanmeur (Finistère). — M.
Edouard Hannin, à Wellin (Belgique). — M. Alphonse Jacquelin, à
Avignon. — Mlle Renée Kahn, à Bruxelles (Belgique). — Mlle Ma-
deleine de Larminat, à Paris. — Mlle Denise Lascaux, à Paris. -
-
Mlle Yvonne Latreille, à Confolens (Charente). Mlle Mimi Leco-
connier, à Châteaubriant (Loire-Inf.).— M. André Lelièvre, à Paris.
M. Marcel Lépine; à Meudon (S.-et-O.). — Mlle Jeanne Loviton,

à Delle (Terr. de Belfort). — M. Jean Manuel, à Paris. — M. Louis
Marty, à Roquefort-des-Corbières (Aude). — M. Jean Maubert, à
Sèvres (S.-et-O.).— Mlle Marie de Mendoça, à Bruxelles (Belgique).
— M. Léon Mérigot,à Luçay-Ie-Mâle (Indre).— M. Pierre Mommen-
Ithier, à Bruxelles (Belgique). — Mlle Renée Navarre, à Aire-sur-
l'Adour (Landes).— M. Jacques Nicolle, à Paris. — M. Maurice No-
vel,à Grenoble. — Mlle Bjela Otta, à Vienne (Autriche). — M. Luc-
Charles Parmentier, à Bruxelles (Belgique).— Mlle Madeleine de
à
Pibrail, à Toulouse.—Mlle Paulette Pujade, Tarbes. — M. Félix
Roche, à Grenoble.— Mlle Marguerite Rouquet,à Carmaux (Tarn.)—
Mlle Yvonne Roux, à Marseille.— M. René Schamber, à Metz (Lor-
raine).— M. Gaston Sévellec, à Camaret-sur-Mer (Finistère).— M.Ro-
bert Tonduz, à Paris. — M. Victor Toselli, à Avignon. — Mlle Minna
Werner, à Vienne (Autriche).

Deuxième Mention -(77 lauréats)

-
Mlle Marie-Louise Aillaud, à St-Barnabé, Marseille. Mlle Elisa-
beth Bachrach, à Vienne (Autriche). — M. Charles Baltazar, à Tou-
louse. — Mlle Alice Bassoul, à Decazeville (Aveyron). — M. Martial
Béhéty, à Saint-Palais (Basses-Pyr.). — Mlle Simonne Berny, à Pa-
ris.— Mlle Julie Bertrand, à St-Barnabé, Marseille.— Mlle Lily Bet-
telheim, à Vienne (Autriche). — Mlle May Billaux, à Londres (An-
gleterre).— Mlle Thérèse Blâncheteau, à Paris.— Mlle Natacha Bru-
neI, à Nîmes. — M. Daniel Buquet, à Herminal-les-Vaux (Calvados).
— M. Jean Castet, à Maison-Carrée (Alger). —
Mlle Many Castet, à
Maison-Carrée (Alger). — M. Jean Chaboseau, à Paris. — M. Yves
Chagnias, à Angers.- M. François Chambon, à Bourges.— Mlle Ma-
rie-Antoinette Chardigny, au Petit-Munot (Saône-et-Loire). — Mlle
Claire Charvin, à Saint-Rémy-les-Chevreuse (S.-et-O.). — M. René
Courty, à Soriol (Drôme). — Mlle Evelyne Coussau, à Cazères-sur-
Adour (Landes). — M. Edouard Couturier, à Selles-St-Denis (Loir-
et-Cher). — M. François Danno, a. Plufur (Côtes-du-Nord). — Mlle
Blanche Dehaese, à Anvers (Belgique). — Mlle Berthe Demure, à
Zuré (Loire). — M. Paul Desselas, à Confolens (Charente).— M.Geor-
ges Diaz B., à Paris.— Mlle Bella Dietrichstein, à Vienne (Autriche).
— M. André Duprez, à Semur (Côte-d'Or).- M. Louis
Ecarlat, à Ro-
chefort-sur-Mer (Char,-Inf,). — Ecole de jeunes filles, à Fontaines
(Saône-et-Loire). —M. Jacques Faure, à Ablon (S.-et-O.).— M. Jac-
ques Fossey, à Montrouge (Seine). — Mlle Amélie Gourrin, au Mas
d'Agenais (Lot-et-Garonne). — M. René Grandhomme, à St-Quentin
(Aisne).— M. Paul Harmegnies, à Dour (Belgique).— Mlle Jeanne
Hébert, à Paris. — Mlle Agnès Hochsteller, à Vienne (Autriche).-
Mlle Yvonne Hoguet, à Derval (Loire-Inf.).— Mlle Anna Hünigsfeld,
à Vienne (Autriche).- Mlle Charlotte Jacquelin, à Avignon. — M. E.
Jandin,à Montceau-les-Mines (Saône--et-Loire).- Mlle Jeanne Janny,
à Paris.— Mlle Madeleine Janot, à Paris.— Mlle Théodora Kann, à
Vienne (Autriche).— Mlle Emilie Kôppel,à Vienne (Autriche).— Mlle
Friederike Kurzweil à Vienne (Autriche).- M. Paul Kahn,à Bruxel-
les (Belgique.) — Mlle Kanner, à Paris. — Mlle Yvonne Kastor, à
Franconville (S.-et-O.). —MlleAnnik de Kerversau, à Bourg (Ain).
— Mlle Marcelle Laborde, à Revigny
(Meuse).— Mlle Germaine La-
reng,"à Nice. — Mlle Fanny Laugier, à Draguignan (Var). — Mlle
Raymonde Le Mouël, à Pontivy (Morbihan).— M. Bernard Le Vavas-
seur, à Amiens.- M. Roger Levilion, à Paris.— M. Jean de Mazarin,
à Asnières (Seine).— M. Hubert Montagnac, à Montcuq (Lot).— Mlle
Marcelle Pascault, à Saint-Quentin (Nièvre).—M. Joseph de Peretti,
à Aïn-Témouchent (Algérie). — Mlle Madeleine Périer, à Crépy-en-
Valois (Oise). — M. Jacques Piette, à Paris.— Mlle Jeanne Planche,
à Paris.— Mlle Louise Poirier, à Sedan (Ardennes). — Mlle Anna
Pollak, à Vienne (Autriche).— M. Louis Portai, à Mazamet(Tarn).—
Mlle Andrée Renoux, à Bourganeuf (Creuse).— M. Marcel Rochel, à
Avremesnil (Seine-Inf. ).— Mlle Suzarfne Rotlenberg, à Baden (Au-
triche).— Mlle Hélène Rouillon, à Toulouse.— M. Philippe Saad,à
Alexandrie (Egypte).—Mlle Hansi Schmidt, à Vienne (Autriche). —
Mlle Thérèse Schranzhofer,à Vienne (Autriche).- M. Jean Schveit-
zer, à Paris.— M. René Talboutor, à Paris. — Mlle Louisette Thei-
sen, à Paris.
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Tous ces lauréats recevront un souvenir du concours
avec leur volume colorié qui leur sera retourné pro-
chainement.
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