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Q V7 T3 NB Y43
Q V7 T3 NB Y43
Aussi, telle est la force des situations faibles, que Madame, malgré son orgueil
blessé, malgré sa colère intérieure, ne put rien reprocher, momentanément, du
moins, à Montalais, qui venait de violer si audacieusement la consigne quasi royale
qui l’avait éloignée.
De Guiche aussi perdit la tête, ou, plutôt, disons-le, de Guiche avait perdu la
tête avant l’arrivée de Montalais ; car à peine eut-il entendu la voix de la jeune
fille, que, sans prendre congé de Madame, comme la plus simple politesse l’exigeait
même entre égaux, il s’enfuit le cœur brûlant, la tête folle, laissant la princesse
une main levée et lui faisant un geste d’adieu. C’est que de Guiche pouvait dire,
comme le dit Chérubin cent ans plus tard, qu’il emportait aux lèvres du bonheur
pour une éternité.
Montalais trouva donc les deux amants fort en désordre : il y avait désordre chez
celui qui s’enfuyait, désordre chez celle qui restait.
– Je crois que, cette fois, j’en sais autant que la femme la plus curieuse peut
désirer en savoir.
Madame fut tellement embarrassée de ce regard inquisiteur, que, comme si elle eût
entendu l’aparté de Montalais, elle ne dit pas un seul mot à sa fille d’honneur,
et, baissant les yeux, rentra dans sa chambre à coucher.
De ce moment elle comprit qu’elle avait sa nuit à elle, et, faisant du côté de
cette porte qui venait de se fermer un geste assez irrespectueux, lequel voulait
dire : « Bonne nuit, princesse ! » elle descendit retrouver Malicorne, fort occupé
pour le moment à suivre de l’œil un courrier tout poudreux qui sortait de chez le
comte de Guiche.
– Et que savez-vous ?