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Le comportement multicanal du consommateur est-il une

simple évolution ou constitue-t-il une véritable révolution ?


Ingrid Poncin
Dans Reflets et perspectives de la vie économique 2008/2 (Tome XLVII), pages 43 à 51
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 0034-2971
ISBN 9782804157654
DOI 10.3917/rpve.472.0043
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Le comportement multicanal
du consommateur est-il une simple
évolution ou constitue-t-il
une véritable révolution ?
Ingrid Poncin 1

Abstract – This paper sums up the appearance of the internet and especially the
multi-channel offer on consumer behaviour in Belgium and France. Does the multi-
channel offer condition the new behaviour of the buyer or is the multi-channel offer the
result of a consumer behaviour modification ? A study realised in French speaking
context brings to the fore the importance of including the aims of the consumer and
the characteristics of the product. In the end, a thought is initiated on the revolutionary
level of this new consumer behaviour.
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Keywords – Internet, Multi-channel, E-commerce.

Depuis l’apparition du Web, de nombreux chercheurs et praticiens se sont inter-


rogés sur le véritable impact de ce nouvel outil, qui combine à la fois les caracté-
ristiques d’un média puissant et d’un canal de distribution différent. Si, pour les
entreprises, c’est surtout la question de son développement au sein de leurs acti-
vités qui se pose, et plus particulièrement la manière la plus opportune d’exploiter
ses avantages ou ses éventuelles synergies avec l’existant, pour le consomma-
teur, c’est plutôt la modification de son comportement face à la pléthore d’infor-
mations et la multiplicité de l’offre qui est en question. Une des conséquences du
développement de l’Internet observée tant par les praticiens que les chercheurs
est qu’il n’y a pas, aujourd’hui, d’alternative au multicanal. La plupart des ensei-
gnes sont ainsi amenées à proposer leur offre par l’intermédiaire de plusieurs types
de canaux de distribution (point de vente, Internet, catalogue, etc.). Face à cette
offre multiple, le consommateur multicanal combine plusieurs canaux au cours d’un
même processus d’achat. Par exemple, un canal peut être utilisé pour préparer

1 Ingrid Poncin est docteur en Sciences de Gestion des Facultés Universitaires Catholiques de Mons
(Belgique) et dispose de l’Habilitation à diriger des Recherches de l’Université de Lille II (France).
Elle est actuellement professeur de Marketing à la Lille School of Management (Groupe ESC Lille).

Reflets et Perspectives, XLVII, 2008/2 — 43


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l’achat qui sera effectivement réalisé sur un autre (Ward et Morganosky, 2000).
Ainsi, une étude de la fédération de la vente à distance (Fevad, 2007) rapporte que
61 % des internautes ont consulté un site de e-commerce avant d’acheter en
magasin. Dans ce cas, on parle de comportement click and mortar. A contrario, si
le client utilise d’autres canaux (magasin ou catalogue) pour préparer son achat et
le réalise finalement sur Internet, on parlera alors de comportement mortar and
click. Ces deux articulations permettent de structurer l’essentiel des marchés mul-
ticanaux (Belvaux, 2006).
La prise en compte des comportements multicanaux vient considérablement
enrichir la vision stratégique du site Internet pour une entreprise (Belvaux, 2006).
En effet, la question n’est plus seulement de savoir s’il faut vendre ou non sur
Internet, mais également comment utiliser les différents canaux de manière coor-
donnée, afin de retirer le meilleur résultat possible que cela soit en termes de ventes,
de fidélité ou encore du positionnement... de manière générale, pour la marque ou
l’enseigne. Si, pour une entreprise ou une marque, il est important d’avoir une
vision transversale de sa stratégie, le danger principal serait d’adopter des solu-
tions communes et identiques aux différents canaux, en ne capitalisant pas sur les
différentes forces de chaque canal pour s’adapter aux comportements du consom-
mateur, et en ne développant pas les synergies entre elles. Cependant, le consom-
mateur s’attend à une expérience de shopping cohérente au travers des différents
canaux (Mathwick et al., 2002), et fournir cette cohérence n’est pas facile pour
l’entreprise. C’est sans doute là que résident le réel enjeu de demain et la princi-
pale source d’avantage concurrentiel pour les acteurs. Le multicanal doit être un
moyen d’animer le client. Aujourd’hui, comme hier, le client doit être au centre des
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préoccupations, mais c’est son expérience globale d’achat, et non pas sa transac-
tion dans un canal spécifique, qui doit être envisagée et comprise par les acteurs.
Ainsi, pour Nicholson, Clarke et Blakemore (2002), par définition, les stratégies de
marketing multicanal cherchent à encourager le comportement multicanal du con-
sommateur.
La question de recherche qui nous préoccupe est donc : observe-t-on des
changements dans le comportement du consommateur dus à l’apparition d’une
communication et d’une offre multicanale ? Est-ce l’offre multicanale qui condi-
tionne les nouveaux comportements de l’acheteur ou l’offre multicanale est-elle le
résultat d’une modification du comportement du consommateur ? S’agit-il d’une
simple évolution en réponse à une évolution de l’environnement de choix et d’achat
ou doit-on parler de véritable révolution ?

1 QUELQUES CHIFFRES SUR LE DÉVELOPPEMENT


DU E-COMMERCE EN FRANCE ET EN BELGIQUE

Aujourd’hui, si le e-commerce se trouve encore limité par le potentiel des inter-


nautes, près de 60 % de la population française est concernée (plus de 31 millions
d’internautes de plus de 11 ans en France (Médiamétrie, 2007)). D’après Média-
métrie, « près des 2/3 des internautes (65,7 %) visitent au moins l’un des sites du
Top 15 e-commerce soit 16 % d’internautes supplémentaires en un an. » Cela

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LE COMPORTEMENT MULTICANAL DU CONSOMMATEUR EST-IL UNE SIMPLE ÉVOLUTION...

représente près de 20 millions d’internautes (19,5 exactement), soit un peu moins


de 4 Français sur 10. « Avec une progression de 21 % en un an, la croissance du
e-commerce est plus de 2 fois supérieure à la croissance de la population inter-
naute », précise Benoît Cassaigne, directeur des Mesures d’Audience de Média-
métrie. En Belgique, grâce à une hausse importante de l’accès à Internet en 2007,
les chiffres sont équivalents à ceux de la France, puisqu’on estime la population
d’internautes à un peu moins de 60 % de la population (Statbel, 2007) 2. La Bel-
gique compte aujourd’hui environ 2,5 millions d’e-shoppers. Environ une per-
sonne sur 3 affirme avoir un jour commandé un bien ou un service sur Internet.
Pourtant, le comportement du client est encore très lié à la catégorie de produits
observée. Les vacances et les voyages restent les biens et services les plus com-
mandés par Internet. Pour cette catégorie de produits/services, la vente à distance
(VAD) par Internet est devenue le principal canal d’achat. Pour d’autres catégories,
telles que l’alimentation ou l’équipement de la maison, l’achat en magasin reste très
largement majoritaire. En outre, la confiance dans le shopping en ligne demeure
plus grande aux Pays-Bas et en France qu’en Belgique. En comparaison avec les
consommateurs néerlandais (82 %) et français (60 %), on ne compte pas encore
un internaute belge sur deux qui achète des produits ou services sur le web (Asso-
ciation Belge du Marketing Direct, ABMD). Malgré cela, les ventes via Internet ont
doublé en Belgique en 2006, passant de 339 millions d’euros à 675 millions d’euros.
Ce chiffre d’affaires (hors ticketing et tourisme) montre que l’e-commerce belge
décolle. La Belgique gagne ainsi le prix d’excellence en matière de croissance face
au Pays-Bas (+ 25 %) et à la France (+ 43 %).
Ce développement rapide du nombre de cyber-acheteurs conduit les distribu-
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teurs à revoir leur stratégie en profondeur. Ainsi, selon Viot (2006), Internet s’insère
souvent dans une stratégie de distribution multicanal. Les stratégies de distribu-
tion multicanal sont devenues la norme plutôt que l’exception (Vanheems, 2007).

2 LE CLIENT MULTICANAL,
UN CLIENT QUI VAUT DE L’OR

Dans la littérature scientifique, plusieurs auteurs soulignent que les consommateurs


qui utilisent plusieurs canaux d’une même enseigne représentent un segment signi-
ficatif de l’ensemble des clients et dépensent plus que les acheteurs monocanal
(Dholakia, Zhao et Dholakia, 2005 ; Kumar et Venkatescen, 2005 ; Vanheems,
2006). En France, les clients qui ont utilisé le magasin, l’internet et le catalogue
papier pour acheter des produits dans les six derniers mois pèsent de façon très
significative. C’est le cas pour 42,5 % d’internautes qui déclarent ce type de com-
portement (Fevad, 2007).
L’existence d’une relation entre la valeur économique des clients et leurs com-
portements de fréquentation multicanale (Vanheems, 2006) fait partie des constats
reconnus par les professionnels et les chercheurs en distribution. Les profession-
nels observent ainsi que le client multicanal achète plus et est plus fidèle. Selon la

2. www.statbel.fgov.be

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Fevad, un client multicanal consommerait deux fois et demie plus qu’un client
monocanal. Une explication, non satisfaisante, est répandue chez les praticiens
pour expliquer ce phénomène très complexe : le fait d’avoir davantage de con-
tacts avec le client contribue à multiplier les occasions d’achat. En outre, multiplier
les contacts permettrait non seulement de multiplier les occasions d’achats mais
surtout de communiquer de façon plus pertinente vers les clients et prospects.
Vanheems (2007) va beaucoup plus loin et fournit un certain nombre d’expli-
cations à ce phénomène. L’ajout de la nouvelle formule, Internet, est susceptible,
de par sa seule présence, de contribuer au développement du panier d’achat et/ou
à la fidélité des clients à la formule d’origine. Par exemple, l’existence d’une équipe
de vendeurs ou de télé-acteurs, d’un catalogue ou d’un site Internet constitue un
moyen d’offrir aux clients habituels des services additionnels, de recherche d’infor-
mation, de divertissement, de plaisir (Dandouau, 2001) que le magasin seul ne sau-
rait offrir. La nouvelle formule de vente parce qu’elle permet d’offrir ces services
additionnels aux clients de la formule d’origine, contribue également à améliorer la
satisfaction à l’égard de celle-ci et de manière générale à l’égard de l’enseigne
dans son ensemble. De ce fait, elle participe à accroître leur panier d’achat et leur
niveau de fidélité au détriment des enseignes monocanal qui, par nature, n’offrent
pas le même niveau de service à leur clientèle. Le premier intérêt du réseau des ré-
seaux, c’est quand même l’interactivité. Internet permet d’être plus réactif. En
outre, la consultation des différents canaux contribue à la construction des atti-
tudes envers la marque et l’enseigne. Müller et Chandon (2002) ou Florès et Volle
(2005) ont montré l’impact de la qualité du site d’une marque sur la performance
marketing de l’entreprise. Ils soulignent que les internautes acheteurs ont une per-
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ception site/magasin globalement complémentaire dans l’acte d’achat. Un impact
positif de la visite du site sur les perceptions (marque perçue plus moderne, plus
jeune, etc.), sur l’attitude envers la marque ainsi que sur les intentions d’achat dans
les différents canaux de distribution de la marque a été observé dans certaines situa-
tions (Fevad, 2004). De plus, 82 % des internautes interrogés apprécient qu’un ma-
gasin dispose d’un site internet. 35 % des internautes préfèrent acheter sur des sites
marchands d’enseigne qui ont un ou des magasins physiques. Internet apporte
même des solutions à des freins d’achats existants. Ainsi, 37 % des internautes
achètent sur Internet pour être tranquilles et ne pas subir la pression du vendeur.
Finalement, proposer une offre multicanale serait, selon certains profession-
nels, un moyen d’obtenir une meilleure satisfaction du service et constitue surtout
une réponse à une évolution du client. Ainsi, dans son rapport annuel 2006, Axa
soulignait, par exemple, que « la distribution multicanale est une réponse moderne
à l’évolution du comportement d’une clientèle de plus en plus mobile et avertie, qui
veut avoir le choix de son canal d’accès aux produits, services et conseils d’Axa ».

2.1 L’étude du comportement du client multicanal


dans la littérature

Des modèles du comportement du consommateur sur Internet ont été proposés


dès le milieu des années 1990 (Hoffman et Novak, 1996 ; Blackwell et al., 2001).

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LE COMPORTEMENT MULTICANAL DU CONSOMMATEUR EST-IL UNE SIMPLE ÉVOLUTION...

Des auteurs tels que Helme-Guizon (2001) se sont interrogés sur les spécificités
du comportement du consommateur sur Internet mais peu d’auteurs ont analysé
les spécificités du comportement du consommateur face à une offre multicanale.
Vanheems (2007) s’est intéressée aux transferts (totaux ou partiels) de clien-
tèle entre les différents canaux. Elle a adopté le point de vue de l’enseigne pour
montrer que ces transferts risquent, dans certaines circonstances, d’affecter con-
sidérablement les ventes supplémentaires qui étaient attendues dans le cadre de
la diversification. L’enjeu est alors d’analyser l’impact potentiel de la nouvelle for-
mule de vente, sur le niveau de fidélité du client à la formule d’origine, ainsi qu’au
nouveau canal.
Plusieurs auteurs (Shankar et Winer, 2005 ; Belvaux, 2006) ont décrit les pas-
sages entre les différents canaux, selon les étapes du processus d’achat, multi-
pliant expositions et sollicitations. Par exemple, Belvaux (2004) a mis en avant la
complémentarité qui peut exister entre les différents canaux au niveau de la re-
cherche d’information et de l’évaluation des offres. Dholakia et al. (2005), en étu-
diant le cas d’une enseigne particulière, Sears, ont souligné une primauté du canal
de départ dans les choix opérés par le consommateur. Un client a plus de chance
de rester fidèle au canal choisi originellement que de changer vers un autre canal
offert par la même enseigne. Cependant, ces auteurs observent également que les
efforts marketing peuvent être utilisés pour influencer le comportement du con-
sommateur à travers les différents canaux. Par exemple, l’enseigne Sears promo-
tionne de manière plus agressive son catalogue que les deux autres canaux de
distributions (Internet et Point de vente). Cela se reflète dans les comportements
des clients. On observe ainsi davantage de transferts du canal Internet vers le ca-
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talogue que vers le point de vente.
Balasubramanian et al. (2005) ont, quant à eux, examiné le choix et l’utilisation
des différents canaux de distribution dans les différentes étapes du processus
d’achat. Ainsi, ils proposent d’intégrer la notion d’utilité (instrumentale ou pas) pour
expliquer le choix d’un canal à tout moment du processus. Ils montrent également
qu’il est important d’intégrer tant les motivations sociales qu’économiques du
shopping.
Finalement, citons également les travaux de Nicholson et al. (2002) qui se sont
intéressés aux facteurs qui vont conduire un consommateur à acheter dans la
même enseigne par différents canaux en fonction de la situation, du contexte.

2.2 Une étude du comportement multicanal


dans un contexte francophone

En mai 2007, une étude a été réalisée, en ligne, dans un contexte francophone,
belge et français, sur un échantillon de convenance de 190 répondants, âgés de
20 à 65 ans et répartis de manière équivalente entre les deux sexes. L’objectif était
d’observer dans quelle mesure l’offre multicanale conditionne l’apparition d’un com-
portement différent pour le consommateur. Nous nous sommes également inté-
ressés à l’importance du type de produits pour comprendre ce comportement.

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INGRID PONCIN

Dans ce cadre, nous avons considéré trois types de produits : les produits présen-
tant des attributs de recherche (c’est-à-dire dont la qualité est vérifiable à distance
par l’intermédiaire d’un média), les produits présentant des attributs d’expérience
(c’est-à-dire dont la qualité est vérifiable uniquement par la sensation) et finalement
les produits présentant des attributs de croyance (c’est-à-dire dont la qualité est
vérifiable seulement par un expert de la classe de produit).
Nous observons que le canal d’achat d’origine conditionne le comportement
du client. Ainsi, les répondants restent davantage fidèles au canal d’achat d’origine.
C’est particulièrement le cas, lorsque le canal d’achat d’origine est le magasin
(75 % des répondants). Il ressort également que les acheteurs qui pratiquent l’achat
à distance (Internet et catalogue) sont beaucoup plus multicanal (Internet, cata-
logue mais aussi magasin) que les acheteurs magasin. En outre, si un peu plus de
40 % (43 %) de nos répondants ne font pas de recherche préalable à un achat en
magasin ou dans un catalogue, 27 % déclarent faire une recherche préalable sur
Internet et 23 % une recherche préalable à la fois sur Internet et catalogue. Le scé-
nario multicanal qui obtient le plus de suffrages parmi nos répondants (37 %) ache-
teurs en vente à distance (VAD) était : « je consulte le catalogue pour me faire une
idée et je vais sur Internet pour avoir des informations supplémentaires, faire mon
choix et commander ». Ainsi, on retrouve bien l’utilisation d’autres canaux dans les
phases de recherche d’information et d’évaluation des possibilités. Le processus
de choix, même s’il combine plusieurs canaux d’information, ne diffère donc pas
du processus de choix traditionnel (Blackwell et al., 2001). Le risque de cannibali-
sation (au niveau des achats réellement effectués) entre les différents canaux
n’existe finalement qu’au niveau de la phase d’achat à proprement parler. En
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outre, le type de produits semble bien conditionner le comportement multicanal,
en particulier en ce qui concerne le canal final de transaction. Ainsi, pour les pro-
duits ayant des attributs de recherche, dans notre étude un ordinateur portable,
27 % utiliseront le canal Internet uniquement pour la recherche d’information,
25 % déclarent faire la recherche d’information et la transaction sur le canal
Internet alors que 36 % n’utilisaient ni le catalogue, ni Internet dans leur processus
de choix. Pour un produit ayant essentiellement des attributs d’expérience, dans
notre cas un VTT dernière génération, si on retrouve un pourcentage équivalent
pour la recherche d’information sur Internet (25 %), seulement 3 % envisagent
d’effectuer également la transaction sur Internet et plus de 60 % (61,5 %) privilé-
gient uniquement le canal magasin tant pour la recherche d’information que pour
la transaction finale. De manière intéressante, on observe que pour un produit
ayant des attributs de croyance, dans notre cas un produit non alimentaire issu du
commerce équitable, si on retrouve à nouveau 25 % de répondants effectuant uni-
quement la recherche d’information sur Internet, 28,5 % envisagent après une
recherche d’information à distance (catalogue ou Internet) de faire également la
transaction par l’intermédiaire d’un canal de vente à distance (Internet ou cata-
logue). Ils soulignent particulièrement pour ce type de produit l’intérêt de pouvoir
disposer des avis des autres consommateurs par l’intermédiaire des forums ou
des communautés virtuelles.
Ainsi, cette étude permet d’observer des résultats semblables à ceux de Bala-
subramanian et al. (2005) à savoir des choix de canaux pour les différentes phases
du processus en fonction des objectifs et du type de produits. Les répondants

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LE COMPORTEMENT MULTICANAL DU CONSOMMATEUR EST-IL UNE SIMPLE ÉVOLUTION...

sont, pour leur grande majorité, non fidèles à un canal de distribution. Ils choisiront
celui qui répond aux mieux à leurs attentes compte tenu des attributs du produit
lui-même : plutôt le magasin lorsqu’il est nécessaire de vérifier la qualité du produit
ou sa matière, plutôt Internet lorsque la praticité ou la rapidité sont requises (livraison
à domicile...).

3 L’OFFRE MULTICANALE (R)ÉVOLUTIONNE-T-ELLE


LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR ?

Évolution ou révolution ? On entend par évolution une suite de transformations


dans un même sens ; transformation graduelle lente, ou formée de changements
successifs insensibles. Le caractère lent et graduel est mis en avant, il s’agit d’un
processus naturel. Au contraire, la révolution fait référence à un changement
brusque et important, une transformation complète, un bouleversement.
Si on se réfère à cette définition, le cadre conceptuel proposé par la littérature
scientifique ne semble pas accréditer la thèse d’une révolution. En effet, tant dans
la description des étapes du processus de choix d’un produit ou d’un canal que
dans la recherche des motivations, le comportement du consommateur face à
l’offre multicanale semble se construire sur les mêmes fondements que le compor-
tement du consommateur dans un environnement moins complexe. En ce sens, le
comportement du consommateur ne semble pas avoir conditionné l’apparition de
cette offre. Pourtant, comme le pressentait Helme-Guizon en 2001, si le compor-
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tement du consommateur sur Internet n’a rien de révolutionnaire, le caractère inte-
ractif de ce canal a fait évoluer le comportement du client à travers les différents
canaux. L’apparition du comportement multicanal du consommateur nous appa-
raît comme une manifestation de cette évolution. Nous observons ainsi, dans notre
étude, que le consommateur navigue, en fonction du type de produits, entre les
différents canaux pour une meilleure adaptation à ses objectifs à chaque stade de
son processus d’achat. Pour les enseignes, cela signifie la nécessité de développer
une compréhension détaillée du processus d’achat dans leur catégorie de pro-
duits ou services spécifiques. Sans cette connaissance de la manière selon
laquelle les consommateurs construisent leurs objectifs aux différents stades du
processus de choix et choisissent alors leur canal en fonction de ces objectifs, ils
ont peu de chance de pouvoir influer sur le choix du canal et leurs ventes. En outre,
comme le soulignait Belvaux (2006), la dissociation des phases du processus
d’achat et la prise en compte de la possibilité de préparer la transaction sur un
autre canal ouvrent des perspectives intéressantes en ce qui concerne la gestion
de l’offre multicanale d’une enseigne.

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INGRID PONCIN

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