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9782047605523
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LA PENSÉE
DU
BOUDDHA
PAR
MARC SEMENOFF
BORDAS
DU MEME AUTEUR
THÉATRE
L'Idiot, drame en trois actes (d'après le roman de Dostoievski).
Le Joueur, comédie en trois actes (d'après le roman de Dos-
toievski).
TRADUCTIONSDURUSSE
Tolstoï, Socialisme et Christianisme, Grasset.
Tolstoï et Gandhi, textes, correspondance inédite, Denoël.
PREFACE
Je venais d'achever un ouvrage sur CONFUCIUS lorsque me
vint l'idée de réaliser enfin mon désir d'écrire un livre sur le
Bouddha. Des années d'études ésotériques m'avaient rappro-
ché toujours davantage des conceptions bouddhiques. Cepen-
dant les œuvres sur le bouddhisme, et elles sont aussi nom-
breuses que diverses de sens et de caractère, tout en se préten-
dant rattachées aux sources et unificatrices, ne me satisfai-
saient point. Mon esprit, que j'essaye toujours d'évoluer (1)
vers la synthèse, n'y percevait point cette unité de sens et de
caractère spirituels avec les autres courants originels que seul
donne le concept synthétique. Je connus enfin l'œuvre des
Ramakrishna, Vivekananda, Gandhi, Aurobindo, et d'autres
grands Hindous de notre siècle. Et je me sentis en affinité
profonde avec leur pensée «atmaniquement » (par la menta-
lité spiritualisée, la plus haute) reliée, c'était vérifiable aux
courants que je viens d'évoquer. Il me manquait un chaînon,
l'essentiel. Je savais qu'il existait un Evangile du Bouddha,
des Sermons du Bouddha. Je les trouvai. Mon travail sur
Bouddha devenait enfin possible.
Je ne connais aucune des langues, aucun des dialectes qui
se parlaient ou se parlent encore au «Pays Bleu ». Je ne puis
donc juger de l'authenticité des pages de cet Evangile, ni de
la qualité de la traduction anglaise. Je ne connais que le texte
traduit en français. Mais qui pourrait juger, aujourd'hui en-
core, de l'authenticité des pages données comme étant l'Evan-
gile de saint Matthieu. Dans une lettre aux évêques Chromatius
et Héliodore, saint Jérôme n'écrivait-il pas : «Je suis chargé
d'une tâche difficile, dès le moment que vos grâces m'ont
commandé cette traduction que saint Matthieu lui-même,
l'Apôtre et Evangéliste, ne voulait pas qu'il fût publié ouver-
tement. Car s'il n'avait pas été secret, il (Matthieu) aurait
ajouté à l'Evangile que ce qu'il avançait venait de lui. Mais
il écrivit ce livre sous le couvert des caractères hébreux, de
(1) Je rends transitif le verbe «évoluer», comme au demeurant le
verbe «émaner», suivant l'usage de nombre d'oeuvres ésotériques.
telle manière que ce livre, écrit en caractères hébreux, et de
sa propre main, pût être mis entre les mains des hommes les
plus religieux, qui, de leur côté, au cours des siècles, le rece-
vraient de ceux qui les avaient devancés. Mais ce livre ne fut
jamais donné à qui que ce soit pour être transcrit et son texte
fut interprété d'une manière par les uns et d'une autre par
les autres. » Qu'avons-nous donc aujourd'hui qui reste du
texte authentique complet de l'Evangile de saint Matthieu pour
ne parler que de celui-là ? Surtout quand on pense à ces lignes
écrites par saint Grégoire de Nazianze à saint Jérôme, son
ami : «Rien n'en impose plus au peuple que le verbiage,
moins il comprend et plus il admire. Nos Pères et nos Doc-
teurs ont souvent exprimé non ce qu'ils sentaient, mais ce
que les circonstances et la nécessité les ont forcés à dire ».
Et qu'importe ! oui, qu'importe ! Le Bouddha et le Christ
n'auraient jamais existé qu'il nous eût fallu les inventer, puis-
que leurs Evangiles ou ce qui nous est parvenu, demeurent
comme des pages admirables de connaissance, de sagesse et
de beauté spirituelle. Ces Evangiles devaient donc exprimer
la Parole savante, sage et belle d'un Homme de Dieu. Appe-
lons-le Bouddha, Christ. Et j'en reviens à l'Evangile du Boud-
dha et au bouddhisme.
Ce qui demeure de la Parole du «Sauveur » hindou et du
«Sauveur » palestinien ne représente pas un fait, une mani-
festation, une expression sacrés, hagiographiques isolés. L'i-
dentité ou l'analogie que présentent les Sermons de chacun
de ces Hommes-divins-humains ne sont pas dues au hasard.
Elles révèlent une Vérité transmise d'âge en âge sous forme
de Tradition. L'affinité que j'avais ressentie pour les œuvres
de Ramakrishna, de Vivekananda, de Gandhi, d'Aurobindo
provenait précisément de ce qu'elles constituaient un chaînon
nouveau de cet Enseignement Traditionnel qui nous vient
des Temples de l'antiquité, qu'ils fussent thibétains, chinois,
hindous, guatémaltèques, grecs ou égyptiens. Or cet Ensei-
gnement Traditionnel manifestait, exprimait dans ces Tem-
ples, à travers les espaces et les temps, l'unité de sens et de
caractère spirituels dont j'ai parlé plus haut. Des Livres Sa-
crés, des Bibles, des Evangiles nous sont restés dont la forme
et le fond furent inspirés par les Maîtres de ces Temples. Là
encore se retrouvent, naturellement, l'identité ou l'analogie
dont l'existence frappe dans les Sermons, enseignements boud-
dhiques et christiques, et elles ne sont pas dues au hasard.
Qu'est-ce qui conditionne cet identique, cet analogue à
travers les âges, à travers les continents qui disparaissent ?
La Réalité Une. Cette Réalité est l'origine de notre monde et
de ses habitants, le développement de notre monde et de ses
habitants, la fin de notre monde et de ses habitants. La Vérité
est la manifestation, l'expression de cette Réalité. Les vérités
sont les manières dont cette Réalité se manifeste et s'exprime
dans les Paroles ou les Ecrits des Hommes de Dieu, des Pro-
phètes, des Sages. Ces manières dépendent évidemment des
races, des tempéraments, des natures, des caractères des en-
fants de ces races. D'où formes différentes de manifesta-
tion et d'expression, mais identité et analogie dans le fond,
puisque le fond est la vérité par laquelle parle la Réalité Une.
Mais ces formes représentent, ne l'oublions pas, les vérités
qui sont, étant donné ce que nous venons de dire de la Réa-
lité, comme des voiles enlevés de ce Réel, celui-ci demeurant
toujours occulte. Ces formes sont donc les Sources de toute
initiation, puis de toute religion. Or, que se passe-t-il, hélas !
toujours, parmi les nommes ?
Nous l'avons vu pour le Christianisme, d'après des lettres
de saint Jérôme et de saint Grégoire de Nazianze. Dans la pré-
face à l'Evangile du Bouddha, nous lisons : «Comme le chris-
tianisme, le bouddhisme s'est divisé en sectes innombrables,
séparées surtout par des superstitions ou des rites particuliers,
et assez fréquemment elles considèrent les dogmes sectaires
auxquels elles sont attachées comme les traits les plus impor-
tants et les plus indispensables de leur religion. Ce livre (l'E-
vangile, les Sermons de Bouddha) ne suit aucune des doctrines
sectaires, mais prend une position idéale que tous les vrais
bouddhistes peuvent accepter comme un terrain commun. »
Et quel est ce terrain commun ?
C'est le terrain dans et par lequel le Bouddha, Moïse et le
Christ, pour ne parler que d'eux, en fait d'exemple, forment
comme une Trinité, un Trois Divin en un. Ici, comme me di-
sait la femme d'un grand ésotériste, nous sommes dans l'Ame
du Temple, de l'Eglise. Cette Ame «triune » est représentée
par l'Evangile de Bouddha, la Genèse de Moïse, l'Evangile de
Jean qui peut être considéré comme le plus beau des évangiles
christiques. Ailleurs, nous sommes dans le Corps du Temple, de
l'Eglise. Ce corps est manifesté par les dogmes sectaires, les
écrits postérieurs aux Evangiles —du Bouddha et du Christ :
les Sommes, les Talmuds, les institutions humaines. Jeanne
d'Arc a condamné dans ses discours le corps de l'Eglise, elle
était fille de l'Ame de l'Eglise. Disons, sans les condamner,
mais les situant à leur place : disparaissent, s'ils le doivent,
les écrits bouddhiques sectaires, les Sommes et les Talmuds,
le Corps de l'Eglise, mais demeurent les Evangiles du Boud-
dha et du Christ, la Genèse, l'Ame éternelle de «l'Eglise ».
Or Vivekananda écrivait : «L'homme qui a vu le Seigneur
dans le temple de son âme le verra aussi dans le temple de
l'univers. » Et Gandhi prononçait : «Si je découvrais soudain
que les livres religieux ont une interprétation différente de
celle que j'ai appris à leur donner, je m'en tiendrais ferme-
ment malgré cela, à mon opinion sur l'Ahimsa (1). Je crois
au Varnashrama dharma dans un sens que je considère stric-
tement védique mais non dans le sens populaire et grossier
qu'il a aujourd'hui ».
Nous sommes, avec ces paroles, dans l'Ame du Temple et
de l'Eglise. Et nous nous trouvons dans ce terrain commun
dont je viens de parler, où l'homme est, eschatologiquement,
conduit vers cet autre Trois en Un, vers cette Identité spiri-
tuelle que figurent la Terre Promise, le Paradis et le Nirvana.
Et je pense que cette Unité, cette Identité, ce Trois en Un au-
quel pourraient s'adjoindre les formes religieuses qui ne sont
ni du Bouddha, ni de Moïse, ni du Christ, pourraient engen-
drer, dans un avenir qu'il revient à l'Intelligence et à l'Esprit
des hommes de hâter, la Religion Une de l'humanité de de-
main.
Je ne suis pas le premier et ne serai pas le dernier à espé-
rer, à souhaiter cette Unité religieuse future, à travailler pour
elle. De grands êtres en Asie et en Europe ont œuvré et œu-
vrent encore pour la réalisation de cette Religion-Science-
Philosophie des temps à venir. En Europe : Fabre d'Olivet,
Saint-Yves d'Alveydre, Hélène Blavatskaïa, Max Théon et Ma-
dame Théon. En Asie, toute la Sagesse actuelle hindoue née
avec Ramakrishna et Vivekananda et que des Gandhi, Auro-
bindo et d'autres ont entretenue et entretiennent.
A cette œuvre dont la grandeur révèle la nécessité j'ai
voulu apporter ma contribution. Et c'est le sens le plus pro-
fond de ce livre. Puisse-t-il être une pierre solide dans l'Edifice
Unificateur de la pensée et de la volonté religieuses que les
hommes de cœur et de spiritualité bâtissent à notre époque.
Alors, je serai heureux d'avoir contribué au Travail le plus ur-
gent d'aujourd'hui.
Marc SEMENOFF.
(1) Pour les mots hindous, voir le petit Lexique à la fin du volume.
I
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