Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
ANALYSE ARRET RP 0001 COUR CONST Version J
ANALYSE ARRET RP 0001 COUR CONST Version J
Premier ministre sont déchus de leurs charges. La déchéance est prononcée par
la Cour constitutionnelle »
Il sied de relever que les articles 163 et 164 de constitution qui traitent de la
compétence pénale de la cour constitutionnelle, sont reproduits intégralement par
l’article 72 de la loi n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et
fonctionnement de la cour constitutionnelle.
Contrairement aux critiques de certains analystes, on peut donc constater que la cour
constitutionnelle n’a donc pas écarter l’application d’une quelconque disposition de
la constitution pour se déclarer incompétente mais tout est question de
l’interprétation qu’il faudrait donner à la question soulevée ainsi qu’aux
conséquences à attribuer à cet arrêt.
A ce sujet, la critique scientifiquement discutable est celle qui reproche à l’arrêt
annoté de n’avoir pas considéré que la compétence juridictionnelle liée à la qualité
du prévenu aurait due être appréciée par rapport au moment de la commission des
faits et non au moment des poursuites. Cette critique n’est pas non plus fondée.
II. Moment d’appréciation de la compétence personnelle de la juridiction
pénale : est-ce le moment de la commission de faits ou celui des poursuites ?
Il y a lieu de remarquer tout de suite que cette question peut se poser devant tous les
juges répressifs et qu’elle ne doit pas être traitée seulement à l’égard du juge pénal
de la cour constitutionnelle.
En effet, il existe des innombrables hypothèses où la qualité qu’avait le prévenu au
moment de la commission des faits infractionnels et qui justifiait la compétence d’un
juge, n’existe plus ou a changé au moment des poursuites de telle sorte que c’est un
autre juge qui pourrait être compétent en raison de la nouvelle qualité du prévenu au
moment des poursuites. Il faudra dans ce cas savoir la qualité du prévenu qui
déterminera la compétence du juge : est-ce celle du moment de la commission des
faits ou celle du moment des poursuites.
On peut donner quelques exemples :
1. Un simple Monsieur (justiciable par nature du tribunal de grande instance) a
commis un viol en 2022 et l’année suivante il se fait élire député national et
devient justiciable de la cour de cassation. Si cette infraction doit être
poursuivie en 2024, quel juge sera compétent : est-ce le tribunal de grande
instance en raison de sa qualité de simple citoyen au moment de la commission
4
3. Un capitaine des FARDC a commis un assassinat en 2015 mais les faits sont
découverts et poursuivis en 2022 alors qu’il avait déjà le grade de colonel,
quel juge sera compétent pour le juger : est-ce le tribunal militaire de garnison
en raison de son grade au moment de la commission des faits ou la cour
militaire en considérant son grade au moment des poursuites ?
Etc.
Il y a là une question générale de droit qui n’a pas encore une réponse générale et de
principe en droit congolais. En effet, en rapport avec le troisième exemple ci-haut
cité, l’article 104 du code judiciaire militaire préconise les deux solutions à la fois
lesquelles sont laissées à l’appréciation du juge. Celui-ci peut considérer que sa
juridiction est compétente eu égard au grade du prévenu au moment de la
commission des faits ou à au grade du prévenu au moment de sa comparution.
Cet article dispose que « la compétence personnelle des juridictions militaires est
déterminée par la qualité et le grade que porte le justiciable au moment de la
commission des faits incriminés ou au moment de sa comparution ».
5
Pour les autres hypothèses de cette question, il n’y a pas des dispositions légales
tranchées et elles nécessitent une jurisprudence de principe en attendant
l’intervention du législateur.
A l’heure qu’il est, les avis judiciaires et considérations doctrinales vont dans tous
les sens ! Certains soutiennent la considération de la qualité du moment de la
commission des faits et ils évoquent mal à propos le principe de cristallisation des
faits infractionnels ; pourtant ce principe ne s’applique qu’à l’appréciation des
éléments constitutifs de l’infraction. Ils justifient aussi leur position en évoquant la
connaissance abstraite du prévenu qui supposait savoir le juge devant lequel il devrait
comparaitre au moment de la commission des faits ; pourtant la justice étant un
besoin de la société et de la victime, elle ne peut dépendre de la connaissance ni des
caprices du prévenu. D’ailleurs, aucun criminel ne commet ses forfaits pour en
répondre devant la justice, celle-ci n’est pour lui, ni le mobile ni l’idéal.
Par contre, l’analyse utilitaire voudrait qu’on s’interroge pourquoi, dans l’égalité de
tous devant la loi et les services publics, on accepte que certaines personnes puissent
avoir des juges particuliers ? La raison pratique est qu’il faut épargner les juges
ordinaires (ou inférieur) de la pression qu’un justiciable (de rang supérieur) pourrait
lui infliger et en même temps honoré le rang ou le grade du prévenu en ne le laissant
pas répondre devant celui qu’il considèrerait comme inférieur ! Ainsi, il appert que
le privilège de juridiction est lié à la qualité du prévenu au moment de sa
comparution.
De la sorte, il n’y a aucune raison d’éviter que le prévenu ne comparaisse pas devant
le juge ordinaire dès lors qu’il n’a plus la qualité exceptionnelle qui justifierait sa
comparution devant un juge spécial. La compétence personnelle d’une juridiction est
liée à la personne du prévenu et non aux faits pour lesquels il est poursuivi. C’est
donc la qualité du prévenu au moment de la comparution qui doit être pris en compte
pour déterminer la compétence personnelle d’une juridiction répressive.
6
J’estime qu’en décidant qu’elle est incompétente pour juger un ancien premier
ministre pour des faits infractionnels commis dans l’exercice de ses anciennes
fonctions à la primature, la cour constitutionnelle a indirectement posé comme
principe jurisprudentiel que « la compétence personnelle d’une juridiction
répressive est appréciée par rapport à la qualité du prévenu au moment de sa
comparution » et cette position est scientifiquement très valable.
Au-delà de ce qui vient d’être dit, il est également reproché à l’arrêt de la cour
constitutionnelle annoté, d’avoir consacrée l’impunité en faveur des prévenus
Matata et consorts ; ce reproche n’a aucun fondement juridique car selon l’esprit de
l’arrêt et l’état du droit congolais, ces prévenus sont justiciables de la cour de
cassation.
L’on raconte cependant que les prévenus et le Procureur général près la cour de
cassation contesteraient la compétence de la cour de cassation pour juger cette
affaire. Si l’on peut comprendre l’attitude des prévenus parce que le droit de la
défense englobe toutes sortes d’argumentaire pour éviter la condamnation, celle du
procureur général ne justifierait pas du tout. Par respect à l’arrêt de la cour
constitutionnelle qui s’impose notamment à lui, le Procureur générale près la cour de
7
cassation est obligée d’envoyer le dossier en fixation devant cette cour. Dans le cas
contraire, il revient au ministre de la justice (qui l’arrêt de la cour constitutionnelle
s’impose également) d’exerce son pouvoir d’injonction pour obliger le procureur
général près la cour de cassation de saisir cette cour (art 70 de la loi d’organisation,
compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire donne au
Ministre de la justice le pouvoir donner injonction de poursuite au procureur général
près la cour de cassation).
Du reste, il faut rappeler que selon l’article 168 de la constitution : « les arrêts de la
Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont
immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs
publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et
militaires ainsi qu’aux particuliers ».
Cette disposition, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne prévoit pas que la
cour de cassation connait des infractions commises par les membres de l’assemblée
nationale et du sénat uniquement pendant qu’ils sont députés nationaux et sénateurs.
Ce qui est vrai, toutes les infractions commises avant que le prévenu ne soit élu
député ou sénateur, peuvent être considérées comme ayant été commises par la
personne du prévenu actuellement député ou sénateur pourtant qu’au moment des
poursuites, le prévenu est revêtu de cette qualité.
de son mandat par le tribunal de paix et sans aucune immunité due à son rang. Cet
exemple confirme l’assertion selon laquelle « le privilège et immunité sont liés à la
qualité de la personne au moment des poursuites et que la compétence personnelle
d’une juridiction est appréciée en tenant compte de la qualité du prévenu au moment
des poursuites ». Sur pied de cette règle que venait de consacrée la cour
constitutionnelle, la cour de cassation devra se déclarer valablement compétente pour
juger les prévenus Matata et consorts.
Encore qu’il faudra signaler qu’il n’y a au fond aucune différence qu’un prévenu soit
juger à la cour constitutionnelle, à la cour de cassation ou par un autre juge pénal. La
République n’a donc rien à perdre que le prévenu soit jugé par la cour de cassation
et non par la cour constitutionnelle. Au contraire, la procédure devant la cour
constitutionnelle aurait nécessité le vote du parlement réunit congrès, ce qui est un
processus beaucoup plus complexe que les autorisations du sénat ou du bureau de
cette chambre lorsqu’il faudrait poursuivre le même prévenu devant la cour de
cassation.
CONCLUSION
Il ressort de tout ce qui précède que la cour constitutionnelle a bien dit le droit dans
l’arrêt RP. 0001 du 15 novembre 2021 dans l’affaire ministère public contre le
Matata ponyo et consorts. Elle a posé la jurisprudence utile selon laquelle la
compétence personnelle d’une juridiction est appréciée en tenant compte de la
qualité du prévenu au moment des poursuites et qu’à ce titre, c’est la cour de
cassation qui est compétente de juger un sénateur, ancien premier ministre, pour les
faits infractionnels commis dans l’exercice de ses anciennes fonctions à la primature.
Le contraire d’une telle décision pourrait nous amener des hypothèses inacceptables
où il faudrait accepter que le chef de l’Etat, le premier ministre, les députés nationaux
et sénateurs en fonction doivent être poursuivis devant les juridictions ordinaires
(Tripaix et TGI) et ce, sans aucune immunité, pour les faits infractionnels commis
avant leurs accès aux fonctions.