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1001 1318614
CARACO
Le désirable
et le sublime
PHÉNOMÉNOLOGIE
DE L’APOCALYPSE
A LA BACONNIÈRE
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SCHCCL OE THEGLOGY
AT CLAREMCNT
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1
•f
4
DU MÊME AUTEUR
PHÉNOMÉNOLOGIE
DE L’APOCALYPSE
LA BACONNIÈRE
Tous droits réservés. Copyrigh 1952 by
Editions de la Baconnière, Boudry-Neucbâtel (Suisse)
COLLOQUE PRÉALABLE
•— /•
J
Nos vérités sont provisoires, mais II il faut l’oublier quand elles nous
affectent, puis se le rappeler un autre jour, sous peine d’en mourir.
II —
Lui : — Or, j’aime les commodités. —
Moi : — A votre bienséance ! Mais ne vous plaignez pas si l’on
vous laisse à vau de route. Suivre ou périr, telle est notre devise. —
Lui : — Je vous suis donc. Ouvrons ce livre indésirable, indé
sirable puisqu’il me
II dérange. Me remuer, malgré
rr mes
n certitudes ! —
Moi : — Vous en aurez de plus nouvelles. Que perdez-vous au
change ? —
Lui : — En premier, n ma
n raison de vivre. —
Moi : — Vos aises ne vous sauveront jamais n de l’évidence. Ayez
plus de courage et tentez l’impossible. —
7
Lui : — Je crains le ridicule et davantage que la mort. Il —
Moi : — Jamais II alors vous ne saurez où le Sublime habite. Que
vous importe la risée de ce monde II ? Ayons plus de valeur que lui
n’a de malice
II ! —
Lui : — Le Désirable et le Sublime et puis dessous : Phé
noménologie de l’Apocalypse. Fracas de mots ! Qu’est-ce que la
phénoménologie ? —
Moi : — L’art d’étouffer dans l’œuf les mythes ou légendes.
Nous n’en voulons plus désormais. Mieux vaut mourir de leur ab
sence. Nous les empêcherons de naître. —
Lui : — Et s’il en naît ? —
Moi : — Aucune ne sera viable, où nous ne sommes plus de bonne
foi. Le monde
II a perdu l’innocence, il est mûr II pour les vérités et
fussent-elles désolantes. « Et, s’il faut néanmoins quelques légendes,
les vieilles feront bien l’affaire : elles sont éprouvées et solides, elles
renferment des antinomies II souhaitables et se retournent volontiers
entre les mains
n de qui les fausse, elles travaillent doucement n à sa
confusion prochaine. Avez-vous jamais n regardé ceux qui réclament n
8
Moi : — Qui perd la force, il perdra la saveur et les lumières if lui
viendront à manquerfl infailliblement à bout de voie, il fera même n n
de sa liberté ! —
Lui : — Les vaincus de ce monde II n’ont jamais II la ressource
d’être aimables,
II ni même
n h généreux et la noblesse est l’une des pro
fusions que la nature accorde aux favoris de toutes les batailles.
L’Europe de demain II pourrait-elle le demeurer il ? Quand elle le vou
drait, en aurait-elle les moyens II ? Puis l’évidence, de nos jours,
est-elle sa complice ? Il faudra bien qu’elle restreigne son domaine II
en des limites
II plus étroites, sous peine de se dépouiller sans inter
valle, repli trop légitime II et salutaire, encore qu’il la rende moins h
aimable,
ri mais
n est-il bon de s’immoler II
•» ou telle vision et mor-
à telle ri
9
culation ! Le fait des peuples avilis est d’être à la recherche de
coupables. Où le réel, loin de nous seconder, nous entreprend et
nous exerce, nous ne pouvons nous avouer notre impuissance Il et
demandons
II une victime n expiatoire, afin de nous payer du sentiment II
10
cendre qui voltige. Heureux les pesants de la terre qui marchent Il
Il ne nous sert de rien d’avoir raison durant un siècle où, l’an d’après,
notre condition ne nous met plus en état de paraître. Il faut payer
de mine et jusqu’à bout de voie. —
Lui : — Et votre livre nous l’enseigne ou je me trompe fort. —
Moi : — Il ne consulte rien qu’il n’entreprenne et fuit l’allure
avantageuse ou le sublime n de parade. Il sait que la grandeur est
souveraine et simple, qu’elle ne se dément jamais et se repose aucune-
fois au faîte de sa précellence : quand l’homme vil admire la conten
tion et s’émerveille
n sur l’emphase, elle en dissipe les nuées, elle en
dédaigne l’artifice et trompe volontiers les yeux qui la dépravent
en la voulant toujours ailleurs et le plus loin de son emplacement H
pas. —
11
FABLE
« La vie semble
II un arbre merveilleusement
II n épais et riche en
fruits de toute sorte. L’entendement vint le dernier. Il mûrit donc
et grossit à mesure,
n en s’indignant de se voir attaché, jugeant
l’écorce rude et les fleurs impudiques,
ri ses compagnons
n véreux et
tout l’arbre un scandale, lorgna les alouettes et les moucherons 9
disant : — Mon âme, n en quel enfer a-t-il fallu descendre ! II
devenait plus gros encore et plus rebelle, tirant sur les attaches
pour les rompre et ne laissant de raisonner : — Non, l’univers est
fait à mon
n image
n et je suis immortel,
mu j’en jurerais ! Je crois en Dieu,
lequel est une gousse verte et susceptible de se fendre, ainsi que ma n
raison l’enseigne, mais que nul arbre ne retient, que nulle sève ne
nourrit et nulle brise ne menace.
n Puissé-je voler jusqu’à l’habitacle
et le divin séjour des âmes n libérées ! — Pendant qu’il extravague
de la sorte, advient un brusque coup de vent : il choit et donne nez
en terre sur l’herbette, ses réflexions s’arrêtèrent là. Le voilà blet,
meurtri
n fort laidement,
ii la proie des géophiles et des mouches.
n »
12
davantage et qu’elles fussent à se dévorer, il en résulterait moins Il
berait à rien : pour nous elle est un mal n et cette haine est le remède.
n
13
change ? Elle y perdrait ses défenseurs. Tout, plutôt que de voir
les Juifs à mes n côtés ! Ils en profiteraient d’ailleurs pour se placer
en tête. Un pape juif ? Mais ce serait le comble II et la ruine de l’Eglise,
un Chinois vaudrait mieux. ri Un autre Pierre ? C’est déjà trop d’un
seul. Et puis en voilà bonnement H assez, vous m H ’échauffez la bile. —
Moi : — Consolez-vous. —
Lui : — Ma foi, je me il console et nous nous consolons les uns
les autres, nous irons loin à force de nous consoler et n’avons guère
les moyens d’en revenir. Les dieux se taisent et les hommes lllll se re
muent,
n et les auteurs bien davantage. —
Moi : — Pour nous, du moins, seul le silence est méprisable n et
nos grandeurs se veulent éloquentes, nous devons même n n enfler la
voix et clamer par-dessus les têtes, nous sommes courtisans de la
faveur publique et l’avenir pour nous est une table de lecture,
fût-ce d’ici à mille
n années. —
Lui : — Je vous prédis à tous, artistes et folliculaires, un éternel
oubli d’ici à quelques lustres. —
Moi : — Prophète déplorable ! En quoi l’avons-nous mérité ii ?—
Lui : — Vous êtes des dégénérés, des Byzantins, des imposteurs,
vous vous moquez
n du monde
n et vous vous soutenez de pays à pays,
vous louangeant les uns les autres, fermant H la bouche à qui démasque H
14
de nos arts procède là d’un général ensemble If et nous le manifeste
en un redoublement If d’aveux lugubres, fort susceptible d’ajouter
à nos misères — si l’infini supporte qu’on l’augmente II ! — Mais
croire telle ou telle coterie en possession de tuer le Beau me II semble
II
prenez garde ! Vous êtes notre boucher vivant, après lequel nous
poussons notre batterie. Oui, nous avons besoin de vous, vous êtes
le miroir
II aux alouettes, nous vous respecterons ou nous vous brû
lerons, cela dépend de l’heure, puis l’on vous canonisera. Tenez-vous
bien, mon jeune ami, II les bigots vous regardent. Tenez-vous bien et
taisez-vous : les vrais mystiques II font silence. —
Moi : — Je ne l’ignore pas. —
Lui : — Alors pourquoi ce livre ? Ce livre troublera les simples. II
muets
n ? A ce fameux n silence qui dit tout et ne révèle rien ? Que
non ! A des commencements de certitude pour la conduite d’un
ouvrage temporel n ! Quelle aberration, mais n elle est singulière et
d’une impertinence sans égale. —
Moi : — Je me if détourne de mes if fins, à dessein qu’elles m’ac
compagnent
n en la chute. Non, je ne reste pas là-haut. Et qu’a fait
Dieu ? S’est-Il pas engagé dans le sensible ? Je suis le Maître pour
qu’il me n relève et, si je tombe, n c’est par Lui, Lui qui m II ’enseignera
la voie, la voie étrange où l’on est proche de son Dieu sans même II II
15
Le connaître et plus abandonné quand nous participons aux faveurs
manifestes.
11 —
Lui : — Dans quel objet ? —
Moi : — C’est pour vous débusquer. Nous quitterons le siège
des plaisirs divins, à seule fin de vous croiser au bon moment If et
de vous mieux II jeter à bas, de nous précipiter à votre tête et de vous
rompre
II bras et jambes.II —
Lui : — Monter si haut ! —
Moi : — Pour tomber II avec plus de force. —
Lui : — Nous voilà prévenus. —
Moi : — Enchaînez vos raisons, dressez vos batteries et massez II
16
Lui : — Courage ! Nul n’ira si loin que vous, mais n vous en re
viendrez comme h tant d’autres. —
Moi : — Et nous repartirons sans cesse. Nous serons pauvres,
méconnus,
n obscurs, invulnérables et présents. —
Lui : — Quelle humilitéH formidable ! Plus vous serez modestes,n
dans mes
n intérêts. —
Moi : — Je vous le cède. —
Lui : — Et moi, je m ïï ’en contente. Dieu me n préserve d’être fier
et de briller à mon dommage n ! Gardez votre prérogative et ce fameux n
2 17
pas déçus ? Ils aimeraient
H nous voir finir cette querelle, mais tant
qu’il est des hommes et qui pensent, les débats resteront ouverts,
les solutions provisoires, les fins des accommodements
n n boiteux et
les mobiles des prétextes. Qui cherche le repos se voue à l’esclavage
et qui ne veut agoniser en l’altitude est l’objet du mystère
II au lieu
d’en être en plus le sujet et l’accord. Honneur à qui se gagne au delà
du mobile et de son immobilité ! —
18
LIVRE PREMIER
L Allure de
I l’histoire Le siècle d’à présent ne veut plus de
légende, l’histoire y file si bon train que
nous n’avons puissance d’en former,II le temps
II s’y précipite en un
remous
II jamais semblable à ce qu’il n’aura cessé d’être et nous
nous perdons au milieu
II de tant de mouvements
ii n de fuite que l’ana
lyse en est une imposture et la plus signalée : à peine telle ou telle
ébauche se dessine-t-elle que des ellipses la remplacent, nous tenant
lieu de ce qu’elle n’avoue, où tout menace
II de se déclarer et n’aboutit
qu’à se reprendre. Nous vivons en retard de quelques définitions
et comme en un suspens multiplié
n par tant de solitudes, comme lllll
19
III. État des lieux Le siècle d’à présent a mis U nos règnes en
balance et nous ne pouvons rien sur lui, bien
qu’il nous doive toute chose ; il n’est plus temps de pallier ce qui
ne souffre de remède,
II où l’univers a joué ses limites.
II Le monde est
clos, nous sommes entre nous et destinés à nous subir mourants,
vivants, inexorables. Au reste, la fatalité n’a-t-elle pas changé de
camp? n’est-elle pas entre nos mains? n Un acheminementII de tant
de siècles nous y mène II et s’emploie
n à nous y fixer qu’il ne subsiste
que l’espoir de demeurer en place, mais tout se meut II en dépit de
nos soins, tout se déchaîne en le recoupement n des suites insensibles,
les révélations mises
n en branle et les mystères
n éventés, puis de
nouveaux mystères
n nous assiègent de plus loin, l’espace vire à
découvert et les abîmes n s’y déversent. Au milieu de ce monde
II clos,
à qui nous sommesliai i entravés, les vastitudes s’ouvrent et les yeux
s’y plongent : des îles, des enrochements ii saluent les navigateurs,
des promontoires souverains, et l’âme n bondit en son au delà tissu
de normes
n amovibles,
n les regards fouillent les étoiles violées, de
lumineux enlacements n se trouvent pris dans un filet de chiffres et
les systèmes
II les plus écartés avolent du chaos pour se ranger aux
lieux que nos dérives leur assignent.
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sûretés qui le ravalent, on l’investit, on le retourne, on fait justice
de sa volonté, le voilà prêt à nous servir, nous, les dépositaires de
son âme, et nous en état d’abuser d’elle et de lui, formantH notre
demande
II en règle.
21
nants de la milice
H et d’autres même
if ri des esclaves, l’on pousse d’un
commun accord à ces manœuvres
II inconsidérées, le flot des misérables
if
nous va submergeant,
H des continents entiers s’épuisent vainement n
22
foison pour le salut des parricides, ils meurent
Il aveuglés en martyrs
méprisables, on les attache agonisants sur une croix mauvaise. Où
sont les maîtres
II légitimes
H ? Nous nous vengeons pourtant de nos
bergers indignes, nous les avilissons, les obligeant à se produire,
ils se remuent sous nos yeux, ils nous caressent et nous flattent,
ils se conforment
•I à nos goûts et les préviennent d’industrie, ils iront
même
II se prostituer et, morts, nous violentons leur dépouille. Si
notre vie est un enfer à cause d’eux, nous le leur payons de retour
avec usure et profanons l’Olympe II de ces dieux immondes. Le bel
ouvrage et comme II il nous honore ! Où sont les maîtres
n légitimes
H ?
Nous languissons après les justes lois et ceux qui les défendent.
Où sont les maîtres
II légitimes ? Qu’on nous les restitue ! A quoi
se peuvent-ils connaître ? A ce qu’ils nous chérissent malgré H
23
X. Nouveaux despotes Les peuples d’aujourdhui n’estiment guère
ceux qui les régentent noblement,
n j’en
tends qui leur faisant du bien n’y mettent
il de la complaisance, mais
it
souffrent tout de ceux qui n’en dissemblent point, qui les oppriment
n
même
n n à charge de les rassurer : ils prisent davantage une manière
de tyrans à leur mesure
n que des saints qui les ignoreraient en ne
laissant de les servir.
24
des fléaux de la nature. Le siècle d’à présent a besoin de fatalité,
lassé qu’il est de se choisir : il la demande à ceux qui le modèlent
Il
25
longs atermoîments
II avec le dessein de l’y retenir, mais
Il elle s’en
évade et nous astreint à des manœuvres
n plus ardues qui nous ré
duisent insensiblement
II à la mauvaise
n foi. Nos menteries ont beau
se redoubler, nous végétons dans une alarme II ruineuse, apologistes
morfondus et plus cruels que l’adversaire où nous nous savons plus
injustes, nous rendant monstrueux de peur de nous sentir coupables.
Qui nous seconde se déprave et qui nous innocente se détruit, nous
sommes
II au détour suprême
II et notre domination touche à sa fin.
et tourmentés,
II martyrs
II à leur manière
II et que les riches sont des
monstres tièdes.
XVI. Dilemme
IIIII sur l’humain
II Que le partage de ces temps est de
nous engager dans un dilemme iiiii sur
l’humain,
II lequel est toujours de saison, toujours ouvert, mais n dont
les constellations se changent à mesure II et dont l’appel ne souffre
de retardement,II dilemme apparemment tranché voilà des siècles,
dilemme sans litige et de plénière autorité dont la solution avait
pris fonds sur l’iMAGO MUNDI la moins sujette à la caducité, malgré
retouches et remanîments,
n n dilemme
II en passe de nous engloutir et
que nous affrontons munis n d’une abondance de moyens touchant
à l’indicible, dont les pullulements nous tiennent en alarme. n Or,
comme il sied de vivre en attendant, loin de dicter un jugement n
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lendemains,
ri esclaves de leurs sens et de leurs préjugés, n’ayant
que des vertus instrumentales, ombres chétives qu’on remue ri avant
que de les abêtir et dont les méchants se remparent dans l’attente.
Voilà notre modèle et qui soulage plaisamment l’infirmité, commode uni
à régenter de la manière
n la plus absolue et satisfait de peu de droits,
pourvu que tout le monde essuye un dégoût unanime II et languisse
en un tremblementH pareil, dont le mérite
n est de n’en pas avoir et
de ne ressembler
II à rien, afin que l’on s’y puisse reconnaître.
de l’humanisme
il II ploie et n’a de force où l’homme se déclare, et
l’homme se déclare toujours à l’encontre d’elle,
à l’applaudissement des galeries. Les spectateurs ne s’imaginent II
point que ce déni les range à l’arbitraire et qu’ils sont en péril d’en
être les victimes consentantes, ils donnent voix et sentiments, II et
donneraient bien davantage en attendant de se livrer. Allez donc
prêcher l’harmonie
II à qui se tient fait de néant, maisII brûle d’en sortir
et ne le peut qu’à l’aide de la violence ! Il est facile d’allumer II autant
d’embrasements que l’on voudra, mais II une servitude volontaire
est une marque
II de profusion dont nous ne pouvons affecter ceux
que ravale la nature. Si l’on impose l’humanisme, II II on court le risque
de l’adultérer et sa faiblesse émane n de sa liberté qui s’y attache
nécessairement, en sorte qu’il ne dure guère devant les abus et souffre
mal qu’on l’en protège. C’est la plus excellente fleur et qui ne s’ouvre
que par intervalle et dans l’enceinte d’un palais ou d’une ville close
au demeurant de l’univers, bien que tout l’univers y tienne. Hors
là, point d’existence digne de nos soins : de la rigueur sans la mesure, n
27
XIX. Seul drame
H du présent De nuit, quand le théâtre cesse,
la rue est pleine à déborder et tout
n’est qu’à la joie emmi lllll les bruits et la lumière,
n bourdonnement
II
immense
II où les largesses se déploient, spectacle merveilleux
n et fête
pour les sens, mais voici que le flot s’écoule où la rumeur s’apaise
et les lumières
II se vont éteignant : en moins
n de rien, la solitude règne
et les pénombres incertaines, en moinsn de rien tout nous menace
II et
malheureux
II qui n’a suivi le branle général et qui ne s’en est retourné,
loin de la rue et de ses portes closes, loin de la rue et de ses meurtriers
II
XXII. Sentence
i Parler de vanité n’est que sophisme
n et je n’admire
point les complaisants de notre mort n : mourir
me semble trop facile où notre vie est un forcènement
n et qui s’adonne
aux tâches de cet univers en porte l’édifice. L’homme est un mer H
cenaire, il vit et ne fera que souche d’amertume, il meurt destitué
de ce qu’il ne possède et riche seulement
n de ce qu’il perd. Le monde
se soutient par la démence des aveugles, le malheur de ce monde
28
est tel qu’il nous faut rendre grâce à Dieu de nous avoir laissés
aveugles, sourds et vivant à l’oubli de la condition humaine,
II en
nous donnant la voix pour ne cesser de crier et de plaindre.
à l’aimer aux dépens de nous et malgré nous, à faire tout pour elle
au détriment
il de nos vertus. On nous réclame H des bassesses pour la
maintenir
li et désavoue qui se préférait à son débordement, n mais
n
l’an d’après on blâme qui ne l’aventure pas. Que l’homme est mal n
heureux de languir de la sorte et de n’avoir jamais ü le droit d’être
à soi-même !
XXV. Abaissement
i Il sied, dit-on, que l’homme se dégrade, afin
de l’homme qu’on puisse l’éluder où ses bontés nous
incommodent.
il Nous le comptons
n pour faire
nombre et nous sentons fort empêchés quand l’outil juge qui l’em n
entravés,
« nous rassurant le jour qu’ils nous inquiètent, nous donnant
de l’apaisement
n sans faire naître le dégoût, nous aimant
n au mépris
n
29
des fers et nous rendant justice où nous n’avons puissance de nous
l’octroyer. Cela s’accorde-t-il ? D’où la tristesse des tyrans, juchés
au faîte d’un amas
ii silencieux de vivants amortis
ii et de mourants
if
30
rituels est de se confiner en le débris d’une tradition qui veut qu’on
l’outrepasse et le demande
Il sans alternative et par la voix de qui
nous l’a baillée.
et seul valable où tout nous est permis, II s’il ne parvient à nous abattre,
et l’homme racheté par ce qui le réduit à l’impuissance. II Alors le
tyran se fait rédempteur et l’heure du bourreau commence, puisqu’il
n’est rien qui nous émeuve II et que le tremblement
II II a la ressource
de persuader ceux que l’instance ne fléchit et que l’amour ne sollicite
plus. A l’avenir je n’entrevois que des relations de l’arbitraire le
plus inclément
IT et des rapports de force en le rétablissement H pur
de la fatalité nouvelle et qui n’aura de bornes désormais. II
31
XXXI. Notre impuissance Qui transfigure le réel pour en jouer
l’offense et pour en éluder l’atteinte
est dans le cas de ne jamaisIl le vaincre et légitime
n nos mépris. Les
nations inertes, les peuples graves et futiles, l’amas
n' des songe-creux
méritent
il l’esclavage le plus rude et s’y destinent infailliblement.
il
32
souffre de remède
n ni d’appel est bien l’intelligence de nos servitudes :
nous savons désormaisn que l’homme n n’est pas libre et que nous
disposons de l’âme au gré de nos manœuvres
n dolosives. Les témoins
qui se laissent égorger, dont la constance étonne les bourreaux
épuisés de supplices, dont la charnure fume, n saigne et dont les os
se brisent, que feraient-ils en face de nos tourmenteurs ? Eux qui
se tenaient libres et le demeuraient
H jusques aux portes de la mort,
que feraient-ils sans flammes, crocs, tenailles, limes et poinçons
devant un homme qui les rend soumis n à l’aide d’une poudre et les
oblige doucement
il aux renîments
n les plus affreux ? Cela, nul ne
l’avait prévu, nul ne l’a pressenti, nul ne l’aurait pas même
n soupçonné
mais
il nous, il nous le faut subir !
3 33
et nous vivons sujets à la mouvance et ravis dans ses tourbillons,
les bornes fuient sous nos regards et les instances se redoublent,
tout nous attire de plus loin et chaque bagatelle amorce des rapports
dont l’admirable nous fascine, où les difficultés se vont multipliant n
à raison des erreurs que l’on dissipe : un détail simple n est un receuil
d’enseignements
II que l’on déroule et pour le rattacher à des lumières û
34
A Z* 9 1
même
il à qui se servit d’elle et le déplore de nos jours : on l’invoqua
pour s’établir, mais elle est infidèle, étant inébranlable et quand
tout change, elle demeure
li au lieu de suivre ceux qu’elle seconde.
Que de mauvaise
n foi sous l’esprit de finesse !
35
jamais
H ce qu’il nous vante impudemment,
n une confusion propice
à l’aventure où les mots
n mêmes
ii n se dérèglent, un chaos général où
le meilleur abonde en pure perte et les mensonges
II fructifient. Nous
sommes au milieu
n de nos prestiges, plus nous nous étendons, plus
ils nous investissent ; nous n’avons pour nous en défendre que nos
maximes
n n rebattues, que nos mystères
n éventés, que l’appareil dix
fois mis
n en litige et remis
n dix fois dans le train, échafaudage que
nous soutenons plus qu’il ne nous supporte et dont la force est de
nous faire accroire que nous nous étayons de lui. De quoi faut-il
qu’on s’émerveille
II ? Ces heures nous engagent aux derniers efforts,
ces heures nous demandent
n un surcroît de prévenance et de lucidité,
ces heures qui nous acheminent
n à ces lendemains, ces lendemains
qui nous feront participants de la surabondance méritée ou de la
désolation inévitable, ces lendemains qui mènent H l’homme à l’asser
vissement total s’il n’est possible qu’ils nous affranchissent, eux
que nous redoutons à juste titre ou que nous espérons d’emblée, II
36
XLII. Honte et péché Malheur à qui végète dans Facquiescence
et remet
n d’aube en aube un jour qu’il ne
décèle et qui jamais n’éclatera pour le ravir à son prétexte !
Malheur au sage insidieux et qui s’adonne au nonchaloir, sous l’om
bre que la vie est nuaison et s’ente sur l’impermanence
n ! à la séquelle
des rêveurs, aux légions de niais qu’ils fascinent, à tous les déser
teurs qui laissent l’univers dans les ténèbres et sacrifient l’homme n
37
légendes à broder, il ne désire pas autant la clef que la recherche
du mystère
H' et davantage le mystère
If que les procédés, il ne veut pas
que les murs
H tombent
n ni que les voiles se déchirent et nous avons
beau dissiper l’arcane, il en invente de plus dangereux, apparemment
ils naissent sous nos pas et leur inconsistance ne le trouble guère,
il y met
n tellement
ii du sien qu’il aura part à leur économie, éludant
nos insinuations, nous réduisant à l’impuissance et changeant nos
mesures en autant de pièges, de pièges où nous sommes iiiii pris, nous
qui venons avec l’intention de l’affranchir. Par une suite de faits
avérés, ce malheureux
n nous démunit
n et cet esclave nous enchaîne,
force nous est de l’abuser et de nous rendre à ses empressements,
si nous ne voulons qu’il nous traîne à soi, de le séduire ou de
nous voir entre ses mains,
n jouet de sa démence.
n Voilà comme la
tourbe a d’ordinaire l’avantage et les despotes les mieux appuyés
ne peuvent rien sur elle dès qu’ils se mêlent
ii de tout éclaircir, mais
n
illustres.
XLVI. Régime
n du pathos Le siècle d’à présent est celui du
pathos à la mesure la plus relevée et
l’homme
iiiii solidaire à travers l’étendue, les nations n’ont plus de
raison d’être et qui n’est maître
n de ce monde et le seul répondant
de l’univers entier n’aura sujet que d’obéir et d’autre emploi
n que
le silence : tel semble l’avenir dans les linéaments
n de sa rigueur
majestueuse
n et jamais
n temps n’auront connu plus de simplicité
38
depuis que les empires
fl s’entrechoquent, jamais l’espèce une allé
geance plus aveugle et plus de servitude avec plus de moyens de
la lever. Si l’homme
uni ne se change pas et s’il ne prend l’ajustement
dont son état lui fait une obligation, il ira végéter au sein de l’abon
dance et dépérir au fort de ses conquêtes par une succession non
interrompue,
H malgré l’avancement qu’il se procure, il tombera dans
une déchéance sans remède accrue infiniment 11 de toutes ses ressources
profanées, son œuvre l’incrimineraH dont les prestiges mettront
11 ses
démences
II en lumière,
n il lui faudra se contempler dans le dernier
accablement, lucide au méprisH de sa fougue et calme n en dépit de
sa frénésie, ayant la volonté du mal, n s’abandonnant avec empire
et de son propre mouvement,
n h et ressentant l’horreur de ce qu’il
veut, mais
n ne laissant d’en former ii le désir, tenu malgré
il soi-même
n n
ce qu’elle nous dérobe où nous n’y perdons que nos chaînes, la mort
est la tentation plus que l’orgueil de vivre et la mesure
n de sa volupté.
C’est pour cela que ceux qui bâtissaient sur l’horreur de la mort n
ne nous émeuvent
il plus autant et nous leur demandons
n une raison
de ne désespérer de vivre, mais n retranchez l’effroi de l’agonie et
notre religion y perd le plus clair de ses droits, d’où sa faiblesse
d’à présent et le besoin qu’on la réforme. n
39
et qu’il s’anéantisse, offrande de l’orgueil et sa victimen expiatoire.
En une telle mort il reste des beautés et j’aime n à la fureur cette
amertume
n u mâle
n et cette désolation impérative,
H à charge qu’elles
se soutiennent sans faiblir, car tout est là. Et j’abomine les prudents
et les railleurs qui ne l’entendent point et les réprouvent, ces dé
sespérés, eux dont la complaisance est le poids mort n les liant à la
vie, à toute vie et fût-elle un outrage décidé. N’est pas martyr
II qui
veut. Sur le désespéré, seul le martyr
n l’emporte et lui seul est en
droit de blâmer
H qui se tue au lieu d’attendre qu’on l’achève.
même
n et ne sauraient me ri consoler ; des mille
n et mille d’hommes
peuvent expirer que la douleur qui me n terrasse est une et bien la
n ême
n d’âge en âge. Mon siècle est des plus endurcis et mes n pareils
se changent en soudards, mais leur rudesse n’amoindrit l’effroi de
leur condition et leurs allures emportées ou farouches ne les ôtent
de leur naturel : ils tremblent quand ils ne s’oublient pas, ils souffrent
quand ils ne s’enivrent plus, ils agonisent quand ils ne géhennent
point. Vit-on jamais
ri de tourmenteurs
n plus démunis et de victimes IT
plus inertes ?
40
LL Bourreau légal Le vœu de nombre d’hommes en ce monde Il
à la main
II et plus sa foi paraît mauvaise et mieux II il s’y prodigue,
il se rejette sur l’incertitude et la défend avec l’acharnement
le plus extrême,II il y défend sa jouissance et combat II pour son
privilège, le privilège de l’ignominie, n mais
n quand il lâche prise,
exténué, c’est le vaincu le moins superbe, nul ne l’égale à ramper
sous le joug.
41
révèlent au grand jour, la tirant de ses réduits les plus enfoncés,
qu’ils la répandent sans déguisement et la nourrissent sans relâche ;
ü
42
céder de veilles ou de voies, mais H il demeure
H impénétrable
II et se
contente de plaisirs chétifs ou récrimine avec bassesse. Tel héros,
au sortir de la mêlée, s’adonne à la débauche et tel vaincu n’aspire
qu’à venger ses mauxil au préjudice d’un plus faible ; tel, dans l’é
croulement
H de l’univers, n’a d’yeux que pour ce qu’il embrasse du
plus haut de sa fenêtre et tel jalouse, au fort de la ruine, un misérable
il
enfin et tellement
il changé qu’on le renie de même
II qu’il s’est renoncé.
LVI. Paroles aux Français Que des Français donnent leur voix
à la louange de la déraison me
II paraît
un indice de leur trouble : il est patent qu’en ce domaine
II ils valent
moins
n que d’autres qu’ils ignorent ou déprisent. Que gagneraient-
ils à ce change que leurs vœux appellent ? Possèdent-ils des incli
nations démesurées,
n des penchants doubles œuvrant de concert,
une âme
Jn malléable
ii et susceptible d’abolir tout ce qui l’embarasse,
une mémoire
II nébuleuse et pleine de revirements
n imprévisibles, la
43
faculté de n’être pas en ne laissant de devenir et d’être ce que l’on
n’assume,
ri une candeur inimitable et néanmoins fertile en roueries ?
Préviennent-ils l’entendement
H sur les fantasmesii qu’ils s’infligent
à dessein et peuvent-ils, de bonne foi, se montrer de la plus mauvaise ?
Ont-ils plaisir à vivre en débandade et de s’accommoder
iiiii assidûment
ii
de malice
n que de désarroi, qu’ils se figurent être inébranlables, mais
ne le sont jamais, vivant à leur division plus qu’à l’unicité dont ils
raisonnent à l’envi, que cette frénésie d’arguments
n n’est pas bon
signe et ne démontre que la gêne. Et c’est pourquoi, bien qu’ils
méritent nos rigueurs et le supplice, nous ne laissons de les tenir
en une estimen basse et les touchons par là mille fois plus qu’en
raffinant sur les tortures : s’ils désespèrent de nous étonner, leur
jactance est par terre et c’en est fait de leur présomption, car ils
dépendent de nos sentiments
H plus que des leurs et ne l’ignorent
point.
44
LIX. La volonté du mal Le méchant dit en son particulier que
l’on fera meilleure
fi contenance en face
de l’adversité si l’on se juge absolument n coupable et digne à ce point
du dernier supplice que tous les fléaux conjugués ne nous sauront
assez punir. Et véritablement if il ne s’aveugle point et c’est une allé
geance que le mal, Il mais le maln éminent
fi qui ne regarde pas ailleurs,
qui persévère au delà du possible et met n le reste dans ses intérêts,
mieux affermi dans son néant que d’autres en leur nonchalence,
ne revenant
1 jamais de sa prévention et la victime II consentante de
son choix. Cet homme-là fi mérite
n le respect, puis l’enfer éternel,
lequel est une marque n d’éminence où peu d’humains II accéderont,
mais
II tel qu’il est, mes
n frères en esprit, il est plus proche du Seigneur
que le ramas des tièdes et Diçu s’honore de sa résistance, oui, Dieu
s’honore de sa nuit et ses "ténèbres glorifient I les divines, Dieu lui
pardonnerait dès le premier soupir qu’il jette, il a pour lui des tré
sors d’indulgence et le destine aux charges les plus hautes, il l’aime II
inamissiblement
if il et le méchant
If ne cède pas, il ne le peut à l’avenir,
l’enfer étant la volonté du mal, laquelle est proprement II celle de
l’impuissance.
LX. Les temps sont proches II est parfois requis de mettre fl les
idées en sommeil,
IIIII afin de les sous
traire à ceux qui les profanent, de laisser là l’entendement n et sa
parure, l’art et ses voluptés et tout ce que l’on prise, et de fermer ri
45
talonner une ombre
n qu’il leur jette. Ils reviendront de siècle en âge
et battront la muraille
n en la plus vaine des conquêtes, puis ils
retomberont
n au sein des nuits qui les vomissent
n inlassablement.
ri
Mes frères, accourez ! Leur troupe est innombrable ! Vous qui savez
que l’Éternel se perpétue d’heure en heure, soyez l’appui de sa
pérennité, soyez le gage et devenez ce que vous êtes. Le siècle est
assez grand pour que le Dieu s’y manifeste et si vous ne Le recevez 9
comment pourrait-Il avenir ? En tous les temps, n les temps sont
proches.
LXI. Tout changer Les uns protestent qu’il faut tout bouleverser,
ou ne changer rien afin que l’homme atteigne à la félicité char
nelle, où d’autres veulent que rien ne se
change, à la réserve de nos sentiments, et l’on en nomme n d’entre
les premiers qui jugent Dieu le plus néfaste des symboles, et d’entre
les seconds qui tiennent les réformes n inutiles, voire sacrilèges. Il
me
n paraît que les mutins
n haïssent davantage Dieu qu’ils ne ché
rissent l’homme et que leurs adversaires n’aiment n Dieu qu’en vue
de L’associer à leurs prérogatives, de mode qu’en la disputation
et l’hommen et Dieu ne sont que des chimères,
II mais
II les diffamateurs
n
gagne à la confusion, ni Dieu, s’il faut que l’homme lllll s’y déprave et
le Divin s’y perde.
46
LXIII. L’homme et son Dieu Le dramen de l’humain
H est d’as
sumer
n le Dieu qu’il nie ou qu’il
ignore et d’être cela même
H qu’il ne voulait concevoir, d’être l’élu,
mais
ri qui se meurt
n dans les ténèbres. Le partement de Dieu se fait
de la manière
n la plus douce et nulle rumeur
il ne transpire, où tout
nous parle de la liberté de l’homme : la vie semble si légère et telle
ment remplie, et l’homme si bien appuyé que l’on s’étonne d’avoir
cru, que l’on s’indigne d’avoir espéré ailleurs, que l’on s’en veut de
n’avoir abjuré dès le principe et clame l’élargissementil de l’univers.
Voici qu’enfin les chaînes tombent, que rien d’emblée ne s’oppose
à nos contentements et n’en appelle à d’autres qu’à nous-mêmes, ri
47
à le rendre moins
n soumis.
H L’esprit désire d’être le commencement
n n
LXVI. Renoncement
II prémédité
H Au siècle d’à présent le sens
commun est mis à la torture,
on bâtit sur ce qu’il allègue et le résigne en la dernière instance et,
s’il préside aux entretiens qui règlent nos démarches,
II il ne peut rien
sur elles, car elles n’en relèvent plus, il leur donna l’ébranlement,
mais
II la conduite de l’ouvrage est hors de sa portée, il ne doit qu’as-
sentir aux vérités qu’elles avancent, il les reçoit avec soumission,
11
pour avoir droit d’en parler avec fondement H et les matières s’am-
48
pfifient et se débordent, de mode il qu’il les faut rediviser et qu’on en
trouve une douzaine au lieu de trois ou quatre. Tel médecin qui
dominait le propre de son art en l’étendue la plus générale aura
quitté la place à deux ou trois, puis cinq ou six et toujours davan
tage : à cette heure on y verrait presse. A quelques générations de
nous, un homme richement il doué se rendait à la fois juriste et phi
lologue et théologien, sans préjudice de l’histoire et même n H des ma II
thématiques,
ii' pouvant connaître en plus la médecine
il ou la physique
et se mêler
ir de belles-lettres, dans la puissance de tout dominer et
de voler de discipline en discipline. Qu’on prenne de nos jours les
illustrations les plus diverses, qu’on vous les réunisse et qu’elles
tiennent assemblée et fût-ce durant bien des mois, elles ne tombe II
raient d’accord, à faute de, s’entendre, ou ne s’obligeraient qu’à
divers actes de foi mutuelle
II ; il ne s’y trouverait pas un discernement
II
4 49
enseignement
11 et, plus encore, leur esprit, et sommes-nousIl alors
reçus à prétexter une ignorance criminelle
n ? S’ils furent, n’est-ce
pas à l’intention d’être à jamais
II vivants parmi n nous et ne les tuons-
nous pas une fois seconde en rejetant leurs prises ? Car ils sont morts
pour nous et qui s’immole
n de dessein formé
II n’a-t-il pas donné le
meilleur
II à ceux qu’il aime
n en vision tout comme en espérance ?
Et quelle ingratitude où l’on n’a cultivé de tels attachements II ! où
l’on s’est endurci pour se tirer du pair et se juger plus admirable !
Il faut désespérer, il faut languir à sa confusion, on est tenu de se
haïr dans la rigueur des termes II et nous devons encore davantage :
nous refuser à plier le genou devant l’idole de nos déplaisirs, la rompre
II
50
la majesté
Il de nos douleurs ne souffrant de mesure
n et clamant
II après
l’infini d’une aire sans limites. Mais nous n’y perdons rien et l’on
viendra nous soutenir que l’univers n’est plus à notre échelle et
que l’humain
H le passera, ne fût-ce qu’en peinture, et cela nous
annonce une attitude d’un sublime n à la dimension
II du siècle, une
révolte généreuse où l’homme,n jusques alors perdu dans un espace
menaçant de l’engloutir, se bande sous l’entrave et semble reculer
les bornes devers l’infini dont il se juge le miroir
H et qu’il aspire de
violenter.
51
du règne clos délimitant
H l’espace et du régime articulant la suite
de nos lendemains,
II la prévision dirimante
H et la gouverne paternelle,
la douce et l’inflexible qui cède et ne transige pas. Il ne nous reste
que le sommeil ou la mort.
H
aménageant
II les lieux qui tombent sous l’arrêt, les rendant familiers ir
52
possible : on se ruinerait à laisser planer l’équivoque en un domaine
étranger, certes, à l’antilogie et dont l’antilogie a le devoir impé
Il
rieux de nous répondre.
et le recueillement
IT propices. Allez vous partager en vous commu
niquant et réveillez les âmes en sommeil,
ni n mais
n ne prêchez le nom II
est dans le cas de nous survivre et nous n’avons pas à nous réjouir
de l’emporter à ses dépens, vu qu’i] est souhaitable qu’il subsiste
et fût-ce contre nous, et même
n n la Nouvelle. L’esprit de charité ne
saurait bâtir au défaut de la matière et notre foi n’est susceptible
d’ébranler une montagne : nous devons maintenir
II ce qui demeure
et transformer
II qui penche à la ruine. Mes frères, que chacun de vous
soit le principe originel et chacun de vous tous la fin dernière !
Allez de vous à vous, en passant par vous-mêmes, vous que le Dieu
suit à la trace !
53
avant que de le mettre en jugement. L’Histoire Sainte est parmi
nous, dans la figure de ee peuple restauré, dressé vers l'orient, et
que les nations ont immolé durant vingt siècles sans l'abattre.
L’Histoire Sainte vit et nul n'a le pouvoir de rompre à l'avenir
ce que Dieu même lie et scelle.
54
nous et de nos fastes, le plus intime
H dans l’éloignement, le plus
distant en la dernière approche, environnant tout l’être au sein
duquel ses règnes se prononcent et s’unissent, joint à Soi-même
H n à
travers Soi, par le canal de nos entendements.
II
et qui ne cesse pas au long des âges ni des lieux. Nous devons poser
l’absolu, nous n’avons d’autre mire n et c’est par lui que nous nous
55
fondons en puissance, mais n l’absolu veut le combat et nul n’en
jouit s’il n’en tremble,n l’embasement
H de notre certitude écrase nos
appuis charnels et le domaine est en épreuve, où nous agonisons,
atlantes débordés. Nous posons l’absolu pour que les autres vivent,
nous sommes n les garants du nonchaloir, les répondants de l’assurance
et nous mourons
h les pleiges de l’humain. Ils nous délèguent leur
sollicitude et nous les dispensons du choix, et s’ils demeurentII libres,
ils ne le doivent qu’à notre allégeance ! Mes frères en esprit, élargissez
votre âme et la rendez comme la mer, II soyez vos engloutis en ne
laissant de déborder tous les rivages, pour que le Dieu vous aime II
et vous habite : alors vous serez pleins de Lui, qui sera plein de vous
et l’univers ne tardera plus à sombrer, vous serez un par l’indivis,
vous serez un dans l’indivis et rendus sans partage à qui se donne
sans mesure
II ! Il est requis de sauver le message
II du Seigneur et de
ne faire état du reste ; il est besoin de regarder à la substance même
de l’enseignement II et de bannir l’amasII des riens et des chimères
qui ne se peuvent soutenir ou persuadent moins qu’ils ne se prêtent
à l’irrévérence ; il faut sortir de la confusion où l’on demeure II à
notre insu par un attachement n vénal, non pour nous exempter du
choix, mais
n à dessein de nous reprendre et de gagner à Dieu des
serviteurs qui se gouvernent librement h et dont chacun vaut plus
qu’un mille
n de zélotes ; il est indispensable de tenter l’épreuve en
le dépouillementn de qui nous fonde et d’aller au-devant du pire
en aimant
ir le Seigneur d’une amour n de désespérance, oui, d’une
amour veuve et d’objets et de prétextes, d’une amour d’abandon,
d’une amour n d’holocauste et d’une amour n enfin si délibérément
n
CONCLUSION
56
LIVRE DEUXIÈME
DE L’HISTOIRE
notre sentence.
57
passons plus. On ne connaît jamais ce que l’on interroge et la ré
ponse émane
II trop de fois de celui qui la veut entendre. L’histoire
ramassée
II en un seul point ne fléchit guère l’évidence et le dernier
événement
II efface l’œuvre de dix siècles.
merveilleux
II et qui mourront de leur plus belle mort au fond des
oubliettes. Les preuves prouvent ce qu’on leur fait rendre et nous
démontrent ce que l’on désire ; nous sommes
n les plus forts, et même
n n
IV. Prétexte de
I la cause L’on nomme cause un enchevêtrement II
58
des rebuts essuyés et nous nous payons de l’absurde en tordant
l’évidence ou devenant, pour ainsi dire, une fatalité nouvelle à quoi
l’événement
ii s’ordonne.
moire
n suffit à les rompre
n et désunit l’événement n passé d’avec l’inexis
tence. Le fait de l’homme ii n’est-il pas d’introniser le temps et de
le changer aux annales ? L’histoire se présente comme n l’artifice
le plus nécessaire et le mensonge le plus prévenant, sans quoi le
train du monde ne serait qu’impermanence
n n et l’homme le jouet du
provisoire inaltérable en son avènement. n L’histoire vit, soit qu’elle
demeure
n intangible à force de nous contenter à la manière n d’un
proverbe ou même n n d’une liturgie, soit qu’elle suive nos démarches ir
et se rende leur complice. Nous faisons d’elle tout ce qu’il nous plaît
d’en faire et disposons de sa richesse à notre volonté, mais il se
peut qu’elle se venge et nous contraigne à lui donner le pas sur
l’évidence, au risque de tout renverser : le passé, devenu présent,
entre en matière et nous réduit à consentir où le réel demande II qu’on
résiste, les faits se payent de nos mots et de leur mésusage, et nous
allons tête baissée au-devant de la honte en expiation d’un faux
honneur ou de chimères savamment lllll entretenues. Le ridicule en
une nation ne saurait provenir de sa faiblesse, pas même n de la dé
mesure
II et chaque outrance emporte
II une agonie ou la menace
n d’une
fin totale, il se dérive d’un semblant d’allure et d’un engagement II
prêt à se démentir
II en face de l’adversité.
VIII. Abornement des causes Les causes les plus reculées emII
59
d’usages établis, qui mettent
ri le désordre en nos puissances, qui nous
accablent et nous étourdissent : ce sont là jeux qui ne méritent pas
qu’on se travaille. Les causes nécessaires ne se logent pas si loin et
ne demandent
n pas qu’on les dépasse en les légitimant
n à force : il
est des points d’arrêt dont il est bon qu’on ne se prive et qu’on ne
gagne pas à démasquer,
ri fût-ce en les reculant, il est des bornes
provisoires qu’il nous sied de juger éternelles, quitte à les déplacer
le temps venu. Rien ne s’ébranle et nulle chose ne se parachève,
à défaut de limites.
n
X. Litige sur les fins C’est une illusion que d’aligner les faits et
tel suivant tel autre est dans le cas de n’en
jamais dépendre et de se dériver d’un épisode antérieur ou mieux n
60
voir le fruit des bonnes œuvres, les autres la déploreront, y discernant
une menace
n épouvantable. L’histoire, cependant, ignore la finalité,
de même
n que les raisons pathétiques, elle est modeste
Il et néanmoins
subtile et, creusant les motifs, multipliant
H les sources, revenant sur
elle à chaque pas, est-il loisible qu’elle donne une retraite aux pré
jugés, mêlant l’antécédant, le conséquent, le changeant et le per
sistant pour le service de nos fables ?
que les autres, que nulle histoire ne serait possible ailleurs et que
61
les grandes lignes resteraient dans l’ombre. Il n’est pas requis de
leur en vouloir et nos chercheurs ont quelque fondement Il à raffiner
sur le litige, il le mérite
H raisonnablement et, de nos jours, l’on ne
saurait assez l’étudier, puis leur empressement
II nous marque
ü d’évi
dents hommages : c’est apparence que le sujet ne s’épuise guère et
qu’on n’en finit l’examen,
ü tant nous y sommes
lllll engagés. Qui prouve
rait que Jésus n’est pas Juif le convainc de mensonge et s’il le rend
plus agréable aux payens baptisés, il réduit à néant promesses,
prophéties et royauté messianique, et si Jésus ne descend plus de
leur maison royale, encore qu’on le tienne Juif, il fait figure d’im ü
XIII. L’histoire
i et la tradition Si la tradition est le dépôt ina
movible,
H l’histoire est le procès
en permanence,
n mais l’une rejaillit sur l’autre et le partage en semble
malaisé,
ii les deux sont quelquefois d’intelligence ou feindront bien
de l’être et, si l’on fausse l’une à violenter la seconde, il se peut même ü
62
des façons qui ne changent plus, des phrases faites que les générations
se passent et des proverbes subsistant comme fl des îles en la mer
n
décidément
ii; du nôtre et ne nous échauffons que pour des fables
éloquentes au superlatif, où les aveux abondent et les procédés, le
tout moins volontaire qu’on ne l’imagine. n Et le moyen
n de cultiver
ce beau détachement, sauf à se perdre en la mystique n ? Les mœurs
et les mobiles du passé relèvent-ils de ce qui les résigne et se peut-il
qu’on les renferme en ce dépouillement n lequel s’exerce à les répudier ?
On nous objectera qu’il faut s’abstraire et qu’on discernera le de-
n eurant à l’aventure, que par un merveilleux
H détour on en réformeran
63
L’enseignement
H d’un homme,
lllll d’un homme
HIH pauvre et démuni, qui
vécut dans le fond d’une province, a remué les peuples et les temps
II
et fondé l’ère où nous nous situons depuis vingt siècles, nous, les
témoins du menaçant
II empire échafaudé pour durer mille
II années
ou davantage et qui ne laisse rien, hors des ruines et des tombes,
de la fumée
II et la plus vague des rumeurs,
If plus qu’à demi couverte.
XVI. Emplacement
n du mal
n Ce qui fut mal n dans le passé le reste
à l’avenir à l’égard du passé, le reste
et le demeurerait
n quand l’avenir lui ferait pleinement justice, quand
n ême
if il se modèlerait
n sur la matière
n de l’exemple,n et l’on a beau
se travailler l’entendement, beau multiplier
n les sophismes, n l’on serait
bien en peine de l’apologie à le restituer à nous dans son originelle
virulence. On loue un traître et l’on vénère les félons que le bonheur
appuie, et l’on enjambe les événements, n volant par-dessus l’objet
du litige, les yeux tournés vers une fin connue au préalable et qui
dévie les suffrages. Et, tout de même, n n on s’ingénie à se laver d’une
conduite sciemment préméditée,
II que rien ne légitime, ii à moins
n de
saper notre foi jusqu’à la subversion générale, en prenant fonds
sur les vicissitudes de l’histoire : on farde menées h et cabales, l’on
innocente les bourreaux et les habiles, parce qu’une alliance se
renverse et que les ennemis n changent de camp. n Il serait bon de les
punir au lieu de leur laisser le temps if de remonter
ii i à la surface en
invoquant des riens sonores et des arguments n cornus, en cherchant
manifestement
n n querelle à ceux qui les amnistièrent, en semant n la
confusion dont ils s’étayent de leur mieux, ii en se rendant accusateurs
où le silence leur serait de mise,n coupables à jamais n et persévérant
dans l’ignominie,
n en sorte que l’acharnement fi les portant à la tête
est moins le désir d’amende
n honorable que le projet de diffamer n
de ses félonies.
64
reste un fonds sur quoi les normes n roulent, il reste un noyau de
possibles qu’on ne passe, un réseau de limites
H qu’on n’enfreint et
de démarches
fi qui ne s’abolissent plus. Dès le principe, l’homme iflii
» l’homme
XVIII. Le fait de Depuis que l’homme peuple l’uni
vers, il est en différend avec les lieux
de sa condition qu’il dénature pour s’y retrouver. L’image n de ce
monde est mouvement
n de siècle en siècle et même
n dans chacun de
nous, nous sommes
hIîï
libres de la retoucher à notre guise, de nous
l’associer ou de la rendre l’ennemie n de l’humain.
n Le monde
n nous
assiste des faveurs que nous lui prodiguons et nous retranche celles
qu’on dénie à son théâtre. Qu’on sache qu’il ne tient qu’à nous de
faire de la vie une grimace
u et de trembler
n à notre image où l’univers
nous la renvoie.
XIX. Le brisement
if de l’indivis Dans le passé tout semble de
niveau, tous les événementsII re
posent hors d’atteinte en une majesté
ri profonde où l’esprit s’aventure
et se découvre fasciné, domaine
n immense et climat aboli dont la
mesure
II est de n’en point avoir, destitué de ses recours à faute d’un
présent qui le rappelle, enseveli dans l’impuissance
n où nous le vouons
à l’oubli, mais sans lequel le présent même n H nous échappe. Notre
présent n’est que l’affleurement
H perpétuel, ou mieux
If l’exhaussement
II
5 65
dessein formé,
II pour triompher
II et sans comparaison ou pour nous
perdre et sans ressource. Alors l’humain
II se choisit immanquablement
IIIII
mons l’histoire.
le déterminant,
il hors de laquelle il ne subsiste que la mort ou la
démence.
il
66
domine en formant une élection aveugle et parce qu’elle ne ménage
ii
67
et se déclare et que le genre se diversifie en aboutissementsil con
traires, que les splendeurs montent à la surface et que le sol se peuple
de sommets.
u L’histoire agence les parties qu’elle éprouve, elle ouvre
les chemins
n qu’elle discerne et délimite
n les abords qu’elle s’assigne,
elle est un ordre en quête de son harmonie,
n un devenir à la recherche
de ses fins premières,
n le moule
n en passe de se rompre et que travaille
un éternel enfantement
n de formes
n idéales.
fondés.
68
XXIX. Présence du milieu Que l’entourage fait empêchement H
69
qu’elles sont à la poursuivre en cent et mille
n ? Quoi de plus ferme
et de mieux
Il cimenté
n que l’accord généreux de mouvements
n n adverses
portant sur la même
ii ri voie le plein de leurs carrières opposées ?
de l’homme
ri et sur les fins de l’univers, le cauchemar dont ]a pré
sence se devine où le réel s’entr’ouvre et la négation de l’absolu
dont l’âme s’alimente,
n un infondé de vagues et de voies, de spasmes n
70
autre nous refuse une province et tel le moindreii des villages : il
fallait entrevoir et courir l’aventure, aimer
n le risque ou déborder de
foi, le tout n’était pas seulement de raisonner et la chimère Il avait
du bon, où le discernement nous arme il d’indolence et la prudence
abat la verve la plus généreuse. Que dans l’histoire l’homme n est le
prétexte, les foules les agents et la survie le mobile,
n mais
u l’accident
est le ressort et davantage que les plans et les mesures.
n L’histoire
semble mainte fois la poudrière où l’étincelle manquen et nul n’est
venu l’y bouter, jusqu’à ce que l’eau tombeii et mouille sans remède.
H
et mainte
n fois d’imprévisibles. Plus nous nous étendons et plus ils
nous faut peser au domaine : nous courons, volons et nous revenons,
partant de tous les côtés à la fois, multipliés
n en la présence et nous
minant
ii à dessein de suffire à l’œuvre indivisiblement accrue, ayant
un monde sur les bras. Qu’un pays change de frontière et gagne
une province, il aura l’obligation d’abattre sa victime ri ou de parer
à sa vengeance et, s’il l’écrase, il lui faudra déconcerter les ligues
ou les vaincre, se rendre formidable
ir à tous et ruiner ceux dont l’at
teinte le menace, il sera mis dans le besoin de subvertir un continent
moins
n pour le dominer
n qu’en vue de se prémunir
n contre une affaire,
d’autant plus vulnérable qu’il a de surface et succombant au moindre
lieu, devant la moindre place et la plus faible armée qui l’ayant
bravé lui fait résistance et le contraint à rompre ses mesures géné
rales, au bénéfice de l’empêchement.
n n Les possibilités en faveur
d’une entente ont plus de chance d’aboutir entre deux pays opposés,
mais
n de puissance égale qu’entre l’un d’eux et plusieurs nations trop
faibles. Il est des liens et des rapports subtils qui peuvent balancer
les inclinations que l’on affiche, il est des sortes de complicités de
qui l’atteinte est enveloppement et dont les nobles assurances nous
protègent mal.
71
à charge toutefois qu’il ne nous fasse rendre l’âme. Il Loin qu’il le faille
incriminer, l’absurde vaut par ce qu’il donne et ce qu’il ne décerne
pas, et si l’on a bien soin de le réduire à ce qu’il est, il nous départ
une raison de vivre où les raisons les plus solides ne nous soutien
draient peut-être. Ce qui se légitimeII tend à s’affaiblir et la démarche
la plus ferme
n est celle qui se passe de mobile et se déploie en vertu
de l’ébranlement,
n puis seulement
n en vue de sa fin, où la démencen
remédie
II d’un tenant à ce que nos manœuvres
n et nos marchandages
n
72
visages. L’histoire nous enseigne que toute force est en augment Il
devers les lieux qui la suscitent, que tout refus gagne à raison de
leur instance et que l’atteinte est dans l’usage d’épauler ce qu’elle
ne ruine pas. Les marches
H d’un pays abondent en natures généreuses
et l’âme
II s’y condense : les faibles les délaissent, les bons s’y trempent
à l’envi, qu’ils en procèdent ou les joignent pour les remparer dans
une veille générale ; de ce roidissement
II naît une race qui tient moinsII
XLI. Ame
n des
i peuples Qu’un peuple ne se définit jamaisn par ce
qu’il est et qu’il importe
n de le juger en un
n ême
n temps fait à sa dissemblance,
n où nul ne semble entièrement
n
73
totale, à la lumière de laquelle on gage que sa destinée se confirme H
fallacieux. Il est des points que rien ne justifie : à quoi tient le som
meil de telle race et la vieillesse de telle autre, où l’aspect général
des habitants n’a pas changé, ni la nature de leur sol, où l’homme
est ce qu’il fut et le demeure en ne laissant de languir empêché ?
Il suffit d’un dérangement n imperceptible
n et la machine
II se dérègle,
le meilleur
n équilibre est le plus menacé,
ri la plus noble harmonie est
la moins
n soutenable et ce qui cesse alors est dans le cas de ne jamais
renaître et même d’engager tout l’avenir en l’obérant de sa mémoire. n n
Le souvenir démesuré
n n’ajoute pas à l’opulence, il la fait impossible,
il voue l’homme
iiiii à la disette et met n les nations en compromis, il
fixe leurs penchants, il les allume ii sans les mitiger
II et les irrite sans
les satisfaire, il les épuise en un chagrin nouveau, fruit de l’attache
ment impérissable,
II et face au peuple qui végète dans l’oubli de ce
qui le rendit illustre et semble l’ombre de soi-même, «t n il n’est d’égal
en sa morosité que le vivant à la réminiscence et que talonnent ses
présomptions. Le passé d’une nation n’est pas le gage du futur et
la mémoire des faits révolus ne nous répond aucunement II de nos
démarches
II à venir.
74
XLIV. Le sommeil
Il du possible Tout germe est un recueil d’em n
gique attribuée à tel ou tel lignage et qui le suit au long de ses dé
roulements,
ri au mépris de ses défaillances, vertu prodigieuse et qui
ne se dément
n jamais où tout la semble démentir, et dont les pires
participent à l’égal des rejetons les plus illustres, vertu si fabuleuse
qu’elle est éternelle, à charge que la maison
n ne s’éteigne, et qu’il
nous est permis d’en augurer merveilles sur merveilles.
n
75
partage : il est de l’ordre du miracle,
II ce bonheur-là, mais
H il ne prouve
rien et deux ou trois suffisent à vous ruiner un peuple, c’est une
ivresse dangereuse qui charme H fort le temps qu’elle subsiste et vous
assommeH pour des générations. On doit oser s’il n’est moyen
II de nous
soustraire à l’aventure ou si tout parle en la faveur de nos desseins,
jamais où l’évidence nous condamne.
plaisamment
n sujette. Non, les honneurs rendus à la dépouille et
l’encens le plus capiteux, ni les éloges des rhéteurs ne valent pas
notre survie, en dépit de l’insulte, et qui se refuse à mourir,
H il scellera
l’histoire en réformantII un jour les privilèges accordés. Vaincre n’est
rien, le principal est de survivre, n’importe II la condition, et de se
souvenir de ce que l’on se doit, où les retournements II sont imprévus
comme
IIIII ils sont innombrables.
II La seule faute est de s’éteindre ou
de s’abandonner à ce qui nous achève. Et, cependant, il est des
peuples que leur condition passe et tellement qu’afin de l’assumer II
76
drait-on pas lorsque, visiblement,
n on ne peut rien se payer de
leurs : n aux au préjudice de leurs alliés restés debout et les venger
en : n ême
n temps par leur secours. Quoi de plus douloureux et de
plus ridicule ?
à charge qu’on le veuille et, dès le moment n qu’on le nie, il est sujet
à des retournements
n inattendus.
77
LU. La fable du retour II n’est point de retour et ce qui fut n’est
jamais
n dans le cas de revenir sur l’eau,
tout rentre en une profondeur muette et l’univers n’est que l’abîme
clos d’unicités pour toujours englouties. Le rêve le plus fol de l’homme
et le plus attachant se nomme le retour, par quoi nous obvions à
l’évidence et la rangeons à n’être qu’un reflet du prévisible et l’issue
obligée de nos spéculations. Nous légiférons de la sorte, allant de
biais en traverse et déployant un effort incroyable à nous fléchir
en dépit de nous-mêmes,
n ardents à travestir les formes et les faits,
tenus à nous bailler le change où notre sentiment n nous donne tout
ce que l’essence ne départ, où nous la recevons comme iiiii venant de
lui, mais
n niant qui se joue de nos fables. L’histoire, cependant, au
mépris de nos soins, est une belle sans merci n que les retours n’é
meuvent
n guère et qui se pique d’inlassables nouveautés : nous la
croyons la même
n n et tenons qu’elle suit la règle, afin d’en creuser
les motifs, mais
ni notre profondeur ne saurait l’obliger et nous ne dis
putons valablementn que sur ce qu’elle a cessé d’être.
78
sûretés qu’on nous allègue. L’histoire de la foule est un piétinementH
79
LVII. Victimes
H d’obligation Que les vicissitudes de l’histoire
affectent moins les opulents et les
plus démunisII que ceux placés à mi-chemin,
n n en butte aux variations
de la fortune et ne les pouvant surmonter, sans laisser d’y prétendre.
Les plus avantagés disposent de leur établissement et, quand le
nécessaire manque,
II ils ont l’expédient du superflu dissimulé,n puis
la ressource d’aller vivre ailleurs : ainsi, dans les temps n désolés, il
est des hommes H qui subsistent à leur aise, à charge de se taire, et
sur lesquels le siècle n’a de prise. Les derniers de la nation, ceux qui
n’ont rien malgré
II les profusions générales, ceux que la faim n menace
n
épanchements
n dont il se persuade et ne retire rien, il devient odieux
à force d’être faible et de n’y consentir, et pitoyable en même
n u temps
que digne de risée. Il ne lui reste qu’à pâtir et, s’il a trop souffert
pour demeurer l’égal de sa démarche,
u à ressentir une douleur toujours
nouvellement accrue et d’en mourir, à moins n qu’il ne se purifie et
ne se trempe, où le remède à la souffrance est la souffrance même, n
mais volontairement
u portée. Mieux vaut l’épreuve sans délais et
l’affre sans miséricorde,
n et mieux
ri vaut l’agonie que le ressentiment
n
80
LIX. Abîme
Il duressentiment
II Que le ressentimentII est le poids
mort qui nous fait trébucher, alen-
tissant l’avance et ne nous donnant de relâche, un manque h de nous-
n êmes
n au surplus et le dernier parti que l’homme ru n ait la ressource
de jouer et qui vaut moins que sa ruine. Par le ressentiment qu’il
nous impose,
il un vainqueur double le triomphe et nous abîme après
nous avoir abattus, il nous rend dignes de ses procédés et nous le
soulageons de tout remords éventuel par le spectacle de nos infamies. II
et les mieux
n défendus où nous n’avons plus sujet de les craindre.
LX. Noblesse du
i martyre
n Nous avons part à ce que nous voulons
et qui se ferme
n à la surabondance est
néanmoins ouvert à ce qui le dévore, il nourrit son néant des pri
vilèges dont il se désiste, il saigne au creux des gouffres inutiles,
il se démembre en pure perte et se consume n au lieu de s’immoler.
uni
6 81
LXII. Prions pour les heureux Le comble de la tragédie est
d’entrevoir qu’il est des pays et
des temps lesquels se passent de nos maux,
H qui les ignorent bonne
ment
H et ne s’en trouvent que plus à leur aise, et qu’ailleurs même,
n n
au sein de l’infortune, il est des îles où l’on vit comme devant, des
gens à ne souffrir de rien, dont l’existence coule invariablement il
82
ils le ressentiraient comme une injure, ils se rebelleraient d’un
u ouvement
h et, quelque ravalés qu’ils soient, il leur faut des
victimes
H sans défense. Tel accusa les Juifs de travailler à sa ruine,
afin de n’avoir pas à donner la bataille et de justifier le déshon
neur, et tel, s’étant fort malheureusement
II battu, mit sa défaite sur
leur dos, où le premier
II fut lâche et le second immodéré,
lllll les deux
abominables.
83
LXVII. L’homme et le provisoire Le provisoire n’est pas tel aux
yeux de sa victime H et moins
n
n’inspirez d’amour
n à qui ne vous redoute en premier II lieu, ne soyez
charitables que pour ceux capables de sentir la force de vos mains, n
84
ment.
Il On vous réclame II une assurance et nul n’exige l’embarras
des peines et des veilles qu’il ignore, nul ne vous sollicite d’avouer
ce qu’il ne doit entendre et nul n’a souci qu’on lui prouve ce que
lui-mêmene
n n balance point à recevoir
d’un général déclin, l’on crut à FAge d’Or et l’on se dépeignit une
façon d’Eden paré de couleurs mensongères, l’espèce avait donné
le meilleur
n de soi-même
n et l’univers touchait à sa ruine ; des siècles
ont passé depuis et nous vivons plus grands, plus forts et les mieuxn
85
LXXII. Naissance Or, du point mêmen n où nous nous situons,
de la conjoncture nous ne pouvons juger cinq lustres à l’avance,
l’histoire n’étant guère un simple H aligne-
ment
H des faits, mais
II chaque événement
n le résultat d’une moyenne
et chaque point un milieu n de recoupements
u dont l’origine suit
d’une rencontre parfois tellement n lointaine ou se dérive d’ un pays
si vague, et tout cela dans un arrangement si difficile à postuler,
que l’on ne prophétise pas, sauf à se perdre en l’ambigu, II s’enve
loppant de nuaisons. En l’univers tout est possible à tout mo
ment,
II encore qu’il soit des lois réputées générales ou le se: II
blant depuis que l’on observe. L’an mil II neuf cent cinquante
ne se rapporte nullement H à la prévision des gens de l’autre
siècle et ne ressemble guère aux pronostics de nos devins en
l’an de grâce milII neuf cent, il a de quoi surprendre l’haruspice
de la génération antérieure et, si les grandes lignes furent annon
cées par tel ou tel penseur, il s’agit d’un augure indéfini, des
titué d’usage et n’ayant pu s’accréditer, dont nous feignons de
sentir la justesse, à la condition de ne le pas fouiller, et nous y
mettons
n de la compl n aisance.
86
pur, non manifeste.
Il Il est loisible d’alléguer que l’univers présent
est une dilatation que le divin aurait fait naître pour se définir, il
est permis
n de supposer du même
n II coup le choix délibéré de la planète
où l’homme n se remue,
II élection voulue à dessein d’honorer les voies
et de glorifier une conduite apparemment iiiii inconcevable, mais
II nous
voyons où le projet nous mène n et sa témérité
n nous jette. Il est plus
raisonnable de suspendre un jugement n dont nous savons l’antinomie,
au moins en le domaine
n des sciences, de peur de mêlerH qui s’accorde
mal
n ensemble et se ruine mutuellement,
n II à faute de confins tranchants
et de limites
n absolues.
87
LXXV. Présence de l’histoire Entrer un jour dans l’histoire n’est
pas chose de peu, les obligations
viennent en foule, il faut répondre et se justifier. L’histoire est commeH
CONCLUSION
Hors notre vie ou notre mort, nous n’avons rien que nous puis
sions offrir et l’on n’éprouve notre assentiment n qu’en exigeant ou
l’une ou l’autre, et mainte
ri fois les deux. De l’univers ne monte
n que
le hurlement
n de l’homme et la rumeur de ses travaux, dans le silence
de ses œuvres et dans la solitude de ses morts. n Ne rien attendre et
néanmoins tout espérer, se résigner à l’ordinaire et tenter l’impos
sible, envisager le monde
n en ce qu’il a de plus affreux et croire à
l’éminence
n des vertus ou des préceptes, voilà qui fait les sages dignes
de ce nom. Je hais ceux qui flétrissent l’univers ou se contentent
de railler et j’aimeH qui, le supportant, mesurent
n la condition de
l’homme
uni à l’immolation
mu du Maître.
L’homme, tourbillon jailli du sein de l’Etre, à la semblance de
ses lois, n’est que l’achèvement en la prémisse, n à l’heure qu’il ne
tend à devenir sa fin dans le principe.
88
LIVRE TROISIÈME
89
II. L’homme infini De l’homme
iiiii que ne puis-je dire qu’on dé
mente
H ? De l’homme tout nous semble vrai
qui ne se justifie et néanmoins
n s’avère, et fabuleux qui se légitimant
Il
V. Démesure
n Point de mesure
ii de l’humain,
n si l’homme est libre
et qu’il dispose libre: n ent de sa tutelle. La dé: n esure
est aussi pleinement de l’homme que le reste et nous voyons les règnes
de l’iniquité fleurir et les victi: n .es : n ourir invengées. Les autres ont
pouvoir sur nous et nul ne les évite, eux qui nous dissimulent tout
le demeurant et montent jusqu’à Dieu nous dérober la Face.
90
VI. Réponse Au seuil de l’âme
n le déni s’arrête et le divin se mani
n
feste, au mépris
u1 de l’horreur et de ses épouvante-
ments,
II car l’âme
II est forte de souffrir et de ne consentir jamais, II
milite en la faveur de qui nous la refuse et la raison met bas les armes
n
91
XI. Consentement de l’homme Que le consentement
Il de l’homme
ne mn ’assure point de lui, s’il n’a
de centre où je le puisse pleinement n atteindre et que le reste est
jeu sur quoi rien ne se fonde et toutes choses se démentent. il Que
l’homme
lllll apparemment
lllll le plus soumis est de la garde la plus difficile
et qu’un empire n’est aucunement II de trop pour le réduire à ses di
mensions et les moins dommageables, qu’il faut encore le borner
au tréfonds de lui-même II II où la puissance de nos lois est incapable
de l’enceindre, et qu’il se juge libre, nonobstant, sans quoi notre
menace
H est vaine et notre assise tombe à rien. Le refus d’un seul
homme est susceptible quelquefois de mettre 11 à néant le consente
ment
II de tous. La mort de tous ne nous assure même H II pas de celui
qu’on voulait punir.
XIII. Légitimation
n de la douleur Nous consentons au pire et
l’endurons avec liesse, où notre
mal
n se justifie au nomn de ce qui nous dépasse. Il faut qu’à nos
tourments
n on donne l’emploi le plus relevé, qu’ils tirent aux der
nières conséquences, et qui détrompe l’homme n de ces vues, le fera
doublement mourir.
n Nous sommes
iiiii tels que le plus vil aspire à l’ex
cellence et nourrit le dessein de l’obtenir : les gouvernants auraient
grand tort de la lui refuser et de se confirmer
n dans un mépris
n stérile,
quand nous les servons à plaisir, pourvu qu’ils entrent dans nos
sentiments.
n Nous voulons être vus et remarqués, et nous ne haïssons
rien tant que ceux qui nous soulagent en nous déprisant. L’on ne se
concilie pas les hommes en les secourant, il faut de plus qu’on les
estime
n et le leur montre.
92
rebelles et mutins
u : en l’univers il n’est personne à qui l’humain
n
pour l’ombre
n d’une vanité, donnant la
préférence à ce qu’il imagine,
n et se console toujours mal
n de forfaire
à l’esprit. La marque
n de son éminence est qu’il ne suffit du réel pour
que l’homme en jouisse.
93
XIX. Autre ressort L’amour
II s’avère le ressort de l’âmeIl et sans
lequel nous nous portons à la révolte. Nul
homme,
HUI certes, n’est rebelle de naissance ou de dessein formé, II mais
II
les meilleurs
II en viennent à se mutiner
H quand ils estiment
II l’infortune
sans remède.
II L’acharnement
II des factieux est une amour
II qui se
retourne et se démontre qu’elle existe en revirant de bord. Les
maîtres
II de ce monde
II ont le devoir de susciter l’attachement,
II de le
solliciter, puis de n’en être pas indignes.
94
— L’on a bien découvert de tels enfants, mais Il rien ne les distingue
dès l’abord et leur conduite infirme II nos penseurs. Aux Indes, par
exemple. —
— Deux filles élevées chez les loups marchaient
II à quatre pattes,
fouillaient le sol avec la tête, lapaient ingénieusement il et déchiraient
la viande au heu de la saisir, se régalant parfois d’une charogne,
montraient
II les dents et dressaient les oreilles, voyaient de nuit,
hurlaient et gémissaient
H de façon inhumaine.
n Après des soins con
tinuels portant sur des années, l’on réforma n l’une des filles, la mort
de l’autre aidant. —
— La mort de l’autre aidant en raison du deuil suscité ! —
— Qui mit cette sauvage à la meilleure
II école ou celle des douleurs.
Il lui fallut cinq ans pour se tenir debout et plus de deux pour se
nourrir avec décence et sept ne furent pas de trop avant qu’elle
parlât tant bien que mal. II —
— L’exemple nous donne à penser et nous asserte que l’humain II
XXII. Universalisme
n L’esprit de France a la vertu louable d’être
généreux et d’œuvrer à l’achèvement H de
ce dont il présume,
II en faisant honte à ceux qui le déçoivent, ne leur
laissant d’autre ressource que de l’adopter ou de le feindre. Et quoi
de plus flatteur que de nous supposer une raison commune II et la
95
plus déliée de surcroît ? Le moyen
Il de se dérober à son avance ?
Que de barbares s’en affublent et qu’on lui voit d’imitateurs
II ! Or,
j’ai regret à l’avouer, un tel esprit n’est pas moins faux que les anta
gonistes : l’idée de l’humain
n varie d’âge en âge et quelquefois de
peuple à peuple, elle en essuie l’inconstance et c’est une erreur
manifeste,
n quoique belle au delà de toute étendue, de lui tracer
une limite
n: née d’événements
n et de climats
ri trop singuliers pour que
le monde s’y décèle. Dieu me n préserve de briser un tel miroir,
n mais
n
96
réserve dans le temps, une manière
n de repli dont nous faisons l’em il
ploi le moins
11 intelligible, ajournement
n au sein de la durée et point
d attache où nous venons à notre bienséance et fût-ce du plus loin,
le port où nous nous retrouvons à l’antipode de nous-mêmes.n u Déli
cieux retour et qu’il abonde en voluptés mortelles ! Chaque homme
et chaque nation possèdent un tel domaineII où l’on végète impuné
ment, un monde en marge
II du réel où l’on prévient qui nous offense,
un poids de souvenirs mort-nés et de querelles indécises, un vide
que l’on entretient et dans lequel on se déverserait pour n’être plus
ce qu’on assume.
II
XXVI. Débat < sur l’esprit Les traditions servent l’homme iiiii et ne
des traditions sont bonnes qu’à cela, mais
n nous ne
leur devons que ce qu’elles nous
rendent, nous leur portons un respect de cérémonieII et ne laissons
d’agir à notre bienséance, en disposant de tous leurs changements, II
et qu’il n’est faute plus griève que de se juger assuré, quand il n’est
certitude en l’univers, hormis d’être vaillant et de s’entendre à
bien mourir.
n —
— Les traditions valent par l’exemple,
n à charge que l’exemple
nous concerne ou qu’on y puisse rapporter l’événement n dont on
redoute les issues. Ailleurs elles sont l’embarras le plus fâcheux et
qui nous met
n dans le dernier accablement,
n si nous n’avons sujet de
les proscrire, une manière
n de fardeau sous quoi le peuple expire
volontiers, moitié d’entêtement,
n moitié de couardise. —
— La fin de nos traditions n’est-elle pas de nous en retrancher
l’amorce et de nous assoupir à la faveur de l’adhérence, de peur
qu’on n’aille les reprendre et du plus loin ? Tout rassemblé, que
nous enseignent-elles en définitive ? A n’entrer point dans le mystère,
n
7 97
à passer outre en ne laissant de leur en déléguer l’usage, à ne pré
tendre aucune chose d’elles ni de lui, nous référant à leur ajustement,
sous peine de quitter le parti dit de l’ordre, et de nous faire un point
de religion de les soutenir à force ouverte, au mépris n de l’erreur
ou de la démesure, n les recevant comme à l’aveugle. C’est le passé
II s en sommeil,
mi iiiii la belle au bois dormant, n mais
n l’on ne manque jamais n
98
lois ne viennent qu’en secondes, suivant des mœurs
il dont elles se
séparent, quand elles ne les fixent pas, de mode
II que les lois, filles
des mœurs, agissent sur leur cause originelle et peuvent même
il n se
substituer à la raison légitimante.
tombées, et la mémoire
n d’un réel fantasque et néanmoins plus fort
que l’évidence, et puis la voie et les démarches n inconnues de la
chair profonde. Les nations commencent d’être en partant d’une
fin qu’elles s’assignent et rangent à la source de leur cours.
XXIX. Mœurs pré Les lois sont l’œuvre de nos mœurs et nous
sidant aux lois savons qu’elles les suivent à la longue et
tellement qu’un change dans les mœurs
emporte la ruine des lois opposées, mais tout dépend du malléable
n
de leur faiblesse. Les vieilles lois sont les plus douces et malgré
h
99
rompre, mais
n la sévérité des mœurs,
II active et vigilante, exerce
parmi
n nous la domination la mieux
•f reçue, enveloppant tout l’hommeiiiii
XXXI. Soumission
n des lois Les mœurs agissent sur l’entende-
n ent qui les réforme et les préceptes
scellent d’amples
II acheminements
n n que l’on veut oublier au béné
fice du législateur et même
n n au détriment
H du peuple dont elles
procèdent.
XXXII. Lois présidant Les mœurs sont aussi l’œuvre de nos lois,
aux mœurs mais
il seulement à force de détours et
d’abord insensiblement
H et comme
Il 111 au tra
vers d’une persuasion dissimulée
II : il faut séduire avant que de con
traindre et les meilleures
II lois échouent, quand elles ne suscitent
divers préjugés qui les répandent et les consolident. On agit sur
les mœurs
II par le canal des mœurs et non le truchement II des lois,
lesquelles risquent de porter à faux ou de tomber à rien, quand elles
les négligent.
100
outrages ? Or, la puissance de nos lois les plus farouches t s’arrête
où nous lui faisons l’ouverture et leur emportement
n n languit où nous
prenons la mine de céder. —
— Il est des peuples doués pour la fraude et qui s’entendent à
marquer
II un agrément
II inépuisable à toutes les mesures, de mode
que nous échouons d’avance et n’avons prise sur le naturel qui se
dérobe sous l’allure, mais quelle loi vise à l’atteindre et quelle règle
pousse jusqu’aux fondements II ?—
— Il n’est pas recevable de tout publier et l’on n’a d’ailleurs
garde de s’en acquitter, de façon que l’on ment II de connivence où
l’adversaire le plus acharné se trouve mis de plein saut dans nos
intérêts et nous d’intelligence avec les siens ! L’on se doit, de puis
sance à puissance, quelques ménagements.
II L’on ne dit point ce que
l’on veut et l’on a bien raison, et quoi de plus universel que le silence
fait touchant nos inclinations et les moyens
II que l’on déploie ? Nul
philosophe ne l’aborde et ceux qui feignent d’en parler ont soin
d’outrer ce qu’ils nous laissent voir, de façon à nous donner le
vertige et de se dérober sous un échafaudage d’impostures. —
— En l’occurrence, on va trop loin ou ne s’ébranle qu’en pein
ture, mais l’on n’atteint jamais au vif. —
— D’où la puissance de nos mœurs que nulle loi n’entame n : il
y persiste un je ne sais quel ordre inavoué que les censeurs ne mar n
quent pas et dont on a mauvaise grâce à publier l’économie, un
monde étrange où l’on cultive les bons procédés et ne s’en glorifie
point, où l’on est prévenant à charge de n’en rien connaître et
prévenu dès le moment II qu’on n’y regarde pas, royaume plein
d’aveugles et de sourds qui passent leur chemin, ne s’incommodent
pas les uns les autres et se devinent en leur ombre mutuelle,
II tous
merveilleusement
II II d’accord. Qui se mettrait en peine de les démentir
II
persuadé ! De même
n n à l’égard des religions qui se ressentent dou
loureusement
u de l’âpreté mise
n au service d’une foi contraire : les
Espagnols l’illustrent à merveille
n et l’on peut dire qu’il n’est peuple
moins
II touché de l’esprit véritable de l’Eglise, qu’il défend toutefois
contre soi-même
n n et contre l’univers de la manière
II la plus véhémente.
II
101
Ils ont placé les mœurs sous le couvert des lois, ne pouvant s’en
défaire, et la Nouvelle est devenue un assemblage monstrueux
n armé
il
102
principe, où toutes ses leçons ne visent qu’à le prohiber. Quand
elle semble intransigeante, il faut se dire qu’elle ruse et que sa dureté
réside ailleurs ; lorsqu’elle plie, il nous importe de donner l’alarme Il
103
pêchements
il et rétablissant la concorde, mais
Il de pareilles lois main
n
tiennent plus qu’elles ne changent et nous consultent mêmen n au lieu
de statuer, bien qu’elles s’insinuent à la longue. Il est douteux que
l’on en veuille et le législateur n’en prise nullement
il la dépendance,
ayant le goût de l’absolu, goût déplorable et sur lequel on ne revient
que malgré
fl soi, nos habitudes nous liant à ses prestiges depuis trop
de siècles.
104
sument.
n Nous savons désormais n que nous péchons et, de mutins, n
plus de mesure
n que d’emportement,
n n plus d’ironie que d’austérité,
l’on saurait ménager
n le tempsn et notre vie et l’on se moquerait de
toutes les idoles, l’on aurait soin de faire peu d’enfants et jamais
au delà de nos ressources, l’on ne se piquerait de rien, moins de
paraître plus civil et plus léger que l’ordinaire et l’on mettrait n les
règles en bons mots.ri Mais nous nous situons ailleurs, par infortune,
et comme il n’est expédient de décharger la terre des légions
d’aveugles qui l’habitent, la raison n’est que fable et l’on doit biaiser
dans la poursuite des moyens, n l’on doit s’armer n et d’absolus et de
mensonges
n dilatoires, promettre
n et menacer,
n donner le branle et
contenir, jouer de nos ressources, multiplier n les ruses et la violence
et relever le tout, moyennant l’héroïsme des plus emportés n ou
moyennant l’exemple des martyrs. n —
— Heureux s’il reste des emplacements, ri des lieux de sûreté,
des îles où l’on vit selon les règles de l’urbanité, de ces refuges ado
rables où l’on plaisante, où l’on commente, iiiii où l’on se divertit sans
craindre les fâcheux, où l’on est homme ai enfin et le démontren !—
— Où l’on est homme ? Les mœurs n de l’Inde confèrent aux
rapports charnels un je ne sais quel air de sainte gravité, dont la
morale
n souffre étrangement. rr A vue de pays, l’on est émerveillén de tant
de latitude et l’on envie les Indiens de forniquer sous l’œil des dieux
et les préceptes à la bouche, et de goûter un plaisir non-pareil en
ne sortant de leur devoir et comme n à l’abri même
n n du soupçon. —
— L’heureux manège n et le loisir voluptueux à la douceur de
mon
n repos ! Et que ne suis-je adepte du Seigneur suavement n cruel
de qui les dieux ne purent mesurer n le membre ! Quel art et quelle
politesse et comme il fait bon vivre en ces climats n ! —
— Par infortune, la malice de l’espèce s’en est tellement n mêlée
n
105
de nation plus digne du mépris
Il de ceux qui la connaissent. Le lustre
des dilemmes et des antithèses ne nous procure pas toujours ce qu’on
dénomme un établissement
II honnête et la recherche est infamante
il
106
de ses mandements
n n varie à raison de sa contenance et du refus de
transiger. Pour elle toute spéculation est un moyen
Il de s’affermir,
II
107
qu’il dérange les préceptes à force de s’y dévouer en un désordre
ravissant. La rigueur le chatouille et les travaux n’abrègent guère
ses délices, il tire de ses maux
H le complément
n n de sa liesse, on le voit
prosterné devant ce qui le foule et cet esclave se délecte à se sentir
humilié
H plus que ses maîtres
II à le requérir.
XLVII. Embasement
n Et c’est pourquoi nulle morale péremptoire
de la morale ne se fonde où la morale ne se ferme n et
que les leçons les plus hautes ne valent rien,
si l’on néglige les maximes
u n ordinaires et prudentes. Qui dit morale
dit mesure
n et c’est la garde de l’enclos, non pas son élargissement
n ;
108
c’est une veille aux portes, loin du sublime Il et de l’abominable ;
une rigueur étudiée et des principes réfléchis, ayant pour fin la
conservation de l’ordre et pour ambition dernière l’harmonie. Elle
ne souffre pas qu’on mette
II les adages au pilon, elle redoute qui la
mine ou la terrasse, elle n’ignore aucunement n le danger de l’incerti
tude et le péril de la confusion, elle se voit à mi-chemin
n de qui l’ignore
ou la déteste, le sommet la dédaigne et les abîmes la vomissent,II il
lui faut s’établir en l’intermède, en un balancementII destitué d’éclat,
que vilipendent les élus et dont se raillent les perfides, se rejetant
sur l’amertume
n n et craignant la liesse, allant bâtir sur le soupçon
et s’abreuvant à mille
n dégoûts onéreux, appesantie et vengeresse,
incommodante et la plus sourdement II inassouvie, où ses morosités
la tiennent en éveil. ’
est naturellement
n inaccessible à son empire et dans le cas de l’ignorer.
Face à de telles gens, la religion la plus absolue échoue de nécessité,
mieux
II : elle cède à leur prestige et capitule d’obligation, heureuse
de les employer,
II mais
II' craignant tout de leur indifférence.
L. La fin des lois Les lois sont tutélaires de la vie et n’ont pas
d’autre usage, et les meilleures
n la protègent
ou l’augmentent ; les lois sont faites nommément
n pour ceux qu’elles
régissent, mais
II nul ne leur doit révérence à titre de leur qualité, les
lois étant plus serves que maîtresses : nous leur portons le respect
qu’elles nous témoignent et l’harmonie veut, qu’en notre mutuelII
109
échange, les droits balancent l’obligation et s’amortisse
H l’avantage
où toute redevance cesse. Je les appelle des moyennes et des tru
chements,
n leur fin n’étant que leur emploi,
ù jamais
n à l’opposite de
la nôtre, selon que nous la discernons d’emblée ou d’évidence. Le
but des lois consiste à nous sauver et d’elles et de nous.
LI. Lois invisibles Les lois ne constituent pas leur fin, mais
n la
défense d’une intention qui se propose d’y
viser. Nous sommes
n les sujets des lois qui nous rapprochent de ces
fins et n’oublions jamais
n quelles les servent, mais nous n’avons
plus à servir de loi félonne où l’amour de nos fins suprêmes nous
commande
ii de la violer et sans ambages ni remords.
LU. La bonne loi Nous savons qu’une loi trahit, quand elle cesse
de viser à l’absolu qu’elle renferme et dont
elle est servante, mais
n ne le discernons valablement
n qu’à charge
d’avoir le cœur dépouillé. La bonne loi paraît ensemble et sa limite
ii
et son issue ouverte : elle est tout ce qu’elle est, mais davantage,
et ne le serait plus à n’être qu’elle-meme.
ri
110
pas de nous énerver, de là l’absurde triomphant et la ruine au bout
des stratagèmes
II et des visions. C’est pour cela qu’il ne faut point
ruser, gagnant du temps au préjudice de tout l’avenir, c’est pour
cela qu’il nous importe de souffrir et de nous rebeller, dès le moment
n n
LIV. Le fondement
II Que l’homme est, sans déguisement, le mieux
de la créance persuadé qui pense trouver en soi-même II une
démarche
II qu’on lui souffle d’industrie. Que
l’art est de se lever un complice involontaire et de ne point se mettre
n
LV. Triomphe par l’absurde Les bonnes lois sont d’ordinaire les
plus faibles, à cause qu’il suffit d’un
rien pour les corrompre et que tout semble conspirer en permanence
n
111
dons la publier pour tous les âges, nous le disons et proclamons à
son de trompe,
Il légiférant en vue de l’éternité, car il n’en faut pas
moins
II si nous voulons convaincre et plus n’y ferait point de mal. II
Si l’on se permettait
n de révoquer les moindres
n mots
n en doute et de
laisser entendre que les lois se changent, nul ne les priserait et
chacun s’en irait les tordre, les plus stupides sortiraient de leur devoir
pour entrer dans leurs intérêts et les meilleursri se lasseraient de
se contraindre sur l’article. Les belles vérités, les vérités augustes,
il me
n paraît indispensable de les mettre
n en un lieu sûr, où nul ne les
viendra corrompre,
n en un lieu hors de la portée et du grand nombre
et des malicieux habiles. Les* belles vérités sont au-dessus des lois
et l’appareil des lois ne sert qu’à les défendre, les tâches de la loi
ne sont que des moyens,
n des moyens
ri infidèles qu’on impose
ri avant
de les suspendre ou de les altérer, la loi n’est une fin qu’aux yeux
des multitudes
n apeurées. Les belles vérités demeurent
n à jamais
u
LVIII. Prémisses
n Quand l’homme
iiiii noble cherche le principe, il
est de fait que l’homme
ni n vil entend qui le lui
représente et lorsque le premier
n l’abdique en faveur d’une loi plus
haute, le second l’admet sans partage et trahit volontiers les lois
divines. Le philosophe se contente des idées, le peuple exige des
figures ; l’un veut une logique et l’autre se régale de merveilles
n ;
le Dieu du philosophe est l’objet d’une spéculation qui Le rend
improbable et nécessaire, le Dieu du pauvre une personne que L’on
touche au doigt et qu’on ne rougit guère d’affecter des mouvements
n
112
del’âme la plus serve. Un homme Il habile est le soutien de l’ordre
qu’il méprise et que le simple jette bas dès le momentII qu’il cesse
de trembler; l’un se dédouble en demeurant uni, quand l’autre se
possède à charge de s’abandonner, et le premier
II se gagne à devenir
tout ce qu’il est, où le second s’amende
II à ne se remuer
II que par
ressorts.
l’on se rejette pour le temps II voulu sur le péril. Que nous importe n
8 113
LX. Des récompenses La tâche des réformateurs
il n’est pas de
et des peines transformer
II l’ensemble de l’espèce et nul
n’est dans le cas de rendre l’homme n
meilleur
n qu’il ne l’est, mais de le tenir en haleine et faire empêche
n
ment
n à sa malice.
II Mieux vaut qui tremble de pécher et vit en l’or
gueil de ses bonnes voies que l’homicide que le repentir assaille et
dont la pénitence n’avantage que soi-même n n et ne répare ni le tort,
ni le dommage.
IIIII Nous préférons, dans la pratique, un honnête homme
plein de ses vertus, mais II qui ne nous égorge pas, au meurtrier
II le
plus touchant et quelque prude solennelle à la plus tendre fille que
son âmeII charitable ne présetve de la dissolution. Notre morale
d’ici-bas est négative et ne nous juge qu’à raison de la semblance,
et la semblance seule nous importe, à cause que le demeurant II est
une vue de l’esprit, mais il non le moyen le plus efficace de tutelle.
114
— Mais pardonnez à ceux que le pardon a la vertu d’anéantir
en leur malice
H et qui se puniront eux-mêmes H sans miséricorde.
H Les
autres, livrez-les à leurs bourreaux, afin que le supplice les rédime n
jamais
u plus destitués qu’en donnant notre voix à la manœuvre. II —
— Il est une sévérité barbare, il est des latitudes criminelles. II —
— L’on ne se concilie pas les hommes en leur pardonnant et les
meilleurs
II préfèrent mainte h fois qu’on les châtie, en leur montrant
qu’on les estime. n Que suis-je pour que l’on me II. fasse grâce à vue de
pays ? Ce pardon prouve assez que je ne suis pas même Il en cause
et qu’on m’ignore en me H voulant innocenter. —
115
de nous ravir d’aise, que représentent-ils pour l’ordinaire et qu’éta
blissent-ils en nous, si ce n’est gourmandise
n ? L’on en viendrait à
pécher d’industrie, à seule fin de se retourmenter
n et de sentir que
l’on se foule, puis nous savons des âmes délicates qui raffinent à
miracle
II sur les mêmes
n n apparences, dont la fureur n’est jamais H as
souvie et qui s’acharnent amoureusement
II il contre une vision toujours
plus déliée. J’aime
fl une loi sévère et des natures franches, de la sou
mission
H grondeuse et de la loyauté lucide, des hommes
lllll qui résistent
ou s’emploient et ne balancent pas à relever la tête, et je me H ris
des peuples enfantins que l’on absout ou qu’on menace,
II qui vivent
sans peser leurs gouvernants, qui ne se jugent pas eux-mêmes, u n qui
se débrident, s’abandonnent et se prostituent, quitte à se repentir
avec des geignements.
II
LXVII. Les lois essentielles Les lois de l’univers sont les plus
rudes que l’entendement
II se puisse
figurer et celles que nous promulguons n’y sauraient que malai
II
sèment
II atteindre. En se moulant sur la nature seule, il n’est pas
116
démontré
n que Pon y gagne et Pâme n la plus endurcie a fort à faire
pour lui rendre ses leçons : un méchant
n se fatigue où la nature ne
dételle point, il n’est de monstre qui ne se démente II où l’univers
demeure
II en l’établissement
H d’un calme
n souverain. Hors nous, la
vie est à jamais
II abominable, à moinsn qu’on ne la dissimule
n sous
des fictions et qu’on ne l’adultère à force d’embellissements
It n ; la terre
est un charnier, la mer
II abîme de massacres,
II Pair une tuerie et l’au-
delà plus meurtrier
II que tout le reste. Il n’est d’emplacement
n n où
Pon ne se dévore et si Pon trouve quelques beux plaisants, nous le
devons à l’homme.
LXVIII. Horreur du
I monde En l’univers, tout est possible à
tout moment et toute chose à nous
permise.
II Voilà les deux abîmes en présence et l’un nous enveloppe,
alors que l’autre bée horriblement
H au tréfonds de nous-: II êmes. L’on
ne surmonte point le tout-possible en se servant du tout-permis II
117
LXX. De l’ordre Que l’ordre de raison n’est qu’une résultante
et n’a de fondement
II ailleurs qu’en l’homme,
IIIII
et non pas abdication, sous peine d’altérer ce qu’il aborde. Qui traite
l’homme en suivant l’apparence est un fléau de l’homme IIIII et qui
l’oublie sa victime
II ou l’objet de sa raillerie. La tâche des bons gou
vernants n’est-elle pas de nous persuader de notre dignité ?
portent sur les normes les plus relevées, lesquelles pour se maintenir
n
et d’imposture
n et de scélératesses, de mode
H que les lois de précellence
entraîneront les pires désaveux, quand elles s’établissent à défaut.
118
LXXIV. Symboles invoqués Ceux qui s’attachent I à ce qu’ils dé
nomment
II l’ordre et qu’ils ne souf
friraient, s’il leur était contraire, ne se réclamentir point de ceux qui
leur ressemblent et prônent généralement n des libertaires ou des
révoltés. Dans le principe, tous les fondements n reposent sur qui ne
les reconnaissent et l’on aurait mauvaise
II grâce à partir de tenants
peu susceptibles de nous enivrer. Il suit que nombre de chrétiens
reprochent gravement II aux Juifs du premier
II siècle ce qu’on ne cesse
de leur imputer depuis une dizaine au moins, qu’ils les reprennent
d’avoir condamné ce qu’ils repousseraient eux-mêmes n n de plein saut
et d’avoir préféré ce qu’ils défendent chaque jour et mettent n par
dessus le reste.
119
malheurs
n accablants nous sembleront
n le fruit d’une conduite mesurée
n
est l’harmonie
il et l’ordre vaut s’il nous y mène, n il en paraît l’amorce
et quelquefois le truchement,
n mais
n il y met
n obstacle et dès le moment
qu’il s’en autorise pour nous asservir, lui, notre serviteur. L’ordre
est l’ajustement
n de rigueur prévenante et le moins dommageable
à ce qu’il évalue, où l’harmonie est une plénitude accommodée iiiii à ses
divers empires
n ; quand l’ordre assigne des limites, n elle en épouse
qu’elle modifie, elle improvise savamment de reculade en avancée :
l’ordre est beauté, maisil' elle est grâce ; il est fragile et dur, elle est
plus vulnérable et plus tenace. Mes frères, estimez H chaque ordre et
ne pliez que devant l’harmonie ! En l’ordre, l’homme se roidit et
les faux mouvementsn1 le brisent, il doit sans cesse revenir sur ce
qu’il envisage, un manquement
ri n suffit
ii à le trahir et, peur de la ruine,
il lui faut s’exempter des charmes n et des choix, combler sa latitude
et se réduire à n’être que sa veille au long de son rempart ; en
l’harmonie
ri où les débats se taisent, il s’improvise
II maître
n du possible
et joue de l’élection, multipliant
H les saillies et les prises et dénombrant
H
120
LXXX. Chine et Nippon Le Nippon semble
•I à l’ordre ce qu’est
la Chine à l’harmonie et nul n’ignore
qu’il est plus facile d’en venir à l’un que d’édifier l’autre, et qu’elle
se dissipe en moins
II de rien où l’ordre se restaure sans relâche.
LXXXII. Prémices
ii de révolte Le bien cesse de l’être et dès le
moment
ii qu’il ne signifie ou n’a
rapport à ce qu’il met
if en œuvre. Il vient un jour que les meilleurs
n
121
tous les moyens
Il à la fois ; et leurs rivaux n’ont d’autre alternative
que la mort physique ou la ruine et l’avilissement,
u sauf à se bien
dissimuler
II en attendant leur heure, prêts à mourir
n et consentant
à vivre.
122
il nous importe davantage d’en avoir le sentiment Il que la prérogative,
où le bonheur suit de la persuasion et tient plus de la rêverie que
de l’évidence. C’est un chapitre que les gouvernants oublient quand
ils aiment
II leurs sujets. —
— Et dont abusent les despotes. —
— Puis les réformes II les plus généreuses tombent à néant, lors
qu’on n’a pris le soin de se concilier les âmes. n —
— Si l’homme ni n ne vit pas uniquement n de pain et qu’il demande n
un aliment
u qui ne se trouve guère à sa portée, il reste, néanmoins, n
plus que l’existence. Oui, tout perd la saveur dès le moment n n qu’elle
nous manque
n ! La charité ne sied qu’aux âmes saintes, les âmes n
et sans nous offenser, où trop souvent elle est une manière n de scan
dale, une émulation
n de zèle mercenaire,
n un abrégé de nobles atti
tudes, l’école enfin de la posture et des grimaces, ii par quoi l’indigne
123
donateur se tient l’associé de N. S. même il n et l’instrument
H de la divine
providence, alors qu’il n’est que l’augment de fatalité dont les
victimesn souffrent, joignant la honte à l’indigence et la multipliant H
124
•> ■ . ’y ? y ( '
125
végète doucement H et se différencie à peine de la foule besogneuse
est si loin d’elle et tellement
II plus haut qu’il semble résider en d’autres
univers, car il renferme tout ce qu’il peut devenir et dont elle est
à ja: «i ais démunie.
n
Les grands spirituels ne manquent n d’y jouer le rôle qui les rend si
chers à qui n’ont de motif de les priser et se remparent manifestementn n
de leur démarche
«i : ils forment
ii la défense et valent plus que lois et
que murailles,
n tenant des riches et des pauvres, et rassurant et l’opu
lence et consolant et la misère.
n En vérité, la pauvreté que l’on épouse
d’industrie et pare des richesses de l’entendement h est la profusion
la plus habilementn couverte, à quoi peu d’hommes 11*11 seront appelés,
vu qu’elle violente la nature. Il est donc faux d’y rapporter l’état
des misérables
n démunis
ii de vertus nécessaires, lesquels n’éprouvent
qu’épouvante au sein de leur abaissement n et ne savourent que les
joies de leur corps. La tâche des spirituels n’est pas de s’allier à
tel ou bien tel ordre, mais n de se tenir en dehors, de laisser là les
pauvres et les riches, de n’aller qu’aux mourants et de ne soulager
que les plus abattus, de se cacher de préférence à tous et, fuyant les
abouchements
II d’où qu’ils leur viennent, de rentrer et dans l’ombre
et le désert.
126
auront l’avantage ou les industrieux et les habiles, mais non les
généreux, les nobles et les délicats. Il est des vertus susceptibles
de nous faire parvenir et de hausser le moindre
Il aux charges les
plus éminentes,
n encore que la possibilité de les atteindre ne nous
réponde nullement
ii du moyen
n de les soutenir, et puis il est des pen
chants adorables qui se manifestent
n aux lumières
il et se perdent sans
ressource en une condition ravalée.
des vœux pour que les uns désertent un emplacement il qui les grandit
plus qu’ils ne le relèvent et que les autres puissent accéder aux
échelons dont l’infortune les divise, maisil il ne voudra point qu’on
mette
H tous les hommes de niveau, sous l’ombre d’une charité facile.
XCI. Le péché dit originel Le péché dit originel est une habile
invention et, mieux
n encore, un lénitif
à nos alertes, qui nous ménage n des facilités et met
n empêchement
à la révolte, ayant le don et d’apaiser les raisonneurs et de calmer n
127
un acte de révolte, on entreprend sur Dieu, l’on vise à prévenir
les traits dont il nous frappe : il est impie n d’endiguer ce fleuve, de
se soustraire à ses débordements, •I ministres
if des fureurs divines,
mais
H il est criminel
II de détourner son cours et d’altérer les marques
de la providence. La guérison des maladies II naissant du commerce II
amoureux
II entrave l’œuvre salutaire et rend les hommes II dissolus,
il vaudrait mieux n aggraver les chagrins et multiplier les frayeurs.
La transformation n du monde est l’œuvre de mutins II que Dieu ne
saurait épargner le jour de Sa vengeance ! Je vous traduis, n’est-il
pas vrai ? —
— Vous vous moquez, je pense. Et, toutefois, si l’on est convaincu
de sa perversité, l’on ne réclame II qu’un allégement, mais II plus on se
dit juste et plus on enchérit sur la demande, il on multiplie
II les pré
tentions et naturellement H les voies, on s’arme II de rigueur, on se
mutine
II et l’ordre menacé
II n’a plus qu’à se roidir ou céder à l’orage.
Il n’est donc pas si mal II de l’invoquer, en dépit de l’absurde, ce péché
qu’on dénomme originel, et hors la transmigration de l’âme, II laquelle
est la solution par excellence et le modèle II des préservatifs, l’on ne
distingue pas de moyens II en état de l’égaler, ce péché les déprime II
128
— La révolution doit ne jamais
Il cesser, une fois mise en branle.
Et le moyen
H qu’on y résiste ? —
— Et je meII le demande
il aussi. Nous donnerons toujours dans
l’ordre, ne fût-ce que par lassitude, et l’ordre a ses victimes.
il —
9 129
il sert d’outil à qui dispose de ses membres Il et mort, il convient de
le remplacer
II ou de sentir qu’il fut ou qu’il nous manque. II Sa dignité
n’est qu’au passé. L’esclave ne commence IIIII d’être qu’en cessant de
l’avoir été. —
— La liberté de l’homme est une affaire de moyens et l’homme
a beau vouloir ce qu’il ne peut, en vertu de ces préséances qu’il
affecte, il n’en demeure II pas moins sujet d’instruments ii dont il dispose
où les possibles le régentent. L’esprit se manifeste n au travers des
outils accumulés,
II il en reçoit même n l’empreinte et l’œuvre agit sur
l’artisan par une convenance mutuelle n et le retour le plus fécond,
où l’attirail prend une vie imaginaire n et dicte les lois imprévues
dont il exauce les requêtes. L’histoire de l’humain H se ressent géné
ralement
If des moyens mis II en évidence et l’on n’ignore plus que les
idées en dépendent d’ordinaire et les traduisent mainte II fois. —
— L’attachement II des hommes
IIIII à la vie est le principe de leur
servitude et nul n’est libre qui ne veut mourir. L’esclave paye sa
faiblesse et ne mériteII que les fers, si tant est qu’il ne s’y dérobe.
Malheur à qui savoure l’existence et la préfère à ce qu’elle est,
malheur
n: à qui s’en est rendu complice et multiplie II en l’avilissement,
II
malheur
if à qui ne se refuse pas et se prodigue ignoblement, qui s’en
remet
il aux seules nuits du soin de l’arracher à son entrave, quand
toutes les menaces
H de ce monde s’arrêtent sur le seuil de notre
mort ! —
— Qui tout possède éprouve moins II d’injure à tout abandonner
que l’homme II qui n’a rien, hors l’existence, et qui marchande If sa
limite
II ou s’y retranche en l’amertumeII et la fureur. -
130
vaincus, mais
Il sur leur infamie
II et de l’entretenir d’office et dans la
vue de se croire avantagé ? Quel ordre de noblesse est-ce donc là ?
Que vaut ce qui subsiste à travers l’avilissement II de nos égaux et
de nos pairs ? L’on est en droit de se juger meilleur
II que ses pareils,
quand on les passe sans les mutiler
II et les devance en leur donnant
moyen de se mouvoir.
131
rien, de peur de se démettre
Il : il faut jouer, mentir,
n escobarder et
braver l’évidence, il faut boucher l’issue et fermer n les accès, faire
une bagatelle d’un dilemme
IIIII et tenir les lumières
n en échec, appesantir
les uns et dépraver les autres, donner le ridicule à ceux que l’on
n’achète point et rendre criminelsII ceux qui languissent hors de
prise... en un mot, se fonder sur la ruine générale et tellement qu’elle
se parachève où nous ne retenons et n’épaulons ce que nous mîmes II
132
CIII. Vœu des tyrans On aimerait
il tant fixer l’homme H et le borrne
en l’absolu, tant l’ajuster à nos raisons,
tant le mouler sur nos prétextes, l’on aimeraitn tant à le faire simple
qu’il n’en subsisterait que l’être le plus démuni,n le plus risible et le
plus chimérique, une figure ne se remuant n que par ressorts, voire
un objet que l’on manie
II et qu’on mutile, dont nous nous établissons
juges souverains. Voilà bien l’idéal de nos despotes, mais II il ne suffit
pas qu’on leur témoigne l’adoration la plus rampante, il faut encore
qu’on simule
il un choix, un libre choix qu’ils nous imposent, il faut
qu’on les rassure en feignant de les approuver : ils nous demandent n
nous aux regards d’un tel maître n que notre obéissance contrarie
en le privant du moyen de nous accabler ? Que sait-il de nous tous
et de nos solitudes menaçantes
il ?
de ce monde
n ont subi la tutelle de ces yeux et goûté le plaisir d’une
faiblesse délicieusement
u cachée et d’autant plus morbide,
n ils se dis
pensent l’agrément
n de trembler devant ce qu’ils peuvent abolir d’un
geste et d’implorer secours à qui leur doit la force dont ils le revêtent.
133
CVI. Dernier prestige L’armée
n la plus déconfite n’est jamais
H tel
lement
n diminuée
n qu’elle ne puisse tenir
sous le joug le pays qu’elle a si mal
n défendu, manière
H de se venger
de sa honte et de se rendre formidable
h: à qui la jugerait.
134
n’en réussit pas moinsfl à tenir la balance au jour le jour et d’âge
en âge, engourdissant l’impatience
II et prévenant le trouble, ayant
un grand dessein dont il ne sonne mot et de petits expédients qu’il
nous étale, et toujours soucieux d’économie. Les règnes éclatants pro
cèdent de ces législations habiles, ils ne se peuvent passer d’elles,
mais
II ils ne servent qu’à les épuiser, dilapidant ce qu’elles ménagèrent
et, néanmoins, la foule les appelle de ses vœux. Le bon gouvernement II
de la mêlée,
II le pire a des fidèles à foison et davantage qu’on ne pense.
L’état ne s’échafaude point aux lieux de son économie, il ne suit
guère de l’emplacement,
n les éléments
II dont il relève se massent II aux
extrémités
n et l’on ne peut juger de ce qu’il est, si l’on s’en tient à ce
qu’il manifeste,
u le plus rigide et le mieuxH affermi II ne laissant d’être
une façon de compromis instable, où le plus lâche a néanmoins des
restes de tutelle. On dirait qu’il balance à mi-chemin ii n du Tout et de
l’Ensemble et se rapproche de l’excès de domination ou de l’abus
de complaisance, mais II qu’il y tend plus qu’il n’y donne et se doit
raviser, sous peine de sa chute. Nous le nommons mu un Tout, quand
il ne veut lien ménager
If et qu’il affecte du mépris à l’égard de nos
jugements,
II se croyant issu de lui-même n et dieu parmi II les hommes, II
135
l’Ensemble
à en ceux qui le gouvernent, moment
H de privilège et de
concorde à l’unisson, fait d’un abouchement
II de libres volontés que
détermine
ir un même
n H branle. Or, l’harmonie est infailliblement
n
et la manière. Il est des jours où l’on peut châtier tous les rebelles
sans discernement,
II et d’autres où pour mieux
II les perdre il suffit
II
136
CXV. Révolte Mais la révolte est proche où le grand nombre Il
il est trop certain qu’alors nul n’en voudrait. Ainsi la dignité nous
ferait-elle dépérir et nous la bannissons, de peur qu’elle ne nous
dévore sous le prétexte de nous conserver. —
— Oui, l’homme rit n vit dans une aveugle dépendance et ne démêle ri
que la semence.
n Par elle l’homme se fera chaînon, perdant ses
royautés mortelles. —
137
CXVII. Louange de l’absurde Les hommes
IIIII souffrent davantage
pour l’absurde et meurent
H avec
plus de grâce au nom d’une chimère II issue de leur spéculation que
pour défendre la meilleure
II cause raisonnable, et les plus simples
même
II II ont de l’attachement à ce qui les remue II assouvissant leur
gourmandise,
II quand les plus délicats invoquent l’ineffable et s’en
repaissent. L’absurde qui nous fait périr a le pouvoir singulier de
nous aider à vivre et l’existence semble en interdit, quand l’homme II
médiat
n et l’absurde, ils n’envisagent que l’utile et l’absolu, jamais n
138
CXX. De l’homme vil Que l’homme in vil réclame
ii des raisons pa
tentes et des formules
H absolues, car il est
ainsi fait qu’il se dérobe naturellement par divers chemins
n de traverse
et qu’il emprunte
ii les issues que l’on néglige de sceller. Nous sommes
n
qu’il est besoin de recevoir. Sitôt qu’une doctrine est inspirée, elle
ne souffre de rivale et ne saurait l’admettre à ses côtés, parce qu’elle
envisage l’absolu, que l’absolu se trouverait détruit s’il existait deux
voies, que l’absolu paraît enfin l’unique fondement n de nos pré
ceptes. —
— Je tiens la tolérance indispensable, à charge qu’on en parle
le plus doucement, it peur de scandale aux yeux des faibles. Il est
expédient qu’on ne s’en vante pas et lui ménage ti des faveurs secrètes,
mais
H qu’on se garde de la mêler II à nos vœux inavouables, car le plus
sûr moyen de ruiner la tolérance est de s’en prévaloir, dans le dessein
de subvertir une morale nous mettant II à la gêne. Je nomme tolérance
une manière
II d’agrément
II que l’âme donne volontiers aux divers
modes d’accéder à l’éminence et non à l’art de les confondre et de
se passer d’elle. Elle est une franchise dans le bien et nullement II un
droit hors de ce qu’elle affecte, où les émules II la remparent
II et les
complices
II la diffament. —
— La tolérance n’est pas recevable de tous ceux qu’elle désarme II
et dont elle abat les ferveurs, gens faibles et tenus de parler d’une
voix ou de se dépraver en tombant II d’une pièce. Les justes le déplorent
mais le moyen de prôner une loi sévère, où d’autres la paraissent
démentir,
II et d’incliner un peuple aux vertus les moins naturelles,
quand il est des systèmes II plus accommodants ? Et ne devons-nous
pas marquer la préférence aux théories que nos penchants désavouent
et qui méritent
ii de puissants secours ? A mettre II de niveau ce qui
demande
n tout à l’hommeIIIII et ce qui le résigne à l’ordinaire, il est de
fait que nous le fournissons d’un trop d’excuses prévenantes. —
— Ce qui demande II tout à l’homme IIIII ! En l’âme
II basse, l’absolu
n’entraîne que le fanatisme II et les rigueurs les plus démesurées II :
où l’on demandeII tout à l’homme et bâtit sur les passions, l’on serait
mal
II venu d’en improuver
If les suites. Qui nous déchaîne de la sorte
ou rend la fureur désirable ou seulement II possible, a tort d’incriminer
II
139
la foule des humains,
n laquelle ne se meutn qu’en bondissant ou rentre
en le repos de l’immobile.
iiTn —
— Or, l’homme n s’affermit
n en son débordement n et perd l’assiette
aux mêmes
ii n lieux qu’il s’enracine. L’homme, iiiii à mesn yeux, ne peut
se définir en partant de soi-même H et l’absolu n’est pas de trop pour
le sauver en son humanité, n car l’être vil ne se régit que moyennantn
CXXII. Cas de
i l’Espagne Que l’Espagnol ne fait rien à demi, n
A. De ce fameux
n Oui, chaque nation se prévaut d’un je ne
« Je ne sais quoi » sais quoi, lequel est proprement11 sa quin
tessence et dont elle fait plus état que de ses
vertus les plus manifestes.
II Il se peut même
n n qu’on l’ignore à force
de le trouver en tout lieu, mais
II on ne tarde pas à le sentir, quand
l’un ou l’autre le met
II en son jour avec une éloquence inimitable.
H —
— Tel peuple, ne se pouvant définir, attend le choix propre à
la mieux
II fixer dans l’ordre des linéaments
II dont il s’avoue et qu’il
140
Z Z '
recherche sans les établir. Qu’un homme IIIII se produise et les lui trace,
il les adopte et s’y confirme H et, quand ils roulent sur l’inavoué,
la convenance est infaillible. —
— Il se dissimulait
II en nous, cet air si dangereusement II subtil
et le voilà dehors, le voilà libre et nous après. Lorsqu’il flottait
au sein du vague, il nous soufflait des motions irrésistibles, mais II'
B. Des pays
» et des peuples Nous parlons de la France ou de
l’Espagne, non de la nation qui les
habite, mais
n nous disons les Allemands
n et volontiers le peuple turc.
La France est le pays où vivent les Français ou ceux qui le deviennent
141
à la longue et c’est au peuple d’Allemagne H à faire son état, lequel
n’est rien s’il n’en prend conscience. L’Espagne se situe en l’inter
valle, elle est comme une France à jamais II désunie, amas
II de nations
pareilles à la germanique
II et dont plusieurs ne se conviennent pas,
rêvant d’une absolue autonomie II et dans le sein de l’homogène en
état de la garantir. Et l’on a dit longtemps le peuple turc, à cause
qu’il était le dernier venu d’entre tous, le pays lui devant son nom
après en avoir connu d’autres. —
— Les peuples d’hommes II tirent le meilleur
II d’eux-mêmes,
n ii se
confessant et s’éprouvant ; les ^peuples enfantins demandent n qu’on
les sauve et clament
II une providence à part ; les nations efféminées n
142
— Ils qualifient de chimère il ce qui ne porte l’homme lllll aux biens
sensibles, la fougue les étonne, encore qu’ils la feignent à miracle, II
mais
II leur saillie est de surface et ne remue guère les abîmes. il —
— Ils ne haïssent point la vie et goûtent plaisamment ce qu’elle
leur dispense, ils se défient des sublimités II et tâchent en premier II
l’œil majestueux
n où leurs mirages
n se remparent,
II un vague solennel
et creux où l’on entasse les formules, n échafaudage rutilant à la merci H
et nous séduit, de mode qu’on les tient spirituelles, mais n qu’on les
pousse et les voilà de suite à bout de voie, le pied leur manque u et
la stupeur en a raison et la décontenance : elles excellent aux débats,
mais
n subalternes, elles consomment tout leur âge dans cet exer
cice, où des adages éprouvés en règlent les saillies, et ne leur
demandez
il pas de besogne de concision, ni de payer tribut à la
recherche ! —
— Ils ne s’imposent de tels soins, en hommes il sacrifiant au pro-
143
bable et s’y mouvant à l’aise, ou s’ils se rendent attentifs, ce n’est
que pour se jouer aux surfaces, dont ils composent Il les rapports de
main
II de maître,
II habiles à nouer les mots, à faire le discernement n
144
épris de jouissance et de néant, et savourant l’une dans l’autre. —
— Ayant la démesure
Il en vénération et taxant la prudence ou
de lésine ou de poltronnerie, ivres à leur manière II et souhaitant de
l’être au moment II de se recueillir. —
— Ils aiment la nature et ne haïssent point la solitude, à cause
qu’ils la peuplent de muettes
H frénésies, le rêve les devance et leur
querelle ne s’apaise, ils l’entretiennent à dessein et la raniment n
sans relâche. La peur qui les talonne, ils la font ressentir aux
autres. —
— Quand ils allumentn tant d’embrasements,
II II ce n’est qu’afin
de rompre les étaux de leur démence II et ces bourreaux calculateurs
ne savent pas mourir, j’entends mourir ir en honnête homme, iiiii sans
larnles,
ii mais
n sans phrases,^d’une manière
n ferme H et douce, avec un
abandon plein de mesure n et plein de calme II majesté.
II Ils vous de
mandent
rt' des trompettes
n et des chœurs, ils veulent se donner la tra
gédie et défier le monde,
n ils mettent de l’emphasen où le bon goût
exige de la résignation, ils se démembrent
n pour nous étonner et nous
amènent
n à sourire. Ce sont là fauves enfantins qu’il nous importe
de flatter, les rassurant, pour qu’ils ne cherchent à se rassurer à
nos dépens. —
— Les peuples du Septentrion ont la ressource de changer, le
devenir est leur partage et c’est pourquoi nos jugements n sont pro
visoires. Où les Latins ont abouti, prenant la forme n et perdant le
possible et liés à la forme n au point de mourir
n avec elle ou de tomber
à rien, les peuples du Septentrion essuient l’aventure et, parce qu’ils
ont mis n le fondement
n en gage et librement choisi l’incertitude, ils
peuvent espérer loyer à leurs travaux et le plus magnifique, pour
n’avoir pas une âme n habituée. —
10 145
— Les Moscovites rêvent et leurs dirigeants raisonnent ; les
Allemands n raisonnent, quand leurs maîtres Il extravaguent. Si les
premiers n donnent la préférence aux têtes les plus froides en matière II
impunément
n n de rien. —
— Et c’est pourquoi Dieu lui pardonnera toujours. —
— La religion des douleurs est une bonne chose, les peuples qui
s’en font un point se laissent remuer n et nous surprennent mainte
fois par des élans que l’on ne trouverait ailleurs, des grâces préve-
146
nantes et des manières
ri délicates, et l’on ne saurait quelle retenue
au milieu
Il de ces mouvements,
n n quelle justesse en dépit de ces aban
dons et quelle habileté, malgré l’ardeur qui les emporte, un air de
politesse et d’élégance où l’on n’attend qu’une chaleur désordonnée.
Cela se voit dans tout le Midi de l’Europe. —
— L’Europe aime II la vie, elle s’afflige outre mesure
II de la perdre
et la soutient avec une fureur désespérée, la résignant avec une amer ii
tume
II nonpareille. Qui la remplacera demain II ? Qui jugera comme
iiiii
elle, lucidement,
n i les yeux ouverts, sur le penchant de la ruine ? —
— Personne, il n’est personne. —
147
CXXV. Embûches . Point de police véritable où nous ne séparons
du spirituel le Temporel d’avec le reste. Il n’est péril si
redoutable que le mélange
Il impur et la doc
trine ne s’ajuste guère aux lois. Les lois ne visent qu’à nous pré
server et nous punissent d’avoir mal n agi, quand la doctrine nous
excuse trop souvent sur les intentions et nous délie, à raison d’une
repentance. Les peuples uniment n religieux commettent des forfaits
étranges et de bonne foi, car les penchants inavouables leur demeu
rent, dépravant règles et modèles. Où l’on se juge en paix avec le
ciel et vit en l’assurance des faveurs divines, les pires dissolutions
ne manquent de lever la tête et les régimes n dont les clercs font jouer
les ressorts emportent un augment n d’abus et de mensonges.
n Qui
se réclame des lois invisibles prend de singulières libertés avec les
nôtres, il sape et mine l’édifice par le haut, il nous demande n de
surseoir à nos affaires, laissant agir le tribunal céleste. Voilà de fortes
garanties et de suprêmes n assurances.
148
plier aux lois de l’évidence, où dans un monde
H qu’il juge illusoire,
sa déchéance ne l’est point et sa misère
n inégalable. Que si la foi peut
être l’ennemie
H de l’espèce, l’Inde le montre
n au souverain degré.
149
qu’ils méritent
H qu’on les foule, ceux qui se laissent abuser et se con
solent moyennant sophismes II ou chimèresII ! Qu’ils le méritent et
qu’on les écrase bien, pendant qu’ils prient pour leurs maîtres II jugés
assez malheureux
n par ces victimes
II délirantes ! Mais l’ordre a besoin
de semblables
n: fous et cherche à les multiplier
II : ils nous épargnent
des soins incroyables. Il n’est de meilleure
II alliance que celle des
spirituels aveugles, que les despotes ne l’oublient point et qu’ils
nous passent incartades et phébus ! Les mots obscurs et les sentences
ampoulées ne dissimulent pas toujours l’idée de rébellion et l’on
apaise les mutins
II en les rendant stupides. L’utile des mystiques
H est
d’abord de brouiller les intelligences bassement n nanties, qui prennent
feu pour tout ce qui les jette dans l’étonnement, n et d’arrêter les bons
esprits sur un dilemme
iiiii insidieux et fascinant qui les empêche mer il
veilleusement
II d’agir et de nous menacer
II !
CXXXI. Que nul n’est De tel ou tel régime ii nous savons qu’il
l’ennemi
II des forts nous promet II une merveille,
n à condition
de l’attendre au lieu de se dédommager
sur l’heure. Nous y vivons comme iiiii en haleine au sein du provisoire,
avec pas Jmal
II de sûretés, mais
•! en peinture, et convaincus à l’insu de
nous-mêmes, de peur de nous désabuser. On a tant espéré que l’on
répugne à revirer de bord et s’enracine, inaccessible à tout secours et
le complice des ennuis indignement II soufferts. Avec cela la plainte
est générale et nous n’avons de bonheur qu’en ombrage, nos direc
teurs assurent qu’ils répondent de notre avenir et gagnent sur le
présent infidèle, et nous nous laissons emporter à toutes les remises. ii
150
choix que de se faire objet ou monstre,
Il n’est jamais
n libre de vouloir
ce qu’il assume
li et qu’il usurpe ses consentements.
n D’où vient que
ce qu’il fait de sa personne est rondement
n capable de l’anéantir
et l’univers en sus.
et jamais
n hors de l’homme
iiiii : elle est en lui par ce qu’il a de pleinement
n
divin et hors de lui par ce qu’il semble n à nos regards. Meilleur qu’il
ne le pense et plus méchant qu’il ne le veut, il est plus faible mille
fois qu’il ne consent à l’avouer, et valant moins n qu’il ne s’estime,
n
151
l’affecte. La paix de l’âmen est le premier
n des biens, le seul qui fruc
tifie en abondance et malgré
n les privations, le seul à la mesure
H de
l’humain
II et le conciliant avec soi-même,
n n où tout l’entrave ou le
déchire, et l’assoupissement
n ne nous en montre que l’imageH la plus
fausse. La paix de l’âme
n ne saurait être un sommeil
lllll de nos puissances,
mais
II leur union triomphante.
152
vie est supportable et que la mort se légitime
II : nul ordre, et fût-ce
le meilleur,
il n’est en mesure
ii de nous apaiser à l’aide d’arguments
H
CXXXIX. L’âme
II et le monde II est plus malaisé de contenter
son âmeH que le monde
II : qui
satisfait à l’une est dans le cas de se passer de l’autre et qui se voue
au monde
n est toujours affamé
H de sa louange et porte en soi le chasme II
teries ne l’émeuvent
II point et j’ai beau faire qu’il ne reste en moi II
CONCLUSION
L’homme
IIIII est le temple
II de la solitude en l’océan de l’univers et
la présence même II II de l’esprit au sein de l’œuvre qu’il emporte, il
est raison de tout ce qui respire et fin de tout ce qui se parachève,
un centre se mouvantII de monde
il en monde
II et le constituant à la
dérive de ses pas acheminant n l’abîme que ses règnes ne sauraient
emplir
II et que Dieu seul déborde, afin de Se conjoindre.
Doux est l’empire du néant, douce l’approche de la mort II et le
sommeil la citadelle des félicités, mais II' nous n’avons pas à fleurir
le tombeau de nos jours, nous vivons dans le monde II pour le subjuguer
et le marquer
II du sceau de nos merveilles.
II Hors l’homme,
iiiii le réel n’a
point de sens : n’ayant le droit de le nier et les moyens n nous manII
quant pour le fuir, il ne nous reste qu’à le transformer n jusqu’à ce
qu’il nous serve. On ne peut renoncer qu’à ce que l’on possède : il
fallait posséder d’abord. Nous sommes IIIII le domaine
II et le rempart.
II
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LIVRE QUATRIÈME
DE L’ART
155
III. Du jugement
Il En toute singularité, nous discernons des ru
diments
n qui peuvent se communiquer à l’aise
et rentrent dans l’alignement il des règles les plus générales, on les
réduit sans peine à la formule II la plus nivelée, en l’occurrence les
proverbes, mais n il en est de moins n communément
IIIII II reçus et qui de
mandent
II une mise
n à part : il faut les définir et leur attribuer un juste
emplacement n dans l’ordre des catégories, fût-ce en les dépouillant
sans trop de retenue ; et puis l’on en dénombre n de plus richementII
qui se refusent avec un empire n tel qu’il n’est moyen de les déterminer, n
pas même
II ill
—________ ■
en les aimant
h à la lumière de l’ intelligence, ils semblent
emmurés
mil ou vagues ou ténus, ils se dissipent ou se cachent, ils
s’involuent ou s’altèrent : sur eux, nous n’avons de puissance,
mais
n ils effleurent quelquefois les régions où l’âme n se délie et les
meilleurs
n d’entre les hommes ni ri ont privilège de les percevoir, quand
ils s’efforcent de les vivre.
c’est l’harmonie
n la plus achevée, un monde
n à l’unisson et le miracle
n
en permanence
n ou mieux : c’est une fugue aux sujets inlassables
dont les parties se dérobent et s’enchaînent, un mouvement n issu
156
de tous les antipodes, le branle et l’entrelacs de files d’alternances
et c’est la théorie la plus savamment lllll distribuée, une manière
n de
ballet où chacun se prodigue et se dépasse, mais n nul ne se dérègle
au détriment
n de la mesure.
n La beauté semble un accomplissement
n n
destes : simarres
u et pourpoints, paniers et vertugades s’effacent à
l’envi, le jour se lève et, comme ni i r au Jugementn Dernier, le monde
se dénude ! —
— Le Beau ne saurait plaire à tous les coups ni faire impression
d’emblée et, du consentement n des juges les mieux ir avertis, il ne s’en
trouve guère en état d’accorder les hommes nui : on voudrait l’unisson de
leurs suffrages, c’est une voie impraticable et l’on ne peut que s’en
tenir à des tempéraments,
n où l’on rêvait les cohésions les plus vives.—
— Il sera force jugements
n fermés n à notre émotion et des esprits
doués se refusant à notre flamme ou même n n souriant de nos trans
ports, et d’autres resteront sur la réserve en feignant de les partager.
Le Beau n’existe pas en soi, mais n par bonheur l’on en dénombre
mille
n et dans chacun le reflet de son absolu, le Beau n’est qu’un
prestige de l’imagination,
ri un être de raison et qui ne vit sans le
secours de la pensée et, quand il semble précéder l’humain n discer
nement,
n nous tirant au dehors de nous, sachez qu’il en dérive et
qu’il en fournit l’abrégé. —
— Le goût l’évaluant, que dis-je, le formant n à nous le rendre
plus sensible, ce goût nous enveloppe et nous résume, H il part de nous
157
et nous revient conjointement tt avec le Beau par un système mitigé, Il
par la commodité
II de l’assouvir, c’est une surenchère où les plus sen
suels sont les plus glorieux et les mieux n retenus les plus cou pables. —
— Le sens de juger avec art se forme u au sein des cabinets, il ne
réside pas ailleurs. Une œuvre doit servir d’exemple et ne souffrir
d’écarts fâcheux, qu’il est toujours facile d’y glisser à la faveur de
la confusion et du tumulte. II —
— Le Beau n’est pas absolument ii ce qui nous touche et dès
l’abord, nous le devons connaître et mainte n fois le recevoir pour tel
avant que de former II un jugement u à son égard. Il est de règle à la
mesure
II de nos facultés et du ressort de nos maximes, n u il ne peut rien
sur nous, à faute de prévention et les beautés en apparence les plus
naturelles n’émeuvent
II que les délicats. —
— Oui, les sauvages goûtent moins l’éclat d’un site ou les appas
d’une charnure que l’homme IIIII issu d’un pays où l’on en raisonne et
l’on a d’excellents tableaux. —
— Leur vision est d’ordinaire basse et pleine de ressouvenirs
tenant au lucre immédiat, quand la magie u ne s’en mêle.II —
— Eux qui vont nus, ils se déforment n à plaisir, ils se mutilent
volontiers et ne rougissent pas de nos haillons, ils ne discernent
guère les richesses de la forme II dépouillée et, bien qu’ils leur ressem II
158
d’être sensible et d’en jouir, le demeurant Il leur semble de surcroît,
ils s’en dispensent volontiers, les préambules raisonnés les engour
dissent, les théories les assomment, n ils font naïvement n les entendus,
mais
n ils se flattent de ne rien savoir et jugent que c’est preuve d’in
nocence : ils vont au Beau d’un air inimitable, n demandent
n qu’il les
serve et qu’il les divertisse, il le leur faut solide et néanmoins léger,
avec un soupçon de finesse, un peu de bâtardise et de la complaisance n
159
— Nous accordons parfois qu’un art veuille entreprendre sur
tel autre et s’établir en un domaine inattendu, mais, H à l’épreuve,
l’audace est dommageable et la prétention mortelle, la moindre H
gnardises...—
— Il forge, appesanti, l’éclat des lendemains II barbares ! —
160
sement
H de ce qui les devance et l’oubli général de ce qui les annonce,
le privilège de tuer les morts, sans laisser de vivants en place, à la
réserve d’épigones. Ce vœu ne change point et le réel le frustre,
disons-le, fort heureusement,
n mais
n il demeure
H que l’on gagne à
mettre
H aucune fois les normes
n en sommeil, non par immodestie n et
non par impuissance, à seul dessein de tenter l’aventure et revenir
au port, chargé d’une dépouille magnanime.
II il Il faut diversifier
l’évidence, il faut que surabonde le possible et qu’on néglige de
louables intérêts dans la pensée d’en former il de plus nouveaux,
que l’on rebute l’indolence, évitant de rebattre les sujets que les
générations épuisent à la longue, à moins n qu’on ne les restitue à
leur jeunesse à les parer de séductions imprévues,
n de celles que l’on
attendait sans les attendra et qui remplissent
n tous les vœux qu’elles
font naître.
mais
n que ce soit afin d’aller aux certitudes solennelles, devers les
climats
n étoilés où l’âme
n se surmonte et ne craint plus que d’être
indigne de la source. Là nul ne tremble en vain et nul ne doute à
l’avenir, où nul ne s’interroge plus et chacun sait répondre.
11 161
inépuisable. De même
n n ailleurs. C’est demander
n quelques leçons à
l’ignorance, mais
n elles sont à rechercher et mettent
ii l’hommeH sur
l’inattendu, trouvaille digne de remarque
II et dont l’attrait n’efface
point ce qu’il relève. Ainsi l’on gagne l’innocence en partant des
lumières
II décidées.
impunément
n et n’émeut
ii. l’homme
qu’autant qu’elle s’en éloigne en ne laissant de le violenter ; que
l’homme hait ce qu’il atteint‘et qu’il se lasse un jour de ce qui se
dérobe, énamouré de qui le touche l’éludant et le pénètre inaltérable.
Donnons à l’homme
iiiii plus qu’il n’en demande
n et lui montrons en
n ême
n temps qu’il n’a rien obtenu !
162
un instrument
n plein de superbe et dont la bonne foi retire de l’avan
cement,
n à moins
u qu’il ne l’ébranle ou la ruine, et la mauvaise
n des
bonheurs solides. Elle en libère dix, elle en enchaîne mille.
ii On croyait
se passer, alors que l’on s’échauffe : l’élancement
n ne nous fait sur:
monter que des obstacles en peinture et dont l’illusion retarde
l’embarras, mais
H ne répare l’évidence et ne fournit qu’un semblant
de triomphe à notre gourmandise.
H Que j’aimeu mieux
n qui s’arme
II
froidement
II et se défie de l’ivresse, en empruntant la voie la plus
monotone et non pas toujours la plus difficile à l’apparence, en tra
vaillant sans discontinuer.
illinlité
ii sa trahison premièren et, parce qu’il ne s’arme n de refus,
tout l’univers secoue ses tutelles. Que le refus dans l’art vaut bien
la prise et qu’il souligne le plus beau d’une manière n inimitable
rr :
là, le dernier achèvement
ii consiste à ménager
n les vides, les profusions
se portant dommagen l’une à l’autre et les splendeurs engourdissant
qui ne démêle
n leur limite.
n S’il est louable d’exceller, on ne doit pas
surenchérir et la justesse a plus de grâce que la beauté même, n u où
le judicieux emploi relève en les multipliant les avantages qui se
perdent. De là le besoin du refus, l’appel au vide et la sagacité de
l’inégal, l’art d’animer
n un artifice et de le faire servir au dessein
de l’œuvre, où le semblable
n ne se désoblige pas à voisiner et le divers
s’accorde. De là l’utile de l’école et de son formulaire,
II les procédés
163
que Ton se passe et qu’on adopte sans nul examen, H l’habileté que
l’on déprime
n et sans quoi l’art divague ou balbutie, car le refus s’ap
prend et les moyens
n s’enseignent. En chaque artiste il faut un artisan
et qui s’ignore à force de maîtrise.
H
besoin d’en creuser les motifs, ce faible donne souvent dans la vue
ou ne résiste pas à l’examen
H le plus léger et, s’il se dissimule enfin
par un dérèglement étrange et surprend notre foi, nous passerons
carrière sur la tromperie au nom de l’art et souffrirons qu’il nous
abuse, à la condition de nous tenir en joie ou de nous émouvoir,
mais
H ne ment
n pas qui veut et même
n n alors l’estime
n ne va guère à
l’abus manifeste.
que la nature. —
— Nous devons en rabattre, à seule fin de l’avérer, la considérant
dans ses voies, en prévision de ses fuites. La ressemblance relevée
164
est le tempérament de tout ce qu’elle enferme Il et puis un abrégé
subtil de ce qu’elle n’embrasse pas, une ouverture sur l’informulable II
en la matière
u et le plus relevé, lui qui nous fait pareils à l’absolu :
nous y gagnons d’être à nous-mêmes n n sans partage, ancrés dans le
débordement
il de nos puissances, nous devant à nos fins, nous dis
putant à nos principes. Nous n’en voulons pas davantage et ne
pouvons tirer plus loin, c’est la limiten au delà de laquelle il ne nous
reste qu’à nous perdre.
165
la prudence et d’être heureuse quelquefois en étant la plus téméraire
Il
ou voire la mieux
H prévenue. Il est des cas où la prévention vaut
certitude et l’excès en l’empressement
n n la palme
H triomphale, mais n
166
véhémence
ii est harmonie
H et sa langueur étude, ses vertus une infusion
habituelle : il semble qu’elles le possèdent et plus que lui ne les exerce,
elles s’attachent à ses mouvements,
n n elles prétendent à ses fins, il
ne s’expose plus à leur désistement, u il ne peut qu’il ne les insinue
à toutes ses faiblesses, il est leur source jaillissante, il porte l’inom- II
mable
II en soi. De même
n n les artistes. L’on ne dépasse, en vérité, que
les limites
II préalables et qui n’a point d’abornements II demeure
n à
jamais
II en deçà. Il nous faut tracer la frontière et nous y confirmer,
n
y menant
II bonne garde et nous étendre en ne laissant d’y revenir,
jusqu’à ce qu’il nous soit permis il de desceller la borne et de gagner
sur l’univers. Qui part du sein de la tourmente II emporte
li ses chaos
à bout de voie et se retrouve tel qu’il n’aura cessé d’être : le privilège
de l’artiste est de partir du sein de l’ordre. Créer se nomme iiiii tirer
de ses fins et projeter dans le principe ! —
XXII. L’illimité
il dans les limites
ti Que l’âme n a le partage de l’illi
mité,
n mais
n dans le sein des bornes
qui l’enferment.
n Ouverte par le haut, il n’est d’obstacle à sa carrière
et nul empêchement
n ne l’y traverse, elle s’élance au-devant de ses
fins toujours nouvelles, ses fins l’attirent et l’étayent, l’enveloppant
en vue de s’insinuer en elle en se la rendant homogène, elle est essor
de plénitude et nulle cime
n ne l’effraye, mais
II elle ne s’étend ailleurs,
au niveau de ses fondements,
n et quand elle s’abaisse elle y retourne
de nécessité, plus riche, à cause qu’elle a part à la surabondance
inépuisable, et douée d’une clairvoyance extrême, n et nonobs
tant sujette de ses bornes naturelles, libre et déterminée, n libre
en l’ascension et rigoureusement il enclose en le parage de sa
remanence.
H
167
XXIII. Séquelles de la liberté La liberté ce n’est pas de tout faire,
mais
Il de bien agir. Ceux qui nous
prêchent des réformes violentes nous peuvent quelquefois séduire,
non tant par ce qu’ils nous proposent qu’à raison de ce qu’ils rejettent
de ces vertus anciennes dont ils ne se déprirent guère et qu’ils im- II
ment
n modeste
n a des pouvoirs que nul usage ne dissipe. Nous de
mandons
n à l’art ce que le naturel ne nous octroie et ce que l’évidence
nous refuse : une promesse
n de bonheur, non pas l’ostentation sainte
ou le tumultueux
n concours dans une place regardée, pas même n n une
doctrine où chaque allusion nous rabat et nous glace.
168
vains simulacres.
il Qu’ils seraient plus habiles, s’ils nous ensorce
laient ! s’ils déposaient l’intention qui les anime u et nous jetaient
insidieusement
n en un bonheur nouveau, bonheur dont nous leur
sommes
il redevables ! Ah ! qu’ils seraient puissants, qu’ils seraient
dangereux ! Mais ils n’y songent même n n pas. Le peuvent-ils d’ailleurs ?
Il faut pour ce de libres inclinations et de la rêverie, il faut de l’in
considéré, du flottant et du vague, il faut du jeu malgré II les règles,
délice passager, mais n éternellement fécond ; il est abominable de
servir la même
ri n cause à tout moment,
H de fuir les variations et l’ana
lyse, de ne jamais
IT sortir du camp, vivant au pied de la muraille if :
quel art résisterait à ce régime fi ? et quel régime II se fondant en une
telle intransigeance accorderait à l’art ce qu’il refuse à tout le reste ?
Et c’est pourquoi la beauté Je dédaigne, encore qu’il la somme d’ap
paraître et légifère pour la rétablir inamissiblement.
H H Il dogmatise
il
169
qu’on vise à l’établir et jamaisIl au delà, peur qu’il ne rompe les
marchés en un temps d’affluence. Le Beau sert librement n qui le
ménage
II et qui le sollicite, il n’est pas en service commandé, mais n
170
mains
Il a l’accommodement.
n L’art purifie la matière,
n encore qu’il
s y traîne et ne l’abjure pas, mais
u il assiste son infirmité,
n la querellant
s’il ne la violente et l’inclinant s’il ne la brise.
171
XXXI. Présences du divin Le Beau, promesseH du divin, rend
témoignage de sa cause enveloppant
les seuils dont il procure la venue, il en évente les mystères,
II mais
H
énamourés,
ii il tente nos fureurs, qui les apaise et ne saurait les en
gourdir, il s’insinue où nous n?avons plus à l’attendre et se dérobe
où nous nous prévalons de sa largesse, il est fidèle à qui se donne et
sans déguisement, on le verra porter ses chaînes, on le verra se plier
à la règle et cependant nul ne l’arrête au piège, car il désertera les
canons rigoureux et les modules
n infaillibles pour établir sa résidence
en quelques solitudes imprévues.
n
XXXII. La forme
n La forme
n est le canal que la matière
h emprunte
aux fins de se manifester
n à nous, tombant
n
n ême,
ir et toute forme ii est sacrement,
n mais
n qui l’a revêtue a cessé
d’être malléable
n et qui l’a prise a le devoir d’en soutenir la préva
lence et l’embarras, car elle fait mourir en donnant sauvegarde et
l’assurance qu’elle nous départ n’est jamais terminale. L’art se
dispose à la mieux
il recevoir, se mêlant
n de conduire sa besogne, il
en pénètre les détours, il en évente le mystère
n et nous le rend sensible
à l’aide des canons et des modules, l’art se prévaut de la similitude il
172
aux fougues de sa frénésie et de multiplier
Il l’enchantement
II par
l’exercice le plus soutenu, venant à bout de l’indicible et se jouant
de ce qu’il n’a point la ressource d’emporter.
II
173
XXXVII. La forme
11 et le Logos La forme Ii est sainte, elle est le
vase de l’esprit, elle le sollicite
et l’enveloppe, elle en achève l’éclaircissement n et c’est par elle qu’il
devient tout ce qu’il représente, Dieu même n n condescend à s’engager
dans le sensible et le Logos harmonieux L’accueille, Dieu même ii n est
un enchaînement
n de formesII transcendées, Il les emplit, n les rompt
et les abroge, mais
n II les a connues. Et c’est pourquoi la forme II est
sainte, elle est une promesse du divin, elle est la marque II de sa grâce
et la sereine voie où le Béni chemine,
II et c’est pourquoi l’art participe
de l’élection et garde un trait de la suprême II ressemblance, qu’il
est le havre où l’esprit rêve et l’océan où l’esprit tourbillonne. L’art
sanctifie le profane et s’il profane le sacré, c’est manque il de rigueur
fidèle et de resserrement
il épris, car il ne tient qu’à lui d’aller au bout
de son élan et c’est à lui qu’il appartient de lever l’unisson qui
dément
II son infinité.
174
en l’indivise majesté
Il qui nous ignore, mais
n nous la payons de retour,
si bien qu’elle subsiste aveugle et le demeurera
n sans faute, à moins
que l’homme II ne s’en mêle
II et ne lui prête ses regards.
XL. Dépassement
II Que le dépassement il annule ce dont il pro
générateur cède, ayant la vertu singulière de se rappor
ter à ce qu’il institue et de sembler
II le corollaire
de ses fins bien davantage que l’effet de sa nature préalable. On
dirait même
n n qu’il déplace l’évidence et qu’il désarmeII le réel en se le
rendant homogène, et c’est par lui que l’ordre de nature est renversé
jusqu’au delà des fondements.
II
XLII. L’illumination
II L’illumination procède d’elle-] n ême
n et rentre
en son abîme, issue d’altitude et se
jouant dans le milieu qui la motive, épuisant tout ce qu’elle
réfléchit et transcendant ce qu’elle détermine,
II latence inabordable
175
et néanmoins ouverte, impénétrable et cependant élucidée, ne se
communiquant
iiiii à rien et faisant l’évidence et par-dessus le reste,
ébranlement
n pour qui l’invente et certitude à qui l’a ressentie, réel
de souverain empire et fondement n de la créance, appui des formes
et des lois malgré
Il l’absence des limites,
n suavité de rigueur solennelle
en l’harmonie la plus librement n sujette : telle est l’illumination,
II
matrice
II des concepts et la platée où les formules II s’enchevêtrent,
l’illumination que nulle cause n’établit et dont les causes sourdent,
sphère homogène à tous les lieux, domaine du Logos et nœud de
plénitude, l’antérieure au sein de chaque idée et celle que les mots
mutilent
II sans miséricorde,
II fragiïb en raison de sa pureté qui la dévoue
à la ruine, invulnérable toutefois en ce qu’elle a d’originel et de par
achevé. L’illumination se plaît à nourrir les symboles
H et les symboles
la retracent en un dédoublement II dont elle excède la visée.
XLIII. Les belles vérités Les belles vérités s’éclairent par dedans
et d’elles-mêmes.
n n Qui ne mérite de les
posséder n’y voit que l’assemblage
n le plus ordinaire ou le plus arti
ficieux ; l’absurde les protège ou même n n la banalité, tout leur est
assez bon pour qu’elles s’en remparent,
n mais
n la lueur diffuse qu’elles
jettent en leur nuit et par la nuit du monde est propre à nous les
découvrir et se déclare avec une ostentation suprême il où le visible
sombre anéanti. Les belles vérités ne servent que les purs. Aux
autres, le mensonge
If savamment
IIIII accommodé
IIIII et les promesses infi
dèles. Les belles vérités, si faibles au regard de la malice,
fl ont le pou
voir de l’éluder inéluctablementII ; l’absence les protège, la folie et
la mort se nomment
riin leurs gardiens, où le symbole est lettre close
et chaque mot le démenti
n de ce qu’il nous révèle en apparence.
XLV. Prémices
II Les éléments de la beauté consistent dans le
choix de la matière
II et le maintien des règles,
l’art d’amener
II les variations, la volonté de s’assigner une limite
ff
176
et, moyennant des notions finies, de nous promettre n davantage en
nous laissant dans le sujet. En l’art, il est une matièren noble et puis
un art d’ennoblir la matière
u en lui donnant du lustre, et l’on ne sait
parfois lequel vaut mieux, le jugement II est comme
iiiii suspendu dans
un ravissement
il égal. Les pierres dures et les métaux n rares n’ont
pas besoin d’intercesseurs, ils nous prescrivent une adhésion que
nul ne leur refuse et qui chatouille les puissances, la soif des gemmes iiiii
12 177
commodent et l’ennemi n du genre en son entier. Or, le partage de
l’humain est de se démentirn où les aplombs
II sont à jamais
H en cause
et les valeurs dans une espèce de refonte générale. Les qualités nous
semblent
II des figures et des fantômes engageants, puis elles tournent
à la parodie, si nous nous ingénions à les maintenir,
II en dépit des
canons et des modules.
n La dignité de l’homme consiste-t-elle pas
dans le meilleur
n usage des moyens reculant l’ineffable au delà du
sensible et l’absolu jusques à l’aboutissement II des facultés et des
systèmes
II en la dernière des instances ? — Pour être une mesure II à
l’univers, il est besoin que tout soit mesurable
II et se rapporte à nous,
nous devons entreprendre survies qualités et les réduire à des mul II
tiples homogènes dans l’amas n des relations prévues, avec l’espoir
de les remettre
il en œuvre et même n de les restaurer en conséquence
des lois naturelles — lois provisoires, nous le redisons et malgré II
qui s’ingère auprès de l’être et qui s’étale souveraine, elle est bien
davantage une harmonie ou de rencontre à l’unisson et l’assemblage
de multiples
H balancés avec une éloquence nonpareille. Le bonheur
absolu d’un tel achèvement II ne doit pas étourdir le philosophe et,
s’il vénère ses beautés, il n’a pas lieu d’en recevoir les charmes à
l’aveugle, lui dont le propre est de dissocier le comble d’une jouissance
en éléments et de tirer les modes de leur pair, aux fins de démêler II
178
rentrent les uns dans les autres. La qualité suscite l’homogène et
l’homogène la cimente,
il ils se conj oignent d’un balancement en leur
genèse mutuelle
II et se dérobent leurs appuis en une confluence
énamourée.
et demeure
n à sa place, laquelle est certes la première, ri' à charge qu’il
le dissimule
n en soutenant l’ensemble et marque ri sa nécessité d’une
n anière aimante
n et prévenante, comme iiiii en un feint oubli de ses
mérites.
ni En l’art, l’utile n’est pas forcément n ignoble et s’il n’étend
sa domination
n sur tout le reste, nous pouvons l’accueillir et ne devons
179
nous écarter de ses préceptes. L’utile nous confère une noblesse
inattendue et c’est par lui que l’œuvre se motive, en lui qu’elle se
distribue et s’échafaude et contre lui qu’elle s’ordonne à violenter
les aplombs inséparables, dans un acharnement de heurts et de
reprises.
180
commandons
lllll de cela seul que nous nous plions à l’instance, où la
contrainte nous sied mal H et l’oubli nous dépouille. Le choix
d’une colline ou le refus de bâtir au long de ce fleuve met la der
nière main H à la perfection requise et l’entourage s’associe à nos
efforts. —
— Tout l’appareil jaillit du sol et semble un complément de la
nature, elle en soutient l’affirmative, n il en exprime l’attribut essen
tiel, il la couronne, elle le légitime n et les voilà dans un rapport indé
fectible. —
— Puis c’est l’usage. —
— L’usage articulant les masses il de l’ensemble.
ü —
— L’usage rendant raison de ses fins. —
— L’usage présidant aux entretiens qui règlent nos démarches, ri
ravage l’imposture
ri et, dans la chute des faïences et des marbres, n
le mouvement
n n qu’il presse, joignant le changeant et le persistant,
181
mais
II en faveur de l’immuable
IIIII et se désabusant des moindres com
plaisances. —
— Un rien de solennelle pesanteur met II l’œuvre en un degré
plus éminent
II et fera qu’elle vole, s’il en était besoin. —
— Où, faute de ce poids, l’essor est à l’inconsistance. —
— La force nous répond du demeurant II et même
n n de la grâce. —
— La grâce est belle de la surmonter. —
* — Mais sans la force, point de grâce et nulle force, manque II de
pesanteur essentielle. Nous demandons II que l’œuvre pèse, puis
qu’elle se remue
II où le sujet l’ordonne, qu’elle soit pleine et dense avant
le reste, charnelle d’obligation* et puissamment IIIII liée à sa genèse. —
— Mobile dans le sein de l’immobile et non pas au dehors, prenant
la ressemblance de ses fins sans leur appartenir, fidèle à la matière n
le jugement
n public, lui faisant négliger ce qui peut seul prétendre
à son estime.n —
— S’il faut qu’on passe sur les beautés de l’ouvrage en faveur
de la thèse, il n’est plus nécessaire d’y mettreII des beautés. —
pertinence, un amalgame
n u de véra
cités, une imposture relevée, un leurre solennel et le plus bel exemple
de mystère
n faux dont les pédants font leurs délices. La grâce n’a
que faire du rocher de Sisyphe, elle est toujours nouvelle et toujours
absolue, et qui la trouve et s’en rempare achève triomphalement
n n
182
LUI. La marque
Il du divin Pour doué que l’on soit, il ne suffit
II pas
que le naturel prodigue ses faveurs à
l’homme,
n il ne suffit
ii pas même
n n de l’acquis le plus ingénieux, du temps
ni des modèles,
n de l’émulation
n propice au développement ni des
suffrages de la galerie : il faut la grâce, il faut la marque
II du divin
ou l’œuvre pèche dans la plénitude et faillit contre l’ineffable, les
ailes ne lui viennent point, son allégeance l’incrimine et ses révoltes
la condamnent, elle aura tout, moins n ce dernier achèvement
II par
quoi le tout s’illustre et la surmonte,
n et loin d’être l’issue ouverte,
il semble qu’elle se retourne indéfectiblement II sur elle, anticipant
sur l’origine, abjurant le possible et consommant l’inavoué, mise
en défaut malgré
II son observation des règles, lassant qui la regarde
et gênant qui la loue, irréprochable en apparence et d’autant plus
défectueuse, bien qu’on n’en sache guère la raison. Il n’est moyen
de la tirer de l’indigence ou de remédiern à la disette, son indigence
est invisible et sa disette échappe au jugement n de nos valeurs, mais
n
LV. Le Grand Art Plus l’art est grand, plus il est nécessaire et
plus il semble inexorable en ne laissant d’être
léger, il marque l’œuvre de son choix du sceau d’une fatalité nouvelle
et l’affranchit du même
n il coup, il la dispose à recevoir ce qu’elle
annonce en l’élevant par-dessus l’origine, où la consolidant dans le
prétexte il lui fait excéder les fins promises, mais ne l’égare pas.
C’est le discernement
il le plus subtil, joint à la fougue la plus mâle,
H
183
c’est un empressement,
n mais
n sans la volonté de se produire, c’est
une retenue, encore que plénière et s’ouvrant sur l’inépuisable, et
c’est l’accord majestueux
Il de la nécessité la plus impérative et des
largesses les plus déliées. S’il était moins
II essentiel, il aurait moins
II
de force et moins
n de grâce à n’être pas l’imprévisible, il fonde et
légitime
ii les prémices,
n lui qui se surajoute à la dernière instance et,
peuplant l’indivis d’assises, le Grand Art multiplie
n les sommets.
Et c’est pourquoi tel art est à la fois pesant tout comme l’évidence
et léger à l’exemple du divin.
qu’il met
n en jeu défèrent à l’avis qu’il leur prononce et les ensembles
bien liés qui se dérivent de sa cohérence emplissent
II l’univers sans
l’épuiser. De cela seul qu’il n’est pas en défaut et nonobstant ne
lasse, vient le plus clair de sa merveille,
II où l’on attend plus justement
II
184
qui les mesure
Il en l’éminence
II et qu’ils atteignent à se libérer des
mœurs et des formules. If Le Grand Art passe l’origine et l’abolit dans
les rapports qui l’y ramènent, If il est un infidèle sans retour et met II
185
l’un en l’innombrable, il est pareil à ce qu’il en possède et ce qu’il
a ne suffit à le définir. —
— Il promet
n ce qu’il parachève et passe ce qu’il scelle, où fermant
u
LX. L’art et les mots Que l’homme divinise les rapports élu
cidant le monde,
u leur conférant des
volontés expresses, les jugeant animés
n1 à son égard de sentiments
n
formels
n qu’il est prudent de satisfaire : on le voit supposer derrière
186
les moyens mis Il n u en œuvre une raison mystérieuse
par lui-même II et
des fins ineffables, où rien n’égale son dépit, quand on lui fait toucher
au doigt les spectres engageants dont il emplit cet univers. De là,
le pouvoir singulier des motsII et l’importance
il des formules,
n mais
nombre de législateurs l’oublient ou le feignent et les événements n
LXI. Débat sur Pour définir les mots, l’on fait appel à d’autres,
le langage lesquels méritent
II bien qu’on les éprouve à leur
occasion, mais pour les consulter, il ne suffit d’en
rester là, nous devons recourir à d’autres, nous invitant à de nouvelles
conjectures, puis en dernier ressort nous donnerons en l’ineffable
à quoi les notions s’étendent, nous éloignant du sujet à dessein d’y
revenir, ayant tout vu, tout mesuré,II mis
II tout en œuvre et mouve-
II
selon ses voies, ne laissant rien dans l’ombre il et délimitant les accep
tions, tranchant et fixant pour tout dire en réformant l’abus et
consultant l’usage, en imprimant II la teneur décidée en l’esprit de
la génération présente et des enfants que l’on enseigne. Oui, nous
conjecturons cela, qui ne se fait pas une fois par siècle dans le monde
et moins
u de trois en mille
n années, nous admettons qu’un peuple
ait consenti la procédure et que ses maîtres n y défèrent, au dam n des
187
pas de quelques générations pour que l’échafaudage se renverse ? —
— Nous l’admettons, mais n il n’importe. —
— Devra-t-on réformer n sans cesse ? Vivre en éveil et dans l’a
lerte ? Courir au premier n signe de menace II et réparer la moindre
Il
188
I JF . # *
où les profusions s’amassent
n à couvert, le temple familier
II où l’on
n’arrête de bâtir et le sublime n reposoir de nos démarches,
II le trône
enfin d’où notre amour h s’élance et participe de l’immotivé, le tru
chement
II des séraphins et le canal où l’océan vint aboutir et baigner
nos domaines.
II —
ment
II accréditées que les lumières
n les plus vives et les plus mar n
quantes. Il ne nous sert de rien d’en appeler à la logique et nous y
serons déboutés d’avance : on rit des notions solides, les arguments
nous laissent en défaut, nos remontrances
II tombent d’elles-mêmes,
II II
189
et révolter ceux que l’on prêche ou semer Il la confusion en ne laissant
alors d’impatroniser
n le remède, et l’on entend d’ici lequel. On nous
demande
ii en somme une œuvre d’art et l’on a tort de négliger
certaines voluptés formelles,
n certaines complaisances
II savoureuses,
de multiplier
II les lumières
n désolantes, de recourir à des chimères ii de
la spéculation ; pour l’homme H du commun
nin tous les raisonnements
n
de sagesse, un monde
II à sa manière
II et qui se sent de ce qu’il admi
nistre il est un rien d’une extrême II étendue, un lieu de sûreté
qui ne se trouve nulle part, un bon usage à quoi les traditions
ne suffisent, la grâce prévenante et non l’habituelle, mais toujours
rr
1? etncace.
II
190
LXVI. Le fini dans les infinis Que disposant du fini seul qui
Il arque ses ressources, l’art a ce
Délice, tel est l’art, délice et non pas un chapitre concluant, module II
mageable,
n frein salutaire ou charme II immodéré,
IIIII double en son origine
et double quant aux voies, engourdissant les scélérats ou dépravant
les simples. La liberté dans l’art n’est que délire et ses effets nous
semblent trop réels pour qu’on les doive abandonner à l’aventure,
à la rencontre des périls et de la dissolution, car il y prend des
complaisances singulières, l’inavouable le fascine et plus il tombe n
191
CONCLUSION
192
LIVRE CINQUIÈME
I. Préliminaires
ü Que l’homme est de ce monde et ne se rend jamais ii
ici-bas et jamais
n; peintre n’en imagina
n dont les parties ne dérivent
du réel, ils ne sont monstres
H que par l’assemblage
n et le plus faux,
leur vie même
n n serait impossible en dehors de l’imaginaire
n: et l’évidence
en aurait infailliblement raison. De l’homme mu à la réalité, de la pensée
à la nature universelle il est un accommodement iiiii n et rien de plus,
un absolu bâtard de qui nous nous servons à notre bienséance, un
moyen
n nous facilitant l’intelligence du principe et sans lequel nous
n’avons lieu de sûreté, moyen dissimulant n ce qu’il ne nous affiche
plus et nous vendant une parcelle au prix du demeurant inaccessible,
mais
il l’univers s’ordonne à ce qu’il nous résigne : quand l’homme H ne
verrait qu’une facette, il jugerait au mieux n de ce fragment, il en dis
cernerait les lois et les rapports, multipliant
n les éclaircissements
H à la
recherche et rendant la réponse, il viendrait à la pleine connaissance,
au moins
H à celle qui le touche et dont il tire une raison de subsister.
13 193
substances et le terroir de l’absolu, le calmeII et souverain parvis
des règles et des formes,
H le seuil du temple de mémoire
il où l’homme
n
III. Climat
H de l’homme Le monde
H ne mü ’enseigne pas à le con
qu’ombre.
194
dès lors, il est et s’opposant se pose, il se déchire et se recueille, il
se dilate et se confine, il se propage et se condense, il est pathos
et reflet du réel, mais
Il un reflet intelligible et liminaire, un aveu
qui se répudie, un refus qui s’affirme,
II. un temps d’arrêt et de com
motion d’où ses velléités émanent, se gagnant sur le monde, enché
rissant sur le réel, en possession de le plier à sa fantaisie, en ne lais
sant de le connaître.
tivés et motivant,
h universels et personnels.
L’esprit tragique a la vertu/dé ne se rapporter qu’à l’homme et l’uni
vers, les nouant l’un à l’autre en un duel suprême, où l’homme iiiii
mutations
n profondes et les luttes inégales, son œil intérieur est doué
de mémoire et tisse un entremêlementri de liens de place en place et
d’heure en heure. Il semble
ri qu’elle soit assise en un théâtre, au milieu
ri
195
VIII. Ambivalence L’homme
iiiii est multiple
n en sa duplicité, on le
voit un de mille
ii parts et mille
n en chaque mou
vement
n de l’un ; son âmen porte l’univers qu’il envisage en plus de
ce qu’il est, son branle tant d’errance et de cheminements n qu’il
trace un labyrinthe à chaque pas. Il faut pourtant qu’il s’en démêle, n
trop malheureux
n s’il ne se rompt. Qui ne se brise, ne s’ébranle, qui
ne s’ébranle ne se perpétue. Je ne suis moi, qu’autant que je me n
en l’élémentn de sa démarche,
n issu de ma n périphérie et le miroir
dissimulé
n de ce qui m’environne : les mouvements
n. n de profondeur
ne semblent que l’image u de mes
ii attitudes, l’élancement n le plus
immodéré le reflet d’une allure cauteleuse et le dépassement rompant
l’amarre
n une manière
n de soutien, de sorte qu’on ne vit jamais à
couvert de soi-même. n Dure nécessité ! L’homme est le fleuve re
montant devers la source et l’anabase cesse, à l’heure qu’il en a
l’intelligence et s’improvise
n le témoin de sa coulée ! Il lui faut tout
envisager sous l’angle de l’impérissable
n et mettre
ii ses trouvailles au
pilon ; il ne peut demeurer n en place, à défaut de se démentir et ne
doit s’ébranler, à moins u de plier sous l’entrave ; il n’est pas suscep
tible de se définir d’un seul tenant et n’y peut renoncer. Le fait de
l’hommeiiiii est de traduire l’ineffable et de soumettre l’indivis à tout
ce qui le départage ; il trouve en soi les fins et le principe, il se libère
au long de ses limites, h il s’établit en leur dépassement, n il soumetII
196
de la menace
H ou de l’atteinte, et le second de prévenir et l’une et
l’autre en se rendant plus formidable. Dans quelque éloignement H
que nous soyons les uns des autres, les mêmes ii n ressorts nous agitent
et des mobiles
H analogues nous commandent, mais n le détail varie
et ses figures nous aveuglent. Chacun de nous, sur l’océan du monde, II
semble
n émaner
it de l’indivis et se jouer au sein de l’être, mais n il varie
incessamment de lieux en lieux, à jamais II infidèle et toutefois inexo
rable, nous dérobant à nous et nous restituant à ce que nous
ne sommes plus. Que d’hommes vivent en sommeil ii par une succession
non interrompue et gardent un semblant de calme ii tutélaire et de
sérénité dans l’harmonie
il où vague leur absence ! Que d’hommes if sont
des carrefours de rumeur incessante en leurs oublis recommencés n !
Que d’hommes naissent au jour la journée et ne se lassent de mourir n
où la nuit tombe, les pèlerins de l’immobile, vomis If l’on ne sait d’où
pour n’être que leur ombre et devenir leur impossible avènement II !
197
mobile
u et sous les branles de surface, on voit d’un mauvais H œil
qui bouleverse un tel arrangement et nul ne lui sait gré de ce qu’il
nous annonce : il nous oblige à la révision la plus incommodante,
il nous dérobe les soutiens habituels, il sème tt l’ambiguïté, le monde
n
et des enigmes,
n il est des procédés ouverts et des refus inviolables.
Le naturel de l’homme iiiii a filtré l’évidence et le produit de l’opération
tient de l’humain
n et n’en diffère que par des antinomies réductibles,
l’inconcevable même
n n est l’opposé de notre jugement et nous en re
cevons une lumière à quoi nous le délimitons. L’image H du plérome
est un concert dont l’homme éprouve les relations immédiates, au
moins
il s’il en relève, et dont la généralité prend une valeur absolue
en ce qui le concerne : possible qu’elle changerait ailleurs, mais il
n’importe et nous devons bâtir sur elle en ne laissant de la tenir
pour ce qu’elle est, j’entends une position et non le fondement II de
l’univers entier. Le réalisme n est élément de la recherche, il ne saurait
l’accompagner à bout de voie et l’on peut dire qu’il l’arrête au piège :
en la dernière instance, notre univers est la figure de l’esprit et c’est
le gage de sa dignité.
198
prises, un monde enfin où nous mettons de notre complaisance en
un tempérament de nos lumières et de nos démarches. Il Ailleurs,
l’entendement
H résiste aux dépositions de l’évidence et la figure du
plérome a de quoi l’indigner, il ressent l’inutile de la vie — manière
d’épiphénomèneil — et, s’il distingue en l’univers on ne sait quel
arrangement qui nous annonce des vertus intelligibles, s’il y discerne
une conduite générale enfermant ii l’œcumène
II en un déroulement II
199
XVI. Aphorismes
H sur l’évidence.
est aussi véritable que le demeurant qu’elle nous dissimule II' ou nous
annonce. Quoi de plus erroné que le moyen de rompre toutes les
mesures dans la vue et de les dépasser et de toucher à la substance,
merveille
n inconnaissable et néanmoins
n déterminée,
n noyau mystique
n
200
F. Réel est ce qui ne se prouve quant a soi^ m II aïs nous demontre
H
201
réformeil les abus qu’on a pris soin d’édifier, mais il l’on ne bâtit guère
à faute d’une assise et ne raisonne point où les symboles manquent. n
202
il se gagne longuement
n sur lui, le consultant pour mieux s’en af
franchir et le simplifiant,
n il en dénombre
if les ressorts, il les met
n en
usage et l’évidence en compromis, il va plus loin et, légiférant, il
amende
ri : un nouvel univers sort de ses mains
n et c’est en lui que le
réel accède à ses réalités essentielles. Nous engendrons ce qui nous
établit, nous suscitons qui nous étaye et nous chargeons qui nous
supporte, tout nous est dû, maisn nous le redevons, sous peine de
languir en reste.
XXI. Dialectique du
.1 donné Que l’homme
uni se procure le donné,
mais qu’il fait mine de le recevoir
par une convenance imaginaire,
u où son arbitre a mis le siège devant
la raison et lui refuse du retour, lors même qu’il fait brèche. L’in
telligence ne veut rien, quand elle ne s’emploie à feindre et qui re
nonce un tel appui demeuren en l’au delà de sa genèse et ne peut de
venir ce qu’il doit être. Nous sommes libres de vouloir, dès le moment
n
203
toujours instamment complice ; il lui faut brûler et languir, volant
de flammes
IIIII en lumières,
H et savourer l’objet pour le tirer de l’indicible
en une douce violence, elle s’éprouve à le ployer, elle en usurpe les
assentiments,
n elle le contraint à l’aveu. L’intelligence antagonique
est la toujours armée H et met
n la mort
n au nombre de ses attributs,
elle investit l’objet de sa requête et le bat en ruine après un doulou
reux acharnement,n elle triomphe en la subversion et détermine II
du milieu
n dans les extrêmes
n établis, il convient de tout prévenir
et de tout achever, de pousser l’artifice et de s’instruire sur le fonds,
de se contrarier afin de se reprendre et de se démentir pour mieux
s’enraciner, d’être en un motn et de ne l’être pas en l’étant avec
plus de force, de conseil pris et de dessein formé, n l’objet ensemble
n
204
quand, les habiles partent de la source et gagnent le terrain, qui
les sépare des versants contraires, d’un mouvement
n n d’ensemble
n en
tous les points égal. Le peuple a beau les taxer de mauvaise
n foi,
les moralistes
n beau les flétrir en tumulte
Il et les pouvoirs les sommer
iiiir
de se démentir,
n nul ne fera qu’un homme habile se contraigne à ne
se plus entendre et nul ne force le consentement
it de qui ne s’y refuse
pas et dans la vue de s’y retrouver plus ferme
n en ses dénis couverts.
De la semblance
u à l’absolu point de cheminements
rr n et point d’accès :
l’on change d’univers en quittant l’une et de nature même
n n en accé
dant à l’autre.
205
D. La fin de l’homme est de réduire toute chose à l’absolu, lequel
est au passé de permanence
II où les symboles
Il régnent et les quantités ;
le but de l’homme est d’éluder l’histoire, rendant une aventure à
jamais
n impossible,
n en prévoyant ce qu’il ne justifie pas ou motivant
ce qu’il ne saurait entrevoir dans la rigueur des termes II ; le but de
l’homme est de se mettren sur le quant à moi,
H d’y résider avec empire
en forçant l’œcumène ii à se ranger dans le parti qu’il lui destine et
de sa pleine autorité, lui signifiant la sentence et lui marquant 11 la
voie ; le but de l’homme II est de régler son train sur l’évidence et de
la maîtriser
n en la prenant en charge : il en embrasse les décrets,
mais
n c’est à lui de les traduire et de les faire intelligibles ; il en épouse
les retournements,
n mais
n c’est à lui de les anticiper ; il en dénombre
les conduites, maisn c’est à lui de les légitimer, leur assignant des
fins et des mobiles.
E. De la mobilité de l’absolu nous déduisons qu’il se retrouve où
nous le jugeons à sa place et qu’il réside en chaque point que notre
entendement
II s’assigne, et quoi de plus docile à nos impulsions
II ?
On dirait qu’il nous accompagne
II et dans les lieux où nous n’en vou
lons guère, il est présent à nous avec toute la diligence imaginable
II
206
H. L’état dit le plus simple
n est amalgame
II II indissoluble et qui ne
signifie qu’en raison de ses parties, mais ces parties ne se peuvent
isoler, à cause que l’entendement
II est mousse au delà de son étendue
et, percevant l’ensemble des rapports, en évalue mal
II la raison d’être
et moins
II encore l’appareil des liaisons et des balances.
en formule
II et, cheminant de place en place, étendent l’intellect au
gré de leurs abornements, au lieu de viser à les rompre et d’em II
brasser en même
n ri temps
il ce qui s’élude au fort de nos limites.
n
qui les allie à leur commune attache, en les dissociant pour tout le
reste, de mode qu’ils s’accordent en un point les rivant l’un à l’autre
et formant
n le passage. L’analogie est donc un procédé valant par ce
qu’il dissimule autant que par ce qu’il nous manifeste
n : il ne le faut
207
jamais
n perdre de vue ou renoncer à l’avantage qu’il emporte. L’ana
logie implique
il nécessairement
H ce qu’elle a l’intention de lever, sous
peine de se démentir,
II et participe de l’empêchementH couvert, y
puisant une raison d’être : il lui faut tomber
ri avec la traverse ou faire
en sorte qu’elle la surmonte, à charge de la maintenir,
n et demander
H
en un cumul n d’emplacements
n dont les rapports varient selon nos
repères. L’identité ne se démontre n point et nous la recevons dans
la rigueur des termes n : elle est l’appui de l’évidence et la genèse du
réel, une manière
n de foi végétante et sourdement II insurmontable,
II
208
XXXII. La cause Jamais
Il nous n’avérons la cause pure et le
principe ne se détermineir guère isolément,
n vu
qu’il demeure
n sous le charme n des effets, dont le déroulement
u et la
séquence lui reviennent. Nulle origine ne se pose en tant que telle
et, dès le moment qu’elle existe, il faut qu’elle préside à l’avant
de ses corollaires : je dirai même
ii n que les résultantes lient la raison
de leur prétexte à leur ultime n dépendance et que la source émane u
de l’événement,
n où le recul instaure la prémisse
if ! En vérité, la cause
n’est pas libre et point de cause, au défaut de l’issue. J’appelle cause
un moyen
u dont l’entendement
n s’avise et qu’il isole d’industrie, à
seule fin d’argumenter et dans les formes. n Hors là, je n’en sais point.
La cause meri paraît un chiffre très commode et très fallacieux, mais
la réalité n’est jamais simple et nous n’en traduisons que l’ombre.
14 209
XXXV. Mobilité du vrai Le vrai ne saurait demeurerH en place
et nous ne parvenons aucunement II à
le fixer. Il a beau mettre
II ses prodiges en commun,
iiiii un éternel « je
ne sais quoi » nous laisse dans l’étonnement
H et son empire semble
accru de tout ce qu’il renonce. Le vrai se meutil non tant de place
en place que devers un point de fuite à l’intérieur de soi-même II H et
nous l’environnons, n’ayant pas la ressource de l’enceindre. Que
l’esprit droit discerne des enseignements
II valables dans le mensonge
II
CT ême,
it où tout mensonge
II’ est porteur d’une vérité sans la présence
de laquelle il cesserait d’être mensonge,
II à cause qu’il ne tromperait
personne et que son rôle est*de nous abuser.
210
XXXVIII. Séquence Aucune borne à l’exégèse et les divers ar
de nos lois rangements
II se suivent en puissance, l’un
dérivant de l’autre ou revenant sur lui
pour l’annuler : c’est une file de retours plus que l’alignement n de
séries homogènes, un chapelet de nœuds et d’entrelacs plus qu’une
chaîne de séquences, un entremêlement u de bout en bout dont les
effets les plus lointains ne se relient pas de règle à ceux qui les
devancent et semblent procéder d’un pullulement n d’origines. Con
trairement
n à l’évidence, la loi part d’une multiplicité
n dont les re
lations l’engendrent, elle est un abrégé de constellations dissimilaires,
if
XXXIX. Aphorismes
n sur les lois dites naturelles
le réel, mais
n ne l’enferment
n point, qu’elles démêlent
n ses confusions,
mais
ni ne le forcent pas à nous répondre en son entier ni d’une voix
et qu’il sera besoin d’y parvenir, si l’on veut juger de l’ensemble
tout comme du menu.
à mesure,
n au moyen d’une constellation de pleins et d’intervalles
par où les phénomènes
n- sont touchés et mis
n dans une aveugle dépen-
211
dance, et l’homme
H1H rendu substitut de la fatalité : que même Il alors
il n’agit pas au regard de l’ensemble et le remplace néanmoins —
touchant le cas envisagé — : preuve à l’appui de ses ambitions
extrêmes
II ! Qui modifie le détail est en possession d’évaluer la masse
II
212
dans la nature ? Vit-on jamais Il cheval et pesant et léger, de robe
pie encore qu’isabelle, aussi bouleux qu’il est fringant et propre
à la voltige comme n à tirer le fardier ? On n’en dénombreil point et
de mémoire
it d’homme
iiiii ! Il suit que l’être susceptible de nous définir
l’espèce est la chimèren de l’entendement et qui n’existe ailleurs
qu’en la pensée et les puissances qu’elle met n en branle : il est absurde
de lui supposer un moule préalable ou de le situer hors ligne et par
dessus tout le réel et, nonobstant, ce cheval qui mesure l’évidence
et dont la forme n se rapporte à milleri fois mille
n chevaux, est plus
que leur ensemble
n et moins que l’un d’entre eux — fût-ce le pire — :
une manière
n de néant et davantage que la vie la plus foisonnante,
une réalité seconde et par le truchement n de quoi nous devenons l’as
socié de l’Oeuvre et l’hoipme ii créateur à l’égal de son Maître. Le
monde
H se transformen en partant des réalités secondes.
B. Hormis ri l’entendement,
n tout semble provisoire et dans l’entende
ment
n tout signifie à la lumière de l’essence, en raison même n n de l’es
sence, laquelle est une forme n d’absolu manifesté
n par ce qui la motive
et se légitimant
ir au sein de l’être. Position d’abord, l’essence délimite
u
213
un ballet dont les figures se défont et se composent,
H où l’une ou
l’autre attache les regards et donne l’avantage à tel ou tel qu’elles
paraissent mettre
H en jour, mais hors le ballet il n’est rien qui danse !
point.
et de suspens et de reprises.
214
aboutir et qui nous porte en se communiquant
IIIII de la manière la
plus déliée est la mémoire
11 II du réel ou de l’imaginaire,
ri en un mot
l’art de disposer de ce qui nous affecte et de ressusciter les sens en
devenant leur cause immotivée.
iiiii — Ensuite l’art de séparer les deux
mémoires,
If lequel est infini, puisqu’elles tendent à s’amalgamer.
il —
Outre cela, les divers moyens de passer de l’une à l’autre, lesquels
sont d’autant plus subtils que les mémoires fi se divisent avec plus
de netteté. — Puis un amas de procédés où notre entendement n se
lance dans les airs pour mieux H considérer sa multiple
n origine et
ramener les cas à des moyennes
II qu’il élude pour atteindre à sa
gratuité foncière. —
XLVIII. Dimensions
ii extrêmes
n Que l’infini, tout comme l’éternel,
est une dimension
ii de l’entende
ment
n et ne se trouve point ailleurs. En l’évidence il n’est que des
limites et hors desquelles l’évidence cesse en l’équilibre général, où
toutes choses se balancent.
XLIX. Aphorismes
n sur l’esprit de géométrie et l’esprit de finesse
215
s’en aide nommément,
•I puis qu’il est nécessaire de la rendre et que
les mots ont peine à lui servir d’escorte. La première
II est de sûreté,
quand on sait voir et ne l’engage pas dans l’erreur manifeste
it et la
seconde de justesse, où l’on a pris souci de la doubler et de la suivre
au sol. Nous devons, en définitive, atteindre au but et revenir à tire-
d’aile, et rebondir à chaque mouvement,
H à dessein de nous élancer,
voler de pas en termeii et mettre
n cent fois plus de temps à gagner
un pied de terrain.
L. Le néant méthodique
n on dit avec assez de fondement
ii que
si le monde
n. est redevable à Dieu de
l’existence, il nous a l’obligation d’une trouvaille singulière et dont
les résultats excèdent nos visées, j’ai nommé ce fameux n néant,
lequel est proprement
n le fait de l’homme. On serait mal
n venu de le
216
chercher ailleurs qu’en la représentation du monde, il est le commun n
B. L’entendement
n n’accède à la réalité que s’il la nie et s’en dégage,
afin de s’établir en le milieu
n de permanence
n et de l’ouvrir au monde.
Il crée l’absolu, s’il peuple l’infondé de ses limites, mais n l’absolu
n’est tel qu’en face de l’entendement
n et ne peut l’être quant à soi.
Nier le monde est la mesure
n transitoire à l’aide de laquelle il est
loisible de le définir.
217
qu’il affirme
n est le déni de l’être et le néant une présence mal
Il couverte.
Être et néant me n semblent des chimères, mais l’homme sa réalité
par excellence. >
LUI, Aphorismes
n touchant l’existence
A. Oui, l’existence est un prodige et le plus éloquent, nous so: iiiii .es
tout par elle et lui devons jusqu’à la latitude de nous en passer,
elle soutient le poids des argu: n ents et l’édifice de nos syllogismes,
nous nous faisons un jeu de la réduire à la chimère la plus creuse
et ce fantôme ne se venge pas, il n’omet rien de ce qui nous appuie
et nous en prenons à notre aise, il est la dupe de nos rêveries et
nous entraîne dans leurs cours.
218
C. Que l’existence est le support, le support absolu, mais H tempo-
rellement
il précaire, un tout inabordable de simplesse et néanmoins
intelligible en la confusion, un homogène
II inconsistant à l’appui de
sa thèse et sans quoi le réel n’est rien, une ouverture sur la nuit
qu’elle dissipe et sur l’abîme qu’elle scelle, un complément d’infi
nitude enveloppant son être et ses limites,
IT un monde
It à sa manière,
ajustement irréversible et de suprême II singularité — malgré
il ses
variations inépuisables —, fidèle au sens qu’elle se donne et non pas
aux moyens
If il
mis en usage, d’où leur rébellion, quand ces moyens
la pèsent à leur tour et qu’ils la jugent du plus haut d’un refus im tt
puissant, mais d’un refus délibéré. Tel est le sort de l’homme et,
s’il en marque
ù de l’humeur, c’est que le sort est manifestement
IT in
digne au prix de ce dont l’homme est susceptible et beaucoup eussent
mérité
tt de ne jamais
II mourir.
II Bon nombre de spirituels improuvent
l’existence, par où nous sommes et nous cessons d’être.
à l’univers, avènement
H sans préambule et fin sans corollaire ou mieux
surgissement inopiné devant persévérer en ce qu’il nous annonce
et nous glisser des mainsn à l’impourvu. C’est l’équilibre le plus
singulier, que tout menace
ti et rien ne désassemble, un composé de
II ouvements
11 enchevêtrés tendant vers une I même
11 fin présente en
l’origine et qui se surajoute incessamment IIIII à l’acquis préalable,
dont le mobile est le désir, mais11 le désir de persister au travers de
ses variations sans nombre, de les envisager ensemble et sous le
II ême
It jour, les passant en revue et les articulant à dessein de les
déférer à nous, qui sommes les sujets de l’existence et par lesquels
la vie adhère à ses limites.
H
219
qu’il ne s’en indigne pas, elle ne peut qu’elle ne soit le plus intolé
rable des scandales, l’absurde enfin, l’absurde aveuglement H subi
dès l’heure qu’on ne le traverse pas.
infidèles, en motion
ri perpétuelle, refus immémorant de ses refus et
corollaire toujours en balance ? On me n remontre que mes n vœux
sont des chimères, que mon entendement n s’abuse à professer l’aplomb
n
de mes
n échelles, que véritablement je ne suis rien, mais
n le faisceau
de mes
n agissements,
n une moyenne
ii provisoire et que la mort va
scellant à défaut, mais
n toujours en définitive ? Est-il prouvé que
l’homme ne s’atteint qu’à charge de ne plus y tendre et qu’il n’est
pleinement
n soi-même
n n qu’en cessant de l’être ?
220
il n’y faut pas rester sous peine d’en mourir,
Il nous n’avons que le
droit de nous surprendre et non la faveur de nous posséder. Un
homme se connaît à force de ne pas se voir, où nos désirs s’éloignent
de la source à n’envisager qu’elle et notre entendement
II s’hébète
fasciné. Puis chacun d’entre nous est sa Méduse.
221
il se retrancherait jusques à l’ombre du possible, en ne laissant d’en
demeurer
II l’esclave au souverain degré. Or, l’homme, H dans le sein
de l’unité la plus enveloppante et la plus déliée, est la moyenne suc
cessive de l’ensemble et dont l’amas,
II de remise
n en délais, va prenant
contenance ; il ouvre l’intervalle entre l’ajustementn parachevé —
dans l’instant qu’il discerne l’équivoque — et la promesse d’une
fin nouvelle, il se délègue à sa démarche et flotte suspendu pour se
figer en un domaine
n de rencontre et qu’il lui faut aménager
II sans faire
trêve, mais il n’y devra subsister aux dépens de l’atteinte ni vivre
prémuni,
n le sujet de l’incertitude, l’émule
ii de son lendemain
n et le
héros en permanence.
n
de la commotion
iiiir et du revirement
n d’alerte.
222
selle et personnelle, non pour nous imposer un adorant silence et moins
ii
mais nous ne sortons point de là, même II à vouloir ce que Dieu veut,
toujours liés à nos ressources de nature et les sujets d’impulsions
que nous ne parvenons à rendre, dilemmes résolus dès avant l’heure
qu’ils s’éprouvent, commencements déduits de mille et mille n fins
qui les annoncent, somme de générations et que l’événement n efface
imprévisible,
IT chef-d’œuvre à la merci
II d’une vapeur ou d’une goutte
et jugement de l’univers entier qu’une parcelle infime a privilège
de dissoudre. Nous sommes tout par l’âme et rien par cette chair,
mais
II ce tout-là n’est rien, quand ce néant ne la supporte et, si le
corps ne rampe, le moyen n que cette âme II vole ? — Pour ce motif, n
223
volontiers une dispute, afin que le débat ne se referme
Il plus ; on le
voudrait pour l’honneur de l’espèce et dans l’espoir d’une franchise
universelle, où les entraves tomberaient avec les murs
II ; on le vou
drait et n’a cessé d’y croire, mais
il l’espérance en est jusqu’à nos
jours la seule preuve ou la promesse.
B. Or, [l’homme
lllll s’échafaude en partant de ses fins, lesquelles
sont une défense et se rattachent à son attitude, de mode II que ses
fondements
n résident à la fois où nous les discernons et dans ce qui
l’oppose à l’univers : ses fondements
n le portent et l’écrasent, il leur
fournit une manière
n de soutien ^passible et douloureux, en ne laissant
de prendre appui sur cela mêmeII II qu’il étaye. Que l’homme est son
recoupement,
ir issu de la membrane et montant
n de ses profondeurs,
le double flux à l’abord déférent et de qui l’incidence est toujours
en épreuve et varie immanquablement
mu n et sans remise.
n
C. C’est un mirage
n et le plus assidu que le fin fonds de l’homme
n
D. Le mieux
n nous semble
n de le chercher en l’inattendu, de le
laisser venir à nous ou bien de l’arrêter au piège, enfin de multiplier
les moyens,
iî les voies et les biais, poussant de divers côtés à la fois,
en ménageant
II des vides captieux et des retraites ambiguës, nous
armant
II d’innocence volontaire et d’artifices très coupables, jouant
de toutes les ressources et mêmeII II de leur démenti.
sources, de mode
n que la plus naïve est concertée et qu’il n’est rien
que la recherche ne fragmente.
n En l’homme, il n’est de pureté pre-
224
mière
H et l’on ne sait au juste où le fixer d’abord, et plus l’on s’ingénie
à le creuser et moins on le pénètre ; au fin de sa retraite, on sonde
et n’aboutit jamais
Ii : des profondeurs nous mènent
H à la fois et devers
d’autres et devers le jour, dont elles semblent le miroir, il de sorte
qu’il faut monter
il et descendre pour s’en éclaircir, où la surface joue
dans les fonds. L’on pensait agir avec certitude et libre inviolable-
ment,
H on s’obligeait à ce qui nous délie et s’employait à se contraindre
on heurtait mêmeH II ses goûts les plus chers et jamais
II l’on ne fut mieux
H
LXIV. Liberté
I de l’homme Nous sentons que nous sommes
II libres,
dès le moment que l’épouvante nous
assiège et la menace
II d’un péril douteux, mais
II gagnant sans miséri
II
corde, nous restitue à la franchise et nous confine dans le choix ;
nous devenons un milieu II de possibles, nous disposons de nos moda
II
lités et l’avenir prend contenance en suivant nos décrets, les lieux
réclament
II un statut d’urgence et la nature s’offre à nos élections,
nous sommes II maîtres,
II malgré
II nous, astreints à la tutelle et mis
II en
l’obligation de dominerII un petit univers qui pend à nous prodi
gieusement multiple
H et dont les bornes indécises font mine de nous
assaillir ou se reculent jusqu’à l’infini. Nous voilà dans le train de
démêler
II une confusion inépuisable, de tailler, de rogner et d’établir
une assurance à quoi nous servons de platée et qui nous porte néan
moins, nous voilà devenus l’appui de notre certitude et nous voilà
ses redevables, nous voilà libres non de l’être, mais II pour solliciter
une raison de mieux
II nous bouter dans les chaînes — la liberté n’étant
que l’intervalle entre une servitude qui s’achève et le dessein d’en
épouser une nouvelle ! —. Que la menace II du péril douteux s’affirme
II
15 225
une manière
«I de soulagement,
II nous mourons même II II rassurés, tout
au bonheur de nous sentir inermes II et, s’il est d’autres à périr égale
ment,
n nous nous jugeons innocentés, voire martyrs.
II Le danger nous
dictant le choix, il nous suffit de nous y confirmer II en suivant les
modèles
n entendus et nous savons des cas à la douzaine, dont le par
tage est de nous dispenser d’aller jusques au bout du nôtre. Pour
abréger, nous recevons quelque teinture d’une liberté qui se dérobe,
à la faveur du choix et de ses épouvantements, n comme ion à l’aveugle
et de nécessité ; nous y goûtons à peine et n’avons pas loisir d’en
savourer l’étude, où nous ne vivons qu’aux solutions à prendre.
C’est une façon de passage/ un entre-deux d’une amertume n non
pareille où nous nous mouvons
II en substance, un patrimoine imagi n
naire, une aventure et la menace
II du naufrage à quoi la condition
nous destine. Alors nos yeux se sont ouverts et les ténèbres se dis
sipent, mais un vertige nous égare et s’arme, où la lucidité le secon
dant lui fournit le prétexte et l’entretient de ses ferveurs.
LXVL Aphorismes
n sur l’âme
n
en la mémoire,
Il If que la mémoire
11 II porte ou qu’elle a moyen n d’abolir.
226
suprêmes,
Il un entre-deux fermé,
If le tout béant et d’ordinaire plus
qu’elle ne semble et moins qu’elle ne vaut, le rudiment
II de l’unanime
II
et l’épisode en l’infini.
227
il donne sûreté, laquelle est une source de plaisirs, et nous confère
les moyens
II de ne nous jamaisH éclaircir de qui nous départage ; il
touche un semblant d’harmonie entre nos volontés profondes et
les fins immédiates
mu ; il établit le succès de nos voies sans demander
ii
du monde
n ne me sauve plus du moindre filet de lumière, si tant est
qu’il procède d’une source pure. Or, la mauvaise
n foi ne s’accommode
n
LXIX. Réalisme
n cornu Nul ne se pique d’être réaliste en ayant
l’évidence contre soi, de mode que les
tenants les plus fermes
n de la théorie ne feront point difficulté
n de
se muer
n en chimériques.
n
et tous les âges suspendus, tout les appuie — et malgré n leur déta
chement
n — et tous les sert — en dépit de leur indolence —, il leur
suffit de prodiguer si peu qu’ils gagnent la plus riche proie à ne
céder qu’une parcelle de leur ombre, un mouvement n les porte en
l’éminence
n et leur regard mesure
n l’étendue en liberté plénière.
Seuls les puissants se meuvent
n au-dessus des voies de l’amour et
de la haine ou des attaches altérant l’intelligence du réel, ils peuvent
s’accorder des opulences la plus rare et la plus absolue — et celle
qui les place en quelque sorte hors du monde, sans qu’il leur soit
besoin de se parer de vertus singulières —, ils sont à même
n ri d’excéder
les sages et les saints, pourvu qu’ils le désirent et, possédant la terre,
228
ils ne l’endurent point. L’ambition
Il des philosophes les élève de
semblable sorte et leur confère les acquêts d’une puissance souve
raine, à faute d’un pouvoir qu’ils ne sauraient atteindre et, démunis,
on les voit définir lucidement
n l’effroi de la condition qui les abîme,
mais
il cette liberté suprême
n est un outrage aux yeux du nombre,
lequel demande
u qu’on réprouve ou qu’on chérisse, et qui la taxe
d’inhumaine.
n Face à l’adversité, l’on ne pardonne qu’aux ténèbres.
LXXII. Du mensonge
n Le châtiment
n de ceux qui, vivant de men
n
à l’abaissement
n songe, exercent leur puissance à flotter
de gouvernes en gouvernes, est qu’ils ne
sont jamais
ir ce qu’ils s’efforcent d’être, pas même leur déni, maisu
un néant qui se rassemble n en autant de nuées qu’ils forment
u de
desseins contraires. Quand ils voudraient s’atteindre un jour au
profond de leur âme, n ils ne pourraient saisir que l’ombre de leurs
turbulences, des mouvements n et point d’issue, où tout n’est que
dérive. Quoi de plus misérable
n que d’errer et de s’étendre, exempt
de blâme
n ainsi que de louange, en un retournement
ii inassouvi, jeu de
semblances infidèles et, n’étant rien, d’être à soi-même
n n de rencontre.
229
1
LXXV. Limites
n du mensonge
n Je puis tout feindre et sais tout
controuver, et nul ne men résiste,
hors mon
n entendement
n qui ne se veut plier à ce qui le déjoue : il
apparaît comme un noyau mobile et l’univers n’est en moyen de
l’écraser, pas plus que moi ; il nous échappe et nous anime à le
serrer pour nous convaincre de notre impuissance.
230
veurs, un carrefour d’épreuves et de voies, la trinité dans son achè
vement.
Il Il se connaît, dès le moment
II qu’il s’évalue en la rupture
et, désuni d’avec soi-même,
II est à la fois l’objet de son intelligence
et l’œil se portant sur le moyen mis n en branle et, quand l’ajustement
II
il en répond, il aime
n à se choisir, il en appuie la visée, il vient à bout
de ses débats, il se fait pièce et brûle ses vaisseaux, peur de se
rendre à l’évidence au heu de se changer à ce que l’évidence ne doit
rompre !
verra tel que je suis et tel que je veux être ; ailleurs, je ne suis
moi qu’autant qu’il men résigne.
231
LXXX. Trop de finesse C’est une erreur de présumer
ir à tous les
coups de la finesse du contraire, allant
d’emblée
n au tortueux et jugeant l’homme
iiiii à l’égal des natures les
plus composées. A raffiner trop ardemment
ni n sur le subtil, à creuser
une intention bien au delà de ce que l’on intente, on passe les buts
assignés et n’aboutit qu’à rouler sur un faux principe, encore qu’on
se flatte de tout déceler, la vanité nous restant pour les gages.
LXXXI. De l’ascétisme
11 en tant que fondement
h de la pensée pure.
232
sorte malgré
H moi, peur de la jouissance et d’une servitude doublement
H
honteuse.
F. Ce qui mesure
n' est la mesure
II de soi-même
II II au travers de l’objet
qu’il détermine
n et du mouvant
II qu’il évalue. Ce qui s’affirme
II en ses
dénis s’affirme
n doublement
II : nous sommesn composés de nos refus
et de nos violences, et tout ce qu’on adopte nous désole.
233
B. Une âmen pure communique ses vertus à l’objet de sa quête
et de manière
n à le violenter, le forçant à l’hommage,
n en sorte qu’il
est toujours neuf et toujours pâtissant.
Le mysticisme
n u est le moyen d’atteindre à la plus fine pointe
ou l’âme
if se connaît pour telle et se différencie en devenant l’objet
de son économie instrumentale,n où l’univers semble annulé, la voie
ouverte et 1’ issue homogène à son commencement.
iiiii n Une âme
n pure
est le soutien de sa démarche et la raison de ses mobiles,
n le nœud
de force immotivée
iiiii et motivante, un centre en mouvement
ii à quoi
tout l’univers s’ordonne et se rapporte, un œil qui vole ruisselant
de la lumière
n qu’il diffuse.
en tel emplacement
n ne se situe nulle part et tous les lieux s’entendent
à le rejeter.
234
qui pénètrent l’embarras de nos litiges. Qu’on se figure un esprit
très subtil, dont nous n’avons pas toujours la plénière intelligence
et qui travaille à notre bénéfice, un double merveilleusement
n n armé
Il
qui jamais
n ne repose et metri tout en usage pour donner créance à
l’incroyable même
IT IT en se le rendant familier,
n qui sollicite les ténèbres
et les perce, qui violente apparemment iiiii à force ouverte et s’insinue
avec l’intention de faire brèche. Quoi de plus singulier ? Où dans le
temps que nous rêvons et sommeillons,
ri un autre veille et s’évertue,
un autre dont nous sommes la genèse ou le prétexte, mais dont
l’entendement
n ne saurait disposer à notre bienséance, un serviteur
dissimulé
n qui nous seconde où nous l’en dispensons et vient à nous
manquer, dès le moment
n n qu’on lui fait signe.
235
a d’imaginaire
II ou de fantasque, il en dépasse cent et milleH à raison
d’inégalités et de désinvolture, il improvise
n sur les tourbillons et
renchérit sur le possible, et l’évidence même
ii ii ne le satisfait plus guère
où l’infini seul le contente et qu’il étouffe en l’univers pour avoir
décelé ses bornes.
236
XC. Aphorismes sur l’espace et le temps.
A. Je nomme
liait espace-temps un milieu
il dans lequel les motions
n se
changent en mouvances.
D. Nous maintenons
n que l’univers s’épanche en se fuyant, issu
d’un indivis dont il assume
n l’acte et multipliant
H son milieu, changeant
ce qu’il est permis
n de nommer l’inétendue à notre espace-temps H
E. Un amoureux
n du paradoxe assertera que Dieu fit sortir le
plérome et ses dilatements
n de quelque masse
il fort diminuée
H et cette
masse
II d’un atome n ou mieux
n : d’une parcelle de néant prodigieuse
ment infime et d’où Sa main se serait retirée. La conjecture est une
voie à bout de nos cheminements H et qui nous rend ce qu’on lui
prête, et l’univers succession de vues ou d’énoncés antinomiques, H
237
et s’en protège, elle lui taille de nouveaux domaines à l’heure qu’il
la pousse en un déchaînementIl de fuites, puis elle reviendra sur lui
du fond de l’univers, elle déferlera dans une confluence monstrueuse
où les demeures
II seront abolies, les temps scellés et l’œuvre de
création restituée au plus infime et cet infime à Qui l’avait disjoint.
arrête à chac ie pas, les obligeant aux cavillations les plus ingénieuses,
dont notre Eglise souffre, alors qu’en faisant abandon de ce principe
ridicule, la religion gagnerait en élévation ce qu’elle perd en com
plaisance.
238
plie les allures ou les fins — quand la plénière intelligence de l’en
semble
Il est difficile à maintenir et qu’il lui faut se perdre en la re
cherche du détail, s’il le veut surmonter
H —. L’homme
lllll est le diviseur
commun
II et la raison des phénomènes qu’il invente, et c’est en lui
que l’univers se départage, en lui de même II que par lui, pour qu’il
en soit le maître
II légitime et qu’il retrace les achèvements
II suprêmes
II
239
tel, prenant l’allure d’une fantasmagorie, où son étrangeté nouvelle
est le rapport de l’âme, Il en solitude inassouvie, à l’objet qu’elle dé
termine.
H Pour sonder le réel, il nous importe d’abolir et jusques
aux puissances de l’entendement, 11 quand elles rattachent à l’impur,
II
240
CONCLUSION
L’homme Hlll est le véhicule du Suprême Maître et c’est par lui que
Dieu se rend universel et personnel, il semble un truchement n des
causes et des fins ou l’intervalle entre le chasme i et l’empyrée,
n à
mi-chemin
H n de l’origine et du dépassement, II il est un carrefour et
c’est à lui que toute chose se rapporte, il est une moyenne II et la
H esure de ce monde, un œil délimitant ii l’espace et le regard lucide
à quoi rien ne résiste, une demande if impérieuse à l’œcumène et
son image
II intelligible et prévenante. Hors l’homme, point de cause
et nulle mire,II et seulement
n un indivis indiscernable, un tout se
répandant et se communiquant à travers l’étendue, une vigueur
aveugle et la nécessité la moins H sujette à la clémence,
n un enche
vêtrement
ri de modes et de phases, la mécanique
II la plus monstrueuse,
où tout se parachève en un dilatement II et se consomme n en l’immobile,
n
mais
h l’homme est avenu, traînant les causes après lui, les dévouant
à leur antécédence et rangeant le théâtre de ses morts au mouvement n n
16 241
LIVRE SIXIÈME
DU DÉSIRABLE ET DU SUBLIME
mersion.
h Quand l’homme, se bornant à végéter, se livre à ses pen
chants, il ne déplore rien et s’établit en un bonheur solide, à la con
dition de n’en démordre h pas, mais il naufrage à l’instant qu’il le
pèse ou l’évalue. Cela ne prouve aucunement H la vanité de sa béatitude
et le mépris
h que l’on affiche
fi à l’égard de nos voluptés est nécessaire
au bien du nombre, mais n ne repose que sur des ajustements, n des
convenances et des partis pris : il est plaisant d’y mêler n une loi
divine. Il faut jouir ou dominer, H languir ou se multiplier,
n se trahir
ou se rompre et toujours s’obstiner au dessein que l’on forme, être
au palud quand on ne vole au-devant de la flamme mu et donner notre
assentiment
n plénier à ce que nous voulons et même n n au refus d’entrer
en matière.
243
II. Unus homo nullus homo C’est une fable impertinente que
celle dp garçon vivant en isolé,
loin du commerce
IIIII des humains, parmi Il les plantes et les bêtes, qui
refait notre histoire et qui retrouve les principes d’une foi dont
l’âme
II la plus noble ne rougit pas de s’avouer. Un homme confiné
dans une solitude et n’ayant pas l’usage de la langue est hors d’état
de parvenir à nos lumières,
II fût-il miraculeusement
II doué. Il irait
s’épuisant dans les préliminaires,
II toujours en deçà du commenceII
ment,
II mis
II à la gêne et s’obstinant à des projets d’impasse, en
un cumulII d’erreurs, ,un ramas
II d’indigences, en visions ne pou
vant le tirer de son éclipse.* Il ne serait pas même II II une personne
et je le tiens fort susceptible de s’accommoder II aux bêtes de son
entourage.
rudiments
n et de le ployer à divers langages. Qu’importe s’il n’entend
le fonds ni la manière ! Il en aura l’occasion, selon l’événement,
ii. et
ce jour-là que reste-t-il de sa mémoire
n ? Quoi de plus malheureux
ir
IV. De l’humanisme
n it L’accoutumance invétérée épuise le possible
et l’hommeiiiii se pliant aux voies de sa con
dition est perdu sans remède, it à l’heure qu’elle éprouve un change
et qu’il n’a moyen de s’y faire. Il ne faut jamais n soutenir un per
sonnage unique et nous devons nous préférer à nos démarches, ii nos
fins n’étant que des manières
n d’être et des biais qui nous rapprochent
de nous-mêmes.
n n Rien n’est si loin de l’homme n que l’humain et,
pour y tendre, on a visé jusques à Dieu, Dieu qui ne semble nullement ii
244
V. Humanité
Il de l’homme On n’échafaude guère l’homme en
partant uniment de la semblance et,
bien qu’elle se communiqueII et se partage à toutes nos allures, un
homme II digne de ce nom mérite H de la rompre
II et de se dénuder,
afin de s’établir au plus intime de la solitude où nos commencements II
245
ils se confirmentIf dans l’erreur par le spectacle de nos abandons. —
— Les voilà prêts aux forfaitures les plus surhumaines, II rien ne
leur coûte désormais n et l’homme
II ne leur semble qu’un fantôme ou
quelque vermisseauri rampant dans l’immondice.
lllll —
— De là ces murs bâtis de vivants et de pierres, nos belles tours
de crânes entassés avec un ordre digne de louange et d’autres monu
ments
II encore où le tyran dépasse les fléaux de la nature et prime If
sur la Providence. —
— De telles désolations dérivent d’un faux jugement 13 et qui voit
l’homme
n d’une balustrade y perd la tête. Que vienne un sage cau
teleux et lui remontre
H qu’ils sont légion, qu’il en meurt
fi sans ressource
et qu’il en naît sans trêve, et qu’ils pourraient validement if naître
ou mourir au nom n de ses prétentions, que c’est leur faire charité
que de les mettreii en état de servir ou de les employer n au dessein
le plus éminent,
ii les vouant à la mort pour élever la tombe n de leur
maître
ii et les poussant à se multiplier, afin d’en avoir toujours sous
la main.
n —
— Le méprisn est donc nécessaire et rend nos cruautés sereines,
nous prenons l’avantage et parons à l’infirmité qui suivent de l’abus,
en niant l’homme mu ou le rendant ignoble, et ce retranchement annule
les remords.
fi —
— Fuyez ceux qui vous prêchent le dédain de l’homme fl ! Ne
croyez pas qu’ils aiment la vertu, ceux qui s’emportent, tels des
furieux, contre le monde il et sa faiblesse, n’ajoutez foi qu’à ceux
qui vous reprennent en douceur et n’auront garde de vous immoler mu
246
VIII. La connaissance Ce que l’on définit se fonde plus vala-
et l’innocence blement, on gagne à s’avouer ce que l’on
veut combattre et qui se détermine n a
l’obligation d’être à soi-même
n ce qu’il est. La connaissance et
l’innocence ne vont nullement de pair et nous devons tout surmonter
pour qu’elles compatissent bien ensemble. Dans le principe, tant
y a que nous nous rendons pires en nous sachant tels et divisés
n
d’avec nous-mêmes, n et la rejette
laquelle séparation déprave l’âme
au sein des profondeurs, les yeux ouverts et connaissant la nuit
dont elle s’enveloppe, mais l’obligeant au témoignage d’une précel
lence inviolable où nous ne sommes
h plus à nous, quoi que l’on fasse.
247
d’assoupissementn autorisé, ce qui n’empêche
n nullement
II l’écart des
fanatismes
n : c’est quand le jugement n sommeille que l’âme II est la
plus généreuse, la vertu la plus mâle n et nos mains
n les plus acharnées.
Ainsi la paix de l’âme Il se prouve à soi-même
H' et qu’elle nous lie et
qu’elle nous rend participants de son efficace, mais II nous savons
l’erreur en état de la procurer aux hommes Hlll ingénus, nous savons
qu’elle se dérive de partout ou peu s’en faut, nous disons qu’elle
ne démontre rien, hormis l’acharnement ou la faiblesse et trop de
fois les deux ensemble. Le désirable épanouissement II dont parlent
les spirituels suit d’une cohérence générale et cette généralité —
propice à la fureur de même* n n qu’aux béatitudes — est l’œuvre de
l’esprit s’échafaudant à l’entour du prétexte. Or, ce prétexte que
vaut-il ? Voilà notre dilemme. IIIII Qui nous assure que la vérité nous
emplit
H d’allégresse et que la joie est une preuve sans égale ? Est-il
permis de bâtir sur de tels prestiges ? Que s’ils nous flattent, devons-
nous céder à leur emprise
II ? Y devinons-nous pas un relent dangereux
de complaisance
IT ?
XL Aphorismes
II sur la paix de l’âme.
II
248
C. Mes frères en esprit, ne vous fuyez pas dans le temps, mais il
XII. Sermon sur le refus Mes frères en esprit, la vie est la souil
lure que la mort efface et de la mort
attendez moins que du néant. Pour être vous, ne soyez vous d’abord
et vous le serez au delà de toutes étendues ! Prenez sur vous d’être
en épreuve et rompez les mesures
il qui pallient vos dilemmes.
nui Ne
vous rendez à votre empressement
n n et tirez-vous du pair, mais
n vous
tenant à la contrainte et primant
n sur la domination
n qui vous attache
à vos trophées légitimes.n Il n’est de marque
n plus visible de nos
libertés que le refus immotivé
n de jouir d’elles, de peur de les changer
à ce dont elles nous libèrent. Inassouvis de l’au delà, que votre marche
n
ne s’arrête et, dans le bris d’idoles terrassées, que les modules cèdent
et que les voies s’ouvrent ! Il est un point de fuite insaisissable, un
tourbillon où les pléromes s’engloutissent, un nœud où tout semble
aboutir et d’où rayonne l’harmonie, n un indivis sans fond et sans
partage, un au delà qui ne réside qu’en sa chute en le divin. C’est
là qu’est le Royaume n et qui le cherche ailleurs se condamne n infail
liblement
ii à servir l’apparence !
249
qu’on vous regarde ! Qui vous improuverait
il alors est-il de bonne
foi ? Présents à vous, ne l’êtes-vous pas davantage au monde u et les
appuis de sa grandeur ? Ne vous manquezII pas à vous-mêmesn1 : il
vous aura plus d’obligation que si votre rigueur s’empresse à le
servir. Vous n’êtes nullement
H tenus à vous justifier, mais
il à ne pas
vous démentir.
H Mes frères en esprit, ne louez que le Bien, lequel
est toujours le plus faible et le plus menacé
H ; le demeurant
H a-t-il
besoin de défenseurs ? Que le facile ne vous tente point. Mourez
plutôt que de donner la voix aux méchants
H de ce monde et fuyez
ceux qui mettent
n la parole à leur service et tordent les plus saintes
lois pour légitimer
n l’imposture X>u pour confondre l’innocence. Ayez
le privilège du refus, soyez inébranlables et que la mort vous accom
pagne au lieu de vous surprendre. Allez, ne craignez que vous-
n êmes
ii ici-bas et nul ne vous sera plus formidable !
250
nous lave de la faute où nous mourons par elle et dans la résignation,
qui nous retranche des vivants, non pour nous diffamer,
n mais
n pour
nous rendre ce qui se perdit où nous nous scellons dans le fort de
notre obéissance !
XV. La voie royale Mes frères en esprit, déposez d’un tenant qui
vous rapproche de ce monde et qui vous en
éloigne : la bonne voie passe au travers, en tout lieu de ce règne et
libre d’elle, de vous et de lui ; la bonne voie est l’abandon perpétuel
de ses conquêtes immanentes, la bonne voie épuise les chemins «i et
les modules, elle est plus qu’elle n’est et toujours moins qu’elle
n’est devenue ou deviendra*
XVII. Aplombs de
» la vertu Que le suprême n fondement
n de la
vertu, quand tous les appuis vien
nent à manquer,
n me
n semble
n enfin le naturel de l’homme ou cet
amour qui rend le difficile délectable et se dénomme
n point d’honneur,
lequel procède de l’acquis. La vertu paraît en l’instance une obliga
tion ou naturelle ou près de l’être et nous n’avons d’autre ressource
que de nous y jeter, sauf à nous démentir
il — mais
il il en est assez
pour n’y rien perdre et qui ne se prévaut d’un fondement II de bon
aloi mérite-t-il
n d’être à soi-même
n n ? — Je tremble aucune fois en
remontant à l’origine de mes
n vœux, n’y décelant que des prétextes ;
251
je sens que toutes mesn pensées s’ordonnent à dessein, que les plus
hautes ne meil sauvent pas de leur bassesse et que les plus profondes
se relient d’ordinaire à l’apparence : je suis en moi ce que je semblais
être et mes
H emplacements
n dans l’absolu dérivent d’un mobile im il
médiat,
n mon absolu n’est jamais
n hors de moi, dont les dépassements
ne touchent point à ce qui m n ’environne. Telle est la force de l’ina
nimé
n que nos vertus liguées ne sont pas de trop pour croiser l’effet
d’un méchant
n habit ou d’une bosse, peut-être s’en est-il fallu de
moins pour fonder un système n et mettre
n l’univers en branle.
molation
n l’inavouable porte le sublime II et le sublime
rr tomberait à
rien s’il ne l’alliait à l’inavouable. Par l’immolation nous retournons
à l’indivis et, dépouillés de nos limites,
H nous goûtons un néant qui
nous dispense de choisir et nous annule en ne laissant de nous com-
252
bler, effacement Il d’autant plus savoureux que l’on y touche en ve
nant de plus loin et dont les grandes âmes II jouissent au superlatif,
à raison du contraste ; par l’immolation le cycle se referme II et
l’homme
iiiii se transvide en éprouvant une Hesse insoutenable, une
manière
n d’agonie de béatitude, un sentiment II qu’il juge à l’égal des
meilleurs
n et qu’il poursuit comme
IIIII étant le plus désirable, où nombre
de systèmes II le lui persuadent à la dérobée et même à découvert,
les religions tirant leur vigueur d’un fonds d’enigmes II1 et de com
plaisances que dissimulent II des sévérités formelles
II ; par l’immolation
un homme II fatigué de solitude et lassé de choisir se précipite dans
les limbes, que dis-je, rentre dans le sein qui l’avait mis II au jour et,
sous couleur de se parachever, se restitue à la genèse, aveu d’une
défaite irréparable et d’un inceste digne de risée, avec des apparences
de subhme II et des commotions sohdement II voluptueuses. Il est des
héros et des saints, lesquels ne sont ni l’un ni l’autre, mais des men n
teurs assermentés,
H qui brûlent de mourir pour être les témoins il de
leur ruine et qui se laissent égorger, à l’intention de se prouver qu’ils
existent, n’étant pas dans le cas de s’endurer eux-mêmes. n n On les
admire, parce qu’ils nous servent, que leur exemple n prêche mieuxn
que des vertus silencieuses, que leur emphase nous emporte et qu’on
y puise des licences singulières, la bonne mort ou ce qu’on juge tel
légitimant
II des voluptés dont on est convenu de faire un rigoureux
silence, sous peine de se vouer à l’horreur avant d’en être la victime n
sur le délice.
253
ne nous mutile
H ou ne nous fasse perdre goût à l’existence. Enseigner
la pudeur à ceux dont la nature exige de l’outrance et qui, soit
faute d’aliments,
H soit faute de vigueur charnelle, ont peine à se
livrer à ce qui nous allume
II sans détour est l’abus le plus manifeste
II :
il est des nations chez qui les dépravations et les spectacles éhontés
éveillent moins de flamme que l’idée que nous en prenons, d’où
leur besoin de pallier un manque
II et d’échauffer des sens empreints
d’une langueur perpétuelle. En ôtant les excès, nous ruinons qui
vivent sous leur dépendance.
XXIII. Aphorismes
h concernant la femme
B. La femme
n est Ariane et nous ramène
n à le surface du dédale
où nous nous sommes engagés et dont elle ouvre les issues. L’on
voudrait qu’Ariane nous laissât et nous l’abandonnons si volontiers
sur l’île de Naxos, pour voguer libres désormais
H à pleines voiles,
libres de nous et d’elle. Les penseurs n’y démêlent
n rien et se con
tentent soit de l’ignorer, soit d’en médire
n ; les saints préviennent
sa puissance en allant au-devant de ce qu’elle a de plus irrésistible,
254
en opposant la femme au féminin, Ève à Marie, en courbant l’en
nemie
H aux pieds de son idole, en l’obligeant de travailler de tous
les ressorts de son infamie
II à toute la splendeur de sa démarche,
n en
accablant un être fait pour les détruire et qu’ils retournent à jamais
n
arrangement
n qui ne dérive d’aucun fonds, mais II s’ouvre d’un tenant
sur une vue illimitée
II et semble le produit de ce qu’il nous révèle.
Ce charme
n insidieux aveugle nos esprits, nous force d’abdiquer nos
n êmes
ii volontés, nous induit à nous desservir et nous contraint à
nier l’évidence au bénéfice d’un délire à quoi l’entendement II se
range de dessein formé. n Apparemment les hommes II ne s’abusent
guère à suivre un tel mirage
ii et nous sentons qu’ils ne se trompent
que sur les mobiles
II mis
n en œuvre.
255
ne la faites partager à nul qui n’aura débordé la sienne ! Craignez
l’absence et non pas la retraite et sachez que le mal ir est en tous lieux
où l’homme
iiiii se renonce, afin de n’avoir à se conquérir. Laissez les
âmes
n enchaînées, abandonnez les morts et désertez qui vous déserte,
la liberté ne résidant qu’en la démarche II qui vous porte d’aube en
aube ! Et secouez l’entrave d’un bonheur facile et tissu d’abandons !
Qui vise au fruit ne saurait l’obtenir et ne corrompt que la semence. n
Nul ne vous fournira des sûretés, si vous ne les prenez sur l’autel
n ême
n et nul ne vous déliera du serment n d’allégeance où vous ne
consumez
h les raisons de l’attachement.
n Vous êtes ce que vous pensez
et répondez de chaque motion n de l’âmen : le moyen de vous affranchir
où vous soupirerez tout bas après la servitude ? C’est par la femme
que le monde vous abaisse et par la chair qu’il s’établit en juge sou
verain de votre destinée, vous êtes sortis de la femme pour n’y plus
entrer et devenir un giron d’immortalité charnelle, afin que le Dieu
naisse du milieu
n de vous ! Vous êtes le levain du genre, le fondement ii
256
*
du pair a soumis sa conduite à des lumières
n préalables, nous voulons
qu’on se brûle et qu’on se navre, et la prudence ne doit point venir
à qui ne la mérite
II à force d’embarras ou de folies ! Allez vous perdre,
allez souffrir et puis nous en reparlerons ! » Et, quand nous remon
tons à la surface, ils nous prohibent gravement H de faire le détail
de l’exégèse et veulent qu’on bouffonne : « Vous nous indisposez
et quelle fureur vous anime n ! La vie est une chose aimable
ii et nous
ne supportons qu’on la diffame n ! Est-il loisible de la peindre de la
sorte ? Vos déclamations
u nous lassent et n’arrangent rien : nous
nous accommodons
iiiii de la bassesse et de la vilenie, où nul ne nous
empêche d’en jouir. Laissez-nous un bonheur facile et prévenant
que nous goûtons en notre ignominie et nous abandonnez à la liesse
de nos corps vautrés dans « les ténèbres ! Nous demandons
n à Dieu
qu’il nous condamnen à n’en jamais
ii sortir. »
17 257
vous destinent. Mais si vous vous jetez à la traverse, il ne vous reste
qu’à périr et même
n n alors vous tirerez-vous de leurs mains
n ? Ils
violenteront votre dépouille et, morts, vous servirez à leur malice,
H
mage
H ! ô vous, martyrs
n au delà de la tombe ! ô vous que l’on adore
à seule fin de vous rendre impossibles !
XXX. Sermon contre les vilains Mes frères en esprit, nous con
naissons les faibles à l’intran
sigeance, les couards à la démesure n et les vaincus à l’amour des
rudesses. Ah ! qu’il importe de se sentir appuyé, de se juger en force
et d’en avoir l’accoutumanceH pour n’abuser de rien, pas même n n du
triomphe ou de la certitude ! Qui rêve d’être le fléau du monde et
de saper les fondements
II de la justice est un esclave intronisé, de
qui la place est la dernière, oui, la dernière où le ressentiment II exerce
son acrimonie
II et les démonsII hennissent dans leur impuissance !
Mes frères, redoutez les faibles : ils vous immolent II au semblant de
la doctrine, ils iront consumer II la moelle et la substance au profit
de la lettre, ils régnent sans partage, impatients de domination, et
doubleraient vos servitudes pour enchérir sur l’éminence II : ils ne
se payeront jamaisII d’avoir tremblé sous d’autres, les couards, et
ne pardonneraient à l’univers la honte du servage ou la dérision
de la bassesse. O malheureuse
II humanité,
II s’il faut que des esclaves
te régissent ! Nul ne se fonde en espérance où nous devons bâtir
sur les vengeurs de l’infortune et qui demandent II réparation à ceux
qu’ils ont la charge de mener II !
XXXI. Aphorismes
ii sur le vilain
258
B. Que l’homme n vil est un abîme de surface où rien ne plonge et
ne se fixe ; une manière
n d’étendue impermanente
n n où les mobiles
sont en ghssementn ; le vague sourd et les aveugles vastités desquelles
rien n’émane,
n à quoi rien n’aboutit et dont nulle ombre ne relève ;
une aire plane et toujours en dérive, roulant sur l’amas Il morne des
penchants et de l’accoutumance II — les seules profondeurs qu’elle
retrouve en chaque lieu, le point d’attache qui la suit, docilement II
émule
II et dangereusement complice — ; un branle enfin, destitué
de sa franchise,
I. en dépit de ses mouvements
n impondérables
Il dont
il essuie l’inconstance et ne prévient jamais n l’atteinte ou la menace.
II
C. Que l’homme
lllll vil est sujet à la morgue
II' et se connaît à la malice.
n
Les vilains semblent à la fois les plus crédules et les plus dissimulés,
n
259
quelques tempéramentsH et de les amuser
H de thèses dilatoires : un
homme trop persuadé n’en est que plus féroce et ne ménage II rien,
il entreprend sur qui le met
H en défiance et ne se manque
II de louer,
la bonne cause l’absolvant du reste. Ah ! qu’on est aise de tout
subvertir et de tout égorger où la justice nous appuie et le Seigneur
est de nos partisans ! La belle compagnie où Dieu s’oblige à des
raisons dont un sicaire éprouverait de l’embarras et qu’il assiste
néanmoins
II du plus haut de Sa précellence ! Que voilà d’armes II
imprévues et de malices
II' composées
II ! Valait-il donc la peine de viser
par-dessus les idoles pour nous en susciter une nouvelle et la plus
implacable ? Craignons d’aller jusques au bout avec tous ceux qu’il
nous importe de laisser à vau de route !
XXXII. Du fanatisme
II Le fanatisme
II est inhérent à l’homme et,
pour se faire jour, il s’ouvre un mille
II de
passages. On croyait dans le temps n qu’il suffisait
ii d’ôter la religion
pour en détruire la semence n et nous savons depuis qu’il n’en est
rien. Tant il y a que, prenant source au profond de nos inclinations
couvertes, nul hommeIIIII n’a puissance de le subjuguer — sauf à le
retourner contre soi-même,II II lui déléguant l’emploi
n de se réduire au
long de son avènementII —. Faute de quoi, le fanatisme a prompte
ment raison de nos manœuvres
II dilatoires : il n’est donc pas merveille
n
s’il enfle nos pensers, enchérissant sur tout ce qu’on allègue et nous
portant à la fureur, qu’il envenime n' notre jugement et qu’il se fait
honteusement
n valoir à qui lui donnera licence.
à se remémorer
n ceux que l’on venge. Je tremble volontiers pour la
justice, si l’on s’avoue d’elle, et crains les zélateurs d’une victime h
de la dépasser.
260
XXXIV. Abus dans le spirituel II est des religions prenant tant
à l’homme qu’il semble
H soutenu
par elles, mais
n qu’il se perd, quand elles viennent à fléchir. C’est
là dérèglement
n et, s’il nous met
H à couvert de plus grands désordres,
il ne retranche les abus que pour nous affaiblir en ôtant les racines.
Nous oublions avec assez de complaisance que l’homme naît pour
être le sujet de la doctrine et que les privilèges du spirituel ne nous
exemptent point d’y regarder, puis toutes choses s’affadissent en
une soumission
II générale. En telle secte il ne subsiste même
n n plus
de borne et le spirituel s’épand au souverain degré, mais n loin que
l’ordre y puise des maximes
u u généreuses, la foi se pervertit à ce
mélange
II et nous croyons y demeurer,
H alors que nous l’avons trahie.
261
de la sphère la plus homogène, où l’aboli se masse
n en une liaison mul
if
tiple échafaudant ce qu’on dénomme fi le destin, amas n modifié sans
trêve à chaque mouvement
n n nouveau. Nous sommes iitii convenus d’ap
peler temps le tourbillon où l’homme se déplace et qu’il entraîne
invariablement
fi dans le sillage dë l’unicité, moyenne
lî et l’amas
n des
moyennes préalables, balancementH de l’acte à la commotionn et du
ressentiment
II à la réminiscence.
aux lumières
li demeure
il sur le parvis de l’enceinte.
262
s’élance en un tumulteif dévorant et porte la nacelle au morne de sa
crête, un hommeIIIII fléchissant est plein de l’infinie majesté
Il qui le
ravit et semble
fl l’engloutir.
à l’absolu, mais
fi l’absolu ne la couronne point, lorsqu’elle ne se tend
dès le principe : il lui faut trancher sur le monde et se fermer
n à tout
ce qui n’est d’elle, rompre et bâtir d’un mouvement n et s’élever,
inassouvie, en ne perdant l’assiette. La foi demandeii une rigueur
extrême,
u à faute de laquelle elle se passe à commencer et ne doit
263
aboutir, et l’ombre même n n de la tolérance est une cause de ruine
à l’heure qu’elle prend appui : dans ce domaine, Il il est besoin que
l’on s’acharne sur Je reste ou s’étudie aucune fois à l’ignorer, qu’on
ne balance jamais
II dans le choix et craigne moins de s’abuser que
de manquer
n d’agir. La foi s’endigue à force de se déborder et se con
firme
n en un retranchement
II jaloux, dont il se peut qu’elle s’évade
en apparence, où tous les chemins n la ramènent
n sans faillir aux
lieux de sa retraite. Elle aime n bien qui fera minen de la suivre et
davantage qui l’attend et ne s’ébranle pas, et l’on aurait mauvaise n
nous militons
II à force ouverte et ne laissons d’agir où l’on s’en
264
dissuade, nous nous revendiquons en nos délaissements, h nous nous
clamons à nos biais, nous revenons sur nos apostasies, nous nous
rendons à notre dérobade et qui se promet II à l’incertitude — afin
de n’avoir à choisir — et lui délègue même lï' ses désirs couverts,
cherchant une assurance au beau milieu
II de sa négation, cet homme-
lllll
là n’élude jamais
II ce qu’il déjoue en la plus vaine tentative ! Car la
vertu, jusqu’au dernier moment, retombe 11 sous l’élection et veut
qu’on la reprenne indéfectiblement
II et de plus loin.
XLVI. Sermon contre les tièdes Mes frères en esprit, soyez avec
les purs et votre choix sera le
bon, mais
II désertez les tièdes. Jamais
II les tièdes ne seront à la mesure
II
Point d’âme,
n faute de mémoire
n II et de temps réversible, et qui ne
se rend malléable
n au sein de la durée intérieure est perdu sans res
source : or, là les tièdes se raidissent, là seulement et pas ailleurs,
pour tout le reste ils sont à l’abandon.
265
XLVIII. La rétribution finale Mon sort est celui de l’impie et
n’en dissemble
II point, et j’en méil
riterais un plus funeste où je pourrais cesser d’y croire. Malheur
à qui marchande
n ses félicités ! Nul ne me
n voit, nul ne mn ’entend et
266
LI. Mépris de la vengeance Que le ressentiment,
II pour légitime
n
que le sommeil de ses bourreaux est le plus calme II dans les profon
deurs et que tout l’univers respire la Hesse. Que la victime II' sache
ce qu’elle est et le proclameII au jour, et la voici plus forte que le
monde
II et ses contraires assemblés : elle s’avance et met II l’empire
en interdit, eHe s’incline et l’épouvante assaille qui la voit, elle se
meurt et sa tutelle a commencé. Dorénavant elle est une présence
inviolable et les bourreaux ne peuvent l’oublier : eHe est en eux,
assise au plus intimeII de leur être et fait mourir au jour le jour,
inaltérablement
n et sans relâche, ceux qui voulurent la tuer en mêmen n
267
contenance à mépriser
H ce qu’il abîme
ii ? Que de services à lui rendre !
Le châtiment
II de la victime
n suit d’un manque
u de ferveur et d’un refus
de se passer en tant que telle, où consentir est le moyen suprême n
LVI. La force du chétif Le faible sera le plus fort, s’il puise une
grandeur nouvelle en la condition à quoi
ses maîtres
II le destinent et leur enseigne à faire moins état de leur
pouvoir que du renoncementII en faveur de sa magnanimité.
If H Nul
268
n’aime
Il qu’on le passe et nul n’essuie les rebuts de qui nous sommesII
269
le sourcil ou haussera le ton, s’il est dans son ménage
n ou face à
d’autres, plus débiles. Les forts sont hommes
iiiii en leurs privautés
et même
II n plaisantins, avec un fonds de générosité ; les faibles, durs
et despotiques, se dépouillent de l’humain
il et ne respirent que
vengeance.
et sans lequel les autres tombent à néant. Malheur aux justes dé
sarmés,
n malheur
n aux saints que les bourreaux flétrissent, malheur
n
270
l’évidence ? Fuyons en l’absolu, tombons en l’altitude et, de ruptures
en ruptures, passons notre dépassementH et nous l’emporterons, car
le réel est la figure de nos fins, mais
il notre fin ne se situe nulle part
hors l’indivis où tous les lieux vont s’abolir !
puissance du malheur
n reux, est-il objet plus redoutable ? Nous
voilà mis
n en l’embarras
n le plus cruel et par
sa faute. Est-il permis
in de languir de la sorte et de frapper nos yeux,
que dis-je, de les offenser ? Nous demandons
11 qu’on les ménage.
H
271
— Une aide ? une assistance ? Voilà nos embarras multipliés. n
Les malheureux
Il abondent. Où nous tourner d’abord ? De mille n
parts les mains s’élèvent. Nous nous sentons humiliés, il dans l’i: n
puissance et ridicules. Que pouvons-nous ? —
— Au reste, nous n’en sommes pas fâchés : cela colore notre
indifférence et l’on se prouve dans les formes il — chiffres en main if —
qu’il n’est remède
n à la condition. —
— Il est des misérables
n à foison. Qui leur a demandé u de naître ? —
— Or, ils sont nés, ils nous le font connaître, il n’est pas rece
vable qu’on les chasse et quand ils seraient légion, il faudrait néan
moins
il ouvrir la bourse, maùière
il de se racheter par l’entremise n d’une
obole. Allons-nous être soulagés ? Hélas ! Nous voyons trop l’ab
surde où l’argument n engage et nous n’en viendrons plus à bout,
nous voilà partagés et divisés contre nous-mêmes, ri n d’humeur farouche
ou de mauvaise
n foi, perdus d’estime ri ou troublés sans ressource.
Pour achever la forfaiture, il ne nous reste qu’à l’abominer, ce
pauvre, qu’à le mépriser
n et qu’à le fuir ou qu’à nous prendre en
détestation, qu’à nous humilier n et qu’à nous abdiquer. —
— Voilà l’alternative où chaque marmiteux ri n réduit notre assu
rance ! —
— Oui, l’homme ne se joint à l’homme n ailleurs qu’au profond
de l’abîme ou sur le comble le plus éminent, ir mais
n ils s’opposent mu ri
tuellement
n quand tout ne les écrase pas ou qu’ils n’écrasent toute
chose ! Point de communion ii valable en l’entre-deux et nulle paix
hors l’enracinement
n dans les extrêmes.
n Pour que les hommes n s’aiment
n
272
LXIV. Du fauxrenoncement
ti Quoi de plus digne de mépris que
le renoncement
n de qui n’a rien, ni
pouvoir ni richesse, pas même n de talents ni de vertus en propre
et semble le fantôme d’un vivant et l’apparence d’une chair ? De
quel sommet
n va-t-il descendre, lui qui ne se distingue plus du sol
et que peut-il abandonner, quand l’univers le tient et chaque motte
l’a bravé ? Néant qui prête à la risée, on l’a vu consentir, lui qui
n’a d’autre liberté que celle de plier avant de creuser les motifs
et d’en entendre la raison ; on le voit céder noblement
ni les chaînes
et les dettes, répandre l’allégeance la plus éhontée et la plus vile
servitude à la façon d’un maître plein de grâces ; on le verra, superbe
en la bassesse, imbu de l’obligation qu’il juge départir et saintement
n
LXV. Aphorismes
n touchant la mort.
D. La mort
n est la genèse du sublime
n et la mesure
il à quoi tout se
rapporte ou se réfère, le même
it il fondement
n de la véracité, le garant
de la certitude et le mobile de l’agissement.
il Nul ne se passe d’elle
18 273
ou n’a sujet de l’oublier, sous peine de se mettre
ô en faute ou de lan
guir à découvert, et la noblesse de mesn fins répond sans discontinuer
du privilège de mesu œuvres. La mort nous soit une présence, comme
elle l’est au reste, et nous rompus
n à son abord de chaque mouvement,
n n
car Dieu n’a la puissance de vous secourir si vous Le perdez avec vous.
274
de mourir, Il vous retire un privilège intérimaire
ii et vous n’avez
nul droit sur tout ce que vous n’êtes plus. Vous mourrez n seuls,
frappés à l’aventure, et vous mourrez entiers, n’ayant d’autres
soulagements
fl que ceux que vous vous donnerez vous-mêmes,
n n tenus
de vous les procurer ou de périr inconsolables. Aimez n la vie et
l’aimez
ii sans mollesse et ne vous cachez pas à vos douleurs. Oui,
l’on vous ôte le meilleur en vous la faisant perdre et la rébellion est
légitime
n et légitime
lï le consentement,
il mais vous n’avez pas à vous
mutiner
ii : quoi de plus vain qu’une révolte ? Soyez de bonne com
position et ne vous exemptezH jamais
il de ce qui vous déjoue. Allez
et bâtissez infatigables, ne vous cherchez qu’en l’enracinement il et
ne vous poursuivez qu’en l’éminence,
n que l’altitude vous appelle
et les abîmes vous répondent ; allez et débordez ce qui vous investit
et dominez qui vous menacen et terrassez qui vous achève !
275
son deuil et n’a de prise sur ce que vous n’êtes plus, il appréhende
l’immolation
II dont vous le menacez
H et vos dépouillements
fl le frustrent.
Ah ! mourez chaque jour et nul n’aura puissance de vous obliger,
et soyez à vous-: H es prise et don !
276
— Et que le Mal emporte la tristesse avec l’ignominie, à faute
de la peine où nous n’avons plus les moyens
«i de l’infliger. —
— Peut-être les méchants
il habiles affectent-ils le déplaisir qu’ils
ne ressentent guère pour qu’on les plaigne au lieu de les honnir,
et trouvent-ils par ce biais un surcroît de délices. —
— Peut-être sommes-nous leurs dupes et méritons-nous
II leurs
mépris couverts, mais ils nous servent plus qu’ils ne l’infèrent de
l’ajustement
•I et leur malice
u prêche contre eux-mêmes.
n n Nous n’avons
garde de leur clamer d’autres preuves: les simples en seront édifiés. —
— Et les méchants
n habiles savent ce qu’ils gagnent à ne se pas
multiplier
il outre mesure.
u Les voilà nos complices,
la un pas encore et
nous voilà fort engagés et dans le train de devenir les leurs. —
— C’est là qu’il faut, que l’on s’arrête et tourne bride, quitte
à perdre. —
— Et qui veut perdre, s’il peut tout garder ? —
277
LXXII. Le Mal et l’ignorance Que l’ignorance porte au Mal et
semble
II le justifier, mais
H que le
Mal est assez fort pour nous induire et persuade en fascinant, vu
que ses charmesn ne sont pas des moindres.
n Le Mal est une liberté
sans Dieu ni maître
u et le retour à l’indivis, mais
n dans le sein de l’ordre
subsistant, et tire de l’antinomie II un regain de puissance. Le Mal
est commen un vin et l’on y goûte d’effroyables joies, d’ailleurs solides.
Les moralistes
ii savent que le Mal ne laisse d’être formidable au genre
humain, au mépris
II de l’horreur qu’il nous inspire et dont il nous
affecte moins à raison du motif II que par le truchement
II de ceux qui
le dénoncent. Tout est perdu, si l’homme ne redoute ce qu’il aime II
278
l’infini ; s’il a le temps, il ne domine pas sur l’éternel et s’il a l’évi
dence, il n’entreprend sur la divinité, laquelle est au delà de l’évidence
et la transforme en chacun de nous tous. Le Mal est grand, mais
il est sa limite
Il ; le Mal est l’ordinaire, le facile, il est encore légion
et l’innombrable, et chaque bien l’infirme n en sa massivité
H ; le Mal
est amoncellement
II II de nuits et de nuages, le moindre
H souffle le dis
perse aux quatre vents et met II en défaut sa prépondérance ; il est
un monde
II entièrement
II réel et qui se fait imaginaire et dès l’instant
que nous mourons à lui.
de nous et l’affermir
n à force de nous employer
ri en la faveur de ceux
qui le ménagent
n ? Nous ne pouvons nous y résoudre et nous voilà
mis au supplice et ne sachant raison garder, trop malheureux n d’agir
et la risée de ce monde où nous nous abstenons, coupables de nous
refuser, injustes dès l’abord et dès l’abord marqués n d’un signe in
délébile, et ne devant pas mêmen attendre en patience où nous nous
sentons réprouvés, héros d’une querelle infâme II et vengeurs lamenn
tables, en pleine possession de leur crime II et le voulant multiplier,
n
279
qu’au bout, en ne laissant de les juger, mourons désabusés à notre
place et souhaitons la gloire de nos ennemis,
il en tenant ferme
If devant
eux !
aux mains
II : il veille à nos côtés, il double nos démarches II qu’il fait
aboutir, il est ensemble II l’instrument
II et le reproche, il nous allie à
sa tutelle et s’enracine dans la nôtre et, s’il n’est rien quand nous
n’y sommes plus, que sommes-nous IIIII s’il nous déserte ? Que le sublime
est impuissant, quand il ne s’échafaude sur le désirable !
280
jours remise
II ! Combien
H j’admire
II ceux qui tentent l’ordre et qui le
tiennent en balance, ne fût-ce que l’espace d’un seul jour ! Ce jour
nous rend ce que des siècles nous font perdre et mieux II : il les sub
jugue et les éclaire, il pèse davantage que nos destinées, il justifie
nos espoirs, il légitimeh nos rébellions, il sanctifie nos démarches.
II
LXXVIIL Aphorismes
II sur les fins et les moyens.
281
l’immolation qu’on feint d’y voir. Le bon usage de l’honneur con
siste à l’observer en donnant ouverture à cela mêmen n qui l’excède,
au lieu de se fermer
H les autres voies sous l’ombre qu’il supplée à
toute chose. Le saint l’a déposé, mieux
II : il le violente et cependant
l’honneur le suit, l’honneur s’attache aux mouvements qui le
résignent et semble
II naître sous les pas qui l’ont foulé.
un jour comme ils sont avenus et c’est par eux d’abord que l’âme H
se surmonte. Ils sont fragiles, ces dédains, ils ne l’ignorent pas et,
forts de leur faiblesse, on leur doit faire violence où la brutalité
les charme
II au souverain degré. Et quoi de plus brutale sous le masque
II
et de plus ferme
II en la douceur, quoi de plus invincible que la charité,
l’impénétrable
H en la démarche
n et qui surprend toujours en une
nouveauté perpétuelle ?
282
tourments
H à ce pardon qui le fait poudre et l’oblige à mourir
il à ce
qu’il aime
u par-dessus le reste. —
— C’est bien ce que je dis. Pour écraser celui que l’on renverse,
associant la honte à la confusion, c’est trop qu’il y demeure,n il y
prendrait de l’avantage et l’on ajoute à son abaissement n en lui
tendant la main.
ff Vaincu pour la seconde fois ! —
— Nous n’en voulons qu’à son orgueil et jamais II à lui-même.
il
283
de l’épreuve en la multipliant
II jusqu’à ce qu’elle tombe à rien et
que notre âme II prime
II sur le monde : alors nous sommesIIIII ce que l’on
était, mais
II qu’il nous fallait être pour le devenir et faire usage de
nos postulats. Tout homme H est la figure de son infini, dès le moment
qu’il se ramasse
H à l’entour de soi-mêmeIl II et n’envisage rien qu’il ne
rapporte à sa gouverne, et le dépassement II émane
II du repli.
LXXXVI. Le désabusement
il Que je ne sache d’heure plus sinistre
irréparable ni plus désolée que celle où l’hon
nête homme il se tient dupe et dé
sespère de la Providence, où l’homme vertueux se juge méprisable il
où leur mesure
n est à l’échelle du destin, quand elle ne le passe. Est-il
spectacle en l’univers qui représente mieux n les fastes de l’espèce
qu’un hommeII se mourant, le maîtreH de son heure et la figure de sa
fin, méprisant
II la menace
II ou les apaisements,
II inébranlable et résolu ?
Les clercs ne manquent
n jamais
n de nous assurer qu’il est rebelle et
pétri de superbe, mais
n j’aimerais,
n sans mentir,
Il à le suivre au lieu
de recourir aux consolations d’usage ! Mes frères en esprit, chassez
de vous qui vous domine au travers de l’abattement H et qui s’allie
à vos faiblesses ! Chassez de vous le complaisant insidieux qui vous
sépare de vous-mêmes
ii iî ! Allez à qui n’a soin de vous et vous ressemble,
il
285
— Aux humbles Il vous affirmerez qu’ils sont chéris du Maître et
fort avant dans Son intimité n ; aux grands que Dieu les nomme man II
dataires, les commettant
n à rendre la justice ; aux peuples accablés
vous enseignez que la défaite est une marque II de faveur ; aux nations
victorieuses que le Maître les assiste et qu’il agit par elles ; aux
âmes
II viles et d’entendement ii borné ne laisserez-vous pas entendre
qu’il n’est rien de tel que la simplesse, n alors que vous joutez déli
cieusement
II avec les esprits forts, dont la conquête vous enivre et
dont vous vous évertuez à rompre les mesures. II —
— O clercs infortunés ! —
— En tout cela, que devient la grandeur de l’homme et les re
tournements
II de sa condition ? La perte vaine et les démarches 11
286
pèse, un composé
n de haines et de peurs, un aveu d’impuissance à
quoi le reste se ramène,
u une profusion de pauvretés sous le couvert
de la simplesse et l’amour du néant dont vos méthodes Il se dérivent.
Le fond du stoïcisme II est un mélange
II impur
II et sa doctrine une manière
11
avec la mine
n de tout résigner. —
— Avec la mine n seulement
II ?—
— Avec la mine de tout résigner, moins un orgueil inébran
lable. —
— Courage de l’orgueil ! —
— Ce monstre dévorant paraît vider la terre et c’est bien lui
que l’on adore au plus secret de l’édifice, le temple est son domaine
et l’ordre merveilleux
II le truchement
II de sa fureur, il a tout consuméII
287
n’être pas la bonne et nous n’avons jamaisH à faire état de ceux qui
meurent en son nom n : mourir
n afin de ne se déjuger est l’artifice
de ces faux croyants et de ces enragés qui se mutilent,
il peur de se
connaître ou d’aller jusqu’au bout de leur démarche. L’opinion,
du fait qu’elle se met au jour, ne gagne aucunement n sur l’erreur
qu’elle emporte
H : être sincère dans le faux ne nous démontre
n point
qu’il faille lui porter respect, où nous devons l’abattre !
des marques
n de l’estime
ii qu’on lui donne, à
l’heure qu’on s’efforce de la ruiner !
des galeries. La vertu nous protège mal, n quand elle ne se fait con
naître et recevoir en due forme n et nulle église ne se passe de men
n
songes ni de simulacres.
n Tous les moyens de nous placer en un jour
288
favorable emportent
Il quelque piperie et notre cause y perd un je
ne sais quoi d’innocence, mais
II que serait-elle au défaut de ses
invites ?
XCV. Sermon touchant Paraître est donc une nécessité pour qui
la résignation se voue au monde et l’ordre temporel s’y
moule
n sans dispute, mais
n l’ordre de la
grâce est infailliblement
n ailleurs. Mes frères en esprit, laissez parler
qui mourra devant nous et ne vous affligez de donner une voix sou
mise à qui n’est rien, si vous n’entrez en tous les sentiments
u qu’il
vous affiche. Que vous importe de sembler ou de ne sembler pas ?
Aux yeux de qui vous acharnez-vous à paraître ? Laissez les morts
dont l’univers est plein et résistez à la superbe de les ébahir, en leur
montrant que vous vivez sous leur regard et qu’ils ne sont que l’ombre
de vous-mêmes.
H n
19 289
XCVI. Sermon sur Mes frères en esprit, ne vous fuyez pas dans
la constance les autres, que chacun demeure
n en sa place
et dût-il en mourir ! Chacun de nous a ce
qu’il est et ne possède l’univers qu’au travers de soi-même,n n où nul
n’a pleine autorité s’il est à ce qui le possède. Allez de vous à vous
par tout ce qui vous en sépare et tentez vos abornements, n afin de
reculer vos lignes. Nul ne vous fournira de sûretés, vous êtes vos
garants indéfectibles, et nul ne vous assiste de conseils où vous
délibérez en gageant votre tête. Promettez-vous le pire en allant
au meilleur
n et ne vous exemptez de rien, maisu ne laissez de briguer
toute chose ! Tel un feu dévorant roulant de foyer en foyer, em u
portez-vous à rompre
n vos mesures
n et, dans l’ajustement
n inaccessible
à tout secours, tenez-vous lieu d’épreuve en contenance d’ennemis u !
Infortuné qui s’en remet
n au seul événement
n du soin de le conduire
et ne se désabuse avant de se leurrer !
à déserter ?
290
H'urmurer,
II qu’il s’en exempte
Il pour mieux
II s’obliger et se remet
II à
son devoir, rend le futile essentiel et le solide le plus vain, surcroît
de solitude et renouveau d’impasses. Ce mouvement
ti n porte le monde
II
exempts
II d’un mille
II de dégoûts et libres d’amertume,
n n en sages froi-
dureux, bornés par ce qui nous étaye, enceints par ce qui nous appuie
et les sujets de nos frontières, incomparables au dedans, mais asservis
pour tout le reste et roides plus que noblement n trempés.
II Que les
natures généreuses s’excitent à des sentimentsn outrés dont elles
291
se feront une vertu, voulant se déborder en ce qu’elles éprouvent,
démesurées,
H non manque
ii de lumières,
ff mais
n en raison de leurs res
sources. La tempérance vaut à proportion de ce qu’elle départage
et qui s’y donne au lieu de s’y revendiquer devient une moyenne
et se situera en l’abrégé de ses profusion antérieures, quand il devrait
en être le duel.
que les seconds ne vous aveuglent pas à l’avenir, que nul n’ait
privilège sur vos destinées, pas même
n n vous en tant que vos mobiles,
et faites de la mort un commun n diviseur de vos agissements !
292
souvie et consumés par elle, anéantis et dévorants, abjurant tout,
mais
Il rêvant de tout posséder, destitués de ce qui nous assemble et
n’ayant part à ce qui nous divise.
Une autre est la douleur à quoi nous voulons consentir et nous
abandonner d’un mouvement sans intermission tl pour avancer notre
ruine et nous envelopper en elle, enragés assidus, épris de nos tour
ments
11 dont nous ne sommes
iiiii jamais quittes, nous désolant afin de
renchérir sur ce qui nous abîme.
Une autre est la sagesse en l’émulation
II de certitude où l’âmeII
293
faut craindre de mourir. Le monde n’est pas vain et nous n’y sommes
lllll
nation met
n en usage ? — L’absurde est l’allié de ceux que la noblesse
outrage et qui pardonnent mal qu’on serve dans l’honneur, en dépit
de la servitude ; l’absurde est l’allié de ceux qui nous jalousent de
les rendre méprisables,
n nous qui les faisons tels pour refuser de
l’être et maintenir ce qu’ils ne peuvent nous ôter : le bien, l’ultime H
294
déborde, issue de sa plénitude et reculant les marches
ii de nos fins,
plus véhémente
Il en vertu de la chute, plus ferme
n à raison de la dé
faillance et plus armée
II en compensation de la menace.
n
CIX. Dignité de Je me
II demande bien souvent de quel usage est
la connaissance la plénière intelligence d’un événement
II qui nous
dépasse et dont nous ne pouvons que subir les
atteintes sans nous remparer. L’utile d’une telle connaissance, où
nous n’en tirons que raisons de nous miner et de nous amoindrir ri ?
Nous en voyons qui, roulant sur un faux principe, se racquittent et
parviennent à se démêler,
ii ignorant tout de la menace
n suspendue et
revenant sur l’eau, pendant qu’elle s’évanouit, et d’autres qui se
meurent
n fascinés par elle et n’osant la braver, du fait qu’ils la me n
surent. Que d’hommes vivent, manque H de sentir, ensevelis en leur
accoutumance
ii et toujours à l’épreuve de l’adversité, mais it d’une
adversité qu’ils ne discernent pas ! Que d’hommes se ravalent en
croyant s’affermir où le mérite
ii n’est pas d’être aveugle, mais n de
s’évertuer en dépit de sa clairvoyance !
CX. Parabole Mes frères en esprit, il est des hommes iiiii faits de
paille et dont le vent disperse l’assemblage ; il en
est d’autres formés
n d’une cire mollen où tout s’imprime
A n à l’aventure
et dont chacun est à soi-mêmen n de rencontre ; et d’autres sont pareils
au bois et nous louons leur dureté, mais II que le feu s’y boute et les
voilà réduits en cendres. Or, les meilleurs II ont la nature du seul
bronze : ils sont loyaux et fermes II et sonores, il faut les rompre
n d’une
pièce et dans la flamme II ils coulent embrasés. Le Seigneur n’aime
que ceux-là : s’il les ébranle, Il les écoute et s’il les brise ou les doit
fondre, Il les affine et les épure, avant que de les revêtir d’une splen
deur nouvelle et de les projeter dans une forme triomphale. Mes
frères en esprit, soyez comme le bronze !
CXI. Contre les faux rieurs Mes frères en esprit, le tempsit de rire
est le dernier venu. Ne riez point,
que vous ne soyez à vous-mêmes n ! Le faible rit, de peur qu’on ne
l’assomme et l’incrédule, à dessein de se prouver qu’il existe ; le
raisonneur, en haine de ce qu’il n’atteint jamais
h ; le sot, parce qu’il
juge tout à sa mesure,
ru mais
Il vous n’avez sujet de faire ce qu’ils font
et le loisir vous manque, où l’âme se doit prendre en charge. Ne riez
point, de grâce, et fuyez la liesse inavouable, soyez moroses
ii et cha
grins dans les commencements,
ii n pour que la joie se redouble à l’arrivée.
295
CXII. Le désirable
I Avoir le monde à ses côtés, c’est vraiment n
296
tante issue de l’agencementh forme
Il une espèce de réalité nouvelle,
irréductible à ses motifs
ri et libre par-dessus les lois de sa genèse.
Le désirable et le sublime ne varient guère, le premier II veut que
l’homme
lllll se travaille et le second demande
II qu’il se passe. De même
II
297
CXV. D’un parallèle entre Le but de la raison n’est que de faire
la raison et la foi vivre « à cause de » et le partage de
la foi de nous aider à subsister « en
dépit de », ce qui la rend plus souhaitable. D’ailleurs la raison tombe H
à rien, dès qu’on ne l’alimente plus et veut qu’on lui professe une
adoration dissimulée,
II encore qu’elle s’en défende et c’est l’idole la
moins
n raisonnable : il lui faut des muets
II serviles qui marchent
H au
premier
ii indice et lui délèguent leur arbitre, des complaisants en
tichés de systèmes, il des zélateurs et même
n n des séides, elle demande
tout et ne nous restitue que fumée, et d’instrument IT elle se change
à domination,
il mettant
n en couvre qui l’emploie et le tournant contre
soi-même.
II II A la limite
n de la foi nous discernons l’absurde, au bout
de la raison ce qu’on dénomme le néant total : le fait de l’homme iilll est
moins de s’abêtir que de se partager, moins de désespérer que de
se chercher une forme H et d’être moins
il au fond de ses dégoûts qu’à
la plus fine pointe de sa rage, il ne lui convient certes pas de se vouer
à ce qui le dévore et d’y goûter une amertume n n assez voluptueuse
pour s’y réduire à l’objet de l’épuisement et la liesse de sa vacuité !
CXVI. Sermon sur notre charge Mes frères en esprit, vous qui
savez que notre fin n’est pas un
terme, où nous vivons à l’issue immanquablement n ouverte, ne
cherchez point la raison de ce monde à quoi nous avenons pour être
tout ce que nous sommes. Le but de l’âme est d’enfanter la cause
et de nous destiner à son principe, et hors de nous ou d’elle il ne sub
siste rien qui doive nous toucher, si l’univers est le théâtre mons n
trueux et l’hommeiiiii le suprême n soliloque en l’indivis, le motivant
immotivé,
ii le dieu qui meurt
H et traîne la raison du monde au néant
de sa fin totale ! Mes frères en esprit, chacun de vous est une senti
nelle destinée à choir du plus haut des courtines et des tours, chacun
de vous est la victime II expiatoire armée n et consentante, et chacun
de vous tous l’autel où fument 111 les offrandes. Vous êtes pour qu’ils
vivent et qu’ils ne désespèrent jamais n de la loi du monde, élus
muets
n que l’on immole et sur lesquels se fondent les empires ; vous
êtes et vous demeurez
n entre les hommes n et l’horreur, les vivants
et la nuit, l’espèce et le chaos générateur et dévorant ; vous êtes la
présence et la platée, la source et l’estuaire ; vous êtes l’absolu que
vous manifestez
n et rendez infrangible et qu’on ne rompt qu’en
passant au travers de l’ombre n ! La vérité, mes frères en esprit, la
vérité ne se situe en aucun lieu du monde et vous l’y chercherez en
vain. Que ferait-elle sur les routes, les marchés n et dans l’enceinte des
maisons
n ? Allez la quérir où vos pas s’arrêtent et vos yeux se ferment !
298
CXVIL Sur l’homme dans le monde
plus belles vérités demandent qu’on les joue et les regagne d’affilée :
ne dure que l’impermanent n et qui se fonde :meurt.
II L’éternité réside
en qui paraît la démentir.
ii L’homme est le nœud de qui le détermine II
et le mystère
n est néanmoins et dans le monde
n et hors de lui, mais
n
299
il était indispensable que vînt l’homme,
11 pour que le monde signifie
à la lumière
H de l’arcane. La vie est un consentement perpétuel à ce
que je ne dois entendre. Malheur à qui n’a voulu s’en tenir à l’im
probable ! Malheur à qui, s’y rangeant, ne l’a surmonté !
bannis ! Mais d’autre part qui ferme n l’œil sur l’évidence et se console
à Paide de mots
n improbables,
n qui s’avouant d’une imposture signalée
met
ai son étude à prêcher l’ignorance, ne sauve pas la dignité du genre
humain et ne le rend pas libre à force de mensongesn ! Double est la
solution du dilemme
iiiii et provisoire en son ajustement continué : qui
s’y refuse se condamne n à ne jamais se définir et d’autres choisiront
pour lui, malgré soi-même.n
300
CXXI. L’homme œil de Dieu La vie est océan et nous la semons
H
totale, nos juges et les leurs, leurs vengeurs et les nôtres, mais
n qui
dédaignent la vengeance et la redoublent immanquablement n ! Ainsi
nous devenons les forts, nous qui n’avons rien demandén ; nous ga
gnons l’assurance et n’avons pris de sûreté ; nous nous fondons en
un empire
H stable et n’avons point bâti ; nous ne sollicitâmes il pas
301
et sommes investis de privilèges ; nous ne voulûmes rien et nulle
chose ne nous manque.
Il Heureux qui voit avant que les yeux s’ouvrent
et misérable
II qui les ferme,
H de peur de se désabuser !
au sein de la concomitance
II où la mén
moire
II est abolie et le désir involué, l’on y bâtit sur le présent et l’on
s’y fonde en l’immutable
IIIII ; la source de la joie est un débordement
de plénitude issu de l’homme, II environnant tout l’hommeIIIII et le ren
dant à son milieu
II pour le restituer à son modèle
II en le plus libre
des échanges ; la source de la joie est l’unisson de toutes les données
en l’harmonie des litiges, le privilège d’être et cela mêmen n que l’on
est, enfin la paix en la conquête mutuelle
II et la victoire solidaire.
la mieux
II exercée et de la su
prême
II innocence aux détours de la politique il suffit seulement
n d’at
tendre, où peu d’années feront beaucoup à l’affaire, il suffit seulement
n
302
meil
il a raison de la ville. C’est l’heure qu’il faut tenter l’océan et
regagner sur notre mortH l’enjeu dont nous nous sommes il dénantis.
Mes frères en esprit, voici l’heure et nous n’avons plus à tarder.
Les vérités conquises où reposent-elles ? Jamais H aux lieux où nous
voulons qu’elles demeurent,
n car le repos des vérités est — touchant
l’homme ii — un mouvement n en permanence
u et l’homme n’en est
nullement
«i dépositaire : elles démentent
n son orgueil, elles désertent
ses prestiges. Mes frères, sachez bien qu’il n’est de libre accès auprès
des vérités ineffaçables, il n’en fut point, il n’en sera jamais.
n Est-il
admis
IJ de revendiquer un apostolat où nul n’est investi, s’il ne s’im IT
et vos langueurs les tiennent en alarme. it Vous êtes les plus forts,
ô vous que le Seigneur habite. Vous avez beau vous en défendre,
vous êtes les plus forts, les mieuxH armés et les plus redoutables :
votre fragilité menace leur tutelle et votre abaissement n annule leur
pouvoir, vous les incommodez il vivants et, morts,
n votre mémoire
ri il
les défie. Ils brûlent de vous effacer, de vous tuer une seconde fois
et de meurtrir le Dieu qu’ils sentent après vous, mais n il faudrait
qu’ils vous suivissent dans la tombe il et là leur domination
ir s’arrête,
eux qui ne régnent que sur des objets, des ombres et des effigies,
que les vivants dédaignent et que les morts désertent.
303
CXXIX. Le témoignage Mes frères en esprit, chacun de vous est
inamissible
11 la colonne terminale
Il et l’ample reposoir
de l’indivise majesté; chacun de vous le
seuil de permanence
il et la raison de toute vie. Vous êtes et par vous
l’immotivé débouche sur le monde, et c’est par vous que Dieu se
fait, par vous, le truchement
H et le canal des fins originelles ! Mais
qu’êtes-vous emmi le nombre et dans le sein des solitudes qui se
pressent en tumulte
n et qui se multiplient incommensurables
iiiii ? Mais
qu’êtes-vous alors ? — Ce que nous sommes iiiii devant Dieu, ni plus ni
moins et malgré
ii l’apparence, où tant de mers n ne peuvent engloutir
qui portent l’au delà des fins et des mesures
n dans le consentement
n
304
à moins que l’on ne vous appelle, et de vous taire, si ce n’est que
le Mal triomphe
III et qu’il vous soit loisible de périr, ô témoins de la
cause ! Le fait des justes n’est-il pas de se tenir à mi-chemin II de leur
néant et de leur sacrifice ? Veillez et que la mort n vous soit une pré
sence et qu’elle soit la vôtre, puis mourez
II pleinement
n dans le con
sentement
II de majesté,
II, mourez
II en rois, mais en rois invisibles, de
peur que vous ne soyez honorés et dès votre agonie. Je vous le dis
à tous : vous êtes la raison du monde II et les appuis de la divinité,
le fondement
II de l’absolu, le linteau de l’espèce et les réels par-dessus
l’évidence et tellement emplis de ce que vous vous prodiguez qu’en
vous l’orgueil n’a plus de siège. Et n’est-ce pas le privilège de sur
éminence
II que de garder une mesureH où la mesure
II est abolie ?
CONCLUSION
20 305
■
. -
V
LIVRE SEPTIÈME
DE LA DIVINITÉ
maines
n que ma n liberté résigne ; mon
n âme
n ne s’y cache qu’en puis
sance et je l’y trouve élucidée. Ma foi marque
n les stations de la mou-
307
vance et les repères de l’entendement,
n ma
ii foi nature les positions
de l’absolu, ma foi ne se démontre point, alors que tout se prouve
en partant d’elle et notre connaissance même n n est un engagement
— qu’il meu faut démentir,
n pour peu qu’il la trahisse —, puis nulle
connaissance ne prévaut, si je n’ai foi dans l’instrument n qui la me
II
I.
sure. Je ne suis point du seul fait que je pense et la pensée ne me
servirait de rien, si je ne la pliais à la créance.
IL Préliminaires
n sur la faute.
308
dans l’assurance indéfectible, où l’univers s’est rendu témoignage.
En l’immolation,
lllll tout se consomme
H et tout est libéré, le monde
pur, le Dieu clément
II et l’homme absous, le règne manifeste et l’évi
dence à jamais
II subvertie ; en l’immolation
H de chacun d’entre nous,
l’espèce se rédime
II et l’Éternel a chu dans Son avènement.
II
V. Le divin truchement
II Ce que l’homme
il institue est le support
de l’homme et, toutefois, il semble vrai
qu’il n’a puissance de le recevoir en tant que tel et metII son œuvre
en interdit, lorsqu’il l’avoue au lieu de l’imputer
II à Dieu. Quel sur
prenant mystère
il et comme il frappe la raison et nous indigne !
Nous différons à l’avérer et ne laissons de le subir. Sans Dieu, rien
ne se légitime
II et tout demeure
II suspendu, tout n’est que rigueur
odieuse et licence inutile, où chaque force tend à la suprême démesure
et chaque volupté nous restitue à l’épouvantement II que nous fuyons
en elle.
309
qu’il mette
n sa fureur à subvertir usages et coutumes,
n qu’il se détourne
de la voie et se refuse au Maître et qu’il se perde, avant que de se
disposer à mieux
n Le recevoir où ses dénis l’exhortent. Nous connais
sons que Dieu nous manque,
ti où nous L’avons abandonné.
comme
iiiii les empêchements
u abondent, il a fallu multiplier
n les voies
et les moyens,
n quitte à se fourvoyer où les biais se muent en obsta
cles. L’on essaya de modes
ii et de lois, de la contrainte ou de la per
suasion, de la morosité, de la folie et des supplices, l’on mit n en
œuvre jusques aux plaisirs, mais u n’alla jamais
n plus avant que les
idoles. L’on eut enfin recours à Dieu, promesse de nos libertés et le
garant de l’anabase, et l’homme en fut d’abord plus misérable n et
comme terrassé, mais
n il se gagna sur le monde et releva la tête, il
éprouva sa force et lutta bravementn avec le Maître qu’il s’était donné.
Dieu ne l’en aimera
n que davantage et bénit ceux qui Lui résistent.
310
nous, puis de le surmonter, nous associant au divin et renouvelant
l’alliance, voulant ce que Dieu veut pour nous soustraire à notre
dépendance. En quoi je ne discerne rien dont il soit nécessaire de
rougir et la béatitude, loin d’être un lénitif indigne d’hommes cou
ü
X. Aphorismes
Ii sur la sainteté
B. C’est un mystère
II et des plus redoutables que la sainteté : en elle,
il semble
n qu’on se joue et de soi-même II et de tout l’univers, qu’on
mette
n l’immobile en tremblement
H II et qu’on suspende les arrêts ;
en elle, l’œuvre de création renaît avec ses fastes ; en elle, je ne vois
que trouble et la confusion totale au sein d’un tourbillon où virent
les valeurs sur quoi l’humainII se fonde, et la menace
n de tout entraîner
des chasmes à la nue ; en elle, je ne sens que mort n multipliée
n inas
souvie à travers mille n incertitudes. Les hommesn entrent en effroi,
quand il leur semble n qu’elle est proche et leur misère
n éclate avec
emportement
II et véhémence.
n
311
capable de suffire à plus d’un siècle sommeilleux et de se déléguer
à maint
n collège de sophistes, à maint
n chapitre de cafards, à mainte
n
les remparent,
il l’homme
n de bonne volonté n’ayant langui que pour
innocenter des hommes de ressource.
E. Les luminaires
if d’un parti, les flambeaux d’un système n et tous
les répondants que l’on invoque, à l’intention de nous aveugler ou
de nous assourdir, ne doivent pas donner le change et le respect que
nous leur porterons s’étendre aux machinations
ri dont usent les
énergumènes.
n Le fait des saints, le propre des martyrs
n et le partage
des héros est de surgir l’on ne sait d’où, pour être les appuis de leur
hautesse et n’avoir point d’émules ni d’imitateurs,
II fils de leurs
œuvres, non de leur lignée et n’ayant pas de descendance. Qu’ils
meurent,
il les voilà trahis et de nécessité, les voilà devenus autant
de piliers d’antichambre,
ii les voilà mis
n dans les emplois,
n jetés dans
les abus, précipités dans les abouchements et mutilés, H navrés et
trucidés au long d’une faveur qu’ils payent et repayent et qu’ils
ne résilient plus, sauf à la perdre.
312
XII. Absolutisme
ii et cafardise erreur fatale est d’appuyer une
doctrine sur un embasement n ima
n
ginaire ou manifestement
ii n irrecevable, avec l’alternative ou de tout
refuser ou de passer carrière en avalant plusieurs énormités. Mis
en demeure de céder sur le chapitre ou de nous savoir dénantis,
nous languissons dans le mensonge
n et la formelle disposition de n’y
jamais
n répondre, mais
n avertis de ce qui nous abuse et de mauvaise
foi,malgré notre penchant à la meilleure, monstres enfin sous les
dehors de la civilité, doués de jugement
ri pour les affaires de ce monde
n
et sciemment
uni absurdes touchant l’autre. Le moyen d’être ce qu’on
est où l’on ne se prononce plus, où l’on en craint les développements,
où l’on diffère les débats et n’ose consommer l’ouvrage, en sorte
que le fonds de nos vertus est à l’impur mélange n ? Impur, s’il
faut que l’on ne s’y retrouve pas et bâtit néanmoins sur une absence
volontaire, impur
u et doublement
n impur
n si l’on s’étaye de son dé
mérite
n et se fait gloire d’un renoncement légitimant n la dérobade.
Un tel croyant vous édifie à simple vue, il semble coulé d’une pièce,
il est plein d’assurance et du spirituel au temporel rien ne le dépar
tage, aucune division ne l’arrête, il justifie en l’un ce qu’il réprouve
en l’autre et vole aux confins opposés, si merveilleusement n à l’aise
qu’il nous laisse interdits.
XIV. Limites
n de la Révélation II est plaisant de pressentir quelques
sauvages démunis,
n aux fins de con
sultations touchant Dieu même,
ri les uns pour infirmer l’Eglise et
tous les postulats de Révélation, les autres à dessein d’y trouver
313
un appui de nature apologétique. Ces malheureux,
H les voilà nos
arbitres : c’est une dignité dont ils se passent bien et qui ne les
exempte nullement
II de nos rudesses. L’on tire ce qu’on veut de leurs
ramages
H inconsidérés, vu qu’ils sont nés menteurs
II et ne s’en tiennent
pas à l’évidence, leur âmeII est à la brouillerie et leur esprit se joue
en l’ambiguïté, leur bonne foi n’est que trop malléable et nous avons
sujet de redouter leur complaisance
II ou les dehors de leur soumission,
H
joint que la langue nous rebute et que ses mots éveillent des ressen
timents
II dont il est difficile de se faire une idée approchante, où
nous les relions à des figures de nous seuls imaginées.
II
XV. Aphorismes
ü sur la nature du divin
A. Tout n’est que centre en l’univers, tout n’est que borne de l’é
branlement,
n tout n’est que sa limite
n en la semblance des rapports,
tout n’est qu’attache au sein de la dérive et flottement en l’indivis,
tout n’est qu’abîme issu du chasme
n et prégnant de ses profondeurs.
E. J’appelle Dieu qui n’a point d’au delà, mais rr les renferme
H et les
achève en un commencement
iiiii n illimité.
n J’appelle Dieu le mouvement
II
314
F. Dieuse dénomme iiiii le divin qui signifie, mais
n le divin que signifie-
t-il en tant que soi ? Dieu semble une manière
n de prétexte au tré
fonds de l’immotivé. D’abord était le Verbe et l’un se lie à l’autre
à raison de leur avenue, où le divin ne saurait commencer — et
fût-ce en partant de sa propre essence — : il fallait donc, en opposi
tion avec le milieu
if sans limites,
II que le divin se traduisît à force de se
limiter. Le Verbe est l’involution et le consentement H de la rupture.
qu’il n’est rien qui doive subsister devant sa face. Dieu s’est connu,
prenant appui sur la divine intelligence et Dieu s’est retiré de Lui,
créant l’espace-temps, abîme qu’il appelle au devenir et qu’il sou
tient en conséquence d’une loi dont nos lois naturelles se dérivent,
Dieu s’est connu par l’univers, l’objet qui Lui résiste et qu’il pénètre
incessamment, l’objet qui Le défie et qui Le blesse même, n n un objet
transitoire et toutefois doué de qualités suréminentes,
ii dont l’homme if
est le sommet
iiiii visible et l’homme,
iiiii ayant la liberté du mal,
n a bravé
le Seigneur et lutté, magnanime,
n avec Son Ange : en l’homme, n. Dieu
suscite un autre Dieu, quand l’humain n Le découvre, et le Seigneur,
absent du monde, a pris ce monde if pourjasile et l’âme
fi pour Sa fin
dernière.
315
se rendit personnel en l’homme, en l’homme IIIII II devient ce qu’il
est et c’est par lui qu’il en reçoit l’intelligence, l’hommen est le vase
du Logos et le Logos est Dieu réfléchissant l’abîme, n Dieu rentre en
le Logos et le Logos habite l’homme,II agonisant en lui, mais
n l’homme
énamouré de Dieu Le fait objet de son instance et Lui retourne les
faveurs reçues. Ainsi l’infime participe du suprême II et Le connaît,
de même
n n qu’il en est indiscernablement
II connu.
n tremendu
XIX. Mysterium n n L’horreur men semble
ir l’un des attri
buts de la divinité, le fonds sur
quoi les bontés se détachent et les grandeurs s’établissent ; le moyen
qui nous rend plus désirable la suavité, plus tutélaire le pardon et
plus majestueux
ii le règne. Que serait Dieu pour tous les misérables,
s’ils n’avaient à trembler
II devant la face ? En aimantn Dieu, nous
parvenons à Le connaître — dans la mesure
n des moyens qui nous
sont propres —, mais nous Le redoutons aussi, non pas à cause de
Lui-même
n ou moins à cause de Lui-même n que de nous. En ne
L’aimant
n plus ou ne Le sachant aimer,
n les rapports cessent et l’hor-
reur est seule à nous n arquer une présence inavouable.
316
fusion des buts et des mobiles
n —. Il n’est pas naturel de croire en
Dieu, pas même
n raisonnable et qui s’engage en cette voie y laissera
la vie, à moins que Dieu ne le possède et change pour lui seul les
apparences du visible, en une révolution totale où l’univers s’achève
et la nature enfante qui l’a foudroyée. !
317
XXIV. Séquelles de Déifier le monde même II II ou la nécessité qui
la transcendance le régit, en la diversité de sa dénomination,
est la croyance la plus dommageable et Fart
de ruiner l’éthique en fondant du plus haut sur elle, mais II on ne la
menace
Il guère moins en remontant à l’indivis d’où le plérome II émane
II
318
d’analyse, le moyen terme Il de l’événement
II et le symbole de la cause ;
en l’homme
rn n Dieu promène Ses regards sur l’œuvre, Il la savoure et
la subit, Il se rend juge et vient à se communiquer
u à Son acquiescence,
Il met
H le siège devant le réel et tente l’évidence en un duel suprêmeII
319
principes, car Dieu serait moins n éminent
ri s’il fallait qu’il se déjugeât
— sauf à produire les miracles, ri par où l’ensemble est surmonté. ii —
— Belle aberration et comme ri ce Dieu-là rappelle les monarques n
aux mandements
rr ri qu’il établit sur nous, n’étant pas au-dessus de
la raison qu’il aime n de nécessité. —
— Cela démontre une manière n de sujétion : il en résulte, dès
l’abord, qu’il serait démiurge, n soumisII à des lois éternelles. —
— Ces lois découlent-elles de Ses volontés ? —
— En l’admettant, Il ne serait plus démiurge, II Il nous figurerait
la Loi par excellence, unique et transcendant, à jamais II séparé de
l’être, impersonnel,
II inaccessible et non pas Celui dont l’essence est
d’exister, éclairant mêmement
n n ri les méchants
II et les bons et ne se
produisant à nous, qui ne décèlerons ni le motif de Ses commande H
ments
II ni les raisons de Sa conduite, à nous, admis à L’adorer en
pure perte — à moins II qu’on ne L’ignore d’industrie —, à nous qu’il
tolère en ces mondes avortés, devant qu’il les annule ! —
— A dire que Dieu s’obéit et librement, II si nous tenons à la réalité
de la Présence, nous devons recourir à l’hypostase ou tomber dans
les inconvénients majeurs.
n —
— Mais affirmer n qu’il se dispense de tout ordre et qu’il réside
en l’au delà mêmen u des règles revient à L’abolir en tant qu’ordon
nateur et c’est aller plus loin, s’il est possible, que les partisans de
l’absolue transcendance. —
— C’est donc aller à l’infondé, façon d’abîme où le divin n’est
qu’en puissance et l’horreur seule manifeste. II —
— L’on entrevoit le péril qui s’attache à de semblables spécu
lations ! Si Dieu n’était meilleur rr que l’homme ni ii et qu’il ne fût plus
équitable, ou l’homme mu aurait plus de mérite n à persévérer dans le
Bien ou l’on aurait de très puissants motifs rr à donner cours à nos
penchants funestes. Il est expédient que Dieu soit bon, de même u n
320
— Il faut en outre qu’il soit personnel et cependant inaccesssible,
de peur qu’on ne s’en joue pas, qu’il enveloppe ce bas monde et lui
soit homogène, qu’il le pénètre et le dépasse. —
— Et, résidant en chaque lieu, que nul emplacement n ne Le ren
ferme
u !—
— Qu’Il soit l’inétendue au sein de quoi notre plérome n se dilate
et qu’il devienne objet de souveraine amour, l’un portant l’autre
et l’un se connaissant par l’autre. —
— Où l’autre, s’élevant à son intelligence, le considère dans ses
voies et, faisant taire notre imagination,
n l’oblige à se produire et ne
consulte que lui-même
II II !—
A. La mutabilité
II de ce qui nous allie excite en nous la jalousie ai
mante
II et nous aimons en conséquence du possible, jamais
II à raison
21 321
de l’inébranlable et Dieu, pour être objet de nos dilections, doit
naître et devenir à l’égal de nous-mêmes,
fi h naître et mourir tout commeIl
muable,
n enraciné dans un bonheur surabondant, et que nous vaut
cet absolu qui nous ignore ? Autant Le méconnaître
ii !
C. Nous demandons
n que le Seigneur se communique
n à nous et, loin
de déroger à Ses splendeurs, qu’il nous en investisse et qu’il nous
déifie, nous partageant la grâce et les lumières,
n non pas à cause
de l’instance humaine,
n mais
n en vertu de Sa miséricorde.
n Que nos
mérites
n ne sont rien, avant qu’il les agrée, et nos vertus ne peuvent
Le contraindre, à moins de soumission
il filiale et de néant énamouré,
lesquels vont creusant un abysse à la mesure
H de cet océan qui nous
submerge
n inattendu.
322
qu’il enveloppe inabordable, en nous sans qu’il soit permis n de
L’atteindre et hors de nous sans qu’on Le doive situer, mais n in
humain
n divinement,
n un Tout dont l’univers n’est que l’absence et
la plus solennelle généralité de l’indivis qui Le proclame. If Et tel
est Dieu, source de l’être et qui le passe, Dieu qui n’est point, dans
la rigueur des termes,
II dont l’existence se dérive et qu’elle ne ren
ferme
II pas, car s’il vivait à l’égal de nous-mêmes,
H II l’éternité serait
au devenir, l’éternité s’abolirait, Dieu s’en irait choir dans le temps
et s’engager dans le sensible, Il se ferait personne, Il se rendrait
hunlain
II au préjudice de Sa déité, Son pouvoir infini n’étant d’aucun
usage s’il ne l’abdique pas entre des mains
II charnelles.
ou prestige inutile. —
— Que s’il est personnel, Il nous annonce le sujet par excellence
et, s’il l’avoue, il faut bien qu’il se détermine. —
— Mais, à se définir, des rapports s’établissent et ces relations
Lui marquent
II des limites
n ! S’il est borné, Dieu n’est pas infini ;
s’il n’est pas infini, Son être est contenu dans un domaine n et ce
domaine L’enfermant ir Le passe, et ce domaine est la raison qui
Le fait manifeste. —
— Dieu ne serait alors qu’un phénomène à la surface du divin,
mais
n le divin n’a pas à nous connaître, de mode rr que l’humain, seul
ici bas, ne Lui doit rien et n’a plus à Le consulter ! —
— A d’autres affirmant n que Dieu se délimiten au moyen d’un
retrait et que Son infini vient battre l’univers enveloppé de toute
part, de sorte qu’il aurait deux faces — l’une au dehors, imper n
sonnelle et sans frontière, puis la seconde, assujettie à l’œuvre
librement et s’engageant dans le sensible, en état même il II de souffrir
— l’impie
n dira qu’il est impuissant
n et qu’il se raille d’un tel maître,
dont l’éminence ne le touche pas et l’évidence ne peut rien, que
l’homme
iiiii Le vaut sans conteste et Le balance avantageusement, n
quand ils s’opposent face à face et, que si Dieu l’emporte ailleurs,
cela ne nous regarde plus, n’ayant pas la ressource de nous affecter. —
— Et que répondre ? A quoi nous attacher ? Nos explications
sont-elles pas forcées, nos adjurations risibles et les plus saints
empressements
n n des armes infidèles ? —
— Il ne nous reste qu’à prêcher d’exemple, n afin que s’il dédaigne
nos raisons, l’impie ait à se louer des vertus qu’elles engendrent. —
— Là nous prenons de l’avantage et pouvons l’étonner. —
323
— Le piquer même
n ri et l’engager à ne nous refuser pas son estime. Il
Alors l’impie
il fera place à Dieu, qu’il y consente ou non. S’il est le
maître,
II il nous devra la domination paisible et, dans les conjonctures
décisives, des appuis singuliers et qui ne se démentent H pas. S’il
est le serviteur et qu’il nous doive obéissance, une assistance pré
venante et le discernement II dans la justice. Il nous plaisantera,
l’impie,
n mais
n s’il est vrai qu’il s’aime,
II il n’aura garde de nous inciter
au changementn qui le menace.
II —
— Et, malgré
n lui, le voilà dans les intérêts de la meilleure
H cause ! —
XXXIII. Du mysticisme
n II II est requis de tout envisager en par-
et des méthodes
n tant de Dieu même
n ii et voir ce qu’il
eût vu d’une manière
n indubitable, mais
il nous faut Le joindre et Lui quitter la place. Il n’est pas philosophe
qui porte ses regards sur l’univers entier, en négligeant la source,
à la lumière
n de laquelle il est admis à le connaître, et n’y veut aboutir
avant de s’employer
n à la recherche. Il s’agit moins
II de contempler
II
et d’absolu.
324
XXXIV. La connaissance de l’humain
ti
d’où l’entendement
u surgit et qu’il en sort tout pénétré. Le fondement
n
de l’homme
iiiii est piperie et l’on ne sait au juste où reposer la tête et
passe le plus clair à mettre
il le chaos en abrégé. Je ne suis rien, si
je ne tends vers moi ; je ne suis moi,
H quand je ne le dépasse et l’on
ne passe rien le jour qu’on ne se perd de vue. Dieu me H paraît l’ai
mant
il qui nous retire de la gangue, afin de nous restituer à l’œuvre
que nous sommes.
change en même
n u1 temps que ma
il réalité possible.
D. En l’homme,
iiiii le semblance
H joue au détriment
il de ce qu’il est et
modifie ce qu’il représente ; en l’homme, l’apparence descend dans
les profondeurs et l’être, mainte fois, se moule
H sur l’image
II et la plus
fausse. Le propre de l’humain
H est qu’il ne se possède guère, à moins
qu’il ne se désavoue et qu’on ne se renonce impunément qu’en Dieu.
325
divise point et qu’il étend à l’univers ; par elle, il se mesure
ii et fonde
inébranlablement
H tout ce qu’il évalue. L’essence est l’hymnen souve
rain, le nœud de l’indivis et son attache dans le monde.
XXXV. La volonté de
I croire Si Dieu tombait sous l’évidence, il
est bien assuré que notre foi ne
serait plus de nul usage, où la créance est fondement
II de la créance
et l’univers n’a de support qu’en une volonté se voulant éternelle
et devenant tout ce qu’elle est. La foi ne se soutient jamais
il par
ce qui l’avantage ou la déjnontre, et l’évidence du Seigneur n’est
à ses yeux que l’objet de ses fins et non pas leur mobile.
le consentement
n semblable piperie ? Et quelle impertinence !
On dirait qu’il n’exerce qu’un domaine sou
verain, à la manière
n de nos princes. Dieu veut que tel naisse bossu,
tel nègre et tel destitué de tout secours, parce qu’il aime ü tout le
monde
il d’un amour
n égal. Mensonge que cela ! Ou Dieu ne veut ou
Dieu ne peut, mais
n l’ordre de cet univers n’est qu’abomination ma il
nifeste et, s’il n’est pas entièrement il affreux, nous le devons à
l’homme. —
— Dieu ne nous force nullement n à consentir, mais
il II nous rend
l’aveu plus doux ou l’agrément n plus malaisé,
u de mode que les avan
tages ou traverses nous préviennent ou nous déconcertent. L’amour
de l’ordre, en la substance la plus relevée, est à la fois ce qu’il nous
semble et ce qu’il ne démontre
H pas ; il est une inclination valable
et sa limite,
n nonobstant, parce que Dieu le passe de fort loin et qu’en
n’aimant
n que l’ordre, on fait de l’éminence
ii une manière
u de traverse
et se divise d’avec Dieu. Il est requis de chérir l’ordre, à raison des
vertus qu’il enveloppe, jamais il en tant qu’idole et le péril suprême il
326
ti ais II déborde tout ce qui L’enferme II et chaque vide L’ a sollicité,
chaque désert L’appelle et chaque abîme Le reflète. —
— Les saints ne nous conviennent pas et leurs vertus ne valent
que pour eux. Toujours soumis n en apparence, ils semblent
II bien les
plus séditieux d’entre les hommes, ni n et leur respect est un défi
par quoi nous jugeons raisonnablement n qu’ils se surmontent
II ! De
ce qui paraît une fin, ils constituent une épreuve et nos plus solen
nelles lois ne sont pour eux que des prétextes à dépassement II ou
simples
II jeux dont le gagnant se désavoue. —
— Dieu m II ’innocente où je me II perds. —
— Mais vous ne l’êtes pas en droit de l’exiger des autres. Vous
II enacez l’état, vous minezII la patrie et ce consentement II déplace
l’appareil de l’ordre. Dieu vous commande d’obéir. —
— Je cède. —
— Mais avec quel dédain ! Vous indisposez tout le monde II et vous
vous dérobez sous l’ombre de nous mieux II servir : un je ne sais quoi
nous échappe. —
— L’état conserve la patrie et n’a point d’autre usage, et la
patrie est le cloisonnement II formel dont les limites H nous engendrent,
mais
II notre fin réside en notre liberté que la patrie a charge de nous
garantir en payement II de nos offices. Que si l’état nous foule outre
mesure et nous fait préférer la mort II à l’épouvante d’y languir, il
perd ses droits touchant notre personne et nous rend libres de le
subvertir, au nom de la patrie même. n n —
— Horreur ! Qu’entends-je ? —
— Et si Dieu revenait au monde II et nous faisait commandement
d’aller à tous les peuples, notre cité charnelle ne serait plus rien et
tomberait
II de nous comme II une pierre, et l’homme II resterait avec le
Maître seul et face à face en le désert du règne. —
XXXVII. Préliminaires
il sur le mysticisme
II H
B. Dieu ne se manifeste
II pas à découvert et le petit que l’on en voit
n’est qu’ombre de semblance et moins que rien au prix de Sa divinité,
mais
II dans ce rien le Maître est ce qu’il est en toute Sa puissance.
327
C. Dieu ne vous doit que ce qu’on Lui décerne, Il ne s’abaisse point
à rendre la justice et c’est par nous qu’il s’intronise en nous et pour
chacun de nous : il ne convient pas de Lui demander
Il loyer, franchise
ou rétablissement, mais
II qu’il nous change à ce qu’il est, afin que
les dénis ne nous atteignent pas. S’il n’est loisible d’éviter l’injuste,
il faut que l’âme tende à l’éminence
n où l’on reçoit également
II le
meilleur
II et le pire, et loin des malheureux
n perdus en l’ombre et qui
se heurtent à nos pieds. La joie est l’union dans l’absolu de l’absolu
par l’absolu, et plénitude en l’indivis.
328
XL. Phénoménologie de l’amour divin
suprême
u et le commerce le plus familier se doivent joindre et Dieu
ne cesser d’être à nos côtés où nous ne Le sentons plus guère au monde,
n
C. Que si l’humain
ii n’oscille des rébellions qu’à l’assoupissement,
n
329
autrement
n touchant l’effet dit transitoire, lequel est une chute et
dont l’issue est à l’abysse. Or l’homme
iiiii paraît transitoire et l’imma
nence, échantillon de la faveur divine, une promesse n de réalité.
Donc l’homme participe du réel en la mesuren que Dieu l’investit
et l’en affecte.
330
l’aventure où Dieu s’éprouve en se manifestant
n et se regagne à
travers Ses partages ; la vie, un branle de bataille en quoi l’homme
iiiii
La condition de l’humain
h se définit par cela même
n n qui devait l’ex
clure et se motive plus valablement
n par ce qui l’abolit.
sur les épaules —, mais c’est à charge de nous renfermer ri dans les
limites
n de l’humain
n — que l’on ne passe jamais
n sans y perdre —
et d’obliger le monde à résider en elles. Il était nécessaire que le
Maître eût à fléchir sous notre loi, pour nous sauver dans notre
même
n humanité charnelle, déifiant tout l’homme iiiii et faisant Dieu
passible où son abîme se rend plénitude en nous. Avant N. S. les
philosophes libertins se plaisaient à nous mettre en l’embarras n le
plus insoutenable et nul ne se tirait du différend qui n’y prenait
un ridicule aux yeux de l’adversaire : et, véritablement, u quoi de
plus indécent qu’une divinité sujette à la fureur ou se vengeant
de l’homme
iiiii ? distribuant les récompenses et les peines ? adminis
trant la terre et conduisant les peuples ? Cela s’accorde-t-il à l’har
monie inébranlable et voit-on pas des souverains mortels H qui nous
la rendent mieux
n et font un personnage plus édifiant ? Quel est
ce Dieu maln endurant, mal engagé dans le sensible, fléau des justes
impuissants et la ressource des habiles ? Qu’on L’abandonne (disent-
ils) à la béatitude où Son débordement conspire à Le fixer. Et
qu’ajouter à l’absolu ? — Or, N. S. tranche le débat et réunit ce
qui ne souffre de commerce, Il l’amalgame n et le cimente
n où l’homme,
ni it
331
surance ferait impossibles. Ailleurs, l’on aime froidement
H et l’amant
Il
aimable
n en l’affectant de nos fragilités charnelles et, par Jésus,
nous tremblons
n pour le Dieu, le Dieu qui nous méprise
n et que nous
rebutons, sauf à Le craindre, maisn qui, dans Jésus même,
n n a fixé
nos penchants à mériter
n nos larmes.
n Merveille de Jésus !
B. Le moyen
n de chérir la déité des philosophes ? Le moyen de
trembler
H pour elle ? On la révère par état, on l’adore en silence, on
la contemple
n du plus loin^ dans le déroulement
n de ses prestiges,
elle est la Loi qui semble présider aux constellations de la matière
n
E. On ne chérit qu’impermanence
n n et l’éternel nous fait sentir ce
qui nous en sépare, on ne saurait éprouver de l’attachement
n pour ce
332
que Ton est assuré d’avoir au delà même il de sa fin et prise mal
n ce
qu’il est difficile de pleurer. Les dieux nous laissent froids — si tant
est qu’ils ne meurent
il —, mais
II leur trépas nous bouleverse, la mort
sublime
II à quoi nous sommes IIIII conviés et dont la démesure
II nous
console de la nôtre en y associant tout l’univers. Nous nous vengeons
de l’ineffable et le voulons meurtri.
H Si Dieu n’était que ce qu’il est,
Il y perdrait de Sa puissance, il nous Le faut à l’agonie et c’est à
force de périr qu’il nous domine, en ébranlant nos fibres les plus
déliées. Le Dieu mourant épuise le destin de l’homme iiiii en assumant
n
H. N. S. a voulu commencer
lilli et dans la vue d’être et de finir, se
mourant inlassable, avant que de ressusciter pour agoniser derechef.
N. S. issu de l’immobile au premierII jour de la Création, est l’époux
de ce monde
II et se partage à lui jusqu’à la fin des temps, où toute
chose sera Dieu. N. S. a légitimé n l’œuvre en dépit de l’absurde,
lequel est la rançon de notre liberté. N. S. a rédimé il l’abysse en
l’emplissant
n de Sa chair souveraine et sainte, et l’univers entier
ne comble
n jamais
n l’infini de plénitude infuse en l’oblation mutuelle,
H
333
XLV. Franchise de Jésus Le Christ est en avènement
Il perpétuel
et qui Le juge mort Le tuerait de bonne
grâce. L’Église Le tient avenu, maisH se renoncerait à Le vouloir
attendre et blâmeII fortement
II les Juifs de s’être enracinés dans
l’espérance et, néanmoins, leur soif ne les éloigne pas du Maître et
vaut une assurance ferme.
II Nul ne possède J. C., nul ne Le fixe aux
lieux de notre convenance et nul ne Le situe en je ne sais quel temps
à jamais
II révolu, dont on redoute seulementil qu’il ne revienne.
que de Lui, que nul n’est digne de servir et qui se prête également ü
334
XLVIII. Puissance de l’enfer II est un rien par où l’enseignement
n
335
et nous secoue, il amplifie et creuse, éclat dans la solidité, et nul
n’a tempéré ses rigueurs adorables. Ce Dieu mobile est à la fois
ce qui s’affronte et s’amalgame,
n n le sujet, l’objet et l’accord, puis la
raison le motivant,
ii tout l’absolu que tout reflète en chaque motion
de toutes les semblances.
if En quel emplacement n vous puis-je déceler
Seigneur, que Votre essor n’ait aboli ? En quelle motion if de la durée,
que Votre majesté ne rompe u ? En quelle idée souveraine ensevelie
en quel dépassement Il inamovible,
n à quoi Vous ne soyez l’issue et
l’origine et l’une en l’autre, et plus que je ne saurais concevoir, à
l’heure même
n if où monn entendement
n embrasse tout ce qu’il trans
cende ? Malheur à moi, fi s’il me
n restait de quoi m’appartenir où je
Vous naquis redevable ! Malheur à moi, si je Vous prétendais con
naître ! Malheur à moi, si je Vous ignorais !
bellissements
II dérision. De la Nouvelle ou de la trahison, il faut que
l’une ou l’autre règne et qui ne choisit la Nouvelle s’en exempte
et qui bâtit sur elle au lieu de la revivre.
Le dogme n fait mourir ceux qui n’ont mis de l’esprit en réserve
et lui demandent
n l’éternel qu’il nous impètre, où nous nous dénudons
de toute chose comme de lui. Le dogme if est assurance et l’assurance
est un péché mortel,
II si Dieu nous fit commandement
ut n n exprès de nous
aventurer à Sa recherche : or, qui n’est digne aucunement u de Le
trouver en telle conjoncture adorera ce Dieu par mandataire u et
jamais
II ne Le verra face à face.
Sans les rigueurs et les traverses que le dogme multiplie, il est
certain que notre foi n’aurait pu se fonder valablement, ii ni prendre
consistance : il lui fallait s’appesantir et même u: n se pétrifier ou
demeurer
II à la merci
II d’une secousse, il lui fallait se protéger et contre
sa folie et contre ses richesses, lutter avec ses propres fins pour n’en
mourir jamais,
II les sauvant d’elles-mêmes,
if ii se retenir et se violenter à
dessein d’arracher au monde II un immortel consentement à l’impos
sible et le perpétuer inaltérable.
Le dogme, vivier de symboles, le dogme est assemblage II cohé
rent où la raison triomphe dans les liaisons, mais II ne préside plus à
leur prétexte et les prétextes tombent II à néant, quand ils ne la
résignent pas.
336
Le fondement le plus valide et le plus vénéré, la raison même
de l’Église et l’assurance la mieux
n établie est en les Écritures, et
non pas ailleurs. Le demeurant
n n’est qu’une marque
Il de prudence
humaine
II et de louable habileté, mais
n de nos jours ce demeurant n’est
pas en cause et nous perdons sans doute moins à l’ignorer qu’à
n’être pas fidèles au Message.
Quand une secte se fait vieille, il lui convient de restaurer les
portements
ii et les prémisses,
II de renoncer les faux appuis qui la sou
tiennent moins
n qu’ils ne lui pèsent et de se délier de tout ce qui
l’entrave, sous couleur de lui servir de truchement, II de se donner
pour ce qu’elle est et qu’elle représente, et d’acquérir une 4 vigueur
nouvelle en se lançant à la mêlée,
II au lieu d’attendre qu’on l’égorge
assise dans la pourpre et la tiare en tête. Les outres de l’Église
éclateront, à moins qu’elle ne veuille s’ébranler.
jamais
•i d’avoir les philosophes contre soi non plus que tous les
saints.
LV. Le mal
II et l’absolu La foi rédime ceux qu’elle possède et
perd ceux qui la mettent
II en usage, et
la plus haute est la plus dommageable quand elle n’aboutit en pri
mauté.
II Celle du Christ demande
II tout à l’homme
II et le lui rend avec
22 337
usure, à la condition du change le plus général et d’une mort suivie
d’un retour inamissible,
n mais
n elle ne peut rien sur qui feint de la
recevoir et se rempare
n du mensonge,
u et Dieu n’est jamais
il plus ago
nisant qu’entre les mains
n de Ses bigots. Pour nous avoir tout de
mandé,
il N. S. ne veut rien à demi,n qui fait de l’existence une aventure
intolérable et nous oblige à des manœuvres,
ri raison de la malice
il
tenu de choisir : il ne lui reste qu’à tout surmonter, s’il ne veut choir
du plus haut de sa clairvoyance en une nuit continuée, impénétrable
et néanmoins ouverte.
B. L’Eglise remédie
n à l’ambiguïté par un balancement subtil et force
toute chair à tomber
n sous l’élection, la ravalant et la divinisant en
semble
II et la tenant à la contrainte, en ne laissant de l’adorer, enché
rissant sur la nature à l’intention de la mieux
u flétrir et la rivant au
circuit des faveurs pour l’épuiser en l’éminence.
n De là l’inquiétude
de l’Eglise,quand notre chair goûte le calme n loin du port, où nous
338
vivons à l’assurance et consolés de vivre en raison même
n ii de la vie :
alors l’Eglise perd ses droits, elle se sent de trop quand nous nous
accordons à notre allure et c’est par là que tous les sages n’en sont
point et ne sauraient en être.
339
LIX. Le plaidoyer du catholique En notre foi, l’on est ensemble
le plus libre et le mieux
Il asservi.
Quoi de plus empêché qu’un homme iiiii sujet à la syndérèse et prenant
Dieu même
n à garant, s’il tombe
ri en quelque faute ? Quoi de plus
misérable
if qu’un mortel aux mains
n d’un autre qui s’en institue di
recteur et l’affranchit d’être à soi-même ri H ce qu’il est ? Et quoi de
plus honteux que ce commerce où tout nous fait résoudre à n’opiner
jamais
II ? — Mais quoi d’éperdument plus affranchi que l’homme II
creuser ! —
— Elle est de celles qui n’y perdent rien et gagnent à la contro
verse où, malgré les achèvements, nul n’y mettra
ii le sceau final. —
— Si l’univers était chrétien de bout en bout et que les enfants
de la terre y fussent nourris des préceptes et des paraboles de N. S.
J. C. dès avant l’âge de raison, l’intelligence de la foi s’éventerait
peut-être au milieu
n d’âmes
n dangereusement habituées qui ne feraient
réflexion sur ce qu’elles reçoivent, manière
n de s’en rendre indignes.
Les prêtres seuls n’en seraient pas fâchés et leur empire
n sans conteste.
Il faut que la religion s’impose
n des fatigues, loin de se conserver
dans une paix mortelle et vive à la substance de l’alerte, au sein
des peuples comme n en chacun de nous tous, oui, chacun de nous
tous. —
340
— Pourvu qu’il soit doué de jugement H et de raison distincte
et seulement
H alors. —
— On nous objectera que le principe de F Autorité n’exauce guère
la requête et met 14 les hommes il de niveau, qu’il est indispensable,
que les abus n’y changent rien et qu’il vaut mieux que son absence. —
— On vous l’objectera, n’en doutez point ! Si ceux qui les re
çoivent en aveugles se mêlaientif de former les jugements, que chacun
défendît le sien, que les avis, loin d’être généraux, fussent multiples, II
341
LXI. La permanence
Il Que la doctrine la plus haute est généra-
du scandale lement la plus abandonnée et qu’il importe
qu’elle le demeure,
II sous peine de forfaire
à l’éminence, car les triomphes s’établissent sur les accommodements 11
342
seigne et couvrent de Son nom un cent d’agissements perfides. En
proclamant
H le Sabbat fait pour l’homme, Il mit l’humain par-dessus
la doctrine et la rend serve. De tels enseignements
n mn ’ébranlent plus
qu’elle dissimule
II en ses replis inavoués, cette fureur ardente et ma
gnanime qu’elle cèle au mépris des formules, ce vague sourd et me
naçant qui se débande ou se ramasse en l’éclat des préceptes et les
rompt, cette démence
II enfin qui nous consume d’un tenant, la font
plus assurée que l’usage et plus inébranlable que l’Autorité !
pour que l’Esprit lui vienne ; le faible de l’Église est d’avoir milité,
n
quand il fallait souffrir, et d’avoir prévenu ses ennemis au lieu de
saigner sous leurs coups, de s’être emportée à la violence et non de
gémir en la servitude ; le faible de l’Église est de bâtir sur les trois
premiers
ii siècles pour se justifier de quinze et qui la virent despo
tique ou tourmentante,
n s’armant
il de foudres et de flammes, pouvoir
humain
II qui mit
n tout en usage en usurpant l’assentiment
n de l’absolu,
pouvoir d’autant plus redoutable qu’il se jugeait au-dessus des lois
343
et refusait l’appel, pouvoir assis entre Dieu même n n et l’homme,
faisant empêchement à leur commerce H et proclamant
n avec superbe
une alliance indissolublement renouvelée, épouse triomphante n et
toujours adultère. Comme iiiii autrefois le peuple d’Israël, elle s’estime
n
344
fois, on tua davantage où les autels fumèrent de nouveau, l’on
fit la guerre sainte — à l’imitation des Musulmans —, l’on égorgea
les Slaves et les Baltes à dessein de les rendre charitables, mais
H le
plus beau ce fut le Bras, Bras séculier, ce Bras terrible et saintement
commis aux forfaitures diligentes, qui bouta Jeanne dans le feu,
Jeanne et mille
il autres devant elle et mille
n fois mille autres après
Jeanne, ce Bras que nous revîmes n en ces temps
n de réprobation et
et de colère, oui, ce Bras même,
n u orné de quelle croix, à l’éternelle
honte de l’Eglise ! Qui lavera cette souillure ? Qui parlera face aux
félons ? Qui leur dira que Dieu réforme un jour les privilèges qu’il
accorde et rompt les marchés
n les plus fermes
u ? Mais n’en voilà que
trop ! Cet homme-là est parmi iï nous et sa voix proche d’éclater.
A nous d’attendre, à lui d’ébranler l’univers, à Dieu de prononcer
en la suprême n instance !
345
LXX. La réprobation impérative
Il Un Père de l’Église a dit que
sans l’Église il ne croirait pas
n ême
n à l’Évangile. On se demande
fi ce que J, C. en eût pensé, Lui qui
rejette le pharisaïsme n et, déprimantif la certitude imaginaire,
fi invite
Ses fidèles à la liberté, mais
ii quelle liberté ! Or, il est manifeste ff que
l’enseignement du Maître est du ressort de peu de gens, qu’il n’est
pas venu convertir le monde
11 et n’a rendu participants de Sa divinité
que les élus, les dignes miroirs de la Face et par lesquels II n’aura
cessé d’avenir. Et le moyen qu’il sauvât les charnels, qu’il rédimât
ceux qui ne tirent nulle chose de leur fonds, qu’il assistât la foule
de tous ceux qui naissent au matin, II immémorants
ff ii de la vêprée et
dont la nuit suivante a raison derechef de la mémoire d’un jour
aboli ? Dieu n’a jamaisII puissance d’affranchir qui ne fait rien pour
soi, mais
ff s’en remet à Lui du soin de le défendre ; Dieu nous demande
— et le plus instamment — de Le servir, non pas de nous aban
donner, où voulant ce qu’il veut, il est besoin que nos efforts se
doublent ! Il nous prescrit même n d’agir commeni ni si tout gisait en notre
dépendance et c’est par nous, en premier ri chef, que Dieu s’honore
de Ses voies intelligibles. Oui, le Seigneur a béni qui Le cherche et
ne réprouve pas qui Lui résiste, Il aime ceux qui Le désirent et
fût-ce Le bravant, Il les chérit alors qu’il les renverse et s’il les
foule, Il n’aura garde de les écraser, bien mieux ri : Il les relève et les
accueille. En ce duel suréminent, l’Église n’a que faire, elle est de
trop, elle l’entend et vise à le freiner, elle nous embarasse, elle inter
pose le crédit de son autorité — la vingt fois séculaire ! —, elle
s’applique à nous anéantir, elle préfère ceux qui plient devant elle
et méconnaissent
if le divin à ceux qui rempliraient les volontés du
Maître, en négligeant de la servir. L’Église est l’ombre u d’Esaü
couvrant la Terre Sainte et non l’Épouse du Cantique, elle nous
cèle Dieu plus qu’elle ne Le manifeste il et Dieu, visiblement, ii lui
retira Ses grâces prévenantes, Il ne permet qu’elle se targue de
martyrs
ff où nul ne consent à mouriril pour elle, elle est invulnérable
et c’est la marque
if de sa Réprobation : nul sang ne jaillira plus d’elle
où, cuirassée, elle pourrit vivante en son armure !
LXXI. Le martyre
n impossible Le Seigneur veut que l’on soit nu
devant la Face, à l’égal du Pontife
d’Israël lorsqu’il entrait au Saint des Saints. L’Église a choisi l’as
surance et Dieu la punira, lui refusant les palmes de douleur et la
couronne de la gloire, Il la punit déjà sous nos regards stupides.
Les temps
if sont proches que, sans elle, il nous sera permisn de croire
à l’Évangile et, ce jour-là, l’Église passera commiiiii e un fantôme de
346
la nuit quand le soleil se lève. Elle mourra,
Il sans que l’on ôte un cheveu
de sa tête, sans perdre une once de sa chair, sans une plaie au corps,
de son venin et de sa faute ! O martyrs II d’Israël, que votre sort
est désirable ! La palme lï de douleur, elle est à vous avec l’empire.
L’Eglise qu’a-t-elle à vous opposer ? Ah ! qu’elle montre ses bles
sures ! Ne saigne pas qui veut en ce bas monde : l’Église le pouvait,
elle pouvait se joindre à vous en l’Alliance indéfectible, elle pouvait
s’offrir... elle s’est dérobée, elle a béni vos meurtriers
il en armes.
Que tout le poids de votre sang retombe sur sa tête !
LXXII. Premier
Ii colloque sur les Juifs entre un Hébreu
I chrétien et
divers payens baptisés
plis. —
L’hébreu : — Il est plaisant de recueillir les survivants des
meurtres
n que l’on prêche et d’humilier charitablement ii le débris
d’une nation commise
ii à fournir les autels, mais n votre Eglise en a
donné l’exemple
n et tracé le modèle avec une maîtrise nonpareille.
Les moutiers
n s’ouvrent au passage et, pour un cent de Juifs qui
meurent dans les flammes, ri l’on ne préserve qu’une tête et s’édifie
à son propos. —
Second payen : — Merveille de la Providence et comme Dieu
se venge illustrement
n ! Mes frères, admirez l’occasion offerte et ne
sondez l’abîmeii des divins mystères.
rr Ahi ! le moyen de n’être pas
dans les plus saintes dispositions et de ne révérer tous les prodiges
qu’il fait éclater sur nous ? Mes frères, marchons dans Ses voies,
nous qu’il honore de Sa confidence et tremblons de juger une
conduite impénétrable en gardant les très hauts commandements n
de Sa lumière
n inaccessible ! —
Premier payen : — Paroles admirables. il Ainsi parlent les ser
viteurs de Dieu. —
L’hébreu : — De qui la charité veut l’agonie de Son peuple,
aux fins d’instruire les Gentils, ce peuple qu’ils poursuivent en tout
lieu du monde, que leur enseignement H a marqué
ii du sceau d’infamie
II
pour le livrer aux nations, hormis les restes qu’on épargne et dont
les descendants, multipliés,
il mourront
n une nouvelle fois, puis une
fois nouvelle encore et d’autres, inlassablement, ri selon qu’il plaît
aux juges. Tel est le grand mystère H de l’Eglise, mystère
ii qu’elle
ignore dans l’ensembleil et que les Juifs soupçonnent à demi, mystère n
abominable
n et que l’Eglise de demain il ira vomir purifiée ! —
347
Premier payen : — L’Église a ménagé les peuples de la terre
et leur consent des privautés égales, elle dispose de trésors de charités
et d’indulgences pour des nations qui la trahissent, elle pardonne
à ses railleurs et couvre les menées
H de ses ennemis,
II fait une résolution
de les chérir et se rengage à n’oublier que leur malice, II elle permetn
348
qui rêvaient de rompre Il les attaches, quand il est assuré que l’Évan-
gile est homogène à l’Alliance et moins brisure que dépassement. 11
ébranlant la cause. —
Second payen : — Si tous les Juifs avaient péri, les tenants
de l’Eglise se nommeraientlllli Israélites pour s’en faire gloire, mais II
la menace
II et, si l’Eglise a besoin de leur témoignage, il est constant
qu’ils peuvent se passer et d’elle et s’exempter de lui. —
L’hébreu : — Que pour les Juifs, l’Église est une secte et rien
de plus, malgré
II' sa domination, eux qui la virent naître et savent
bien ce dont elle relève, une hérésie triomphante et tourmentante, II
qui s’arme Il pour la dévorer et met en péril tous les fondements n qui
la supportent, mais ce qu’elle distingue est le péché dont elle se
rendit coupable. Devant le monde, II l’Église a renié les Juifs tout
comme
lllli Pierre abandonna le Maître, elle a rougi de sa lignée, elle
en a détourné la tête, elle a désavoué sa chair sacramentelle II et cette
chair n’a plus à la connaître à l’avenir ! —
Premier payen : — Ils veulent posséder le monde et ruiner
l’Église ! —
L’hébreu : — C’est à cela qu’on les oblige, avant de souffrir
qu’ils prétendent à ce que la plus faible nation peut détenir ! Ce
peuple qui n’a rien, s’il ne préside à toute chose et moins II que le
dernier de ses rivaux, quand il vous semble tout avoir ! —
Premier payen : — Pourquoi se mêlent-ils II de tout régir ? —
L’hébreu : — C’est l’effet de leur crainte. Ils vivent au milieu
de nations qui les ignorent, les redoutent ou les abominent — et
quelquefois les trois ensemble — et leur assiette n’est jamais II si
ferme
n qu’il paraît. Beaucoup de Juifs consentiraient à vivre obscurs,
mais
n savent qu’ils n’échapperaient à l’adversaire, lequel les irait
poursuivant au fond de leur retraite et, s’ils venaient à lui manquer, II
349
Premier payen : — Voilà du mélodrame H ou je meH trompe
fort. —
L’hébreu : — Les Juifs éprouvent de la gêne et les Gentils
plaisantent de leurs maux, de sorte que les uns dévorent leur souf
france et que les autres la dépriment Cl ; les uns n’en tirent nul loyer
— mais
II se la dissimulent
If à l’envi —, les autres les observent, les
saignant à l’occasion, puis leur donnant quelque répit d’usage ;
les uns dans le silence et les ténèbres, couvrant le premier II' de leur
bavardage et les secondes de leur frénésie, les autres au spectacle
et les seuls maîtres de sa fin dont ils savourent les annonces. —
Premier payen : — Nous sommes au théâtre ! —
L’hébreu : — Théâtre monstrueux II où les Juifs se démènent,
où les Gentils demeurent à leur place, où l’on se lève toutefois pour
envahir la scène, égorger les acteurs, et le jeu recommence, à peine
le rideau baissé. —
Second payen : — Dieu l’a voulu. —
L’hébreu : — Vous êtes fort de Ses intimes. II —
Second payen : — Le signe de la réprobation des Juifs est le
resserrement de leur doctrine après l’Avent du Christ et les prémices ii
pur et cette trahison spirituelle qui marque les écrits de leurs rabbins,
la fuite devant le sublime II — seule ressource inamovible II — et le
mortel attachement n à tout ce qu’on leur ôte. Ils balbutient et
divaguent, eux qui savaient chanter ; on les voit grimaçant ou gé
missant,
II eux qui riaient ou pleuraient dans le temps II marqué,
fl et
même
H II leur silence est frauduleux et ne les enveloppe guère. —
Premier payen : — Ils peuvent se vanter de leurs complices, ri
lesquels sont légion : ils en ont dix fois plus que d’amis éprouvés,
et le moyen
n de l’être ? Car nos mépris, ils nous les rendent bien et
nous dédaignent mainte n fois d’avance, persuadés de leur élection
tout comme de leur innocence et se jugeant nantis jusqu’à la fin
des siècles, de même II II qu’ils nous tiennent ridicules et pervers. —
Second payen : — Oui, malheureux les Juifs le sont, nous les
plaignons à la rigueur, ne parvenant jamais n à les chérir, en dépit de
leur infortune. —
L’hébreu : — Un peuple s’avilit, quand l’ordinaire a tari ses
puissances. De saintes dispositions ne peuvent l’emporter sur un
défaut de droits élémentaires, n la grandeur se fatigue à parer mille n
350
minuées
H par l’exclusion la plus flétrissante, il en consomme IIIII la sub
stance à force de tempéraments,
H tenu de se ravir de jour en jour à
ses instances, ne parvenant jamais à rompre les mesures générales
et voyant l’univers en contenance d’ennemi, ii s’abandonnant à la
sentence et faisant souche d’amertume.
n if —
Premier payen : — Ou sciemment rebelle et minant H les cou
tumes
II établies. —
Second payen : — Fléau s’il n’est la proie. —
L’hébreu : — Et la victime expiatoire, où l’on se fait honneur
de le vilipender. Tel est le peuple d’Israël, que la voix unanime II
identifie avec son ombre et qu’on sépare de ses fins, de peur qu’il
ne s’y rende et qu’il ne légitime II sa présence, accréditant son agonie,
ce peuple fort de ce qu’il ne discerne pas et faible quant au reste. —
Second payen : — Auquel il suffirait de se mouvoir II pour n’avoir
plus à se traîner, à revenir pour avancer, à devenir pour être et qui
n’est point, se fuyant dans l’attente, en soi hors de propos. —
Premier payen : — Et hors de soi, quand on l’y cherche. Il est
indubitable que, cela posé, ses défenseurs auront toujours l’excuse
de l’oppression, qu’il leur sera loisible de l’incriminer et d’en montrer
les suites déplorables. —
L’hébreu : — Fardeau peut-être à la mesure ii d’âmes II saintes
et choisies, non d’une généralité d’humains ii qu’il navre et qu’il
terrasse, outrant leur jugementII et mutilant
n leurs membres
II !—
Second payen : — Le jour que l’Israël de chair cesserait d’être
en agonie, l’Église aurait cessé de vivre. —
L’hébreu : — Et c’est pourquoi nous la voyons inique et meur II
trière au souverain degré, bien qu’elle rende une justice égale aux
divers peuples qu’elle accueille, à tous les peuples moins If aux Juifs. —
Premier payen : — A sa décharge nous avancerons qu’on ne
saurait leur faire droit. —
L’hébreu : — Où leur sang crie depuis deux mille n ans ! Et qu’il
est plus habile de persévérer en l’injustice que de remédier ii au mal,n
351
L’hébreu : — Les petits chiens sont devenus autant de dogues. —
Premier payen : — C’est bien de nous qu’il parle. —
L
_ ’ hébreu : —\ Souvenez-vous de la Samaritaine
II ! —
Premier payen : — Nous ne lisons pas l’Ecriture. Bon pour
les Protestants. Il s’agit d’obéir et non de commenter. II —
Second payen : — Voilà le fonds de la doctrine véritable. —
L’hébreu : — Les petits chiens sont devenus autant de dogues.
Les sacrifices de l’Ancienne Loi se continuent à travers le monde II
issue et leur détaille tous les liens qui les unissent l’une à l’autre :
ils se figurent volontiers que J. C. rompt avec Ses pareils, qu’il les
rejette et qu’il n’enferme ri l’univers en la miséricordeii qu’à seule
fin de les exclure. On les insulte en leur remémorant n n qu’ils sont à
jamais
n débiteurs des Juifs et quelquefois les parricides, qu’ils ne
les jugent point qu’ils ne se mettentn hors la loi. La vérité, c’est
qu’ils déplorent trop souvent les incommodités que la doctrine
emporte et qu’ils se payent des effets qu’ils n’oseraient flétrir, en
improuvant la descendance de la Race aînée. C’est par de tels biais
que leur nature que l’on violente se décharge : ils montrent n de quel
352
maître
II ils se réclament
II et quel néant ils servent sous couleur de
s’employer à la défense de Celui qui vint pour sauver l’homme —
en occupant Sa place en chacun de nous tous — et qu’on ne trahit
jamais
II plus qu’en assumant
II une vengeance dont Sa parole est le
plus ferme
il démenti
II !—
A. On prend les Juifs soit pour des lieux communs, soit des figures
de la rhétorique et nous savons assez d’apologistes qui leur dénient
l’existence. Ils gênent tout le monde
H et ceux qu’ils servent, on les
ÎT
improuve de bâtir, on leur en veut d’être vivants, ils feraient sage
ment
II de se muer
II en ombres éloquentes et démonstratives — que
l’on invoquerait le temps
II venu pour mieux
ri asseoir les vérités que
l’on professe —, on les accuse de se rebeller et de saper des fon
dements
II dont il est évident qu’ils forment
II la première assise, mais
II
l’on oublie volontiers que leur révolte est légitimeII et qu’ils n’ont
pas à déférer à l’ordre qui les désavoue, avant de les assassiner.
commis un meurtre
n — en premier II lieu
métaphysique
il — et d’où les pires avanies suivent de justesse. Quand
II ême
il elle aurait pris le soin de s’en laver, se pourrait-il qu’on l’in-
23 353
nocente et ne la voyons-nous prêcher de quoi légitimer n la forfaiture
qu’elle improuve et disposer les âmes n à la violence qu’elle désavoue ?
Que change-t-elle à son enseignement II qui les détrompe de ces vues ?
— C’est là que nous devons l’attendre et, certes, pas ailleurs, car
les promesses et les charités nous avilissent en nous immolant n et
nous clamons justice et non miséricorde
ii ! La vie à quoi l’Église
nous destine est une mortH perpétuelle et l’enfer même
II II n’a d’horreur
qui la dépasse : nous sommes l’agonie dont elle tire subsistance et
pour alimenter
If les fauves qu’elle flatte et qui se rient d’elle et de
son Dieu ! Jamais
II l’Église ne défend le peuple d’Israël contre les
nations qui lui reprochent d’être tout cela même
II II qu’elle veut qu’il soit.
354
n’empêche qu’elle ne se sente d’une cause inamovible et dont les
aboutissements l’ignorent ou la jouent. Elle a brisé l’attache et
c’est pour revenir aux lieux de sa révolte triomphante il : ailleurs,
elle décline et se tarit et, quand elle s’emploie à militer, il est besoin
qu’elle remonte vers sa cause et par delà tout l’édifice chancelant
des Docteurs et des Pères, qu’elle demande II une vigueur nouvelle
à la substance même n n de la foi — j’entends les Écritures — mais II
355
Edom, aux soldats d’Antiochus. Il l’est encore davantage de leur
imputer à crimeII un combat
H toujours inégal et qu’il leur faut mener
fl
LXXX. La cité de Dieu Que l’Israël de chair est une ville sou
tenant un siège et que les peuples ne
l’ont point levé, mais
n qu’ils reviennent sous les mursII et depuis
quatre fois mille
n ans, en muant
II de semblance ou de prétextes.
Jamais la ville n’a cédé. Les nations se changent, les langues meurent
II
et tout s’abolit, la ville tient et n’ouvrira ses portes qu’à Dieu seul
et Dieu seul a pouvoir d’en faire tomber II les murailles. En vérité,
lorsque les peuples réléguaient les Juifs dans un emplacement II clos
de remparts, ils ne savaient que la Jérusalem II céleste avait élu sa
résidence en ces charniers abominables
II et, plus aveugles que les
Juifs astreints à l’endurcissement, ils voyaient sans trembler la
chair de N. S. J. C. agonisant dans les ténèbres !
ment
il de celle que peut ressentir un
homme pénétré — malgré soi-même ir n — des dogmes de la foi, lorsqu’il
insulte au nom des Juifs et se délecte à les flétrir. Et quoi de plus
émoustillant que de s’en prendre à ceux dont on lui farcit la mémoireii
sont les articles de ce choix qu’il leur impose et, s’il a l’obligation
de révérer leur trace, il tire de l’ignominie une vengeance apparem II
ment
II solide et qui le paye de son vasselage. Il n’admet point d’éga
lité, car il les sait nos maîtres,
II mais
II leur abjection restaure la balance.
Entre le legs des Juifs et leur personne, il a voulu se frayer un passage
et dépouiller l’enfant de sa noblesse en la rendant inavouable,
quitte à l’assassiner après : « Les voilà bien, ceux qui se flattent
de changer le monde et l’ont déraciné ! Les voilà bien, ceux dont
nous recevons les fables convenues, ceux pour lesquels les peuples
se sont déchirés, les continents levés en armes II et les empires abattus,
les voilà bien, qui nous possèdent ! Levain des nations, tourment II
de l’âme
n et diviseurs du genre humain, qu’ils souffrent, qu’ils expient
et meurent
n sans relâche ! Le monde
II serait trop heureux de ne les
pas avoir connus, fléaux et plaies de l’espèce ! »
356
LXXXII. L’énigme du jardin Un hommemil cultivait sa terre et,
bien qu’elle fût pauvre, à force de
soins assidus il la rendit riche et plaisante. Or, l’homme II dont je
parle était de petit lieu, faible et chétif, il n’avait qu’elle et le désir
de l’orner davantage, il vivait pour cela quand d’autres n’en avaient
souci, sa terre fut plus belle encore et d’autres y jetaient les yeux,
de qui les champs étaient stériles et mal amendés. On le jugea
favorisé de la nature, on prit conseil de l’homme,
mu il devint à la mode,
on le fit même
n n arbitre et se vanta de l’imiter.
n Or, il se savait faible
et craignait pour son champ, II il veillait aux abords, maisII l’on se
disputait ses bonnes grâces, on vous le cajolait, il en perdit la tête,
il abattit l’enclos, le monde l’envahit, en moins
II de rien ce fut une
mêlée de langues et de peuples. Il était là comme égaré, les nations
à l’aise et lui de trop/on murmura
II de sa présence, on passa du
murmure
II à l’indignation ouverte, on le marqua d’un signe d’infamie II
A. L’on vit durant près de vingt siècles une nation qui n’avait d’exis
tence qu’en peinture et vivait néanmoins, éparse et vilement n foulée.
Et qu’eussent dit les Espagnols, les Français et les Allemands s’il
leur avait fallu se renier en tant que tels, oyant des peuples étrangers
enracinés en leur domaine les assourdir de la louange d’un passé
dont ils réclament
n l’héritage ? Qu’il leur fallût rougir à l’instant que
l’on vante les chantres et les rois, leur faisant honte d’en descendre
et les servant à l’exclusion des neveux charnels ? Telle est pourtant
la condition de ces Juifs que l’on sépare de leur excellence et dans
la crainte qu’ils n’en redeviennent dignes.
B. Le monde
n a mis
n le Juif en l’obligation de lui fournir un cent de
preuves pour se justifier et l’incrimine généralement
ri sans se donner
la peine ou l’embarras
n d’en établir la moindre : il le condamne
n sans
appel sur une rumeur
n vague et pour l’amour d’un bruit qui flatte
ses oreilles, mais il s’emporte contre ceux qui, pesant les raisons,
ne veulent souscrire à l’arrêt et parlent d’argumenter dans les formes,
le simple fait de discuter lui paraît un aveu de forfaiture et même
n n
de collusion.
357
C. Il est du meilleur
H ton de ne pas convenir de la vertu des Juifs,
de leur morale et de leur loyauté, pas même
n n de leur précellence lit
téraire et les dévots affectent de se récrier devant la splendeur de
leurs hymnes, en ayant soin de les attribuer à Dieu, peur de s’hu
milier
II face à des hommes
iilH admirables. Il est donc entendu que nul
Juif n’est poète et que ceux d’autrefois servirent d’instruments
H à
la Suprême Voix, et qu’au rebours des Gentils ornés de talents,
ils apparurent indigents, barbares et niais. C’est ainsi que l’on
représente volontiers les douze Apôtres, que l’on rend assez ridicules,
du moins avant la Pentecôte, où l’on présume H que leur judaïsmeH
cesse et que les Langues les^blanchissent, car il n’en faut pas moins
pour laver un Israélite. Tout rassemblé, chacun se loue d’être ce
qu’il est, immémorant
lllli de ce dont il est redevable et nul n’a d’yeux
pour qui lui fournit l’Habitacle et la Provende.
358
G. Que les vertus des Juifs sont en abomination devant qui leur
reproche d’exister et qu’ils ont beau se rendre officieux et charitables,
qu’ils semblent néanmoins
Il en faute, où des mérites abondants, des
mœurs réglées et de la prévenance ne forcent point l’estime II de leurs
juges. Ces juges-là se plaisent à les quereller d’emblée et, dès avant
qu’ils se prononcent, ils leur font réprimande II et délibèrent noble
ment, mais à la suite de l’arrêt, lequel est toujours préalable. Le
moyen
II de les satisfaire ? Il est à désirer que l’on ressemble
ri à ce qu’ils
veulent que l’on soit, au lieu de susciter à leur désœuvrement ri des
embarras continuels. Victimes, II ayez pitié de vos juges ! Allez-vous
devenir le rocher de scandale et l’instrumentII de la sédition ? N’avez-
vous point imaginé
II que même
h n les vertus ajoutent à l’offense et qu’il
n’est plus séant de vous -en prévaloir, que les vertus en souffrent
et, qu’à les voir en telle compagnie, on les diffame II d’importance ?
Que vous sert-il et d’égarer les magistrats
II et d’ahurir la populace
et de troubler enfin les bonnes gens dont la morale, pour se maintenir,
II
359
et que l’on divinise, un peuple dont la chair est celle de Dieu même, fl
360
lement appui, que faut-il davantage pour nous laisser dans le trouble ?
D’où le besoin, le besoin forcéné de l’avilir, ce peuple, et de le rendre
indigne, peur qu’il ne s’improvise
Il le témoin de sa prééminence
H et
qu’il ne songe à la perpétuer. Qu’on l’aimerait, s’il n’était plus !
Mais il est là, toujours vivace et toujours irritant, et prouve ce qu’il
fut par cela même
n n qu’il ne cesse d’être : il est, dis-je, et les autres
s’en ressentent, parce qu’il modifie ce qu’il touche et rompt II qui se
rassemblent en dehors de sa portée, qu’il est le diviseur inassouvi
qui met
n en mouvement
n les pays et les siècles. Le mondeII se pourra
lasser d’en faire sa victime,
II qu’il ne se lassera de perdurer et ses bour
reaux n’ignorent point qu’ils mourront avant lui, qui les enterre
avec leur descendance et s’établit leur juge : ils passent, il demeure II ;
ils exterminent, il enfante ; ils le diffament, ii il les ignore et, bien
qu’ils semblent sa fatalité, lui-même n n est plus réellement la leur,
de mode que leurs hurlements n’étouffent guère son silence où leur
fureur s’anéantit au pied de sa ruine.
du reste des humains que les murailles et les lois, mais trop y cher
chent des raisons de vivre pour que l’abus se puisse réformer :
le seul moyen de tourner le système n est de se placer hardiment
n au
nœud de l’engrenage.
361
l’éviction pertinente de sa race en tant que telle et l’ordre de mueril
et d’âme
n et de changer
•u de dieux. Le monde
ir s’est déraciné pour avoir
épousé la Cause et par le truchement
n du Maître, où l’Israël de chair
demeure
h seul en place, en dépit de l’errance, et porte la Gentilité.
Les adversaires d’Israël sont toujours de mauvaise foi, lorsqu’ils
n’écument
ii de démence
n ou ne bégayent de sottise : la gloire d’Israël
est d’égarer qui l’humilie,
n de perdre qui le violente et d’abêtir qui
le pourchasse, de rendre tous les hommes
lllll et pervers et fous et dignes
de risée, et là réside sa vengeance indubitable.
D. En haine d’Israël, des gens^de bien et même n n du meilleur parage
se firent prévaricateurs, bourreaux et meurtriers, n traîtres à leur
pays tout comme au genre humain n en son entier, abominables aux
regards des justes et dignes d’un mépris n sans bornes ni mélange.
Ils l’accomplirent à l’aveugle ou pesant leur ignominie, ils se ren
dirent plus stupides que des animaux, afin de n’avoir à se déjuger,
ou s’ils gardaient l’intelligence de leur crime, n il leur fallait grincer
des dents et se vouer à l’amertume,
n n il leur était besoin ou de se
condamner à la ténèbre, marqués
n du signe de la bête, ou de se faire
les émules des démons. Ils savaient l’un tout comme tiiii l’autre, ils
le savaient et voulaient néanmoins et diffamer, n persécuter, meurtrir,
H
362
estime
n où nous le savons né d’un peuple illégitime H ou réprouvé.
L’état d’un Juif en l’univers dépend de celui de la nation dans son
entier. Aux Gentils les incriminant,
n les Juifs seront-ils pas reçus
à dire qu’ils vivent en tout lieu dans leur domaine h propre, en tout
lieu participant de leurs divers cultes, où l’Esprit souffle issu de
leur manière
n et subjugue amoureusement
n n' les volontés rebelles ?
Car leur royaume h est de ce monde et hors du monde, ils sèment II de
puis trente siècles et l’univers en porte les empreintes
il à jamais
II
n
ce dont on n’aura point l’intelligence et d’être pleinement ce qu’on
ne doit jamais entendre. Et quoi de plus terrible ? Que d’hommes iiiii
363
sistance et s’ingénient à persuader ? Il ne manquait
n aux Juifs que de
se projeter en une formen harmonieusementn scellée à l’univers, mais
n
et mille
n fois les épisodes de l’Histoire Sainte, il lui forgea le diadème n
c’est un roi qui ne voit point le jour, aveugle au beau milieu i» de ses
profusions,
i immémorant
iiiii n de sa tutelle et de sa légitimité, le mort
vivant assis dans un nuage et ceux qui le révèrent ne savent jamais
que c’est lui, lui seul et pas un autre, et pas un autre au monde, u
364
B. Elle a grandi dans le mépris
Il de ses béatitudes, elle se veut bandée
comme l’arc de guerre et ne fléchit devant aucune idole. Mise en
réserve pour les âges à venir, elle se garde à force ouverte ou se
retranche dans les intermèdes
II et les procédés, mais
H nul n’a raison
de sa vigilance et nul ne cerne les demeuresil qu’elle habite et, s’il
y parvenait, qu’il en poussât le siège et donnât même u un général
assaut, qu’y trouverait-il davantage que Pompée il ? Il y discernerait
un vide étrange et fait pour recevoir un Dieu jaloux, il y démêlerait
comme
in ii une empreinte de l’irrecevable ou le débris de ce qui n’eut
pas même
il n de substance ; il serait débouté, plus faible qu’un enfant,
ne retirant nul fruit de sa victoire et marcherait comme lllll Titus,
paré de ses dépouilles solennelles, objets de pompe u et de métal,
H
mais
il il ne tuerait ce qui joe'doit mourir !
C. Que la pensée d’Israël est un flambeau qui brûle sur nos têtes,
le luminaire
n intronisé, le sacrement
u inimitable
il et la présence ma
H
nifeste de l’Esprit dans ce qu’il a de plus subtilement improfé-
rable. Il a suffi de quelques Juifs pour que le monde chancelât et,
quand le peuple entier devrait périr, ses victimaires
H ne seraient
pas assurés de vivre indemnes : il ne leur resterait plus qu’à le
faire Dieu.
E. Pour accuser les Juifs, on les dépouille et fait usage des leçons
de leurs prophètes. Si jamais nation mit ii de l’orgueil à se charger,
qu’on me la nomme et la place en regard, où nulle n’aura primé n sur
la juive en ce domaine singulier, mais n lourd d’embûches et semé
d’écueils, Il n’est donc pas merveille
n si les peuples viennent se fournir
et d’arguments
n et de prétextes, qu’ils puisent à mains
n pleines dans
le trésor de ces quarante siècles, renchérissant à l’aise sur la clameur
inspirée et flétrissant du haut de leur fumier qui leur donna l’exemple
et la raison de vivre. Morgué par l’insolence des aveugles, honni
par la sottise des prudents et foulé par l’écume n de la terre, le peuple
saint essuie les rebuts de la gentilité, mais n l’univers se mue
n et
tout se bouleverse à l’instant qu’il s’éveille aux destins infaillibles
qui le mènent
n vers sa cause.
365
F. Le monde
n ne combat les Juifs qu’à force de les opposer et mu«I
tuellement,
n mais
n il n’a garde d’avouer une manœuvre
tl dolosive et
se présente en vengeur et justicier ; il fouille leur histoire et la re
tourne invariablementIt contre leur descendance et n’a de cesse qu’il
ne rende abominable un nom dont il se parerait avec superbe, à
charge qu’ils mourussent. Le monde éprouve le besoin de croire en
la noirceur des Juifs, les divisant d’avec le meilleur
II de leur peuple
et faisant minH e d’oublier qu’en chaque nation les saintes gens
s’exposent à souffrir. En aucun Heu du monde le sort du Maître ne
se fût scellé par un triomphe et chacun de nous tous L’aurait cru
cifié, s’il ne L’aimait
II plus que sa vie propre.
à moins
n d’assujettir le monde en son entier et de tout subvertir
dans la ruine de ses luminaires, dessein que chaque religion n’a
manqué
n d’ourdir et dont elle a peut-être fait son deuil. Quoi qu’il
en soit, les trois systèmes
ii semblent lourds d’une menace
n et d’un
mauvais
if désir que l’on se garde d’avouer ou de combattre.
n
366
C. Le propre des systèmes ii judéens sous leur diverse forme H est de
viser à l’absolu : chacun se ferme ir et se rempare,
n et chacun se tient
digne de régir le monde en son entier, mais ii lance l’interdit sur les
rivaux, leurs ressemblances mutuelles
II ne servant qu’à les opposer
avec une rigueur accrue. Point de remède II à la division, à moins
d’en inventer un autre et susceptible de les contenir, sans les heurter
de front, qui prenne appui — d’un mouvement n n sans violence —
et sur le passé le plus vénérable et sur la foi du commun IIIII avenir :
un tel systèmeII laisserait l’ensemble tout pareil à ce qu’il fut et
donnerait licence aux meilleurs de se rapprocher. Il est des mu II
tations souhaitables que nul ne croiserait, si nous veillons à n’en
jamais
ii' précipiter l’issue ; il est des changements n lesquels préludent
en douceur et qu’il fautbien des siècles pour mener if à terme
u ; il
en est d’autres, plus soudains, et que l’on doit saisir au vol. Le té
moignage de l’erreur exerce les subtilités et ne se fonde jamais n
L’on imagine
u : u al, au sein de l’islamisme,
n un culte de la vérité,
fût-elle dommageable, à quoi les âmes n libérales nous invitent, et
les Orientaux ne semblent
n guère en état de se soutenir en la morale,
au défaut de leur fanatisme, n et qui l’ébranle les abaisse. Nous sommes
loin de l’union que l’on souhaite et nous devons auparavant unifier
les genres d’existence, pour qu’une même ni n vie appelle un semblant
de solution en quelque sorte similaire.n Nous gardons bon espoir,
vu l’impuissance générale des systèmes n en l’état présent et le besoin
marqué
n d’un élargissement
n en profondeur. Le renouveau — s’il est
possible — aura premièrement
n n à tâche de miner
n une série de dilemmes
apparents, idoles affermies
n en l’orgueil et qu’on révère à cause qu’elles
sont en place.
367
lement
fl inviolables, sa volonté n’a pas mué d’assise et jamais II il ne
se dévie, à l’épouvante des témoins aveugles. On l’a tenté, mais II
et la lumière,II il sème
II les ferments, il ente les prodiges, la terre se
remue
fl et les ténèbres se dissipent, les lois sont en balance et les
coutumes II en épreuve. Il est le diviseur du monde et le retire de
l’inerte, il renouvelle l’œuvre de création et l’associe aux véhicules
de sa virulence, il est commotion II et la matrice
II de l’événement, H
368
s assembleront un jour. Lorsque les Juifs iront au Christ, l’Église
devra s ébranler, non pour les recevoir, mais H pour leur faire escorte
et, ce jour-là, qui restera sur place, en vérité, ne sera plus ni d’elle
ni de Lui. —
Second juif : — Aller à J. C. ? Au fils de cette parfumeuse n ?—
Premier juif : — Ce fut un homme II noblement doué, mais n il
a trahi notre Loi. Je pense qu’il eût rougi de l’Église, avec raison
d’ailleurs. Il serait bien puni, s’il revenait au monde n : en nombre H
de lui. —
Second juif : — On lui démontrerait qu’il est abominable d’être
Juif, qu’il tient du nègre et qu’il pollue ce qu’il touche, qu’on est
fort bon de le souffrir et qu’il est un scandale permanent. II —
Premier juif : — Il verrait mille II et milleII sanctuaires où l’on
enseigne la Parole avec la haine des agents et contrefait ceux que
l’on foule, où de petits enfants sont nourris dans les préjugés les
plus affreux et dont ils armeront un jour leur innocence meurtrière, II
et plus de justes inutiles qu’il n’est d’étoiles dans le ciel, tout l’édifice
d’infortune et de gémissement
II s’élève, tour murée n en le silence et
les ténèbres. Or, nul n’a d’yeux pour cet amas n de torturés, mais l’on
ajoute à leur monceau,
II l’on se prépare à de nouveaux égorgements II
durant que les entrailles fument et que le sang arrose les autels,
des milliers
n d’esclaves abusés attendent leur salut et leur raison de
vivre de l’immolation
n perpétuelle de la race, depuis vingt siècles
les dépouilles juives se mêlent
II à la terre de leurs ennemis H et la four
nissent de leur abondance. —
Premier juif : — Tel est le sort des Juifs et, sans mentir, II
24 369
L’hébreu : — Et, néanmoins, tout l’édifice d’Israël ne l’a rendu
participant de la divine grâce et tout l’enchaînement des maux H
qui fondent sur un peuple ne l’a guère racheté, vu qu’il est un défaut
au plus intime11 de l’assise et qui balance les vindictes encourues :
il manquait une seule pierre et cette pierre a soutenu l’Église,9 en
dépit de son infidélité, de ses proditions et de ses meurtres.
n mi-
L’ini
quité l’emporte sur le droit, lorsqu’elle bâtit sur la juste cause ! —
Premier juif : — Le privilège d’Israël est d’être à couvert de
la démesure
tt et l’admirable des leçons qu’il nous avance est qu’en
tout lieu de son histoire il n’atteignit pas mêmen n à la limite.
ii —
L’hébreu : — Hors une fois, lorsqu’il alla si loin qu’il n’a pu
revenir. —
Second juif : — Or, nous ne reviendrons jamais. H Jamais ! La
cause est entendue. —
Premier juif : — Le peuple d’Israël, l’unique à voir le Maître
face à face en la rigueur suave et la mansuétude
H inexorable, le
peuple d’Israël, l’unique à subir le poids chevauchant de la divinité,
le seul à lutter avec l’Ange en tous les temps,
ri le seul mis à jamais 11
370
sa prodition, Il abandonne Ses brebis en faveur d’une seule et, pour
l’amour de la plus menacée,
Il Il en déserte le troupeau, mais II ne
revient guere sur Ses pas et qui ne Le recherche alors L’a désavoué
pour Son Maître. —
Premier juif : — A croire les Apologistes, la Synagogue serait
trop charnelle et trop énamourée du visible, au soin des choses de
ce monde et ne devant le posséder — vu que le monde la possède —,
nourrie, à ce que l’on prétend, de la rosée du ciel et de la graisse de
la terre, où votre Église serait vierge et néanmoins féconde, éprise
seulement de l’invisible et dans les intérêts mêmes n IT de Dieu, dont
elle est à la fois l’épouse et la servante. —
L’hébreu : — Le parallèle est, semble-t-il, II expédient, mais
alléguons à la décharge de la Synagogue une misère II nonpareille
où le plus nécessaire a fait si généralement défaut qu’il était malaisé II
dure emmi
ni n nous et se devra perpétuer, ses moindres II mouvements n
371
Premier juif : — Et pourtant tu la désertas ! —
L’hébreu : — En J. C. le Verbe se fit chair et l’espérance la
plus longuement n mûrie
n se voulut engager dans le sensible, pour la
première fois les dispositions intérieures vinrent à bout de la réalité,
le rêve d’une nation subjugua l’évidence et l’Homme-Dieu, l’ac
compli de sagesse et les délices de l’amour, Il cet Homme-là n parut,
dépositaire de Sa légitimité, il garant de toute vie et pleige de Sa mort, n
372
savent la raison de leur puissance véritable. Que les yeux s’ouvrent
et les voiles tombent ! Alors les Juifs épouseront le meilleur Ii de leur
cause, ils seront un avec le Seigneur J. C. et plieront la terre sous
le joug ; qui s’y refusera, ne subsistera plus devant la Sainte Face
et leur empire deviendra le Sien. En vérité, le Christ a tenu la pro
messe
ü et l’espérance la plus orgueilleuse est-elle pas comblée au
delà de l’affirmative
II ?—
Premier juif : — Donc votre Église vient des Juifs. —
L’hébreu : — Elle aurait tort de le nier. —
Premier juif : — Il n’est de pierre qui ne soit du Temple. —
L’hébreu : — Il n’est de rudiment qu’elle n’en ait tiré, malgré II
373
mension de Pœcumène, Il à la mesure du divin dans l’homme et de
l’humain
il dans l’ineffable. —
Premier juif : — Si Dieu lui rendit son domaine ii temporel,
ü c’est
pour la retirer du joug. —
L’hébreu : Et lui permettreri de songer à Lui de préférence
à l’aire et, s’il a mitigé fai: n ce n’est qu’en vue de lui susciter
ü litige la faim,
374
L’hébreu : — Malheureux ! — '
Premier juif : — C’est là ce qu’ils prétendent et c’est ce qui
les perd. —
L’hébreu : — Tout bien considéré, le drame Il d’Israël est moinsII
aux lois du monde n et pour les faire entrer en lice avec les autres
peuples, mais n à dessein de braver toute loi qui ne fût Sienne et
de montrer aux forts qu’il a moyen de les abattre à l’aide des
plus démunis. Tel est le sort des Juifs et leur condition parmi n les
hommes.
iiiii —
375
les forfaitures —, en leur abandonnant les survivants charnels pour
qu’ils expient tant de gloire ; on la vit s’allier aux ennemis
n les plus
cruels de son enseignement et s’en remettren quelquefois aux loups
du soin de la défendre, usant des moyens les plus ténébreux au lieu
de choisir le consentement
if et de s’offrir en holocauste. Ses défen
seurs l’ont avilie et désormaisfl l’Église a tout à craindre de ses
partisans. La voie royale est une voie dissimulée et pleine de tra
verses : qui, depuis tant de siècles, y chemine à la réserve de ce
peuple dont le triomphe de l’Église a scellé la fortune, multiplié
ii
376
pour faire éclater non Sa dilection, mais
Il le prodige de Sa force et
montrer qu’il appuie l’adultère et se détourne de l’épouse véritable,
où l’adultère ne l’oublie pas et Son épouse ne L’invoque point,
oui, J. C. nous montre
II au sein de la prodition la main
II de la justice
qu’ilexerce, Il nous l’étale bénissant l’erreur et la scélératesse —
à charge qu’elles se réclament de Lui seul — et voulant ignorer,
dans Sa conduite impénétrable,
II une querelle mille
II fois plus sainte,
mais
II dont les partisans Le méconnaissent à l’envi.
qu’il pût se voir l’objet de cette gloire nonpareille et d’être élu par
la moitié de l’univers, qui ne l’était alors que par-devant soi-même
et le Seigneur de l’Alliance. L’Église a tant fait pour la domination
II
C. Puis, quand les temps seront venus, nous nous irons placer en
tête de l’Église, Dieu nous imprimera
II le mouvement dernier et nous
le communiquerons aux nations charnelles. L’Église, sans les voir,
nous a gardé le sceptre et veilla sur le glaive, elle est le reliquaire
où nos insignes nous attendent, elle est la châsse où dorment les
symboles adorables, le patrimoine de nos fins et le dépôt de nos
mérites. Nous parachèverons une œuvre qui nous doit le jour et
nous serons les héritiers de ce que nous plantâmes, le fleuve remon
tera vers la source et l’océan s’y jettera dans un débordement de
plénitude énamourée, en la divine source et qui saura tout accueillir.
377
jamais devers l’impossible et demeurez Il en tous lieux où vous êtes,
soyez comme IIIII une ville forte et la plus noble des cités multipliée
à l’infini. Vos dignités ne vous soutiennent point si vous ne songez
à les soutenir : chacun de vous peut être un nouveau Christ et tout
semblable
II au juste dont il est parlé dans Isaïe, mais ü il faut consentir
à votre destinée, afin d’en avoir pleinement il raison. Que tant de
sang et de supplices ne vous servent qu’à mieux ü illustrer tous les
mensonges
II qu’on débite contre vous ! Ailleurs, avec trois morts,
l’on fait merveille
ii et l’on se vante où vous en cachez mille II et mille
H
378
pesons la faiblesse de nos ennemis
n et nous les chasserons de notre
Eglise, les portes leur seront fermées
n et l’abîme
n ouvert sous leurs
pas, leur mémoire
II abolie et notre oubli sera notre vengeance.
et des matières
n décidées, de leurs traditions inviolables, tenus de
les servir ou de se dépouiller, oui, de se dépouiller sans intermission
n
du fondement
n qui les étaye, des murs
n qui les remparent et des pro
messes qui les fortifient, de rebrousser cheminn et de se perdre dans
le vague, avant que de languir sur le fumier en les ténèbres de
leur désolation charnelle. Mis en demeure
n de choisir, les obstinés
délaisseront la foule et les autels, les autres, ils nous reviendront,
379
car le salut émane
h de nous seuls et la prêtrise nous est accordée à
ia II ais sur la terre.
D. Où passe Dieu, le peuple suit et nul n’y fait empêchement. n
N. S. entame
h l’univers, il semble
u un coin fiché le plus avant dans les
entrailles du plérome
n et qui menace
n de le rompre, un éternel forcè-
nement,
n une manière
n de viol métaphysique
n et c’est par Lui que
l’Israël de chair assied une puissance légitime ii sur le ramas
n des
règnes secoués.
380
le déifie,imaginez-le dans une île et parmi n des sauvages vagabonds :
pourra-t-il convenir de ce qu’il représente, en avoir seulement n l’in
telligence et persévérer dans son être, le pourra-t-il et, s’il n’échoue
au premier mouvement,
ii H avisera-t-il aux mesures
ii de la publier et
d’en convaincre ses pareils, les gagnera-t-il à sa cause et, s’il les
persuade un jour, qu’ils l’aiment
il et le suivent et qu’ils lui dressent
des autels, qu’il monte
ii au rang des dieux, que saurons-nous de ses
bontés moins
n des relations imaginaires
il — et ces légendes nous
remuent-elles
ü ? Voilà bien des obstacles entre nous et lui, qui feront
que l’on s’en détourne.
C. Le même,
n ii naissant dans un peuple qui l’attend, un peuple au
carrefour des nations et répandu chez elles, ayant des prosélytes
à foison et dont les lois étonnent l’univers, le mê:
ii n e, dis-je, a pour
conduire son ouvrage une ressource illimitéen et, quand ses leçons
démentiraient leur principe, elles lui devront néanmoins le fondement ü
381
E. Vous L’adorez, Le jugeant mort et mis if dans l’impuissance de
vous réprimer
if : le beau mérite
ü et comme il vous sied noblement
de malmener
ii les Juifs, vous qui jamais ne L’avez vu charnel ni
face à face, vous qui n’avez pas à choisir et qui Le recevez dès le
H ornent
ff de naître, avec l’amas de vos traditions et le langage de
vos pères. Oui, pour vous tous II est une figure et non pas Sa réalité,
le Dieu que L’on révère en assurance et sur Lequel on prétend
s’acquérir un droit d’usage et de famille, un droit que vous tenez
régalien, un droit vous dispensant de tout ce qui vous incommode.
Rentrez en vous, oui, descendez en vous et cherchez-Le, ce Dieu,
votre sujet fidèle et votre complaisant,
ü que vous avez perdu de trop
bien posséder !
382
d’exemple ou de leçon, nous qui représentons la même Il chair
divine et n’implorons
il les grâces que nous seuls avons pouvoir de
concéder.
383
CIV. Jésus parle aux Juifs
384
mais
h ils se savent insolvables s’il leur fallait restituer, ils porteraient
envie à Job et seraient mille
n fois plus misérables.
n Venez à Moi,
malgré
n n
leurs machinations : Je vous réconcilie avec le monde et
ceux qui ne voudraient de vous ne seraient plus de Mes fidèles !
CVI. Préliminaires
h touchant F Église invisible
25 385
au moment
ri où les portes s’ouvrent, mais
II véritablement
ii qu’a-t-il
de plus à souhaiter, de plus à recevoir et davantage à posséder ?
386
ne résistent pas au Mal — de peur de se changer à sa malice
H en durant
devant elle —, ils veulent imiter le Dieu qui flétrit Ses vengeurs et
blâme qui L’assiste, ils meurent
n — s’il le faut — honteusement,
H de
peur de se donner du lustre, ils agonisent en silence et tremblent
qu on ne les admire, ils savent que les moyens mis II en œuvre altèrent
une fin dont ils ne sont pas dignes, maisn ils n’ignorent point qu’il
est loisible de s offrir des le moment
n if qu’il est ignoble de combattre.
le monde
n et malgré
n nous !
387
écartée et loin des lieux de prostitution et de scandale, où nul vivant
ne vous épie, et lui rendez un culte de silence. Nous marchons
•T théo-
phores, mais
n nul ne voit ce Dieu qui se repose sur nos têtes, nous-
mêmes
li devons l’ignorer pour qu’il ne nous déserte pas, nous-mêmes
n n
et jeté bas qui lui résiste, ayant raison de tout, moins de la lettre,
et ne pouvant gagner sur elle. Nul ne conserve la Parole et nul ne
la transmet,
n et la Parole vit où chacun la retrouve en la perpétuant
dans le mystère,
n et le message
n dure en dépit de ses véhicules misé
n
rables et de la lettre qu’il fait éclater aux yeux de qui sait voir.
388
CXI. Le pécheur parle Tout ne respire que défense et tout se
ligue impérieusement
Il à travers l’ordre de
l’Église, afin de mettre
II empêchement
rr aux lois réelles du Seigneur,
ces lois que nulle secte ne fait siennes, lois fermes
If et terribles, divines
et mortelles, ces lois pareilles à du vin, d’un vin qui jamais
ri ne repose
et qu’il faut changer d’outres et de cuves, si l’on ne veut qu’il
rompe ses vaisseaux. Aussi ne nous le verse-t-on que sagement muté, n
pour qu’il ne nous égare pas et l’on sait bien qu’il est à même n H de
tuer ceux qu’il ne ressuscite. Les serviteurs commis uni sont dans le
n
tremblement, à moins
n qu’ils ne sommeillent et, quoi qu’ils entre
prennent, ils ne font rien de véritable et se défendent nommément n H
d’agir. Telle est, Seigneur, l’Église de ces temps, mais ri Votre loi
nous passe et Vos raisons nous ouvrent des lointains qui nous ar
rachent à la terre et qui nous enracinent en des lieux de mouvement
II II
et de merveille.
n Qui Vous résisterait et que serait-ce de nous autres ?
Il nous faudrait mourir
H et voyez comme n ils brûlent et de vivre et
de se follement
u multiplier
n en l’univers épuisé d’hommes
iiiii ! Qui leur
enseignera que cette vie est le moyen de Vous atteindre et que sa
fin n’est pas ailleurs ?
389
qu’on ne les abuse et ne les frustre de leurs misérables
H joies, et Vous
savez que l’existence de la multitude
11 est l’enfer tempéré par le
suicide ! S’ils tiennent à la vie, eux qui n’ont d’autre bien, c’est en
raison de la luxure et de la gourmandise
II et, faute de l’inavouable,
il ne leur resterait qu’à se laisser mourir. Qu’on les méprise,
11 j’y
consens, à charge qu’on les plaigne, et que pouvait l’Eglise en l’em 11
temporel
n que d’une révolution qui ne s’achève et ne peut aboutir,
d’un branle enté sur une issue ouverte et d’un bouillonnement n de
plénitude, une promesse
n toujours commencée en une fin toujours
continuée.
390
CXV. Que Dieu n’est Dieu même u a besoin de secours, Dieu
rien sans l’homme même
n n ne triomphe que par l’homme et
l’Éternel est conduit à choisir les vases
qui Le rendent manifeste,
ii où pouvant tout par eux II ne peut rien,
s’ils Le trahissent. Mystère de la divine impuissanceh au regard de
nos libertés ! Aussi faisons-nous mal de nous attendre à des prodiges
inutiles, Dieu n’ayant d’autres obligations à l’univers que de l’avoir
mis
ri dans Sa confidence, mais
n le surplus est du ressort de nos empires :
le monde,
n le partage de l’humain,
n relève de la majesté
II des lois et
l’appareil des lois de la justice incorruptible, et nous ne devons
jamais
II tolérer que les événements II enfreignent sciemment les lois
ni que les lois ruinent la justice, et la justice enfin ne doit pas aspirer
à la subversion de l’œcumène. II La vie est au-dessus de tout le reste
et le salut du monde en sa dernière dépendance, la vie est le reflet
de l’Etre et nous nous rebellons à Son endroit, dès le moment que
nous lui portons une atteinte. En conséquence, il est loisible d’affirmer H
que le Seigneur agit par l’entremise II de nos justes et que les justes
sont les mains
11 de Dieu. Or, Dieu voulut qu’ils fussent ignorés, de
crainte qu’ils ne s’enhardissent à se prononcer, au lieu de demeurer II
venu si Dieu, qui les met en réserve, amène il leur accession et nous
en développe le mystère. II
contre l’évidence.
391
CXVIL La bonne peur Mes frères en esprit, Dieu nous préserve
de la foi qui ne se justifie que par devers
elle et ne nous change à la bonté des mêmes
II lois que son enseignement
ti
CXIX. Colloque sur les deux Églises entre divers fidèles véritables
aveuglement et félonie ! —
Etienne : — Et quoi ? Leur fallait-il Jésus ? Jésus ne les con-
damne-t-Il vingt siècles à l’avance et ne les a-t-Il pas vomis
ii devant
qu’ils fussent ? Que leur importe Son modèle
ri et qu’ont-ils à se pré
valoir de ces paroles ineffables, de ces paroles prophétiques, de ces
paroles qui dénoncent leur aberration et leur supercherie ? —
Paul : — O perfidie sans égale ! Ils prônent ce qui les flétrit,
ils prêchent ce qui les abîme et marchent les Nouvelles à la main
392
et ne redoutent pas que leur main Il sèche, ils se proclament II infail
libles, ils tiennent un bureau de consolations, ils légifèrent et sta
tuent, ils lient et délient, s’érigeant formidables entre les âmes n et
leur Maître. Et c’est pour eux que le Seigneur aurait tout mis n en
mouvement II !—
Étienne : — Ah ! qu’ils étaient habiles et sagaces, lorsqu’ils
faisaient empêchement IJ à l’exégèse, qu’ils réprimaient II l’étude ou
s’en attribuaient l’usage, non pas en vue d’éclaircir, mais pour s’en
garantir et, par la bouche d’un docteur fameux, n disaient-ils pas
qu’il fallait s’exercer aux langues saintes bien moins ri pour acquérir
l’intelligence de la Bible qu’aux fins de mieux ii défendre les versions
autorisées ? —
Pierre : — Autorisées ? Par qui, mon Dieu ? Au nom n de quel
selon l’événement, parce que faibles, niais quand ils avaient la foi,
pervers s’ils en étaient destitués, niais et pervers tout ensemble. —
Paul : — Ils ont vécu. —
Pierre : — Point davantage. —
Étienne : — Et, vivant à l’abri des dogmes, II fondés sur eux
et remparés
II avec tout ce qui les étouffe, ils ont choisi la plus ferme II
393
Étienne : — Tout l’édifice est une illusion mortelle et sa mer Il
veille abominable, à l’heure qu’il ne tend à se parachever et que
ses masses
II ne convergent en un mutuel accord. —
Paul : — Mais cette voûte n’est qu’au prix de l’appareil et des
structures temporelles, dont elle tire son allégement n et qu’elle
vivifie. Mes frères, admirez l’indissoluble épaulement •n et dites-vous
que la puissance de l’Église est la couronne immotivée
iiiii en l’altitude
et par-dessus la région de l’air et de la flamme, où les piliers se perdent
en la nue et l’harmonie éclate sur nos têtes. Or, que serait-ce des
martyrs,
n des confesseurs, des vierges et des saints, à faute de la
masse
n appareillée et du concert pétré de l’ordonnance inamovible ? —
Étienne : — Heureux les justes de qui l’immolation
II étaye leur
soutènement
n et dont le sang ne coule pas en vain et consolide
l’œuvre, en cimentant
n tutelles et prestiges ! Les autres, qui les voit
et se les remémore
u ? Ils vivent pour qu’on les oublie et meurent
afin qu’on les raille, et leur souffrance est inutile, mais
II s’ils le savent
et qu’ils s’évertuent, croyez, mesII frères, qu’il n’est d’hommes plus
394
elle retranche les moyens i et les menées il dont les corps politiques
font ressource, elle détourne ses regards de ceux qui lui promettent n
395
entiers, la mort
n même
n n nous fuit et nul ne nous égorge plus à l’ave
nir. —
Étienne : — Car nous ne méritons pas de saigner, il ne nous
reste qu’à pourrir, invulnérables et vivants. —
Pierre : — Tel est le châtiment
H de l’Autre Église. —
CONCLUSION GÉNÉRALE
mais il n’est rien dès qu’il ne s’en étaye et l’œcumène n est l’agent
de sa consistance, où Dieu n’agit qu’au travers de l’humain, n où
la cité charnelle élève les appuis de l’autre. Il faut premièrement H II
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