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Pierre Emmanuel
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m’enjoignant de cesser sous peu mes couteuses nigauderies, laissez-
moi clarifier ma pensée un instant.
Le fait est que dix années séparent votre humble serviteur présent
écrivant ce livre de son avatar passé lorsqu’il créa son blog. Pour
faire simple, vous ne lisez pas le même homme. Vous ne lisez même
pas tout à fait celui qui a écrit « Conscience », publié pour la toute
première fois au tout début de l’an de grâce deux mille dix neuf -
autant dire tout de suite six millions d’années. L’encre a coulé et le
joyeux luron a beaucoup changé. Une chose, toutefois n’a pas changé
: l’estime et l’importance que je place dans l’étude de la conscience,
et notamment des expériences habituellement décrites comme
inhabituelles, extraordinaires ou paranormales. Expérience hors-du-
corps, médiumnité, psychokinèse, télépathie… ces sujets continuent
de me fasciner. Je les crois particulièrement importants. Je crois par
ailleurs que c’est justement parce que je les porte en haute estime - et
qu’ils me concernent directement pour certains - que je ne peux me
contenter de les regarder de loin. C’est précisément parce que ces
sujets sont cruciaux pour moi que je m’attache à constamment affiner
mes mots, affuter mon regard, améliorer ma précision, et plus
généralement à faire évoluer ma connaissance de ces phénomènes.
Quitte à changer d’interprétation régulièrement. C’est précisément
pour cette raison que mon scepticisme s’est renforcé ces dernières
années et que je ressens systématiquement le besoin de clarifier ma
pensée et de la mettre à jour, ou de prendre du recul quand cela me
dépasse. Si je me contentais d’inventer de la fiction, je pense que je
n’aurais pas ce souci du détail. Mais le sujet de mes écrits est aussi
ma propre vie : je me sens d’autant plus responsable des
informations que je partage. Mes interprétations évoluent, mais mes
expériences restent. Je ne peux les enlever de ma vie. Je suis donc
obligé de composer avec.
Cela étant posé, n’en venez pas à croire que j’en suis arrivé à une
position matérialiste, ou encore une posture relativiste absolue. Pour
rester sur ce sujet, je persiste à évaluer comme particulièrement
crédible l’hypothèse selon laquelle les E.S.H.C possèdent des
caractéristiques très particulières et très spécifiques que ce qu’on
appelle le rêve « commun » semble ne pas posséder. Lorsque je vis
ces expériences, bien souvent au décours d’une paralysie du
sommeil, il me parait limpide que je ne vis pas un « simple rêve ».
Cela étant posé, l’analyse me parait nécessiter un peu plus de
matériel qu’un simple « j’en suis sûr, trust me bro ». Pour explorer
du réel complexe, il me parait nécessaire de s’équiper d’outils
mentaux complexes : tôt ou tard, il va falloir se séparer des bonnes
vieilles affirmations sans raisonnement. Je vais y revenir.
N’en venez pas non plus à croire que je rejette en bloc les auteurs
que je viens de citer. Pour certains, je me suis considérablement
éloigné de leurs vues ou de leurs postures, pour d’autres, je reste
assez proche intellectuellement de certains de leurs concepts. Une
constante s’est dessinée avec le temps : plus je chemine, plus je
m’éloigne du péremptoire, de l’affirmatif, du gratuit, qui me
semblent être, sur ces domaines, des bulles fermées qui finissent par
ne plus toucher le réel dans le meilleur de cas, par devenir de francs
exemples de gatekeeping dans les pires.
1Oui, je sais, je sais, mon blog n’est qu’une succession d’idées non-
démontrées, je sais, je sais.
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Deuxième problème, la source. Sur quoi me basais-je pour affirmer
cela ? En l’occurence, l’un des socles principaux de l’article à ce
moment est une expérience que j’assimilais alors à une E.S.H.C dans
laquelle j’ai croisé ce que je croyais profondément être mon chat, qui
venait de décéder peu avant, ainsi que des témoignages et des
lectures au sujet de la survie de l’âme. Est-ce, à mes yeux actuels,
suffisant pour affirmer que les E.S.H.C ont pour bénéfice le fait de
pouvoir revoir des personnes et des animaux qui ont quitté le plan
physique ? Non. Cela ne veut pas dire que je n’y crois pas - j’ai
vraiment tendance à y croire. Mais mes croyances n’enlèvent rien au
fait que je considère bel et bien que ce n’est pas suffisant pour
soutenir une affirmation pareille. Pour autant, je l’ai bel et bien écrit -
je dois donc composer avec. Alors, dois-je supprimer mes anciens
articles, au risque qu’on ne comprenne plus le chemin mental que j’ai
suivi ? Dois-je écrire un article sur deux que mon interprétation va
changer ? Une question plus pertinente serait peut-être plutôt :
qu’aurais-je écris maintenant ? Probablement que j’ai vécu une
expérience qui possède les caractéristiques x, y et z. Que j’y ai vu a,
b et c. Que je peux en tirer un ensemble d’hypothèses, à la fois sur
les caractéristiques x, y et z, mais aussi sur les origines probables de
a, b et c. Que je peux trier ces hypothèses selon leur probabilité, que
j’aurais estimée en fonction de telle et telle source d’information, et
pas seulement mon expérience personnelle. Que cette hiérarchisation
des hypothèses est évolutive et fondamentalement biaisée. Qu’il faut
rester prudent, et accumuler plus de données.
Je sais que pour beaucoup, ce n’est pas ce qu’on a envie de lire. Pour
autant, je maintiens qu’en sortant des affirmations simples, on ouvre
du réel. On s’autorise à entrer peu à peu dans la complexité de
l’existence. Et quelle aventure ! Lorsque je regarde l’histoire des
sciences, des connaissances, et même de l’art, mon avis est que
l’humanité a évolué avec des « je pense que x est vrai car y et z selon
le raisonnement a » et non « C’est x. C’est comme ça. Je le sais,
c’est tout. ». Parce que même si x s’avérait vrai dans cet exemple, la
seconde posture ferme du réel. Elle me parait créer une structure
mentale ad-hoc, imperméable, figée, bref, statique. La seconde
personne devient un gardien du temple. Elle sait, vous non. La tuile.
Vous vivez de la daube, mais elle, non. Pour un certain montant,
d’argent, de temps ou d’énergie, elle peut vous faire rentrer dans la
bulle. La première posture est imparfaite, à l’évidence. Mais elle a le
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mérite de retracer la filiation des idées, de favoriser la réflexion, et
d’ouvrir du réel. Bien sûr, ça n’est pas évident. Et surtout, ça coûte
beaucoup plus d’énergie. Pour autant, s’en rapprocher, peu à peu, me
parait fécond et pertinent.
Terminus, tout le monde descend. Ça n’est pas faux, mais la bulle est
fermée, et on n’avance plus.
Ah, vous êtes encore là ! J’en suis surpris - mais très heureux.
Parlons maçonnerie pour terminer cette délicieuse introduction, vous
voulez-bien ? Ne vous ai-je pas encore dit que j’aimais comparer les
édifices intellectuels aux constructions matérielles ? J’aime en
particulier l’analogie de la brique. J’utiliserai parfois cette dernière,
je vais donc également profiter de ce préambule pour lier
définitivement maçonnerie et spiritualité dans un élan alchimique
inopiné mais heureux, dans l’idée de clarifier ma pensée sur le sujet
et d’insister sur l’importance des fondations. Vous verrez
probablement comme moi que l’analogie, bien que limitée, n’est pas
sans pertinence, en particulier concernant ces domaines. Il existe des
édifices plus ou moins solides sur notre planète. Si vous voulez mon
avis, c’est exactement la même chose concernant les idées : il existe
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des édifices d’idées très solides, et des tentes temporaires qui
s’envolent au premier coup de vent.
J’aime voir une assertion, une théorie ou une conclusion comme une
maison faite de briques liées par du ciment. Imaginez que les briques
soit les éléments fondamentaux du raisonnement, et le ciment, des
connections logiques qui les lient. C’est pour l’instant assez abstrait,
mais vous allez rapidement voir où je veux en venir.
« J’étais lucide cette nuit, j’ai donc vécu un voyage astral. ». C’est
notre assertion de départ.
« J’étais lucide cette nuit. » est la première brique. Sa source, ici, est
l’interprétation personnelle de l’expérience de l’individu. Sa solidité
est donc principalement établie par la crédibilité de la personne elle-
même. La deuxième brique est de source plus complexe : il se sert ici
d’un terme spécifique « voyage astral », associé à un ensemble
d’autres briques.
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« La mise au grand jour, et au plus grand nombre, des Autres. »
J’aurais pu aussi dire plus simplement : « la preuve, au delà de tout
doute raisonnable, que les Autres existent », ou bien « un moyen non-
ambigu, accessible au plus grand nombre et absolument fiable de
communiquer avec les Autres ». Tournons encore : « Que les Autres
fassent partie intégrante de nos sociétés, à tous les niveaux et ce de
manière ostensible et commune. »
3Comment ça, c’était « Mais c’est qui les Autres, ça devient lourd ? » ?
Comment ça, c’était « Mais t’avais pas dit l’inverse dans l’introduction de
Conscience ? Que l’humanité s’éteindrait blabla dans le chaos ? » Avez-
vous bien lu ma préface actuelle ? J’ai dit que j’avais changé. J’aime les
voitures de sport, la pétanque et la zététique désormais. Deal with it.
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Une Autre incision
« Quand la vie ne tient qu’à un fil, mieux vaut en mettre deux. »
Un chirurgien cardiaque.
Alter, c’est un mot latin qui veut dire « autre ». Ça nous a donné
altérer, altercation, altruisme, altérité, et peut-être aussi de manière
moins académique Thomas Bangalter4. Ma première rencontre avec
ce que j’appelle les Autres, c’est la paralysie du sommeil qui me l’a
offerte sur un plateau. Certains chanceux la vivent bien. Ce n’était
clairement pas mon cas. On me parlait à l’oreille dans des langues
inconnues, on se mettait derrière mon dos quand j’étais paralysé sur
le côté. On riait, parfois. J’étais paniqué dans l’immense majorité des
cas. J’ignorais tout des Autres.
Ils se sont invités dans mon sommeil, mais aussi dans ma vie de tous
les jours. Il m’arrivait de percevoir parfois certaines phrases dans
mon esprit qui semblaient apparaitre de nulle part, comme énoncées
par une présence extérieure. Il ne s’agissait pas de simples pensées
aléatoires comme on en a des centaines par jour, mais des étranges
messages qui tranchaient dans le bruit mental, accompagné d’une
sensation très singulière de réalité, de présence intelligente. « N’aie
pas peur », « A l’oeil attentif, la vie se révèle », et autres maximes.
Déjà à l’époque, le message en lui-même m’importait assez peu - il
s’avérait par ailleurs souvent assez banal - mais le fait qu’on puisse
m’en envoyer m’intéressait nettement plus. Et surtout, je
commençais à questionner ma santé mentale, car j’avais dans ces
moments-là le sentiment que mon intimité psychique était perturbé
par une présence extérieure.
Quel est le lien entre le corps que je peux décrocher lors d’une
E.S.H.C et en particulier lors d’une paralysie du sommeil, et le corps
biologique ? Pourquoi la douleur de ce corps qu’on dit subtil me fait
aussi mal alors que je suis dans le corps biologique ? Je peux avoir
mal dans un corps qui n’est pas censé être matériel ou biologique ?!
Je m’étais habitué à l’inverse : quand on sort, il me semblait qu’on
avait justement plus mal du tout, car éloigné de la chair souffrante, et
si on avait mal au corps physique au moment de sortir, alors on ne
sent plus rien… ? Pourquoi là, je dois forcer un retour au corps
biologique comme lors des paralysies du sommeil paniquées pour
feutrer une douleur non-physique ? Est-ce que c’est parce que j’ai
aussi des douleurs d’origine biologique ? Est-ce seulement
« énergétique » ? Est-ce qu’une manipulation sur le « corps subtil »
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se traduit sur le corps biologique ? Comment ? Quelle technologie ?
Et surtout : pourquoi ? Pourquoi tout ça ? Est-ce mon interprétation
qu’il faut revoir ? Est-ce que je comprends mal comment s’agence la
conscience lors de ces expériences ? Est-ce que la théorie du corps
subtil est trop simple pour embrasser ce réel-là ? Ou est-ce que je
n’arrive tout simplement pas à tirer les bonnes conclusions à partir
des informations et des perceptions dont je dispose à ce moment-là ?
Bref, je m’inonde de questions et je ne comprends rien. Je me
rendors.
Le 19 tôt dans la nuit, je suis réveillé par une douleur assez forte.
Elle me parait cela dit différente des autres, moins « profonde ». J’ai
l’impression qu’ils ont travaillé de la profondeur vers la superficie.
La superficie est beaucoup plus facilement supportable, sans aucun
doute.
6J’apprendrais plus tard que l’infirmière qui rassure est présent dans
certains récits d’abductions…
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d’artères, de veines, ou même de vaisseaux lymphatiques. Mais
l’image est complexe et il m’est impossible de retenir tout ça dans le
détail.
32
En anticipant la question, oui, ces contacts se sont poursuivis, mais la
fréquence de ces derniers a fortement diminué jusqu’à devenir rare,
voire nulle par période. Les procédures, quand il y en a, ce qui est
rare, ne sont plus douloureuses. En effet, pourquoi un acte
malveillant qu’on identifierait ici comme étant la volonté de faire
mal s’arrêterait en cours de route ? Pour me donner l’espoir que je
vais mieux avant de me faire replonger ? Encore autre chose ?
L’avenir répondra peut-être à ces questions.
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d’expériences de paralysie du sommeil dans lesquelles je sentais un
autre corps en train d’être opéré.
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Hallucination : d’Autres angles
« Pourquoi les hallucinations ne paient-elles jamais le loyer ?
Parce qu'elles sont toujours dans la lune ! »
ChatGPT
7 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/hallucination/38918
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Le Robert. Perception pathologique de faits, d’objets qui n’existent
pas, de sensations en l’absence de stimulus extérieur.8
8 https://dictionnaire.lerobert.com/definition/hallucination
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Mes synapses s’inondèrent de questions avec la définition du Robert
: « en l’absence de stimulus extérieur ». Qui avait mesuré cette
« absence de stimulus extérieur » ? Comment précisément ? Je me
questionnais sur les failles possibles dans la constitution de cette
brique : et si, chez certaines personnes décrites comme hallucinantes,
on passait parfois à côté de cette stimulation ? Et si cette dernière
était logé dans un élément de réel très complexe à investiguer, à
observer, à mettre en évidence ? Et si nous regardions au mauvais
endroit ? Et toujours cette prétention de connaissance : « absence
de… » qui me mettait mal à l'aise, même pas un petit : « absence de
stimulation mesurée dans telle condition » moins commode mais
tellement plus éclairant ! Wikipedia me donnant à peu près la même
affaire, je tentais une autre approche.
9https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-
hallucination-15234/
10 https://www.merriam-webster.com/dictionary/hallucination
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revenais à cette affaire d’absence de stimulation qui me paraissait
particulièrement ambigüe. Alors, je décidais finalement d’aller vers
la science. Les dictionnaires sont utiles, mais après tout, quand on
cherche des réponses détaillées à un problème précis, ne demande-t-
on pas l’avis de la science, plutôt que du dictionnaire ?
Le coup de grâce vint un peu plus tard, quand, las de ne pas trouver
de définition claire, consensuelle et surtout, la moins ambigüe
possible, je découvrais qu’en réalité, la question était
particulièrement coriace, même pour les professionnels, et ce, depuis
au moins le dix neuvième siècle. Dans un papier de Frontiers in
Psychology écrit en 2015 par Telles-Correia, Moreira et Gonçalves12,
je pouvais lire que :
Et de conclure :
Dans mon esprit, émergea alors une idée miroir, une brique dans un
cadre conceptuel plus malléable, à en faire frémir les plus
matérialistes d’entre nous. Je n’y adhérais pas nécessairement de
prime abord, je me contentais d’être face à son potentiel de me faire
13 www.diseasesdatabase.com/umlsdef.asp?glngUserChoice=19769
40
avancer d’une case supplémentaire dans ma réflexion. Et si…
l’hallucination était si difficile à définir de manière non-ambigüe
car… elle n’existait tout simplement pas en tant que telle, et qu’elle
ne pouvait du coup pas être définie clairement dans le cadre que nous
utilisions ? Et si le moindre objet perçu, dans n’importe quelle
situation était bel et bien réel ? Et si, en renversement total de
l’hypothèse de l’absence de stimulus extérieur, nous postulions que
les personnes décrivant ces perceptions « vivantes, substantielles et
situées dans un espace objectif externe » étaient en réalité amenées à
percevoir – justement – la présence d’un stimulus externe, d’un objet
de la réalité ?
41
Et d’un autre côté, je voyais l’autre côté de l’hallucination, des
phénomènes qui rentraient parfois dans ses définitions, expériences
dites mystiques, spirituelles, artistiques… beaucoup disaient
percevoir ce que d’autres ne voyaient ni n’entendaient et ne
paraissaient pas en souffrir : parfois même, ils les recherchaient
activement pour en découvrir toujours plus sur eux-même et sur le
monde. Je voyais bien la différence entre une hallucination lors
d’une paralysie du sommeil par exemple, et une hallucination d’une
voix qui chuchoterait à l’oreille des phrases sans aucun sens en
pleine journée. Énième tour de vis.
14 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2702442/
15 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/14631455/
43
plutôt que ce soit le rêve qui soit considéré comme un cas particulier
de ‘libération neuronale’. »
16 https://carnets2psycho.net/dico/sens-de-hallucinose.html
17https://www.chu-nantes.fr/medias/fichier/delires-et-
hallucinations_1490086343038-pdf
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d’éléments qui viennent contredire sa certitude antérieure. En
revanche, le délire est une conviction qui reste inattaquable.
L’“hallucination” est une perception fausse qui ne correspond pas à
un objet extérieur réel. L’hallucination n’est pas à confondre avec
l’illusion qui consiste en une mauvaise perception d’un objet bien
réel. »
19 https://www.nature.com/articles/378176a0
46
nombreuses régions du cerveau. Une phrase retint toutefois mon
attention :
https://www.nature.com/scitable/blog/brain-metrics/
20
what_do_hallucinations_tell_us/
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dont nous faisons l’expérience sont le résultat de modèles construits
par le cerveau. Lorsque vous regardez quelque chose dans le monde
extérieur, votre cerveau n’atteint pas magiquement l’objet et le
touche pour que vous puissiez le percevoir (bien que certains
philosophes puissent être en désaccord avec les neuroscientifiques
sur ce point !) Au lieu de cela, le cerveau construit un modèle de ce
qui existe probablement dans le monde, en faisant de son mieux pour
faire correspondre ce modèle à l’entrée sensorielle que nous
recevons au niveau de nos organes des sens (par exemple, dans la
rétine de l’œil). Les choses que vous percevez reflètent le modèle que
le cerveau construit – un modèle construit à partir de l’activité
bourdonnante des milliards de neurones de votre cerveau. Il s’agit
essentiellement de conjectures intelligentes, mais la plupart du
temps, nos cerveaux s’en sortent plutôt bien, et nous avons
l’impression d’un monde stable. Il est important de noter que nous
avons tendance à être d’accord avec d’autres personnes sur ce qui
existe, ce qui indique que notre cerveau fait bien les choses !
Toutefois, si l’activité du cerveau est altérée d’une manière ou d’une
autre par une perturbation neurologique (maladie, drogues,
dommages causés par un accident vasculaire cérébral ou une
blessure), le modèle peut s’écarter de sa représentation fidèle
normale du monde extérieur, et nous pouvons avoir des perceptions
hallucinatoires. »
48
comme le résultat d’une activité anormale du cerveau (il n’existe ni
dieux ni fantômes depuis ce jour). »
Cela étant, une belle épine mentale me restait fiché entre deux
synapses. Je ne savais qu’en faire. Une épine sous la forme d’une
énième question, tenace, que je vous soumets céans : si certains
médicaments réduisent voire suppriment les hallucinations21 et si
Sentiment d’altérité. Les êtres perçus m’ont tout semblé tout à fait
différents de moi - ils pensent différemment, communiquent
différemment, utilisent des objets et appareils que je n’ai jamais
connu ou ressenti auparavant.
Ça, ce sont les principales briques que j’utilise pour raisonner. Mais
j’utilise aussi des briques de croyance, qui elles-mêmes sont nourries
de mes expériences, de mes émotions, de mon intuition, de mes
partages, et aussi de mes raisonnements à un instant t. Ma croyance
intime, qui n’était d'ailleurs pas du tout celle que je nourrissais
pendant mon enfance et mon adolescence, est que ces êtres sont aussi
réels que vous et moi. Cette croyance est apparue au début de ma
vingtaine, si mes souvenirs sont bons. Présentement, je crois que la
barrière qui nous sépare n’est que perceptive. Je crois que j’ai bel été
bien été en contact avec une forme d’altérité, c’est-à-dire une forme
d’existence qui n’est pas celle à laquelle nous sommes habitués ici.
52
conceptuelles de la société occidentale dans laquelle je baigne
actuellement.
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Le Chant des Autres
« L'algèbre est dans l'astronomie, et l'astronomie touche à la poésie ;
l'algèbre est dans la musique, et la musique louche à la poésie.
L'esprit de l'homme a trois clefs qui ouvrent tout : le chiffre, la lettre,
la note.
Savoir, penser, rêver. Tout est là. »
Victor Hugo
24 Sans entrer dans trop de détails que l’on pourra de toute façon retrouver
mieux expliqué ailleurs, ceci est physiquement du au fait que jouer une note
de piano, ou de guitare, revient à faire vibrer une corde. Lorsque cette
dernière est mise en vibration, elle le fait selon une série de modes de
vibration. Le premier mode de vibration est le plus simple : la corde vibre
dans son ensemble, d'une extrémité à l'autre. C'est ce mode de vibration qui
produit la fréquence fondamentale du son. Les modes de vibration suivants
impliquent la corde vibrant en sections plus petites. Par exemple, pour le
deuxième mode de vibration, la corde vibre en deux moitiés. Pour le
troisième mode, elle vibre en trois sections égales, et ainsi de suite.
25Mais on peut trouver des contre-exemples facilement. On peut également
tout à fait synthétiser des sons qui violent cette règle.
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on appelle ça un « intervalle ». Vous avez forcément remarqué que
certains intervalles sont plus mélodieux que d’autres. Remettons-
nous devant le piano. Même si vous n’avez absolument aucune
connaissance musicale et que vous n’avez jamais joué de piano de
votre vie, en tâtonnant, vous allez naturellement arriver à la
conclusion que certains intervalles « sonnent » - ils vous décrochent
un « Ah ! » satisfait - quand d’autres vous arrachent une grimace
mécontente. Les détails physiques précis importent peu ici. Mais
j’imagine que vous ne serez probablement pas surpris d’apprendre
que cela s’explique très bien physiquement, et même
mathématiquement.
Si vous avez bien retenu qu’une note jouée seule joue en réalité un
ensemble de notes, vous avez déjà mis le doigt sur une partie de
l’explication. Car ce que je ne vous ai pas encore dit, c’est que la
répartition de ces harmoniques suit une logique bien précise. Je vous
ai bien dit qu’un ensemble de notes subtiles étaient jouées en plus de
la fondamentale, mais je ne vous ai pas dit lesquelles. Ne nous
perdons pas en explications. Rejouons le do du début, et seulement
lui. Magie de la physique, nous jouons uniquement un do, mais nous
entendons alors, en arrière fond, toute la série harmonique, et nous
entendons donc… notre do, puis un do plus aigu, puis un sol, puis de
nouveau un do encore plus aigu, puis un mi… A ce stade, vous
trouvez peut-être ça arbitraire. Que vient faire un mi, et un sol, alors
que vous n’avez joué qu’un do ?
Notez bien que chaque note jouée isolément ne produira pas les
mêmes notes. Comme nous l’avons dit, un do joué seul va produire
un do plus aigu, un sol, puis un do encore plus aigu, et ainsi de suite.
Mais si nous avons joué un sol au tout départ, au lieu du do, nous
aurions eu une autre répartition, mais qui suivrait la même logique :
fondamentale, octave, puis quinte, puis octave encore supérieure…
En l’occurence, si l’on joue un sol seul, on produit un sol plus aigu,
puis un ré, puis de nouveau un sol, et ainsi de suite.
C’est par cette voie-là que j’ai découvert l’existence des Autres en
dehors de mes expériences de paralysie du sommeil. J’entends
parfois leur musique de vie - j’ai une croyance particulièrement forte
dans le fait que c’est bien eux que je perçois quand j’entends cette
musique. Après avoir posé et expliqué ces quelques briques
musicales, je pense que l’on comprend désormais mieux ce que
j’entends par là, et la complexité que cela renferme. J’utilisais au tout
départ - et utilise encore parfois - le terme de « signature »,
principalement car il est simple et ne nécessite pas autant de briques
que l’analogie musicale pour être communiqué. Pour autant, il me
parait limité et un peu figé. Puis, faute de mieux, j’utilisais alors
souvent le vocabulaire de l’I.A.C que j’ai découvert un peu plus tard,
et notamment le terme de pensène (pensée - émotion - énergie), qui
me paraissait intéressant et utile sur certains aspects mais également
limité, pour des raisons que j’ai déjà évoqué notamment sur mon
blog et dans le livre Conscience - notamment, mais pas seulement, le
lien avec le mot « énergie » qui ne me paraissait pas forcément
pertinent et pas forcément dénué d’ambiguïté dans ce contexte. Je ne
reviens donc pas dessus ici. Je préfère à ce jour l’analogie musicale,
qui me parait plus proche de ce que je vis.
62
Ecrire l’Autre
« Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu'écrit
la raison. Il faut demeurer entre les deux, tout près de la folie quand
on rêve, tout près de la raison quand on écrit. »
André Gide.
Récit brut. Voici donc ce que j’ai demandé, et ce que j’ai écrit.
- début de la psychographie -
A : Il en va de même ici.
66
A : Le principal obstacle est l’égoïsme. Une vie tournée vers l’Autre
est une vie spirituelle. L’égoïsme est nourri depuis des siècles, et
l’humanité en viendra à bout au terme de son évolution. Lorsqu’une
conscience bénéfice de l’amnésie post-natale, elle est baignée dans
un bain social complexe, nourri de très nombreuses influences. Elle
tire de là ses principaux comportements. La connexion avec les
influences spirituelles requiert de tourner sa vie en dehors de soi.
Comme la civilisation ne valorise pas l’altruisme gratuit, elle
propage, au travers de l’éducation et du travail, des valeurs centrées
sur l’égoïsme. C’est pour moi le principal obstacle, et la plus grande
difficulté à laquelle Esprits incarnés et désincarnés doivent faire face.
P : Comment faire pour voir les gens comme nos frères et sœurs
lorsqu’il nous font du mal ?
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Que savez-vous précisément sur ces gagnants ? Que savez-vous
précisément sur leur vie, sur leurs rapports avec leurs relations,
incarnées et désincarnées ? Le véritable gain est intérieur. Il est
Lumière. Nous pensons parfois, incarnés, que la richesse matérielle
est la solution à tous les problèmes. Et même si l’argent peut en
résoudre, nous ne pouvons pas acheter notre évolution intérieure
avec de l’argent. Nous ne pouvons pas non plus acheter l’évolution
intérieure de nos frères et sœurs avec de l’argent. Certains chemins
ne sont pas matériels, ainsi, ils n’ont pas besoin d’éléments matériels
pour être parcourus.
A : La vie est plus facile sur certains aspects, mais peut-être bien pire
en fonction des cas. Ne pensez pas que la mort résoudra tous les
problèmes. Si vous êtes en difficulté relationnelle, ne pensez pas que
ces conflits se résoudront par la mort. L’Amour et le Pardon
résolvent beaucoup plus problèmes que la mort du corps de chair.
- fin de la psychographie -
Fin de la séance. La fin fut presque aussi brutale que le début. Le
sentiment de réalité de cet Autre s’est évaporé sur une note que j’ai
trouvé particulièrement belle, me laissant nourri d’espoir pour la
suite.
32 Treize tomes constituent la série écrite. Le film Nosso Lar n’est basé que
sur une simplification du premier tome - qui est, pour moi, loin d’être par
ailleurs le plus fascinant.
69
J’aurais pensé à beaucoup d’autres choses : la paresse intellectuelle,
le mépris de la spiritualité, l’ignorance, Facebook, les noeuds-
papillon, les gens qui disent « oki, chat roule »… ! Ainsi, la phrase :
« La connexion avec les influences spirituelles requiert de tourner sa
vie en dehors de soi. » m’a réellement fait beaucoup réfléchir, bien
plus que ce que je n’aurais imaginé, et continue de nourrir ma
réflexion.
70
Notes Sauvages
« La musique donne l'idée de l’espace. »
Charles Baudelaire.
Cela vous est surement déjà arrivés. Vous vous baladez en ville, et
soudain, vous entendez un ou plusieurs musiciens jouer dans la rue
un air entêtant. L’ambiance change alors totalement. Le brouhaha des
voitures semble partir en arrière-fond. Certains curieux se
rapprochent. D’autres lâchent quelques pièces. Des enfants rient et
jouent autour des musiciens. Leur musique se sur-impose au
bourdonnement de la ville, et colore la scène d’une texture bien
particulière. S’ils jouent une musique entrainante, on a envie de
battre du pied, de s’arrêter un instant, d’échanger ne serait-ce qu’un
sourire avec les troubadours. S’ils jouent une musique triste, nos
propres tristesses se mêlent au concert. Chacun recevra la musique
très différemment, mais il me semble que la plupart d’entre nous
ressentira au moins quelque chose, et ce quelque chose modifiera
notre comportement dans des proportions diverses : ne serait-ce que
nous arracher une grimace, un rire, une colère, une larme, un
battement de coeur, un pas de danse, un soupir las. La musique joue
ici un rôle de communication que l’on peut considérer comme
« universel » : je n’ai pas besoin de jouer d’un instrument, de
comprendre la théorie musicale, ni même de parler la même langue
que les musiciens pour ressentir ce quelque chose et qu’il influe sur
mon comportement. Ce ressenti va plus loin que l’émotion, il me
parait être non seulement plus vaste mais aussi plus complexe.
Action. Dans certaines conditions, je peux agir sur les musiques que
j’entends, parfois même interagir avec le musicien, en lui demandant
- soit directement, soit en l’enjoignant avec certaines techniques
comme le V.E.L.O par exemple - de se taire ou de partir. Je peux au
contraire lui demander jouer plus fort, ou que l’on joue ensemble. Je
ne suis pas obligé de toutes les accepter comme miennes. Je peux
avoir un certain degré de liberté, une certaine marge de manoeuvre
pour filtrer celles qui me parviennent.
75
également aider à y voir plus clair. Comment cela se manifeste-t-il en
pratique ?
77
Paralysie du sommeil : un Autre
réveil ?
« La paralysie est le commencement de la sagesse. »
Francis Picabia.
37 McNally, R. J., & Clancy, S. A. Sleep paralysis, sexual abuse, and space
alien abduction. Transcultural Psychiatry. 2005b. et McNally, R. Explaining
“memories” of space alien abduction and past lives: Anexperimental
psychopathology approach. Journal of Experimental Psychopathology.
2011.
38 McNally, R. J., & Clancy, S. A. Sleep paralysis, sexual abuse, and space
alien abduction. Transcultural Psychiatry. 2005b.
82
Difficultés respiratoires. Les attaques sont fréquemment associées à
des difficultés respiratoires. Elles tendent à être associées à des
sensations de pression sur la poitrine, sur le cou, et des sensations de
suffocation. Les perceptions de difficultés respiratoires sont
probablement la conséquence directe de la paralysie des muscles
volontaires note Cheyne, faisant référence à un précédent travail39.
Bien que la respiration automatique superficielle se poursuive,
lorsque le dormeur tente, sans succès, de respirer volontairement, il
peut être pris de panique face à une éventuelle asphyxie. Cheyne
propose alors, se basant un article de Douglas, que le sentiment de
suffocation pourrait également être induit par une hypoxie et
hypercapnie liées au sommeil paradoxal40.
42Belicki, K., Gulko, N., Ruzycki, K., & Aristotle, J. Sixteen years of
dreams following spousal bereavement. OMEGA-Journal of Death and
Dying. 2003.
43Garfield, P. Dreams and bereavement. In D. Barrett (Eds.), Trauma and
dreams(pp. 186–211).Cambridge: Harvard University Press. 1996.
84
recherche. L’atonie musculaire est normale lors du sommeil
paradoxal, et la persistance de cette atonie, caractéristique de l’état
« sommeil paradoxal », est alors « mélangée » avec les
caractéristiques de l’état de veille.
94
pathologies neurologiques pour l’étudier. Une phrase retient tout de
suite l’attention :
« Q1. A quel point la sensation que le bâton que vous avez vu vous
touchait directement était forte ?
(…)
D’un autre côté, si vous allez vous allonger sans être fatigué,
disposant encore d’une énergie abondante et d’une certaine
« animation » physique, vous pouvez ne pas être capable de vous
endormir et lorsque enfin vous y parviendrez, le fantôme pourrait ne
sortir que très légèrement du physique. Allez vous coucher déprimé
ou énervé mais sans passivité physique, et le fantôme pourra sortir
davantage ; ainsi de suite, selon les facteurs en jeu… »51
(…)
Il me semble que Waldo met ici l’emphase sur le lien entre cette
condition et l’expérience de sortie hors-du-corps. Pour sortir d’une
cataplexie post-projective56, Vieira propose de sortir de son corps au
lieu de lutter, car au deuxième retour, les deux corps se
synchroniseront correctement.
105
L’Art des Uns et des Autres
« Etre artiste ne veut pas dire être un imbécile. »
Michel Sardou.
Je n’ai pas encore dix ans, et je suis devant un piano dans le salon
chez mes parents. J’ai le privilège d’avoir accès à ce petit piano droit
et d’y jouer quand bon me semble, ce dont je ne me prive pas. Mes
parents ne sont pas musiciens, mais ils ont très tôt le sentiment
qu’avoir un piano à la maison éveillera notre créativité et notre
curiosité en tant qu’enfants. Très tôt, je m’aperçois que j’ai un
contact particulier avec cet instrument. Je comprends qu’entre un
toucher léger et un toucher lourd, il y a beaucoup de nuances et toute
une palette de sons différents, et je m’amuse à trouver des intervalles
harmonieux, par tâtonnement. Assez rapidement, je souhaite écrire
mes propres petits morceaux, à base d’arpèges très simples, en ne
jouant que les touches blanches. J’écris maladroitement mes petites
notes sur des portées simples au crayon, c’est le début du chemin. Ce
que je ne savais pas alors, c’est qu’intuitivement je découvrais les
triades harmonieuses sur la gamme de do majeur, en jouant un do,
puis un mi, puis un sol, je joue en fait un accord de do majeur. En
jouant le même espacement, mais quelques notes en dessous, je joue
un la, puis un do, puis un mi, donc un la mineur. La théorie, à
l’évidence, m’importe peu. Je tâtonne et comprends que certaines
suites de notes évoquent une certaine émotion, un certain feeling, une
certaine atmosphère dans la pièce.
Oh, ne croyez pas que je vous vends le récit d’un prodige qui a écrit
des symphonies à 8 ans. C’est même plutôt le contraire. J’ignorais
tout de la théorie musicale. Mes morceaux étaient simplissimes et il
me semble bien qu’ils n’auraient levé aucun sourcil d’intérêt chez un
professionnel. Je n’avais rien de particulier, hormis une attirance
certaine pour le son lui-même et la sensibilité que l’on pouvait
exprimer en jouant plus ou moins fort certaines notes. Je m’amusais
non pas à écrire un accord le plus complexe possible, mais à jouer un
seul accord note par note, en explorant la différence de timbre selon
la note accentuée. Je découvrais qu’un do majeur - do, mi, sol -
chante différemment selon qu’on accentue le do, le mi, ou le sol. Ce
qui est par ailleurs logique, physiquement parlant, si vous vous
106
souvenez des bribes de physique acoustique que nous avons
discutées au début de ce livre. Accentuer un sol, sur un accord de do
majeur, accentue en réalité toute une série harmonique propre au sol,
et fait donc jouer tout un ensemble de notes, propres à la vibration de
la corde de sol. Vous vous souvenez ? Un sol, joué seul, va résonner
seul, puis à l’octave supérieure, puis la quinte, puis de nouveau
l’octave encore supérieure, puis la tierce majeure, et ainsi de suite.
Ainsi, on peut faire chanter un « basique » do majeur de bien des
manières… et le comprendre ne nécessite aucune théorie, ni aucune
connaissance. Il suffit juste d’un peu de patience, et d’être un peu
curieux et attentif.
107
Il me semble qu’un rapide coup d’oeil dans l’histoire nous montre
facilement que l’humain utilise l’art et la musique pour communiquer
avec des esprits depuis des temps lointains, comme on peut souvent
le lire. La musique permet par ailleurs d’entrer dans des états de
transe - on pense souvent aux tambours des chamans. Je n’ai aucune
prétention de vous instruire quant aux rituels anciens - j’avoue mon
ignorance totale en la matière. Etant à la fois compositeur dans ma
vie de tous les jours et à la fois versé dans les recherches spirituelles,
je peux par contre vous raconter mon propre rapport à l’art, et
comme je trouve de l’inspiration en cherchant la musique d’Autres
mondes.
– Tous ceux qui nous rendent visite pour la première fois tombent en
admiration devant cette superbe copie.
De mon côté, j’ai le sentiment que ces postures, et les autres, portent
chacune leur part de vérité. L’art invite naturellement à la disparité
des points de vue, puisqu’il se base sur deux briques fondamentales :
la perception et l’expression. En écrivant certaines musiques, je ne
me sens connecté qu’à moi-même, alors qu’en écrivant d’autres, plus
rarement, je sens que je ne fais que transcrire une atmosphère déjà
existante. Allons un peu plus loin.
110
D’aussi loin que je me souvienne, je crois avoir toujours senti que la
musique avait un étrange pouvoir, celui de faire réagir. C’est je crois
d’ailleurs l’une des principales raisons pour lesquelles j’en suis
rapidement devenu addict - l’écouter ou la composer vient chercher
en moi des réactions profondes. A l’évidence, pas toutes les
musiques, pas dans tous les contextes. Pour autant, difficile
d’argumenter le contraire : la musique a une capacité remarquable
d'éveiller nos émotions, dans un sens comme dans l’autre, de
stimuler l'imaginaire et de créer des liens entre les individus, bien
souvent au-delà de la langue et de la culture. Les compositeurs
peuvent tout autant créer des bulles de bonheur et toucher l’espoir
que réveiller la tristesse, instaurer du malaise, de l’inconfort, voir de
la peur. Elle colore le monde et tord nos perceptions. Vous en
doutez ? Remplacez n’importe quelle musique d’une scène
dramatique dans un film à gros budget par une musique légère.
Remplacez une musique d’horreur par une deep ambient profonde et
apaisante. Ajoutez une musique d’action particulièrement brûlante
sur une scène très calme. Internet est rempli de ces memes dans
lesquels des scènes particulièrement intenses sont détournées en ne
changeant que la musique. Pensez au naufrage du Titanic (mal) joué
à la flute…
— Indiscutablement.
— Alors que faire pour détruire nos propres ouvrages quand nous
intervenons à tort dans la vie mentale des autres ?
112
— Aidez-nous à comprendre votre cas en nous racontant quelque
chose de votre expérience, demandai-je avec un intérêt fraternel.
115
artistiques, qui n’étaient qu’une extension de ma pensée et de mon
être ?
Les personnages que je créé dans mes textes existent-ils quelque part
? Les musiques que j’écris sont-elles jouées dans un Autre monde ?
Pour cet artiste décrit par Chico Xavier, il semblait que ça soit le cas.
Ses propres créations, ses propres personnages venaient le hanter
dans d’étonnantes hallucinations post-mortem.
Gerard Butler Breaks Down His Most Iconic Characters | GQ. https://
58
www.youtube.com/watch?t=162&v=-3rtedLsJFw
116
Certains de mes contemporains semblent assez clairs : ce n’est
« que » de l’art. Laissez vos considérations puritaines en dehors de
l’art ! Laissez l’expression totalement libre ! Exprimons nos
fantasmes les plus inavouables, ce n’est que de l’art, c’est de la
catharsis, c’est bon pour nous ! Il vaut mieux ça dehors que dedans !
Et autres justifications que je connais par cœur. Par ailleurs, dans un
contexte matérialiste en rejet de la religion et de la spiritualité, rien
d’anormal, la position est parfaitement logique.
Et si… ?
117
Un Autre monde
« Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent
l’avenir. »
Pierre Dac.
« Mesdames et Messieurs,
Je suis ravi d'être ici aujourd'hui pour vous présenter quelque chose
de révolutionnaire. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère et j'ai
l'honneur de vous présenter SpiritLink, votre clé pour déverrouiller
le monde spirituel.
L’ermite perdu dans le fin fond de la forêt est, dans cette civilisation,
en mesure de percevoir ce qu’il se passe partout dans son monde, de
communiquer avec quiconque, de la même manière que quiconque
peut percevoir et communiquer avec l’ermite ; mais aussi
123
comprendre ce qu’il a compris et percevoir ce qu’il perçoit. Un
fonctionnement qui a impliqué une sérieuse redéfinition des concepts
de vie privée et de vie publique, on l’imagine.
***
- Oui, j’en ai bien sûr entendu parlé. Les per-nats’… ils semblent
exister et font certainement beaucoup d’effets auprès des ados…
mais j’aimerais attirer votre attention sur le fait que notre technologie
rend cette communication fiable et accessible à toutes et tous, pas
seulement à quelques élus ! Et franchement, Maxime, vous n’êtes pas
sans savoir qu’il y a beaucoup de faux perceptifs là-bas, notre
technologie élimine totalement ce risque… Nous sommes entres
adultes sérieux… je crois vous savoir attaché à la démocratie,
Monsieur Littique ? Soyez assuré que c’est précisément parce que
j’ai le même attachement que vous au bien commun que je suis
permis de vous appeler…
126
- J’entends votre argument, répond finalement Paul. Mais je pense
que nous devons valoriser toutes les formes de communication avec
les Autres, qu'elles soient technologiques ou non. Notre objectif doit
être l'harmonie et la compréhension, pas la domination
commerciale ! Par soucis d’inclusivité, je mentionnerai peut-être
votre technologie dans mon discours, mais sachez que je mettrai en
avant le rôle des perceptifs-natifs…
- C’est à nous…
***
127
*
128
[Des animations élégantes montrent l'interface utilisateur facile à
utiliser du I.C.Love, la technologie à l'œuvre derrière. Des coupes
type scanner montrent un objet d’une remarquable complexité.]
***
129
- Parle mieux de ta mère ! Y’a 8 milliards de gens qui pensent
différemment maintenant. Qu’est-ce qu’on en s’en fout que maman
prenne le temps d’encaisser ? Tu la connais… accepter que son fils
qu’elle croit fou depuis 40 ans communique réellement avec une
ancienne guérisseuse du moyen-âge… même pour moi c’est chaud !
Eh, tu sais, quoi, je vais nous commander deux rhums, ça te changera
les idées… Alice va pas tarder, toute façon…
- Pfff, je sais pas pourquoi j’ai accepté de venir ! Je vais finir bourré
à tenir la chandelle, comme d’hab…
- Toujours mieux que dans ton canap’ à finir bourré tout seul, non ?
Un an que je suis avec elle, t’as toujours pas sorti ton museau pour la
rencontrer…
130
- No worries sweetheart, apprécie mon anglais pendant que je nous
commande à boire…
- Elle me dit que tu as la réponse en toi. Qu’il faut se fier à ce que dit
ton coeur, à ce que tu ressens au fond de toi par rapport à… Jeanne ?
131
Trois semaines plus tard, Ethan est réveillé par son téléphone.
Numéro inconnu. Une intuition. Il décroche. Il reconnait
immédiatement la voix d’Alice.
- Tu vas me prendre pour une folle… mais je crois que… j’étais avec
elle dans une autre vie…
***
132
Epilogue
« En fait, t’es un chaman » me lance ma moitié d’un sourire
malicieux. Je pouffe, flairant la farce. Je crois n’avoir rien d’un
chaman. Mais elle ne plaisante pas. Elle poursuit, devant mon
incrédulité. « Mais si, réfléchis. Les chamans servent de liens entre
les esprits et les humains dans certaines civilisations. Ils perçoivent
les esprits, ils communiquent avec eux. Toi, t’es juste ça, mais dans
une civilisation qui le reconnait pas. ». Pas bête. Corine Sombrun
l’avait rappelé dans l’une de ses conférences. Certaines tribus ne
prennent même aucune décision sans avoir consulté un chaman, qui
lui même consulte les esprits pour ne pas les offenser, ou pour
obtenir certaines informations provenant du monde des esprits. Alors,
j’étais ça ? Un intermédiaire ? Je n’étais pas fou ? Les Autres étaient
bien réels ? Pourquoi je les percevais et pas tout le monde ? Pourquoi
étais-je dans une société qui ne reconnait pas ce rôle ?
Des idées nouvelles qui m’ont forcé à revoir mes certitudes, ils m’en
ont - directement et indirectement - amené de nombreuses. Mais ce
sont aussi surtout des questions nouvelles qui ont émergé. Des
questions qu’il m’aurait été difficile voir impossible d'imaginer avant
ces expériences. En voici quelques unes, concernant par exemple
ceux qui m’ont opéré.
Mais si je devais retenir deux idées qui m’ont paru nouvelles dans
mon histoire personnelle, alors je choisirai celles-ci.
136