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Théorie Des Organisations Livre 1
Théorie Des Organisations Livre 1
ORGANISATIONS
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40).
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THÉORIE DES
ORGANISATIONS
Alice LE FLANCHEC et Jacques ROJOT
À Jacques Rojot
Je me souviens encore avec émotion du cours de Théorie des
Organisations du Professeur Jacques Rojot que j’ai suivi à la Sorbonne
lorsque j’étais étudiante en master. Puis, lorsque Jacques Rojot a quitté
l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en 2000 pour rejoindre l’Université
Paris 2 Panthéon-Assas, alors jeune Maître de Conférences, j’ai eu le
privilège de reprendre son cours de Théorie des Organisations. Avec le
soutien de deux collègues, Sophie Landrieux-Kartochian et Heloise Cloet,
j’assure cet enseignement au sein de l’Université Paris 1
PanthéonSorbonne depuis plus de 20 ans.
L’ouvrage « Théorie des Organisations » de Jacques Rojot a toujours été
le fil directeur de mes enseignements et une référence constante pour les
étudiants. Ceci tient notamment à son contenu particulièrement détaillé et
ses sources diversifiées qui permettent de passer en revue un très large
éventail de théories des organisations, en puisant dans des champs
disciplinaires variés comme l’économie, la sociologie ou encore la
psychologie. À ce titre, il a une utilité sociale notable, au-delà des
enseignements eux-mêmes qu’il porte, et constitue un outil de
transmission et une référence utile à tous ceux qui cherchent à mieux
comprendre le fonctionnement des organisations dans lesquelles ils vivent,
étudiants, enseignants, managers, praticiens que ce soit dans le monde
professionnel, associatif ou même familial.
Au décès de Jacques Rojot, et en concertation avec Evelyne Rojot son
épouse et Serge Kebabtchieff, président des Éditions Eska, il nous a semblé
essentiel de ne pas laisser cette œuvre figée dans le temps et de lui
renouveler son ancrage dans le présent. Ceci d’autant plus que Jacques
Rojot lui-même écrivait dans la préface de la version précédente : « un
ouvrage du type de celui-ci n’est jamais terminé et appelle de constantes
modifications. (…). Nous souhaitons pouvoir entreprendre, dans le futur,
une refonte de plus grande envergure ». C’est cette refonte que j’ai tenté
de réaliser ici, en apportant mon regard, tout en conservant l’essentiel des
versions antérieures.
Une caractéristique fondamentale de cet ouvrage tient à la volonté de
demeurer aussi neutre que possible. La connaissance d’un large éventail de
théories des organisations est considérée comme une condition de la
construction de l’esprit critique qui doit nous animer.
Alice Le Flanchec, Professeur de gestion à l’Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
La rédaction de cet ouvrage me procure l’occasion d’adresser mes
remerciements à un ensemble de collègues avec lesquels j’ai échangé et
débattu à de nombreuses reprises et qui ont contribué – chacun à leur
manière – à enrichir ma vision du monde : Délila Allam, Dominique
Bencherqui, Frank Bournois, Jean-Luc Chappey, Héloïse Cloet, Gérard
Coulon, Carole Drucker, Mathilde Gollety, Jacques Igalens, Pierre Juhasz,
Catherine Lafitte, Sophie Landrieux-Kartochian, Astrid MullenbachServayre,
Jean-Michel Plane, Hélène Sirven et Alexandre Steyer.
J’ai aussi une pensée pour les étudiants de l’Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne et notamment ceux du master Management
Stratégique parcours CMSI, qui ont participé à construire et faire évoluer
mes pratiques pédagogiques.
Cet ouvrage est dédié à Vincent, Thomas et Damien sans qui rien
n’aurait de sens ; ainsi qu’à Greg, Roland, Hélène, Lucie et Marie, sans
oublier Janine.
INTRODUCTION : L’ÉTUDE DES ORGANISATIONS L’étude des organisations
au carrefour des disciplines Qu’est-ce qu’une organisation Il n’existe pas «
une » mais « des » théorie(s) des organisations Structuration de l’ouvrage
1. La notion de système
1.1. Le système est plus que les éléments qui le compose
1.2. L’organisation considérée comme un système
2. Von Bertalanffy et la théorie générale des systèmes 3. La
psychologie sociale des organisations de Katz et Kahn 4. L’analyse
sociotechnique
4.1. Les expériences de Trist, Bamforth et Rice
4.2. Les principes de l’analyse sociotechnique
5. Forrester et la théorie des flux 6. Les apports de la théorie des
systèmes et de son application psychosociale
Focus : L’essentiel sur les théories des organisations conçues comme des
systèmes
INDEX
Pourquoi étudier les organisations et pourquoi essayer de formuler une
théorie les concernant ? Qu’est-ce que les organisations ont de particulier
pour mériter une attention suffisante qui l’érige en objet d’études pour les
sciences de gestion ?
Un élément de réponse spontané est tout simplement « parce qu’elles
sont là » ! Nous vivons dans un monde d’organisations. Nés le plus souvent
dans un hôpital, nous sommes élevés à la crèche, puis à l’école et souvent
à l’université, après quoi nous travaillons dans des entreprises, des
administrations ou associations en contact quotidien avec d’autres
organisations. Ceci est le cas tant dans notre vie professionnelle, que dans
notre vie privée dont le cours nous confronte à d’autres organisations
même dans les activités les plus simples de tous les jours, telles que
voyager, faire du sport, nous distraire, etc., sans parler bien sûr des «
grands événements » de l’existence tels que mariages et naissances.
Dans les sociétés développées et modernes, en tout cas, aucun individu
n’est plus à même de se reposer sur lui seul pour la satisfaction de ses
besoins. Il est confronté à un environnement d’organisations et il est
conduit à appartenir inévitablement à nombre d’entre elles. Peut-on
imaginer dans le cadre du monde industrialisé actuel, un bien ou un
service conçu, fabriqué et distribué par un seul individu ? C’est bien sûr
possible, mais cela ne représente pas le cas général. Dans des sociétés plus
anciennes et souvent rurales, c’était pourtant plus la règle que l’exception.
Par conséquent, l’importance que les organisations ont prises dans notre
vie moderne constitue une raison primordiale de leur étude.
Il s’ensuit le besoin de mieux comprendre comment fonctionnent ces
organisations qui ont pris une complexité et une taille croissante et qui ont
adopté des modes de fonctionnement de plus en plus sophistiqués.
Grandes entreprises multinationales ou non, organisations étatiques,
nationales et internationales nous entourent. Une meilleure
compréhension de leur fonctionnement permet d’abord de nous y insérer,
et peut-être aussi de les améliorer et d’encadrer leur activité selon les
finalités qui peuvent être les nôtres, incluant la performance économique,
sociale ou sociétale. La tâche, cependant est difficile.
La théorie des organisations veut donc rassembler tout ce qui tend à
une meilleure compréhension de l’organisation. Nous souhaitons ici, dans
cette introduction, montrer tout d’abord que cet ouvrage s’inscrit en
sciences de gestion et emprunte à une multitude d’approches théoriques
en sciences humaines et sociales dont notamment la sociologie,
l’anthropologie, l’économie, les sciences cognitives ou encore la
psychologie. Puis, nous définissons notre objet d’étude à savoir les
organisations. Ensuite, nous attirons l’attention sur le fait qu’il n’existe pas
une seule manière d’expliquer et de comprendre les organisations. Dès
lors, il n’y a pas « une » mais « des » théories des organisations et c’est
dans ce cadre que les différentes théories exposées dans cet ouvrage
doivent être abordées, c’està-dire dans leur diversité. Ce n’est qu’en ayant
une vue aussi large que possible des différentes théories des organisations
existantes, qu’il est alors possible d’avoir l’esprit critique et de se faire soi-
même l’arbitre de la (ou les) théorie(s) les mieux adaptées à l’explicitation
d’une situation donnée, dans un contexte donné. Ce chapitre introductif se
conclut autour de la présentation du plan de l’ouvrage, qui pour des
raisons pédagogiques et sans exclure une certaine dimension
chronologique, adoptera largement des regroupements thématiques.
Schein « La coordination rationnelle des activités d’un certain nombre de personnes en vue
(1970)4 de poursuivre des buts et des objectifs implicites communs. »
Structuration de l’ouvrage
Un exposé des théories des organisations peut hésiter devant deux
types de présentations possibles : l’une est chronologique et analyse les
unes après les autres les diverses écoles qui se sont succédées dans le
temps ; l’autre est thématique, elle considère différents problèmes que
pose l’étude des organisations et pour chaque problème présente les
contributions des différentes écoles qui s’y sont rattachées. La présentation
chronologique a l’avantage de mettre en perspective la dimension
historique et notamment de faire apparaître la dynamique de certains
courants, qui se développent en réaction les uns par rapport aux autres.
Mais l’approche chronologique est difficile à suivre de manière stricte, car
beaucoup de courants de pensée se sont développés simultanément au
cours du XXème siècle, selon les disciplines et selon les angles d’approche
adoptés. Pour cette raison, nous avons choisi une approche plutôt
thématique ou par discipline de rattachement, même si nous cherchons à
conserver la dimension chronologique chaque fois que cela est possible et
à rappeler les contextes historiques qui sont essentiels pour mieux
comprendre l’émergence et le développement des différents courants de
pensée.
C’est à la fin du XIXème siècle, début du XXème siècle, que les premières
grandes théories des organisations émergent. Ces développements
théoriques ne sont pas sans rapport avec la Révolution Industrielle qui
donne lieu à un essor de l’industrie et un développement sans précédent
des grandes entreprises. Les auteurs considérés comme les pères
fondateurs de la théorie des organisations appartiennent à l’école
classique ou traditionnelle. Ils feront l’objet du chapitre 1 de l’ouvrage. Ils
ont pour point commun une démarche de rationalisation de l’organisation.
On y retrouve les travaux fondateurs de Taylor qui cherche à rationaliser
l’organisation du travail, ainsi que les apports de Fayol à la compréhension
de la « fonction administrative » et les travaux de Weber sur les modes
d’autorité et notamment le système rationnel-légal ou « bureaucratique ».
A partir des années 1930, les théories des relations humaines se
développent. Elles sont présentées dans le chapitre 2 de l’ouvrage. Elles
débutent avec les travaux d’Elton Mayo (expérience à l’usine de
Hawthorne de la Western Electric) et donneront lieu à de très nombreux
développements d’origine psychosociologiques, notamment sur les
relations d’influence au sein des groupes et conduiront à tout un courant
sur l’amélioration des conditions de vie au travail. Ces théories permettent
de répondre aux critiques formulées à l’encontre des théories
traditionnelles et notamment aux conséquences déshumanisantes des
principes du Taylorisme et de ses applications. Dans leur prolongement, on
recense également tout un ensemble de travaux qui s’inscrivent
aujourd’hui dans ce que l’on appelle le comportement organisationnel et
qui incluent notamment des études sur le leadership et sur la motivation
au travail.
Puis, à partir des années 1960, le courant de la contingence
structurelle vient remettre en cause le principe de « one best way »
véhiculé par les écoles précédentes, tant traditionnelles qu’en termes de
relations humaines. Le chapitre 3 présente alors un ensemble de théories
de la contingence structurelle interne et externe. Parmi celles-ci, nous
exposons des travaux sur l’impact de l’âge, de la taille, de la technologie et
de la stratégie sur l’organisation. Puis, nous abordons des théories de la
contingence externe, c’est-à-dire qui étudient différentes caractéristiques
de l’organisation en fonction de leur environnement.
L’approche thématique et disciplinaire l’emporte ensuite sur l’approche
chronologique. Différentes thématiques vont donc être successivement
abordées : l’analyse systémique, l’environnement, la prise de décision,
l’étude de la firme par les économistes, l’étude de la société par les
sociologues, et les relations de pouvoir et de négociation.
Le chapitre 4 s’intéresse à l’approche en termes de systèmes des
organisations. Initiée par Von Bertalanffy, l’analyse systémique est
aujourd’hui largement retenue en gestion. Elle a donné lieu à un certain
nombre de contributions théoriques, dont nous ne présentons qu’une
infime partie, dont ceux de Katz et Kahn ainsi que l’analyse sociotechnique.
Le chapitre 5 centre l’attention sur la prise en compte de l’impact de
l’environnement sur les organisations. Bien que les théories de la
contingence externe aient déjà intégré l’étude de l’environnement, nous
ajoutons deux approches complémentaires. D’une part des études qui
considèrent l’environnement comme dominant, telles que la théorie de la
dépendance des ressources et de l’écologie des populations ; et d’autre
part la théorie de Weick selon laquelle l’environnement est un construit
social.
Le chapitre 6 est consacré aux théories sur la prise de décision dans
les organisations, qui se développent à partir des années 1940. Ce chapitre
regroupe les travaux fondateurs d’Herbert Simon (prix Nobel d’Économie
en 1978) à l’origine de la notion de « rationalité limitée » qui va modifier la
façon d’aborder les décisions au sein des organisations. Différentes
théories modélisant les processus de prise de décision dans les
organisations sont alors présentées : la théorie décisionnelle de
l’organisation, la théorie comportementale de la firme, la théorie de
l’organisation considérée comme une collection de poubelles, ou encore la
théorie des jeux.
Le chapitre 7 se concentre sur l’entreprise. Bien que celle-ci soit bien
sûr abordée dans nombre des travaux précédents, ce chapitre présente
tout d’abord la manière dont la firme est étudiée dans la théorie
économique, puis focalise l’attention sur trois dimensions de l’entreprise
en particulier, à savoir la stratégie d’entreprise, les ressources humaines et
la culture.
Le chapitre 8, quant à lui, porte sur l’organisation et la société et
rassemble un ensemble de travaux d’influence principalement
sociologique. Une distinction est faite entre l’approche holiste et
l’individualisme méthodologique, avant d’aborder les théories qui
cherchent une troisième voie entre cette dichotomie traditionnelle. Une
pluralité de théories abordant le lien entre les organisations et la société
comme entité sont enfin présentées. Tel est le cas notamment des
approches interactionnistes, du néo-institutionnalisme et du Marxisme.
Le chapitre 9 aborde l’organisation à travers les relations de pouvoir et
de négociation qui y opèrent. Les approches de l’analyse stratégique, la
théorie de l’engagement et la théorie de la régulation conjointe sont
exposées.
_______
1 Adapté ici très librement de Porter ‘‘The parable of the spindle’’, Harvard Business Review, 1968 et
lui-même inspiré d’une célèbre recherche de White (White, W. F., ‘‘The Social Structure of the
Restaurant’’, American Journal of Sociology, Vol. 54, 1949, pp. 302-310). Elle est citée par Handy, C.
B., Understanding organizations, Harmondsworth, Penguin Books Ltd., 1976.
2 Khandwalla, P. N., The Design of organizations, New York, Harcourt Brace Jovanovich Inc, 1976, p. 5.
3 Bourricaud, F., « Organisations », dans Joffre, P. et Simon, Y. (eds.), Encyclopédie de Gestion, Paris,
Economica, 1989, 1re, 4e Ed.
4 Schein Edgar, H., Organizational Psychology (2e ed), Englewood Cliffs, N.J., Prentice Hall, 1970, p. 9.
5 Parsons, Talcott, The Social system, New York, The Free Press, 1964, p. 72.
6 Crozier, M. et Friedberg, E., L’acteur et le Système, Paris, le Seuil, 1977, p. 8.
7 Mintzberg, H., The Structuring of Organizations, Englewood Cliffs, N.J., Prentice Hall Inc., 1971.
8 Mintzberg, H. Ahlstrand, B., Lampel, J., Safari en pays stratégie, Village Mondial 1999, p. 12.
9 Pour un exposé précis du développement des théories des organisations dans l’histoire, voir
Starbuck, W. H. et Baumard, P. « Les semailles, la longue floraison et les rares fruits de la théorie des
organisations » dans Comportement organisationnel, Volume 3, Méthodes et Recherches, De Boeck,
2009, p. 25.
Bien que de nombreux écrits sur la société et l’organisation du travail
se développent dès le XVIIIème siècle (Adam Ferguson 1767 ; Adam Smith,
1776 ; Perronet, 1747), il est communément admis que la théorie des
organisations apparaît à la fin du XIX ème siècle (Charles Babbage, 1832) et
au début du XXème siècle.
Les théories dites « traditionnelles » des organisations rassemblent
alors un ensemble de « pères fondateurs » du management qui sont
considérés comme étant à l’origine des premières grandes théories
scientifiques des organisations. Taylor, Fayol et Weber sont trois grandes
figures de ces auteurs « traditionnels », qui vont initier, chacun à leur
manière, des réflexions beaucoup plus étendues sur certains aspects de
l’organisation. Ainsi, Taylor développe l’Organisation Scientifique du Travail
(OST) visant à rationaliser la production, dont les applications auront une
portée majeure dans les sociétés industrialisées. Fayol, s’intéresse à la
fonction administrative et défini l’activité du gestionnaire ou du manager,
ouvrant la voie à de nombreux travaux autour de la fonction de direction.
Enfin, Weber, quant à lui, s’intéresse aux fondements de l’autorité dans les
organisations au sens large et sera à l’origine également de nombreux
débats autour du système d’organisation « bureaucratique ».
On trouve comme point commun de ces travaux qui datent de la fin du
XIX siècle et du début du XXème siècle, une volonté de comprendre la
ème
5. Approfondissements et critiques de la
bureaucratie
Les travaux sur la bureaucratie ont connu d’une part un ensemble de
d’approfondissements, et d’autre part de nombreuses critiques à son
égard.
5.1. L’approche structuro-fonctionnaliste
Le premier effort d’approfondissement de la bureaucratie est le fait
d’une école représentant le courant dominant de la sociologie
nordaméricaine des années 1950 et 1960. Celle-ci a été baptisée école
structurofonctionnaliste15. Cette école soutient, d’une part, que la structure
des organisations découle de leurs fonctions mais aussi, d’autre part, que
les organisations sont fonctionnelles, c’est-à-dire qu’elles remplissent un
but prédéterminé, et qui n’est pas remis en cause. Cette analyse d’ailleurs
ne s’intéresse aux organisations que comme l’application d’une réflexion
beaucoup plus vaste qui porte globalement sur la société. Elle trouve une
expression achevée et modélisée dans l’œuvre de Talcott Parsons16.
Robert K. Merton17 (1910-2003) reconnaît au préalable que l’application
des règles et de l’impersonnalité de la bureaucratie Wéberienne produit
des résultats positifs et en particulier un degré élevé de prédictibilité et
d’efficacité, du moins initialement. Mais il peut se produire ensuite un
phénomène qu’il qualifie de « déplacement des buts ». Son essence tient
en ce que la conformité à la règle va empêcher la flexibilité. Les règles qui
régissent la bureaucratie, et qui sont précisément élaborées uniquement
dans le but d’assurer son bon fonctionnement, en viennent à prendre une
valeur symbolique et d’objectif pour elles-mêmes. Les buts de
l’organisation, les objectifs pour lesquels elle a été conçue sont perdus de
vue. Les règles qui initialement ont été créées pour être mises au service
de ces objectifs et pour mieux les atteindre deviennent primordiales et
dépassent ou déplacent ces objectifs. L’on suit le règlement, même si dans
une situation particulière donnée il conduit à des résultats absurdes, et
même contradictoires à la vocation de l’organisation qu’il a cependant été
édicté en principe pour servir.
Un deuxième effet, ou une variante du premier, apparaît ensuite et
consiste en ce que l’on appelle le phénomène de la « sous-optimisation ».
Une des composantes de l’organisation, qui s’est vue affecter une mission
particulière, au service des buts de cette dernière, les perd néanmoins de
vue et poursuit ce qu’elle considère sa mission propre au détriment des
objectifs globaux.
De plus, un troisième mécanisme peut apparaître : « l’esprit de corps ».
En effet, les membres de l’organisation bureaucratique tissent entre eux
des liens privilégiés, qui peut favoriser l’émergence d’un esprit de corps qui
bloque tout changement et qui les sépare définitivement de l’objectif qu’ils
sont censés servir. L’inefficacité et le respect absolu des règles ont alors
définitivement pris le pas sur la poursuite des buts de l’organisation.
Merton décrit également un concept à champ plus large mais aisément
applicable aux objectifs des organisations : les « fonctions manifestes et
latentes » des processus sociaux. Ces dernières sont les fonctions
inconscientes et non prévues de ces mêmes processus qui jouent à
l’encontre des premières et peuvent s’y opposer. Par exemple, la fonction
manifeste de la prohibition est de supprimer les effets néfastes de l’alcool,
mais elle peut créer la fonction latente de l’alcoolisme clandestin, sans
compter une organisation criminelle monopolisant la production de
l’alcool.
Dans son étude sur la TVA (Tennessee Valley Authority) Philip
Selznick (1919-2010) confirme les phénomènes de « déplacement des
18
Basse Haute
1.3. La technologie
1. La notion de système
Après avoir défini la notion de système, nous montrons que
l’organisation peut être considérée comme un système ouvert.
4. L’analyse sociotechnique
L’origine de l’analyse sociotechnique s’appuie sur des études
empiriques réalisées par Trist et Bamforth et Rice d’une part, et par Rice
d’autre part. Ces études mettent en évidence que l’’organisation ne peut
pas être appréhendée à travers les seuls aspects techniques, ni à travers
les seuls aspects sociaux, mais que les deux sont interreliés, dans une
approche systémique. Dans le cadre notamment du Tavistok Institute, les
travaux de l’analyse sociotechnique donnent lieu au développement du
courant pour l’amélioration des conditions de vie au travail.
Plus ces conditions sont remplies, plus le contrôle externe devient fort.
Il s’ensuit que le facteur déterminant le comportement de
l’organisation est sa dépendance vis-à-vis des ressources critiques qu’elle
doit obtenir dans l’environnement. Les tentatives pour satisfaire les
demandes d’un groupe donné sont fonction de sa dépendance sur ce
groupe relativement aux autres groupes et du degré auquel les demandes
de ce groupe sont en conflit avec les demandes des autres groupes. Cette
dépendance est elle-même fonction de l’importance comparée de la
ressource pour l’organisation, la discrétion sur l’usage et l’allocation de la
ressource et la concentration du contrôle de cette ressource.
Cette dépendance est inévitable et la concentration du pouvoir est
inévitable. Cependant des contre-pouvoirs existent en termes d’autres
ressources et contre dépendances.
L’organisation efficace est celle qui satisfait aux demandes de son
environnement pour assurer sa survie. La première étape est donc la
connaissance de cet environnement.
L’environnement a trois niveaux. En premier lieu, le système total des
individus et organisations interconnectés entre eux et avec l’organisation
concernée par les transactions de cette dernière. En second lieu,
l’ensemble des individus et organisations avec lesquels l’organisation
concernée agit directement. Ceci est le niveau qu’elle peut expérimenter.
En troisième lieu, l’environnement perçu, qui est la représentation de
l’environnement par l’organisation.
En se basant sur les travaux d’Emery, Trist et leurs successeurs un
modèle des dimensions de l’environnement et de leurs relations est établi
en combinant des éléments liés entre eux99.
À court terme, ces procédures dominent les décisions qui sont prises.
Elles ont un impact sur les objectifs, les désirs et les attentes des individus
dans l’organisation. Elles ont aussi un impact sur les perceptions
individuelles de l’état de l’environnement. Elles ont de plus un impact sur
la gamme des alternatives retenues et leur recherche. Enfin, elles ont un
effet sur les règles de décisions managériales utilisées dans l’organisation.
Les organisations donc apprennent et stockent leurs connaissances à
travers les procédures opératoires standard, certes à travers les individus
comme instruments, mais à un niveau agrégé qui est celui de
l’organisation.
Les objectifs, exprimés en termes de niveaux d’aspirations, s’adaptent. Ils
sont fonction des objectifs de l’organisation dans la période précédente, de
l’expérience de l’organisation relativement à cet objectif dans la période
précédente et de l’expérience d’institutions comparables sur cette
dimension d’objectifs dans la période précédente, modifiés par la
sensibilité aux performances des autres institutions et la capacité à
modifier ses objectifs en fonction de l’expérience. Les règles qui font porter
l’attention sur certaines parties privilégiées de l’environnement et en font
ignorer d’autres s’adaptent aussi à travers les critères d’évaluation de la
performance fixés par l’organisation et les critères sur lesquels elle se
mesure aux institutions comparables. Enfin, les règles qui régissent la
recherche de solutions s’adaptent, elles aussi, car les modes de recherche
ayant produit des solutions dans le passé tendent à être répétés et ceux
non productifs évités. D’autre part, le codage employé pour communiquer
l’information relative à l’environnement varie.
Notons que cette approche en termes d’apprentissage organisationnel
donnera lieu à de nombreux développement théoriques que nous ne
développons pas ici.
En synthèse, les organisations sont donc considérées comme des
coalitions d’individus ou de sous-coalitions ayant formé des objectifs plus
ou moins indépendants et agissant en fonction d’une rationalité limitée,
avec des objectifs généraux ajustant les objectifs individuels. De temps en
temps, cette coalition prend des décisions qui impliquent l’emploi de
ressources organisationnelles d’une façon ou d’une autre. Les décisions
dépendent des attentes formées et de l’information obtenue dans
l’organisation. L’allocation de ressources organisationnelles se fait
beaucoup plus sur la base d’engagements passés ou de l’urgence que sur le
taux de retour marginal et reflète la satisfaction de contraintes minimum et
un soutien suffisant dans l’organisation, qu’elles qu’en soient les raisons qui
peuvent d’ailleurs fort bien être contradictoires. Toujours du fait de la
rationalité limitée, l’activité de recherches d’alternatives n’est ni extensive
ni objective. Elle consiste surtout à évoquer, de la part de sous-unités de
l’organisation, des considérations qui sont importantes pour elles. Le calcul
des conséquences est simplifié au maximum ; les branches d’alternatives
sont peu comparées, la question principale est celle de la faisabilité des
branches d’actions qui viennent à l’esprit, dans le cadre d’une recherche de
solutions locales. Toutefois, l’organisation est apprenante et le lieu
d’apprentissages collectifs.
Joueur P2
1 2 3
Se tait Dénonce A
Prisonnier A Se tait
1 AN Libéré
1 AN 10 ANS
Libéré 5 ANS
Dénonce B
10 ANS 5 ANS (équilibre de Nash)
Se tait Dénonce B
4. Entreprise et culture
La notion de culture a fait l’objet d’une littérature très vaste en
anthropologie, psychologie et sociologie, que nous n’avons pas pour
ambition de retracer ici. Notre propos se focalise sur la relation entre la
culture et l’entreprise tels que développés en management principalement
à partir des années 1970-1980.
La question de la définition de la culture elle-même a fait couler
beaucoup d’encre. Notamment, Maurice Mauviel 208 ou encore Denys
Cuche209 à travers des approches historiques, mettent en évidence la
manière dont la notion de culture a évolué dans le temps. De manière
schématique la culture fait référence à des croyances et valeurs partagées
par un groupe de personnes, qui déterminent implicitement la
représentation que les membres de ce groupe se fait d’elle-même et de
leur environnement. La culture peut être liée à la personne (sous
l’influence de son éducation, son environnement individuel etc.), elle peut
être liée au métier dans lequel elle évolue, à l’entreprise où elle travaille,
aux groupes auxquels elle appartient, ou encore au pays dans lequel elle
vit ou a vécu. Notons d’emblée que chacun de ces aspects culturels
peuvent être mêlés et avoir des influences réciproques. Selon les
approches théoriques, ces mécanismes culturels peuvent être considérés
comme plus ou moins dominants sur le comportement des individus au
travail.
Pour ce qui nous concerne ici, nous centrons l’attention sur l’impact de
la (ou les) culture(s) au sein des entreprises, sur l’appropriation des
méthodes de gestion, les modes opératoires, les savoirs et pratiques, les
langages, la transmission des connaissances, les comportements au travail,
la performance ou encore les résistances au changement des salariés.
Après avoir brièvement rappelé les origines anthropologiques de la
notion de culture, nous présentons premièrement des travaux qui portent
sur l’influence de la culture nationale sur l’entreprise, et d’autre part sur la
culture d’entreprise elle-même.
2.1.2. L’ethnométhodologie
Harold Garfinkel245 (1917-2011) définit le champ d’investigation de
l’ethnométhodologie comme étant dans le domaine des phénomènes
sociologiques et portant sur « l’investigation des propriétés formelles des
activités de sens commun en tant qu’accomplissements organisationnels
pratiques ». Cette approche donnera lieu à tout un courant
méthodologique d’enquêtes et d’analyse du discours en sciences sociales
et humaines.
Il définit l’ethnométhodologie comme l’investigation des propriétés
rationnelles des expressions indexicales et des autres actions pratiques
(qui constituent les activités de sens commun) considérées comme des
accomplissements contingents, en cours suivi, des pratiques astucieuses
organisées de la vie quotidienne.
L’ethnométhodologie place le concept d’indexicalité au cœur de sa
problématique. L’indexicalité des expressions se réfère au caractère
fondamentalement contextuel, situé, du langage, à leur caractère sensitif
au contexte dans la signification des mots, expressions, gestes.
De plus, les activités par lesquelles les « membres » de chaque groupe
social impliqués dans une situation sociale, produisent et gèrent les cadres
des affaires organisées de tous les jours sont identiques aux procédures
destinées à les rendre « relatables » ou à pouvoir en rendre compte. Il
s’ensuit que la notion de compte rendu ou de relation246, est une autre
notion fondamentale de l’ethnométhodologie. En même temps que
l’action en train de se faire, située dans le déroulement du monde autour
de lui, réflexivement, le membre ne conçoit son action et ne se conçoit
qu’en termes de sa capacité à rendre compte (à expliquer aux autres) son
activité.
Il s’ensuit la reconnaissance du concept éthnométhodologique de «
membre », distinct de celui d’acteur, qui renvoie « non pas à une personne
», mais plutôt « à des compétences », dont la capacité de maîtrise du
langage naturel, situé dans le groupe social dans lequel le « membre »
appartient.
Par conséquent, les études ethnométhodologiques analysent les
activités de tous les jours comme les méthodes que les membres utilisent
pour rendre ces mêmes activités manifestement rationnelles et
descriptibles pour tous, c’est-à-dire relatables, en tant que modes
d’organisation des activités quotidiennes banales.
Pour l’ethnométhodologie, la réalité sociale, est donc perçue comme
l’accomplissement contingent, toujours renouvelé, des pratiques habiles
organisées de la vie quotidienne « et elle ne peut être extérieure aux
récits, comptes-rendus », qui sont situés de fait au cœur même de la
démarche.
Les études ethnométhodologiques des structures formelles, cherchent
à décrire les comptes-rendus que font les membres de ces structures
formelles, effectuées où que ce soit et par qui que ce soit, en s’abstenant
de tout jugement quant à leur adéquation, leur valeur, leur importance,
leur nécessité, leur caractère praticable ou leur succès.
Les ensembles sociaux organisés consistent donc en des méthodes
variées destinées à accomplir l’intelligibilité organisationnelle d’un
ensemble, comme une entreprise concertée ; les membres tout à la fois
produisent et utilisent ces méthodes pour faire en sorte que « leurs
actions et leurs affaires soient intelligibles-pour-tout-but-pratique ». En
d’autres termes, c’est en produisant l’intelligibilité de leurs pratiques
ordinaires que les membres produisent le monde social. La réalité sociale
est donc perçue et créée comme l’accomplissement contingent, toujours
renouvelé, des pratiques habiles organisées de la vie quotidienne. L’ordre
social est le résultat d’opérations interactives effectuées en situation par
les interactants. La réalité objective des organisations est saisie comme un
accomplissement continu d’activités concertées de la vie courante.
Tenter d’appréhender un monde social descriptible, en perpétuelle
construction n’est possible qu’à travers l’analyse des récits, des
comptesrendus des membres qui participent à sa construction par leurs
activités quotidiennes et en produisent pratiquement, localement et
méthodiquement l’intelligibilité du monde et le monde lui-même.
Le travail n’est pas une marchandise, mais la force de travail en est une,
sachant que du fait d’un processus historique passé, d’une part le
prolétaire a une liberté contractuelle (il n’est pas esclave) et d’autre part il
n’a que sa force de travail pour survivre. De façon très simplifiée, le salarié
« vend » sa force de travail ce qui suppose l’existence d’un marché du
travail.
Comme toute marchandise, la force de travail a un prix qui est celui du
coût de sa production. Pour Marx, cela représente les sommes nécessaires
pour former le travailleur et répondre à ses besoins afin de lui permettre
d’assurer la reproduction de sa force de travail. Le capital variable du
capitaliste sert à acheter au salarié sa force de travail à travers son salaire.
Sur ces bases, le mécanisme est le suivant : le capitaliste achète l’usage,
de la force de travail aux coûts nécessaires à sa reproduction et l’exploite
en la combinant avec les autres forces de travail formant le collectif de
travail. La plus-value et l’exploitation vient du fait que le capitaliste
consacre à la force de travail une valeur inférieure à celle que fournit
l’usage de cette force de travail. Il tire de cette force de travail une valeur
V+S composée des coûts de production et de la plus-value. Dit autrement,
la force de travail crée plus de valeur qu’elle n’en coûte.
On calcule :
S/(C+V) = taux de profit = P (qui est le pourcentage de plus-value vis-
àvis du capital employé (capital constant + capital variable) En divisant
par V le capital variable (salaire), on obtient : P = S/(C+V) = (S/V)/[(C/V)
+(V/V)] = (S/V)/[1+(C/V)] S/V est ainsi le taux de plus-value (ou
d’exploitation).
La dynamique du système entraîne les capitalistes à utiliser la plusvalue
S pour accroître le capital, C. La concurrence entre eux a pour conséquence
inévitable l’accroissement permanent du capital. C’est le cas car « un
capitaliste ne peut évincer l’autre qu’en vendant meilleur marché ». Or
pour pouvoir vendre meilleur marché, sans se ruiner, il faut produire en
plus grande quantité pour profiter d’économies d’échelles et en même
temps accroître la productivité du travail. Ce qui entraîne :
• Une accumulation du capital.
• Une plus grande division du travail.
• Un emploi accru de machines.
• Un travail à grande échelle.
Ce mouvement se répète par émulation permanente entre les
capitalistes ce qui crée un mouvement de spirale toujours accéléré. Donc le
mouvement de concurrence entre capitalistes tend à ramener la valeur des
produits aux coûts de production, et donc à faire baisser la plus-value S
engendrant une crise de rentabilité du capital C ; sans compter un risque
de crise des débouchés par la surproduction. De leur côté, les salariés
voient leur pouvoir d’achat diminuer.
Ceci veut dire, étant donné que P = (S/V)/[1 + C/V], et que C tend à
toujours croître, que le taux de profit P tend donc inéluctablement à
décroître. Donc, pour maintenir le taux de profit P, S doit augmenter ou V
doit diminuer, c’est-à-dire que le taux de plus-value doit augmenter et
donc aussi le taux d’exploitation ou le salaire doit baisser.
L’opposition entre la nécessaire compression des salaires pour
augmenter la plus-value et la croissance de la production du fait de la
concurrence est au cœur du développement de crises économiques qui
vont conduire à la fin du système capitaliste.
Ainsi selon Marx266 : « une épidémie sociale éclate, qui à toute autre
époque eût semblée absurde. L’épidémie de la surproduction. Les
institutions bourgeoises sont devenues trop étroites pour contenir la
richesse qu’elles ont créées ».
L’analyse des luttes de classe, comme source de changement social, est
déterminant dans la pensée de Marx. Selon lui, la lutte de classe mènera
nécessairement à la dictature du prolétariat, qui elle-même ne représente
qu’une transition vers une société sans classes. Cette approche porte
l’accent sur le rôle actif des groupes sociaux dans l’histoire et dans
l’évolution de la société, qui pour Marx ne peut se faire sans « combat ».
Par conséquent, dans l’analyse de la société capitaliste par Marx, le
travailleur est exploité et cette exploitation ne peut pas disparaitre tant
que le mode de production sera le capitalisme. Le capitalisme est marqué
de manière endogène par la résurgence de crises économiques. Des crises
de plus en plus graves marqueront l’histoire du capitalisme jusqu’à sa
disparition et la mise en place du socialisme, puis du communisme afin de
dépasser les contradictions du mode de production capitaliste.
Enfin, Marx défend une approche de l’évolution historique dans
laquelle l’accent est mis sur la façon dont les hommes organisent la
production, sur l’importance du niveau de développement des forces
productives, et sur le fait que les acteurs de l’histoire sont les travailleurs
eux-mêmes et donc que l’histoire n’est gouvernée ni par des héros ni par
des Dieux.
Pour conclure, il existe une grande diversité d’approches théoriques,
largement d’origine sociologiques, qui relient organisation et société. Elles
portent des visions différentes du rôle des acteurs et du poids des
structures sur les actions individuelles et collectives.
Focus : L’essentiel des théories de l’organisation et la société
Il existe traditionnellement deux visions différentes de la société :
l’individualisme méthodologique (action) et l’holisme (structure).
Boudon (1934-2013) défend la vision de l’individualisme méthodologique
selon lequel les phénomènes sociaux peuvent être expliqués par les
actions des acteurs, qui ont des raisons d’agir comme ils le font, que celles-
ci soient objectivement ou subjectivement bonnes.
L’holisme, quant à lui, consiste à penser qu’un phénomène social doit être
appréhendé dans son ensemble et s’appuie sur l’idée que les structures de
la société influencent le comportement des individus qui la compose.
L’approche holiste, défendue par Bourdieu (1930-2002), s’appuie sur la
notion d’Habitus. L’Habitus correspond à l’incorporation par les individus,
au cours de leur socialisation, d’un ensemble de codes et de règles de
comportements.
Entre ces deux visions, un ensemble d’auteurs proposent des approches
alternatives qui permettent de concilier action et structure. Tel est le cas
de Dupuy, Giddens et Granovetter.
Dans la théorie de l’auto-transcendance, Dupuy (1992) développe un
individualisme complexe selon lequel les individus
agissent les phénomènes collectifs, mais ceux-ci sont bien plus que cela et
n’obéissent qu’à leurs propres lois (auto-organisation). L’ordre social est
produit par les actions individuelles, accomplies séparément,
des membres de l’organisation, mais sans pour autant répondre à
la volonté d’une entité supra-individuelle.
Dans la théorie de la dualité du structurel, Giddens (1984) montre que l’on
ne peut se passer ni de l’action, ni de la structure pour expliquer les
phénomènes sociaux. Ainsi, les notions d’action et de structure se
supposent l’une l’autre, dans une relation dialectique. L’acteur est «
compétent ». Cela signifie qu’il a une connaissance de son environnement
et a une connaissance pratique, discursive et inconsciente de ses actions.
Cette grille ne se remplit pas case par case, de façon linéaire, mais de
façon itérative, au fur et à mesure de l’observation du déroulement des
jeux entre acteurs et quand l’information disponible est validée par
l’analyse. La difficulté est, bien sûr, que nous n’avons jamais tous les
éléments. Les situations organisationnelles ne sont jamais claires, et
l’intérêt de chacun de ceux qui y sont impliqués n’est pas de les clarifier.
Néanmoins, les comportements sont directement observables, les
objectifs manifestes annoncés, et, avec l’aide des outils décrits plus haut
les ressources et contraintes sont plus facilement inférables pour déchiffrer
stratégies et objectifs latents. C’est de cette manière qu’il est alors possible
de comprendre les jeux qui opèrent entre les acteurs et donc de pouvoir
agir sur les relations de pouvoir et de négociation au sein des
organisations.
3. La théorie de l’engagement
L’analyse des relations de pouvoir au sein des organisations peut aussi
conduire à des mécanismes des « manipulation ». Certes, nous avons déjà
vu au chapitre 6 qu’il existe un certain nombre de biais cognitifs (erreurs
de cadre, heuristiques cognitifs, mécanismes d’influence) qui peuvent
influencer les décisions des acteurs et être utilisés de manière
manipulatoire (voir notamment les travaux de Cialdini), mais la théorie de
l’engagement va bien plus loin, et constitue une approche originale et
novatrice, en ce qu’elle met en lumière un certain nombre de mécanismes
qui portent sur les relations de pouvoir au sein des organisations.
La théorie de l’engagement de Joules et Beauvois281 montre qu’il est
possible d’influencer, c’est-à-dire d’amener l’individu à agir dans le sens
souhaité, non pas par la contrainte ou en cherchant à le convaincre, mais
dans le cadre d’une soumission pleinement consentie.
B
Bamforth, 138
Barnard, 82
Barney, 265
Beauvois, 362
Berle, 240
Blake, 72
Blanchard, 70
Blau, 90
Boltansky, 248
Boudon, 194, 297
Boulding, 133
Bourdieu, 300
Brunsson, 329
Bunker, 277
Bureaucratie, 36, 38
Burns, 111, 266
C
Cercle vicieux bureaucratique, 45
Chandler, 109, 257
Changement quantique, 267
Child, 110
Cialdini, 195
Coase, 243
Coch, 67
Cohen, 209
Collins, 261
Confiance, 276
Configuration, 266
Configurations d’organisations, 121
Contingence structurelle, 89
Contrat psychologique, 277
Crozier, 45, 264, 350
Culture, 265, 278
Culture d’entreprise, 289
Culture nationale, 281
Cycle de vie des organisations, 94
Cyert, 203
Cyrulnik, 278
D
d’Iribarne, 286
Dale, 90
Debreu, 238
Deci, 273
Décision, 180
Dilemme du prisonnier, 228
DiMaggio, 330, 334
Dissonance cognitive, 362
Doeringer, 247
Drucker, 35
Dupuy, 249, 301
E
Ecole cognitive, 261
Ecole d’Aston, 44
Ecole de l’apprentissage, 262
Ecole de la conception, 257
Ecole de la configuration, 266
Ecole de la planification, 258
Ecole des relations de pouvoir, 264
Ecole du positionnement, 259
Ecole du processus culturel, 265
Ecole entrepreneuriale, 260
Ecole environnementale, 266
Ecologie des populations d’organisations, 150
Economie des conventions, 248
Economies de la grandeur, 250
Emerson, 29
Emery, 115
Encastrement, 320
Entreprise, 233
Environnement, 112, 149, 266
Environnement agi, 166
Erreurs de cadre, 194
Esprit de corps, 42
Ethnométhodologie, 328
Expectation, 81
Eymard-Duvernay, 248
F
Favereau, 234, 248
Fayol, 30
Flanerie, 26
Folett, 344
Folger, 272
Fonctions manifestes et latentes, 42
Forces de Porter, 259
Ford, 29
Fordisme, 29
Forrester, 144
Foucault, 348
Freeman, 154, 266
French, 67
Friedberg, 264, 350
Friesen, 267
G
Gantt, 29
Garfinkel, 328
Gestalt, 58
Giddens, 306
Gilbreth, 29
Gleason, 273
Gouldner, 42
Granovetter, 318
Greenberg, 271, 272
Greiner, 94
Gulick, 35
H
Habitus, 301
Hamel, 264
Hannan, 154, 266
Harsanyi, 221
Hart, 270
Hersey, 70
Herzberg, 76
Heuristiques cognitifs, 190
Hiérarchie des besoins, 74
Hofstede, 281
Holisme, 300
House, 283
I
Implication organisationnelle, 275
Incrémentalisme, 262
Individualisme méthodologique, 297
Individualisme méthodologique complexe, 303
Instrumentalité, 81
J
Jensen, 240
Joules, 362
Justice distributive, 272
Justice organisationnelle, 271
Justice procédurale, 272
K
Kahn, 133, 136
Kahneman, 190
Katz, 133, 136
Khaneman, 261
Kiesler, 362
L
Lawrence, 118, 266
Leadership, 65
Learned, Christensen, Andrews et Guth, 257
Lewicki, 277
Lewin, 58
Lewis, 286
Likert, 67
Lindblom, 262
Lippit, 66
Lorsch, 118, 266
Lynd, 272
M
Manager, 268
March, 199, 203, 209, 329
Marx, 337
Maslow, 74
Mauviel, 278
Mayo, 54
McAllister, 277
McGregor, 77
McKersie, 347
McMillan, 264
Mead, 321
Means, 240
Mécanismes d’influence, 195
Mechanic, 349
Meckling, 240
Merton, 41
Meyer, 276, 330
Miles, 267
Milgram, 62
Miller, 267
Mintzberg, 121, 256, 266, 268
Modèle rationnel-légal, 39
Modèles d’autorité, 37
Moore, 261
Moreno, 60
Morgenstern, 219, 221
Motivation, 73
Mouton, 72
Mowday, 275
Myers and Briggs, 262
N
Nash, 227
Négociation, 343, 347
Néo-institutionnalisme, 330
Nonaka, 264
Nouvelle sociologie économique, 318
O
Olsen, 209, 330
Organisation Scientifique du Travail (OST), 25
Organizational Development, 63
P
Parsons, 133
Perrow, 100
Pettigrew, 264
Pfeffer, 160
Piore, 247
Population d’organisations, 150
Porter, 259
Pouvoir, 84, 264, 343
Powell, 330, 334
Prahalad, 264
Psychologie sociale des organisations, 136
Q
Quinn, 262, 270
R
Raiffa, 223
Rationalité absolue (parfaite), 183
Rationalité limitée, 184
Rationalité procédurale, 186
Rationalité substantielle, 186
Relations humaines, 52
Résilience, 278
Resistance à l’autorité, 62
Résistance au changement, 67
Ressources Humaines, 268
Reynaud, 367
Roberts, 273
Rowan, 330
Ryan, 273
S
Sainsaulieu, 291
Salais, 248
Salancik, 160
Schein, 289
Schmidt, 69
Schön, 80
Schumpeter, 260
Scott, 330
Sélection, 155
Sélection adverse, 241
Selten, 223
Selznick, 42, 257, 334
Sensemaking, 170
Sherif, 61
Shubik, 223
Simon, 183, 199
Slack organisationnel, 204
Sloan, 35
Slovic, 190
Smith, 236
Snow, 267
Société, 296
Sociogramme, 60
Sociologie compréhensive, 36
Sous-optimisation, 41
Spécificité des actifs, 246
Stalker, 111, 266
Starbuck, 93
Stinchcombe, 97
Stratégie, 109, 256
Stratégies génériques, 259
Stratégies sui generi, 257
Structure, 296
Structures mécanistes, 112
Structures organiques, 113
structuro-fonctionnalisme, 41
Succès psychologique, 79
Système, 132
T
Taille de l’organisation, 89
Takeuchi, 264
Tannenbaum, 69
Tavistock Institute, 142
Taylor, 25
Taylorisme, 25
Technologie, 99
Théorie bi-factorielle, 76
Théorie comportementale de la firme, 203
Théorie de l’agence, 240
Théorie de l’analyse stratégique, 350
Théorie de l’auto-transcendance, 301
Théorie de l’engagement, 362
Théorie de l’équité, 271
Théorie de l’évolution, 155
Théorie de l’organisation comme une collection de poubelles, 209
Théorie de l’autodétermination, 273
Théorie de la dépendance sur les ressources, 160
Théorie de la dualité du structurel, 306
Théorie de la régulation conjointe, 367
Théorie décisionnelle de l’organisation, 199
Théorie des attentes, 80
Théorie des coûts de transaction, 243
Théorie des flux, 144
Théorie des jeux, 219
Théorie des sentiments moraux, 236
Théorie des systèmes, 132
Théorie du marché interne du travail, 247
Théorie socio-technique, 138
Théories de la décision, 179
Théories de la firme, 234
Théories économiques non standards, 246
Théories économiques standard étendues, 240
Théories économiques standards, 235
Théories interactionnistes, 321
Théories néo-institutionnelles, 330
Théories traditionnelles, 25
Théories X et Y, 77
Thevenet, 289
Thevenot, 248
Thompson, 102
Training Groups, 64
Trist, 115, 138
Trompenaars, 284
Tucker, 228
Tversky, 190, 261
Tyler, 272
U
Urwick, 34
V
Valence, 81
Von Bertalanffy, 132, 135
Von Neumann, 219, 221
Vroom, 80
W
Walras, 238
Walton, 347
Weber, 36
Weick, 165
White, 66
Williamson, 243
Woodward, 98
Z
Zucker, 330