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Zita Romaric SANOU

LES REGRETS D'UNE GRÈVE


Roman
SANOL! Zita Romaric

LES REGRETS D'UNE GRÈVE

Roman
Première Partie

Il était déjà six heures et le soleil faisait son


apparition. Daraga, bien que ce ne fût pas dans
ses habitudes, s'était réveillé. Après avoir fait sa
toilette, et comme à l'accoutumée, il se rendit dans
la chambre de son père.

- Bonjour, père, dit-il.


- Bonjour, fils ! As-tu bien dormi?
- Oui, père !
- Dieu merci !dit son père ; puis il mit sa
main dans sa poche, en sortit mille francs CFA et
les lui donna.

Daraga sortit alors et s'arrêta devant la porte. Ce


matin- là, il était étonné de voir certains élèves se
rendre à l'école. Oui îétonné, car il se rappela avoir
envoyé des messages anonymes et avoir échangé
avec certains amis la veille. En réalité, il s'était
arrangé pour faire comprendre à beaucoup
d'élèves que les cours étaient suspendus, car une
grève à durée indéterminée était observée. Et
voyant tous ces élèves, il était très inquiet. Pour
éviter de beaucoup y penser, il décida de se rendre
à l'école où il avait fréquenté et où nombreux de
ses amis étaient

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encore. Daraga se mit alors en route, plusieurs idées
lui traversant la tête, d'autres lui échappant puis lui
revenant après une pause de réflexion. Il se demandait
si ses messages anonymes avaient été reçus et
compris. Il était totalement perdu. Il se sentait
réellement mal et cela se voyait dans ses yeux.

Daraga était très déçu parce qu'il pensait avoir de


l'influence sur le monde scolaire, mais cet incident
venait de lui montrer le contraire. Cela le tenaillait.
Après quelques minutes de marche, tout à ses pen-
sées, il faillit se heurter contre un passant. Une idée lui
vint alors dans la tête et il décida de se renseigner
auprès d'un élève. Ce dernier n'était autre que Daou,
le petit frère de Tintin, son ami qui était en voyage.

- Salut Daou !
- Salut ! répondit Daou.
- N'avez-vous pas entendu parler d'une grève,
toi et tes amis?
- Si, mais...

Celui-ci n'eut pas le temps de continuer que ses amis


le tirèrent par la main pour qu'ils s'en aillent. Daraga
était choqué par cet acte et ne voulut se renseigner
qu'auprès de ses amis dès son arrivée. Il arriva très tôt
à l'école, car il marchait à la vitesse de l'éclair, et
comme il se l'était promis, il se mit automatiquement à
chercher ses amis en commençant par Dédé.
Il se promena alors dans la cour, lançant des œillades
autour de lui. De loin, il vit Dédé assis avec des filles. Il
se dirigeait vers eux quand celui-ci le vit, et d'un
mouvement acrobatique se leva pour le rejoindre. Ce
mouvement était si bien exécuté qu'on aurait cru voir
un masque bobo en pleine danse.

- Mec !ça pisse? dit Dédé


- Wep ! Qu'est- ce- qu'on fait? Les élèves
partent à l'école après ce qu'on a fait hier, répond
Daraga.
- Qu'est-ce-que tu veux qu'on fasse? lui
demanda Dédé.
- Je veux qu'on cherche les autres dans la
cour pour s'unir et passer à l'action.

A propos de leur salutation. Elle était bizarre mais c'est


la règle de leur groupe qui le voulait ainsi. Ils s'étaient
enfin tous réunis et, Daraga, lui, avait retrouvé le
sourire. Une seule chose était dans sa tête, pouvoir
bien parler à ses amis corhme il l'a toujours fait, pour
les mobiliser davantage.

- Chers amis, vous savez tous pourquoi nous


sommes réunis ici. Moi Daraga, j'ai envoyé des
messages hier, pour annoncer la grève. Mais à ma
grande surprise, j'ai vu des élèves se rendre à l'école.
Pour cela, je vous prie encore de vous joindre à moi
afin que nous empêchions les cours de se dérouler.

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Un murmure parcourut la petite foule puis elle inquiets. La plupart d'entre eux possédaient déjà leur
approuva. propre petite maison. Daraga faisait partie de ce lot. Il
savait qu'après avoir fait sa cuisine, sa mère lui
Et comme on a l'habitude de le dire : « La charité bien apportait chaque fois sa nourriture dans sa petite
ordonnée commence par soi- même », donc ils se maison. Donc il ne s'inquiétait pas puisqu'à n'importe
chargèrent d'abord de troubler les cours de quelle heure il pouvait avoir à manger et à bien dormir.
l'établissement où ils s'étaient réunis afin de faire sortir
les élèves des classes. Le soir, alors que le soleil commençait à se cacher
derrière les nuages, Daraga prit le chemin de la
Au moment de se mettre en route, Daraga était surpris maison. Il était si content qu'à chaque dix pas, il levait
de voir parmi la foule un jeune se débattant et, par la tête et regardait le ciel. Il se demandait si Dieu qui
télépathie, il conclut que celui-ci voulait poser des est au- dessus de tout, aimait ce que lui avait fait, puis
questions. D'un geste de la main, il fit régner le silence il répondait lui-même : « Non ! Il ne peut pas aimer
puis lui donna la parole. cela car les autorités religieuses et coutumières du
pays lancent des appels pour condamner cet acte. ».
- Daraga, pourquoi on fait cette grève?
En effet, Daraga était contre celui qui a dit : « Si une
Et sans être répondu, ce jeune fut chassé du groupe personne se réveille le matin, elle doit se demander : «
par Daraga ; Cette question fut alors un sujet tabou. QU'est-ce que je dois faire pour le progrès de mon
Cette question a écœuré Daraga et lui a fait beaucoup pays ? » ; et le soir, se redemander :
peur.
« Ai-je fait ? bien fait pour mon pays ? »
Ils se mirent alors en route, certains à pied, d'autres à Lui, Daraga, le matin entreprend de détruire son pays
moto. Daraga avait pris place derrière Dédé, puisqu'il et le soir se demande s'il l'a bien détruit. Il était content
n'avait pas de moto. On entendait des klaxons partout d'avoir appauvri son pays.
où ils passaient. Dédé roulait la moto avec une grande
vitesse et était surtout admiré pour les acrobaties qu'il Daraga marchait en balbutiant. Plusieurs autres
réalisait avec l'engin. D'ailleurs, c'est lui et Daraga qui choses lui traversaient la tête. A son arrivée, il était
s'étaient mis devant le groupe et servaient en quelque surpris de voir des gens assis devant la porte de la
sorte de guides. Lui et Daraga s'étaient connus en maison de ses parents. Il sut automatiquement que
sixième. Dédé, lui faisait la troisième cette année c'était la délégation du village. Comme chaque année,
tandis que cette délégation venait souhaiter une bonne année à
Daraga, à dix-huit ans, avait laissé l'école pour rester à Koum, son père, de la part de tout le village.
la maison. Pour plaisanter, il disait à ses amis : « j'ai
quitté l'école pour profiter de l'argent de mon père. » Le vieux Bouba, père adoptif de Koum, était chaque
année le chef de la délégation. On l'aimait bien dans le
quartier à cause de ses histoires drôles et de son
attention particulière pour les enfants. Lors de sa
*
première venue, c'était quand Daraga avait un an, les
* * habitants du quartier s'étaient joints au père de Daraga
pour le convaincre de rester en ville. Mais le vieux
A leur arrivée devant les écoles, ils saccageaient tout. Bouba avait refusé car il n'était pas habitué à vivre en
ville, plus encore, il avait au village, sa famille, ses
Des vitres étaient cassées, des élèves blessés, et tout amis, ses quotidiens. Le vieux Bouba est un ancien
cela faisait le bonheur de Daraga. Il était heureux de combattant qui a voulu rester célibataire pour
voir les élèves partir à la maison. Mais cette grève ne différentes raisons. Tous les enfants de Koum sauf
se fît pas aussi sans difficultés pour Daraga et ses Daraga l'aimaient beaucoup pour ses récits sur la vie
amis, car des policiers essayaient de les empêcher de leur père.
d'atteindre leur but. Ces policiers, ne cherchant qu'à
les empêcher ont été blessés, leurs matériels de Votre père est né dans le village de Tibi, disait le vieux
protection cassés. Le parcours des différentes écoles Bouba.ll fut orphelin de père à un an. A huit ans, il
avaient fait que certains élèves s'étaient joints à eux et devait travailler pour subvenir aux besoins de sa mère
d'autres groupes s'étaient formés. Comme d'habitude qui était tombée brusquement malade. Comme dans
cela faisait le bonheur de Daraga. les autres villages, la solidarité régnait entre les
habitants de Tibi. Chacun leur venait ainsi en aide.
En une heure tous les élèves d'une ville avaient rejoint Mais malheureusement, la maladie de sa mère
leur maison. Cette grève se passa au su de tout le s'aggrava et elle mourut. C'est ainsi que je l'ai adopté
monde. Ce jour-là, on ne parlait que de ça. L'heureuse au conseil du village. Il était le meilleur lutteur de sa
nouvelle pour Daraga est lorsqu'il apprit que la police génération et était aussi très rigoureux en ce qui
et les autres personnes n'avaient pas pu identifier les concerne les travaux champêtres. C'est d'ailleurs à
grévistes qui, par précaution, s'étaient attaché des cause de tous ces talents qu'il a pu épouser Fatim,
foulards sur le visage ne présentant ainsi que les yeux. votre mère. Celle-ci avait trop de prétendants à cause
Daraga trouva alors que cette journée fut la plus de sa beauté et de sa gentillesse. Je me rappelle
chanceuse de sa vie. encore le jour de leur mariage ; tout le village était
animé et l'on a dansé jusqu'à l'heure des cérémonies
Après la grève, Daraga et ses amis s'étaient réunis nuptiales où la joie fut à son comble.
sous un arbre où chacun racontait son exploit. Ils
restèrent là jusqu'au soir laissant leurs parents

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Puis, après le mariage, votre père l'amena vivre ici en souriant, se mordaient les doigts car ils auraient aimé
ville. être là ce jour.
venus profiter un peu de l'argent de son père Koum.ll
Du revers de la main, le vieux Bouba essuyait de se promit aussi de s'arranger pour créer un terrain de
petites larmes au coin des yeux. Les enfants, tout guerre entre ses parents et ces étrangers.

Quand il vit tout ce monde, Daraga fit alors tout pour ne


pas se faire remarquer. Il rentra dans sa petite maison
où après le repas, il se coucha. Mais avant de dormir,
Daraga se promit de rendre désagréable le séjour de
ces étrangers qui, selon lui, étaient

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I
I
.

Au premier chant de coq, Daraga sentit que quelqu'un


frappait à sa petite porte. Cette porte était en bois et
était bien vernie. Sa petite maison avait une forme
carrée. Son lit de bambou, lui, était réellement efficace.
Il se leva et se dirigea vers la porte. Il se sentait
vraiment très bien dans sa petite maison. Mais ce
matin, Daraga ressentait toujours la fatigue de la veille.
Pourtant il devait aller faire la grève encore. Il mit alors
deux minutes avant d'ouvrir la porte. « Rejoins- moi sur
la terrasse après la toilette », dit son père. Il alla alors
rejoindre son père dès qu'il finit. Celui-ci était assis au
milieu des étrangers tout souriants. Daraga, se tenant
loin et feignant d'être poli, se plia en deux et échangea
des salutations avec eux. Son père, aveuglé par sa
confiance en son fils n'en fit aucun problème. Ah ! Mon
fils.

Vous le connaissez, non? S'adressa-t-il aux étrangers.


C'est mon fils aîné, Daraga. « Sors avec la moto et
attends-moi. Tu vas m'accompagner pour aller faire
des achats ». En réalité, le père de Daraga voulait
acheter des cadeaux pour tout le village. Quelques
instants plus tard, son père le rejoignit. Ils se mirent
ainsi en route. Le père de Daraga était très connu dans
la ville car à chaque dix mètres, il devait s'arrêter pour
discuter avec une connaissance, ce qui ne plaisait pas
à Daraga.

En arrivant -M
devant une on
boutique de prêt- fill
à-porter, Koum, eul
père de Daraga, !
freina s'a
brusquement. dr
D'une voix es
rauque, il cria : sa
yaro ! -t-
il à
Un homme Da
barbu, habillé en ra
boubou blanc et ga
avec un ventre .
énorme cria à Tu
son tour : Koum, va
mon ami ! Ce qui s
était comique, bie
c'est la petite n?
voix qui sortait - Oui ! fit
en cette masse. Daraga.
Il avait une voix
d'enfant. Il vint Il se retourna
alors serrer la vers koum et ils
main de Koum et entretinrent une
d'un geste la discussion très
secoua. On longue qui
aurait dit qu'il agaçait Daraga.
voulait arracher Ils se rappelaient
le bras de Koum. certains
Cet homme avait événements
réellement de la passés et riaient
force et sa forme jusqu'aux
même le larmes. Ils
démontrait. étaient devenus

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amis, lorsque on aurait dit qu'il
Koum était venu voulait passer
en ville pour d'une grève à
chercher du une guerre ; ce
travail. qui fit que
certains se
Avant d'épouser révoltèrent
Fatim, Koum contre lui et il
était venu abandonna son
d'abord seul en projet. C'était
ville pour intéressant de
travailler. les voir prendre
Comme travail, il conscience de la
vendait des situation et de se
journaux dans la révolter contre
rue. Yaro faisait Yaro. Tout ce
déjà ce travail. Il comportement,
avait donc Yaro l'avait
beaucoup aidé depuis l'école.
Koum. Mais D'aucuns disent
Koum, très que ses talents
ambitieux, avait avaient fait que
réussi à ouvrir sa certaines
propre boutique organisations
où il vendait des terroristes
bijoux. Yaro, lui, l'avaient
alla travailler contacté et que
dans une son refus avait
imprimerie fait qu'on avait
privée. On aurait tenté maintes
dit que le fois de
Directeur s'était l'assassiner. Il
mis le doigt dans était devenu
l'œil en alors un homme
l'embauchant. de paix qui
Lui qui a toujours menait plusieurs
aimé protester, actions pour que
était dans le la paix règne
mouvement dans son pays et
syndical de ce dans le monde.
service.
Dans ce Yaro, lui, il avait
mouvement, il cherché la
était le diable. Il guerre et il a
n'avait jamais frôlé la mort. Et
voulu qu'on s'il avait obtenu
envoie des la guerre ? Ne
lettres au serait-il pas en
Directeur mais ce moment sous
qu'on casse tout. terre ? Oui, en
Pour ces actes, il ce moment Yaro
fut licencié. Il serait mort,
travailla dans crevé de balles
diverses ou pulvérisé par
sociétés mais fut une bombe.
licencié. Il était Yaro trouva alors
reconnu dans la que toutes les
ville de Bobo- choses en
Dioulasso pour relation avec la
ses guerre
protestations. Il conduisent à la
était très curieux pauvreté, au
de nature. Il a malheur et à la
aussi participé à mort.
une grève
dénommée « la
grève de la vie
chère. » Il était La boutique
même à la tête n'était pas
de cette grève. A encore ouverte.
voir ses La discussion fut
comportements, prolongée

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jusqu'à l'arrivée voulait, puis se
du propriétaire. mirent en route.
Ces retrouvailles La veille, Daraga
firent vraiment avait dû courir
plaisir à ces de gauche à
deux amis de droite pour les
longue date. rassembler, mais
Daraga et son aujourd'hui, il
père firent alors s'était fait
les achats et attendre. Cela lui
rentrèrent chez fit vraiment
eux. plaisir car il
trouva que ses
Lorsque chacun belles paroles de
des étrangers la veille avaient
recevait sa part fait un peu d'effet
avec de sur ses amis. Il
l'enthousiasme, se prenait alors
Daraga dit : « pour un
Mais les rassembleur, un
sauvages du grand homme.
village vont bien Sa seule prière
s'habiller! ». en ce moment
Tous les regards était que Dieu
se tournèrent fasse qu'ils
vers lui mais il continuent de
n'en fit aucun sortir
problème. massivement.
Lui-même,
Ces cadeaux Daraga avait
étaient l'habitude de dire
composés que se réunir est
d'habits et de un progrès. Et
chaussures. quand il disait
Après ce cirque, cela, il ne
Daraga se rendit mentait pas.
dans la chambre Mais lui, il
de son père. réunissait pour
détruire et se
« Père, j'ai détruire; blesser
entendu tes pour traumatiser
étrangers dire sa conscience.
que tes cadeaux
n'étaient pas La grève de ce
beaux et qu'avec jour fut plus
tout l'argent que violente que
tu avais, tu celle de la veille.
n'avais pas pu Des élèves et
acheter de des policiers
beaux cadeaux blessés
pour eux ». Son gravement.
père s'était alors Essayer de
mis en colère, mettre fin aux
mais avait su la ambitions d'une
contrôler, car il personne est
ne fit rien. difficile, mais y
arriver est une
Les étrangers de joie totale.
leur coté disaient Daraga venait
« Cet enfant est d'y arriver, car
mal élevé ! » certains élèves
étaient devenus
Content d'avoir aveugles et
fait un drame, d'autres avaient
Daraga quitta la eu des
maison et alla problèmes
rejoindre ses mentaux dus à
amis à l'endroit des chocs reçus
habituel. Ils se sur la tête.
saluèrent
comme la règle On enregistrait
du groupe le au compteur,

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zéro blessé dans après avoir
le groupe des entendu les
grévistes. différentes
Daraga était injures. C'est
devenu un ainsi que le
fonctionnaire qui vieux Bouba fit
ne rentrait à la parler sa
maison qu'au sagesse. En
coucher du observant la
soleil. marche et les
différents gestes
Il rentrait alors à de Daraga, il
la maison, quand conclut que
il repensa à sa celui-ci faisait
question de la partie des
veille. Puisqu'il grévistes. Il
avait eu une s'était ensuite
réponse, il se promis de
redemanda : « Si ramener Daraga
moi Daraga, je sur le droit
suis en train de chemin.
détruire des
millions de Cette nuit-là,
personnes, est- Daraga n'avait
ce-que ma pas pu bien
sanction sera dormir. Quand il
minimisée au fermait ses yeux,
dernier jugement il entendait des
?». Pour cette cris d'enfants. Il
question, il les ouvrait alors
n'avait pas de et sautait de son
réponse. lit. Puis il sortait
de sa petite
maison, prenait
un peu d'air et
rentrait.
La seule fois qu'il
a pu somnoler, il
La nouvelle des rêva de Dédé et
conséquences de ses exploits
de la grève avec la moto.
s'était répandue Cela lui a paru
comme une bizarre car il
traînée de n'avait pas
poudre dans tout l'habitude de
Bobo-Dioulasso. faire ces genres
La surprise pour de rêve. Il resta
Daraga est ainsi pensif
lorsqu'il arriva à jusqu'au matin.
la maison, il Au moment où il
trouva son père s'apprêtait pour
et les étrangers se rendre aux
en train d'injurier toilettes, il vit un
et de maudire étranger qui se
ces grévistes. dirigeait vers là-
Cela mit alors un bas. Il courut
sentiment de alors vers celui-
peur en Daraga. ci et lui donna un
Il salua coup bien
timidement cette appliqué sur le
foule et rentra dos qui le projeta
dans sa petite carrément vers
maison. Daraga, l'avant. Cet
qui n'avait pas étranger se
manqué à toute retourna et sans
rencontre chercher à
d'humilier ces comprendre, il
étrangers, s'était souleva Daraga
en quelque sorte d'un geste
effacé devant acrobatique ;
eux pour passer une poussière
les engloutit,

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puis après la à faire un travail
dissipation de et ne se souciait
celle-ci, on pas des travaux
voyait Daraga se de la maison.
trémousser à
terre. Le père de Comme les
Daraga et les autres jours, il
autres étrangers alla rejoindre ses
vinrent alors les amis. Ceux-ci
séparer. étaient ponctuels
comme une
- Père, vilaine amou-
voyez-vous ce reuse. Il était
que font vos alors content de
étrangers ? fit s'être fait
Daraga. attendre. Mais
- Koum, ce jour-là, une
votre fils est un seule personne
impoli. Depuis donnait réelle-
notre arrivée ici, ment du fil à
ses retordre à
comportements Daraga. C'était
le prouvent. Dédé.
- Oui ! - Il arrive
Cette réponse parfois aux
de la foule était parents de
tellement en laisser les
cadence que enfants
cela énerva le s'expliquer avant
père de Daraga. quoique ce soit,
- Vous fit Dédé. Toi
venez dans ma Daraga, tu as
maison et vous créé ta propre
traitez mon fils grève pour
d'impoli? Qui empêcher les
êtes- vous ? élèves de faire
Ceux qui ne sont cours.
Pourquoi les
pas contents des
empêches-tu?
comportements
- Pour
de mon fils qu'ils
rien ! Par
prennent leurs
simple
affaires et qu'ils
plaisir, fit
se rendent au
Daraga.
village...
- Toi tu
blesses les
Un silence total
élèves et les
régna et chacun
policiers ; tu
rejoignit sa
saccages tout
place. Seul le
dans les écoles
vieux Bouba ne
et même dans la
s'était pas levé
ville. Crois-tu
de sa chaise
que tu ne fais
pendant la
pas du mal à
bagarre, car il
tout ton peuple?
n'avait pas assez
de force. Il s'était
Du jour au
donc assis et
lendemain un
écoutait toutes
chiot devient un
les humiliations
chien. Ne
que son fils
penses-tu pas
adoptif leur
que cette grève
infligeait à cause
peut devenir une
de Daraga. Ce
guerre?
fut alors Daraga
qui rentra le
Aujourd'hui,
premier dans les
certains grèvent
toilettes.
pour des
assassinats,
A dix-huit ans, pour des
Daraga n'aidait mauvaises
jamais son père gouvernances

10
ou différentes donc Daraga
choses. Ne était à saisir.
penses-tu pas
qu'ils doivent Ils avaient
laisser les emprunté une
responsables voie bitumée
s'expliquer, quand tout à
mener des coup, Daraga
actions pour eut envie
s'excuser, au d'uriner. Il
lieu de casser, demanda alors à
de brûler les Dédé de
biens communs s'arrêter. C'est
du pays? ainsi que Dédé,
Ne pense-tu pas profitant de cette
qu'ils doivent pause se mit à
écouter les faire des
différents cris qui acrobaties, se
condamnent les faisant acclamer
grèves ? Ces par les autres.
grèves font Tout à ses
basculer l'avenir acrobaties, il alla
d'un pays, d'une se heurter contre
personne. Elles une voiture et
conduisent à la tomba. Daraga
guerre et ruinent courut alors vers
tout un pays. lui, essayant de
l'aider. Tenant
Daraga était Daraga par la
alors resté main, Dédé lui
bouche bée. Il dit : « Ressaisis-
ne s'était jamais toi pendant qu'il
mis dans la tête est temps, car
qu'un jour Dédé l'avenir de
allait dire toutes l'humanité est
ces paroles et entre les mains
surtout en de chacun. »
présence de tout Puis Daraga et
ce monde. les autres ont dû
Ce qui était fuir à l'approche
bizarre, c'est de la police ;
qu'après ces c'est d'ailleurs
propos, Dédé elle qui fit venir
dit : « Allons-y les secours pour
chers amis, chercher Dédé.
libérons ces Daraga et les
élèves». Ils se autres s'étaient
mirent alors en réunis sous un
route, arbre, ne parlant
klaxonnant et ainsi que de
faisant des l'accident. C'est
acrobaties avec là-bas qu'ils
leurs motos. apprirent la
Hélas, les nouvelle de la
paroles dites par mort de Dédé. Ils
Dédé n'avaient étaient tous
fait aucun effet bouleversés.
sur les autres
amis contents Ce jour-là, les
d'aider Daraga à autres rentrèrent
faire une grève à la maison très
que les tôt. Daraga, lui, il
enseignants et resta sous l'arbre
plusieurs autres jusqu'à la
personnes ne tombée de la
savent pourquoi. nuit où il prit le
Ils n'avaient pas chemin de la
envie de faire maison dans
cours. l'obscurité. Il se
L'occasion que sentait très
leur présentait faible. Mais, il se

11
disait : « je Je n'ai pas aussi
comprends envie de v o n <l<
pourquoi Dédé larmes dans les
me disait ces yeux d'une
paroles ce matin. femme.
Peut-être qu'il
était déjà mort Hélas ! Des
comme les gens hommes et des
ont l'habitude de jeunes garçons
le dire. Son les font souffrir.
destin était déjà Ma participation
tracé, c'est à la guerre m'a
pourquoi malgré donné des
ce qu'il a dit, il preuves : des
nous a suivi. femmes violées,
Donc, le bon tuées et leurs
Dieu condamne- enfants pleurent
t-il cet acte? et meurent de
Pourtant je le faim.
fais pour me
divertir ». Une femme
mérite beaucoup
Il venait aussi de chose. J'ai
d'avoir la refusé le
réponse à son mariage car je
rêve de la veille. pense ne jamais
En rentrant dans avoir les moyens
la cour, Daraga pour lui donner
vit tout un ce qu'elle mérite.
monde assis
autour d'un Les femmes et
grand feu. On les enfants sont
aurait dit qu'on victimes de la
était au village. guerre. Pourtant
Tout ce monde ce sont les
écoutait le vieux hommes, les
Bouba avec plus jeunes garçons
d'attention et qui la créent.
d'admiration. C'est pourquoi à
chaque huit
Il y avait Mars, je prie
quelques voisins pour toutes les
du quartier, les femmes afin que
parents et frères les décisions
de Daraga et prises par les
aussi les autres autorités du pays
étrangers. pour elles
Daraga se joint puissent se
alors à eux. Une réaliser dans
voix se fit l'avenir. Mais en
attendre : « conclusion, moi
Vieux Bouba, le vieux Bouba,
nous t'écoutons je vous dis : «
». celui qui tente ou
qui crée une
Pour la première guerre, n'aime
fois, moi Bouba, pas sa mère, sa
je vous raconte femme, ses
pourquoi j'ai enfants ».
refusé d'épouser
une femme. « La petite foule
Les femmes sont l'acclama car en
nos mères. J'ai voyant ses
alors refusé le gestes avec les
mariage pour le femmes, on sait
respect de nos automatiquemen
mères car un t que c'est un
jour, sans le ardent défenseur
vouloir je peux des femmes.
peut-être d'une Puis chacun
manière ou d' m l ' - rentra se
autre la blesser. coucher.

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Daraga n'avait
pas pu dormir
cette nuit
encore, car il
n'avait pas cessé
de penser aux
propos du vieux
Bouba et de
Dédé.

13
Daraga, en faisant la grève, tente de créer une guerre
ce qui signifie qu'il n'aime pas sa mère et ses frères.
III.

Il resta pensif jusqu'au matin où il décida de ne pas


aller faire la grève. Il resta alors au lit pendant toute la
demi-journée. Il se leva et alla faire sa toilette. Puis il
revient trouver que sa mère avait profité de son
absence pour déposer son repas dans sa petite
maison. Il se demanda : « Avec tout ce que maman
fait pour moi, pourquoi j'essaye de la faire souffrir
chaque jour? ». En réalité, il avait compris que la grève
qu'il faisait pouvait aboutir un jour à une guerre qui
fera souffrir sa mère et les autres femmes. Daraga
trouva aussi qu'avant de faire souffrir sa mère, lui, il
était en train d'appauvrir son pays, ses parents...

Il s'apprêtait à se mettre à table quand il entendit les


bruits d'une moto qui entrait dans la cour. Il crut alors
que c'était un ami de son père et commença à
manger. Quelques instants après, quelqu'un frappa à
sa porte. Il répondit alors favorablement.
- Salut ! Daraga, fit-il.
- Salut Tintin ! répond Daraga. Assois-toi, mon
ami. Quand est-ce-que tu es revenu de ton voyage?
- Hier soir, répond Tintin.

Tintin était un ami d'enfance de Daraga et était aussi


l'enfant le plus apprécié du quartier, car il était poli.
C'était un bon footballeur et il ne se mêlait jamais des
mauvaises choses que Daraga et les autres faisaient.
Il a dû quitter l'école après le

14 25
certificat d'études primaires parce que ses parents Après avoir dansé, il ne restait qu'à passer à table. On
n'avaient pas les moyens. Mais sa politesse avait fait apportait donc aux villageois des plats de couscous et
que des personnes avaient voulu payer sa scolarité. Il de viande quand Daraga, d'une voix assez puissante,
refusa ces différentes propositions car, selon lui, les cria : « Aucun sauvage ne va manger ce repas ». Tous
accepter signifiait infliger une humiliation à ses parents. les regards se tournèrent vers lui. Il se mit alors devant
Mais il se promit de réussir dans sa vie et de venir en sa mère qui apportait le repas.
aide à ses parents.
Cette nuit-là, il a fallu l'intervention de son père et de
C'est ainsi qu'il se rendit à Ouagadougou, la capitale ses amis pour l'amener dans sa chambre. Là-bas, son
pour chercher du travail. Là-bas, il devint un Volontaire père le battit et il se coucha sans manger ni boire. La
Adjoint de Sécurité (VADS). Avec ce travail, il avait pu fête s'était alors poursuivie sans lui.
rebâtir les murs de leur cour, payer la scolarité de son
petit frère Daou et s'acheter une moto. Daraga, lui, Ce rappel avait redonné le sourire à Daraga. Mais lui
n'avait aucune idée du travail que faisait son ami. qui n'avait jamais eu pitié de ces étrangers venait
- Daraga, tu sais? Mon frère m'a parlé de la d'avoir un sentiment de pitié pour eux. On aurait dit que
mort de Dédé. Donc vous étiez allés grever? le monde était à l'envers en ce moment.
- Qui t'a dit que je faisais partie de ce lot? Fit
Daraga. Tintin voulut se rendre à la maison quand Daraga lui
- Tiens ! Je te connais mieux que personne, dit proposa de le suivre. Ils se mirent alors en route. C'est
Tintin. Je sais que tu es le cerveau des grévistes de Daraga qui roula la nouvelle moto de Tintin. A leur
cette ville. Tu quittes l'école de ton plein gré et tu veux arrivée, Tintin trouva que sa mère n'était pas là.
empêcher les autres de faire cours... - Daou! Où est maman? fit-il.
- Tu fais quel travail? demanda Daraga - Elle est partie travailler, répondit Daou. Tintin
- Je suis un Volontaire Adjoint De Sécurité. était étonné d'apprendre que sa mère travaillait car son
père, bien que n'ayant pas de moyens,
Toi, Daraga, je n'ai pas besoin de te poser la même n'avait jamais voulu que sa mère aille travailler. Il allait
question, car je connais déjà la réponse. Je sais aussi même jusqu'à vouloir la frapper quand elle lui parlait de
que ta conscience ne te laisse pas tranquille. Daraga, cela.
tu blesses des personnes innocentes, tu appauvris ton
pays, tu essayes de créer une guerre en faisant cette Les différentes sensibilisations faites par les autorités
grève. Es-tu conscient de cela ? du pays l'avaient-elles fait entendre raison?
Dans ce monde, même les enfants connaissent les
Si non, quelle mouche l'avait piqué? Avait-il su lui-
synonymes de la guerre.
même que les femmes étaient :
- De vraies battantes?
Avec l'âge que tu as, Daraga, te faire chasser par la
- D'excellents chefs d'entreprises?
police, c'est donner une mauvaise image de toi, c'est
compromettre ton avenir.
Tintin avait aussi compris pourquoi tous les membres
de sa famille avaient un peu pris forme. Lui, son maigre
Aujourd'hui, les gens aiment dire que les hommes
salaire ne pouvait pas changer tout à coup la vie de sa
n'aiment pas le travail ; mais crois-moi cela dépend du
famille. Tintin était content maintenant de son père.
travail et de la personne. Je ne veux pas me prendre
Selon lui, il était devenu loyal car refuser qu'une femme
supérieur par rapport à toi, mais le travail que je fais me
travaille est une injustice qu'on lui fait.
donne la joie de vivre.
La mère de Tintin était présidente d'une association de
Grâce à mon travail le taux d'accident à diminué ; tout
femmes qui produisaient du soumbala, des pagnes
cela fait le bonheur des parents en voyant leurs enfants
tissés et plusieurs autres choses. Cette association,
revenir de l'école sains et saufs. Voir ces familles,
comme les autres, avait le soutien du gouvernement.
chaque midi et soir prenant le repas dans la joie me
Chaque membre subvenait aux besoins de sa famille
procure la joie.
et, selon leurs clients, elles étaient à jour et faisaient du
bon travail. Malgré aussi tout le travail que la mère de
Je travaille et j'ai la conscience plus tranquille que toi.
tintin et les autres femmes avaient, elles
Tout simplement parce que je sauve des vies, procure
accomplissaient leur devoir de mère de famille.
la joie aux citoyens et contribue au progrès de ma
Tintin était très content et la seule prière qui lui vint en
nation.
tête était que Dieu fît que chaque homme prît
conscience de la situation et donnât l'autorisation à sa
Daraga, s'il te plait, sauve ton avenir et celui de ton
femme d'aller travailler.
pays, fit Tintin.
Daraga et Tintin étaient restés ensemble pendant un
Daraga, comme d'habitude était resté bouche bée. Ils
bon bout de temps où ils échangèrent. Puis, à la
se lancèrent des regards pendant plus de deux
tombée de la nuit, ils durent se quitter. Daraga, sur le
minutes.
chemin de retour récapitulait les propos de Tintin. Cette
C'est ainsi que Tintin sut que Daraga n'était pas content nuit-là, en arrivant à la maison, Daraga salua tous les
de ses conseils et, pour lui donner un peu de joie, il lui étrangers main dans la main et alla même jusqu'à faire
rappela son cinquième anniversaire. Ce jour-là, on ne une blague qui fit rire le vieux Bouba. On voyait sa
parlait que de l'anniversaire de Daraga dans le quartier. bouche édentée grandement ouverte. Lui seul
Son père, lui, il avait invité des gens du village. Tout le comprenait ce qui arrivait à Daraga. Les autres étaient
quartier était heureux. La fête se déroula dans la soirée. étonnés par son geste de politesse.

26 15
Daraga était lui aussi content de ce qu'il venait de faire.
Il fit même rentrer la moto de son père dans la maison
et rentra se coucher.

Le lendemain matin, Daraga était étonné d'avoir pu


dormir. Ce sommeil n'était rien d'autre que le résultat de
sa politesse. En effet, son geste de politesse de la veille
avait éclipsé ses soucis, ce qui lui avait permis de
dormir.

Ce jour-là, il lava la moto de son père et lorsqu'il cassait


du bois pour sa mère, il se blessa gravement au pied.
Le sang jaillissait par saccade quand on l'amenait à
l'hôpital. Là-bas, on lui plaça un garrot et il dut se
mettre dans la file d'attente. Sa blessure lui faisait
vraiment mal. Des minutes s'écoulèrent et Daraga
tentait de se rappeler l'action qui l'avait conduit à
l'hôpital, quand des personnes entrèrent avec une
jeune fille. Ces personnes avaient quitté un village
lointain pour amener cette fille qui venait de subir
l'excision.

Elle était de teint clair, très belle et avait attaché un


pagne multicolore qui était couvert de sang. Elle
s'appelait Biba.

Il y avait parmi ces personnes, une vieille femme. Elle


avait des yeux rouges, une peau ridée et était drapée
dans un pagne noir.

En réalité, l'excision avait fait plusieurs victimes dans ce


village. Toutes les exciseuses avaient alors laissé les
couteaux suite à des séances de sensibilisation
organisées par le gouvernement, des associations et
des personnes de bonne volonté.

Bien qu'on ait parlé des séquelles de l'excision et des


peines réservées à toute personne qui la pratiquerait,
cette vieille femme continuait clandestinement.

Les parents de Biba lui avaient amené leur charmante


fille. Après l'excision, le sang commença à couler sans
s'arrêter. Les parents voulurent alors amener leur fille à
l'hôpital, mais elle refusa, leur faisant croire que c'était
normal. Les parents n'accordèrent aucune importance à
ses paroles et amenèrent

26 16
leur fille à l'hôpital en ville. C'est ainsi que la vieille
femme décida de les suivre avec l'espoir qu'elle ne sera
pas dénoncée ou dans le cas contraire, que sa peine
sera réduite.

Daraga avait tout à coup oublié sa blessure. Une seule


envie le tracassait, c'était d'aller attraper cette vieille et
de la frapper. Mais il décida de laisser la justice faire son
travail.

Une future femme venait de subir encore une injustice.

La nouvelle qui attrista et qui fit que Daraga pensa toute


la journée aux maux faits aux femmes, fut ; celle de la
mort de Biba. Les parents de Biba rentrèrent au village
avec sa dépouille.

Quant à l'exciseuse, elle fut arrêtée par la police. Les


multiples questions de la police avaient permis à Daraga
de connaître le nom de leur village. Puis il s'approcha
d'eux comme plusieurs autres personnes et leur promit
de venir dans ce village. De retour à la maison, Daraga
rentra se coucher bien qu'il faisait encore jour. Sur son lit
de bambou, Daraga médita, récapitula tous les propos
que ses amis et le vieux Bouba lui avaient dits. Ces
propos, il les considérait comme étant ses soucis.
N'étaient-ils pas le salut de Dieu?

Il pensa à plusieurs autres choses, surtout aux élèves et


aux policiers blessés pendant la grève. Brusquement, il
décida de mettre en pratique les
conseils de ses amis et surtout du vieux Bouba car « un
vieux couché voit mieux qu'un enfant perché sur un
arbre ».

Les jours suivants, Daraga était devenu un excellent


compagnon des étrangers. Il les faisait rire, se faisait
raconter des histoires et mangeait même avec eux. Tous
les étrangers étaient maintenant contents et se sentaient
chez eux. Parfois, Daraga rendait visite à Tintin qui
n'arrêtait jamais de lui faire la morale.

Malgré que Daraga ait refusé d'aller faire la grève, ses


amis continuaient ; ce qui obligea les délégués généraux
des lycées et collèges de Bobo-Dioulasso à fixer une
date pour se rencontrer et discuter de ce problème.
C'était le 20 mai 2012. Cette information tomba dans les
oreilles de Daraga et de Tintin qui décidèrent de s'y
rendre le jour-j, car il était permis à n'importe qu'elle
personne qui voulait prendre part à cette rencontre de
venir.

17 33
Deuxième Partie I.

Des jours s'écoulèrent et Daraga continuait de faire des


miracles à travers son comportement. Lui et Tintin
étaient devenus de bons amis. Ils ne se quittaient qu'à
des heures tardives.

Le matin du 20 mai, pour ces deux amis, c'était une


fête. Ils portèrent de beaux habits puis, munis d'une
feuille et d'un stylo, ils prirent le chemin du lycée
Ouezzin Coulibaly où la rencontre devait avoir lieu. En
route, ils observèrent le silence pour que chacun
puisse réfléchir à certaines propositions qu'il exposera.
A leur arrivée, il y avait déjà beaucoup de monde dans
la salle ; on aurait dit des pèlerins qui font le tour de la
kaaba.

Les deux amis entrèrent alors et prirent place. Dans


cette salle, il faisait un peu froid à cause des
ventilateurs. Ses murs étaient peints en blanc. Devant
l'assemblée étaient déposées une table et trois chaises
sur lesquelles des hommes étaient assis. Il y avait
aussi dans cette salle un tableau très bien effacé.

18
Daraga, lui, il avait reconnu certains visages qu'il avait *
l'habitude de voir à la télévision. C'étaient les autorités
coutumières du pays. Quelques instants après, un
homme habillé en veste noire se mit devant Le succès de Daraga avait poussé l e s délégués à
l'assemblée et, après les salutations d'usage, il rappela penser que l'année prochaine, aucune grève
qu'ils étaient là pour discuter des différentes d'assassinats aussi ne sera observée.
manifestations qui se faisaient dans les écoles. Puis, il
déclara que la parole était à toute personne qui Tout le monde était maintenant content de Daraga. Il
désirerait la prendre. Mais celle-ci devait d'abord lever pouvait alors bien dormir chaque nuit dans son lit de
la main pour se faire interroger. bambou. Il n'avait plus aucun remords.

Ils échangèrent d'abord sur les grèves faites à cause Après le voyage de Tintin, Daraga s'ennuyait seul. Il
d'assassinats, puis sur la grève qui se faisait « on ne repensa à la mort de Biba, l'enfant excisée. La mort de
sait pourquoi? ». cette fille l'avait réellement choqué.

Pour les grèves faites à cause d'assassinats, plus Des jours passèrent et Daraga ne pouvait plus arrêter
précisément celui du journaliste Norbert Zongo, ils de penser à cette fille. Il décida de se rendre dans le
échangèrent pendant une heure et la conclusion fut la village de la fille pour avoir une idée du quotidien des
suivante : habitants, particulièrement des femmes. En réalité, Il
- A partir de cette année scolaire, toutes les voulait aussi tenir la promesse qu'il avait faite aux
écoles doivent considérer le 13 décembre comme un parents de la fille à l'hôpital et voir comment sont
jour de deuil. traitées les femmes dans ce village.
- Tout élève doit savoir que des personnes, des Daraga avait un sentiment de pmo
associations se réunissent chaque année et essayent femmes qui étaient maltraitées, et de mépris pour
de trouver une solution pour que la justice soit faite. les hommes qui les maltraitaient.
Alors, que chaque élève aide ses personnes en restant
calme pour leur permettre de réfléchir. Il voulait devenir comme le vieux Bouba, un ardent
- Tous les délégués présents dans cette salle défenseur des femmes. Mais seulement, lui, il allait
doivent être capables de passer dans toutes les épouser une femme et donner un bon exemple aux
classes de leur école et de parler aux élèves de ces hommes.
deux décisions.
Pour la grève qui se faisait «on ne sait pourquoi?», ils Il prévint ses parents de son voyage. Son père lui offrit
échangèrent pendant une heure. Daraga, dans un une somme colossale pour son séjour et il reçut des
français courant, parla trente minutes ce qui signifie bénédictions ainsi que des conseils de la part du vieux
qu'il donna 50% des idées de la conclusion suivante : Bouba et des étrangers. Sa mère, elle, était contente
- Un de nous, Daraga, va s'introduire dans ce de voir son fils avoir la bénédiction de toutes ces
groupe et essayera de les conseiller petit à petit. personnes généreuses.
- Celui-ci n'agira qu'après avoir reçu des
conseils venant de quelques membres de cette Sur la route, assis dahs un car, Daraga voyait ces
assemblée. Volontaires Adjoints De Sécurité (VADS) dirigeant les
- Donc tout membre doit être capable de citoyens de ce beau pays dans la circulation. Il portait
l'accueillir et de lui parler sincèrement. des habits violets et des casquettes noires sur lesquels
-Aussi, une visite de courtoisie sera rendue aux était écrit en grand caractère « VADS».
familles des victimes par une délégation qui aura à sa
tête des chefs coutumiers. En effet, le Burkina Faso, comme plusieurs autres
pays, avait compris que l'un des moyens de
La réunion se passa dans la joie et tout le monde était développement d'un pays était la préservation de la
content de ces différentes propositions car l'on pensait sécurité de ses citoyens. Pour cela, en plus des VADS,
que celles-ci pourraient mettre fin aux grèves. des routes ont été bitumées, des panneaux de
signalisation placés dans plusieurs endroits et des
Le lendemain, les délégués passèrent dans les policiers prêts à intervenir à chaque moment.
différentes classes et informèrent les élèves. Des
murmures parcouraient les classes, certains élèves
étaient contents et d'autres avaient la mine serrée. Au village, il y a vraiment l'hospitalité, la solidarité et
Daraga, de son coté, faisait son possible pour calmer l'entraide. Daraga, lui qui pensait à l'endroit où il allait
l'ardeur de ses amis. dormir, a été bien accueilli dans la maison du chef. Le
chef du village était très content car c'était la première
Des jours s'écoulèrent et les congés de Tintin tiraient fois qu'il voyait un jeune de la ville venir pour se
vers leur fin. Daraga commençait à maîtriser l'ardeur renseigner sur le quotidien des villageois.
de ses amis.
Un bon jour, Daraga apprit à la fois une bonne et une Cette nuit-là, pour le dîner, au menu, il y avait du
mauvaise nouvelle. couscous et une sauce tomate dans laquelle on voyait
des gros morceaux de viande de mouton. Ils mangèrent
La bonne nouvelle est que ses amis avaient arrêté la dans une bonne ambiance. Celui qui était le plus
grève, et la mauvaise est que Tintin devait encore le gourmand était le dernier fils du chef. Il s'appelait
quitter pour deux ans. Moussa. Sa main allait et revenait dans le plat comme
un forçat. Tout le monde le connaissait sauf Daraga qui
était étonné. Il avait peur pour ce jeune garçon. On

36 19
avait l'impression qu'il avalait la nourriture sans la Il reçut des cadeaux composés d'une chèvre, des
mâcher. poules et d'un sac d'arachide de la part du chef. Il arriva
alors vite et sain en ville grâce aux VADS.
Après le repas, Daraga, le chef et plusieurs autres Quand il rentra dans la cour, un silence total y régnait. Il
personnes s'étaient assis autour d'un grand feu. Le se débarrassa de ses bagages et s'empressa de rentrer
grand griot du chef leur contait de très belles histoires. dans la maison de ses parents. Il n'y trouva que sa
Certaines pour leur apprendre à surmonter des mère et son père.
péripéties dans la vie et d'autres pour les faire rire. - Bonjour père, bonjour mère ! fit-il.
- Bonjour mon fils Irépondit son père très étonné
Puis chacun rentra se coucher. Daraga partageait le de le voir.
même lit que Moussa. Dans ce lit de bambou, Daraga - Où sont passés nos étrangers ? demanda
trouva en ce jeune garçon des qualités. Il ronflait sans Daraga.
cesse, bougeait dans le lit tel un poulet égorgé. Il allait - Ils sont retournés au village, répondit sa mère.
même jusqu'à piétiner Daraga.
Malgré tout, Daraga avait pu dormir car le village est un Daraga resta bouche bée. On aurait dit qu'il venait
lieu de paix et un lieu qui favorise une bonne réflexion. d'apprendre un décès.
Le soir, après avoir savouré une bonne soupe de
Le matin, tout le monde était occupé. Il faisait du beau viande de poule, il raconta à ses parents et à ses frères
temps et un air frais soufflait, faisant ainsi bouger les comment s'était passé son séjour, puis rentra se
feuilles des arbres. Daraga, avec l'autorisation du chef, coucher.
décida d'aller se promener pour satisfaire son but.

Cette promenade fit que Daraga retourna à la maison


du chef très étonné. Chemin faisant, il avait vu des
jeunes filles se rendant à l'école. Des femmes, assises
sous un grand arbre, tissaient des pagnes. Deux ans s'écoulèrent comme l'eau d'un ruisseau. Ces
D'autres, assises dans une grande cour construite par deux années là, on observait toujours des grèves dans
le gouvernement, étuvaient le riz. Il vit plusieurs autres le milieu scolaire. Celles-ci, à cause de l'assassinat du
groupes de femmes faisant d'autres travaux. journaliste Norbert Zongo. Donc les sensibilisations
faites il y a deux ans n'avaient abouti à rien.
Il était aussi très content car, selon lui, le soleil des Daraga avait vingt ans. Il avait grandi en taille et
femmes, précisément d'Afrique, avait commencé à commençait à pousser de la barbe. Tintin, lui, il avait
briller. vingt deux ans et était revenu de son voyage.
Lui et Daraga recommencèrent leur quotidien. Tintin
Oui! Ce soleil avait commencé et continuerait à briller, n'arrêtait pas de parler de son travail à Daraga. Il allait
car les femmes sont battantes et très dynamiques dans même jusqu'à lui demander de faire ce travail. Daraga
le travail. Pour cela, elles pourront toujours faire hésitait beaucoup, mais un jour il décida de croire aux
avancer leur pays et subvenir aux besoins de leurs dires d'un pauvre car ils sont toujours vrais. Il accepta
enfants. la proposition de Tintin et allait faire ce travail. Quand il
en parla à ses parents, seul son père s'était mis en
La nuit, autour du feu, Daraga décida d'avoir plus colère. Il n'était pas d'accord, car vu sa richesse, il
d'informations sur la mort et le déroulement des pensait que son fils devait faire un travail bien meilleur.
funérailles de Biba. Quand il parla de cela, un
sentiment de tristesse parcourut d'abord cette petite Sa mère, elle, était du même avis que lui car quelqu'un
foule. Un silence régna alors pendant des minutes puis qui a refusé toute sorte de travail, s'il décide d'en faire
il fut brisé par le grand griot du chef. «La mort de Biba un mieux vaut le laisser faire. C'est avec ces propos et
a déshonoré notre cher village, fit-il. Nous avons d'autres arguments que Fatim, mère de Daraga avait
pourtant eu du mal à retrouver cet honneur après les pu convaincre son mari. Mais ce fut plus simple quand
victimes que cette mauvaise pratique a faites. Mais Daraga promit à son père que c'était temporairement.
aujourd'hui, à cause de cette vieille sorcière qui est en Faire ce travail, c'était en quelque sorte pour Daraga se
prison, nous sommes pointés du doigt partout où nous donner une punition à cause des maux qu'il avait
passons. Au temps de nos grands parents, celui qui commis.
déshonorait son village était décapité.
Ils préparèrent alors leur voyage pendant plusieurs
En ce qui concerne les funérailles de notre fille Biba, jours, informant le voisinage et achetant diverses
elles ont été bien accomplies. Mon fils, s'adressa le choses.
griot à Daraga : « Nous, habitants de ce village, nous
sommes et resterons maintenant des ardents lutteurs En plus des achats, Daraga voulut préparer son
contre la pratique de l'excision ». Le rappel de ce triste dossier. Le temps ne lui permettait pas. On ne parlait
souvenir fit pleurer les femmes et rougir les yeux des que du voyage de Daraga et de Tintin dans le quartier.
hommes. Chacun rejoignit sa chambre. Daraga apprit II.
aussi que les parents de Biba avaient été eux aussi
arrêtés par la police. Dans le quartier, tout le monde était content de la prise
de conscience de Daraga. Celui-ci avait décidé de ne
Le matin, après le petit déjeuner, Daraga leur annonça plus se faire appeler « Bandjougou », et de commencer
une triste nouvelle. Il devait retourner en ville car, avec à travailler. Lui, il allait travailler pour le progrès de son
la collaboration des habitants du village, il avait pu pays et pour préparer sa future vie de père de famille.IL
atteindre son but. allait chercher à conseiller tous ceux qui sont dans
l'erreur car, malgré qu'un garçon ait projeté son urine

36 20
loin, ça finit toujours par tomber entre ses deux jambes. Les jours suivants, grâce à ses différentes prome-
Daraga voulait devenir maintenant un pacifiste. nades, Daraga s'était fait des amis. Il jouait chaque soir
au ballon avec eux, chose qu'il n'avait pas fait depuis
Les deux amis se rendirent dans la capitale, bourrés de des années. Il commençait à aimer ce jeu qui avait un
bénédictions. Comme Daraga ne connaissait pas très bon coté et un mauvais. Il procure parfois la joie à
bien cette ville, Tintin se chargea de la lui faire visiter. certaines personnes et donne à d'autres l'envie de
s'ôter la vie ou d'ôter la vie à autrui car on peut
Pour pouvoir travailler, il a fallu que Daraga attende s'attendre à tout de la part d'un supporteur après la
que son père lui envoie quelques papiers depuis Bobo. défaite de son équipe. C'est aussi un sport qui
Pour cela, son père se rendit à la mairie pour avoir demande beaucoup de compréhension entre l'arbitre,
l'extrait d'acte de naissance, puis à la justice pour un les joueurs et les supporteurs.
casier judiciaire.
Le football, depuis sa création, a connu plusieurs
Le monsieur qui le recevait, n'était autre qu'un ancien changements dans ses règlements, disait Daraga. Ces
ami. Donc, il obtient alors rapidement ce casier changements se font parfois à l'insu des supporteurs
judiciaire. Puis il se rendit à la gare où il remit ces qui n'hésitent pas à réagir sur des coups de sifflet de
papiers pour Daraga. l'arbitre.
C'est un sport qui, de nos jours relie deux peuples de
Daraga reçut alors ces papiers. Son problème venait races différentes et qui est aussi une source de paix.
d'être résolu. Très heureux, Daraga passa des jours à Plusieurs efforts sont fournis par la FIFA pour le
chercher les autres éléments qui lui manquaient pour maintenir à son statut de sport de la paix.
que le dossier soit complet ; ce qui lui demandait
beaucoup de dépenses. Aussi, que tous ceux qui jouent ou qui sont fans de ce
jeu, sache qu'ils sont des ardents défenseurs de la paix
Ah ! Les jeunes, s'exclamait Daraga. Bravoure à vous dans le monde. Alors, qu'ils soient fair Play sur le
car vous travaillez dur pour avoir de l'argent que vous terrain et tolérants dans les tribunes.
irez ensuite dépenser pour constituer vos dossiers de
candidature. Courage à vous car ce n'est pas du tout Chacun doit fournir de son coté d'énormes énergies
facile. Aussi, sachez que seul ce courage pourra vous pour que ce sport reste une source de paix en
amener loin dans la vie. acceptant sa défaite et en reconnaissant que l'erreur
est humaine.
L'incompréhension dans ce jeu entre les différents
acteurs peut provoquer un drame. Lui-même en est
témoin.

Il était parti au stade municipal de Ouagadougou avec


Il avait pu constituer son dossier de candidature et il ne ses amis pour suivre un match du championnat national
lui restait qu'à aller le déposer. Le jour du dépôt des de première division qui opposait l'ASFA Yennenga à
dossiers, Daraga se réveilla à 2 h du matin. Il arriva au l'USY. Ce championnat qu'il aimait tant et qu'il n'avait
lieu du dépôt à 3 h. Incroyable, il y avait déjà plus de l'occasion de voir que les plus beaux buts de quelques
300 personnes qui avaient fait un rang très long. matches au magazine des sports présenté soit par
D'autres s'étaient drapées dans des pagnes comme Yves Ouédraogo, soit par Cécile Sanou ou par...
des microbes.
Daraga préférait regarder à la télévision car au stade, il
Certaines personnes, assises sur des pierres, sentait que ce serait l'ennui total. Ce stade qui était
somnolaient. «Heureusement que le gouvernement presque vide à chaque match. La fédération burkinabé
cherche des solutions à cette situation », se dit Daraga. de football avait beau dire de sortir massivement, ce
Puis il se mit dans le rang. Plusieurs autres personnes n'était toujours pas le cas.
étaient encore venues après lui. Pourtant, dans les marchés de Bobo-Dioulasso, l'objet
des débats entre les commerçants était le foot.
Malgré l'effort fourni par le jeune Daraga pour pouvoir
déposer son dossier tôt, il dut attendre des heures pour Le match ASFA Yennenga USY se déroulait à merveille
pouvoir le faire. avec une très belle ambiance dans les tribunes quand,
Deux policiers allaient et venaient à l'endroit comme? à la soixantième minute, l'arbitre siffla une faute contre
des vautours qui s'apprêtaient à descendre dans l'USY Les supporteurs jugèrent ça autrement. C'est
l'abattoir. ainsi qu'ils envahirent le terrain et l'arbitre a été conduit
par la police jusque dans les vestiaires.
Daraga partit alors à la maison après le dépôt. Lui et
Tintin habitaient dans un célibatérium où Tintin avait En réalité, un nouveau changement avait été fait dans
loué une petite maison depuis sa première venue à le règlement du jeu à l'insu des supporteurs. Comme ils
Ouagadougou. Il régnait dans cette cour un silence ne le savaient pas, ils ont alors réagi en transformant
total car le loueur était strict sur ce point avec ses cette cuvette constituée pour le foot en un lieu de boxe.
locataires.

* * *

36 21
Parfois les amis de Daraga parlaient en sa présence le
mooré qui est la langue la plus parlée au Burkina puis
riaient des fois. Daraga, ne comprenant pas cette
langue au début, pensait qu'ils l'insultaient. Mais
maintenant, il la comprenait très bien. Il trouva aussi
que ses amis faisaient une bonne chose en parlant
cette langue car, selon lui,

36 22
ils étaient en train de faire honneur à la culture. Il se
rappela aussi les différents jeux olympiques organisés
dans les pays étrangers et de la coupe du monde de
football. Ces différentes compétitions, il les regardait
avec beaucoup d'enthousiasme et de joie. Elles
mettaient en mouvement le monde entier pendant un
bref moment. En ce qui concerne la fin de ces
différentes compétitions, Daraga la regardait avec des
larmes aux yeux. Il savait aussi qu'il n'était pas le seul
à verser des larmes car nombreux sont ceux qui ne
veulent pas qu'elles finissent.

Daraga se préparait alors pour son concours. Il faisait


chaque soir l'endurance et parfois la vitesse.

Très ambitieux, Daraga, réussit brillamment au


concours. Il devait maintenant suivre une formation. Il
devait apprendre à diriger les citoyens à l'aide de
quelques gestes de main. La formation se déroulait
dans une belle ambiance et tout le monde était content.
Ce qui était comique, c'est les gestes de main qu'on
leur apprenait. Mais croyez-le, ces gestes sauvent
plusieurs vies.

Après quelques mois de formation, Daraga était


maintenant apte pour son travail.

Un bon matin, il porta sa tenue violette sur laquelle


était écrit « VADS ». Il était très beau dans cette tenue.
Daraga était très content de porter cette tenue car il
voulait passer un message aux jeunes qui passaient
tout leur temps sous des arbres, en train de boire le thé
et qui ne rataient aucune occasion d'aller protester

Ce matin, il était aussi surpris de voir des femmes qui


balayaient des routes. En effet, elles étaient chargées
par la mairie de rendre la ville propre. Elles portaient
une même tenue. Ces femmes faisaient ce travail avec
une rigueur très ferme. Les balais allaient et venaient
en même temps et avec une rapidité inimaginable. Plus
encore, elles avaient le sourire sur les lèvres.

Daraga pensa à ces femmes restées à la maison,


empêchées par leurs époux de travailler. Il finit en ce
moment par écrire un poème, qu'il garda dans un coin
très sûr de son cœur.
0 ! Telle est la vie de cette hase dans la jungle,
Défavorisée, privée de tous ses droits.
Non ! Cette loi ne peut être appliquée par
L'homme honnête et juste.
Non ! Cette loi ne peut être acceptée
Eloigne-toi de nos sociétés,
Loi ingrate.
Il récita ce poème le long de son trajet pour arriver au
lieu de travail.

Il y avait de l'ambiance. Les citoyens, eux faisaient tout


pour respecter le signe que faisaient Daraga et ses
collègues.

23 51
Le soir, Daraga rentrait tout joyeux à la maison quand
il vit des enfants couchés aux abords du goudron. Ces
enfants n'avaient ni à manger, ni d'endroit pour dormir. 25/03/ И
Nombreux d'entre eux étaient orphelins.

Daraga rentra alors à la maison tout triste. Tintin y était


déjà et, sans le saluer, il lui annonça encore une triste
nouvelle. Puis il se prépara et prit le chemin de la gare. Il ne
cessa à aucun moment de réciter son poème.
Daraga, fit Tintin, «la grève on ne sait pourquoi» que tu
avais réglée a encore recommencé. On attendait le 0 ! Telle est la vie de cette hase dans la jungle,
battement du cœur de Daraga. Lui qui, le matin était Défavorisée, privée de tous ses droits.
très content, se faisait maintenant foudroyer le soir par Non! Cette loi ne peut être appliquée par
de mauvaises choses. Etait-il en train de payer le prix L'homme honnête et juste.
des erreurs commises dans le passé? Non! Cette loi ne peut être acceptée
Eloigne-toi de nos sociétés,
Lui qui avait mis fin aux ambitions de certains élèves et
Loi ingrate.
policiers. Ceux-ci étaient maintenant négligés dans la
société parce qu'ils ont perdu la vue ou la raison. Le
A la gare, il remit la lettre pour ses amis et reprit le
monde ! Pourtant on parle chaque fois de la solidarité.
chemin du travail tout en récitant encore le poème.
Ces personnes que vous avez peut-être vues naître
sans aucune égratignure, et suite à certains
événements elles ont eu ce mal. Ces personnes
innocentes qui sont nées avec ce mal et qui ne savent
d'où cela vient. Daraga rentra se coucher sans manger La petite lettre de Daraga avait encore pu calmer ses
ni boire. Mais, il se promit de régler à nouveau cette amis car, comme on a l'habitude de le dire, on n'a pas
grève. Très tôt le matin, Daraga se réveilla car, l'avenir besoin d'eau propre pour éteindre le feu. Donc, Daraga
appartient à celui qui se lève tôt, dit-on. Il rédigea une n'avait pas fait le déplacement de Ouaga à Bobo pour
lettre pour l'envoyer à ses amis qui grevaient. demander à ses amis de mettre un terme à la grève.
1A алаь^
La première fois, ses amis lui avaient obéi tempo-
^Leceae^ тьеЬ baAdxittcm^ deb jiduA алгисаШ ct deb jiHuA cdn£eu^uAeX rairement ; cette fois-ci, vont-ils lui obéir définitive-
ment ?
Ш
jhi damb da cite die Jl/Lec^do JllxJhu ca diem. JI/LcU/b а ее CJLW
Cette question, Daraga se la posa mille et une fois.
^emte/nd^ me jiembe jvob CJLL boit doL тгепле edcbe ct !£xjcv. З^сьь £ ce Mais, il ne devait pas s'inquiéter car Dieu aide chacun
dans ses différentes démarches ; surtout que lui, il
ceda^ Je ть em vaib ъоил dibe emc&ie ctme^ciA CJUB Ось ^teve mebt agissait pour le bien de tout un pays.
aut/ie cdete сцыипе Ьеилхе de da <jAM&vte.
Ce jour-là, le travail se fit dans l'ambiance comme à
l'accoutumée.
^iiea^riAlcftieb ebt иль dbeit птаь1л tout caMeb mebt рал иль

ЛеъсчЛ;. ^ЦуоиЛ devbie^ bcuvoib cjtte da jietennmits de deb-eut

embte deb mzaimu de cdacum ьсьь cette tetyte. J, errui^ime dejev ejite

venA Aww^ cjete с eut rrwL CJUA, ai сетплтетсеcette c^tem. &t diem^ Tintin et Daraga fêtèrent seuls le 31 décembre, loin de
leurs familles, dans la capitale. Ils se contentaient de
bacde^ efue je da jjaibctlb jwub pdai&lb. ^Auicume inrbju/dlce me r n a quelques photos que leurs parents leur envoyaient
jwaMe ci CJ/L&V&I.
depuis Bobo pour se réjouir.

JlCaJttemde&j pab ad&vb cjtte ее cjui mveot аллмьегоил оиг/илзе Mais, ces derniers jours, Daraga n'avait qu'une seule
chose en tête, retourner dans sa ville natale. La
aaxtmt de teaxjifv. ЖеЬ 4/пЛстът1еь; тгаилхьсьеь цетыхееь... nostalgie de cette ville le martyrisait. Il se rappela des
rues de cette belle ville de Sya. La nuit, celles-ci étaient
i eût jia/iôee dau jvtcmeù^e CJLW <WUA meuvie^ jjoulte ii ou dettœ amA ?
bien éclairées par des lampadaires.
J\/je JIGXXUAÂ^ JWL& de ûejouJv de nrucù> jiaA^nt^J noô, â/iamtj&iû et mob

j ?ièl&ï dcuriyï cette ie№e cite de £ya avec voù Jetb de


Aussi, une belle ambiance régnait dans les bars de
Sya, plus précisément dans le bar dénommé «Tharkail
lie e t L
de boulevard ». Cet endroit, même un enfant de cinq
$e dienru d anmitie c ^uL ncuA umÀl^ 4£UÀ0b^ nrrv écetttely et ans pourrait l'indiquer.

cUiAJet&v cette ^tève JIOLÙI de ÊOTV^ ceci ceôt au cœcvùe de ce dienru cjtw
Daraga réclamait maintenant cette ville, tel un bébé
isouA nrveuve^ ôcti/vi ÛCL/ÏIÛ cdetcÂel a< ÔOASGUV jtou/u- réclame sa mère. Pour cela, il fit une demande
d'affectation. Et, vu toutes les qualités qu'il possède,
Daraga a dû souffrir pour l'obtenir.

3}cbl(L^ab.

53
24
Sur la route de Bobo, assis dans le car et profitant de - Qui t'a dit ça? répliqua son père.
sa petite trêve, Daraga récita encore son poème dans Une délégation non ! mais un griot oui !
son «ventre ».
0 ! Telle est la vie de cette hase dans la jungle, Le village envoie maintenant un griot. Celui-ci ne
Défavorisée, privée de tous ses droits. prenait que quelques heures pour me traduire les
Non ! Cette loi ne peut être appliquée par salutations du village. Il faisait résonner son tam-tam
L'homme honnête et juste. après chaque vœu souhaité. Aussitôt finit, il repartait au
Non ! Cette loi ne peut être acceptée village avec les différents cadeaux que je lui donnais
Eloigne-toi de nos sociétés, pour le village.
Loi ingrate. Tu sais? Mon fils, continua son père. Dans notre
tradition, envoyer un griot chez quelqu'un pour lui
transmettre un message, c'est l'honorer encore plus.
* *
Daraga était maintenant rassuré et il n'avait autre chose
Ses petits frères étaient sortis et l'avaient accueilli à la dans la tête : « Son voyage pour Tibi ! »
porte comme s'ils l'avaient flairé. Ils le dépouillèrent
alors de tous ses bagages et lui souhaitèrent une
bonne arrivée.

Une fois dans la cour, Daraga échangea des


salutations avec ses parents puis rejoignit sa petite
maison. Cette maison qui lui avait tant manqué. Les
murs, les peintures, les chaises, tout lui redonnait la
joie.

Après quelques jours passés à Bobo-Dioulasso,


Daraga avait adopté une autre attitude. Il aimait
maintenant se distraire au tharkail de boulevard. Avec
une bière glacée et du porc au four, Daraga participait
au show qui se passait dans ce bar chaque nuit.
Là-bas, il avait tissé une bonne relation d'amitié avec
les charmantes serveuses de diverses nationalités.
Mais un jour, une seule chose poussa Daraga à
renoncer à ces habitudes : il avait vu un vieux qui
portait des habits en haillons. Ses cheveux étaient
engloutis par la poussière et il se faisait appeler « le
fou ». Les gens l'aimaient beaucoup.

Le fou était un policier très compétant. Il avait participé


à plusieurs opérations et avait fourni d'excellents
résultats. Mais, il fut une victime de la grève « on ne
sait pourquoi » Et, depuis ce jour, il avait perdu la
raison. Père de trois enfants, le fou ne pouvait plus
subvenir aux besoins de ses enfants, de sa femme et
passait tout son temps à se promener dans les rues.

Cette nouvelle venait de bouleverser Daraga.. Une fois


de plus, il regrettait d'avoir fait cette grève. Pour
rattraper un peu ses erreurs commises dans le passé,
il entreprit de construire un centre de loisirs pour les
enfants atteints d'un handicap. Et, comme Dieu chasse
les mouches des bœufs qui n'ont pas de queue,
Daraga eut plusieurs aides. Avec quelques économies
et les aides qu'il a reçues de la part de son père et du
gouvernement, il décida de se rendre à Tibi, village
natal de son père pour y construire le centre.

Une seule chose l'intriguait : ces dernières années,


aucune délégation du village n'était venue chez eux.
Etaient-ils en colère contre lui, contre ses actes
d'impolitesse? Il voulut alors mieux éclaircir cette af-
faire.
- Père ! Pourquoi aucune délégation du village
n'est venue ces dernières années? demanda-t-il à son
père.

53
25
Troisième Partie

I.
Le car s'était garé un peu loin deTibi. Quand Daraga
descendit du car, il vit le vieux Bouba arrêté sous un
arbre.
- Bienvenue, petit Koum, s'adressa-t-il à Daraga.
- Merci, répondit Daraga.

Puis ils prirent le chemin pour rejoindre la case du


vieux Bouba. Ils ne faisaient jamais dix pas sans voir
soit un chien soit un porc très sale qui donnait l'envie
de vomir. Quant au chien, lui était le signe que les
habitants étaient exposés à la rage en cas de morsure.

La vue de ces animaux agaçait le vieux Bouba ; lui qui


marchait maintenant avec un bâton. On voyait dans
ses yeux l'envie de s'exprimer.
- Tout ça m'écœure, s'adressa - t-il à Daraga. Depuis
mon bas âge, j'aime ces animaux. Mais à les voir
traîner dans les rues cela me met dans le doute.
Pourquoi ne pas les garder à la maison pour préserver
la santé des habitants?
- En ville, c'est pareil? demanda-t-il à Daraga.
- Oui, répondit Daraga.

Ces deux Tibi. Elle avait


personnes, tout une forme ronde
en échangeant et était pétrie
des propos, d'argile.
durent parcourir
un kilomètre Le séjour de
avant d'arriver Daraga dans ce
dans le village village
proprement dit. A s'annonçait
Tibi, les cases agréable.
étaient éloignées
les unes des Il allait partager
autres. Mais, il y la case ronde
régnait la avec le vieux
solidarité car les Bouba. Celui-ci
habitants avaient était aussi très
compris que le heureux car
premier Daraga lui
médicament d'un rappelait un peu
homme est son l'époque où il
voisin. La case habitait avec
du vieux Bouba Koum. La nuit,
était située un avant de s'étaler
peu au centre de sur le lit de

26
bambou, Daraga
parla au vieux Quelques
Bouba de ce qui instants après,
l'avait amené à on entendit la
Tibi. Comme il voix du griot: «
possédait déjà Vieux Bouba,
les papiers qui nous t'écoutons !
montraient que la ».
mairie lui - Grand chef
attribuait un de Tibi, chers
terrain et lui conseillers, je
permettait aussi vous ai réuni ici
de construire, il pour vous
voulait main- annoncer une
tenant informer le très bonne nou-
chef du village. velle, dit le vieux
Le vieux Bouba Bouba
était très content, -Aï wah !
mais il prit le firent
temps de bien y ensemble
penser puis il les
promit à Daraga conseillers.
d'aller informer le Ils avaient
chef dès que aussitôt
possible. retrouvé le
sourire.
Daraga se - Un des fils
coucha alors très de Tibi vient lui
rassuré. faire enfin
honneur,
Quant au vieux continua le vieux
Bouba, lui était Bouba. Il veut
sorti cette même construire un
nuit pour aller centre de loisirs
annoncer cette pour les enfants
nouvelle qu'il ne atteints d'un
pouvait plus handicap. Le
garder pour chef et les
longtemps. Il fit conseillers
venir tous les approuvèrent.
conseillers du On aurait dit
village dans la qu'ils attendaient
maison du chef. ce moment bien
Ceux-ci longtemps. Le
arrivèrent un peu matin à Tibi, tout
tristes. Ils bouge. Les
n'avaient aucun hommes, les
sourire sur le enfants et
visage car on ne certaines
parle que de femmes
mauvaises s'apprêtent pour
nouvelles aux aller aux
conseils champs.
précipités.

27
D'autres femmes pieds. Le champ
restent pour du vieux Bouba
préparer le repas était rectangle et
de midi. était entouré par
des arbres.
Daraga et le Malgré son âge,
vieux Bouba le vieux Bouba
faisaient partie avait une
de ces hommes. manière
La Daba sur le particulière
dos, ils prenaient d'utiliser sa
le chemin pour le daba.
champ.
L'herbe encore Que c'était
humide intéressant de le
aspergeait leurs voir !

6 6

28
Le soir, de retour au village, tous les enfants se Il voulut alors faire d'elle sa quatrième femme mais, il
hâtaient pour finir leurs occupations : la nuit, autour décida de patienter et d'observer cette jeune fille les
d'un grand feu, le griot allait raconter de belles jours suivants.
histoires.
Les matins, Fanta faisait des allers et retours de la
ATibi, comme dans plusieurs villages, on ne raconte maison au marigot pour apporter de l'eau à sa mère; le
maintenant les histoires que quelques fois. Donc, canari sur la tête, elle avait une très belle démarche.
aucun enfant ne voulait rater ce rendez-vous. Daraga Puis, elle aidait sa mère à faire la cuisine.C'était les
et le vieux Bouba se préparaient eux aussi pour ce rare nuits que les gens l'appréciaient plus. A la lumière de la
événement. lune, elle dansait très bien au son des tam-tams. Elle
excellait dans tout ce qu'elle faisait.
La nuit, la maison du chef de village débordait de Un peu à l'écart, le griot N'Diané appréciait les gestes
monde. Une animation y régnait : les sons des tam- de Fanta.Un beau jour, il décida de l'épouser. Mais il
tams, les cris et les applaudissements. avait encore fort à faire, car Fanta était courtisée par
un griot plus riche que lui. Il s'appelait Drissa.
Quelques instants après l'arrivée de Daraga et du vieux
Bouba, un homme fit régner le silence. On aurait dit Drissa, très riche, envoyait chaque jour que Dieu faisait
qu'ils attendaient ces deux personnes. Puis, d'une voix vingt litres de dolo, cinq poulets au griot Siaka, père de
assez puissante, il dit : « Griot, nous t'écoutons ». Fanta. Drissa avait honte d'être griot. Il n'avait aucun
point commun avec les autres griots.
« Il était une fois, s'adressa le griot à la foule, une forêt
avait pris feu. Pendant que chacun des animaux Quant au griot N'Diané, lui prenait le temps chaque
cherchaient un refuge, on vit un petit oiseau qui allait matin de rendre une visite au père de Fanta avec qui il
plonger son bec dans l'eau d'un marigot et venait taper échangeait sur les actualités du village.
une petite feuille sèche qui prenait feu. C'est ainsi que Un jour, accompagné de quelques vieux du village,
le lion s'adressa à lui : N'Diané se rendit à la maison de Fanta pour demander
- Que fais-tu, petit oiseau, au lieu de chercher à te sa main. Ils y trouvèrent d'autres vieux qui étaient
mettre à l'abri ? venus de la part de Drissa pour demander aussi la
- Je cherche à éteindre le feu, lui répondit l'oiseau. main de Fanta.

Les autres animaux se mirent alors à rire de lui. Après quelques minutes de discussion le griot Siaka
Moi griot, s'adressa —t—il à la foule, je vous ai raconté décida de donner sa fille en mariage à N'Diané car il
ce petit conte pour passer un message à notre étranger possédait toutes les richesses d'un griot : «le savoir
qui est Daraga. C'est pour qu'il ne se sente pas comme parler et le savoir faire parler son tam-tam ». La date
ce petit oiseau qui ne recevait aucun soutien et qu'il du mariage fut alors prévue pour une semaine après la
sache que nous sommes tous avec lui et que nous le demande de la main car les parents de Fanta avaient
soutenons pour son projet de construction de centre de confiance en leur futur beau-fils et, mieux encore, les
loisirs. C'est vraiment une belle initiative qui donnera le différents rituels pouvaient vite être accomplis.
sourire à nos enfants qui se sentent diminués ».
N'Diané passa alors toute cette semaine à recevoir des
Des grands cris se firent entendre et des tam-tams se cadeaux de la part des habitants du village et du chef.
mirent à résonner. Des griots de quelques villages environnants avaient
Une voix brisa encore ces vacarmes : « Griot, nous fait aussi le déplacement pour lui tenir compagnie
t'écoutons encore ». . durant la semaine. C'est pourquoi sa maison était
« Jadis, dans un village lointain, vivait un grand griot animée à chaque moment.
appelé N'Diané, fit le griot. N'Diané avait non
seulement l'art de s'exprimer, mais aussi de faire parler Ce n'était pas seulement la famille du griot N'Diané et
son tam-tam. Il sauva maintes fois le roi que des celle de Fanta qui étaient en fête, mais tout le village.
prétendants au trône ont essayé de tuer. Grâce à lui,
son village échappa aussi à plusieurs guerres. Il avait Le mariage fut alors célébré avec tous les honneurs
presque tous les honneurs du village. que les mariés méritaient. Les habitants du village
Un jour, il rencontra une charmante jeune fille. Après chantèrent et dansèrent jusqu'à la tombée de la nuit.
s'être regardées, s'être soupesées tels des lutteurs, Quant le griot finit de raconter cette histoire, comme à
ces deux personnes échangèrent des sourires. C'est l'accoutumée, des cris retentirent.
ainsi que N'Diané demanda le nom de la jeune fille. Daraga, lui, était assis calme à côté du vieux Bouba.
- Charmante jeune fille,
comment t'appelles-tu? demanda-t-il. Puis, le griot en tira une conclusion :
- Fanta, répondit la fille.
- Es-tu la fille du griot Siaka ? Autrefois, aucun événement, aucune décision ne
- Oui ! pouvait être prise sans le consentement des griots.
Cela rendit N'Diané tout heureux car Fanta, elle aussi Tout cela, parce qu'ils étaient aimés et respectés à
était une griotte. cause des actes qu'ils posaient. Je vous ai donc
raconté cette histoire pour dire à Daraga qu'il peut
Ces deux personnes se quittèrent après avoir échangé compter sur la sagesse des griots quand il aura des
des propos. Le charme de la jeune fille l'avait envoûté. problèmes dans son centre.

64 29
Après cette petite conclusion, le griot raconta plusieurs * *
autres contes, faisant ainsi ressortir les ruses du lièvre.
Le jour tant attendu arriva.
Tard dans la nuit, chacun rejoignit sa case. Daraga,
couché sur son lit, repensa à la dernière conclusion du
Des autorités communales avaient fait le déplacement
griot : « les griots sont des ardents défenseurs de la
pour venir remercier et encourager Daraga. Ce jour-là,
paix ». Pourtant, de nos jours, la plupart des gens ne
trois personnes avaient soulevé cette pierre de pose
demandent pas leur intervention, leur conseil pour
après le discours de quelques personnes qui se
résoudre des problèmes.
soldaient par des cris et des battements de tam-tam.

Pourquoi ? se demanda Daraga.


Daraga, le chef de Tibi et le maire avaient alors posé la
première pierre du centre sous des applaudissements.
Puis, il s'efforça de dormir car le lendemain, il avait
Après le premier rendez-vous pour poser la pierre, le
rendez-vous avec le directeur de la société qui devait
second était prévu à la maison du chef. Là-bas, chacun
construire le centre.
mangea à sa faim et but à sa soif. Puis, ils dansèrent
au son des tam-tams et des balafons jusqu'au soir.
Daraga parcourut alors des kilomètres pour arriver à la
société qui était un peu éloigné du village.
Son rendez-vous se passa avec succès. En effet, à sa
sortie de l'entreprise, il connaissait déjà la date de la ★

pose de la première pierre. C'était prévu dans deux


semaines.
Des jours passèrent et la construction du centre se
Sur le chemin du retour, Daraga repensa aux femmes
poursuivait très bien. Daraga, lui, avait pris l'habitude
et recommença à réciter son petit poème.
de sortir la nuit pour aller se promener et regarder les
grands arbres de ce village. Il se sentait vraiment très
0 ! Telle est la vie de cette hase dans la jungle,
bien à Tibi.
Défavorisée, privée de tous ses droits.
Non ! Cette loi ne peut être appliquée par
L'homme honnête et juste.
Non ! Cette loi ne peut être acceptée
Eloigne-toi de nos sociétés,
Loi ingrate.

Aussitôt entré dans la case ronde du vieux Bouba,


Daraga lui annonça la nouvelle.

Le vieux Bouba se mit alors en route pour prévenir le


chef du village de l'heureux événement qui se
déroulerait à Tibi. Très content, il se mit à chanter.

O Tibi, Tibi des grands temps, Tibi


des vaillants hommes, Un de tes
fils vient t'honorer, Il vient
t'embellir,
Il vient aussi donner le sourire aux enfants
diminués.
Vieux Bouba annonça alors la nouvelle au chef qui, lui,
chargea le griot de faire parvenir le message aux
habitants.

Ceux-ci l'accueillirent avec de l'enthousiasme car si le


bâtiment va, tout va.

La construction de ce centre allait permettre à


nombreux jeunes garçons d'avoir un peu d'argent en
travaillant comme manœuvres.

Chacun dans le village de Tibi commença alors à


préparer cet événement à sa façon. Certains se ren-
daient en ville pour payer des friperies et d'autres des
tissus pour ensuite se coudre des chemises.

64 30
II.

Comme toute bonne chose a une fin, le séjour de


Daraga était aussi bien à Tibi, mais il devait rentrer en
ville. Oui ! rentrer en ville car ses congés étaient
presque finis et il devait reprendre le service dans trois
jours. Il commença alors à annoncer son départ aux
habitants de Tibi.

Malheur pour malheur, le soir de son départ, le vieux


Bouba tomba gravement malade. Couché dans un lit, il
frissonnait et ne pouvait effectuer aucun mouvement.

Cette nuit-là, une grande peur régnait à Tibi. Le chef et


les conseillers du village se réunirent alors pour
aborder ce problème. Comme à l'accoutumée, il y avait
parmi eux le griot.

- Bonsoir chers conseillers, fit-il.


- Bonsoir au chef de Tibi et à son griot, répondirent
ensemble les conseillers.
- Chers conseillers, continua le griot, vous savez déjà
le but de cette rencontre. Maintenant, nous allons
donner la parole à notre chef...
- Merci griot et merci à vous conseillers d'être
venus, fit le chef. Comme solution pour guérir le vieux
Bouba, je propose qu'on l'amène à l'hôpital en ville. Je
pense que là-bas, les docteurs pourront le guérir. De
nos jours, la médecine fait des miracles. Quelle que
soit la gravité de la maladie,

elle trouvera une aussi grave pour


solution. Chers que vous
conseillers, vous décidiez de
savez déjà, la l'emmener en
parole n'est pas ville ?
bonne dans une - Mon grand
seule bouche, père avait
donc je vous l'habitude de me
laisse réagir. dire, appelle un
chat «chat», fit
Les conseillers le chef. Même si
se regardèrent, la maladie n'est
chacun parla pas grave,
dans l'oreille de devrions-nous
son voisin puis attendre qu'elle
un silence s'aggrave ? ne
régna. Ils devrions-nous
avaient fini de pas battre le fer
se concerter. pendant qu'il est
chaud ? en plus,
- Grand chef le vieux Bouba
de Tibi, fit un est âgé et une
conseiller, sa petite maladie
maladie est-elle

31
II.

pourrait le tisanes que


terrasser. nous lui
- Oui, donnerons si le
répondit un médecin
autre conseiller. acceptait. Dans
Chef, nous vous le cas contraire,
comprenons très nous nous
bien. Mais que contenterons de
diront les leur prière.
guérisseurs de
Tibi ? Le chef avait
- Le vieux alors pu
Bouba a convaincre les
beaucoup fait conseillers.
pour Tibi, fit le Après s'être
chef. C'est un concertés à
homme qui a plusieurs
toujours aimé le reprises, tous
travail et, les étaient
guérisseurs, le maintenant du
voyant couché même avis que
sur le lit, lui. Quant au
auraient voulu griot, lui, il se
lui venir en aide. chargea d'aller
Mais moi aussi passer le
j'ai toujours message aux
respecté les guérisseurs.
coutumes et les
traditions de Tibi Cette nuit-là,
depuis que je deux braves
suis chef et je jeunes s'étaient
continuerai de ainsi rendus en
les respecter. ville pour
J'ai aussi donné appeler les
à chacun la pompiers.
place qu'il mérite Daraga, lui avait
et je continuerai décidé de rester
de le faire. Pour au chevet du
cela, vieux Bouba et
j'ordonnerai au de ne pas aller
griot d'aller à la travailler. Mais,
rencontre des le vieux Bouba,
guérisseurs et très
de leur dire que convainquant,
le chef leur parvint à lui faire
demande changer d'avis.
d'organiser des Quelques
cérémonies de heures après,
prière au nom les deux jeunes
du vieux Bouba. revinrent de la
Il leur ville
demandera accompagnés
aussi de lui des pompiers.
préparer des Ils étaient de

32
II.

grande taille,
portaient des
tenus noires et
des bérets
rouges. Tous
leurs
mouvements
étaient coor-
donnés : ils
soulevaient le
malade de son
lit en même
temps, le
couchaient sur
le brancard, le
soulevaient
aussi avec le
brancard en
même temps...
Il y avait parmi
eux un homme
qui tenait dans
sa main une
radio
transmetteur.
C'était d'ailleurs
lui qui leur
donnait des
ordres. Et ils
l'appelaient
capitaine.
Daraga et le
griot rentrèrent
dans le véhicule
des pompiers
qui démarra
précipitamment.

Comme le vieux
Bouba pouvait à
peine parler, le
capitaine se mit
au côté des
deux
représentants
de Tibi pour
avoir des
informations sur
le malade.

33
- Bonsoir messieurs, s'adressa-t-il à Daraga et au griot. Très tôt le matin, quand Daraga ouvrit sa petite porte, il
- Bonsoir, répondirent-ils. vit une personne assise seule dans la cour : c'était le
- S'il vous plaît je voudrais avoir quelques informations. griot. Et sans lui parler, Daraga fit d'abord
- Nous vous écoutons, répondit le griot. soigneusement sa toilette, puis alla échanger de
- Depuis quand est-il tombé malade? multiples salutations avec lui et rentra dans sa petite
demanda le capitaine. maison carrée.
- Cette nuit même, répondit Daraga. Ses frères, à leur réveil, firent les mêmes actions que
lui : toilette puis salutations. On aurait dit qu'ils avaient
Le griot avait demandé à Daraga de répondre aux reçu l'ordre de leur aîné la veille.
différentes questions car il partageait la même case
avec le malade. Puis, après avoir chauffé le restant de la nourriture de
- Selon vous, qu'est-ce qui avait changé dans ses la veille, le plus jeune fit appel aux deux autres frères
attitudes? avait-il froid? ou bien... et ils s'approchèrent du griot pour prendre ensemble le
- Il avait vomi deux ou trois fois, répondit Daraga, petit déjeuner.
puis s'était couché, commençait à transpirer et, comme
vous le constatez, ne pouvait plus bien parler. Comme Daraga était dans sa petite maison, ils
- Merci ! fit le capitaine en se levant. voulurent alors lui apporter sa part là-bas.

Le véhicule s'était garé dans une vaste cour où des Aussitôt, le rideau se souleva et il sortit de la maison
vigiles étaient à la porte : c'était l'hôpital Sourou Sanou carrée un étranger pour les frères de Daraga. En
de Bobo. Les pompiers rentrèrent avec le vieux Bouba réalité, Daraga avait porté sa tenue violette et sa
dans une maison puis dans une chambre où Daraga et casquette noire; ses frères qui, eux, ne l'avaient jamais
le griot n'avaient pas été autorisés à rentrer d'abord. vu les porter, étaient aujourd'hui très étonnés.
jamais vu les porter, étaient aujourd'hui très étonnés.
Dans cette maison, parmi de nombreuses personnes Ce matin, Daraga refusa de manger et prit le chemin
Daraga vit ses parents qui eux, se dirigeaient vers lui pour le boulevard de la révolution : c'est là-bas qu'il
et le griot. En réalité, les deux jeunes qui étaient venus allait travailler aujourd'hui.
appeler les pompiers avaient aussi prévenu Koum de
la situation. Quant au griot, lui, il allait se rendre à l'hôpital pour
- Bonne arrivée au griot et à mon fils, fit Koum. permettre aux parents de Daraga de venir se reposer.
- Merci, répondirent les deux personnes.
- Où est le vieux Bouba? demanda sa mère. Le soir, après avoir obtenu sa démission, Daraga se
- Dans cette chambre, répondit Daraga en rendit à l'hôpital pour avoir des nouvelles de la santé
montrant du doigt une chambre fermée. du vieux Bouba. Cette démission fut rapide à cause du
- Griot, Daraga, s'il vous plaît rentrez à la maison nombre de prétendants à son poste.
pour vous reposer, fit sa mère.
L'hôpital est si grand qu'il s'y perdit. Mais, cela lui a
Et le père de Daraga leur remit de l'argent pour le taxi. permis d'avoir une idée des comportements de
Une fois à la maison, les deux hommes prirent chacun certains fonctionnaires de l'Etat.
une douche puis mangèrent.
Il longeait un couloir quand il vit dans le bureau d'un
Les frères de Daraga ne comprenant réellement pas docteur les lumières allumées, les ventilateurs en
ce qui se passait, étaient étonnés de le voir ; plus marche. Il n'en croyait pas ses yeux. Il se renseigna
encore, il était accompagné du griot qui était venu les alors auprès d'une infirmière qui lui avoua que le
dernières années saluer leur père au nom de tout Tibi. docteur était parti à la maison. Oui, parti ! Mais pour
Leurs parents étaient sortis sans leur dire où ils faire quoi ? Quelle chose l'avait mis dans la précipi-
partaient et, voilà que leur frère revient du village sans tation pour qu'il laisse tout ce désordre dans son
ses bagages. Sauf que le griot, lui, avait attaché bureau? Daraga se posa et se reposa ces questions.
quelques habits dans un pagne. Mais, Daraga ne
devait pas s'inquiéter car il avait quelques habits dans Ce docteur n'était pas aussi le seul fonctionnaire de
sa petite maison carrée. l'Etat à faire ça ; ils étaient nombreux dans divers
services à contribuer à appauvrir leur pays. Mais
Cette nuit, les frères de Daraga refusèrent de les pourquoi?
embarrasser de questions. Ces deux hommes avaient Daraga se rapela du momment où il était élève. Les
réellement besoin de repos, mais ils durent se coucher élèves, après avoir balayé les classes, devaient
très tard car ils attendaient les parents de Daraga. éteindre toutes les lumières, fermer les portes à clef et
Cependant, comme ces deux personnes ne donnaient apporter les clefs au gardien. Dans le cas contraire, ils
aucune nouvelle d'elles, ils rentrèrent alors se coucher. étaient punis par les maitres.
Daraga, couché sur son lit, pensait à son travail. Il
voulait démissionner pour s'occuper maintenant des Ce soir-là, Daraga avait retrouvé la chambre du vieux
enfants atteints de handicap. Aussi, il avait promis à Bouba. Il y trouva un jeune garçon qui était venu de
son père que ce travail, il allait le faire pour quelque Tibi pour prendre des nouvelles de la santé du vieux
temps seulement. Alors, le moment n'était-il pas venu Bouba dans le but d'informer le chef et les habitants. Il
pour démissionner ? Daraga réfléchit pendant y avait aussi une délégation du quartier de Koum, père
quelques heures et finit par prendre une décision : il de Daraga. Le vieux Bouba se sentait mieux et pouvait
allait démissionner dès le lendemain. maintenant bien parler. Il échangea aussi des propos
avec ses visiteurs et rit jusqu'aux larmes.

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Des jours passèrent et la santé du vieux Bouba
s'améliorait. Et, sous l'ordre du médecin, il quitta
l'hôpital pour la maison des Daraga.

Il y passa alors quelques jours, recevant ainsi des


soins et des cadeaux de la part des habitants du
quartier.

Comme chaque fois quand il venait en ville, cette fois-


ci aussi, le vieux Bouba racontait des histoires aux
gens et redonnait le sourire aux enfants qui pleuraient.

Les histoires étaient encore plus intéressantes car il


n'était pas seul : il y avait aussi le griot qui, lui aussi,
racontait de belles histoires.

Tibi, ses us et coutumes, son ambiance et ses


habitants, tout cela manquait au vieux Bouba et au
griot. Ils décidèrent alors d'y retourner.

Daraga, après avoir parlé de sa démission et de ses


ambitions futures à ses parents, les suivit.

A leur arrivée, ils se rendirent d'abord à la maison du


chef où ils y trouvèrent plusieurs guérisseurs.

Devant chacun d'eux était déposée à terre une


calebasse de dolo.
Ils les saluèrent alors tous et prirent place. Pendant
quelques minutes régna un silence total, qui fut brisé
par le chef.
Chers guérisseurs, fit-il, je vous ai réunis ici pour vous
remercier à cause des différentes prières que vous
aviez faites pour que notre vieux Bouba retrouve la
santé. Aussi, comme on a l'habitude de dire que
personne n'ose montrer son village avec la main
gauche, sachez que moi aussi je respecte et je
respecterai chaque fois votre statut.

Si on n'a pas fait usage de vos tisanes, c'est à cause


du docteur qui voulait qu'on ne lui donne que les
médicaments prescrits.

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Sur ce, je vous remercie encore pour votre compré- directement au centre pour lui annoncer la bonne
hension et vive notre village, Tibi des grands temps. nouvelle.

Le centre avait été achevé. Daraga, lui avait pu acheter


plusieurs jouets. Il recevait maintenant les enfants à Le soir ils rejoignirent le vieux Bouba à la maison.
qui il apprenait d'abord comment manipuler ces jouets Après le repas, celui-ci, fragilisé par sa vieillesse rentra
et ensuite leur permettait de jouer avec. Il y avait se coucher. Kodjo et Daraga échangèrent alors
plusieurs jeux et chaque enfant jouait en fonction de pendant un bref instant puis s'endormirent. C'est ainsi
son handicap. Il faut dire que ces enfants aimaient bien qu'il lui fit savoir qu'il était né en Côte d'Ivoire. Daraga
les jeux qu'ils faisaient car leur nombre ne faisait en était ravi.
qu'augmenter de jour en jour, ce qui fit que les aides
que Daraga obtenait se multipliaient aussi. Le vent froid du matin soufflait déjà sur Tibi quand
Daraga, le vieux Bouba et Kodjo se rendirent chez le
Ce qui a le plus touché Daraga, c'est la visite des chef. Ils y trouvèrent le grand griot qui était venu parler
représentants de l'UNICEF qui lui ont offert des jouets au chef de tout ce qui se passait dans le village. Après
plus instructifs. Il fut même invité en Europe par ceux- les salutations d'usages, la présentation de Kodjo fut
ci. Ce fut un voyage précipité, mais le séjour de faite. Le griot, après avoir su où celui-ci était né,
Daraga fut agréable. commença à l'appeler "ivoirien de Tibi". Ce nom devint
très populaire. Partout où il passait, on l'appelait
Là-bas, il participa à de nombreuses conférences et à ivoirien de Tibi. Sa gentillesse fit qu'on commençait
des dîners organisés à son honneur. Il reçut aussi une aussi à l'apprécier et tout le village l'avait maintenant
somme colossale. Daraga, lui qui ne voulait qu'aider adopté.
les enfants atteints de handicap commençait aussi à
faire fortune. De retour à Tibi, en lieu et place de la
case ronde du vieux Bouba il fit construire une maison
moderne. Cette maison était très belle de l'extérieur
comme de l'intérieur.
Il offrit aussi des cadeaux ;i eus mil Tout allait bien dans le village de Daraga. Chacun était
dans son centre et aux h.-ibii.mK <i. i occupé par son travail. Le gouvernement, à travers
était devenu richeetcontinu.nlM i
i
des ONG, continuait aussi à sensibiliser sur
aux enfants atteints de harulieip I « l'émancipation et l'autonomisation des femmes. Il
l'honorer et le remercier poui luui « • ■ « p i M i H . attirait l'attention des femmes sur certaines maladies
chantait une très belle chanson tels que le cancer des seins et du col de l'utérus car,
pour pouvoir bien travailler et occuper de grands
Oh ! Merci Seigneur Merci postes il faut être en bonne santé. Il leur demandait
Seigneur aussi de veiller à la santé de leurs enfants en abordant
Merci d'avoir donné à Tibi un lui hh Tu la question des mesures préventives. Cela faisait le
rends joyeux tes frères Merci Daraga bonheur du village de voir le nombre de décès
Tu essuies les larmes de tes mères Merci diminué.
Daraga
Nous te bénissons Daraga. Que Le tam-tam du griot s'était mis à résonner un beau
Dieu te protège AMEN matin. Il réveilla tout le village par l'annonce d'une
Qu'il t'accorde une longue vie AMEN. triste nouvelle : « les maîtres de l'école de Tibi et
Daraga était content d'avoir ce nom, car paiiuui • Tibi, certains parents d'élèves étaient venus la veille
ce nom était prononcé avec un grand respect et une annoncer au chef l'abandon d'école de dix élèves pour
grande considération. se rendre sur des sites d'orpaillage ».

Il était alors demandé à toute personne de bonne


volonté d'aider les parents à faire revenir leurs enfants
dans le village. Cette nouvelle venait de bouleverser
Daraga et son ami Kodjo. Ils prirent alors l'engagement
Un beau jour, Daraga reçut dans le centre un jeune de de faire l'impossible pour que ces enfants reviennent.
son âge du nom de Kodjo. Celui-ci était venu de Bobo Quelques renseignements leur permirent de connaître
pour visiter pendant quelques jours ce centre dont il la localité où se trouvait le site. C'était à Tchin. Des
entendait beaucoup parler. Il voulait aussi profiter lettres leur avaient été envoyées pour les supplier de
féliciter Daraga pour son action humanitaire nitaire. revenir et même le griot s'y était rendu. Mais ces
Comme il n'avait pas d'endroit pour dormir, Daraga alla enfants refusèrent. Puis, un mois plus tard, quand on
demander au vieux Bouba s'il pouvait venir habiter ne parlait plus d'eux dans le village, ils revinrent avec
avec eux. Le vieux Bouba, après avoir longuement beaucoup d'argent mais tous souffrants. En réalité, la
réfléchi, finit par accepter à condition d'aller le faim, la soif, la poussière, l'utilisation des produits
présenter au chef le plus tôt possible. Daraga se rendit chimiques et la consommation des excitants les
avaient rendues gravement malades.

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Les huit enfants décédés avaient été enterrés. Après
Et dans quelques jours, huit d'entre eux étaient morts. quelques jours de deuil, tout était redevenu normal à
Qui aurait donc cru que les utilisateurs des produits Tibi. Des soirs, on se rendait à la maison du chef pour
chimiques sur ces lieux savent non seulement qu'ils se faire conter de belles histoires par le griot. Celui-ci
dégradent l'environnement mais aussi que leur santé n'arrêtait pas de donner des conseils mais aussi de
est en péril ? Hélas, leur cupidité les entraine à faire rire. Kodjo aimait bien tout cela. Hélas, il devait
l'ignorance. Les deux qui ont survécus affirmèrent avoir retourner à Bobo pour y retrouver sa famille.
eu la chance car, dans un mois ils avaient pu découvrir
de l'or. Pourtant, d'autres y passent une année sans Une grande fête fut alors organisée à la maison du
découvrir de l'or. chef pour célébrer le départ de l'ivoirien de Tibi. A
cette occasion, les mots de remerciements furent dits
Mais pourquoi de la chance ? se demanda Daraga. Ne par le chef. Ce fut encore une occasion pour lui de
dit-on pas que qui va lentement va sûrement ? Mais cribler Daraga et son ami d'épithètes honorifiques.
pourquoi vouloir précipiter son avenir en quittant l'école
pour se rendre à ce lieu ? Ivoirien de Tibi, fit-il, je te remercie au nom de mon
village pour avoir respecté nos coutumes et nos
Ne dit-on pas aussi qu'aucune somme d'argent ne habitants. Nous te souhaitons bon voyage et sache
mérite qu'on meure pour elle ? Mais pourquoi ne pas que la porte de Tibi sera toujours ouverte pour toi. Je
sauver sa vie en poursuivant ses études ? Telles sont profite aussi remercier Daraga car c'est grâce à lui que
les différentes questions qui traversaient l'esprit de nous avions eu un tel ami. Que Dieu lui accorde une
Daraga. longue vie pour qu'il continue à donner le sourire à nos
enfants handicapés. Merci.

Zita Romaric SANOU est né le 15 Avril 1998 à Bobo-Dioulasso.


L'année scolaire 2014-2015 l'auteur est en seconde "A" au Lycée Municipal Vinama Thiemounou Djibril (LMVTD) et est à son
Premier roman.

BP : 236 Bobo-Dioulasso 01 Tel : 00226 20 97 23 14 Cél : 00226 77 23 49 48 72 31 89 34 BURKINA-FASO

Daraga incitait généralement ies établissements à faire des grèves. Puis, il vint un moment où il décida d'arrêter « la grève on ne
sait pourquoi ? », une grève dont on parlait dans toute la ville de Sya et même au-delà.

En réalité, des événements comme la mort de son ami Dédé, qui s'étaient produits pendant cette grève; l'ont beaucoup fait
souffrir. Aussi, les sages conseils du vieux Bouba et certaines circonstances de la vie quotidienne le poussèrent à vouloir gagner
honnêtement sa vie en travaillant. Mais son père, un riche homme ne le voulut pas. Heureusement que Daraga pouvait compter
sur la gentillesse et la compréhension de sa mère qui réussit à convaincre son père de le laisser travailler. Ce travail l'amènera à
s'amender en posant des actes appréciés ...

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