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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

RÉCIT

FANTASTIQUE
ou de

De la première à la dernière ligne, le texte qui suit est une


fiction. Toute ressemblance avec des personnages existants ou
ayant existé ne peut être que fortuite.
Quant aux faits, il se peut que vous trouviez certaines
ressemblances avec des faits qui effectivement existent dans
notre monde, sous toutes les latitudes.
Mais les évènements développés dans cette histoire ont
été aménagés selon la fantaisie de l'auteur et n'ont rien à voir
avec la réalité.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Paris – Lundi 21 octobre 2019

Pas la peine d'être le mois d'octobre le plus chaud jamais


enregistré depuis Mathusalem pour vivre ce jour maussade où
la pluie n'a pas cessé de tomber. Lucas Lemoine n'est pas sorti
de son appartement de la rue de Trévise de toute la journée.
Lucas est un Geek1. Il est passionné par tout ce qui est
informatique, réalité virtuelle et intelligence artificielle. Il vit
physiquement dans le même monde que vous, mais lorsqu'il
s'assied devant son écran, il voyage dans un autre univers qui
vous est totalement inconnu.
Le monde de la technologie d'avant-garde du vingt-et-
unième siècle en France.

Lucas est né le 1er avril 1988, il a 31 ans. Il vit seul.


Pas de parents, pas de femme, pas d'enfants, pas de
cousine, pas de cousin, pas de copine, pas de copain, pas de
chien, pas de chat, pas d'oiseau, pas d'animaux d'aucune sorte.
Personne à sortir, à se préoccuper, personne avec qui parler.
Mais pas de panique, au vingt-et-unième siècle, la
solitude, ça n'existe pas. C'est presque vrai, tout s'achète et
tout se vend ! Paroles de vrais marchands.

D'abord, il y a la radio, la télé et la lecture.


Lucas lit beaucoup de livres techniques sur
l'informatique. Il communique avec quelques passionnés. Des
gens qu'il n'a jamais vus et qu'il ne connaît qu'à travers des
pseudos farfelus sur les forums spécialisés qu’il fréquente.
C’est cela qui le maintien au fait des progrès, tant au niveau du
1
Un geek est une personne passionnée par l'univers technologique, scientifique voire imaginaire, de
l'informatique. Le geek est inépuisable quand il s'agit de parler de ses films préférés, de ses BD culte, de jeux
vidéo, de jeux de rôles, de sciences ou d'informatique.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

hard2 que du soft3. La technologie informatique galopante du


futur arrive à la vitesse de la lumière, tous azimuts. En Europe,
aux États-Unis, en Corée du Sud, à Taïwan, et ailleurs dans le
monde entier, quel que soit le domaine, on ne parle plus que
d’intelligence artificielle. Les robots se développent d’une
manière exponentielle, du presse-citron à la station spatiale.
Tous les domaines sont concernés, Lucas sait à peu près tout
sur ce qui existe, ce qui est à l’étude, et ce qui va bientôt
arriver. L’évolution des machines va plus vite que les jours qui
passent.
Parfois, il sort.
Des centaines de bars sont ouverts, avec des gens pour
vous accueillir, de la musique, de la lumière vivante, une
lumière qui s'exhibe, violente, et qui s'atténue selon le bruit,
jusqu'à s'éteindre, s'endormir. L'ambiance est une entité qui
qui se crée, qui vit et qui meurt. Elle induit vos pensées ou elle
les accompagne, je n'ai jamais su. Une ambiance qui laisse
dans la mémoire, le goût inoubliable, frivole et volatile de
certains verres du temps d'un instant. Partout des cinémas, des
théâtres, des cabarets, des salles de sports, des salles de
spectacles en tous genres présentent inlassablement des
artistes du monde entier, de plus en plus fantastiques. Et si
vraiment ça ne suffit pas, si véritablement vous voulez
ressentir cette vibration qui nous vient du fond des âges, ce
plaisir à la source de la vie, alors, dans certaines rues de Paris
et du monde entier, des filles dites « de joie » sont prêtes
moyennant quelques euros à vous apporter "un peu de joie".
C'est vrai, la solitude, ça n'existe pas !
Encore faut-il avoir un peu d’argent.

2
Matériels
3
Logiciels

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Lucas est seul. Très seul !


Pourtant, s'il n'a pas d'ami, il a un ennemi : Ali !
Ali Gator !
Ali Gator est un Geek malfaisant qui crypte les données
des disques durs des machines des petits et moyens
cybernautes pour s'exercer, afin de pouvoir s'attaquer aux
disques de sociétés plus importantes et mieux protégées. Et
ainsi pouvoir demander une rançon pour décrypter les disques
et libérer les données.
Lucas connaît bien Ali Gator, il a fait ses études dans la
même école d'informatique que lui.
À l'époque, Moussa Tabar (c'est son nom de naissance) et
Lucas étaient les deux meilleurs copains du monde. Chacun
essayait de s'introduire dans l'ordinateur de l'autre, par jeux,
pour s’exercer. C'est comme ça, qu'ils sont devenus des
hackers très compétents. C'est à cette époque que Moussa prit
le pseudo d’Ali Gator.
Moussa est Burkinabé4, il a, à quelques semaines près, le
même âge que Lucas. Son deuxième prénom est Ali, c'est
parait-il le prénom de son grand-père paternel. Il a choisi ce
prénom pour en faire son pseudo sur la toile. Ali Gator c'est
surtout pour le jeu de mot, mais aussi pour l'agressivité du mot
soutenue par l’hostilité de la bestiole qui n'est pas réputée pour
son empathie.

Fort de ses compétences, Moussa avait très vite compris


qu’il pouvait gagner beaucoup d’argent en trichant sur les
origines des pannes auxquelles il était confronté chez les
pauvres clients qui faisaient appel à ses services. Il n’hésitait
pas à facturer des éléments qui n’étaient pas en panne, juste
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Habitant du Burkina Fasso

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

pour gagner de l’argent. Lucas n'était pas d'accord avec cette


façon de faire : vivre malhonnêtement de ses compétences en
informatique. Ils se sont séparés au début des années 2010.

Moussa passait des petites annonces dans les journaux


gratuits ou sur les panneaux des magasins du quartier. Il
proposait ses services d'informaticien : installation de logiciels
ou de matériels et dépannage. Mais les gens ne savaient pas
que c'était lui qui s'insinuait dans les box du voisinage et qui
mettait leur machine en panne. Il était connu, dans le quartier
en tant que technicien en informatique, ses compétences
étaient reconnues, et forcément, c'est lui que les gens
appelaient en cas de problème.
Mais un ingénieur en informatique s'aperçut de son trafic
et le dénonça à la police.
Après quelques ennuis avec la justice, Moussa est
retourné s'installer dans son pays d'origine. À Bobo Dioulasso
au Burkina Fasso, pays où il est difficile d'extrader quelqu'un
pour des petits larcins ou de petites escroqueries. Mais Bobo
Dioulasso, bien que deuxième ville du pays après la capitale
Ouagadougou, centre d'affaires important d'Afrique Centrale
reliée à Abidjan en Côte d'Ivoire par le train est trop
développée, trop organisée pour Ali Gator qui préfère des
villes où les instances administratives ne sont pas encore en
place. À Bobo Dioulasso, ville de sable en territoire semi-
désertique, beaucoup de routes sont goudronnées. Il y a des
buissons de fleurs, des arbres du voyageur et des palmiers
partout.
Depuis Ali Gator est devenu un « Brouteur », c'est
comme ça que l'on appelle les Geeks qui montent des petits
stratagèmes informatiques qui leur permettent d'escroquer les
internautes.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Lucas doit faire très attention, parce que Ali Gator tente
constamment de s’introduire dans le disque dur de son
ordinateur. Ali est capable de trouver un mot de passe de huit
caractères en moins d'une journée. C'est pour cela que Lucas a
mis au point un mot de passe indéchiffrable de 37 caractères
qu’il connaît par cœur et qui ne sont notés absolument nulle
part. Il faudrait plusieurs années pour déchiffrer une
combinaison de trente-sept caractères dans un choix de Cent-
vingt-huit caractères avec l'option de pouvoir mettre plusieurs
fois le même caractère.

C’est un secret, ne le répétez à personne, mais Lucas n’a


jamais eu de petite amie. C’est une péripatéticienne très jeune
et très jolie de la rue de Provence qui lui a fait connaître le
charme des femmes. Mais il n'ose pas aller la voir aussi
souvent qu'il le voudrait parce qu'il a peur qu'elle le prenne
pour un pervers. Il est trop timide pour changer de fille à
chaque fois. Mais de toute façon, il n'a pas les moyens d’aller
la voir trop souvent. En vérité, il est amoureux de cette jeune
femme. Elle s'appelle Sophie.

Lucas est un voyeur. Il aime espionner ses voisins et plus


particulièrement ses voisines. Il aime s'insinuer dans les
systèmes vidéo du voisinage, vidéo de magasin, vidéo de
particuliers, tout est bon à regarder. Voir les gens vivre leur
intimité, connaître leurs petits secrets, c'est le but, mais le plus
souvent, c'est inintéressant, les scènes recherchées se passent
dans la chambre, sous les draps, lumières éteintes.
Le sexe, c'est le sel et le poivre de sa vie.
Alors, souvent, il regarde des films pornographiques
américains qui permettent d'apprécier une scène érotique sous
plusieurs angles de vue. Les acteurs œuvrent en pleine

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

lumière. Bien sûr, au paroxysme de son émoi, il se caresse


d'une main et manipule fébrilement la souris de l'autre. Il n’a
pas de webcam branchée sur sa machine afin d’éviter que des
gens comme Ali Gator puissent en prendre le contrôle.

Il est environ dix-huit heures, la nuit tombe déjà, mais il


s'en fout. Il est au cœur d'un moment d'extase dans la
pénombre de son appartement dans les reflets bleutés qui
scintillent sur son écran au rythme de l'action, lorsque l'on
frappe impérativement à sa porte. Ce n'est pas la façon de
frapper d'un voisin qui vient voir si vous pouvez le dépanner
d'un citron ou de quelques sucres. Non ! C'est la façon de
quelqu'un qui vient avec un grief et des intentions
belliqueuses. On ne peut pas ne pas ouvrir à cette façon de
frapper qui sous-entend que si on n'ouvre pas, le frappeur va
casser la porte. Vite, c'est la panique dans sa tête, il éteint son
ordinateur, range son sexe dégoulinant dans son slip et
remonte à la hâte son pantalon, le temps presse. Paniqué, les
joues et le front empourprés, il va ouvrir. Deux hommes et une
femme, armés de pistolets, sont devant lui. Ils le saisissent, et
avant qu'il ait pu faire un geste ou dire un mot, ils lui mettent
les menottes en exhibant leur carte de police et en lui
signifiant qu'à partir de cet instant, il est en garde à vue sans
lui donner la moindre explication malgré ses demandes
répétées.
Après une courte visite de son appartement pour voir s'il
n'y a personne d'autre. Les flics, puisqu'apparemment ce sont
des flics, s'intéressent plus particulièrement à ses vêtements, à
ses chaussettes et ses chaussures. Lui posent des questions, à
savoir si tous ses vêtements sont là, s'il n'y en a pas au lavage,
chez le teinturier, ailleurs, idem pour les chaussures. Il leur
confirme que tout est là !

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Ils finissent par saisir l'unité centrale de son ordinateur et


son téléphone portable, ferment son logement avec ses clefs,
descendent les deux étages de son immeuble sous les regards
ébahis de ses voisins et l'emmènent dans une voiture de police
qui les attendait là, dans la rue.

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Le voyageur de l'autre monde


2ème partie

Fernand Fallou

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On a installé Lucas dans une grande pièce absolument


vide, si ce n'est qu'il n'y a qu'une table et deux chaises. Aucune
fenêtre. Seule une baie vitrée opaque sur le même mur que la
porte permet probablement à des observateurs qui seraient de
l'autre côté de voir ce qui se passe dans cette pièce. Plusieurs
caméras sont suspendues au plafond.

Derrière cette vitre sans tain, une jeune femme, Li-Yang,


regarde ce jeune homme sans aucune émotion. Elle le regarde
sous plusieurs angles de vue sur les écrans des caméras, ses
cils ne vibrent pas, ses mains ne tremblent pas, sa voix est
sûre… Elle ne connaît pas ce monsieur.

Ça fait longtemps que Lucas attend seul dans cette pièce.


Au moins deux bonnes heures. On lui a pris sa montre, son
téléphone, sa ceinture et ses lacets. Il est préoccupé, on lui a
dit qu'il était là pour avoir fomenté un attentat. Ça le rassure et
ça l'inquiète. C'est sûrement une erreur, ça ne peut être qu'une
erreur, il n'a jamais fomenté d'attentat.

La seule chose qu'on pourrait éventuellement lui


reprocher c'est de réaliser des copies illégales de logiciels, de
films, de musique et éventuellement d'aller sur des sites
pornographiques bien que cette dernière activité ne soit pas
interdite.

Enfin, un homme rentre dans la pièce. Il a une allure


athlétique, un visage et un sourire sympathique, en jean, une
chemise ouverte, les manches retroussées sur des bras poilus
de bûcheron. Il n'a pas d'arme. Le style grand frère qui va
arranger tout
-- Bonjour, je suis l'inspecteur Thierry Bassaro

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Il s'assied en face de lui et pose une chemise rouge devant


lui. Il regarde sa montre.
-- Oh, putain, il est déjà neuf heures, t'as rien mangé, tu veux
un sandwich et peut-être que tu veux boire quelque chose
de l'eau, de la bière, un coca… Dis-moi ce que tu veux et
je te le fais amener.
Lucas profite de l'aubaine pour commander un jambon
beurre et un coca.
Le flic en face reste silencieux jusqu’à ce qu'on lui amène
ce qu'il a commandé.
-- Bon écoute, je n'aime pas questionner quelqu'un qui mange,
alors, je te laisse dix minutes, je reviens tout à l'heure, et
on s'occupe de nos affaires.
Là-dessus, il sort de la pièce en laissant sa chemise rouge
sur la table.
Lucas mange son sandwich goulûment, il avait faim. Bref !
Il avait soif, aussi. Il a fini. Silence total. Il se doute que de
l'autre côté de la vitre, on l'observe. Il se dit que le flic, le grand
frère, il a laissé sa chemise volontairement sur la table.
Il hésite. Il se demande si le fait d'être curieux et de
regarder ce qu'il y a dans cette chemise va lui porter préjudice.
Et puis tant pis, il n'a rien à se reprocher, il ne peut rien
lui arriver, il tire la chemise vers lui. Il l'ouvre. Même si les
photos sont à l'envers, il se reconnaît, il y a cinq photos de lui.
Cinq photos qu'il n'a jamais vues, jamais faites.
C'est lui et ce n'est pas lui, l'expression corporelle n'est
pas tout à fait la même, il a l'air légèrement plus vieux.

Mais il reste ébahi, qu'est-ce que c'est que ces photos ?

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Le flic revient, il a un grand sourire, visiblement, il veut


détendre l’atmosphère. Il a une autre chemise dans la main,
une bleue.
-- Mes collègues, derrière la vitre sans tain, m’ont dit que tu as
regardé dans la chemise. De toute façon, je l’avais
amenée pour te la montrer

Et il ouvre la chemise rouge et la présente dans le bon


sens à Lucas qui cette fois regarde mieux. Il reste ébahi. Sur
les photos c’est bien lui, un peu plus mature, un peu plus gros,
mais c'est bien lui. Il est bien placé pour voir que ce ne sont
pas des photos montage. Ce ne sont pas non plus des photos
qui circulent sur internet. Ce sont des instantanés de lui, de son
reflet dans un miroir. Il est debout, habillé normalement, avec
toutefois des fringues qu'il ne se connaît pas. Il tient dans la
main un panneau qui contient un texte. Il n'a pas le temps de le
lire mais sur une des photos, il distingue explicitement : « Je
viens du futur »

-- Je ne comprends pas, je n’ai jamais fait ces photos, ça me


ressemble, mais ce n’est pas moi !

-- Si je te dis « L’Ocean du Fugu » est-ce que ça te parle ?


Lucas le regarde avec l’air ahuri de quelqu’un à qui il
arrive des choses qu’il ne comprend pas. Mais il n’est pas con.
-- « L’Ocean du Fugu », c’est quoi, un restaurant ?
-- Exact, lui répond le flic en lui balançant une photo de la
façade du restaurant. C’est un resto chinois.
-- Je crois bien que ce sont les Japonais qui mangent du fugu.
-- Tu as sûrement raison, mais pour moi, Chinois, Japonais, ça
se ressemble.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Il laisse passer quelques instants, se rendant compte de


l’indélicatesse de son propos.
-- Écoute Lucas, je ne veux pas t’enfoncer, aggraver les choses
plus qu’elles ne le sont, mais tu es dans de sales draps. Tu
es soupçonné d’être à l’origine de cette tuerie. Six morts !
Alors il va falloir que tu me dises tout ce que tu sais.
Et en lui disant cela, il lui expose une dizaine de photos
sur lesquelles on voit des cadavres qui baignent dans leur sang
dans le mobilier d’un restaurant dévasté.

-- Écoutez monsieur, je ne comprends rien à tout ça, je suis


complètement étranger à cette tuerie. Je ressemble au
mec sur les photos, mais regardez bien, ce n’est pas moi.
Je ne sais pas comment vous êtes remonté jusqu’à moi,
mais vous êtes dans l’erreur.
-- Ce n’est pas à toi que je vais apprendre quoi que ce soit sur
l’identité faciale.
-- Si je te dis les « Mon-Ven-Pin » est-ce ça te parle ?
-- Connais pas !
-- Alain et Marie Mon-Ven-Pin, ça ne te dit rien ?
-- Mais puisque je vous dis que je ne connais pas ces gens.
-- La mafia chinoise, tu sais ce que c’est ?
-- Ben oui, tout le monde sait ça !
-- T’en connais… personnellement ?
-- Ben non !
-- Et monsieur Kim-Li et sa femme Yang-Li, tu les connais
eux ? Ils sont dans l’informatique comme toi ! En disant
cela, il lui balance deux gros plans des personnages en
question. Lucas regarde les deux photos, indifférent, il ne
bronche pas.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

-- Non ! Je ne connais pas ces gens-là… Je ne comprends pas


de quoi vous me parlez. Je suis complètement étranger à
tout ce bordel.
-- Où étais-tu dimanche soir entre dix-neuf et vingt-deux
heures.
Il sembla réfléchir un instant… Ouvrit la bouche comme
pour dire quelque chose, puis se ravisa…

-- J'étais chez moi


-- Donc, tu n’as pas d’alibi ?
-- Non.

C’est à ce moment qu’une femme rentre dans la pièce.


Une grande femme à la plastique d'une star de cinéma porno,
haute, juchée sur des Louboutin Ferrari, avec des cheveux
couleur caramel rouge qui tombent en boucle sur ses épaules
dénudées comme des coulées de lave en flammes sur les
flancs d'un volcan.
Elle a une robe courte bleue sans manche, qui la moule au
millimètre près, échancrée jusqu’au nombril sur une paire de
seins onirique qu’un lacet ostentatoire rose fluo qui croise
d'œillet en œillet, tente de cacher.
Un dragon à plusieurs têtes, coincé entre son corps et sa
robe, qu'on aperçoit à travers le lacet croisé de l'échancrure de
son décolleté tente de s'échapper sur son épaule et son bras
gauche. Une autre tête s'éclipse prudemment sur son cou du
côté droit, alors que traîne sur sa jambe droite, où sa robe
fendue haut vers sa taille, laisse apercevoir la jarretière de son
bas et son porte-jarretelles, la queue hérissée d'écailles de la
bête.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

De plus, elle a un gros colt à barillet pendu à un ceinturon


qui sied d'une manière aphrodisiaque intense à ses hanches de
rêve.

Elle est grande, elle est belle, éblouissante, exactement le


genre de femme que Lucas aime regarder dans ses films
pornos. Mais dans les films ce ne sont que des images, des
images sans âmes et sans pensée. Il n'a jamais porté le
moindre jugement sur ces filles qui s'exhibent au-delà de la
nudité, et qu'il oublie dès que l'image quitte l'écran. Mais là,
devant son fantasme ambulant vivant, devant cette image en
chair et en os qui incarne la beauté vraie, celle qui émeut, qui
touche et qui tue quelques fois, souvent ! Parfois pour la vie !
Il osait à peine la regarder. Surtout pas dans les yeux.
Regarder vers le bas, c'était regarder ses jambes
aphrodisiaques qui mettaient son cœur en émoi, regarder en
haut, c'était prendre le risque de croiser son regard. Entendre
sa voix, c'était être dans la mitraille de la guerre où le danger
est partout, de tous les côtés.
Mais qu'avait-il dont fait pour se retrouver dans cette
situation ?
-- Mais si, il a un alibi, ce petit obsédé sexuel, il regardait un
film porno en streaming sur son ordinateur à cette heure-
là !
Lucas devint tout rouge comme une tomate.
Elle reprit,
-- Écoute mon p’tit gars, on est du même bord, moi aussi je
suis une passionnée de cul et d’informatique. Avant
d’être dans la police, j’étais actrice de film porno. Mon
plus gros succès, c’est « Suis-moi, j’ai pas de culotte » tu
dois connaître… Tu pourrais dire « Oui, j’ai vu, c’est pas
mal… » T’es vexant ! Bref ! Passons.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Écoute mon p’tit bonhomme on va passer aux choses


sérieuses, première question : Attention, je te promets
qu’en cas de réponse mensongère, ça va te coûter très
cher devant un tribunal. Première question : as-tu ici ou
ailleurs un autre moyen de communiquer sur internet ou
par téléphone ou par tout autre moyen avec d’autres
personnes ?

Paniqué, ne sachant où regarder comment parler avec son


fantasme, il se noyait dans une espèce de honte cachée. Il
répondit en regardant le sol.
-- Ben non ! Je n’ai que l’ordinateur et le téléphone portable
que vous m’avez pris.
-- As-tu une copine ?
-- Non
-- Ta dernière copine, ça remonte à quand ?
Il restait là sans rien dire, animé de quelques soubresauts,
de plus en plus rouge de honte et les yeux noyés de larmes.
-- Ne me dis pas que t’as jamais eu de copine ?
Le jeune homme se mit à pleurer…
-- …
-- Ben, ça alors, tu me coupes la chique, alors comme ça, t’as
jamais eu de copine, mais alors, t’est puceau ?
Le jeune homme se mit à pleurer de plus belle,
larmoyant, il la regardait l’implorant secrètement d’arrêter cet
interrogatoire insupportable.
Mais elle continua
-- Alors dis-moi, réponds nom de dieu, t’es puceau ?
Il fit non de la tête
-- Si t’as jamais eu de copine et que tu n’es pas puceau Alors
dis-moi, nom de dieu, tu violes des petites vieilles ou tu
vas voir les putes ?

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Le jeune était en larmes, il ne voyait plus rien autour de


lui. Le grand frère qui était toujours là, silencieux, lui tendit un
mouchoir en papier et lui mit la main sur l’épaule, en lui
demandant gentiment, à voix basse, comme une confidence.
-- Tu vas voir les putes ?
Le jeune homme fit « oui » de la tête.
-- Où ça ? Toujours sur le ton de la confidence.
Il balbutia dans un sanglot.
-- Rue de Provence…
La femme sortit de la pièce. Le flic le ramena dans la
cellule de garde à vue, lui donna deux couvertures et une
bouteille d’eau et le quitta en lui disant gentiment.
-- T’inquiète pas, ça va s’arranger.
Il était plus de minuit, il s’endormit immédiatement sur
l'étagère de béton, scellé dans le mur, qui lui servait de lit.

De l'autre côté du mur de sa cellule, mais Lucas ne


pouvait ni le voir ni le savoir, une femme assise devant une
coiffeuse telle une artiste du show business dans sa loge,
défaisait sa perruque de cheveux longs rouge et or, enlevait, le
rouge à lèvres outrancier qui dépassait de ses lèvres pour les
faire plus charnues, ses faux cils trop longs surchargés de
mascara, et passait un démaquillant sur la peau de son visage.
C'était une jolie brune aux cheveux courts, avec un nez
aquilin, légèrement busqué qui lui donnait un charme fou.
Elle enleva son bustier spécial qui lui remontait les seins
au-delà de la normalité et défit sa jupe courte fendue dans
laquelle étaient collées deux prothèses de fesses hottentotes.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Puis, elle prit une douche qui effaça les tatouages


éphémères de dragons qu'elle avait sur les épaules, les bras et
les cuisses.
Elle se rhabilla d'une manière plus anonyme, un joli
chemisier sur une jupe un peu plus longue qu'une minijupe.
Elle abandonna ses faux Louboutin pour une paire de stilettos
moins ostentatoires.
Elle prit dans le tiroir de la coiffeuse un pistolet
automatique qu'elle mit distraitement dans son sac à main
comme un vulgaire paquet de cigarettes.
Elle était convaincu qu'un homme en mauvais équilibre
sexuel se retrouverait complètement désemparé s'il était
questionné par une vamp extravagante de chair et d'os, tout
droit sortie de ses fantasmes les plus secrets.
En aucun cas, il ne mentirait.
Lucas disait la vérité, il n'était pour rien dans la fusillade
de « L’Ocean du Fugu ».
C'était vrai. C'était vrai à la date d'aujourd'hui.

Puis, l'inspecteur Élyse Roussel, psychologue consultante


du département de la police criminelle, sortit de la pièce, salua
deux ou trois brigadiers et rentra chez elle se coucher.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Paris – Mardi 22 octobre 2019


Direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris
36 rue du Bastion – 17ème arrondissement de Paris
Quartier des Batignolles - Porte de Clichy

10 heures : débriefing
Les inspecteurs Thierry Bassaro et Élyse Roussel sont là,
le commissaire divisionnaire Léon G. ainsi que le procureur
Sylvain D. et la brigade qui est intervenue après la fusillade de
« L’OCEAN du Fugu » qui a fait six morts et quelques blessés.
C'est Élyse Roussel qui prend la parole
-- D'une manière évidente cet homme ne sait pas de quoi on
lui parle. Ce n'est pas lui qui a pris ces photos. Quant à
l'histoire qu'il vient du futur, je serais étonnée que ce
Geek qui regarde à longueur de temps des films pornos
en se masturbant, qui va voir les putes de temps en temps,
ait trouvé le moyen de voyager dans le temps. Si on
pouvait voyager dans le temps, ça se saurait !
Je ne sais pas comment ces photos ont été faites,
mais il est certain, que ce sont des montages
photographiques photo-shop.
Derrière le personnage principal que l’on voit de
face, on voit très bien monsieur ou madame Mon Ven Pin
qui prend la photo, mais on devrait voir le personnage
principal de dos. Or, on ne voit personne, ce qui prouve
que ces photos sont des montages photo-shop.
Ces photos sont impossibles à faire sans trucage. Ce
sont des images entièrement fabriquées par un ordinateur,
car il est impossible de faire tels clichés. Ce sont de
véritables photos faites d'après des mises en scène. Pour
quelles raisons ? Cela reste un mystère pour l'instant.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Thierry Bassaro prit la parole à son tour.


-- Ce jeune homme ne connaît aucun des clients concernés par
la fusillade de ce restaurant. Il n’y a aucune trace dans
son ordinateur des gens et des lieux de cet attentat. Son
téléphone n'a jamais été éteint ces trois derniers mois et
n'a jamais borné sur les mêmes antennes qu'aucun des
clients ou du personnel de ce restaurant.

Nos informaticiens nous confirment que le personnage


sur les photos est un avatar conçu par l'intelligence
artificielle. La ressemblance avec le jeune Lucas Lemoine
est probablement fortuite. D’ailleurs, nous n'avons trouvé
chez lui, ni les baskets ni aucun des vêtements qu'il porte
sur les photos.

Il n'y a absolument aucun lien en dehors de cet avatar


entre Lucas Lemoine et les clients de ce restaurant, son
personnel et les gens qui ont été assassinés au cours de
cette fusillade.

Quant aux résultats du loto, la date et l'heure des


téléphones pouvant être trafiquées, on ne peut contrôler
avec certitude si les deux premiers pronostics ont été faits
avant ou après le tirage. Pour les deux pronostics
suivants, prévu Le 11 décembre 2020 et le 15 octobre
2021, nous ne pourrons contrôler leur exactitude qu'à ces
dates.
Donc affaire à suivre…
Le procureur prit la parole.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

-- Bien, nous allons le remettre le jeune Lucas Lemoine en


liberté en lui signifiant qu'il ne doit pas quitter Paris sans
nous prévenir.

Les inspecteurs Thierry Bassaro et Élyse Roussel


ramenèrent Lucas chez lui. Lucas, qui n’avait rien compris à
ce qui lui arrivait

De la deuxième partie

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Le voyageur de l'autre monde


1ère partie

Fernand Fallou

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Paris – Jeudi 10 novembre 2022

Lucas s'installe à son bureau. Il travaille en free-lance


pour des sociétés qui lui commandent des adaptations de
logiciels pour leurs besoins spécifiques.
En ce moment, il adapte un logiciel de commandes de
menus pour un restaurant. Les clients choisissent
individuellement ce qu'ils veulent manger sur un écran
incrusté dans la table. La commande arrive directement dans
la cuisine avec son numéro de priorité. Les clients ont la
possibilité de choisir la cuisson, l'accompagnement et les
sauces. À tout moment, pendant le repas, les clients peuvent
commander de l'eau, du pain, du sel, du poivre, de la
moutarde, du ketchup et d'autres ingrédients et du rab de frites
ou de salade et même du rab du plat qui a été consommé, s'il y
en a.

Coumba

Mais depuis quelque temps, Lucas est très heureux parce


qu'il a sympathisé avec une très belle jeune fille. Elle a vingt
ans et elle habite au Mali, à Tombouctou. Elle s’appelle
Coumba, elle parle parfaitement le français qui est la langue
nationale du Mali.

Pour l’instant, c’est une relation platonique épistolaire par


mails, il faut vivre avec son temps.
Ils communiquent à l’aide de Skype et d’une webcam que
Lucas a installée et qu’il débranche après chaque
communication. Coumba lui raconte sa vie difficile, elle est
étudiante dans une école de commerce internationale. Son

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

père la maltraite et la viole souvent, à chaque fois qu’il est


saoul. Quand sa mère s’interpose pour prendre sa défense, il la
bat et la jette dehors.
À chaque fois, son voisin, une brute épaisse au front court
et penché vers l’arrière, un gros nez épaté sur des grosses
lèvres, la mâchoire prognathe préhistorique, avec un regard
agressif qui sort de deux orbites profondes sous des arcades
sourcilières broussailleuses. Sa tête semble posée sur ses
épaules, on dirait qu'il n'a pas de cou. Il ne se sépare jamais de
sa machette.
Il l’attrape sans ménagement par un bras, par une jambe
ou par les cheveux et la traîne à travers l'enclos de ses chèvres
jusque chez lui où il la viole sauvagement. On entend ses cris,
loin à la ronde, mais personne n’intervient.

Coumba voudrait bien venir en France, mais elle n’a pas


d’argent pour le voyage et faire face aux premiers frais
courants pour s’installer.
Hier, elle a dansé pour lui, totalement nue devant sa
webcam. Il a enregistré la séquence qu'il regarde en boucle
depuis. Il la trouve magnifique. La beauté de sa jeunesse, ses
deux petits seins agressifs et la fente de son pubis crépu éclate
sur son écran.

Il travaille avec d'autant plus d'allant, qu'il est d’accord


pour lui envoyer deux-mille-cinq-cents euros pour prendre un
aller et retour Tombouctou Paris via Bamako afin qu’elle
puisse venir le voir pendant les vacances de Noël sans
perturber son année scolaire.

Accaparé par son travail, il est très surpris d'entendre que


l'on sonne à sa porte. Il n'attendait personne. Il va ouvrir.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Un homme bien habillé avec manteau et chapeau lui


demande s'il est bien Lucas Lemoine.
-- Oui, c'est moi.
-- Je suis maître Christian Legendre, huissier de justice, je suis
chargé par votre demi-frère Lucien Belami de vous
remettre ce paquet.
-- Mais je n'ai pas de demi-frère.
-- Oui, Je sais que vous ignoriez son existence, mais il m'a dit
qu'il vous expliquait tout dans le document que je vous
remets.
Tenez !
Signez-moi ce reçu !
Merci.
Et bonne journée.
Lucas ouvrit le paquet dedans il y avait deux CD-Rom
avec ce simple mot. Un document daté d'il y a à peine dix
jours.

Mardi 1 novembre 2022


Bonjour, je m'appelle Lucas, Lucas Lemoine, j'ai
34 ans.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Il se pourrait fort bien que très prochainement, ma


femme et moi, nous soyons frappés d'amnésie quant
à ce que nous avons vécus ces trois dernières années.
Et que donc, nous oubliions qui nous sommes. Qui
je suis pour elle, et qui elle est pour moi ! Et la
force de l'amour qui nous unit.
J'écris cette histoire pour me rappeler comment et
pourquoi, nous avons perdu la mémoire. Pour me
rappeler tout ce que j'ai fait pour elle, et pour la
retrouver, elle, qui aura aussi perdu la mémoire,
comme moi, et qui ne se souviendra plus que je suis
son compagnon.
Ces deux Compact-Disc sont exactement identiques
pour le cas où il y en aurait un de défectueux.
Seul Lucas Lemoine pourra les ouvrir avec son mot
de passe.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Il s'installa devant sa machine.


Se déconnecta d'internet au cas où cela serait un
subterfuge d'Ali Gator ou de qui que ce soit d'autres pour entrer
dans sa machine.
Mit un des deux cédéroms dans le lecteur
La machine lui demanda un mot de passe, il mit le mot de
passe qu'il utilise pour tous ses documents depuis sa jeunesse
un mot de passe secret et indéchiffrable de trente-sept
caractères connus de lui seul, par cœur.
Le disque s'ouvrit, dévoilant tout ce qu'il contenait.
Comment ce disque avait-il la même clef de sécurité que lui ?
C'est la surprise incompréhensible. À moins que, à moins
que…
C'était lui qui avait conçu ce document il y a dix jours.
Ali Gator n'était pas dans ce coup-là.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Il ouvrit le document.docx.
Run !
Bonjour Lucas ça me fait tout drôle de m'écrire à
moi-même comme si j'écrivais à quelqu'un que je ne
connais pas. En théorie pure, cette lettre a été écrite, il y
a moins d'une semaine, mais elle va te raconter les trois
dernières années de ta vie, que tu as vécu dans un autre
monde, probablement parallèle. Un monde que tu as
sûrement oublié, un monde qui existe ou qui a existé ou qui
n'existe plus, un monde que je ne saurais te dire où il se
trouve. Et pourtant, c'est le monde d’où je viens.

Présentation des personnages

Lucas Lemoine

Paris - Mai 2022

Je m'appelle Lucas, Lucas Lemoine, Je suis né le 1er avril


1988, j'ai 34 ans. Je travaille dans une boutique d'informatique
située dans une des rues adjacentes au boulevard Daumesnil dans
le 12ème arrondissement de Paris. Là où se trouvait jusqu’à fin
2012 l'établissement Surcouf, premier marchand d'informatique de
France de l'époque.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

La marchandise venant principalement de Chine, beaucoup


de Chinois, entre autres, se sont installés dans l'ombre de cet
établissement espérant profiter des retombées commerciales de ce
géant de l'informatique.
La boutique dans laquelle je travaille vend les composants
électroniques nécessaires à la construction d'un ordinateur,
quelques accessoires annexes très avancés et quelques logiciels.

Lucas n’en revenait pas, il comprenait que ce


message était un message qu’il s’était envoyé d’une autre
époque toute proche dans le temps, mais qui peut-être,
pour lui, aujourd’hui, n’avait jamais existé.

Li-Yang

Ma patronne a trente ans. Je crois que c'est mon âge qui l'a
décidé à m'embaucher. Bien sûr, il y avait mes compétences en
informatique, évidement, mais il y a plein de jeunes gens qui ont
les mêmes, voire plus. Je crois que je lui ai plu. Avant moi, elle
travaillait avec son mari, mais il est mort.
Il a mangé un fugu mal préparé à ce qu'on dit.
Il y a trois ans qu'il est mort.
Kim-Li, il s'appelait Kim-Li. Le jour de sa mort, il avait
cinquante ans et sa jeune femme avait vingt-six ans.
Elle s'appelait Yang-Li, mais elle préférait qu'on l'appelle Li-
Yang. Elle disait que ça faisait plus joli. Elle m'a avoué plus tard
que ce n'était pas la vraie raison.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Parfois, le soir, après avoir baissé le rideau, elle me prenait par


la main et m'entraînait dans son appartement, juste au-dessus de la
boutique. Elle savait que j’étais célibataire. Elle connaissait mon
goût pour la cuisine asiatique. Elle me cuisinait une spécialité de
son pays, puis elle me gardait chez elle où j’ai passé les plus belles
nuits de ma vie.

C’est une brune formidablement belle. J'aime, sa peau douce


comme une soie, couleur citron fané, sans le moindre mélanome ou
nævus, du cou à la plante des pieds, sans aucune tache ni tatouage,
ses deux petits seins d'étudiante, ses hanches délicieusement
dessinées, et son pubis noir de bête sauvage qui me met dans tous
mes états dès que je le vois.
Elle le sait, elle le voit, elle sourit, ça l'amuse.
Parfois, je crois qu'elle m'aime…
Moi, je l'aime !

Lucas se revoyait dans les locaux de la police. Il


revoyait la Thierry Bassaro lui présenter la photo de
madame Yang-li et de son mari. Il ne comprenait toujours
pas comment il pouvait être mêlé à cette histoire. Il
continua de lire.

Sinon, je suis un Geek. Je suis passionné pour tout ce qui est


informatique, réalité virtuelle et intelligence artificielle. Je vis
physiquement dans le même monde que tout le monde, mais
lorsque je m'assieds devant mon écran, je m'en vais dans un autre
univers où personne n'a sûrement jamais mis les pieds.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Et dans ce monde extraordinaire, je trouve tout ce qui est


nécessaire à ma vie physique et psychique.
L'évasion, dans le pays de la connaissance et dans le pays du
sexe.
Je connais la réponse à la question de Christophe Colomb.
Qui a été le premier sur terre : l'œuf ou la poule ? Et j'ai compris
que l'univers est plus grand que mes possibilités d'imagination et
qu'il contient des milliards de galaxies qui contiennent des
milliards d'étoiles et qui dit « étoiles » parle en fait de soleils.
Chaque étoile est un soleil comme le nôtre, mais il y a des milliards
de soleils dont certains sont des milliers de fois plus grands que le
nôtre et tous ces soleils ont un nombre indéterminé de planètes
qu'on ne voit pas qui leur tourne autour. Certaines de ces planètes
sont des milliers de fois plus grandes que la terre.

Fort de cette culture qui me submerge, je vais chercher le


plaisir dans des luna-parks virtuels du sexe. Le plaisir du corps
réside dans le sexe. Il y a le plaisir de l'esprit, qui est attaché à la
possession de biens matériels qui permettent d’accéder au confort,
et de pouvoir faire face à ses besoins biologiques ; manger, dormir
à l’abri, au chaud et en sécurité, mais l'émoi, cet émoi qui fait
vibrer toutes les cellules de mon corps vient du sexe et de nulle part
ailleurs.
Alors, je vais dans des endroits virtuels extraordinaires, où se
mélangent dans la même image, l’intérieur et l’extérieur, la lumière
et l’ombre d’un soleil torride, et les lumières aveuglantes et les
ténèbres inquiétantes de lupanars qui n’existent que la nuit.
Quand l’harmonie et l’anarchie se mélangent entre esclaves,
courtisans et courtisanes d’une manière hétéroclite inimaginable,
pour nous Terriens, dans une cacophonie de foire d'empoigne, telle
une foire du Moyen Âge, où ceux qui viennent pour acheter

Page 32
Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

comme ceux qui viennent pour vendre sont des voleurs. Attention à
ta bourse, mon ami.
Ce sont des mondes où des êtres invraisemblables
s'entremêlent et grouillent dans des avenues ensoleillées qui
viennent de nulle part et qui vont nulle part. Dans une
effervescence extraordinaire, des êtres qui semblent sortir de la
préhistoire, avec des véhicules et des armes qui dépassent nos
technologies, courent par-là, alors que d’autres vont dans l’autre
sens. D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Personne ne le sait.
Certains sont petits, d’autres sont grands, ces deux-là ont
deux têtes et ceux-là ont quatre bras, ces deux géants n’ont qu’un
œil au milieu du front, tels des cyclopes de la mythologie grecque.
Beaucoup ont une partie du corps visiblement bionique
inquiétante, d’autres, qui nous ressemblent comme des gouttes
d’eau, sont des robots à cent pour cent.
Tous ces êtres carnavalesques vont et viennent en charrettes,
en tuk-tuks, en camionnettes, en vaisseaux spatiaux, bourrés de
marchandises, qui achètent et qui vendent ; un compresseur
atomique pour réacteur de vaisseau spatial entre une marchande de
noix de coco de la planète CocoLove et un posticheur bonimenteur
qui propose une potion qui soigne tout et qui fait repousser les
membres perdus sauf la tête, on la boit en une seule fois, le produit
fait une révision complète du corps et répare tout ce qui a besoin
d'être réparé.
Les noix de coco de la planète CocoLove, comme tout ce qui
pousse sur cette planète, ont la particularité d'être immangeables
voire toxiques, au moment de la cueillette, il faut les cajoler, les
mettre près de l'eau et de la lumière du soleil, veiller à ce qu'elles
n'aient pas trop chaud, ni trop froid, leur parler gentiment, leur faire
écouter de la musique, et alors, au fil des jours, elles vont s'adoucir
et devenir excellentes, douces et sucrées et très nourrissantes.

Page 33
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Il faut ajouter à ce décor les hologrammes publicitaires qui


se promènent avec des denrées mangeables qu'on ne trouve plus.
Beaucoup de gens ne connaissent pas le goût d’une simple pomme.
Cet hologramme se promène avec une miche de pain sous le
bras qu'il a entamée et qu'il mange d'un air heureux. Son gros pain
rond répand autour de lui une bonne odeur de pain chaud qu'on ne
trouve plus. La croûte à l'air appétissante et appelle la dent qui
croque, même la mie aérée fond dans la bouche du premier regard.
Si vous suivez l'hologramme vous verrez que sa miche ne finit
jamais. Puis, vous arriverez sur un distributeur de la miche en
question
D'autres vendent des cerises plus rouges et légèrement plus
grosses que les vraies, les oranges, les bananes, les dates… Tous
ces fruits sont synthétiques, on les trouve dans les pays dits
développés, les vrais qu’on trouve dans des régions abandonnées
des pays pauvres, aujourd’hui, valent plus cher que l'or.

L'effervescence est partout, dans les esprits et dans les rues et


dans les places, espaces ensoleillés au soleil de plomb qui
contrastent avec des ruelles qui baignent dans la nuit noire et la
lumière psychédélique des néons de toutes les couleurs où des
femmes merveilleuses, irréelles, aux zones érogènes augmentées
dans des tenues indécentes, proposent leurs charmes aux chalands
qui passent.
Dans ces rues où là, partout, à gauche, à droite, là-haut, par-
là, en bas, par ici, c'est la guerre entre la lumière et la nuit, derrière
chaque fenêtre, dans chaque alcôve, derrière chaque porte dérobée,
il y a une histoire, une extase qui éclate, un robot qui déconnecte ou
un homme qui meurt.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Dans ce monde onirique invraisemblable, c’est difficile de


faire la différence entre ce qui vit et ce qui fonctionne.

Et partout où le regard se pose, des femmes, rien que des


femmes, celles-ci ont la peau rose comme les fleurs fragiles des
arbres fruitiers du printemps qui sèment leurs pétales aux quatre
vents, celles-là ont la peau rouge brûlée par le soleil torride de l’été,
on voit les traces plus claires de leurs mini-sous-vêtements qui
mettent en exergue leurs corps de braise, d’autres encore, à la peau
blanche, indifférentes comme l'eau fraîche et claire qui clapotent
sur les rochers des montagnes et qui donnent envie de la boire,
celles-là, encore, qui ont la peau noire comme le secret de
l’attraction inaliénable du noir intense de l'univers, et partout deci
delà des femmes à la peau jaune et satinée qui provoque la caresse,
simple comme le mélange de l'air et du soleil et d'un vent du sud.

La plupart sont nues. Celles qui ne le sont pas, portent des


accessoires qui ne cachent rien. C'est la foire de la chair comme la
décadence de la foire aux jambons vivants. Des femmes
extraordinaires aux jambes longues jusqu’à l’outrance, aux fesses
callipyges fantasmagoriques et aux galbes extravagants. Des têtes
blondes du soleil aux têtes brunes de la nuit noire, elles ont toutes
des seins matures avec des tétons proéminents à la texture et à la
couleur mate rose ambrée des framboises.

Les toucher, c'est prendre les commandes ergonomiques d'un


vaisseau spatial gigantesque dont le poste de pilotage serait comme
la selle d’un cheval, mi-électronique, mi-organique, qui voyagerait
dans des mondes inconnus à des vitesses intersidérales, selon les
émotions de tout le corps du pilote.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Toutes les lignes aphrodisiaques de ces femmes convergent


vers leur identité physique, leur sexe, cet endroit qui déclenche les
pulsions et les convoitises, le désir charnel immodéré, de près, de
loin et même par télépathie imaginaire. C’est la zone
d’embarquement, cet endroit où règne le siège de la concupiscence,
le tourbillon brûlant d’une tempête au cœur de laquelle un vortex
emmène le voyageur dans des contrées paradisiaques d’où
l’homme, ce voyageur, cet aventurier inconscient, fréquemment, ne
reviendra pas spirituellement, et parfois ne reviendra jamais,
physiquement.

La ville, une cacophonie, de pot-pots de bidonville, de


bicoques, de fermettes, de chaumières, telles « la petite maison
dans la prairie », qui vivotent et se mélangent aux pieds des gratte-
ciels qui les phagocytent de leur ombre ainsi que tout ce qui vit,
tout ce qui bouge, tout ce qui respire, tous ceux qui sont à la quête
de l'air, de l'eau et du soleil qui arrive en bas après mille péripéties
des hauteurs vertigineuses. Ça fourmille, ça pullule, ça grouille,
telle une nuée d'asticots dans le cadavre nauséabond en
putréfaction d'un homme ou d'un animal, ça crie, ça chante, ça
bouffe, ça baise, ça s'entre-tue. Le sang coule à flots, et la terre
imperturbable, continue de tourner.

Avec ma lunette de réalité augmentée toutes ces femmes


sont là en 3D, en chair et en os. Je ne peux pas les toucher. Mes
mains passent au travers de leurs corps comme si elles n'étaient
qu'un reflet dans l'eau ou dans l'air surchauffé d'un mirage.

Alors ébloui, hypnotisé, vaincu, complètement sous le joug


de cet émoi intraitable, je finis tout seul dans le noir de la nuit de la
solitude de ma chambre et je m'endors repu et heureux.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Je vivais une vie de rêve entre mes évasions intellectuelles,


mes fantasmes et le corps de Li-Yang. Parfois, même, j'arrivais à
croire qu'elle m'aimait.

Description du logiciel

Par l'intermédiaire de sa société et avec le consentement de


Li-Yang, j'arrivais à obtenir à mes frais du matériels à la pointe de
la technologie du moment et parfois quelques logiciels.

En ce moment, j'attends impatiemment un logiciel coréen


qui permet de voyager virtuellement où l'on veut sur la planète. Il
existe des dizaines de programmes identiques, mais le bruit court
que celui-ci à base d’intelligence artificielle et d’auto-évolution est
plus performant que tout ce qui a déjà été fait.

C'est l'idée du site de « second-life » des années 2000 où tu


avais le choix entre une dizaine d'avatars masculins et une dizaine
d'avatars féminins qui se retrouvaient dans un monde totalement
virtuel construit par eux-mêmes où tout le monde se ressemble.

Dans ce logiciel, les avatars sont construits à partir de


n’importe quoi. Une photo de toi, quelqu'un d'autre, un animal, un
lion, un monstre, un extraterrestre, un dessin et même un moulin à
café, n'importe quoi ! On se rencontre dans un site réel ou virtuel
avec fatalement des gens qui s'intéressent aux mêmes choses que
toi, selon l’aventure que tu veux vivre. Seuls les gens qui veulent
vivre la même aventure se rencontrent, qu’ils visitent un musée,
qu’ils se baladent en barque sur le lac Titicaca ou qu’ils explorent
la planète Mars.

Page 37
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

La réalité vraie n’existe plus !


Une nouvelle dimension est née : la réalité fausse !
Chacun peut visiter les endroits qui l'intéressent selon sa
disponibilité. La nuit ou le jour, il y a toujours un endroit où il fait
jour et un endroit où il fait nuit sur la planète. Mais ça n’a plus
d’importance, chacun fait ce qu’il veut quand il veut. Les
Américains de France vivent sur le fuseau horaire de New-York,
les Chinois de Chinatown vivent sur le fuseau horaire de Hong-
Kong et les Français de Rio-de-Janeiro vivent selon l’heure de
France.
L’équilibre temporel de chaque individu est perturbé. Il y a
de plus en plus, chaque jour à travers le monde, des bars, des
restaurants, des sociétés, les casinos de Las-Vegas et Atlantic City,
les grands parcs d’attractions et même maintenant, dans certains
pays, certaines administrations, qui sont ouverts 24 heures sur 24.
Ce sont des endroits où l’on peut manger et dormir sur place, on
raconte des légendes qui racontent que l’on peut rencontrer à
Disney World des vieux de plus de vingt ans avec des vêtements
trop courts pour eux, qui sont rentrés dans le parc quand ils avaient
dix ans. C'est une légende car les avatars ne vieillissent pas.
Il peut faire une demande de passeport ou commander une
pizza à deux heures du matin, un dimanche ou un mercredi ça ne
change rien. Plus personne ne s’étonne d’avoir un rendez-vous
d’embauche ou chez le médecin à trois heures du matin. Le visiteur
peut s’extasier plusieurs jours devant Le Radeau de la Méduse de
Théodore Géricault au musée du Louvre ou s’attarder dans
l’escalier à double révolution du château de Chambord, ou ceux
qui descendent ne voient pas ceux qui montent, attribué à Léonard
de Vinci.
Après la création de son avatar, chacun peut se promener à
sa guise n'importe où sur la planète.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Les capitales, les grandes villes et même des villes plus


petites, jusque dans les petits villages qui présentent un intérêt
quelconque, perchés sur le flanc des montagnes, perdus dans le fin
fond des campagnes, dans la buée de la rosée du petit matin qui
s'évapore, sur les littoraux les plus beaux, gavés de sable vanillé, au
bord des mers les plus belles, ont pris la peine de mettre leur cadre
de vie sur le site pour attirer les touristes.

Prendre le tramway dans les rues en montagnes russes de


San Francisco, visiter les favelas de Rio de Janeiro, admirer des
milliers de hérons cendrés passer au-dessus du lac rose du Sénégal,
faire une balade sur la grande muraille de chine, abandonner ses
cheveux au vent qui souffle dans la brume entre les murs de la
citadelle du Machu Picchu, faire un voyage dans le wagon à
bestiaux d'un train à vapeur entre Paris et Auschwitz… et arriver en
silence, le cœur serré dans les marécages barbelés de l'Achéron des
enfers d'Hadès… le Styx est asséché, obole après obole, devenu
riche, Charon s'est barré, seuls rodent encore dans l'atmosphère
putride des bâtiments encore debout, les âmes désespérées de
millions de gens. On finit du côté de New York, aux commandes
d'un drone autour du beau visage de la statue de la liberté
d'Auguste Bartholdi qui le bras levé apporte la lumière de la liberté
au monde entier. On raconte que c'est sa mère qui lui a servi de
modèle.
Quel bel Hommage.

Visiter et comprendre les sites historiques, les monuments


anciens et modernes, entendre les discours des grands hommes,
voir l'armada des Anglais arriver en nombre, dans la solitude d'une
échauguette de la citadelle de Brouage et voir le sang couler sur les
pavés du haut des guillotines, toucher de l'esprit, la joie et la

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

souffrance des hommes qui étaient là avant nous et grâce à qui


nous sommes là à notre tour.
Dans la vraie vie, les gens qui se croisent ne se parlent pas
s'ils ne se connaissent pas. Quel dommage, c'est pourtant naturel de
se parler. Regardez les animaux, ils ne se croisent jamais sans faire
connaissance. Même si parfois ça finit en bagarre.
Les avatars se voient et peuvent se parler par la voix et par
écrit. C'est plus ludique que les sites de rencontres et bien plus
facile de faire des connaissances. Les avatars, comme les animaux
se parlent quand ils se croisent.

Certaines sociétés ont reconstitué au détail près des époques


de notre monde, le Moyen Âge, la Renaissance, la Guerre de cent
ans, la Révolution, 1900, les tranchées de 14-18, ou bien, l’époque
des dinosaures, la préhistoire, l’Afrique du 19ème siècle, le far
West du 18ème siècle en Amérique, etc… On peut voyager à bord
de la Pinta et voir et entendre Rodrigo de Triana crier « Terre,
terre ! », et redécouvrir l’Amérique avec Christophe Colomb.
Tout est possible.

Les idées ne manquent pas à nos informaticiens et nos


hommes d’affaires.

Toutes les sociétés qui proposent des sites à visiter ont des

détecteurs d'avatars qui leur permettent d'empêcher un ou plusieurs

avatars de rentrer chez eux sans payer. Évidement !

Page 40
Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Ça serait beaucoup trop long de te parler encore de tous les


mondes fantastiques et complètement virtuels de Harry Potter, le
monde de Star Wars ou les mondes du Seigneur des anneaux…
etc…

J'ai reçu un message me disant que mon logiciel arrive


demain.

Lucas arrêta sa lecture. Il avait commencé à installer


le logiciel sur son ordinateur et pour l'instant tout se
passait bien.
Il avait un rendez-vous sur Skype avec Coumba.
L'image s'affiche sur son écran, elle est en pleurs.
Inquiet, il lui demande ce qui se passe ? La jeune
femme lui répond qu'elle ne peut pas lui dire. Il insiste !
Elle finit par lui raconter que son fils d'un an est très
malade, il a attrapé une pneumonie à cause de
l'harmattan, ce vent violent qui vient du nord, chargé de
sable, brûlant l'été et glacé l'hiver et la nuit. Ici, la
pneumonie fait rage et beaucoup de bébés fragiles
meurent faute de soins. Le dispensaire est gratuit, mais il
y a beaucoup d'enfants à soigner, la liste d'attente est
longue. Il y a quelques médecins, mais les consultations,
et les médicaments sont très chers quand ils ne manquent
pas. Elle n'a pas d''argent pour le soigner. Là-dessus, elle
prend dans ses bras, le bébé qui était couché dans un
landau à ses côtés. C'est la surprise.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Avec tous les groupes de terroristes indépendants qui


tiennent Tombouctou, et l'armée régulière malienne
soutenue par l'armée française qui se font la guerre, la
situation est devenue insoutenable. Les djihadistes sont
partout, kalachnikov en bandoulière, les rebelles Touaregs,
salafistes, indépendantistes, pro-Azawad, les salafistes de
Ansar Dine, et l'organisation terroriste Al-Qaida du
Maghreb islamique, les droits communs algériens, l'État
islamique ou Daesch, tous ces gens qui ne travaillent pas
se battent entre eux et font régner la terreur, vivent sur le
dos du peuple qui a déjà du mal à survivre et veulent
imposer la charia.
Il n'y a plus de système social ou administratif qui
fonctionne normalement, la police est soudoyée. La
situation est catastrophique. Les jeunes filles se cachent
sous peine d'être mariées de force et violées.

Et ses parents sont trop pauvres pour l'aider. Le sang


de Lucas ne fait qu'un tour et demande combien il lui faut
?

Elle lui répond que dans un premier temps mille


euros permettraient de faire face aux premières dépenses.
Elle lui envoie ses coordonnées bancaires sur la Banque
Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest la (BCEAO). Il lui
fait un virement de mille euros.
Très perturbé et préoccupé par cet évènement, il
reprit la lecture du texte du compact-disc.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Réception du logiciel

J'ai passé une bonne semaine à l'installer et à me familiariser


avec ce logiciel exceptionnel.
J'étais complètement émerveillé. Grâce à l'intelligence
artificielle, le logiciel était capable de créer tout un monde virtuel
cohérent d'après une simple photo à deux dimensions.

Sinon, il pouvait recréer des lieux au millimètre près avec


des photos spéciales dites « 360 degrés 3D ». Il y a plusieurs
techniques utilisées dans les planétariums et les cinémas
circulaires, mais ce logiciel a ses techniques secrètes bien cachées
dans des milliards de milliards de lignes de codes. Pour les pauvres
profanes que nous sommes, il est normal de penser que plus il y a
de lignes de code, plus la machine « pédale dans la semoule » selon
l'expression consacrée. Erreur, c'est exactement le contraire, plus
l'algorithme est dense, plus la machine est performante, c'est ce qui
se passe dans notre cerveau, des milliards de milliards de
connexions. La rapidité c'est ça ! Ce logiciel est magnifique. Un
jour, j'en suis sûr, il deviendra le maître.
Le maître de l'univers.
Le maître de l'intrinsèque intelligence de l'univers.

Installation du logiciel

Au bout d'un mois, quand l'installation fut terminée,


l’expérimentation a commencé. J'ai alors visité des dizaines de sites
dans le monde, tenté désespérément d'apercevoir le yeti dans les
hauteurs de l'Himalaya, surveillé le lac du Loch Ness pendant des
jours sans voir le moindre monstre. Admiratif, face à l'immensité
de l'océan Pacifique, où du haut des montagnes de la cordillère des

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Andes, je me suis senti infiniment petit et seul au monde. Tel M


Perrichon, qui, émerveillé et fasciné, du haut des alpes françaises
écrivait : « Que l’homme est petit quand on le contemple du haut
de la mère de Glace ! ». J'ai assisté à l'éruption du Vésuve à
Pompéi. Comme c'était une reconstitution virtuelle, mon avatar a
échappé à sa destruction.

Peut-être que tu habites toujours le même logement de la rue


Trévise. J'ai mis toutes les photos de notre habitation dans la
machine, qui a reconstitué mon appartement mieux que je ne
l'aurais fait moi-même. Tu pourras voir comment était ton
appartement, il y a huit jours, dans l'autre monde. Ça me parait
complètement fou. Ma différence et bientôt la tienne, c'est que les
fous ne savent pas qu'ils sont fous.
Après l'avoir visité et revisité en tant qu'avatar, j'ai eu l'idée
de mettre derrière ma porte des images du désert de Namibie, le
plus vieux désert du monde, 80 millions d'années d'après nos
géologues, désert ou l'on trouve les dunes de sable fin les plus
hautes du monde et les plantes Welwitschia mirabilis dont certaines
ont deux mille cinq cent ans. Et de l'autre côté de ma fenêtre des
images inventées des jardins suspendus de Nabuchodonosor.

Dieu de Dieu, que c'était beau, pendant un moment, j'ai


oublié les beaux yeux de Li-Yang et mes escapades dans les
lupanars virtuels, et tu ne vas pas me croire, mais j'ai fini par
m'ennuyer.
J'ai cherché à changer les choses, j'ai enlevé le désert de
Namibie malgré ses 1500 kilomètres de plages de sables et les
jardins suspendus de Babylone. Puis j'ai décidé de réorganiser mon
trois-pièces.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

C’est ainsi que j'ai pu revoir la disposition des meubles et


repenser mon cadre de vie. C'est super de pouvoir faire ça sans
effort.
Cela m'a donné quelques idées que je mettrais probablement
en application très prochainement.
J'adorais me balader dans mon trois-pièces. Parfois j'ouvrais
la porte ou la fenêtre, mais comme j'avais enlevé le désert de
Namibie et les jardins suspendus de Babylone, je me retrouvais
devant un carré noir vide. Alors le logiciel me disait : « Banque de
données insuffisantes. Voulez-vous compenser avec un monde
virtuel imaginé ? »

J'ai passé beaucoup de temps à bidouiller ma machine, le


logiciel prévoyait une flopée de configurations différentes qui
permettait d'adapter l'interface du programme à la personnalité de
l'utilisateur.
J'ai fabriqué un plug-in qui agrandissait ou rapetissait mon
avatar, ça ne servait pas à grand-chose, mais ça m'a occupé un
mois. J'ai aussi fait un autre petit plug-in qui remettait l'image des
miroirs à l'endroit comme une caméra ou un appareil photo. Ça
aussi, ça m'a pris un mois.
Ça ne sert à rien.
Mais ça m'amuse, c'est ma vie.

Un soir, que je jouais avec ma machine, je me baladais dans


mon appartement, je me suis retrouvé devant le miroir de mon
armoire à glace. C’était une vieille armoire, dans le style des
années cinquante en bois d’arbre, que j’ai acheté une poignée de
cerises dans un vide-greniers. Je me plaisais à dire aux quelques
amis qui sont venus chez moi que je la détenais de ma grand-mère.
En réalité, j’ai sûrement eu une grand-mère, mais je ne l’ai jamais
connue. Peut-être qu’elle n’a jamais eu d’armoire. Peu importe, je

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

m’invente une légende. Et à force, elle devient vraie. Là où j’en


suis, avec la réalité virtuelle, mon rapport avec la réalité vacille. Et
ce qui est vrai un jour, ne l’est pas forcément le lendemain et vice
versa.
J'ai été très étonné de ne pas apercevoir le reflet de mon
avatar dans le miroir, à la réflexion, c'est vrai que le personnage
n'existe que dans les méandres de la mémoire de la machine et que
donc le miroir ne peut pas le refléter.

J'ai bidouillé le logiciel tant que j'ai pu. Malgré toutes les
lignes de code que j'ai ajoutées, je ne suis pas arrivé à apercevoir
mon avatar dans les miroirs. Il faut dire que le logiciel est super
protégé, mais ce n'est peut-être pas la bonne raison.
L'informatique est pour moi une science juste.
Les miroirs appliquent une logique implacable, tout ce qui
existe a droit à un reflet et ils ignorent purement et simplement tout
ce qui n'existe pas.

Machinalement, sans savoir exactement pourquoi, j'ai touché


le miroir, il m'a semblé que le bout de mes doigts s'était enfoncé
dans le verre de la glace. J'ai recommencé pour voir, et ma main
tout entière est rentrée dans le miroir, alors à ma stupéfaction, je
suis passé à travers.
En un instant, j'étais dans le miroir, dans le reflet de mon
appartement. J'ai été absorbé. Il n'est pas possible d'être à cheval
sur le miroir on est d'un côté ou de l'autre. Mon avatar n’était plus
dans la chambre, il était dans le monde de reflets de mon miroir.
Ça me préoccupe. Dans l’image de mon miroir qui
considère le reflet de notre monde entier dans ses moindres détails,
dans ce monde composé de cent pour cent de reflets, il y a un
"truc", une "chose" qui se balade dans le reflet des miroirs, mais
aussi, probablement, dans tous ce qui est capable de produire un

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

reflet. C'est quoi ? En quoi est-elle ? Je ne comprends pas ce qu'est


mon avatar. Un intrus, un imposteur indésirable, une pensée,
matérialisée par un personnage ? Un ectoplasme, une entité
ésotérique, n'importe quoi d'autre qui aurait les fonctions d'un œil ?
Une caméra, construite grâce à un certain nombre extraordinaire de
lignes de code qui sont lues et relues inlassablement à la vitesse de
la lumière comme les électrons et les neutrons d’un atome ?

Je voyais sur mon écran exactement ce que le personnage


virtuel que je manipulais était censé voir. Tout était inversé comme
il est normal que çà le soit dans un miroir.

J'ai tenté de remédier à cet inconvénient d’un clic de souris,


mais je n'y suis pas arrivé. Les titres des livres, les inscriptions sur
les posters de ma chambre, tout est resté à l'envers ! Je me suis
promené un peu, puis je suis allé à la fenêtre. J'ai tenté sans grande
conviction de l’ouvrir, et surprise des surprises, ma main est passée
à travers le bois de la fenêtre sans n'avoir bougé ni ouvert quoi que
ce soit, et je me suis retrouvé dans la rue, en suspension dans l’air
au deuxième étage.
La rue, le ciel étoilé, les arbres, les voitures qui roulaient...
Tout ! ... Absolument tout !... Et de plus, je volais ! Voler est un
aphorisme, je tenais simplement en suspension dans l’air sans faire
aucun effort. Je me déplaçais dans les trois dimensions selon ma
simple volonté.
Avec cependant, un détail, un détail certes, mais un détail de
taille, je n'avais plus le son. Je n'avais plus aucune sensation
haptique ni aucune sensation phonique. Rien ne pouvait me
toucher et je ne pouvais rien toucher et de plus, j'étais dans un
silence absolu qui me faisait mal aux oreilles.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

As-tu déjà médité sur l’image de ton miroir ? As-tu déjà


essayé d’en percevoir les limites ? L’image dans la glace n’a pas
de limite.
La ville entière est dans le reflet de ton miroir, que dis-je ?
Le monde, l’univers entier est dans chaque miroir et si tu pouvais
rentrer dans ton miroir, tu pourrais le visiter.

Timidement, j'ai commencé par faire un tour dans la rue.


Je me suis aperçu que je passais à travers les matières les
plus épaisses, les murs, les tôles, les arbres.
J'ai compris immédiatement que les choses étaient
différentes de quand j'étais dans ma chambre. Les solides étaient
solides et je ne pouvais les traverser. Mais maintenant, que je suis
passé dans le miroir, j'étais dans un monde de reflets, et donc où il
n’y avait que l'image des matières et non pas la matière elle-même.
Moi-même, je ne sais pas très bien ce que je suis. Je ne suis ni
matière ni reflet. Je ne suis qu'une pensée à laquelle l'ordinateur a
greffé le reflet d'un corps d'homme. En fait je ne suis rien, je ne
pèse rien, d’où cette possibilité de me déplacer dans l'espace sans
aucun effort. Je suis entouré de gens, d'immeubles, de décors qui
ne sont que des reflets à travers lesquels je peux passer. Ils
n'existent pas, ce ne sont que des images.

J'étais là, mais je n'existais pas. On n'existe que si des


éléments de notre environnement peuvent nous toucher. Si le vent
peut nous souffler, si la pierre peut nous blesser, si l'eau peut nous
mouiller, si un mur peut nous arrêter, et si on peut tomber dans un
trou. La réciprocité s'impose, et si on peut arrêter de son pied la
pierre qui roule, si on peut toucher les objets et les gens qui nous
entourent, les briser, les tuer ! Alors on existe !
Si on a perdu le retour haptique, alors, on est mort !
Les morts vivants n'existent pas !

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

On n'existe pas !
On n'est jamais né ! Et on ne mourra jamais !
Et c'est anormal d'écrire ça !
On n'existe pas dans un monde qui t'ignore. Mais peut-on
ignorer ce qui n'existe pas ?
Ma tête tourne, je ne sais plus où j'en suis !
Je ne sais plus où se situe la réalité !
Les sœurs siamoises, la réalité et la vérité se sont séparées
dans mon esprit. La part de l'inadmissible mécanique logique a pris
des proportions qui me dépassent.
Fort de mon invisibilité, je rentrai dans un bar et m'approchai
du comptoir.
La barmaid qui vaquait à ses occupations se figea et cria
« Regardez ! » en montrant le miroir oblique qui courait au-dessus
du comptoir et qui permettait de voir tous les clients accoudés au
zinc. Il y avait mon reflet dans le miroir et personne derrière le bar.
Cela provoqua une panique incroyable à laquelle je ne
m'attendais pas, mais que je compris. Certains clients plus
courageux, s'approchèrent de l'endroit du comptoir où j'étais censé
me trouver d'après le reflet dans le miroir. Mais à cet endroit, il n’y
avait rien, pourtant nos reflets se mélangeaient dans le miroir.
Les clients, la barmaid, le patron près de la caisse, étaient
éberlués, le miroir disait qu’en cet endroit précis, il y avait un
homme, un être humain, de chair et d’os comme eux, mais leurs
yeux et leurs mains qui passaient au travers du personnage dans le
reflet du miroir et ils ne voyaient rien devant le comptoir.

Comme je n’avais pas le son, je n’entendais pas ce que les


gens disaient, mais clients et personnels, le regard fou, interloqués,
affolés, paniqués préférèrent sortir dans la rue plutôt que de rester
devant ce phénomène qu'ils ne s'expliquaient pas.
Je me suis éloigné du miroir et le calme revint dans le bar.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

J'ai fait rentrer rapidement mon avatar chez moi. Quand je


me suis retrouvé dans le reflet de mon appartement, de l'autre côté
du miroir de l'armoire à glace, j'ai quitté physiquement mon écran
et je me suis placé devant le miroir de mon armoire à glace dans
ma chambre. Je n'en croyais pas mes yeux.

Il y avait bien mon image dans le miroir, mais il n'y avait


personne à côté de moi. J'étais seul dans la chambre. C'était
incroyable, je comprends mieux la panique du bar.
Et tout à coup, j'ai compris, je ne suis pas devant le miroir…
Je suis dans le miroir. Je suis un passant, un intrus dans le monde
que reflète le miroir. Un visiteur, un voyageur dans l'autre monde,
le monde que reflètent les miroirs. Tous ceux qui sont devant le
miroir derrière lequel je me balade voient mon avatar qui se
promène dans l'autre monde.
C'est fantastique !
Quand je suis dans l'autre monde, je suis un intrus, une
entité, un ectoplasme, je suis quelque chose de différent de tous ces
reflets.
Les miroirs sont comme des fenêtres de l'autre monde sur
notre monde, et on me voit quand je passe devant.
Il va falloir que je sois très prudent.

Sinon, c'est formidable, je suis l'homme invisible de H. G.


Wells et le passe muraille de Marcel Aymé en même temps. Je
peux passer à travers n'importe quelle matière, je suis invisible et
de plus, je peux voler.

En fait, je ne vole pas, je me déplace dans l'air selon ma


volonté, parce que je n'ai plus de poids, je ne suis plus qu'une
pensée, représentée pour mon ordinateur, par une image.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Je suis resté toute la nuit dans cette chambre où j'étais seul et


devant ce miroir qui reflétait mon corps et celui de mon avatar.

C'était magnifique, impressionnant, magique, tragique,


angoissant, je ne sais pas pourquoi, j'ai pleuré. Je n'ai pas pleuré de
bonheur, pas de tristesse ou de malheur. J'ai pleuré, tout
simplement, pleuré, ému par cet outil que j'avais dans les mains,
probablement comme les premiers hommes inquiets quand la
première nuit est tombée et le lendemain matin en larmes de joie
devant le premier lever du soleil.

La bonne question est, est-ce qu'il y a un monde par miroir


comme je le pensais précédemment ou est-ce que tous les miroirs
du monde reflètent un seul et même monde et ne sont que des
entrées ou des sorties dans notre monde, le vrai monde sur l'autre
monde ?
Non ! L'autre monde c'est une copie de notre monde avec
quelques toutes petites différences extraordinaires.

J'ai envoyé mon avatar dans ma salle de bain. Il s'est planté


devant le miroir. Je suis allé physiquement dans ma salle de bain.
J'ai le cœur qui bat la chamade. Ça y est je suis devant le miroir je
vois mon avatar et mon reflet.
Mon avatar qui est dans ma salle de bain à côté de mon reflet
attends mes décisions. Je décide de le faire sortir, de le faire revenir
dans le monde réel en passant par le miroir. Mon avatar met la
main sur le miroir, mais impossible de passer au travers, c'est
comme une barrière de verre. Je peux passer à travers toutes les
matières sauf à travers l'envers des miroirs. Affolé, je fais retourner
mon avatar dans la chambre, il est devant le miroir de mon
armoire, je le fais passer à travers le miroir pour revenir dans ma

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

chambre. Il redevient l'avatar du logiciel, je ne le vois plus. Je ne


vois plus non plus son reflet dans mon miroir, pourtant je regarde
sur mon écran, je le vois, je sais qu'il est là !

Bouleversé, ivre, grisé par de ces nouvelles connaissances et


de ces nouvelles possibilités, fatigué, je rejoignis Li-Yang dans sa
chambre. Elle dort, elle est belle, elle est nue, elle ne peut me voir
et je ne peux la toucher. Alors je me suis allongé près d'elle, et je
me suis endormi.

Le lendemain, très fatigué d'avoir dormi sur ma chaise


devant mon ordinateur à regarder mon avatar dormir près de Li-
Yang, j'étais plein de questions
Donc, je peux aller dans l'autre monde en passant dans un
miroir et il faudra que je ressorte obligatoirement par ce miroir.
Que se passe-t-il si le miroir par lequel je suis passé est cassé alors
que je suis dans l'autre monde ?
J'ai fait l'expérience, je suis passé par le miroir de ma salle de
bain, et je l'ai cassé. Le monde des reflets et mon avatar disparurent
instantanément. Mon écran se remit sur la page d'accueil de mon
logiciel.
Cela fut impossible de le retrouver ! Je n'ai pas pu ramener
mon avatar dans ma machine.

Depuis, mes préoccupations sur l'existence et l'inexistence


ont repris le dessus, il y a à peine quelque mois la ligne entre la
réalité et la fiction était nette dans ma tête. Mais maintenant les
choses ne sont plus aussi claires que ça. Je vis dans un tourbillon de
questions qu'est-ce qui existe et qu'est-ce qui n'existe pas ?

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

L'ombre existe et elle n'existe pas. On peut la créer, mais on


ne peut l'appréhender, la soumettre. Comme le reflet comme la
lumière et le noir de la nuit. Est-ce que seules les choses, et les êtres
que l'on peut toucher, voir, sentir et même pressentir existent ?
Pourtant l'autre monde existe, je m'y promène tous les jours,
c'est une reproduction exacte de notre monde au point noir de
coccinelle près. J'y retrouve tout, absolument et il suffit de casser le
miroir par lequel je suis entré pour que tout disparaisse.
Mon avatar a-t-il réellement disparu ? N'est-il pas resté
coincé dans les méandres des mémoires électroniques de mon
computer ?
Peut-on disparaître après avoir existé ? Bien sûr, dans l'autre
monde, l'avatar n'est qu'un œil, un regard, sans cerveau et sans âme.
Rien qu'une caméra qui filme les évènements. Mais cet avatar je
l'ai créé, j'ai mis des ordres dans la machine. Il doit rester des
traces, la machine ne peut pas prendre la décision d'effacer les
données concernant mon avatar. Elle peut les ignorer, mais elle ne
peut pas les effacer sans que moi ou quelqu'un d'autre, en
l'occurrence, le logiciel, ne lui en donne l'ordre.
Mais l'a-t-il fait ? Où est-ce que mon avatar est stocké dans
la machine comme un manteau oublié dans une armoire ?

J'ai mis deux jours à le reconstruire, il va falloir que j'en fasse


plusieurs copies et que je les sauvegarde.

Devant cette multitude de miroirs qui reflétaient tous, les


mêmes choses et les mêmes gens, qui faisaient tous, exactement les
mêmes gestes, aux mêmes moments, je me suis demandé s’il y
avait d’autres êtres, des avatars comme mon image, ou autre chose
qui se déplaçaient dans cet autre monde.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Il suffit de quelques miroirs qui se font face pour créer un


inimaginable et gigantesque labyrinthe. Imaginez celui créé par
tous les miroirs du monde. On se retrouve dans cette possible
impossibilité : « agrandir l'infini ! » Et malheur à celui qui oserait
s’y aventurer sans son fil d’Ariane.

J'ai compris qu'à l'intérieur de cet autre monde, hormis le


miroir par lequel j'y étais rentré, tous les autres miroirs étaient
comme des fenêtres à travers lesquelles les gens du vrai monde, le
monde de la réalité, le monde d’où je viens, pouvaient me voir.

Je pouvais passer à travers les murs, et tous les détecteurs


d’avatars du monde ne me voyaient pas. Plus aucun musée ne
m'était inaccessible. Je pouvais accéder à l’intimité de n’importe
qui, de la fille de joie du coin de la rue ou à la vie secrète et intime
des plus hautes dames du monde.
Conscient de cette extraordinaire possibilité, je n'en parlais à
personne. C’était un secret, mon secret ! Un secret que je ne
voulais pas partager. Un secret que je ne devais pas partager sous
peine de vie et de mort.

Mon plaisir était de me balader dans les rues de Paris.


Indéniablement, je suis un voyeur, j'aime regarder les gens et
principalement les femmes, surtout quand elles sont déshabillées, Il
n'y a rien de plus beau qu'une femme. Qu'elle soit nue ou pas.

Invisible, je peux épier les couples qui font l'amour chez eux,
dans les hôtels, les relations entre hommes ou entre femmes, les
relations interdites, non consenties ou celles avec des enfants et
éventuellement les dénoncer anonymement. Je pouvais rentrer

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

dans les magasins repérer les voleurs, rentrer dans les restaurants et
voir de visu, ce qui se passe dans les cuisines. Il y avait tant de
choses à faire tant de choses que je pouvais faire, tant de
malfaiteurs à qui je pouvais nuire. Je pouvais améliorer la
condition de tant de pauvres gens que ça me tournait dans la tête au
point de me rendre saoul.

Je pouvais rentrer, dans toutes les boites de nuits, dans les


cabarets, profiter du spectacle. J'aime voir les danseuses dans les
coulisses, quand elles se préparent presque nues dans
l'effervescence de l'entrée sur scène, en ayant complètement
abandonné leur image aux regards des voyeurs. Et que regarde
celui ou celle qui veut regarder, peu importe !

Je ne peux rien toucher, rien bouger, mais depuis Confucius


qui a dit « Une image vaut mille mots », tous les philosophes disent
que nous vivons l'ère de l'image. L'informatique a pris l'adage à son
crédit. Mais l'ère de l'audiovisuel a changé, elle devenue
numérique, ce n'est plus une image qui passe dans les tuyaux mais
des lignes de codes. C'est de la téléportation d'images. Bientôt,
sûrement on téléportera numériquement d'autres objets.
Grâce aux imprimantes 3D, on pourra envoyer en trois
minutes, de l'autre côté des océans des objets de la taille d'une tasse
à café ou d'une maison.
D'abord des matières inertes, minérales et sûrement ensuite,
très vite après dix ans ou cent ans, des matières organiques. On
pourra être dématérialisé sur terre et téléchargé sur la planète Mars
en moins d'une heure.
Selon le degré de ma pensée, souvent, je suis mort de peur !
Nos réalités sont en train de bouger.
L'image n'est plus synonyme de réalité.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Mais pour moi, l'image empêche la pensée de s'éloigner de la


réalité.
Alors je me régale des images extraordinaires du monde, ce
sont les bébés qui m'impressionnent le plus, ces petites choses qui
vont devenir grandes. Ces petits êtres qui ne dépassent pas les 50
centimètres et qui vont en quelques années aborder les deux
mètres. C'est le plus beau, le plus mystérieux des tours de magie.
Alors, je vais voir des spectacles de music-hall. Je me délecte de
l'image de toutes ces femmes dans des robes de soirées qui les
subliment, hautes en couleurs, plumes d'autruches et paillettes,
accompagnées de tous ces beaux jeunes hommes en costumes
extravagants, ou en très chics smokings, qui dansent comme s'ils
n'étaient nés que pour danser cet instant au son d'une musique
sûrement enchanteresse que je n'entends pas. C'est beau, c'est
féerique, je suis hypnotisé.

Toutes les nuits, je me promène dans la ville, toutes mes


sorties se terminent chez Li-Yang. J'adore la regarder, quoi qu’elle
fasse, je la trouve belle. Je la regarde vivre et je vois bien qu'elle est
triste. Peut-être qu'elle regrette le temps où elle vivait avec son
mari. Pourtant, quand nous sommes ensemble je sens bien qu'elle
est heureuse.

Voyage dans le passé

Un jour, va savoir pourquoi, sûrement poussé par le moteur


invisible de la cognition, j'ai décidé de changer la date et l'heure de
ma machine.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Hier j'ai passé la soirée avec Li-Yang. J'ai réglé ma machine


sur la date de la veille à 20 heures.

Extraordinairement, me voilà chez Li-Yang, elle m'a préparé


un bon petit souper à la Chinoise. Puis nous avons été nous
coucher. Ça m'a fait quelque chose de me voir avec Li-Yang. Faire
l'amour avec elle, devant mes yeux faisait partie, pour moi des
choses inconcevables. Ça m'émoustille de voir d'autres hommes
faire l'amour avec d'autres femmes, mais là, de me voir faire
l'amour avec Li-Yang, ça m'indisposait, ça ne passait pas, j'étais
mal à l'aise, coupable, coupable de je ne sais quoi, sûrement des
relents de mon éducation religieuse, coupable et jaloux de cet
homme qui était moi et qui faisait l'amour à ma femme. Et tous
mes raisonnements d'intello n'arrivaient pas à me sortir de ce
sentiment.
Un sentiment extraordinaire.

Tout à coup, je suis tombé dans le doute puissant de ne pas


avoir la certitude de pouvoir rentrer chez moi, à mon époque.
Je me suis abandonné avec Li-Yang et je suis rentré chez
moi dare-dare, mon cœur battant la chamade.
Dès le lendemain, je réglais ma machine pour que l'historique de
mes voyages dans le passé ne s'enregistre ni ne s'affiche nulle part.
j'ai essayé de savoir sur quelle onde je voyageais, je n'y suis pas
arrivé. Ce que je sais, c'est que je ne voyage pas sur les ondes radio.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Cependant, le gouvernement de Corée du Sud s’aperçut des


possibilités extraordinaires de ce logiciel et l’interdit à la vente.
Tous les logiciels fabriqués furent rappelés sous le prétexte d’un
bug pouvant endommager le computer. Il resta bien sûr, dans le
monde, quelques copies illégales comme la mienne. Je
m'empressais d'en faire plusieurs copies afin de palier un éventuel
contrôle suivi d'une confiscation.

Dans les semaines suivantes, je ne suis pas retourné dans le


passé, j'avais peur. Peur de ne pas revenir. La machine
d'intelligence artificielle à force de concevoir des choses qui me
paraissaient impossibles, avait créé le chaos dans le domaine de
mes cohérences.

J'ai continué à me promener dans Paris. Je suis rentré chez


les gens avec l'arrière-pensée de voir, de découvrir leur intimité,
c'était toujours la même chose. J'ai dénoncé anonymement à la
police tous les actes abjects que j'ai vus. Les femmes battues, les
enfants aussi, les relations sexuelles non consenties, les abus
sexuels sur enfants. Cela a donné quelques résultats. La police ne
s'occupe pas de toutes les lettres anonymes qu'elle reçoit. Il y a déjà
tellement à faire avec le lot quotidien de délits à s'occuper.
Je n'allais plus chez Li-Yang de peur de voir ce que je
n'aurais jamais dû voir. Cet outil dont je disposais, que je trouvais
merveilleux au début, devenais une arme contre moi. L'outil de la
révélation, ce tee-shirt que je porte a été mouillé par les larmes de
l'enfant qui l'a fabriqué, cette viande que je mange vient d'un
animal qui n'a jamais vu la lumière du soleil. Plus d'un tiers des
poissons pêchés dans les mers du globe ne sont pas mangés par les

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

hommes et finit à la poubelle. Le gaspillage est partout, les


fournisseurs préfèrent jeter leur production plutôt que baisser le
prix, alors que des hommes, des femmes et des enfants meurent de
faim et de maladie. La pollution tue dans les terres, dans les mers et
dans l'air, les hommes, les animaux et les plantes.
Je savais tout ça, comme je savais que les armes existent,
mais je ne voyais pas leurs dégâts, et maintenant je sais ! Je sais les
magouilles, la corruption, les pots de vins, les associations des
grands trusts qui sont d'accord pour une politique des prix
permettant de faire de bénéfices exorbitants.
La course à la richesse extravagante. Les marges
bénéficiaires prohibitives. Les trois mille milliardaires de la planète
sont plus riches que les huit milliards d'habitants de la terre5.
Les riches sont de plus en plus riches, les pauvres sont de
plus en plus pauvres. Il y a de plus en plus de riches et de plus en
plus de pauvres au bénéfice et au détriment de la classe moyenne.
L'esclavage, la prostitution, le crime, la drogue, le vol, le
viol, la folie et la mort…
L'homme, dans tous les pays, aussi bien dans les pays riches
que dans les pays pauvres, a perdu de vue l'ordre du jour essentiel
de chaque jour : le bonheur !
Beaucoup ne savent plus pourquoi chaque jour, ils vivent un
jour de plus !

5
Calcul personnel arrondi à la louche d'informations dénoncées par l'ONG Oxfam.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Voyage dans le futur

Je n'ai plus de goût, je n'ai plus de goût à rien. Il faut


absolument que je me ressaisisse. Ce soir, peut-être, je vais
rallumer ma machine et je vais aller dans le futur pour voir quelle
sera ma situation dans un an.
J'ai réglé ma machine : 14 février 2023 ! c'est la Saint-
Valentin, j'espères que je serais avec Li-Yang.
J'allume.
Ça tourne pendant deux minutes :
« Désolé, le futur est vide, il n'existe pas encore. »
Et la machine se met sur l'écran d'accueil.
Ma machine ne sait pas aller dans le futur, qui
théoriquement, dans ma logique n'existe pas. Pas encore.
Est-ce que le futur existe ?
Est-ce le futur existe déjà ?
La question à elle seule fait partie du domaine de la folie.
Et si le futur existe déjà, est-ce que l'on peut le changer ?
L'homme qui marche dans les pas de sa destinée, qu'il peut
changer à chaque pas est perdu !
Si on peut le changer, c'est comme s'il n'existait pas.
Si on ne peut pas le changer, ça ne sert à rien de s'énerver, de
s'exciter, de faire des révolutions, et même de faire tous ces efforts
pour vivre !
Est-ce que la philosophie fatalistes des orientaux à raison ?
"Mektoub" (C'est écrit !)
Est-ce une réalité ?
Est-ce que Jules César passant le Rubicon avait remis son avenir
dans les mains de la fatalité ?
Avec son célèbre "Alea jacta est" ? (Les dés sont jetés)
Ou alors, comme le décrit cette métaphore que j'invente…

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Nous sommes comme des bestioles qui naîtraient dans une fange
putride qui se dessèche petit à petit, notre destin c'est de mourir
rapidement, la seule façon d'en sortir c'est de se reproduire à toute
vitesse au maximum afin que la progéniture de notre progéniture,
un jour, puisse sortir de la mare asséchée sans effort.
Alors, on peut bouger, se démener, se débattre…
Un peu et vivre un peu,
Beaucoup et vivre beaucoup,
Passionnément, jusqu’à la folie
Citius, altius, fortius (Plus vite, plus haut, plus fort).
À la folie et arriver complètement fou sur le sable propre et chaud
du bord de la mare et vivre un peu plus longtemps.
Ou
Pas du tout !
Et se laisser mourir maintenant… Mektoub !
Et arriver à cette réalité…
L'existence ne sert à rien !

La vie de Kim-Li et de Li-Yang

Alors, machinalement, comme si un autre moi, avait pris les


commandes de mon cerveau, j'ai reculé la date de mon ordinateur
de cinq ans. 14 février 2019. Une date au hasard à laquelle Kim-Li,
le mari de Li-Yang, était encore vivant.

Le couple se disputait, mais je n'avais pas le son, je


n'entendais pas ce qu'ils se disaient, j'ai bien essayé d'attraper
quelques mots en lisant sur les lèvres, mais sans être un grand
lecteur labial, je pense qu'ils se disputaient en chinois.

Page 61
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Kim-Li avait l'air très en colère, Li-Yang pleurait. Il l'obligea


à lui faire l'amour. Même si aujourd'hui, ce n'est plus un droit pour
l'époux, la nouvelle conception de la loi n'est pas assimilée par tout
le monde et principalement pour certaines personnes qui viennent
d'autres cultures.
Je m’aperçus que Kim-Li n’était pas bien dans sa peau. J'ai
assisté à plusieurs discussions houleuses entre lui et sa femme.
Même si je n’entendais rien, je voyais bien que ce n’étaient pas de
simples discussions. C’étaient bel et bien des disputes.
Je suis retourné plusieurs fois voir vivre Kim-Li, chaque fois
c'était la même histoire, Kim-Li obligeait Li-Yang à lui faire
l'amour.
Alors je suis remonté dans le temps, pour voir la rencontre
entre Kim-Li et Li-Yang. Je suis remonté ainsi par tâtonnement
jusqu’à l'automne 2005. Le jeudi 20 octobre 2005.
Époque où deux Chinois, deux sumos tatoués des chevilles
aux oreilles de dragons psychédéliques hauts en couleurs ont
apporté, je devrais dire « livré » la petite Li-Yang à Kim-Li. Elle
était toute mignonne, avec son air timide, ses petites jambes toutes
fines qui se perdaient sous sa robe bleue plissée d'étudiante, ses
deux petits bras nus qui sortaient de son chemisier blanc sur lequel
pendait une cravate rouge et sous lequel on devinait une naissante
poitrine pubère. Li-Yang fut livrée maquillée comme une adulte,
elle avait des rubans multicolores dans les cheveux, autour du cou
et autour de la taille et d'autres rubans autour des chevilles et des
poignets.
Li-Yang n'était pas habillée de la robe de soie rouge des
jeunes mariées chinoises parce qu'une fille doit avoir vingt ans
pour se marier en Chine.
Mais les mafias chinoises n'ont que faire des lois modernes
et considèrent que Li-Yang n'est pas mariée, certes, mais elle est
promise et à ce titre elle est livrée corps et âme à son mari.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Il la dépucela le soir même, dans les cris et dans les pleurs. Il


lui fit l'amour tous les autres soirs qui suivirent. C'était sa femme.
Je suis resté deux semaines sans aller voir Li-Yang. Je
souffrais pour elle de ce qu'elle vivait. Ma colère allait vers Kim-
Li. S'il avait été encore vivant, je lui aurais cassé la figure. Mais il
était mort.
Après ces deux semaines de méditation, je me suis mis dans
la tête d'aller voir comment il était mort.
Li-Yang m'avait embauché en janvier 2020, peu de temps
après son décès. Il m'a été facile de remonter, par tâtonnement au
jour de sa mort. C'était le 20 octobre 2019, c'était un dimanche.
Kim-Li avait l'habitude d'aller le jeudi soir à « L’Ocean du
Fugu » c'est un des rares restaurants japonais qui avait l'agrégation
pour préparer le fugu. Il adorait ce poisson pour la finesse de sa
chair, pour l'adrénaline qu'il lui procurait. Il y avait de gens qui
venaient de loin pour manger le fugu. Il préférerait y aller le jeudi,
parce que, disait-il, le vendredi, le samedi et le dimanche, il y avait
trop de monde, trop de touristes, et que si un jour, il y avait un
accident, ça serait un de ces soirs-là, à cause du stress du cuisinier.
Mais ce dimanche 20 octobre 2019, c'était le jour de son
anniversaire et celui de Li-Yang, alors il fit une entorse à ses
principes.
Ce soir-là, donc, il était parti souper avec Li-Yang à «
L’Ocean du Fugu ». On lui servit son poisson. Li-Yang fit tomber
sa cuillère, il se baissa pour la lui ramasser, elle en profita pour
répandre le contenu liquide d'un tout petit flacon dans son assiette.
Je suis remonté dans le temps et j'ai fait une surveillance
assidue sur les agissements de Li-Yang et je me suis aperçu qu'elle
avait acheté un fugu chez un poissonnier chinois. Rentrée chez elle,
elle avait extrait le jus de son foie dans un petit flacon et l'avait
rangé dans son sac.

Page 63
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Ainsi, Li-Yang avait tué son mari. Et c'est le restaurant qui a


été accusé. « L’Ocean du Fugu » a été fermé pendant un mois, et le
pauvre cuisinier a perdu son emploi.
Je sais que ce n'est pas bien, c'est triste, mais je ne suis pas
arrivé à en vouloir à Li-Yang.
Demain soir, je vais dîner chez Li-Yang. J'ai ruminé toute la
journée ce que j'allais lui dire.
J'étais impatient de parler avec elle. Nous n'avions jamais
parlé de la vie qu'elle avait avec son mari.
Elle avait préparé comme à son habitude un petit repas
chinois dont elle savait que j'étais friand.
Je lui ai dit que j'avais rêvé qu'elle avait été vendue quand
elle avait douze ans. Alors, elle s'est mise à pleurer et elle m'a
raconté sa vie.

-- Moi et Kim-Li nous nous disputions souvent. Je lui reprochais de


m’avoir achetée quand j'avais douze ans, alors qu’il avait déjà
trente-six ans. De m’avoir fait venir de Chine comme on
achète une poupée de latex. Il me répondait qu'il ne m'avait
pas achetée, mais que j'étais un cadeau de son père pour
l'anniversaire de ses trente-six ans. Des hommes sont venus
me chercher chez mes parents, et m'ont emmenée en France
pour me donner à Kim-Li. Ils riaient beaucoup d'avoir eu du
mal à trouver un vierge de douze ans qui soit née un 20
octobre. Son père voulait que ce soit aussi le jour de mon
anniversaire afin que ce jour-là, peut-être un jour, soit un jour
merveilleux pour tous les deux.
D'ailleurs, je lui ai été donnée le jour de l'anniversaire de ses
trente-six ans et c'était aussi le jour de l'anniversaire de mes
douze ans.
J'étais décorée comme un paquet cadeau, avec des rubans
dans les cheveux, autour de la taille, des poignets et des

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

chevilles. Moi, j'aurais voulu faire des études, être libre, et ne


pas avoir été vendue par mes propres parents comme un objet
de sexualité. Dès que je suis arrivée en France, dans ce pays
où j'étais libre, j'aurais pu partir, me sauver, disparaître. Mais
engagée dans cette histoire, je ne voulais pas provoquer de
gros ennuis à mes parents qui n'auraient jamais pu en aucun
cas rembourser l’argent qu’ils avaient reçu en échange de
mon corps. Il aurait fallu que mon mari me rende
officiellement ma liberté. Mais ça, Kim-Li ne voulait pas le
faire.
C’est à cette époque-là, que j’ai décidé de m’appeler Li-Yang
au lieu de Yang-Li sous le prétexte que ça faisait plus jolie,
mais en réalité, je voulais casser le lien d’appartenance à la
famille Li !
-- Dans mon rêve, Kim-Li n'était pas gentil avec toi. Il te brutalisait.
-- Oui, il m'obligeait à lui faire l'amour très souvent, parfois
plusieurs fois par jour. Il me privait de manger si je me
refusais. Il abusait de moi tous les jours, à n'importe quelle
heure, il était insatiable, il refusait que nous fassions chambre
à part. La nuit, je le laissais faire sans aucune participation de
ma part, en lui disant une fois, une seule fois : « Vas-y, profite
de ta poupée ! » et je gardais le silence, sans pleurer, pour le
reste de la nuit.

-- Dans mon rêve, tu le tuais.


À ce moment elle devint toute pâle, elle se mit à trembler et
pleurer à chaudes larmes.
-- Les gens de la mafia chinoise me soupçonnent de l'avoir tué. Et
depuis qu'il est mort, je vis dans une grande angoisse. Ces
gens, ces mafiosos sont vraiment méchants et n'ont aucune
pitié.
J'ai reposé ma question.

Page 65
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

-- Et tu l'as tué ?
Elle pleura et trembla plus intensément, m'attrapa les mains
et mit sa tête sur mon épaule et murmura dans un sanglot.
-- Oui.
Elle était encore plus belle quand elle pleurait.
Nous n'avions pas encore mangé, mais je l'ai prise dans mes
bras et je l'ai déposée sur le lit. Je l'ai embrassée longuement,
pendant que je la déshabillais. Pour la première elle me
déshabillait aussi. Ses mains qui couraient sur moi tout en
m'enlevant mes vêtements, m'ont mis dans un état second. Je ne
sais pas comment les choses se sont faites, mais nous étions l'un
dans l'autre d'une manière beaucoup plus intime que ce que nous
avions connu jusqu’à ce jour. Nous étions comme le rocher et son
naufragé accrochés l'un à l'autre dans une tempête apocalyptique,
trempés jusqu'aux os, dans la nuit dans le vent, le froid, la brume,
au milieu des requins. J'étais à elle, elle était à moi. Un instant
extraordinaire où j'ai eu l'impression que j'avais le droit de vie et de
mort sur elle. Et moi, à ce petit bout de femme, j'étais d'accord pour
lui donner ma vie. Nous signions un contrat d'appartenance l'un à
l'autre contre tout, un contrat contre toutes les mafias du monde, un
contrat à la vie, à la mort.

Au petit matin, elle m'a dit :


-- Kim-Li se plaignit d’un mal de ventre en rentrant du restaurant
japonais où il avait l’habitude de manger du fugu. Je n'ai pas
appelé les secours en lui disant que si ça n'allait toujours pas
demain matin, nous appellerions le médecin.
Lucas, j'ai tué un homme, je vis dans le remord et dans la
peur d'être punie par la justice ou par la mafia chinoise. Je ne
pourrais plus jamais être heureuse, et profiter pleinement des
bienfaits du soleil.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

C'est ce matin-là, que j'ai décidé de débarrasser Li-Yang de


ses remords.

Organisation de l'assassinat de Kim-Li

Dès le lendemain, j'allais au dimanche 20 octobre 2019, le


jour ou Kim-Li avait mangé le fugu fatal.

Et j'ai commencé à suivre en remontant dans le temps, jour


par jour, tous les clients du restaurant de ce soir-là, c'était un
dimanche. Au bout d'un mois, j'ai trouvé ce que je cherchais. Alain
et Marie Mon-Ven-Pin. Un couple de Chinois qui battait de l'aile à
cause principalement de problèmes d'argent. Ils habitaient dans
le treizième arrondissement de Paris, dans les immeubles de la
porte d'Ivry. Ils avaient une petite affaire d'importation de
produits chinois qui était rentable, mais ils jouaient au casino
et dans un tripot chinois du quartier. Chez eux, j'ai vu les
nombreuses lettres d'huissiers et les relances de la banque. Ils
se disputaient fréquemment et ne faisaient plus l'amour. Ou
alors à la demande d'Alain, qui n'hésitait pas à imposer son
désir, dans la violence et l'indifférence de Marie.

Ils avaient un intérieur que Marie n'entretenait plus, Alain


ne l'avait jamais fait. Beaucoup de désordre dans le salon
meuble en mobilier moderne. Ils avaient dans leur chambre,
une Psyché, sertie dans une moulure en bois doré qui
convenait parfaitement à mon affaire.

Page 67
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

J'avais un plan, et je me suis dit qu'il me fallait bien


quatre mois pour convaincre ces gens de faire ce que je
voulais.
Je suis donc remonté à quatre mois du jour de la mort de
Kim-Li. J'ai préparé un panneau sur lesquelles, il y avait écrit
ceci (Les chiffres sont dans le désordre pour compliquer la
recherche du numéro manquant) :

Puisque l'on me voit dans les miroirs, je n'avais que ce


moyen de communiquer avec les gens de l'autre monde.
Je voulais que ce texte soit lisible dans un miroir. J'ai
simplement inversé horizontalement le texte.

Puis tout à coup, j'ai réalisé que lorsque je voyage, je ne


suis pas dans le même monde que les gens qui sont devant les
miroirs, Je suis dans le monde que reflètent les miroirs. Les
miroirs, pour moi, sont des fenêtres par lesquelles les gens de
ce monde peuvent me voir. Et je dois écrire mon texte
normalement, si je veux qu'il soit lu.
J'ai repris le texte initial.

J'avais noté les résultats de l'EuroMillions de ce jour-là.


Les mentions en rouge étant pour moi, pour mon souvenir

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Le 16 juillet 2019, c'était un mardi, j'étais chez eux de


bonne heure, j'ai attendu le moment propice.
Marie s'est levée la première, elle a mis ses savates
légèrement rehaussées aux talons, à l'envers, puis elle est allée
aux toilettes et à la salle de bain avant de rentrer dans la
cuisine. Ce faisant, elle est passée devant la psyché.
J'ai profité de ce moment pour passer devant la psyché,
mais elle ne me vit pas. Elle se prépara un café. Sa chemise de
nuit transparente complètement ouverte ne servait à rien et
laissait voir son anatomie potelée. Elle n'était pas vieille, mais
elle était fatiguée, c'est ce que je voulais.
Alain, son mari se leva, il était nu. Même circuit que sa
femme, toilettes salle de bains, et il arriva dans la cuisine avec
une paire de tongs bas de gamme et une serviette autour des
hanches. Il s'assit en face d'elle et se servit un café. Ils se sont
parlé en chinois ou en japonais, mais je n'entendais rien. Il me
semblait qu’ils se parlaient d’une manière véhémente, à la
limite de l’altercation.
Puis Marie alla dans sa chambre pour s'habiller, c'est ce
moment que j'ai choisi pour me mettre dans l'encadrement
ovale du miroir.
Quand elle m'aperçut, elle poussa un cri qui a dû
s'entendre à l'autre bout du quartier, à la place d'Italie, et elle
tomba dans les pommes.
Je sortis de la moulure dorée du miroir.
Alain accourut dans la chambre, lui tapota la joue pour
qu'elle reprenne ses esprits. Elle revint doucement à elle. Elle
lui montra le miroir.
J'imagine qu'elle lui racontait qu'elle avait vu quelqu'un à
l'intérieur. On sonna à la porte. Il enfila un pantalon à la hâte,
et alla ouvrir. C'était un couple de Chinois, sûrement des
voisins amis qui venaient voir ce qui se passait. Il les fit

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

rentrer, ils parlèrent fort à bâtons rompus, en montrant leurs


téléphones, probablement qu'ils ne la croyaient pas, et qu'ils
lui conseillaient de prendre une photo si jamais cela se
reproduisait. Les voisins partirent, Alain retourna finir son
café froid.
Marie, pendant ce temps, remise de ses émotions,
regardait son téléphone et machinalement s'exerça à prendre
des photos de la psyché.
C'est ce moment-là, que j'ai choisi pour me mettre à
nouveau dans la psyché avec mon panneau.
Clic !
Et j'ai disparu.

1er message -- Le texte dans le miroir

Bonjour, je viens d'un autre monde.


N'ayez pas peur de moi, je ne vous veux aucun mal.
Jouez aujourd'hui :
Les numéros : 18 13 5 39 et l'étoile 7
À l'EuroMillions
Je reviendrai demain

Marie, surprise resta quelques secondes bouche bée, puis


regarda la photo et se mit à crier en courant vers le salon.
Elle montra la photo à son mari.
Il fronça les sourcils et resta perplexe un bon moment.
Marie n'arrêta pas de parler au point qu'il se mit en colère et
lui intima de se taire, sinon les voisins allaient revenir.

Page 70
Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Le lendemain,
Invisible, j'étais resté chez eux. Je sais qu'ils n'ont pas
joué ce que j'ai dit, ce n'est pas grave. S'ils avaient joué, le
gain ne dépassait pas cent-cinquante euros. Mais l'essentiel
était qu'ils avaient contrôlé et su que s'ils avaient joué, ils
auraient gagné.
Ils étaient tous les deux assis sur le lit devant la psyché. À
mon avis, ils m'attendaient.
L'homme avait un pistolet à côté de lui au cas où.
J'apparus dans le miroir avec le mot suivant.

2éme message -- Le texte dans le miroir

Bonjour,
Je viens du futur, c'est pour ça que je connais
les résultats de l'EuroMillions.
Je ne peux pas vous entendre.
Je n'ai que cette manière de m'adresser à vous.
Si vous voulez me parlez, écrivez ce que vous voulez me dire.
Je le verrai, je le lirai.
Vendredi 19 juillet 2019 Jouez
Les numéros : 26 28 13 17 et l'étoile 7
À l'EuroMillions
C'est un cadeau, je reviendrai

C'est Marie qui me vit la première. Cri épouvantable qui


ameuta tout l'immeuble. Le mari accourut immédiatement. Il

Page 71
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

ouvrit de grands yeux écarquillés, mais il eut le courage de lire


le panneau.

Le voisin du dessous sonna à la porte. L'homme lui ouvrit


visiblement prêt à raconter ce qui se passait ici. Je sortis du
miroir. L'homme ne voyant plus rien dans le miroir, préféra
expliquer que sa femme s'était faite très mal en se prenant le
pied dans le tapis plutôt que de raconter cette histoire
invraisemblable.

Il referma sa porte, vers midi, je réapparus dans le


miroir, l'homme prit le pistolet dans sa main. Ils avaient tous
les deux de grands yeux écarquillés. Ils étaient en train de lire
mon panneau. Je leur fis signe de me prendre en photo. Ils
obéirent.

Dès que la photo fut prise, je disparus de leurs regards.


En fait, je restai dans l'appartement. L'homme sortit d'un tiroir
dans la commode un paquet de ticket de l'EuroMillions et ils
se mirent à les cocher. C'était le risque, s'ils ne jouaient qu'un
ticket, ils vont gagner environ mille à mille-cinq-cents euros.
S'ils jouent plusieurs tickets, ils gagneront autant de fois qu'ils
auront coché de tickets. Et il se peut qu'ils aient la chance de
trouver un des deux numéros qui leur manque. C'est le risque
pour moi et la carotte pour eux. Il reste un numéro à trouver
sur les quarante-six numéros restant pour gagner environ dix-
mille euros et une étoile sur les onze qui restent : Soit cinq-
cent-six possibilités. Et même s'ils les jouent toutes, ou qu'ils
aient la chance de les trouver, ça ne marchera qu'une fois. Ce
sont des joueurs, Ils voudront forcément recommencer,
regagner !

Page 72
Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

J'ai laissé passer un mois, puis je suis revenu. Ils avaient


joué onze tickets. En changeant l’étoile manquante à chaque
fois. Sur un des tickets, ils avaient quatre numéros et les deux
étoiles. Gagnants au deuxième rang, il empoche à peu près
cent cinquante mille euros et les dix autres tickets sont
gagnants au troisième rang : seize-mille-cinq-cents euros par
ticket soit cent-soixante-cinq mille euros. Soit un gain total de
trois-cent-treize mille euros.
Ce pactole arrange bien mes affaires, avec ce gain
extraordinaire, j’étais sûr de les tenir.
Cette rentrée d’argent leur avait permis de rééquilibrer
tous leurs comptes tant professionnels que privés. Leurs
problèmes étant résolus en totalité, ils étaient dans l’impatiente
de me revoir. Mais maintenant, ils voulaient plus. Ils voulaient
tous les numéros gagnants de l'EuroMillions. Et probablement,
qu'ils étaient prêts à faire n'importe quoi pour obtenir le tirage
complet.
C'est exactement là, où je voulais les emmener.

Lorsque Marie me vit dans la psyché de leur chambre à


coucher, elle appela calmement son mari.
J'avais un long panneau devant moi qui disait.

3éme message -- Le texte dans le miroir

Bonjour,
Je veux que le 20 octobre 2019 à vingt heures environ
vous tuiez un homme alors qu'il en train de manger
dans le restaurant « L'OCEAN du Fugu »

Page 73
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

où vous avez l'habitude d'aller.


Vous rentrez dans le restaurant
vous braquez l'homme à bout portant
et vous tirez plusieurs fois dans la tête et dans la poitrine.
Il faut absolument que l'homme meure.
Quand la police vous arrêtera
vous direz que c'était l'amant de votre femme.
Elle pourra soit confirmer et s'y tenir
soit, dire que ce n'est pas lui son amant
et que vous avez fait une erreur.
Ce qui rendrait l'affaire encore plus plausible,
c'est qu'elle ait véritablement un amant.
Bien sûr, vous serez condamné pour Crime passionnel.
C'est votre première condamnation,
vous ne prendrez pas plus de six ans
et en réalité si vous vous tenez correctement,
vous serez dehors au bout de deux ou trois ans.
En échange je vous donnerai
La date et les numéros du plus gros EuroMillions de tous les temps,
tous pays confondus 220 millions d'euros.
Il faut que l'homme meure
au plus tard le 20 octobre 2019 avant minuit
Je reviendrai dans une semaine pour avoir votre réponse.
Si elle est négative vous ne me reverrez plus.
SVP Notez mes messages sur une feuille et effacez-les de vos
téléphones afin d'éviter d'éventuels futurs ennuis avec la police.

La semaine suivante, j'allais les voir. C'est Marie qui me


vit la première, elle ne paniqua pas du tout et appela son mari.
J'ai écarté les mains comme une façon de dire « alors ».

Page 74
Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Ils avaient préparé un panneau qui disait :

Nous sommes d'accord, mais nous voulons gagner


plusieurs fois à l'EuroMillions.

J'avais prévu quelque chose comme ça, et j'avais préparé


une réponse.
4éme message -- Le texte dans le miroir

Bonjour,
Je ne peux pas vous faire gagner plus de deux fois
à un an d'intervalle sans être repéré dans mon époque.
C'est à prendre ou à laisser.
Réfléchissez,
Je reviendrai la semaine prochaine.
N'oubliez-pas d'effacer ces messages

Je quittais le miroir et les laissais dans leur perplexité.


Je pensais que maintenant, ils étaient prêts.
Et il fallait que moi je me prépare à ce qui m'attends
bientôt si tout se passe comme je le souhaite.

Premièrement, c'est à la suite de la mort de son mari que


Li-Yang m'a embauché. Elle venait de tuer un homme et elle
cherchait une épaule et un informaticien. Ce n'est pas dit que
si son mari ne meurt pas de son fait, elle prenne les mêmes
décisions. Peut-être même qu'elle peut envisager de faire autre
chose. Et en supposant qu'elle continue à exploiter la boutique,
elle peut, parce que dans un autre état d'esprit, embaucher
quelqu'un d'autre.

Page 75
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

De plus, imaginons que mes deux exécuteurs ratent leur


coup et ne tuent pas Kim-Li.
Tous les évènements qui suivraient seraient différents.
Le plus grave sera que je ne me souviendrai pas de ce
que j'ai fait et vécu pendant ces trois dernières années. Je ne
me souviendrai plus être l'amant de Li-Yang, ni que je possède
ce logiciel fantastique. Mais encore plus grave, Li-Yang ne se
souviendra pas que je suis son amant.
Il convenait de protéger tout ça.
J'ai écrit mon histoire, ce document, mais dès que Kim-Li
sera mort, tout ce que j'ai fait, écrit, photographié disparaîtra.
Donc, il faut que quelqu'un qui n'a rien à voir avec Kim-
Li ou Li-Yang ou moi, retape intégralement ce texte comme si
c'était une idée à lui. Quelqu'un qui, quoi qu'il arrive ne serait
pas impacté par les destins de Kim-Li, Li-Yang ou même le
mien. Quelqu'un qui aura exactement le même destin, que
Kim-Li, Li-Yang ou moi existent ou pas.
Il faudra que cette personne ou une autre fasse une copie
de mon logiciel sans savoir de quoi il parle.
Puis, il faudra qu'elle fasse un CD-Rom contenant le
tapuscrit ci-dessus et une copie du logiciel tel que je l'ai
transformé. Il faudra faire une copie de ce cédérom au cas où !
Faire un paquet des deux Compact Discs.
Puis, la personne devra donner le paquet à un notaire, un
huissier ou un détective privé et le charger de le remettre à ce
que je serais devenu.
C'est la seule chance que je vois, pour que cette histoire
ne tourne pas en eau de boudin.

Page 76
Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Page 77
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

La semaine suivante, je suis allé chez mes exécuteurs.


Il y avait un panneau devant le miroir de leur chambre
qui disait :
Ok
Nous sommes d'accord

Moi aussi j'avais un panneau. Sur lequel il y avait la


photo de Kim-Li. Qui disait :

5éme message -- Le texte dans le miroir

Bonjour,
Voilà la photo de l'homme à abattre

Le restaurant est celui ou vous allez manger


le fugu le dimanche soir.
Cela doit être fait impérativement avant le 20 octobre, minuit
Après cette date, notre contrat ne vaut plus rien.
Le 11 décembre 2020 jouez : 6 - 9 – 13 - 24 - 41 – 3 - 12
Le 15 octobre 2021 jouez : 21 – 26 – 31 – 34 - 39 – 2 - 5
Le premier tirage rapportera 200 millions d'euros
Et le deuxième 220 millions d'euros.
N'oubliez pas que j'ai la possibilité d'intervenir sur le tirage.
Notez quelque part le contenu de ce message et effacez-le.

Page 78
Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Voilà ce texte est terminé. Il ne reste plus qu'à le faire


déposer chez un huissier ou un détective privé pour qu'il le
remette par quelqu'un dont le destin ne sera en aucune façon
affecté par la mort de Kim-Li.

Moi, maintenant, je vais aller assister à l'assassinat de


Kim-Li par les Mon-Ven-Pin. À la seconde même où Kim-Li
va mourir, je disparaîtrai de ce destin ainsi que tout ce que j'ai
fait, créé, aimé et détesté pendant ces trois dernières années. Et
je réapparaîtrai au bout d'un autre destin de trois ans sur lequel
je ne sais rien.
Je serai comme un homme qui a perdu la mémoire d'une
partie de sa vie.
En espérant que ce document revienne dans mes mains.

De la première partie

Page 79
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Le voyageur de l'autre monde


Intermède

C'est ainsi que Lucas prit connaissance de son


histoire. Il lut et relut ce document exceptionnel qui
contenait tous les détails de son épopée exceptionnelle. Il
comprit enfin l'épisode d'il y a trois ans dans les locaux de
la police.

Il n'avait plus qu'une hâte, c'était de faire


connaissance avec Li-Yang. Comment était-elle. Était-elle
jolie ? C'est sûr, elle devait être jolie. Il était déjà
amoureux d'elle. Empressé et angoissé de savoir si elle
était sortie vivante de l'attentat du 20 octobre 2019 du
restaurant « L'OCEAN du Fugu ».

Coumba était très jolie aussi, certes, mais ils ne s'étaient


jamais rencontrés physiquement. Il ne l'avait jamais vue qu'en
photo. Son histoire avec elle, était considérée tout à coup par
lui, comme étant à la limite d'un cas typique de « prostitution
conjugale ». Coumba venait dans son lit pour la sécurité et le
confort qu'il était en mesure de lui apporter, et lui, il l'acceptait
parce qu'il n'avait aucun succès avec les femmes à cause de sa
timidité. Parce qu'il ne se trouvait pas beau. Il n'avait pas
choisi Coumba. Il ne savait rien d'elle, ses qualités, ses
défauts, rien ! Il n'avait pas de qualité connue à aimer dans
Coumba. C'était juste une jolie inconnue avec un sexe opposé
au sien. Une femme ! Une femme jeune et jolie. N’importe
quelle jeune et jolie femme aurait fait l'affaire. Il acceptait par
timidité et paresse le sort de sa destinée. Il était plutôt du genre

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

généreux, mais l'histoire de l'enfant malade et les mille euros


qu'il avait été quasiment obligé d'envoyer l'avait quelque peu
refroidi. Face au romantisme de son histoire avec Li-Yang,
Coumba n'avait aucune chance.
Et puis, il y a les choses que l'on ne voit pas, parce que
l'on pense qu'ils n'ont aucune importance et qui sont gérées par
nos possibilités de cognition.
Coumba était loin, Li-Yang était tout prêt !

Il installa le logiciel sur sa machine dans le plus grand


des secrets, se fabriqua un avatar qui ne se lui ressemblait
absolument pas. On ne fait pas deux fois les mêmes erreurs.
Cela lui prit une bonne semaine d'effervescence et de
palpitation.
La pauvre Coumba ne comprenait rien à son excitation. Il
lui avait dit que peut-être, il irait la voir très prochainement à
Tombouctou. Elle avait été très étonnée qu'il lui demande son
adresse. La communication s'était coupée à ce moment-là.

Enfin le moment où il fut prêt à faire son premier voyage


arriva.
Lucas s'installa derrière sa machine. Se régla sur le
Restaurant « L'OCEAN du Fugu » le soir du 20 octobre 2019.
C'était un dimanche, le restaurant était bondé.

La première chose qu'il vit dans le restaurant c'est son


avatar. L'avatar de celui qu'il était. Il était tellement surpris
qu'il ne fit rien pour attirer son attention et resta en retrait.

C'est Kim-Li et sa femme Li-Yang qui arrivèrent les


premiers. Kim-Li était un habitué, on l'installa avec sa femme

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

à la table qui leur était réservée à chaque fois qu'ils venaient. Il


était tellement préoccupé par l'action qu'il en oublia de
regarder en détail le visage de Li-Yang.

Kim-Li salua sur son passage d'autres convives qu'il


connaissait, les deux sumos qui lui avaient livré Li-Yang en
2005, il y a quatorze ans déjà, étaient là, attablés à une table de
quatre personnes. Les deux hommes qui accompagnaient les
sumos, en plus d'avoir des gueules qui n'engageaient pas
l'empathie, avaient des tatouages de dragons agressifs qui
dépassaient de leur col de chemise et se prélassaient sur leur
avant-bras. Les mafieux chinois se tatouent souvent comme
les Yakusas Japonais. Le dragon, symbolise la puissance, le
courage, le pouvoir et la chance dans tous les pays d'Asie.

La table de Kim-Li était préparée et ornée d'un petit


bouquet de fleurs, attention spéciale réservée aux couples
habitués. Ils passèrent commandes. Kim-Li commanda son
fameux fugu et Li-Yang un canard laqué. On leur amena des
mignardises fumantes présentées comme des desserts,
capables de déclencher la gourmandise chez les plus grands
anorexiques, enrobés d'une chaleur appètante visible à l'œil nu,
mini-nems au crabe et au poulet, petits rouleaux de printemps,
déclinaison variée de mini-bouchées à la vapeur, impossible
de ne pas se laisser tenter.
L'organisation d'un repas à la mode française, (inspiré de
la méthode russe) entrée, plat, fromage, dessert n'a rien à voir
avec la façon de manger des Chinois qui mangent un plat
principal, parfois deux, accompagnés de riz ou de pâtes, et le
tout garni d'une ribambelle de petites minauderies grillées ou
cuitent à la vapeur, en attendant d'être servis, un peu comme la

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

kémia des orientaux, les mezedes des Grecs ou les tapas des
Espagnols.

Les hauts parleurs diffusaient discrètement une musique


Zen sur la voix neutre et fluette d'une jeune femme inconnue.
Les convives chinois mangeaient silencieusement à l'aide de
leurs baguettes, contrastant avec le vacarme assourdissant des
fourchettes, couteaux et cuillères des restaurants européens.

Voilà qu'Alain et Marie Mon-Ven-Pin arrivent, on les


installe à deux tables de Kim-Li et de sa femme. Ils
commandent un canard laqué. L'attente de ce plat est toujours
plus longue que pour les autres plats. On leur sert des yakitori,
ce sont des mini-brochettes de poulet dans une sauce sucrée,
de porc et de canard grillées et confites avec du thé pour les
faire attendre.
Mais voilà que tout à coup éclate une dispute entre eux,
Alain se lève et gifle violemment Marie à l'étonnement de tous
les convives du restaurant. Des serveurs s'approchent pour le
calmer, mais voilà qu'il sort un petit pistolet mitrailleur6 de son
veston et tire sur sa femme puis sur Kim-Li…
Le sang gicle de la poitrine de ces deux derniers qui
s'écroulent Kim-Li sur sa banquette et Marie à terre.

C'est exactement à ce moment que l'avatar de celui qu'il


était disparu.
C'est aussi à partir de cet instant que tout ce qu'il a vécu
avec Li-Yang et tout ce que Li-Yang a vécu avec lui disparaît.
Le moindre baiser, le moindre sourire, n'a jamais existé.
Ils ont vécu chacun de leur côté une autre destinée.

6
Pistolet mitrailleur israélien Uzi

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

C'est la panique dans le restaurant, tout le monde s'est


levé et court vers la sortie. Immédiatement, les deux sumos se
sont levés et ont sorti des pistolets avec lequel ils défouraillent
sur Alain Mon-Ven-Pin qui riposte. Le pistolet mitrailleur
prouve sa supériorité de feu. Mais ils sont touchés tous les
deux et s'écroulent dans un bain de sang.

Un couple qui dînait sur une table juste derrière Alain


Mon-Ven-Pin, mortellement blessé, n'échappa pas aux balles
des deux sumos aux crédits des dommages collatéraux.

Ça crie de partout, le sang a giclé sur les tables et sur les


banquettes. Beaucoup de clients s'échappent. Les sirènes de la
police sonnent dans toutes les rues du quartier.
Seule Li-Yang est restée assise, figée sur sa chaise face à
la dépouille ensanglantée de son mari. Elle ne pleure pas, son
visage est sans aucune expression.
Lucas est là, devant elle. Elle ne le voit pas. Il a
l'impression de la connaître, il ne peut pas la prendre dans ses
bras, l'embrasser, la consoler, lui raconter que ce sale type ne
lui fera plus jamais de mal.
Il la trouvait belle dans sa rigidité de statue. Il aimait ses
cheveux noirs plats qui tombaient de chaque côté de son
visage comme l'eau d'une cascade et éclataient sur ses épaules
graciles, la peau satinée et sans aucune ride de son visage la
faisait ressembler à une jeune étudiante. Son chemisier laissait
imaginer la femme cachée derrière la jeune fille et sa jupe qui
la dessinait confirmait sa féminité.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Lucas était dans une euphorie angoissante et enivrante, il


ne toucha pas à sa machine pendant toute une semaine. Le
rêve et la réalité occupaient toutes ses pensées. Il était dans un
état d'esprit nouveau, un état d'esprit qui trouve naturellement
le côté positif des choses, comme un homme qui vient de
naître, un homme tout neuf encore à quelques mètres de sa
coquille et qui se demande si le cycle d'une journée commence
par le jour ou par la nuit, ou comme un homme moderne qui
pense que toutes les pensées qui sont sans fond philosophique
ne valent pas le coup d'être pensées. À chaque nouveau
raisonnement, l'homme redevient tout neuf, parce que chaque
idée neuve remet tout en question. Il écoutait de la musique,
fredonnait à tue-tête des chansons d'amour, et il avait envie
d'écrire, il avait envie de lui écrire une lettre d'amour. Une
belle lettre d'amour enflammée. Il se disait que la musique
transmettait les émotions et les sentiments et les mots
transmettaient les idées, la philosophie, la technologie, la
mécanique des systèmes, de tous les systèmes. Il se demandait
pourquoi, il avait toutes ces nouvelles idées dans sa tête.
Il s'imaginait dans une vie heureuse dans les bras de Li-
Yang et Li-Yang dans ses bras.

La semaine suivante, il alla voir Li-Yang dans sa


boutique. Trois ans avaient passés depuis l'attentat.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Elle était au comptoir, elle servait un client, derrière elle,


un jeune homme assemblait les éléments d'un ordinateur. Est-
ce que ce jeune homme était aussi son amant ?
Comme lui l'était en son temps ?
Il resta près d'elle jusqu'au soir. Mais lorsque la journée
fut terminée et qu'elle baissa le rideau de fer.
Le jeune homme la prit dans ses bras et lui fit l'amour
avec l'enthousiasme de la jeunesse sur la moquette du
magasin.
Il rentra chez lui la mort dans l'âme.

De l'intermède

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Le voyageur de l'autre monde


3ème partie

Fernand Fallou

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Il décida de prendre un peu de temps pour réfléchir à ce


qu'il allait faire.

Après l'euphorie de la semaine dernière, il vivait la plus


grande déprime de sa vie. Li-Yang avait un amant. Conscient
de son insuccès avec les femmes, il considérait la partie
comme perdue d'avance. D'autant plus que le jeune homme
était beau. Il le trouvait plus beau et plus jeune que lui. Il
abandonna la partie avant la bataille.

Il décida d'aller voir Coumba, là où elle habitait,


comment elle vivait ? Il voulait son adresse pour aller la voir.
Il voulait savoir si son fils allait mieux. Il était très étonné
qu'elle ne lui ait pas encore répondu au sujet de son adresse à
Tombouctou. Il lui parla à nouveau sur Skype. Elle lui disait
que la plupart des rues de Tombouctou n'avaient pas de nom.
La ville est divisée en quartiers où les gens se connaissent.
Beaucoup de gens ne sont pas enregistrés à l'état civil. La
plupart des gens qui habitent dans la savane ne sont pas
recensés et les enfants qui naissent ne sont pas tous déclarés.

Même les extrémistes sensés ne plus être là, se


confondent dans la population. On ne sait plus qui est qui.
Elle expliqua, qu'elle ne sortait dehors qu'en cas d'absolue
nécessité. Les salafistes attrapaient les femmes les
séquestraient, les violaient à tour de rôle pendant plusieurs
jours, leur volaient leurs bijoux et leur argent et parfois les
relâchaient, mais la plupart du temps, les tuaient purement et
simplement en toute impunité.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Elle habitait, pas loin de la place du marché dans le


quartier le plus au sud, Sanégoungou. Sur la route de
l'aéroport.

Il lui demanda, plus pour peupler la conversation que


pour le savoir, quelle heure il était à Tombouctou ? Elle lui
répondit qu'il y avait une heure de décalage en moins. Lucas
trouva cette réponse exacte, mais fausse. En France, c’est
l’heure d’été, on a avancé nos montres d'une heure, donc ça
nous fait un décalage horaire de deux heures. En ce moment
au mois de mai, le soleil se couche en France légèrement après
21 heures. Tombouctou étant plus près de l'équateur où grosso
modo le soleil se lève et se couche vers six heures, là-bas le
soleil doit se coucher un peu après 19 heures. Il était déjà 18
heures ici, il est donc 16 heures à Tombouctou. Il reste 3
heures de jour à Tombouctou, il décida d'y aller.

En quelques clics de souris, le voilà devant la plus


ancienne et la plus grande mosquée de Tombouctou :
Djingareyber. Il fait une chaleur d'enfer et l'air brûlant fait
onduler les images du paysage. Mais son avatar ne craint ni la
chaleur ni le froid. On dirait une ville en sable rouge comme le
désert qui l'entoure. Il n'y a pas d'immeuble ou presque pas,
seuls les minarets des mosquées dépassent du paysage. Les
chevrons qui dépassent et qui titillent notre entendement font
en fait, office d'échafaudages permanents et permettent le
recrépissage des murs avec du banco7.

De l'extérieur on ne voit pas grand-chose.


7
Matériau de construction traditionnel en Afrique subsaharienne, fait de terre argileuse et de paille hachée et
d'autres choses dont des excréments d'animaux, séchée au soleil. (Pas de cuisson).

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Les dunes, que le vent déplace telles des vagues,


enserrent la ville qui semble flotter dans une mer de sable. Pas
de route goudronnée ni de trottoir. Il y a plein de monde dans
les rues qui marchent pieds nus dans le sable. Ce sable qui
s'accumule aux pieds des murs de tout ce qui est debout,
semble attaquer sournoisement les maisons de boue. Dans ce
pays d'animistes fait de soleil et d'ombre, de vent et de sable,
les ombres, des Djinns qu'on ne voit pas, se mélangent
discrètement aux ombres des simples mortels.

Il y a une animation extraordinaire, des hommes des


femmes vont et viennent avec des paquets, des sacs, des objets
dans les mains, d'autres poussent des sortes de petites
charrettes pleines de marchandises ou de je ne sais quoi. Deci
delà, des stands minuscules, ou un homme ou une femme,
vends des choses à boire ou à manger. Celui-là vend des
beignets qui ressemble vaguement aux bambalounis au sucre
tunisiens à même la marmite géante où il les a faits frire et
cette femme vend des morceaux de poulets mijotés qu'elle a
cuisinés elle-même, un panneau indique en français : Pili-pili8.

Quelques camions et quelques voitures, beaucoup de


motos, de mobylettes et de vélos. Les boutiques ressemblent à
des rangées de garages qui ont été transformées en rangées
boutiques. Aucune vitrine, que des rideaux de fer.
Des sacs de riz, de blé, de manioc, de sorgho de dix kilos
s'entassent dans les devantures. Impossible de trouver un
paquet de riz de cinq-cents grammes.

8
Piment rouge africain (mais pas que) très très fort. Si on vous propose un jour, d'en manger, prévoyez un
extincteur.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Coumba lui a dit qu'elle habitait dans le quartier


Sanégoungou sur la route de l'aéroport.
Il a cherché Coumba, sur la route de Kabara, en partant
du marché et jusqu'à l'aéroport, il s'est insinué insidieusement
d’abord dans les boutiques et puis dans les maisons. Certaines
maisons n'ont pas l'électricité et certaines autres n'ont pas l'eau
courante. Il a vu des armes, beaucoup d'armes partout, des
femmes et des enfants qui se cachent. Les intégristes ont laissé
des traces dans l'esprit des Tombouctiennes et des
Tombouctiens. Certains pensent qu'ils sont encore là !
Vingt heures, déjà ! Il n'a pas trouvé Coumba, il est
fatigué, la nuit est tombée. Il décide de rentrer.

Dans les jours qui suivirent, il retourna voir les Mon-


Ven-Pin avec l'image d'un tout nouvel avatar qui était très loin
de lui ressembler. Connaissant leurs réactions, il revint
différent, aux mêmes moments, aux mêmes endroits, avec les
mêmes panneaux légèrement rectifiés. Sachant qu'ils ne
joueraient jamais les numéros de l'Euromillion, il leur donna
n'importe quels numéros.
Cela lui évitera d'être pris au sérieux, et éventuellement
l'épisode « commissariat de police » de la porte Clichy.
Il vérifia la fusillade du restaurant. Même avec ces petits
changements les choses se passèrent exactement de la même
façon.
Il se demanda pourquoi Alain Mon-Ven-Pin avait tiré sur
sa femme, sûrement qu'il voulait garder la totalité des gains de
l'Euromillion pour lui tout seul, ou alors, il avait une

Page 91
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

maîtresse. Ou encore, pour être certain qu'elle ne parlerait pas


devant les interrogatoires musclés de la police. Mais peu
importe, ça n'a pas d'importance. Ça n'a plus d'importance.

Il eut un contact avec Coumba. Il était très étonné qu'elle


ne lui donne pas de nouvelle de son fils, maintenant qu'elle
avait reçu l'argent qu'il lui avait envoyé.
Il lui mentit, il s'inventa un ami qui travaillait dans une
ONG et qui était justement à Tombouctou. Et qu'il avait
essayé d'aller la rencontrer sans succès.
Devant les explications abracadabrantes et incohérentes
de Coumba quant à son adresse, pour la première fois, Lucas
pensa que peut-être, qu'elle n'était pas à Tombouctou et qu'elle
lui mentait.
Peut-être était-elle une de ces filles qui se trouvaient un
Français pour lui soutirer de l'argent, voire tout ce qu'il
possédait en lui faisant miroiter l'idée concrète, d'être un jour
sa femme.
Il réfléchissait, qu'est-ce qui l'intéressait dans cette fille
dont il ne savait rien ? Peut-être qu'elle était de ces femmes
difficiles à vivre, capricieuse, frivole et fainéante et le pire,
très mauvaise maîtresse de maison. Peut-être qu'elle n'était pas
une bonne femme au sens propre du terme, honnêteté,
honorabilité, générosité, amour de son prochain. Que voyait-il
réellement en cette jeune femme aux lignes aguichantes ? Un
sexe jeune et facile.
Il était temps de revoir sa façon de penser sur Coumba.

Il remonta la filière de ses mails pour savoir d’où elle lui


envoyait les messages qu'il recevait.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Et déjà il remarqua que l'adresse mail qu'il avait transitait


par une autre adresse à Bogota en Colombie, pour lui cette
anomalie était la signature d'une escroquerie. Il continua sa
filature dans plusieurs pays dont Bamako puis, pour finir rue
de Courcelles dans le 17ème arrondissement de Paris.
Il vérifia l’adresse de la banque dont il avait les
coordonnées. C’était bien une banque africaine mais le compte
de Coumba était dans sa succursale française. Banque Centrale
des États de l'Afrique de l'Ouest la (BCEAO) - 29 Rue du
Colisée, dans le huitième arrondissement à Paris. Comme par
hasard, pas très loin de la rue de Courcelles.

Il se rendit le jour même à l'endroit d’où partaient les


messages de Coumba. Quelle ne fut pas sa déception de
s'apercevoir que sous le couvert d'une école d'informatique
une vingtaine de jeunes femmes contactaient des hommes,
(maintenant on dit « hameçonnaient » des hommes,) le plus
souvent des hommes seuls, tentaient de leur soutirer le
maximum d'argent, quitte à leur dévoiler l'intégralité de leur
corps de jeune femme sous tous les angles.
À l'heure où il n'y a pas un film, pas une série, pas une
journée où on ne voit pas un décolleté plongeant ou une paire
de fesses à la télé, les femmes n'attachent plus la même
importance à se montrer nue à la plage ou ailleurs selon
l'occasion. Les maillots de bain, les bikinis, sont devenus si
petits que le peu qu'ils cachent ne pèse pas lourd devant la
moralité de nos grands-mères. Deux tétons arrogants et la
fente déprimée d'un sexe complètement rasé. À ce stade,
caché ou pas, ça ne change plus rien.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Les filles étaient installées dans des petits bureaux


cloisonnés par un paravent de trois panneaux phoniques verts,
sans aucune décoration, isolées par un rideau.

Elles donnaient la moitié de ce qu'elles touchaient au titre


du prix des cours au directeur de l'école qui commissionnait
des pseudo/animateurs surtout chargés de gendarmer les
jeunes femmes et d'en recruter de nouvelles constamment.

Il y avait un vieil homme noir avec un casque sur la tête


qui se promenait entre les filles. Le casque ressemblait à un
casque d'écoute de musique en stéréo. Il n'avait rien de
particulier, si ce n'est qu'une petite antenne d'environ dix
centimètres qui pointait juste au-dessus de sa tête et qui avait
un petit voyant rouge qui clignotait silencieusement.

Le grand-père avait l'air inquiet. Il regardait, préoccupé,


son computeur d'une manière préoccupé, comme si quelque
chose ne fonctionnait pas correctement. Il touchait des
boutons, surveillait son écran, avait l'air plus attentif à ce qu'il
entendait dans son casque. Lucas comprenait qu'il ressentait sa
présence. Mais comme il était une onde libre qui
probablement ne faisait pas partie des réseaux conventionnels
de transmission. Il ne pouvait la capter.

Parfois, il se figeait auprès d'une fille qui était en


communication avec un interlocuteur amoureux…
Théoriquement. On sentait l'incrédulité dans l'expression de
l'homme dans le regard, dans les mots. Alors, il faisait signe à
la fille avec son doigt tordu de vieillard, qui de sitôt se
maquillait de plus belle et montrait sans aucune pudeur tous
les secrets de son anatomie à son interlocuteur. Lucas était très

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

déçu. Très déçu de s'être laissé avoir. L'amour est plus


tranchant que l'épée. Il avait cru dans l'histoire de Coumba, sa
vie à Tombouctou, le sable, le désert, les terroristes, le bruit
des kalachnikovs, la charia. Il y avait une larme dans ses yeux.
Coumba faisait partie de ce réseau d'escrocs.

Il ne trouva pas facilement Coumba. Le visage qu'il


connaissait ne ressemblait à aucune fille qui était là. Alors il
regarda mieux les écrans. Aucune fille ne ressemblait à
l'image de la fille sur l'écran. Toutes les jeunes femmes qui
étaient là, étaient beaucoup moins jolies. Grâce à des logiciels
de changement de visage comme FaceApp qui foisonnent sur
internet, on peut envoyer le visage de nous que l'on veut, à qui
l'on veut. C'est ce que font les humoristes comme Canteloup,
on croit vraiment que les hommes politiques dont ils imitent la
voix prononcent vraiment les inepties qu'ils racontent.
Cela s'appelle la technologie du Deepfake.
Le visage de la Coumba qu'il connaissait était beaucoup
plus joli que le vrai visage de la vraie Coumba. Sa déception
était grande. Les larmes dans ses yeux devinrent plus grosses
et plus lourdes.
Elle était presque nue sous prétexte de donner le sein à
son bébé. Même un voyeur novice s'apercevrait que ce sein
proposé au bébé n'avait pas une goutte de lait. Tout était faux,
sauf sa beauté plastique. Elle était parfaitement dessinée avec
des seins de bronze capable de crever un œil à tous ceux qui
regarderaient trop intensément. L'intérieur de l'appartement
sur lequel elle lui parlait n'existait que dans l'ordinateur.
Simple trucage de cinéma ou de télévision.
Mais il n'était plus à un trucage près.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Sûrement qu'elle lui faisait croire que le bébé était


malade. Mais à peine avait-elle terminé sa conversation,
qu'une autre jeune femme vint prendre le bébé et fit la même
chose probablement, avec un autre homme. Lucas fut très
surpris de constater qu'en fait, il n'y avait qu'un seul bébé pour
toutes les filles afin d'apitoyer les clients. Comme il ne fallait
pas qu'il grandisse, ce n'était jamais le même. Il était loué à la
journée, de la même façon qu'on loue un objet.

La surprise dépassa les bornes lorsque Lucas s'aperçut


que le directeur de cette organisation n'était autre qu'Ali
Gator qu'il pensait au Burkina Fasso.
Il accumula le maximum de renseignements sur cette
organisation, les noms et les adresses de toutes les filles, du
directeur et des animateurs recruteurs de filles. Certaines
étaient mariées et avaient une vie de famille comme vous et
moi. Métro, boulot, dodo ! Approximativement.
Les choses sont extraordinaires. Il pensait que la police
allait débarquer et embarquer tout ce beau monde au
commissariat. Mais il ne se passa rien, personne ne vint
déranger les escrocs dans leur funeste dessein.

Li-Yang avait un jeune amant.


Coumba était une salope et une arnaqueuse.
Le monde est stone.
Il se retrouva seul.
Très seul.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Il remonta dans son passé à lui pour savoir ce qu'il avait


fait pendant ses trois dernières années. Il s'était spécialisé dans
l'adaptation de logiciels et s'était installé à son compte. Il
gagnait très bien sa vie. Il travaillait aux heures qui lui
convenaient. Souvent la nuit.

Il s'étonna que Coumba l'appelât encore sur Skype de


temps en temps. Machinalement, il répondit. Elle se demandait
ce qu'il se passait pourquoi, il ne l'appelait plus. Elle était
habillée d'un petit débardeur qui tombait sur ses seins pointus
d'une manière très lubrique. Il ne pouvait pas lui dire qu'il
savait que c'était une professionnelle de l'escroquerie. Il
préféra lui répondre qu'il était très occupé par son travail en ce
moment et coupa la communication.

Il se promena un peu partout dans Paris, la nuit le jour.il


alla voir du côté de la rue de Courcelles, l'école d'Ali Gator
était toujours ouverte la police n'était pas encore intervenue. Il
pensa que cela ne saurait tarder et continua sa promenade.
L'aïeul avec son casque bizarre sur la tête le préoccupait. Qui
était-il ? Quel était son rôle ? Ses pas l'emmenèrent sans
l’avoir voulu du côté de la rue de Provence, il chercha des
yeux Sophie. Quand il la vit, il s’aperçut qu’elle boitait, elle
avait un œil au beurre noir.
Il lui fit un signe de la main, elle lui sourit et lui rendit
son signe de la main.
Son proxénète la battait, c’était sûr.

Le soir même, il fit faire le pied de grue à son avatar sur


le trottoir à côté d'elle. Lorsque son maquereau vint chercher
la recette de la journée, « relever les compteurs », comme on
dit dans le milieu, il l'accompagna dans sa voiture jusque chez

Page 97
Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

lui. Avant de descendre, il prit un trousseau de clefs dans la


boite à gants. Il habitait dans un appartement luxueux du
boulevard Haussmann. Il ouvrit un pot de confiture de fraises
qu'il prit dans le frigo pour en extraire une clef qu'il lava à
grande eau dans l'évier. Puis, toujours avec cette clef, il ouvrit
un coffre planqué derrière un tableau dans son salon. Le coffre
contenait beaucoup de liasses de billets de banque. Il mit
l'argent que lui avait donné Sophie et sûrement d'autres filles.
Il referma et remit la clef dans la confiture du pot de confiture
de fraises qu'il remit dans le frigo.
Ce fut très facile pour Lucas d’aller physiquement vider
son coffre. Un soir, alors que le proxénète de Sophie était au
restaurant en compagnie d’une jeune femme qui ne savait
sûrement pas ce qui l’attendait. Il cassa un carreau de sa
voiture, prit les clefs dans la boite à gants malgré l'alarme qui
s'était déclenchée, et fonça boulevard Hausmann vider le
coffre de cet enfoiré.
Il suivit Sophie jusque dans son appartement. Elle
habitait dans une barre d'immeuble de la ville de Saint-Ouen.
Elle vivait seule. Elle fut très étonnée de le voir devant sa
porte et ne cessa de le questionner à ce sujet qui l'inquiétait.
Mais quand il lui donna tout cet argent, il y avait plus de trois-
cent-mille euros. Elle se mit à pleurer. Elle l'embrassa
tendrement. Mit l'argent dans un sac à dos avec quelques
vêtements. Enfila son manteau, et son sac à dos sur ses
épaules, prit son sac à main. Elle coupa le gaz, l'eau et
l'électricité, elle le prit par la main, sortit et ferma sa porte à
clef.
Une fois dans la rue, ils marchèrent un peu sans rien dire
en se tenant toujours la main. Arrivée devant la station de
métro "Mairie de Saint-Ouen", elle l'embrassa une dernière
fois.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Il lui demanda.
-- Ou allez-vous ?
-- J'en sais rien, je vais prendre le premier train qui part vers le
sud.
Elle sourit et elle ajouta :
-- Il parait que la misère est moins pénible au soleil.
Puis elle disparut dans le métro.

Ce petit intermède, quelque peu douteux quant à la


moralité, le rééquilibra dans sa peine d’avoir été escroqué par
Coumba et d’avoir perdu Li-Yang. Il y a peine deux ou trois
jours, il était désœuvré, il se promenait dans Paris en traînant
les pieds. Ses pas le ramenaient toujours vers la boutique de
Li-Yang. Ce petit événement, le requinqua moralement,
repoussa son désœuvrement, et lui redonna du courage.
Il se rendait compte du pouvoir qu'il détenait. Un pouvoir
formidable. Plus fort que Superman, Spiderman, Batman…
Lui aussi il allait devenir un super héros. Un super héros
encore plus fort que l'homme invisible. Mais encore plus
invisible.

Il en était là de ses pensées, quand il arriva chez lui. Rue


de Trévise. Les inspecteurs Thierry Bassaro et Élyse Roussel
l'attendaient devant sa porte. Il les reconnut immédiatement,
même si la femme n'était pas ni maquillée, ni habillée de la
même façon. Il avait pourtant effacé toutes les traces de lui,
qu'il avait laissé chez les Mon-Ven-Pin. Qu'est-ce encore que
cette visite. Son cœur se mit à battre la chamade.
Ils se présentent en exhibant leur carte de police.
-- Bonjour, vous êtes monsieur Lucas Lemoine ?
Il s'étonna de cette question, ils semblaient ne pas le
connaître. En théorie, ses différentes visites chez les Mon-

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Ven-Pin auraient dû éliminer l'épisode de son arrestation. C'est


sans doute pourquoi, ils n'avaient pas l'air de le reconnaître.
-- Oui
-- Nous avons besoin de vous parler.
En disant ces derniers mots, l'inspecteur Elyse Roussel
ouvrit la porte d'une voiture et l'inspecteur Bassaro lui fit signe
de monter.
Ils l'emmenèrent dans leurs locaux de la porte de Clichy,
Lucas n'en menait pas large. Il se demandait qu'est-ce que ces
flics pouvaient bien avoir à lui dire ?
Ils rentrèrent dans une pièce de réunion, quelques tables
et quelques chaises sans personnalité et là-bas dans un coin un
chevalet de conférence avec un vieux paperboard fatigué
abandonné.
Deux hommes très bien habillés étaient déjà là.
L'un deux ouvrit un dossier qui était devant lui et
s'adressa à Lucas qu'il avait invité à s'asseoir.
-- Monsieur vous nous avez écrit récemment pour nous
dénoncer l'activité de l'école d'informatique de la rue de
Courcelles.
Lucas n'en revenait pas, il avait dénoncé ali gator
anonymement.

-- Oui je sais, vous avez fait cette démarche d'une manière


anonyme, mais à la suite de notre enquête nous avons
découvert votre adresse IP apparait d'une manière
fantomatique dans la machine du grand père. La led
"anomalie" de son casque Bluetooth se met à clignoter
dès que vous été là, et elle s'arrête lorsque votre adresse
disparaît des algorithmes.
Nos informaticiens ne comprennent pas comment vous
arrivez là, ni comment vous en sortez. Mais vous y êtes,

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

votre adresse IP apparaît partout dans les algorithmes. Par


un moyen que nous ne comprenons pas encore nous
savons que vous avez un moyen d'espionner Ali Gator.
Jamais de messages, jamais le moindre mot mais vous
êtes là, On ne vous voit pas rentrer, on ne vous voit pas
sortir, mais vous êtes là ! C'est une certitude. Voici les
horaires et les dates de vos présences.
On sait que vous êtes en relation avec une jeune femme
de cette organisation, mademoiselle Coumba … Je
crois….
Il laissa passer quelques secondes et reprit.
-- Je crois que vous êtes un ami d'enfance de monsieur Moussa
Tabar qui se fait appeler Ali gator. Vous êtes très connu
dans le monde des Geeks. Nous avons pensé que comme
vous avez le même historique informatique, vous étiez
plus à même que quelqu'un d'autre, de comprendre
comment monsieur Tabar s'y prend pour intercepter les
messages de l'Élysée sans laisser aucune trace dans les
machines. Voici monsieur Sylvain Delaporte ingénieur en
chef du parc informatique de l'Élysée.

Monsieur Delaporte donna sa carte de visite à Lucas en


lui disant qu'il était à l'écoute de ses désidérata.
-- On va vous ramener chez vous, voilà un téléphone si vous
avez le moindre problème, le moindre besoin, appelez-
moi, nous verrons ce que nous pourrons faire. Nous
espérons avoir de vos nouvelles très prochainement.

Les inspecteurs Bassaro et Roussel le ramenèrent rue de


Trévise. L'histoire de « L’OCEAN du Fugu » était oubliée. Il
avait sortie Sophie des griffes de son proxénète et les flics
faisaient appel à ses services. Il ne lui manquait que Li-Yang.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Il était dix heures passées, il n'y tenait plus, il rentra chez elle.
Elle était en chemise de nuit et allait se coucher. Elle était
seule. Aucune trace de son compagnon ? Il s'attarda un petit
peu à la regarder dormir puis il rentra chez lui.
Il alla faire un tour à l'école d'informatique d'Ali Gator.
La salle où les filles travaillaient était pleine à cause du
décalage horaire. Le vieil homme était là. Il ne faisait rien, il
avait l'air fatigué et son expression était figée. La peau noire
de son visage avait pâli et semblait changer de couleur, une
couleur bizarre, un noir indéfinissable plus clair ou plus foncé
comme le vert de gris d'une pièce de cuivre qui balance entre
le bleu et le vert. Il était assis devant une petite table sur
laquelle était posée un petit ordinateur portable apparemment
en train d'enregistrer un message avec le magnétophone
numérique de Windows.
Il s'approcha de l'écran de l'ordinateur

Escadron de transport 60
Voyage COTAM 00029 Nice annulé
Base aérienne 107 – Villacoublay.

Cet ordinateur était en train de recevoir un message ce


n'était pas un message ultra-secret, mais un message pouvant
intéresser les paparazzis de tous bords. Un message qui
pouvait néanmoins se vendre un très bon prix.
Mais comment ce petit ordinateur de supermarché
pouvait-il recevoir des messages qui théoriquement voyage sur
des réseaux secrets ultra-protégés ?
Il s'approcha du vieil homme à la peau bizarre, il constata
comme une espèce de chair de poule sur la peau de ses mains,
9
COTAM 0002 veut dire "premier Ministre" – 0001, le président.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

plus importante, plus évidente, comme une espèce de petits


boutons, telle une mousse de petites bulles, entre le rouge, le
noir et le vert. L'écran indiquait qu'il était branché en
Bluetooth sur un appareil intitulé casque-antenne.

Le lendemain, Il revint un peu plus tôt chez Li-Yang, elle


était en train de dîner seule en regardant la télé. Il resta chez
elle jusqu'à ce qu'elle se couche, puis il retourna dans l'école
d'Ali Gator. Toujours la même chose, les filles parlaient avec
des interlocuteurs à qui elles dévoilaient impudiquement leur
corps. Elles parlaient beaucoup d'argent. Le vieil homme était
absent.
Il retourna chez Li-Yang plusieurs jours de suite et il
s'étonna de la voir seule tous les soirs. Mais où était passé son
jeune amant ?
Il décida de suivre le jeune homme depuis la sortie de son
travail jusqu'à chez lui afin d'en avoir le cœur net. Et il se dit
que c'était aussi une très bonne idée de suivre le grand-père.
Ce qu'il fit dès le lendemain.
Il était là au moment où le vieil homme arriva. Il
commença par allumer son ordinateur après s'être assis devant
son petit bureau, puis il mit le casque sur sa tête. Il eut le
temps de remarquer deux pastilles roses comme les électrodes
que l'on vous colle sur la peau quand on vous fait un
électrocardiogramme. Guidé par le casque, les deux
électrodes se posèrent exactement à l'endroit des tempes qui
étaient parfaitement rasées. Il y avait un rapport entre son
cerveau et ce casque. Les choses étaient naturellement
évidentes pour lui à ce moment-là.

Ce soir-là, chez Li-Yang, il assista à la fermeture de la


boutique et le jeune homme ne fut pas invité à monter chez

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

elle, bien que l'épisode de la moquette n'ait pas eu lieu. Il


poursuivit son idée saugrenue de suivre le jeune homme. Il
vivait avec une très jolie jeune fille de son âge. Il était
tellement content d'avoir découvert cette situation nouvelle,
qu'il ne resta même pas pour les regarder faire l'amour. Il
rentra chez lui en chantant.

Dans son euphorie, et sans qu'il y pense, une hypothèse


plausible lui sauta aux yeux d'une manière intense. Il se dit
que le grand-père devait développer une l’hypersensibilité
électromagnétique aux ondes de toutes sortes qui circulent
dans l'air autour de nous. Il avait lu des articles sur des
expériences sur ce sujet pendant la deuxième guerre mondiale.
Tant du côté des Allemands que du côté des Américains.

D’où sa pâleur et son expression de fatigue lorsque


probablement, il captait un message. L'homme captait le
message sous forme d'ondes, le casque récupérait ses ondes
qui ne veulent rien dire pour personne, les transmettait via
Bluetooth à l'ordinateur qui transformait cette onde en
message numérique lisible.
Peut-être même, qu'en ce qui concerne les filles, il était
capable de déceler l'état d'esprit de leurs interlocuteurs
Le soir même il se lança dans une enquête numérique sur
le vieil homme. Il découvrit que l'aïeul était un marabout
africain très connu de la ville d'Agadez au Niger.
Agadez, c'est presque la copie conforme de Tombouctou,
imaginez, un ville couchée, aucun bâtiment de plus de trois
étages. Les "pote-potes", c'est comme ça que j'appelle les
maisons carrées en banco. Une version moderne, plus
sédentaire que la case encore très présente et plutôt réservée
aux nomades.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Seul, est debout, transpercé de part en part de ses


chevrons de bois qui permettront tous les deux ans le
recrépissage, le minaret de banco de la grande mosquée. Il y a
beaucoup d'autres mosquées, mais qui ne possèdent pas de
minarets.
Les quelques constructions de plus d'un étage, passent
complètement inaperçues faute d'avoir un endroit qui
donnerait sur une vue qui surplombe la ville.
Vue d'un peu plus loin, d'un peu plus haut, de l'échine
d'une dune, la ville de sable, semble flotter sur les dunes
comme un radeau sur les vagues d'une mer déchaînée,
harcelée de toutes parts par les alizées dont l'harmattan le
terrible. La siccité des murs de pierre des maisons de boue
transparaît à travers les halos de réverbération de la lumière.
Des images qui apparaissent et disparaissent, voyagent
furtivement entre les acacias de poussière et les halliers de la
savane. Ici, pas besoin d'être devin, pour voir, pour pressentir
que la denrée principale à retenir, à ne pas gaspiller, c'est l'eau.
Plus haut, vers le nord, il y a de l'or, mais il n'y a rien à acheter
à part de l'eau qui vaut de l'or.
Dans ce paysage mythique, fantomatique, il semble que
les hommes attendent d'un instant à l'autre l'évènement, la
catastrophe, qui mettra fin à cette angoisse permanente. Le
déluge, un tsunami, la glaciation, le réchauffement
spectaculaire et apocalyptique sur une heure ou deux de toute
la région du Soudan à la Mauritanie avec dans la foulée
l'Égypte, la Libye, l'Algérie et le Maroc.
Armageddon se cache derrière les touffes d'herbes hautes,
que tous confondent avec l'herbe éléphant qui pousse près des
marigots et des rivières, les baobabs et les acacias.
À Agadez, il n'y a pas de terroristes ou parfois
exceptionnellement, seulement un petit groupe de passage.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Ici, il n'y a rien à voler.


Agadez, c'est le passage obligé de tous ceux qui veulent
rejoindre l'Europe, c'est la route qui va remonter en Libye et
où chacun pourra trouver un passeur plus ou moins honnête
qui les fera passer (peut-être) jusqu'à Lampedusa.
C'est là que se retrouvent les gentils, les méchants, le
grand mélange des droits communs, des hommes sans patrie,
ni loi, ni moralité de base. Ils viennent d'un pays, certes, mais
c'est un pays qui n'a pas d'histoire, pas d'historique, ou ils ne le
connaissent pas, d’ailleurs la plupart, ne savent pas lire ni
écrire aucune langue. Sans culture, un homme n'est rien.
De plus, ils sont pauvres, ils n'ont pas le moindre franc
CFA et ils ont faim, ils ont soif, ils veulent vivre et un peu
plus parfois. Certains remontent vers le nord où leur a-t-on dit
« Il y a de l'or » et deviennent orpailleurs, vivants d'abord, puis
morts ensuite. Une suite logique sans aucune surprise aucun
de ces hommes n'est devenu orpailleur riche.
À Agadez, comme à Tombouctou beaucoup de femmes
ne sortent plus de chez elles.
Jusqu'au 19ème siècle, il n'y avait aucun blanc à Agadez.
Aujourd'hui, il n'y en a pas beaucoup.
Quelques aventuriers qui aiment vivre dangereusement.
Contrairement aux blaireaux qui vont au boulot tous les lundis
matin et qui sont en repos le week-end, qui vont en vacances
un mois par an. Qui ont un crédit sur vingt ou vingt-cinq ans
pour payer leur maison et qui espèrent enfin vivre heureux de
leur retraite quand ils seront vieux, les aventuriers courent
après l'aventure (très rare) qui les rendra riches en une seule
fois. En un seul jour, en un seul coup !
Mais à part gagner au loto, je ne connais aucun moyen de
vivre ça honnêtement.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Agadez n'a pas bénéficié de la lumière du siècle des


lumières, Corneille, Victor Hugo, Voltaire, Diderot,
d'Alembert, Jean Jacques Rousseau, La Fayette sont des
inconnus.
Mais ils ont gardé des coutumes ancestrales qui viennent
du fond des âges. Ils ont gardé des possibilités extraordinaires
du corps humain que les inventeurs du moteur à explosion et
de la guillotine ont oublié.
Le grand-père de l'école d'ali gator vient de ce monde
ancien. Il ne connaît rien de l'historique de Mahomet ou de
Jésus Christ, mais il parle avec les éléphants, les lions, les
gazelles, les arbres, les montagnes de l'Aïr et du Ténéré et
même avec le soleil et la lune. Tous ces éléments lui racontent
le temps qu'il fera demain, s'il fera chaud, s'il va bientôt
pleuvoir, si le mil va pousser abondamment l'été prochain, si
des lions affamés rôdent autour du village. Il sait les plantes,
les objets, les mots qui tuent et ceux qui soignent et qui
guérissent. Là-bas, on l'appelle Babakubwa10 et les gens
viennent le voir de toute l'Afrique. Il y a même des blancs qui
viennent le voir. Il a accepté de venir en France parce que ali
gator lui a promis de construire cinq puits dans cinq villages
isolés au sud de l'Aïr et du Ténéré.
Il envoya le résultat de ses recherches la police en
ajoutant que probablement ali gator avait conçu un casque et
un algorithme capable de transposer en français clair les
pensées du marabout.

10
Phonétiquement "Grand-Pére" en Swahili – langue la plus répandue en Afrique subsaharienne

Zoulou

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

La semaine suivante, Lucas assista à la fermeture de la


boutique de Li-Yang et effectivement, par deux fois dans la
semaine, ils s'attardèrent sur la moquette du magasin. Mais
jamais le jeune homme ne fut invité à monter chez elle.
L'homme est ainsi fait, même s'il a une femme très jolie,
si une autre femme lui propose ses charmes, il faudra qu'il
lutte de toutes ses forces contre ses dispositions naturelles à
profiter de l'aubaine sans se poser de question. Lucas pensa
que la polygamie et la polyandrie sont dans les dispositions
naturel de l'homme et il lui faut lutter pour être monogame.

Maintenant il fallait reconquérir le cœur de la belle Li-


Yang. Ce n'était pas gagné d'avance. Il s'habilla exactement de
la même façon que lorsqu'il travaillait avec elle, quelquefois
que cela déclencherait en elle quelques vagues souvenirs de
lui.
Il rentra dans la boutique, c'est elle qui l’accueillit avec le
sourire. Le jeune homme qui travaillait derrière ne leva même
pas la tête. Il demanda si elle avait une paire de barrettes de
mémoire qu'il savait introuvables en ce moment avec l'épisode
covid 19, tous les marchands d'informatique manquaient de
certains composants.
Il fallait essayer de prolonger la conversation le plus
longtemps possible.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Il demanda à voir monsieur Kim-Li, qu’il prétendait


connaître, on lui annonça que ce dernier était mort dans un
attentat, il y a quelques années. Il fit mine d'être très surpris et
peiné.
Il poussa la conversation au maximum en demandant :
-- Du temps de monsieur Kim-Li, il y avait une femme qui
travaillait ici ?
-- C'était moi, lui dit-elle avec un grand sourire.
Il la regarda en faisant vraiment mine de ne pas la
reconnaître.
-- Vous ne me reconnaissez pas, parce que j'étais plus jeune.
Il finit par lui dire, que du temps de monsieur Kim-Li, il
était question de l'embaucher et est-ce que peut-être, le sujet
était toujours d'actualité ? Devant sa réponse négative, il lui
proposa de lui amener à toutes fins utiles un curriculum vitae.
Mais avec plaisir, lui avait-elle répondu par politesse sans
se défaire de son sourire. Il sortit de la boutique, un peu déçu.
Il n'avait pas ressenti le déclenchement du moindre petit
souvenir.
Il espérait qu'avec la photo de son curriculum vitae elle
pourrait regarder sa photo autant de fois qu'elle le voudrait et
peut-être déclencher un petit relent des souvenirs qui devaient
rester dans sa mémoire. Mais afin de se donner une autre
occasion de la revoir, il enleva la photo du document.
Lorsqu'il lui amena son curriculum, il lui dit
-- La photo a dû se perdre, je vous en ramènerais une très
prochainement.
Puis il lui dit, plus discrètement :
-- En son temps, monsieur Kim-Li m'avait proposé un job, très
particulier, j'aimerais vous en parler en tête à tête. On
pourrait aller boire un verre au café à côté.
A sa grande surprise, elle accepta sans poser de question.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Li-Yang avait toujours pensé que Kim-Li faisaient des


affaires particulières à la limite de la légalité. Elle pensa, en ce
moment-là, que c'était une occasion d'en savoir plus.

Ils s'assirent à une table, elle le regardait avec beaucoup


de questions dans le regard. Qu'est-ce que ce jeune homme
pouvait bien avoir à lui dire au sujet de feu, son mari ?
Le visage grave, presque inquiétant, il la regarda
fermement dans les yeux.
Le garçon était venu les voir, elle avait commandé un thé
citron et lui il avait commandé un demi-panaché.
Ils attendirent d'être servis en silence. Elle était calme
mais derrière cet affichage, compte tenu de l'estime qu'elle
avait pour Kim-Li, elle s'attendait sûrement à entendre les
pires indélicatesses.
Il prit la parole
-- Je sais que Kim-Li vous a achetée quand vous aviez douze
ans alors qu'il avait déjà trente-six ans. Je sais que vous
avez été choisie par ce que vous aviez la même date
d'anniversaire que lui.
Elle ouvrit de grands yeux étonnés. Comment ce
monsieur qui sortait de nulle part pouvait-il savoir des choses
pareilles. Il continua.
-- Il vous a violé le jour même de votre arrivée et tous les jours
qui suivirent. Que vous étiez privée de nourriture si vous
vous refusiez.
Elle allait se lever, elle ne voulait plus entendre des
choses qu'elle savait et auxquelles elle ne voulait plus penser,
même si elle ne comprenait pas comment cet homme pouvait
savoir tout ça.
Ça ne pouvait être que Kim-Li qui lui avait raconté.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Il sentit qu'elle allait se lever et partir. Il fallait lui dire


quelque chose d'important. Elle était presque levée en
s'appuyant sur la table quand il lui dit :
-- Le soir de l'attentat dans le restaurant « L’OCEAN du Fugu »
vous aviez préparé une mixture avec les viscères mortels
du fugu et avec laquelle, vous aviez l'intention de tuer
votre mari qui était odieux avec vous.

Ces yeux s'agrandirent d'étonnement. Comment cet


homme qu'elle ne connaissait pas pouvait-il savoir ce détail
dont elle n'avait jamais parlé avec personne ?
Elle se rassit.
Il continua,
-- Vous ne vous en souvenez plus, mais à cette époque, enfin
pas tout à fait à cette époque, un peu plus tard, nous
étions amants.

Après l'avoir surpris et étonnée, maintenant il l'intéressait.


Comment ce jeune homme pouvait-il prétendre avoir été
son amant ?
Il reprit,
-- C'est une histoire très difficile à comprendre, mais je vais
prendre mon temps et vous l'expliquer.
Elle ne comprenait pas comment ce monsieur pouvait
savoir tout ce qu'il sait, mais elle en était sûre, il n'a pu être
son amant. Même en rêve, elle n'en avait aucun souvenir. Et
de plus, il n'y avait eu que deux hommes dans sa vie. C'était
parfaitement impossible.

-- Mais pourquoi faites-vous ça ?

-- Parce que je vous aime !

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Elle le regarda plus intensément, il était pathétique, ce


qu'il disait était impossible, pourtant dans ses yeux, dans son
regard, sur ses lèvres, dans les plis des rides de son front, dans
ses mains, dans sa voix, la sincérité émanait comme la
lumière.
Il ajouta
-- Il y a quinze jours, à peine, nous étions amants.

Elle resta coite !


-- Maintenant que vous savez que vous n'avez rien à craindre
de moi. Il se peut que ce soir, demain peut-être, vous me
voyiez, chez vous, dans un de vos miroirs, surtout n'ayez
pas peur, regardez-moi, c'est le début de l'explication.

Il reconnut immédiatement la voiture de l'inspecteur


Thierry Bassaro, Élyse Roussel était là avec lui. Ils
l'emmenèrent dans leurs locaux porte de Clichy. Le
commissaire divisionnaire Léon G. le reçut avec un grand
sourire pour ses résultats.
Lui confirma que l'école d'ali gator avait été fermée,
mais que personne n'avait été arrêté. Devant la surprise de
Lucas, il expliqua qu'il n'y avait eu aucune plainte déposée. Et
qu'il était très difficile d'arrêter des escrocs, car les escrocs
peuvent mentir jusqu'au bout, en l'occurrence ces jeunes
femmes, et jurer mordicus qu'elles étaient de bonne foi et

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

qu'elles étaient effectivement en recherche d'un compagnon de


vie.
Le problème c'est que le voleur met la main dans la poche
de sa victime, mais avec les escrocs c'est la victime elle-même
qui donnent le butin à l'escroc. Ce n'est plus du ressort de la
police mais du tribunal de décider s'il y eu malversation. C'est
un débat intellectuellement très compliqué.
D'autre part, il avait proposé un contrat de travail en or à
ali gator dans les services informatiques du gouvernement,
ce que ce dernier avait accepté. Il ajouta qu'éventuellement si
cela pouvait l'intéresser, il était prêt à lui présenter les gens
avec qui en parler.
Lucas répondit qu'il allait réfléchir.
Bassaro et Roussel le raccompagnèrent chez lui avec
sirène et gyrophare simplement pour le fun.

Il se refit un avatar qui lui ressemblait de très près, afin


de ne pas l'apeurer. Et il alla la voir le soir même, mais il y
avait le jeune homme, quand il la prit dans ses bras pour lui
faire l'amour, sa jalousie était au paroxysme, il voulait
apparaître dans le miroir, lui faire peur, le traumatiser. Mais il
ne fit rien de tout ça. Il s'en alla pour ne pas assister à leurs
ébats.

Il revit le lendemain, mais le jeune homme était toujours


là. Le surlendemain aussi et tous les jours suivants.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Pour se consoler, il s'imagina que le jeune homme était là


parce qu'elle avait peur.

Il alla lui donner la photo qui manquait à son curriculum


vitae comme promis. Il y avait un petit post-it fluo avec.

Je suis venu,
Je suis venu tous les soirs,
Mais vous n'étiez jamais seule.

Il espérait que sa curiosité allait l'emporter.

Ce soir-là, encore, elle n'était pas seule, mais il senti sa


fébrilité. Elle regardait derrière les rideaux, sous le lit, dans la
nuit, derrière les carreaux de ses fenêtres et même dans sa
penderie.

Le lendemain enfin, elle était seule, comme la veille, elle


fouilla tout son appartement. Par délicatesse, il n'attendit pas
qu'elle soit en robe de chambre pour se montrer.
Il se planta dans le miroir de sa penderie.
Quand elle le vit, elle sursauta et son cœur se mit à battre
deux fois plus vite, elle faillit crier très fort et ameuter tout
l'immeuble.
Il avait un panneau qui disait :

N'ayez pas peur


Je ne peux rien vous faire

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Ce que vous voyez n'est que mon reflet…


Mon image.

Il resta quelques minutes devant elle, elle était figée. Il


s'imaginait toutes les questions qu'elle devait se poser dans sa
tête. Le lendemain, il retourna à la boutique vers midi, et
l'invita à déjeuner. Elle accepta. Le jeune homme très étonné
et peut-être un peu jaloux s'inquiéta, et lui demanda si tout
allait bien. Elle le rassura.

Ils allèrent dans un restaurant du quartier, réussirent à


obtenir une table légèrement isolée.
Une fois assis, elle mit la main sur ses mains.
-- Il était là, c'est vrai, mais c'est la première fois que ça arrive.
Sa fiancée était partie à La-Rochelle, assister sa mère qui
est très malade et qui vit ses derniers jours. Désolée.

Et là, il lui expliqua qu'il avait la possibilité de voyager


invisible et de passer les murs les plus épais. Il pouvait aussi
aller dans le passé, mais il n'avait aucune possibilité d'aller
dans le futur.
Que le dimanche 20 octobre 2019, elle avait tué son mari
dans un premier temps et que c'est lui qu'elle avait embauchée
à la place de ce jeune homme. Ils étaient devenus amants.
Mais elle culpabilisait très fort d'avoir tué son mari. Alors, il
était retourné dans le passé et avait organisé l'assassinat de son
mari juste avant qu'elle ne le tue.

Mais cet évènement avait changé leurs destinées à tous


les deux. Ne se sentant plus coupable et surtout se sentant
libérée du joug de Kim-Li, elle avait essayé de tenir la

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

boutique seule, mais c’était difficile. La candidature spontanée


du jeune homme tombait à point. Elle ne passa pas dans le
journal, l’annonce de recrutement, à laquelle Lucas avait
répondu.
Tout ce qu’il avait vécu, depuis cet assassinat, écrit, lu,
toutes les photos qu’ils avaient prises, tout cela n’existait plus,
n’avait jamais existé, avait été remplacé.
Leur existence de l’un pour l’autre, cet amour qu’ils
croyaient immuable, indestructible, incorruptible, plus fort que
le temps, même, avait été effacée. Ce n’était pas une perte de
mémoire due à l’oubli, c’était bien plus fort. C’était le
remplacement d’une vie, d’un destin, par un autre destin dans
une autre vie.
Elle était ébahie par cette histoire.
Elle essayait à tout prix de trouver dans sa mémoire une
trace même infime de cette aventure.
Mais rien, il ne restait rien de cet épisode de sa vie dans
sa tête.
Concrètement, ce qu'ils avaient vécu ensemble ces trois
dernières années a été effacé dans leur mémoire et remplacé
par ce qu'ils ont vécu chacun de leur côté depuis.
Si lui, s'en rappelle, c'est parce qu'il avait prévu qu'ils
allaient tout oublier et qu'il s'est organisé pour s'en rappeler.

Il avait fait ça par amour pour elle, et maintenant, il se


retrouvait seul.
Il avait absolument besoin de l'épisode du miroir d'hier
soir pour qu'elle le croit.
Il lui expliqua qu'il pouvait être n'importe où dans le
présent ou le passé, il était invisible, il pouvait passer à travers
les murs les plus épais, mais il ne pouvait rien toucher, rien
bouger, mais il pouvait tout voir et tout savoir.

Page 116
Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Elle était, estomaquée et émerveillée, cet homme qui


arrivait de nulle part dans sa vie avec dans ses bagages
l'aventure extraordinaire que chaque homme, chaque femme
attend, espère, sans y croire, désespérément.

Ils retournèrent à la boutique, elle donna son après-midi


au jeune homme et entraîna Lucas dans sa chambre.

Elle laissa Lucas seul dans son salon. Elle revint de la


salle de bain deux minutes plus tard. Elle tira les rideaux
créant une ambiance tamisée. Le manque de lumière rend les
corps et les idées plus sensuelles.

Elle se planta devant Lucas. Elle était légèrement plus


petite que lui. Il était hypnotisé par son beau regard qui le
regardait. La plupart des hommes pensent que c'est la courbe
des hanches d'une femme ou l'échancrure de son corsage qui
les attirent, ce qui est parfaitement faux. Tout se passe dans le
visage, dans le regard, dans le sourire. Absolument tout ! Elle
lui souriait. Elle poussa simplement les bretelles de sa robe sur
ses épaules et la robe entière tomba à terre.
Elle était complètement nue. Sa peau d'ivoire entre la soie
et la porcelaine sublima la lumière du demi-jour de la
chambre.
Ils étaient à deux mètres l'un de l'autre et pourtant, ils
étaient dans les bras l'un de l'autre.
Par un miracle ou un tour de passe-passe, il se retrouva
nu aussi.
Alors, comme une réaction chimique, comme une
expérience de laboratoire. Comme le lien indéfectible, du feu
et de la bûche, l'histoire d'amour des histoires d'amour, celle

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

où la fin de l'un entraîne systématiquement la fin de l'autre, Le


mélange commença, inéluctable, irréversible.

La pensée, les atomes qui tournent autour du corps


humain, transportant mille informations qu'on ne connaît pas,
guide le regard, qui attrape l'autre comme un lasso avec tous
ses accessoires, l'odeur, le goût et le toucher de la peau, la
perte du sens de l'équilibre, du poids et de la pesanteur, au son
d'une musique qui vient de je ne sais où, comme à l'instant de
la création, quand les lassos s'entremêlent.
Le mélange dura un jour entier.

Le lendemain elle congédia le jeune homme


définitivement. En lui disant qu'elle avait décidé de vendre la
boutique. Elle lui donnait un droit de priorité avec un prix plus
intéressant.

Il acheta la boutique et réussit sa vie grâce à cette


promotion inespérée.

Lucas et Li-Yang ne pouvaient pas gagner au loto ou à


d'autres jeux toujours au même endroit, ce qui les aurait faits
repérer. C'est pour ça qu'ils voyageaient. Lucas allait dans le
passé de la veille avec les numéros à jouer. Les transmettait à
Li-Yang à travers un miroir. Elle les jouait. A l'instant même
où ils gagnaient, Lucas perdait son avatar, et ne se souvenait
plus de ce qu'il avait fait ces dernières quarante-huit heures.
Idem pour Li-Yang. Mais ils se souvenaient toujours qu'il y a
deux jours, ils étaient amants. Et la vie reprenait ses droits. Ils
s'obligeaient à noter leur activité des dernières vingt-quatre
heures. Mais tout disparaissait au moment du tirage.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Et ils vécurent ainsi en voyageant et en gagnant des


petites sommes conséquentes aux quatre coins de la France
afin de ne pas se faire repérer.

Lucas passait énormément de temps à chercher la


vingtaine d'avatars perdus dans les entrailles de sa machine.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

Début 2023

Chaque jour, où qu'ils fussent, ils signalaient à la police


par des lettres anonymes, les tortionnaires, les esclavagistes,
les méchants qui jouissent de la souffrance des plus faibles et
qui profitent sexuellement de cette faiblesse. Ils atténuèrent
ainsi le calvaire de beaucoup de gens, des pauvres gens
esclaves du travail, esclaves du sexe et beaucoup d'enfants et
de femmes maltraités.

Devant la nonchalance de certains commissariats de


police sur des maltraitances d'enfants, ou des cas de femmes
battues, Lucas déguisé parfois, en mage, parfois en curé, allait
voir physiquement les coupables et leur offrait un petit miroir
de camping. En leur disant que c'était un miroir magique et
que les anges nous surveillent à travers les miroirs et en
particulier à travers celui-là. Les receveurs du petit miroir
magique se moquaient de Lucas. Mais au moment crucial où
ils allaient maltraiter une femme ou un enfant, la plupart
jetaient un œil dans le miroir et là, O ! Surprise, le visage d'un
ange, très beau et très sévère, les regardait méchamment, une
femme, c'était une femme, ils devinaient ses ailes derrière ses
épaules. Paniqués, ils regardaient autour d'eux, ils étaient
seuls. Convaincus qu'ils seraient punis après leur mort,
beaucoup d'entre eux arrêtaient de maltraiter leur souffre-
douleur pour un certain temps, voire pour la vie.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Le soir même, juste avant de maltraiter l'enfant, l'homme,


brute alcoolisée, puante et débraillée, regarda dans le miroir où
il vit le beau visage, sévère, plein de réprobations de Li-Yang.
Culpabilisateur ! Il regarda, paniqué autour de lui, il était seul.
Seul avec l'enfant recroquevillé au plus loin dans son lit.
Alors, rotant et pétant, tremblant et transpirant abondamment,
sans quitter l'image de ses yeux, l'homme referma sa ceinture
et vida d'un trait ce qui restait dans la bouteille et sans quitter
le regard de Li-Yang dans le miroir, il se recroquevilla dans le
lit de l'enfant et s'endormit dans sa peur et dans les relents de
son dégueulis nauséabond.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

1er avril 2023

Le soleil éclate dans un ciel bleu magnifique. Les rivières


débordantes d'eau fraîche dévalent des montagnes arrosant les
campagnes et les bois, fécondant la terre, les plantes et les
arbres qui bourgeonnent.
Les animaux s'accouplent sans bruit à l'abri des
frondaisons. Les oiseaux chantent les joies de l'accouplement
ou la naissance de leurs progénitures.
L'air sent bon. Ce n'est pas simplement une odeur, c'est
aussi une onde qui transmet un message de vie.
Intimement, presque un ordre, Vivre !
C'est le Printemps.

Li-Yang et Lucas vivaient le parfait amour loin des


soucis matériels et des soucis affectifs. Les parents de Li-Yang
étaient peut-être morts, elle n'avait plus aucune nouvelle d'eux.
Quant à Lucas, sa mère était morte à l'hôpital l'année dernière
d'une cirrhose. Elle avait été une femme frivole incapable de
dire qui était son père. Et de toute façon, Lucas n'avait
absolument rien à partager avec les quelques pères plausibles,
quelques ouvriers agricoles plus ou moins alcooliques, tous,
droits commun connu des services de police, presque SDF.

C'est à cette période que Li-Yang s'éloigna quelques jours


pour retrouver une de ses sœurs en vacances à Paris. Lucas
s'étonna de cette sœur qui apparaissait tout à coup dans leur
vie, mais ne la soupçonna pas une seconde de manigancer quoi
que ce soit et très loin de lui l'idée qu'elle pouvait avoir un
amant.

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Fernand Fallou Le voyageur de l'autre monde

Le 1er avril deux hommes, des géants gros comme des


sumos en salopette bleue d'ouvrier frappèrent à sa porte. Des
dragons psychédéliques se baladaient sur leurs gros bras
musclés de déménageurs accolées à leurs épaules sous les
bretelles blanches de leur marcel. Ils avaient un colis pour lui.
Il n'y avait rien à payer, il accepta la livraison dans la mesure
où le colis avait été commandé par Li-Yang.

Les deux sumos déposèrent le colis au beau milieu de son


salon et s'en allèrent.

Il resta perplexe devant ce paquet important qu'il n'avait


pas commandé et dont Li-Yang ne lui avait pas parlé. Il finit
par se décider à l'ouvrir.
À peine avait-il ouvert les deux pans du dessus que Li-
Yang jaillit du carton sur la musique de « Happy birthday » de
Stevie Wonder qui venait du fond du carton.

Elle se mit debout dans le carton en dansant, elle était en


string et en soutient gorge, maquillée d'une manière très
érotique, il y avait des rubans de couleurs fluo dans ses
cheveux, autour de son cou et de sa taille et également autour
de ses poignets et de ses chevilles, une jarretelle affriolante sur
sa jambe gauche.

Il la regarda admiratif. Elle était magnifique. Elle était


comme la flamme d'une bougie qui danse dans un gentil
courant d'air. Elle était belle comme l'incendie d'un soleil qui
se lève sur l'horizon, comme une magie qui engendre la joie,
les larmes et la prière.

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Le voyageur de l'autre monde Fernand Fallou

-- Et maintenant que faut-il faire ?


-- Il faut me violer ! C'est ton anniversaire !

Son corps ondulait comme la vis sans fin d'Archimède


qui gère les principes infinis de l'univers, entraînant le
balancement hypnotique de ses hanches dans le rythme de la
musique au son du pungi magique du métronome d'un psylle
ésotérique.

La suite dura toute leur vie.

Fernand Fallou
Écrit en mai 2023

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