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Les passions italiennes, vraies ou fausses

On croise la frontière sans contrôle entre la Slovénie et l’Italie juste


une heure et demie après le départ de l’hôtel. La douane
n’arraisonne habituellement pas de véhicule en traversant la
démarcation des membres de l’Union européenne qui met
l’emphase sur l’aisance du trafic de biens et de gens, à la joie et au
profit des contrebandiers si nombreux dans les Balkans. La carence
de compassement va bien avec le caractère italien et l’inverse des
allemands, tels propres, officieux et empesés. Pas de surprise que
Johann Wolfgang Von Goethe eut vu l’utopie durant son hégire sur
cette péninsule. Chaque région apparaît avoir une signature de
luminescence. C’est certainement vrai en Italie dont la lumière est
telle intense qu’à midi elle amatit les teintes des collines aux
vallons ici dans le nord et fait languir l’ambiance. On voit un
champ de tournesols qui émettant une couleur plus dorée que celle
qui semblait plutôt jaunette en Croatie directement à la rive d’est
de cette mer Adriatique. Les plantes sont verdoyantes comme celles
dans une serre puisque le soleil est constant dans l’été
méditerranéen mais pourtant la verdure est plus d’un ton d’olivâtre
que celui d’émeraude ou de jade auquel les asiatiques sont plus
partiels. Sûrement il y a une abondance des oliviers et tilleuls dont
les fruits dominent le gout de la cuisine, une agriculture qui
pourrait déterminer la palette du paysage au détriment d’autrui.
Fut tout ceci qu’eut ému soudainement Stendhal, le jeune,
amoureux et aventureux Henri Beyle, lorsqu’il vadrouilla le pays
quand l’Italie ne fut pourtant forgée dans la matrice nationale,
quand elle ne fut qu’une expression géographique avant le
« Risorgimento » (résurgence) en 1848-1849. Je veux déambuler,
folâtrer, oui, comme Stendhal dans ce que fut la république de
Venise, le duche de Parma, la république de Lucca, qui, en somme,
constituera la berce de la Renaissance. Mais au moment on doit
d’abord se baigner dans la beauté de la contrée, ses vignobles sur
sol oblique et ses châteaux avec toits d’ardoise, ceci les demeures
de la petite noblesse ou ceux, citadins, qui aiment avoir pignon sur
rue rurale pour atteindre à nouveau leurs racines rurales
ancestrales. Ouais, voila, je reconnais bien cette couleur que l’on
admire dans l’huile d’olive, le vin blanc, la marqueterie nacrée de
ses meubles, le reflet rutilant de l’eau de ses fontaines et, jamais
oublier, la lueur dans les yeux des femmes si gaies et jolies. Yo-yo
jase sur la possibilité d’un changement de son nom de celui de
Christie Fong à celui de Christi ou Christa Fongiulliani puisqu’elle
aime tout émanant de la péninsule, entamant avec la pâte qui n’est
qu’une variation des nouilles orientales. L’Italie est devenue ainsi sa
maison d’esprit et j’applaudis son choix, bravo.
Un ami qui travaille au consulat canadien à Hongkong, lui, il
appelle Vancouver un « mouroir » car le grand nombre de ses vieux
immigrants bien lotis de l’Orient qui ne cesse pas de s’augmenter.
Ceci est une caricature ne pas loin de l’autre description de ma ville
comme « l’avenue des veuves » parce qu’une légion des hommes qui
y ont déposés ou parqués leurs femmes pour revenir à l’Asie en
essor économique afin de poursuivre leur businesse et jeunes

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concubines. On n’arrete pas d’entendre ces contes et rumeurs des
magouilles ourdies pour des maris d’abandonner leurs foyers pour
jouir leur nouvelle chance à l’amour et remplir leurs bourses. C’est
toujours la combinaison de l’argent et le sexe qui dévoie des gens.
Dans notre groupe il y a des bougres d’un age quand les yeux et
cœurs entament de rôder et, pourquoi?, sauf la peur de vieillir et
faner à la sénilité sans gouter un peu de l’élixir ou, simplement,
d’excitation. Sans étonner que les américains parlent de la
« chatouille septennale » quand censément la passion d’un mariage
s’étiole. Un séjour ici serait, sinon une cure, une thérapie. On
pense de l’Italie comme l’antidote à l’ennui de la vie puisqu’il fut
d’ici l’idée et l’ardeur de la « dolce vita » eurent leur origine.
Rajeunir mais sans ingérer du viagra et obtenir une greffe de peau.
Pourrait-on raviver l’amour épuisé, rallumer le feu de la braise et
capter encore le mystère? Je n’avais pas, moi, courtise ma femme
car ces gestes d’affection semblent toujours trop ringards pour tel
est ma nature cynique, mon trait. Ainsi pour moi, l’Italie manque
de magie et, pire, de mémoire personnelle qui est à dire qu’elle se
luxe de mes expériences vécus. Ce pays m’égaie en travers des
récits et métrages que j’en ais lu et vu. Des exemples sont: le livre
sur Venise par Jan (puis James) Morris, des vers du dit Stendhal,
une émission télévisée et narrée par Gore Vidal, longtemps résident
et ressortissant (et dissident) américain et le film « Roman
Holidays » (les vacances romaines) avec les vedettes inoubliables,
Gregory Peck et Audrey Hepburn, et plus récemment « Under
Tuscany Sun » (Sous le Soleil toscan) dont l’actrice est la vivante,
belle Diane Lane. Je suis ici de réconcilier ce que j’en ai glané et ce
que j’éprouve et de rechercher cette resucée des stéréotypes dans
les cinq journées d’être passées à Venise et à Milan, les deux
assiettes septentrionales dominantes en Italie.
Cette nation longue et étroite est pareille à une sorte de
femme avec notoriété. Elle est trop fameuse, trop remplie de
paradoxes, trop truffée de racontars. On ne peut pas conjurer des
images d’elle longtemps cloutées à la cervelle d’un visiteur, ses
gouts, ses vues, sa culture, sa musique et bien sûr sa cuisine.
Quelqu’un qui renie la sensation exquise en briffant la pâte ou la
pizza se prouve un menteur. Pour moi, la goinfrerie s’amorce et finit
à la trattoria. En pensant de la tomate sèche et pimentée et
comment elle fond dans la bouche, la flaveur resurgit à la langue et
la salive s’écoule. Puis il y a aussi le veau qui étant si tendre et
doux peut tenter voire le mannequin de violer sa diète. On ne cite
encore les effets enivrants du mélange des fromages, poivres et
origans avec une pincée de truffe. Il n’est pas propice à contempler
le repas dernier quand le bus roule et s’ébranle, exacerbant la faim.
Je me focalise sur le paysage pour divertir l’attention de l’estomac
et donc supprimer l’hantise culinaire. Ce qu’est immédiatement
évident est l’amour des Italiens de leurs jardins invariablement bien
désherbés, arrosés malgré la sécheresse et émondés jusque voire
les bractées du hortensia sont taillées, les branches projettent une
symétrie et les haies sont érigées comme un refend. Voici
l’ambiance est relâchée, gaie, heureuse en contraste à celle qui est
raide, bornée et pincée en France ou, d’être spécifique, dans ces
quartiers riches parigots. On repose au marché mitoyen à la station
d’essence qui épate ses clients avec la foison de vivres, une
véritable cocagne de victuailles en qualité et quantité juxtaposée

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aux étagères limitées dans les Balkans. Le nez est bientôt assailli
par ces senteurs fortes, musquées, émanant du rayon de saucisses
et jambons moisis. J’essaie de ne pas renifler mais c’est difficile de
ne pas blairer lorsqu’on respire car tout fleure dans un milieu si
rance qu’il amenuise l’appétit à l’instance. Alors que puant soient
ces aliments, ils pourraient être mélangés, brassés, mitonnés
d’achever des plats sublimes, délectables et, oui, fragrants. Qu’est
ce secret au menu excepté une volonté d’essayer une erreur qui est
exactement comment beaucoup des arts et inventions sont
découverts depuis l’aube de la race humaine. Dans deux heures en
trajet de la frontière, le trafic routier monte et il y a voire un
bouchon pour les écriteaux et panneaux constatent comment
proche est cette ville de rêves du lagon, voila, Venise ou, aux
Italiens, Venezia, touts des voyelles en pleine gloire. L’architecture
est maintenant déjà distinctement vénitienne à la frange de
l’ancienne capitale de commerce avec son abondance de loggias
pimpantes, effrois marbres blancs ou de moellons et claustras
parfaitement formés. Plusieurs des bâtiments sont entourés de
l’échafaudage en prouvant que le gouvernement et les gens prisent
et veuillent préserver leur héritage sans rechigner aux coûts qui est
un changement accueillant à la ruée en Asie de raser ce qu’est
vieux, et considéré désuet, pour construire ce qu’est nouveau et
souvent moche.
Miros s’écarte de la route brièvement pour nous donner
pourtant l’autre chance de vider nos vessies qui culmine encore
dans plus de la photographie (photo 1) et, voila, je peux discerner la
ligne d’horizon de Venise dans la brume dont la couleur plus
proéminente de toit est rouge. Dans la baie de bonace surgit une
flotte de batelets et péniches avec coques moins que magnifiques,
sûrement ils sont les avant-gardes des beaux navires, chaloupes et
pinasses de renom qui naviguent les chemins de l’eau. L’adage que
toutes des routes se mènent à Rome pourrait être dit du trafic
envers la ville votée dans un sondage médiatique, pas de surprise,
« la plus romantique », plus voire que Paris ou San Francisco, dont
l’ambiance séduit et attise des passions. Je suis plutôt par instinct
douteur de ces annonces ou revendications puise le verdict serait
biaisé et influé facilement. Ce qui serait aussi le critère central?
Comment sont ces questions moulées et posées? Est ce jugement
vague ou net? J’étais à Paris mais ne ressentais pas de romance,
soit de la fringale, soit de la velléité, quoique j’avoue sans hésiter à
la joliesse de mes concierges françaises, si douces lorsqu’elles
riotaient en écoutant mes fariboles dans un accent étranger,
cocasse et «québécois.» Quant à San Francisco, son paysage
venteux comprend le ressac violent et embruns du « Pacific » (une
appellation toute fausse), le ciel d’azur et les collines arrosées de la
brume constante qui rafraichit à l’instar de la rosée matinale ou le
bisou sur mes lèvres d’une femme est en somme l’essence exquise
d’un paradis. Mais cet endroit de la baie m’excite moins que sont
ou étaient, d’être chroniquement exacte, New York et Boston dont
empreintes sur ma conscience sont profondément gravées due
principalement à deux personnes qui ne cessent pas d’hanter mes
rêveries et colorer mes impressions. Comme une arrache de
publicité bien sûr ce type de truc, de bobard, fait du sens puisque
la plupart des gens ne pensent pas de la subtilité. Au quai
grouillant des passagers et festonné de travées et calicots, on voit

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bien en travers de la vapeur ces vagues qui luisent et on ne respire
bien à cause de la torpeur. L’air est stagnant, étouffant, tropique.
Entourant les touristes, certains d’eux n’hésitent pas d’essayer de
resquiller la queue (ceci bien étant Italie), sont ces kiosques et
échoppes bâbords qui étalent des babioles, chintz et verrerie; et
aussi l’un magasin opéré par un Chinois qui peut échopper
quelconque nom occidental en calligraphie classique. Une flotte de
bateaux vogue ces routes d’entre les ilots constituent Venise avec
ses monuments épatants, non, éblouissants, non, accablants
clairement visibles (photo 2). Mais voire à une telle courte distance
d’où l’on peut sentir l’odeur de signature vénitienne, il est clair que
ces vaisseaux semblent troués, des véritables rafiots, pour lesquels
le mot plus apte serait « barcasse ». Je me demande « ou serait le
radoub pour ces épaves? » Tel est l’état de la batellerie à Venise,
maintenant rien qu’une ombre de ses riches et sa puissance
maritime qu’a son apogée ne fut un pouvoir presque impérial en
grandeur et envergure. La canicule m’amoche déjà et l’humidité me
sape et encore j’attends pour la navette à la jetée, tentant de
frapper en vain cette nuée de mouches tirées par mes suées qui ont
déjà mouillées mes bobettes. Je lampe de l’eau ou ce que l’appellent
les Italiens, « aqua » même dans le latin qui m’avait tenaille pour
deux années écolières. Maintenant nous nous embarquons sur un
petit ferry blanc d’une armature en bois seulement avoir Gloria et
Derek nous abandonnés à la partance pour leur tour de la toilette,
oui, toujours un traînard ou quelque cause de retard. La croisière
dure de 20 minutes. Le vent pulvérise tout avec gouttes,
certainement polluées, provenues du purin qui vide dans là lagune
des rigoles. L’hygiène n’est pas d’une priorité italienne, même aux
Français, attige-t-elle, Sofa, dans une voix gouailleuse. Pour la
première fois qu’en facétie elle exagère peu. Est-il encore coutume
que les Italiens, comme les Français, ne lavent guère leurs mains
âpres la défécation et les Italiennes, comme les Françaises, ne
rasent pas leurs aisselles? Les Français ont leur parfum et les
Italiens ont quoi? L’effluve, toute naturelle, des corps, souvent trop
généreux, de leurs femmes matures, adoucit nos synapses ou non ?
Je relis le préambule d’un livret en anglais sur tourisme en Italie et
m’amuse avec l’hyperbole.
Ainsi le voyage du jour se déboule sur l’eau à la couleur de
glauque, beaucoup moins invitante cela que vue, de bleue, dans le
film effrayant américain, « Don’t Look Now » (Ne pas regardez
maintenant), dont l’acteur principal était Donald Sutherland, un
Canadien. Heureusement le trajet est d’une durée assez courte car
je subis d’autant plus ces jours du vertige à cause de la pression de
sang. Mais alors la comparaison n’est pas juste puisque le tournage
s’était advenu en hiver et ma visite se déferle en été. Le bateau
s’amarre au quai plus proche d’une passerelle qui se lie à la piazza
de St. Marc dont l’atmosphère festive est plus compatible à la
médina qu’à la commune européenne et la raison est l’architecture.
Et quelle construction beaucoup plus sublime que des gargouilles,
de la rudenture et des arcs-boutants gothiques des Européens du
nord. À laquelle le corollaire serait : Quoi a transpiré dès l’époque
d’or qui fait perdre cette grandeur jadis. L’être moderne n’ose pas
imaginer la splendeur et n’ose pas aspirer pour un édifice qui ne
cesse pas d’inspirer. La rétrogression est évidente qui moque l’idée
universelle, et fausse, de progrès linéaire. On s’heurte

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immédiatement est la mer d’humanité car partout est bondé,
chaque carre, coin, boutique dans l’ombre de la cathédrale de St.
Marc dont le zénith data au 15ieme siècle. La cacophonie est
assourdie, un véritable Babel de langues, souvent parlées à la
haute voix si seulement d’en avoir étendues. Egalement rétifs sont
les pigeons, bisets, tourterelles et colombes qui tarabustent les
visiteurs pour mendier des morceaux. Mais alors ne pas juste la
volaille puisqu’on rencontre aussi car il y a des gueux qui
pourraient être hargneux en quêtant d’espèce pour leur « prochain
repas » qui Sofa s’interprète a vouloir leur piqure. On ne sait pas
quelle façon d’agir, avec pitié, charité ou mépris, mais l’avis est
d’ignorer, éconduire ou esquiver les cloches et colporteurs certains
d’eux africains qui vendent maints d’articles de luxe – sacoches et
valises de Gucci, montes de Cartier et stylos de Mount Blanc – aux
prix fabuleusement abaissés et suspects. C’est toujours meilleur
d’être calleux, à enfouir la monnaie dans la poche et ne s’engager
pas à chaque salamalec puisqu’il soit justement assumé comment
les natifs sont toujours avides, tricheurs, onctueux et maux. Une
fois il fut l’ordre catholique qui dispensa les aumônes et eut des
moines qui agitèrent comme fonctionnaires en soutanes de caisses
d’assurances sociales. Ce qu’est devenu du service et de la cagnotte
d’urgence ? « Les Italiens n’aiment rien sauf votre argent, »
proclame-t-elle, Sofa, avec la même certitude qu’on entend parler
des Juifs par des antisémites ; et, pire, « ce sont assez habiles que
même un sac verrouillé ne les préviennent à l’effraction faite un
ouvre d’art. Vous, les touristes, sont jobards et stupides dans leurs
yeux. » Pas de surprise que bientôt on devient tout nerveux, sinon
paranoïde, et de temps en temps on ne s’empêche d’une ruée de
panique et farfouille ses biens de s’assurer que tout soit en ordre.
Ceci est la trappe de touristes la plus décevante d’où se tapissent
des voyous, égorgeurs et malandrins plutôt qu’un peuple de
charme. Ecrasée en train serait la notion de Venise comme la
Mecque de l’amour universel quand la cité est si bruyante et
crasseuse de crottes d’oiseaux et, selon la guide, rampants de
pilleurs et trimardeurs – ne pas juste des voleurs et poulbots
ordinaires mais aussi des marchands. S’il y aurait un endroit en
besoin d’un arrosage du goupillon, ceci serait le premier sur une
longue liste. Je ne suis jamais froissé par ce scène d’ignominie car
la sordidité de Bombay en Inde avant le boum économique et
Soweto en Afrique du sud avant le collapsus du régime raciste
d’apartheid m’avait endurci à tout cela qui est la plus base dans le
monde. On s’assagit via la méditation ou la photographie qui rend
moins personnelle, plus détachée, une perception. J’entre sur le
grand parvis devant la façade de la basilique et observe son motif
d’architecture plutôt plus byzantin que romain avec une touche de
musulman mixte. La légende attribue la construction de l’édifice
orné de l’or au 11ieme doge dans le 9ieme siècle, Giustiniano
Participazio, qui convoita une chance d’assortir, sinon surpasser,
Rome en érigeant une structure plus élaborée que celle du Vatican.
Le tribut donc au saint patron Marc, l’évangéliste, eut du rivaliser
celui rendu à Pierre et abrita les reliques et la dépouille mortelle du
martyr. Apporter ce trophée, une clique de conspirateurs eut
sillonné et perpétué fraudes dans le domaine de sarrasins, une
mission dangereuse, digne d’un roman à thriller et ne pas moins
excitante que chaque complot conçu pour des films d’espionnage.

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La légende, peut-être apocryphe, raconte que ces agents de Venise
eurent emballés leur prix dans une cargaison de porc pour tromper
et dégouter des gardes musulmans sur leur piste.
Tout requinqué, je pivote pour viser mon appareil
photographique à la lagune et regarde l’approche d’un chaland noir
pareil à celui dans le film d’horreur « Don’t Look Now » qui servait
comme corbillard pour une victime trucidée dans un meurtre le
plus mystérieux. La scène était prégnante de symbolisme mais je
n’étais pas certain de quoi exactement. Parfois ce qu’on voie dans la
vie semble déjà avoir été formé sur celluloïd. Ma femme et gosse me
collent, ne sont pas trop partantes de s’explorer une ville, quand
avant et ailleurs elles aiment vaguer à cause de la frousse née
d’une plainte trop commune sur la rapacité de certain Italiens, une
peur empirée des avis de Sofa. Je ne me redoute pas ceci ou
chacune nationalité, étant prêt de rabrouer toutes des caricatures.
Mais quelqu’un souligne comment quelques clichés et stéréotypes
seraient fondés sur expériences et épreuves. On ne garroche (le
québécisme encore), ne jette pas de cavea emport au vent. Je me
souviens d’un épisode présenté dans les mémoires de Gore Vidal,
un tome avec le titre inoubliable de « Palimpseste » (une tablette sur
laquelle l’auteur peut écrire, gommer et récrire ses mots sans rayer
totalement le texte original) qui narre son exil à Rome dans « l’ère
dorée » quand une pléiade d’artistes étrangers se réunit dans
l’ombre de ruines, pas juste du temps de Jules César mais de la
seconde guerre mondiale, puis récemment finie. Vidal décrit dans le
long livre d’un homme de belle lettre, Lord Harold Acton, qui ne se
lassa pas à déplorer ces barbares littéraires rudement jeunes,
désinvoltes et odieux. Ces envahisseurs eurent atterris sur son
domaine et ne manifestèrent pas du moins d’intérêt dans la
sensibilité de leurs amants et amantes natives dont le charme ils
achetèrent et duquel ils profitèrent pour assouvir leur envie. Vidal,
toujours sardonique, note en riposte comment la jérémiade du Lord
aurait appliquée également aux hôtes italiens qui les prostituèrent
sans plus qu’une pensée fugace de leurs patrons dont la prouesse,
l’attrait ne transcenda pas du niveau d’échange au marché de sexe.
La transaction fut prou ou peu commerciale, oui, qui est
exactement comment on ressent à Venise, circa 2007, cerné lui des
bousculeurs. William Shakespeare composa son drame le plus
controverse, « Merchant of Venice » (le Marchand de Venise), en
bafouant une classe responsable pour la richesse de cette ancienne
version de Hongkong et de Singapour.
Le paradoxe entre un touriste crispé et un pays censément
accueillant aux visiteurs est palpable. L’Italie s’averre voire plus
contradictoire qu’on lui imagine. Venise est une ville ancienne,
juste regardez-vous ses édifices avec ses volutes et arcs-boutants,
et pourtant en jouxtent sont ces boutiques plus branchées,
chacune, Fendi, Ferragamo, Valentino, Versace, Beneton, rutilante
et captivante, est un paradigme à la mode duquel on peut épuiser
autant de l’inspiration, au moins pour les acheteurs impulsifs.
Comment ces Italiens depuis la Renaissance échappèrent de l’air
étouffant de l’église catholique et atteignirent l’acmé de beauté et
créativité qui continue d’épater le reste du monde (pas moi) une
émerveille et une énigme en besoin de recherche et d’explication.
On voit souvent des gens qui s’affublent dans les atours de marque
puisque l’Italie rassemble à la passerelle des mannequins et

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pourtant ils n’appariaient qu’outrés pour leur manque de physique
et de charisme pour assortir leurs nippes. Sous un lampadaire il y
a un mime s’accoutre comme pour un bal de masque qui ne bouge
pas à la peur et puis amusement de Yo-yo dont l’ardeur et la
spontanéité sont les deux infectieuses. Sofa ne nous laissons pas
s’attarder, ni vaguer, ni badauder car elle doit faire d’assignation
qui est de nous mener en livraison à une verrerie dans un entresol
d’un bâtiment mitoyen au hall près de la cathédrale. L’atelier est
situé à la fin d’un réseau de couloirs étroits et minables desquels
personne ne peut pas facilement naviguer sans guide. Le milieu
serait parfait pour l’embuscade avec des assassins à l’affût armés
de poignards et massues, une scène souvent employée dans les
films italiens, et donc la mort vient à la cible en silence et intrigue.
J’espère que Sofa recueille une généreuse guelte en nous apportant
à quelqu’un chafouin et gaillard qui demande au maitre d’ouvrage
de nous mettre une performance souvent vue avant nous dirigeant
au dépôt afin que nous diligenter de faire des emplettes de ses
calices, verres, bijoux et, pour moi, rien plus que bagatelles. C’est
marrant et insultant qu’il nous prenne pour bien des cruches mais
certaines dupes ne résistent pas la politesse d’acquérir plus des
pacotilles. Nous sommes libres enfin pour de nous perdre dans la
foule de folie et flâner, non, en fait, marcher, puisqu’on risque
d’être assommé dans la ruée. Ce sont les vacances mais tout le
monde apparait si pressé à Venise. Comment totalement un bazar
est cette ville ? C’est impossible de ne pas se paumer dans ce
dédale bondé d’allées cloutées de magasins, cafés, trattorias mais
sans trottoirs. L’argent s’écoule facilement lorsqu’on dépense en
poursuite des marques qui foisonnent dans la berce des biens de
vanité. Esther trouve des souvenirs à brader au coin près de la
corniche. Quant à nous, Yo-yo et moi, nous étanchons la soif avec
bouteilles d’eau et boites de salade de fruits, plus délectables étant
des morceaux de pastèque sur glace. Beaucoup de touristes cotent
le péage de la gondole et rechignent puisqu’il semble exorbitant
pour un court tour dans la chaleur étouffante. Pire est que le dollar
hongkongais est chevillé à celui de la monnaie américaine dont la
faiblesse juxtaposée à l’euro sinon faillite est la conséquence de la
politique prodigue et vénale de George W. Bush, l’encadrement du
crédit et le prodige.
Dans le ristorante fulgurent des ampoules photographiques de
flash comme ces patrons japonais, coreens, taiwanaises et nous
capturent des images du decor, des plats, de la muraille telle vieille.
Sur ce tableau, la peinture est fanée du grenat à la rose, son plâtre
est fêle, écorné. Ce qui cette fresque censément dépeinte est une
vue du bord, de l’embarcadère, quand Venise fut à son apogée,
étant le centre de commerce et le siège de pouvoir, de fortune, en
Europe. Ce portait d’antan atteste moins à la gloire jadis et se
lamente au déclin qui est partout trop péniblement apparent. Cette
ville est délabrée, dépenaillée, et elle existe sur temps emprunté car
le niveau de mer monte inexorablement à cause du réchauffement
planétaire et l’eau avalerait tout dans un siècle, sinon plus tôt. Déjà
chaque printemps semble se présenter comme l’héraut ou le
présage de la fin avec ces déluges qui inondent les parvis et les
bâtiments aux seuils, les piétons aux genoux. Venise sans doute se
compte d’être parmi les plus menaces des lieux, urbains, côtiers,
marécageux, pire voire qu’Amsterdam, Miami et Manhattan.

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S’effondrant, s’éclatant, n’importe pas de verbe, est le mythe de
romance bien promu de Venise. Désolât est l’état des édifices qui
fleurent de la vétusté et la saumure. On n’évite qu’à salir ses
semelles aux fientes d’oiseaux et ordures jonchées malgré l’ubiquité
de poubelles. L’analogie apte serait d’un chien, non, un caniche à
pedigree, qui est devenu galeux de la négligence et vieillesse. Esther
qui l’avait visité dans les années 1980 dit combien qu’elle s’attriste
maintenant de voir comment la ville d’amour s’est détériorée au
piège touristique cauchemardesque; comment tout est accablant,
dénigré de cette crue d’humanité; et comment le lieu s’est rendu au
parc d’amusement pire que celui géré par Disney. Le verdict,
j’avoue, sonne un peu trop aigu mais alors l’incongruité entre la
publicité et la réalité est telle extrême que l’on ne puisse pas bannir
la déception. Il n’y aucune poursuite vraiment âpres le déjeuner de
pâte et d’agneau excepté avec une flânerie puisque les trois de nous
avons déjà voté contre une virée en gondole. Ma femme et ma gosse
avaient déjà prises leur croisière à « Venise » ersatz de Disney de
Tokyo en printemps de 2002. L’efficacité et politesse des Japonais
gênent sans douter les Italiens qui cependant dans la majorité ne
semblent pas capables d’un tel sentiment comme l’honte au moins
dans leur comportement envers les étrangers dont les portefeuilles
tapent-ils sans soin aux pensées, ni réactions, ni biens de leurs
bienfaiteurs et victimes avérées. Venise dans ce regard est comme
New York, calleux, insouciant, dur, en contraste à Paris, rogue,
insolent, dont les gens, tous des trois, n’aiment pas de sourire voire
âpres ayant empochés les pourboires de leurs clients.
Personne de bon sens ne souhaite pas s’attarder ici, moi
certainement, quelqu’un qui n’aime pas atermoyer dans la face
d’une situation déplaisante. Les Français ont la sagacité à dire, « à
bon entendeur salut! » ce n’est pas de moi de braver la chaleur, la
cohue, l’humidité, malgré des images (photo 3-7) attrapées des
monuments vus de l’esplanade d’où ces colporteurs soldent leurs
bagatelles et ces artistes leurs peintures finies à une vitesse
incroyable. Les Italiens détestent l’organisation, la paperasse, le
plumitif, le système et ainsi ce que fonctionne meilleure est cette
économie louche des contrebandes et de service jamais tracé,
jamais taxable, et donc le revenu se draine de la trésorerie. L’enjeu
du fisc perd autant qui explique la disette et le déficit perpétuel en
Italie et incite quelqu’un d’observer comment les gens de ce pays
eurent un talent pour faire une vertu de leur pauvreté après la
seconde guerre mondiale et un vice de leur boum dans les
décennies ensuite. C’est mon gage ne pas m’empêtrer aux affaires
et, dans le cas de l’Italie, bévues de l’hôte comme constate avant.
Mais on n’échappe pas à la conclusion que le sort italien soit aussi
celui d’autres qui ne prennent au sérieux la gestion du
gouvernement, un gouvernement de gourance. Peut-être il serait
bien que l’état bâcle et bute ses responsabilités afin qu’échouer
dans ses tendances de tyranniser ses citoyens. Une fois dans
l’antiquité, Rome s’avéra le pivot d’un empire et or ce rôle fut
surpassé, délaissé, rendu plutôt inutile. Je me demande si ce
destin est réservé pour chaque pouvoir, les Etats Unis ne pas
exceptés. La chute entame vraiment avec les défauts de fatuité,
complaisance, inertie, dettes, militarisme, indolence et indulgence
contre lesquelles d’autres pouvoirs et peuples militent. Aujourd’hui
Venise, demain New York. La structure d’un empire est forte ou

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faible comme son assise qui bien sûr est la somme du consensus
des sujets, de la croyance dans la suprématie de la cause et
d’acceptation du sacrifice en sang et trésor. A prédire à l’éclipse de
l’empire américain nécessite d’attiser ceux qui fulminent à la
notion, sinon la vérité, que leur république prétendue a trahi les
principes fondateurs épelés par Thomas Jefferson qui renoncèrent
aux ambitions, engagements, complots et alliances étrangères. Les
Italiens, héritiers au legs romain, semblent blasés à la perte ou
plutôt pas de perte qu’au bon débarras du devoir et du joug
d’empire, en se prônant comment autant du monde n’arrête encore
que les émuler, leurs lois, coutumes et cuisine. Je réfléchis sur le
conte dérivé du livre de « I, Claudius » (Je suis, Claudius), de Robert
Graves. Je me séduis avec ces idées alors que ma femme et ma
gamine s’affriolent au café qui sert le capuccino ; quelle différence ?
Ma conclusion de le collapsus d’un empire : obère, sa tendue trop
étirée, ses influences érodées, le rang de ses adversaires réels et
imagines s’accroissant, un grand pouvoir devient gisant comme le
géant parmi les lilliputiens dans la fable de Gulliver. Rien de ce que
n’est exprimé sonnerait nouveau à cette race d’héritiers du règne
romain qui sont fatiqués et désillusionnés, ayant vus, éprouves,
bien vécus et appris dans le sens que les parvenus impériaux, les
Américains, ne sont jamais subis les mêmes erreurs encore et
encore dans leur quête pour la domination. Ce fut le philosophe
américain et espagnol George Santayana, dont l’exil eut fini dans
un couvent en Italie, qui opina sur l’amnésie de ses compatriotes
avec cette observation que ceux sans savoir d’histoire sont
condamnés de la répéter. C’est étonnant comment facilement des
gens sont trompés, fourvoyés, manipulés par hystérie, peur,
rodomont, chauvinisme en transigeant leurs intérêts et suivant
aveuglement des messies s’oignant comme George W. Bush dont
l’équivalent italien fut il duce, Benito Mussolini
En retour au polder de la péninsule propre en chaloupe, on
attrape ses dernières fiches de Venise sous une lumière plus molle,
donc plus accommodante aux appareils (photos 8-13). Le défi
perpétuel dans la quête photographique est de saisir la
luminescence parfaite. On vise la cible au moment précis quand les
rayons sont les plus favorables qui adviennent typiquement juste
après l’aube ou comme maintenant aux vêpres. Je ressens plus
qu’un soulagement d’avoir affiché enfin aux mémoires de la ville
d’enchantement censé, enchantant pour des touristes facilement
dupés par les accroches et annonces plantureuses et exagérées.
Ces jours d’attiger, de masquer, de propager des points de
publicité, de créer l’illusion, de confondre, de mentir voire, est
comment business est conduit. Pour quelqu’un qui n’aime
qu’éplucher l’écorce afin qu’examiner le noyau, cette réalité de
petits déguises frustre. Ce devient de plus et plus dur en mirant et
tamisant la substance de la scorie. Miros nous salue avec son
grand sourire de signature et des paroles en croate quand aucun
mot n’est nécessaire car son visage de joie dit assez. L’épreuve pour
lui serait l’attente car il aime nous conduire en virée en soufflant
des mélodies. Notre prochain est un restaurant chinois sombre
comme le grand caveau en Slovénie dans un faubourg à l’ouest de
l’aéroport Marco Polo, voyageur pionnier au Milieu moyen et, plus
important pour Yoyo, importateur de pâte appelée les nouilles dans
l’orient. Pour mouliner des clients, cet establishment n’épargne pas

9
le truc d’un pot de vin aux guides. Sofa chante encore sa mélopée
patente et fausse qu’il soit de nous qui convoitons un diner chinois
quand l’idée de ceci tôt atténue notre appétit, quand nous voulons
manger des plats régionaux, quand nous sommes réfractaires aux
tambouilles. J’ai faim pour le jour lorsque je m’affranchis de la
dictature d’un itinéraire fixé et du groupe pour vaguer à Milan et à
Genève à mon gré. Quant au nom en tribut à un héros local, Marco
Polo, il y a dix ans un livre polémique tentait d’analyser,
déboulonner vraiment, les contes (bobards) de le voyageur qui
revendiqua avoir traversé l’entérite de la Chine, servi dans la cour
de Kubilai Khan et fut décerné le mandat de marie de la ville
chinoise de Suzhou, une narration toute trop fabuleuse, une pièce
de fadaise peut-être ? L’iconoclaste en tentant de fracasser un
mythe et dépister les routes supposées de l’explorateur clamait Polo
ne fut pas parvenu la Cathay et ne fit plus que recueillir des
histoires lui racontèrent durant son trafic au Levant par des
aventuriers et marins plus intrépides, oui, les Arabes qui eurent
déjà établis leur présence sur les rives de la Chine. Apocryphes ou
pas, les journaux de Polo eurent excité l’imagination européenne et
incité la cherche pour un raccourci à l’Extrême Orient qui culmina
dans la “découverte” des Amériques par l’autre explorateur italien,
Christophe Colomb, et peut-être à l’arrive en Chine de mon ancêtre
occidental de lequel j’ai hérité ces yeux marrons, paupières plieuses
et peau blanche, oui, à Yo-yo aussi. Ma bambine s’est enjouée de
l’Italie depuis son enfance quand elle était déjà autant friande de
gelato et pizza et durant ce voyage il est inevitable que je l’adoube,
“Cristie Fonguilani”, à son égarement et amusement. On ne dénie la
vérité que cette fille semble débosselée de culture et d’ethnie.
Branchée, délurée, maligne, fusée d’enthousiasme, débordante de
curiosité, elle souligne cette absence d’identité raciale avec ses
préférences aux coutumes courues loin de son patrimoine avéré
chinois auquel elle rabroue et bafoue. Mais dans une façon elle est
sans complexe, étant cosmopolite, citoyenne du monde plutôt que
se définir selon son passeport ou son apparence.
On devient vanné facilement d’une journée en ruée
constante et ulcéré aussi du grisbi (splendides sont les noms qui
sonnent italiens, oui vrais ou pas latins en origine, à cause du flair
en voyelles) dépensé. Ce butin ne gratifie seulement ces marchands
de Venise mais aussi colporteurs de contrebandes, certain duquel
va graisser le rouage de commerce, légal ou pas. Le trafic
mercantile persiste jusqu’à la dernière bitte d’amarrage du quai,
prouvant que les Vénitiens ont le gout et flair de business. Les
bateaux y accostent sans pause malgré l’houle périodique générée
des sillons du paquebot (photo 14) qui le notre a trématé. C’est
presque l’heure à manger dans une contrée où les beffrois ne
tintent pas du carillon pour les cloches sont silencieuses, le
manque d’appels aux prières qui augure le glas de catholicisme, un
déclin terminal sans chance de résurrection. Des sondages
recensent de l’attitude de la population générale et trouvent que
l’Italie se vante d’avoir le plus bas taux de conception et
reproduction en Europe quand âpres la seconde guerre mondiale
elle eut accouché un tel surplus de bébés qui, et ensemble avec la
pénurie et le chômage, contraignit d’exporter ses gens, un exode
qui profita aux pays voisins et lointains. Voyant le phénomène
duquel le nombre de catholiques nés racla le fond fut un choc aux

10
autorités ecclésiastiques pour l’Italie est l’hôte du Vatican, la berce
de la foi qui compta globalement plus qu’un billion des pieux. Nous
sommes en route à Padova, un bourg censément a mi-chemin à
Milan et domine par un marché géant de meubles, Ikea. Je détecte
grincer l’essieu, sens un cahot et entends chuinter les pneus mais
fausse alerte. Le moteur a cafouillé mais pas calé et c’était tout. Un
panneau dit comment il faut veiller boucler les ceinturons pour
éviter des blessures d’un accident. Notre instinct n’obéit aucune
règle pour, en confort, nous larguons voire nos chaussures et
dégrafons nos baudriers. Une frêle passagère, Joan, âgée de
soixantaine, se confie à son mari, Bob, qu’elle est indigeste de
l’ébranle et, je crois, de la vinasse servie avec tous des repas. Miros
apparaît enfin dépaysé, un mauvais présage, en ayant raté un
virage et s’égarant dans la cherche pour l’hôtel dont l’enseigne est
clairement visible mais vers lequel la route est labyrinthique,
comprenant un bretzel de bretelles, faute de voierie. Au crépuscule
qu’on achève le foyer de Sheraton, une chaîne américaine dont le
tenancier de la filiale locale est guindé et rude. Mais puis on doit
être bien ajusté à l’insolence après l’acclimatation à Venise où les
sourires sur les visages des natifs sont rares, blasés-ils sont envers
nous, les clients sans grâce essayant chacun à toucher, tâtonner,
emprunter un peu de la magie et de l’apanage de dolce vida
quoique parfois la vie douce ne soit qu’un euphémisme pour le
grand gâchis.
Qu’est-ce qu’il me motive de voyager sauf de m’échapper de
l’ennui et me dépêtre du giron de turpitude? Je suis ici maintenant
d’un cent ou moins de kilomètres à l’est de Milan, le New York
d’Italie et un des formidables, et formatifs, sièges de la
Renaissance. C’est vrai qu’on ne monte pas de dédain envers un
pays, surtout une démocratie, cependant comique, maladroite,
instable. Je comprends et compatis aussi aux griefs et hontes d’une
nation tirée au conflit irakien par son fou et méchant, sinon
criminel, premier ministre, Silvio Berlusconi. Cet homme de
politique s’est bouté de son office malgré étant magnat médiatique,
quelqu’un qui endossait et participait aux méthodes de torture et
de rapt du gouvernement de Bush, qui avait permis aux agents
américains d’enlever un de ses citoyens, Abu Omar, sur une rue à
Milano pour la torture dans un tiers pays avant sa reddition au
bagne de Guantanamo, le terrorisme étatique simplement dit.
Durant le règne de Mussolini l’Italie fut la source d’un tas de
boutades à cause des bévues et folies, y compris l’invasion de
l’Ethiopie dont l’armée et partisans démunis humilièrent et
bourrelèrent les fascistes. L’héritier du duce ne foutrait pas
meilleur et ses incartades en Irak. Quant à l’épisode déjà dit du
service rendu à Bush vis-à-vis à la saisie et incarcération d’un
compatriote accusé sans preuve d’un rôle terroriste en souillant la
réputation du pays, il y avait plus car la politique de complicité de
Berlusconi avait résulté dans les morts des soldats et d’un agent de
sécurité tué par une fusillade américaine. Voici était la
conséquence de soumission et collusion au projet d’un empire,
auquel l’Italie ne comptait qu’un acolyte, un adjoint. Président
clown lui-même avait pontifié, martelé, comment les Italiens
chrétiens devaient rejoindre à une croisade contre les hordes
musulmans, un refrain de bigoterie ravivé du 12ieme siècle. C’était
sensible cependant de l’électorat italien d’avoir rectifié leur erreur

11
en expulsant Berlusconi et exigeant le recul des troupes du
bourbier irakien dans lequel les bidasses du grand aigle demeurent
enlisés. Non, non, c’est trop tentant, trop facile, de pester à la nasse
des abus et souligner l’hypocrisie des politiques presque partout
puisqu’il soit au pouvoir qui attirent parfois le pire en humanité
comme des moches s’étirent aux ordures. Ce qui si fleurit en réalité
serait décuplé plus laide qu’on en pense car la presse n’ose pas, ne
veut pas fouiller et risque s’exposer aux représailles des dirigeants
et leurs allies de business, à moins il était le cas en Italie, aux
Etats-Unis, en Asie ou les medias dominants sont rendus depuis
longtemps dociles et complices aux crimes des régimes. C’est
ironique que l’auteur du tract, le Prince, Niccolo Machiavelli fût
natif à la region de laquelle j’écris. Beaucoup de gens ont le choix,
cela d’être indifférents ou d’être cyniques envers une réalité qui ils
ne peuvent pas mater. J’opte de ne pas sévir mais être sardonique,
de voir les failles et fautes auxquelles le monde est enclin sans
déception ni surprise pour manier et survivre, plus aussi d’en
narguer et blaguer. La comédie de théâtre n’assortit jamais celle de
politiques car l’absurdité de la vie actuelle est simplement dehors
de la crédulité, plus ridicule, plus grotesque, que chaque farce de
ludique.
Nous nous installons pour la nuit de Sheraton dont les gites
sommes uniformes soit ici, soit à Cambridge, Massachussetts, où je
me suis mis en juillet 2006 durant l’hommage de nostalgie. J’ai
trouvé un mot uniquement wallon, comme « minque », comme
« kermesse », qui est « aubette », un synonyme pour « abri », une
description apte pour cette bourgade située entre deux villes de
renom, Venise et Milan. C’est d’ici dès le départ de la côte, et
encore dans la torpeur moite, que je boude sur comment la
francophonie et l’anglophonie ont rudement élidé ces voyelles des
noms italiens comme Roma, Milano, Veniza et Palermo, pourquoi
sauf la malice ou du jeu méchant? Les Italiens choient leur langage
dont racines s’ensevelissent dans la terre de latin. Pourrait-il être
que, comme des fils et filles de la péninsule revendiquent, certains
d’autres sont remplis de jalousie aux bénis italiens et donc en
rebuffade abiment la cadence d’une langue dont la joie est évidente
dans sa résonance, vitalité, musicalité? Ce qu’une étude en
contraste aux coassements du français, surtout parmi des
Parisiens trop friands de grasseyer; même aussi à l’anglais qui
beugle, parfait vraiment aux frimeurs, en particulier ceux des
Etats-Unis du sud languide dont l’amour à l’hyperbole est parfois
énervant. Et cela, voila, serait une litote. J’ai entendu dire par
quiconque que l’art américain plus éblouissant est la vente de
broutilles personne n’a pas de besoin. Les Français ulcérés ont
avoué en peine qu’ils avaient échoués de s’emparer à l’honneur
d’accueillir les jeux olympiques en 2012 aux mains des
Britanniques, oui l’Albion perfide, parce qu’ils étaient plus sincères,
naïfs, sans assez de pratique du marketing chez les anglo-saxons.
Les Italiens auraient êtes tous plutôt amusés à la vanité stupide de
ceux qui luttaient et dépensaient, non, gaspillaient, une grande
fortune pour deux semaines de gloire douteuse qui est la somme de
l’expérience olympique estivale. Ces fous sont trop couteuse au
délice de la clique coincée, comme des tiques, à Lausanne, oui le
Comite international olympique, le Vatican sportif. Bien sûr mon
escale après l’Italie sera la capitale de Suisse romande, Genève, en

12
passant en route Lausanne sur rivage du lac Léman. J’ai divague et
dois me diriger au thème courant. Les Italiens ont eu leurs jeux
olympiques à Rome en 1960 et à Torino en 2006, occasions déjà
dans l’oubli public et, pour cette fois, l’amnésie est juste.
Le bus roule à l’ouest après un peu d’un délai encore parce
que d’une paire de traînards habituels, oui Gloria et Derek,
exposant un égotisme éhonté comme celui j’avais éprouvé en
Australie dans le printemps durant le tour littoral. N’est-ce pas la
manière de ceux totalement égoïstes d’ignorer la cédule du groupe
et ne sont peu gênés pour leurs voies? Sont-ils indifférents ou sont-
ils obtus ? Esther me fait taire avec son regard renfrogné non feint
et me calme avec l’effleurage de sa main sur mon coude lorsque je
grogne moins de paroles et plus de gestes. C’est elle, ma femme, qui
ne proteste, ni grimace, ni reproche, ni monte le déplaisir pour il ne
sied pas de trahir ses sentiments. Ma femme pense que la marque
de classe soit la grâce de silence et la peur de noise voire dans la
face d’abus. Mais heureusement je ne suis pas du type de moine
bouddhiste et réprimé, plutôt celui qui est sanguin et spontané,
déversant des émotions au moment de colère. Ma marmaille, Yo-yo,
est totalement oublieuse aux murmures comme elle était plus
avancée au brimbalement du carrosse en se vautrant sur deux
sièges, rêvassant, de quoi sinon la chance de plonger dans le
shopping à Milano, la Mecque de marques. Je grignote deux poires
trop mûres et coties prises de l’hôtel auquel le loufiat n’a pas
objecté puisqu’un morceau relâche l’esprit avec son fumet lénifiant
le nerf surtout quand Miros fonce dans un pays étrange dont les
routes et rocades. Malgré le gage de Sofa qui ne s’arrête pas à
dégoiser, cette véhicule ne se dote as de système de navigation par
satellite. Mes doigts sont croisés avec une prière pour un trajet
sans encombre et sans se paumer dans le dédale de la seconde
plus grande ville en Italie âpres Roma. Les motoristes italiens sont
notoires comme chauffards voire plus loufoques que des jeunes
effrénés à Hongkong, à Vancouver, partout, il apparait. Mais une
telle réputation qui s’est attelée à une nationalité n’est pas facile de
secouer. Les routes sont vraiment un cauchemar.
On ressent déjà l’imminence de Milano d’une longue
distance de la cité car ses industries se répandent vers l’extérieur
aux faubourgs et banlieues qui s’y cramponnent sans accroc. Voici
reste le coeur de manufactures du pays dont usines fabriquent une
grande envergure de marques qui se targuent la fierté de la nation,
de Ferragamo à Ferrari. On entend qu’un client qui exige une cote
pour chacun objet de son envie n’a pas de moins de l’acheter. Je
me compte d’être parmi ceux munis plus du bon sens que de
l’argent dont l’ego ne pas tel fragile afin d’avoir besoin d’affirmation
matérialiste. On sait bien sur d’autres, prodigues, qui s’abêtissent
dans la poursuite de vanité et s’agenouille devant l’autel d’excès.
Soit à Torino pour les bolides, soit à Milano pour la haute couture,
les foucades sont les mêmes, oui, rien plus qu’une manie qui
s’accroit à la dictature du marketing et des arbitres de gout. Il y a
une ouaille des femmes riches et vaniteuses de Hongkong qui
chaque saison neuve à la mode dévale des avions pour être la
première dans la queue d’accrocher des atours chez Valentino à
Milano et chez Christian Dior à Paris. On n’oublie pas d’un cours
hilare à Hongkong conduit par un bimbelotier qui foutre fructifier
cette quête pour la classe acquise et enseigne jamais en solde ces

13
frimeuses comment exactement prononcer leurs objets d’envie,
Hermès, Dolce Gabbana, Louis Vuitton, etc., afin d’éviter
l’embarras linguistique. Mais on doit être gêné d’avoir un tel trou
d’estime de soi qu’on veuille se plâtre des symboles de
consumériste décadence, un phénomène rarement élucidé dans la
presse qui boit à la même auge. Affligé de cette addition aux
chichis, l’antidote serait un dosage fort de cynisme et confiance de
l’âme. Ces accros de pacotilles et paillettes faites extravagantes ne
sont que des fantoches et j’espère que ma fille n’en deviendra
quand elle a grandi de cette étape de sottise. On discerne d’espoir
pour encore jeune Naomi Klein, une fois jobarde et habitante des
mails à Toronto, est aujourd’hui critique des marques qui essaient
d’assujettit la planète à leurs drogues d’indulgence. Mais alors on
ne les blâme plus, ne sévit pas, plutôt les apitoie pour ces
coureuses au pactole, dans une forme d’un mari riche, convoitent
une illusion de plaisir ont trouvées que les valeurs traditionnelles
se sont écroulées il y a long temps, leur laissant un vacuum du
cœur auquel elles fourrent des vêtements griffés et fleurons de
design, guenilles et babioles en fait. Le trafic ralentit lorsque l’on
entre la ville de bâtiments mixtes (photos 15 et 16) de vieux et de
modernes comme le monde accourt à l’appel de commerce et
culture, les deux en surcroit face à face en juxtaposition bizarre et
dans la matrice de Manhattan. Miros cependant déjà dépaysé
s’égare de pire en pire dans là labyrinthe des rues en cherche pour
un restaurant censément chinois afin de remplir l’obligation de
Sofa. Quelle poisse mais alors elle, notre guide, n’a pas de souci car
elle a recueilli nos pourboires à 180 euros par tête sans rabais pour
aucune bévue, c’est pognon sans impôt dans la banque.
Je m’ancre sur la bergère de velours du foyer et refuse de
bouger car la torpeur sape toute de mon énergie, essayant en vain
de frapper des moustiques qui ont envahies l’hôtel. La canicule
historique est devenue si cuisante qu’on ne puise pas respirer dans
la suée et la vapeur. Ma mouflette s’affaisse en me côtoyant,
également frustrée et épuisée. Miros a perdu sa touche de magie
des du départ de Venise. La cherche d’abord pour la gargote était
suivie par celle pour notre loge. Je déboute l’après quand on doit
encore traverser la ville et tâtonner à la grande cathédrale qui est le
cœur et âme de Milano, un édifice de six siècles dans sa
construction mais bien sûr ne pas d’affilée puisque de temps en
temps l’ecclésiastique se fut tombé en faillite ou dans le manque de
dons du mécénat laïque. L’ironie est suprême que quand le projet
fut enfin complet dans les années 1960, la foi des Italiens s’était
écoulée, laissant ce monument aux peu pèlerins encore assez
dévots à l’église catholique et beaucoup plus de touristes tous
plutôt stupéfiés par une telle grandeur. Apres la Bulle papale en
1963, l’élan de la religion eut dérape de l’Europe aux Amériques et
Asie d’où les convertis furent mieux recrues. Miros s’est débrouillé
seulement avec l’aide d’un taxi dont péage j’étais tenu à payer
puisque j’étais le moins patient de la coterie. On ne voulait plus
s’engluer dans le trafic sous le soleil sans merci, engendrant le
désespoir et l’usure de notre condition physique. J’ai encore
endigué ma vexation car Esther dit souvent l’anxiété et le tracas
n’achèvent rien sauf aggraver la pression de sang. Elle a raison. Je
n’accuse notre chauffeur en fautant plutôt la compagnie qui lui a
baillé un système de navigation de satellite ne pas juste d’adoucir

14
son travail mais aussi d’épargner du temps et de limiter la pollution
à laquelle quiconque veille et doit prendre conscience comme
citoyen mondial. C’est sidérant et honteux que l’agence de tour ne
s’équipe des outils essentiels afin qu’économiser qui cependant
n’aboutit pas au but constaté, laissant nous nous emberlificoter. Le
Milano est un endroit qui vénère le visionnaire de Vinci dont
conviction que des bidules, machins, purent livrer l’humanité de la
corvée. Le fantôme du sien aurait bien aime ce siècle et ses gadgets.
Pour accéder à la cathédrale de Milan, ou de l’appelle en
italien, el Duomo di Milano, dans le centre de la piazza del Duomo,
on doit croiser un large parc plein de pelouses et arbres ensemble
avec une réplique de l’Arc de triomphe (photo 17). Bien sûr c’est
possible pour la manade de touristes d’y aller en bus. Mais ma
préférence est via le moyen de pied pour sentir le rythme de vie
urbaine et accoster les habitants. L’édifice hérisse de formes
architecturales qui embrassent gothique, néoclassique e
néogothique en reflet des goutes des siècles dans lesquels certaines
phases du développement influèrent sur sa construction. Les
contreforts et arcs-boutants, frettes et gargouilles, surplombent la
piazza mitoyenne, elle-même une véritable garenne de boutiques
arborant ces marques qui confèrent à Milano sa rubrique comme la
capitale de la mode globale, un titre disputé par New York et Paris.
Mais alors on trouve enfouies ici peu devantures moins en renom
mais encore captivantes pour ceux qui s’engouent du shopping. Ce
que m’intéresse est comment chics sont des midinettes accoutrées
comme mannequins d’une manière effrontée. Le Duomo domine la
ville sans gratte-ciels grâce à la hauteur de ses 136 flèches, la plus
magnifique atteignant 108 mètres, et toiture de marbre. Mais la
vraie magie est une portée de 2000 statues sculptées aux détails
exacts et exquis. Le parvis grouille, accablant et épuisant est le
trafic humain duquel voire la nef de la cathédrale n’offre pas de
sursis puisque la cohue ne l’épargne pas. Ce qui y advient est le
chahut qui effoire (“écrase” ou “froisse” en français propre mais
c’est ma volonté de parsemer le québécisme de temps en temps)
l’humeur de faire la fouille dans la chaleur qui a déjà catapulté la
température à 36 C et trempe ma chemise en sueur. On s’accote
invariablement vers l’ombre donnée par ces auvents, travées,
rebords des magasins qui dans leur tour éberluent avec étalages,
soit chez Prada, chez Ferrari (qui vend une ligne de vêtements et
accessoires) et chez Versace. Esther déleste à moi son sac pour
emmener Yo-yo à la queue au guichet afin qu’acheter deux billets à
l’église. Ma fille cependant rechigne à un tel pèlerinage et me suit à
une crémerie pour nos glaces au gilato et savoure le climatiseur.
Ma gosse ne fige rien et ne se remue aussi, étant autant plus
rafraichie et relâchée en s’attablant au café d’un décor plutôt
huppé, ses lambris sombre pavoisés de sépias en célébrant de la
clientèle vedette, ayant delà léchée la dernière cuillerée de glace
longtemps fondue dans ses babines. La canicule reste telle intense
que voire les punaises ne picotent plus dans l’air étouffant. Nous
avons esquivé l’été infernal de Hongkong seulement de l’affronter à
Milano. Proche de nous est un couple américain, la jeune brunette,
avec son bras dans une attelle, fait la même observation à son beau
en parlant de leur Atlanta. Ils sont comme nous voyageurs plus
ardents, moins las que Yo-yo, encore soulagés d’approche la fin de
leur périple en Italie qui n’assortit son hyperbole dressée pour

15
attirer ceux déjà fatigués de la France, auparavant la destination de
choix en Europe. Je suis déjà déçu et déchu dans mon estimation
de Venise. Ma première impression de Milan, d’énoncer son nom en
français et anglais, ne saisit pas d’imagination. Ce qui s’empare au
coeur d’une ville dont l’allure est invariablement tachée à l’outrance
des trucs et triches de tourisme. La valeur d’un monument comme
une cathédrale n’excède jamais sa pertinence religieuse, sa place
dans la cadence et le cadre du quotidien, une qualité perdue quand
le lieu censément sacré et solennel est empâté de visiteurs privés de
foi ou voire de la compréhension d’une telle foi. Beaucoup d’eux ne
sont qu’émulés de façon et cet an l’escale de style est l’Italie; quant
à l’an prochain, peut-être l’Irlande? L’avènement de l’Internet a
aussi démasqué du mystique puisqu’une virée soit embarquée aux
bouts des doigts. Ils sont, nous sommes, les barbares neufs qui
affluent dans des pays pour une saison. Mais alors les hôtes et
invites méritent uns aux autres, ne partageant rien que leur mépris
mutuel. Esther y arrive pour nous rencontrer, satisfaite avec sa
récolte de photos de l’intérieur du duomo, et nous exhorter
d’entreprendre le tour qui elle nous assure sera digne de notre
effort, ne pas compter l’argent. Ma bambine n’en monte aucun
intérêt mais cette fois elle ne lui râle pas à cause de la faiblesse et
futilité de résistance. On n’empêche plus la persistance d’une mère
convaincue de sa vue sur l’essence à l’éducation droite et propre,
convaincue aussi qu’elle sache mieux à laquelle la protestation sera
toujours futile. Je l’accepte.
Après la visite obligatoire, qui est à dire sans euphémisme “de
contrainte”, à la nef de la cathédrale comblée des autels qui
évoquent des scènes plus profondément poignantes aux pieux et
qui m’ont barbé, il était du soulagement de sortir ne pas seulement
la province de l’église mais également le domaine de ma jeunesse
bien cicatrisée par ces mythes de catholicisme. Fut cette sensation
moins de regret, plus de réjouissance, et de réminiscences qui frisa
les lèvres de Jean-Louis (Jack) Kerouac, fils des immigres pauvres à
Lowell près de Boston lorsqu’il se fut renoncé à la religion de son
clan, son héritage québécois, pour embrasser la vie moderne et en
train d’embraser le monde avec son œuvre plus célébré, « On the
Road » (Sur la route), publié exactement il y a cinquante ans aux
accolades des critiques et rêveries des lecteurs qui convoitèrent de
s’affranchir des crémaillères et de recherche pour leur nirvana en
vagabondage? Ce, voilà, est le style de l’auteur et l’avatar de la Beat
Génération duquel je pourrais suivre. Le texte fut écrit vraiment
durant les parcours de Kerouac en travers des Etats-Unis circa
1948-1950. Mais bien sûr dans mon cocon d’enfance je ne lui avais
pas entendu ni ses exploits quand moi, fils aussi d’une mère
immigrante, j’étais aussi converti à la cause d’éclairement en
voyage qui aboutait à l’extase en printemps, le mai, 1964 à
Honolulu. Quiconque n’est pas las de l’être mortel aurait affirmé à
ce passage de Kerouac: “Les seuls gens qui existent pou moi sont
les déments, ceux qui ont la démence de vivre, la démence de
discourir, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui
ne savent pas bâiller ni sortir un lieu commun mais qui brulent,
brulent, brulent, pareils à des chandelles romaines dans la nuit.”
Minaude-moi de penser de cette phrase qui se finit avec une
référence aux chandelles romaines, voilà, romaines et ici j’entre à
nouveau aux lumières de Milano, une fois en antiquité à la frontière

16
de civilisation érigée par les Romains et après épandue à chaque
coin de l’Europe, de laquelle Kerouac et moi, nous sommes
héritiers. C’est marrant et bizarre que l’on réfléchisse aux
expéditions d’un frondeur folâtre qui tenta d’étancher sa soif pour
des errances et expériences transcendantes lorsqu’à l’instance
j’essaie d’achever la même du corps. La réhydrations fréquente est
de rigueur pour l’être s’étiole sous ces vicieux rayons et viciant
humidité. On devient veule et désorienté puisque l’on ne soit jamais
désaltéré à cause du drainage constant de la pisse et aux suées.
J’étais déjà sapé dans le dépistage du restaurant chinois prétendu
et de la chasse de l’hôtel caché dans un quartier obscur à l’instar
d’un traqueur confus par des mirages. Quel contraste alors d’entre
Kerouac et sa tribu de confrères qui désirèrent d’ajouter de
connaissance et fringale à leurs vies et cet attroupement de
touristes fous dans leur quête en augmenter sa portée de sachets et
sacoches griffées. Qu’est-ce qu’apparaisse telle futile est cela la
beauté d’un endroit faut être plus que la somme de ses produits qui
sont vendus partout dans l’ère du marche global. Yo-yo ne voit pas
ce que semble évident à chaque œil ne pas aveugle par la publicité.
J’avoue cependant que, moi, j’ai déjà échoué de lui seriner cette
plus simple des vérités. La consolation est qu’elle ait le luxe de
temps d’apprendre comme Klein, pas Calvin mais Naomi, pour voir
la folie de ses voies – oui cette ritournelle est dite souvent et, or,
dans une façon d’une prière, elle mérite de répétition car ces mots
constituent un souhait, un espoir de salvation.
En catimini d’Esther plus avant, nous, papa et fille, avons
négocié des règles pour comment passer ces deux journées à
Milano. L’accord est simple, pas de lubie à la folâtrerie, pas de
musées, pas de vadrouille dehors la ville, plus d’un plan, un
système. Ma gamine en déférence à nous, ses parents, différera ses
emplettes sauf pour une paire de chaussures jusqu’à demain. Une
promesse d’elle ne demeure sacrée car elle a tendance de se raviser
et succomber à quelconque tentation émanant des devantures
puisqu’elle a ces yeux d’un enfant, une pie, qui chatoie aux vues de
ces étincelles. Le défi est donc de l’emmener de la chalandise,
brider son avidité et la diriger, à Milan, au Duomo soi-même duquel
elle penserait bien sûr insupportable puisque l’héritage l’ennuie,
l’énerve. Il y avait un sondage recense des élèves américains
comment l’histoire est leur plus détesté des sujets écoliers. Ce
sentiment est assez très épandu dehors les Etats pour
l’enseignement des leçons du passé manquent de sens de drame
pour attiser ou attirer des jeunes dont les cerveaux sont obnubilés
des émissions télévisées banales. Si l’histoire n’agrippait l’attention
de jeunes, le défaut serait la méthode d’enseignement plutôt que la
carence de curiosité naturelle. Mais le verdict pris est trop sévère.
Je détecte clairement une lueur dans ses pupilles et un rire dans sa
voix quand elle m’entend lui raconter une histoire, telle bien celle
de César en prenant gué de la rivière de Rubicon ou celle de
Mussolini en contraignant opérer les trains à la ponctualité. Ma
chouette couine et glousse avec délice, se cabrant de son siège,
d’écouter le conte de la bande menée par Giuseppe Garibaldi, né
aux parents immigrants à Nice, France, dans la lutte de fonder
l’Italie et dans la quête d’apporter l’idéale d’une nation dynamique
et démocratique en et dehors cette patrie ancestrale. L’art de
l’engager, ma fille, demeure celui du théâtre qui veut dramatiser,

17
narrer avec verve et atteler le thème à des matières pertinentes à sa
vie. Quant à Garibaldi, le truc est de lui expliquer la raison
pourquoi les géologues et les cartographes canadiens adoubèrent à
cet étranger héroïque le nom d’une rangée de montagnes en
Colombie britannique juste nord de Vancouver dans laquelle
situent les crêtes enneigées de Blackcomb et Whistler sur dont les
pistes ma bambine avait skiée. Quant à César, il fut lui, un guerrier
de gloire légendaire, sa subversion de la république qu’il eut gagé la
défense contre ennemis barbares ou domestiques, qui le fait
ressortir, voilà l’ironie, voilà la trahison. Le sort de lui, le sauveur et
tyran de Rome, fut richement symbolique, un empereur s’oint
abattu aux mains d’une cabale dont la figure plus surprenante fut
son ami, protégé, filleul, en fait fils adopté, Marcus Junius Brutus.
Quelle tragédie, quel prix, quel dilemme, de tuer un parent et
mentor pour restaurer, quoiqu’en vain, l’idéale qui les Romains
eurent acquise des Grecs? Elle, Yo-yo, ne comprend pourtant le
contexte de cet épisode mais prou et peu mon bébé est conscient de
la peine résidente en risquant tout pour devoir voire au sacrifice de
vies, celles de la victime et de l’assassin. Lentement, sûrement,
j’essaie d’influer sur les manières et mentalité de ma gamine mais
sans me prouver trop féru car elle me résisterait. Parfois ce serait
meilleur de tremper l’acier sans hâter. En étant draconien et
dogmatique, on risque d’apparaitre plus un cuistre et bravache
qu’un oracle. La méthode du jour n’est pas d’émousser la gouaille
ni d’étouffer l’initiative d’un jeune qui doit trouver, avec un peu de
conseil, sa bonne voie. La valeur d’une leçon en histoire est de
corser le sens de soi et d’apprendre la position de la personne dans
le grand schème de l’humanité. C’est vraiment si simple et
important. Nous sortons du Duomo avec les rayons déjà flétris,
entrant la piazza sur laquelle des chaises et gradins sont mis
devant une estrade de concert. Je suis prêt de passer ce soir aux
pieds de Luciano Pavarotti, frappez-moi maestro avec « Nessun
Dorma » et « Ave Maria », si-vous-plait, vous avez la voix d’un ange.
Tristement il n’y aucun concert crépusculaire au Duomo pour
le soprano et garçon favori en Italie qui reste malade et invisible
aux yeux publics, inaudibles aux oreilles aussi. C’est inévitable que
la dernière lumière s’étreindra, le rideau tirera, le silence tombera
sur le chanteur qui épanche telle émotion dans ses redditions
d’aria, qui fait éplorés voire des hommes costauds dans l’audience.
Yo-yo ricane encore en narguant « les éructions opératiques » et
bafoue ceux de mes goûts trop passéistes puisque chaque forme de
culture qui étanche le coeur et émeut l’esprit la gêne. « Ceci le cri
d’iodler est torture » serait son jugement. Les contes de passion
récités de Giacomo Puccini, de Giuseppe Verdi, Gioacchino Rossini
et Vincenzo Bellini, et al, ne la touchent pas, une perte grave. Elle
préfère bien sûr ces feuilletons et bluettes américaines qui sa
génération prend, non, consomme. Nous sommes ici, dehors ce
théâtre d’où grouillent des spectateurs qui s’endimanchent en
smokings et robes. Le mot « opéra » vint d’un village dans cette
région de Lombard ou Lombardi, un endroit si passionné de l’art,
une ardeur universelle. Le zèle s’éclate durant le week-end comme
manifeste dans ce défile de beaux et belles au foyer ou juste sous le
chapiteau d’un édifice en tribut à la haute culture italienne. Nous
les observons du parvis où ma femme charnue, dont la chemise et
pantalon boudinent ses lignes bien roulées, veut qu’on capte une

18
image d’elle dans le giron d’une statue grosse moderne pour foutre
du contraste flattant d’elle (photo 18). Je suis actuellement plus
riveté par une stèle de statues classiques qui saluent des érudits et
sages de l’époque renaissante (photo 19), un gotha, une pléiade,
une constellation dont l’astre plus brillant fut le génie d’un hameau
placé d’entre Florence et Pise, Leonardo di ser Piero da Vinci, sud
de Milano. Futile est l’essaie d’expliquer à ma fille l’impact et
l’emprise de Vinci car elle ne lorgne pas les sculptures de marbre
gris, plutôt des pigeons se juchant sur les tètes des figures.
Marrant comme la cervelle d’une fille s’éloigne de la perception de
son père et pourtant chacun est également intrigué dans une voie.
Ce matin on se réveille à l’accalmie d’un dimanche encore
ensoleillé et fait chaud. Mais le calme ne dure puisque les citadins
italiens ont largement abandonnés leur église et convertis à la foi
bachique, donc laissant ces heures libres pour se dégriser. La
bonne nouvelle digne d’une célébration est que deux semaines
après le début du périple notre groupe est prêt de s’écarter,
certainement sans regret de mon côté, bon débarras, accueil à la
liberté dans la compagnie exclusive de ma famille. Le soulagement
est, je suis sûr, mutuel car les autres sont las de quelqu’un rogue,
fat, insouciant. Aujourd’hui, après le petit déjeuner de au revoir, le
reste, sauf pour les trois de Gloria destinés de prendre le train à
Florence, ira à l’aéroport pour le vol en retour à Munich et d’y en
route à Hongkong, chacun encombre des souvenirs physiques et
mentaux. Nous avons une journée entière d’explorer Milano avant
notre trajet en train à Genève longeant les plus hautes montagnes
en Europe et cabotant le rivage du lac Léman. Maintenant j’amuse
des indigènes de cette ville et ma gamine en les abordant en
espagnol qui contient assez de similarités, ensembles avec faux
amis, ignorant des gaffes et lapsus, à l’italien. « Buenos dias » pour
« buongiorno », « gracias » pour bien « grazie », parlé toujours avec
un sourire qui me ferait apparaitre totalement loufoque ou loco.
Notre destination prochaine ne sera ailleurs que le Duomo afin
qu’amadouer ma fille déterminée est-elle pour débiter mes comptes,
vider ma caisse, alourdir nos bagages et contribuer à la
globalisation. Elle sautille avec joie, ma chouette, et ne grogne
pourtant à la torpeur, motivée seulement de remplir des cabas avec
le même délice qu’elle, jeune élève, avait repéré et identifié en
gavant sa gibecière pour l’école première. Cette ado serait stoïque et
patiente en ne criaillant pas, cependant qu’elle pâtisse pour la joie
avérée (à elle) et douteuse (à moi) de farfouiller aux étagères et
râteliers de vêtements et accessoires à la mode. Pour accéder à la
chalandise, on doit courir la ligne de gantelet de racoleurs et
colporteurs, une expérience intimidante. Si j’osais piauler à son
avidité, elle râlerait avec une moue, “Dada pourquoi tu es si chiche!
D’autres parents ne sont pas tels ladres (sans donner un nom de
ces fous qui dorlotent leurs mômes).” Bien sûr la parcimonie n’est
pas mon trait et j’éprouve du ressentiment à la calomnie, ne pas
cela ma fille se tracasserait trop de mon sentiment. Ce qu’anime
mon entrain est le parcours du parc qui se cale au butoir d’être le
Duomo et la ville d’où je peux voir comment les Italiens passer un
dimanche. La promenade me donne une chance de réfléchir sur
Milano et sur cette région de Lombardi dans laquelle le sentiment
de sécession de l’Italie ne se déguise plus, une province riche
septentrionale bien désabusée avec le besoin d’appuyer une union

19
avec les aires pauvres méridionales. Ce troc en ayant un grand
pays pour une fortune incita le satiriste américain, Mark Twain, de
remarquer, “En gagnant son indépendance, l’Italie a emporté un
éléphant à la loterie politique. Et elle n’a pas de quoi le nourrir.”
Néanmoins je suis mordu de l’occasion de joue du badaud en
observant moult gens d’ordinaire en conduites relâchées qui
révèlent des détails quotidiens ou, bien, au conge dans l’ère athée.
J’ai toujours joui la flânerie dominicale, étant un fils de
Vancouver qui se vante de ses nombreux parcs, ses sanctuaires de
verdure. Sans regard aux endroits où je vadrouille ou à la saison, je
saisis chaque chance à roder et étudier le milieu, New York, Paris,
Tokyo, Seoul, Singapour, Londres, Montréal, Melbourne, San
Francisco, tous d’eux sont définis par leurs andains de vert et par
ceux qui y déambulent. Une telle balade me lénifie et m’accorde
une vue sans le filtre de tourisme. On a peur des natifs dans un
lieu étrange surtout quand est dépaysé, paumé et privé d’une
boussole mentale. Mais parfois c’est ceci, l’incertitude, qui devient
le biais plus convenable à la fouille d’un quartier en pleine
splendeur toute naturelle, toute sans barrière. Etait-il dans un parc
à Zagreb où j’ai achoppé sur un tas de fiente de chien auquel ma
polissonne a couiné seulement d’arrêter, essuyer la semelle et
observer avec surprise l’architecture de la cité? Sur le sujet de la
scatologie, il était certainement en traversant un champ puant de
bouse dehors la bourgade de Saanich, au nord de Victoria, dans un
vallon épais de fertilité, qui j’avais soudainement à l’aise avec la
tranquillité de cette cocagne canadienne, moi, citadin invétère,
sinon incorrigible, quand j’avais 24 ans et je m’étais acoquiné d’une
coterie universitaire. Je suis maintenant à Milano en faisant pause
dans un parc (photos 20 et 21) comme celui de Central dans le
cœur de Manhattan, m’arrosant sous un réseau de tourniquets qui
agit la part d’un climatiseur et grignotant une tomate plutôt talée et
blettie. La richesse de la contrée, du terroir, est contenue dans la
chair de ce fruit qui je morcèle, l’un après l’autre, avec un petit
couteau d’armée suisse. L’ambiance qu’on sente, aime, est presque
Zen; et d’un tertre sur une clairière, dehors les ombres des anciens
ormes et chênes géants, on peut arpenter ce coin de Milano. Nous
avons passé la fontaine (photo 22), enjambé le pont du château,
regardé un peloton de flics escamoter les vendeurs africains à la
sauvette, chacun empoignant ses contrebandes et échappant à
l’allure, trop vite, trop preste pour ces cognes, gros et paresseux à
les poursuivre. Les touristes acclament les Noirs. Je ne peux pas
résister à toiser des baigneuses qui se prélassent et bronzent dans
un état presque en défiance à la pudeur dans l’ombre de l’entrée au
Duomo.
Milano est sans un doute la ville des marques étourdissantes
qui régentent suprêmes, leurs panneaux et enseignes criardes ne
cessent pas d’assener les consommateurs avec hyperboles,
galimatias et images presque pornographiques des bougres et
bougresses dans ceci ou cela degré de nudité en pose ou en
papouille. Le trouble est que le surcroit, l’outre essaie au choc,
accable et transit, dégoutant et gênant certains d’eux las, sinon
blases, du jeu a manipulation médiatique. Les noms des dynasties
qui font baver des clients – Versace, Valentino, Prada, Ferragamo,
Armani, Bulgari, Gucci, etc. – n’épatent personne mature douée
d’une vraie mesure de sens. Dans le centre de la cité on affronte la

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mode chic qui est à dire qu’il y a une tribu de gens s’affublant des
atours dignes des clowns. Mais encore on peut palper les tendances
et rythmes du monde à cause de la globalisation qui habille les
gens dans une sorte d’uniformité, quoique les publicistes aiment
vanter l’individualité, un paradoxe et une hypocrisie apparente à
ceux dégagés des mythes et mensonges nocifs de l’économie
dressée sur la vanité et le leurre de glamour. Je m’étais dépêtré de
l’embuche au moment précis lorsque le vrai mien et le but laid du
marché m’en avaient révélés. Apres bouffant pourtant l’autre cône
de gelato, Esther et Yo-yo entrent cette labyrinthe de magasins,
lassant moi assis et assagi sur banquette au foyer à lorgner des
piétons, ou plutôt, piétonnes et acheteuses passantes en travers
d’un système d’alarme et sous le regard des guetteurs,
invariablement grands, costauds, et plus souvent que pas, noirs.
Malgré ces détails de sécurité à scanner, certaines tentent encore
d’y glisser avec des nippes ne pas payées ensemble avec celles déjà
soldées. Ce que surprend cependant est comment ces femmes
exquisément vêtues ne semblent pas avoir la moins de honte, en
fait, n’essuient pas de sourire de leurs babounes (québécois pour
« bouilles ») d’avoir eu exposés les vols. Est-il le standard de moeurs
modernes voire parmi celles de la classe aisée en Italie et ailleurs?
Si donc, il constitue une crise de conduite? J’ai lu que les
tromperies scolaires sont endémiques mais ne pas juste en
académie, ouais, en commerce et politiques certainement quand la
question qui compte serait le succès cependant vulgaire plutôt que
l’échec cependant noble. De quoi serait le scrupule, une idée trop
vieillotte, non ? Si.
Soudainement une pensée entame de poindre que j’aime Zagreb
autant plus que Milano malgré la richesse apparente de la ville
italienne juxtaposée à la modestie de la capitale croate. Ce
qu’atterre chez le premier est sa commercialisation d’extrême où
ces marques, quoique fameuses, sont maintenant universelles,
communes et à l’ubiquité. On peut les acheter n’importe où et aux
prix similaires. Mais à Zagreb un visiteur peut encore aller au
marché en plein air au coin face à face à la grande cathédrale dans
le giron de la cité, inspecter des ouvrages artisanaux, cribler des
fruits locaux fraisement cueillis et étalés des cageots, toucher des
girofles d’épices, entendre des voix aigues à lésiner, blaguer,
papoter, voilà des sons, vues, senteurs à la vie quotidienne simple.
Voici sont les gens dont l’esprit est abondant lorsque leurs
penderies sont dépouillées. Ce serait possible qu’on puise exister,
non, voire fleurir à Zagreb, demeurant dans une piaule, prenant
ses tambouilles dans quelconque gargote et buvant de bière dans
une cambuse sans se soucier aux estimes fausses bourgeoises car
la cherté n’est pas trop pénible, les citoyens, surtout citoyennes,
sont sympas, malgré ces tragédies historiques qui les hantent.
Cette ville balkanique s’exsude une certaine ambiance bohémienne
à l’instar de Paris dans les années 1920 qui lui étira des artistes
itinérants et rétifs. Je ne veux pas me transporter en Croatie mais
encore elle est préférable dans chaque sens à l’Italie. Ceci est mon
verdict quand, après un après-midi de manie pour ma gosse et
d’oisiveté pour moi, épuises du déboursement et encombrés des
cabas fourrés, nous titubons vers l’hôtel en travers un boulevard
presque déserté dans la chaleur dépérissante avec seulement

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l’envie à une douche pour laver la pollution de Milano de notre
peau et à un repas qui rédime l’Italie dans mes yeux, mon estomac.
C’est notre dernier soir en Italie avant le retour de la Suisse
romande où nous nous séjourneront quatre journées exactes. Pour
célébrer, nous passons maintenant des heures de ripaille sur
terrasse d’un ristorante de luxe dont la cuisine spéciale est de la
récolte marine à laquelle ma gamine s’est raffolée depuis son
enfance, enrichie de ses contacts avec un diverse choix de cuisines.
Ella commande au garçon un grand plat de pâtes et moules, une
salade romaine, soupe de légumes et bien une bouteille d’eau
minérale gazeuse; sa mère, ordre le même et, moi, une large pizza
nappée d'huitres boucanées, calmars et basilique sur une couche
du fromage léger, de l’huile vierge d’olive et des tramâtes fraises,
telle délicieuses. Pour le dessert, il y a une cuillerée de glace à
menthe, une miette d’anacardes broyés et plusieurs biscuits au
chocolat servis d’un clayon. En détente enfin, je m’ébruite tous
azimuts de mes grognes et de mon soulagement à partir de cet
endroit et revisiter le pays helvétique duquel j’avais vu la seule fois
en printemps givré et gris de 1984 quand j’'etais journaliste au
media américain, voilà telle est la nostalgie. L’emprise italienne
agrippe l’imagination de mainte de touristes à cause de sa
puissance à séduire, évoquer, capter et mater soit de son héritage,
ses arts, son paysage et sa magie, son sortilège, un charme qui ne
s’'amenuise avec le passage de temps. Tout qui s’avère enchantant
est abimé par la frénésie d’'avidite. On ne peut qu’être perturbé à
l'excès matérialiste qui souille le patrimoine et ruine la grâce
auxquels on refuse de transiger. Le terme opératif est de la
« dissonance cognitive » entre ce que l’on voie, sente, comprenne et
ce que l’on lui avait désiré avant la visite, l’expérience, la déception.
Dans les ténèbres, nous nous désarçonnons des chaises ou nous
avons baguenaudé et marchons les trois rues à l’hôtel. On ne sent
pas de brise d’une nuit dont la moiteur chaude colle aux corps et
coagule les pores; on lutte de respirer encore, priant et espérant
pour une embellie de la canicule dans le trajet en train pour
grimper à l’élévation alpestre, une escalade qui commence
immédiatement au nord de Milano. La substance de mes rêveries
faudra être celle des montagnes, des congères, des névés, des
calottes glaciales, des vallées, des coteaux, des cascades justes
comme celles dépeintes dans les vieux magazines de National
Geographic quand j’étais jeune et plein de sens d’étonnement. Ce
panorama pittoresque de la haute contrée italienne et des Como
enjambant les frontières avec la Suisse m’appelle comme une sirène
à un ancien matelot.

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