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Propriété intellectuelle – Fiches de révision

THÈME 1 : Le droit d’auteur.


I. L’Objet du droit d’auteur

Question 1 : La notion d’œuvre / Question 2 : La notion d’originalité

Le droit d’auteur est né pour protéger les créations quelle que soit leur forme d’expression :
musicale, audiovisuelle, artistique ou littéraire. Que la forme d’expression soit écrite, orale ou
numérique. L’objet du droit d’auteur repose sur la notion « d’œuvre de l’esprit » mais la loi
française n’a pas définie quelles sont les œuvres protégeables sur le terrain du droit d’auteur et
elle est donc difficile à cerner. C’est au juge que revient l’exercice délicat de la qualification. La
jurisprudence et la doctrine ont posé les conditions de la notion d’œuvre protégeable par le droit
d’auteur. Pour les résumer, l’oeuvre doit être une création de forme originale. Ainsi il y a un double
critères : d’une part, l’œuvre est une création de forme et d’autre part, l’œuvre est une création
originale.

I. L’exigence d’une création de forme.

La création de l’œuvre est le résultat d’un travail artistique ou d’un effort intellectuel conscient et
volontaire. La création doit être matérialisée par une forme perceptible par les sens pour être
protégée c’est-à-dire que la forme doit pouvoir être dissociée du fond. Ainsi le Code de propriété
intellectuel dispose que l’œuvre ne doit pas forcément être achevée (esquisses). Par conséquent,
c'est la forme qui est protégée, pas les idées. Par exemple, le CA de Paris, en 1986, considère que
l'emballage du Pont-Neuf par Christo est une œuvre protégeable mais non pas au titre de l’idée
d’emballer un monument, mais au titre des images issuds de cet emballage. Ainsi, il a le droit de
toucher des droits d’auteur sur les images montrant le Pont neuf emballé. Ce n'est donc pas l'idée
d'emballer un monument qui est protégeable et par exemple, le projet d’une autre personne
d'emballer les arbres des Champs-Élysées ne porterait pas atteinte à son droit d’auteur.
Ainsi, pour une action en contrefaçon le CPI indique qu’il faut toujours retrouver deux éléments : la
conception et la réalisation. Si l’un fait défaut, on ne pourra pas parler de contrefaçon.

II. L’exigence d’une création originale.

L’autre critère de la notion d’œuvre permettant le droit d’auteur c’est l’originalité. C’est un critère
universelle que l’on retrouve donc au niveau international d’appropriation des œuvres (Convention
de Berne et accords ADPIC 1994 par exemple).
Le CPI dispose que ce critère d’originalité est une condition nécessaire et suffisante pour bénéficier
de la protection du droit d’auteur et qu’elle est l’expression juridique de la créativité de l’auteur.
Cependant, c’est une notion subjective et donc délicate à déterminer.
La jurisprudence a pu être amenée à se prononcer plusieurs fois sur cette question d’originalité et
en particulier en la corrélant à la question de la nouveauté. Ainsi, une œuvre originale est-elle
assimilable à une œuvre nouvelle ? Pour une partie de la doctrine française originalité et
nouveauté sont synonymes, pour l’autre partie, la nouveauté n’est qu’un élément constitutif de
l’originalité.
En 1965, la jurisprudence a tranché : une œuvre est originale lorsqu’elle est nouvelle et se
distingue du domaine public antérieur.
D’autres jurisprudence sont venus enrichir cette première conception.
Ainsi la jurisprudence précise aussi que l’originalité s’entend aussi comme l’empreinte de la
personnalité de l’auteur par son expression ( dans le cadre d’une traduction d’un roman par
exemple) ou par sa composition ( dans le cadre d’un montage photo par exemple).
Une conception plus objective a aussi été envisagé avec la notion d’apport intellectuel de l’œuvre,
notamment pour les objets purement utilitaires ou fonctionnels.
Un arrêt du 13 novembre 2008 de la Cour de cassation a montré qu’on peut aussi appréhender la
notion d’originalité en lui opposant le contraire, c’est-à-dire la banalité.
L’appréciation de l’originalité s’avère par ailleurs difficile aussi sur le terrain de la preuve,
notamment si la contestation de l’originalité intervient longtemps après la création de l’œuvre Le
CPI retient cependant que « l’oeuvre est réputée, créée, indépendamment de toute divulgation
publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur ».

III. Les éléments indifférents à la notion d’œuvre


1) Le genre : Tous les types d’œuvres sont concernés.
2) La forme d'expression : l’œuvre peut être communiquée au public de n'importe quelle manière :
écrite, orale, visuelle, multimédia, audiovisuelle …
3) Le mérite : un annuaire, catalogue c’est pareil qu’un roman, poème.
4)La destination : Autant les créations artistiques (statue) qu'utilitaire (flacon de parfum)
5) L'accomplissement de formalités : pas d'obligation y compris pour le dépôt légal qui ne prive pas
en cas de non respect du droit d'auteur. Néanmoins, le dépôt est une preuve de la création en cas
d'action en contrefaçon par exemple.

Question 3 : Les Œuvres exclues de la protection

Le CPI protège l’œuvre de l'esprit, quel que soit son genre ou sa forme d’expression, son mérite, sa
destination Il n’y a pas de définition légale de l’œuvre protégée mais un critère de forme /
d’originalité. LE CPI donne néanmoins une liste indicative des œuvres protégées et rappelle que le
titre original est protégé comme l’œuvre. De même sont protégés : les œuvres dérivées(celles qui
intègrent une œuvre ou des éléments d’une œuvre préexistante – ex. les traductions), les
anthologies, les recueils d’œuvres diverses, les bases de données. Sous réserve du respect des
droits de l’auteur de l’œuvre d’origine.

Les œuvres exclues de la protection :


- œuvres tombées dans le domaine public, soit 70 ans après la mort de son auteur.
- œuvres en dehors de la protection : écrits officiels, etc.
- les écrits de presse qui sont des informations brutes

II. Personnes bénéficiaires du droit d’auteur

Question 4 : Principe de titularité et les exceptions à la règle générale de titularité

Principe : Il n’y a pas de définition légale de la notion d'auteur mais il existe une présomption
simple de paternité : "La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous
le nom de qui l'œuvre est divulguée" . L'auteur est traditionnellement le créateur de l’œuvre,
l’artiste ou l’auteur personne physique. Il devra, le cas échéant prouver sa qualité d’auteur par tout
moyen.
Dans une situation assez simple qui est visée à l’article L111-1 du CPI, l’auteur crée seul un bien
intellectuel et il se voit attribuer sans aucune démarche à accomplir un droit de propriété
incorporelle exclusif et opposable à tous comme le dit le texte. La signature de l'œuvre n’est pas
nécessaire, il est même possible de choisir un pseudonyme, dès lors que ce choix ne nuira pas à
autrui et ne créera pas de confusion dans l’esprit du public. On peut songer par exemple à Banksy,
rendu célèbre par ses peintures anonymes dans l’espace public et qui signe d’un pseudonyme et
qui par ailleurs ne dévoile pas son identité. L'œuvre peut être anonyme tant que l’auteur le
souhaite. Il lui suffit de désigner un mandataire, éditeur par exemple qui sera susceptible d’exercer
les droits d’auteur pour son compte
Les exceptions au principe de titularité :
I. Les statuts particuliers échappant au principe de titularité.

A) Cas de l’auteur salarié.


L’auteur salarié, en France, dispose par principe d’un droit d’auteur sur l’œuvre qu’il a créé pour le
compte de son employeur sauf s’il l’a cédé par une clause de cession expresse. En outre, la cession
globale d’œuvres futures étant interdites, l'employeur ne peut demander qu'une promesse de
cession qui se résoudra en dommages et intérêts en cas d'inexécution ( C. Cass, 1992)

B) Cas de l’auteur de logiciel.


La forme d’expression du logiciel est protégée sur le terrain des droits d’auteurs en France depuis
1985. La loi a prévu de faire une réelle entorse au principe de titularité pour le cas des auteurs de
logiciel. Ainsi le CPI dispose « qu’ils soient salariés ou fonctionnaires, les droits patrimoniaux des
auteurs de logiciels créés dans l’exercice de leur fonction, sont dévolus à leur employeur ». Et la
jurisprudence française considère que la création d’un logiciel par un salarié en dehors de ses
heures de travail, à l’aide du matériel de l’employeur est la propriété de l’employeur. Il conserve
certes son droit moral sur le code source et la documentation du logiciel créé mais il y a une
cession légale de ses droits patrimoniaux et cela de manière automatique et forcée, sauf
aménagements contractuels contraires. Cela le rapproche du régime juridique des brevets ;

C) Cas de l’auteur de presse.


Depuis une loi du 12 juin 2009, les œuvres de presse bénéficient d’un statut particulier et leurs
auteurs journalistes sont présumés avoir cédé à l’employeur, l’éditeur du journal, leurs droits
d’auteur sur les œuvres créées pour une première publication. Cela ne concerne que les
journalistes professionnel, dans le cadre restreint du titre de presse.

D. Cas des fonctionnaires.


Le statut des fonctionnaires est aussi particulier. Une loi de 2006 est ainsi venu poser un
tempérament au principe initial selon lequel l’agent public conserve la jouissance de son droit
d’auteur en vertu de son statut. Le CPI institue ainsi une cession automatique au profit de
l’administration mais uniquement pour les œuvres créées dans l’exercice des fonctions et selon les
instructions reçues. Ne sont donc pas concernées les créations trop éloignées de la mission de
service public ou de l’activité de l’administration, qui demeureront propriété du fonctionnaire.
Mais même dans ce cas, l’administration publique dispose d’un droit de préemption, de préférence
qui lui permet de revendiquer des droit sur l’œuvre que l’agent public souhaite céder.

II. Les exceptions en cas de pluralité d’auteur.


Question 5 : Les Œuvres de plusieurs auteurs

La règle générale de titularité souffre d’exceptions admises par la loi en cas de pluralité d’auteurs.
A. Œuvre collective.
Au niveau légale, une œuvre collective c’est une œuvre constituée d'apports parallèles de plusieurs
auteurs sans concertation et dont les contributions ont été coordonnées et rassemblées par une
autre personne physique ou morale , celle-ci ayant pris l'initiative de la création puis de la
divulgation de l’œuvre. C’est le cas par exemple pour un journal ou une encyclopédie.
La doctrine a complété cette définition en retenant que l’œuvre collective sous-tend l’existence
d’un lien de subordination collectif entre le maître d’œuvre employeur et ses salariés. Ainsi, le
maître d’œuvre a pris l’initiative et la responsabilité de sa création et de la divulgation de l’œuvre.
Le CPI pose une présomption de propriété de l’œuvre collective au profit de la personne sous le
nom de laquelle l’œuvre est divulguée. Cette personne est investie des droits de l'auteur même s’il
est possible d’individualiser les contributions de chacun à la création de l’œuvre collective. Ainsi,
les auteurs conservent le droit de réutiliser leur contribution et peuvent aussi s’opposer à leur
exploitation séparée.

B. Œuvre de collaboration.
On parle d’œuvre de collaboration en cas d’inspiration commune et sans rapport hiérarchique. Les
auteurs agissent en même temps.
D’après le CPI, chacun des coauteurs a un droit indivis sur la propriété commune et les règles du
droit commun de l’indivision trouvent donc à s’appliquer en la matière. Ainsi, il faut l’accord de
l’ensemble des coauteurs pour prendre une décision et en cas de désaccord, le juge civil chargé dy
litige peut décider de passer outre une opposition. L’auteur d’une œuvre de collaboration peut
exploiter de manière autonome sa contribution. Mais il ne doit pas porter préjudice à l’exploitation
de l’œuvre commune ni tirer un avantage personnel indu de la situation.

C. Œuvre composite.
Il s’agit d’une œuvre nouvelle à laquelle a été incorporée une ou plusieurs œuvres préexistante.
Par exemple, il peut s’agir d’un roman porté au cinéma ou d’une adaptation musicale dérivé d’un
roman. A la différence de l’œuvre de collaboration, l’auteur n’aura pas travaillé avec l’auteur de
l’œuvre originaire A la différence des œuvres collectives, l’auteur aura pris seul l’initiative de
l’œuvre composite qu’il a crée de façon indépendante.
Il n’y a aucune copropriété ou indivision entre l’auteur de l’œuvre première et l’auteur de l’œuvre
composite. De ce fait l’œuvre dérivée doit être originale pour faire naître un droit d’auteur. L’auteur
de l’œuvre dérivée originale jouit pleinement de ses droits d’auteur sous réserve du respect des
droits d’auteur de l’œuvre préexistante . Un contrat doit en outre autoriser la création d’une
adaptation. Celui-ci sera à durée déterminée.

III. Le contenu du droit d’auteur.

Les droits d’auteur sont dualistes en ce sens qu’ils se composent de deux séries de prérogatives :
1) Celles attachées au droit moral pour assurer la protection de la personnalité de l’auteur à travers
son œuvre et indépendamment de son exploitation.
2) Celles attachées aux droits patrimoniaux qui appartiennent à la catégorie des droits réeels et
permettent la circulation de l’oeuvre dans la vie économique.

Question 6 : Les éléments du droit moral durant la vie de l’auteur et post mortem

Le droit moral est un terme consacré au niveau supranational. On le retrouve notamment dans
l’article 6 de la Convention de Bern. Le droit européen l’a également intégré dans son vocabulaire.
En France, le droit moral est constitué de quatre éléments : le droit de paternité, le droit au
respect de la création, le droit de divulgation et le droit de retrait ou de repentir.
Ce droit moral ainsi constitué est dit inaliénable et indisponible. Cela signifie qu’il reste la propriété
de l’auteur sans aucune cession ni renonciation possible. Dans la même logique, on ne peut pas
fixer la qualité d’auteur par contrat. On dit que le droit moral est d’ordre public en ce sens que les
parties ne peuvent en modifier son contenu.
I. Du vivant de l’auteur.

A) Le droit de paternité.
Ce droit comprend le droit au respect du nom et de la qualité de l’œuvre. C’est un droit perpétuel,
y compris si l’œuvre est tombée dans le domaine public. On doit toujours citer le nom de l’auteur
de l’œuvre.
Le droit au respect du nom permet de s’opposer à un tiers qui apposerait son propre nom sur
l’œuvre de l’auteur. Il permet aussi à celui qui a créé une œuvre sous le nom d’autrui de révéler à
tout moment sa paternité, la contrat stipulant l'inverse peut être dénoncé ad nutum.
L’usurpation du nom est sanctionnée civilement et pénalement pour violation du droit au nom,
droit de la personnalité ou pour faux artistique, depuis 1895.
Le droit de paternité est corrélé au droit au respect de la qualité qui consiste à faire mention des
titres, grades, distinction de l’auteur. Toutefois ce droit n’est pas une obligation et en conséquence
l’auteur a le loisir de garder l’anonymat ou de publier sous pseudonyme.

B) Le droit au respect de la création


Cette prérogative permet à l’auteur de préserver l’intégrité et l’esprit de son œuvre, interdisant au
tiers de déformer sa création sans son autorisation. Par exemple, la colorisation d’un film en noir et
blanc sans autorisation constitue une atteinte au respect de l’œuvre. La loi impose expressément
ce devoir aux entrepreneurs de spectacles, aux éditeurs ou aux personnes à qui l’objet est vendu
( exemple: l'acheteur d'un réfrigérateur décoré par Bernard Buffet ne pouvait pas le revendre par
panneaux séparés)
Dans la cas des adaptation, l’adaptateur doit respecter l’esprit, le caractère et la substance de
l’oeuvre.

C) Le droit de divulgation.
C’est un élément crucial du droit moral qui indique la faculté discrétionnaire de l’auteur à se
défaire de sa création et de la communiquer au public au moment et selon la forme de son choix.
Ce droit de divulgation se compose d’un élément moral (intention de livrer son œuvre au public),
et d’un élément matériel ( divulgation par un moyen ou un autre). Il y a épuisement du droit à la
première divulgation de l’œuvre. La preuve de l’intention de divulgation est possible par tous
moyens et souvent à l’aide de faisceau d’indices concordants et laissés à l’appréciation des juges.
Avant la divulgation, aucune exécution forcée n’est possible, pas même par le créancier qui
pourrait envisager de saisir les œuvres non encore divulguées. En revanche, si le bien a été
divulgué, le droit est épuisé et l’auteur garde certains pouvoirs mais ils doivent s’exercer dans le
cadre contraignant du droit au retrait et de repentir.
A noter : le refus de divulguer malgré un contrat est une obligation de faire. Ainsi, le contrat de
commande non honoré donne lieu à des dommages et intérêts même si l'auteur avait le droit de
ne pas terminer l’œuvre.

D) Le droit de retrait et de repentir.


Le droit a prévu cette prérogative de droit de retrait et de repentir dans le but de mettre un terme
à la circulation d’une œuvre qui ne répond plus aux exigences créatives de l’auteur. Ce droit
réserve à l’auteur dont l’oeuvre est exploitée le pouvoir unilatéral de sortir de ses engagements
contractuels, de mettre fin à toute exploitation de son bien intellectuel. Mais l’auteur doit
respecter les intérêts de ses cocontractants. Ainsi le CPI conditionne la mise en œuvre du droit de
rupture unilatérale du contrat à l’obligation pour l’auteur d’indemniser préalablement le
cessionnaire du préjudice que ce repentir ou retrait peut lui causer.

II. Post mortem.


Le droit moral de l’auteur n’est pas tout à fait le même que celui qui court tout au long de la vie de
l’auteur. Le droit moral subsiste mais pas dans toutes ses composantes. Ainsi, en ce qui concerne la
durée, le droit de retrait et de repentir disparaît avec l’auteur. Le droit de divulgation n’est pas non
plus perpétuel même s’il est transmissible aux héritiers et légataires universels.
Seuls sont perpétuels le droit à la paternité et le droit au respect de l’œuvre. La doctrine s’accorde
à dire que le droit de divulgation reste intact à la mort de l’auteur. Ainsi, l'exploitation par les
héritiers ne doit pas être abusive (refus de publier ce que l'auteur voulait) comme l’a rappelé la
Cour de cassation en 2000.
"Ce droit doit s’exercer au service de l’œuvre et s’accorder avec la personnalité et la volonté de
l’auteur du temps de son vivant"
Il y a aussi un respect post mortem de la création : la jurisprudence veille à ce que cet exercice se
conforme à la volonté présumée du défunt tout en rendant service à l’intérêt général. Par
exemple , les intérêts personnels du successeur ne sauraient invoquer le droit au respect de
l’œuvre de Victor Hugo pour les Misérables, pour interdire qu’une suite lui soit donnée ( C. Cass
2007). Ainsi, si l’auteur a un pouvoir de paternité, le successeur a le devoir d’assurer la mémoire et
le respect du défunt, mais il ne doit pas utiliser le droit moral à son profit mais se mettre au service
de l’œuvre du défunt.

Question 7 : Le contenu des droits patrimoniaux durant la vie de l’auteur et post mortem

L ‘auteur a vocation à tirer profit de son travail et a donc des droits patrimoniaux qui lui sont
universellement reconnus. On a pendant longtemps fait la distinction entre droit de représentation
et droit de reproduction même si aujourd’hui cela est un peu moins pertinent avec les accords
ADPIC qui ont une approche plus unitaire des droits patrimoniaux. Mais on peut quand même ici
les distinguer.

I. Du vivant de l’auteur.

A) Le droit de représentation.
Les actes de représentation visés par le CPI englobent tous les actes opérant une communication
du bien au public et ce quel qu’en soit le procédé. Le public peut être passif et la communication
s’entend dans un sens large. Le récepteur ne doit pas pouvoir conserver l’œuvre ( cas du streaming
par exemple). La représentation peut être vivante ( représentation théâtrale) ou non vivante
( projection cinématographique) mais dans les deux cas un public à directement accès à l’œuvre
donc la représentation doit être directe.
Toute représentation au sens juridique du terme ouvre doit à une redevance distincte. Ainsi le film
qui sera diffusé en salle de cinéma, à la télévision et qui sera projeté à partir d’un DVD dans un bar,
permettra à l’auteur de toucher une rémunération pour chaque utilisation nouvelle de l’œuvre.
Toute représentation au sens juridique du terme est aussi soumise à l’autorisation de l’auteur sous
réserve des exceptions et aménagements apportés par le droit positif français à la libre jouissance
du bien intellectuel ( par ex : exception légale de représentation privée et gratuite dans le cercle
familial).
B) Le droit de reproduction.
Le CPI définit la reproduction comme suit : « la reproduction consiste en la fixation matérielle de
l’oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte »
Par exemple : imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage…
En outre : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement
de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction,
l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé
quelconque. » Donc : la fixation est totale ou partielle, la communication doit être suffisante pour
constituer une reproduction et elle peut être permanente ou temporaire.
Par ailleurs, depuis un arrêt de 1988, la Cour de cassation a ajouté une nouvelle composante au
droit de reproduction : le droit de destination selon lequel chaque nouveau mode d’exploitation
doit donner lieu à une nouvelle autorisation et ouvrir au profit de l’auteur une nouvelle redevance.
Le droit de destination englobe désormais le droit de location et de prêt imposé en droit interne
depuis 1992.
Le CPI a échafaudé une série d’exceptions au droit de reproduction suivant que la reproduction est
réalisée pour un usage public ou un usage privé. Ainsi, par exemple en 2006, le législateur a
introduit une exception d’enseignement pour faciliter l’utilisation des oeuvres à des fins
pédagogiques. Cette exception étant assortie d’une rémunération forfaitaire. De même il y a une
exception pour la copie privée. Elle permet une reproduction à l’usage privé du copiste lorsque la
copie n’est pas destinée à une utilisation collective.
En matière de reproduction à usage public, on peut citer la dérogation concernant les
reproductions provisoires ou éphémères faites sur les réseaux numériques

II. Post mortem

Contrairement au droit moral, le droit patrimonial est temporaire. Il ne disparaît pas à la mort du
créateur mais le décès du créateur marque le point de départ d’une certaine durée de protection.
Le CPI dispose que le droit de propriété de l’auteur dure toute sa vie puis persiste au profit des
ayants-droit pendant 70 ans. Il en va ainsi en France pour les oeuvres musicales depuis une loi du 3
juillet 1985 et pour tous les genres d’oeuvre depuis une loi du 27 mars 1997.
Le point de départ de ces 70 ans est pour les oeuvres de collaboration fixé au 1er janvier suivant la
mort du dernier vivant des collaborateurs et pour les oeuvres composites, l’oeuvre première cesse
d'être protégée après 70 ans. Une loi en 1919 permettait de prolonger de 30 ans les droits des
auteurs tombés pour la France.

Question 8 : Le droit d’auteur sur le logiciel

La nature particulière de ces créations informatiques et ses conditions particulières d’utilisation


expliquent ce régime d’exception du droit d’auteur.

I. L’objet du droit.
Ce qui est protégé c’est le logiciel et le matériel de conception préparatoire (manuel d'utilisation,
interface graphique)
Pour ce qui est du caractère original de l’œuvre, le CPI n’en parle pas. Mais la Cour de Cassation
dans un Arrêt Pachot 1986 considère que cela est nécessaire. Il faut mesurer l'apport intellectuel
de l'auteur pouvant résider dans la composition (organigramme) et l'expression (code source).
La directive de l'UE sur les programmes d'ordinateurs ajoute qu’ill faut que soit une création
propre à son auteur. C’est un droit d’auteur qui protège que la forme d'expression et non les
algorithmes ou les fonctionnalités.

II. Le titulaire du droit.


la loi a prévu de faire une réelle entorse au principe de titularité pour le cas des auteurs de logiciel.
Ainsi le CPI dispose « qu’ils soient salariés ou fonctionnaires, les droits patrimoniaux des auteurs de
logiciels créés dans l’exercice de leur fonction, sont dévolus à leur employeur ». Et la jurisprudence
française considère que la création d’un logiciel par un salarié en dehors de ses heures de travail, à
l’aide du matériel de l’employeur est la propriété de l’employeur. Il conserve certes son droit moral
sur le code source et la documentation du logiciel créé mais il y a une cession légale de ses droits
patrimoniaux et cela de manière automatique et forcée, sauf aménagements contractuels
contraires.

III. Le contenu du droit


C’est un droit moral qui est d’abord édulcoré. Ainsi, il n’y a pas de droit de repentir ou de retrait.
De plus, le droit au respect de l'oeuvre est limité à deux cas :
1) cessionnaire qui modifie le logiciel en portant atteinte à l'honneur ou à la réputation de l'auteur.
2) tiers qui porte atteinte d'une quelconque façon au logiciel peu importe la conséquence.
Ensuite, le droit de divulgation des salariés est limité (refus de livrer le logiciel = sanctions sur le
fondement de la responsabilité contractuelle). Le droit à la paternité demeure.
C’est aussi un droit patrimonial adapté : nécessité pour l'utilisateur d'obtenir une licence
d'utilisation du logiciel mais autorisation des copies de sauvegarde et de la décompilation.

IV. La mise en œuvre du droit.


Il y a trois possibilités : le nantissement, la cession ou la licence.
La rémunération peut être forfaitaire et si diffusion d'un logiciel libre ( Freeware ou shareware),
obligation de diffuser ses modifications sous même licence ( Creative Commons). Même
possibilités et sanctions en matière de contrefaçon.

Question 9 : Le droit de suite

Il est quant à lui une sorte de restriction au droit patrimonial. Il est d’origine française, il est
spécifique aux arts plastiques et plus précisément aux œuvres originales créées par l’artiste lui
même : photographie, dessin, sculpture, collage etc.. ainsi que toute création plastique sur un
support audiovisuel ou numérique.
Ce droit de suite découle de la volonté du législateur de protéger l’auteur contre les mirages du
marché. Il confère à l’auteur le droit de bénéficier du surcroît de valeur acquise par son œuvre
depuis sa mise sur le marché.
Ce n’est pas un droit d’autoriser, c’est le droit de percevoir un pourcentage sur le prix de revente de
l’œuvre. A cette fin le professionnel de la vente de l’œuvre doit délivrer à l’auteur ou à la société de
perception et de répartition du droit de suite toutes les informations permettant l’évaluation de ce
droit de suite selon les critères fixés par voie réglementaire.
Les taux fixés sont progressifs et sont fonction du prix de vente. Et ajoutons que le système ne
s’applique pas aux transactions portées sur des œuvres d’un montant inférieur à 10 000 euros.

IV. La défense du droit d’auteur.

Question 10 : La défense du droit d’auteur en amont de la contrefaçon.


Le CPI indique que « la contrefaçon est constituée par toute représentation ou toute reproduction
intégrale ou partielle faite sans le consentement du propriétaire du bien. »
Le texte inclut des variantes comme la traduction, la transformation ou l’arrangement. La
qualification de contrefaçon vise plus largement tout usage non autorisé d’un bien intellectuel.
Cette sanction pour contrefaçon pourra être civile ou pénale.
Le droit français de défense du droit d’auteur présente certaines particularités, s’agissant
notamment de la défense du droit patrimonial en amont de la contrefaçon.
Depuis la loi du 1er août 2006, l’auteur a le droit d’utiliser des mesures préventives destinées à
empêcher les utilisations illicites de son oeuvre. Deux sortes de mesures préventives lui sont
offertes. 1) Les mesures techniques de protection (les MTP qu’on appelle aussi DRM) : Les MTP
sont définies par le CPI et regroupent les technologies permettant de limiter les utilisations non
autorisées des oeuvres hormis les logiciels. Leur champ d’action couvre tout le numérique qu’il soit
en ligne comme c’est le cas d’internet ou qu’il ne soit pas en ligne comme les CD, CD-Rom ou DVD.
Une limite a néanmoins été posée par le législateur : l'interopérabilité entre les différents supports
de communication ( par exemple, les sites de téléchargement de musique en ligne doivent fournir
les codes sources, à savoir les informations nécessaires à l’interopérabilité entre les logiciels) et
l'obligation de ne pas faire échec aux exceptions au droit d'auteur comme la copie privée.
2) Les mesures d’information et d’identification des œuvres : par exemple le tatouage des œuvres
ou l’édition d’information sur la diffusion d’un logiciel.

Question 11 : La responsabilité des fournisseurs d’accès sur Internet

Un abondant contentieux récent porte sur la question de la responsabilité des fournisseurs d’accès
sur internet lorsqu’il y a mise à disposition non autorisée de nombreuses œuvres audiovisuelles et
musicales sur leur site d’hébergement en ligne.
Concrètement la jurisprudence française doit aujourd’hui répondre à la question de savoir s’il y a
atteinte au droit d’auteur lorsque le site hébergeur, comme l’est Google par exemple, suggère des
mots clé qui renvoient vers des sites permettant le téléchargement illégal.
De manière générale on peut conclure à l’absence de responsabilité civile ou pénale des
hébergeurs pour les contenus mis en ligne par les internautes, sauf à avoir joué un rôle actif dans
la mise à disposition du contenu litigieux. De même, il est acquis que le fournisseur d’hébergement
est passible de condamnation pour contrefaçon s’il n’a pas agit promptement, rapidement pour
retirer le contenu litigieux ou pour en rendre l’accès impossible.

Question 12 : Les sanctions de la contrefaçon des droits d’auteur

Le régime général de la contrefaçon permet de choisir la voie civile ou la voie pénale pour mettre
fin à l’usage illégal et obtenir réparation du préjudice subi.

I. Les mesures provisoires

L’auteur ou ses ayants droits peuvent faire saisir les exemplaires illicitement reproduits et le
matériel ayant servi à les réaliser. Selon l’importance et la gravité de la saisie, les commissaires de
police ou le président du TGI ont compétence pour ordonner la saisie. La loi distingue selon que la
saisie est faite avec ou sans autorisation judiciaire.
Une procédure spéciale est prévue pour les logiciel. Ainsi, depuis la loi de 2009, l’HADOPI a pour
mission d’encourager le téléchargement légal en ligne et de protéger les œuvres couvertes par un
droit d’auteur ou un droit voisin. En outre, la loi a créé de nouvelles infractions : le délit de
contrefaçon commis au moyen d’un service de communication en ligne et le manquement à
l’obligation de surveillance de son accès internet en cas de négligence caractérisée qui est
contravention de 5ème classe.

II. Les sanctions de la contrefaçon.


1) Au civil : nécessité d’un élément matériel donc sanction possible y compris si de bonne foi.
2) Au pénal : nécessité d’un élément matériel et intentionnel (présomption simple)
Sont considérés comme des délits assimilés : la fourniture de logiciels destinés au téléchargement
illicite, l’import ou export et le non versement de la rémunération en contrepartie de licences
légales.

Les sanctions :
- Dommages et intérêts ( appréciation in conreto ou forfaitaire)
- Mesures restitutives pour faire cesser les actes condamnés (interdiction de poursuivre
l'exploitation sous astreinte)
- Peine principale : 3 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amendes (5 ans et 500 000 euros
d'amendes si en bande organisée)
- Peines complémentaires : fermeture de l'établissement (temporaire ou définitive), affichage et
publication de la condamnation aux frais du défendeur, suspension de l'accès à Internet (1 ans
max) et confiscation recettes, matériels, éléments contrefaits.

THÈME 2 : Le droit des brevets.

Le brevet est un titre de propriété qui est apparu en France à la période révolutionnaire. Les
brevets appartiennent à la catégorie des créations industrielles purement utilitaires. L’inventeur est
un créateur mais il ne jouit pas d’un droit sur son invention du seul fait de sa création, il doit
impérativement demander à l’office compétent un titre lui conférent un monopole d’exploitation
temporaire sur sa découverte. En France, c’est l’INPI, créée en 1951, qui reçoit les dépôts et délivre
les titres nationaux de propriété industrielle.

Question 1 : Principe de titularité et exceptions.

Le principe de titularité.
Selon le CPI, le titulaire du droit au brevet est en principe l’inventeur ou son ayant-cause. En
France, le premier déposant est présumé être l’inventeur. L’office français ( l’INPI ) n’a pas à vérifier
que le demandeur est légitime : il est présumé l’être jusqu’à preuve du contraire. Mais une action
en revendication pour l’inventeur spolié est possible.

Quand plusieurs personnes se prétendent inventeur de la même invention :


1) Inventeurs honnêtes ou inventions concomitantes : le premier déposant se voit attribuer le
brevet. Le second a le droit d'exploiter l'invention sans poursuites pour contrefaçon ( droit de
possession personnelle antérieure = pas de transmission possible, de concession ou de licence).
2) Usurpation d'invention (usurpée, dérobée ou soustraite) : action en revendication contre le
déposant (amende 7500 €). Délai de 5 ans après l'expiration du brevet (inventeur) ou à compter de
la publication de la délivrance du brevet (cessionnaire). Conséquence : substitution rétroactive du
demandeur au défendeur.
Exceptions au principe de titularité.
Il s’agit notamment d’évoquer la situation de l’inventeur salarié.
En effet, dans le domaine du brevet comme dans l’ensemble de l’activité créatrice, les biens
intellectuels sont principalement créés par des personnes dans le cadre de leur contrat de travail.
Le droit des brevets propose un régime organisant l’attribution de la propriété et les obligations
respectives de l’employeur et de l’inventaire. Il existe trois situations possibles et donc trois
régimes, selon la catégorie de l’invention en cause.

1) L’invention de mission.
Elle a été réalisée par le salarié en exécution d’une mission inventive ou d’un travail d’études et de
recherches confié par son employeur ou déroulant du contrat. L’invention appartient alors à
l’employeur mais le salarié, selon la loi, a droit au complément de salaire fixé dans le contrat ( le
montant est librement fixé initialement dans le contrat). Cette rémunération est d’ordre public,
aucun texte ou accord ne peut l’écarter.

2) L’invention hors mission.


Elle vise l’invention créée par le salarié dont ce n’était pas la mission. C’est l’invention créée par le
salarié soit pendant les heures de bureau, soit dans le domaine des activités de l’entreprise, soit en
utilisant les moyens de l’entreprise. Les inventions hors mission peuvent devenir la propriété de
l’employeur si celui-ci en fait la déclaration à son salarié. Il doit dans ce cas lui verser le juste prix,
cela peut aller de 7500 à 105 000 euros. Autrement dit, la loi confère à l’employeur un droit de
préemption. Il a le choix : s’il ne bouge pas, il n’est pas le propriétaire. S’il en fait la demande, il le
devient mais devra payer. En outre, il pèse sur le salarié une obligation de déclaration à
l’employeur de l’invention.

3) L’invention libre.
Elle est réalisée par le salarié en dehors de ses fonctions et sans aucun rapport avec celles-ci. Dans
ce cas, elle lui appartient, peu importe sa condition de salarié.

I. Les conditions de la protection ( = conditions de la brevetabilité)

A. Les conditions de fond de la demande de brevet.

Les inventions brevetables sont celles qui répondent aux conditions de brevetabilité. Le CPI
énumère ces conditions. Il y a en a 4 qui sont quasi universelles.

1) La condition de la présence d’une invention.


Cette condition est définie par la négative dans la loi. Ainsi, ne seront pas considérée comme des
inventions les programmes d’ordinateur, les créations purement esthétiques, les présentations
d’information, les découvertes scientifiques ou méthodes mathématiques.

2) La condition de nouveauté de l’invention ( question 2 ).


L’invention ne doit jamais avoir été rendue accessible au public. La loi précise qu’est nouvelle une
invention qui n’est pas comprise dans l’état de la technique. L’état de la technique est constituté
par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet.
L’état de la technique est une notion large et aucune restriction n’est prévue quant au lieu
géographique, au mode divulgation, à la langue de la divulgation et à la date à laquelle la
divulgation a eu lieu. L’antériorité est donc susceptible de faire obstacle à la nouveauté.
Il n’y aura pas d’antériorité si l’invention a seulement été communiquée à une personne sous le
sceau du secret. C’est vraiment l’idée de divulgation publique qui crée l’antériorité. En outre, il
faudra que le document antérieur contiennent suffisamment d’informations pour permettre à
l’homme de métier de réaliser l’invention en cause, c’est-à-dire de manière à ce que les
professionnels soient à même de la réaliser, ce qui suppose qu’ils puissent discerner avec précision
les composantes de l’invention. Enfin, le simple dépôt de la demande de brevet constitue une
antériorité qui détruit la nouveauté. Ainsi, lorsque deux personnes ont créées la même invention,
cette règle donne la priorité au premier déposant.

Des exceptions au système de l’antériorité sont prévues par la loi.


- Dans le cas de la divulgation abusive ( un tiers divulgue l’invention alors qu’il n’en avait pas le
droit car tenu au secret, par exemple )
- Dans le cas de divulgations officielles et expositions
- Dans le cas où le droit de priorité peut jouer ( le déposant d’un brevet dans un pays à un an pour
l’étendre sa demande à d’autres états).

Mais l’appréciation de nouveauté est délicate et ce pour plusieurs raisons :


- Parce qu’elle est examinée a posteriori de la demande de brevet.
- Parce qu’elle est une perception subjective.
- Parce qu’elle s’apprécie par rapport à l’antériorité et que celle-ci doit être certaine quant à son
existence, sa date et son contenu.

Dans les faits, l’appréciation de nouveauté se fait différemment selon le type de brevet demandé.
La loi en distingue quatre types :

A) Les brevets de produits : ils concernent des corps certains au moment où l’invention est
réalisée. Des corps certains ayant une composition mécanique ou une structure chimique
particulière qui les distingue des autres corps. Sont par exemple des brevets de produits le
jouet RubixCube, l’ordinateur ou la carte à puce.

B) Les brevets de procédés : ils visent pour la plupart des procédés de fabrication qui ne
doivent pas être confondus avec les produits fabriqués. Par exemple Pasteur a pu breveter
le procédé de fabrication du vinaigre grâce à certaines bactéries permettant la fermentation
du vin. Lorsque le produit n’est pas breveté, seule l’utilisation du procédé sans l’autorisation
du titulaire du brevet constitue une contrefaçon.

C) L’application nouvelle de moyens connus : ce type de brevet vise l’emploi d’un moyen
connu pour obtenir un résultat industriel auquel ce moyen n’avait pas encore servi. Par
exemple un antibiotique déjà connu comme médicament pour l’homme peut être breveté
s’il permet à
l’époque de son appréciation de favoriser la croissance des animaux.

D) La combinaison nouvelle de moyens connus : si la combinaison permet d’aboutir à


l’invention d’un produit nouveau, l’inventeur pourra déposer et protéger non seulement le
brevet de produit mais aussi le brevet de combinaison. Par exemple le crayon gomme n’a
pas été jugé brevetable car il y a avait simple juxtaposition de moyens.

3) La condition de l’activité inventive ( question 3).


L’invention doit être non évidente pour mériter la protection. Selon André Françon il existe un
degré de banalité et de simplicité en deçà duquel l’innovation ne mérite pas le titre d’invention. La
démonstration de l’activité inventive revient à comparer l’invention à l’état de la technique
antérieure et ce à l’aide de méthodes probatoires éprouvées et de faisceau d’indices concordants
démontrant la non évidence de l’invention. Les simples découvertes sont exclues du champs de la
protection. A noter : 'examinateur de l'INPI ne prend pas en considération le critère de l'activité
inventive donc le litige peut naître après le dépôt. L'OEB apprécie le critère de l’activité inventive
indépendamment du critère de nouveauté. C’est pourquoi, en France, il y a de nombreux brevets
déposés puis annulés pour manque d’activité inventive.

4) La condition de l’application industrielle ( question 3 ).


Initialement la loi française imposait la condition de l’effet industriel. Aujourd’hui le CPI lui préf-re
la possibilité d’application industrielle en écartant les créations purement abstraites sans aucune
application dans la vie concrète. Une invention est susceptible d’application industrielle si son
objet peut être fabriqué ou utilisé dans tous genre d’industrie, y compris l’agriculture. Il y a dans le
droit français une sorte d’indulgence dans l’appréciation de l’application industrielle puisque peu
importe la qualité du résultat technique ou les difficultés d’exploitation du bien. En pratique, peu
de demandes de brevets sont écartées pour défaut d’application industrielle. En outre, ne sont pas
susceptibles d’application industrielle les méthodes thérapeutiques applicables au corps humain.

Question 4 : L’évolution du domaine de la brevetabilité en France.

L’évolution du domaine de la brevetabilité est en France largement dictée par les mesures
d’harmonisation prises à l’échelle internationale dans le cadre de l’OMPI ou à l’échelle de l’UE.
Une Directive de l’UE de 1998 a consacré la brevetabilité des inventions biotechnologiques en
permettant aux états membres de breveter la technique qui consiste à utiliser des mécanismes
biologiques ou des particules vivantes pour créer des produits particuliers ou pour produire des
nouveaux procédés de fabrication. Cette mesure a permis de rapprocher l’Europe des États Unis
sur la brevetabilité du vivant. Elle a aussi permis de valider la pratique de l’office européen des
brevets qui accordait depuis longtemps des brevets aux inventions biotechnologiques ( par
exemple : la souris Harvard génétiquement modifiée est brevetée). Or cela pouvait paraître
contraire à la Convention sur le brevet européen, qui compte parmi les inventions non brevetables,
celles portant sur les produits du corps humain ainsi que celles portant sur les obtentions
végétales et races animales. En effet, ces dispositions étaient imposées par des impératifs de santé
publique : laisser à tous le droit d’utiliser les inventions nécessaires à la protection de la santé et de
la vie. Finalement, d’autres objectifs semblent l’avoir emporté : encourager les investissements étr
en Eur et promouvoir l’innovation, la recherche et le développement scientifique dans le domaine
des biotechnologies en y accordant des monopoles d’exploitation.
Désormais, la CJUE doit fixer les limites de la brevetabilité du vivant en Europe. Par exemple, dans
l’affaire Monsanto 6/07/2007 : la Cour a rappelé que seul l’enseignement technique est brevetable
et non l’être vivant lui-même. C’est une affaire qui concerne un brevet européen sur une séquence
de gène qui rend le soja résistant aux herbicides. Le brevet porte sur la plante elle-même.La
question était de savoir si le brevet sur la plante permet d’interdire à autrui d’utiliser un produit
dérivé, en l’occurrence de la farine (matière morte) contenant des traces de soja. La décision
rendue précise les limites à l’étendue de la brevetabilité du vivant en Europe : il n’y a pas de
protection absolue du vivant et la brevetabilité est limitée à l’utilisation prévue sans pouvoir
s’étendre aux utilisations autres et dérivées.
Concernant le domaine de la brevetabilité sur les biotechnologies et les méthodes commerciales,
l’UE, contrairement aux États Unis ne les protègent pas. L’UE a aussi, pour l’heure, prévu d’écarter
les inventions mises en œuvre par ordinateur. En effet, la proposition de directive européenne de
2002, qui visait à élargir le champ de la brevetabilité aux logiciels, n’a pas pu aboutir.
B) Les conditions de forme de la demande de brevet ( question 5 )

La délivrance du brevet est conditionnée par le dépôt devant un office national ou régional. La
délivrance du titre commence par le dépôt d’une demande dont la date marquera la date
d’acquisition du droit de propriété le jour de la délivrance définitive du titre de propriété.
C’est une procédure en 3 étapes : demande, instruction de la demande, décision de l’office.

Formalisme de la demande
La demande de brevets doit être déposée par le demandeur ou son mandataire.
Pour les personnes étrangères : si le domicile ou l’établissement est situé hors du territoire où le
titre de propriété est applicable, la protection sous condition de réciprocité. Si le domicile est hors
de l’Espace Économique Européen, le dépôt doit être fait par un mandataire ayant son domicile,
son siège ou un établissement dans un État parti à l’Espace Économique Européen.
La demande de brevet implique le dépôt de plusieurs pièces dans la langue de travail de l’office : le
français pour l’INPI ( ou alors traduire sous deux mois les documents en langue étrangère), le
français, l’anglais ou l’allemand pour l’office européen des brevets.
La demande comporte obligatoirement une requête permettant non seulement d’identifier le
demandeur et l’invention mais aussi de préciser si la demande porte sur un brevet ou sur un
certificat d’utilité. La demande doit comporter en outre une description verbale et éventuellement
graphique de l’invention. Cette description doit être suffisamment claire et complète pour qu’un
homme de métier puisse exécuter l’invention.
Le déposant doit sur un document séparé définir l’objet de la protection demandée avec clarté,
précision, et en cohérence avec la description. Ce sont les revendications. Tout ce qui n’est pas
expressément revendiqué est automatiquement exclu du monopole d’exploitation du brevet.
La demande de brevet ne peut concerner qu’une seule invention ou bien plusieurs inventions mais
alors à condition qu’elles soient liées entre elles ne formant qu’un seul concept inventif général.
A titre facultatif le dossier peut comporter un abrégé du contenu technique de l’invention ainsi que
le cas échéant une copie des dépôts antérieurs dont les éléments sont repris.
La demande de brevets est publiée par l’INPI, au Bulletin officiel de la propriété industrielle ( BOPI),
dans les 18 mois à compter de la date de son dépôt La publication constitue une opération de
divulgation : elle permet au public de consulter la demande de brevet.

Question 6 : Les effets juridiques du dépôt de brevet

Le dépôt fait naître le droit de propriété et le droit d’agir en contrefaçon pour une durée de 20
ans, à condition que le brevet soit effectivement délivré à la suite de la phase d’instruction de la
demande. Le déposant jouit d’un délai d'un an pour effectuer le dépôt pour le même bien
intellectuel dans tous les États membres et dans les pays de l'OMC depuis les accords ADPIC.
Dans le cas d’un litige où le demandeur souhaite se prévaloir de la priorité du dépôt antérieur, ce
demandeur est tenu de produire une déclaration de priorité et de justifier de l’existence de la
demande antérieure.
La date de dépôt est aussi le point de départ du calcul de la durée du monopole sur le brevet.
Théoriquement, c’est aussi la date à partir de laquelle il est possible d’engager une action en
contrefaçon.

Le dépôt produit également des effets sur l’obligation d’exploitation qui incombe au titulaire du
brevet. En effet le breveté doit exploiter ou faire exploiter son monopole sous peine de se voir
imposer une licence non volontaire. La loi n’impose pas pour autant une exploitation immédiate
du brevet. Au contraire l’article L613-11 dispose que la licence ne pourra être imposée qu’après un
délai de 3 ans après la délivrance du brevet ou de 4 ans après le dépôt de la demande.

Le dépôt produit enfin des effets sur la liberté de divulgation. A compter de la date de dépôt, il
est possible de divulguer l’information, de la publier, de la présenter au tiers.
L’article L612-8 du code prévoit toutefois que l’INPI porte ces demandes de brevet à la
connaissance du ministre chargé de la Défense. Il prévoit aussi que les inventions doivent se voir
accorder une autorisation du ministre chargé de la propriété industrielle pour pouvoir être
exploités et ensuite divulgués librement. Cette autorisation est acquise de plein droit au terme
d’un délai de 5 mois à compter du jour du dépôt de la demande de brevets. Le contrôle de la
divulgation par le ministère de la défense peut aboutir à ce que l’Etat demande soit à se faire
consentir une licence auquel cas l’inventeur ne peut pas la lui refuser, soit à exercer son pouvoir
discrétionnaire d’expropriation du bien.
L’article L613-20 autorise l’Etat à exproprier les inventions à tout moment et par décret à des fins
militaires ou plus généralement pour répondre aux besoins de la défense nationale.

L’examen formel de la demande devant l’INPI et devant l’OEB ( question 7)


Sous l’empire de la loi française de 1844, le brevet était délivré sans examen préalable de la
brevetabilité, les demandes étaient tout simplement enregistrées sauf si elles étaient contraires à
l’ordre public et aux bonnes moeurs. C’était un système bien moins contraignant pour le déposant
que celui de l’examen préalable qui a été mis en place en 1968 pour donner plus de sécurité et de
valeur au brevet.

L’examen préalable que l’on connaît porte sur la recevabilité du dossier et sur certaines conditions
de brevetabilité mais non sur les antériorités. De fait, il ne garantit pas la délivrance d’un titre
incontestable.
Au niveau national, l’INPI se prête à un examen technique et de recherche assez long, ce double
examen débouche sur une décision de délivrance ou de non délivrance d’un titre de propriété
opposable aux tiers.
Dans le cadre de la Convention sur le brevet européen, l’office européen des brevets est chargé des
principales missions des offices nationaux à l’exception de la délivrance d’un titre de propriété
opposable puisque cette mission demeure de la compétence exclusive des offices nationaux. La
procédure d’examen simplifiée ( et donc plus rapide) devant l’office européen des brevets permet
néanmoins d’obtenir un titre valable dans chacun des pays membres de la Convention sans avoir à
subir un nouvel examen auprès des offices nationaux.

Examen devant l’INPI


Dans le cadre d’un premier examen formel, technique et sommaire de la demande de brevet,
l’office filtre les demandes, il peut rejeter les règles pour non-conformité aux exigences de forme
posées en France par les dispositions législatives et réglementaires.
L’office rejettera la demande dont la description et les revendications ne permettent pas d’établir
un rapport de recherche. L’office examinera sommairement les conditions de fond de la
brevetabilité à l’exclusion de l’activité inventive et de l’application industrielle. L’office ne pourra
pas rejeter la demande en raison de l’existence d’une antériorité. De même il refusera toute
demande portant sur un objet exclu du domaine brevetable par la loi, par exemple les obtentions
végétales ou les découvertes scientifiques.

Après ce 1er examen formel, l’office établit un rapport de recherches approfondies sur les
éléments de l’état de la technique qui peuvent être pris en considération pour apprécier la
brevetabilité de l’invention. La recherche effectuée permet de révéler l’existence d’antériorités. Elle
n’a qu’un rôle informatif et ne produit pas d’effets juridiques.

Examen devant l’OEB


En réalité, l’INPI délègue le travail des recherches approfondies à l’Office européen des brevets
situé à La Haye, chargé d’établir un rapport en deux étapes.
En premier lieu un rapport de recherches préliminaires qui doit citer les documents pour apprécier
la nouveauté de la demande, l’objet de la demande et l’activité inventive. Depuis 2007, le rapport
est obligatoirement assorti d’une opinion sur la brevetabilité. Le rapport et l’opinion sont notifiés
au déposant et publiés en même temps que la demande de brevet. Le déposant devra tenir
compte de ce rapport pour y répondre en modifiant sa demande. S’il ne présente pas ses
observations ou si les observations ne sont pas retenues, l’office pourra rejeter la demande.
En deuxième lieu, l’office doit établir le rapport de recherche définitif qui tient compte des
modifications et des observations du déposant ou des tiers. Ce rapport permet de renseigner sur la
nouveauté et l’activité inventive de l’invention. Et l’Office a l’obligation de délivrer le brevet même
en présence d’antériorité révélée dans le rapport. En définitive, l’Office national prendra sa
décision de délivrance ou de rejet en se fondant sur l’examen technique et le rapport préliminaire.

Décision de l’office ( INPI ou OEB)


La procédure de délivrance est marquée par le dialogue entre l’office et le déposant et cette
procédure offre une certaine flexibilité au déposant pour corriger les erreurs matérielles relevées
dans les pièces déposées, pour retirer la demande de brevet ou encore pour procéder à une
nouvelle revendication.
La procédure de délivrance est également marquée par les pouvoirs donnés aux tiers : celui de
formuler des observations mais aussi celui de s’opposer au brevet.
L’article 99 de la Convention sur le brevet européen, dispose que toute personne peut faire
opposition dans un délai de 9 mois à compter de la publication de la délivrance du brevet au
Bulletin européen des brevets. L’opposition doit être écrite et motivée. Elle est étudiée par la
division de l’opposition qui ensuite la notifie au déposant. L’opposition peut conduire aux
observations des parties concernées et au rejet du brevet ou au rejet de l’opposition.
Les décisions des offices sont susceptibles de recours.
Le rejet de l’INPI ou de l’OEB peut être fondé sur des raisons de forme ou de fond. Si la demande
est admise, une action en nullité est toujours possible.
Un tiers peut-il agir pour demander la nullité du brevet au motif qu’il en est le véritable inventeur ?
Le dépôt a en France un effet déclaratif de droit, ce qui permet aux tiers d’agir en revendication du
titre de propriété sur ce fondement.

II. Le droit au brevet.

A) Le contenu du droit.
L’inventeur dispose d’un titre de propriété, c’est-à-dire d’un droit patrimonial. L’inventeur dispose
aussi d’un droit à la paternité, c’est-à-dire un droit moral.

Le droit de propriété
Le droit moral de l’inventeur est très limité du fait que nous sommes dans un domaine dominé par
la logique industrielle. L’inventeur bénéficie néanmoins de deux prérogatives morales : le droit de
divulgation et le droit à la paternité. Le droit à la paternité implique, selon le CPI, que le nom et la
qualité d’inventeur soient mentionnés sur le titre de brevet. Il peut cependant renoncer à ce droit
et demeurer dans l’anonymat.

Sur le sujet du contenu du droit de propriété, on observera enfin que l’on peut être en présence
d’un brevet objet d’une copropriété entre entreprises et/ou académies liées par un programme de
recherche commun. Il y a co-inventeurs lorsque plusieurs personnes physiques ont créé ensemble
le bien intellectuel. Il y a copropriété lorsque la propriété est organisée en indivision entre
plusieurs personnes physiques ou personnes morales.

On distingue deux régimes de copropriété.


1) Le régime contractuel basé sur un règlement de copropriété;
2) Le régime supplétif de copropriété régi par l’article L613-29 du CPI, régime applicable à défaut
d’une convention ou dans le silence de celle-ci.
Tous les aménagements contractuels sont envisageables et peuvent porter sur les modalités
d’exploitation, le partage des revenus, les actions en contrefaçon ou encore le transfert de
propriété.

Droit patrimonial ( question 8)


Le droit patrimonial comprend certaines prérogatives et nous verrons le contenu avant d’en
préciser les exceptions et la durée.

Contenu du droit patrimonial.


Le titulaire du droit de brevet a le droit d’exploiter lui même l’invention brevetée ( l’usus), le droit
d’octroyer des licences à des tiers ( le fructus ) et le droit de céder son brevet ou de l’abandonner
en cessant de payer les taxes ( l’abusus ).
Le CPI soumet certains actes d’exploitation à l’autorisation du breveté.
Pour les brevets de produits, ces actes sont la fabrication, l’offre, la mise dans le commerce,
l’utilisation, l’importation et la détention du produit aux fins d’exploitation.
Pour les brevets de procédés, ces actes sont l’utilisation et l’offre d’utilisation du procédé ainsi que
l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation et la détention du produit obtenu
directement par le procédé breveté.
Pour les brevets de procédés et de produits, la fourniture de moyens permettant la mise en œuvre
de l’invention brevetée.

Exceptions.
Au titre des exceptions au droit de propriété, le CPI a prévu que certains actes ne nécessitent pas
d’autorisation en considération de leur finalité. Il en va ainsi des actes accomplis dans un cadre
privé et à des fins non commerciales, des actes accomplis à titre expérimental et aussi des
préparations magistrales.
Ensuite l’exploitation de l’invention peut être permise à un tiers en considération de sa personne. Il
peut s’agir de l’inventeur qui n’a pas déposé son invention à temps. L’antériorité et la possession du
brevet de bonne foi lui confèrent le droit d’exploiter son invention. Si la possession personnelle
antérieure est établie, l’inventeur premier n’encourt pas la contrefaçon même si un autre
inventeur a pu déposer avant lui la même invention qu’il aurait créée de son propre fait.
Au nombre des autres exceptions au droit patrimonial du brevet, il faut compter le jeu de la règle
de l’épuisement du droit. Selon cette règle de l’épuisement, la première mise en circulation sur le
marché français d’un produit couvert par un droit intellectuel épuise le droit d’autoriser la
commercialisation du bien. Cela signifie que pour l’avenir, les ventes et reventes successives seront
libres pour les tiers, l’autorisation donnée au premier distributeur vaudra pour les autres.
La règle de l’épuisement intracommunautaire pose une limite au droit de s’opposer aux
importations parallèles en provenance d’autres pays. Ainsi la 1ère mise en circulation du bien
intellectuel dans le commerce de l’Espace Economique Européen par le titulaire ou avec son
consentement épuise le droit d’autoriser ou d’interdire la commercialisation des produits au sein
du marché unique. En cas d’épuisement, le propriétaire du bien intellectuel conserve néanmoins le
droit de s’opposer aux importations en provenance des pays extérieurs à l’Espace Economique
Européen. Autrement dit, si le droit de 1ère mise en circulation à l’intérieur de l’Espace
Economique Européen est épuisable, ce droit est inépuisable en cas de 1ère mise en circulation à
l’extérieur de cet espace européen. L’autorisation donnée pour le 1er franchissement du territoire
national vers un autre territoire de l’Espace Economique vaudra pour tous les autres
franchissements.

Durée du droit de brevet.


L’ADPIC a fixé à 20 ans la durée minimale de protection de droit commun des brevets. La
convention sur le brevet européen et le droit français ont fixé la durée à 20 ans à partir du dépôt
de la demande. Mais, pour conserver son droit, le titulaire doit respecter plusieurs contraintes,
notamment payer une taxe annuelle de maintien de la propriété, on parle d’annuités progressives.
Au terme de cette durée de protection, le bien intègre le domaine public. Il n’est plus susceptible
d’appropriation.
La durée de protection peut cependant dépasser les 20 ans. Le code français le prévoit en matière
de médicaments depuis 1990. Il peut, à compter de sa délivrance, obtenir un certificat
complémentaire de protection portant sur les parties du brevet correspondant à cette
autorisation. Le système prévu consiste à prolonger le brevet de médicaments par ce nouveau
titre. Cette durée supplémentaire est de 7 ans, donc en tout 27 ans à compter de l’autorisation de
mise sur le marché.

B) Portée du droit.

Le régime de l’exploitation du brevet ( question 9)


Une fois que le brevet est délivré, le titulaire va pouvoir l’exploiter pécuniairement, être plus
offensif et le défendre contre les tiers sur le terrain de la contrefaçon. Autrement dit, il va pouvoir
mettre en œuvre son droit de brevet.

Le breveté peut exploiter son bien et il a le loisir de le faire lui même directement en gardant
l’usage et la jouissance du brevet. Cependant le breveté a aussi et surtout un devoir d’exploitation.
A défaut de l’exécuter, il risque d’être forcé d’octroyer une licence au tiers demandeur.
Si aucun tiers ne fait la demande de licence, le brevet reste inexploité jusqu’à ce qu’un candidat se
présente.

Situation 1 : Exploitation libre


On parle d’exploitation libre lorsqu’elle est l’objet de contrat de cession ou de licence. Le premier
est une vente, le second une variété de louage. Le brevet peut aussi être nanti au profit d’un
créancier du breveté. Le brevet peut aussi être apporté à une société et le breveté recevra en
contrepartie de cet apport en nature des parts ou des actions au lieu d’une rémunération.
Quels qu’ils soient, les contrats portant sur les brevets sont soumis à des règles communes.
Tout d’abord les contrats sont soumis à une condition de forme, ils doivent être constatés par écrit
sous peine de nullité. Ensuite pour être opposables aux tiers, les contrats doivent être inscrits au
registre national des brevets. Cette formalité revêt une importance pratique non négligeable en
cas d’opérations successives sur le même brevet car c’est alors le premier contrat publié qui
l’emportera quelle que soit la date de conclusion des autres contrats sauf bien sûr en cas d’une
inscription au registre effectuée de mauvaise foi. La formalité d’inscription est par ailleurs
essentielle pour agir en défense du brevet car le cessionnaire ou licencié qui n’a pas publié ne peut
pas agir en contrefaçon contre les tiers.
Il existe aussi des règles spéciales applicables aux différents types de contrats. La cession de
brevets présente quelques particularités.
Ainsi par exemple l’article L613-8 du CPI permet la cession partielle de l’invention. L’étendue de la
cession peut être limitée et ne porter que sur certains aspects de l’invention.
La licence de brevet obéit aussi à des règles spéciales, par exemple l’INPI offre au breveté la
possibilité de faire une offre publique de licence par son intermédiaire. On parlera alors de licence
de droit. La licence contractuelle consiste quant à elle en une autorisation d’exploiter tout ou
partie des droits résultants d’un brevet ou d’une demande de brevet. Quant aux effets spéciaux de
la licence contractuelle, on retiendra que le contrat n’a pas pour effet de transférer le droit réel,
mais se limite à créer des obligations à la charge des parties. La licence peut être exclusive, le
concédant a alors l’obligation de ne pas consentir d’autres licences sur le même brevet à des tiers.
Mais dans le silence du contrat, la licence est réputée simple.

Situation 2 : L’exploitation forcée.


L’exploitation du brevet peut être forcée. Outre le cas d’expropriation pour les besoins de la
défense nationale dont on a déjà parlé, il y a les règles propres aux licences obligatoires à l’article
L613-11. Ces règles sont applicables à la situation où une personne désirant exploiter un brevet se
heurte au refus du propriétaire. Il peut sous certaines conditions, obtenir du TGI une licence
d’exploitation, trois ans après la délivrance du brevet ou quatre ans après le dépôt de la demande.
Le demandeur devra surtout établir les insuffisances de l’exploitation ou son inexistence et fournir
la preuve qu’il détient quant à lui les moyens d’exploiter l’invention.
Il y a un cas particulier de licence obligatoire, le cas où l’invention a fait l’objet d’un
perfectionnement qui est breveté au profit d’une autre personne que le titulaire du brevet
d’origine dit « brevet dominant ». En pareil cas, le titulaire du brevet de perfectionnement doit
pour pouvoir l’exploiter obtenir auprès du TGI, une licence de dépendance, laquelle est prévue à
l’article L613-15 du CPI. Le régime des licences obligatoires lui est applicable et il l’est aussi depuis
la loi du 6 août 2004 aux brevets portant sur les biotechnologies et ce même en l’absence de
perfectionnement.

Le régime des sanctions

Les mesures préventives en matière de défense du brevet ( question 10 )


Comme pour la propriété littéraire et artistique, la sanction du droit de propriété industrielle est la
contrefaçon. Généralement précédée d’une mesure provisoire, dont la saisie-contrefaçon, que le
code envisage comme un moyen de preuve de la contrefaçon. La juridiction civile peut être saisie
en référé ou sur requête pour ordonner toute mesure préalable de nature à faire cesser la
contrefaçon.
Le code ouvre aux industriels une action préventive nommée « action en déclaration de non
contrefaçon ». Il s’agit de leur éviter par ce biais la menace que constitue pour eux l’action en
contrefaçon qui serait intentée par les titulaires de brevets. Cette mesure préventive permet de
vérifier que les produits ne sont pas contrefaisants et de mettre un terme aux doutes sur la
régularité des actes d’exploitation. Cette action préventive est soumise à deux conditions qui
devront être remplies : d’une part, l’industriel demandeur doit d’une part justifier soit d’une
exploitation industrielle, soit de préparatifs sérieux et d’autre part l’industriel doit demander son
avis au titulaire du brevet.
Si le titulaire du brevet émet un avis favorable et ne s’oppose pas à l’exploitation demandée, il
s’engage en quelque sorte par la même à renoncer pour l’avenir à intenter une action en
contrefaçon. C’est en tout cas ce que pense la majorité de la doctrine française.
Si le titulaire du brevet ne répond pas au bout de 3 mois ou s’il émet explicitement un avis négatif
en s’opposant à l’exploitation, l’industriel peut soit renoncer à l’exploitation, soit saisir le TGI en vu
de faire juger que le brevet ne fait pas obstacle à l’exploitation en cause.
Le juge est ici conduit à se prononcer sur la contrefaçon mais seulement dans une certaine mesure.
Si le juge déclare qu’il n’y a pas contrefaçon, le titulaire du brevet n’aura plus le droit d’agir en
contrefaçon à l’encontre de l’industriel mais si le juge refuse de faire cette déclaration, le juge ne
dira pas pour autant qu’il y a contrefaçon. L’exploitant qui était dans le doute aura alors intérêt à
cesser son exploitation litigieuse ou bien à obtenir l’autorisation expresse du titulaire des droits sur
le brevet.

Contrefaçon civile et pénale.

Présentation générale
Selon l’article L615-8, l’action en contrefaçon se prescrit par trois ans à partir de chacun des faits
de contrefaçon tant au civil qu’au pénal. Conformément au droit commun de la preuve, il
appartient au demandeur de prouver les actes matériels de la contrefaçon, ce qui ressort de la
comparaison entre les objets protégés et les objets argués de contrefaçon.
L’action en contrefaçon peut selon les dispositions du code être intentée par plusieurs personnes
ayant la qualité de demandeur. D’une part le breveté, d’autre part le licencié simple c’est à dire non
exclusif dans les cas de licence de droit, de licence obligatoire, de licence d’office. Enfin, peut aussi
intenter l’action en contrefaçon, le cessionnaire ou licencié exclusif dont le contrat a été publié au
registre national des brevets. Le licencié exclusif devra quant à lui avoir préalablement mis le
concédant en demeure d’agir en contrefaçon.
S’agissant du tribunal compétent, en matière civile, le tribunal de grande instance de Paris
bénéficie depuis le décret du 9 octobre 2009 d’une compétence exclusive en matière de brevet.

L’action pénale est peu usitée. La compétence bénéficie aux tribunaux correctionnels. Au civil
comme au pénal, le tribunal compétent est conformément au droit commun, au choix celui dans le
ressort duquel à lieu la contrefaçon par exemple le lieu où l’invention a été exposée dans un salon,
soit celui où le dommage est subi, soit encore celui où est situé le domicile du défendeur ou du
prévenu.
L’action en contrefaçon peut être intentée à partir de la publication de la demande de brevet.

Les faits constitutifs de contrefaçon en matière de brevet ( question 11)


Au pénal, l’article L615-14 du CPI indique que le défendeur ne pourra être condamné que si
l’élément intentionnel est établi. La bonne foi du défendeur est présumée en application du droit
commun.
Au civil, l’article L615-1 du CPI vise tous les actes non autorisés listés aux articles L613-3 et 4 du
CPI. Par rapport à l’élément matériel de la contrefaçon, Michel Vivant propose de rassembler tous
ces actes en deux catégories bien définies :
1) Les actes d’exploitation qu’il nomme « actes d’emprise directe »
2) Les actes de complicité qui consistent à aider à l’exploitation ou à l’inciter qu’il nomme « actes
d’aide et d’incitation ». Selon son expression « aider à contrefaire, c’est contrefaire ».
Au regard de l’élément intentionnel de la contrefaçon, il faut distinguer deux autres catégories
d’actes commis par deux catégories d’auteurs :
1) Les actes commis par le fabricant, ces actes sont sanctionnés civilement sans que le demandeur
ait à établir l’existence d’un élément intentionnel, l’élément matériel suffit à constituer la
contrefaçon peu importe que le fabricant ait agi de mauvaise foi, qu’il ait su par exemple que le
produit était breveté.
2) Les actes commis par des tiers autres que le fabricant tels que l’importateur, le vendeur,
l’utilisateur ou le détenteur du produit ou procédé. Ces actes ne constituent une contrefaçon que
s’ils ont été commis en connaissance de cause.
Au civil, le tiers non fabricant ne peut donc être condamné que si le demandeur rapporte la preuve
de l’élément intentionnel.

Les moyens de défense à l’action en contrefaçon.


Le défendeur peut opposer plusieurs arguments :
1) Arguer de sa bonne foi au pénal, mais aussi au civil s’il est non fabricant
2) Invoquer la prescription triennale de l’action au civil comme au pénal
3) Contester la matérialité des actes ou la preuve de la contrefaçon
4) Établir son droit de possession personnelle antérieure
5) Invoquer la nullité du brevet par voie d’action reconventionnelle ou d’exception.

La nullité ne peut être déclarée que par une action en justice. Mais elle est largement ouverte et
l’absence d’intérêt à agir n’est que très rarement constatée en pratique. Les causes de nullité sont
par ailleurs nombreuses. On peut les regrouper en deux catégories :
1) Les nullités produites par l’impossibilité de réunir les conditions d’appropriation du brevet
2) Les nullités pour non-respect des formalités d’appropriation du brevet.

Les effets de la nullité doivent être envisagés à l’égard du breveté et à l’égard des tiers.
1) A l’égard du breveté : le CPI retient que la nullité peut produire des effets partiels et être
prononcée sous la forme d’une limitation apportée aux revendications. Il est donc possible de
conserver le titre pour la partie du brevet non sanctionnée.
2) A l’égard des tiers : le CPI prévoit que la nullité a un effet absolu sur le territoire français mais
aucun effet sur le titre éventuellement délivré pour le bien dans un autre pays.

La différence entre nullité et déchéance du droit de brevet.


L’extinction du titre de propriété avant l’échéance des 20 ans peut résulter du choix du propriétaire
mais peut aussi résulter d’une sanction. Dans le premier cas on parle de renonciation, dans le cas
de sanction on parle de déchéance ou de nullité.
Paul Roubier a distingué la déchéance et la nullité de la façon suivante : « il y a nullité du brevet,
écrit-il, lorsque certaines conditions de fond ou de forme n’ont pas été observées. Il y a déchéance,
poursuit-il, lorsque certaines obligations que la loi impose au breveté, ne se retrouvent pas
remplies par celui-ci ». Quant aux effets, il est entendu que la nullité a traditionnellement un effet
rétroactif et le brevet est alors censé ne jamais avoir existé. La déchéance n’a en revanche d’effets
que pour l’avenir, du reste en principe.
L’article L613-22 du CPI que l’on retrouve dans l’article R143 de la Convention sur le brevet
européen, énonce, parmi les causes de déchéance des droits du propriétaire d’une demande de
brevet ou d’un brevet, le défaut d’acquittement de la taxe annuelle. La déchéance prend effet à la
date de l’échéance de la taxe non acquittée. Elle est constatée par le directeur de l’office et la
décision est publiée et notifiée au breveté.

Dénouement de l’action en contrefaçon.


L’action est rejetée si le défendeur a convaincu le juge. Le demandeur pourra être condamné pour
procédure abusive, mais le défendeur même non contrefacteur pourra éventuellement être
condamné au civil pour concurrence déloyale.
Si le TGI a été saisi en référé, il pourra interdire la poursuite des actes contrefaisants à titre
provisoire et sous astreinte. Si la contrefaçon et la responsabilité du défendeur sont établies, le
défendeur pourra être condamné au pénal aux peines prévues par l’article L615- 14 du CPI (3 ans
d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende), et ces peines sont les mêmes que les peines
principales applicables à la contrefaçon des droits d’auteur prévues à l’article L335-2 et 4 du CPI.
Des peines complémentaires sont possibles comme la fermeture de l’établissement ayant servi à
commettre l’infraction, la possibilité de porter les peines à 5 ans et 500 000 euros d’amende si le
délit a été commis en bande organisée ou lorsque les faits portent sur des marchandises
dangereuses.
Au civil certaines interdictions pourront être prononcées, principalement l’interdiction de
poursuivre l’exploitation, la confiscation des produits ou du matériel délictueux ainsi que la
condamnation à des dommages et intérêts et le cas échéant à des dommages et intérêts punitifs.

THÈME 3 : Le droit des marques.

La marque permet au fabricant ou à un commerçant de distinguer ses produits ou services de ceux de ses
concurrents. Le recours à une marque est facultatif mais son rôle est primordial notamment pour le commerçant
car c’est un outil de fidélisation de la clientèle.
Le droit sur la marque est limité par deux grands principes mondiaux :
1) Le principe de la territorialité : le droit n’est protégé par le droit spécial des marques que dans la mesure où il
répond aux exigences du pays où la protection est recherchée.
2) Le principe de spécialité : la protection des marques est limitée aux produits et services sur lesquels le signe
est apposé.

La marque peut être détenue par une personne physique ou morale. Depuis 1964, une loi impose le dépôt pour
l’acquisition du droit de propriété sur la marque. Avant le propriétaire était le premier utilisateur. Cette loi a
également institué un examen préalable à la délivrance du droit de propriété pour contrôler les conditions de
fond de la validité de la marque en amont de la délivrance du titre. Elle a aussi instauré le régime de déchéance
du titre de propriété pour défaut d’exploitation à l’issue d’un certain délai après l’enregistrement.

Le droit des marques français est inspiré par deux sources de droit européenne : la directive de 1988 et le
règlement 40-94 du 20 décembre 1993.

I. Conditions de la protection.

Question 1 : Les signes protégeables par le droit des marques


Tous les signes ne peuvent pas être choisis comme marque. Certaines conditions doivent
obligatoirement être remplies. D’autres conditions permettent le maintien du droit de propriété.
En France, la marque n’est protégée sur le terrain du droit des marques que si elle a été déposée à
l’INPI ou devant l’OHMI s’il s’agit d’un titre communautaire. Le dépôt français comme le dépôt
communautaire produit un effet constitutif de droit. Le droit appartient au premier déposant et
non au premier usager. Au niveau européen, la directive de 1988 a harmonisé presque tous les
régimes de marques nationales et notamment les conditions de fond de la validité du titre.

A. Conditions de fonds

Il y a trois conditions : Le signe choisi doit être distinctif, disponible et licite.

1) La distinctivité ( question 2 ).

Le signe doit servir à distinguer les produits ou services. Il suffit que la marque soit suffisamment
distinctive pour être protégée. La condition ne fait pas l’objet d’une définition positive dans les
textes mais le législateur a prévu d’exclure de la catégorie des signes distinctifs tous les signes
descriptifs, nécessaires ou usuels qui doivent rester à la portée de tous et ne sont donc pas
susceptibles d’appropriation sur le terrain des marque ( par exemple : « magasins de meubles » ou
la forme d’une tablette de chocolat).
La distinctivité s’apprécie de manière globale. Pour être valable, la marque doit être composée
d’un ou plusieurs éléments arbitraires par rapport aux produits ou services qu’elle désigne. Cette
distinctivité peut aussi s’acquérir avec le temps et l’usage qui en est fait ( par exemple, un signe à la
base descriptif peut devenir avec le temps distinctif et donc protégeable comme ce fut le cas pour
les Pages Jaunes).
La condition de distinctivité s’apprécie au moment du dépôt au regard de la spécialité mais aussi
au regard du libellé de la marque. Peu importe que le signe soit en tant que tel ordinaire. Par
exemple, « orange » est un mot ordinaire mais il peut être utilisé à titre de marque pour désigné
des services de téléphonie car il est parfaitement arbitraire au regard de la spécialité concernée.
Par ailleurs, dans le cas de l’appréciation de la distinctivité de la marque communautaire, cette
appréciation doit se faire à l’échelle de l’UE. La marque nominale doit être distinctive dans toutes
les langues de l’UE pour être protégée en tant que titre unitaire.
La distinctivité est une condition centrale de la protection des marques, elle en est la raison d’être
et est tellement importante que le droit français et le droit européen ont fait du défaut de
distinctivité un motif absolu de refus de la marque et est aussi un motif de déchéance et un motif
de nullité absolue.

2) La disponibilité.
La marque ne doit pas avoir fait l’objet d’une appropriation antérieure. Le CPI n’offre par une liste
limitative, exhaustive des antériorités mais expose certaines d’entre elles. Le signe ne doit donc
pas être déjà utilisé par autrui dans la même spécialité. Le signe ne doit pas non plus être un
élément déjà protégé par un autre droit de la propriété intellectuelle ou un droit de la
personnalité. Le signe doit aussi être disponible dans chacun des états membres de l’UE. Cette
vérification s’impose au déposant.

Question 3 : Les antériorités opposables


L’antériorité constitue un motif relatif de refus de dépôt ( car elle n’est pas examiné par l’office) et
un motif de nullité relative ( car elle ne peut être invoquée que par le titulaire de l’antériorité).

L’antériorité peut être une marque identique ou similaire valable sur le même territoire dans une
même spécialité. Depuis le règlement de 1993, un signe déposé comme marque communautaire
devient indisponible sur tout le territoire de l’UE dans la même spécialité. Il constitue une
antériorité opposable au dépôt national et communautaire. En France, l’antériorité opposable à
titre de marque est uniquement constituée par une marque enregistrée.
Si les marques et ou spécialités ne sont pas identiques, l’appréciation de l’antériorité implique le
respect d’une analyse en plusieurs étapes :
1) Définir le territoire en cause
2) Déterminer le public pertinent à prendre en considération
3) Comparer les signes
En définitive le signe sera considéré comme antériorité s’il existe un risque de confusion dans
l’esprit du public. Ce risque peut être direct dans les cas où le consommateur pourrait être fondé à
croire, en présence du signe contesté, qu’il est en présence de la marque antérieure. Ce risque
peut être indirect dans les cas où le consommateur peut considérer que les marques proviennent
de la même entreprise ou d’entreprises liées.

De même pourront être considérée comme non disponible et affectée d’antériorité, même si les
marques ne sont pas dans les mêmes spécialités, l’usage d’une marque notoire ou d’une marque
de renommée. La notoriété peut être définie comme connue du grand public et doté d’un pouvoir
d’attraction propre, indépendant des produits ou services que la marque désigne. Une marque
notoire non déposée peut constituer une antériorité dans la même spécialité. Une marque de
renommée déposée peut constituer une antériorité en dehors de la spécialité. La marque notoire
ou de renommée jouit ainsi d’un régime de protection dérogatoire, non seulement au principe du
dépôt mais aussi au principe de spécialité. Par exemple, les marques Waterman et Michelin ont été
respectivement considérées comme indisponibles pour des lames de rasoir, pour la première et
pour des pâtisseries pour la seconde.

Outre les marques antérieures, l’antériorité peut encore être constituée par une œuvre, un dessin,
un modèle, une appellation d’origine, une dénomination sociale ou un nom de domaine. Ainsi
l’appellation « Champagne » ne peut plus être déposée comme marque. La dénomination sociale
d’un tiers ne peut pas être choisie comme marque s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du
public. Ce qui suppose que la dénomination soit largement connue.
Le nom commercial ou l’enseigne ne sont pas davantage disponibles s’il existe un risque de
confusion.
Le nom de domaine internet peut également constituer une antériorité. La jurisprudence tend à
subordonner l’opposabilité du nom de domaine à son dépôt sur un site d’enregistrement et à son
exploitation effective.

3) La licéité.
L’absence de licéité est un motif absolu de refus d’enregistrement. Cette condition vise deux
prohibition.

Question 4 : La règle de la représentation graphique


Toutes les marques disponibles, distinctives et licites ne sont pas susceptibles de protection sur le
terrain du droit des marques françaises ou européennes. Il existe une indication sur les signes
susceptibles de constituer une marque dans les textes. Dans l’accord ADPIC, l’article 5 a posé la
règle de la représentation visuelle, on la retrouve en droit interne et dans le règlement sur la
marque communautaire. Cette règle signifie que l’on doit pouvoir décrire les marques de manière
graphique.
On parlera de marques nominales lorsqu’elles s’écrivent, il s’agit de chiffres, de lettres, de slogan
ou des notes de musiques bien particulières et singulières. Ainsi le carillon à trois tons de la station
NBC peut être représentable graphiquement car il s’agit de sons à tonalité musicale, en revanche le
son du rugissement du lion des studios de la Goldwyn Mayer ne peut pas l’être. L’enregistrement
du son suggérant le chant du co q en néerlandais a été refusé par la CJCE en 2003 parce que la
description de ce bruit par des onomatopées ou par le langage écrit ne répond pas à l’exigence de
représentation graphique. Sur les marques olfactives, la CJCE a jugé que tout signe non perceptible
par la vue n’est pas exclu de la protection des marques mais en pratique les modes de
représentation ont jusqu’à présent étaient jugés insatisfaisants du lion des studios de la Goldwyn
Mayer ne peut pas l’être.
On parlera de marques figuratives lorsqu’elles se dessinent. Il peut s’agir par exemple d’un sigle,
d’un logo, d’un dessin, d’une combinaison de couleur, de la forme d’un produit ou de son
conditionnement. La règle de la représentation graphique semble exclure les signes olfactifs et les
signes gustatifs qui ne sont pas visibles mais impliquent au recours au sens de l’ouïe et du goût.

B. Conditions de forme.

Sous réserve de la protection réservée aux marques notoires non déposées, la propriété sur la
marque s’acquiert par l’enregistrement.
La procédure est conduite en France par l’INPI et par l’OHMI à l’échelle européenne, ou par l’OMPI
si la protection est rechercher par les pays membres du système Madrid.

Procédure nationale ( INPI ) et européenne ( OHMI ) ( Question 5)

Devant l’INPI et l’OHMI la procédure d’enregistrement impose le respect de plusieurs étapes et aux
tiers la possibilité d’intervenir pour défendre leurs intérêts en amont de la délivrance du titre de
propriété.

Étape 1 : La demande d’enregistrement doit d’abord être déposée et accompagnée d’un modèle
de la marque c’est à dire une représentation graphique mais aussi de l’énumération des produits et
services auxquels elle s’applique. Le dépôt doit fixer un classement à l’aide de la classification de
Nice laquelle regroupe 45 classes. Cette opération permet d’arrêter le périmètre de la propriété.
En France cette demande de dépôt peut être faite à l’INPI ou au greffe du tribunal de commerce, le
déposant doit payer des redevances à défaut le dépôt sera rejeté. Il en va de même du
renouvellement tous les 10 ans.

Étape 2 : Une fois le dépôt reconnu recevable, ce dépôt fait l’objet d’une publication dans les 6
semaines qui suivent la réception du dépôt. Toute personne intéressée peut formuler des
observations dans un délai de deux mois pour la marque nationale et de trois mois pour la marque
communautaire. Les titulaires de droits antérieures peuvent former dans ce même délai une
opposition à l’enregistrement. L’office dispose ensuite d’un certain délai pour statuer sur les
demandes d’opposition fondées sur l’antériorité et ceci au terme d’une procédure contradictoire.

Étape 3 : L’office procède ensuite à un examen préalable portant sur la vérification des pièces, de la
condition de représentation graphique et des conditions de fond de la validité de la marque à
l’exclusion de la condition de disponibilité.
A la différence de la procédure devant l’INPI, la procédure devant l’OHMI implique l’établissement d’un
rapport de recherches pour la délivrance de la marque unitaire. Ce rapport doit mentionner les demandes
de marques communautaires ou les marques communautaires susceptibles d’être constitutives
d’antériorités opposables. Le rapport est ensuite communiqué au demandeur et l’OHMI informe par ailleurs
les tiers identifiés dans le rapport de la demande d’enregistrement d’une marque communautaire.
Étape 4 : L’office peut enregistrer la demande sur le registre, la publier, et adresser alors un
certificat au demandeur. Et l’office peut aussi rejeter la demande, un recours contre la décision de
l’office, en France directement devant la Cour d’appel de Paris, un pourvoi peut être formé contre
l’arrêt de la Cour d’appel par l’une ou l’autre des parties donc même par le directeur de l’INPI. Le
recours du demandeur ou des tiers ayant qualité et intérêt pour agir contre la décision de l’OHMI
peut être effectué devant la Chambre des recours de l’OHMI, et l’affaire peut ensuite être portée
devant le Tribunal Européen, Tribunal de 1ère instance et le pourvoi peut être exercé auprès de la
CJUE.

Étape 5 : L’enregistrement de la marque produit ses effets à compter de la date de dépôt de la


demande pour une durée de 10 ans indéfiniment renouvelable. Le renouvellement peut avoir lieu
à condition de ne modifier ni le signe ni la spécialité concernée.

Les actions en nullité et en revendication des tiers ( Question 6)


Outre le recours contre la décision de l’INPI, les tiers disposent de l’action en nullité et de l’action
en revendication. L’action en nullité peut avoir pour fondement le non-respect d’une condition de
fond de la validité de la marque nationale ou unitaire. En France la jurisprudence reconnaît que
l’action en nullité peut avoir pour autre fondement le caractère abusif du dépôt. Doivent être
annulées les marques déposées dans une intention de nuire, par exemple dans le but d’empêcher
des concurrents du titulaire de diffuser un produit sur le marché français.
La loi a prévu que l’action en nullité est prescrite par tolérance lorsque le titulaire du droit
antérieur a toléré le dépôt pendant au moins 5 ans. L’article L714-3 alinéa 3 a prévu la forclusion
de l’action en nullité par tolérance à condition que la marque seconde ait été déposée de bonne
foi. Dans les autres cas, la loi n’ayant rien prévu.
L’action en revendication est comme l’action en nullité fondée sur un droit antérieur ou sur la
fraude. Dans ce cas, le revendiquant demande à être substitué ab initio dans les droits du
déposant. L’action se prescrit par trois ans à partir de la demande d’enregistrement si le déposant
est de bonne foi. En France le délai ne s’applique pas si la revendication est fondée sur la fraude.
Dans le cas où le déposant est de mauvaise foi, la doctrine hésite encore ici entre l’application du
délai de 5 ans et l’imprescriptibilité.

La procédure internationale de dépôt devant l’OMPI ( Question 7 )

Si l’on veut protéger ses marques dans plusieurs pays, il convient d’effectuer un dépôt dans chacun
de ces pays. Or la multiplication des démarches n’est ni pratique ni économique.
C’est pourquoi les pays ont prévu la possibilité d’un dépôt international. De nombreux États ont
signé des traités multilatéraux afin de permettre d’obtenir une protection géographique élargie en
respectant une procédure unique, un seul dépôt, une seule langue, une seule taxe dans une seule
monnaie adressée à un seul office.

En droit des marques la procédure unifiée a été confiée à l’OMPI. Il existe deux systèmes
centralisés de dépôt des marques issus de deux traités multilatéraux distincts et tous deux
administrés par l’OMPI : l’arrangement de Madrid est le traité fondateur et le protocole de
Madrid est celui qui propose depuis 1996 le système de dépôt le plus attractif.
Le système de l’arrangement de Madrid.
L’arrangement de 1891 offre certains avantages aux titulaires de marques déjà enregistrées dans le
pays d’origine. Si ces marques ont déjà été enregistrées dans le pays d’origine les titulaires ont la
possibilité d’étendre la protection de leur marque dans les pays membres, en faisant une seule
demande auprès de l’office national ou régional et non directement auprès de l’OMPI. Les
déposants sont libres de désigner les pays où le dépôt est recherché.
C’est l’office d’origine qui va transmettre la demande d’extension de protection de la marque telle
quelle à l’OMPI c’est à dire sans qu’aucune modifications ne puissent être apportées à la marque
ou à la spécialité. L’OMPI examine le dossier sur la forme c’est à dire vérifie le classement des
produits et services et le paiement des taxes. L’OMPI enregistre ensuite la marque sur le registre
international puis transfère la demande à chacun des offices désignés, pour que chacun de ces
offices examine les marques selon leur propre législation. Les conditions de validité du dépôt n’ont
pas été unifiées. L’office d’accueil peut donc librement refuser de valider le dépôt, dans le délai
d’un an selon l’arrangement. Si la demande est rejetée, l’OMPI en donne les raisons au déposant
qui peut exercer un recours dans le pays d’accueil selon les voies nationales. Mais si l’office accepte
d’enregistrer la marque telle quelle dans son pays, ce titre donne aux déposants les mêmes droits
que si la marque avait été enregistrée directement par l’office d’accueil.
L’inconvénient majeur du système de Madrid réside dans la dépendance de l’enregistrement dans
les pays membres par rapport à l’enregistrement en pays d’origine.
Pendant 5 ans si la marque d’origine cesse de produire effet, elle sera radiée du registre
international et ce sont par ricochet toutes les marques visées dans le dépôt international qui
cessent de produire effet. L’autre inconvénient majeur de l’arrangement tient à l’impossibilité
d’utiliser ce système tant que la marque n’a pas été enregistrée dans le pays d’accueil.

Le système du protocole de Madrid.


Le système du protocole de Madrid en date de 1989 mais entré en vigueur en 1996 compte un plus
grand nombre de membres que l’arrangement car il est beaucoup plus attractif. Il compte près de
80 membres. Les inconvénients de l’arrangement ont pour la plupart été supprimés.
Premièrement, il est possible de déposer la marque sur la base d’un simple dépôt dans le pays
d’origine.
Deuxièmement, en cas d’annulation de la marque nationale, en cas de radiation de son
enregistrement dans le pays d’origine dans les 5 ans, le déposant a trois mois à compter de la
radiation pour demander la transformation de dépôt international en plusieurs dépôts nationaux.
Chaque demande nationale sera alors traitée comme si elle avait été déposée à la date du dépôt
international ou bien à la date de priorité.
Troisièmement, les offices d’accueil disposent d’un délai plus long, 18 mois pour réagir et rejeter le
dépôt national. Le système de Madrid a cependant uniquement unifié la procédure. L’office
régional ou
national d’accueil garde donc la possibilité de refuser d’accorder l’enregistrement, la protection des
marques car le droit national est souverain.

Question 8 : Les conditions de la perte du monopole


Le monopole sur la marque peut s’éteindre de différentes manières, du fait même du titulaire.

La perte automatique du monopole peut résulter de l’absence de renouvellement au terme de 10


années.
La perte peut résulter aussi d’une renonciation expresse aux effets de l’enregistrement pour tout
ou partie des produits ou services auxquels s’applique la marque.
La perte peut aussi résulter de l’initiative d’un tiers lequel peut après le dépôt invoquer la nullité
de la marque ou du dépôt pour non-respect des conditions de fond de validité de la marque.

Hormis la nullité dont on a déjà parlé, deux principales causes pour lesquelles le titulaires peut
perdre son monopole : par déchéance ou par forclusion par tolérance.
La déchéance.
Dans les systèmes de dépôt déclaratifs de droit, l’usage de la marque est une condition de fond de
la délivrance de l’enregistrement. Ce système interdit le dépôt de marques dites dormantes ou de
marques de barrages.
Dans les systèmes de dépôt constitutifs de droit ce n’est pas le cas, l’exploitation n’est pas une
condition de délivrance du titre ni même de la protection du droit sur la marque. Néanmoins dans
les systèmes de dépôt constitutifs de droit, il existe une obligation d’exploitation dont le non-
respect peut être lourdement sanctionné, c’est-à-dire, il peut être sanctionné par la perte du
monopole.
Cette obligation d’exploitation a été posée à l’échelle internationale dans l’accord ADPIC. On la
retrouve à l’échelle européenne dans la directive de 1988 et dans le règlement sur la marque
communautaire.
Ce n’est pas l’INPI ou l’OHMI qui ira reprocher au titulaire le défaut d’exploitation. Ce n’est pas
l’Office qui ira vérifier si la marque est effectivement utilisée dans le commerce. C’est le tiers qui
pourra trouver un intérêt à soulever le défaut d’exploitation.
La déchéance pour non exploitation peut être demandée en justice par toute personne intéressée.
Cette sanction permet de fonder une antériorité, de demander la nullité. Elle est aussi une cause
exonératoire de contrefaçon et un moyen de défense dans le cadre d’une action en contrefaçon. Il
reste que c’est seulement à l’initiative d’un tiers que la déchéance du droit de marque peut être
encourue pour défaut d’exploitation sérieuse. On distinguera ce cas de déchéance de celui qui vise
la dégénérescence de la marque.

La déchéance pour non-usage sérieux.


L’obligation faite au propriétaire de la marque d’en assurer une exploitation sérieuse,
satisfaisante a été consacrée par la directive de 1988 à l’article 10 et par le règlement sur la
marque communautaire, à l’article 15, sous peine de déchéance des droits du titulaire.
La déchéance judiciaire est encourue en l’absence d’exploitation sérieuse pendant 5 années
de façon continue.
La directive n’a pas réglée la question de la preuve de l’usage, laissant le soin aux États
membres de le faire. Le règlement a seulement précisé que la preuve de l’usage est fournie
par des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage de la marque
pour les produits et services pour lesquels elle a été enregistrée. Le règlement ajoute que
cette preuve est fournie de préférence par des pièces justificatives comme par exemple des
emballages, des étiquettes, des catalogues, des photographies, des annonces dans les
journaux, ainsi que par des déclarations qui peuvent être faites sous serment.

La déchéance pour dégénérescence.


La déchéance peut aussi être encourue pour dégénérescence lorsque le titulaire de la
marque l’a laissée dégénérer. Les articles 12 paragraphe 2 de la directive, l’article L714-6 du
CPI et l’article 51 du règlement sur la marque communautaire ont prévu deux cas :
Premier cas : la marque est devenue par le fait du titulaire, la désignation usuelle d’un
produit. Elle a alors perdu son caractère distinctif comme cela a été jugé pour la marque «
Caddie » qui est devenue la désignation usuelle des chariots de supermarchés. La
dégénérescence est ici en quelques sortes la perverse rançon de la renommée.
Deuxième cas : la marque est devenue par le fait de son titulaire trompeuse ou déceptive
c’est à dire propre à induire en erreur le public notamment sur la nature, la qualité ou la
provenance géographique du produit ou du service. Il s’agit de sanctionner ici la marque
qui a perdu par l’usage qui en a été fait une qualité essentielle. Par exemple pour la marque
«Inès de la Fressange», la Cour de Paris a le 15 décembre 2004 jugé que la marque était
devenue déceptive en raison de la modification des conditions de son exploitation, la
modification étant que la créatrice n’était plus à l’origine des produits commercialisés sous
la marque constituée de son patronyme.
La déchéance pour dégénérescence est une sanction du comportement du titulaire.
Autrement dit, il est possible pour le titulaire d’agir pour maintenir son monopole. En
prenant des précautions pour informer le public que la marque est protégée ou encore par
des lettres ou des actions en justice. C’est pourquoi la marque « Frigidaire » n’a pas été
sanctionnée en France par la perte du monopole. Son propriétaire s’est battu pour
maintenir le monopole sur la marque en vie.

La forclusion par tolérance.


La passivité du titulaire du droit est sévèrement sanctionnée en droit des marques, à travers la
règle de la déchéance mais aussi à travers la règle de la forclusion par tolérance. Cette dernière ne
fait pas tomber la marque dans le domaine public mais elle fait perdre à son titulaire l’exclusivité
sur la marque. Cette règle prévue à l’article L716-5 du CPI et à l’article 9 du règlement sur la
marque communautaire, prévoit que le titulaire qui tolère pendant 5 ans consécutifs qu’un tiers
exploite sa marque en connaissance de cet usage ne peut plus se prévaloir de son droit de marque
pour revendiquer une antériorité, demander la nullité ou s’opposer à l’usage de la marque
seconde. Autrement dit, il perd le droit d’agir en contrefaçon et d’annuler l’enregistrement de la
marque postérieure. Cette règle explique que deux marques peuvent cohabiter sur un même
territoire. C’est ainsi le cas par exemple au Royaume-Uni de la marque « Budweiser » détenue par
une société américaine et par une brasserie tchèque. Cette règle fait peser un lourd devoir de
veille sur les titulaires de dépôt.

II. Droit sur la marque.

L’enregistrement d’une marque confère au titulaire de celle-ci le monopole de son usage, de sa


jouissance et de sa disposition. On sait que le droit de marque n’est pas absolu puisqu’il est soumis
aux principes de territorialité et de spécialité. Le titulaire de la marque jouit d’un droit de propriété
sur le signe pour les produits et services désignés dans la demande d’enregistrement et seulement
pour ceux-ci. Bien que le législateur ne l’admette pas ouvertement, il existe une protection à deux
vitesses selon que la marque est notoire ou ne l’est pas.

Droits sur les marques notoires et de renommées.

Différences entre la marque de renommée et la marque notoire ( recherche personnelle)


Bien que ces deux notions se rejoignent par l’idée que la marque en question est connue par la
majorité du public, il est important de les distinguer.
La marque de renommée : cette notion concerne nécessairement une marque enregistrée ou
déposée (sous réserve de son enregistrement ultérieur).
La marque notoire : elle n’est pas enregistrée en tant que marque, mais est connue du public en
raison notamment de l’utilisation qui en a été faite.
Question 9 : La protection des marques notoires
Question 10 : La protection des marques de renommée

La Convention d’Union de Paris a prévu d’octroyer une certaine protection dérogatoire au principe
d’enregistrement à l’article 6. Il interdit aux tiers de déposer ou d’utiliser un signe qui serait la
reproduction, l’imitation ou la traduction de la marque notoire pour des produits identiques ou
similaires même si la marque notoire n’est pas déposée dans le pays où la protection est
recherchée.

Pour être mise en oeuvre cette exception doit réunir deux conditions :
1) Il faut rapporter la preuve du caractère notoire de la marque
2) Il faut que la marque seconde porte une atteinte à la marque notoire et pour cela il faut le cas
échéant établir le risque de confusion.

On sait que la notoriété doit exister dans le pays où la protection est recherchée selon les
exigences nationales. En France, la notion n’est pas définie mais la jurisprudence tend à considérer
que la marque notoire est connue d’une large fraction du public en raison de l’importance de
l’usage, de l’ancienneté de la marque, des budgets consacrés à la publicité ou encore de la qualité
des produits revêtus de la marque. En outre, une marque peut être connue sur un territoire sans y
avoir été exploitée commercialement. Enfin, le titulaire de la marque notoire pourra demander le
refus de l’enregistrement ou sa nullité.
La convention d’Union de Paris prévoit que le titulaire pourra agir dans un délai de 5 ans à compter
de l’enregistrement si le tiers déposant est de bonne foi et à tout moment si le tiers est de mauvais
foi.

Par contre, le titulaire du droit ne peut pas agir en contrefaçon dans un pays comme la France où il
est écrit que le droit de propriété s’acquiert par l’enregistrement. Le titulaire de la marque notoire
doit se rabattre sur l’action sui generis en responsabilité civile fondée sur l’article L713-5 du CPI et
faire donc interdire l’usage de la marque sur ce fondement.
Ainsi la marque notoire Boeing utilisée pour des avions a pu être protégée sur ce fondement là
pour faire cesser son emploi par un tiers qui utilisait Boeing pour désigner une eau de toilette. Il a
été admis que l’action en responsabilité peut jouer que les produits ou services en cause soient
identiques, similaires ou différents.

La convention d’Union de Paris n’a pas imposé une protection spécifique en cas d’atteinte à la
marque notoire en dehors de la spécialité. En revanche l’ADPIC a posé le principe de la protection
des marques de renommée enregistrées contre la dilution c’est à dire en dehors de leur spécialité.
Pour revendiquer cette protection en dehors de la spécialité, trois conditions cumulatives doivent
être réunies :
1) Disposer d’une marque notoire ou de d’une marque de renommée.
2) Que ce signe fasse l’objet d’un emploi injustifié, d’une reproduction ou d’une
imitation de la marque injustifiée
3) Que cet emploi engendre un préjudice

L’enjeu essentiel est de rapporter la preuve de la notoriété ou de la renommée de la marque


antérieure. Pour une protection en France, la notoriété s’apprécie auprès du public français.
Pour une protection étendue à l’Union Européenne, auprès du public de l’UE.
La reproduction et l’imitation de la marque doivent être injustifiées, c’est la deuxième condition.
L’article L713-5 du CPI indique en effet que la reproduction ou l’imitation de la marque de
renommée engage la responsabilité de son auteur si ses actes sont de nature à porter préjudice au
propriétaire de la marque ou constituent une exploitation injustifiée de celle-ci. Un tel emploi de la
marque est injustifié lorsque la marque seconde tire indument profit du caractère distinctif de la
marque notoire portant atteinte à sa valeur publicitaire, à son image, à ses valeurs ou à ses
qualités. Quoiqu’il en soit plus le caractère distinctif et la renommée de la marque sont
importants, plus l’existence d’un emploi injustifié sera aisée à établir.
Le préjudice, troisième et dernière condition, engendré par cet emploi injustifié de la marque
notoire peut être soit la dilution c’est à dire l’atteinte portée au caractère distinctif de la marque
notoire, soit le ternissement de la réputation de la marque c’est à dire l’atteinte à sa renommée, ce
qui peut être le cas si le signe est utilisé dans un cadre dégradant par exemple.

Question 11 : Les actes constitutifs de contrefaçon


Tous les actes ne sont pas constitutifs de contrefaçon. Le monopole d’exclusivité n’est pas défini
par le législateur, il a néanmoins donné une liste limitative des comportements constituant une
atteinte au droit de marque. Les législateurs français et européen ont prévu qu’il y a des actes qui
sont soumis à autorisation et d’autres qui sont permis sans autorisation.
L’article 5 paragraphe 1 de la directive de 1988 retient que le propriétaire d’une marque ne peut
interdire aux tiers l’usage de son signe que si ce dernier s’effectue dans le cadre de la vie des
affaires. Il faut un usage dans la vie des affaires. L’article L713-2 et 3 du CPI n’a pas repris
directement cette expression à l’inverse du règlement sur la marque communautaire.
Il ne fait cependant aucun doute sur le fait que la condition d’usage dans la vie des affaires est une
condition préalable à la mise en oeuvre de la protection du droit sur la marque.
L’Arrêt Arsenal précise qu’il y a usage dans la vie des affaires lorsque cet usage se situe dans le
contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique et non dans le domaine privé.
Le défaut d’usage dans la vie des affaires est un obstacle à la mise en œuvre de la protection
traditionnelle des marques mais elle n’est pas en soi un obstacle à la protection spécifique des
marques de renommée pour parasitisme ou dilution.
Le recours au critère de la vie des affaires permet par ailleurs de faire une place particulière à la
parodie en droit des marques. Le détournement d’un signe pour des raisons militantes ou
parodiques peut sans doute être analysé comme un usage hors de la vie des affaires et échapper
ainsi à la sanction. Il reste que les auteurs de parodie peuvent engager leur responsabilité civile si
leurs actes sont jugés fautifs pour dénigrement ou abus de liberté d’expression.

Outre les contraintes imposées par le critère de la vie des affaires, il y a en droit des marques les
actes interdits par la loi et les actes qui par nature pourraient constituer une contrefaçon mais que
le législateur autorise expressément. L’article L713-2 du CPI cite à cet égard les actes de
reproduction, d’apposition et d’usage de la marque dans la même spécialité que celle de la marque
enregistrée. Ainsi, le contrefacteur peut être coupable du simple fait d’avoir fabriqué des flacons
ou d’y avoir apposé la marque même s’il ne les a pas vendus. Il sera coupable du délit de
contrefaçon par reproduction, il sera coupable pour n’avoir pas demandé l’autorisation. L’usage est
toléré par la jurisprudence lorsque la marque est mentionnée aux fins d’information ou dans un
roman par exemple. La reproduction totale ou partielle de la marque consiste en une copie servile,
il s’agit de la reproduire à l’identique. Il n’y a pas reproduction mais imitation selon l’article L713-3
si le signe reproduit et/ou utilisé n’est pas identique à la marque enregistrée mais diffère quelque
peu aux yeux du consommateur moyen. Cette interprétation restrictive a été entérinée par la CJUE
dans l’affaire « Arthur et Félicie » du 20 mars 2003. Ainsi la marque Arthur et Félicie ne reproduit
pas à l’identique la marque Arthur en raison d’une adjonction qui n’est pas insignifiante aux yeux
du public.
Est aussi un acte de contrefaçon qui requiert autorisation, le dépôt à l’INPI d’un signe déjà
approprié à titre de marque. En revanche le dépôt d’un nom de domaine auprès d’un organisme
spécialisé ne constitue pas une contrefaçon tant que le nom de domaine reste inactif.

Certains actes sont soumis à autorisation mais à la condition qu’ils créent un risque de confusion.
L’imitation existe aussi bien pour des produits ou services identiques que pour une spécialité
similaire à celle désignée dans l’enregistrement. Selon les critères dégagés par la CJUE dans
l’affaire Sabel, en date du 11 novembre 1997, l’imitation résulte d’une similitude visuelle,
phonétique ou conceptuelle entre les deux signes. En l’absence d’identité entre les produits ou
services, un autre type d’actes est visé par la loi, la reproduction, l’usage et l’apposition d’une
marque pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. Le risque
de confusion est la clé de voûte de la protection des marques. Il y a risque lorsque le public est
porté à croire que les objets ou services en concurrence dans la même spécialité proviennent de la
même personne.
Il ressort de la jurisprudence de la CJUE que ce risque s’apprécie de façon globale en considération
de l’impression d’ensemble produite par les signes utilisés sur un consommateur d’attention
moyenne qui n’a pas simultanément les deux marques sous les yeux au moment où il consomme
les produits ou au moment où il utilise les services.

Question 12 : L’épuisement du droit


L’épuisement permet aux tiers de commercialiser ou d’importer le bien couvert par la marque
après épuisement du droit dans les conditions précisées par la loi et par la jurisprudence. La
première mise sur le marché d’un produit portant la marque avec le consentement du titulaire,
épuise son droit d’autoriser la commercialisation ultérieure de ses produits, c’est la règle de
l’épuisement qui est une limitation imposée par la jurisprudence à l’exercice du monopole de
propriété intellectuelle au nom de la libre circulation.
La règle a été consacrée par le législateur, on la retrouve à l’article 7 paragraphe 1 de la directive de
1988, à l’article L713-4 du CPI et dans le règlement sur la marque communautaire.
Le titulaire de la marque qui place ses produits ou services dans le commerce de l’espace
économique européen ou qui donne son autorisation à cette mise dans le commerce ne peut plus
invoquer son monopole pour s’opposer aux importations parallèles. L’épuisement est limité à la
distribution et à l’importation ou l’exportation des produits marqués, il ne couvre pas les autres
prérogatives ou opérations.
Le titulaire dispose donc d’une prérogative : celle d’autoriser ou d’interdire une fois pour toute la
commercialisation.
La CJUE a précisé que la preuve du consentement du titulaire incombe à l’importateur.
La CJUE est aussi venue préciser dans l’affaire Merck du 23 avril 2002 que l’épuisement n’empêche
pas l’importateur parallèle de reconditionner les produits marqués.
La CJUE a par ailleurs dans l’affaire Pick du 30 novembre 2004 précisé la définition de la notion de
mise dans le commerce.
Ainsi en vendant des produits revêtus du signe distinctif, le titulaire épuise son droit sur la marque
apposée sur les produits. En revanche en l’absence de transfert de propriété des produits le droit
sur la marque ne s’épuise pas. Le titulaire conserve tous ses droits sur la marque apposée sur les
produits importés ou simplement proposés à la vente.
D’autres limitations légales permettent à des tiers d’utiliser la marque. Elles sont prévues aux
articles L713-6 du CPI et 12 du règlement sur la marque communautaire. On retiendra deux
hypothèses :
1) L’utilisation de la marque par les titulaires de droits antérieurs. En effet l’enregistrement de la
marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe comme dénomination sociale, nom
commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est antérieure à l’enregistrement. Il en va de
même si cette utilisation est le fait d’un tiers de bonne foi faisant usage de son nom patronymique.
2) La seconde hypothèse vise le conflit entre droit de propriété et droit à une publicité
comparative. L’utilisation de la marque par un concurrent dans une publicité comparative est une
exception légale à condition que la publicité soit licite selon les règles posées par le code de la
consommation.

Question 13 : Le régime de l’action en contrefaçon de marques

L’action en contrefaçon de marque civile ou pénale est exclusivement dévolue aux juridictions
nationales, qu’il s’agisse de protéger la marque nationale ou la marque communautaire. Le CPI
offre des procédures de saisies qui peuvent être préventives pour empêcher les contrefaçons.
Elles sont détaillées dans l’article L716-6 du CPI. Ces mesures préventives peuvent consister en une
saisie-contrefaçon prévue à l’article L716-7, soit en une saisie-description soit en une saisie-réelle.
Les mesures préventives peuvent aussi consister en une retenue en douanes.

Le déclenchement de l’action en contrefaçon.


L’action est ouverte aux titulaires ou à son cessionnaire. Le licencié exclusif peut intenter l’action à
condition d’avoir mis vainement le propriétaire en demeured’agir. Les ayants-cause du propriétaire
initial ne peuvent agir que si leur contrat a été publié au registre national des marques. Le licencié
simple peut seulement intervenir si son contrat n’a pas été publié. Le titulaire d’une marque
notoire non enregistrée ne peut pas agir en contrefaçon.

Entre le dépôt de la demande et sa publication, l’action n’est possible que si le demandeur notifie
au défendeur une copie certifiée de son dépôt. A partir de la publication de la demande, le
déposant peut assigner le prétendu contrefacteur sans conditions particulières. Les faits
répréhensibles sont ceux qui sont commis à partir de la publication de la demande
d’enregistrement ou à partir de la notification. Le Tribunal doit surseoir à statuer jusqu’à la
publication de l’enregistrement. L’action se prescrit par 3 ans.

Le déroulement de l’action en contrefaçon.


Au civil le demandeur n’a pas à se préoccuper de la bonne ou de la mauvaise foi du défendeur.
Pour certains agissements, il devra surtout établir le risque de confusion. L’article L716-7-1 permet
de demander au tribunal d’ordonner la production de documents permettant d’identifier les
personnes impliquées dans la contrefaçon, les quantités produites ou commercialisées ainsi que
leur prix.
Au pénal, la contrefaçon des marques est en France un délit non intentionnel. L’élément matériel
de l’infraction doit être établi de la même manière qu’au civil. C’est seulement dans le cas du délit
de substitution de produits prévu à l’article L716-10 d) du CPI qu’il faudra établir que le défendeur
a agi sciemment. Les moyens du défendeur sont les mêmes au civil qu’au pénal. Il peut répliquer
en alléguant l’absence de contrefaçon parce que l’acte de contrefaçon est permis ou autorisé, la
prescription triennale de l’action en contrefaçon prévue à l’article L716-6 alinéa 3, la nullité ou la
déchéance peuvent être invoquées pour dire que le titulaire est sans droit ou encore la forclusion
par tolérance qui sanctionne comme on l’a vu le fait pour le titulaire de la marque première d’être
resté passif pendant 5 ans après avoir pris connaissance de l’exploitation de la marque seconde.

Le dénouement de l’action.
Au civil, le tribunal pourra prononcer contre le défendeur diverses interdictions comme celle
d’utiliser la marque contrefaisante, la radiation de la marque contrefaisante, la publication du
jugement, le retrait des objets contrefaisants des circuits commerciaux mais aussi et surtout des
dommages et intérêts, à hauteur des bénéfices réalisés par le contrefacteur.
Au pénal, le tribunal correctionnel peut prononcer diverses confiscations et la fermeture de
l’établissement du délinquant. Quant aux peines, l’article L716-9 prévoit 400 000 Euros d’amende
et 4 ans de prison. Lorsque la contrefaçon a été commise en bande organisée, les peines sont
portées à 500 000 Euros d’amende et à 5 ans d’emprisonnement. Depuis la loi du 5 février 1994, il
existe en outre un délit douanier de contrebande sanctionné par l’article 414 du code des douanes
et les amendes prévues par ce code peuvent se cumuler avec celles de droit commun.

THÈME 4 : Le droit des dessins et modèles.

Le monopole sur les dessins et modèles se traduit par le droit d’interdire à autrui de copier ou
d’utiliser la même gamme de produit. Il récompense la création de produits à l’apparence
attractive de clientèle. L’objectif du dessin et modèle est de compléter la protection offerte sur les
autres terrains de la propriété intellectuelle. Selon les pays, les dessins et modèles peuvent aussi
être protégés exclusivement ou cumulativement sur le terrain des droits
d’auteur.

I. Conditions de fond.

A. La titularité.

Si le dépôt du dessin et modèle est, du reste en France, obligatoire, le titulaire est le créateur. C’est
ce qu’énonce l’article L511-9 du CPI. L’employeur ne peut être investi des droits qu’en vertu d’une
cession expresse. Un groupe de créateurs peut effectuer un dépôt de dessin et modèle en
copropriété. La preuve de la titularité pose souvent difficultés. Le code a alors prévu une
présomption qui joue en faveur du déposant, le premier déposant est considéré comme le
créateur. Le véritable propriétaire a la possibilité d’intenter une action en revendication selon les
modalités prévues à l’article L511-10 du CPI.

B. Les objets susceptibles d’appropriation.


Question 1 : Le principe d’appropriation du dessin et modèle
Question 2 : La notion de création protégeable par le droit des dessins & modèles

Concernant les objets susceptibles d’appropriation, deux conditions de fond doivent être remplies
pour pouvoir déposer un dessin et modèle :
1) Une création de forme à caractère ornemental ou esthétique.
Question 3 : La condition d’apparence du produit

Le droit des dessins et modèles ne protège que les créations objets qui se matérialisent dans une
forme à l’exclusion des idées et du style. Contrairement au droit d’auteur, le dessin et modèle doit
résulter d’un effort qui s’est obligatoirement concrétisé matériellement. A la différence du droit
d’auteur, le législateur ne propose pas une liste des choses qui peuvent être appropriée. Seule la
pratique permet d’identifier des exemples de formes appropriables, peu importe que la forme en
cause soit en 2 ou 3 dimensions.
La création doit présenter un caractère propre ou individuel. Un dessin ou modèle a un caractère
propre lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de
celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt. La notion de caractère
propre est la transposition française de la notion de caractère individuel consacrée par la directive
et par le règlement. L’observateur averti n’est ni l’expert en esthétique ni le simple consommateur.
L’analyse de la jurisprudence française nous informe qu’il s’agit de l’utilisateur doté d’une vigilance
particulière que ce soit en raison de son expérience professionnelle ou de sa connaissance étendue
du secteur considéré. Autrement dit, l‘objet doit avoir un caractère propre ou individuel dans le
domaine créatif considéré.
La création doit remplir la condition d’apparence. Le domaine d’appropriation est limité aux seuls
éléments visibles. La forme doit être visible, apparente pour l’utilisateur final. Cette notion signifie
que le dessin et modèle doit être perceptible par la vue et non par le toucher. Ne sont pas non plus
protégeables les éléments dissimulés à l’intérieur d’un objet.
La création doit présenter un caractère ornemental ou esthétique. Le dessin et modèle doit
présenter un caractère esthétique et non pas purement utilitaire. Bien que la loi ne le mentionne
pas, il est acquis que, pour que la forme de l’objet soit protégée, elle doit avoir une valeur
attractive de clientèle, apporter un plus à l’objet commercial qui peut avoir une destination
industrielle voire une fonction utilitaire.
Attention, dans le cas où la création est purement utilitaire et ne poursuit aucun but ornemental ni
esthétique, l’article L511-8 prévoit qu’une telle création n’est pas protégeable sur le terrain des
dessins et modèles dès lors qu’elle est protégeable sur le terrain des brevets. En outre, dans le cas
où la création est à la fois utilitaire ou ornementale, on parle de forme fonctionnelle comme la
planche à voile dont la forme est imposée pour assurer une bonne flottaison. Si l’on peut dissocier
la forme ornementale de son résultat utilitaire, le cumul des protections est permis par la loi. Si les
deux sont indissociables, l’objet peut seulement être protégé à titre de brevet.

2) Une création doit nouvelle.


Question 4 : La condition de nouveauté de la forme

La condition de nouveauté est posée en droit des dessins et modèles par la loi française mais aussi
par la directive et par le règlement sur le dessin et modèle communautaire, à l’article 5.
En France selon l’article L511-3, la nouveauté existe si à la date du dépôt de la demande aucun
dessin ou modèle identique n’a été divulgué. Il n’est pas nécessaire de démontrer une activité
artistique. La nouveauté de la forme extérieure du produit s’entend de la différence par rapport à
l’état de l’art antérieur au dépôt. Ainsi le dépôt effectué à l’étranger constitue une antériorité.
Des dessins et modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne
diffèrent que par des détails insignifiants. Ce contrôle s’impose aux offices comme aux juges. Un
dessin et modèle est différent de ses prédécesseurs s’il est nouveau de mémoire d’hommes sans
aucune limitation de temps ni même de territoire.
Il est acquis que la création doit produire sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale
différente. Il n’est pas question d’imposer une analyse caractéristique par caractéristique du
produit en cause. Seule une appréciation d’ensemble est acceptable.
Pour autant la liberté de création n’est pas la même dans tous les secteurs d’activité, il convient
d’en tenir compte pour apprécier la condition de nouveauté. L’antériorité n’est opposable que si
elle a été divulguée, c’est à dire rendue accessible au public mais aussi raisonnablement connue
des professionnels du secteur concerné.
Comme en droit d’auteur la divulgation est donc l’acte qui rend la création accessible au public. Les
formes de la divulgation importent peu. La preuve de l’antériorité est toujours à la charge de celui
qui l’invoque pour contester la protection d’un dessin et modèle.
Un dessin et modèle doit-il être de surcroît original ? Avant la réforme de 2001 la jurisprudence a
fait un amalgame entre nouveauté et originalité et ainsi la Cour de Cassation a pu exiger du dessin
et modèle qu’il soit nouveau et qu’il exprime la personnalité de l’auteur. Après la réforme, cette
juridiction a cultivé l’ambiguïté. Frédéric Pollaud-Dulian fait justement observer que la condition
d’originalité découle de la notion même de création. Concrètement, il est vrai que l’on a du mal à
concevoir un dessin et modèle nouveau mais banal. Il reste que l’empreinte de la personnalité
n’est pas une condition de fond de la protection des dessins et modèles en France. Néanmoins la
preuve de cette condition peut servir à établir la nouveauté.

II. Conditions de forme.

A. Procédures nationale et européenne.


Question 5 : Les formalités du dépôt devant l’OHMI

Il existe deux régimes de dépôt en France : le dépôt ordinaire et le dépôt simplifié qui bénéficie
aux industries qui renouvellent fréquemment la forme et le décor de leurs produits, article L512-2
du CPI. Le recours à la procédure du dépôt simplifié peut être fait auprès de l’INPI. Cette procédure
obéit à certaines formalités allégées. La présentation des reproductions est moins exigeante.
Surtout le dépôt simplifié est aussi moins coûteux que le dépôt ordinaire dont il est ici question. Le
dépôt du dessin ou modèle est reçu en France au siège de l’INPI pour l’obtention d’un titre
national.

Une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire peut être déposée auprès
de l’OHMI. Procédure nationale et européenne sont assez proches.

Le déposant doit remplir une demande d’enregistrement laquelle comporte, à peine


d’irrecevabilité, l’identification du demandeur, une redevance fixe et une redevance pour chaque
reproduction mais surtout une ou plusieurs reproductions graphiques ou photographiques des
dessins ou modèles éventuellement accompagnées d’une brève description.

Après la période du dépôt vient celle de l’examen du dossier, examen effectué par l’office, suivant
une procédure propre à chaque office, il est possible pour le déposant autorisé sur requête de
corriger les erreurs matérielles relevées dans les documents déposés.

Une fois le dépôt effectué, l’office procède à un contrôle formel et de fond. En effet il pourra
rejeter le dépôt si la demande n’a pas été faite dans les conditions de forme réglementaire sous
réserve des irrégularités auxquelles il peut être remédié.

L’office pourra également rejeter le dépôt sur le fond s’il porte sur des dessins et modèles
contraires à l’ordre public et aux bonnes moeurs. En droit communautaire comme en droit
français, l’office s’assure en outre que l’objet de la demande répond à la définition d’un dessin ou
modèle mais il n’a pas pour mission d’apprécier les autres conditions de fond. Il ne se livre donc
pas à un examen des caractères créatif, ornemental, propre, il ne vérifie pas la nouveauté ni la
condition d’extériorité de la forme.

Lorsque le dépôt est recevable il est publié sur un registre mentionnant pour chaque dépôt
l’identité du titulaire ainsi que les éléments permettant l’identification du dessin ou modèle.

Toute inscription fait l’objet d’une mention au sein d’une publication officielle. L’OHMI inscrit le
dessin ou modèle au registre des dessins et modèles communautaires. Ensuite l’enregistrement est
publié par l’office dans un bulletin ouvert au public. En France la publication est faite au BOPI et le
dépôt est mentionné au Registre national des dessins et modèles. La publication marque une date
importante car l’action en contrefaçon n’est recevable qu’à partir du moment où le dépôt a été
publié.

Les décisions des offices peuvent faire l’objet de recours. Les recours contre les décisions de l’INPI
sont portés devant la Cour d’Appel du lieu de résidence de la personne qui a formé le recours.
Les recours contre les décisions de l’OHMI sont portés devant la Chambre des recours et peuvent
être formés dans les deux mois à compter du jour de la notification de la décision litigieuse.

B. Les effets de l’enregistrement du dessin & modèle ( question 6)

Au regard de la titularité, l’enregistrement fait rétroactivement naître le droit de propriété au jour


du dépôt de la demande devant l’office ou au jour du dépôt de la demande devant l’office d’origine
si la priorité unioniste a été invoquée. Le déposant est supposé être le créateur. Dans le cas où le
déposant n’est pas le créateur, le créateur pourra renverser la présomption en prouvant sa qualité
par tous moyens.
Dans le cas où la création est le fruit d’un travail collectif, la propriété s’exerce en indivision entre
les coauteurs.
Le titulaire du droit au dessin ou modèle créé dans le cadre d’un rapport contractuel autre qu’un
rapport de travail subordonné tel que les dessins ou modèles réalisés par un prestataire pour le
compte d’un maître d’ouvrage doit être déterminé d’après la volonté expresse des parties et la loi
applicable au contrat.
Cette interprétation résulte de l’arrêt FEIA de la CJCE du 2 juillet 2009. Suivant cet arrêt, le dessin
ou modèle communautaire appartient au créateur même lorsqu’il est réalisé dans le cadre d’un
contrat de commande. Mais pour que le régime de l’article 14 paragraphe 3 s’applique il est
nécessaire que le modèle ait été créé par un salarié. La création doit être réalisée dans l’exercice
des obligations du salarié ou suivant les instructions de son employeur.

Question 7 : Les cause de nullité du titre


En droit d’auteur, l’absence de procédure de dépôt conduit à envisager la nullité pour défaut
d’originalité dans le cadre du seul contentieux judiciaire comme moyen de défense à une action en
contrefaçon. En matière de dessins ou modèles la nullité est aussi, comme en droit des marques et
en droit des brevets, un argument du tiers pour s’opposer à la validité du titre de propriété. Mais à
la différence du droit des marques ou des brevets, il n’y a pas de procédure d’opposition devant
l’office national ou régional en droit des dessins ou modèles. Le titre bénéficie d’une présomption
de validité et il appartient aux tiers de la faire tomber.

L’absence de contrôle au fond dans le cadre d’une procédure d’opposition n’écarte pas toute
compétence de l’OHMI pour apprécier la validité post-dépôt du titre de propriété communautaire
ou unitaire.
En droit français l’article L512-4 a écarté la compétence de l’INPI et a prévu que la nullité peut
seulement être faite en justice à titre principal ou à titre reconventionnel. Le règlement a prévu
que dans le cadre d’une action en contrefaçon, la nullité d’un dessin ou modèle communautaire
non enregistré peut être prononcée par le tribunal national communautaire des dessins ou
modèles, en France le TGI de Paris. Mais si le dessin ou modèle est enregistré, l’article 24 du
règlement a prévu que la demande en nullité peut être formée au principal devant l’OHMI et dans
le cadre d’une action en contrefaçon à titre reconventionnel devant le tribunal national des dessins
ou modèles communautaires. La décision de l’OHMI est susceptible d’un recours.
Les causes de nullité du titre français comme les causes de nullités du titre unifié sont celles de
l’article 11 de la directive de 1998, cet article a été transposé à l’article L512-4 du code français et
on le retrouve à l’article 25 du règlement. Ces deux textes proposent une liste exhaustive des
causes de nullité relative et absolue.
Le non-respect des conditions de fond de validité des titres est sanctionné par la nullité absolue :
absence de caractère propre ou individuel, absence de nouveauté par exemple. Les causes de
nullité absolue sont celles qui peuvent être invoquées par tout intéressé. Elles sont identiques en
droit français et en droit européen unifié.
Les causes de nullité relative sont celles qui ne peuvent être invoquées que par une catégorie
limitée de personnes, en pratique celles qui détiennent une antériorité opposables et qui n’ont pas
donné une autorisation au déposant. Il existe 4 causes de nullité relative communes au droit
français et au droit européen unifié :
1) D’abord le dépôt effectué en violation des droits du créateur ou de l’ayant-cause, c’est à dire le
dépôt frauduleux permettant au créateur ou à l’ayant cause d’exercer une action en revendication
de propriété.
2) Ensuite la nullité en violation des droits d’un dessin ou modèle antérieur, divulgué après la date
de dépôt ou de priorité de la demande d’enregistrement. C’est à dire qu’il est possible de
demander la nullité en cas de conflits dans le temps entre la période de dépôt et la date de
divulgation du bien intellectuel. Deux hypothèses sont visées : celle où le dessin ou modèle déposé
est en conflit avec un dessin ou modèle antérieur divulgué après le dépôt ou après la date de
priorité du dessin ou modèle.
Celle où la priorité unioniste est revendiquée à une date antérieure correspondant à
l’enregistrement ou à la date du dépôt d’un dessin ou modèle dans un pays origine.
3) L’atteinte à un droit d’auteur antérieur et il s’agit ici de sanctionner l’utilisation d’une oeuvre
protégée sur le terrain du droit d’auteur. Dans ce cas, le dépôt constitue une reproduction non
autorisée de l’oeuvre antérieure.
4) Est aussi une cause de nullité relative, commune au droit français et au droit européen unifié,
l’atteinte à un signe distinctif antérieur. L’expression de signe distinctif recouvre les marques,
l’enseigne, le nom commercial, le nom de domaine ou encore la dénomination sociale, le conflit
peut surgir dès lors qu’un dessin déposé reproduit l’un de ses signes antérieurs qui ont été
appropriés par un tiers.
L’expression de signe distinctif recouvre les marques, l’enseigne, le nom commercial, le nom de
domaine ou encore la dénomination sociale, le conflit peut surgir dès lors qu’un dessin déposé
reproduit l’un de ses signes antérieurs qui ont été appropriés par un tiers.

S’agissant enfin des effets de la nullité, il est acquis que la décision du juge ou de l’OHMI
concernant les dessins ou modèles unitaires enregistrés porte sur l’ensemble du territoire
concerné. La nullité produit un effet rétroactif et le titre de propriété est tenu pour ne jamais avoir
existé emportant résolution des contrats qui ont pu être passés pour l’exploitation du bien.
C’est à cet égard que l’article L512-6 signale l’effet absolu de la décision d’annulation.
Toutefois l’effet absolu de la nullité n’affecte pas les décisions en contrefaçon ayant acquis autorité
de chose jugée avant la décision d’annulation et l’effet absolu de la nullité n’affecte pas non plus les
contrats conclus et exécutés antérieurement à la décision d’annulation. Il convient par ailleurs
d’indiquer que les effets de la nullité peuvent être partiels si les motifs de nullité n’affectent le
dessin ou modèle qu’en partie seulement. Dans ce cas le droit français et le règlement admettent
la possibilité de maintenir l’enregistrement sous une forme modifiée. Cela signifie que le titulaire
aura renoncé pour l’avenir à une partie de la protection jusque-là accordée.
C. Les stratégies de dépôts (INPI, OHMI, OMPI) ( question 8 )
En règle générale pour pouvoir être enregistré le dessin et modèle doit être nouveau et/ou
original. Les exigences et la définition du dessin ou modèle pouvant varier d’un pays à l’autre. La
procédure peut comprendre ou non un examen de fond en vue de déterminer la nouveauté et/ou
l’originalité de l’apparence du produit.
La durée de protection du titre est en règle générale de 5 ans et peut faire l’objet de
renouvellement pendant une durée maximum qui se situe entre 15 et 25 ans. La durée minimale
imposée par l’ADPIC est de 10 ans. Selon la législation, le dessin et modèle peut aussi être protégé
en tant qu’oeuvre d’art si le cumul de protection est possible sachant qu’il n’a pas été imposé par
le législateur européen.
A titre de rappel le dépôt peut se faire devant l’INPI pour l’obtention d’un titre national, devant
l’OHMI pour l’obtention d’un titre unitaire et aussi auprès de l’OMPI pour l’obtention de plusieurs
titres nationaux. Ce choix est stratégique pour le déposant, il choisira un ou plusieurs offices en
fonction des territoires sur lesquels il souhaite obtenir protection. Pour définir une stratégie il est
important de dresser un bilan de toutes les possibilités de protection. Au dépôt communautaire
s’ajoute la possibilité d’un dépôt national ou d’un dépôt international selon la procédure
centralisée.

III. Contenu du droit.

A. Durée.
En droit franco-communautaire, l’enregistrement du dessin ou modèle confère un droit de
propriété industrielle sur les dessins ou modèles pendant une période de 5 ans renouvelables 4
fois par période de 5 ans dans la limite de 25 ans.
Cependant le dessin ou modèle peut aussi faire l’objet d’une protection pour une durée de 70 ans
post mortem sur le terrain du droit d’auteur. En vertu du principe de l’unité de l’art consacré par le
droit franco-communautaire les dessins ou modèles déposés sont également qualifiables d’oeuvres
de l’esprit protégés en cette qualité par le droit d’auteur. Le titulaire peut alors utiliser les deux
terrains pour protéger efficacement le dessin ou modèle.

B. Prérogatives.
On définira le contenu du droit de propriété en abordant d’abord la question non harmonisée du
cumul de protection puis nous allons définir les prérogatives du titulaire du dessin ou modèle
communautaire non déposé pour mieux distinguer ses prérogatives de celles attachées au dessin
ou modèle enregistré.

Question 9 : Le principe du cumul de protection.


S’agissant du cumul de protection, la règle de l’unité de l’art est facultative. Une divergence de
taille entre les pays européens porte sur le cumul de protection du dessin ou modèle sur le terrain
de la propriété industrielle et sur celui du droit d’auteur. La règle du cumul n’a pas été imposée,
elle est pour les Etats une simple possibilité.
En Europe, la directive a cherché à encourager les Etats membres à donner des droits d’auteur ad
vitam à l’artiste qui créé la forme ornementale sans formalité, en plus des avantages conférés par
le dépôt à titre de dessin et modèle. Cette autorisation de cumul est un avantage certain pour
l’auteur si le dépôt du dessin et modèle est annulé ou quand la durée de protection du dessin ou
modèle est expirée. Si l’oeuvre est tombée dans le domaine public, les ayants droit de l’auteur
pourront la déposer comme dessin ou modèle et cumuler les deux durées de protection à savoir
70 ans post mortem et 25 ans depuis le dépôt.
Le dépôt donne aussi une date certaine à partir de laquelle nul ne peut pendant un temps, copier
ou imiter l’apparence extérieure du produit ornemental.
Le droit d’auteur permet quant à lui de bénéficier du droit moral absent de la propriété
industrielle.

En France le cumul de protection est possible selon l’article L513-2 du CPI, les dessins ou modèles
sont protégeables par le droit d’auteur s’ils constituent des oeuvres de l’esprit en dépit de leur
destination industrielle.
Comme la règle du cumul est une mesure d’harmonisation facultative en Europe, les États
membres gardent toute latitude pour continuer comme l’Italie ou l’Allemagne à interdire le cumul
avec le droit d’auteur ou comme le Royaume-Uni à autoriser le cumul de la protection du design
non industriel sur le terrain du copyright. Il en résulte une grande insécurité juridique pour le
titulaire du dessin ou modèle.

Question 10 : La protection du dessin & modèle non déposé par le droit européen unifié
Le règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 a prévu deux types distincts de protection des dessins
ou modèles communautaires selon qu’ils sont enregistrés ou non à l’OHMI.
La protection accordée à un dessin ou modèle non enregistré est caractérisée par le quarter. Il est
protégé pendant une période de 3 ans à compter de la date à laquelle il a été divulgué pour la
première fois au public au sein de l’UE.
Il peut s’agir de la date de la mise en vente du produit par des actions de marketing ou de
publication. Cette forme de protection peut être utile dans des secteurs qui utilisent d’importantes
quantités de dessins ou de modèles destinés à des produits qui ont souvent une vie économique
courte. C’est le cas dans le secteur de la mode et du textile par exemple.
Ces produits peuvent ainsi bénéficier d’un certain niveau de protection sans devoir passer par une
procédure plus longue.
Ensuite le degré de protection offert aux dessins ou modèles non enregistrés est moindre que le
degré de protection offert aux dessins et modèles enregistrés. En effet un titre enregistré est
protégé à la fois contre la copie systématique et contre le développement indépendant d’un dessin
ou modèle similaire. Tandis qu’un dessin ou modèle non enregistré est protégé uniquement contre
la copie systématique non autorisée effectuée à des fins commerciales.

La protection d’un dessin ou modèle enregistré.


Un dessin ou modèle enregistré bénéficie d’une sécurité juridique plus formelle et plus grande que
le dessin ou modèle non enregistré. L’enregistrement permet de s’opposer aux créations similaires
réalisées de manière indépendante par un autre créateur, même un créateur de bonne foi. Selon le
droit franco-communautaire, l’enregistrement d’un dessin ou modèle confère à son titulaire le
droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers n’ayant pas son autorisation d’utiliser ou de
copier le dessin ou modèle.
L’article L513-4 du CPI dispose « sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin
ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation, ou
la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle. »
L’article L521-3 1° relatif à la preuve de la contrefaçon prévoit la saisie des produits importés,
fabriqués, détenus, mis en vente, livrés ou fournis illicitement.

C. Les limites au droit de propriété ( question 11).


Le monopole sur le dessin ou modèle a ses limites et ses exceptions.
Tout d’abord l’exercice du monopole s’épuise dans les mêmes conditions que les autres titres de
propriété intellectuelle c’est à dire après une première mise sur le marché de l’Espace Economique
Européen des produits incorporant des dessins et modèles avec l’autorisation ou le consentement
de son titulaire.
Les articles L513-6 du CPI et 20 du règlement précisent que la protection des dessins et modèles
ne s’étend pas aux utilisations privées ni à celles effectuées à des fins non commerciales.
L’autre exception au droit d’autoriser concerne les actes accomplis à des fins expérimentales.
La dernière exception porte sur les actes de reproduction à des fins d’illustration ou
d’enseignement.
Pour éviter tout abus, l’article L513-6 soumet l’exception à des conditions : d’une part la
reproduction doit être conforme à des pratiques commerciales loyales et cette condition est un
héritage indirect de la notion américaine de « fair use ».
D’autre part la reproduction ne doit pas porter préjudice à l’exploitation normale du dessin ou
modèle.
Enfin un substitut de droit à la paternité est ici créé puisque la personne qui effectue la
reproduction doit mentionner l’enregistrement et le nom du titulaire des droits.
Sont également considérées comme des exceptions au droit de propriété par le règlement 2001,
les actes accomplis à des fins essentielles de défense ou de sécurité. L’article 23 écarte ainsi le jeu
du monopole lorsqu’un Etat membre autorise l’utilisation du bien intellectuel par le gouvernement
ou pour le compte de ce dernier. Par ailleurs l’article 22 fonde une autre exception au droit de
propriété sur une utilisation antérieure. Cela permet à tout tiers qui établit avoir commencé à
utiliser de bonne foi le bien intellectuel dans l’UE avant la date de dépôt de la demande ou avant la
date de priorité revendiquée de se prévaloir sans crainte d’un droit sur son utilisation antérieure et
de continuer à exploiter le modèle dans les mêmes conditions.
On trouve une dernière exception dans le règlement. Il s’agit de l’exception concernant les pièces
détachées automobiles, exception consacrée par le règlement pour libéraliser ce secteur-là du
commerce européen.

D. L’action en contrefaçon civile et pénale ( question 12).


Le monopole sur les dessins ou modèles est mis en oeuvre de façon défensive par le recours à
l’action en contrefaçon civile et/ou pénale qui sanctionne les utilisations sans autorisation.
Les juridictions nationales des Etats membres sont exclusivement compétentes pour sanctionner
les actes de contrefaçon concernant les dessins ou modèles communautaires enregistrés et non
enregistrés.
En France, le dépôt est une condition de recevabilité de toutes les actions susceptibles d’être
entreprises par le titulaire au civil comme au pénal. Il en résulte que les faits antérieurs au dépôt
ne permettent pas de défendre le titre de propriété. Les faits commis entre le dépôt et
l’enregistrement ne le permettent pas davantage sauf si le déposant a pendant cette période
notifié aux tiers, copie du dépôt de son dessin ou modèle. Ce sont les faits postérieurs à la publicité
de l’enregistrement qui sont susceptibles d’être sanctionnés.

L’action civile est ouverte à son déposant ou à son cessionnaire de même qu’au licencié exclusif
mais à condition que le propriétaire concédant n’ait pas réagi à la mise en demeure du licencié. Le
déposant peut agir en amont de l’action en contrefaçon pour violation du droit sur le dessin ou
modèle afin de se pré-constituer une preuve de l’infraction ou d’y mettre un terme. Il peut selon
l’article L512-4 adresser une requête au président du tribunal de grande instance en vue d’une
saisie-description ou d’une saisie-réelle des objets ou matériels contrefaisants.
En vertu de l’article L521-14, il peut également solliciter la retenue en douanes des marchandises
contrefaisantes.
Au pénal, les officiers de police judiciaire peuvent intervenir sur demande du déposant pour saisir
les produits ou matériels litigieux, cela est prévu à l’article L521-9.
A partir de la publication de l’enregistrement, le titulaire du dessin ou modèle pourra saisir le TGI
au civil et le Tribunal Correctionnel au pénal. La juridiction territorialement compétente étant
définie par décret. Le Tribunal administratif pourra être compétent si le défendeur est une
personne publique telle une université par exemple.
Toute action est bien entendue exclue pour des faits postérieurs à la durée de protection.

Quelles preuves doit fournir le titulaire du titre de propriété ?


Tout d’abord il doit établir un élément moral au pénal, c’est à dire qu’il doit prouver que le
contrefacteur a agi sciemment. Au civil l’élément moral n’a semble-t-il pas à être établi depuis
l’abrogation de l’ancien article L521-2.
Au civil comme au pénal le titulaire doit prouver l’élément matériel du délit à savoir une
exploitation sans autorisation. Le plus souvent il s’agit d’une reproduction. n’y a contrefaçon que
s’il existe un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle celle-ci pouvant être constituée de
professionnels ou de non-professionnels.

Quels sont les arguments de défense ?


Invoquer l’absence de matérialité de la contrefaçon ou hormis le cas du dessin ou modèle
communautaire non enregistré, invoquer l’invalidité du dépôt en invoquant le non-respect d’une
condition de fond telle l’existence d’une antériorité par exemple. Le défendeur peut également
invoquer l’une des exceptions ou limitation à l’exercice du monopole que nous avons étudiées. Ces
moyens de défense ne le mettent pas pour autant à l’abri d’une action en concurrence déloyale ou
en parasitisme économique.

Quel est le dénouement de l’action ?


Au civil, la contrefaçon peut donner lieu à réparation sur le fondement de la contrefaçon en soi
et/ou le cas échéant sur celui des articles 1382 et suivants du Code civil. Le fait générateur du
dommage, c’est la contrefaçon. Le préjudice, c’est le manque à gagner généré par la vente des
objets contrefaisants à la place des objets protégés c’est à dire des objets contrefaits.
Le préjudice commercial peut aussi découler d’une dépréciation des dessins ou modèles
contrefaits dans le cas où les objets contrefaisants sont vendus moins chers ou sont de moindre
qualité. Ainsi par exemple le fait d’offrir des modèles de lunettes de luxe dans un catalogue de
vente à distance bon marché peut déprécier les modèles protégés. L’article L521-7 du CPI prévoit la
possibilité pour le tribunal d’allouer à la victime une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure
aux redevances que le contrefacteur aurait dû lui verser.
Au pénal si la contrefaçon est établie le tribunal pourra prononcer les peines prévues par l’article
L521-10 du Code. Un maximum de 3 ans d’emprisonnement et/ou 300 000 euros d’amende.
Comme pour la contrefaçon en propriété littéraire et artistique, les peines ont été augmentées par
la loi du 9 mars 2004 portant à 5 ans la prison et à 500 000 euros d’amende si le délit est commis
en bande organisée. Les peines encourues peuvent également doubler en cas de récidive ou si le
délinquant est lié ou a été lié au demandeur par convention. Ceci est prévu à l’article L521-13.
L’article L521-14 du CPI a enfin prévu la possibilité d’une retenue en douanes.

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