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Le narrateur fouille un tiroir à la recherche de documents …

Je m'écarquillais les yeux à déchiffrer les suscriptions, quand je crus entendre ou plutôt sentir un frôlement derrière
moi. Je n'y pris point garde, pensant qu'un courant d'air avait fait remuer quelque étoffe. Mais, au bout d'une minute, un autre
mouvement, presque indistinct, me fit passer sur la peau un singulier petit frisson désagréable. C'était tellement bête d'être
ému, même à peine, que je ne voulus pas me retourner, par pudeur pour moi-même. Je venais alors de découvrir la seconde
des liasses qu'il me fallait ; et je trouvais justement la troisième, quand un grand et pénible soupir, poussé contre mon épaule,
me fit faire un bond de fou à deux mètres de là. Dans mon élan je m'étais retourné, la main sur la poignée de mon sabre, et
certes, si je ne l'avais pas senti à mon côté, je me serais enfui comme un lâche. Une grande femme vêtue de blanc me
regardait, debout derrière le fauteuil où j'étais assis une seconde plus tôt. Une telle secousse me courut dans les membres
que je faillis m'abattre à la renverse ! Oh ! personne ne peut comprendre, à moins de les avoir ressenties, ces épouvantables
et stupides terreurs. L'âme se fond ; on ne sent plus son coeur ; le corps entier devient mou comme une éponge, on dirait que
tout l'intérieur de nous s’écroule.

Elle était couchée, dit-elle, depuis quelques minutes, les rideaux tirés, lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit, et
quelqu'un entra. Alors madame Alphonse était dans la ruelle du lit, la figure tournée vers la muraille. Elle ne fit pas un
mouvement, persuadée que c'était son mari. Au bout d'un instant le lit cria comme s'il était chargé d'un poids énorme. Elle eut
grand peur, mais n'osa pas tourner la tête. Cinq minutes, dix minutes peut-être... elle ne peut se rendre compte du temps, se
passèrent de la sorte. Puis elle fit un mouvement involontaire, ou bien la personne qui était dans le lit en fit un, et elle sentit le
contact de quelque chose de froid comme la glace, ce sont ses expressions. Elle s'enfonça dans la ruelle tremblant de tous
ses membres. Peu après, la porte s'ouvrit une seconde fois, et quelqu'un entra, qui dit : Bonsoir, ma petite femme. Bientôt
après on tira les rideaux. Elle entendit un cri étouffé. La personne qui était dans le lit, à côté d'elle, se leva sur son séant et
parut étendre les bras en avant. Elle tourna la tête alors... et vit, dit-elle, son mari à genoux auprès du lit, la tête à la hauteur
de l'oreiller, entre les bras d'une espèce de géant verdâtre qui l'étreignait avec force. Elle dit, et m'a répété vingt fois, pauvre
femme !... elle dit qu'elle a reconnu... devinez-vous ? La Vénus de bronze, la statue de M. de Peyrehorade ...

Le narrateur est convaincu d’être persécuté par une créature invisible. Pour le prouver, il tente à plusieurs reprises de lui
tendre des pièges ….
Donc, je faisais semblant d'écrire, pour le tromper, car il m'épiait lui aussi; et soudain, je sentis, je fus certain qu'il lisait
par-dessus mon épaule, qu'il était là, frôlant mon oreille. Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je faillis
tomber. Eh bien ? … on y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans ma glace!.. Elle était vide, claire, profonde,
pleine de lumière ! Mon image n'était pas dedans.. et j'étais en face, moi ! Je voyais le grand verre limpide du haut en bas. Et
je regardais cela avec des yeux affolés ; et je n'osais plus avancer, je n'osais plus faire un mouvement, sentant bien pourtant
qu’il était là, mais qu'il m'échapperait encore, lui dont le corps imperceptible avait dévoré mon reflet.
Comme j'eus peur ! Puis voilà que tout à coup je commençai à m'apercevoir dans une brume, au fond du miroir, dans
une brume comme à travers une nappe d'eau ; et il me semblait que cette eau glissait de gauche à droite, lentement, rendant
plus précise mon image, de seconde en seconde. C'était comme la fin d'une éclipse. Ce qui me cachait ne paraissait point
posséder de contours nettement arrêtés, mais une sorte de transparence opaque, s'éclaircissant peu à peu. Je pus enfin me
distinguer complètement, ainsi que je le fais chaque jour en me regardant. Je l'avais vu ! L'épouvante m'en est restée, qui me
fait encore frissonner. Le tuer, comment ? puisque je ne peux l'atteindre ? Le poison ? Mais il me verrait le mêler à l’eau; et
nos poisons, d'ailleurs, auraient-ils un effet sur son corps imperceptible ? Non ... non … sans aucun doute ... Alors ? ... alors ?
… […] Alors ... alors ... il va donc falloir que je me tue, moi ! …
Le narrateur détaille ici l’étrange comportement de sa bien-aimée …
Un matin, j'étais assis auprès de son lit, et je déjeunais sur une petite table pour ne la pas quitter d'une minute. En
coupant un fruit, je me fis par hasard au doigt une entaille assez profonde. Le sang partit aussitôt en filets pourpres, et
quelques gouttes rejaillirent sur Clarimonde. Ses yeux s'éclairèrent, sa physionomie prit une expression de joie féroce et
sauvage que je ne lui avais jamais vue. Elle sauta à bas du lit avec une agilité animale, une agilité de singe ou de chat, et se
précipita sur ma blessure qu'elle se mit à sucer avec un air d'indicible volupté. Elle avalait le sang par petites gorgées,
lentement et précieusement, comme un gourmet qui savoure un vin de Xérès ou de Syracuse ; elle clignait les yeux à demi, et
la pupille de ses prunelles vertes était devenue oblongue au lieu de ronde. De temps à autre elle s'interrompait pour me baiser
la main, puis elle recommençait à presser de ses lèvres les lèvres de la plaie pour en faire sortir encore quelques gouttes
rouges. Quand elle vit que le sang ne venait plus, elle se releva l'oeil humide et brillant, plus rose qu'une aurore de mai, la
figure pleine, la main tiède et moite, enfin plus belle que jamais et dans un état parfait de santé.

Quand je sors de chez moi, je donne toujours à ma porte deux tours de clef. Je la trouvai simplement tirée, et cela me
frappa. Je supposai qu'on m'avait monté des lettres dans la soirée. J'entrai. Mon feu brûlait encore et éclairait même un peu
l'appartement. Je pris une bougie pour aller l’allumer au foyer, lorsque, en jetant les yeux devant moi, j’aperçus quelqu'un
assis dans mon fauteuil, et qui se chauffait les pieds en me tournant le dos. Je n'eus pas peur, oh ! non, pas le moins du
monde. Une supposition très vraisemblable me traversa l'esprit; celle qu'un de mes amis était venu pour me voir. La
concierge, prévenue par moi å ma sortie, avait dit que j’allais rentrer, avait prêté sa clef. Et toutes les circonstances de mon
retour, en une seconde me revinrent à la pensée : le cordon tiré tout de suite, ma porte seulement poussée. Mon ami, dont je
ne voyais que les cheveux, s'était endormi devant mon feu en m'attendant, et je m'avançai pour le réveiller. Je le voyais
parfaitement, un de ses bras pendant à droite ; ses pieds étaient croisés l'un sur l'autre sa tête, penchée un peu sur le côté
gauche du fauteuil, indiquait bien le sommeil. Je me demandais Qui est-ce ? On y voyait peu d'ailleurs dans la pièce.
J'avançai la main pour lui toucher l'épaule … Je rencontrai le bois du siège ! Il n'y avait plus personne. Le fauteuil était vide !

Un peu rassuré par mes réflexions, je me rassois sur mes reins, je me piète; je prononce l'évocation d'une voix claire
et soutenue ; et, en grossissant le son, j'appelle, à trois reprises et à très courts intervalles, Belzébuth. Un frisson courait dans
toutes mes veines, et mes cheveux se hérissaient sur ma tête. A peine avais-je fini, une fenêtre s'ouvre à deux battants vis-å-
vis de moi, au haut de la voûte : un torrent de lumière plus éblouissante que celle du jour fond par cette ouverture; une tête de
chameau horrible, autant par sa grosseur que par sa forme, se présente à la fenêtre; surtout elle avait des oreilles
démesurées. L'odieux fantôme ouvre la gueule, et, d'un ton assorti au reste de l'apparition, me répond : che vuoi ??

En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un
monstrueux insecte. Il était sur le dos, un dos aussi dur qu'une carapace, et, en relevant un peu la tête, il vit, bombé, brun,
cloisonné par des arceaux plus rigides, son abdomen sur le haut duquel la couverture, prête à glisser tout à fait, ne tenait plus
qu'à peine. Ses nombreuses pattes, lamentablement grêles par comparaison avec la corpulence qu'il avait par ailleurs,
grouillaient désespérément sous ses yeux. Qu'est-ce qui m'est arrivé ? » pensa-t-il. Ce n'était pas un rêve. Sa chambre, une
vraie chambre humaine, juste un peu trop petite, était là tranquille entre les quatre murs qu’il connaissait bien.

Je ne savais que penser de ce que je voyais ; mais ce qui me restait à voir était encore bien plus extraordinaire. Un
des portraits, le plus ancien de tous, celui d’un gros joufflu à barbe grise […] sortit, en grimaçant, la tête de son cadre, et,
après de grands efforts, ayant fait passer ses épaules et son ventre rebondi entre les cadres étroits de la bordure, sauta
lourdement par terre. […] Et tous les autres cadres s’élargirent de façon à laisser passer aisément les figures qu’ils
renfermaient. […] Ces dignes personnages s’assirent ; la cafetière sauta légèrement sur la table. Ils prirent le café dans des
tasses du Japon blanches et bleues, qui accoururent spontanément de dessus un secrétaire, chacune d’elles munie d’un
morceau de sucre et d’une petite cuiller d’argent. Quand le café fut pris, tasses, cafetière et cuillers disparurent à la fois, et la
conversation commença, certes la plus curieuse que j’aie jamais entendue, car aucun de ces étranges causeurs ne regardait
l’autre en parlant : ils avaient tous les yeux fixés sur la pendule.

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