Sommaire
Symboles ovnnstnntsnnnntnnnnsnnnnsnnnnnnnnnennnsnnne seven sennennnnesnnn 6
Préface de Surya Shekhar Ganguly. 7
Préface de Pauteut oc soennnnnnnnnnnnnnnnneninnnsnnnninnnsinnenusnnnnsnnnesnenneee 2
1. Les cases. 33
2. Les pices . . sense 93
3. La prophylaxie. 147
4, Le dynamisme... 2199
5. Contre vents et marées onsen 265Préf.
rerace
Par le GM Surya Shekhar Ganguly
Jai appris & apprécier les compétences et la compréhension du jeu de Jacob aprés notre partie de 2010
a la Politiken Cup. J'avais remporté la rencontre a partir d'une position apparemment égale. Alors que jc
dinais, plus tard dans la soitée, il est venu & ma table et a commencé & mYexpliquer oi j'avais mal joué ec
comment j'aurais pu micux faire, Ma premiére pensée a été : « Hé, minute, cest pas le type que j'ai battu
aujourd'hui ? » Cependant, en continuant a l’écouter parler, jai réalisé qui avait une bonne compréhension
des échecs et j'ai aimé sa fagon d’écudier un joueur, Cela a marqué le début de notre travail ensemble !
Si Jacob a admiré mes compétences tactiques, il n'a pas été particuliérement impressionné par mon jeu posi-
tionnel. C'est pourquoi il m’a envoyé de nombreux livres & lite sur les échecs positionnels, écrits par lui ou divers
autres auteurs. Plus important encore, il m'a envoyé des positions stratégiques & résoudre ct a progressivement
augmenté le niveau des positions. Je suis rapidement devenu acero & ces positions et & ces livres.
Les exemples que Jacob propose dans ce livre sont pour la plupatttirés de parties récentes et sont analysés en
profondeur avec des explications limpides, ce qui aide le lecteur & améliorer sa comprehension des parties et des
positions. Jai également annoté quelques parties de mes derniers tournois. Elles illustrent des idées positionnelles
subtiles plutdt que des suites tactiques tranchantes, et sont done adaptées & ce livre. Jespére que le lecteur les
appréciera
Résoudre les positions que Jacob ma envoyées a beaucoup amélioré ma compréhension de la stratégic
échiquéenne, et je sus stir que, de méme, le lecteur profitera énormément des parties et des exercices de ce livre.
Karen Grigoryan — Surya Ganguly
Indonésie 2011
Cette partie a été disputée & ! Open d’Indonésie 2011, immédiatement aprés un tournoi open que j'ai joué
en Chine et quia été un désastre total. avais commencé avec 2¥4/4 et j/avais les Noirs dans la cinquitme partie,
que j'ai désespérément centé de gagner... pour me retrouver rapidement avec 24/5. J'étais dja contrarié par
ma performance avant cette ronde, done, puisque je me trouvais dans la méme situation qu'avec 2¥4/4, mais
comme c’était une journée & double ronde, il n'y avait pas beaucoup de temps pout se préparer ou pour réfléchir
A sa stratégie ! J'avais perdu la partie du matin avec les Blancs dans une position complétement dominante &
cause de la pression du temps, et avant que je puisse récupérer, il fallait déja disputer la ronde suivante.
1.48 Df6 2.g3 g6 3.2g2 Bg7 4.0-0 0-0 5.d4
Ce ese pas vraiment la suite que j’espérais. J'ai décidé de ne pas jouer la Griinfeld, et j'ai opté pour PEs
indienne & la place.
5.nd6 6.04 Abd7 7.213 €5 8.c2 BeB 9.8d1 6 10.b3 We7Jacob Aagaard | Le jeu stratégique
10...We7!? a été joué dans la rencontre Ivanchuk.
— Yusupov, Bruxelles 1991. Si un lecteur n'a pas vu
cette partie incroyable, je lui recommande fortement
de la rejouer.
Led a5
LL...exd4 12.Dxd4 a5!? est aussi possible pour éter
aux Blancs la possibilité de prendre en e5
12.23
Les Blancs peuvent continuer par 12.dxe5 dxe5
13.8242, ce qui leur donne un léger avantage.
12.868
12...exd4 13.Bxd4 eS
13.Wd2
Ayant dja perdu une partie le matin, j'érais dégodié
de ma position actuelle que j étais loin de trouver atti-
rante. Je voulais gagner cette partie, mais ne voyais pas
comment sortir mon adversaire de sa zone de confort.
Javais aussi les mémes problémes psychologiques
quen Chine, ott favais joué de maniére trop risquée
ala cinquitme ronde. Alors: fallait-il jouer la sécurité
ici ou essayer de compliquer les choses ? J'ai décidé de
tenter A nouveau ma chance.
13...exd4!
13...b6 est le choix stir
14.fixd4
Pendant quill réfléchissait & la pitce avec laquelle
reprendre en d4, j'ai pratiquement pu entendre les
battements de mon coeur en réalisant que ma fagon
de compliquer les choses allait en réalité perdre une
pitce en deux coups ! Ma dépression a rapidement
atteint le point oi le résultat ne me déranj
Crest A ce moment que j'ai commencé
regard neuf sur la position et qu'une fagon singuliére
de sauver le pion d6 mest venue a esprit ! Sa Tour
al!
14.Oxd4 Dcsz
Erait ma « brillante » fagon de compli-
quer la situation, initialement prévue en prenant en
4: 15.Wxf6 Bg7 16.44 J'avais até ga! On peut
blimer la fatigue de la double ronde et le choc causé
par la perte du matin, Mais au moins c’était bien de
Sen apercevoir avant de jouer le coup !
Pendant un inscans, 'aifalli me résoudre & Phor-
rible 14...05.
15.bxa4?!
Ce qu'on peut faire d'autre n'est pas clair.
15.Bxd6 Bxd6 16.Wxd6 Wrxd6 17.8xd6 axb3=
15.4el est peut-étre la meilleure réaction, mais
ce coup est trés difficile & trouver, surtout quand on
pensait sa position écrasante quelques minutes plus
tét.
15...Was!
Aprés avoir touché le fond, mes émotions ont
rebondi — je déborde d’énergie, je suis ravi de ma posi-
tion, et partir de la je commence & calculer avec une
précision absolue, Cela a aussi changé complétement
mon tournoi ; parti d'une situation aussi déprimante
dix minutes plus t6r, jétais maintenant és motivePréface de Surya Shekhar Ganguly [lj
16.Bacl
16.%ab1 2g7 (16...8\g47) 17.Wd2 (17.2b4 5!)
17...Be5 18.8x05 dxeSt
Vi,
Bae
abedefgh
Les Noirs sauvent & nouveau le pion d6 par des
moyens tactiques.
17.Wd2
Diauttes coups ne sont pas vraiment meilleurs
17.Bxd6 Bxed—+ ; 17.Yxd6 2f8-+ ; 17.3 Des
18.8xc5 dxc5 19. We2 QA7It
17.05
17..Db6 18.8xd6 Axc4 19,We2 Dxd6 20.8xd6
d7F est aussi possible, mais le coup du texte ma
plu davantage.
18.)g5?!
18.Sxc5 est son meilleur essai : 18...dxe5 19.05
Dd7 20.Ae4 AxeSF Il est toutefois clair que les
Blancs sont loin d’avoir égalisé
18...h6! 19.Wxd6 Ded7
‘Menagant & la fois ..axg5 et ...2f8
19...Ad7!? 20.8)xf7 bexf7—+
19..,@)xa4 20,)xa4 hxgs 21.2b2 figd>
20.0)xf7 £f8!
20...%exf7 21.Rb4 Wa7F est également possible,
mais j'ai préféré jouer le Fou.
21.2b4
Si21.Dxh6t, je prends d’abord le Fou par 21...cg7
22.84 xa3, puis le Cavalier : 23.8c2 Bh8—+
3 Bey
: x gz = Ui
6
5
4
3
2
ee:
g
21...8HhS!
21. n8ixd6 22.8ixa5 Sxf7 23.8xd6 Bxa5 24.645
21...Yixb4 22.Yixb4 &xb4 23.Ad6 BdB gagne
aussi
22.8d3
22.444 Oxb4 23.863 Wes—+
22...fixb4 23.0.d6 Bf8 24.Oxc8 Baxc8 25.63Jacob Aagaard | Le jeu stratégique
HR BRU AIOE
Vy
25...MeSt!
Jai vu que je pouvais aussi emporter par 25...0e5
26.We2 Bc5t 27.2h1 Dcg4 28.fxg4 Axgd 29.h3
Qs2t 30.bh2 Wxe2 31.Axe2 Dxdl 32.Bxd1 Bed8-
+4, mais j'ai pensé que le coup joué était plus fort.
26.2h1 DeS 27.Wb1 Hed8 28.02 Ad2
29.Hc2 Qd3 30.8f1 Af2t 31.Bxf2 Waf2 32.064
Bfe8 33. Dxg6 Bd3 34.0f4 Be3 35.21d3 Bxd3
o1
Cette partie ma donné confiance en moi, et j'ai
continué sur ma lancée en remportant plusieurs
autres victoires
Surya Ganguly - Vladislav Tkachiev
‘Open d'Indonésie 2011
Jai gagné & la 6* ronde contre Paragua avec les
Blancs, dans une Est-indienne, puis j'ai battu Fier
lors d'une ronde matinale, J'attendais avec impa-
tience lappariement de la ronde 8, mais il fallaic
patienter jusqu’a 14 h. Comme il restait deux heures
A meubler, j'ai décidé d'aller dormir et d’oublier
Tappariement. Aprés avoir fait ma sieste habituelle
davant la ronde, j'ai vu que je rencontrais Tkachiev,
qui peut jouer presque nlimporte quelle variante. En
quinze minutes de préparation, jai réussi A prendre
une décision trés importante
10
1.d4 d5 2.04 dred 3.03!
Le point d’exclamation récompense le fait que jai
correctement deviné quill voulait que je joue 3.13
DFG 4.03 gd, ce que j'ai donc évité. Je savais que
‘Tkachiev employait parfois cette ligne rate, et j ais
stir que pour cette partie il essaierait d’éviter une
discussion théorique ct me la joucrait. Avec trés peu
de temps disponible pour la préparation, j'ai décidé
de massurer quill nobtienne pas ce qui voulait.
3... D6
Aprés miire réflexion, ce qui m'a fait plaisir car cela
a conforté mon hypothése.
Durant mes quinze minutes de préparation, je
nai vérifié que 3..05 et 3...5 bridvement.
4.Bxc4 a6 5.Df3 5 6.0-0 6
Je Vai done entrainé dans une ligne principale du
Gambit-dame Accepté oi ai une grande expérience
du cété noir.
7.£b3 Dc6 8.3 Be7 9.dxcS
Une fois encore, je suis ravi d'encrer dans cette
ligne particuliére ; avec les Noirs, je n'ai jamais aimé
ce type de positions.
9..Wixd1 10.8xd1 &xc5 11.842 247 12.8acl
Baz
8
;
6 TA,
5 os
4 a Wi,
3 BR MO
2
1Préface
« Rendez les choses aussi simples que possible, mais pas simplistes pour autant. » — Albert Einstein
Crest le livre d’échecs le plus ardu que j'aie écrit, mais il ne sera probablement pas aussi difficile pour
le lecteur qui I'a éé pour auteur ! Cela ne veut pas dire que Touvrage ne contient pas de positions d'une
complexité stupéfiante, il en contient. Mais j'espére que le lecteur consacrera quelques secondes 3 plaindse le
pauvre auteur qui a travaillé des mois 8 la rédaction de cet opus. S'l ne le fait pas maintenant, sa compassion
s €vanouira vraisemblablement dés quills enlisera dans le tout premier exercice !
Je ne suis pas stir que le titre de cet ouvrage soit tout & fait précis, peut-étre aurait-il micux valu l’appeler
Positions complexes, mais cela aurait probablement fait croire au nombre déja réduit de personnes intéressées
par le livre quil était pénible et ennuyeux. Au lieu de cela, j'ai décidé de l'appeler Le jeu stratégique, parce
que les compétences qui y sont mises 4 contribution sont dans une large mesure les mémes que celles utili-
sées quand on prend des décisions stratégiques : une combinaison de calcul, d'évaluation positionnelle et de
pensée abstraite & long terme.
Les quatre types de décisions
« Je ne minguiéte jamais au sujet de Uavenir. arrive bien assez vite, »— Albert Einstein
Une des idées clés que j'essaie de transmettre aux gens avec qui je tavaille est qu’aux échees on ne cherche
pas & gagner, mais plutér & résoudre un grand nombre de petites énigmes aussi efficacement que possible.
Pour ce faire, on dispose seulement d'un temps limité. Done, méme si on veut naturellement gagner, on n'a
tout simplement pas le temps de se concentrer sur cet aspect du jeu. Au lieu de cela, on doit se concentrer
sur la situation actuelle et prendre tune bonne décision aussi vite que possible, mais pas trop vite, bien sir.
Je pense quil est logique de diviser les décisions prises dans une partie en quatre catégories, pour mieux
identifier ses faiblesses. C’est particuligrement salutaire pour les accros au zeitnot, qui peuvent ticher de
découvrir oit ils gichent tout leur temps, Mais d'autres personnes trouveront également utile dexaminer
leurs erreurs & travers ce prisme.
1) Les décisions oit I’on sait quoi faire
Cela comprend la préparation des ouvertutes, la théorie des finales, les recaptures ou les coups forcés simi-
haires. Il y a deux erreurs typiques dans cette catégorie : soit passer trop de temps & réfléchir & des décisions
qui ont déja écé prises, soit supposer que quelque chose est forcé, alors quil existe des choix en réaliré.
La simple prise de conscience que sa prochaine décision semble appartenir & cette catégorie devrait étre
utile, Il ne faut pas passer trop de temps a réfléchis, mais chercher des alternatives surprenantes permettant
de classer la position dans une autre catégorie, et s'il ny en a pas, exécuter son coup.
21Jacob Aagaard | Le jeu stratégique
2) Les décisions simples
Elles incluent les décisions d'importance limitée,
Il faue peut-éere deux ou trois mauvais choix dans ce
type de positions avant qu'il n'y ait une détérioration
perceptible de sa position ; et méme dans ce cas, cela
pourrait n’entrainer que des problémes & long terme
seulement. Typiquement cela peut consister & savoir
sil faut reprendre d'un Cavalier ou d'un Fou, quand
il n'y a pas de circonstances pressantes, tactiques par
exemple, pour suggérer le bon choix.
Des possibilités tactiques limitées caractérisent
notamment ce genre de décision. En général le
caleul ne peus étre utilisé pour résoudre le probléme,
et ceux qui s'y essayent éprouvent une frustration
sans fin, Souvent, ces personnes qualifient aussi ces
positions d’ennuyeuses, ce qui signifie en fait quills
ne savent pas quoi chercher, ce qui les frustre
En voici un bon exemple :
M. Gurevich — Adams, Ostende 1991
ee
ta
ZB zy
HR eR UAE
Golutions& la fin du chapitre)
Crest le gente de décision décrite dans Objectif
grand maitre !— Le jeu positionnel. Si vous n’avez pas
lu ce livte, je vous suggére sérieusement de le faire +
Cest le prédécesseur naturel du présent ouvrage
22
3) Les moments critiques
Les moments critiques font référence a des posi-
tions qui sont si tactiques quiil convient naturelle
ment de se concentrer sur cette caractéristique. Il
faut rapidement se rendre compte qu'une erreur
cofitera cher: si ce nest la partic, du moins la chance
dutiliser son avantage de maniéxe décisive.
En voici quelques exemples évidents
Aronian ~ Caruana, Moscou 2012
LJ,
[aE]
Tm
fou
Vis,
JO aT BB
Be
oe BAe
abedefgh
HR RoR UAE
O°
Les Blanes gagnent
Petrossian — Spassky, Moscou (12) 1966
fe Be
8
7
6
5
4
3
2
1
O°
Les Blanes gagnentPréface de auteur [ill
Cramling — Shen Yang, Istanbul 2009
Rw RA a
Les Noirs se défendent
4) Les décisions complexes
Crest le groupe de décisions le plus difficile &
décrire. Il peut y avoir une proportion significa~
tive de « moment critique » dans la position, mais
elle ne peut étre résolue exclusivement par le calcul
ou le jugement positionnel. Lhorizon est souvent
trop lointain pour que les ordinateurs puissene tout
caleuler jusqu’au bout, ce qui ne nous laisse, simples
mortels, aucun espoir d'y atriver. Et la réaction
nécessaire peut parfois sembler anti-positionnelle,
parce quielle arbitre des gains contre des pertes, ou
parce que les gains positionnels sont & long terme et
dépendent de circonstances tactiques.
Cost de ce genre de décisions quil est question
dans ce livre.
Certaines de ces positions complexes exigent clai-
rement des décisions stratégiques (telles que définies
ci-dessous), tandis que d'autres sont si compliquées
que les ranger dans une case, quelle qu’elle soit, sera
toujours réducteur, Cest pourtant ce que j'ai fait
pour des raisons pratiques, car c'est tout simplement
Ja meilleure fagon que j'aie trouvée pour structurer
le matériel de ce livre,
Laddiction aux problémes de temps -
un petit mot rapide
Au fill des ans, j'ai fini par réaliser qu'il ne fallait
pas discuter de ses problémes de temps avec son
thérapeute. Je n’en ferais pas un sujet de psycha-
nalyse. Il sagit plutée d'une accumulation de sché-
mas inefficaces dans notre cerveat, dont certains se
sont renforcés avec le temps. Le probléme avec de
tels schémas, que 'on nomme aussi mauvaises habi-
tudes, est quiils ne disparaissent jamais vraiment du
systéme nerveux. Mais on peut, par un travail ciblé,
cexéer des modeles plus puissants. On est, apres tout,
maitre dans sa propre maison - méme si tous les servi-
‘curs ne font pas toujours ce qu’on leur demande !
Jai récemment discuré des problémes de temps
avec un célébre acero au zeitnor, lors d'un déjeu-
ner entre amis, Il a immédiatement repéré le type
de décisions sur lesquelles il passait trop de temps
Comme il ne sagissait que d'un déjeuner, nous ne
sommes pas allés plus loin. Mais était un débue
prometteur, Quand on sait ce qu’on fait mal, on est
dans une bien meilleure position quavant.
Les principes généraux ont peu de valeur
dans les positions trés complexes
‘On peut accorder du temps aux principes géné-
raux des échecs, Mais on ne pense pas vraiment de
cette fagon quand on joue, on calcule plutér les
coups que notre intuition sélectionne. Cela dit,
notte intuition ne se développe pas dans le vide et la
guider n’est pas une mauvaise idée & mon sens.
Cela posé, il est clair que la tactique lemporte
normalement sur toute régle empirique.
Les schémas généraux découverts aux échecs
servent en fait de raccourcis pour prendre de meil-
leures décisions quand on joue. Nowe esprit ne
pouvane calculer un million de coups par seconde,
23Jacob Aagaard | Le jeu stratégique
comme nlimporte quel programme informatique,
on pourrait logiquement croire que les humains ne
parviendront jamais A prendre de meilleures déci-
sions que les ordinateurs. Si on suit jusqu’au bout la
logique de certains auteurs d’échecs, on arrive & cette
conclusion évidemmenc ridicule.
Mon systéme d'entiainement pour uaiter les
« positions simples » est basé sur les trois questions
suivantes : Oiz sont les faibleses ? Quelle est la pitce la
‘moins bien placée ? Quelle est 'idée de Vadversaire ?
ainsi que je 'ai expliqué dans Objectif grand maitre !
— Le jeu positionnel, Elles sont essentiellement desti-
nées & diriger l'attention vers les caractéristiques les
plus importantes aux échecs. Lidée est quaprés avoir
résolu des centaines ou des milliers d'exercices en se
posant ces questions, on sera plus attentif a diffé-
rents schémas qu’auparavant.
Done, malgré ma réticence a faire intervenir les
principes généraux dans les positions complexes de
ce livre, je demande au lecteur de penser & se poser
ces ois questions avant de se plonger profondé-
ment dans les positions. Je ne veux évidemment pas
lui interdire d'examiner tout ce qui lui passe par la
tée durant les premiéres secondes, mais plutdt lui
dire qu'avane de calculer diverses options de fagon
systématique, il doit travailler un peu pour décou-
vrir les coups qui pourraient ne pas lui venir d'eux-
mémes a esprit.
La différence entre les échecs positionnels
cet la stratégie aux échees
« Les intellectuels riglent les problémes, les
_génies les préviennent, » — Albert Einstein
Je me souviens d'une premiére séance d'entrai-
nement avec un jeune éléve enthousiaste et talen-
tucux. Je lui ai demande s'il connaissait la différence
entre deux termes courants aux échees, positionnel et
stratégique. Il ma répondu en toute confiance quiil
24
connaissait la réponse, qui avait lue dans un livre
d'échecs la veille - ils sont identiques, m'a-t-il dit fitre-
ment. J'ai malheureusement da le décevoir, car ce
rest pas le cas, Il est vrai que beaucoup d'auteurs
ct la plupart des éditeurs utilisent ces mots avee une
certaine licence poétique et parfois de fagon inter-
changeable. Cependant, je dois insister sur le fait que
les échecs positionnels et la stratégie échiquéenne
sont des choses bien différentes.
Les définitions du dictionnaire (Oxford) pour ces
deux mots sont :
Positionnel esc, en tant que mot, dérivé du mot
position qui a beaucoup d'autres sens que celui
Evident, Il signifie notamment lendvoit correct et un
lew oie une partie d'une force militaire est poste.
Stratégie est un mot quia moins de significations,
La premitre des deux scules entrées du dictionnaire
Oxford est : um plan congu pour atteindre un objectif.
spécifique a long terme.
Aux échecs, cela signifie qu'un coup positionnel
traite de la position qu'on a juste devant soi. En voici
un exemple typique
Alexander Ivanov ~ Shen Yang
Moscow 2007
BR RoR AAI e
oe fe a
abedetehPréface de auteur [ill
Il se peut bien stir qulvanov ait élaboré une
stratégie profonde concernant sa fagon de jouer les
dix 4 quinze coups suivants, mais ce n'est pas ues
probable, Il a plurét vu un coup simple améliorant
sa position en forgant l'adversaire 3 faire une énorme
concession.
18.8b3! b4 19.De4+
Le Cavalier a maintenant une excellente case d’oit
il peut faire pression sur le pion €5. Les Blancs ont
fini par gagner la partie dans un bon style.
La réflexion stratégique est un peu plus complexe
Quand on pense en termes stratégiques, on essaie de
une direction générale qu'on tachera d’atteindre
Aun moment donné, Le meilleur coup dans la posi-
tion suivante semble anti-positionnel au premier
abord, mais on peut le découvrir quand on réalise
que tout n'est pas comme il y parait initialement.
Mihail Marin — Jonathan Rowson.
Porto Mannu 2008
Ce coup est & premiére vue un crime terrible contre
Je Fou a7. Il crée aussi un énorme trou en d5. J'étais
assis prés des joucurs durant la partie et, comme
beaucoup d’auties, j'ai immédiatement examin€ la
position quand Rowson a avancé son pion ¢.
Mihail ne s'arcendait manifestement pas ce coup
et a rapidement commencé a sembler mal 4 ase. Il
ne faut pas longtemps pour comprendre que le Fou
lest mauvais qu’ court terme. Mais & long terme
ce sont les Blanes qui souffriront d’un mauvais Fou,
entouré par les pions noits. La faiblesse de la case d5
et du pion d6 sont des facteurs moins importants.
22.@cl Yc6 23.We2 Bb6 24.22 Ba5 25.262
Qb4 26.2c3 a5
BRR RUA ow
Limpression n'est plus la méme aprés les cing
derniers coups. Il est maintenant clair que les Noirs
ont vu plus loin et que ce sont les Blancs qui doivent
se défendre
La preuve de la grande combativité de Marin et de
ses capacités en tant que joueur d’échecs, c'est quiil
ne s'est pas troublé ct qu'il a réussi a tenir cette posi-
tion inconfortable
27 fal £5 28.23 Rxc3 29.Lxc3 fed 30.2xa5
Ba8 31.Rb6 We7 32.86 Wd7 33.Rxa8 Bxad
34.23 Bxa4 35.8d1 Bxc4 36,Wb3 Web 37.Bxd6
Wxd6 38.Yxcdt Wds 39.8xd5t Dxd5 40.8x5
ch 41.2F1 g5 42.24 €3 43.Hel 3 44.fxe3 c2
45.hd2 Dxe3 46.1 Dxg4 47.2b8 LE7
Ys
25Les cases
Alexei Shirov — Dragan Solak
Novi Sad 2009
abedefgh
Les Noits jouent un coup tds original que leur adversaire auraic diffcilement pu imaginet.
33Jacob Aagaard | Le jeu stratégique
Les 28 exercices de ce chapitre ont tous & voir
avec les cases, quill s'agisse de faiblesses, de cases
fortes ou d’autre chose. Il est assez facile de formuler
des généralités sur les faiblesses, mais ce n'est ni le
bon moment ni le bon endroit pour cela. Je préfexe
donner deux exemples oit une lutte pour des cases
spécifiques a contribué a fagonner le jeu.
Le premier exemple est assez classique. Les Noirs
incitent leur adversaire & avancer ses pions, estimant
que cela affaiblira la position des Blancs au lieu de la
renforcer. Sachant qui était cet adversaire, c'était un
pari monumental.
Alexei Shirov — Dragan Solak
Novi Sad 2009
Led 06 2.d4 d5 3.05 B65 4.063 06 5.22 De7
6.0-0 2g67.Abd2
HR eR D2 ow
<
7. DES
Ce coup avair déja été joué, afin de transférer le
Cavalier en h4 pour léchanger, essentiellement pour
donner plus d’espace au reste des pices noires. Mais
Solak a une autre idée dans cette partie.
8.4
Shirov a sans doute joué cela sans la moindre
hésitation.
34
8... Dh6!?
Une idée remarquable, le Cavalier dépense plus
de tempos.
9.h3 Dgelt
BR Re RU Aare
abedef gh
‘Cest toute la pointe du jeu de Solak. Le Cavalier a
joué quatre coups pour revenir & son point de départ.
Mais contrairement & beaucoup d'autres lignes oit les
Blancs jouent g2-¢4, le Cavalier n'est pas mal placé
et ne pose pas de problémes particuliers aux Noits.
I suivra ...R5, pour ouvrir la colonne h & la Tour. Les
Blancs doivent perdre du temps contrer ce plan
Si les Noirs étaient autorisés & jouer ..h5 et..hxgd
sans opposition, ils pourraient alors attaquer le pion
e4 par ..Dh6. Les Blancs seraient alors confrontés
4. un choix horrible : jouer g4-25, offiant aux Noirs
un contréle éternel sur les cases blanches de Vaile-roi,
ce qui signifierait la ruine positionnelle des Blanes 5
ou bien bouger le Cavalier et permettre ...Wh4, qui
semble extrémement désagréable, Exécuté correcte-
ment, peut-étre précédé de ...xg4 ou ...65, cela
pourrait méme mener & une attaque décisive.
10.2e1
Le Cavalier se ditige vers g2, d’ott il peut défendre
Ia case h4 tour en laissant le Fou protéger le pion g.
10...h5 11.2\g2 hxg4 12.hxg4 c5 13.c3