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Serge Caillet

COURS DE MARTINISME

INTRODUCTION
AU MARTINESISME

2.
LES NOMBRES

INSTITUT ELEAZAR
© Serge Caillet / Institut Eléazar, nouvelle édition mise à jour : 2023.
sergecaillet@gmail.com
1. Selon le Livre de la Sagesse, Dieu a « tout réglé avec mesure,
nombre et poids » (Sagesse, XI, 20). Tel est le fondement
scripturaire qui permet à Martines de Pasqually, et à Louis-
Claude de Saint-Martin après lui, de chercher par la science
des nombres à découvrir les secrets de l'univers spirituel et
matériel. Tous deux s'inscrivent ainsi dans une longue lignée
de l'ésotérisme judéo-chrétien, qui depuis l'Ancien et le
Nouveau Testaments jusqu'à nous, passe par les Pères de
l'Eglise, dont saint-Augustin, et par les kabbalistes, sans
exclure parfois une influence pythagoricienne.

2. Cette haute science traditionnelle, sans rapport avec la


moderne numérologie, peut être qualifiée tout aussi bien de
mystique des nombres, de philosophie des nombres, de
métaphysique des nombres, ou de sagesse des nombres. C'est
l'arithmosophie selon le néologisme employé par René
Allendy et Robert Amadou.

3. Martines de Pasqually fait grand usage des nombres.


« C'est - dit-il - cette vertu des nombres qui a fait dire aux sages de tous
les temps que nul homme ne peut être savant, soit dans le spirituel divin,
soit le céleste, terrestre, général et particulier, sans la connaissance des
nombres. » (65)1. Cependant, si le Traité sur la réintégration
consacre maintes pages au sens mystérieux des nombres,
Martines, qui décrit souvent plus qu'il ne démontre, reste lui-

1
Les chiffres entre parenthèses après une citation renvoient toujours aux
sections de Martines de Pasqually, Traité sur la réintégration des êtres dans leur
première propriété, vertu et puissance spirituelle divine, première édition
authentique d'après le manuscrit de Louis-Claude de Saint-Martin, établie
et présentée par Robert Amadou, Le Tremblay, Diffusion rosicrucienne,
1995.
même silencieux sur certains aspects des opérations
arithmosophiques, dont la pratique a été transmise oralement à
ses émules.

4. Elu coën exemplaire, Louis-Claude de Saint-Martin


témoigne de cette transmission, notamment dans les notes de
son carnet personnel2 et dans le volume des Nombres3 qui sera
tout au long du présent cahier notre constante source de
référence. Car, en l'absence d'écrits détaillés de Martines en
l'espèce, c'est surtout à travers l’œuvre de son disciple que
nous parviennent certains détails de l'enseignement du maître.
Sur certains points cependant, le Philosophe inconnu
prolonge, tout en la christianisant davantage, la doctrine qu'il a
reçue. Mais il avoue aussi que certaines propositions de
l'enseignement coën ne lui ont pas toutes été éclaircies.

5. Si l'Eternel a tout réglé avec mesure, nombre et poids,


le nombre, précise Saint-Martin « est le principe qui détermine et
constitue4 » précisément le poids et la mesure. Donc, « le nombre
qui dirige tout est sans contredit l'agent principal, puisqu'il peut
subsister indépendamment de la mesure et du poids ; au lieu que la
mesure et le poids ne pourraient subsister un instant sans nombre5 ».
Tout commence donc par les nombres.

6. Mais ne nous y trompons pas. Malgré leur importance,


les nombres ne sont « rien par eux-mêmes, mais représentent
fidèlement la marche cachée de la parole [divine] et de ses
incommensurables propriétés6 ». Ils « ne sont que la traduction abrégée,
ou la langue concise des vérités et des lois dont le texte et les idées sont

2
Le livre rouge. Carnet d'un jeune élu cohen, Atlantis, n° 330, janvier-février
1984.
3
Louis-Claude de Saint-Martin, Les Nombres, première édition
authentique du manuscrit autographe procurée avec une introduction et
des notes par Robert Amadou, Paris, Cariscript, 1983.
4
Louis-Claude de Saint-Martin, Œuvres majeures éditées par Robert
Amadou, vol. X : Instructions sur la Sagesse & suite d’instruction sur un autre
plan, Hildesheim, Georg Olms, 2019, p. [152]. Pour faciliter la lecture,
nous avons modernisé l’orthographe.
5
Idem.
6
Louis-Claude de Saint-Martin, Le Ministère de l'homme esprit, 1802, p. 327.
3
dans Dieu, dans l'homme, et dans la nature7 ». Autrement dit, ils ne
sont « que l'expression sensible des vérités supérieures8 ».

7. Chaque nombre représente ainsi une idée principe.


Et « la principale erreur dont il faille se préserver, c'est de séparer les
nombres de l'idée que chacun d'eux représente, et de les montrer détachés
de leur base d'activité9 ». On pourra donc tout à l'heure distinguer
les nombres en fonction de leur signification : nombres divins,
spirituels, matériels, mauvais.

8. D'ailleurs, « rien ne peut être sans nombre, et Dieu lui-même a


le sien. Mais le nombre de Dieu n'est pas Dieu, distinction qui est
applicable à tous les êtres. Aucun d'eux ne peut subsister sans son
nombre, puisque le nombre est leur guide, leur pivot et le premier caractère
de leur existence. Mais jamais le nombre ne peut passer pour un être10 ».
Les nombres, écrit encore Saint-Martin « ne sont que les signes de
la vie11 ». Répétons-le : les nombres ne sont donc pas des êtres,
mais bien un caractère qui est « l'expression de la valeur des êtres, le
signe sensible et en même temps le plus intellectuel que l'homme
puisse employer pour distinguer leurs classes et leurs fonctions dans la
nature universelle12 ».

9. Mais gare à confondre la science des nombres et le


calcul quantitatif. Car « ce sont les qualités, et non les quantités, dans
les nombres qui font les êtres, parce que ces qualités portent un
caractère, et que les quantités n'en portent point. Deux fois deux
chevaux font bien quatre chevaux, mais quatre chevaux ne sont pas un
être, tandis que, dans l'ordre vrai, le nombre 4 annonce un être existant et
ayant des propriétés qui constituent son existence. Il en est de même de
tous les nombres quelconques13 ».

7
Les Nombres, op. cit., art. 1.
8
Idem., art. 71.
9
Idem., art. 1.
10
Idem., art. 53.
11
Idem., art. 33.
12
Robert Amadou (avec la collaboration de Catherine Amadou), Les
Leçons de Lyon aux élus coëns. Un cours de martinisme au XVIIIe siècle par Louis-
Claude de Saint-Martin, Jean-Jacques Du Roy d’Hauterive, Jean-Baptiste
Willermoz. Première édition complète publiée d’après les manuscrits originaux, Paris,
Dervy, 2011 (1ère éd., 1999), leçon 32.
13
Les Nombres, op. cit., art. 64.
10. Le signe sensible que constitue tout nombre sera
donc un moyen de connaître les êtres. « Ainsi, dans quelque
être spirituel que ce soit, nous pouvons reconnaître : 1° l'être, 2° son
nombre, 3° son action, 4° son opération14 ». Par les nombres qui
sont les signes des êtres, nous pourrons donc non seulement
approcher leur nature, mais encore comprendre leur action et
leur opération.

11. A chaque être son nombre. « Tous les êtres, tant de la


nature spirituelle que de la nature élémentaire, ont chacun un nombre qui
est celui de la classe à laquelle ils appartiennent par la loi de leur
émanation ou de leur création15 ».

12. Pour leur part, « tous les êtres temporels ont deux
nombres : l'un pour leur existence, l'autre pour leur action. C'est par
ce second nombre qu'ils opèrent cette réaction universelle que nous
observons partout et qui est inférieure à l'existence16 ».

13. Haute science traditionnelle, l'arithmosophie nous


offre un moyen très sûr d'obtenir des résultats précis. « Il ne
faut pas nier les immenses avantages que l'esprit et l'intelligence de
l'homme peuvent retirer de l'usage de ces mêmes nombres quand on est
parvenu à sentir l’œuvre particulière à laquelle chacun d'eux est uni, et
l'objet sur lequel ils reposent. Car la marche des propriétés des êtres étant
active, et ces propriétés ayant entre elles mille rapports croissants et
décroissants, la combinaison de ces nombres pris dans la régularité du sens
qu'ils portent en eux d'après la saine observation, doit pouvoir nous
diriger dans des spéculations incertaines, et même nous rectifier dans des
spéculations fausses ; attendu qu'il en est alors de ce calcul vrai et
spirituel, ou de cette algèbre des réalités, comme du calcul conventionnel,
ou de l'algèbre de l'apparence, où les valeurs une fois connues nous
conduisent sans nous égarer à des résultats précis et positifs17 ».

14. Toutefois, le calcul vrai de l'arithmosophie ne se


confond pas avec l'algèbre classique. Il y a en effet entre le
calcul conventionnel ou l'algèbre des apparences et le calcul
vif, des différences essentielles. Dans l'arithmétique profane,
« les nombres se font reconnaître par leurs multiples ou par leurs parties

14
Idem., art. 53.
15
Les Leçons de Lyon, op. cit., leçon 32.
16
Les Nombres, op. cit., art. 32.
17
Idem., art. 1.
5
analogues ou similaires, et non point par leurs propriétés18 ». Car si le
calcul conventionnel, basé sur des valeurs arbitraires, ne nous
laisse entrevoir que des vérités très secondaires, on a déjà
compris que « dans le calcul vrai et spirituel, les nombres reçoivent leur
valeur de la nature des choses et non point de la volonté de notre
esprit, et [...] ils nous amènent à des vérités du premier rang, à des vérités
positives et invariables, et essentiellement liées à notre être19 ».

15. Le calcul vulgaire admet une infinité de nombres,


puisqu'il se contente de rechercher et d'exprimer des quantités.
L'arithmosophie, au contraire, montre la qualité des nombres.
Par conséquent, « les nombres sont fixes eux-mêmes et finis
dans leurs facultés radicales, quoiqu'ils soient infinis dans le jeu de leurs
puissances et dans les émanations innombrables qui peuvent sortir et
sortiront éternellement de ces facultés radicales20 ».

16. Cependant, bien qu'ils expriment les idées qui sont


dans Dieu, dans l'homme et dans l'univers, « dans l'ordre vrai,
radical divin, il n'y a point de nombre : 1 est tout, et il n'y a que 1 et
10 : 1 pour l'essence, 10 pour les opérations et les produits21 ». Tous les
nombres tiennent donc dans la décade, et la doctrine de
Martines ne connaît que dix nombres fondamentaux, parce
qu’« il n'y a que dix canaux principaux par où tout doit couler, et
l'esprit ne peut rien produire qui ne tienne intimement à l'un de ces dix
canaux, parce que rien ne peut sortir du cercle22 ». Ces nombres sont
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 ; les autres nombres n'étant, comme
nous le verrons, que leurs manifestations secondaires.

17. Il y a malgré tout un point commun entre le calcul


profane et la mathématique sacrée. Car, dans le calcul vrai, les
nombres « se combinent aussi par des règles fixes comme les
valeurs conventionnelles23 ». Il nous faut donc d'abord étudier ces
règles avant de chercher à les appliquer avec sagesse, car les
cas de manipulations farfelues ne manquent pas dans l'histoire
de l'occultisme, ou l'arithmosophie tourne parfois à

18
Idem., art. 1.
19
Idem., art. 1.
20
Idem., art. 1.
21
Idem., art. 14.
22
Louis-Claude de Saint-Martin, Œuvres majeures…, vol. X : Instructions sur
la Sagesse & suite d’instruction sur un autre plan, op. cit., p. [79].
23
Les Nombres, op. cit., art. 1.
l'arithmofolie ! Souscrivons sans réserve à la mise en garde du
Philosophe inconnu : « Rien de plus délicat que la manipulation des
nombres. Les règles en sont bien peu nombreuses, toute l'attention doit
porter sur l'art de les appliquer24 ». Appliquons-les donc avec
sagesse.

18. Les règles du calcul vrai sont en effet peu


nombreuses, puisque les principales opérations en sont
l'addition et la multiplication qui « malgré qu'elles s'emploient
l'une et l'autre dans le calcul vif, sont bien loin d'avoir le même effet25 ».
« Une des grandes clefs des nombres est de ne pas confondre ces deux
opérations. C'est par l'attention à les distinguer que l'on peut connaître,
entre deux nombres pris spirituellement, lequel est racine, et lequel est
produit26 ». En deux mots, « l'addition et la multiplication : voilà tout
le mécanisme de cette sublime science27 ».

19. « Mais on la défigurerait en entier si l'on employait ces deux


moyens également sur tous les nombres : les nombres de même nature se
multiplient, ceux qui sont hétérogènes ne font que s'additionner ; le tout
pour prévenir les monstruosités28 ».

20. L'addition théosophique, employée dans le calcul


vif, ne doit donc pas être confondue avec l'addition
arithmétique du calcul profane. Contrairement à cette dernière,
elle nous « fait connaître la nature de la production, et le vrai esprit des
résultats, tant par rapport à eux-mêmes que par rapport à leur principe
radical29 ». Celle-ci consiste simplement à additionner la suite
des nombres qui va de 1 au nombre choisi. Ainsi, au sujet du
nombre 10, Martines explique : « Je vous apprendrai donc, selon que
je le tiens de ceux qui ont été chargés de me le montrer, que le nombre
dénaire remplit les quatre nombres de puissance divine. Je place devant
vous le nombre dénaire en quatre figures différentes de caractères
d'arithmétique : 1, 2, 3, 4. Additionnez ces quatre caractères en cette
manière : 1 et 2 font 3, 3 et 3 font 6, 6 et 4 font 10 » (97). L'addition
théosophique du nombre 4 s'effectue donc ainsi : 1+2+3+4 =
10.

24
Idem., art. 14.
25
Idem., art. 1.
26
Idem., art. 14.
27
Idem., art. 14.
28
Idem., art. 14.
29
Idem., art. 1.
7
21. Ce calcul, simple pour de petits nombres, devient
laborieux pour les plus grands. On peut dans ce cas utiliser
une formule mathématique très simple : n(n+1)/2, au
moyen de laquelle, par exemple, l'addition théosophique de 28
peut se faire ainsi : 28(28+1)/2 = 406.

22. Outre l'addition théosophique, Martines emploie


fréquemment une autre forme d'opération : la réduction
théosophique. Celle-ci consiste à réduire en un seul chiffre
un nombre de plusieurs chiffres. Ainsi, la réduction
théosophique de 55 donne 5+5 = 10 = 1+0 = 1. La réduction
théosophique de 13 donne 1+3 = 4. Et celle du nombre 406
que nous venons de voir précédemment donne 4+6 = 10, qui
se réduit lui-même à 1+0 = 1.

23. Appliquons ce principe en prenant avec Martines


l’exemple de l'arche de Noé, dont on connaît les proportions :
300 coudées de longueur, 50 de largeur et 30 de hauteur, soit
un total de « 380 = 11 » (136), nombre qui peut encore se
réduire à 1+1=2.

24. Véritable opération alchimique, la réduction


théosophique permet d'extraire l'esprit d'un nombre de sa
gangue matérielle. Ainsi, quand nous réduisons 25
théosophiquement, nous avons 2 + 5 = 7, qui est donc l'esprit
du nombre 25.

25. Toute opération de ce genre laisse un résidu : le


caput mortuum. Ce terme alchimique, qui signifie « tête
morte », désigne le déchet d'une opération. Or, lorsqu'on
extrait l'esprit d'un nombre quelconque, on obtient « toujours 9
pour le caput mortuum et pour le cadavre30 ». Pour reprendre
l'exemple précédent, nous avons obtenu 7 comme esprit du
nombre 25. Retranchons ensuite 7 à 25, soit l'esprit au
nombre, et nous aurons 18, nombre qui se décompose en 1+8
= 9, qui est le caput mortuum. Rien de surprenant, puisque 9,
nous le verrons, est précisément le nombre de la matière.

30
Idem., art. 13.
26. Après l'addition et la réduction, passons à la
multiplication qui « est la route tracée pour aller des racines carrées et
cubiques à leurs puissances, et vice versa31 ». La multiplication
« engendre32». Ainsi, « 16 est puissance de 4, parce que vous n'y allez
que par multiplication33 ». En arithmosophie, le carré ou le cube
se calculent donc comme dans l'arithmétique profane. Ainsi, le
carré de 4 s’obtient par 4 x 4 = 16 ; le cube de 3 par 3 x 3 x 3
= 27.

27. Les nombres sont au sens le plus général des


puissances, ou plus exactement « l'expression des puissances des
êtres34 ». Ce mot revient fréquemment sous la plume de
Martines de Pasqually, dans le Traité, dans les instructions et
les rituels coëns, avec plusieurs significations
complémentaires.

28. Qu’est-ce donc que la puissance ? En arithmétique,


on appelle puissance d'un nombre le produit de plusieurs
facteurs égaux à ce nombre. Par exemple : 2 x 2 = 4. 4 est
donc puissance de 2. En théosophie, « les puissances
s'affaiblissent à mesure qu'elles s'éloignent de leur source primitive,
puisque, n'y ayant qu'une seule ligne qui est la perpendiculaire, plus vous
divisez cette ligne, plus les parties de la division se raccourcissent35 ».

29. Pour Saint-Martin, « chaque nombre a trois


puissances : sa racine, son carré et son cube [...] pour connaître toutes
les puissances d'un nombre, il faut d'abord connaître et posséder la valeur
de sa racine, puis le carrer et le cuber...36 ». Ainsi, en arithmosophie,
on appellera parfois puissance une racine.

30. La racine d'un nombre « ou la première puissance, est


donnée à chaque être par son origine. Aussi, tous les nombres sont-ils
racines37 ». Et « les racines ne sont que comme les organes et les canaux
par où l'unité manifeste et réalise au-dehors d'elle-même l'expression de
ses facultés38 ». En résumé, tout nombre ayant une origine
31
Idem., art. 14.
32
Idem., art. 1.
33
Idem., art. 14.
34
Les Leçons de Lyon…, op. cit., 18.
35
Les Nombres, op. cit., art. 41.
36
Idem., art. 71.
37
Idem., art. 71.
38
Idem., art. 31.
9
possède une racine, elle-même liée à l’unité, parce que tous les
êtres ont Dieu pour principe.

31. Il existe cependant plusieurs types de racines, à


différencier. Il faut en effet distinguer la racine carrée, et la
racine cubique, toutes deux propres au calcul arithmétique, de
la racine essentielle propre au calcul vif. « Dans le calcul vrai, il y
a des racines essentielles et des racines qui ne le sont pas, et [...] il en est
de même de quelques puissances, tandis que, dans le calcul arithmétique,
toutes les racines sont contingentes, et toutes les puissances mobiles comme
leurs racines39 ».

32. Dans le calcul sacré, « ces trois racines suffisent


pour compléter tout être, parce que par la racine essentielle il a la vie ou
l'existence, par la racine carrée il a le progrès, et par la racine cubique il a
le terme ou le complément40 ». De la naissance à la mort, en passant
par la vie, ou encore de l’émanation à la réintégration, en
passant par l’incarnation.

33. Commençons par la racine essentielle ou intégrale


que le calcul profane ignore. La racine essentielle est le
principe ou l'âme d'un nombre. Pour Saint-Martin, le nombre
« où vous allez par addition est la racine41 ». La racine essentielle se
calcule donc par addition théosophique. Ainsi, 10 est racine de
4, parce que 1+2+3+4=10. « On voit ici que les puissances des
nombres ne se bornent pas à celles que les savants leur ont prescrites. Car,
quoique 10 soit très certainement racine carrée de 100 et racine cubique
de 1000, il est encore racine de 4. Or, cette racine peut se nommer racine
essentielle ou intégrale42 ».

34. Si le résultat obtenu est un nombre à plusieurs


chiffres, on le réduit ensuite théosophiquement pour obtenir
la racine essentielle seconde. Calculons la racine de 7 :
1+2+3+4+5+6+7 = 28. 28 est donc racine de 7. Mais 28 peut
encore se décomposer en 2+8= 10. Et 10 est alors racine
essentielle seconde de 7.

39
Idem., art. 1.
40
Idem., art. 14.
41
Idem., art. 14.
42
Idem., art. 14.
35. Les racines essentielles développent une série
numérique de neuf chiffres, en commençant par le 1,
première racine, puis avec les suivantes :
1
1+2=3
1+2+3=6
1+2+3+4=10=1
1+2+3+4+5=15=6
1+2+3+4+5+6=21=3
1+2+3+4+5+6+7=28=10=1
1+2+3+4+5+6+7+8=36=9
1+2+3+4+5+6+7+8+9=45=9
Nous avons donc la série des racines essentielles
suivante : 1.3.6.1.6.3.1.9.9.

36. A partir de cette série numérique, on peut trouver de


manière simple la racine essentielle de n'importe quel
nombre. Pour cela, on dispose horizontalement deux rangées
de chiffres, la première avec la série des racines essentielles, la
seconde avec la suite arithmétique des chiffres de 1 à 9 :
1.3.6.1.6.3.1.9.9.
1.2.3.4.5.6.7.8.9.

Prenons ensuite un nombre, par exemple 28. Réduisons-


le théosophiquement : 2+8 = 10 = 1. Rangeons-le à sa place
dans l'ordre numérique sur la ligne du bas. Le nombre qui lui
correspond sur la ligne du haut est sa racine essentielle, qui est
1 dans le cas présent.

37. La deuxième puissance d'un nombre n'est autre que


son carré, que Saint-Martin, fidèle au langage du calcul
profane, nomme aussi parfois « première puissance ». « La
deuxième puissance, ou le carré, est le moyen par lequel cette
racine s'élève et produit son fruit. Aussi, cette deuxième puissance est-elle
double dans tous les êtres ; ce qui est représenté par les deux dimensions
de la surface. Les deux testes [sc. testicules] de tous les mâles en est
l'indice physique et la démonstration opérante43 ».

43
Idem., art. 71.
11
38. La troisième puissance du calcul vif, ou la seconde
puissance si l'on s'en tient à l'usage vulgaire, est le cube. Or,
« le cube est la dernière puissance où l'on puisse élever une racine, puisque
c'est la dernière dimension de la matière44 », dans l’espace classique
qui ne comprend que trois dimensions : la largeur, la hauteur
et la profondeur. Le cube est donc « le terme parfait de tout
nombre45 », ou l'expression de sa manifestation dans le monde
sensible et matériel. « Pour connaître les vraies propriétés d'un être, il
faut toujours considérer le cube de sa puissance, c'est là seulement où se
développe le tableau de ses facultés46 ».

39. Quant aux autres puissances arithmétiques, ce « ne


sont que des multiples de ces trois racines primitives, elles ne sont que des
répétitions opérées par extension de ces racines primitives ; mais elles ne
sont pas données par le germe radical de la nature : ce ne sont que de
secondes sèves, et des superfétations47 ».

40. Après les opérations, étudions les résultats très sûrs


auxquels celles-ci nous permettent de parvenir.
Traditionnellement, l'univers, qui ne se réduit pas au monde
matériel, se peut diviser en trois cercles ou trois régions. Or,
les nombres se distinguent particulièrement entre eux par la
région où on les rencontre. Selon Saint-Martin, ces trois
régions, divine, spirituelle et naturelle, sont en effet
comparables à « un grand arbre dont la racine reste toujours cachée
dans la région divine comme dans sa terre maternelle, dont le tronc ou le
corps se manifeste dans la région spirituelle par le carré, et dont les
branches, les fleurs et les fruits se manifestent dans la région naturelle par
l'opération du cube48 ».

41. Partons à la découverte du grand arbre qui représente


le tableau universel, en commençant par le nombre 1, qui est
le premier nombre. 1 symbolise l'unité, c'est par excellence le
nombre de Dieu. « L'unité - écrit Saint-Martin - est le seul nombre
qui non seulement ne sorte point de la décade divine ni par son carré ni

44
Idem., art. 57.
45
Idem., art. 1.
46
Idem., art. 50.
47
Idem., art. 14.
48
Idem., art. 1.
par son cube, mais même qui ne sorte point de son propre secret, ou de son
propre centre, et qui concentre en soi toutes ses opérations49 ».

42. Démonstration pratique : « 1 manipulé par l'homme ne


rend jamais que 1. Dieu considéré par notre pensée se présente toujours à
nous comme l'être universel et dont la puissance est absolument distincte
de nous et au-dessus de nous50 ». Essayons en effet d'en calculer la
racine essentielle par addition théosophique. 1, auquel on ne
peut rien ajouter pour aller jusqu'à lui-même donne 1. « 1 a le
principe en lui, et le tient de lui51 ». « Ainsi, l'unité rend toujours 1,
malgré toutes les multiplications possibles, parce qu'elle ne peut sortir
d'elle-même ni produire une autre elle-même. Elle ne peut être susceptible
d'addition, parce qu'il faudrait pour cela qu'il y eût plusieurs unités, et
qu'il n'y en a qu'une52 ». Il n'y a donc qu'une puissance
première qui est l'unité, à laquelle appartient la loi créatrice.

43. Comment l'unité peut-elle se manifester en dehors


d'elle-même ? C'est, répond Saint-Martin, fidèle à Martines,
« par ses puissances secondes et troisièmes, dont nous sentons la liaison
coéternelle avec elle, et dont nous voyons les lois écrites quand nous ouvrons
les yeux de notre intelligence. Mais nous ne pouvons connaître la voie
active et le moyen par lequel elle opère cette manifestation, cette expansion
de ses puissances, parce qu'alors nous lui serions égaux. Néanmoins, une
chose dont nous sommes sûrs, c'est qu'elle n'opère ces expansions que dans
sa décade53 ». Partons donc à la découverte des puissances
secondes et troisièmes de 1.

44. « 1 - écrit encore Saint-Martin - est triplement racine


essentielle, savoir de 10, de 4 et de 7, mais 10 ne se sépare pas de 1.
Ainsi, c'est lui qui agit dans 10, et en union coéternelle, lorsque 10 opère
4 et 754 ».
Démonstration :
- 1 est racine essentielle de 10, parce que
1+2+3+4+5+6+7+8+9+10 = 55 = 5+5 = 10 = 1.
- 1 est racine essentielle de 4, parce que 1+2+3+4 =
10 = 1.

49
Idem., art. 1.
50
Idem., art. 71.
51
Idem., art. 5.
52
Idem., art. 30.
53
Idem., art. 30.
54
Idem., art. 14.
13
- 1 est racine essentielle de 7, parce que
1+2+3+4+5+6+7 = 28 = 2+8 = 10 = 1.

45. Commençons donc par 10, qui est pour Martines un


« nombre divin » (66), et c'est selon Saint-Martin « la première
image de Dieu55 ». Comme nous l’avons entrevu, « 10 est
doublement racine essentielle, savoir pour 4 et pour 756 ». Cependant,
au sens strict, « il n'appartient qu'à l'unité principe et à son dénaire
qui est sa propre puissance, de créer des êtres, c'est-à-dire de porter le nom
de racine essentielle57 ».

46. Les nombres 4 et 7 ne sont donc point eux-mêmes


racines essentielles, mais puissances essentielles, parce qu'ils
tirent leur origine de la racine essentielle 10, comme nous
l’avons vu aussi. « Ce sont là ses deux rayons, ses deux
puissances, l'une divine, l'autre spirituelle58 ». « Le 10 et le 1 sont le
principe, le 4 et le 7 sont les productions ; aussi, ces nombres ne sont-ils
que des racines carrées et non des racines essentielles59 ».

47. Nous savons désormais que 4 tire son origine de 10,


et donc de 1, parce que 1+2+3+4 = 10. Le nombre 4 désigne
avant tout la « quatriple essence divine » (66). Ce nombre « nous
donnant 10 par son addition sur lui-même, nous présente l'image de
l'unité dont il est émané et nous annonce par là que son essence est
éternelle, puisqu'elle est la même que celle de Dieu60 ». Pour Martines,
le nombre 4 « contribue à la perfection des formes prises dans la matière
indifférente, parce qu'il donne le mouvement et l'action à la forme
corporelle et parce qu'il préside sur tout être créé comme étant le principal
nombre d'où tout est provenu. [...]. C'est pourquoi c'est dans le nombre
quaternaire que l'homme doit apprendre à connaître tous les nombres de
puissances spirituelles qui sont innées en lui, puisqu'il a eu le malheur
d'être privé de ces connaissances. » (101). « C'est de 4 que sortent toutes
les puissances visibles et physiques61 ». Une instruction coën évoque
« le quaternaire de l'homme et de 16 qui est sa puissance, ainsi que du

55
Idem., art. 66.
56
Idem., art. 14.
57
Idem., art. 14.
58
Idem., art. 14.
59
Idem., art. 14.
60
Les Leçons de Lyon…, op. cit., leçon 92.
61
Les Nombres, op. cit., art. 34.
quaternaire céleste par 22, et du septénaire par 49, qui est sa
puissance62 ».

48. Parenthèse sur le nombre 22, qui est celui des lettres
de l’alphabet sacré : 2+2 = 4, qui vaut 10. Les 22 lettres
hébraïques sont donc liées aux 10 nombres. « Le nombre des
lettres de l’alphabet est fixe, le nombre des chiffres premiers ou principaux
l’est aussi ; mais les mots qui peuvent se former avec les 22 lettres, et les
nombres qui peuvent se former avec les dix chiffres sont infinis ; c’est-à-
dire que, quelque changement que l’on fasse dans l’arrangement des
lettres ; il ne se peut qu’il n’en reste toujours quelqu’autre à faire, comme
d’ajouter, de diminuer de transposer, et de répéter les mêmes lettres, ce qui
véritablement ne peut jamais avoir de bornes. La même chose arrive
sensiblement dans les nombres où quelque quantité que l’on suppose, on
peut toujours l’augmenter, et y ajouter de nouvelles quantités ; mais de
même que dans la formation des mots quelconques on ne peut sortir des
22 caractères alphabétiques, de même quelque nombre infini que l’on
puisse supposer il sera toujours formé de dix premiers caractères ou chiffres
numériques63 ». Fermons la parenthèse.

49. Retour au nombre 7. Nous savons comment 7 tire


son origine de 10 : 1+2+3+4+5+6+7 = 28 = 2+8 = 10. Mais,
spirituellement, 4 est aussi racine carrée de 7. Pourquoi ? Parce
que 4 x 4 = 16 = 1+6 = 7. C'est pourquoi 7 est aussi le
nombre de la première puissance de l'homme 4, puisque 4 x 4
= 16 = 7. 4 est donc racine carrée de 7. Pour Martines le
nombre 7 est celui de l’« esprit saint appartenant aux esprits
septénaires » (66). Il est puissance seconde de 1 avec 4, 8 et 10.
Saint-Martin explique que 7 « n'est connu que par le temporel : 4 x
4 = 16 = 7. Mais, en même temps, il est clairement le nombre de
l'esprit, puisqu'il vient du divin, et qu'il donne 28 [...]. N'oublions pas,
cependant, que tout ceci n'est qu'en image, parce que 7, venant de 16,
n'est pas racine, et que même il n'est pas puissance essentielle de 4,
puisqu'il ne rentre pas par voie d'addition dans sa racine64 ». Pour
Martines, « le nombre septénaire, qui est sorti du nombre absolu
dénaire, est le nombre plus que parfait que le Créateur employa pour
l'émancipation de tout esprit hors de son immensité divine [...] et ce
nombre est la seconde puissance de la Divinité » (99).

62
Les Leçons de Lyon…, op. cit., leçon 97.
63
Louis-Claude de Saint-Martin, Œuvres majeures…, vol. X : Instructions sur
la Sagesse & suite d’instruction sur un autre plan, op. cit., p. [78].
64
Les Nombres, op. cit., art. 29.
15
50. Passons au nombre 8. Le nombre 8 est celui de
l’« esprit doublement fort appartenant au Christ » (66). 8 est un
nombre si particulier qu’il entre dans les exceptions des règles
de l'addition théosophique qui ne s’y appliquent pas. De
même, regarder 8 comme le cube de 2 « répugne à l'esprit des
nombres, quoique cela soit conforme à l'esprit arithmétique65 ». « Il faut
bien se garder aussi d'additionner 8, ce serait le dénaturer : il mène à 36,
qui est bien loin d'être son nombre relatif 66». Pourquoi ? Parce qu’« il
n'y a que 4 et la puissance 7 que l'on puisse ramener à 10 par cette voie,
parce qu'ils en sont descendu ; au lieu que 8 n'est pas produit par 10,
mais il en est la droite, et l'Esprit-Saint en est la gauche67 ». Saint-
Martin, prolonge ici, en la christianisant davantage dans le sens
de l’orthodoxie, la ligne de Martines.

51 « 1, 10, 8, 7 : voilà le divin, ou l'ensemble des racines


essentielles. L'homme, ou 4, en est l'extrait et la première puissance
essentielle68 ». 4, 7, 8 et 10 sont des puissances secondes, parce
qu'elles tiennent au centre immédiatement, et que leur est
confiée la loi administratrice.

52. Passons à présent aux puissances troisièmes de 1,


qui sont 3, 6 et 9. « Les nombres de la matière, 3, 6, 9, sont aussi des
puissances, mais ce ne sont pas des puissances essentielles comme 4 et 7,
parce qu'ils ne tirent pas comme ces deux nombres leur origine de la
racine essentielle 10. Cependant, quoique n'étant pas des puissances
essentielles, on ne peut se dispenser de les regarder comme des racines,
puisque tout nombre l'est, chacun selon sa classe69 ».

53. Les puissances troisièmes ne tiennent au centre « que


médiatement et n'ont d'autre but à remplir que celui de la production de
formes. Elles sont donc plus resserrées que les puissances secondes. [...]
elles n'ont que la puissance exécutrice et opératrice qui, étant
toujours la même (puisque l'objet de leur œuvre ne change pas), ne fait que
se transmettre d'un être à l'autre par voie de génération neuvaire. Aussi,
tous leurs faits sont-ils égaux70 ».

65
Idem., art. 13.
66
Idem., art. 14.
67
Idem., art. 14.
68
Idem., art. 14.
69
Idem., art. 14.
70
Idem., art. 30.
54. Le nombre 3 « appartenant à la terre ou à l'homme » (66),
c'est-à-dire au corps de l'homme, est la deuxième racine. Il est
la base des corps, le nombre des éléments (feu, eau, terre),
celui des principes (sel, soufre, mercure), des lois de la matière,
et c'est le nombre du triangle. « Le nombre 3 indique les trois
essences spiritueuses qui constituent toutes les formes ; il indique encore,
par l’origine de ces mêmes essences, que l’action directe des esprits
inférieurs est ternaire, puisqu’ils ont émané d’eux mercure, soufre et sel,
pour la structure de l’univers » (239). Le nombre 3 correspond
donc aux trois régions terrestres (ouest, nord et sud), comme
aux trois parties de l’univers (immensité surcéleste, immensité
céleste, immensité terrestre).

55. Le nombre 6 est pour Martines celui des « opérations


journalières » (66) qui sont les quatre prières dites chaque jour,
de six heures en six heures, par les élus coëns71. 6 est le second
nombre de la matière, parce qu’il est le nombre des six jours
de la création, selon Moïse, qui sont, explique Martines, les six
pensées de Dieu. C’est le nombre du double triangle ou sceau
de Salomon. 6 est puissance troisième, avec 3 et 9. D'ailleurs 6
est racine de 3 : 1+2+3 = 6. C'est donc avant tout la troisième
puissance divine. « Le nombre sénaire est celui par lequel le Créateur
fit sortir de sa pensée toutes espèces d'images de formes corporelles
apparentes qui subsistent dans le cercle universel » (100).

56. Pour Martines, pas d’ambigüité : le nombre 9 est un


nombre « démoniaque appartenant à la matière » (66). C'est en
effet, après le 3 et le 6, le troisième nombre de la matière,
produit des trois essences et des trois éléments, qui n’est pas
sans lien avec le 5. « Joins le nombre quinaire avec le nombre
quaternaire et tu trouveras le nombre neuvaire, nombre de la subdivision
des essences spiritueuses de matière et de celle des essences spirituelles
divines, et cela par la jonction du nombre quinaire, imparfait et
corruptible, avec le nombre quaternaire, parfait et incorruptible » (239).

71
Voir mon ouvrage sur la Tradition martinésiste. Théosophie et théurgie des élus
coëns, Grenoble, Le Mercure Dauphinois, 2021, chapitre « Quatre prières
de six heures en six heures », p. 199-211.
17
57. Prenons garde à une nouvelle exception. Par
l'élévation au carré, seuls trois nombres restent dans la décade
divine : 1, 2 et 3. Cependant, « parmi les trois premiers nombres qui
restent par cette opération dans la décade divine, il en est un auquel cette
opération ne peut convenir, et ce nombre est 272 ».

58. Arrêtons-nous sur le nombre 2. C'est un des


nombres du mal et c'est aussi un « nombre de confusion appartenant
à la femme » (66). Plus généralement, « le nombre 2 est donné à la
confusion où se trouvent les esprits pervers et les hommes qui se joignent à
l’intellect de ces mauvais esprits » (239). « Il est impossible - explique
Saint-Martin - de faire naître 2 de 1, et, s'il en sort quelque chose par
violence, ce ne peut être que de l'illégitime, et comme une diminution de
lui-même73 ». En effet, comme il n'y a qu'une unité, on ne peut
ajouter 1 à 1. Et si vous cherchez la racine de 2 vous trouvez
3. 2 lui-même n'apparaît jamais comme racine. Mais ½ « est
spirituellement la vraie racine de 274 ».

59. Le nombre 5, qui est celui de l’« esprit démoniaque »


(66), s'obtient par addition de 2 (nombre de confusion ou de
génération charnelle) et de 3 (nombre de la matière).
« Additionne le nombre 2 avec le nombre 3, tu trouveras le nombre 5, qui
est celui dont se servent les démons pour opérer la contre-action contre
l’action purement spirituelle divine. Le nombre des esprits démoniaques
était, dans leur émanation, un nombre quaternaire comme celui du
mineur, savoir le père éternel, 1 ; le fils, 2 ; le saint esprit, 3, et
l’émanation provenant de ces trois divins, 4. Mais les esprits pervers
joignirent, de leur autorité privée et par leur seule volonté, une unité
arbitraire au nombre quaternaire de leur origine, ce qui dénatura leur
puissance spirituelle et la transforma dans une puissance bornée et
purement matérielle, sous la conduite d’un chef pris parmi eux. Voilà
pourquoi le nombre quinaire est celui des démons » (239).

60. 2 et 5, nombres du mal, sont les seuls qui divisent le


dénaire. Les opérations classiques du calcul vif ne peuvent leur
être appliquées sans aboutir à des monstruosités. Saint-Martin
écrit à leur sujet que 2, comme 5, ne doit pas être considéré
comme des racines pures et vraies. « En conséquence, on ne
doit jamais les carrer ni les cuber, comme l'on fait des autres racines, parce
72
Idem., art. 1.
73
Idem., art. 1.
74
Idem., art. 4.
qu'ils conduisent en effet à des résultats séduisants mais qui ne sont bons
qu'en apparence. Tel est le privilège de l'iniquité. L'ange des ténèbres a le
pouvoir de se transformer en ange de lumière. Mais voyez quels sont les
éléments qui composent ses résultats : 2 x 2 = 4. 4 x 2 = 8, 5 x 5 =
25 = 7 x 5 = 35 = 8 [...]. Ainsi ne faisons jamais végéter ses racines
corrompues, refusons-leur au contraire toute culture, afin de les rendre
aussi stériles que nous pourrons75 ».

61. Enfin, au regard de l'arithmosophie, le zéro n'est pas


un nombre puisqu'il est le signe du néant, alors que les
nombres sont précisément tout le contraire, puisqu'ils sont
l'expression de la valeur des êtres. Mais le zéro désigne
l'univers matériel, dont Martines ne cesse de rappeler le
caractère illusoire et temporaire.

BIBLIOGRAPHIE

Pour une approche « généraliste » :

- Dr René Allendy, Le Symbolisme des nombres. Essai


d’arithmosophie, Paris, Editions traditionnelles, 1983 (fac-similé
de l’éd. de 1948). Une approche généraliste où le martinisme
n’est pas absent.
- Jean-Pierre Brach, La symbolique des nombres, Paris,
Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1994.

Pour une approche « martiniste » :

- Louis-Claude de Saint-Martin, Les Nombres. Première


édition authentique du manuscrit autographe procurée avec
une introduction et des notes par Robert Amadou, Paris,
Cariscript, 1983.
- Serge Caillet, La Tradition martinésiste. Théosophie et théurgie
des élus coëns, Grenoble, Le Mercure Dauphinois, 2021.

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Idem., art. 14.
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