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Tous les rituels


alchimiques du baron
de Tschoudy

Joël de Vintuit

Œuvre publiée sous licence Creative Commons by-nc-nd 3.0

En lecture libre sur Atramenta.net

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CHAPITRE I : PRÉFACE DE
L’ÉDITION ORIGINALE,

IMPRIMÉE SOUS FORME DE FAC-SIMILÉ EN


1980

Voici une quinzaine d’années, la Providence mit


entre nos mains le cahier que nous reproduisons
aujourd’hui. Pas de nom d’auteur, aucune indication
extérieure qui nous permît de l’identifier. Sa
provenance, toutefois, conférait d’emblée un grand
intérêt à ce manuscrit anonyme, puisqu’il émanait de
la collection personnelle de l’un des initiés les plus
érudits de sa génération, dont la bibliothèque
alchimique, riche en manuscrits de la plus insigne
rareté, se trouva malheureusement dispersée après
son décès.

La simple nomenclature des grades, telle qu’elle


apparaît en première page, suffit à nous convaincre
que l’auteur de ces rituels était à la fois un Maçon de
haut niveau, et très versé dans l’Alchimie. Mais quelle
ne fut pas notre surprise – et notre joie – en
découvrant, entre les grades de Chevalier de la Toison
d’Or et celui de Royal Arche, deux textes bien connus,
publiés par le Baron de Tschoudy dans L’Étoile
Flamboyante, et intitulés : Grade des Apprentifs

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Philosophes Inconnus – statuts, et Catéchisme ou
Instruction pour le grade d’Adepte ou Apprentif
Philosophe Inconnu !

Jusqu’à présent, seuls ces deux textes prouvaient


l’intérêt que Tschoudy portait à l’Alchimie. Souvent
analysés, prônés par les plus grands commentateurs
comme un chef-d’œuvre de concision, de précision et
d’exactitude, ces deux articles restaient cependant
fort mystérieux : qu’est-ce que cette Société des
Philosophes Inconnus, qui n’a rien à voir avec celle de
Louis-Claude de Saint-Martin – lequel, d’ailleurs,
manifestait la plus grande méfiance envers la doctrine
alchimique ? Et d’où le Baron de Tschoudy avait-il tiré
une telle somme de connaissance ?

Grâce aux commentaires d’Oswald Wirth, repris par


Robert Amadou, on peut sans se tromper répondre à
cette dernière question. Tschoudy a utilisé trois
sources différentes : la première est extraite d’un
ouvrage largement diffusé au XVIIIe siècle, Les
Œuvres du Cosmopolite divisées en trois Traités, dans
lesquels sont clairement expliqués les trois Principes
de la Philosophie Naturelle, Sel, Soufre et Mercure ,
sous-titré Cosmopolite ou Nouvelle Lumière
Chymique. C’est de la première partie de cet ouvrage,
intitulée Traité de la nature en général, que Tschoudy
a tiré les 61 premières réponses de son Catéchisme.
La suite est directement inspirée par un autre texte,
fort célèbre également : La Lumière sortant par soi-
même des Ténèbres, ou véritable théorie de la Pierre
des Philosophes, par Marc-Antonio Crassellame, le
tout traduit en français par B.D.L. Robert Amadou,
dans son remarquable article publié en 1961 dans les
Cahiers de la Tour Saint-Jacques, et intitulé : Le
Philosophe inconnu et les Philosophes inconnus,

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indique comme troisième source de Tschoudy « les 53
lettres de Michel Sendivogius, ou de J.J.D.I.,
communément appelé Cosmopolite, adressées à
Monsieur T…., nouvel Associé de la Compagnie des
Philosophes Inconnus ».

Comme on le voit, cette question a fait l’objet


d’études serrées de la part d’éminents spécialistes, et
nous renvoyons le lecteur, pour plus ample
information, à la remarquable étude,
malheureusement non signée, publiée en exergue à la
réédition de L’Étoile Flamboyante en 1979.

Une petite phrase, cependant, à la fin du


Catéchisme ou instructions pour le grade d’Adepte ou
apprentif Philosophe sublime & inconnu, semble
n’avoir pas suscité de commentaires particuliers de la
part des exégètes de Tschoudy. Et pourtant…

« N.B. Si tous les catéchismes de Maçonnerie


étaient aussi instructifs que celui-là et ceux des autres
grades de cette partie, que j’espère communiquer un
jour au Public, s’il accueille cette ébauche ; il est à
croire que l’on s’appliquerait davantage à se souvenir
des questions de l’Ordre ; mais leur sécheresse
fatigue la mémoire, perd le tems, et rebute l’esprit ».
(Note : C’est nous qui soulignons !)

Vu l’immense intérêt que présentent les Statuts et


le Catéchisme, on peut se demander par quel miracle
les rituels « des autres grades de cette partie », dont
parle Tschoudy, ont pu rester ignorés jusqu’à ce jour.
On sait que le 28 Mai 1769, sentant la mort venir, le
Baron avait légué l’ensemble de ses manuscrits au
Conseil des Chevaliers d’Orient, à condition qu’ils ne
soient pas publiés. Lesdits Chevaliers ne tinrent

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d’ailleurs pas compte de cette interdiction, puisqu’en
1780 ils ne craignirent point de rendre public
L’Écossais de Saint-André. Aucun des rituels que nous
présentons ici ne fut divulgué à cette occasion.

À notre connaissance, l’ensemble que vous avez


aujourd’hui sous les yeux n’a jamais été publié, et le
collectionneur érudit duquel nous le tenons n’en a
jamais révélé l’existence. Certains de ces grades
furent recopiés, vers la fin du XVIIIe siècle et au tout
début du XIXe – et nous possédons, d’ailleurs, un
certain nombre de ces copies – mais toujours
partiellement. Nous pensons que la plupart d’entre
eux sont absolument inédits, et dans tous les cas, c’est
la première fois depuis que Tschoudy les rédigea que
les voici publiés intégralement. Jusqu’à présent, la
copie la plus complète – encore que sérieusement
tronquée – était celle conservée dans les archives du
Grand Orient de La Haye, aux Pays-Bas, qui ne l’a
jamais divulguée.

Il suffit de parcourir, même superficiellement, ces


rituels, pour se rendre compte du but recherché par
Tschoudy : créer un Rite Maçonnique Alchimique, rite
qui serait réservé à l’élite des Frères des hauts
grades. L’Alchimie, en effet, a toujours été pour ce
grand Maçon le but final de l’Ordre, et il est certain
que cette collection unique de rituels forme un
ensemble de textes résolument alchimiques, révélant
non seulement la philosophie du Grand Œuvre, mais
sa résolution opérative. Certains tours de main sont
pratiquement indiqués en clair, et certaines « fautes
d’orthographe » sont à cet égard particulièrement
révélatrices. D’ailleurs, on peut se demander ce que
vient faire cette « Instruction pour faire le Grand
Œuvre » au milieu d’un recueil de rituels

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maçonniques…

Tschoudy est tout aussi clair lorsqu’au grade de


Chevalier du Soleil, il ajoute, immédiatement après
l’explication morale du Tableau, une « Autre
Explication pour les Chymistes et les Adeptes », qui
peut servir de clé de lecture pour l’ensemble des
rituels.

À notre connaissance, l’ensemble de ce Rite


Maçonnique, en tant que tel, n’a jamais été
intégralement pratiqué – en tout cas pas depuis le
XVIIIe siècle. Maintenant que le voici publié, il est
souhaitable qu’une Loge tente de reconstituer ce Rite
magnifique, et de le remonter. Il suffirait de quelques
adaptations minimes pour que renaisse, comme le
Phénix alchimique, une Maçonnerie Hermétique
Traditionnelle…

Le grade de Chevalier du Soleil n’est-il pas sous-


titré précisément l’Adepte Moderne ?
A.S., i.o. eq. a Lapide Solis.

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CHAPITRE II : ORDRE DES GRADES
PHILOSOPHIQUES

1er Royal Arche

2e Chevalier du Soleil

3e Suprême Commandeur des Astres

4e Chevalier du Phénix

5e Chevalier de l’Iris

6e Chevalier d’Occident

7e Chevalier de l’Aigle Noir, 1er, 2e & 3e Grades

10e Le Vrai Maçon

11e Instruction pour le Grand Œuvre

12e Chevalier des Argonautes & de la Toison d’Or

MAÇONNERIE PHILOSOPHIQUE

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CHAPITRE III : PREMIER GRADE

LE CHEVALIER DE L’AIGLE NOIR DIT


ROSE+CROIX

DÉCORATION DU CHAPITRE

Le Chapitre doit être tendu de noir, avec des


colonnes de marbre de distance en distance, ornées
de chapiteaux dorés, d’ordre corinthien, de même que
les piédestaux. Le nombre de ces colonnes sera de
douze, dont quatre seront sur la muraille du Nord,
quatre sur celle du Midi, deux à l’Orient, et deux à
l’Occident.

Sur chacune de ces colonnes, il y aura écrit, savoir :


sur les quatre du Nord : sur la première, Jehovah ; sur
la deuxième, Emmanuel ; sur la troisième,
Tetragrammaton ; sur la quatrième, Jehah.

Sur les quatre du Midi : sur la première, Messiah ;


sur la deuxième, Arpheton ; sur la troisième,
Anarbona ; sur la quatrième, Erygion.

Sur les deux de l’Orient : sur la première du côté du


Nord, Agla ; sur la seconde du côté du Midi, Adonai

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(d’autres mettent Melech).

Sur les deux de l’Occident : sur la première du côté


du Nord, Jessemon ; sur la seconde du côté du Midi,
Eloïm.

Les lettres de ces mots doivent être moulées en or,


et sur la muraille de l’Occident entre les colonnes, il y
aura un tableau de marbre blanc, orné d’un cadre
doré où il y aura la figure suivante :

Sur la muraille, du côté de l’Orient, entre les deux


grandes colonnes sera le Grand Aigle Noir. Sur le côté
droit la Lune, à gauche le Soleil. ; et au dessous
l’Étoile Flamboyante avec la lettre J en dedans. Entre
chaque colonne, il y aura un bras doré avec trois
lumières ; et dans le milieu du Chapitre, il y aura à
l’Occident deux chandeliers à trois branches, l’un du
côté du Nord et l’autre au Midi. À l’Orient du côté du
Midi il y en aura un à deux branches, et un peu plus
bas de l’autre côté, un à une seule branche, qui sera
tout près du tombeau, comme on le verra sur le
tableau qui doit être tracé par terre comme dans les
autres Loges. Toute la cire doit être jaune ; les

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maillets, noirs ; les tables peintes en noir, ou
couvertes de tapis noirs.

HABILLEMENTS

On aura l’habit, veste, culotte, bas et épée noirs,


avec un nœud couleur de feu, chapeau noir, plumet
blanc, et un cordon rouge passé en écharpe. On aura
aussi un ruban rouge passé à la boutonnière, où
pendra un aigle de métal noir. Le grand cordon sera
passé de droite à gauche. Les gants seront rouges
bordés de noir. Le tablier sera blanc bordé de rouge.
Sur la bavette il y aura une étoile avec la lettre J ; et
dans le milieu du tablier sera un aigle noir sans autre
chose.

DIGNITÉS

Le Vénérable s’appelle Chevalier Grand Maître. Le


Premier Surveillant, Chevalier Grand Prieur. Le
Deuxième Surveillant, Chevalier Grand Surveillant.
Les autres Frères s’appellent Chevaliers.

MOTS

Le mot sacré est Jabamiach. Le mot de passe est


Eliael.

SIGNES

Le signe est de porter les deux mains étendues


appuyées au col, de les baisser dans la même position,
de venir toucher les deux tétons et de les y arrêter.

La réponse à ce signe, est de mettre la main droite


sur la garde de son épée et de porter ensuite cette

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même main sur la poitrine du chevalier qui a fait le
premier signe.

ATTOUCHEMENTS

Le premier touche en Apprentif, et dit : « Notre


Frère est trouvé. » Le second touche en Compagnon
et dit : « Alpha et Omega. » Le premier fait ensuite le
cramponnage de Maître et dit : « Un grand aigle le
garde. » Pour lors le second, tournant ses mains
cramponnées sens dessus dessous, dit : « Kirie » ; puis
on s’embrasse.

ORDRE

Pour se mettre à l’ordre, on ferme le petit doigt et


le pouce de la main droite, et on pose les trois autres
doigts étendus sur le cœur.

EXPLICATION DU TABLEAU

1 - Les acacias qui étaient dans l’endroit où fut mis


notre Frère Hiram après qu’il eut été assassiné, et
dont on plaça une branche sur le lieu où il avait été
mis, afin de le reconnaître.
2 - Une nuée qui descendit du firmament, pour
cacher l’endroit où il avait été mis pour que les
assassins ne puissent le trouver et l’enlever.
3 - Les chandeliers représentant les neuf Maîtres
qui furent à la recherche de notre Maître, et un seul
chandelier signifie celui qui le trouva.
4 - Le tombeau de notre cher Frère.
5 - Le Soleil et la Lune qui éclairèrent tous les
Frères qui furent à sa recherche, sans qu’aucune nuée
les obscurcît jamais.
6 - L’Étoile Flamboyante, phénomène qu’aperçurent

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les Maîtres, et qui s’était fixée sur le tombeau de
notre Frère Hiram. La lettre J du milieu est l’initiale
du redoutable mot mystérieux.
7 - Le triangle, autre phénomène qui apparut,
lorsque le corps de notre Frère fut découvert ; et cette
expression indicible du milieu est le grand et ineffable
mot sacré, auquel on a substitué celui de l’Étoile
Flamboyante.
8 - L’aigle qui garda fidèlement pendant neuf jours
la fosse où était notre Frère, de peur que quelques
bêtes ne vinssent s’en repaître ; et dès que notre
Frère fut trouvé, l’aigle fondit sur la tombe, prit la
branche d’acacia et s’envola dans les airs.

Dans cet Ordre, les assemblées s’appellent


Chapitre. Les Chevaliers de l’Aigle Noir Rose+Croix,
doivent être regardés par excellence comme les
premiers Maçons, et comme tels, ils doivent avoir le
pas dans toutes les Loges, sur tous les Frères qui ne
possèdent pas ce sublime grade. Leurs privilèges sont
très étendus.

Salomon, dans son institution de la Maçonnerie,


divisa cet Ordre en trois classes : en Apprentifs, en
Compagnons, et en Maîtres. Les Maîtres n’étaient pas
les Maîtres Maçons ordinaires : c’étaient des hommes
éclairés, choisis par ce Prince et propres à être initiés
dans les hautes sciences, dites cabalistiques.

OUVERTURE DU CHAPITRE

Le Chapitre s’ouvre par un grand coup de maillet,


que frappe le Chevalier Grand Maître. Le Grand
Prieur et le Grand Surveillant répondent chacun sur
un autre coup ; et alors le Chevalier Grand Maître dit :
« Chevalier Grand Prieur, Chevalier Grand

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Surveillant, aidez-moi à ouvrir le Chapitre des
Chevaliers de l’Aigle Noir. »

Il fait aussitôt le signe, et tandis qu’il a la main sur


les tétons, le Grand Prieur et le Grand Surveillant lui
présentent la pointe de leurs épées. Alors tous les
Chevaliers se mettent à l’ordre. Ensuite le Chevalier
Grand Maître dit au Chevalier Grand Prieur :
M -Quelle heure est-il ?
R -Le point du jour.
M -Chevalier Grand Surveillant, quel est votre
devoir ?
R -De voir si nous sommes à couvert.
M -Assurez-vous en.
R -J’en réponds sur ma tête.
M -Mes Frères Grand Prieur et Grand Surveillant,
reprenez vos maillets.

Ils font une inclinaison, remettent leurs épées dans


leurs fourreaux, et reprennent leurs maillets.

Alors le Chevalier Grand Maître, frappant six coups,


de deux en deux, dit : « Annoncez au Vénérable
Chapitre que le travail est ouvert. »

Le Grand Prieur et le Grand Surveillant répètent les


six coups de maillet, et annoncent que le Chapitre est
ouvert.

Alors tous les Chevaliers regardent le Grand Maître


d’un air affable, le saluent très respectueusement, et
s’assoient.

RÉCEPTION

On aura une chambre préparée comme il suit. Ce

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sera un appartement tendu de noir, éclairé par une
seule lampe où il y aura du soufre et de l’esprit-de-vin,
pour rendre la chose plus hideuse. À côté de cette
lampe sera un cadavre réel, s’il est possible ; et à
défaut, ce sera un Chevalier. Il sera absolument nu, à
l’exception d’un tablier teint de sang qui couvrira les
parties. Le Chevalier ne doit pas être connu du
récipiendaire. On teindra le Chevalier avec du sang
sur chaque mâchoire, à chaque téton, et au creux de
l’estomac. On fera un grand aigle de carton,
artistement attaché par des fils noirs pour qu’ils ne
paraissent pas. Un Chevalier caché derrière la
tapisserie le fera aller et venir dans l’appartement, et,
par intervalles, sur le cadavre. Il y aura une planche
de sapin posée droite contre le mur à côté du cadavre
avec une douzaine d’attaches clouées contre la
planche.

Cette chambre ainsi préparée, on fermera la porte ;


et on fera entrer le récipiendaire dans une chambre
de réflexion, où il n’y aura qu’une table avec une
chandelle et une corde dessus. Quand il y sera resté
quelque temps, le Grand Maître enverra deux
Chevaliers pour le préparer et le mettre dans la
chambre noire. Le Grand Prieur sera à la tête des
deux Chevaliers. Ces trois Frères entreront dans la
chambre de réflexion, l’épée à la main, décorés de
tous leurs habillements. Le Grand Prieur demandera
au récipiendaire s’il se sent capable de résister aux
épreuves par lesquelles on va le faire passer ; Qu’il y
pense bien avant de dire oui, qu’une fois qu’il l’aura
dit, il ne pourra plus reculer.

Si le récipiendaire répond oui, le Grand Prieur dit


aux deux autres Chevaliers : « Préparez-le. » On lui
ôte son chapeau, son habit, sa chemise, etc. On ne lui

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laisse que sa culotte et ses souliers, et on lui passe
une chemise courte qui ne lui va que jusqu’à la
ceinture de sa culotte. Cette chemise doit être teinte
de sang. On le laisse en cet état en lui disant
d’attendre, et on l’enferme dans la même chambre.

Quand le récipiendaire est enfermé, deux


Chevaliers restent dehors, l’épée à la main. Le Grand
Prieur va dans le Chapitre, dire que le récipiendaire
est préparé. Alors le Grand Maître dit : « Venez,
Chevaliers, allons voir le récipiendaire. »

Ils sortent tous deux à deux, l’épée à la main, avec


des yeux étincelants, et vont prendre leurs places
dans la chambre de réflexion. Comme au Chapitre, le
Grand Maître, le Grand Prieur et le Grand Surveillant
entrent les trois derniers.

Le Grand Maître, regardant le récipiendaire avec


des yeux terribles, lui dit : « Nous nous sommes
trompés. L’innocent a péri, tandis que le coupable vit
encore, mais nous le tenons, grâce au G :.A :.de l’U :.
Grand Prieur, je vous le livre. Que, sans trouver sitôt
la mort, il passe par les plus cruels supplices. »

Il s’en va ensuite avec le Grand Surveillant, et dit


aux deux Chevaliers qui sont toujours restés à la
porte, l’épée à la main, d’entrer et de faire leur devoir.

Pour lors ils bandent les yeux au récipiendaire, lui


attachent les mains derrière le dos de même que les
bras, avec un nœud coulant passé au col ; et dans cet
équipage ils le conduisent dans la chambre noire. Dès
qu’il y est, on l’attache sur la planche de sapin qui est
près du cadavre ; après quoi les deux Chevaliers
sortent, et vont se mettre en sentinelle au dehors de

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la porte. Alors le Grand Prieur, débandant les yeux du
récipiendaire lui dit : « Regarde, misérable, vois notre
méprise ! Nous avons fait périr un innocent sur un
injuste soupçon. Tremble, malheureux, pour les
tourments qui t’attendent. Je te laisse avec ce cadavre
qui me fait frémir d’effroi. Puisses-tu servir de pâture
aux animaux les plus féroces ! »

Il va ensuite rendre compte au Chapitre de ce qu’il


a fait. Cependant les deux Chevaliers sont toujours en
dehors de la chambre noire, tant pour aller au secours
du patient, en cas de besoin, que pour empêcher qu’il
ne sorte, s’il venait à se détacher.

Après quelques minutes, le Grand Maître dit :


« Vrais Chevaliers et Frères, allons voir si le
récipiendaire est digne d’être admis dans notre
auguste Chapitre. »

Le Grand Prieur, qui est Maître des Cérémonies,


passe le premier, le Grand Maître après lui, et le
Grand Surveillant ensuite. Les autres Chevaliers vont
processionnellement un à un, et l’épée à la main, dans
la chambre noire où est le récipiendaire.

Dès que le Grand Prieur est arrivé à la porte, il


demande aux deux Chevaliers qui sont en sentinelle,
si le récipiendaire a été ferme et inébranlable. Après
cette information, tous l’un après l’autre viennent
passer devant le récipiendaire, et se rangent autour
de l’appartement – excepté le Grand Prieur qui
demeure à côté du récipiendaire. Tous étant placés, le
Grand Prieur couvre le visage du récipiendaire avec
un mouchoir et dit : « Grand Maître, ce malheureux
que nous tenons n’est pas le seul coupable. Nous en
avons découvert et arrêté un autre, mais qui n’est pas

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cependant aussi coupable que celui qui est attaché
sur cette planche. »

Alors on a un Frère tout préparé, contrefaisant


l’homme qu’on tue : il se plaint, il soupire, il fait
comme s’il se débattait ; enfin, après quelques
apparences d’une vaine résistance, il fait comme s’il
succombait.

On a une vessie pleine de sang, qu’on répand en


abondance. Cela fait, tous les Chevaliers vont
reprendre leurs places dans le Chapitre. Il ne reste
que les deux gardes à la porte, et le Grand Prieur qui
est en dedans.

Dès que tout le monde est sorti, il va doucement, et


sans proférer une parole, arracher le mouchoir qui
couvre le visage du récipiendaire. Il sort tout de suite,
et le laisse vis-à-vis des deux cadavres. Il demeure en
dehors de l’appartement, avec les deux sentinelles ;
et, ayant laissé s’écouler une petite demi-heure, il
rentre, bande les yeux du récipiendaire et le conduit à
la porte du Chapitre, où il frappe six coups.

Pendant ce temps-là, les deux sentinelles rangent


l’appartement, et ceux qui avaient fait les cadavres
s’habillent et rentrent dans le Chapitre. Le Grand
Surveillant ayant répété les six coups, ainsi que le
Grand Maître, celui-ci ordonne de voir ce que c’est.
On lui répond que c’est un digne Maçon qui demande
à être reçu Chevalier de l’Aigle Noir.

Le Grand Maître ayant ordonné de l’introduire, on


le place à l’Occident entre le Grand Prieur et le Grand
Surveillant. Quand il est là, le Grand Prieur rend
compte au Chapitre de la fermeté du Frère Maçon

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Postulant, et le Grand Maître, ayant fait un court
éloge de son courage, dit au Grand Prieur de lui ôter
le bandeau.

Alors tous les Frères se mettent à l’ordre. Le Grand


Prieur lui tient la pointe de son épée sous la mâchoire,
de même que le Grand Surveillant ; le Grand Maître
s’avance et lui tient la pointe de la sienne sur
l’estomac. Dans cette position on le fait avancer au
pied du trône, et, l’ayant fait mettre à genoux, à la
manière accoutumée, il prête l’obligation suivante.
Alors on lui ôte les épées, et ceux qui les tenaient vont
reprendre leurs places.

OBLIGATION

« Moi……….ici présent, jure et promets, devant le


G :.A :. De l’U :., de garder et cacher le secret des
Chevaliers de l’Aigle Noir. Si je manque, que trois
Frères enfoncent leurs épées dans chacune de mes
mâchoires et dans ma poitrine, et que mon corps soit
brûlé… Que Dieu me soit en aide, et son Saint
Évangile. »

L’obligation prêtée, le Grand Maître frappe des


mains, et tous les Frères disent : « Nous jurons de le
punir comme il l’a dit, s’il prévarique en la moindre
chose. »

Ensuite on fait habiller le récipiendaire. Dès qu’il


est prêt, on le fait mettre encore à genoux, en Maçon,
au milieu de la Loge tracée , et le Grand Maître le
reçoit Chevalier ; ce qui se fait en le ceignant du
ceinturon de son épée. Puis prenant son épée nue, il la
lui fait baiser ; lui en donne un petit coup, du plat, sur
la joue gauche et sur les épaules. Ensuite il lui met

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son épée dans le fourreau, et l’embrasse. Tous les
Frères l’embrassent aussi ; après quoi on le fait placer
à l’Occident ; et enfin on le fait approcher du trône
par les pas ci-après.

MARCHE

La marche se fait en mettant le pied en équerre. On


part de l’Occident ; on fit un pas en avant ; puis un
autre du côté du Nord ; un autre au milieu du
tombeau ; un au Midi ; un sur l’aigle noir ; et un enfin
sur le triangle lumineux.

Dès que le récipiendaire est arrivé au pied du trône,


le Grand Maître lui donne le signe, l’attouchement, le
mot sacré et le mot de passe, et lui dit d’aller le
répéter à tous les vénérables Chevaliers. Ce qu’il
commence par le Grand Prieur et le Grand
Surveillant.

Cela étant fait, le nouveau Chevalier se place à la


droite du Grand Maître, qui le décore du tablier, des
gants et du cordon, après quoi il le fait s’asseoir, et
fait l’instruction suivante :

INSTRUCTION

D -Pourquoi le Chapitre est-il décoré en noir ?


R -Pour marquer que nos secrets doivent être dans
la plus profonde obscurité, tant vis-à-vis des Maçons
au-dessous de notre sublime grade, que vis-à-vis des
profanes.
D -Pourquoi les colonnes sont-elles peintes en
blanc ?
R -Pour marquer la candeur des Chevaliers.
D -Pourquoi les chapiteaux et les piédestaux sont-ils

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dorés ?
R -Pour marquer la pureté des Chevaliers.
D -Que signifient les douze colonnes et les douze
noms qui sont dans le Chapitre ?
R -Les douze colonnes ont été dédiées aux douze
noms sacrés et mystérieux du pentacule de Salomon.
D -Que signifie le triangle lumineux ?
R -C’est cette merveille qui s’aperçut tout d’un
coup, lorsque le corps de notre cher Frère Hiram fut
découvert.
D -Que signifie l’écrit qui est dedans ?
R -C’est le grand nom écrit cabalistiquement,
auquel nous avons substitué un autre.
D -Que signifie l’aigle ?
R -Il représente celui qui garda la fosse de notre
cher Frère Hiram, tant qu’il y fut, de peur que
quelque bête ne vînt le déterrer et s’en repaître. Et
quand les Maîtres l’eurent trouvé, l’aigle, pour
marque de son triomphe, fondit tout à coup sur la
fosse ; prit la branche d’acacia que les assassins y
avaient mise, et s’envola dans les airs, triomphant du
précieux dépôt, qu’il avait gardé si soigneusement.
D -Que représentent le Soleil et la Lune ?
R -C’est pour nous rappeler que les astres servent à
éclairer notre cher Frère Hiram, sans s’obscurcir
jamais.
D -Que signifie l’Étoile Flamboyante, avec la lettre
du milieu ?
R -Celle qui était fixée sur la fosse de notre cher
Frère Hiram, et la lettre du milieu est l’initiale du mot
sacré qui a été substitué à la place du triangle
lumineux.
D -Que signifient les neuf lumières ?
R -Les neuf Maîtres qui furent à la recherche de
notre Frère Hiram ; et celle qui se trouve seule auprès
du tombeau, représente celui qui le retira de la fosse.

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D -Pourquoi tous les cierges sont-ils jaunes ?
R -Pour marquer la douleur des Maîtres.
D -Que signifie l’habillement noir, blanc et rouge ?
R -Le noir signifie le deuil que nous portons de
notre Frère assassiné. Le blanc, notre innocence sur
ce crime. Le rouge, son sang répandu.
D -Quel est le mot de passe ?
R -Eliael.
D -Quelle propriété a ce nom ?
R -Étant prononcé cabalistiquement et combiné
dans sa forme, il fait fuir les puissances ténébreuses.
D -Quel est le mot sacré ?
R -Jabamiach.
D -À quoi sert-il ?
R -À opérer bien des choses. Il faut le prononcer six
fois, cabalistiquement.
D -Que signifie le signe ?
R -D’avoir les deux mâchoires et l’estomac percés,
si nous prévariquons.
D -Que signifie l’attouchement ?
R -Il nous rappelle les grades par lesquels nous
sommes passés, pour parvenir à l’éminent grade où
nous nous trouvons aujourd’hui dans cet auguste
Chapitre.
D -Que signifie l’ordre ?
R -Que nous prêtons serment d’avoir le cœur
arraché, si nous prévariquons.
D -Pourquoi appuyez-vous trois doigts sur le cœur,
et non la main entière ?
R -Ces trois doigts sont symboliques des nombres
mystérieux, triangulaires.
D -Que signifient les six pas de la marche, et les six
coups du frappement ?
R -Les six prononciations cabalistiques du mot
sacré.
D -Pourriez-vous m’expliquer les six prononciations

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cabalistiques, de même que le pentacule de notre
Frère Salomon ?
R -Le G :.A :. n’a pas encore permis, que ces
sublimes mystères fussent révélés ; mais j’espère, par
une conduite irréprochable et par mon application au
travail, mériter de les apprendre un jour.

CLÔTURE DE LA LOGE OU CHAPITRE

Pour fermer le Chapitre le Grand Maître frappe un


coup, que le Grand Prieur et le Grand Surveillant
répètent. Après quoi le Grand Maître dit : « Chevalier
Grand Prieur, Chevalier Grand Surveillant, aidez-moi
à fermer le Chapitre de l’Aigle Noir. »

Ensuite il fait le signe, et tandis qu’il a la main sur


les tétons, le Grand Prieur et le Grand Surveillant lui
présentent la pointe de leurs épées. Alors tous les
Chevaliers se mettent à l’ordre.

Le Chevalier Grand Maître dit au Chevalier Grand


Prieur :
M -Quelle heure est-il ?
R -L’entrée de la nuit.
M -Frères Grand Prieur et Grand Surveillant,
reprenez vos maillets. Puisqu’il est l’entrée de la nuit,
aidez-moi à fermer le Chapitre.

Alors le Grand Prieur frappe six coups, le Grand


Surveillant six autres coups ; et après eux le Grand
Maître, qui dit : « Annoncez au Vénérable Chapitre
que le travail est fermé. »

On se regarde respectivement d’un air affectueux,


et le Chapitre est fermé.

23
CHAPITRE IV : DEUXIÈME GRADE

LE CHEVALIER DE L’AIGLE NOIR DIT


ROSE+CROIX

DÉCORATION DU CHAPITRE

La Loge est décorée comme au premier grade. Les


colonnes sont de même couleur et matière, excepté
qu’il n’y en a que trois sur la muraille du Nord, trois
sur celle du Midi, deux de chaque côté du trône à
l’Orient, et deux de chaque côté du portique à
l’Occident.

Sur la colonne à droite la plus proche du trône est


écrit en lettres moulées Saturne ; sur les suivantes,
Jupiter, Mars, Sol, Vénus, et sur celle qui est la plus
proche du portique, Mercure.

Sur les colonnes à gauche sont écrits dans le même


ordre en allant de l’Orient à l’Occident : Isis, Damcar,
Zoroastre, Eumolpe, Eleuse, Samothrace, Hiarcas.

Au-dessus du dais qui est de velours noir, bordé


d’une crépine noire, sont les grosses lettres F :. R :.
C :. ; dans le fond un grand aigle brodé en or,

24
soutenant une nuée qui porte le pentacule, au haut
duquel est une croix grecque.

L’entre-deux des colonnes est éclairé d’un bras d’or


portant deux bougies.

Les FF :. Portent une clef d’or attachée à un ruban


noir, comme les Commandeurs du Saint-Esprit, qui
sont de robe. Chaque Chevalier porte en outre à la
boutonnière l’aigle noir, comme au premier grade.

Sur le pavé est un tapis noir, où sont brodés en


jaune un creuset, une lingotière, et un matras avec
son récipient.

Les assemblées se nomment Chapitre, comme au


premier grade. Le chef, Chevalier Grand Maître, le
Premier Surveillant, Chevalier Grand Bailly, le Second
Surveillant, Chevalier Grand Prieur. Les dignitaires,
Chevaliers Commandeurs, et les autres FF :.
Chevaliers.

Le pavé sera éclairé comme au premier grade.

EXPLICATION DU TABLEAU

La figure de cette Loge est un carré plus étendu de


l’Orient à l’Occident que du Midi au Nord, parce que
le soleil éclaire plus le globe terrestre de l’Orient à
l’Occident que du Midi au Nord, et qu’il ne sort jamais
au-delà des tropiques. Ce qui marque
qu’anciennement les hautes sciences n’avaient point
pénétré vers les pôles.

Vous voyez dans le centre, un grand cercle qui


représente le zodiaque, et les douze figures célestes

25
qui renferment un cadavre qui représente Hiram
mort, que le Grand Œuvre doit faire revivre. Ce
cadavre est accompagné du pentacule, qui doit, par sa
vertu divine, vivifier la matière morte.

La clef marque le secret que vous devez garder


dans vos opérations ; et la balance, la justice mesurée
de vos œuvres, toujours dirigés par l’Équerre et le
Compas.

Le zodiaque est environné de nuages, pour marquer


que les vrais philosophes hermétiques sont secrets, et
toujours à couvert des yeux profanes.

Le grand aigle noir exprime le gardien terrible qui


doit veiller pour vous mettre en sûreté.

Le soleil vous marque la fin et le but du R :.+ :. Par


la recherche du soleil de vie qui doit rendre les
hommes heureux dans ce monde et dans l’autre.

À l’Occident vous voyez le Mont Hébron, sur lequel


est la planche à tracer des Maîtres.

Cette montagne est celle où l’on trouva le corps


d’Hiram, ce qui représente l’ouvrage commencé des
philosophes, qui dans son principe est mort, et qui
devient vivant par le travail en produisant la vraie
pierre cubique, appelée Pierre des Philosophes.

Les deux grandes colonnes qu’on vous présente en


entrant dans l’Ordre, sont un emblème de votre état
d’Apprentif et Compagnon du Grand Œuvre, si vous
en êtes trouvé digne.

On vous présente un coq, ce qui signifie la vigilance

26
et la force que vous devez apporter dans vos
opérations.

L’Étoile Flamboyante, par sa rougeur enflammée,


représente le commencement de l’Œuvre, qui prend
cette couleur, accompagnée de la couleur argentine
de la Lune.

Suivez-moi, mon F :., dans cet espace immense qui


embrasse le plan de votre Loge. Vous y découvrirez
bien des outils qu’on vous a mis entre les mains
lorsque vous fûtes initié dans la Maçonnerie. Une
pierre brute, c’est-à-dire : la matière développée par
les soufres et les sels, une équerre, un niveau, une
perpendiculaire, un maillet : tous instruments
nécessaires dans la construction des maisons, par
lesquelles le soleil doit passer.

Le grand autel enflammé par le feu élémentaire tiré


du ciel. Un grand bassin pour purifier les trois règnes
de la nature et vos mains, ce qui vous est désigné par
les gants que vous tenez en Loge.

Le Castor vous représente le travail continuel, où


vous allez vous livrer. La chouette, que votre travail
doit être fait secrètement et sans bruit.

C’est à vous maintenant, Souverain Grand Maître, à


achever d’instruire le nouveau Chevalier de ce qu’il
doit faire dans le Chapitre, pour profiter des savants
principes que vous lui découvrirez.

Alors le Grand Maître dit à l’Orateur, en se tournant


vers lui : « Travaillons à instruire le nouveau
Chevalier, afin que, par les fruits de son travail, il
puisse parvenir à découvrir le principe vivant caché

27
dans le cœur de la matière première, connu sous le
nom de Sel, qui est un esprit tiré des quatre éléments,
extrait des trois règnes de la Nature. »

OUVERTURE DU CHAPITRE

Le Chapitre s’ouvre par un grand coup de maillet,


que le Chevalier Grand Maître frappe ; à quoi le
Chevalier Grand Bailly et le Chevalier Grand Prieur
répondent, chacun par un autre coup.

Alors le Chevalier Grand Maître dit : « Chevalier


Grand Bailly, Chevalier Grand Prieur, aidez-moi à
ouvrir le Chapitre des Chevaliers de l’Aigle Noir. »

Tous les Chevaliers étant à l’ordre, le Grand Maître


dit :
M -Chevalier Grand Bailly, à quelle heure s’ouvre le
Chapitre ?
R -Au point du jour.
M -Chevalier Grand Prieur, quel est votre devoir ?
R -De voir si le Chapitre est couvert.
M -Assurez-vous en ?
R -J’en réponds sur ma tête.
M -Puisqu’il est le point du jour, et que c’est le
moment de nous mettre au travail, annoncez au
vénérable Chapitre que le Laboratoire est ouvert.

FRAPPEMENT

Il frappe six coups, de deux en deux, que le


Chevalier Grand Bailly et le Chevalier Grand Prieur
répètent, après quoi ils annoncent que le Laboratoire
est ouvert.

Alors tous les Chevaliers regardent le Grand Maître

28
d’un air affable, le saluent respectueusement, et
s’assoient.

RÉCEPTION

Le Chevalier Grand Maître et le Chapitre, ayant


chargé deux Chevaliers de s’informer si celui qu’on
propose s’est bien conduit dans tous les grades, et
notamment dans le premier de l’Aigle Noir, et si sa vie
a toujours été irréprochable, sur le témoignage des
commissaires, on délibère sur le oui ou le non. Le
récipiendaire étant admis, le Chevalier Grand Maître
charge un Chevalier de lui servir de parrain ; et celui-
ci, le jour de la réception arrivé, a le soin de
l’introduire à la porte du Chapitre, et dans une
chambre obscure qui ne doit être éclairée que d’une
seule bougie. Sur la table sont écrites en grosses
lettres, Mercure, Soufre, et Sel, et plus bas Patience
et Persévérance. Le parrain dit au Récipiendaire :
« Réfléchissez sur cet écrit », et va avertir le Chapitre
que le récipiendaire est arrivé.

Le Chevalier Grand Maître ordonne à deux Frères


d’aller le préparer. L’un d’eux, étant arrivé dans la
chambre obscure, dit au récipiendaire : « Que fais-tu
ici ? Tu as lu ton arrêt de mort, et tu oses encore y
rester ?… Joins les mains !… » Alors on les lui lie avec
une corde, et on lui bande les yeux. L’un d’eux lui dit
ensuite, en le conduisant à la porte du Chapitre :
« Marche, et viens payer ta témérité. » Ils frappent en
Chevaliers de l’Aigle Noir. Le Grand Prieur répond, en
frappant sur le maillet du Grand Bailly, et lui dit :
« Frappe en Chevalier du second grade . » Le Grand
Bailly répond par les mêmes coups, et le dit au
Chevalier Grand Maître qui, après avoir frappé les
mêmes coups, ordonne de voir ce que c’est. On lui

29
répond que c’est un Chevalier du premier grade de
l’Aigle Noir, qui désire de parvenir au second. Le
Grand Prieur demande s’il a été examiné, si on l’a
jugé digne et si on lui a fait connaître sa témérité. Les
réponses rendues, le Grand Prieur les dit au Grand
Bailly, celui-ci au Chevalier Grand Maître qui ordonne
qu’on l’introduise, et qu’on lui fasse examiner les
fourneaux.

Tout de suite on le conduit auprès d’une brasière


qui est entre le Grand Bailly et le Grand Prieur. On lui
demande s’il ne craint pas le feu, et s’il saura donner
les degrés de feu. Le récipiendaire répond qu’il fera
de son mieux pour y parvenir.

Le Chevalier Grand Maître ordonne de lui mettre en


main la verge de fer pour voir s’il saura opérer ; et le
Grand Bailly répond qu’il est lié par les liens de
l’ignorance. « Déliez-le donc », dit le Grand Maître, et
on lui délie les mains. Puis on fait brûler du soufre et
du sel devant lui, et le Grand Maître lui demande s’il
connaît les trois principes de toute génération. Le
Grand Bailly répond que la même ignorance qui le
rendait inhabile à se servir de la verge de fer, lui tient
les yeux bandés. « Avant donc de l’éclairer, demandez-
lui s’il veut contracter des engagements avec nous. »

On le lui demande ; et après son acquiescement, on


le conduit au pied du trône. On le fait mettre à genoux
en la manière accoutumée. Et il prête l’Obligation
suivante, pendant laquelle tous les Chevaliers sont
debout et à l’ordre.

OBLIGATION

« Je………. jure et promets devant le G :.A :. De

30
l’U :. De garder et cacher les secrets des Chevaliers
de l’Aigle Noir. Si je manque, et que je sois
prévaricateur à mes engagements, je consens d’avoir
les deux lèvres clouées l’une contre l’autre, et les
deux doigts de la main arrachés, que mon cœur soit
arraché, et mon corps brûlé. Que Dieu me soit en
aide, et son Saint Évangile. »

Après cela le Grand Maître dit : « Chevalier Grand


Bailly, sur ces assurances, éclairez-le ; et me l’amenez
par trois grands pas. » Le Grand Bailly lui donne la
lumière ; et lui fait faire un grand pas d’apprentif ; un
de compagnon ; et un troisième de maître.

Alors le Chevalier Grand Maître lui dit : « Du


consentement du Chapitre, et par le pouvoir que j’en
ai reçu, je vous crée Chevalier du second grade de
l’Aigle Noir. »

Il lui donne un coup du plat de son épée sur la tête ;


lui attache sur la bavette un ruban noir, où pend une
clef d’or, lui disant : « Ouvrez et ramassez. » Puis il lui
donne le signe, le mot et l’attouchement, et lui dit
d’aller se faire reconnaître des Chevaliers. Ensuite on
lui fait l’explication du tableau et le Chevalier Grand
Maître fait après l’Instruction suivante :

INSTRUCTION

D -Chevalier Grand Bailly, êtes-vous Chevalier du


second ordre de l’Aigle Noir ?
R -Chevalier Grand Maître, la clef que je porte en
est une preuve.
D -Que signifie cette clef ?
R -Elle signifie les moyens qu’on m’a donnés pour
travailler au Grand Œuvre.

31
D -Quels sont ces moyens ?
R -Il y en trois : le Mercure, le Soufre et le Sel, qui
rendent les corps mixtes solubles.
D -Qu’est-ce que c’est que le Mercure ?
R -C’est une liqueur acide, perméable, pénétrante
et très pure, de laquelle provient la nourriture des
corps, le sentiment, le mouvement, force et couleur.
D -Qu’est-ce que le Soufre ?
R -C’est le baume doux, oléagineux et visqueux, qui
conserve la chaleur naturelle, qui est l’instrument de
toute végétation, accroissements et transmutation.
D -Qu’est-ce que le Sel ?
R -C’est le corps sec et salé qui empêche la
corruption du mixte ; qui aide puissamment à
dissoudre, coaguler ; et duquel dépend la solidité de
toutes choses.
D -Avez-vous opéré ?
R -Oui, Chevalier Grand Maître, dans le laboratoire
d’Amcar.
D -Que signifie ce mot ?
R -D’Amcar est une ville d’Arabie, où le premier
auteur Rose+Croix établit son académie. C’est aussi
notre mot de passe.
D -Combien avez-vous d’académies ?
R -Sept.
D -Nommez-les moi.
R -Celles d’Amcar, d’Isis, de Zoroastre, d’Eumolpe,
d’Eleuse, de Samothrace, et d’Hiarcas.
D -Que signifient ces mots ?
R -Ce sont les noms des principaux Maîtres qui ont
travaillé au Grand Œuvre, ou des lieux où ils ont
travaillé. D’Amcar est la première ville où avait son
académie le premier auteur de la Fraternité de la
Rose+Croix. Isis, une divinité d’Égypte, sous le nom
de laquelle les Égyptiens, et après eux les Allemands
(il y a environ 300 ans) cachaient leurs mystères sous

32
des signes hiéroglyphiques. Zoroastre vivait 600 ans
avant Moïse, et passa vingt ans dans une forêt à
étudier les ouvrages de la Nature, essayant les effets
qui procèdent de l’explication des actifs aux passifs.
Eumolpe, auteur du Collège des Eumolpides. Eleuze,
lieu d’Athènes, où les Eumolpides s’assemblaient.
Samothrace, nom qui signifie un Dieu inconnu. Ce
Dieu était honoré chez les Cabires, jamais
incommodés de maladies ni de pauvreté. Hiarcas,
grand astrologue chez les Chaldéens à Babylone, et
chez les Brahmanes aux Indes.
D -Sur quoi ont-ils opéré ?
R -Sur Saturne, Jupiter, Sol, Vénus, Mercure, et la
Lune.
D -Que signifient ces noms ?
R -Ce sont les noms des principaux métaux, qui sont
Plomb, Étain, Fer, Or, Cuivre, Argent-vif et Argent.
D -Pourquoi opéraient-ils sur ces métaux ?
R -Pour opérer le Dragon Roux, qui est l’Or.
D -Comment pouvaient-ils y parvenir ?
R -Au moyen du Soufre, du Mercure, du Sel et de la
Rosée Cuite.
D -Que signifie la croix qui est en haut du
pentacule ?
R -Elle signifie Lux ; parce que cette croix
comprend dans ses parties L. U. X. C’est notre mot
sacré, la véritable lumière, étant la connaissance de
toutes les sciences que nos prédécesseurs ont
possédée aux plus hauts degrés.
D -Quel âge avez-vous ?
R -Cinq ans.
D -Pourquoi ?
R -Parce que nos anciens Maîtres ne
communiquaient leurs secrets qu’après une épreuve
de cinq années.
D -Chevalier Grand Bailly, faites-moi le signe.

33
Le Grand Bailly le fait, en appuyant l’index de la
main droite sur les deux lèvres. Le Grand Maître y
répond, en appuyant l’index et le médius, ou doigt du
milieu.
D -Que signifie ce signe ?
R -Que je veux avoir les lèvres clouées, si je manque
à mes engagements.
D -Faites-moi parvenir le mot de passe, chacun de
votre côté.
R -Le Grand Bailly dit d’Amcar à l’oreille de son
voisin, et le fait parvenir au Grand Maître de l’un à
l’autre ; le Grand Prieur en fait autant de son côté.
D -Que signifie ce mot ?
R -C’est le nom d’une ville d’Arabie, où l’on établit
la première académie de notre art.
D -Donnez-moi le mot sacré.
R -Lux.
D -Que signifie ce mot ?
R -La lumière, parce qu’il n’en est pas de plus
grande, que de posséder notre art, autant que nous le
faisons.
D -Quel est l’attouchement ?
R -Il se fait ainsi : le premier donne l’index ; l’autre
donne l’index et le médius et touche sur l’index du
premier, tandis que le premier touche sur l’index et le
médius de l’autre.
D -Que signifie cet attouchement ?
R -Que je veux avoir les doigts arrachés, si je
manque à mes engagements.
D -Quelle est votre marche ?
R -Elle se fait ainsi : on part de l’Occident, et on
marche aux quatre vents, de l’Occident au Nord, du
Nord au Midi, et du Midi à l’Orient, toujours les pieds
en équerre et à l’ordre.
D -Que signifient les lettres F :.R :.C :. Que les

34
Rose+Croix mettent après la signature de leur nom ?
R -Elles signifient F :. De la Rosée Cuite.
D -Pourquoi les appelle-t-on FF :. De la Rosée
Cuite ?
R -Parce que nos prédécesseurs, ayant reconnu que
la Rosée Cuite était le plus puissant des dissolvants, le
dragon roux entre les corps naturels et non corrosifs,
pouvant être trouvé au moyen de cette Rosée Cuite, et
digéré artistement par un temps convenable en son
propre vaisseau ; est aussi la vraie menstrue dudit
dragon roux, véritable matière que cherchaient nos
prédécesseurs, et qu’ils nous ont transmise, sous des
noms hiéroglyphiques.

(Note : Dans les trois grades du Chevalier de l’Aigle


Noir Rose+Croix : soit pour entrer au Chapitre, soit
pour l’ouvrir ou le fermer, on frappe six coups, de
deux en deux, avec une petite pause à chaque deux
coups.)

CLÔTURE DU CHAPITRE

Après la lecture de la délibération, le Chevalier


Grand Maître frappe un coup, que le Chevalier Grand
Bailly et le Chevalier Grand Prieur répètent. À ce
coup, les Chevaliers s’étant mis à l’ordre, le Chevalier
Grand Maître dit :
M -Chevalier Grand Bailly, à quelle heure se ferme
le Chapitre ?
R -À l’entrée de la nuit.

Le Chevalier Grand Maître frappe six coups,


répétés par les deux lumières. Ensuite il dit :
« Chevalier Grand Bailly, Chevalier Grand Prieur,
annoncez que le Laboratoire est fermé. »

35
L’annonce faite par les Chevaliers Grand Bailly et
Grand Prieur, le Chevalier Grand Maître frappe un
coup, et le Laboratoire est fermé.

36
CHAPITRE V : TROISIÈME GRADE

LE CHEVALIER DE L’AIGLE NOIR DIT


ROSE+CROIX

Éminent Ordre des Chevaliers de l’Aigle Noir, ou


Souverain Rose+Croix, sortis d’Heredom en Écosse,
tenant leur Métropole et Souverain Chapitre à l’Orient
de Berlin, depuis l’an 77.

DÉCORATION DU CHAPITRE

La salle du Chapitre doit être tendue de noir,


décorée de douze colonnes de marbre blanc veiné de
noir, et de l’ordre corinthien, les chapiteaux et
piédestaux en or, et disposés, savoir : deux à l’Orient
et deux à l’Occident ; quatre au Midi, et quatre au
Nord. Sur le milieu de chacune d’elles sera suspendu
en trophée, un cartouche entouré de festons et de
guirlandes, de fleurs, de feuilles d’arbres et de pierres
précieuses, ainsi qu’il va être expliqué.

Dans chacun des douze cartouches, sera écrit en


lettres d’or l’un des deux noms de l’Être Suprême, qui
préside à chaque mois de l’année, accompagné d’un

37
signe qui indique tous les mois du zodiaque.

Sur les quatre colonnes du côté du Nord, seront


Jehovah, en hébreu avec la figure du Bélier,
Emmanuel avec la figure du Taureau, Tetragrammaton
avec la figure des Gémeaux, Jehah avec la figure de
l’Écrevisse.

Sur les quatre du Midi, Messiah avec la figure du


Lion, Archeton avec la figure de la Vierge, Anarbona
avec la figure de la Balance, Erigion avec la figure du
Scorpion.

Sur les deux de l’Occident, du côté du Nord,


Jessemon avec la figure du Sagittaire ; du côté du
Midi, Eloïm avec la figure du Capricorne.

Sur les deux de l’Orient du côté du Nord, Agla avec


la figure du Verseau ; du côté du Midi, Adonai avec la
figure des Poissons. Sur chacun des cartouches sera
un des mois de l’année. Ils se suivront dans l’ordre ci-
dessus en commençant par Mars.

Il y en a qui, au lieu du mot Adonai sur la dernière


colonne, mettent Melech, avec la figure des Poissons.
Tel est l’usage de la Grande Loge de Prusse.

D’autres, avant le Jehovah qui est à la première


colonne, mettent

Chaque cartouche sera entouré de fleurs et des


feuilles de l’arbre attribué dans le Grand Œuvre à
chaque mois ; ainsi qu’il se trouve dans l’Instruction.

38
Croquis du Cartouche qui doit être sur chaque
colonne

DÉCORATION DU TRÔNE

Le trône sera placé entre les deux colonnes de


l’Orient. Le dais sera surmonté d’un grand aigle noir,
becqué, membré et couronné d’or, tenant dans ses
serres, dans l’une une balance, à l’autre une clef d’or.
L’étoffe du dais et des pentes sera rouge, galonné en
or. L’étoffe du fauteuil sera noir et or ; au fond du dais
sera placée en or l’étoile flamboyante, au centre de
laquelle sera la lettre J. À gauche du dais sera une
lune en argent ; à droite un soleil d’or.

Au devant du trône élevé par trois marches sera un


autel en or, de forme triangulaire, sur lequel seront
toujours placés une équerre, une bible, une urne, un
compas, une clef et un maillet. Au milieu de la salle,
ou plancher, ou plafonds, sera peinte la Balance de
Salomon, et au dessous pendra une balance réelle.

39
ILLUMINATION DU CHAPITRE

La salle du Chapitre sera éclairée par dix bras


dorés, à trois branches de métal, posés sur les quatre
faces ; savoir : deux à l’Orient, deux à l’Occident, trois
au Midi, et trois au Nord, placés entre les colonnes.

Le pavé sera également éclairé par plusieurs


chandeliers, savoir : un à l’Orient, à deux branches ;
du côté du Midi, un à une seule branche ; au centre et
du côté de l’Occident, un à trois branches. Toutes les
bougies dont on se servira doivent être de cire jaune,
qui n’a été mise en travail qu’une seule fois, qu’on
appelle Vierge, parce que tous les matériaux employés
au Grand Œuvre doivent être Vierges et non mixtes.

Pour allumer les bougies, il faudra allumer de


l’amadou aux rayons du soleil, et à défaut avec la
pierre et l’acier et non du fer commun.

DIGNITÉS DE L’ORDRE ET CÉRÉMONIAL

Les assemblées de cet Ordre s’appellent Chapitre.


Le chef s’appelle Souverain Grand Maître. Son
lieutenant, Prince Grand Prieur. Son second, Prince
Grand Surveillant. Les autres Officiers, tels que
l’Orateur, le Secrétaire, le Trésorier et l’Économe,
sont appelés Commandeurs. Les autres Officiers ou
Frères, s’appellent simplement Princes Chevaliers.

Cet Ordre est en grande vénération dans les cours


du Nord ; entre autres en Prusse, où il a pris le nom
de l’Aigle Noir, parce que le Roi de Prusse régnant,
Frédéric Guillaume, a été le premier Grand Maître, et
que l’Aigle Noir se trouve dans la Loge tracée.

40
Dans la tenue du Chapitre, lorsque l’on porte la
parole pendant le temps du travail, on distingue les
Officiers des autres Frères, en disant Grand Maître,
Grand Prieur, Grand Surveillant, Prince Orateur,
prince Secrétaire, et tous les Chevaliers, Princes tels.

Toutes les délibérations porteront ces titres, et se


termineront par ces mots : du Souverain Chapitre.

Les Chevaliers de l’Aigle Noir de Rose+Croix,


doivent être regardés par excellence comme les
Princes Maçons, et comme tels ils doivent avoir le pas
dans toutes les Loges où ils se trouvent, sur tous les
Frères qui ne possèdent pas ce grade. Leurs
privilèges doivent être proportionnés aux
connaissances qu’ils ont acquises par leur travail.

DÉCORATION DES CHEVALIERS

Un chapeau uni à plumet blanc, un nœud de rubans


couleurs de feu à l’épée. Une écharpe de taffetas
blanc avec une frange d’or au bout. Un tablier de peau
blanche bordé et doublé de taffetas ponceau ; au
milieu du tablier doit être peint un grand aigle noir
éployé, tenant dans ses serres, à l’une une balance, à
l’autre une clef, sur la bavette renversée, la lettre J.

Un aigle noir émaillé d’or au bout d’une rosette de


ruban ponceau qui se porte à la boutonnière de
l’habit.

Un compas appuyé sur un quart de cercle, au milieu


une croix tirée de la balance de Salomon, au pied de
laquelle est d’un côté un pélican avec ses petits, de
l’autre un aigle éployé. Entre ces animaux sort une
branche d’acacia qui entoure la croix.

41
Un triangle d’or équilatéral, autrement dit le
Pentacule de Salomon.

Un crachat brodé en argent sur l’habit du côté du


cœur. Au milieu de ce crachat un aigle noir éployé,
portant à son bec une branche d’acacia.

Une paire de gants blancs parementés de noir. Sur


le dessus de celui de la main droite sera peinte une
balance ; et sur celui de la main gauche, une clef.

Les Chevaliers porteront les bijoux attachés à la


boutonnière, avec un ruban ponceau ; les
Commandeurs porteront le grand cordon autour du
col, au bout duquel sera attaché le bijou avec une
rosette de ruban noir ; les Baillis porteront l’écharpe,
et la plaque ou crachat sur leurs habits du côté du
cœur. Cependant les Baillis pourront permettre aux
Commandeurs et aux Chevaliers de porter la plaque et
l’écharpe ; et cette permission sera enregistrée. Les
Baillis porteront les trois bijoux.

PLACES DES OFFICIERS ET CHEVALIERS

Les Princes Grand Prieur et Grand Surveillant


seront assis dans de petits fauteuils noirs, à filets d’or,
placés sur une marche de huit pouces de hauteur ; vis-
à-vis d’eux sera une petite table pour frapper dessus.

L’Orateur et le Secrétaire seront assis de la même


manière ; ils auront devant eux une table
proportionnée à leur charge. Les tables seront
couvertes d’un tapis bleu brodé en or.

Tous les Princes seront assis sur des chaises bleues

42
à filets noirs. Chaque place des Princes sera décorée
de ses armoiries, et elle ne sera occupée par aucun
autre Prince sans nécessité. Les maillets seront en
bois noir avec des filets d’or, ou peints en jaune.

L’habillement des Princes, indispensable dans les


jours de réception, ou de grandes cérémonies, doit
être comme il est expliqué ci-dessus. Pour la
décoration des Chevaliers dans les autres cas, ils
pourront être vêtus à l’ordinaire, comme il suit.

Les jours de réception, les Princes porteront un


chapeau uni à plumet blanc, un nœud couleur de feu à
l’épée, au lieu de l’écharpe qu’ils quitteront. Jusqu’à
ce que la réception soit faite, ils porteront un tablier
blanc, bordé et doublé de ponceau. Au milieu sera
peint un grand aigle noir, tenant dans ses serres, à
l’une, une clef, à l’autre une balance, et sur la bavette
renversée la lettre J. Ils porteront à la boutonnière de
l’habit une rosette de ruban ponceau, où pendra un
aigle noir émaillé d’or. Les gants seront bordés de
noir. Sur le dessus de celui de la main droite, sera une
balance, et sur la gauche une clef. Cet habillement
sera celui dont on décorera le nouveau Chevalier, et
qu’il portera tout le temps que le Chapitre le trouvera
bon, pour faire son apprentissage dans l’Ordre.

Après la réception finie, les Princes quitteront leurs


tabliers, et mettront leurs écharpes et le collier où est
attaché le bijou de l’Aigle Noir de Rose+Croix.

Les bijoux de cet Ordre sont de différentes formes.


Les Princes en portent trois : le premier est un
compas couronné, appuyé sur un quart de cercle, au
milieu est une croix tirée de la Balance de Salomon,
au pied de laquelle est d’un côté un pélican avec sa

43
pitié, et de l’autre côté un aigle éployé. Entre ces
animaux sort une branche d’acacia qui entoure la
croix.

La composition de ce bijou représente les trois


règnes de la Nature, qui entrent dans le travail de la
vraie science philosophique : l’animal, le minéral, et le
végétal.

Le second bijou est un triangle équilatéral,


autrement dit le pentacule de Salomon. Ce bijou
renferme toute la science cabalistique, dont chaque
lettre renferme une puissance dans l’opération du
Grand Œuvre, ainsi qu’il sera détaillé dans
l’Instruction.

Le troisième bijou est un aigle noir, couronné,


becqué et membré d’or. On le porte à la boutonnière
suspendu à une rosette de ruban ponceau. Ce bijou
représente le rang suprême de l’Ordre où on
l’employe, car de même que l’aigle est le roi des
oiseaux des cieux, de même les Chevaliers de l’Aigle
Noir de Rose+Croix, doivent être respectés comme les
chefs souverains de l’Ordre Maçonnique, puisqu’ils en
connaissent la clef et la balance mystérieuse, où
toutes les énigmes, emblèmes hiéroglyphiques dont
sont composés les grades inférieurs, sont expliqués, et
que l’Ordre de l’Aigle Noir en est le chef et la clef.

OUVERTURE DU CHAPITRE

Le Chapitre s’ouvre par un grand coup de maillet


que frappe le Souverain Grand Maître, et auquel le
Grand Prieur et le Grand Surveillant répondent par un
même coup. Ensuite le Souverain Grand Maître dit :
« Princes Chevaliers de l’Aigle Noir, Grand Prieur,

44
Grand Surveillant, Officiers Dignitaires, aidez-moi à
ouvrir le Chapitre. » En disant ces mots, il fait le
signe, auquel tous les Chevaliers répondent.

Le Grand Prieur et le Grand Surveillant présentent


la pointe de leur épée au Souverain Grand Maître.
Aussitôt tous les Princes se mettent à l’ordre, et le
Souverain Grand Maître fait quelques-unes des
demandes de l’Instruction.

M -Prince Grand Prieur, quelle heure est-il ?


R -Souverain Grand Maître, le jour est annoncé par
l’étoile du matin, le travail doit être repris.
M -Prince Grand Surveillant, quel est votre devoir ?
R -Souverain Grand Maître, de voir si le Chapitre
est scellé hermétiquement, si les matériaux sont
prêts, si les éléments se distinguent, si le noir fait
place au blanc, et le blanc au rouge.
M -Voyez, Prince, si tout est prêt.
R -Tout est prêt, Souverain Grand Maître, vous
pouvez commencer l’Œuvre ; le feu prend couleur.
M -Princes Grand Prieur et Grand Surveillant,
quittez le fer, prenez vos maillets, disposez tous les
Princes chacun dans leurs postes.
R -Princes Chevaliers, qui habitez le zodiaque,
observez dans vos œuvres d’être exacts à nous
prouver les trois règnes de la Nature, les animaux, les
végétaux, et les minéraux, subordonnés à chaque
signe et à chaque mois de l’année ; renfermez tous ces
matériaux dans la Maison du Soleil.
M -Princes, que le bruit de vos outils retentisse d’un
pôle à l’autre. Que l’Orient et l’Occident dirigent le
cours des planètes.

Il frappe ensuite six coups, de deux en deux ; le


Grand Prieur et le Grand Surveillant répètent, et le

45
travail est ouvert.

CÉRÉMONIAL POUR LA RÉCEPTION

Lorsqu’un Franc Maçon sera proposé pour être


reçu et qu’il aura les deux grades précédents, le
Souverain Grand Maître nommera des commissaires,
pour prendre des informations de vie et de mœurs du
candidat : de la manière dont il s’est comporté dans
l’Ordre, s’il n’a pas de défauts incorrigibles, quel est
son état actuel, ses talents, son emploi, ses facultés, et
sa religion, parce qu’on ne peut admettre dans ce
grade que des hommes réputés de bonnes mœurs,
d’un caractère doux, paisible et sociable. De plus, il
faut qu’il ait passé, et ait été reçu, dans tous les
grades de l’Ordre, qui précèdent l’Aigle Noir, et dans
les deux premiers grades de cet Ordre, qu’il connaisse
par cœur la théorie et la pratique de la Maçonnerie,
qu’il puisse répondre à toutes les questions qu’on
pourrait lui faire sur les différents grades, et, s’il se
peut, qu’il donne à connaître qu’il a médité et analysé
nos mystères les plus abstraits, et qu’il désire en avoir
la clef.

Les commissaires ayant rempli leur mission, en font


rapport au Chapitre, qui décide s’il doit admettre ou
rejeter le candidat. En supposant qu’il soit admis, le
Souverain Grand Maître lui nommera un parrain, qui
l’instruira des devoirs qu’il doit remplir, pour parvenir
à être reçu. Le jour venu, le parrain le fera entrer au
Chapitre, où on lui fera le discours suivant.

DISCOURS PRÉLIMINAIRE

Tout bon Maçon instruit des mystères de l’Ordre,


possédant les hauts grades, tels que Grand Maître

46
Élu, Grand Écossais, Chevalier de l’Orient et du Soleil,
instruit auparavant des grades inférieurs, doit s’être
imaginé que la Maçonnerie a un but, qui doit encore
exister ; que ce travail ne portait pas seulement à la
pratique d’élever des édifices au vrai Dieu, qu’il ne se
bornait pas non plus aux seules vertus morales, mais
que quelque autre motif avait dû donner naissance à
un Ordre aussi sublime.

Oui, la vraie philosophie connue et mise en pratique


par le roi Salomon, est la base sur laquelle la
Maçonnerie est bâtie. Cet homme doué de sapience, le
plus sage de tous les rois de son temps, ne pouvant
travailler seul, choisit dans ses états un nombre de
sujets selon son cœur. Il se les attacha par ses
bienfaits en les regardant comme ses frères, et les
initia dans les secrets de l’Art Cabalistique. Qu’il
serait à souhaiter que cet Art nous fût parvenu dans
toute sa clarté ! Mais nos anciens Maçons, soit par
prudence, ou par d’autres raisons, nous ont caché les
points les plus importants de cet art divin, sous des
types hiéroglyphiques, qui ne nous présentent que des
énigmes. Heureux celui d’entre nous, qui sera assez
fortuné pour parvenir, par ses recherches et son
travail, à la découverte de toutes ces sublimes
vérités ! Il sera assuré d’avoir trouvé la vraie félicité,
où un mortel peut aspirer. Ses jours seront prolongés,
ses mœurs exemptées d’être corrompues par les vices
ou par l’indigence, et les infirmités qui conduisent
trop souvent l’espèce humaine à sa perte.

Réfléchissez sur tous les différents objets qui vous


auront frappé, dans les différents grades où vous avez
passé, et vous verrez que c’étaient autant de signes et
de mystères, dont vous deviez un jour avoir la clef,
c’est-à-dire apprendre au vrai à quoi ils doivent

47
s’appliquer.

Le grade de l’Aigle Noir, Souverain de Rose+Croix,


les renferme tous. Il en fait l’analyse, il vous présente
du travail à entreprendre. C’est à vous à entrer dans
la carrière immense de l’amour de la vérité et de la
persévérance.

Ce grade, qui compose un Ordre de parfaits


Maçons, a été tiré du trésor cabalistique du Docteur
et Rabbin Mamath, chef de la Synagogue de Leyde.

Le discours fini, le parrain conduit le candidat du


Chapitre à la chambre de réflexion. La décoration de
cette chambre sera sans tapisseries, ni autres
ornements, le plus obscur qu’il se pourra, et éclairée
seulement par une simple lumière ; une table noire,
sur laquelle on mettra un pot à eau, un pain, du sel, et
du soufre. Sur le mur au-dessus de la table sera placé
un tableau, où il y aura un coq, une horloge de sable
avec ces mots : Patience et Persévérance. Pour faire
asseoir le récipiendaire, on aura un trépied
triangulaire, et percé au milieu. Une fois reçu, on lui
expliquera tous ces emblèmes.

La chambre ainsi préparée, l’aspirant y restera tout


le temps qu’on jugera à propos. Ensuite son parrain,
assisté d’un Chevalier préparateur, viendra le voir. Le
parrain lui demandera s’il a bien fait ses réflexions,
abandonné à lui-même, et s’il est toujours disposé à se
faire recevoir Chevalier de l’Aigle Noir, et s’il le désire
avec ardeur. S’il répond oui, le Chevalier préparateur
lui bandera les yeux par-derrière, de façon qu’il ne
puisse rien découvrir. Il le prendra par la main et le
conduira dans une autre chambre, où il y aura sur une
table, un Chevalier étendu sur le dos et tout nu, les

48
seules parties couvertes. Le préparateur fera voyager
le récipiendaire autour de cette table ; après quoi, il
lui fera toucher avec les deux mains, le corps du
Chevalier étendu. Ensuite il le fera voyager encore, et
pendant ce temps le Chevalier étendu sur la table se
lèvera, et on mettra à la place un cœur de mouton ou
de bœuf, une tête de mort et une lumière. Alors le
préparateur lui demandera s’il a toujours le désir de
suivre sa course, et s’il a le courage d’exécuter ce
qu’on lui ordonnera. S’il répond oui, il l’armera d’un
poignard, le mènera près de la table, lui guidera la
main sur le cœur, et lui dira : « Frappez, n’hésitez
pas ; malheur à vous, si vous tremblez, et si vous vous
repentez du coup que vous aurez porté ! » Le
récipiendaire, ayant frappé et percé d’un coup de
poignard le cœur qui est sur la table, l’y tient plongé.
Le préparateur lui demande s’il sait ce qu’il vient de
faire, il répond qu’il l’ignore ; mais qu’il a frappé un
coup, qu’il ne s’en repend pas, et qu’il serait prêt à le
faire encore à nouveau. À ces mots, on lui débande les
yeux, et il voit ce qu’il a fait. Le préparateur lui dit
d’emporter le cœur percé à sa main, et de se
présenter ainsi au Chapitre.

INTRODUCTION AU CHAPITRE

Arrivé à la porte du Chapitre, le parrain frappe des


coups irréguliers. Le Grand Prieur dit : « On frappe en
profane. Le Grand Surveillant le répète et dit : -
Prince Grand Prieur, on frappe à la porte en profane,
avertissez-en le Souverain Grand Maître . » Celui-ci
ordonne de voir qui frappe, le parrain répond : « C’est
un excellent Maçon, qui veut être reçu Chevalier de
l’Aigle Noir. » Le Grand Surveillant vient au pied du
trône rendre cette réponse. Le Souverain Grand
Maître lui ordonne de savoir du Chevalier préparateur

49
si le récipiendaire a passé par les épreuves, à quoi il
répond que le trophée qu’il porte lui en sera un sûr
garant. On lui demande le nom, l’âge du candidat, les
grades par lesquels il est passé pour parvenir à celui
de l’Aigle Noir. Le parrain, ayant satisfait à toutes ces
demandes, le Grand Surveillant vient en rendre
compte auprès du trône. Alors le Souverain Grand
Maître ordonne de faire entrer le candidat, et de le
placer entre le Grand Prieur et le Grand Surveillant.
Placé ainsi, le Chevalier parrain et le Chevalier
préparateur viennent rendre compte au Souverain
Grand Maître de ce qu’ils ont fait, et disent qu’ils ne
répondent plus du candidat.

Le Souverain Grand Maître les remercie de leur


travail, et de leur zèle pour l’Ordre, et les prie de
reprendre leurs places. Le récipiendaire placé à
l’Occident, le Souverain Grand Maître lui demande ce
qui le porte à se faire recevoir Chevalier de l’Aigle
Noir. Il répond : « Souverain Grand Maître, c’est le
désir d’apprendre la vraie signification morale et
physique des signes, mots et attouchements, meubles,
bijoux et ornements que j’ai reçus ou vus dans les
différents grades par lesquels j’ai passé. »

Le Souverain Grand Maître lui répond :


M -Mon Frère, votre attente ne sera pas trompée.
Le trophée que vous tenez à la main nous prouve
votre ferveur pour la Maçonnerie. Ce n’est peut-être
encore pour vous qu’une énigme qu’il est facile
d’expliquer. C’est dans le premier grade qu’on fait la
solennelle obligation d’avoir le cœur arraché si l’on
devient parjure. Le grade de Chevalier de l’Aigle Noir,
où vous désirez parvenir, étant le plus élevé de tous,
puisqu’il en est le chef et la clef, il faut que ceux qui y
sont initiés soient fermes et des hommes éprouvés,

50
sur lesquels on puisse compter dans le besoin,
capables de courage et de courir à la mort, ou de la
donner, plutôt que de révéler nos mystères. D’après
cela, êtes-vous toujours disposé à entrer dans notre
sanctuaire ?
R -Très disposé, Souverain Grand Maître, ordonnez,
je suis prêt à tout entreprendre.

Le Souverain Grand Maître dit : « Princes


Chevaliers, Princes Grand Prieur et Grand Surveillant,
vous le voyez, vous l’entendez, achevons de le rendre
heureux. Ce sera sa faute, s’il se rend misérable.
Prince Grand Prieur, conduisez-moi ce Frère, par la
marche des 4 éléments. »

Cette marche se fait par les quatre points cardinaux


de la sphère, en partant de l’Occident, et en allant
vers le Nord, traversant le centre pour aller au Midi,
de là à l’Orient, au pied du trône, où le récipiendaire
se met à genoux.

Marche sur la figure du Globe

Le Souverain Grand Maître lui dit : « Vous touchez


au moment où vous serez éclairé. Vous avez des yeux,
vous n’y voyez pas encore. Prêtez une obligation
solennelle, et déposez au pied de l’autel, ce cœur que
vous avez si légitimement percé. »

OBLIGATION

51
Les termes de l’Obligation ne sont pas transmis ici.
On observe seulement qu’ils portent ordinairement de
promettre de ne parler qu’en Chapitre des questions
de l’Ordre ; qu’il pardonne qu’on lui donne la mort s’il
y manque, qu’il n’enseigne jamais cette Obligation.

Le serment prêté, le Grand Prieur présente le


récipiendaire au Souverain Grand Maître, qui le
décore des bijoux, lui donne les mots, signes et
attouchements, et lui ordonne ensuite de se faire
reconnaître de tous les Chevaliers, en commençant
par les Officiers.

Mot sacré : le mot sacré est Messias, qui signifie :


Trésor des Philosophes.

Mot de Passe : le mot de passe, ou d’entrée, est


Och, qui signifie : semence de tous les métaux.

Signe d’appel : le signe d’appel se fait en portant le


doigt index sur le nez, on le retire sur la joue jusqu’à
l’oreille, ensuite on le descend le long du col jusqu’à la
clavicule, ce qui forme une équerre.

La réponse : la réponse à ce signe est la même


chose, excepté qu’elle se fait de la main gauche.

Attouchement : l’attouchement se fait en


s’embrassant réciproquement ; ensuite on avance le
pied droit, et l’on se donne réciproquement un coup
de talon, ce qu’on appelle talon contre talon.

Ordre : l’ordre dans le Chapitre est de porter les


trois doigts du milieu de la main droite à l’endroit du
cœur, en tenant le petit doigt et le pouce fermés dans

52
sa main.

Après que le candidat s’est fait reconnaître, le


Souverain Grand Maître lui donne l’accolade, et lui
dit : « Par mes pouvoirs, je vous fais Prince Maçon,
par le très puissant grade du Chevalier de l’Aigle
Noir, dont vous voilà revêtu et devenu membre. Très
cher Prince Orateur, instruisez le nouveau Chevalier
des figures mystérieuses peintes sur la Loge tracée.
Mon cher Frère Chevalier, prêtez attention à tout. »

L’Orateur :
La figure de cette Loge est un carré long, plus
étendu de l’Orient à l’Occident, que du Midi au Nord,
parce que le soleil ne sort jamais au-delà des
tropiques.

Vous voyez dans le milieu un grand espace


circulaire composé de nuages, qui renferme des
cercles qui forment ce qu’on appelle Zodiaque, où
sont les douze maisons du soleil, chacune gardée par
un des douze mois de l’année. C’est dans chacune de
ces maisons, que vous devez vous loger pendant
chaque mois, et vous attirer la visite bienfaisante de
cet astre lumineux, vivifiant toute la matière préparée
avec méthode. Le soleil, entrant dans quatre de ces
maisons, doit être reçu par les quatre éléments, que
vous aurez soin d’inviter à vous tenir compagnie : car
sans eux, la maison serait triste. Vous ferez banqueter
le soleil des mets tirés des animaux, et des fruits qui
sont nourris dans l’intérieur de chaque maison
céleste. Si vous êtes exact à observer toutes ces
choses, soyez assuré que, lorsque le soleil aura habité
ces douze maisons, qu’il vous aura vu attentif à le
servir, il fera de vous le plus cher de ses favoris. Il
vous fera part de ses dons les plus précieux. La mort

53
n’aura plus d’empire sur vous. Vous cesserez d’habiter
la terre, à laquelle vous rendrez ce corps matériel
qu’elle vous avait prêté, pour en posséder un tout
spirituel.

Pour acquérir toutes ces lumières, il faut regarder


la matière comme morte. Le cadavre d’Hiram en est
l’emblème. Les mauvais ouvriers l’assassinèrent. Il
faut le vivifier, le faire revivre de ses cendres, ce que
vous ferez par la végétation de l’arbre de vie,
représenté par la branche d’acacia, mais vous ne
pouvez opérer avec fruit, si vous vous écartez de
l’équerre et du compas, qu’il faut toujours avoir
devant vous. Ces deux bijoux ne sont pas les seuls
dont vous deviez faire usage. Ils sont accompagnés de
deux instruments indispensables. L’un est la balance,
et l’autre la clef. Vous ferez usage de la première,
dans toutes vos œuvres que vous tiendrez secrètes
sous la clef, dans le coffre impénétrable de la
prudence, où jamais profane ne doit pénétrer.

Un bijou encore plus précieux vous est nécessaire,


c’est le pentacule du roi Salomon. Ce bijou
cabalistique renferme seul toutes les vertus célestes.
Il n’est point de l’invention des hommes. C’est Dieu
lui-même qui le donna au roi Salomon, qui nous l’a
transmis. Le pentacule porte en lui le souverain
pouvoir de commander aux esprits qui habitent les
quatre éléments. Il faut, mon Frère, vous appliquer à
en connaître l’usage. Vous y parviendrez facilement en
travaillant avec persévérance. Dans l’Instruction, on
vous expliquera la forme et les noms mystérieux dont
le pentacule est composé. Il a la même vertu que ceux
que portaient le roi Salomon, Hiram et les autres
Maîtres qui vivaient du temps de ce sage roi.

54
Abandonnons pour un moment notre Loge, mon
cher Frère, traversons la nue qui doit couvrir nos
sacrés mystères, parcourons l’espace qui l’environne,
nous y trouverons : à l’Occident, une montagne
nommée Ebron. Tout bon Maçon doit la connaître.
C’est sur cette montagne qu’on éleva deux grandes
colonnes appelées Jakin et Booz, ce qui signifie Force
et Beauté, premiers principes du Grand Œuvre que
vous allez entreprendre. La force est représentée par
les matériaux que vous devez employer ; et la beauté,
par les ouvrages qu’ils vous auront produits. La
colonne J était dévouée à Dieu. Comme tout venant de
lui, elle est affectée aux Apprentifs, c’est ce que vous
êtes présentement, parce que vous allez commencer.
Vous deviendrez Compagnon, quand vous connaîtrez
la beauté de la matière élémentaire. Enfin vous
deviendrez Maître, quand vous aurez tracé sur votre
planche la route fixe du soleil. Mais pour toutes ces
choses, il faut veiller avec ardeur, être animé d’un feu
vigilant et actif ; ce qui vous est représenté par le coq
battant des ailes et chantant sur le mont Ebron, placé
entre les deux colonnes.

De l’Occident, passons à l’Orient, mon Frère. Vous y


voyez le grand aigle noir, le roi des animaux de l’air, le
seul qui puisse fixer l’astre radieux. Car la matière de
sa nature n’a point de forme ; c’est la forme qui
développe la couleur. Le noir est la matière hors
d’œuvre. Change-t-elle de couleur ? Elle prend une
forme nouvelle. Un soleil des plus brillants en sortira.

Mais, mon cher Frère, la naissance du soleil est


annoncée par l’étoile du matin. C’est ce que
représente l’Étoile Flamboyante par sa rougeur que
vous connaissez. Elle est accompagnée dans son cours
par la fraîcheur argentine de la Lune. Suivez-moi, s’il

55
vous plaît, dans cet espace immense, qui embrasse le
plan de votre Loge. Vous y découvrirez bien des outils,
qu’on vous a mis en main dans tous les grades de la
Maçonnerie : une pierre brute, c’est-à-dire la matière
informa, qu’il fallait préparer. Une pierre cubique à
pointe pyramidale, c’est-à-dire la matière développée
par sa forme triangulaire, tels que le sel et le soufre.
Des instruments tels qu’une équerre, un niveau, un
perpendiculaire, un maillet, tous instruments
nécessaires pour bâtir les douze maisons du soleil, par
où vous devez faire passer la matière informe,
lesquelles maisons doivent être bâties avec règles et
proportions, sans quoi l’esprit de vie ne saurait s’y
loger.

Avec tous ces instruments, vous construirez le


grand autel, sur lequel brûlera le feu tiré du ciel, et le
grand bassin vous servira à vous purifier les mains et
le corps, et tout ce que vous toucherez pour opérer
avec fruit. Soyez laborieux comme le castor, et cachez-
vous comme la chouette, qui ne va que la nuit. Voilà,
mon cher Frère, un abrégé de ce qui est représenté
sur le tableau. Avec le temps, vous vous instruirez
plus au long de nos œuvres.

Nous sommes persuadés que vous deviendrez une


nouvelle lumière, qui nous aidera à perfectionner le
grand ouvrage. En travaillant, vous ferez de nouvelles
découvertes, auxquelles tout vrai Maçon a le droit
d’aspirer.

Souverain Grand Maître, c’est à vous maintenant,


d’instruire le nouveau Chevalier du travail qu’il doit
entreprendre.

Le Souverain Grand Maître dit alors :

56
Chevalier, Prince nouveau reçu, vous avez sans
doute aperçu dans la chambre de réflexion de l’eau,
du sel, du pain, du soufre, un coq, une horloge de
sable, avec les mots Patience et Persévérance,
matières symboliques faciles à exprimer.

Par l’emblème du pain et de l’eau, on vous marque


quelle doit être votre sobriété dans les repas, et que
vous devez fuir toutes les débauches qui nuisent à la
santé et à la bourse. Par le sel, on vous indique les
bonnes mœurs que vous conservez longtemps parmi
les hommes, comme le sel conserve les viandes, et
toutes les choses sujettes à se corrompre. Par le
soufre, l’ardeur secrète que vous devez avoir de
parvenir à la science cabalistique en formant votre
esprit à saisir promptement tous les instants où la
lumière vous éclairera – semblable au soufre que la
plus petite étincelle met en feu. Par le coq, la
vigilance dans toutes vos œuvres, accompagnées de
patience et de persévérance. L’horloge désigne le
temps qu’on doit employer au travail, qui doit être
mesuré par heures et minutes.

Prenez place parmi nous.

INSTRUCTION

D -Mes chers Frères, Princes et Chevaliers de


l’Aigle Noir, travaillons à instruire le nouveau
Chevalier, afin que, par son travail, il arrive à
connaître le principe de vie renfermé dans le cœur de
la matière et connu sous le nom d’Alkaest. Je vais faire
l’instruction, à laquelle je me flatte que vous
m’aiderez, par vos lumières et vos réponses. Prince
Grand Prieur, quelle heure est-il ?
R -Souverain Grand Maître, le point du jour.

57
D -Prince Grand Surveillant, quel est votre devoir ?
R -De voir si le Chapitre est scellé, et si les
matériaux sont prêts.
D -Où se tient le Souverain Grand Maître ?
R -À l’Orient.
D -Pourquoi ?
R -Pour y attendre le lever du soleil, et
l’accompagner dans toutes les maisons célestes.
D -Quel est leur nom ?
R -Aries, Taurus, Gemini, Cancer, Leo, Virgo, Libra,
Scorpio, Architenens, Caper, Amphora, Pisces.
D -Quelles sont les puissances qui président, et qui
font les honneurs dans chacune de ces douze
maisons ?
R -Premièrement le Grand Architecte de l’Univers,
sous douze noms sacrés, tirés chacun des douze
lettres du grand nom de Dieu, en hébreu
JETIMAAEIEAM. Ceux qui mettent Melech pour
derniers mots l’écrivent ainsi. À la place de la
dernière M.
D -Donnez-moi ces douze noms, rangés de suite
pour chacune des douze maisons célestes.
R -Jehovah, Emmanuel, Tetragrammaton, Jehah,
Messias, Arpheton, Anarbona, Erigion, Jessemon,
Eloim, Agla, Melech, selon d’autres Adonai.
D -Quels sont les esprits qui agissent, par la
puissance de l’Être Suprême dans chacune de ces
douze maisons ?
R -Marchidiel, Asmodel, Ambriel, Muriel, Vrochiel,
Hamaliel, Zuriel, Barbiel, Adnahiel, Ganael, Gabriel,
Barchiel.
D -Quels sont les noms vulgaires de ces douze
maisons, et quel est le rang qu’elles tiennent dans
l’univers ?
R -Mars, Avril, Mai, Juin, Juillet, Août, Septembre,
Octobre, Novembre, Décembre, Janvier et Février.

58
D -Quel est le puissant des noms de Dieu, dans le
pentacule ?
R -Adonai.
D -Quelle est sa toute puissance ?
R -De mettre l’univers en mouvement. Celui des
Chevaliers qui serait assez heureux pour le prononcer
cabalistiquement aurait à sa disposition les puissances
qui habitent les quatre éléments et les esprits
célestes, il posséderait toutes les vertus.
D -Quel usage en ferait-il ?
R -Par leurs puissances, il parviendrait à la
découverte du premier des métaux, qui est le soleil, et
qui provient de l’alliance ultime des six métaux dont
chacun fournit la semence, dans le lit nuptial.
D -Quels sont ces métaux ?
R -Saturne, Jupiter, Mars, Vénus, Mercure et la
Lune.
D -N’ont-ils pas d’autres noms parmi le vulgaire ?
R -Plomb, Étain, Fer, Cuivre, Argent-Vif, Argent.
D -Pourquoi l’or n’y est-il pas compris ?
R -L’or physiquement n’est pas un métal, il est tout
esprit, et par là incorruptible. Au lieu que les autres
métaux se corrompent, ainsi l’or est l’emblème de la
divinité, qui n’a ni commencement ni fin.
D -Comment peut-on parvenir à faire l’alliance des
six métaux pour n’en faire qu’un seul, qui ne soit point
métal ?
R -Par la règle et la balance que Salomon nous a
laissées dans son traité cabalistique de sa Clavicule ;
Balance philosophique communément dite : le Sceau
Cabalistique des Philosophes.
D -Comment est faite cette balance ?
R -En voici la figure.

59
D -De quels poids usait Salomon avec cette
balance ?
R -Du poids cabalistique contenant 25 nombres.
D -Quelles étaient les subdivisions de ce poids ?
R -1, 2, 3, 4, 5, qui contiennent 25 fois l’unité, douze
fois 2, huit fois 3, six fois 4, et cinq fois 5.
D -Quel sens renfermait ce nombre ?
R -Le carré de 5, celui de 2, qui est 4, son cube, qui
est 8 et son carré, qui est 16, et, de plus, celui de 3,
qui est 9.
D -N’y a-t-il point de Philosophes qui aient donné la
clef de cette balance ?
R -Pardonnez-moi, il y en sept.
D -Quels sont leurs noms ?
R -Albumazariz, Pythagore, Ptolomée, Anthidonis,
Platon, Aristote, Haly.
D -Quels sont les éclaircissements qu’ils nous ont
donnés ?
R -Chacun d’eux s’est attaché à un métal, en a traité
les propriétés et en a donné la mesure, la règle et la
balance pour le mettre en œuvre. Chaque traité est
sous la dénomination d’un génie élémentaire qui vous
aide dans le travail.
D -Expliquez ces auteurs par leurs œuvres.
R -Albumazariz a traité du plomb, dit Saturne, sous
le génie Aratron par sa balance.
Pythagore a traité de l’étain, dit Jupiter, sous le
génie Belor par sa balance.
Ptolomée a traité du fer, dit Mars, sous le génie

60
Pratée par sa balance.
Platon a traité du cuivre, dit Vénus, sous le génie
Hagit par sa balance.
Aristote a traité de l’argent-vif, dit Mercure, sous le
génie Ophiel par sa balance.
Haly a traité de l’argent, dit Lune, sous le génie
Phul par sa balance.
D -Vous avez entendu que je vous ai parlé d’un
esprit vivificatif, dit Alkaest, qui à lui seul a les vertus
génératives de produire la grande pierre cubique à
pointe pyramidale, pierre qui renferme en elle-même
tous les dons et les vertus pour rendre les hommes
heureux en ce monde et dans l’autre, lorsqu’ils en font
un bon usage. Pourriez-vous, Prince Grand Prieur,
nous donner une idée du moyen pour parvenir à
composer cet Alkaest ?
R -Oui, Souverain Grand Maître, il faut commencer
à travailler à l’alliance des 4 éléments simples, dont
les hommes sont composés. Ces éléments doivent être
tirés des trois règnes de la Nature ; c’est-à-dire des
animaux, des végétaux et des minéraux.
D -Quel ordre observez-vous pour ce travail ?
R -La règle, la mesure, le poids et la balance dont
chacun est une clef.
D -Quoi de plus ?
R -D’employer dans cette œuvre les animaux, les
végétaux et les minéraux, chacun dans leur saison,
renfermer chacun dans chacune des maisons du
Soleil, où ils ont toutes leurs vertus, et non autrement.
D -Quels sont ces animaux, végétaux et minéraux
propres à être servis sur la table céleste de chaque
maison du Soleil ? Expliquez-les chacun dans leur
place et leur rang.
R -Premièrement dans la maison de Mars, on y sert
la chèvre, le hibou, l’olivier, l’amaranthe jaune, et la
sardoine.

61
2 - Dans la maison d’Avril : le bouc, la colombe, le
myrthe, la civette mâle, la topaze.
3 - Dans la maison de Mai : le taureau, le coq, le
laurier, la civette femelle, et l’agathe.
4 - Dans la maison de Juin : le chien barbet, la
cigogne, le noisetier, la grande consoude et la
chalcédoine.
5 - Dans la maison de Juillet : le cerf, l’aigle,
l’échalote, la plante dite pain de pourceau, le jaspe
sanguin.
6 - Dans la maison d’Août : le cochon, le moineau, le
pommier, la coloquinte, et l’émeraude.
7 - Dans la maison de Septembre : l’âne entier, l’oie,
le gui, la germandrée, et le béryl.
8 - Dans la maison d’Octobre : le loup, le pivert, le
cognassier, l’artémise, l’hyacinthe.
9 - Dans la maison de Novembre : le serpent, la
corneille, le palmier, l’anagallis, l’améthyste.
10 - Dans la maison de Décembre : le lion, le héron,
le pin, la morille, et la cornaline.
11 - Dans la maison de Janvier : le mouton, le paon,
le laurier-tin, le cristal de roche.
12 - Dans la maison de Février : le cheval barbe
entier, le cygne, l’ormeau, l’aristoloche, et le saphir
d’Orient.
D -Pourquoi, dans l’arrangement des maisons
célestes, commencez-vous par celle de Mars ?
R -Parce qu’en philosophie hermétique, et en
astronomie, on compte par années solaires, qui
commencent en Mars.
D -Comment prépare-t-on les productions de la
nature, dans chaque maison céleste, pour y être
servies sur la table nuptiale de l’époux des six
vierges ?
R -On les apprête toutes mystérieusement, sans feu
commun : mais avec du feu élémentaire, tiré de la

62
matière première, par attraction centripète des mixtes
mis en digestion dans le lit philosophique, allumé par
les quatre vents.
D -Comment sert-on les viandes sur la table de
l’époux ?
R -On les sert chacune à part : les unes en Sel, les
autres en Soufre, d’autres en Esprit, et d’autres en
Huile.
D -Que fait l’époux de tous ces mets ?
R -Il en prend de chaque mois la quantité suffisante,
pour composer par le moyen de la balance de Salomon
l’Alkaest pour le servir aux époux, lorsqu’ils sont
placés sur le lit nuptial.
D -Que produit cette alliance pour le genre
humain ?
R -Des trésors immenses, qui dureront autant que le
monde.
D -Tous les hommes sont-ils en état de travailler au
Grand Œuvre ?
R -Non : bien peu en sont capables ; il n’y a que les
vrais Maçons qui aient le droit d’y prétendre. Mais
combien peu sont dignes d’y parvenir !
D -Que faut-il faire pour être initié dans l’art
cabalistique ?
R -Il faut devenir semblable à notre maître Hiram,
qui aima mieux mourir que de révéler les secrets qui
lui avaient été confiés.
D -D’où tenait-il ces secrets ?
R -Du Roi Salomon qui, dans sa balistique, institua
un Ordre qu’il nomma des Maçons, divisé en trois
grades. Le dernier était celui de Maître. Ceux qui y
étaient initiés possédaient comme ce Roi, la science
infuse, par la vertu d’une lame d’or appelée pentacule,
au moyen de laquelle toutes sciences leur étaient
connues, et rien ne leur était caché.
D -Quelle est la figure du pentacule ?

63
R -Sa figure est triangulaire, où il était écrit de
chaque côté bien des choses, qui ne sont pas à la
portée des profanes, et qui portent malheur à ceux qui
en abusent.

Le Souverain Grand Maître dit : « Mes chers


Princes, travaillons à nous rendre dignes de posséder
un tel bijou, et d’en connaître tout le pouvoir. Soyons
zélés pour notre Ordre en général, et en particulier
pour le Souverain et Sérénissime Ordre de Chevalier
de l’Aigle Noir, dit Rose+Croix. »

Le Chevalier Grand Prieur demande ensuite au


Grand Maître, pourquoi les Chevaliers de l’Aigle Noir
s’appellent Rose+Croix.

Le Souverain Grand Maître répond : « Cher Prince,


un grand philosophe hermétique et célèbre Maçon,
appelé Raymond Lulle, parvint au céleste mariage de
l’époux avec les six Vierges. Il en naquit le Messias
qu’il attendait. Il le présenta à un roi d’Angleterre, qui
en fit fabriquer des monnaies, où était représenté
d’un côté une croix +, de l’autre une rose et le nom
abrégé de leur auteur, que le roi fit Chevalier. De là
tous les Philosophes qui se sont occupés du Grand
Œuvre, et qui ont eu connaissance de l’art
cabalistique, se sont appelés Rose+Croix, dont le
nombre est très petit. Mes chers Princes, Chevaliers
de Rose+Croix, il est temps de nous reposer. »

CLÔTURE DU CHAPITRE

Le Souverain Grand Maître, après avoir frappé un


coup, répété par le Grand Prieur et le Grand
Surveillant, dit :
M -Prince Grand Prieur, le travail est-il avancé ? La

64
matière prend-elle forme, et a-t-elle besoin de repos ?
R -Souverain Grand Maître, les éléments sont unis,
les sept planètes sont renfermées dans le sanctuaire ;
un voile blanc les recouvre.
M -Princes et Chevaliers, je suis content de votre
zèle. Veillez toujours, de peur que la nuit ne vous
surprenne, entretenez vos lampes allumées quoique
vous soyez dans le repos, jusqu’au moment où le Soleil
sera arrivé au plus haut point du zénith. Grand Prieur
et Grand Surveillant, annoncez par six coups à tous
les Princes, que l’heure est arrivée, que l’étoile du soir
paraît sur l’horizon, et que le Soleil est sous les eaux.

Le Grand Prieur et le Grand Surveillant répètent


chacun à leur colonne l’annonce du Souverain Grand
Maître, qui frappe encore six coups de deux en deux,
répétés par le Grand Prieur et le Grand Surveillant.
On fait les signes accoutumés, en frappant trois fois
dans les mains. On dit trois fois Vivat, et le Chapitre
est fermé.

EXPLICATION DU PENTACULE

Le Roi Salomon, instituant la Maçonnerie, fit trois


grades. Le dernier était la Maîtrise ; ceux qui y étaient
parvenus possédaient la science cabalistique. La
marque honorifique de ce grade était une lame d’or
triangulaire appelée le sacré pentacule, par le moyen
de laquelle toutes sciences étaient connues, jusque
dans les sciences les plus abstraites. D’un côté était
gravé ce qu’on y lit, au milieu était un double , à
chaque angle duquel se trouve gravé le nom sacré
d’Adonai.

65
Au milieu, Messias. De l’autre côté était gravé ce
qu’on y lit, au milieu le sublime mot qui exprime la
matière du Grand Œuvre. L’Art est accompli.
Lorsqu’Hiram fut trouvé mort, on trouva ledit
pentacule attaché par une chaîne d’or, sur son corps ;
et en récompense de ce qu’on avait découvert le corps
d’Hiram, et ensuite ses assassins, le Roi Salomon
décora du pentacule, quinze Maîtres, auxquels il
donna la science cabalistique.

PRIVILÈGES ET PRÉROGATIVES

Des Chevaliers de l’Aigle Noir de Rose+Croix,


délivrés par l’Ordre du Très Puissant et Souverain
Chapitre.

1 - Lorsqu’un Chevalier visitera une Loge, le


Vénérable, accompagné des deux Surveillants et de
trois autres Frères des plus qualifiés, armés de leurs
épées nues, viendront le recevoir à la porte de la
Loge. Le Vénérable lui remettra son maillet qu’il
acceptera, et avec lequel il donnera trois petits coups
sur le front du Vénérable, ainsi qu’aux deux
Surveillants, et leur fera baiser son cœur, couvert par
son écusson. Cette cérémonie faite, il donnera son
sceptre et son épée au Vénérable, et celui-ci les
portera en sautoir, sur ses mains couvertes de son
tablier. Il aura à ses côtés les deux Surveillants qui
porteront chacun un flambeau allumé. Ils devanceront
le Chevalier d’un pas. Quand le Chevalier donnera
l’ordre de marcher, deux Frères formeront avec leur
épée la voûte d’acier, sous laquelle le Chevalier se

66
mettra, et le troisième Frère se tiendra derrière, pour
former ladite voûte. Ils s’avanceront tous vers le
trône, où, étant arrivés, le Chevalier y montera,
prendra le sceptre et l’épée les posera sur l’autel,
saluera le Vénérable, les deux Surveillants, et les trois
Frères ; il fera placer le premier à sa droite, et les
autres à leurs places ordinaires.

2 - Les Chevaliers en Loge ou au banquet auront la


préséance sur les visiteurs, ils seront placés suivant
leur réception, c’est-à-dire que les plus anciens auront
le pas. Si le Vénérable était Rose+Croix, il ne céderait
ni sa place ni son maillet au visiteur Rose+Croix, mais
il lui rendra les honneurs et le fera placer à sa droite.

3 - À quelle cérémonie que ce soit, tant pour la


réception que pour l’entrée des visiteurs, les
Chevaliers resteront toujours assis et couverts, de
même que pour ouvrir et fermer la Loge.

4 - Quelque faute que commette un Chevalier vis-à-


vis d’une Loge, elle ne pourra pas l’amender de son
chef. On pourra toutefois procéder contre lui, par-
devant le Souverain Chapitre, par requête motivée sur
les faits dont il est accusé, parce qu’un Chevalier ne
peut être jugé que par ses pairs ; si le cas mérite
punition, il le sera dans son Chapitre, et non à la vue
des autres Frères.

5 - Dans la tenue des banquets, les Chevaliers


seront placés comme dans la tenue de la Loge.
Lorsqu’on portera des santés, ils resteront toujours
assis et couverts. Ils boiront ensemble sans
cérémonie, et quand on portera la santé du Roi, ils
remercieront pour lui : mais toujours assis, et
seulement ils ne remercieront jamais à aucune autre

67
santé.

6 - Quoiqu’ils soient convoqués comme les autres


Frères pour la tenue de la Loge, ils s’y trouveront,
s’ils le jugent à propos, et quand ils n’iraient pas, la
Loge ne pourra pas en prendre information, ni les
amender. Sur leurs billets de convocation, on ne
mettra pas « par ordre du Vénérable », mais bien :
« Prince, vous êtes averti ». Ils auront tous leurs
armoiries en Loge, et nul ne pourra prendre la place
d’un Chevalier, à moins qu’il n’occupe quelque charge
dans la Loge. De plus, ils seront exempts
d’instructions, sortiront et rentreront, sans demander
permission. Ils visiteront aussi toutes les Loges, sans
permission.

7 - La Loge sera toujours en récréation décente


pour eux, de sorte qu’ils ne demanderont jamais la
parole, et donneront leurs voix les premiers.

8 - Les Chevaliers auront trois voix.

9 - Quand un Chevalier entrera en Loge, il aura son


chapeau sur la tête. Tous les Frères se lèveront
debout, et auront le chapeau bas. Il n’y aura que les
autres Chevaliers qui resteront assis, s’il y en a ; mais
ils se découvriront.

10 - Quand un Chevalier entrera en Loge, il sera


reçu par 5 Frères, dont deux porteront un flambeau
chacun, et les 3 autres seront armés de leurs épées,
comme il est dit à l’article premier.

STATUTS ET RÈGLEMENT DU TRÈS PUISSANT ET


SOUVERAIN CHAPITRE DES CHEVALIERS DE
L’AIGLE NOIR DE ROSE+CROIX

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1 - Les Chevaliers ne pourront jamais quitter leur
cordon dans aucune Loge où ils se trouveront, sous
peine de 24 sols d’amende.

2 - On tiendra Chapitre toutes les fois que le Grand


Maître voudra.

3 - Il n’y aura point de Chapitre d’Obligation,


chaque mois, comme dans les autres Loges.

4 - Tous les Chevaliers qui manqueront le Chapitre


après avoir été convoqués, seront amendés, s’ils ne
donnent pas de bonne raison.

5 - Du 7e au 15e jour du mois, tous les Chevaliers


sont tenus de faire tenir au Chapitre leurs quotités.

6 - Les quotités seront relatives aux dépenses qui se


feront dans le Chapitre.

7 - Les réceptions seront à 6 louis.

8 - Tout Chevalier sera muni de son certificat, de


ses privilèges et de ses règlements.

9 - Les Chevaliers ordinaires porteront à leur


boutonnière, le bijou au bout d’une rosette ponceau.
Les Commandeurs porteront le grand cordon autour
du col, au bout duquel sera attaché le bijou, à une
rosette de ruban noir. Les Baillis porteront l’écharpe
et la plaque sur leur habit. Sur le cœur, cependant, les
Baillis pourront permettre aux Commandeurs et aux
Chevaliers de porter la plaque et l’écharpe Cette
permission sera enregistrée.

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10 - Le Chapitre sera composé d’un Grand Maître,
d’un Orateur, d’un Secrétaire, d’un Trésorier, d’un
Maître des Cérémonies, d’un Frère Terrible, et d’un
Intendant. Il ne pourra passer le nombre de onze.

11 - Les élections des Officiers se feront tous les


ans, au dimanche de La Trinité. Il n’y aura que le
Grand Maître qui le sera trois ans consécutifs, et le
Secrétaire, qui le sera à perpétuité.

12 - Le Secrétaire sera archiviste, garde des


Sceaux, et aura la correspondance.

13 - Les deux grands banquets d’obligation, où tous


les Chevaliers seront obligés de se trouver, se feront,
le premier, le jour des Rois, le second, le dimanche
d’après la saint Louis.

14 - Les Baillis pourront conférer des grades,


jusqu’au Chevalier de l’Orient. Les Commandeurs,
jusqu’à celui de Grand Écossais. Et le Chevaliers,
jusqu’aux grades écossais des trois J :.J :.J :.

15 - Tous les Chevaliers, Commandeurs ou Baillis


pourront visiter les Loges qu’ils voudront, et se faire
céder le siège.

16 - Le Trésorier rendra ses comptes, toutes les fois


que le Grand Maître voudra.

17 - Quand il mourra un Chevalier, s’il est Romain,


le Chapitre sera obligé de faire dire une Messe de
Requiem dans la huitaine, pour le repos de son âme.
Tous les Chevaliers Romains y assisteront, à peine de
12 sols d’amende.

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18 - Tous les Chevaliers seront tenus
d’accompagner le convoi funèbre de leurs Frères
morts, jusqu’à la sépulture, et vêtus de noir ; quand
même le Chevalier mort ne serait pas du Chapitre.

19 - Aux Messes de Requiem que le Chevalier fera


dire, on fournira un flambeau de demi-livre, qui sera
mis au-devant du tabernacle de l’autel, de sorte que
l’autel sera avec trois lumières. Si cet article souffre
quelque difficulté, on pourra le regarder comme
supprimé.

20 - Les Chevaliers, Commandeurs et Baillis seront


obligés de faire part de leurs découvertes et de leurs
recherches au Chapitre : afin qu’elles soient
enregistrées, tant sur les sciences cabalistiques que
sur les expériences physiques, hermétiques, et effets
antipathiques et sympathiques.

Pour preuves authentiques de la validité de cet


Ordre, toutes les copies qui en seront données aux
Chevaliers, pour qu’elles aient valeur et qu’on y ajoute
foi, seront autorisées, signées et scellées par le Frère
Kelamen, comme étant seul en possession de
l’original. Sans cette formalité, les copies seront
regardées comme fausses. Tout vrai Chevalier
Rose+Croix sent les raisons de cette précaution.

71
CHAPITRE VI : LE VRAI MAÇON

OU LE CHEVALIER DE L’IRIS

MAÇONNERIE PHILOSOPHIQUE

Dans ce grade, la Loge se nomme Académie. Les


assemblées s’appellent Séances. Le Vénérable, Très
Sage. Le Premier et le Deuxième Surveillants, Premier
et Deuxième Sages. Et tous les autres Frères, Sages
Académiciens.

L’Académie sera tendue de noir, avec des colonnes


rouges et blanches, qui seront placées de distance en
distance. Elle sera éclairée par trois lumières posées
en triangle sur le tableau. Elle sera garnie de tous les
instruments nécessaires, pour travailler au Grand
Œuvre.

Les tabliers des Académiciens doivent être doublés


et bordés de rouge pavot. Sur la bavette il y aura une
croix avec les lettres V. : et M. :, une de chaque côté,
brodées en or. Sur le milieu un soleil brodé en or, avec
ses rayons ; sur les côtés on brodera aussi en or les
lettres suivantes :

D :. C :. N :. F :. A :. M :.

72
Les gants seront blancs bordés de noir et de rouge.
Tous les Académiciens auront à la main une baguette
de fer.

Le bijou se portera en sautoir et sera attaché à un


ruban noir, blanc et rouge. Le tableau sera tracé dans
le cahier, à la fin du grade, ainsi que le bijou.

OUVERTURE DE L’ACADÉMIE

Les Académiciens étant décorés de leurs tabliers,


de leurs gants et de leurs bijoux, et ayant à la main
leurs baguettes de fer, le Très Sage frappera avec la
sienne un coup, qui sera répété par le Premier et le
Deuxième Sages ; et il dira : « À l’ordre, Sages
Académiciens ! » Ce qui étant exécuté, il demandera
au Premier Sage :
M -Premier Sage, quel est votre devoir ?
R -Très Sage, c’est de s’assurer que tous les Frères
ici, sont Vrais-Maçons.
M -Faites votre devoir.

Le Premier Sage fait le tour de l’Académie, exige de


chacun le signe, les mots et l’attouchement, et, revenu
à sa place, dit :
R -Très Sage, tous les Frères ici présents sont Vrais-
Maçons.
M -Deuxième Sage, quelle est votre obligation ?
R -C’est de m’assurer que l’Académie est à l’abri
des yeux et des oreilles vulgaires.
M -Remplissez-la.

Le Deuxième Sage s’en étant assuré, dit :


R -Très Sage, nous pouvons commencer nos
opérations ; nous sommes en sûreté.

73
M -Premier Sage, à quelle heure s’ouvre
l’Académie ?
R -À toute heure.
M -Les matériaux sont-ils prêts ?
R -Oui, Très Sage.
M -Puisque tous les Frères ici présents sont Vrais-
Maçons, que nous sommes à l’abri des yeux et des
oreilles vulgaires, Premier et Deuxième Sages,
annoncez à tous les Académiciens que l’Académie est
ouverte, et que nous allons commencer nos
opérations.

Alors le Très Sage frappe les coups, qui pour ce


grade sont au nombre de dix, et se frappent ainsi :
o/oo/oooo/ooo. Les Premier et Deuxième Sages les
répètent ; on fait le signe, et on dit : Gloire, Louange
et Honneur au Créateur. Paix, Bénédiction et
Prospérité aux Vrais-Maçons. Et, les mains croisées
sur le ventre, on se fait respectivement une profonde
inclinaison. Ensuite le Très Sage frappe un coup, que
le Premier et le Deuxième Sages répètent, et dit :
« Premier et Deuxième Sages, demandez aux
Académiciens, s’ils ont quelque chose à proposer pour
le bien de l’Académie. »

L’Académicien qui doit faire la dissertation se lève


et en fait lecture, après laquelle tous les Académiciens
applaudissent, en frappant dix fois dans leurs mains.
L’Académicien répond par le même nombre.

Toute l’Académie ayant ensuite mis en délibération


la matière qui doit être traitée dans la séance
suivante, le Très Sage la propose à haute voix à celui
qui doit en être chargé, et tous vont ensemble
examiner le travail, et mettre tout en règle.

74
RÉCEPTION

S’il y a une réception à faire, le Premier Sage dit :


« Très Sage, il y a un Philosophe Maçon dans la
chambre de préparation, que l’Académie a jugé digne
d’être admis parmi nous. » Le Très Sage demande à
nouveau le consentement de l’Académie, qui doit se
manifester, en frappant de la baguette sur le pavé.

Le consentement donné, le Très Sage députe un des


Académiciens pour préparer le candidat. Celui-là,
après avoir salué le Très Sage et tous les
Académiciens, sort de l’Académie, va trouver le
candidat et lui dit : « Philosophe Maçon, êtes-vous
toujours dans la disposition de parvenir au grade de
Vrai-Maçon ? » S’il répond que oui, il lui ordonne de
se dépouiller de tous métaux, de sa chemise, et de
quitter son habit, sa veste et ses souliers, et de
retrousser les manches de sa chemise. Il lui lie ensuite
les mains derrière le dos, lui bande les yeux, et le
conduit par le bras à la porte de l’Académie, et frappe
en Vrai-Maçon.

Le Premier Sage dit au Très Sage en frappant un


coup, qu’on frappe en Vrai-Maçon à la porte de
l’Académie. Le Très Sage lui de prier un Académicien
de voir ce que c’est. Celui-ci frappe dix coups, que le
premier répète ; il ouvre ensuite et dit : « Que voulez-
vous ? Laissez-nous opérer. » Le Préparateur répond :
« Je vous amène le candidat qui a été admis par
l’Académie ; ayez la bonté de l’annoncer au Très Sage
et aux Académiciens. » Le député ferme la porte, se
met à l’ordre entre les deux Sages et dit, après avoir
salué le Très Sage : « Très Sage, le Préparateur nous
amène le candidat que nous avons admis. » Le Très

75
Sage dit : « Ordonnez son entrée, s’il est en règle. »

Le député, ayant salué le Très Sage et les


Académiciens, frappe en Vrai-Maçon, et le
Préparateur ayant répondu, il ouvre la porte et dit :
« Sage Préparateur, faites entrer le candidat, s’il est
en règle. » Alors le Préparateur l’introduit, le place
entre les deux Sages, à un pas de distance, en allant
vers l’Orient.

Il doit y avoir, les jours de réception, une terrine


dans laquelle on a mis de l’esprit-de-vin, du mercure
et du sel, qu’on allumera, et qui seule éclairera
l’Académie. Le Très Sage dira ensuite au candidat :
M -Philosophe Maçon, que demandez-vous ?
R -Très Sage, je demande à être admis dans votre
auguste Académie, si vous m’en jugez digne.
M -Sages Académiciens, jugez-vous le candidat
digne d’être admis parmi nous ?

Tous les Académiciens, qui garderont un profond


silence pendant toute la réception, marqueront leur
consentement en frappant un coup de baguette sur le
pavé, après quoi le Très Sage dira au Premier Sage :
« Premier Sage, puisque l’Académie juge le candidat
digne d’être admis parmi nous, faites-le voyager en
cercle, en carré et en triangle. »

Les trois voyages finis, on place le candidat à


l’Occident, et le Très Sage ordonne au Premier Sage
de lui débander les yeux, et de lui faire considérer la
terrine. Tous les Académiciens à ce moment-là seront
à l’ordre.

Après que le candidat aura considéré la terrine


pendant quelque temps, environ quatre minutes, le

76
Très Sage ordonnera au Premier Sage de l’amener au
pied du trône, pour y prêter son Obligation. Y étant
arrivé, il se mettra à deux genoux, et répétera après le
Très Sage, l’Obligation suivante :

OBLIGATION

Je………. promets sur ma parole d’honneur et sous


peine d’avoir les lèvres clouées et le ventre ouvert, de
ne jamais révéler ni directement ni indirectement à
qui que ce soit, et sous quelque prétexte que ce soit,
les mystères qui vont m’être développés. Ainsi, le
grand Jehovah m’ait en Sa Sainte et puissante garde.

Tous les Académiciens répètent : « Amen. »

Pendant l’obligation, tous les Académiciens se


rangeront autour du candidat, et lui mettront leur
baguette sur la tête. Ensuite ils prennent leur place,
et le Très Sage délie les mains du candidat, en lui
disant : « Par le pouvoir que j’en ai reçu, et du
consentement de l’Académie, je vous constitue Vrai-
Maçon, et vous permets de jouir de tous les privilèges
accordés à cet auguste grade. » Il lui donne ensuite
les signes, les mots et l’attouchement, comme suit.
Puis l’âge et le nom. Ensuite il le décore du cordon, du
bijou, du tablier, des gants, et de la baguette. Enfin il
lui ordonne d’aller se faire reconnaître de tous les
Académiciens.

Le signe est de porter la main droite en équerre sur


la bouche. La réponse est de faire la même chose de
la main gauche. Tous deux ensuite laissent tomber les
deux mains croisées sur le ventre, en regardant le ciel
et la terre.

77
L’attouchement est de prendre les deux mains et de
s’embrasser sur les deux joues et sur le front.

Le mot sacré est Jehovah, qu’on prononce Jhovah.

Le mot de passe est Metracon.

Le nom est……. Amateur.

Âge : Il y a longtemps que je ne compte plus.

Le nouveau reçu s’étant fait reconnaître de tous les


Académiciens, on lui apprend la marche, l’ordre et le
frappement.

La marche se fera en partant de l’Occident par un


pas d’Apprentif vers l’Orient, la main gauche en
équerre sur la bouche et tenant de la droite la
baguette allongée. Continuer par un pas de
Compagnon, et un pas de Maître. Se placer ensuite,
les pieds en équerre, croiser les deux mains sur le
ventre, après quoi on salue le Très Sage et tous les
Académiciens, à droite et à gauche.

L’ordre est de croiser les deux mains sur le ventre,


ayant la baguette de la main droite.

Le frappement, comme on l’a vu à l’ouverture.

Cela fait, on étend le tableau sur le pavé, on place


dessus trois chandeliers en triangle, et le nouveau
reçu ayant fait les trois pas et pris sa place du côté
droit du Très Sage, il prononce son discours, auquel le
Très Sage répond par le suivant.

78
DISCOURS

Sage Académicien, la science dans laquelle on vient


de vous initier, en vous conférant le grade de Vrai-
Maçon, est la plus ancienne des sciences. Dieu l’a
créée en débrouillant le chaos. Elle est la plus
universelle ; toutes les autres empruntent d’elle leurs
principes. Elle est la plus nécessaire ; sans elle,
l’homme n’est que ténèbres, infirmités et misère. Elle
émane de la nature, ou plutôt c’est la nature elle-
même perfectionnée par l’art. Elle est fondée sur
l’expérience. Dans tous les siècles elle a eu ses
adeptes, et si de nos jours, une foule d’Aristotes
consomment inutilement leurs biens, leurs travaux et
leurs temps, c’est que loin d’imiter la noble simplicité
qui la caractérise, et de suivre les voies directes
qu’elle leur trace, ils la parent d’un fard qu’elle ne
peut souffrir, et s’égarent dans les labyrinthes où une
folle imagination les entraîne. De là les railleries
piquantes de ces profanes qui, sans respect pour Dieu,
sans égard pour la Nature, sans estime pour l’Art,
tournent en dérision nos plus sacrés mystères. De là
les satires grossières de ces ignorants, qui, trop
appesantis par leurs sens pour s’élever à la sublimité
de nos connaissances, blasphèment tout ce qu’ils ne
peuvent comprendre. De là, le ridicule affecté de ces
indolents, qui, à moins qu’un esprit habile et une main
laborieuse ne fassent pour eux tous les frais de la
découverte et du travail, méprisent tout ce qu’ils n’ont
pas la force d’imaginer, ni le courage d’exécuter. De là
enfin les libelles injurieux de ces téméraires, qui, avec
une hardiesse pleine de mauvaise foi, osent mettre la
vérité de la science hermétique au rang des inventions
humaines, et des superstitions populaires, sans autre
motif que d’en infirmer l’authenticité, et
l’impossibilité d’en détruire le témoignage.

79
Abandonnons ces enfants de ténèbres, et ces
ennemis d’eux-mêmes à toute la honte de leurs idées
vaines et inconséquentes pour nous, Vrais Enfants de
Lumière et sincères amis de l’humanité, et voyons
dans ces enseignements et ces pratiques la vérité
clairement annoncée ; goûtons à longs traits aux
douceurs qu’elle nous présente. Jouissons avec
reconnaissance des avantages qu’elle nous procure,
et, animés d’un saint transport, ne cessons d’exalter la
toute-puissance et la miséricorde infinie de Dieu, qui
se plaît à humilier les grands et à élever les humbles.

N’attendez cependant pas, Sage Académicien, que


nous vous aplanissions d’abord tous les obstacles ; ce
serait faire tort à votre sagacité. Nous nous
appliquerons plutôt à régler vos études, en vous
indiquant les sources dans lesquelles vous devez
puiser. Nous vous montrerons la voie droite que vous
devez tenir. Il ne reste plus qu’à vous exhorter de
marcher sur les traces du grand homme dont la
présence nous fut si chère et si utile, et dont le
souvenir nous sera à jamais présent. Ses talents et ses
vertus lui acquirent nos suffrages, et lui ont mérité
vos éloges. Sa perte causera toujours nos regrets et
nos larmes.

Puisse le Grand Jehovah jeter sur vous un regard


favorable ! Et vous faire marcher avec patience et
persévérance, dans la pénible mais savante carrière
que vous allez courir. Ce sont là les vœux que forme
pour vous l’auguste Académie, qui se félicite de vous
posséder et qui vous regardera toujours comme un de
ses plus chers nourrissons.

Le Premier Sage va maintenant vous donner

80
l’explication du tableau. Et ensuite, je vous ferai
l’Instruction. Prêtez une oreille attentive. Vous
apprendrez dans l’une et dans l’autre, la noblesse de
vos droits, l’étendue de vos obligations, et la grandeur
de vos espérances.

EXPLICATION DU TABLEAU

Vous voyez d’abord, Sage Académicien, au haut du


tableau, un triangle lumineux, et un grand J au milieu.
Le triangle représente un Dieu en trois personnes, et
le grand J est la lettre initiale du nom innommable du
Grand Architecte de l’Univers.

Le cercle ténébreux signifie le chaos que Dieu créa


au commencement, la Croix qui est en dedans, la
Lumière par laquelle il se développa. Le carré, les
quatre éléments qui en résultent.

Le triangle, les trois principes qui résultent du


mélange des trois éléments. Ce qui entoure le cercle
étoilé, ce sont les eaux que Dieu a mises au-dessus du
firmament. L’autre grand cercle, avec les signes et les
planètes, désigne le Zodiaque. Le cercle du milieu,
l’eau et la terre. La Croix qui surmonte signifie que le
même Dieu qui a créé le monde par sa toute-
puissance, l’a racheté par sa bonté. Les quatre figures
qui l’entourent sont l’emblème de l’air et des quatre
vents. L’homme, le soleil et la plante que l’on voit à la
surface de la terre sont l’image des trois règnes de la
Nature : l’animal, le minéral, et le végétal, qui, par le
moyen du feu élémentaire et du feu central que
l’archée met dans une agitation continuelle, viennent
à leur perfection.

Les deux plus hautes lettres signifient que Dieu

81
crée, celles qui sont au dessous, que la Nature
produit, et les deux plus basses, que l’Art multiplie.

L’autel des parfums nous marque les trois degrés de


feu que l’on doit donner à la matière. La boule, le
creux du chêne qui doit entourer l’état philosophique ;
ce qui est au-dessus, la baguette pour remuer les
matériaux.

Les deux figures surmontées d’une Croix ne sont


autre chose que le double mariage de la femme
blanche avec le serviteur rouge, et duquel mariage
naîtra un Roi très puissant.

Le Très Sage doit encore faire l’explication des


grades d’Apprentif, de Compagnon et Maître Maçon.

INSTRUCTION

D -Qui êtes-vous ?
R -Je suis un Vrai-Maçon.
D -Comment avez-vous été reçu ?
R -Sans métaux, sans habit, sans veste, sans
souliers, les manches de la chemise retroussées, les
yeux bandés, et les mains liées derrière le dos.
D -Pourquoi sans métaux ?
R -Parce qu’un véritable Artiste ne doit point se
servir d’eux pour arriver à ses fins.
D -Pourquoi sans habit, sans veste, sans souliers et
les manches de la chemise retroussées ?
R -Parce qu’un véritable Artiste doit être toujours
prêt à travailler.
D -Pourquoi les yeux bandés, et les mains liées
derrière le dos ?
R -Pour marquer que j’étais dans les ténèbres les
plus profondes avant d’être agrégé dans votre

82
Académie, et dans l’impuissance de travailler dans les
règles de l’Art.
D -Vous a-t-on donné la lumière ?
R -Oui, Très Sage, le mélange des trois principes
m’a éclairé.
D -Savez-vous travailler ?
R -Oui, Très Sage, je sais remuer la baguette,
manipuler les matériaux, et luter les vaisseaux.
D -Sur quoi est appuyée votre Académie ?
R -Sur trois colonnes.
D -Comment s’appellent-elles ?
R -La Foi, l’Espérance, et la Charité. La Foi doit
devancer le travail, l’Espérance doit l’accompagner, et
la Charité doit la suivre.
D -Que signifient les dix coups que vous frappez en
entrant ?
R -Le nombre parfait.
D -Pourquoi dites-vous que le nombre dix est le
nombre parfait ?
R -Parce que le nombre dix renferme tout à la fois
l’unité de Dieu, par qui tout a été créé, le chaos de
tout ce qui existe a été produit. Celui qui sera assez
heureux pour comprendre ce que c’est dans
l’arithmétique formelle, et pour connaître la nature du
premier nombre sphérique qui est la moitié de dix,
aura, dit Pic de la Mirandole, les secrets des 50 portes
d’intelligence du grand jubilé de la millième
génération et le règne de tous les siècles que les
cabalistes nomment ensoph, ou la divinité elle-même
sans vêtements.
D -Expliquez-moi ce que veulent dire votre bijou, les
couleurs du ruban auquel il est attaché, la Croix et les
deux lettres qui sont sur la bavette de votre tablier ; le
Soleil qui est au milieu, les lettres qui sont aux deux
côtés, et la couleur rouge dont il est bordé et doublé ?
R -Le bijou est la figure du mercure, du soufre et du

83
sel ; les couleurs du ruban, et des gants, représentent
les trois principales couleurs qui apparaissent dans le
régime. La Croix qui est sur la bavette du tablier, la
Lumière. Les deux lettres qui sont à côté de la Croix,
Vrai-Maçon. Le Soleil du milieu, l’or. On a déjà
expliqué les lettres. Enfin la couleur rouge pavot, dont
le tablier est doublé, désigne la perfection de la Pierre
Philosophale, comme la noire désigne la putréfaction,
et la blanche, la sublimation.
D -D’où venez-vous ?
R -De parcourir le ciel et la terre.
D -Qu’y avez-vous vu ?
R -Le chaos.
D -Qui l’a créé ?
R -Dieu.
D -Qui le produit ?
R -La Nature.
D -Qui le perfectionne ?
R -Dieu, la Nature, et l’Art.
D -Qu’entendez-vous par le chaos ?
R -La matière universelle sans forme, et susceptible
de toutes les formes.
D -Quelle est sa forme ?
R -La Lumière renfermée dans la semence de toutes
les espèces.
D -Quel est son lieu ?
R -L’esprit universel acide.
D -Savez-vous travailler la matière universelle ?
R -Oui, Très Sage.
D -De quoi vous servez-vous pour cela ?
R -Du feu interne et externe.
D -Qu’en résulte-t-il ?
R -Les quatre éléments qui sont dits principes
principiants immédiats.
D -Comment les nomme-t-on ?
R -Le feu, l’eau, l’air, la terre.

84
D -Quelles sont leurs qualités ?
R -Le chaud(1) et le froid, le sec et l’humide, deux
d’icelles accomplies en chacun d’iceux. Le sec et le
froid dans la terre, le froid et l’humide dans l’eau ;
l’humide et le chaud dans l’air ; le chaud et le sec
dans le feu, d’où il vient se joindre à la terre ; car les
éléments sont circulaires, comme le veut notre père
Hermès.
(1 - Note : Dans le manuscrit original, « chaud » est
orthographié « chaux », ainsi que dans toute cette
réponse.)
D -Que produit le mélange des quatre éléments, et
de leurs quatre qualités, dont tout est bâti ?
R -Les trois principes principiés et immédiats.
D -Qu’entendez-vous par mercure, soufre, et sel ?
R -J’entends le mercure, le soufre, et le sel
philosophiques, et non vulgaires.
D -Quel nom leur donnez-vous ?
R -Mercure, soufre, et sel.
D -Qu’est-ce que le soufre philosophique ?
R -C’est un feu et une âme, qui le décuit et le
colore.
D -Qu’est-ce que le sel ?
R -C’est une terre, et un corps qui le congèle et le
fixe, et le tout se fait par le véhicule de l’air.
D -Que résulte-t-il de ces trois principes ?
R -Les quatre éléments redoublés, comme dit
Hermès ; ou les grands éléments, selon Raimond
Lulle, qui sont le mercure, le soufre, le sel et le verre,
dont deux sont volatils, savoir : eau et air, qui est
l’huile, car toutes substances liquides de leur nature
fuient le feu, qui en élève l’une et brûle l’autre ; mais
non les deux, qui sont sec et solide, savoir : le sel,
auquel est contenu le feu ; et la terre pure qui est le
verre, sur lequel le feu n’a plus d’action, que de les
fondre et de les affiner, à moins qu’on ne se serve de

85
la liqueur Alkaest. Car tout ainsi que chaque élément
participe de deux qualités, ces grands éléments
redoublés, mercure, soufre, sel et verre, participent
de deux éléments simples ; ou pour mieux dire de tous
les quatre, selon le plus ou le moins des uns et des
autres : le mercure tenant plus de l’eau auquel il est
attribué ; l’huile ou le soufre, de l’air ; le sel, du feu ;
et le verre, de la terre qui se trouve pure et nette au
centre de tous les composés élémentaires, et est la
dernière à se relever exempte des autres.
D -Où résident les quatre éléments et les trois
principes principiés immédiats ?
R -Dans tous les mixtes : mais plus particulièrement
et plus puissamment dans les uns que dans les autres.
D -Qu’entendez-vous par mixtes ?
R -Les animaux, les végétaux, les minéraux.
D -Qui donne aux mixtes le mouvement, le
sentiment, la nourriture et la subsistance ?
R -Les quatre éléments : le feu donne le
mouvement, l’air le sentiment, l’eau la nourriture, et
la terre la subsistance.
D -À quoi servent les quatre éléments redoublés ?
R -À engendrer le Soleil, si on est assez heureux et
assez industrieux pour leur donner le feu convenable,
et les mettre au poids de la Nature.
D -Quel est le degré du feu ?
R -Le trente-deuxième.
D -Qu’entendez-vous par poids de la Nature ?
R -J’entends que dix parties d’air en font une d’eau.
Dix d’eau en font une de terre. Et dix de terre en font
une de feu : tant par le symbole actif de l’un que par
le passif de l’autre ; au moyen de quoi la conversion
des éléments se fait dans le Grand Œuvre, par dix
parties de mercure, sur une de Soleil ou de Lune.
D -Comment parvient-on à cette fin ?
R -Par la solution et la coagulation.

86
D -Que veulent dire ces mots ?
R -Qu’il faut dissoudre le corps et coaguler l’esprit.
D -Comment fait-on ces deux opérations ?
R -Par le bain humide et le bain sec.
D -Quelles sont les couleurs qui apparaissent dans
le régime ?
R -Les principales sont le noir, le blanc, le bleu et le
rouge, qui désignent les quatre éléments : le noir, la
terre ; le blanc, l’eau ; le bleu, l’air ; et le rouge, le
feu. Et dans lesquels sont compris de grands secrets
et mystères.
D -Quels instruments doit-on employer dans le
Grand Œuvre ?
R -Le bain humide, le bain sec, les vases de la
Nature et de l’Art, le creux du chêne, le Sutum
Sapientiae, le sceau d’Hermès, le tube, la lampe
physique et la baguette de fer.
D -Combien de temps faut-il pour le faire ?
R -Sept et dix mois philosophiques, c’est-à-dire
lunaires, dit le Composite.
D -Quel avantage en retire-t-on ?
R -Il y en a de deux sortes : les uns regardent
l’esprit, et les autres, le corps. Ceux de l’esprit
consistent à connaître Dieu, la Nature, et soi-même.
Ceux du corps sont les richesses et la santé.
D -Il me paraît que vous avez dit que vous aviez
parcouru le ciel et la terre.
R -Oui, Très Sage.
D -Que voulez-vous dire par là ?
R -J’ai voulu dire par le ciel, le monde intelligible
qui se subdivise en deux, savoir : le Paradis et l’Enfer.
Et par la terre, le monde sensible, qui se subdivise
aussi en deux : le céleste et l’élémentaire.
D -N’ont-ils pas chacun des sciences qui leur sont
particulières ?
R -Pardonnez-moi, Très Sage. L’une est vulgaire et

87
triviale, et l’autre mystique et secrète. Le monde
intelligible à notre théologie est la cabale ; le céleste,
l’astrologie, et la magie. Et l’élémentaire, la
physiologie, et l’alchimie qui révèle par les résolutions
et les réparations du feu, tous les secrets les plus
cachés de la Nature, aux trois genres des composés.
On l’a nommée aussi la science hermétique, ou
l’opération du Grand Œuvre.
D -Quelles sont les sources où l’on peut puiser cette
dernière science ?
R -Les plus pures sont Hermès Trismégiste, Arnaud
de Villeneuve, Raimond Lulle, Geber, Basile Valentin,
Bernard Comte de Trévisan, Nicolas Flamel, le
Philalèthe, le Cosmopolite, le Président d’Espagnet, le
Chevalier des figures d’Abraham le Juif, et de Michel
Maier. Et bien d’autres que nous vous ferons
connaître par la suite.
D -Pourquoi dit-on que l’Académie s’ouvre à toute
heure ?
R -Parce qu’on peut commencer le Grand Œuvre,
dans tous les temps et toutes les saisons.
D -Pourquoi se referme-t-elle à l’instant qui suit sept
et dix ?
R -Parce qu’après ce terme, il n’y a plus rien à faire,
puisque le Grand Œuvre est consommé.
D -Voilà, Sage Académicien, ce que le Premier Sage
et moi avions à dire pour votre Instruction. Nous nous
flattons tous que vous en ferez votre étude principale,
et que nous n’aurons qu’à nous féliciter tous les jours
de l’acquisition que nous avons faite, en voyant les
rapides progrès que vous ferez dans cette science
divine, seul et vrai but de la Maçonnerie.

FERMETURE DE L’ACADÉMIE

M -Premier et Deuxième Sages, demandez à tous

88
les Académiciens s’ils n’ont plus rien à dire pour le
bien du Chapitre, et s’ils sont satisfaits.

Le Premier et le Deuxième Sage ayant exécuté la


volonté du Très Sage, et tous les Académiciens ayant
frappé sur le pavé de leur baguette, pour marquer
qu’ils n’ont plus rien à dire et qu’ils sont satisfaits, les
Premier et Deuxième Sages doivent dire au Très Sage,
l’un après l’autre, que les Académiciens n’ont plus
rien à dire, et qu’ils sont satisfaits. Alors le Très Sage,
s’adressant au Premier Sage, lui dit :
M -Premier Sage, à quelle heure le travail est-il
fini ?
R -Très Sage, l’instant qui suit sept et dix.
M -Premier Sage, le travail est-il en règle ?
R -Oui, Très Sage.

Le Très Sage dit ensuite : « Puisque le travail est en


règle, qu’il finit à l’instant qui suit sept et dix, et que
nous sommes enfin arrivés à ce terme, il est temps de
nous reposer, et de jouir du fruit de nos opérations.
Annoncez donc, que l’Académie va être fermée. »

Alors il frappe dix coups, que les Premier et


Deuxième Sages répètent. Ils annoncent la fermeture
de l’Académie. On fait le signe, on se salue
respectivement, les mains croisées sur le ventre, et on
dit ensemble : « Gloire, louange et honneur au
Créateur. Paix, bénédiction et Prospérité aux Vrais-
Maçons. »

BANQUET

La table doit être ronde, éclairée de quatre bougies


posées en carré. Elle sera servie frugalement. Le Très
Sage, et les Premier et Deuxième Surveillants, se

89
placeront de façon qu’ils formeront un triangle. Il n’y
aura de santé d’obligation, que celle du Roi, du Très
Sage de l’Académie, et de tous les Adeptes et
Amateurs, et du nouveau reçu.

L’EXERCICE SE FERA AINSI :

Le Très Sage frappera un coup de sa baguette.


Alors tous les Frères chargeront au second coup, ils
porteront la main au gobelet. Au troisième, ils le
lèveront à la hauteur de la bouche. Au quatrième, ils
boiront. Au cinquième, ils le remettront à la hauteur
de la bouche. Au sixième, ils feront un cercle. Au
septième, un carré. Au huitième, un triangle. Au
neuvième, ils le remettront encore à la hauteur de la
bouche. Au dixième, ils le poseront ensemble sur la
table. On observera un profond silence, pendant les
trois premières santés. On pourra ensuite parler, mais
avec décence.

La bouteille s’appellera récipient. Le gobelet,


creuset, le pain, sutum. Le vin, élixir rouge ou blanc,
suivant sa couleur. L’eau, mercure. L’huile, soufre. Le
sel, sel. Le vinaigre, dissolvant. Le poivre, absorbant.
La cuiller, spatule. La fourchette, trident. Le couteau,
le tranchant. La serviette, le tablier. Les plats et
assiettes, grandes et petites terrines. La soupe, le
ciment. Les ragoûts, les matériaux. Le rôt, l’animal.
L’entremets, minéral. Le dessert, végétal.

La santé du Roi se tire debout.

STATUTS

1 - L’Académie ne pourra être composée, au plus,


que de 15, et elle tiendra séance au moins une fois le

90
mois.

2 - Nul Maçon ne sera admis, s’il n’a passé par


quelqu’un des grades philosophiques, tels que ceux de
l’Aigle Noir, du Soleil, ou de Rose+Croix, et s’il n’est
chrétien, discret, pieux et savant.

3 - Chaque Académicien sera obligé de faire à son


tour une dissertation sur la matière qui sera proposée
par l’Académie. Ces dissertations, ainsi que les
délibérations, discours et réceptions, seront
enregistrées dans un livre destiné à ces objets, et
écrites en caractères maçonniques, adoptés par
l’Académie, et dont les figures sont ci-après.

4 - Chaque Académicien sera obligé de porter


toujours sur lui le petit bijou du grade, et de se rendre
exactement aux séances indiquées, à moins que des
affaires indispensables l’en empêchent, et, dans ce
cas, ils seront obligés de dire les raisons qu’ils ont de
s’absenter, sous peine de 3 sols d’amende, au profit
des pauvres.

5 - Il y aura un tronc destiné aux amendes, et une


caisse, où chaque Frère sera obligé de mettre tous les
ans un louis, pour la manipulation, et où les écrits de
l’Ordre seront renfermés. Ce tronc, ainsi que cette
caisse, sera garni de trois serrures, dont les clefs
seront entre les mains du Très Sage et des Premier et
Deuxième Sages. Et on n’en pourra faire l’ouverture,
que l’Académie rassemblée.

6 - Si quelque Académicien tombe malade, tous les


Académiciens seront tenus de le visiter une fois par
jour, et de lui procurer tous les secours spirituels et
temporels dont il aura besoin.

91
7 - Un des Académiciens venant à mourir, on aura
soin de retirer le bijou, le tablier, les gants et les
écrits, et, pour marque de la douleur que l’on ressent
de sa perte, on portera sur l’anneau du bijou, une
petite rosette noire pendant l’espace de trois mois. On
observera de ne jamais effacer du registre le nom des
défunts.

8 - Quatre jours ou environ après le décès d’un


Académicien, tous les Académiciens se rendront à
l’Académie ; on y proposera le sujet qui doit
remplacer le défunt. Les Académiciens, après en avoir
conféré entre eux, donneront leurs voix à scrutin
secret. Et nul ne pourra être admis, s’il ne réunit tous
les suffrages.

9 - Après que l’on aura fait l’élection, le Très Sage


députera un des Académiciens pour avertir le
candidat du choix que l’Académie a fait de lui, et il lui
dira de se préparer, pour remercier l’Académie de la
faveur qu’elle a bien voulu lui faire, et pour faire en
même temps l’éloge du défunt, dont il doit occuper la
place.

10 - Dans ce grade, il n’y a que trois Officiers, le


Très Sage, le Premier et le Deuxième Sages. Tous les
autres Sages Académiciens rempliront chacun à leur
tour, et à la volonté du Très Sage, les autres différents
emplois.

11 - L’élection des Officiers se fera tous les ans, à la


pluralité des voix, le jour de Saint Jean l’Évangéliste,
patron de l’Académie. Ils ne pourront jamais être
continués.

92
12 - Dans ce grade, on n’admettra point de servant ;
les deux derniers reçus en feront l’office.

INSTRUCTION POUR FAIRE LE GRAND ŒUVRE

Prenez cette mère universelle des enfants de la


Nature, telles que les simples et vulgaires artisans
l’ont tirée du sein de la terre virginale, par leur art
mécanique et grossier. Filtrez-la très bien, pour l’avoir
la plus pure et la plus claire que vous pourrez. Mettez-
la ensuite dans un pot de terre bien verni, autour
duquel vous ferez un petit feu de roue, pour faire
lentement bouillir et évaporer la matière, en
l’écumant sans cesse, et prenant garde aux trop
grandes ébullitions qui pourraient se faire, si le feu
n’est pas bien modéré. Continuez de faire évaporer à
très petits bouillons, jusqu’à ce que le pot soit à moitié
vide, en écumant sans cesse. Mettez ensuite la
matière dans un pot plus petit, et continuez de faire
évaporer et écumer jusqu’à siccité.

La matière évaporée jusqu’à sécheresse, il vous


restera au fond du pot un sel fixe, que vous prendrez

93
étant encore chaud(1), et le réduirez en poudre, avant
que l’humidité de l’air ne l’ait rendu moite. Vous le
mettrez ensuite dans un pot de terre à feu, ou écuelle,
proportionnée pour être réverbérée pendant sept à
huit heures, au feu de réverbère clos, en le remuant
souvent, avec une verge de fer. Après quoi, tirez la
matière hors du pot et l’exposez à l’air, pendant sept à
huit heures, plus ou moins, selon la quantité. Là, une
partie de cette masse saline s’humectera et
s’imprégnera de l’humidité mercurielle de l’air, et
attirant à soi comme dans son centre, cet esprit
universel et matière maternelle, puisque c’est l’acier,
la magnésie et l’aimant du Cosmopolite qui attire les
rayons du soleil, le mercure des Philosophes.
(1 – Note : orthographié « chaux » dans le
manuscrit original.)

Lorsque la partie supérieure sera humectée et


remplie de cet esprit qui est l’influence des astres et
des éléments que l’air porte en son ventre, prenez
tout ce qui se trouvera d’humecté, séparez-le en
parties basses et terrestres, et mettez-le sur un
marbre à la cave, où il se résoudra en une liqueur
mercurielle, qui est l’huile fixe et incombustible des
Philosophes, laquelle vous garderez soigneusement
dans une fiole, pour la joindre ci-après à son esprit,
que nous allons vous apprendre à tirer.

Ce que nous appelons huile fixe est, à proprement


parler, la mère régénérée, tirée de son chaos, purgée
de ses souillures originelles. Et quant au fils, voici la
manière de le régénérer, et de le tirer des entrailles
de sa mère.

Prenez une grande quantité de la même matière,


c’est-à-dire, de cette mère simple et grossière, comme

94
on la tire du sein de la terre. Filtrez-la bien, comme
vous avez fait l’autre. Mettez-la ensuite dans des
grands pots de terre bien vernis. Allumez autour un
petit feu de roue pour la faire évaporer
insensiblement, mais sans l’écumer. Quand elle sera
évaporée jusqu’à moitié, changez de pot, de peur qu’il
ne casse, étant trop vide. Continuez d’évaporer à feu
lent, jusqu’à consistance du miel. Alors reposez à l’air
vos pots, couchez-les sur le côté, et mettez au dessous
pour récipients des autres pots avec une étamine et
une feuille de papier gris sur l’orifice de chacun des
pots inférieurs, afin que l’humidité spirituelle de l’air
venant à résoudre la matière, se filtre en passant dans
les pots inférieurs. La matière ainsi résolue en liqueur,
mettez-la dans des pots de verre, pour la faire de
nouveau évaporer au feu de cendres. Ne vous servez
plus de pots de terre, parce que la matière est alors si
subtile, qu’elle passerait au travers de leurs pores.
Évaporer jusqu’à consistance de sirop. Tirez ensuite
doucement vos évaporations du feu, et laissez-les à
l’air, comme la première fois, avec d’autres pots
couverts d’étamine et de papier gris dessous.
Congelez de nouveau, à consistance de sirop, et
continuez de faire résoudre à l’air et de coaguler au
feu de cendres, jusque la matière ne laisse plus
aucune crasse, ni dans le vase de verre, ni sur le
papier, ni sur l’étamine.

Plus vous répéterez ces résolutions et coagulations,


plus votre matière acquerra de vertus, surtout si vous
opérez dans le temps des équinoxes, c’est-à-dire au
signe du Taureau ou de la Balance, quoiqu’on puisse,
à ce qu’assurent les Philosophes, travailler en tout
temps et en tous lieux.

Quand vous aurez exposé votre matière à l’air pour

95
la dernière fois, et qu’elle sera résolue en matière
bien claire et bien liquide, vous la mettrez dans des
retortes que vous aurez légèrement lutées, et
seulement à demi, c’est-à-dire que la voûte, ou partie
supérieure, étant découverte, tout le reste ne sera que
légèrement luté. Alors vous logerez vos retortes sur
des fourneaux, dans des capsules, avec du sable bien
grainé et grainé et grossièrement passé, et, ayant
adapté à vos retortes des récipients et des jointures,
n’étant que légèrement lutées, vous distillerez,
premièrement à feu lent et insensible chaleur, une
humidité insipide, aqueuse et phlegmatique. Laquelle
étant passée dans le récipient, l’esprit commencera à
venir, ce que vous connaîtrez en débouchant les
jointures du récipient ; et garderez le phlegme à part,
pour l’usage que nous vous dirons. En même temps,
vous couvrirez la retorte, pour chasser tout l’esprit
dans le récipient. Pour cet effet, il faut mettre les
charbons allumés sur le sable qui couvre la retorte,
pour augmenter la chaleur.

La distillation achevée, il vous restera au fond de la


retorte une matière saline, que vous prendrez, en
cassant la retorte, et la ferez dissoudre dans le
phlegme que vous aurez gardé ci-dessus.

La dissolution faite, filtrez-la bien, et faites évaporer


au feu de cendres dans un pot de verre, jusqu’à sec,
ou du moins jusqu’à consistance de cire fondue.
Laissez refroidir le vase, et mettez une partie de cette
matière saline dans une retorte légèrement et à demi
lutée, et distillez avec le même degré de chaleur que
la première fois ; avec cette différence, que vous ne
séparerez pas le phlegme, attendu qu’il n’y en aura
pas. La distillation finie à grand feu, gardez bien
l’esprit que vous aurez tiré, comme étant fortifié et

96
alkalisé d’une partie de son sel.

S’il vous reste du sel dans la retorte, mettez-le dans


un vase de verre, couchez-le sur le côté, et exposez-le
à l’air, avec un autre pot dessous, comme ci-dessus. La
matière résolue en liqueur et bien filtrée, faites-la
évaporer sur les cendres jusqu’à consistance de sirop
liquide, ou mouille grasse. Mettez-la alors dans une
retorte avec l’esprit que vous avez ci-devant tiré ; et,
par manière de cohobation, lutez légèrement la
retorte et distillez au sable grossier, et par degré de
feu, comme vous avez fait ci-devant, donnant un feu
très violent sur la fin, pour faire rougir la retorte, afin
que tout l’esprit passe dans le récipient, et emporte
avec soi les restes du sel. Votre esprit sera rendu par
là très fort, et capable de dissoudre l’or radicalement,
et de le faire passer par le bec de la cornue, si l’on
voulait se contenter de faire de l’or potable. Mais
comme on se propose de faire quelque chose de plus,
il faut marier cet esprit avec l’huile fixe et mercurielle.

Et voici comment il faut s’y prendre : prenez deux


parties de cet esprit et une partie de l’huile fixe que
vous aurez tirée au commencement ; mettez le tout
ensemble dans un grand matras, dont les trois quarts
doivent être vides, et dans lequel le col doit avoir au
moins huit pouces de hauteur. Bouchez bien l’orifice
du matras, et mettez-le au feu de lampe dans les
cendres qui surpassent la matière d’un doigt ; faites-
les digérer en cet état, pendant un mois maçonnique,
qui est quarante jours.

Dans la jonction de ces deux substances, il se fera


une effervescence à cause de la contrariété de leurs
natures. Pendant le temps de leur circulation, vous
verrez monter et descendre dans le vaisseau des

97
fumées des nues, des brouillards qui proviennent du
soufre, et de l’écume des deux dragons qui se
combattent et se dévorent l’un l’autre, jusqu’à ce que
des deux il n’en soit fait qu’un. Alors le calme et la
sérénité reparaissent dans le vaisseau. C’est ce qu’on
appelle la Fontaine du Comte de Trevisan.

En cet état, c’est l’eau céleste et élémentaire


préparée pour le bain du Roi, ou de la Reine. C’est là
le sperme du monde, le mercure commun et universel,
et la mère des métaux et de toutes choses. Aussi est-
elle véritablement mercurielle, puisqu’elle blanchit le
cuivre en le trempant, comme fait l’argent-vif. C’est
encore cette eau sèche qui ne mouille point les mains,
quand elle est en consistance de sel. Mais elle a la
vertu de dissoudre les corps, parce que c’est la
menstrue du monde, l’eau pontique, et le dissolvant
universel.

Étant en cet état après quarante jours de


circulation, tirez-le du matras et mettez-le dans une
retorte proportionnée pour le rectifier, en le dissolvant
pour la dernière fois, à feu de sable, par degrés. S’il
restait quelque matière saline dans le récipient, il
faudrait cohober et redistiller, jusqu’à ce qu’il ne reste
rien, et que tout passe en esprit dans le récipient.
C’est alors le véritable dissolvant de tous les métaux,
qui dissout l’or sans violence et sans bruit,
radicalement et aussi naturellement que l’eau chaude
dissout la glace. C’est avec quoi on peut faire le
véritable or potable des Philosophes, leur élixir de vie,
et leur médecine universelle. Mais il convient de
savoir qu’il y a deux sortes d’or potable : le vulgaire et
le philosophique.

Le vulgaire se fait de la manière suivante : prenez

98
quatre onces de ce dissolvant universel, mettez-le
dans un matras avec une once d’or fin, battu en
feuilles. En même temps, l’or se dissoudra en huile ou
liqueur merveilleuse, sans qu’il soit besoin de l’aide
du feu pour accélérer la dissolution ; laquelle étant
faite, il faut la mettre dans une petite retorte et la
distiller à feu de sable. L’or passera dans le récipient
avec le dissolvant, sans pouvoir s’en séparer. Cela fait,
mettez toute la liqueur dans un matras, dont les trois
quarts restent vides ; scellez-le hermétiquement et
mettez-le dans les cendres à feu de lampe, pour y
digérer pendant vingt jours. Vous aurez un véritable
or potable, duquel trois gouttes prises dans du vin ou
du bouillon raniment la nature défaillante et sert de
remède universel contre les plus grandes maladies.
C’est le baume de vie et de santé, et le bouclier de la
vieillesse. Mais ce n’est rien en comparaison de l’élixir
des Philosophes, qui est leur Pierre Philosophale et
leur remède universel. Il se fait de la manière
suivante :

Prenez dix parties de mercure philosophique, qui


est notre dissolvant universel ; mettez-le dans un
matras ou œuf philosophique, avec une partie d’or fin,
battu en feuilles. L’or se dissoudra sur-le-champ.
Scellez hermétiquement le vaisseau, et mettez-le au
feu de lampe du premier degré. Au bout de quarante
jours, c’est un noir, plus noir que le noir du
bienheureux Raimond Lulle : c’est la tête du corbeau
dont parlent les Philosophes. Après que cette noirceur
a duré pendant une quarantaine de jours, le matras
commencera à prendre peu à peu la couleur des
cendres que les Sages nous disent de ne pas mépriser,
puisqu’elles sont le commencement de notre
richesse : cineris non vilipendes, disent-ils ; et ainsi de
jour en jour, la matière commence à devenir

99
parfaitement blanche. C’est pour cela qu’on nous dit :
blanchissez le Maure ; mais il faut pour cela
augmenter le feu d’un degré, après que la noirceur a
duré quarante jours.

Le second degré de feu doit être continué environ


pendant trois mois maçonniques – qui est de quarante
jours (comme j’ai dit plus haut) – ce qui fait en tout six
mois entre le premier et le second degré de feu. La
matière ne devient pas seulement blanche, mais elle
reçoit encore toutes sortes de couleurs.

C’est pour cela que les Philosophes disent qu’on


voit passer la queue du paon. Après quoi on
commence à donner le troisième degré du feu, que
l’on continue environ un mois et demi, et la matière
acquiert une couleur citronne : d’où vient que nos
Maîtres disent qu’on doit jaunir la queue du paon par
le troisième degré du feu, pour faire rougir la matière,
ce qui fait en tout neuf mois pour la perfection de ce
magistère.

Lutez très bien un matras dans lequel vous mettrez


une once de votre poudre fondante et une once d’or
fin en limaille. Mettez votre matras au sable, sans le
boucher, car alors la matière est très fixe et
inséparable. Étant là, donnez-lui le feu du quatrième
degré pendant vingt-quatre heures, en sorte que la
matière demeure toujours fondue comme de la cire,
au fond du matras. Après quoi vous ôterez la matière
du feu, toujours dans son vase. Elle se coagulera au
fond, comme une pierre rouge ou comme un rubis, et
sera cassante comme du verre ou du sel. Aussi est-ce
le sel des Philosophes. En cela vous aurez multiplié
votre pierre par l’or que vous y aurez ajouté, et à ce
moyen avec une once de votre poudre rouge et trois

100
onces d’or, vous aurez quatre onces de projection,
dont une partira convertira mille parties d’argent-vif
commun, ou tel autre métal imparfait que ce soit, en
or parfait, et plus pur que celui qui vient de la mine.

Un seul grain, pris dans les maladies, les guérit


radicalement, et prolonge la vie autant que la nature
humaine peut le permettre.

101
CHAPITRE VII : NEC PLUS ULTRA

LE CHEVALIER DES ARGONAUTES,


& LE CHEVALIER DE LA TOISON D’OR

MAÇONNERIE PHILOSOPHIQUE

Dans ce grade, les lieux où s’assemblent les Maçons


s’appellent Salles, les assemblées, Conseils de Guerre.
Le Grand Maître s’appelle Très Vaillant Général, et les
Maçons, Vaillants Généraux, jusqu’à l’ouverture du
Conseil de Guerre de la seconde salle, où le Très
Vaillant Général prendra le nom et les ornements de
Très Illustre Chevalier de la Toison d’Or ; et les
Vaillants Généraux, ceux d’Illustres Chevaliers. S’il y a
une réception, on ne prendra ce titre et ces ornements
qu’à la fin de la réception.

ORNEMENTS DE LA PREMIÈRE SALLE


DU CONSEIL DE GUERRE DES GÉNÉRAUX DES
ARGONAUTES

La salle du Conseil de Guerre sera ornée comme


l’Académie des Vrais-Maçons. Elle sera éclairée d’une
seule lumière. Le Très Vaillant Général et les Vaillants
Généraux seront décorés comme les Vrais-Maçons et

102
armés, au lieu d’une baguette de fer, d’une massue ou
d’un glaive. La table autour de laquelle seront assis
les Vaillants Généraux sera ronde et couverte d’un
tapis vert. Les fauteuils sur lesquels ils s’assoiront
seront de la même couleur. Le Très Vaillant Général
sera à l’Orient, et les Vaillants Généraux, à droite et à
sa gauche, suivant l’ordre de leur réception.

MANIÈRE D’ENTRER DANS LA PREMIÈRE SALLE


DU CONSEIL DE GUERRE

Un général voulant entrer frappera un grand coup


avec le pied droit. Le dernier reçu criera : « Qui va
là ? », et annoncera au Très Vaillant et aux Vaillants
Généraux qu’on frappe à la porte de la salle en
Général des Argonautes. Le Très Vaillant priera les
deux derniers reçus de s’armer de leurs massues et de
leurs glaives, et d’aller se faire donner l’ordre et la
consigne. Le dernier reçu ouvrira la porte et la
gardera, tandis que l’autre sortira se faire donner
l’ordre et la consigne, qu’il fera passer par le Général
qui garde la porte au Très Vaillant Général ; qui, les
ayant trouvés justes, ordonnera au dernier reçu
d’ouvrir la porte et de l’introduire dans la Salle.
Lorsqu’il sera entré, les deux derniers reçus se
placeront à ses côtés, et le conduiront, par la marche
ordinaire, jusqu’à vis-à-vis du Très Vaillant Général ;
alors tous les trois, ayant leur massue sur l’épaule
gauche et leur glaive dans la main droite (c’est ce
qu’on appelle être en parade), baisseront leur glaive.
Le Très Vaillant Général et les Vaillants Généraux, qui
seront alors debout, répondront à ce salut de la même
manière, après quoi le Très Vaillant dira au Général
introduit : « Prenez place dans notre Conseil. » Cela
dit, ils s’assoiront tous.

103
OUVERTURE DU CONSEIL DE GUERRE

Lorsque tous les Généraux seront assemblés, le


Très Vaillant Général se lèvera, frappera un coup de
son glaive, et dira :
M -Vaillants Généraux, à quelle heure s’ouvre le
Conseil de Guerre ?
R -Un instant avant le combat.
M -Dans quel temps donne-t-on le combat ?
R -Dans toutes les saisons.
M -Où se donne le combat ?
R -Dans la Thessalie.
M -Vaillants Généraux, puisque le Conseil de Guerre
s’ouvre un instant avant le combat, que le combat se
donne dans toutes les saisons, et que nous sommes en
Thessalie, je vous annonce que le Conseil est ouvert.

Tous les Généraux feront le signe et crieront trois


fois : « Combat ! »

RÉCEPTION

Si un Vrai-Maçon a toutes les qualités requises par


les ordonnances, et qu’il est admis par tous les
Chevaliers, il viendra se présenter seul à la porte de la
Salle du Conseil, le jour que son présentateur lui aura
indiqué pour sa réception, et il frappera en Vrai-
Maçon. Le dernier reçu criera : « Qui va là ? » Le Vrai-
Maçon répondra : « C’est un Vrai-Maçon qui désire
ardemment d’être enrôlé dans votre milice. » Le
dernier reçu dira : « Halte-là ! », et rendra compte au
Très Vaillant Général et aux Généraux. Alors le Très
Vaillant priera le dernier reçu d’aller examiner le Vrai-
Maçon, hors de la Salle, sur son grade, et, s’il satisfait
aux questions, de l’introduire, après lui avoir bandé
les yeux. Étant introduit, l’on fermera la porte, et le

104
Très Vaillant Général lui demandera d’un ton ferme :
M -Sage, que demandez-vous ?
R -Je demande d’être enrôlé dans votre Milice, si
vous m’en jugez digne.

Après cette réponse, tous les Généraux frapperont


de leur glaive sur la table en signe de consentement.

M -Avez-vous les vertus et les qualités nécessaires


pour parvenir à ce grade ?
R -Oui, Très Vaillant, je crois et j’espère, et je suis
en état de donner des preuves de ma sagesse et de ma
force.
M -Puisque vous croyez et espérez, et que vous êtes
en état de donner des preuves de votre sagesse et de
votre force, nous promettez-vous, foi de Vrai-Maçon, à
ne jamais révéler à qui que ce soit, et sous quelque
prétexte que ce soit, nos mystères et nos secrets ?
R -Oui, Très Vénérable, je le promets et je le jure
(ce qu’il fait en étendant la main droite).

Cette obligation prêtée, le Très Vaillant ordonnera


au plus ancien d’aller débander les yeux du
récipiendaire et de l’armer de la massue et du glaive,
et de lui faire faire le tour du globe qui sera au milieu
de la Salle, et le signe, et crier trois fois après le
signe : « Combat ! »

Après cette cérémonie, le Très Vaillant dira à


l’ancien de faire avancer jusqu’à lui, par la marche
ordinaire, le récipiendaire, auquel il donnera l’ordre,
la consigne, l’attouchement et l’accolade, qu’il ira
rendre à tous les Généraux. La reconnaissance faite, il
lui fera prendre place à sa droite, pour cette fois
seulement, et fera l’Instruction suivante :

105
INSTRUCTION

D -Qui êtes-vous ?
R -Vaillant Général des Argonautes.
D -À quoi pourrai-je reconnaître que vous êtes tel ?
R -À mon nom, mes armes et mes vertus.
D -Comment vous appelez-vous ?
R -Jason.
D -Que signifie ce nom ?
R -Médecin de théorie.
D -Quel a été votre maître dans la théorie ?
R -Le centaure Chiron.
D -Quelles sont vos armes ?
R -La massue d’Hercule et mon glaive.
D -À quoi devez-vous vous en servir ?
R -À purger la mer et la terre des monstres qui
l’infectent.
D -Quelles sont vos vertus ?
R -La foi et l’espérance.
D -Pourquoi dites-vous que la foi et l’espérance sont
vos vertus ?
R -Parce que j’ai cru en la possibilité de l’Œuvre,
avant d’avoir fait aucune recherche, et que j’espère,
depuis que j’ai le bonheur de connaître la matière et
le feu.
D -Quel âge avez-vous ?
R -Trois cents ans.
D -Que signifie un âge aussi long ?
R -Qu’il faut chercher longtemps, avant de trouver
la matière et le feu.
D -Quel est votre Ordre ?
R -Vulcain et Lemnos.
D -Pourquoi donnez-vous un tel Ordre ?
R -Parce que c’est dans cette île, que Vulcain doit
m’être favorable.
D -Quelle est votre consigne ?

106
R -Combat.
D -Pourquoi prenez-vous combat pour consigne ?
R -Parce qu’il faut travailler pour purger la mer et
la terre des monstres qui l’infectent.
D -Quel est votre signe ?
R -Mon signe est de fermer un poignet dans l’autre,
et de les élever tous les deux du côté de l’épaule
droite, de les faire tomber sur la hanche gauche, et
enfin de lever le poignet droit fermé du côté de
l’épaule droite, et de faire semblant de frapper.
D -Que signifie ce signe ?
R -Que je sais purger la mer et la terre des
monstres qui l’infectent ; et que je consens d’expirer
comme eux, sous la massue d’Hercule et le glaive de
Jason, si je viens à enfreindre mes engagements.
D -Quel est votre attouchement ?
R -C’est de prendre de la main droite, le poignet de
celui qui vous reconnaît.
D -Que signifie cet attouchement ?
R -Que je tiens la théorie du Grand Œuvre.
D -Quelle est votre accolade ?
R -C’est de faire un baiser sur le front de celui qui
vous reconnaît, et qui doit rendre de même.
D -Que signifie cette accolade ?
R -Que c’est dans ce lieu que réside la sagesse du
Vaillant Général des Argonautes.
D -Quelle est votre marche ?
R -Trois pas lents faits militairement.
D -Que signifient ces trois pas lents et harmonieux ?
R -Que l’on doit se hâter lentement, et procéder
avec harmonie dans le Grand Œuvre.
D -Combien frappez-vous de coups, pour entrer
dans la Salle du Conseil de Guerre, et combien avez-
vous de lumières ?
R -Un seul coup avec le pied droit, et une seule
lumière.

107
D -Pourquoi cela ?
R -Pour montrer que tout vient d’un, quoi qu’il se
divise en deux, trois, quatre, et cinq – moitié du
nombre sphérique qui est dix ; et doit retourner à un,
et que d’ailleurs je sais opérer.
D -Pourquoi aviez-vous les yeux bandés en entrant
dans la Salle du Conseil de Guerre ?
R -Pour désigner l’aveuglement et l’ignorance, où
j’étais avant que je connusse la théorie du Grand
Œuvre.
D -Quels voyages fîtes-vous, ou quels voyages vous
fit-on faire ?
R -Le tour du globe terrestre.
D -Pourquoi vous fit-on faire le tour du globe
terrestre ?
R -Pour y trouver les monstres qui l’infectent et les
deux éléments qui le composent.
D -Quel fut votre guide dans ce voyage ?
R -Le plus ancien du Conseil, pour m’empêcher de
m’égarer.
D -Quel fruit rapportâtes-vous de votre voyage ?
R -La théorie de la matière et du feu, que je dois
mettre en pratique pour emporter la Toison d’Or et
pour mériter par cette expédition le royaume que mon
oncle Pelias avait usurpé sur mon père Eson.

CLÔTURE DE LA PREMIÈRE SALLE

L’Instruction faite, tous les Généraux se lèvent, et le


Très Vaillant Général, qui est aussi debout, frappe un
coup de son glaive sur la table et demande aux
Généraux qui doivent être en parade :
M -À quelle heure ferme le Conseil de Guerre ?
R -À l’instant qu’on a délibéré de combattre.
M -Dans quel temps a-t-on délibéré de combattre ?
R -À présent.

108
Le très Vaillant Général continue : « Puisque le
Conseil de Guerre se ferme à l’instant, qu’on a
délibéré de combattre, et que nous devons combattre
à présent, quittons la Thessalie, et embarquons-nous
pour Colchos. »

Ensuite tous crient ensemble, trois fois :


« Combat ! », et passent dans la seconde salle,
laissant tout seul le récipiendaire qui, un quart
d’heure après, frappe à la porte un grand coup avec le
pied droit.

ORNEMENT DE LA SECONDE SALLE DU CONSEIL


DE GUERRE

Dans cette Salle, qui sera peinte en blanc et en


rouge, et éclairée d’un chandelier à trois branches, le
Très Vaillant et les Vaillants Généraux seront ornés et
nommés comme dans la première salle, jusqu’à la fin
de la réception ou jusqu’à l’ouverture du Conseil de
Guerre, s’il n’y a point de réception. Alors ils
prendront le titre de Très Illustre et Illustres
Chevaliers de la Toison d’Or, et se décoreront d’une
couronne de laurier, d’un sceptre peint en blanc, de
gants blancs bordés de rouge, d’un crachat, où sera
brodé en or un soleil rayonnant sur le côté gauche,
d’une écharpe de soie rouge, frangée en or, qui se
porte en ceinture, et d’une chaîne dont les chaînons
seront alternativement d’or et d’argent, ou tout or,
qu’on portera en sautoir, et où sera suspendu le bijou
de ce grade. Les ceintures de leurs glaives seront
rouges, les fourreaux blancs, les fauteuils blancs et
rouges, la table ronde, et couverte d’un tapis rouge.
L’on sera placé comme dans la Salle précédente.

109
Les uns portent pour bijou une Toison d’Or,
suspendue par son milieu. D’autres, (celui-ci vaut
mieux que le premier, et conforme au tableau. On
coud ordinairement la chaîne sur les deux côtés du
camail ponceau bordé de noir, et terminé par une
double rosette, noir et vert d’eau) une croix de Malte,
moitié or, moitié argent, ou tout or, évidée en son
milieu en cercle, et dans le cercle est la figure à plat
et en or, d’une Toison.

Lorsqu’un Général voudra entrer au Conseil de


Guerre, il frappera un grand coup avec le pied droit.
Le dernier reçu dira : « Qui vive ? » Le Général qui
voudra entrer dira : « Vaillant Général des
Argonautes ». Le reste du cérémonial est le même que
dans la Salle précédente, avec cette différence, que le
Très Vaillant fera les questions suivantes au Général
introduit :
M -D’où venez-vous ?
R -De la Thessalie.
M -Où allez-vous ?
R -À Colchos.
M -Qu’allez-vous faire à Colchos ?
R -La conquête de la Toison d’Or.
M -Prenez place dans notre Conseil et sur notre
vaisseau.

OUVERTURE DU CONSEIL DE GUERRE

Pour ouvrir le Conseil de Guerre, le Très Vaillant


Général dira :
M -Vaillants Généraux, à quelle heure s’ouvre le
Conseil de Guerre ?
R -L’instant avant la Victoire.
M -Dans quel temps obtient-on la Victoire ?
R -Après dix mois de combat.

110
M -Où remporte-t-on la Victoire ?
R -À Colchos, dans le champ de Mars.
M -Vaillants Généraux, puisque le Conseil de Guerre
s’ouvre un instant avant la Victoire, que la Victoire
s’obtient après dix mois de combat, et qu’il faut la
remporter à Colchos, dans le champ de Mars,
débarquons-nous, puisqu’il y a dix mois que nous
naviguons, et que nous voici sur les terres de Colchos.
Et allons sans différer, au champ de Mars, remporter
la Victoire qui nous y attend !

Cela dit, le Très Vaillant et les Vaillants Généraux


feront tous ensemble le signe de Vaillant Général des
Argonautes, et crieront trois fois ; « Combat ! »

S’il n’y a point de réception, on se décorera alors en


Chevalier de la Toison d’Or, et on en prendra le titre.

RÉCEPTION

Tous les Généraux des Argonautes ayant passé dans


la seconde Salle, le dernier reçu, avant d’y entrer, dira
au récipiendaire de se bander les yeux et de frapper
un quart d’heure après à la porte de cette seconde
Salle avec le pied droit. À ce bruit, le dernier reçu
criera : « Qui vive ? » Le récipiendaire dira : « C’est
un Vaillant Général des Argonautes qui désire faire le
voyage de Colchos. » Le dernier reçu répondra ;
« Halte-là ! » et rendra compte au Très Vaillant et aux
Vaillants Généraux. Alors le Très Vaillant Général
priera le dernier reçu d’aller examiner le
récipiendaire sur le grade qu’il vient de recevoir et,
s’il satisfait aux questions, de l’introduire, après s’être
assuré qu’il a les yeux bandés, et après avoir fait
parvenir jusqu’à lui l’ordre et la consigne.

111
Lorsqu’on l’aura introduit et placé à l’Occident, le
Très Vaillant lui fera les demandes suivantes :
M -Vaillant Général des Argonautes, que demandez-
vous ?
R -Très Vaillant Général, je demande de faire avec
vous et vos compagnons le voyage de Colchos, si tel
est votre bon plaisir.

Cette réponse faite, tous les Généraux frapperont


de leurs glaives sur la table pour marque de leur
consentement.

M -Avez-vous les vertus et les qualités nécessaires


pour faire ce voyage et mériter par là la récompense
de vos travaux ?
R -Oui, Très Vaillant, j’ai la charité et la discrétion,
et je suis en état de vous donner des preuves de ma
sagesse et de ma constance.
M -Puisque vous avez la charité et la discrétion, et
que vous êtes en état de me donner des preuves de
votre sagesse et de votre constance, nous promettez-
vous, foi de Vaillant Général des Argonautes, de ne
jamais révéler à qui que ce soit, et sous quelque
prétexte que ce soit, notre secret et nos mystères, et
de garder scrupuleusement les ordonnances de notre
milice ?
R -Oui, Très Vaillant, je le promets et je le jure (ce
qu’il dira en étendant la main droite et la portant
ensuite en équerre sur le cœur).

Cette Obligation prêtée, le Très Vaillant et les


Vaillants Généraux quitteront les attributs et le nom
de Généraux des Argonautes. Ils s’appelleront Très
Illustres Chevaliers de la Toison d’Or, et se décoreront
des attributs de ce grade.

112
Lorsqu’ils en seront revêtus, le Très Illustre
ordonnera au plus ancien des Chevaliers d’aller
débander les yeux du récipiendaire qui, armé de sa
massue et son glaive, fera le tour du globe terrestre,
et frappera de ses deux armes les deux éléments qui
le composent. Cela fait, il traversera par la marche
ordinaire des Argonautes de trois pas lents à la
militaire, une terrine pleine de cendres et une pleine
d’esprit-de-vin allumé. Après les avoir traversés, il
viendra par la marche ordinaire des Chevaliers,
jusqu’au Très Illustre, qui lui donnera l’ordre, la
consigne, le signe, l’attouchement et l’accolade, et le
décorera des attributs de Chevalier, en lui disant :
« Par la plénitude de la puissance dont je suis revêtu
et du consentement des Illustres Chevaliers de la
Toison d’Or, je vous délie de toutes les obligations que
vous avez contractées dans la carrière maçonnique,
n’en exceptant que celle que vous avez prêtée pour
obtenir le grade de Vrai-Maçon, de Général des
Argonautes, et d’Illustre Chevalier de la Toison d’Or,
que je vous confère, pour jouir à perpétuité des
prérogatives et des avantages que vos combats et vos
victoires vous ont si justement acquis. »

Après cela, le Très Illustre et les Très Illustres


Chevaliers feront le signe et crieront trois fois :
« Victoire ! » Le récipiendaire ira se faire reconnaître.
Il prendra ensuite séance selon son rang, et le Très
Illustre fera l’Instruction suivante :

INSTRUCTION

D -Qui êtes-vous ?
R -Illustre Chevalier de la Toison d’Or.
D -À quoi pourrais-je reconnaître que vous êtes tel ?
R -À mon nom, mes armes et mes vertus.

113
D -Comment vous appelez-vous ?
R -Jason.
D -Que signifie ce nom ?
R -Art de guérir.
D -Quel a été votre maître dans cet art ?
R -La magicienne Médée.
D -Quelles sont vos armes ?
R -Celles de la Nature.
D -Quelles sont les armes de la Nature ?
R -Celles que chacun prend, suivant ses lumières et
ses connaissances ; mais les plus honorables et les
plus profitables sont celles du signe de la Croix que je
porte (en la montrant).
D -À quoi vous en êtes-vous servi ?
R -À parfaire le Grand Œuvre.
D -Quelles sont vos vertus ?
R -La charité et la discrétion.
D -Pourquoi dites-vous que la charité et la
discrétion sont vos vertus ?
R -Parce qu’un Adepte doit garder un secret
inviolable et faire du bien à son prochain.
D -Quel âge avez-vous ?
R -Des années sans nombre.
D -Pourquoi dites-vous que vous avez des années
sans nombre ?
R -Parce qu’au moyen de l’Élixir, je me suis rajeuni,
et que je pourrai pousser ma carrière aussi longtemps
qu’il plaira au Créateur.
D -Quel est votre Ordre ?
R -Les Mages et Bethléem.
D -Pourquoi prenez-vous les Mages et Bethléem
pour votre Ordre ?
R -Parce que, comme eux, j’ai été conduit par une
étoile, qui m’a amené à la connaissance de la vérité.
D -Quelle est votre consigne ?
R -Victoire.

114
D -Pourquoi vous donne-t-on Victoire pour
consigne ?
R -Parce qu’un Adepte, pour parvenir à son but, a
surmonté tous les obstacles qui s’opposaient.
D -Quel est votre signe ?
R -C’est de lever la main droite et de la fermer
comme si l’on prenait quelque chose, et de montrer
ensuite le bijou que l’on porte, avec l’index.
D -Que signifie ce signe ?
R -Que j’ai enlevé, et que je possède, la Toison d’Or.
D -Quel est votre attouchement ?
R -C’est de prendre, avec les deux mains, les deux
poignets de celui qui nous reconnaît.
D -Que signifie cet attouchement ?
R -Que je sais la théorie et la pratique du Grand
Œuvre.
D -Quelle est votre accolade ?
R -La même, avec la même signification, que celle
de la première Salle.
D -Quelle est votre marche ?
R -Trois pas militairement redoublés.
D -Que signifient ces pas redoublés ?
R -Que la multiplication de l’Œuvre va beaucoup
plus vite que l’Œuvre.
D -Combien frapperez-vous de coups, pour entrer
dans le Conseil de Guerre ?
R -Un seul grand coup avec la main droite.
D -Pourquoi cela ?
R -Pour montrer qu’après avoir commencé par un,
continué par deux, trois et quatre, je suis enfin
parvenu à l’unité par le cinq, moitié du nombre
sphérique qui est dix, et qu’en outre j’ai déjà opéré.
D -Pourquoi aviez-vous les yeux bandés, quand vous
fûtes introduit dans la Salle du Conseil de Guerre ?
R -Pour désigner l’ignorance et l’aveuglement où
j’étais, avant de connaître la pratique du Grand

115
Œuvre.
D -Quels voyages fîtes-vous ?
R -Le tour du globe terrestre.
D -Pourquoi fîtes-vous le tour du globe terrestre ?
R -Pour purger la mer et la terre des monstres qui
l’infectent.
D -Quel fut votre guide ?
R -Mes seules lumières.
D -Quel fruit rapportâtes-vous de votre voyage et de
vos combats ?
R -La conquête de la Toison d’Or, et le royaume que
mon oncle Pelias avait usurpé sur mon père Eson.
D -Sur quoi est appuyé votre Conseil de Guerre ?
R-Sur les deux colonnes d’Hercule, dont celles J :.
Et B :. Ne sont que les emblèmes.
D -De quelle matière sont ces colonnes ?
R -D’or et d’Argent.
D -Où sont-elles situées, et comment s’appellent-
elles ?
R -Elles sont situées, l’une du côté de l’Espagne,
nommée Calpé, l’autre en Afrique, nommée Abyla.
D -Pourquoi sont-elles situées dans deux parties du
monde ?
R -Pour apprendre que la matière et le feu doivent
être pris dans deux différentes minières, venant d’une
seule et même racine.
D -Dans quelle racine peut-on trouver ces deux
diverses minières ?
R -Dans un sujet connu des ignorants comme des
savants, mais que les seuls Philosophes savent
travailler pour en extraire leur matière et leur feu.
D -Comment appelez-vous la matière et le feu ?
R -La matière s’appelle soufre et mercure animé,
c’est-à-dire : amis de leur propre sel, et le feu se
nomme eau ignée, ou dissolvant de soufre et de
mercure, de laquelle dissolution est engendré l’enfant

116
philosophique qui, sept fois nourri élybaniquement de
son propre sang, parviendra enfin, dans dix mois, à la
plénitude de l’âge parfait, et pourra alors
communiquer sa perfection à ses frères imparfaits,
sortis comme lui du ventre de la même mère.
D -Pourquoi votre Conseil est-il appuyé sur les
colonnes d’Hercule ?
R -Parce que c’est le Nec Plus Ultra de la
Maçonnerie.
D -Qui reconnaissez-vous pour père dans cet Art
Royal ?
R -Hermès Trismégiste.
D -Et pour frères ?
R -Tous les Adeptes.

L’instruction faite, le plus ancien des Chevaliers fera


l’explication du tableau et l’histoire du Grand Œuvre.

EXPLICATION DU TABLEAU

Le tableau offre d’abord à nos yeux une mer


d’airain mercurielle, emblème de la mère
philosophique, de laquelle, par le moyen de la massue
d’Hercule et du glaive de Jason, c’est-à-dire des
instruments de la Nature et de l’Art, l’on doit, du
Soleil et de la Lune, extraire les trois principes :
mercure, soufre et sel, désignés par les trois marches,
et les réunir dans la pierre cubique, pour être ensuite,
par le feu élémentaire naturel et surnaturel des
chandeliers à trois branches, divisés dans les
alambics, représentés par les colonnes d’Hercule, en
fumées rouges et blanches, pour produire, par la
Croix, c’est-à-dire par les quatre éléments très
purifiés, la Toison d’Or qui est au centre de la Croix –
je veux dire la poudre de projection – et mériter par là
la couronne d’immortalité, figurée par la couronne de

117
laurier que tout bon Artiste doit ambitionner comme
le Nec Plus Ultra de l’Art Royal, que nous avons
atteint par nos combats et nos victoires.

HISTOIRE DANS LAQUELLE EST CONTENU


L’EMBLÈME DU GRAND ŒUVRE

Eson, qui eut pour père Arèthe, Éole pour aïeul,


Jupiter pour bisaïeul, et pour épouse Alcimède, fille
d’Antilocus, avait déjà envoyé son fils Jason sur le
mont Pélion, pour y être élevé dans l’art de la
médecine par le centaure Chiron, lorsque Pélias, son
frère, lui usurpa le trône que sa naissance lui avait
acquis. Jason, ayant appris cette triste nouvelle et
assez éclairé dans la théorie de l’art dont il voulait
faire un jour profession, quitta le mont Pélion, après
avoir remercié son maître des soins qu’il avait pris
pour lui, et se rendit dans la Thessalie pour
revendiquer de son oncle Pélias la couronne qu’il avait
injustement usurpée à son père. Pélias, surpris de la
demande de Jason, et craignant d’ailleurs son mérite,
lui promit de la lui restituer ; à condition qu’il irait
auparavant faire la conquête de la Toison D’Or. La
difficulté de l’entreprise, où tant de héros avaient
échoué, ne rebuta point Jason. Il accepta la
proposition, et, pour se mettre en devoir de l’exécuter,
il s’associa cinquante hommes, tous de la race des
dieux, qu’il nomma Argonautes, et fit construire par
Argus le vaisseau Argo, dont la déesse Minerve lui
avait donné le plan. Le bois de ce vaisseau fut tiré du
mont Pélion, et celui du mat fut tiré de la forêt de
Dodone, dont les arbres avaient coutume de rendre
des oracles. Dès que le vaisseau fut fini, Jason fit
appareiller et approvisionner pour dix mois. Il nomma
Lynx pour son vice-amiral, et, pour ses pilotes,
Orphée, Typhis, et Ancée, fils de Neptune. Euripile,

118
informée du dessein de Jason et sachant qu’il était
prêt à partir, vint lui faire, avant son départ, présent
d’une terre noire ; ce que Médée, à son arrivée à
Colchos, regarda comme un présage des plus
heureux.

Tout étant ainsi disposé, et le vent étant favorable,


Jason s’embarqua avec ses compagnons, fit lever
l’ancre, déploya la voile, qui était de couleur noire, et
partit. Hercule ne tarda point à incommoder les
Argonautes, tant par la pesanteur de son corps, qui
faisait couler à fond le vaisseau, que par sa trop
grande voracité, qui mettait la rareté parmi les vivres.
D’ailleurs, il rompait à tout propos sa rame, mais un
accident les en délivra heureusement. Il avait amené
avec lui son cher fils Hylas. Celui-ci, pressé par la soif,
fut par l’ordre de son père chercher de l’eau fraîche
dans une fontaine, et s’y noya, ce qui fit dire que les
nymphes l’avaient enlevé.

Hercule, ne voyant plus revenir son fils, quitta le


vaisseau et la compagnie pour aller le chercher, et
l’ayant retrouvé mort, il ne pensa plus à y retourner.
Jason, ainsi débarrassé d’Hercule, continua son
chemin et aborda d’abord à Lemnos, pour se rendre
favorable Vulcain, qui était adoré dans cette île, et
pour s’acquérir les bonnes grâces d’Hyripyle dont
l’odeur était puante, pour avoir manqué de respect à
Vénus, et qui, seule des Lemniennes, conserva la vie à
son père Thoas qui pour lors était Roi de cette île.

Au sortir de là, les Tyriens livrèrent un sanglant


combat aux Argonautes, qui furent tous blessés, à
l’exception de Glaucos, qui disparut et fut mis au
nombre des dieux de la mer. Après ce combat ; les
Argonautes abordèrent à Marayal, à Cisyque, à

119
Lybérie, et s’arrêtèrent ensuite dans la Bébrytie, où
Amyens qui y régnait avait coutume de défier au
combat du ceste ceux qui arrivaient dans ses États.
Pollux accepta le défi, et le fit périr sous ses coups. De
là, les Argonautes se rendirent vers les Syrtes de la
Lybie, par où on va en Égypte. Le danger qu’il y avait
de traverser ces Syrtes, fit prendre à Jason et à ses
compagnons le parti de porter leurs vaisseaux sur
leurs épaules pendant douze jours à travers le désert
de la Lybie, au bout duquel temps, ayant retrouvé la
mer, ils se remirent à flot et allèrent rendre visite à
Phinée, Prince aveugle et sans cesse tourmenté par
les Harpies, dont il fut délivré par Calaïs et Zetté,
enfants de Borée, qui avaient des ailes. Phinée devint
devin, et, plus clairvoyant des yeux de l’esprit que de
ceux du corps, il leur indiqua la route qu’ils devaient
tenir : « Il faut premièrement, leur dit-il, aborder aux
îles Cyannées, qu’on nomme autrement Simpleiades
ou écueils qui s’entreheurtent. Ces îles jettent
beaucoup de feu, mais vous en éviterez le danger en y
envoyant une colombe. Vous passerez de là en
Bithinie, et laisserez à côté l’île Thyniade. Vous verrez
Maraiandinos, Achéruse, Cappadoce et les Calybes, et
vous arriverez enfin au fleuve Phasis qui arrose la
terre Lircée, et de là en Colchide, où est la Toison
d’Or. »

Avant d’y arriver, les Argonautes perdirent leur


pilote Typhis, et mirent Ancée à sa place. Toute la
troupe débarqua sur les terres d’Octis, fils du Soleil et
Roi de Colchos, qui leur fit un accueil très gracieux.
Mais, comme il était très jaloux du trésor que Phrixus
avait consacré au dieu Mars et suspendu dans un bois,
lorsque Jason parut devant lui, et qu’il l’eût informé
du motif qui lui avait fait entreprendre un si pénible
voyage, Octis fit semblant de consentir à sa demande

120
de bonne grâce. Mais, pour le détourner de son projet,
il lui fit un détail immense de tous les obstacles qui
s’opposaient à ses désirs, et lui prescrivit des
conditions si dures qu’elles auraient été capables de
rebuter Jason, si Junon n’eût convenu avec Minerve de
l’encourager et de rendre Médée amoureuse de lui,
afin qu’au moyen des enchantements de cette
princesse, il fût garanti des périls auxquels il allait
s’exposer dans son entreprise. Médée en effet, ayant
vu Jason, se prit d’un tendre intérêt pour lui ; elle lui
releva le courage et lui promit tous les secours qui
dépendraient d’elle, pourvu qu’il s’engageât à lui
donner sa foi. Jason le lui ayant promis, la princesse
lui donna un onguent pour s’oindre le corps et se
garantir par là du venin du dragon, et une eau pour
éteindre le feu qui sortait des narines des deux
taureaux, gardiens de la Toison d’Or.

Jason, ainsi préparé, attaqua les deux taureaux avec


l’eau, les soumit sous le joug, et après les avoir fait
labourer, il les tua, ainsi que le dragon, qu’il avait
endormi par un pharmaque somnifère, et à qui il
arracha les dents, qu’il sema en terre ; et, de cette
semence, naquit une quantité d’hommes armés qui
s’entretuèrent les uns les autres, et, ainsi victorieux
de ces monstres, il enleva la Toison d’Or.

Après cette expédition, Jason épousa Médée et


retourna en Thessalie avec elle et les Argonautes.
Mais, dans la crainte qu’Octis ne les poursuivît,
comme il arriva en effet, Médée emmena avec elle le
petit Absyrte, son frère, le mit en pièces, et dispersa
ses membres le long du chemin, afin que son père,
s’amusant à les recueillir, leur donnât un plus grand
loisir de s’échapper.

121
Jason, arrivé en Thessalie, entra en possession du
royaume de son père, et Médée rajeunit le vieillard
Eson par la boisson de la Toison d’Or. Et pour se
venger contre Pélias de la haine qu’il leur portait, elle
fit venir à ses filles l’envie d’expérimenter la même
vertu sur leur père, qui était pareillement abattu par
la vieillesse. Elles se laissèrent persuader, et, ayant
coupé leur père par morceaux, elles le firent bouillir
dans une chaudière avec les herbes qu’elle leur
donna. Mais il en arriva autrement, et ces
malheureuses filles eurent un extrême déplaisir
d’avoir été abusées, en faisant mourir si cruellement
leur père. Enfin le vaisseau Argo, qui avait conduit
Jason à Colchos, et qui l’avait ramené dans la
Thessalie, fut mis au rang des dieux par toute la cour
céleste.

Cette histoire finie, on fera la clôture du Conseil de


Guerre de la manière suivante :

CLÔTURE DU CONSEIL DE GUERRE

Le Très Illustre frappe un coup de son sceptre,


après quoi il dit à tous les Frères :
M -Illustres Chevaliers, à quelle heure se ferme le
Conseil de Guerre ?
R -Un instant après la victoire.
M -Dans quel temps obtient-on la victoire ?
R -Après dix mois de combat.
M -Illustres Chevaliers, puisque le Conseil de
Guerre se ferme à l’instant d’après la victoire, et que
l’on obtient la victoire après dix mois de combat, je
vous annonce avec la plus grande satisfaction que
nous sommes arrivés à ce terme, et que nous voilà
possesseurs de la Toison d’Or.

122
En disant ces dernières paroles, tous feront le signe
et crieront trois fois : « Victoire ! »

M -Hâtons-nous de retourner dans notre patrie, et,


dans la crainte que les méchants, les faux et les
ignorants ne nous enlèvent un trésor si précieux,
mettons en pièces tous nos écrits, afin que, quand ils
seront occupés à en ramasser les débris, nous
puissions leur échapper, et aller tranquillement à
l’ombre de nos lauriers jouir des fruits de nos combats
et de nos victoires.

Cela dit, tous les Chevaliers feront, l’un après


l’autre, selon leur rang, la marche ordinaire, et diront
trois fois : « Io pasan ! »

M -Ces paroles sont le chant que l’on entendit


quand Apollon eut tué à coups de flèches le serpent
Python, et qu’on entonnait aux jeux publics, aux
victoires et aux triomphes, et qui termine notre
Conseil de Guerre.

SCEAU DE CE GRADE

Le sceau représente la figure hiéroglyphique qui est


à la fin des lettres du Cosmopolite Il est fait comme le
trident de Neptune entouré de deux palmes.

BANQUET

La table sera ronde et éclairée d’un chandelier à


trois branches qu’on placera dans le milieu sur une
peau de mouton. Il n’y aura que le gobelet qui
changera de nom et qui prendra celui de coupe.
L’exercice se fera de la manière suivante :

123
Le Très Illustre, ayant prié les Frères de remplir
leurs coupes, leur dira : « La coupe que nous allons
vider est en faveur du Roi et de la famille royale. Je
vous exhorte à la vider avec tous les honneurs qui lui
sont dus, et par le nombre consacré et mystérieux
reconnu parmi nous. En conséquence, portons les
deux mains à la coupe. Élevons la coupe à la hauteur
de la bouche. Vidons la coupe. Remettons la coupe à
la hauteur de la bouche. Posons tous ensemble la
coupe sur la table. »

On regardera le ciel et la terre, on saluera à droite


et à gauche, et on dira trois fois : « Io paean ! »

(Note : On ne videra la coupe que pour le Roi et la


famille royale, et alors on sera debout. Pour le Très
Illustre, pour les Chevaliers présents, pour les
Chevaliers absents, et enfin pour les Adeptes.
Soit dans les banquets de ce grade, soit dans ceux
des autres grades, les Chevaliers mettront la serviette
sous le bras gauche, en demi-équerre.)

CARACTÈRES PROPRES À CE GRADE

1erale soufre
2ebl’alun
3ecle vin
4edle feu
5eel’étain ou Jupiter

124
6efle sel marin
7egle vinaigre distillé
8ehl’aimant
9eila terre
10ekle vif-argent ou mercure
11ell’air
12eml’or ou le Soleil
13enle tartre
14eole fer ou Mars
15eple nitre ou le Salpêtre
16eql’eau
17erl’urine
18esl’antimoine
19etl’argent ou la Lune
20eul’huile
21evle vert-de-gris
22exle plomb ou Saturne
23eyle savon
24ezle cuivre ou Vénus
et le 25e : & l’Esprit

125
126
CHAPITRE VIII : GRADES DES
APPRENTIFS

PHILOSOPHES INCONNUS

STATUTS

Article 1er
Les Associés peuvent être de tous pays. Cette
Compagnie ne doit être bornée par une contrée, une
maison, un royaume, une province, en un mot, par un
lieu particulier, mais elle doit se répandre par toute la
terre habitable, qu’une religion sainte et éclairée, où
la vertu est connue, où la raison est suivie. Car un
bien universel ne doit pas être renfermé dans un petit
lieu resserré. Au contraire, il doit être porté partout
où il se rencontre des sujets propres à les recevoir.

Article 2 - Division en corps particuliers


Pour qu’il n’arrive pas de confusion dans une si
vaste étendue de pays, nous avons trouvé bon de
diviser toute la Compagnie en compagnies ou
assemblées, et que ces corps particuliers soient
tellement distribués, que chacun ait son lieu marqué
et sa province déterminée. Par exemple, que chaque
colonie se renferme dans un Empire, où il n’y ait

127
qu’un seul chef, que chaque assemblée se borne à une
seule province et ne s’étende pas plus loin qu’un
canton de pays limité. Si donc il arrive qu’il se
présente une personne pour être associée avec nous,
qui ne soit pas d’un pays stable et que l’on connaisse,
qu’on l’oblige d’en choisir un où il établisse son
domicile, de peur qu’il ne se trouve en même temps
attaché à deux compagnies ou assemblées.

Article 3 - Le nombre des Associés


Pour ce qui est du nombre des Associés dans
chaque colonie ou assemblée, il n’est ni facile ni utile
de le prescrire par les raisons ci-après. La Providence
y pourvoira, puisqu’en effet, c’est uniquement la
gloire, le service de Dieu, celui du Prince et de l’État,
qu’on s’est proposé pour but dans cette institution. Ce
qu’on peut dire en général, c’est qu’il s’en faut
rapporter là-dessus à la prudence de ceux qui
associeront, lesquels, selon le temps, le lieu et les
nécessités présentes, admettront plus ou moins de
personnes dans leurs corps. Ils se souviendront
seulement que la véritable Philosophie ne s’accorde
guère avec une multitude de personnes et qu’ainsi il
sera toujours plus sûr de se retrancher au petit
nombre. Le plus ancien, ou le premier de chaque
colonie ou assemblée aura chez lui le catalogue de
tous les Associés, dans lesquels seront les noms et les
pays de ceux de son corps, avec l’ordre de leur
réception, pour les raisons que nous dirons tantôt.

Article 4 - Gens de toutes conditions et religions


peuvent être admis
Il n’est aucunement nécessaire que ceux que l’on
recevra dans la Compagnie soient tous d’une même
condition, profession ou religion : il sera requis en eux
qu’ils soient au moins convaincus des mystères saints

128
de la religion chrétienne, qu’ils aiment la vertu et
qu’ils aient l’esprit propre pour la Philosophie, de
manière que l’athée et l’idolâtre ne puissent être
admis. Seulement par une exception fondée sur le
respect de la loi ancienne, le Juif pourra, quoique
rarement, y participer, pourvu qu’il soit doué
d’ailleurs des qualités d’un honnête homme ; et ainsi
donc on n’aura aucuns égards à l’extraction des
personnes. Car n’ayant point d’autre fin que d’aider
les pauvres de la République Chrétienne et de donner
du soulagement à tous les affligés du genre humain,
en quelque lieu et de quelque condition qu’ils soient,
les Associés d’une médiocre naissance y pourront
aussi bien réussir que ceux d’une qualité plus relevée.
Ce serait donc au détriment de l’humanité qu’on les
bannirait de notre corps, vu principalement que ces
sortes de personnes sont d’ordinaire plus portées à
pratiquer les vertus morales, que ceux qui sont les
plus constitués en dignités. Le mélange des religions
et cultes ne peut en attaquer aucun, ni nuire à la
véritable, ni élever contestations, ou fomenter
schisme. Par la loi qui sera imposée de ne jamais
converser sur des matières de ce genre, et n’étant pas
au surplus probable que le Grand Architecte accorde
à des hommes quelconques la faveur de conduire à
une heureuse fin le grand Ouvrage dont notre
Philosophie découvre les principes, s’ils n’ont
auparavant purgé leurs cœurs de toutes sortes de
mauvaises intentions. Cependant, l’Ordre n’éclairera
pas véritablement sur les mystères des Philosophes
que ceux qui cesseront d’être aveugles sur les
mystères de la foi.

Article 5 - On admettra difficilement les Religieux


Quoiqu’il soit indifférent, comme je viens de le dire,
de quelle condition soient les Associés, il est à

129
souhaiter pourtant, qu’on n’en prenne point, ou peu,
parmi les Religieux, ou gens engagés dans des vœux
monastiques, principalement de ces Ordres qu’on
appelle mendiants, si ce n’est dans une extrême
disette d’autres sujets propres à notre Institut. Que la
même loi soit pour les esclaves, et toutes personnes
qui sont comme considérées au service ou aux
volontés des grands, car la Philosophie demande des
personnes libres, maîtres d’elles-mêmes, qui peuvent
travailler quand il leur plaira, et qui, sans aucuns
empêchements, peuvent employer leur temps et leurs
biens pour enrichir la Philosophie de leurs nouvelles
découvertes.

Article 6 - Rarement les Souverains


Or, entre les personnes les moins libres à cette
sorte de vacation, ce sont les Rois, les Princes et
autres Souverains. On doit juger de même sous un
autre regard de certaines petites gens que la
naissance a mis, à la vérité, un peu au-dessus du
commun, mais que la fortune laisse dans un rang
inférieur, car ni les uns ni les autres ne sont guère
propres, à moins que certaines vertus distinguées, qui
brillent dans toutes leurs conduites, tant en public
qu’en particulier, ne les sauvent de cette exemption.
La raison de cela, c’est qu’il ne se peut guère faire
que l’ambition ne soit la passion dominante de ces
sortes d’états. Or, partout où ce malheureux principe
a lieu, on n’y agit plus par les motifs d’une charité et
d’une affection générale pour le genre humain.

Article 7 - Que l’on regarde surtout aux mœurs


En général, que personne, de quelque état ou
condition qu’il puisse être, ne prétende point entrer
dans cette Compagnie, s’il n’est véritablement homme
de bien. Il serait fort à souhaiter, comme il a été dit,

130
qu’il fît profession du christianisme, et qu’il en
pratiquât les vertus, qu’il eût une foi scrupuleuse, une
ferme espérance, une ardente charité. Ce sont les
trois principales colonnes de tout édifice solide, que
ce fut un homme de bon commerce, égal dans
l’adversité et dans la prospérité ; enfin dans lequel ne
parût aucune mauvaise inclination, de peur que les
personnes par lesquelles on prétendait aider au
bonheur des autres, ne servissent elles-mêmes à leur
perte. Qu’on se garde par-dessus toutes choses de
gens adonnés au vin et aux femmes, car Harpocrate
lui-même garderait-il sa liberté parmi les verres ? Et
quand ce serait Hermès, serait-il sage au milieu des
femmes ? Or quel désordre, que ce qui doit faire la
récompense de la plus haute vertu, devient le prix
d’une infâme débauche.

Article 8 - Que ce soient des gens qui aient de la


curiosité naturelle
Ce n’est pas assez que les mœurs soient
irréprochables, il faut encore dans nos prosélytes un
véritable désir de pénétrer dans les secrets de la
Chymie, et une curiosité qui paraisse venir du fond de
l’âme ; de savoir, non pas les fausses recettes des
charlatans, mais les admirables opérations de la
science hermétique, de peur qu’ils n’en viennent peu
à peu à mépriser un art dont ils ne peuvent tout à
coup connaître l’excellence. Ceci après tout ne doit
pas s’entendre de cette manière, que dès qu’un
homme est curieux, et autant que le sont la plupart
des Alchymistes, il soit aussitôt censé avoir ce qu’il
faut pour être agrégé parmi nous ; jamais la curiosité
ne fut plus vive que dans ceux qui, ayant été prévenus
par de faux principes, donnent dans les opérations
d’une chymie sophistique ; d’ailleurs, il n’en fut jamais
de plus incapables et de plus indignes d’entrer dans le

131
sanctuaire de nos vérités.

Article 9 - Le silence, condition essentielle


Pour conclusion, qu’à toutes bonnes qualités, on
joindra un silence incorruptible et égal à celui
qu’Harpocrate savait si bien garder ; car si un homme
ne sait se taire et ne parler que quand il faut, jamais il
n’aura le caractère d’un véritable et parfait
Philosophe.

Article 10 - Manière de recevoir


Quiconque une fois aura été admis au nombre de
nos élus, il pourra lui-même à son retour en recevoir
d’autres, et alors il deviendra leur patron. Qu’il garde
dans le choix qu’il en doit faire, les règles
précédentes, et qu’il ne fasse rien, sans que le patron,
par lequel il avait lui-même été agrégé, en soit averti,
et sans qu’il y consente.

Article 11 - Formulaire de réception


Si donc quelqu’un, attiré par la réputation que
s’acquerra cette Compagnie, souhaitait d’y être
admis, et si pour cet effet il s’attachait à quelqu’un de
ceux qu’il soupçonnerait en être, celui-ci commencera
par observer diligemment les mœurs et l’esprit de son
postulant, et le tiendra pendant quelque temps en
suspens, sans l’assurer de rien, jusqu’à ce qu’il ait eu
des preuves suffisantes de sa capacité ; si ce n’est que
sa réputation fut bien établie, qu’on eût aucun lieu de
douter de sa vertu et des autres qualités qui lui sont
requises. En ce cas, l’Associé proposera la chose à
celui qui lui avait à lui-même servi de patron. Il lui
exposera nettement, sans déguisement et sans faveur,
de ce qu’il aura reconnu de bien et de mal dans celui
qui demande, mais en lui cachant en même temps sa
personne, sa famille, son nom propre, à moins que le

132
postulant n’y consente, et que même il ne vienne à le
demander instamment, instruit qu’il aura été de la
défense qu’on a sans cela de le nommer dans la
Société ; car c’est une des constitutions les plus sages
de la Compagnie, que tous ceux qui en seront, non
seulement soient inconnus aux étrangers, mais qu’ils
ne se connaissent pas même entre eux, d’où leur est
venu le nom de Philosophes Inconnus. En effet, s’ils en
usent de la sorte, il arrivera que tous se préserveront
plus facilement des embûches et des pièges qu’on a
coutume de dresser aux véritables Philosophes, et
particulièrement à ceux qui auraient fait la Pierre,
lesquels sans cette précaution deviendraient peut-
être, par l’instinct du démon, en proie à leurs propres
amis, et toute la Société courrait le risque de se voir
ruinée en peu de temps. Mais au contraire, en prenant
ces mesures, quand il se trouverait parmi elles
quelque traître ou quelqu’un qui, sans qu’il y eût de sa
faute, fut assez malheureux pour avoir été découvert ;
comme les autres qui, par prudence sont demeurés
inconnus, ne pourront être ni déférés ni accusés, ils
ne pourront aussi avoir part au malheur de leurs
Associés et continueront sans crainte leurs études et
leurs exercices. Que si après cet avis, quelqu’un est
assez imprudent que de se faire connaître, qu’il ne
s’en prenne qu’à lui-même, s’il s’en trouve mal dans la
suite.

Article 12 - Devoirs des Patrons


Afin que l’ancien Patron, qui est sollicité par le
Patron futur de donner son consentement pour
l’immatriculation de son nouveau prosélyte, ne le
fasse pas à la légère, il doit auparavant faire plusieurs
questions à l’Associé qui lui en parle, et même pour
peu qu’il puisse douter de sa sincérité, l’obliger par
serment de lui dire les choses comme elles sont.

133
Qu’après cela, on propose la chose à l’Assemblée,
c’est-à-dire à ceux de ses Associés qui leur seront
connus, et qu’on suive leur avis là-dessus.

Article 13 - Privilège des Chefs


Le Chef, ou le plus ancien d’une Colonie, sera
dispensé de la loi susdite, aussi bien que de plusieurs
autres choses de la même nature. Si cependant il
arrivait que le nombre des Associés vienne à diminuer,
on fut obligé de ne plus faire qu’une Assemblée de
toute la Colonie ; alors le Chef Général perdra son
privilège, en quoi l’on doit se rapporter à sa propre
conscience. Après sa mort aussi, personne ne lui
succédera jusqu’à ce que la multitude des Associés ait
obligé de les subdiviser en plusieurs Assemblées.

Article 14 - Réception
Tout cela fait, et le consentement donné en ladite
forme, le nouveau postulant sera reçu en la manière
que je vais dire :

Premièrement, on invoquera les lumières de


l’Éternel, en faisant célébrer à cette intention une
fonction publique, religieuse et solennelle, en un
endroit consacré suivant que le lieu et la religion de
celui que l’on doit recevoir le permettent. Si la chose
ne peut se faire en ce temps, qu’on la diffère à un
autre, selon qu’en ordonnera celui qui reçoit. Ensuite
celui qu’on va recevoir promettra de garder
inviolablement les statuts susdits ; et sur toutes
choses, qu’il s’engage à un secret inviolable, de
quelque manière que les choses puissent tourner, et
quelques évènements, bons ou mauvais, qui puissent
arriver.

De plus, il promettra de garder la fidélité aux lois et

134
au Souverain, également envers ses nouveaux Frères
Associés, jurant d’aimer toujours tous ceux qu’il
viendra à connaître tels, comme ses propres Frères.
Qu’enfin, s’il se voit jamais en possession de la Pierre,
il s’engagera même par serment, si son Patron l’exige
ainsi (sur quoi, comme dans toutes les autres lois de la
Réception, il faudra avoir égard à la qualité et aux
mérites de ceux que l’on recevra) ; qu’il en usera
selon que le prescrivent les Constitutions de la
Compagnie ; après cela, celui qui lui aura servi de
Patron, en recevant ses promesses, lui fera les siennes
à son tour, au nom de toute la Société. Il l’assurera de
leur protection, de leur fidélité, de leur amitié, et
qu’ils garderont en sa faveur tous les statuts, comme
il vient de les garder à leur égard. Ce qui étant fini, il
lui dira tout bas et à l’oreille les mots de l’Ordre, et
puis en langage des Sages, le nom de la Magnésie,
c’est-à-dire de la vraie et unique matière de laquelle
se fait la Pierre des Philosophes. Il sera néanmoins
plus à propos de lui en donner auparavant quelques
descriptions énigmatiques, afin de l’engager
adroitement à le déchiffrer de lui-même ; que, s’il
désespère d’en venir à bout, le Patron lui donnera
courage en lui aidant peu à peu, mais de telle manière
néanmoins, que ce soit de lui-même qu’il découvre le
mystère.

Article 15 - Du nom de l’Associé


Le nouveau Frère Associé prendra un nom
cabalistique, et si faire se peut commodément, tiré par
anagramme de son propre nom, ou du nom de
quelqu’un des Anciens Philosophes. Il le déclarera à
son Patron, afin qu’il l’inscrive au plus tôt dans le
catalogue ou journal de la Société, ce qui sera fait par
quelqu’un des Anciens, qui prendra soin de le faire
savoir, tant au Chef Général de chaque Colonie, qu’au

135
Chef particulier de chaque Assemblée.

Article 16 - De l’écrit que le nouvel Associé doit à


son Patron
Outre ce qu’il a été dit, et si le Patron juge qu’il soit
expédient, il exigera, pour engager plus étroitement le
nouvel Associé, une cédule écrite de sa main, et
souscrite de son nom cabalistique, qui fera foi de la
façon dont les choses se sont passées et du serment
qu’il a fait ; réciproquement le nouveau Frère Associé
pourra aussi obliger son Patron de lui donner pour
valoir comme certificat son signe et son nom
cabalistique au bas d’un des exemplaires de ces
statuts par lequel il témoignera à tous ceux de la
Compagnie qu’il l’associe dans leur nombre.

Article 17 - Écrits nécessaires que le nouvel Associé


doit recevoir
Quand le temps le permettra, on donnera la liberté
au nouveau Frère de transcrire les présents statuts,
aussi bien que le tableau des signes et caractères
cabalistiques qui servent à l’Art, avec son
interprétation, afin que, quand par hasard il se
rencontrera avec quelqu’un de la Compagnie, ils
puissent le reconnaître et en être reconnus, en se
faisant les interrogations mutuelles sur l’explication
de ces caractères. Enfin, il pourra prendre aussi la
liste des noms cabalistiques des Aggrégés, que son
Patron lui communiquera, en lui cachant leurs noms
propres, s’il le savait.

Pour ce qui est des autres écrits que le Patron


pourrait avoir chez lui ou à sa disposition, par tous
autres moyens, il sera encore obligé de les faire voir
et procurer à son nouveau Frère, ou tous à la fois ou
par parties, selon qu’il le pourra et jugera à propos,

136
sans jamais cependant y mêler rien de faux ou qui soit
contraire à notre doctrine, car un Philosophe peut
bien dissimuler pour un temps, mais il ne lui est
jamais permis de tromper. Le Patron ne sera point
tenu de faire ces sortes de communications ou plus
amplement ou plus vite qu’il ne voudra. Davantage, il
ne pourra même rien communiquer qu’il n’ait perçu
du nouveau Frère la taxe du tribut imposé pour entrer
à la masse commune de la Compagnie, et qu’il ne l’ait
d’ailleurs éprouvé sur tous les points et reconnu exact
observateur des statuts, de peur que ce nouvel
Aggrégé ne vienne à se séparer du corps et découvrir
des mystères qui doivent être particuliers et cachés.
Quant aux lumières qu’un chacun aura puisées
d’ailleurs, il lui sera libre, ou de les cacher, ou d’en
faire part, à son choix.

Article 18 - Devoirs du nouvel Associé


Il reste présentement à exhorter le nouvel Associé
de s’appliquer avec soi, soit à la lecture de nos livres
et de ceux des autres Philosophes approuvés, soit à
mettre lui-même la main à la pratique, sans laquelle
toute spéculation est incertaine.

Qu’il se donne garde surtout de l’ennui qui


accompagne la longueur du travail, et que
l’impatience d’avoir une chose qu’il attend depuis si
longtemps ne le prenne point. Il doit se consoler sur
ce que tous les Frères Associés travaillent pour lui,
comme lui-même doit aussi travailler pour eux, sans
quoi il n’aurait point de part à leurs découvertes :
fondé sur ce que le repos et la science parfaite sont la
fin et la récompense du travail, comme la gloire l’est
des combats, quand le ciel veut bien nous être
propice, et sur ce qu’enfin la paresse et la lâcheté ne
sont suivies que d’ignorance et d’erreurs.

137
Article 19 - Anniversaire de la réception
Tous les ans, à jour pareil de sa réception, à moins
que l’on ne soit convenu d’un jour commun à tous,
chaque Associé, s’il est catholique romain, offrira à
Dieu le saint sacrifice en action de grâces, et pour
obtenir de l’Éternel le don de science et de lumière.
Tout chrétien en général, ou tout autre, de quelque
secte qu’il puisse être, fera la même chose à sa
manière. Que si on oubliait pourtant de le faire, on ne
doit pas en avoir de scrupule, car ce règlement n’est
que de conseil, et non pas de précepte.

Article 20 - Qu’on ne se mêle point de


sophistications
Qu’on s’abstienne de toutes opérations sophistiques
sur les métaux, de quelque espèce qu’elles puissent
être. Qu’on n’ait aucun commerce avec les charlatans
et les donneurs de recettes, car il n’y a rien de plus
indigne qu’un Philosophe chrétien qui recherche la
vérité, et qui veut aider ses Frères, que de faire
profession d’un Art qui ne va qu’à tromper.

Article 21 - On peut travailler à la chymie commune


Il sera permis à ceux qui n’ont pas encore
l’expérience des choses qui se font par le feu, et qui
ignorent par conséquent l’art de distiller, de s’occuper
à faire ces opérations sur les minéraux, les végétaux
et les animaux, et d’entreprendre même de purger les
métaux, puisque c’est une chose qui nous est parfois
nécessaire, mais que jamais on ne se mêle de les allier
les uns aux autres, encore moins de se servir de cet
alliage, parce qu’est chose mauvaise et que nous
défendons principalement à nos Frères et Associés.

Article 22 - On peut détromper ceux qui seraient

138
dans une mauvaise voie
On pourra quelquefois aller dans les laboratoires de
la chymie vulgaire, pourvu que ceux qui y travaillent
ne soient pas en mauvaise réputation, comme aussi se
trouver dans les Assemblées de ces mêmes gens,
raisonner avec eux, et, si l’on juge qu’ils sont dans
l’erreur, s’efforcer de leur faire apercevoir, au moins
par des arguments négatifs tirés de nos écrits ; et le
tout, s’il se peut, par un pur esprit de charité et avec
modestie, afin qu’il ne se fasse plus de folles
dépenses. Mais en ces occasions, qu’on se souvienne
de ne point trop parler, car il suffit d’empêcher
l’aveugle de tomber dans le précipice et de le
remettre dans le bon chemin. On n’est pas obligé de
lui servir de guide dans la suite. Loin de cela, ce serait
quelquefois mal faire, surtout si l’on reconnaît que la
lumière de l’esprit lui manque, et qu’il ne fait pas cas
de la vertu.

Article 23 - On peut donner envie d’entrer dans la


Société
Que si entre ceux qui se mêlent de la chymie, il se
trouve quelque honnête homme qui ait de la
réputation, qui aime la sagesse et la probité, et qui
s’attache à la science hermétique par curiosité et non
par avarice, il n’y aura pas de danger de l’entretenir
des choses qui se pratiquent dans notre Société, et
des mœurs de nos plus illustres Associés, afin que, si
quelqu’un était appelé du Ciel et destiné pour cet
emploi, il lui pût par telle occasion venir en pensée de
se faire des nôtres et remplir sa destinée.

Dans ces entretiens, cependant, on ne se déclarera


point Associé, jusqu’à ce que l’on ait reconnu dans
cette personne les qualités dont nous avons parlé, et
qu’on ait pris avis et consentement de son Patron ; car

139
autrement ce serait risquer de perdre le titre de
Philosophe Inconnu, ce qui est contre nos statuts.

Article 24 - Se voir de temps en temps


Ceux des Confrères qui se connaîtront de quelque
manière que cela puisse être, et de quelques Colonies
ou Assemblées qu’ils soient, pourront se joindre et se
réunir ensemble pour conférer, quand et autant de
fois qu’ils le jugeront à propos, dans certains jours et
lieux assignés. Là, on s’entretiendra des choses qui
regardent la Société. On y parlera des lectures
particulières qu’on aura faites, de ses méditations et
opérations, afin d’apprendre les uns les autres, tant
en cette matière qu’en toute autre science. Le tout
sera suivi, autant que faire se pourra, d’un repas en
commun, à condition que rien ne s’y passera contre la
sobriété, et que vivant ensemble, soit dans les
auberges ou autres lieux où ils prendront leurs
banquets, ils y laisseront toujours une grande estime
d’eux et de leur conduite. Or, quoique ces Assemblées
puissent être d’une grande utilité, on n’en impose pas
moins cependant aucune obligation.

Article 25 - S’entretenir par lettre


Il sera aussi permis d’avoir commerce par lettres,
les uns avec les autres, à la manière ordinaire, pourvu
que jamais on y mette par écrit le nom et la nature de
la chose essentielle qui doit être cachée. Les Associés
ne souscriront point ces lettres autrement que par
leur nom cabalistique. Pour le dessus il faudra y
mettre le même, et ensuite ajouter une enveloppe sur
laquelle on écrira l’adresse, en se servant du nom
propre de celui à qui on écrira. Si on craint que ces
lettres soient interceptées, on se servira de chiffre ou
de caractères hiéroglyphiques, ou de mots
allégoriques. Ce commerce de lettres peut s’étendre

140
jusqu’à ceux des Associés qui seraient dans les lieux
les plus éloignés du monde, en se servant pour cela de
leurs Patrons, jusqu’à ce qu’on ait reçu des
éclaircissements dont on peut avoir besoin, et sur les
difficultés qui naissent dans nos recherches
philosophiques.

Article 26 - Manière de s’entre-corriger


Si on vient à s’apercevoir qu’un des Associés ne
garde pas les règles que nous venons de prescrire, ou
que ses mœurs ne soient pas aussi irréprochables que
nous le souhaitons, le premier Associé, et surtout son
Patron, l’avertira avec modestie et charité ; et celui
qui sera ainsi averti sera obligé d’écouter ces avis de
bonne grâce et avec beaucoup de docilité. S’il n’en
use pas ainsi, il ne faut pas tout d’un coup lui interdire
tout commerce avec les autres, mais seulement on le
dénoncera à tous les Frères que l’on connaîtra de son
Assemblée ou Colonie, afin qu’à l’avenir on soit sur la
réserve avec lui, et qu’on n’ait pas la même ouverture
qu’auparavant. Il faut néanmoins s’y conduire avec
sagesse, de peur qu’en venant à s’apercevoir qu’on le
veut bannir, il ne nuise aux autres. Mais que jamais on
ne lui fasse part de la Pierre.

Article 27 - Celui qui aura fait l’Œuvre en donnera


avis
Si quelqu’un est assez heureux pour conduire
l’Œuvre à sa perfection, d’abord il en donnera avis,
non pas de la manière que nous avons prescrit les
lettres ci-dessus, mais par une lettre sans jour et sans
date, et s’il se peut d’une main déguisée, qu’il
adressera à tous les chefs et anciens des Colonies,
afin que ceux qui pourront voir cet Associé fortuné,
soient excités par l’espérance d’un bonheur
semblable, et, animés par là, à ne pas se dégoûter du

141
travail qu’ils auront entrepris. Il sera libre à celui qui
possédera ce grand trésor de choisir parmi les
Associés, tant connus qu’inconnus, ceux auxquels il
voudra faire part de ce qu’il aura découvert ;
autrement il se verrait obligé de le donner à tous. De
même à ceux auxquels la Société n’a point encore
d’obligation ; en quoi il s’exposerait, ainsi que toute la
Compagnie, à de très grands périls.

Article 28 - Il en fera part à ceux qui le viendront


trouver
On obligera surtout cet heureux Associé, par un
décret qu’on gardera plus inviolablement que tous les
autres, de faire part de ce qu’il aura trouvé, d’abord à
son propre Patron, à moins qu’il n’en soit indigne,
ensuite à tous les autres Confrères connus ou
inconnus qui le viendront trouver, pourvu qu’ils
fassent connaître qu’ils ont gardé exactement tous les
règlements, qu’ils ont travaillé sans relâche, qu’ils
sont gens secrets et incapables de faire jamais aucun
mauvais usage de la grâce qu’on leur accordera. En
effet, comme il serait injuste que chacun conspirât à
l’utilité publique si chaque particulier n’en marquait
en temps et lieu sa reconnaissance, aussi serait-il tout
à fait déraisonnable de rendre participant d’un si
grand bonheur les traîtres, les lâches, et ceux qui
craignent de mettre la main à l’Œuvre.

Article 29 - Manière de faire cette communication


La méthode pour communiquer ce secret sera
laissée entièrement à la disposition de celui qui le
possède, de sorte qu’il lui sera libre, ou de donner une
petite portion de la poudre qu’il aura faite, ou
d’expliquer clairement son procédé, ou seulement
d’aider par ses conseils ceux de ses compagnons qu’il
saura travailler à la faire. Le plus expédient sera de se

142
servir de cette dernière méthode, afin qu’autant qu’il
se pourra, chacun ne soit redevable qu’à lui-même, et
à sa propre industrie, d’un si grand trésor. Quant à
ceux qui, par une semblable voie, s’en trouveraient
enrichis, ils n’auront pas le pouvoir d’en user de la
sorte à l’égard de leurs autres Confrères, non pas
même de leur propre Patron, s’ils n’en ont du moins
demandé la permission auparavant à celui de qui ils
auront été instruits, car le secret est la moindre
reconnaissance qu’ils lui doivent ; et celui-ci même ne
le permettra pas aisément, mais seulement à ceux
qu’il en trouvera dignes.

Article 30 - De l’emploi qui en doit être fait


Enfin l’emploi et l’usage d’un si précieux trésor
doivent être réglés de la manière qui suit : un tiers
sera consacré à l’Éternel à bâtir de nouvelles églises,
à réparer les anciennes, à faire des fondations
publiques, et autres œuvres pies. Un autre tiers sera
distribué aux pauvres, aux personnes opprimées et
affligées, de quelque manière qu’elles le soient. Enfin,
la dernière partie restera au possesseur, de laquelle il
pourra faire des libéralités, en aider ses parents et ses
amis, mais de telle sorte qu’ils glorifient le Grand
Architecte de l’Univers, qu’ils le servent, et leur
patrie, et qu’ils fassent en paix leur salut.

Qu’on se souvienne que dans un soudain


changement de fortune, rarement on sait garder la
modération, et même jusque dans les aumônes qu’on
fait aux pauvres, si on ne les fait que par vanité, l’on
peut trouver occasion de se perdre.

FIN DES STATUTS ET RÈGLES DE LA SOCIÉTÉ


CABALISTIQUE
DES PHILOSOPHES INCONNUS

143
Il serait facile en rapprochant chacun des articles
de cette Confédération avec ceux qui sont contenus
aux Règlements Généraux de la Franc-Maçonnerie, de
faire voir la partie la plus suivie, et de prouver qu’en
effet, comme il a été dit, les statuts des Maçons
semblent avoir été calqués sur ceux des Philosophes ;
d’où l’on conclurait avec assez de vraisemblance, que
le but physique est peut-être le but essentiel de notre
Association première. Mais cette vérité est une de
celles qu’il faut seulement laisser apercevoir au
lecteur sans préjugé. Aussi ne ferons-nous aucun
effort pour y donner du crédit, nous passerons sans
intervalle au Catéchisme instructif des Philosophes,
tel qu’il a été annoncé à l’Introduction.

144
CHAPITRE IX : CATÉCHISME

OU INSTRUCTION POUR LE GRADE D’ADEPTE


OU APPRENTIF PHILOSOPHE INCONNU(1)

(1) - Le texte de L’Étoile flamboyante, t. II, p. 234,


dit : « Apprentif philosophe sublime et inconnu ».

D -Quelle est la première étude d’un Philosophe ?


R -C’est la recherche des opérations de la Nature.
D -Quel est le terme de la Nature ?
R -Dieu, comme il en est le principe.
D -D’où proviennent toutes les choses ?
R -De la seule et unique Nature.
D -En combien de régions la Nature est-elle
divisée ?
R -En quatre principales.
D -Quelles sont-elles ?
R -Le sec, l’humide, le chaud, le froid, qui sont les
quatre qualités élémentaires, d’où toutes choses
dérivent.
D -En quoi se change la Nature ?
R -En mâle et femelle.
D -À quoi est-elle comparée ?
R -Au mercure.
D -Quelle idée me donnerez-vous de la Nature ?
R -Elle n’est point visible, quoiqu’elle agisse

145
visiblement, car ce n’est qu’un esprit volatil, qui fait
son office dans les corps, et qui est animé par l’esprit
universel, que nous connaissons en Maçonnerie
vulgaire sous le respectable emblème de l’Étoile
Flamboyante.
D -Que représente-t-elle positivement ?
R -Le soufre divin, le feu central et universel, qui
vivifie tout ce qui existe.
D -Quelles qualités doivent avoir les scrutateurs de
la Nature ?
R -Ils doivent être tels que la Nature elle-même,
c’est-à-dire vrais, simples, patients et constants, ce
sont les caractères essentiels qui distinguent les bons
Maçons ; et lorsque l’on inspire déjà ces sentiments
au candidat dans les premières initiations, on les
prépare d’avance à l’acquit des qualités nécessaires
pour la classe philosophique.
D -Quelle attention doivent-ils avoir ensuite ?
R -Les Philosophes doivent considérer exactement,
si ce qu’ils se proposent est selon la Nature, s’il est
possible et faisable, car, s’ils veulent faire quelque
chose comme le fait la Nature, ils doivent la suivre en
tout point.
D -Quelle route faudrait-il tenir pour opérer quelque
chose de plus excellent que la Nature ne l’a faite ?
R -On doit regarder en quoi, et par quoi, elle
s’améliore, et on trouvera que c’est toujours avec son
semblable, par exemple : si l’on veut étendre la vertu
intrinsèque de quelque métal plus outre que la
Nature, il faut alors saisir la Nature métallique elle-
même, et savoir distinguer le mâle et la femelle en
ladite Nature.
D -Où contient-elle ses semences ?
R -Dans les quatre éléments.
D -Avec quoi le Philosophe peut-il produire quelque
chose ?

146
R -Avec le germe de ladite chose, qui en est l’élixir
ou la quintessence, beaucoup meilleure et plus utile à
l’Artiste que la Nature même. Ainsi, d’abord que le
Philosophe aura obtenu cette semence ou le germe, la
Nature, pour le seconder, sera prête à faire son devoir.
D -Qu’est-ce que le germe ou la semence de
quelque chose ?
R -C’est la plus accomplie et la plus parfaite
décoction et digestion de la chose même. Ou plutôt,
c’est le baume du soufre qui est la même chose que
l’humide radical dans les métaux.
D -Qui engendre cette semence ou ce germe ?
R -Les quatre éléments, par la volonté de l’Être
Suprême et l’imagination de la Nature.
D-Comment opèrent les quatre éléments ?
R -Par un mouvement infatigable et continu, chacun
d’eux selon sa qualité jetant leurs semences au centre
de la terre où elle est recuite et digérée ; ensuite
repoussée au dehors par les lois du mouvement.
D -Qu’entendent les Philosophes par le centre de la
terre ?
R -Un certain lieu vide qu’ils conçoivent, et où rien
ne peut reposer.
D -Où les quatre éléments jettent-ils et déposent-ils
donc leurs qualités ou semences ?
R -Dans le centre, ou la marger et circonférence du
centre, qui, après qu’il en a pris une due portion,
rejette le surplus au dehors, d’où se forment les
excréments, les scories, les feux, et même les pierres
de la Nature, de cette pierre brute, emblème du
premier état maçonnique.
D -Expliquez-moi cette doctrine par un exemple.
R -Soit donnée une table bien unie, et sur icelle, en
son milieu, dûment assis et posé un vase quelconque,
rempli d’eau ; que dans son contour on place ensuite
plusieurs choses de diverses couleurs, entre autres

147
qu’il y ait particulièrement du sel ; en observant que
chacune de ces choses soit bien divisée et mises
séparément, puis après que l’on verse de l’eau au
milieu, on la verra couler de ça et de là ; ce petit
ruisseau, venant à rencontrer la couleur rouge,
prendra la teinte rouge. L’autre passant par le sel
contractera de la salaison ; car il est certain que l’eau
ne change point les lieux, mais que la diversité des
lieux change la nature de l’eau. De même, la semence
jetée par les quatre éléments au centre de la terre
contracte différentes modifications, parce qu’elle
passe par différents lieux, rameaux, canaux ou
conduits, de sorte que chaque chose naît suivant la
diversité des lieux, et la semence de la chose
provenant à tel endroit, on rencontrerait la terre et
l’eau pure, il en résultera une chose pure, ainsi du
contraire.
D -Comment et en quelle façon les éléments
engendrent-ils cette semence ?
R -Pour bien comprendre cette doctrine, il faut
noter que deux éléments sont graves et pesants, et les
deux autres légers ; deux secs et deux humides,
toutefois l’un extrêmement sec et l’autre extrêmement
humide, et en outre sont féminin et masculin. Or,
chacun d’eux est très prompt à produire choses
semblables à soi, en sa sphère ; ces quatre éléments
ne reposent jamais, mais ils agissent continuellement
l’un et l’autre, et chacun pousse de soi et par soi, ce
qu’il y a de plus subtil ; ils ont leur rendez-vous
général au centre, et dans ce centre même de
l’Archée, ce serviteur de la Nature, où venant à y
mêler leurs semences, ils les agitent et les jettent
ensuite au dehors. On pourra voir ce procédé de la
Nature, et le connaître beaucoup plus distinctement
dans les grades sublimes qui suivent celui-ci.
D -Quelle est la vraie et première matière des

148
métaux ?
R -La première matière proprement dite est la
double essence, ou double par elle-même ; néanmoins
l’une, sans le concours de l’autre, ne crée point un
métal ; la première et la principale est une humidité
de l’air, mêlée avec un air chaud, en forme d’une eau
grasse, adhérente à chaque chose, pour pure ou
impure qu’elle soit.
D -Comment les Philosophes ont-ils nommé cette
humidité ?
R -Mercure.
D -Par qui est-il gouverné ?
R -Par les rayons du Soleil et de la Lune.
D -Quelle est la seconde matière ?
R -C’est la chaleur de la terre, c’est-à-dire une
chaleur sèche que les Philosophes appellent soufre.
D -Tout le corps de la matière se convertit-il en
semence ?
R -Non, mais seulement la huit-centième partie qui
repose au centre du même corps, ainsi qu’on peut le
voir dans l’exemple d’un grain de froment.
D -De quoi sert le corps de la matière, relativement
à la semence ?
R -Pour la préserver de toute excessive chaleur,
froideur, humidité ou sécheresse, et généralement
toute intempérie nuisible contre lesquelles la matière
lui sert d’enveloppe.
D -L’artiste qui prétendrait réduire tout le corps de
la matière en semence, en supposant qu’il y pût
réussir, y trouverait-il en effet quelque avantage ?
R -Aucun ; au contraire, son travail deviendrait
alors absolument inutile, parce que l’on ne peut rien
faire de bien, sitôt que l’on s’écarte du procédé de la
Nature.
D -Que faut-il donc qu’il fasse ?
R -Il faut qu’il dégage la matière de toutes ses

149
impuretés ; car il n’y a point de métal si pur qu’il soit
qui n’ait ses impuretés, l’un toutefois plus ou moins
que l’autre.
D -Comment figurons-nous dans la Maçonnerie, la
nécessité absolue et préparatoire de cette dépuration
ou purification ?
R -Lors de la première initiation du candidat au
grade d’apprentif, quand on le dépouille de tous
métaux et minéraux, et que d’une façon décente on lui
ôte une partie de ses vêtements, ce qui est analogue
avec superfluités, surfaces ou scories, dont il faut
dépouiller la matière pour trouver la semence.
D -À quoi le Philosophe doit-il donc faire le plus
d’attention ?
R -Au point de la Nature, il ne doit pas le chercher
dans les métaux vulgaires, parce qu’étant déjà sorti
des mains de la Nature formatrice, il n’est plus en
eux.
D -Quelle en est la raison précise ?
R -C’est parce que les métaux du vulgaire,
principalement l’or, sont absolument morts ; au lieu
que les nôtres au contraire sont absolument vifs, et
ont esprit.
D -Quelle est la vie des métaux ?
R -Elle n’est autre chose que le feu, lorsqu’ils sont
encore couchés dans la mine.
D -Quelle est leur mort ?
R -Leur mort et leur vie sont un même principe,
puisqu’ils meurent également par le feu, mais un feu
de fusion.
D -De quelle façon les métaux sont-ils engendrés
dans les entrailles de la terre ?
R -Après que les quatre éléments ont produit leurs
forces ou leurs vertus dans le centre de la terre, et
qu’ils y ont déposé leurs semences, l’Archée de la
Nature, en les distillant, les sublimise à la superficie,

150
par la chaleur et l’action d’un mouvement perpétuel.
D -Le vent, en se distillant par les pores de la terre,
en quoi se résout-il ?
R -Il se résout en eau, de laquelle naissent toutes
choses, et ce n’est plus alors qu’une vapeur humide,
de laquelle vapeur se forme ensuite le principe
principié de toute chose, et qui sert de matière
première aux Philosophes.
D -Quel est donc ce principe principié servant de
première matière aux Enfants de la Science, dans
l’Œuvre philosophique ?
R -Ce sera cette même matière, laquelle aussitôt
qu’elle est connue ne peut absolument plus changer
de forme.
D -Saturne, Jupiter, Mars, Vénus, le Soleil, la Lune,
etc., ont-ils chacun des semences différentes ?
R -Ils ont tous une même semence, mais le lieu de
leurs naissances a été la cause de cette différence,
encore bien que la Nature ait bien plutôt achevé son
œuvre, en la procréation de l’argent, qu’en celle de
l’or, ainsi des autres.
D -Comment se forme l’or dans les entrailles de la
terre ?
R -Quand cette vapeur que nous avons dite est
sublimisée au centre de la terre, et qu’elle passe par
des lieux chauds et purs, et où une certaine graisse de
soufre adhère aux parois, alors cette vapeur que les
Philosophes appellent leur Mercure s’accommode et
se joint à cette graisse qu’elle sublimise après avec
soi ; et de ce mélange résulte une certaine onctuosité
qui, laissant ce nom de vapeur, prend alors celui de
graisse, et venant après à se sublimiser en d’autres
lieux qui ont été nettoyés par la vapeur précédente, et
auxquels la terre est plus subtile, pure et humide, elle
remplit les pores de cette terre, se joint à elle, et c’est
alors ce qui produit l’or.

151
D -Comment s’engendre Saturne ?
R -Quand cette onctuosité ou graisse parvient à des
lieux totalement impurs et froids.
D -Comment cette définition se trouve-t-elle au
noviciat ?
R -Par l’explication du mot profane qui supplée au
nom de Saturne, mais que nous appliquons
effectivement à tout ce qui réside en lieu impur et
froid, ce qui est marqué par l’allégorie du monde, du
siècle et de ses imperfections.
D -Comment désignons-nous l’Œuvre et l’or ?
R -Par l’image d’un chef-d’œuvre d’architecture
dont au détail nous peignons la magnificence tout
éclatante d’or et de métaux précieux.
D -Comment s’engendre Vénus ?
R -Elle s’engendre alors que la terre est pure, mais
mêlée de soufre impur.
D -Quel pouvoir a cette vapeur au centre de la
terre ?
R -De subtiliser toujours par son continuel progrès
tout ce qui est cru et impur, attirant successivement
avec soi ce qui est pur.
D -Quelle est la semence de la première matière de
toutes choses ?
R -La première de toutes choses, c’est-à-dire la
matière des principes principiants, naît par la Nature,
sans le secours d’aucunes semences, c’est-à-dire que
la Nature reçoit la matière des éléments, de laquelle
elle engendre ensuite la semence.
D -Quelle est donc, absolument parlant, la semence
des choses ?
R -La semence en un corps n’est autre qu’un air
congelé, ou une vapeur humide, laquelle si elle n’est
résolue par une vapeur chaude, devient tout à fait
inutile.
D -Comment la génération de la semence se

152
renferme-t-elle dans le règne métallique ?
R -Par l’artifice de l’Archée, les quatre éléments en
la première génération de la Nature distillent au
centre de la terre une vapeur d’eau pondéreuse, qui
est la semence des métaux et s’appelle mercure ; non
à cause de son essence, mais à cause de sa fluidité et
facile adhérence à chaque chose.
D -Pourquoi cette vapeur est-elle comparée au
soufre ?
R -À cause de sa chaleur interne.
D -Que devient la semence après la congélation ?
R -Elle devient l’humide radical de la matière.
D -De quel mercure doit-on entendre que les
métaux sont composés ?
R -Cela s’entend absolument du mercure des
Philosophes, et aucunement du mercure commun ou
vulgaire, qui ne peut être une semence, ayant lui-
même en soi sa semence, comme les autres métaux.
D -Que faut-il donc prendre précisément pour le
sujet de notre matière ?
R -On doit prendre la semence seule, ou grain fixe,
et non pas le corps entier, qui est distingué en mâle
vif, c’est-à-dire soufre, et femelle vive, c’est-à-dire
mercure.
D -Quelle opération faut-il faire ensuite ?
R -On doit les joindre ensemble, afin qu’ils puissent
former un germe d’où ensuite ils arrivent à procréer
un fruit de leur nature.
D -Qu’entend donc de faire l’Artiste dans cette
opération ?
R -L’Artiste n’entend faire autre chose, sinon
séparer ce qui est subtil de ce qui est épais.
D -À quoi se réduit conséquemment toute la
combinaison philosophique ?
R -Elle se réduit à faire d’un, deux. Et de deux, un.
Et rien de plus.

153
D -Y a-t-il dans la Maçonnerie quelque analogie qui
indique cette opération ?
R -Elle est suffisamment sensible à tout esprit qui
voudra réfléchir, en s’arrêtant sur le nombre
mystérieux de trois, sur lequel roule essentiellement
toute la science maçonnique.
D -Où se trouvent la semence et la vie des métaux
et des minéraux ?
R -La semence des métaux et des minéraux est
proprement l’eau qui se trouve au centre et au cœur
du minéral.
D -Comment la Nature opère-t-elle par les secours
de l’Art ?
R -Toute semence, quelle qu’elle soit, est de nulle
valeur si, par l’Art ou par la Nature, elle n’est mise en
une matrice convenable, où elle reçoit sa vie en
faisant pourrir le germe et causant la congélation du
point pur ou grain fixe.
D -Comment la semence est-elle ensuite nourrie et
conservée ?
R -Par la chaleur de son corps.
D -Que fait donc l’Artiste dans le règne minéral ?
R -Il achève ce que la Nature ne peut finir à cause
de la crudité de l’air, qui, par sa violence, a rempli les
pores de chaque corps, non dans les entrailles de la
terre, mais dans la superficie.
D -Quelle correspondance ont les métaux entre
eux ?
R -Pour bien entendre cette correspondance, il faut
considérer la position des planètes, et faire attention
que Saturne est le plus haut de tous, auquel succède
Jupiter, puis Mars, le Soleil, Vénus, Mercure, et enfin
la Lune. Il faut observer que les vertus des planètes
ne montent pas, mais qu’elles descendent, et
l’expérience nous apprend que Mars se convertit
facilement en Vénus, et non pas Vénus en Mars :

154
comme étant plus basse d’une sphère. Ainsi Jupiter se
transmue aisément en Mercure, parce que Jupiter est
plus haut que Mercure ; celui-là est le second après le
firmament, celui-ci est le second au-dessus de la terre,
et Saturne, le plus haut, la Lune, la plus basse. Le
Soleil se mêle avec tous, mais il n’est jamais amélioré
par les inférieurs ; on voit clairement qu’il y a une
grande correspondance entre Saturne et la Lune, au
milieu desquels est le Soleil. Mais à tous ces
changements le Philosophe doit tâcher d’administrer
du Soleil.
D -Quand les Philosophes parlent de l’or ou de
l’argent, d’où ils extraient leurs matières, entendent-
ils parler de l’or ou de l’argent vulgaire ?
R -Non, parce que l’or et l’argent vulgaires sont
morts, tandis que ceux des Philosophes sont pleins de
vie.
D -Quel est l’objet de la recherche des Maçons ?
R -C’est la connaissance de l’art de perfectionner ce
que la Nature a laissé imparfait dans le genre humain,
et d’arriver au trésor de la vraie morale.
D -Quel est l’objet de la recherche des Philosophes ?
R -C’est la connaissance de l’art de perfectionner ce
que la Nature a laissé imparfait dans le genre minéral,
et d’arriver au trésor de la Pierre Philosophale.
D -Qu’est-ce que cette Pierre ?
R -La Pierre Philosophale n’est autre chose que
l’humide radical des éléments, parfaitement purifié et
amené à une certaine fixité ; ce qui fait qu’elle opère
de si grandes choses pour la santé, la vie résidant
uniquement dans l’humide radical.
D -En quoi consiste le secret de faire cet admirable
Œuvre ?
R -Ce secret consiste à savoir tirer de puissance en
acte le chaud inné, ou feu de la Nature renfermé dans
le centre de l’humide radical.

155
D -Quelles sont les précautions qu’il faut prendre
pour ne pas manquer l’Œuvre ?
R-Il faut avoir grand soin d’ôter les excréments de
la matière et ne songer qu’à avoir le noyau, ou le
centre, que renferme toute la vertu du mixte.
D -Pourquoi cette médecine guérit-elle toutes sortes
de maux ?
R -Cette médecine a la vertu de guérir toutes sortes
de maux, non pas à raison de ses qualités différentes,
mais en tant seulement qu’elle fortifie puissamment la
chaleur naturelle, laquelle elle excite doucement, au
lieu que les autres remèdes l’irritent par un
mouvement trop violent.
D -Comment me prouverez-vous la vérité de l’art à
l’égard de la teinture ?
R -Cette vérité est fondée principalement sur ce que
la poudre physique, étant faite de la même matière
dont sont formés les métaux, à savoir l’argent-vif, elle
a la faculté de se mêler avec eux dans la fusion, une
nature embrassant aisément une autre nature qui leur
est semblable. Secondement, sur ce que les métaux
imparfaits n’étant tels que parce que leur argent-vif
est cru, la poudre physique, qui est un argent-vif mûr
et cuit, et proprement un pur feu, leur peut aisément
communiquer la maturité et les transmuer en sa
manière, après avoir fait attraction de leur humide
cru, c’est-à-dire de leur argent-vif, qui est la seule
substance qui se transmue, le reste n’étant que des
scories et des excréments qui sont rejetés dans la
projection.
D -Quelle route doit suivre le Philosophe, pour
parvenir à la connaissance et à l’exécution de l’Œuvre
philosophique ?
R -La même route que celle que le Grand Architecte
de l’Univers employa à la création du monde, en
observant comment le chaos fut débrouillé.

156
D -Quelle était la matière du chaos ?
R -Ce ne pouvait être qu’une vapeur humide, parce
qu’il n’y a que l’eau, entre les substances créées, qui
se termine par un terme étranger et qui soit un
véritable sujet pour recevoir les formes.
D -Donnez-moi un exemple de ce que vous venez de
dire.
R -Cet exemple peut se prendre des productions
particulières des mixtes, dont les semences
commencent toujours par se résoudre en une certaine
humeur, qui est le chaos particulier duquel ensuite se
tire comme par irradiation toute la forme de la plante.
D’ailleurs, il faut observer que l’Écriture ne fait
mention en aucun endroit que de l’eau pour sujet
matériel, sur lequel l’Esprit de Dieu était porté et la
lumière pour forme universelle.
D -Quel avantage le Philosophe peut-il tirer de cette
réflexion, et que doit-il particulièrement remarquer
dans la manière dont l’Être Suprême créa le monde ?
R -D’abord il observera la matière dont le monde a
été créé ; il verra que de cette masse confuse, le
Souverain Artiste commença par faire l’extraction de
la lumière, qui dans le même instant dissipa les
ténèbres qui couvraient la surface de la terre, pour
servir de forme universelle à la matière. Il concevra
ensuite facilement que dans la génération de tous les
mixtes, il se fait une espèce d’irradiation et une
séparation de la lumière d’avec les ténèbres, en quoi
la Nature est perpétuellement imitatrice de son
Créateur. Le Philosophe comprendra pareillement,
comme par l’action de cette lumière se fit l’étendue,
ou autrement, le firmament, séparateur des eaux
d’avec les eaux. Le ciel fut ensuite orné de corps
lumineux, mais les choses supérieures étant trop
éloignées des inférieures, il fut besoin de créer la
Lune, comme flambeau intermédiaire entre le haut et

157
le bas, laquelle, après avoir reçu les influences
célestes, les communique à la Terre. Le Créateur,
rassemblant ensuite les eaux, fit apparaître le sec.
D -Combien y a-t-il de cieux ?
R -Il n’y en a proprement qu’un, à savoir le
firmament séparateur des eaux d’avec les eaux.
Cependant on en admet trois : le premier qui est
depuis le dessus des nues, où les eaux raréfiées
s’arrêtent et retombent jusqu’aux étoiles fixes, et dans
cet espace sont les planètes et les étoiles errantes. Le
second est le lieu même des étoiles fixes. Le troisième
est le lieu des eaux surcélestes.
D -Pourquoi la raréfaction des eaux se termine-t-elle
au premier ciel, et ne monte-t-elle pas au-delà ?
R -Parce que la nature des choses raréfiées est de
s’élever toujours en haut, et parce que Dieu, dans ses
lois éternelles, a assigné à chaque chose sa propre
sphère.
D -Pourquoi chaque corps céleste tourne-t-il
invariablement comme autour d’un axe sans décliner ?
R -Cela ne vient que du premier mouvement qui lui
a été imprimé, de même qu’une masse pesante, mise
en ballant et attachée à un simple fil, tournerait
toujours également si le mouvement était toujours
égal.
D -Pourquoi les eaux supérieures ne mouillent-elles
point ?
R -À cause de leur extrême raréfaction ; c’est ainsi
qu’un savant chymiste peut tirer plus d’avantages de
la science de la raréfaction que de toute autre.
D -De quelle matière est composé le firmament ou
l’étendue ?
R -Le firmament est proprement l’air, dont la nature
est beaucoup plus convenable à la lumière que l’eau.
D -Après avoir séparé les eaux du sec et de la terre,
que fit le Créateur pour donner lieu aux générations ?

158
R -Il créa une lumière particulière destinée à cet
office, laquelle il plaça dans le feu central, et tempéra
ce feu par l’humidité de l’eau et la froideur de la terre,
afin de réprimer son action, et que la chaleur fût plus
convenable au dessein de son auteur.
D -Quelle est l’action de ce feu central ?
R -Il agit continuellement sur la matière humide qui
lui est la plus voisine, dont il fait élever une vapeur
qui est le mercure de la Nature et la première matière
des trois règnes.
D -Comment se forme ensuite le soufre de la
Nature ?
R -Par la double action, ou plutôt réaction, de ce feu
central sur la vapeur mercurielle.
D -Comment se fait le sel marin ?
R -Il se forme par l’action de ce même feu sur
l’humide aqueux lorsque l’humidité aérienne qui y est
renfermée vient à s’exhaler.
D -Que doit faire un Philosophe vraiment sage,
lorsqu’une fois il a bien compris le fondement de
l’ordre qu’observa le Grand Architecte de l’Univers
pour la construction de tout ce qui existe dans la
Nature ?
R -Il doit être, autant qu’il se peut, un copiste fidèle
de son Créateur dans son Œuvre physique ; il doit
faire son chaos, tel qu’il fut effectivement, séparer la
lumière des ténèbres, former son firmament, séparer
les eaux d’avec les eaux, et accomplir enfin
parfaitement, en suivant la marche indiquée, tout
l’ouvrage de la Création.
D -Avec quoi fait-on cette grande et sublime
opération ?
R -Avec un seul corpuscule ou petit corps, qui ne
contient, pour ainsi dire, que fèces, saletés,
abominations, duquel on extrait une certaine humidité
ténébreuse et mercurielle qui comprend en soi tout ce

159
qui est nécessaire au Philosophe, parce qu’il ne
cherche en effet que le vrai mercure.
D -De quel mercure doit-il donc se servir pour
l’Œuvre ?
R -D’un mercure qui ne se trouve point tel sur la
terre, mais qui est extrait des corps, et nullement du
mercure vulgaire, comme il a été dit.
D -Pourquoi ce dernier n’est-il pas le plus propre à
notre Œuvre ?
R -Parce que le sage Artiste doit faire attention que
le mercure vulgaire ne contienne pas en soi la
quantité suffisante de soufre, et que, par conséquent,
il doit travailler sur un corps créé par la Nature, dans
lequel elle aura joint ensemble le soufre et le mercure,
lesquels l’Artiste doit séparer.
D -Que doit-il faire ensuite ?
R -Les purifier et les rejoindre derechef.
D -Comment appelez-vous corps-là ?
R -Pierre brute, ou chaos, ou illiaste, ou hyle.
D -Est-ce la même pierre brute dont le symbole
décore nos premiers grades ?
R -Oui, c’est la même que les Maçons travaillent à
dégrossir, et dont ils cherchent à ôter les superfluités ;
cette pierre brute est pour ainsi dire une portion du
premier chaos ou masse confuse, connue mais
méprisée d’un chacun.
D -Puisque vous me dîtes que le mercure est la
seule chose que le Philosophe doit connaître, pour ne
pas s’y méprendre, donnez-m’en une description
circonstanciée.
R -Notre mercure, eu égard à sa nature, est double,
fixe et volatil ; eu égard à son mouvement, il est
double aussi, puisqu’il a un mouvement d’ascension et
un de descension. Par celui de descension, c’est
l’influence des planètes par laquelle il réveille le feu
de la Nature assoupie, et c’est son premier office

160
avant sa congélation ; par le mouvement d’ascension,
il s’élève pour se purifier, et comme c’est après sa
congélation, il est considéré alors comme l’humide
radical des choses, lequel sous de viles scories ne
laisse pas de conserver la noblesse de sa première
origine.
D -Combien compte-t-on d’humides dans chaque
composé ?
R -Il y en a trois : 1) l’Élémentaire, qui n’est
proprement que le vase des deux autres éléments ; 2)
le Radical, qui est proprement l’huile ou le baume
dans lequel réside toute la vertu sujet ; 3)
l’Alimentaire, c’est le véritable dissolvant de la
Nature, excitant le feu interne, assoupi, causant par
son humidité la corruption et la noirceur, en
entretenant et alimentant le sujet.
D -Combien les Philosophes ont-ils de sortes de
mercure ?
R -Le mercure des Philosophes peut se considérer
sous quatre égards : au premier, on l’appelle le
mercure des corps, c’est précisément la semence
cachée ; au deuxième, le mercure de la Nature, c’est
le bain ou vase des Philosophes, autrement dit
l’humide radical ; au troisième, le mercure des
Philosophes, parce qu’il se trouve dans leurs
boutiques et dans leurs minières, c’est la sphère de
Saturne, c’est leur Diane, c’est le vrai sel des métaux,
après lequel, lorsqu’on l’a acquis, commence
seulement le véritable Œuvre philosophique ; au
quatrième égard, on l’appelle le mercure commun, à
cause qu’il est commun à toutes les minières, qu’en
lui consiste la substance des métaux, et que c’est de
lui qu’ils tirent leurs quantité et qualité.
D -Pourquoi les Maçons ont-ils les nombres impairs
et nommément le septénaire en vénération ?
R -Parce que la Nature qui se plaît en ses propres

161
nombres est satisfaite du nombre mystérieux de sept,
surtout dans les choses subalternes ou qui dépendent
du globe lunaire, la lune nous faisant voir
sensiblement un nombre infini d’altérations et de
vicissitudes dans ce nombre septénaire.
D -Combien y a-t-il d’opérations dans notre Œuvre ?
R -Il n’y en a qu’une seule, qui se réduit à la
sublimation, qui n’est autre chose, selon Geber, que
l’élévation de la chose sèche par le moyen du feu,
avec adhérence à son propre vase.
D -Quelles précautions doit-on prendre en lisant les
Philosophes hermétiques ?
R -Il faut surtout avoir grand soin de ne pas prendre
ce qu’ils disent au pied de la lettre et suivant le son
des mots ; car la lettre tue, et l’esprit vivifie.
D -Quels livres doit-on lire pour parvenir à la
connaissance de notre science ?
R-Entre les Anciens, il faut lire tout
particulièrement tous les ouvrages d’Hermès, ensuite
un certain livre intitulé Le Passage de la mer Rouge,
et un autre appelé L’Abord de la Terre promise. Parmi
les Anciens, il faut lire surtout Paracelse, et, entre
autres, son Sentier Chymique, ou Manuel de
Paracelse, qui contient tous les mystères de la
physique démonstrative et de la plus secrète cabale ;
ce livre manuscrit, précieux et original, ne se trouve
que dans la Bibliothèque du Vatican, mais Sendivogius
a eu le bonheur d’en tirer une copie, qui a servi à
éclairer quelques-uns des Sages de notre Ordre. 2) Il
faut lire Raimond Lulle, et surtout son Vade-Mecum,
son dialogue appelé Lignum Vitae, son Testament et
son Codicille, mais on sera en garde contre ces deux
derniers ouvrages, parce qu’ainsi ceux de Geber, ils
sont remplis de fausses recettes, de fictions inutiles et
d’erreurs sans nombres, ainsi que les ouvrages
d’Arnaud de Villeneuve, leur but en cela ayant été,

162
suivant toutes les apparences, de déguiser davantage
la vérité aux ignorants. 3) La Turba Philosophorum,
qui n’est qu’un ramas d’anciens auteurs, contient une
partie assez bonne, quoiqu’il y ait beaucoup de choses
sans valeur. 4) Entre les auteurs du Moyen Âge, on
doit estimer Zacharie, Trévisan, Roger Bacon, et un
certain Anonyme, dont le livre a pour titre Des
Philosophes. Parmi les auteurs modernes, on doit faire
cas de Jean Fabre, François de nation, et d’Espagnet ,
ou l’auteur de la Physique Restituée, quoiqu’à dire
vrai, il ait mêlé dans son livre quelques faux préceptes
et des sentiments erronés.
D -Quand un Philosophe peut-il risquer
d’entreprendre l’Œuvre ?
R -Lorsqu’il saura par théorie tirer d’un corps
dissous par le moyen d’un esprit cru, un esprit
digeste, lequel il faudra derechef rejoindre à l’huile
vitale.
D -Expliquez-moi cette théorie plus clairement.
R -Pour rendre la chose plus sensible, en voici le
procédé : ce sera lorsque le Philosophe saura par le
moyen d’un menstrue végétal, uni au minéral,
dissoudre un troisième menstrue essentiel, avec
lesquels réunis il faut laver la terre et l’exalter ensuite
en quintessence céleste, pour en composer leur
foudre sulfureux, lequel dans un instant pénètre les
corps et détruit leurs excréments.
D -Comment donnons-nous dans nos éléments
maçonniques les rudiments de cette quintessence
céleste ?
R -Par le symbole de l’Étoile Flamboyante, que nous
disons feu central et vivificateur.
D -Ceux qui prétendent se servir d’or vulgaire pour
la semence et du mercure vulgaire pour le dissolvant
ou pour la terre dans laquelle il doit être semé, ont-ils
une parfaite connaissance de la Nature ?

163
R -Non vraiment, parce que ni l’un ni l’autre n’ont
en eux l’agent externe : l’or pour en avoir été
dépouillé par la décoction, et le mercure, pour n’en
avoir jamais eu.
D -En cherchant cette semence aurifique ailleurs
que dans l’or même, ne risque-t-on pas de produire
une espèce de monstre, puisqu’il paraît que l’on
s’écarte de la Nature ?
R -Il est sans aucun doute que dans l’or est
contenue la semence aurifique, et même plus
parfaitement qu’en aucun autre corps, mais cela ne
nous oblige pas à nous servir de l’or vulgaire, car
cette semence se trouve pareillement en chacun des
autres métaux ; et ce n’est autre chose que ce grain
fixe que la Nature a introduit dans la première
congélation du mercure, tous les métaux ayant une
même origine et une matière commune, ainsi que les
reconnaîtront parfaitement, au grade suivant, ceux
qui se rendront dignes de le recevoir par leur
application et une étude assidue.
D -Que s’ensuit-il de cette doctrine ?
R -Elle nous enseigne que, quoique la semence soit
plus parfaite dans l’or, toutefois elle se peut extraire
bien plus aisément d’un autre corps que de l’or même.
La raison en est que les autres corps sont bien plus
ouverts, c’est-à-dire moins digérés, et leur humidité
moins terminée.
D -Donnez-moi un exemple pris dans la Nature.
R -L’or vulgaire ressemble à un fruit, lequel,
parvenu à une parfaite maturité, a été séparé de
l’arbre ; et quoiqu’il y ait en lui une semence très
parfaite et très digeste, néanmoins si quelqu’un, pour
le multiplier, le mettait en terre, il faudrait beaucoup
de temps, de peines, de soins, pour le conduire
jusqu’à la végétation ; mais si au lieu de cela on
prenait une greffe ou une racine du même arbre et

164
qu’on la mît en terre, on la verrait, en peu de temps et
sans peine, végéter et rapporter beaucoup de fruits.
D -Est-il nécessaire à un amateur de cette science
de connaître la formation des métaux dans les
entrailles de la terre pour parvenir à former son
Œuvre ?
R -Cette connaissance est tellement nécessaire que
si, avant toute autre étude, on ne s’y appliquait pas, et
que l’on ne cherchait pas à imiter la Nature en tous
points, jamais on ne pourrait arriver à rien faire de
bon.
D -Comment la Nature forme-t-elle donc les métaux
dans les entrailles de la terre, et de quoi les compose-
t-elle ?
R -La Nature les compose tous de soufre et de
mercure et les forme par leur double vapeur.
D -Qu’entendez-vous par cette double vapeur, et
comment par cette double vapeur les métaux peuvent-
ils être formés ?
R -Pour bien entendre cette réponse, il faut savoir
d’abord que la vapeur mercurielle unie à la vapeur
sulfureuse en un lieu caverneux où se trouve une eau
salée qui leur sert de matrice ; il se forme
premièrement le vitriol de nature ; secondement, de
ce vitriol de nature, par la commotion des éléments,
s’élève une double vapeur, qui n’est ni mercurielle ni
sulfureuse, mais qui tient des deux natures, laquelle
arrivant en des lieux où adhère la graisse du soufre,
s’unit avec elle, et de leur union se forme une
substance glutineuse ou masse informe, sur laquelle
la vapeur répandue en ces lieux caverneux, agissant
par le moyen du soufre qu’elle contient en elle, il en
résulte des métaux parfaits, si le lieu et la vapeur sont
purs ; si au contraire le lieu et la vapeur sont impurs,
ils sont dits imparfaits ou non parfaits, pour n’avoir
pas reçu leur entière perfection par la coction.

165
D -Que contient en soi cette vapeur ?
R -Elle contient un esprit de lumière et de feu de la
nature des corps célestes, lequel doit être proprement
considéré comme la forme de l’univers.
D -Que représente cette vapeur ?
R -Cette vapeur ainsi imprégnée de l’esprit
universel, qui n’est autre chose que la véritable Étoile
Flamboyante, représente assez bien le premier chaos,
dans lequel se trouvait renfermé tout ce qui était
nécessaire à la Création, c’est-à-dire la matière et la
forme universelle.
D -Ne peut-on pas aussi employer l’argent-vif
vulgaire dans ce procédé ?
R -Non, parce que, comme il a déjà été dit, l’argent-
vif vulgaire n’a pas avec lui l’agent externe.
D -Comment cela est-il désigné en Maçonnerie ?
R -Par le mot de vulgaire ou profane, en nommant
tel ou tel sujet qui n’est pas propre à l’Œuvre
maçonnique. C’est dans ce sens qu’il faut entendre le
couplet « Vous qui du vulgaire stupide, etc. » Il est
appelé stupide, parce qu’il n’a pas de vie en soi.
D -D’où provient que l’argent-vif vulgaire n’a pas
avec lui son agent externe ?
R -De ce que lors de l’élévation de la double vapeur,
la commotion est si grande et si subite, qu’elle fait
évaporer l’esprit ou l’agent, à peu près comme il
arrive dans la fusion des métaux ; de sorte que la
seule partie mercurielle reste privée de son mâle ou
agent sulfureux, ce qui fait qu’elle ne peut jamais être
transmuée en or par la Nature.
D -Combien de sortes d’or distinguent les
Philosophes ?
R -Trois sortes : l’or astral, l’or élémentaire, et l’or
vulgaire.
D.Qu’est-ce que l’or astral ?
R -L’or astral a son centre dans le Soleil, qui le

166
communique par ses rayons en même temps que sa
lumière, à tous les êtres qui lui sont inférieurs : c’est
une substance ignée et qui reçoit une continuelle
émanation des corpuscules solaires, qui pénètre tout
ce qui est sensitif, végétatif et minéral.
D -Est-ce dans ce sens qu’il faut considérer le Soleil,
peint au tableau des premiers grades de l’Ordre ?
R -Sans difficultés ; toutes les autres interprétations
sont des voiles pour déguiser au candidat les vérités
philosophiques qu’il ne doit point apercevoir du
premier coup d’œil, et sur lesquels il faut que son
esprit et ses méditations s’exercent.
D -Qu’entendez-vous par l’or élémentaire ?
R -C’est la plus pure et la plus fixe portion des
éléments et de toutes les substances qui en sont
composées, de sorte que tous les êtres sublunaires
des trois genres contiennent dans leur centre un
précieux grain de cet or élémentaire.
D -Comment est-il figuré chez nos Frères les
Maçons ?
R -Ainsi que le Soleil au tableau indique l’or astral,
la Lune signifie son règne sur tous les corps
sublunaires qui lui sont subjacents, contenant en leur
centre le grain fixe de l’or élémentaire.
D -Expliquez-moi l’or vulgaire.
R -C’est le plus beau métal que nous voyons et que
la Nature puisse produire, aussi parfait en soi
qu’inaltérable.
D -Où trouve-t-on sa désignation au symbole de l’Art
Royal ?
R -Dans les trois médailles, etc. Le triangle, le
compas et tous les autres bijoux ou instruments
représentatifs, comme d’or pur.
D -De quelle espèce d’or est la Pierre des
Philosophes ?
R -Elle est la seconde espèce, comme étant la plus

167
pure portion de tous les éléments métalliques, après
sa purification, et alors il est appelé or-vif
philosophique.
D -Que signifie le nombre 4 adopté dans le grand
Écossisme de Saint-André d’Écosse, le complément
des progressions maçonniques ?
R -Outre le parfait équilibre et la parfaite égalité
des 4 éléments dans la pierre physique, il signifie 4
choses qu’il faut nécessairement pour
l’accomplissement de l’Œuvre, qui sont : composition,
altération, mixtion, et union. Lesquelles une fois faites
dans les règles de l’art, donneront le fils légitime du
Soleil, et produiront le Phénix toujours renaissant de
ses cendres.
D -Qu’est-ce que c’est proprement que l’or-vif des
Philosophes ?
R -Ce n’est autre chose que le feu du mercure, ou
cette vertu ignée renfermée dans l’humide radical, à
qui il a déjà communiqué la fixité et la nature du
soufre, d’où il est émané le soufre des Philosophes, ne
laissant pas aussi d’être appelé mercure, à cause que
toute sa substance est mercurielle.
D -Quels autres noms les Philosophes donnent-ils à
leur or-vif ?
R -Ils l’appellent aussi leur soufre-vif ou leur vrai
feu, et il se trouve renfermé en tous les corps, et nuls
corps ne peuvent subsister sans lui.
D -Où faut-il chercher notre or-vif ou notre soufre-
vif, et notre vrai feu ?
R -Dans la maison du mercure.
D -De quoi ce feu vit-il ?
R -De l’air.
D -Donnez-moi une comparaison du pouvoir de ce
feu.
R -Pour exprimer cette attraction du feu interne, on
ne peut pas donner une meilleure comparaison que

168
celle de la foudre, qui n’est d’abord qu’une exhalaison
sèche et terrestre, unie à une vapeur humide, mais
qui, à force de s’exalter, venant à prendre la nature
ignée, agit sur l’humide qui lui est inhérent, qu’elle
attire à soi et transmue en sa nature, après quoi elle
se précipite avec rapidité vers la terre, où elle est
attirée par une nature fixe semblable à la sienne.
D -Que doit faire le Philosophe après qu’il aura
extrait son mercure ?
R -Il doit l’amener ou réduire de puissance en acte.
D -La Nature ne peut-elle pas faire de même ?
R -Non, parce qu’après une première sublimation,
elle s’arrête, et de la matière ainsi disposée,
s’engendrent les métaux.
D -Qu’entendent les Philosophes par leur or et leur
argent ?
R -Les Philosophes donnent le nom d’or à leur
soufre, et celui d’argent à leur mercure.
D -D’où les tirent-ils ?
R -Je vous ai déjà dit qu’ils les tirent d’un corps
homogène où ils se trouvent avec abondance, et d’où
ils les savent extraire l’un et l’autre par un moyen
admirable et tout à fait philosophique.
D -Dès que cette opération sera dûment faite, que
doit-on faire ensuite ?
R -On doit faire son mélange, ou amalgame
philosophique, avec une très grande industrie, lequel
pourtant ne se peut exécuter qu’après la sublimation
du mercure et sa due préparation.
D -Dans quel temps unissez-vous votre matière avec
l’or-vif ?
R -Ce n’est que dans le temps qu’on l’amalgame ;
c’est-à-dire par le moyen de cet amalgame, on
introduit en lui le soufre, pour ne faire ensemble
qu’une même substance, et par l’addition de ce soufre
l’ouvrage est abrégé et la teinture augmentée.

169
D -Que contient le centre de l’humide radical ?
R -Il contient et cache le soufre qui est couvert
d’une écorce dure.
D -Que faut-il faire pour l’appliquer au Grand
Œuvre ?
R -Il faut le retirer de ses prisons avec beaucoup
d’art et par la voie de la putréfaction.
D -La Nature a-t-elle dans les mines un menstrue
convenable propre à dissoudre et à délivrer ce
soufre ?
R -Non, à cause qu’il n’a pas un mouvement local,
car si elle pouvait derechef dissoudre, putréfier et
purifier le corps métallique, elle nous donnerait elle-
même la pierre physique, c’est-à-dire un soufre exalté
et multiplié en vertu.
D -Comment m’expliquerez-vous par un exemple
cette doctrine ?
R -C’est encore par la comparaison d’un fruit ou
d’un grain qui est derechef mis dans une terre
convenable pour y pourrir et ensuite pour multiplier ;
or le Philosophe qui connaît le bon grain, le tire de
son centre, le jette dans la terre qui lui est propre,
après l’avoir bien fumée et préparée, et là, il se
sublimise tellement que sa vertu prolifique s’étend et
se multiplie à l’infini.
D -En quoi consiste donc tout le secret pour la
semence ?
R -À bien connaître la terre qui lui est propre.
D -Qu’entendez-vous par la semence dans l’Œuvre
des Philosophes ?
R -J’entends le chaud inné, ou l’esprit spécifique,
renfermé dans l’humide radical, ou la moyenne
substance de l’argent-vif, qui est proprement le
sperme des métaux, lequel renferme en soi sa
semence.
(Note : orthographié « chaux » dans le manuscrit

170
original)
D -Comment délivrez-vous le soufre de ses prisons ?
R -Par la putréfaction.
D -Quelle est la terre des minéraux ?
R -C’est leur propre menstrue.
D -Quel soin doit avoir le Philosophe pour en tirer le
parti qu’il désire ?
R -Il faut qu’il ait un grand soin de purger de ses
vapeurs fétides et soufres impurs, après quoi on y
jette la semence.
D -Quel indice peut avoir l’Artiste qu’il soit sur le
bon chemin au commencement de son Œuvre ?
R -Quand il verra qu’au temps de la dissolution, le
dissolvant et la chose dissoute demeureront ensemble
sous une même forme et matière.
D -Combien de solutions y a-t-il dans l’Œuvre
philosophique ?
R -Il y en a trois, nombre par cette raison
mystérieux et respectable aux Maçons. La première
est celle du corps cru et métallique, la seconde celle
du corps physique, et la troisième, celle de la terre
minérale.
D -Comment par la première solution peut-on
réduire un corps métallique en mercure, puis en
soufre ?
R -Par le feu occulte artificiel, ou l’Étoile
Flamboyante.
D -Comment se fait cette opération ?
R -En tirant d’abord du sujet le mercure, ou la
vapeur des éléments, et après l’avoir purifiée, s’en
servir à sortir le soufre de ses enveloppes par la voie
de la corruption, dont le signe est la noirceur.
D -Comment se fait la seconde solution ?
R -Quand le corps physique se résout avec les deux
substances susdites, et acquiert la nature céleste.
D -Quel nom donnent les Philosophes à la matière

171
dans ce temps ?
R -Ils l’appellent leur chaos physique, et pour lors
c’est la vraie matière première qui n’est proprement
dite telle qu’après la jonction du mâle qui est le soufre
et la femelle qui est le mercure, et non pas
auparavant.
D -À quoi se rapporte la troisième solution ?
R -Elle est l’humectation de la terre minérale, et
elle a un entier rapport à la multiplication.
D -Est-ce dans ce sens qu’il faut entendre la
multiplication usitée dans les nombres maçonniques ?
R -Oui, nommément celle du nombre trois, pour le
conduire à son cube, par les progressions connues de
3. 9. 27. 81.
D -De quel feu doit-on se servir dans notre Œuvre ?
R -Du feu dont se sert la Nature.
D -Quel pouvoir a ce feu ?
R -Il dissout toutes choses dans le monde, parce
qu’il est le principe de toute dissolution et corruption.
D -Pourquoi l’appelle-t-on aussi mercure ?
R -Parce qu’il est de la nature aérienne et une
vapeur très subtile participant toutefois du soufre,
d’où il a tiré quelques souillures.
D -Où est caché ce feu ?
R -Il est caché dans le secret de l’Art.
D -Qui est-ce qui peut connaître et former ce feu ?
R -Le sage peut construire et purifier ce feu.
D -Quels pouvoirs et qualités ce feu a-t-il en soi ?
R -Il est très sec, et dans un continuel mouvement,
et ne demande qu’à corrompre et à tirer les choses de
puissance en acte ; c’est lui enfin qui, rencontrant
dans les mines des lieux solides, circule en forme de
vapeurs sur la matière, et la dissout.
D -Comment connaîtrait-on plus facilement ce feu ?
R -Par les excréments sulfureux où il est enfermé et
par l’habillement salin dont il est revêtu.

172
D -Que faut-il à ce feu pour qu’il puisse mieux
s’insinuer dans le genre féminin ?
R -À cause de son extrême siccité, il a besoin d’être
humecté.
D -Combien y a-t-il de feux philosophiques ?
R -Il y en a de trois sortes, qui sont le naturel,
l’innaturel et le contre nature.
D -Expliquez-moi ces sortes de feux.
R -Le feu naturel est le feu masculin ou le principal
agent ; l’innaturel est le féminin, ou le dissolvant de la
Nature, nourrissant et prenant la forme de fumée
blanche, lequel s’évanouit aisément quand il est sous
cette forme, si on n’y prend bien garde, et il est
presque incompréhensible, quoique par la sublimation
philosophique il devienne corporel et resplendissant.
Le feu contre nature est celui qui corrompt le
composé, et le pouvoir de délier ce que la Nature
avait fortement lié.
D -Où se trouve notre matière ?
R -Elle se trouve partout, mais il faut la chercher
spécialement dans la nature métallique, où elle se
trouve plus facilement qu’ailleurs.
D -Laquelle doit-on préférer à toutes les autres ?
R -On doit préférer la plus mûre, la plus propre et la
plus facile, mais il faut prendre garde surtout que
l’essence métallique y soit non seulement en
puissance mais aussi en acte, et qu’il y ait une
splendeur métallique.
D -Tout est-il renfermé dans ce sujet ?
R -Oui, mais il faut pourtant secourir la Nature, afin
que l’ouvrage soit mieux et plus tôt fait, et cela par les
moyens que l’on connaît dans les autres grades.
D -Ce sujet est-il d’un grand prix ?
R -Il est vil et n’a aucune élégance en soi, et si
quelques-uns disent qu’il est vendable, ils ont égard à
l’espèce, mais au fond il ne se vend point parce qu’il

173
n’est utile que pour notre Œuvre.
D -Que contient notre matière ?
R -Elle contient le sel, le soufre, et le mercure.
D -Quelle est l’opération que l’on doit apprendre à
faire ?
R -Il faut savoir extraire le sel, le soufre et le
mercure, l’un après l’autre.
D -Comment cela se fait-il ?
R -Par la seule et complète sublimation.
D -Qu’extrait-on d’abord ?
R -On tire d’abord le mercure, en forme de fumée
blanche.
D -Que vient-il après ?
R -L’eau ignée ou le soufre.
D -Que faut-il faire ensuite ?
R -Il faut le dissoudre avec le sel purifié, volatilisant
d’abord le fixe, et puis fixant le volatil en terre
précieuse, laquelle est le véritable vase des
Philosophes et de toutes perfections.
D -Ne pourriez-vous pas mettre tout à coup sous les
yeux et réunir comme en seul point les principes, les
formes, les vérités et les caractères essentiels de la
science des Philosophes, ainsi que du procédé
méthodique de l’Œuvre ?
R -Un morceau lyrique composé par un ancien
savant Philosophe qui joignait à la solidité de la
science le talent agréable de badiner avec les Muses,
peut remplir à cet égard ce que vous me demandez.
Aucune science n’étant effectivement étrangère aux
Enfants de la Science, cette ode, quoiqu’en langue
italienne, la plus propre à peindre des idées sublimes,
trouve ici sa place.

ODE

174
Era della nulla uscito
Il tenebro chaos ; massa difforme ;
Al primo suon d’Onnipotente labbro
Parea chi patorito
Il disordin l’avesse, anzi che Fabro
Stato ne fosse un Dio, tanto era informe ;
Stavano inoperose
In lui tutte le cose
E senza Spirito divisor confuso
Ogni elemento in lui stava racchiuso.

Or chi ridir potrebbe


Come formossi il Ciel, la Terra, il Mare,
(Si leggier’ in lor stessi, e vasti in mole ?)
Chipuo suelar com’ebbe,
Luce, e moto lassù, la Luna el’Sole ;
Stato, e forma quaggiu, quanto n’appare :
Chi mai comprender come
Ogni cosa ebbe nome
Spirito quantita Legge, e misura
Da quella massa inordinata impura.

O del divin Hermete


Emoli Figli, à cui l’arte paterna
Fa che natura appar senza alcun velo
Voi Sol, Sol voi sapete
Come mai fabrico la Terra, e’l Cielo
Dall’indistinto Cahos la mano eterna.
La grande opera vostra
Chiaramente vi mostra
Che Dio nel modo isresto, onde è prodotto
Il fisico elissir, compose il tutto.

Ma di ritrar non vaglio


Con debil penna un pragon si vasto
Jo non esperto ancor Figlio dell’arte,

175
Se ben certo b raglio
Scoprono al guardo moi le vostre carte.
Se ben m’è noto il provido Illiasto
Se ben non m’è nascosto
Il mirabil composto,
Per cui Voi di potenza avete estratto
La purita degli elementi in atto.

Se ben da me s’intende
Ch’altro non è vostro mercurio ignoto
Ch’un vivo Spirito universale innato
Che dal Sole discende
In aëreo vapor sempre agitato
Ad empier della Terra il centro voto :
Che di qua poi se n’esce
Tra solsi impuri, e cresce
Di volatile in fisso, e presa forma
D’umido radical se stesso informa.

Se ben io so, che senza


Sigillarsi de vetro il vaso ovale
Non di ferma in lui vapore illustra

Che se pronta assistenza


Non ha d’occhio Linceo, di mano industre.
More il candido infante al suo natale,
Che piu nol ciban poi
I primi umori suoi
Come l’Uom, che nel utero si pasce
D’impuro sangue, e poi di latte in fasce.

Se ben so tanto ; pare


Oggi in prova con voi uscir non oso
Che anche le errori altrui dubbio mi fanno.
Me, se l’invide cure
Nella vostra pieta luogo non hanno

176
Voi togliete all’ingegno il cor dubbioso.
Se’l magistero vostro
Distintamente io mostro
In questi fogli miei ; deb fate omai
Che sol legga in riposta : opra che’l sai.

Quando s’ingannan mai gli Uomini ignari


Dell’hermetica sciencia
Che al suon della parola
Applican sol consentimenti avari
Quindi i nomi volgari
D’argento vivo, e oro,
S’accingono al avoro,
E con l’oro commun a foco lento
Credon fermare il fuggitivo argento.

Ma se agli occulti sensi apron la mente


Ben vedon manifesto
Che manca à quello, e à questo
Quel foco universal ch è spirto agente
Spirto, che in violente
Fiemma d’ampia fornace
Abbandona fugace
Ogni metal, che senza vivo moto
Fuor della sua miniera è corpo immoto.

Altro mercurio, altr oro Hermete addita


Mercurio humido, e caldo
Al foco ogn’or più saldo
Oro, ch’è tutto fuoco, e tutto vita
Differenza infinita
Non sia ch’or manifesti
Da quei volgo questi
Quei corpi morti son, di spirto privi,
Questi spirti corporei, e sempre vivi.

177
O gran lercurio nostro, in te s’aduna
Argento, e oro estratto
Dalla potenza in atto
Mercurio tutto Sol, Sol tutto Luna,
Trina sostanza in una :
Una che in tre si spande.
O meraviglia grande
Mercurio, solfo, e sal, voi m’apprendete
Che in tre sostanze voi Sol una siete.

Ma dov’è mai questo mercurio aurato


Che sciolto in solfo, e sale
Umido radicale
Dei metalli divien seme animato :
Ah ch’egli è imprigionato
In carcere si dura,
Che perfin la natura
Rtitrar nol pruo dalla prigion alpestra
Si non apre le vie arte maestra.

L’arte dunque si fa ? Ministra accorta


Di natura operosa
Con fiamma vaporosa
Purga il sentiero, e alla prigion ne porta
He non altra scorta
Non con mezzo migliore
D’un continuo calore
Si soccorre à natura ; ond’ella poi
Scoglie al nostro mercurio i ceppi suoi.

Sî sî questo mercurio animi indotti


Sol cercar voi dovete
Che in lui solo potete
Trovar cio, che desian gl’ingegni dotti
In lui gia son ridotti
In prossima potenza

178
E Luna, e Sol, che senza
Oro, e argento del volgo, uniti insieme
Son dell’, e l’oro il vero seme.

Pur ogni seme si vede


Se incorrotto, e integro
Non marcisce, e vien negro.
Al generar la corruzion precede
Tal natura provede
Nell’opere sue vivaci
E noi di lei segnaci
Se non produre abotti al fin vogliano
Pria negreggiar, che biancheggiar dobbiamo.

O voi, che à fabricar, l’oro per arte


Non mai stanchi tracte
Da continuo carbon fiamme incessanti
E i vostri misti in tanti modi, e tanti
Or fermate, or scogliere,
Or tutti sciolti, or congelati in parte :
Quindi in remota parte
Farfalle affumicate, e notte, e giorno
State vegliando a stolti fochi intorno.

Dal’insane fatiche onmai cessate


Nè più cieca speranza
Il credulo pensier col fumo indori
Son l’opre vostre inutile sudori :
Ch’entro squallida stanza
Sol vi stampan sul volto ore stantate.
A che fiamme obstinate ?
Non carbon violento, accessi faggi
Per l’hermetica pietra usano i faggi.

Col foco, onde sotterra al tutto giova,


Natura, arte lavora

179
Che imitar la natura arte sol deve :
Foco che vaporoso, è non è leve,
Che nutre, e non divora
Ch’è naturale, e l’artificio il trova
Arrido, e fa piova,
Umido, e ogn’or dissecca, aqua che stagna,
Aqua che lava i corpi, e man non bagna.

Con tal foco lavora l’arte fugace


D’infaillibil natura
Ch’ove questo manco, quella supplisce :
Indcomincia natura, arte finisce
Che Sol l’arte depura
Cio che a purgar, natura era incapace,
L’arte è sempre sagace,
Semplice èla natura, onde se scaltra
Non spiana una le vie, s’attesta l’altra.

Donde à che pro tnte sostanze e tante


In ritorte, in Lambicchi,
S’unica è la material, e in ogni loco
L’hanno i poveri, e i ricchi
A tutti sconosciuta, e a tutti innante
Abjetta al volgo errante
Che per fango à vil prezzo ogn’or la vende,
Prezioza al Philosopho, che intende.

Questa maria Sol tanto avvilita


Cerchia gl’ingegni accorti,
Che in lei quanto desian, tanto s’aduna.
In lei chiudonsi uniti, e Sole, e Luna,
Non volgari, non morti.
In lei chiudesi il foco, onde han la vita ;
Ella da l’acqua ignata
Ella la terra fissa, ella da tutto
Che infin bisogna à un intelletto istratto.

180
Mai voi senza osservar che un sol composto
Al Filosofo basta
Più ne prendente inman Cimici ignari
Ei cuoce in un sol vaso a i rai solari
Un vapor, che s’impasta,
Voi mille paste al foco avete esposto :
Cosi mentre ha composto
Dal nulla il tutto Iddio, voi finalmernte
Tornare in tutto al primitivo niente.

Non molli gomme, os escrementi duri


Non sangue, o sperma humano
Non uve acerbe, o quinte essenze erbali
Non acque acute, o corrosivi sali
Non vitriol romano,
Arridi tachi, od antimoni imputi,
Non soldor, non mercuri
Non metalli del volgo, al fin adopra
Un artifice esperto a la grand’opra.

Tanti misti a che pio, l’alta scienza


Solo in una radice
Tutto restringe il Magisterio nostro :
Questa, che già qual sia chiaro v’ho mostro,
Forse più che non lice ;
Due sostanze contien, ch’hanno una essenza
Sostanze, che in potenza
Sono argent’e sono oro ; e in atto poi
Vengono, se i lor pesi uguagliam noi.

Si che in atto, si fanno argento e oro


Anzi uguagliate in peso
La volante si fissa in solfo aurato :
Solfo tuttu tesoro
Fondamento dell’arte, in cui natura

181
Decoce l’or, & in elissir matura.

D -Quelle heure est-il quand le Philosophe


commence son travail ?
R -Le point du jour, car il ne doit jamais se relâcher
de son activité.
D -Quand repose-t-il ?
R -Lorsque l’Œuvre est à sa perfection.
D -Quelle heure est-il à la fin de l’ouvrage ?
R -Midi plein, c’est-à-dire l’instant où le Soleil est
dans sa plus grande force, et le fils de cet astre est
dans sa plus brillante splendeur.
D -Quel est le mot de la magnésie ?
R -Vous savez si je puis et dois répondre à la
question (Je garde la parole.)
D -Donnez-moi les mots de ralliement des
Philosophes.
R -Commencez, je vous répondrai.
D -Êtes-vous Apprentif Philosophe ?
R -Mes amis et les Sages me connaissent.
D -Quel est l’âge d’un Philosophe ?
R -Depuis l’instant de ses recherches, jusqu’à celui
de ses découvertes, il ne vieillit point.

(N.B. Si tous les Catéchismes de Maçonnerie


étaient aussi instructifs que celui-là et ceux des autres
grades de cette partie, que j’espère communiquer un
jour au public s’il accueille cette ébauche, il est à
croire que l’on s’appliquerait davantage à se
ressouvenir des questions de l’Ordre, mais leur
sécheresse fatigue la mémoire, perd le temps et
rebute l’esprit.

L’on a eu soin de mettre en lettres italiques toutes


les questions et réponses qui sont absolument

182
directes à la Maçonnerie ou qui en émanent, pour la
facilité des intelligents en cette partie, attendu que
l’objet purement philosophique contenu en ce grade,
ou Sublime Philosophe Inconnu, peut être également
à ceux qui ne sont pas Maçons, y ayant beaucoup de
curieux et d’amateurs de la Science qui, sans être
imbus des principes de l’Art Royal, s’appliquent aux
recherches curieuses de la Nature. Et en effet le sort
d’une chose bonne est de pouvoir l’être généralement
pour tout le monde, sans que telle ou telle qualité
prise d’une société particulière puisse exclure de sa
participation. Le reproche que l’on a fait de tout
temps à la Maçonnerie étant de dire que, puisque par
son régime elle doit rendre les hommes heureux, il est
absurde que ses connaissances soient absolument
réservées à une poignée d’êtres, qui par état sont
tenus d’en faire un mystère. L’objection cesse
totalement s’il est vrai que la science des Maçons et
leur but positif sont la Philosophie hermétique, telle
que l’on vient de la détailler. Je ne cautionnerais pas
cette vérité, en supposant que c’en soit une, parce
que je me suis imposé la loi de ne présenter jamais
mon opinion particulière comme une règle de
décision ; et qu’il convient à la modestie de toute
personne qui se mêle d’écrire, sans prétendre former
de système, de laisser à chacun la liberté des
combinaisons, sauf à fixer par des raisonnements
solides, les irrésolutions de ceux qui voudraient bien
le consulter. Pour mon goût personnel, j’aimerais
assez que la chose des Maçons fût effectivement la
découverte du Grand Œuvre. J’y trouve de grandes
probabilités, et il est constant qu’en anatomisant
plusieurs de ce qu’on appelle grands grades, en
écartant le mysticisme des uns, les entours fabuleux
des autres, on les tournerait aisément à la spéculation
physique, dont au fond ils semblent vouloir établir les

183
principes. Un seul exemple le prouve : les faux
schismes de Rose+Croix, traités avec l’appareil pieux,
vague, lugubre et brillant dont on les surcharge en
certaines Loges, n’offrent à l’esprit de celui que l’on
initie que l’action sainte, des mystères révérés que
l’on peut voir décrits en des livres que ce grade copie,
pour ainsi dire ; et ce n’est plus à beaucoup près, la
véritable Rose+Croix, tel qu’il fut dans sa très
ancienne origine ; cependant, à qui voudrait le
décomposer en suivant exactement les mêmes
surfaces, sous des analogies philosophiques, y
trouverait infailliblement le grain fixe, si ce terme est
permis, des éléments de la science d’Hermès.

Et la signature même des Maçons orgueilleux de ce


grade, F :. R :. C :., ne signifie autre chose que fratres
roris cocti - le grade du Phénix – que quelques-uns
apprécient beaucoup plus qu’il ne vaut, revient
entièrement à cette partie ; le Tetragrammaton, le
Stibium, le Pentacule, sont des emblèmes précis. De
faux docteurs y ajoutent de très fausses recettes,
contenues en une manière de procédé prescrit pour la
perfection du Stibium. Ces erreurs ne trompent pas le
Sage ; c’est à lui de les rectifier. Il est toujours bien
flatteur pour les Maçons de pouvoir aspirer à cette
qualité, et se parer d’un titre qui fait honneur à
l’esprit, annonce la pureté du cœur, et rassemble des
ouvriers intelligents dont le but est d’aider et
d’éclairer l’humanité.)

184
CHAPITRE X : ROYAL ARCHE

PREMIER GRADE PHILOSOPHIQUE

Depuis le temps où ces illustres Écossais


continuèrent à se distinguer dans la Terre Sainte lors
des Croisades, il ne plut pas à l’Être Suprême, pour
qui ils combattaient, de donner à leurs armes le
succès qu’ils en espéraient, mais leur ferveur n’en fut
pas ralentie, ni leur espoir entièrement perdu. Leur
retour en Europe, ainsi que celui des Chevaliers
d’Occident, avec lesquels ils acquirent leur plus
grande célébrité, tant par leurs hauts faits que par
leur richesse et leur puissance terminera cette
histoire.

Il faut auparavant instruire la postérité maçonnique


d’un événement d’autant plus intéressant qu’il nous a
transmis le mystère par excellence de l’Art Royal. Le
hasard semble en avoir produit la découverte ; ainsi
qu’il enfante les plus grandes choses par la plus petite
des causes.

Pour l’intelligence du fait, il est nécessaire de dire


qu’indépendamment des mystères attachés à chacun
des différents grades de la première Maçonnerie,

185
qu’on ne perd jamais de vue ; il y avait le grand secret
que le sage Salomon ne confia qu’à Hiram, roi de Tyr,
avec lequel il avait contracté la plus étroite alliance,
et à Hiram-abif, ce célèbre ouvrier dans l’art des
métaux, ainsi que dans l’architecture ; le Vén :. M :.
Hiram-abif ayant été assassiné, le grand secret
demeura entre les deux monarques qui avaient juré de
ne jamais le communiquer, qu’ils ne fussent trois –
cependant plusieurs MM :. distingués demandèrent à
Salomon et le supplièrent de leur accorder la grâce de
les admettre à ce sublime grade, mais le sage Prince,
fidèle à son serment, leur dit : « Allez, travaillez,
persévérez, et un jour le G :.A :. vous le donnera. »

Cette promesse s’est accomplie, comme on le verra


par la suite. Salomon et son illustre allié moururent.
Ce profond mystère resta enseveli sous les ruines du
Temple ancien et renouvelé. Ces grands personnages
avaient construit eux-mêmes dans un souterrain
inconnu et très profond, une Loge particulière, où
s’opéraient des trav :. dignes de l’immensité des
connaissances dont le Suprême Dispensateur les avait
doués. Comme ce lieu n’avait aucune issue pénétrable
ni visible, ni même qu’on pût soupçonner, le hasard
seul ou une inspiration particulière et surnaturelle
pouvaient en occasionner la découverte.

En effet, quelques FF :. voulant fouiller les


décombres du Temple (après son entière destruction
par Titus) pour la plus grande commodité de leur
résidence, l’un d’eux, nommé Jabulum, d’une ancienne
race des premiers Maçons, ayant engagé sa pioche
dans un anneau d’airain, appela ses FF :. ; et, ayant
examiné l’endroit avec attention, ils aperçurent une
trappe de même métal, qu’ils n’ébranlèrent qu’avec
beaucoup de peine ; mais avec des leviers, ils

186
parvinrent à l’ébranler. Cette opération leur découvrit
un entonnoir pratiqué dans le roc, fort obscur, et dont
on n’atteignait pas même le fond. Jabulum, plein
d’ardeur et de zèle, s’offrit d’y descendre ; et, pour la
sûreté, il se fit ceindre le corps d’une forte corde, en
indiquant un signal pour le retirer.

À peine fut-il dans le souterrain, qu’il aperçut qu’il


était miné et revêtu de grandes arcades, construites
les unes sur les autres. L’horreur des ténèbres et la
fraîcheur du lieu suspendaient l’ardeur de Jabulum ;
étant rendu à la troisième arcade, il fit le signal pour
le retirer, ce que les autres Maîtres ayant fait, ils lui
demandèrent ce qu’il avait vu : « Une voûte
effroyable, répondit-il, capable d’effrayer le courage
le plus intrépide, cependant, si quelqu’un veut
m’accompagner dans cette caverne immense, j’y
descendrai encore. »

Personne ne s’offrant, il poursuivit seul son


entreprise, il pénétra plus avant dans le souterrain. Sa
profondeur sans bornes le fit frémir de nouveau.
Sentant ses sens se glacer, il donna 6 secousses à la
corde pour le retirer. Ayant repris haleine, et loin
d’être vaincu par les obstacles et le danger, il ne fut
que plus animé du désir de parvenir à son but ; il prit
donc un flambeau, invoqua le nom de l’Éternel, et
courut de nouveaux hasards. Son zèle fut enfin
récompensé ; la promesse de Salomon fut accomplie.
Étant parvenu à la neuvième arche, un pan de la
muraille du fond se détacha ; il fut aussitôt ébloui par
les rayons d’un soleil qui dardait perpendiculairement
sur un autel doré, dont le frontispice triangulaire lui
annonçait par les lettres initiales S :. R :. – H :. R :.
H :. A :. (Salomon Roi ; Hiram Roi ; Hiram-abif) que
c’était le lieu où ces illustres arch :. se retiraient pour

187
célébrer leurs grands mystères. Son premier
mouvement fut de faire une génuflexion, la main
droite sur les yeux et renversée (digne de respect et
d’admiration). Il approcha ensuite de l’autel, y puisa la
connaissance du grand mystère, avec la condition,
sous les plus grandes peines, de n’en être jamais que
trois possesseurs.

Jabulum enchanté de la découverte, en rendit grâce


au Très-Haut et tira la corde pour la dernière fois. Il
arriva plein de la joiela plus pure et de la plus grande
satisfaction.

Tous les FF :. l’environnèrent, lui donnèrent


l’accolade fraternelle, en s’écriant : « Jabulum est un
bon Maçon ! » Il leur dit ce qu’il avait vu, et leur
cacha soigneusement ce qu’il avait appris.

La réception de ce grade serait trop dispendieuse si


l’on voulait faire la représentation du souterrain et
figurer exactement ce que fit Jabulum. On peut donc
donner ce grade uniquement par communication.
L’histoire en fait toute l’instruction. En voici les
signes, paroles et attouchements.

SIGNES

Les deux bras ouverts, comme un prêtre qui dit :


Dominus Vobiscum, la main droite renversée, et une
génuflexion.

(Note : Il y en a qui font les mêmes signes comme


ici, excepté qu’au lieu de le terminer par une
génuflexion, ils reculent un peu le corps, comme dans
un mouvement de surprise.
La réponse à ce signe est de mettre la main droite

188
devant les yeux, le genou droit en terre, et la main
gauche derrière le dos.
On voit par là que le signe ci-dessus est le même
que ce dernier, à cela près seulement que le même
F :. y fait ce que les deux font en demande et en
réponse, dans celui-ci.)

ATTOUCHEMENT

Se soulever mutuellement par le coude, comme si


l’on se retirait d’un précipice, en disant : « Jabulum
est un bon Maçon. »

MOT

La parole se donne sous le coude par trois syllabes :


Ja – bu – lum.

MOT DE PASSE

Le mot de passe est : Je suis ce que je suis.

L’attribut est un large cordon jaune, avec un bijou


de neuf arches l’une dans l’autre, sur le frontispice
desquelles sont les lettres S :. R :. H :. R :. H :. A :.

189
CHAPITRE XI : LE CHEVALIER DU
SOLEIL

OU L’ADEPTE MODERNE

(VIRTUTE MERUERE LUMEN)

La Loge de Chev :. du Soleil ne doit être éclairée


que par une seule lumière ; attendu qu’il n’y en
qu’une dans le monde dont il tire sa clarté. De même
qu’il n’y a qu’une seule Loge qui est celle qu’Adam
reçut de Dieu. Le mieux est de placer cette lumière
dans un soleil transparent qui la réfléchit à toute la
Loge.

Lorsqu’il s’agit d’une réception, le Vén :. s’appelle


Adam, Le M :. des Cérémonies, qui tient lieu de
Surv :., s’appelle en ce cas Vérité. Tous les FF :. se
nomment Cherubim.

Dans ce dernier grade, qui est le point de


perfection, on ne porte point de tablier. Adam, en
Loge, porte un sceptre au bout du quel est un globe,
parce qu’il fut constitué premier roi du monde et créé
père de tous les hommes.

190
La Vérité porte un bâton blanc au bout duquel est
un œil d’or. Le bijou de la Loge est un cercle dans
lequel est un soleil d’or, au milieu d’un triangle de
même métal, et suspendu à une chaîne d’or (et, selon
d’autres, à une chaîne verte.)

OUVERTURE

Pour ouvrir la Loge, Adam demande au F :. Vérité :


D -Quel temps fait-il ?
R -Il est minuit sur la terre, et le soleil est en son
midi dans cette Loge.
D -Profitons, mon F :., de la faveur de cet astre,
pour nous instruire dans la recherche de la vérité.

Alors Adam fait le frappement du grade, qui est six


coups en double Apprentif. Il fait le signe à tous les
FF :., qui en font la réponse comme il sera dit ci-après.

RÉCEPTION

Le Récipiendaire se présente seul à la porte, les


yeux bandés, et fait le frappement qu’on a eu soin de
lui montrer.

On ouvre pour lui demander ce qu’il souhaite. Il


répond qu’il veut voir la vraie lumière de Vérité, et se
dépouiller des préjugés de l’erreur et du mensonge
dans lesquels sont tombés les hommes par l’orgueil et
la cupidité des richesses.

Adam ordonne alors au F. Vérité d’introduire le


Récip :. au centre du vrai bonheur. Le F :. Vérité ouvre
la porte, prend le candidat, et le place au milieu de la
loge tracée qui dans ce moment doit être couverte
d’un tapis noir.

191
Lorsqu’il y est placé, Adam lui dit :
Mon fils, puisque par votre travail dans l’Art Royal
de la Maçonnerie vous êtes parvenu au point de
désirer connaître la vérité, il faut vous la montrer. Il
vous sera facile de la connaître : elle est toute nue.
Elle est enfermée par la crainte mondaine qui lui a lié
les mains et les pieds. Le monde étant plein de
monstres dévorants, elle fut forcée de l’abandonner,
pour aller chercher dans les cieux une nouvelle
habitation. Cependant elle n’a pas dédaigné de rendre
aux hommes éclairés du reste de la lumière, des
vérités secrètes ; mais toutefois elle ne se montre pas
à visage découvert, et ne se fait connaître que par des
mouvements qu’elle procure à nos cœurs.

Vous êtes, mon cher fils, un de ceux à qui elle a


rendu cette vérité. Elle est avec vous présentement ;
c’est à vous de profiter de ses leçons. Il ne tient pas à
elle que vous ne la voyiez à découvert. Vous en êtes
digne par les épreuves que l’on a exigées de vous. Le
F :. Vérité va vous instruire de ce que vous devez
faire, pour parvenir à voir son auguste visage.

Ici on ôte le bandeau du récip :. et on découvre le


tableau.

Puis le F :. Vérité fait le discours suivant :


Mon cher F :., la vérité vous parle par ma bouche ;
c’est après avoir exigé de vous des épreuves dont elle
a été satisfaite, qu’elle vous a fait connaître dans la
Maçonnerie :
1 - Une bible, c’est-à-dire la Loi sainte et naturelle
de vos FF :.
2 - Un compas, pour vous apprendre à ne rien faire
par l’effet du hasard.

192
3 - Une équerre, pour réduire toutes vos actions à
une même fin, sans détour ni intérêt caché.
4 - Un niveau, pour être égal et équitable.
5 - Une perpendiculaire, pour être droit et ne pas se
laisser entraver par la force des ignorants et des
aveugles.
6 - Une pl :. à tracer vos dessins, c’est-à-dire une
raison, pour l’employer à ce qu’il y a de juste.
7 - Une pierre cubique, pour signe que vos actions
doivent être égales, par rapport au souverain bien.
8 - Une pierre brute, pour vous apprendre qu’il faut
vaincre et surmonter les passions et les vaines
pensées.
9 - Les colonnes, pour marquer qu’il faut être ferme
et inébranlable lorsque la vérité nous appelle.
10 - Une étoile flamboyante dans la Chambre du
Milieu et dans un autre endroit, la 3e Chambre, nous
apprend que le cœur doit être semblable à une étoile
lumineuse qui éclaire dans la nuit comme un soleil. De
même un bon Maçon, en se perfectionnant, devient
dans la suite un soleil qui éclaire ceux qui suivent son
exemple.
11 - Hiram massacré : pour vous apprendre qu’il est
difficile d’échapper aux préjugés et aux pièges que
l’ignorance tend tous les jours aux hommes les plus
vertueux.
12 - Un mot saint changé en mot profane, pour vous
apprendre que le commun des hommes ne s’attache
qu’à des mots, et n’admet que ce qui est composé de
superstitions.
13 - Une clef, pour fermer la porte de votre cœur à
tout ce qui est contraire à la raison éclairée de la
lumière de la vérité.
14 - Un coffre, pour y renfermer vos secrets, sur ce
que vous devez à Dieu et à votre prochain.
15 - Une urne, pour vous faire souvenir que votre

193
cœur doit être semblable à une urne remplie de
parfum délicieux, dont l’approche plaît à tout le
monde.
16 - Une mer d’airain, pour purifier le vice de
l’homme superstitieux et idolâtre, et devenir un
nouvel Adam produit par une deuxième création,
procurée en vous par la vérité.
17 - Vous avez vu, enfin, des cercles et des triangles
qui vous représentent l’immensité de l’Être Suprême
sous l’emblème de la sublime vérité.

En cet endroit, Adam dit :


Mon fils, ce que vous venez d’entendre de la bouche
de la Vérité est un abrégé des conséquences que vous
pouvez tirer de tous les grades différents que vous
avez parcourus dans la Maçonnerie. Il ne me reste
qu’à vous faire marquer que dans celui d’Élu, de tous
les favoris, il n’y en eut que neuf qui furent choisis
pour aller punir l’assassin d’Hiram ; c’est-à-dire que
beaucoup sont appelés à la vérité, mais que bien peu
ont le bonheur de la voir.

- Il faut, pour y parvenir, avoir écrasé le serpent de


l’ignorance mondaine, avant d’être admis au nombre
des enfants choisis. Hiram était la vérité sur la terre.
Abiram fut un monstre, une hydre à cent têtes. Plus
les Élus en abattent, plus ils se rendent dignes du
grade que vous allez obtenir.

- Il faut donc, mon fils, combattre sans cesse le


perturbateur, le chasser de votre cœur et de votre
conscience. Ce ne sera qu’en combattant pour la
vérité, que vous obtiendrez de la connaître. Vous
l’obtiendrez sans doute par la ferveur du zèle ardent
que vous avez montré jusqu’à ce jour.

194
Après ce discours, Adam fait avancer le candidat ; il
lui fait prêter son obligation, puis il l’embrasse au
front, comme étant le siège de l’âme. Ensuite il lui
met un collier d’or, au bas duquel pend un soleil dans
un triangle de même métal. Enfin il lui donne les
mots, signes et attouchement.

Le premier signe est de mettre la main droite sur


l’estomac. On y répond en élevant la main droite, les
doigts fermés excepté l’index, qui montre qu’il n’y a
qu’un seul Dieu, source de toute vérité.

Le mot est Adonai, qui signifie le seul et souverain


Être créateur de toutes choses.

Le mot de passe est Stibium, qui signifie matière


première, principe coopérateur de tout ce qui est
créé.

L’attouchement est de se prendre par les deux


mains, les unes dans les autres, et de la manière que
les deux mains de l’un se trouvent dans les deux
mains de l’autre.

EXPLICATION MORALE DU TABLEAU

Le soleil représente l’unité de l’Être Suprême ; car


comme il n’y a qu’un soleil, il n’y a non plus qu’un seul
Dieu, auquel nous devons adoration.

Le triangle dans lequel est renfermé le soleil


représente l’immensité de l’Être Suprême.

Les trois chandeliers représentent le cours de la vie


de l’homme, considéré dans la jeunesse, l’âge viril et
la vieillesse, éclairé par la lumière de la vérité.

195
Les quatre triangles représentent les quatre
principaux devoirs de la vie tranquille, qui sont : 1)
L’amour fraternel entre tous les hommes
généralement, et en particulier pour les FF :.
parvenus au même grade : n’avoir et ne posséder rien
qui ne puisse leur être utile dans le besoin. 2) Toutes
les choses qu’on ne peut vous démontrer, et tout ce
qui est connu sous le nom de mystères. 3) Ne faire à
son prochain que ce qu’on voudrait qui fut fait à soi-
même. 4) Attendre tout avec confiance de la bonté du
Créateur, lorsque nous passerons dans l’autre vie.

Les sept planètes représentent les sept principales


passions de la vie, utiles à l’homme quand il sait en
user avec modération, mais qui, lorsqu’on s’y
abandonne trop, deviennent péchés mortels, en ce
qu’elles nous privent d’une vie que nous devons
conserver par rapport à Dieu qui en est le principe et
aux yeux duquel rien n’est plus criminel que de
détruire le plus précieux de ses ouvrages.

Les sept cherubim représentent les délices de la


vie, qui sont, avec la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le
toucher, le repos et la santé. La conception représente
la pureté de la nature, en ce que la vue et l’intention
de l’Être Suprême se trouvent remplies, n’ayant créé
l’homme qu’à cette fin, suivant ses paroles adressées
à Adam : « Croissez et multipliez ».

Le Saint-Esprit figuré par la colombe représente


notre âme, laquelle étant un souffle de l’Être Suprême
est toujours prête à retourner dans son tout, dont elle
ne fait que partie.

La figure qui est à l’entrée du temple nous dit de

196
veiller sur nos besoins, comme un berger sur son
troupeau.

Les colonnes J :. et B :. représentent la fermeté


d’âme que nous devons avoir dans le bien et le mal qui
nous arrivent dans le passage de cette vie.

Les sept degrés du temple montrent les différents


degrés où l’on passe, avant d’arriver à la connaissance
du souv :. bonheur temporel qui conduit au spirituel.

Le globe terrestre représente le globe que nous


habitons..

Lux ex Tenebris signifie l’homme qui, étant éclairé


de la raison, n’a pas de peine à pénétrer dans
l’obscurité de l’ignorance et de la superstition.

Le fleuve qui traverse le globe représente l’utilité


des passions nécessaires à l’homme dans le cours de
la vie ; ainsi que les eaux sont utiles à la terre pour la
faire fructifier.

La croix entourée de deux serpents signifie qu’il


faut respecter les préjugés vulgaires et être prudent,
pour ne pas faire connaître le fond de son cœur, en
matière de religion.

AUTRE EXPLICATION POUR LES CHYMISTES


ET LES ADEPTES

(Note : Dans un autre rituel manuscrit, daté de


1776,
cette « autre explication » est présentée sous forme
de catéchisme.)

197
Le soleil représente l’unité de l’Être Suprême,
l’unique et seule matière du Grand Œuvre des
Philosophes.

Les trois S :. S :. S :. Signifient Stella, Sedet, Solis


ou Stellatas, Sedes Solis.

Les trois chandeliers représentent les trois degrés


de force que l’on doit donner à la matière.

Les triangles, les quatre éléments : l’air, l’eau, le


feu, et la terre.

Les sept planètes représentent les couleurs


principales qui paraissent pendant le règne.

Les sept cherubim, les sept métaux : l’or, l’argent,


le cuivre, le fer, le plomb, l’étain, et le mercure ou
l’airain.

La conception représente la pureté de la matière


pour qu’elle puisse se garder sans tache au nouveau
roi dont le nom est Alkaest (Albrarès) (Note : un autre
rituel manuscrit donne : Albraost).

La colombe ou le Saint-Esprit représente l’esprit


universel qui donne la vie à tout être dans les trois
règnes de la nature, ou Grand Œuvre : le végétal, le
minéral, et l’animal.

Réalisation : Catherine Allex juin 2021

198
FIN

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