Henri beyle, sous le nom de plume de Stendhal commence à écrire
« Le Rouge et le Noir » en 1827, sous le règne de Charles X,
deuxième et dernier roi de la Restauration. Le Rouge et le Noir appartenant aux genre réaliste et romantique raconte le parcours de Julien Sorel dans une société marquée par le conservatisme de la Restauration. Julien Sorel traverse les frontières entre classes sociales pour atteindre l’aristocratie dont- il rêve. Pour stendhalien le problème était de faire voir à quoi l’aristocratie réduit le talent plébéien, à la nécessité pour l’homme de talent qui n’a point de rentes de cacher sa pensée, de la déguiser, de se faire hypocrite. Nous allons voir, dans quel mesure le récit de la vie courte et fulgurante, d’un personnage singulier et monstrueux permet de dresser le portrait d’une société et de ses failles les plus profondes.
Dans le Rouge et le Noir, Julien Sorel est le personnage
principal. Sa personnalité est très complexe et contradictoire. Il a été élevé dans une famille plébéienne, il n’avait pas l’éducation propriétaire et il ne pouvait pas gagner la bonne place dans la société dont il habite. Mais, Julien est un jeune homme d’une grande énergie et trop ambitieux. Méfiant contre cette société, il décide d’en réussir, de montrer des grandes valeurs napoléoniennes. La fascination de Julien pour Napoléon est au fondement de sa personnalité. Elle prend sa source dès sa prime enfance, dans les leçons d’histoire qu’il a reçues du vieux chirurgien - major, cousin des Sorel. Julien se sent seul dans ce monde qui ne le comprend pas, qui le veut dégradé et éliminé. C’est pourquoi Julien se sert de l’hypocrisie pour pouvoir masquer ses vraies intentions dans cette lutte contre ceux qui ont le pouvoir et le nom. Mais il ne s’agit pas que de Julien. Le monde dans lequel il vit n’est partout qu’hypocrisie : « Partout hypocrisie, ou du moins charlatanisme, même chez les plus vertueux, même chez les plus grands » (Livre 2, chapitre XLIV)
« Me voici donc dans le centre de l’intrigue et de l’hypocrisie ! Ici
règnent les protecteurs de l’abbé de Frilair » . (Livre 2, chapitre 1) « L’abbé Pirard l’avait mené dans plusieurs maisons jansénistes. Julien fut étonné ; l’idée de la religion était invinciblement liée dans son esprit à celle d’hypocrisie et d’espoir de gagner de l’argent » . (Livre 2, chapitre 5) Son hypocrisie n’est qu’une tactique que lui impose sa situation dans la vie. « Ma vie n’est qu’une suite d’hypocrisies, parce que je n’ai pas mille francs de rente pour acheter du pain. (Livre 2, chapitre 10) » Pour toutes ces raisons et parce que Julien est donc un hypocrite ambitieux, il est rarement lui-même. Il passe son temps à jouer un rôle. « Julien, s’obstinant à jouer le rôle d’un Don Juan, lui qui de la vie n’avait eu de maîtresse, il fut sot à mourir toute la journée. » (Livre 1, chapitre 14) « Julien tremblait que sa demande ne fût accordée ; son rôle de séducteur lui pesait si horriblement que, s’il eût pu suivre son penchant, il se fût retiré dans sa chambre pour plusieurs jours [...] » (Livre 1 , chapitre 15) « Julien oublia ses vains projets et revint à son rôle naturel : ne pas plaire à une femme si charmante lui parut le plus grand des malheurs ». (Livre 1 , chapitre 15) Le mot « hypocrisie » vient du grec hupokrisis et signifie « réponse » dans un dialogue de théâtre. De là, le sens de « jeu d’acteur » puis de « feinte », « faux-semblant ». Être hypocrite, c’est donc feindre, jouer un rôle. Le monde est un théâtre où, comme l’évêque ou les prêtres du séminaire, tout est faux- semblant et artifice. On y joue un rôle pour parvenir à ses fins.
Julien représente les aspirations des jeunes intellectuels de
l’époque, Stendhal dénonce la médiocrité hautaine de la Restauration, les privilèges de la noblesse et la toute puissance de l’Église. l’auteur de sert par exemple du passage où Julien se trouve au séminaire afin d’en faire un microcosme : un lieu d’hypocrisie et de calculs. De plus Julien présente un caractère à plusieurs facettes, distant, séducteur, malchanceux, hypocrite, sincère, fragile et vulnérable. Julien révèle
toute la complexité humaine. Mais son caractère reflète aussi celui de
son créateur, qu’il s’agisse de sa sensibilité romantique ou de son intelligence critique face à ce monde dans lequel il est difficile de trouver sa place. C’est une vision très amère d’une société que Stendhal jugé comme hypocrite et sclérosée.