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Abkarian – Electre des Bas-fonds

ORESTE. - Parle je t'écoute.


CLYTEMNESTRE. - Je parlerai sans détours.
Sans feinte je dirai l'histoire de ma douleur.
Mais si tu dois m'écouter, n'oublie pas qui je suis.
ORESTE. - On dit que tu es ma mère, tueuse de mon père.
CLYTEMNESTRE. - Rappelle-toi pourquoi je l'ai tué.
ORESTE. - La mort de ta fille n'excuse pas la mort d'un tel héros.
CLYTEMNESTRE. - Ne dis pas « ta fille » comme s'il était question d'une chèvre.
Quant à celui que tu appelles héros je vais te dire qui il était vraiment.
ORESTE. - Cette sœur dont tu parles, je ne la connais pas.
CLYTEMNESTRE. - Et ce père que tu voudrais venger, le connais-tu ?
Tu ne dis rien ?
Non, que pourrais-tu dire ?
Quand tu dis « père » tu ne sais pas de quoi tu parles
Iphigénie était ma fille, le soleil de mes yeux.
A elle seule elle incarnait tous les printemps, passés et à venir.
Sa grâce faisait trembler les hommes.
Ce que ton père a tué c’était Aphrodite dans le corps d’une enfant.
En immolant sa propre fille, il voulait ébranler les troyens, jusqu’à les massacrer sans fin.
Fallait-il qu’il mesure sa détermination en plongeant le glaive de son ambition dans la gorge
de ma fille ?
Fallait-il que le roi l'emporte sur le père ?
Fallait-il qu'il sacre le printemps de mon enfant en lui ouvrant la gorge ?
[…]
ORESTE. - Tu dis qu'il a tué ma sœur pour satisfaire son ambition,
Mais toi pourquoi l'as-tu tué si ce n'est pour assouvir la tienne ?
CLYTEMNESTRE. - Mon ambition était de voir grandir ma fille.
En tuant Iphigénie, ton père a armé le bras de mon démon.
Ce matin-là à Aulis, quand il l'égorgea, c'est l'espoir d'un monde meilleur qu'il détruisit.
Oui, je l'ai tué et le tuerai encore.
Celui qui tue une fillette est un fléau pour la race humaine tout entière.
ORESTE. - Tu dis qu'en tuant mon père tu as sauvé le peuple des Hommes ?
CLYTEMNESTRE. - Je dis qu'en tuant ton père j'ai rendu justice à la mère que je suis.
ORESTE. - Je te parlais de la race des humains.

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