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Addictions : prévenir la rechute

Carrefour des psychothérapies


Collection dirigée par Édith Goldbeter-Merinfeld

Carrefour des psychothérapies a pour objectif de proposer à un


large public de psychothérapeutes (psychologues, psychana-
lystes, psychiatres, etc.) des ouvrages écrits par des profession-
nels portant sur les différentes approches
psychothérapeutiques.
La collection accueillera également des ouvrages de réflexion
sur la psychothérapie, ainsi que des auteurs qui apportent un
éclairage original sur la pratique du thérapeute.
Résolument pluridisciplinaire, la collection est avant tout
dédiée à la rencontre des pratiques et de théories d’orientation
très diversifiées.
Addictions : prévenir
la rechute
Programme en 10 séances

Caroline Chiron, Estelle Guilbaud,


Emeline Chauchard, Mélanie Gaillard,
Claire Naudin
Téléchargez les compléments numériques à l’adresse https://www.deboecksuperieur.com/
site/336445

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de
spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

© De Boeck Supérieur s.a., 2022


Rue du Bosquet, 7 – B-1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays.


Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie)
partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le
communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

1re édition

Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : Avril ISSN : 1780-9517
Bibliothèque Royale de Belgique, Bruxelles : 2022/13647/054 ISBN : 978-2-8073-3644-5
Sommaire

Liste des acronymes et des pictogrammes 11


Préface 13
Introduction 15
Comment utiliser ce guide ? 17

PARTIE 1
La Prévention de la Rechute :
apports théoriques et contexte

Chapitre 1 La Prévention de la Rechute en théorie 21


1. La rechute dans les addictions 21
2. Les déterminants de l’écart et de la rechute 22
3. Les modèles théoriques 26
4. Les stratégies thérapeutiques de la PR 32
5. Efficacité de la PR 34

Chapitre 2 Contexte de la PR 37
1. Quand et pour qui ? 37
2. Comment ? 40
3. Où ? 40
4. Par qui ? 42
5. Contre-indications 43

PARTIE 2
Les spécificités de la PR
Chapitre 1 La prévention de la rechute en groupe 47
1. Avantages et limites 47
2. Rôle et caractéristique de l’animateur 49

Sommaire 5
3. Préalables au groupe 50
« Débuter un groupe » 54
4. L’animation de groupe 54
« La météo de l’humeur » 54
« Fin de séance » 60
Le lieu sûr 60
La respiration carrée 60
54321 61
La poupée de chiffon 61
« Débriefing de fin de séance
entre animateurs » 61
5. Des exemples de contenu de groupe 61
6. Les difficultés que l’on peut rencontrer 64

Chapitre 2 Prévention de la rechute et comorbidités


en santé mentale 69
1. Quels facteurs de risque communs
entre les troubles mentaux et les troubles
addictifs ? 70
2. Prévention de la rechute, dépression et troubles
anxieux 71
3. Prévention de la rechute et bipolarité 72
« Tableau de repérage et calendrier » 74
4. Prévention de la rechute et schizophrénie 75
5. Prévention de la rechute et trouble
de la personnalité borderline 77
6. Prévention de la rechute et vécu traumatique 78
« Registre des craving » 80
7. Prévention de la rechute et TDAH 81
8. Troubles cognitifs et PR 82

Chapitre 3 L’accompagnement de l’entourage dans la PR 85


1. L’entourage de la personne avec conduites
addictives 85
2. Les différentes possibilités 87
« Suggestions d’activités à faire en couple » 93

6 Addictions : prévenir la rechute


3. Trousse à outils 96
« Lettre à la famille du Dr Fouquet » 96
« Aide et co-dépendance » 96
4. Difficultés rencontrées 97

PARTIE 3
La Prévention de la Rechute en pratique
Chapitre 1 Entretenir et maintenir la motivation 101
1. La motivation 101
« Les stades de la motivation » 102
2. L’entretien motivationnel 102
3. Écueils à éviter pour le thérapeute 109
4. Trousse à outils 110
« Balance décisionnelle » 111

Chapitre 2 Analyse fonctionnelle et évaluation 113


1. L’analyse fonctionnelle 113
2. Évaluation 117
« Situations à haut risque de rechute » 118
3. Repérage des troubles cognitifs liés
aux consommations addictives 122
4. Difficultés rencontrées 123

Chapitre 3 La psychoéducation 125


1. Définition de la psychoéducation 125
2. Les objectifs 126
3. Le rétablissement dans les addictions 127
4. Empowerment et addictions 128
5. Psychoéducation et prévention de la rechute 129
6. Documents pour la psychoéducation 129
7. Trousse à outils 132

Chapitre 4 Les Séances 139


Séance 1 Gestion du craving 141
1. Définition du craving 142
2. Quels sont les déclencheurs d’un craving ? 142

Sommaire 7
3. Pourquoi cette séance est-elle importante ? 143
4. Psychoéducation 144
« Information sur le craving »
« Gestion du craving » 144
5. Trousse à outils 146
« Techniques aidantes lors d’un craving » 149
« Les 5D » 149
« Surfer sur les envies » 152
6. Difficultés rencontrées 152

Séance 2 Décisions Apparemment Sans


Conséquence (DASC) 153
1. C’est quoi une DASC ? 154
2. Différents types de DASC 154
« Fiche DASC » 155
3. Psychoéducation 156
4. Trousse à outils : plan d’action
contre les DASC 158
« Journal des DASC » 159
5. Difficultés rencontrées 160

Séance 3 Équilibrer sa vie 163


1. Équilibrer sa vie dans son parcours
de rétablissement 164
2. Psychoéducation 165
3. Trousses à outils 170
« La roue de l’équilibre de vie » 172
« Identifier les problèmes » 174
« Mise en action – Activités de loisirs »
et « Liste des activités plaisantes
chez l’adulte » 175
4. Difficultés rencontrées 175

Séance 4 Le soutien social 177


1. Le soutien social dans les addictions 178
2. Psychoéducation 180
3. Trousse à outils 183
« Questionnaire de Soutien Social
Perçu adapté à la PR » 185

8 Addictions : prévenir la rechute


« Carte des personnes ressources » 188
« Annuaire des personnes ressources » 189
« Conseils à l’entourage » 190
4. Difficultés rencontrées 190

Séance 5 S’affirmer 193


1. L’affirmation de soi 193
2. Psychoéducation 194
« Le comportement assertif et les autres » 196
« Des conseils pour être plus affirmé
dans sa communication verbale
et non verbale » 197
3. Trousse à outils 198
« Quelques techniques pour vous aider
à développer votre affirmation de soi » 199
« Recevoir une critique ou accepter
une demande de changement
de comportement » 201
« Formuler un refus » 202
4. Difficultés rencontrées 204

Séance 6 Les pensées dangereuses 205


1. Le travail autour des pensées dangereuses 206
2. Psychoéducation 210
« Les distorsions cognitives » 212
« Tableau d’enregistrement
des pensées négatives » 213
3. Trousse à outils 214
« Quelques conseils pour gérer
les pensées dangereuses » 215
« Questions aidantes pour les pensées
dangereuses » 216
4. Difficultés rencontrées 218

Séance 7 Gestion du stress 221


1. Stress et addictions 222
2. Psychoéducation 222
« Mes signes de stress » 223
« Journal du stress » et « Votre Journal
du Stress » 225

Sommaire 9
3. Trousse à outils 225
La relaxation progressive de Jacobson 226
Le training autogène de Schultz 226
« Stratégies de gestion des émotions » 229
« La méthode des 4 A » 230
4. Difficultés rencontrées 231

Séance 8 Gestion de la colère 233


1. C’est quoi la colère ? 234
2. Modèle cognitivo-comportemental de la colère 234
3. Psychoéducation 235
« Les signes de la colère » 236
« Comment la colère affecte
votre corps ? » 237
4. Trousse à outils 238
« L’iceberg de la colère » 240
« Techniques pour mieux gérer
sa colère » et « Mes solutions
dans la colère » 246
5. Difficultés rencontrées 246

Séance 9 Résolution de problème 247


1. Pourquoi cette séance ? 247
2. Psychoéducation 248
3. Trousse à outils 250
« Résolution de problème » 252
4. Difficultés rencontrées 258

Séance 10 Le plan d’urgence 259


1. La construction du plan d’urgence 259
2. Psychoéducation 261
3. Trousses à outils 263
« Plan d’urgence » 268
4. Difficultés rencontrées 269
Conclusion 271
Bibliographie 273
Table des matières 291

10 Addictions : prévenir la rechute


Liste des acronymes
et des pictogrammes

AA Alcooliques Anonymes
ABCT Alcohol Behavioral Couple Therapy (Programme de soin)
ACT Acceptation and Commitment Therapy (Thérapie d’Ac-
ceptation et d’Engagement)
AF Analyse Fonctionnelle
AFDEM Association Francophone de Diffusion de l’Entretien
Motivationnel
ATRIUM Addiction and Recovery Treatment Integration Model
ARS Agence Régionale de Santé
BEARNI Brief Evaluation of Alcohol-Related Neuropsychological
Impairment
CSAPA Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en
Addictologie
CT Communauté Thérapeutique
CTR Centre Thérapeutique Résidentiel
DASC Décision Apparemment Sans Conséquence
DFST Dual Focus Schema Therapy
DSM Diagnostic and Stastical Manual (Manuel diagnostique et
statistique des troubles mentaux)
EM Entretien Motivationnel
EMDR Eye Movement Desensibilization and Reprocessing
ETP Éducation Thérapeutique du Patient
EVA Effet de Violation de l’Abstinence
HDJ Hôpital de Jour
IDE Infirmier Diplômé d’État
IDS Inventory of Drinking Situations

Liste des acronymes et des pictogrammes 11


IDTS Inventory of Drugs Taking Situations
IGT Thérapie de groupe intégrée
ITEM Identification des Techniques d’Entrevue Motivationnelle
LOJ Liste des occasions de jouer
MBCT Mindfulness-Based Cognitive Therapy
MBSR Mindfulness- Based Stress Reduction
MDMA Méthylènedioxyméthamphetamine (ou ecstasy)
MoCA Montréal Cognitive Assessment
OUVER+DFD Ouvertes (questions), Valorisation, Écoute réflective,
Résumé, Demander, Fournir, Demander
PCC Plan de Crise Conjoint
PETAD Personality-guided Treatment for Alcohol Dependence
PR Prévention de la Rechute
PTSD (ou TPST) Trouble de Stress Post Traumatique
RDR Réduction des Risques
SECCA grille d’analyse fonctionnelle : Situation, Émotions,
Cognitions, Comportements, Anticipation
SFA Société Française d’Addictologie
SPA Substances Psycho-Actives
SSRA Soins de Suites et de Réadaptation en Addictologie
SUD Substance Use Disorder
TCC Thérapies Cognitives et Comportementales
TCD Thérapie Comportementale Dialectique
TDAH Trouble du Déficit de l’Attention avec/sans Hyperactivité
TREM Trauma Recovery and Empowerment Model
TUS Troubles liés à l’Usage de Substances psychoactives
UNAFAM Union Nationale de Famille et Amis de personnes Malades

Table des pictos


fiche disponible en téléchargement
vidéo disponible en téléchargement
fiche destinée au professionnel
fiche à remettre au patient
fiche à remettre à la famille

12 Addictions : prévenir la rechute


Préface

L’ouvrage Addictions : prévenir la rechute représente un apport très intéressant


pour les cliniciens dans le domaine des addictions. Ce livre compile une large
expérience des thérapeutes cognitivo-comportementalistes Caroline Chiron,
Estelle Guilbaud, Emeline Chauchard, Mélanie Gaillard et Claire Naudin, qui
nous partagent leurs pratiques auprès de patients suivis pour des problèmes de
dépendances. Les informations, les programmes, les conseils, les techniques
sont expliqués d’une façon très pédagogique et clinique.
Ce livre s’adresse à tous les professionnels impliqués dans la prise en charge
de ces patients : médecins, psychiatres, addictologues, psychologues, psycho-
thérapeutes, éducateurs, infirmiers, psychomotriciens, etc., travaillant tant en
institution qu’en libéral. Il comporte une compilation exhaustive d’un thème
central en TCC : la prévention de la rechute dans les cas de problématiques
addictives. Il aborde la motivation au changement, indispensable dans le tra-
vail auprès des personnes avec des addictions, et pour lesquelles l’ambivalence
est un point crucial. Concernant la prise en charge spécifique en TCC, il
apporte un savoir-faire pour aider tant les personnes présentant des problèmes
d’addiction que les proches, sachant que les pathologies addictives isolent ceux
qui en souffrent tout comme l’entourage qui souvent ne sait pas comment réa-
gir pour aider le proche atteint.
Cet ouvrage aidera les jeunes professionnels qui démarrent un travail
avec des patients souffrant d’addictions, et leur fera découvrir des données
des recherches récentes en TCC. Dans ce sens, le livre aborde les différents
modèles de prévention de la rechute, jusqu’aux modèles les plus récents de
thérapies comportementales et cognitives et les approches processuelles.
L’intervention motivationnelle est détaillée, avec des exemples précis sur
ce type d’accompagnement thérapeutique. La psychoéducation est également
développée, ce qui correspond souvent à un premier pas primordial dans la
prise en charge de ces patients, tant adolescents qu’adultes. On trouve égale-
ment une partie très intéressante sur les instruments d’évaluation des compor-
tements addictifs, des fonctions cognitives chez ces patients.
Les détails sur toutes les séances de psychothérapie permettent d’anticiper
les problématiques des patients durant tout le suivi, parmi ceux-ci la gestion

Préface 13
du craving, le soutien social, l’affirmation de soi, la gestion du stress, la gestion
des émotions négatives, notamment la colère ; et sur le plan cognitif, une par-
tie détaille le travail thérapeutique possible par exemple sur les schémas et les
croyances. Des aspects spécifiques comme la notion de double diagnostic, dans
le cas d’addiction associée à un autre trouble mental, ou le travail dans le cas
de personnes souffrant de trouble de la personnalité borderline sont également
décrits.
Addictions : prévenir la rechute est un livre pratique qui facilitera la prise en
charge des patients présentant un problème d’alcool à travers un parcours très
instructif de séances qui pourra être adapté, en fonction des patients, à une
prise en charge individuelle ou en groupe.
Merci à ces excellentes cliniciennes, thérapeutes en TCC pour cet ouvrage
nécessaire et utile dans les problèmes d’addictions, qui sont fréquents et qui
représentent un problème majeur de santé publique.
Lucia Romo
Thérapeute cognitivo-comportementaliste.
Professeur de Psychologie clinique, Université Paris Nanterre,
Psychologue à l’Hôpital universitaire Raymond Poincaré,
Garches (AP-HP)

14 Addictions : prévenir la rechute


Introduction

Le rétablissement en addictologie n’est pas un long fleuve tranquille… Aussi, à


la lueur de notre expérience de la Prévention de la Rechute (PR), nous avons
eu envie d’écrire ce livre, avec nos regards croisés. Nous sommes, en effet, cinq
psychologues toutes formées aux Thérapies Cognitives et Comportementales
(TCC) avec, pour champ de travail, les addictions. Cette idée est née du
manque d’ouvrages en français dans le domaine. Nous aurions aimé avoir accès
à celui-ci à nos débuts et ainsi nous espérons qu’il vous aidera à travailler cette
problématique avec vos patients.
Le constat clinique et les études sont sans appel ; les patients dépendants
rechutent et ils en souffrent. Et c’est bien logique, et habituel. La rechute peut
faire partie intégrante du processus de changement et il est parfois impossible de
les prévenir toutes. Nous nous devons alors de les considérer comme des occa-
sions d’apprentissage cruciales. Un grand nombre de personnes qui rechutent
semblent avoir besoin d’un certain temps pour se regrouper et renouveler leur
engagement avant de faire la prochaine tentative (DiClemente, 2018).
Travailler ces processus de rechute et de rétablissement s’impose donc, à
nous, professionnels travaillant en addictologie. Dédramatiser cette étape de
reprise du comportement addictif, sans minimiser l’importance de son impact
pour le patient et son entourage, les soutenir dans la continuité du processus
de rétablissement engagé, fait partie du challenge, partagé par tous, de soin.
Cet ouvrage rassemble les dernières avancées dans le domaine des addic-
tions. Effectivement, il y a encore une cinquantaine d’années, le traitement
de l’addiction se cantonnait à l’arrêt complet des consommations, prônant
une abstinence définitive présentée comme la seule alternative possible à la
maladie. Les prises en charge de cette pathologie ont beaucoup évolué depuis.
Auparavant, l’accent sur le soin était tantôt mis sur les conséquences phy-
siologiques, tantôt sur les aspects psychiques. La montée de la Réduction des
Risques (RDR) avec les mouvements sidéens dans les années 1990 a égale-
ment fait évoluer les mentalités grâce à leurs résultats significatifs en santé
publique et malgré le maintien du comportement à risque (Morel et al., 2012).
Les addictions comportementales, quant à elles, prennent une place de plus en

Introduction 15
plus importante, même s’il n’existe à ce jour aucun consensus pour établir une
liste de ces addictions.
Nous proposons ici un état des connaissances actuelles ; les multiples
dimensions que revêt l’addictologie feront probablement bouger notre pratique
de la PR dans les années à venir.
Alors, nous avons souhaité regrouper les travaux de nos prédécesseurs, par-
tager notre vécu lors des séances de travail pour vous proposer un livre pra-
tique dont nous espérons qu’il vous servira dans votre travail de thérapeute
auprès de personnes souffrant d’addictions. Ce manuel a été conçu pour aider
les professionnels à mettre en place des séances en individuel et/ou en groupe
de la PR avec une certaine souplesse et des propositions « exemples » afin que
chacun puisse se reconnaître et l’adapter à son contexte de travail (social,
médical, ambulatoire, résidentiel, etc.).
Bonne lecture inspirante et motivante !

16 Addictions : prévenir la rechute


Comment utiliser ce guide ?

La partie 1 vous permettra de vous familiariser avec des apports théoriques


concernant la prévention de la rechute et les stratégies thérapeutiques s’y
référant. En effet, il nous est apparu nécessaire que le professionnel com-
prenne le modèle de la Prévention de la Rechute (PR) pour savoir s’en servir
avec les patients. Vous constaterez qu’il est issu des Thérapies Cognitives et
Comportementales (TCC) et il vous éclairera sur l’organisation des séances
thématiques présentées dans la partie 3.
La partie 2, quant à elle, regroupe les éléments spécifiques de la PR. Elle
se pratique en individuel mais aussi en groupe, ainsi le chapitre sur la pratique
groupale vous donnera des clés, astuces, techniques pour animer un groupe de
PR. Le chapitre 2 (Partie 2) consacré aux comorbidités psychiatriques s’at-
tache à exposer la manière dont la PR peut intégrer simultanément la prise
en charge d’une comorbidité. Enfin, le chapitre 3 (Partie 2) sur l’entourage
vous aidera à prendre en compte les proches des patients dans la PR, afin qu’ils
soient un atout dans le parcours de soin du patient.
La partie 3 est celle qui regroupe les stratégies thérapeutiques, la partie
« pratico-pratique ». Avant de débuter une thérapie en TCC, une Analyse
Fonctionnelle (AF) doit être réalisée afin d’adapter au mieux les séances aux
besoins et demandes du patient. Ainsi, en fonction de l’AF, vous déterminerez
quelles séances seront à réaliser. L’ordre des séances n’est pas prédéfini : il est
à choisir en fonction de l’AF et des priorités et besoins du patient. La PR n’est
pas un programme clefs en main, réplicable à l’identique pour chaque patient.
Son efficacité réside, en partie, dans l’art que vous aurez de déterminer la pro-
blématique et les besoins du patient afin de l’engager dans un changement
durable et pérenne.

Comment utiliser ce guide ? 17


Alliance
thérapeutique

Analyse
Fonctionnelle

Méthodes
thérapeutiques

Évaluation

Figure 1. Déroulement de la thérapie (TCC) (Cungi, 2016)

Pour chaque séance vous trouverez un apport théorique, suivi de supports


pour la psychoéducation, puis d’une trousse à outils. Pour faciliter leur utili-
sation, vous trouverez des fiches téléchargeables : certaines pour vous guider,
d’autres à remettre aux patients. Les pictogrammes vous l’indiqueront. Quelques
fichiers audio sont également mis à disposition en ligne. Pour accéder à ces
supports, rendez-vous à l’adresse suivante : https://www.deboecksuperieur.com/
site/336445. Les indications I/G vous indiquent, pour chaque séance, si elle
peut se pratiquer en individuel (I) et/ou en groupe (G).
Voici quelques propositions pour expliquer la façon dont vous pourrez
choisir d’utiliser les séances. Par exemple, un patient pourra bénéficier de la
séance sur la « gestion de le colère » si, dans l’AF, il a identifié avec le théra-
peute la colère comme problématique et comme situation à risque. A contrario,
un patient pour qui la colère n’est pas une difficulté ne se verra pas proposer
cette séance.
Certains patients peuvent avoir des déficits d’affirmation de soi. Pour cer-
tains, cela va être le cœur de la problématique addictive, donc nécessaire à tra-
vailler en premier lieu. Pour d’autres, on utilisera cette séance pour consolider
l’assertivité en fin de thérapie. Dans le cas où un patient a un faible sentiment
d’auto-efficacité, il est intéressant de commencer par des séances plus faciles
pour lui, qui permettront d’augmenter sa confiance, indispensable à la mise en
place des efforts nécessaires dans la suite de la thérapie.
Pour chaque séance, nous avons suggéré différents outils, techniques ou
fiches. Ils ne sont pas tous à utiliser forcément avec le patient. En effet, parfois
un seul exercice suffira, parfois il faudra tous les utiliser…
Mais alors, en groupe, comment choisit-on les thèmes ? L’AF individuelle
reste tout aussi primordiale même si les thèmes des séances sont organisés à
l’avance. Vous pourrez avoir un aperçu dans le chapitre 2 (Partie 3) qui y est
consacré. L’AF permettra de personnaliser au mieux les séances de groupe.

18 Addictions : prévenir la rechute


PARTIE 1
La Prévention
de la Rechute : apports
théoriques et contexte
CHAPITRE 1
La Prévention
de la Rechute en théorie

« Le désir de guérir est un mal incurable. »


Jean-Bertrand Pontalis

Dans ce chapitre, nous nous attacherons à poser le cadre théorique de la pré-


vention de la rechute tel qu’il a été élaboré par Marlatt et ses collaborateurs
dans les années 2000. D’abord, les termes de rechute et d’écart seront définis
et différenciés. Puis, nous présenterons les déterminants des écarts de consom-
mation et de la rechute. L’étude de ces derniers est essentielle car ce sont les
éléments sur lesquels va agir la Prévention de la Rechute (PR). Enfin, nous
présenterons les modèles de la Prévention de la Rechute (PR) développés
depuis les années 1990, pour nous intéresser plus particulièrement au modèle
dynamique de la rechute développé par Witkiewitz et Marlatt (2004), et ferons
un point sur les études ayant évalué l’efficacité de la PR.

1. La rechute dans les addictions


De nombreuses personnes qui parviendront à se rétablir d’une addiction rechu-
teront dans les premiers mois qui suivent l’arrêt ou la diminution du com-
portement addictif. La rechute est la norme (Marlatt et al., 2008) et, dans ce
contexte, les techniques de prévention de la rechute (PR) s’avèrent indispen-
sables. Ce retour à un comportement addictif problématique peut impliquer
des années de travail et de souffrance supplémentaires. En effet, la dépendance
à un produit ou à un comportement reste un élément caractéristique de la
personne même quand elle parvient à maîtriser ses comportements ou à les
stopper.

La Prévention de la Rechute en théorie 21


La rechute est définie dans la littérature comme le retour à un trouble
d’usage de substance (satisfaire un des critères au moins, mis à part celui du cra-
ving) ou addictif après une période d’arrêt ou de réduction de consommation de
la substance ou de la mise en œuvre du comportement (Dawson et al., 2007 ;
Hasin et al., 2013 ; Hendershot et al., 2011a ; Witkiewitz & Marlatt, 2007b).
La prévalence des rechutes après un traitement pour les drogues illicites et l’al-
cool concernerait entre 37 % et 70 % des patients en fonction des substances
et des définitions de la rechute (Alterman et al., 2000 ; Andersson et al., 2019 ;
Kadden et al., 2007 ; Nguyen et al., 2020 ; Pasareanu et al., 2016).
La rechute est un processus fluctuant et ne peut être considérée comme
un point final, ni comme une obligation dans le parcours de rétablissement.
La rechute peut également être définie lorsque l’individu abandonne sa ten-
tative de changement et cela peut se produire quel que soit l’objectif fixé
(DiClemente, 2018). Nous en faisons tous et chacun l’expérience au cours de
notre vie !
Dans la PR, la rechute est à distinguer de l’écart. Ce terme n’est pas le seul
à être utilisé, plusieurs autres termes existent : « dérapage », « chute », « inci-
dent de parcours », « bug », « faux pas », « glissade », etc. Il s’agit d’un écart
de comportement vis-à-vis d’un objectif que le patient s’est fixé (boire un verre
ou boire pendant toute une soirée par exemple). Le comportement de consom-
mation ou le comportement addictif n’est pas considéré à ce stade comme une
rechute, mais il peut en être le point de départ. Il peut faire partie intégrante
d’un parcours dans le cadre du rétablissement.
La rechute et l’écart font le plus souvent partie du rétablissement en addic-
tologie et sont sources de richesse pour travailler la PR. Chaque écart et chaque
rechute permettent, sans nul doute, l’acquisition de savoir et de savoir-être, un
enseignement riche, tiré de l’expérience, qui augmente, de manière toujours
plus précise et efficiente, la PR.

2. Les déterminants de l’écart et de la rechute


La rechute est influencée par une variété de facteurs inter- ou intra-personnels
liés aux comorbidités (Marlatt et al., 2008), qui vont avoir un rôle dans la
difficulté qu’auront les personnes à faire face aux situations à haut risque. Ces
facteurs vont pouvoir être mobilisés et ciblés dans la PR, ils en sont les leviers
thérapeutiques.

22 Addictions : prévenir la rechute


2.1. Les déterminants intra-personnels
– Le sentiment d’efficacité personnelle
L’auto-efficacité est la capacité perçue à adopter un comportement donné
dans un contexte spécifique (Bandura & Lecomte, 2019). C’est un détermi-
nant important des comportements de santé. Une bonne gestion des situa-
tions à haut risque peut accroître le sentiment d’auto-efficacité personnelle
et réduire la probabilité de rechute. À l’inverse, un retour au comporte-
ment problème peut saper ce sentiment et, de ce fait, augmenter le risque
d’écart (Hendershot et al., 2011). En outre, les attitudes ou les croyances
concernant les causes et la signification d’un écart peuvent influencer la
possibilité d’une rechute. Considérer un écart comme un échec personnel
peut conduire à des sentiments de culpabilité et à l’abandon de l’objectif
de changement de comportement. D’ailleurs, pendant des années, les per-
sonnes atteintes d’addiction n’avaient comme objectif que l’arrêt total et
définitif de leur comportement problème, rendant la réussite plus ardue.
Aujourd’hui, le choix est donné aux personnes souffrant d’addiction pour
qu’elles s’engagent plus facilement dans une démarche de soin, avec un
objectif atteignable dans leur situation et leur contexte, afin qu’elles osent
se lancer dans ce travail difficile.

– Les stratégies de coping


L’un des principaux facteurs impliqués dans les rechutes sont les stratégies
de coping mobilisées par le sujet pour faire face aux situations à haut risque
(Marlatt & Donovan, 2008). Les styles de coping sont impliqué comme facteur
de protection ou de risque de la rechute (Moore et al., 2014). Les stratégies de
coping doivent être efficaces et adaptées à la situation à haut risque. Ainsi, elles
seront particulièrement travaillées et développées au cas par cas pour chaque
situation et chaque patient.

– Les attentes de résultats positifs


Les attentes de résultats positifs figurent également en bonne place dans le
modèle de la PR (Hendershot et al., 2011a). Les autres mythes et les effets
placebo perçus par le patient de son comportement problème jouent un rôle
important dans les facteurs de maintien du comportement. Par exemple,
même lorsque les attentes d’effets positifs de l’alcool sont basées sur les effets
réels de celui-ci, souvent seuls les effets immédiats positifs (par exemple,
l’euphorie) sont retenus, alors que les effets différés négatifs ne sont pas pris
en compte (par exemple, la somnolence), en particulier en cas d’alcoolémie
élevée. Ce sont des biais cognitifs à l’œuvre et maintenant bien documentés
dans le champ des addictions (Copersino, 2017 ; Deleuze et al., 2013 ; Field
& Cox, 2008).

La Prévention de la Rechute en théorie 23


– La motivation
La motivation est la probabilité qu’un individu fasse, maintienne et adhère à
un changement spécifique (Miller & Rollnick, 2019). Il s’agit du « moteur »
qui se met en marche. La motivation n’est pas un état inné, elle se forge, mûrit,
se nourrit, se réévalue et quand la motivation est en berne, il est difficile de
maintenir un changement de comportement.

– Les états émotionnels négatifs


Les états émotionnels tels que la peur, l’anxiété, la dépression, la frustration et
l’ennui seraient associés au craving et à un taux de rechute plus élevé (Marlatt
& Donovan, 2008 ; Hendershot et al., 2011b ; Khosravani et al., 2017 ; Serre
et al., 2018). Ces états émotionnels peuvent être causés par des perceptions
essentiellement intrapersonnelles de certaines situations (par exemple, après
le travail, je suis seul et je me sens aussi seul lorsque je rentre dans un appar-
tement vide) ou par des réactions à des événements environnementaux
(par exemple, se sentir en colère à propos d’un licenciement imminent au
travail). Le patient et le thérapeute vont également chercher à identifier les
facteurs liés au mode de vie qui influent sur la probabilité de rencontrer ces
déclencheurs (par exemple aller dans un bar).

– Les états émotionnels positifs


Les états émotionnels positifs provoqués par exemple par des événements fes-
tifs tels qu’un mariage ou une sensation de bouffée de bonheur ont également
été mis en avant comme facteur de rechute.

– Le test d’autocontrôle
La consommation de substances pour « tester » sa capacité à s’engager dans
une consommation contrôlée ou modérée ; pour « juste essayer une fois » pour
voir ce qui se passe ; dans les cas où l’individu teste les effets liés à l’engage-
ment dans l’abstinence ou la consommation contrôlée (y compris les tests de
« volonté »).

– Le craving
Le craving désigne une envie irrépressible de consommer une substance ou
d’exécuter un comportement gratifiant alors qu’on ne le veut pas (Auriacombe
et al., 2016). Son expression est variable en fonction des individus et corrélée à
des caractéristiques individuelles et environnementales. Les études ont montré
qu’il est impliqué dans le processus de rechute (Auriacombe et al., 2016)

24 Addictions : prévenir la rechute


2.2. Les déterminants interpersonnels
– La pression sociale
La pression sociale, par exemple être entouré de personnes qui consomment
de l’alcool, a contribué à 20 % des épisodes de rechute (Marlatt, 1996). Cette
pression peut être directe (« allez, bois un coup avec nous ») ou indirecte par
l’observation d’autres personnes qui consomment.

– Faire face à un conflit


Le fait de faire face à un conflit en lien avec des relations interpersonnelles
comme la famille, les amis, les collègues, son supérieur hiérarchique, etc.,
implique de pouvoir faire face à la frustration et/ou la colère, compétences
importantes dans des cas de désaccord, de conflits, etc. L’anxiété peut égale-
ment être présente. Les états émotionnels négatifs liés à des situations intraper-
sonnelles et les situations de conflit ont été déclencheurs pour plus de la moitié
des rechutes dans l’étude de Marlatt (1996).

– L’amélioration des états émotionnels positifs


Il s’agit de l’utilisation d’une substance dans une situation essentiellement
interpersonnelle pour augmenter le sentiment de plaisir, de fête, d’excitation
sexuelle, de liberté, etc.

2.3. Les comorbidités psychiatriques


Pendant longtemps, le principe de comorbidité a été rejeté par les profession-
nels, les pathologies duelles étant considérées comme indépendantes et traitées
dans des réseaux de soins différents, avec une appartenance à des disciplines
différentes. Cela peut encore être le cas aujourd’hui. Plusieurs études récentes
ont rapporté des taux de comorbidité élevés entre troubles psychiatriques
et troubles addictifs (Castillo-Carniglia et al., 2019 ; European Monitoring
Centre for Drugs and Drug Addiction, 2015 ; Krawczyk et al., 2017 ; Lai et al.,
2015 ; Langås et al., 2011). Environ 50 % des personnes avec un trouble addic-
tif présentent aussi une pathologie associée (European Monitoring Centre
for Drugs and Drug Addiction, 2015), cette comorbidité varie en fonction
des populations (cliniques, générale…). Elle est associée avec un risque plus
important de rechute (Andersson et al., 2019). Pour les personnes présentant
une pathologie duelle, le facteur de rechute principal est la nature même du
trouble mental grave (qui peut être fluctuante à long terme). En effet, ces per-
sonnes sont plus à risque de rechute dans leur addiction lorsque les symptômes
de la maladie mentale émergent à nouveau, la consommation de substance
pouvant être un moyen de faire face à leur symptomatologie psychiatrique ou
au stress émotionnel qu’elle peut engendrer (Swendsen et al., 2010)

La Prévention de la Rechute en théorie 25


États émotionnels
Émotions positives (bonheur excessif)
Émotions négatives (tristesse, frustration, colère)
Comportement
Impulsivité
Faibles capacités d’adaptation
Cognitive
Surestimation de la confiance (perception de la capacité à faire face à des situations à
haut risque)
Biais cognitifs
Environnemental
Pression sociale
Solitude / absence d’engagement
Manque de soutien social / critique constante de la famille
Physiologique
Craving (aussi émotionnel, comportemental et cognitif)
Symptômes de sevrage de longue durée (troubles du sommeil après l’arrêt de l’alcool,
douleur après l’arrêt des opioïdes)
Douleur physique chronique
Comorbidités psychiatriques
Troubles anxieux
Troubles de l’humeur
Psychoses
Dépression/anxiété non reconnue
PTSD

Tableau 1. Les déterminants de l’écart et de la rechute

Ces déterminants de la rechute vont être impliqués à divers degrés dans le


modèle de la prévention de la rechute développé par Marlatt et ses collabora-
teurs (1985, 2004), et seront les cibles thérapeutiques de la prévention de la
rechute.

3. Les modèles théoriques


Tous les traitements des troubles liés à l’utilisation de substances (SUD)
visent, d’une certaine manière, à prévenir les rechutes. Cependant, le trai-
tement appelé « Prévention de la Rechute » (PR) fait référence à une inter-
vention spécifique, basée sur des modèles théoriques bien précis. Le modèle
de la PR développé par Marlatt est basé sur les thérapies cognitives et com-
portementales, il propose à la fois un cadre conceptuel pour comprendre les
rechutes, ainsi qu’un ensemble de stratégies thérapeutiques développées pour
limiter les rechutes et leur sévérité (Hendershot et al., 2011b). L’objectif des
interventions thérapeutiques basées sur ce modèle est d’aider les personnes à

26 Addictions : prévenir la rechute


reconnaître les signes avant-coureurs d’une rechute et à développer des com-
pétences d’adaptation pour prévenir la rechute à un stade précoce du proces-
sus, là où les chances de succès sont les plus grandes.
Avant de développer le modèle initial de la PR (Marlatt & Gordon, 1985)
et son évolution dynamique (Witkiewitz & Marlatt, 2004), nous évoquerons
le modèle de Gorski (1989).

3.1. Le modèle de Gorski


Le modèle de Gorski sur la prévention de la rechute est assez répandu en
Amérique du Nord (Gorski, 1989). C’est une approche inspirée du modèle
d’apprentissage développemental propre à l’auteur. Ce modèle est proche de
la prévention de la rechute dans la mesure où il postule que la guérison est
généralement ponctuée de « ratés ». Le modèle de Gorski décrit également
des étapes du changement qui sont très différentes de celles proposées par
Prochaska et DiClemente (1982) (voir chapitre sur le contexte de la PR) :
1. Transition : le patient reconnaît qu’il a un problème mais tente de le
surmonter en limitant sa consommation.
2. Stabilisation : le patient décide de s’abstenir complètement de consom-
mer et suit une période de récupération (6-18 mois).
3. Étape initiale de la guérison : le patient se sent bien dans son abstinence.
4. Étape intermédiaire de la guérison : le patient répare les dommages
causés par ses addictions et adopte un mode de vie équilibré.
5. Étape finale de la guérison : le patient surmonte les obstacles à une vie
saine qui découlent d’expériences qu’il a vécues pendant son enfance.
6. Maintien : le patient reconnaît qu’il doit continuer à se développer et
mener une vie équilibrée.

Le modèle de Gorski s’inspire explicitement de la philosophie et des


méthodes des Alcooliques Anonymes. Ainsi, diverses « tâches de gué-
rison » sont recommandées, par exemple dresser la liste de toutes les per-
sonnes lésées par la toxicomanie et tâcher de réparer les torts dans chaque
cas (il s’agit, essentiellement, de la quatrième étape des AA). Contrairement
au modèle de Marlatt, ce modèle n’est pas basé sur des données issues de
la recherche scientifique. En bref, Gorski a reformulé l’approche tradition-
nelle des 12 étapes (des Alcooliques Anonymes), à laquelle il a ajouté des
exercices écrits structurés.

La Prévention de la Rechute en théorie 27


3.2. Le modèle cognitif et comportemental de la rechute
de Marlatt et Gordon (1985)
Ce modèle basé sur les thérapies cognitives et comportementales est le modèle
initial développé par Marlatt et Gordon dans les années 1980 (Marlatt &
Gordon, 1985), le modèle sera modifié dans la décennie qui suivra et devien-
dra le modèle dynamique de Witkiewitz et Marlatt (2004).
Ce premier modèle est considéré comme la genèse de l’une des innovations
cliniques les plus importantes dans le domaine du traitement et du rétablis-
sement des troubles liés à la consommation de substances, et continue d’être
une pratique thérapeutique largement utilisée. En France, la mise en place de
cette thérapie a été beaucoup plus tardive que dans d’autres pays, en lien avec
la pratique des TCC longue à se développer, que ce soit dans les milieux uni-
versitaires ou hospitaliers.

Situations à risque

Stratégies Fort sentiment Stratégies Faible sentiment


de coping d’efficacité de coping d’efficacité
efficaces personnelle inefficaces personnelle
&
Attentes d’effets
positifs
Diminution de la probabilité
de rechuter
Chute

Effet de Violation
de l’Abstinence

Rechute

Figure 2. Modèle cognitivo-comportemental de Marlatt et Gordon (1985)

Le modèle original de la PR est représenté dans la figure 2. Ici la rechute


est conceptualisée sous la forme d’un processus linéaire. La rechute résulterait
de trois facteurs principaux : une situation à risque, la capacité de l’individu
à y résister, et le sentiment d’auto-efficacité. Les situations à haut risque sont
définies comme n’importe quel contexte source de vulnérabilité au comporte-
ment addictif (Hendershot et al., 2011b). Le fait qu’une situation à haut risque
aboutisse ou non à une rechute dépend en grande partie de la capacité de
l’individu à mettre en œuvre une réponse efficace (stratégie de coping compen-
satoire cognitive ou comportementale) et au sentiment d’auto-efficacité qui en

28 Addictions : prévenir la rechute


découle. Ainsi, quand la stratégie mise en œuvre est efficace et adaptée, elle
sera associée à une augmentation du sentiment d’auto-efficacité, participant à
réduire la probabilité de rechute.
À l’inverse, une gestion non efficace de situations à haut risque va nuire à
l’auto-efficacité et autoriser des cognitions liées aux attentes d’effets positifs
de la consommation, augmentant le risque d’un faux pas. Ensuite, l’Effet de
Violation de l’Abstinence (EVA) et les effets perçus de la substance participe-
ront au risque accru de rechute.
Le fait de considérer un écart comme un échec personnel peut entraîner des
sentiments de culpabilité et l’abandon de l’objectif de changement de compor-
tement. Cette réaction est nommée effet de violation de l’abstinence (EVA)
(Marlatt & Gordon, 1985). Elle est plus probable quand le sujet a une vision
dichotomique de la rechute et/ou qu’il néglige les explications de la rechute
liées à la situation (Hendershot et al., 2011b).
En résumé, le premier modèle de la PR met l’accent sur les contextes à haut
risque, les réactions d’adaptation, l’auto-efficacité, les émotions, les attentes
et l’EVA comme principaux antécédents de rechute. Les stratégies thérapeu-
tiques vont les cibler et s’adapter au plus proche du vécu du patient et des
situations à risque qui le concernent.

3.3. Le modèle dynamique de Witkiewitz et Marlatt (2004)


Le modèle cognitivo-comportemental de la rechute de la PR a été reformulé.
Les auteurs affinent le modèle théorique et mettent l’accent sur les processus
dynamiques de rechute (Witkiewitz & Marlatt, 2004). Le modèle dynamique
de la PR considère la rechute comme un processus complexe et non linéaire
dans lequel divers facteurs agissent conjointement et de manière interactive
pour affecter le moment et la gravité de la rechute (Hendershot et al., 2011b).
Les situations à haut risque sont ici aussi au cœur du modèle dynamique.
Les auteurs conçoivent le processus de la rechute comme un phénomène
complexe mettant en jeu :
1. des processus stables (tonic processes) qui indiquent la vulnérabilité à
la rechute (Qui est vulnérable ?). Ils comprennent les risques distaux
comme les antécédents génétiques, familiaux, psychiatriques, médicaux
sociaux, les facteurs de personnalité, la réaction au sevrage. Ils incluent
aussi des facteurs cognitifs stables au cours du temps comme les attentes
d’effet du produit ou du comportement, le sentiment d’auto-efficacité
général, et les croyances personnelles sur l’abstinence ou la rechute
(Hendershot et al., 2011b) ;
2. des processus transitoires (phasic processes) marquant la survenue de la
rechute, ils servent de déclencheur ou à prévenir une rechute (Quand

La Prévention de la Rechute en théorie 29


une personne est-elle vulnérable ?). Ils incluent les états affectifs et
cognitifs variables en fonction du contexte, tels que le craving, l’hu-
meur ou des modifications transitoires des attentes d’effet du produit,
d’auto-efficacité ou des motivations. Les stratégies de coping utilisées
peuvent être considérées comme des processus transitoires, permettant
de déterminer si une situation à risque peut donner lieu à un écart. Une
fois que l’écart a eu lieu, les conséquences immédiates, telles qu’une
altération des processus de prise de décision, l’EVA, etc., sont aussi des
processus transitoires (Hendershot et al., 2011b) ;
3. des situations à risques (exemple : événement stressant où l’individu a
un sentiment de perte de contrôle).

Ces facteurs interviennent simultanément et en interaction pour déter-


miner le risque et la sévérité d’une rechute (Hendershot et al., 2011b ;
Witkiewitz & Marlatt, 2007a). L’interaction entre les facteurs stables et
transitoires est complexe. Les auteurs (Witkiewitz & Marlatt, 2004) repré-
sentent ces interactions sous la forme d’un schéma que nous allons présenter
ci-après (figure 3).

Situations à haut risque


Facteurs contextuels Effets perçus
(renforcement,
EVA)

Comportement
de consommation
Comportements
de la substance
pour faire face
(quantité
(Approche/
ou fréquence)
évitement
comportemental/
Processus Cognitifs cognitif,
(sentiment d’efficacité autorégulation)
personnelle, attentes
d’effets positifs, État émotionnel
motivation, craving)
Risques
distaux
Symptômes
physiques de sevrage

Processus stables Processus transitoires

Figure 3. Modèle dynamique de la rechute (Witkiewitz & Marlatt, 2004)

Pour chaque situation à haut risque (cercle gris clair), vont interagir
des processus stables et des processus distaux. La rechute est précédée d’un
ensemble de facteurs de risques et de processus, dont les facteurs distaux, les

30 Addictions : prévenir la rechute


processus cognitifs, émotionnels et les comportements de coping. Les risques
distaux (antécédents, personnalité…) seront des facteurs de risques directs
et indirects (via leur influence sur les processus transitoires). Aussi, dans ce
schéma, les lignes en pointillés représentent les influences proximales et les
lignes continues les influences distales. Les cases accolées indiquent une cau-
salité réciproque entre elles (les stratégies de coping influencent le comporte-
ment de consommation d’alcool, et inversement le fait de boire influence les
stratégies de coping).
Dans ce modèle, les processus sont rétroactifs et tiennent compte de
l’interaction entre les capacités de coping, les processus cognitifs, les affects
et les comportements de consommation ou les comportements addictifs.
Les situations à haut risque (passer devant un bar…) jouent un rôle majeur
dans la relation entre les facteurs de risque et les comportements d’utili-
sation de substance. La personne s’ajuste en permanence face aux facteurs
contextuels et aux situations à haut risque. Elle fait face avec les capacités
qui sont les siennes. Ces dernières sont influencées par les facteurs distaux
(génétiques, historiques…), qui vont jouer un rôle dans les processus cogni-
tifs, émotionnels et comportementaux mis en place quand survient une
situation à haut risque. C’est cette association entre les processus stables
et les processus transitoires, qui mènera ou non à un écart ou à un main-
tien des objectifs de la personne. De la même façon, les comportements de
consommation ou le maintien de l’objectif initial influenceront en retour
les comportements pour faire face (coping) et le sentiment d’auto-efficacité.
Ainsi, dans ce modèle, la rechute n’est pas un processus linéaire mais dyna-
mique, qui demande une compréhension très fine des processus stables et
transitoires à l’œuvre pour chaque patient et pour chaque situation à risque
qu’il décrira.
La rechute peut être soudaine et inattendue (Hendershot et al., 2011b).
Aussi, ce modèle permet d’identifier les leviers thérapeutiques qui seront mis
en œuvre dans la PR. Principalement le psychothérapeute proposera des outils
pour agir sur les processus cognitifs, émotionnels, comportementaux et parfois
sur la situation en tant que telle. Nous évoquerons ces outils et stratégies dans
la suite de ce chapitre, et ils feront l’objet de chapitres ou de séances détaillés
dans la suite du livre.
Marlatt et ses collègues poursuivront leurs recherches basées sur le
modèle dynamique. Katie Witkiewitz va développer la PR en s’appuyant sur
la recherche clinique dans le domaine de la thérapie cognitive basée sur la
pleine conscience pour la dépression (Witkiewitz et al., 2013 ; Witkiewitz &
Bowen, 2010), elle a développé la Prévention des Rechutes Basée sur la Pleine
Conscience (Mindfulness-Based Relapse Prevention, MBRP).

La Prévention de la Rechute en théorie 31


3.4. La PR et la troisième vague des TCC
Les interventions psychothérapeutiques basées sur la pleine conscience
sont de plus en plus répandues. Le programme Mindfulness Based Relapse
Prevention (Witkiewitz et al., 2013 ; Witkiewitz & Bowen, 2010) est basé
sur la structure et le format des programmes MBSR (Mindulness-Based Stress
Reduction) et MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy) mais avec un
objectif supplémentaire de prévention de la rechute (Bowen et al., 2019).
En groupe, le patient développe des stratégies efficaces pour faire face aux
déclencheurs des envies (situations à risques, pensées, sensations). Ce pro-
gramme, à l’aide de la pleine conscience, se donne pour but d’apprendre aux
personnes à accepter leurs envies, le temps de leur apparition, à les observer
ainsi que le cortège d’émotions qui les accompagne, à ne pas les juger ni les
combattre.
La Thérapie Comportementale Dialectique (TCD) est de plus en plus
intégrée dans le traitement des toxicomanies. Dimeff et Linehan ont déve-
loppé une approche de prévention des rechutes basée sur la TCD (Dimeff &
Linehan, 2008). Le thérapeute guide le patient en réalisant une analyse com-
portementale des événements qui ont conduit à la consommation de drogue,
en glanant tout ce qui peut être appris et appliqué à des situations futures.
La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT) s’avère utile dans
le traitement des troubles liés à la dépendance. L’ACT joue un rôle dans la
prévention de rechute en fournissant un cadre aux personnes qui sont en
mesure de repérer que l’évitement émotionnel conduit à la souffrance et à la
consommation de substances. L’Acceptance-Based Coping for Relapse Prevention
(ABCRP) a ainsi été créée et a montré des effets prometteurs (Vieten et al.,
2010).

4. Les stratégies thérapeutiques de la PR


Dans cette partie, nous ne ferons qu’introduire ces stratégies, chacune sera
détaillée dans la suite de l’ouvrage. Les stratégies d’intervention de la PR
sont conçues pour apprendre aux patients à anticiper et à faire face à la possi-
bilité d’une rechute. Plusieurs ouvrages anglophones existent et recensent les
stratégies mises en place dans la PR (Daley & Douaihy, 2015 ; Herie et al.,
2015). Celles-ci se divisent en deux grandes catégories : les techniques d’in-
tervention spécifiques, souvent conçues pour aider le patient à anticiper et
à faire face aux situations à haut risque, et les approches globales de maîtrise
de soi, destinées à réduire le risque de rechute en favorisant un changement
positif du mode de vie. Douaihy et ses collaborateurs proposent 7 stratégies
principales (Douaihy et al., 2007).

32 Addictions : prévenir la rechute


– Stratégie 1 : Aider les patients à comprendre que la rechute est un proces-
sus et un événement et leur apprendre à identifier les signes précurseurs.
Les signes avant-coureurs peuvent être subtils, tels une période d’irritabilité,
d’anxiété, une tendance à se disputer plus facilement avec son entourage, etc.
Il sera donc important d’examiner avec le patient l’historique des rechutes, les
événements importants de la vie de celui-ci qui seraient susceptibles de préci-
piter la rechute. Il s’agira pour le patient de déterminer ces signaux d’alerte en
utilisant des stratégies cognitives, comportementales et émotionnelles afin de
se créer un plan de rétablissement.

– Stratégie 2 : Aider les patients à identifier leurs situations à haut risque et


à développer des réponses cognitives et comportementales.
Les situations à risque comprennent plusieurs facteurs mais ce seront essen-
tiellement les capacités d’adaptation du patient qui prédiront la rechute.
L’apprentissage d’une plus grande souplesse pour passer d’une stratégie d’adap-
tation à une autre s’avère importante afin de maintenir les objectifs initiaux.
Le patient intégrera des stratégies globales de maîtrise de soi, telles que l’en-
traînement à l’affirmation de soi, la restructuration cognitive suite à l’effet de
violation de l’abstinence ou encore l’apprentissage de la relaxation, médita-
tion, etc. Le patient devra apprendre à identifier les décisions apparemment
sans conséquences qui vont le rapprocher de la rechute.

– Stratégie 3 : Aider les patients à améliorer leurs compétences relation-


nelles, leurs relations interpersonnelles et leurs réseaux sociaux.
La PR ne se concentre pas uniquement sur la réduction (ou l’annulation) des
comportements addictifs. Des relations positives interpersonnelles avec sa
famille, ami(e)s, collègues, etc., favorisent le rétablissement. La participation
de la famille est un soutien pour que le patient puisse maintenir ses efforts de
changement et de rétablissement. Les patients sont encouragés à réfléchir sur
l’importance de décider qui doit être intégré dans leur réseau social. Les jeux
de rôle, les tâches comportementales, peuvent être utilisés pour encourager
l’apprentissage. Un autre objectif sera d’identifier et de préparer le patient à la
gestion de la pression sociale.

– Stratégie 4 : Aider les patients à gérer les états émotionnels négatifs.


L’apprentissage des techniques de gestion du stress afin d’équilibrer au plus
possible leur vie sera privilégié, mais d’autres stratégies seront aussi utilisées. Il
peut s’agir de la psychoéducation sur le rôle des émotions négatives telles que
la colère, l’ennui, l’identification des situations qui les déclenchent afin d’aider
les patients à développer leurs capacités d’adaptation cognitives et comporte-
mentales.

La Prévention de la Rechute en théorie 33


– Stratégie 5 : Aider les patients à identifier et à gérer les craving.
Des indices environnementaux peuvent déclencher des envies qui se mani-
festent par des changements cognitifs (une augmentation des pensées sur la
consommation) et physiologiques (augmentation du rythme cardiaque, de
la sudation…) et des réactions émotionnelles (augmentation de l’anxiété).
Parfois, l’évitement des signaux qui déclenchent des envies peut être conseillé
pour diminuer la fréquence des craving. Il est également possible d’exposer le
patient aux déclencheurs des craving pour réduire leur intensité.

– Stratégie 6 : Aider les patients à identifier et à contester leurs distorsions


cognitives.
Il s’agit d’identifier les pensées négatives telles que les pensées catastrophiques
ou encore les conclusions hâtives ou la généralisation excessive. Toutes les
techniques de restructuration cognitive des TCC peuvent être utilisées. Les
AA (Alcooliques Anonymes) peuvent utiliser certaines manières de penser
aidantes comme « un jour à la fois ».

– Stratégie 7 : Aider les patients à envisager l’utilisation des médicaments.


Certains médicaments peuvent être une aide dans la gestion des envies notam-
ment et la prévention de la rechute.

– Autre stratégie : l’Entretien Motivationnel (EM)


L’Entretien Motivationnel se base sur un entretien centré sur la personne, non
directif mais orienté, dans le but de susciter la motivation à agir et au change-
ment. Cette intervention est antérieure à la psychothérapie (Rollnick et al.,
2018). Même si les techniques de l’EM ne font pas à proprement partie du
modèle de la PR, elles sont très souvent utilisées (Daley & Douaihy, 2015 ;
Herie et al., 2015). En effet, la motivation est fluctuante et les techniques de
l’EM s’avèrent utiles tout au long de la thérapie. Ces techniques peuvent servir
à inciter les patients à mettre en place les changements que demande la pré-
vention de la rechute notamment en cas de comorbidités.

5. Efficacité de la PR
Les TCC ont démontré leur efficacité et peuvent être combinées entre elles
et/ou avec la pharmacothérapie pour obtenir des résultats plus solides dans le
traitement psychothérapeutique des addictions (Magill et al., 2019 ; McHugh
et al., 2010)
Parmi les interventions psychosociales, la Société Française d’Alcoologie
(2015) recommande, parmi les meilleurs niveaux de preuve, les entretiens
motivationnels (EM) et les TCC (Société Française d’Alcoologie, 2015).

34 Addictions : prévenir la rechute


Il n’est pas évident d’identifier les effets isolés de la PR, tant elle est utilisée
dans de nombreux programmes de TCC à destination des patients en addic-
tologie. Cependant, nous disposons de quelques données. Une méta-analyse
montre que la PR est une intervention réussie pour réduire la consommation
de substances et améliorer l’adaptation psychosociale (Irvin et al., 1999). En
particulier, la PR a été plus efficace dans le traitement de la consommation
d’alcool et de substances multiples que dans le traitement de la consommation
de cocaïne et du tabagisme (Carroll, 1996 ; Livingstone-Banks et al., 2019;
McCrady, 2000). Cependant, pour de nombreuses personnes qui tentent de
changer un comportement addictif, il est difficile, voire impossible, d’empê-
cher complètement la rechute, même avec les programmes de prévention de la
rechute les plus sophistiqués (Brandon et al., 2007). Toutefois, le maintien du
rétablissement n’est pas un objectif impossible à atteindre pour les personnes
qui rechutent.
Certains aspects de la thérapie de prévention de la rechute ont évolué pour
devenir des éléments essentiels de presque tous les traitements psychosociaux
des troubles liés à la consommation de substances, y compris des programmes
de réhabilitation traditionnels en 12 étapes (McGovern et al., 2004). La pré-
vention de la rechute a été initialement conçue comme un complément aux
traitements existants. Elle a également été largement utilisée comme traite-
ment autonome et sert de base à plusieurs autres traitements cognitifs et com-
portementaux (Antony et al., 2005). Par exemple, le modèle Matrix s’inspire
fortement du modèle cognitivo-comportemental d’origine, mais est dispensé
sous la forme d’un traitement intensif de 16 semaines pour les utilisateurs de
stimulants (Finney et al., 2007). Le programme est conçu pour enseigner les
compétences immédiates nécessaires pour arrêter la consommation de subs-
tances, fournir une compréhension des facteurs essentiels à la prévention
des rechutes, impliquer les membres de la famille, renforcer et encourager les
changements positifs, présenter aux patients des compétences d’autosoin.

La Prévention de la Rechute en théorie 35


CHAPITRE 2
Contexte de la PR

« Concevez toujours une chose en la considérant


dans un contexte plus large – une chaise dans une pièce,
une pièce dans une maison, une maison dans un quartier,
un quartier dans une ville. »
Eliel Saarinen

Les compétences acquises dans le cadre de la prévention de la rechute sont


essentielles pour apprendre à vivre le mieux possible lors de son rétablissement.
En effet, le soin en addictologie est un processus de croissance personnelle
comportant des étapes de développement. À chaque étape du rétablissement,
il existe un risque de rechute, d’où l’importance de connaître et de comprendre
les techniques de prévention des rechutes. Dans quel cadre peut-on mettre en
place la PR ?

1. Quand et pour qui ?


La PR peut être réalisée soit pendant un programme de traitement, soit en fin
de programme pour maintenir les acquis. Toutefois, elle ne peut être pratiquée
à n’importe quel moment du parcours de soin. Elle va dépendre du stade où
se trouve le patient. En effet, le changement n’est pas un événement brutal,
c’est un processus continu qui peut être décrit par stades. Il peut y avoir des
avancées et des retours en arrière. L’intervention thérapeutique est à adapter
en fonction du stade où se trouve le patient. Le tableau 2 indique les stratégies
à privilégier à chaque stade.

Contexte de la PR 37
Stades Attitudes du thérapeute
Pré-contemplation – Construction de l’alliance thérapeutique
État dans lequel il n’est pas ou peu – Transmettre quelques informations
reconnu de problème et donc pas dans une stratégie de réduction des
envisagé de changement. risques
– Faire naître le doute pour susciter
une ambivalence
Contemplation – Évaluer les risques et les avantages de la
Étape à laquelle les conséquences consommation et/ou du comportement
négatives des consommations et/ou addictif (balance motivationnelle)
des conduites addictives sont reconnues – Développer la motivation de la per-
mais l’ambivalence est encore importante sonne, en s’appuyant sur les divergences
quant à l’idée de changement. entre le comportement et les valeurs du
patient (enfants, travail, famille, études,
santé mentale…)
Préparation – Renforcement positif de toute décision
Étape au cours de laquelle l’individu de changement
s’engage à prendre des mesures pour – Aider à trouver une bonne stratégie :
modifier son comportement et élabore établir des plans, fixer des buts et déter-
un plan et une stratégie de changement miner les ressources nécessaires en lien
avec ses valeurs
– Prévoir les obstacles et les stratégies/
moyens pour les contrer
Action – Mise en œuvre des stratégies de chan-
Étape au cours de laquelle l’individu met gement pour un nouveau mode de vie
en œuvre le plan et prend des mesures – Réviser le plan si nécessaire
pour modifier le comportement actuel et/ – Maintenir l’engagement face aux diffi-
ou commencer à créer un nouveau cultés
comportement

Tableau 2. Définitions et objectifs pour chaque stade (DiClemente, 2018)

De nombreuses personnes ont besoin de temps pour traverser les étapes


de précontemplation, de contemplation et de préparation, jusqu’à celle de
l’action. En effet ce processus demande du temps, nécessaire à la prise de
conscience et au développement de la motivation. Ce mouvement est en spi-
rale dans le temps (figure 4). Le patient passe d’une étape à une autre, revient
parfois en arrière, rechute, jusqu’à ce qu’il parvienne au rétablissement et au
maintien de son objectif (abstinence ou diminution). C’est une conceptualisa-
tion plus optimiste du changement dans les comportements addictifs.
La thérapie de la prévention de la rechute convient particulièrement aux
personnes au stade de l’action et du maintien. À ces stades, elles vont recher-
cher des outils et des compétences pour arrêter de consommer des substances
(demande vers l’abstinence) ou diminuer leurs comportements addictifs
(demande de consommation/comportement contrôlé(e)) et sont motivées pour

38 Addictions : prévenir la rechute


recevoir une telle aide. La PR permet un pont vers l’avenir, grâce au développe-
ment de nouveaux comportements choisis (empowerment). Au-delà de l’objectif
de pérennisation des changements et des stratégies face à une problématique
addictive, la phase du maintien rend la personne disponible pour développer des
compétences qui dépassent les besoins spécifiques à son soin. La personne, qui
gagne en confiance dans sa capacité à gérer ses envies de consommation et à se
détacher de cette image de consommateur, pourra oser (agir, s’exprimer) plus
aisément dans d’autres contextes (au travail, dans son couple, ou cercle amical).

Précontemplation
Sensibilisation à la nécessité de changer

Contemplation
Augmenter les avantages du changement
et en diminuer les inconvénients

Maintien Rechute Préparation


Intégrer le changement Engagement et planification
dans le mode de vie

Action
Résilience Mise en œuvre et révision
du plan

Figure 4. Une représentation cyclique du mouvement à travers les étapes


du changement (DiClemente, 2018)

Pour des personnes qui se situeraient à des phases antérieures de change-


ment, proposer une thérapie qui viserait, par exemple, à atteindre l’arrêt, la
modération des comportements addictifs et leur stabilisation, s’avérerait tout
à fait prématuré et pourrait toucher le sentiment d’efficacité personnelle, sus-
ceptible d’entraîner la non-observance, voire une résistance.
Comme les stades de précontemplation et de contemplation, le stade de
rechute, qui demande un sevrage physique pour certaines addictions, n’est
pas non plus adapté au travail de PR. Le patient pourra reprendre, avec le
soignant, le fil des circonstances de ses consommations/reprises de comporte-
ments (cf. l’Analyse Fonctionnelle), afin que, parvenu à nouveau au stade de
l’action, il puisse mettre en place ses stratégies préventives.

Contexte de la PR 39
2. Comment ?
Il est possible de mettre en place la PR en séance individuelle ou en groupe.
Pour plus d’éléments sur la pratique groupale, vous pourrez vous référer au cha-
pitre 1 dans la partie 2 de ce livre. La PR se travaille lors de plusieurs ren-
contres ou d’ateliers afin de maintenir le changement effectif. Il est préférable,
toutefois, que la personne soit éloignée des SPA (Substances Psycho-Actives)
afin qu’elle puisse être complètement disponible pour le travail cognitif et psy-
choéducatif.
En individuel, grâce à l’alliance thérapeutique, le patient peut aborder de
manière approfondie, les éléments faisant freins ou ressources, actifs dans le
processus de soin et les enjeux de son contexte de vie. En parallèle, le groupe,
comme nous le verrons, permet au patient de mettre à distance son vécu
propre et de se confronter aux histoires de vie d’autres personnes comportant
des similitudes avec sa problématique. Il n’est plus seul, le partage permet la
prise de conscience de la maladie chronique (par identification) et la solidarité
selon ses avancées dans le soin. La mise en place de ces pratiques multiples au
sein du soin en addictologie permet de gagner en efficacité dans le maintien de
l’abstinence (Ouimette et al., 1998).

3. Où ?
La PR peut se pratiquer dans toutes les structures ambulatoires ou résiden-
tielles en addictologie. Les structures résidentielles ont été les premières et
jusqu’aux années 1970 les seules structures de prise en charge pour les per-
sonnes souffrant d’addictions (Delile & Couteron, 2009). Toutefois, des études
ont montré l’absence de preuves d’efficacité supérieures du résidentiel vis-à-vis
de l’ambulatoire (Finney & Moos, 2003), faisant émerger des structures pro-
posant une prise en charge en ambulatoire. Le résidentiel vient alors comme
un appui important dans le parcours de soin. Les indications pour des soins en
résidentiel sont (Delile & Couteron, 2009) :
– sevrage complexe en cas de polytoxicomanie,
– séjour de rupture pour des adolescents avec une addiction au cannabis,
– présence de comorbidités psychiatriques,
– échec des prises en charge antérieures en ambulatoire,
– désocialisation,
– présence de comorbidités médicales importantes,
– overdose sévère,
– antécédents de rechutes répétées.

40 Addictions : prévenir la rechute


« L’orientation s’inscrit dans une perspective d’efficience et d’adaptation
aux besoins et attentes des patients, elle s’attache à déterminer le cadre de
traitement le moins contraignant et le moins restrictif possible mais capable
d’assurer des conditions de sécurité et d’efficacité adaptées aux nécessités de
leur état. » (Delile & Couteron, 2009, p. 30)
Les objectifs de l’hospitalisation ne sont pas de permettre le seul sevrage
des conduites addictives. Elle est surtout l’occasion de permettre aux patients
de trouver des stratégies de lutte contre la rechute et de comprendre ou de
trouver ses motivations, tout en permettant un bilan complet (somatique et
psychiatrique)
En ambulatoire, le patient peut faire le point avec un professionnel sur
les difficultés rencontrées. Un accompagnement vers l’arrêt ou la consomma-
tion contrôlée de drogues ou vers un traitement de substitution (pour les per-
sonnes dépendantes aux opiacés) est proposé. La prise en charge peut se faire
de manière individuelle ou collective, comme en résidentiel. L’entourage y est
également accueilli.

L’exemple de la structuration des soins en addictologie en France


– CSAPA (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) :
structures accueillant des personnes en difficultés avec leurs conduites addictives
ainsi que leur entourage. Leurs missions englobent l’accueil, l’orientation, le traitement
des addictions et la réduction des risques. Ces centres peuvent accueillir leur public
dans un cadre ambulatoire ou en résidentiel, en consultation individuelle ou de
groupe.
– Le pôle hospitalier regroupe 3 niveaux :
0 Le premier niveau est dit de proximité et propose des sevrages résidentiels simples,
des activités de consultation et de liaison.
0 Le deuxième niveau propose le niveau 1 ainsi que des sevrages résidentiels
complexes ou encore des soins de suite.
0 Le troisième niveau regroupe les deux premiers niveaux et y ajoute des activités
de recherche et de formation.
– SSRA (Service de Soins et de Réadaptation en Addictologie) : structure de soins
conçue comme une étape dans le parcours se situant avant le retour dans le milieu
de vie et la réinsertion. Les centres proposent du soin en résidentiel (nommé
couramment « Post-cure ») ou ambulatoire (comme de l’hospitalisation à temps
partiel ou hôpital de jour). Certains se sont spécialisés dans l’accueil des femmes et
des enfants, d’autres dans la prise en charge des troubles cognitifs, etc.
– Communauté thérapeutique (CT) : traitement résidentiel le plus connu dans le
monde. Elles sont le plus souvent codirigées par des professionnels et des usagers.
Ce sont des lieux de vie où la coresponsabilité, la progressivité de l’évolution et les
règles collectives sont mises en avant. Le temps de séjour peut être long jusqu’à
deux ans.
– Centre thérapeutique résidentiel (CTR) : structure de soins où le nombre d’usagers
est assez réduit (15 au plus). Un des objectifs majeurs est le retour à l’autonomie
avec un temps de séjour allant de quelques mois à une année.

Contexte de la PR 41
– Les associations de patients comme les Alcooliques Anonymes (AA), Narcotiques
Anonymes, Boulimiques Anonymes, Alcool Assistance… : les associations d’usagers
et mouvements d’entraide proposent, elles aussi, des modalités d’accompagnement.
Basées sur leur propre expérience et leurs connaissances de la maladie, elles sont
des ressources importantes de par les diverses modalités proposées (réunions,
permanences, temps pour l’entourage, lien téléphonique, etc.).
– La PR peut tout aussi bien être pratiquée dans d’autres structures, notamment en
psychiatrie ou encore en cabinet libéral.

4. Par qui ?
La PR peut être pratiquée par tout professionnel travaillant auprès de patients
présentant des problématiques addictives : psychologue, psychiatre, médecin,
Infirmier Diplômé d’État (IDE), ergothérapeute, psychomotricien, éducateur,
etc. Des connaissances en Thérapies Cognitives et Comportementales (TCC)
sont préférables afin de mieux appréhender le modèle théorique et sa mise en
pratique.
Par ailleurs, au vu des répétitions de ces cycles chez un même patient et
donc de la répétition du travail en prévention de rechute, le professionnel doit
être attentif et développer son savoir-être. En effet, il doit être en mesure de
poser un regard sur ses propres émotions et pensées afin de garder un lien empa-
thique et une certaine authenticité auprès du patient, éléments nécessaires
pour l’alliance thérapeutique (Cungi, 2016). En effet, un essoufflement ou une
frustration peuvent survenir face au discours contemplatif ou à un travail de
PR qui a du mal à se concrétiser dans le quotidien du patient. Un échange
régulier en équipe, en intervision ou avec un autre professionnel en supervi-
sion peut être conseillé afin de permettre une alliance thérapeutique tout au
long du soin, et éviter une lassitude du soignant, face aux rechutes du patient.

La pair-aidance
C’est dans les années 1930 aux États-Unis qu’est né le mouvement des « Alcooliques
Anonymes » (AA) et ainsi le concept de pair-aidance. Le partage d’une expérience
positive de rétablissement sans pour autant occulter les parties plus difficiles en est le
fondement. Aujourd’hui, la pair-aidance se développe dans le champ de la santé
mentale et des addictions.
La pair-aidance repose sur l’entraide entre personnes qui vivent avec une même maladie,
somatique ou psychique. Elle est présente dans les groupes d’entraide dont elle est
issue, mais aussi dans un cadre plus professionnalisé. Dès les années 1950, c’est aussi
dans le traitement des addictions que la pair-aidance s’est pour la première fois
professionnalisée dans le Minnesota au William State Hospital où d’anciens
alcoolodépendants sont formés en tant que counsellors. De nos jours, en France,

42 Addictions : prévenir la rechute


plusieurs formations existent comme le DU de pair-aidance en santé mentale à Lyon
et la profession s’organise de plus en plus.
Le pair-aidant apporte de nombreux avantages dans le rétablissement (Niard & Franck,
2020) :
– l’espoir du rétablissement, le droit à la vulnérabilité puissante,
– un nouveau regard, venant de l’intérieur, pour une remise en question des pratiques,
– l’identification : le principe clé de l’accompagnement pair.
Dans l’ensemble, la majorité des études indiquent que la participation des pairs aux
interventions de soutien au rétablissement semble avoir un effet salutaire sur les
participants et semble contribuer positivement aux résultats de la consommation de
substances (Bassuk et al., 2016). Toutefois, ces résultats sont à pondérer, d’après les
auteurs, car peu d’études existent. Ainsi, des limites dans celles-ci et des recherches
supplémentaires sont nécessaires pour déterminer l’efficacité des différentes approches
et des différents types de services de soutien par les pairs, en ce qui concerne la
quantité, l’intensité, le niveau de compétence du pair, le contexte du service et l’efficacité
parmi les différentes populations cibles.
Le pair-aidant a donc toute sa place dans le travail de prévention de la rechute, que
ce soit en groupe ou en individuel.

5. Contre-indications
– Le manque de motivation
La motivation au changement est un facteur essentiel dans la prise en charge
en addictologie, et dans le maintien d’un changement d’un comportement
addictif. En son absence, il est très difficile de mener un programme de PR
avec un patient, au risque de travailler sur des objectifs qui ne sont pas ceux
du patient, de mettre en jeu l’alliance thérapeutique et de ne pas maintenir le
changement à court ou moyen terme.
Pour illustrer notre propos, voici l’exemple des patients orientés en consul-
tation par une obligation de soin. Ce n’est pas une contre-indication à pro-
prement parler. Néanmoins, elle peut perturber la dynamique du travail et la
transparence dans le discours sur d’éventuelles consommations (rechute ou faux
pas), par amalgame et crainte de la sanction. En effet, un patient participant
à un soin en addictologie avec une motivation « extrinsèque »1 ne pose pas de
sens personnel à cette démarche. Il sera plus difficile pour lui de tenir les objec-
tifs dans la durée s’il ne fait pas un travail pour s’approprier cette démarche.

1. Les enjeux du soin se portent essentiellement sur des facteurs externes au patient
(demande de la famille, menace de séparation du couple, condamnation avec sursis
et obligation de soin).

Contexte de la PR 43
– Les troubles cognitifs majeurs
L’obstacle dans le travail de PR ne se résume pas uniquement à la motiva-
tion du patient. En effet, certaines substances psychoactives engendrent des
transformations dans les circuits cérébelleux. Le Laboratoire Universitaire
de Caen, à travers différentes études sur l’alcoolodépendance, a pu mettre en
lien troubles mnésiques (principalement la mémoire épisodique), troubles des
fonctions exécutives (avec la faculté d’inhibition/flexibilité et de planification/
prise de décision) avec l’usage chronique de l’alcool (Ritz et al., 2012). Sans
prise en compte de ces troubles, et la mise en place d’un travail de remédiation
ou une adaptation de l’environnement, le travail de PR sera difficile à main-
tenir en situation de vie quotidienne pour le patient. De plus, les addictions
sont souvent associées à une ou des pathologies psychiatriques, elles-mêmes
pourvoyeuses de troubles cognitifs.
Lors de la phase d’analyse fonctionnelle, le patient est invité à se remémo-
rer ses expériences passées (le contexte de l’addiction, les conséquences plai-
santes et déplaisantes, etc.), ce qui implique une récupération épisodique assez
riche. La recherche d’alternatives comportementales pour faire face à l’envie,
la restructuration cognitive implique de la flexibilité mentale et la mobilisa-
tion de planification mentale. Or le domaine des fonctions exécutives est le
premier à avoir fait consensus concernant l’impact de l’alcool sur le fonction-
nement cérébral (Boudehent et al., 2012).

– Les troubles psychiatriques non suivis


Nous aborderons les éléments à mettre au travail autour des comorbidités et
addictions. Néanmoins, le professionnel doit être en mesure de préconiser un
suivi psychiatrique (en parallèle ou avant même le travail de PR) dans cer-
taines situations cliniques, par exemple, une personne souffrant de dépression
majeure avec idées suicidaires scénarisées, une personne souffrant de bipolarité
et non suivie médicalement ou encore une personne présentant un trouble
sévère de la personnalité (antisociale, borderline, etc.).

44 Addictions : prévenir la rechute


PARTIE 2
Les spécificités de la PR
CHAPITRE 1
La prévention de la rechute
en groupe

« Un bon thérapeute n’est pas quelqu’un qui sait


mais quelqu’un qui cherche. »
Irvin Yalom

Les psychothérapies groupales sont communes et apportent de nombreux


bénéfices pour les patients quand elles sont menées de façon ciblée et struc-
turée. Elles permettent aux patients de partager une expérience et de trouver
un soutien nécessaire auprès de pairs vivant une situation de sevrage ou de
changement d’un ou plusieurs comportements addictifs.

1. Avantages et limites
1.1. Avantages
L’être humain étant par nature un être social, la thérapie de groupe est un outil
puissant et efficace dans le traitement (et dans les psychothérapies) des dépen-
dances. En effet, les groupes psychothérapeutiques fournissent un soutien posi-
tif par les pairs et augmentent l’engagement de tous les membres du groupe
à participer à la psychothérapie. Ils favorisent l’adhésion des participants du
début à la fin du programme.
Ils réduisent par ailleurs le sentiment d’isolement que connaissent la plu-
part des personnes souffrant de dépendance et permettent aux participants de
s’identifier à d’autres personnes qui sont aux prises avec les mêmes problèmes
(Yalom & Leszcz, 2005). Les patients inclus dans un groupe psychothérapeu-
tique sont les témoins du rétablissement d’autres personnes. Cette inspiration

La prévention de la rechute en groupe 47


donne aux personnes dépendantes de l’espoir et augmente le sentiment d’effi-
cacité personnelle pour rester abstinentes ou dans une consommation contrô-
lée (Ladouceur et al., 2003 ; Sobell & Sobell, 2011)
Les groupes permettent aussi de se questionner de manière différente et plus
précise qu’ils ne peuvent le faire seuls, à optimiser leur manière de faire face à
leurs problèmes de consommation et/ou à réaliser leurs comportements addic-
tifs en leur faisant voir comment les autres font face à des problèmes similaires.
Ils fournissent des informations utiles aux patients qui débutent dans le réta-
blissement. Les membres peuvent apprendre comment éviter les déclencheurs,
l’importance de l’abstinence dans certaines situations et comment s’identifier à
un nouveau statut, celui d’une personne dépendante en rétablissement.
Le travail en groupe permet de mettre en avant les valeurs et les capacités
de chacun des membres. Ces informations aident ces derniers à améliorer leur
conception d’eux-mêmes ou à modifier des conceptions erronées et déformées
pour aller vers une conception réaliste de soi et de leurs capacités.
Finalement, les groupes offrent des expériences de soutien qui nourrissent
les participants. Ces expériences peuvent avoir fait défaut dans les familles
d’origine et dans l’entourage des membres du groupe. Les groupes encouragent,
encadrent, soutiennent et renforcent les participants qui entreprennent des
tâches difficiles ou anxiogènes (Yalom & Leszcz, 2005).

1.2. Limites
Même si les groupes thérapeutiques sont des outils puissants et utiles, ils ne
doivent pas être appliqués à l’aveugle, sans discernement ni réflexion car ils
présentent un certain nombre de limites. D’abord, tout le monde ne se sent pas
en sécurité dans une situation de groupe. C’est pourquoi la phase d’inclusion
que nous détaillerons ci-après est fondamentale.
D’autres personnes préféreront une relation en duo pour explorer des ques-
tions personnelles qu’elles ne souhaitent pas partager avec un groupe ou dont
le contenu ne sera pas en adéquation avec les objectifs du groupe.
Finalement, certains individus qui ont tendance à monopoliser la parole,
les personnalités d’ordre psychopathiques ou encore les personnes agressives,
peuvent être contre-indiqués car ils peuvent « casser » la dynamique construc-
tive de groupe. Par ailleurs, l’intérêt thérapeutique pour eux sera limité ; cer-
taines personnes bénéficieront plus grandement d’une relation thérapeutique
individuelle.

48 Addictions : prévenir la rechute


2. Rôle et caractéristique de l’animateur
2.1. Prérequis
Certaines conditions sont nécessaires pour rendre la thérapie de groupe appli-
cable et efficace auprès des patients en addictologie. Les thérapeutes animant
le groupe peuvent avoir besoin d’une formation spécifique afin de bien com-
prendre les techniques du travail de groupe et les caractéristiques particu-
lières des patients dépendants. La thérapie de groupe n’est pas une thérapie
individuelle effectuée en groupe. Elle exige que les individus comprennent
et explorent les conflits émotionnels et interpersonnels qui peuvent contri-
buer à leur addiction. L’animateur du groupe doit posséder des connaissances
et des compétences spécialisées, notamment une bonne compréhension des
processus à l’œuvre dans les groupes et des étapes du développement de la
dynamique de groupe. Pour ce faire, il est possible également d’aller observer
des professionnels plus expérimentés, puis de co-animer avec l’un deux.

2.2. Faciliter la cohésion de groupe


Animateurs
Influence positive Influence négative
– Favoriser le partage – Ne pas encourager les échanges
– Montrer comment parler de soi en – Attitude défensive
centrant sur la responsabilité – Mode relationnel évitant ou anxieux
– Donner ses impressions sans juge- – Attitude de jugement et de compétition
ment – Ne pas être capable de manifester une écoute
– Chaleur humaine et contact visuel chaleureuse authentique
– Reconnaître ses erreurs – Ne pas détecter les personnes à l’attitude
– Faire face à sa colère et celle des toxique pour le groupe
autres – Tolérer la désignation d’un bouc émissaire et
– Attirer l’attention sur les moments les sous-groupes sans réagir
positifs – Ne pas réagir aux absences et aux retards
– Ne pas tolérer les émotions négatives
Participants
– Parler à tour de rôle – Réactions de critique ou de jugement
– Soutien et accueil de l’autre – Problèmes interpersonnels tels que la difficulté
– Accepter de se dévoiler à s’affirmer, la vindicte, l’intrusion.
– Attention au fonctionnement psy- – Mode relationnel évitant ou anxieux
chique – Perceptions déformées d’autrui
– Niveau éducatif élevé – Difficulté à se dévoiler, à prendre ce risque
– Accepter de ressentir des émo- – Être facilement submergé par les émotions
tions – Retards ou absences
Tableau 3. Facteurs liés à l’animateur et aux participants affectant
la cohésion de groupe (Wagner & Ingersoll, 2015)

La prévention de la rechute en groupe 49


L’animateur doit pouvoir faciliter l’expression et donner la direction des
échanges. Il n’a pas besoin de connaître toutes les réponses mais encoura-
gera le fait que celles-ci puissent venir des autres participants, favorisant ainsi
l’esprit de groupe. La tentation, dans un groupe de prévention de la rechute
qui comporte par essence de la psychoéducation, est de prendre un rôle de
professeur. Ce rôle est bien sûr à proscrire car le meilleur des apprentissages
passe par le groupe.

2.3. La co-animation
Il est préconisé d’animer un groupe à deux thérapeutes (Chaperon et al.,
2018). La co-animation permet à deux thérapeutes de formation différente
(infirmiers, psychologues, médecins, pairs-aidants, etc.) d’enrichir mutuelle-
ment leurs pratiques et d’offrir aux patients deux visions différentes et complé-
mentaires. La co-animation s’apprend, se vit, se modèle au fur et à mesure du
temps passé à travailler ensemble ; elle n’est pas innée et se cisèle petit à petit.
Elle nécessite la présence durant toute la séance des deux thérapeutes mais
elle permet une certaine souplesse aussi car, en l’absence de l’un, l’autre peut
assurer la continuité du groupe.
La co-animation facilite également le maintien du cadre et de la sécurité
du groupe. Un thérapeute peut s’autoriser à voir un des membres en individuel
s’il arrive dans un état d’ébriété par exemple ce qui n’empêche pas le groupe de
vivre en l’absence d’un des thérapeutes.

3. Préalables au groupe
3.1. Les différents types de groupe
Chaque type de groupe est utilisé à des fins différentes et nécessite des tech-
niques différentes :
– Groupe ouvert. Les groupes dits « ouverts » sont des groupes que de
nouvelles personnes peuvent rejoindre ou quitter à tout moment. Ils
sont faciles à mettre en place, car ils permettent d’éviter les listes d’at-
tente et d’empêcher toute fin prématurée du groupe liée au manque
de participants. Pour ces raisons, ils sont grandement favorisés par les
institutions (notamment pour des raisons financières). Toutefois, les
groupes dits « ouverts » peuvent entraîner un manque de cohésion,
notamment si plusieurs personnes partent ou entrent en même temps
dans le groupe (Corey et al., 2018). D’autre part, les participants ne
sont pas toujours à l’aise avec la divulgation de soi lors de l’arrivée de
nouvelles personnes. Il est donc plus difficile de construire des rela-
tions significatives les uns avec les autres et de créer et maintenir une

50 Addictions : prévenir la rechute


dynamique de groupe dans un environnement suffisamment sécure
pour chacun des participants.
– Groupe semi-ouvert. Les groupes dits « semi-ouverts » sont des
groupes où les modalités d’accueil sont plus strictes que celles décrites
précédemment. Le nombre de participants est fixe et chaque partici-
pant s’engage sur un nombre de séances. Toutefois, si la personne est
amenée à quitter le groupe, une nouvelle place s’ouvre pour un autre
participant.
– Groupe fermé. Les groupes dits « fermés » ont des membres stables
qui ont généralement été sélectionnés par l’animateur. Les places
laissées vacantes par les personnes qui quitteraient le groupe ne sont
pas proposées à d’autres patients. Le cadre thérapeutique est donc
plus strict dans ce type de groupe. Le groupe fermé apporte un vec-
teur de sécurité pour ses participants ainsi que des liens forts entre ses
membres.

3.2. Composition du groupe, durée, fréquence et nombre


de séances
Quel « mélange » d’individus est préférable pour la psychothérapie de groupe
de prévention de la rechute ? Pour répondre à cette question, il faut examiner
l’impact de chaque patient sur les autres individuellement et la manière dont il
interagira au sein du groupe dans son ensemble. Dans la pratique, cela peut être
un luxe de considérer la composition, mais l’attention portée à la composition,
à l’adaptation du patient et à l’impact de sa présence, est un élément important
pour créer un groupe avec une bonne dynamique.
L’expérience clinique recommande que les groupes soient composés de
manière homogène en ce qui concerne la nature des difficultés des individus,
mais de manière hétérogène en ce qui concerne l’affirmation de soi des par-
ticipants. Idéalement, un groupe devrait être hétérogène en ce qui concerne
le mélange d’individus agressifs, passifs et affirmés. Par exemple, un groupe
composé uniquement d’individus plutôt évitants et passifs générerait peu d’in-
teractions et donc peu d’opportunités d’apprentissage ou d’évolution. Le point
commun requis pour tous les participants est d’être en phase du maintien de
l’abstinence ou de la réduction du comportement addictif ciblé, quelle que soit
l’addiction. En effet, différents types d’addictions peuvent être présents dans
un même groupe.
Nous suggérons que le groupe soit composé de 6 à 8 participants comme le
suggèrent d’autres auteurs (Sobell & Sobell, 2011 ; Wagner & Ingersoll, 2015).
« Un groupe de cette taille est suffisamment grand pour offrir de nombreuses
possibilités d’interactions et suffisamment petit pour que tout le monde puisse
s’impliquer et se sentir comme un groupe » (Corey et al., 2018).

La prévention de la rechute en groupe 51


Velasquez et al. (2016) recommande une durée de 90 minutes de thérapie de
groupe. Notre expérience nous mène aux mêmes recommandations (Velasquez
et al., 2016). La fréquence peut dépendre du contexte dans lequel se déroule
le groupe. En effet, en milieu résidentiel ou hospitalier, un à deux groupes par
semaine peuvent être envisagés. En ambulatoire ou en libéral, il sera plus diffi-
cile de proposer plus d’une fois par semaine, voir tous les quinze jours.
Le nombre de séances dépendra de la structure de soin où est réalisé le
groupe. En milieu hospitalier, le temps de séjour peut être limité et donc le
nombre de séances aussi. En ambulatoire, il est possible de construire un groupe
avec un nombre de séances pouvant aller jusqu’à 24, voire plus selon le besoin.

3.3. Déroulement du groupe


Les groupes issus des thérapies cognitivo-comportementales suivent un format
bien précis que voici.

a) La préparation du groupe
La préparation du groupe est considérée comme essentielle pour plusieurs rai-
sons. Elle contribue à la cohésion entre chaque séance, à la qualité de la co-
animation, et à la prise en compte de la problématique individuelle de chaque
membre du groupe. Cette préparation peut prendre de 15 à 45 minutes en
fonction des groupes, de ses membres, de l’expérience des animateurs et du
binôme qu’ils forment ainsi que du temps passé à travailler ensemble. Pour
la première séance, elle sera plus approfondie et peut prendre un peu plus de
temps que pour les séances suivantes. Elle comprend les éléments suivants :
– passage en revue des informations pour chaque membre du groupe ;
– préparation du contenu de la séance, du déroulement et de la
temporalité ;
– disposition des chaises en cercle pour le nombre de personnes atten-
dues dans le groupe et les deux animateurs. Pour une meilleure com-
munication, les chaises des animateurs doivent être placées l’une en
face de l’autre
Les thérapeutes/animateurs doivent également décider qui prendra la direc-
tion, ou qui dirigera le groupe pour chacun sujets de discussion de cette session
(par exemple, introduction, restructuration cognitive, exercices, fin du groupe).

b) Accueil des participants


Les animateurs du groupe souhaitent la bienvenue à tous les participants,
énoncent le thème et les objectifs de la séance. Toute annonce pertinente
est faite au groupe, comme un prochain changement de salle, un départ d’un

52 Addictions : prévenir la rechute


participant, etc. Il est préférable de commencer la séance à l’heure, même si
tous les membres ne sont pas présents. Cela permet de faire passer le message
que le temps est important et que les participants qui arrivent à l’heure ne per-
dront pas de temps précieux parce que d’autres sont en retard. Lors de la pre-
mière séance, la structure du groupe de prévention de la rechute est présentée.
Les animateurs évoqueront le nombre de rencontres, le lieu, les dates, la durée
de chaque rencontre, l’implication active du patient par la réalisation d’exer-
cices à faire à la maison. Les règles sont établies dès le début de la vie d’un
groupe et il n’est pas aisé de les modifier par la suite (Yalom & Leszcz, 2005).

Règles du groupe
– La confidentialité. Ne pas divulguer le nom des participants ou des informations
permettant d’identifier une personne ou toutes informations personnelles partagées
par d’autres membres du groupe. Nous déconseillons aux animateurs de dire « ce
qui est dit dans le groupe reste dans le groupe », car cela peut être trompeur. En
effet, chaque participant peut raconter pour lui ce qu’il vit dans le groupe. Les
animateurs travaillant en équipe peuvent aussi transmettre des informations à leurs
collègues dans un souci de travail d’équipe cohérent.
– Le respect de soi et des autres. Respecter le droit de parole, ne pas interrompre
et écouter lorsqu’une personne s’exprime. Respecter les émotions et l’expression des
émotions d’autrui (ne pas se moquer, ridiculiser, etc.).
– Ne pas consommer d’alcool ou de drogues illicites avant le groupe. Arriver au
groupe sous l’influence de l’alcool ou de drogues peut perturber les interactions du
groupe et tend à mettre l’accent sur la personne intoxiquée plutôt que sur le groupe
dans son ensemble.
– L’assiduité. Il est important d’être présent à toutes les rencontres car les effets
thérapeutiques dépendent en partie de l’implication dans le processus thérapeutique
de groupe. Si ce n’est pas possible d’être présent à une rencontre, il est préférable
d’en aviser un des thérapeutes au préalable.
– La ponctualité. Le respect envers les autres passe aussi par le fait d’être ponctuel.
Il est donc important d’arriver à l’heure.
– L’implication. La réalisation des exercices ainsi que le fait de les rapporter en groupe
est important. Comme les exercices terminés sont discutés dans le groupe, il est
nécessaire de rappeler l’importance de les faire.

c) Retour sur la ou les consommations de substances psychoactives


et/ou réalisation d’un ou des comportements addictifs
Si un membre du groupe a consommé depuis la dernière séance, le groupe
traitera brièvement l’événement et discutera d’un plan pour réduire le risque
de rechute. Les thérapeutes du groupe doivent résister à la tendance à passer
beaucoup de temps sur les écarts des patients dans le groupe car cela pourrait
facilement occuper la plupart ou la totalité du temps du groupe, ce qui condui-
rait à ne pas couvrir le contenu du thème du jour du groupe.

La prévention de la rechute en groupe 53


d) Introduction du sujet
L’animateur du groupe présente le thème. Des questions et des discussions
interactives sont utilisées tout au long de la session.

e) Le thème travaillé
Les membres sont invités à faire part de leurs réactions face au thème pré-
senté. Ils sont encouragés à discuter de la façon dont le sujet se rapporte à
leur situation personnelle puis sont invités à interagir et à donner leur avis
les uns par rapport aux autres lorsque cela est approprié. La majeure partie
de la session est consacrée à une discussion interactive sur le thème et le
matériel du jour.

f) Fin du groupe
Dans les 10 à 15 dernières minutes de la séance, les participants sont invités à
dire ce qu’ils ont appris de la rencontre et/ou à exposer leurs projets de rétablis-
sement jusqu’à la prochaine séance.

Pour vous aider, téléchargez la fiche « Débuter un groupe » sur le site de l’éditeur.

4. L’animation de groupe
L’animation de groupe peut être enrichie par différents outils, que ce soit l’in-
troduction de « brise-glace » au début de chaque séance de groupe ou d’autres
outils pour aider à travailler le thème de la séance ou encore pour conclure.

4.1. Les brise-glaces


Les groupes de prévention de la rechute peuvent être forts émotionnellement
pour les participants. Ces derniers peuvent souvent être nerveux ou même
gênés de partager certains éléments de leur histoire. Un excellent moyen de
réduire cette tension et de permettre à tout le monde de s’ouvrir est de propo-
ser un moment « brise-glace ». Au lieu de simplement faire un tour en cercle
pour apprendre le nom de chacun ou de demander aux participants de partager
son humeur, des petits « jeux » ne manqueront pas de créer des liens et per-
mettront à tout un chacun de se sentir plus à l’aise au sein du groupe.

– La météo de l’humeur
L’objectif de ce brise-glace est d’évaluer son humeur avant et après la séance à
l’aide de cartons représentant différents points de météo (ex. : une carte soleil

54 Addictions : prévenir la rechute


avec un nuage, une carte pluie, orage, grand soleil, etc.). L’individu est invité
à choisir une carte représentant son humeur et éventuellement à expliquer les
raisons de son choix.

Vous trouverez les cartes en téléchargement sur le site de l’éditeur.

– Nos caractéristiques communes invisibles


En groupes de deux, l’objectif est de trouver trois choses en commun invisibles.
Cela ne peut donc pas être des éléments du type « nous portons tous les deux des
lunettes » mais plutôt « nous avons chacun deux enfants » ou « nous avons tous
les deux grandi en Vendée ». Cet exercice permet de renforcer l’esprit de groupe
et de resserrer les liens entre les participants. Il aide aussi chacun à trouver sa
place dans le groupe en y prenant part dès le début.

– Deux vérités et un mensonge


Cette activité est un excellent moyen de briser la glace, mais elle est égale-
ment amusante à réaliser avec des participants qui se connaissent déjà. Elle
permet de partager quelque chose sur eux-mêmes, d’utiliser leur créativité et
leur imagination pour inventer un mensonge convaincant et d’apprendre des
choses intéressantes sur les autres membres du groupe. Demandez à tous les
participants de prendre quelques minutes pour réfléchir à des aspects intéres-
sants de leur vie. Donnez-leur cinq minutes environ pour écrire trois faits les
concernant, dont deux sont vrais et un faux. Ensuite, demandez aux membres
du groupe de lire à tour de rôle leurs deux vérités et un mensonge, et laissez
les autres membres du groupe deviner lesquels sont vrais et lesquels sont des
mensonges. Cette activité peut susciter de grandes discussions et encourager
une interaction sociale positive entre les membres du groupe, alors veillez à ne
pas l’interrompre trop tôt.

– Cartographie de la gratitude
Cette activité de gratitude est une excellente occasion pour les participants
d’exercer leur créativité et de s’exprimer. Vous aurez besoin d’un tableau blanc
ou d’une grande feuille de papier et de stylos de différentes couleurs. Divisez
les participants en groupes de 3 à 5 afin de favoriser les échanges. Demandez à
chacun des groupes de réfléchir pendant quelques instants aux choses de leur
vie dont ils sont reconnaissants. Une fois le temps écoulé, ils peuvent les écrire
sur le papier ou le tableau blanc.

La prévention de la rechute en groupe 55


– Apprendre à me connaître
Ce brise-glace consiste à proposer un certain nombre de questions qui peuvent
être amusantes, éveiller la curiosité pour aider les membres à se sentir plus à
l’aise pour parler d’eux-mêmes.
Voici quelques exemples de questions possibles :
– Où auriez-vous pu être à ce moment précis si vous n’étiez pas venu à
cette séance de groupe aujourd’hui ?
– Qu’auriez-vous pu choisir de faire ?
– Est-ce votre propre décision de venir ici ou quelqu’un d’autre vous a-
t-il encouragé à le faire ?
– Que ressentez-vous à l’idée de venir ici chaque semaine ? Qu’est-ce qui
vous plaît le plus dans ce groupe de prévention de la rechute ? Y a-t-il
quelque chose que vous n’appréciez pas dans ce groupe ?
– Qu’est-ce que vous préférez chez vous, quelque chose qui vous rend
positif et fier d’être vous ?
– Êtes-vous particulièrement impatient de vivre quelque chose ? Y a-t-il
quelque chose de nouveau qui s’est produit récemment dans votre vie ?

Proposez aux participants d’être l’auteur de ces questions (ou le thérapeute


peut le faire). Posez à chaque membre l’une de ces questions ou toutes ces
questions si le temps le permet, et encouragez-les à y réfléchir et à y répondre
honnêtement et de manière significative. Ces questions aideront les membres
du groupe à se sentir plus à l’aise pour parler et partager avec les autres, tout en
les aidant à mieux se connaître.

4.2. Les discussions de groupe


Même si l’animateur structurera la discussion et guidera les questions, le plus
grand bénéfice d’un groupe de thérapie réside dans l’échange entre les parti-
cipants. Le thérapeute doit donc au maximum favoriser ces échanges. Sobell
et Sobell (2011) ont élaboré un guide pour leur groupe de motivation pour les
personnes dépendantes à l’alcool et/ou aux drogues qui peut tout à fait être
utile dans un groupe de prévention de la rechute.

56 Addictions : prévenir la rechute


Objectif du groupe Questions de l’animateur
Rechercher les points communs dans la • Qui d’autre a vécu ce genre d’expérience ?
discussion • Qui d’autre a des émotions similaires ?
• Qui d’autre ressent la même chose que
Marie ?
Inclure davantage de participants du groupe • Selon le groupe, quelles sont les raisons
dans la discussion pour lesquelles une personne pourrait déci-
der de boire ou de se droguer après avoir
été abstinente pendant plusieurs mois ?
Inviter tous les participants à faire des • Qu’est-ce qui est ressorti de l’exercice de
commentaires (utilisé avec les exercices à la balance décisionnelle que chacun
domicile) d’entre vous a fait pour cette séance ?
Obtenir des déclarations de soutien de la • Il semble que plusieurs d’entre vous aient
part du groupe concernant les change- réalisé de grands changements dans leur
ments des autres participants consommation de substances depuis la
semaine dernière. Que pense le groupe
de ces changements ?
Aborder une question soulevée par un • Il semble que Bill soit ambivalent sur le
membre et inviter les autres à faire des com- fait de ne pas prendre de cocaïne. Com-
mentaires ment les autres ont-ils géré des senti-
ments similaires ?
Demander aux autres participants de fournir • Jacques a suggéré une façon pour Sandra
des propositions supplémentaires de gérer ses difficultés avec sa fille.
Quelles sont les autres options auxquelles
le groupe peut penser pour aider Sandra ?
Demander à tous les membres de commen- • En quoi votre vie serait-elle différente
ter un sujet particulier dans six mois si vous cessiez de consom-
mer de l’alcool et des drogues ?
Inviter les autres à proposer des réponses • Marie, c’est une façon de voir ce qui est
alternatives à la réponse un peu rude d’un arrivé à Bill. Quelles sont les autres façons
participant de voir ce qui lui est arrivé ?
Aborder une interaction inconfortable et • J’ai l’impression que les autres semblent
inviter les autres à faire des commentaires mal à l’aise avec ce qui vient de se passer.
Traiter les tensions qui ont surgi entre les • On dirait qu’il se passe beaucoup de
participants. Les animateurs demandent un choses. Je vous propose un temps d’arrêt
temps d’arrêt pour traiter ce qui s’est passé pour en discuter. Nous pouvons revenir sur
le sujet plus tard, mais regardons ce qui se
passe dans le groupe en ce moment.
Aborder une question sensible soulevée par • Sophie a révélé des choses très person-
un membre et inviter les autres à faire des nelles sur elle-même. Cela a dû être diffi-
commentaires cile. Comment ressentez-vous ce que
Sophie vient de partager ?

Tableau 4. Les moyens d’intégrer des membres et des sujets


dans une discussion de groupe (Sobell & Sobell, 2011)

La prévention de la rechute en groupe 57


4.3. Les outils d’animation
Les outils suivants peuvent être utilisés pour faciliter l’animation de groupe
et la dynamiser en s’appuyant sur le vécu expérientiel des participants et en
favorisant la participation active.
– Le brainstorming. Le but du brainstorming est que chacun émette ses
idées telles qu’elles lui viennent à l’esprit. Un point intéressant dans
cette méthode est l’effet d’entraînement induit. Une nouvelle piste en
attire une autre, et ainsi de suite. Une des règles est qu’aucune proposi-
tion ne peut être soumise à critique afin que chaque participant se sente
sécure pour apporter ses idées.
– Le visionnage de vidéos. Les vidéos éducatives peuvent être utilisées
pour fournir des informations, stimuler la discussion ou fournir des
« modèles » d’autres personnes en voie de rétablissement qui partagent
leurs histoires et leurs stratégies d’adaptation positives. Elles ne doivent
cependant pas être utilisées pour remplir le temps du groupe. De brefs
documents vidéo ou audio accompagnés d’une discussion interactive
constituent la manière la plus appropriée de les utiliser pour compléter
d’autres interventions.

Quelques exemples de vidéos :


– Psychoéducation des émotions (sous-titrés en français) :
https://www.youtube.com/watch?v=SJOjpprbfeE
https://www.youtube.com/watch?v=xNY0AAUtH3g
– Le circuit de la récompense dans les addictions :
https://www.youtube.com/watch?v=mEuokfY0EH0
– Effets de la nicotine sur le cerveau :
https://www.youtube.com/watch?v=PFL32Wa3J_w
– Le binge drinking et la mémoire :
https://www.youtube.com/watch?v=oItqCq2kBiU
– Opiacés et addictions :
https://www.youtube.com/watch?v=0CCAPBENYdY

– Le cahier du rétablissement. Il s’agit de proposer aux patients un


cahier regroupant les exercices proposés, des fiches pratiques (psychoé-
ducation, auto-évaluation…), le journal permettant le relevé de ses
consommations ou comportements ou encore de prendre des notes
personnelles pendant la PR. L’objectif est d’inciter le patient à faire le
lien entre les documents écrits et sa propre situation. Ces documents
fournissent des informations, augmentent la conscience de soi et aident
les patients à commencer à apprendre des stratégies d’adaptation pour

58 Addictions : prévenir la rechute


gérer les problèmes ou les défis du rétablissement. Le cahier du réta-
blissement peut aussi permettre de rappeler l’exercice demandé pour
la séance suivante. Les fiches téléchargeables proposées avec ce livre
constituent ce cahier du rétablissement.
– La lecture. Les lectures peuvent provenir de nombreuses sources telles
que des livres, des brochures, des guides de rétablissement, Internet ou
même des romans. Des patients ont pu être marqués dans le processus
de rétablissement par certains de ces récits, qui peuvent être source de
discussion avec l’ensemble du groupe. Des extraits peuvent être lus en
séance.

Quelques lectures :
– Claire Touzard (2021). Sans alcool. Flammarion
– Roman Sanchez (2019). Un parcours stupéfiant : ancien dealer, futur médecin.
Michel Lafon

– Les jeux de rôle. Les jeux de rôle sont utilisés pour développer cer-
taines compétences, notamment lors du travail sur l’affirmation de soi.
Ils peuvent porter sur des thèmes précis (le refus d’un verre d’alcool,
une discussion avec un membre de sa famille au sujet de sa dépen-
dance) ou porter sur d’autres problèmes susceptibles d’avoir un impact
sur le rétablissement, comme la résolution d’un conflit interpersonnel,
la recherche de soutien auprès d’un ami en cas de coup de blues ou l’ap-
prentissage de l’expression de la colère de manière saine, sans repousser
les autres ni nuire aux relations. Souvent, ces jeux de rôle mènent à des
discussions thérapeutiques productives et à une exposition supplémen-
taire à des stratégies d’adaptation positives.
– Le jeu éducatif ou thérapeutique. Le jeu propose une interface encou-
rageante pour faciliter la communication et le rapprochement entre
patients tout en étant un stimulant dans la thérapie. Le jeu apporte un
côté ludique, parfois amusant. Il peut être interactif et est largement
utilisé comme outil d’intervention en éducation de à la santé.

Quelques exemples de jeux :


– Compétence. Un jeu pour entraîner les habiletés sociales, de J. Favrod, K. Gremaud,
A. Brana, D. Millan, C. Francey et C. Hayoz. Lausanne (Suisse) : Institut et Haute École
de la Santé La Source.
Ce jeu permet d’initier les patients avec une pathologie psychiatrique à l’entraînement
des habiletés sociales. Le jeu comprend des cartes qui proposent des catégories de
questions, de situations et de problèmes, ainsi que des jeux de rôles, des modèles,

La prévention de la rechute en groupe 59


des tâches à accomplir et des conseils. Il requiert un minimum de quatre joueurs
dont un professionnel.
– Emocartes© Adultes Carvin : UMEO.
Ce jeu de cartes permet d’entraîner les patients à reconnaître leurs émotions et celles
d’autrui, à mieux les comprendre, à affiner leurs compétences émotionnelles et à
découvrir des stratégies de régulation des émotions. Sur chaque carte (20 au total)
figurent, au recto, une situation émotionnelle positive et, au verso, une situation
émotionnelle négative.

– L’utilisation de l’art. De nombreux médias peuvent être adaptés pour


être utilisés dans un groupe de prévention de la rechute. Par exemple,
il est possible de demander aux participants du groupe de réaliser un
collage à partir d’images de magasines représentant des objets qu’ils
auraient pu acheter s’ils n’avaient pas dépensé autant d’argent en alcool
ou en drogues ; ou encore leur demander de faire un dessin de la « route
de leur rétablissement » dans lequel ils identifieront les déclencheurs et
les situations à risque.
– Le PowerPoint. L’utilisation de diapositives peut fournir un support
visuel pour des présentations éducatives sur n’importe quel sujet lors
d’une séance de groupe. L’idée est de varier les supports pour maintenir
l’attention des participants. Là encore, la présentation de certaines dia-
positives ne doit pas constituer la majorité du temps de groupe mais le
point de départ ou l’illustration d’un point donné dans une discussion.

4.4. Les rituels de fin


Comme nous l’avons déjà signalé, participer à un groupe de prévention de
la rechute peut être éprouvant et provoquer des craving chez les participants.
Proposer comme rituel de fin de prendre quelques minutes pour réaliser un
exercice psychocorporel permet de diminuer les tensions ressenties.
– Le lieu sûr . « Le lieu sûr » est un exercice de stabilisation utilisé en
EMDR, en hypnose et en TCC, où on fait appel à une image mentale
vers laquelle le patient peut venir se protéger des émotions trop diffi-
ciles à appréhender. Il peut s’avérer fort utile en fin de séance, pour le
patient qui se sent touché par les sujets abordés.
– La respiration carrée . Par l’effet conjugué d’une meilleure oxygé-
nation sanguine et de réflexes neurovégétatifs, en exerçant un contrôle
volontaire sur notre manière de respirer, nous pouvons agir sur notre
niveau de vigilance. La respiration carrée s’effectue en quatre phases
de durées égales : inspiration, rétention (apnée poumons pleins), expi-
ration, rétention (poumons vides). Cette combinaison est à effectuer
plusieurs fois, jusqu’à retrouver un état de calme intérieur, de bien-être

60 Addictions : prévenir la rechute


et d’apaisement. Généralement, il est conseillé d’en faire au minimum
10 pour ressentir les premiers réels bienfaits. 20 cycles est l’idéal.

Inspiration

Rétention Rétention

Expiration

Figure 5. La respiration carrée

– 54321 . La technique d’autohypnose de Betty Erickson est simple et


efficace. Cette technique demande de concentrer son attention sur les
choses que nous voyons, entendons et ressentons. Un fichier audio est
disponible en téléchargement.
– La poupée de chiffon . L’exercice consiste à détendre les muscles.
Étape par étape, le corps se transforme en poupée de chiffon. Cette
métaphore va être un excellent moyen de se relaxer complètement et
de chasser les tensions du corps.

Pour ce qui des co-animateurs, eux aussi doivent avoir des rituels de fin. Un
temps de débriefing est nécessaire sur la séance passée afin de mieux préparer
la suivante.

Pour vous y aider, téléchargez les fiches « Fin de séance (fiche animateur) »
et « Débriefing de fin de séance entre animateurs ».

5. Des exemples de contenu de groupe


En résidentiel, la durée de la prise est limitée dans le temps, aussi le pro-
gramme comportera moins de séances et elles seront ciblées sur les éléments
essentiels.

La prévention de la rechute en groupe 61


En résidentiel (hospitalisation sur 3 mois)
Séance 1 : Définition de l’écart et de la rechute ; définition des objectifs de chacun
Séance 2 : Cultiver sa motivation
Séance 3 : Repérer les déclencheurs de craving
Séance 4 : Situations à risque et pensées dangereuses
Séance 5 : Les 5D
Séance 6 : Les nouvelles situations de communication – affirmation de soi
Séance 7 : Le plan d’urgence

En termes de contenu, voici ce qui est peut être proposé aux patients pour
un programme de 7 séances de 1 h 30. Le contenu de chaque séance sera
abordé en détail dans la seconde partie du livre.
Séance 1 : Définition de l’écart et de la rechute ; définition des objectifs
de chacun
Le groupe est invité à définir ensemble l’écart et la rechute. Le modèle
dynamique de la rechute est présenté sous forme de schéma, en s’appuyant sur
les idées et les expériences apportées par les patients. Chacun est ensuite ques-
tionné sur son objectif par rapport à son addiction : abstinence, consommation
contrôlée, etc. Pour ceux qui s’orientent vers une consommation contrôlée,
c’est l’occasion de la définir précisément et individuellement. On attire égale-
ment l’attention sur la consommation d’autres substances psychoactives et sur
les autres comportements addictifs pour que chacun observe sa problématique
d’addiction dans son ensemble.
Séance 2 : Cultiver sa motivation
Partant du principe que la motivation est le moteur du changement et que ce
moteur doit être entretenu, il s’agit lors de cette séance d’identifier et de renfor-
cer tous les éléments participant à ce qui donne envie de changer. Une balance
décisionnelle est dessinée sur le tableau et remplie au fur et à mesure des témoi-
gnages des patients. Pour son utilisation, on peut se référer au chapitre sur la
motivation. Le fait de l’aborder en groupe facilite la restructuration cognitive et
met en valeur les points forts de la motivation. Le groupe crée une émulation qui
consolidera la projection sur les aspects positifs du changement et la confiance.
Séance 3 : Repérer les déclencheurs de craving
Un premier temps est consacré à la psychoéducation sur le craving. Les
mécanismes de conditionnement sont expliqués aux patients. Puis on fait un
brainstorming où chacun donne des exemples de déclencheurs repérés. Pour
aider à l’exploration de ces déclencheurs, on balaie les cinq sens : déclencheurs
provoqués par des sons, par des odeurs, etc. On fait ressortir également les
rituels qui se sont mis en place et par lesquels la consommation ou le compor-
tement addictif sont devenus automatiques. On aborde pour chacun les choix

62 Addictions : prévenir la rechute


faits par rapport à ces déclencheurs (les éviter ou les affronter) et comment se
protéger si on fait le choix de les affronter.
Séance 4 : Situations à risque et pensées dangereuses
En reprenant les situations à risques définies par Marlatt, on demande à
chaque patient de donner un exemple d’une situation à risque vécue récem-
ment. À partir de ces exemples, on « décortique » la réaction du patient face
à la situation à risque en remplissant les colonnes de Beck au tableau. Il s’agit
de faire ressortir les interactions entre pensées, émotions et comportements.
On met en évidence les pensées par rapport à la situation et les pensées qui
concernent l’attente par rapport au produit ou comportement addictif. Puis
on fait de la restructuration cognitive, en s’appuyant sur les propositions des
différents membres du groupe.
Séance 5 : Les 5D
Cette séance synthétise les stratégies évoquées lors des séances précédentes
pour gérer les craving. Avec le support des 5D (voir le chapitre sur la gestion
des craving), les patients sont amenés à réactiver leurs idées et à en faire émer-
ger d’autres. Chacun peut remplir sa fiche personnalisée qu’il gardera avec lui.
Séance 6 : Les nouvelles situations de communication – affirmation de soi
On explore les situations nouvelles qui se présentent du fait du changement
réalisé par chacun, dans lesquelles les patients peuvent se sentir en difficulté
pour s’affirmer. Par exemple, répondre à une proposition d’alcool ou de drogue,
répondre à une remarque d’un proche sur le changement, répondre à un doute
exprimé sur une consommation ou un comportement. Pour ces situations, on
fait réfléchir le groupe sur la manière de se positionner et de dire les choses,
puis on pratique avec des mises en situation.
Séance 7 : Le plan d’urgence
Au cours de cette séance, on évoque le plan d’urgence en cas d’écart par
rapport à l’objectif personnel de chacun. Chacun construit son plan, alimenté
par les échanges de groupe (voir le chapitre sur le plan d’urgence).
En ambulatoire, il est possible d’ajouter des séances car les contraintes tem-
porelles sont différentes. Voici un exemple d’un programme de PR de groupe
en 11 séances. Vous trouverez des informations spécifiques à chaque séance
dans la seconde partie du livre.

Programme de PR de groupe en 11 séances


Séance 1 : Psychoéducation (addictions, écart, rechute, etc.)
Séance 2 : Identifier et gérer les situations à risque
Séance 3 : Gérer l’anxiété
Séance 4 : Gérer la pression sociale
Séance 5 : Gérer les craving

La prévention de la rechute en groupe 63


Séance 6 : Gérer la colère
Séance 7 : Gérer l’ennui et son temps libre
Séance 8 : Établir un système de support pour son rétablissement
Séance 9 : Gérer un écart et une rechute
Séance 10 : Équilibrer sa vie
Séance 11 : Mon plan de rétablissement à long terme

6. Les difficultés que l’on peut rencontrer


– Que pouvons-nous faire lorsqu’une personne parle trop ?
Les autres membres du groupe vous le feront savoir s’il s’agit d’un problème
pour eux, par leur langage corporel ou leurs expressions faciales, ou sim-
plement en l’exprimant verbalement. Vous pouvez vous adresser à la per-
sonne avec bienveillance et peut-être un peu d’humour et lui demander ce
qu’elle pense de sa façon d’être dans le groupe, ce qui l’amène générale-
ment à admettre sa « bavardise » ! Les autres membres du groupe peuvent
alors plus facilement devenir solidaires et compréhensifs plutôt qu’irrités
et intolérants. Il est alors possible de discuter des solutions envisageables.
La personne trouvera le plus souvent sa propre solution pour amener le chan-
gement, ou bien elle pourra exprimer comment elle aimerait que le groupe
l’interpelle à ce sujet.

– Que pouvons-nous faire lorsqu’une personne ne parle pas du tout ?


Une personne peut beaucoup apprendre en écoutant. Cependant, il peut arri-
ver que vous perceviez quelque chose qui vous amène à penser que la personne
souhaite s’exprimer, mais qu’elle est peut-être trop anxieuse. Vous pouvez alors
lui adresser une question sur ce qu’elle entend et observe : « Mme P., vous avez
l’air un peu agitée, je vous vois bouger la tête et lever les sourcils et je me demande si
vous avez quelque chose à partager. », « M. B., je me demande s’il y a quelque chose
que vous vouliez dire à ce propos. »

– Que pouvons-nous faire lorsqu’une personne arrive en retard ou doit partir


plus tôt ?
Les participants sont encouragés à arriver à l’heure. La ponctualité fait partie
des règles du groupe, car les retards peuvent perturber les autres. C’est pourquoi
il sera judicieux de faire une remarque lorsque cela se produit, pour garantir
une certaine sécurité du cadre à tous les membres du groupe (« M. A. vous
n’étiez pas là au début du groupe, j’étais ennuyé de commencer ainsi le groupe. »).
Le groupe peut également établir une règle selon laquelle personne ne peut pas

64 Addictions : prévenir la rechute


rejoindre le groupe après un certain temps (par exemple, plus de 10 minutes
après le début du groupe). Occasionnellement, un membre du groupe peut être
amené à devoir partir plus tôt pour se rendre à un autre rendez-vous et il est
encouragé à en informer le groupe au début de la séance.

– Que pouvons-nous faire si nous consacrons trop de temps aux personnes


qui sont en difficulté ?
Consacrer trop de temps de groupe aux patients ayant des difficultés à rester
abstinents ou à maintenir leur objectif de consommation contrôlée peut nuire
à l’avancée du groupe. En ambulatoire (CSAPA par exemple), il est fréquent
de rencontrer ce type de problème. Il peut y avoir un désir naturel de pas-
ser beaucoup de temps à discuter des écarts et des rechutes. Cependant, il est
préférable de les passer en revue brièvement afin que la majeure partie de la
séance puisse se concentrer sur le thème prévu. Sinon, les membres du groupe
qui gèrent leur consommation ne sont pas exposés aux thèmes importants de
la prévention de la rechute lors des séances de groupe.

– Que pouvons-nous faire si la motivation des participants est fluctuante ?


La motivation à ne pas consommer de drogues ou à apporter des changements
à sa vie peut fluctuer pendant le groupe. Cette baisse de motivation peut se
manifester par le déni ou la minimisation du trouble, d’éventuels écarts et,
parfois, l’incapacité à accepter la nécessité de l’abstinence. Les problèmes de
motivation peuvent conduire à un manque d’assiduité au groupe et à la non-
participation pendant le groupe. Toutes les techniques abordées dans notre
chapitre sur la motivation sont donc à privilégier.

– Que pouvons-nous faire si une personne a de forts craving déclenchés par


les thèmes du groupe ?
Les craving sont plus fréquents chez les participants qui n’ont pas établi de
période significative d’abstinence. Cela peut être l’occasion par exemple d’ex-
périmenter en direct les techniques des 5D (voir la séance sur la gestion du
craving).

– Que pouvons-nous faire si une personne a fait un ou plusieurs écart(s) ?


Si un membre du groupe n’est pas en mesure de respecter ses objectifs et/ou
les règles du groupe en termes de consommation, les responsables du groupe
devront envisager de réorienter le patient vers un soin plus adapté. En effet,
pour rappel, le travail de prévention de la rechute est un travail qui se situe
dans la phase de maintien.

La prévention de la rechute en groupe 65


– Que pouvons-nous faire si une personne abandonne sa substance princi-
pale mais poursuit avec une ou des autres conduites addictives ?
Certains membres du groupe peuvent ne pas accepter une abstinence totale
de toutes substances et peuvent continuer à consommer des substances autres
que leur produit de prédilection ou encore développer de nouveaux comporte-
ments ou augmenter des comportements qui deviennent alors addictifs comme
se mettre à engloutir des barres chocolatées. L’utilisation de ces substances
augmente le risque de rechute. Ils peuvent passer d’une addiction à une autre.
Si une personne du groupe a déjà vécu cette malheureuse expérience, son
témoignage pourra permettre à certains de prendre en compte ce risque. Pour
d’autres, il sera nécessaire de vivre l’expérience pour prendre conscience du
danger de consommer d’autres substances psychoactives ou de s’engager dans
un comportement fréquemment répété.

– Que pouvons-nous faire si deux patients ne s’entendent pas ?


Certains membres du groupe peuvent avoir des difficultés à s’entendre et cela
peut avoir un impact sur leur participation et l’ambiance du groupe. Plusieurs
comportements peuvent alors être observés : critiquer un autre participant,
rester indifférent face à la douleur émotionnelle, montrer de la colère envers
un autre membre, éviter le contact visuel ou éviter de répondre à un autre
membre du groupe. Il peut être proposé un temps de régulation de groupe où
les animateurs aborderont les difficultés rencontrées avant de mettre en place
des techniques de résolution de problème pour que le groupe puisse continuer
à travailler ensemble.

– Que pouvons-nous faire si une personne est opposante ?


Parfois, un participant peut s’opposer en continu aux animateurs, à la mise
en place de la PR en groupe et remettre en cause le sens et l’intérêt de la
prise en charge. Cela peut se manifester d’une manière passive, dans son com-
portement verbal ou non verbal (sortir son portable, regarder sans cesse par
la fenêtre, répondre de manière sèche, etc.) ou de manière plus active (faire
rire le groupe et l’empêcher de travailler, emmener le groupe vers des sujets
qui ne concernent pas la prévention de la rechute, être agressif verbalement,
émettre des doutes sur l’intérêt du groupe, etc.). Parfois, il peut être nécessaire
de demander à voir la personne en individuel surtout si son agressivité devient
importante. Cet entretien permettra de faire le point avec le patient sur sa
motivation, ses attentes, ses blocages, etc. Ce pourrait être l’occasion de définir
un nouvel engagement dans le groupe ou d’arrêter sa participation.

– Que pouvons-nous faire si l’ennui et l’épuisement nous envahissent ?


Les animateurs peuvent perdre leur motivation et leur énergie lorsqu’ils
dirigent un trop grand nombre de séances de groupe par jour ou par semaine,

66 Addictions : prévenir la rechute


ou lorsqu’ils animent des groupes sur les mêmes thèmes, et ce de façon répétée.
Pour prévenir l’ennui et l’épuisement nous préconisons :
– de faire des pauses occasionnellement, pas seulement sur les temps de
vacances ;
– d’utiliser une variété d’interventions et d’outils pour couvrir les thèmes
de différentes manières et d’intégrer des techniques expérientielles ou
d’action ;
– d’encadrer parfois d’autres animateurs de groupe en leur transmettant
les compétences d’animation des groupes ;
– de participer à des séances de supervision ou d’analyse de pratique.

La prévention de la rechute en groupe 67


CHAPITRE 2
Prévention de la rechute
et comorbidités en santé
mentale

« Une ivresse efface mille tristesses. »


(Proverbe chinois)

Les pathologies duelles entre troubles addictifs et troubles mentaux sont très fré-
quentes. Environ 50 % des personnes avec un trouble addictif présentent aussi une
pathologie associée (Torrens et al., 2015), cette comorbidité varie en fonction des
populations (cliniques, générale…). Ainsi, les troubles liés à la consommation de
substances et les addictions comportementales sont principalement comorbides
avec les troubles de l’humeur, les troubles anxieux, les troubles de la personnalité,
le TDAH, la schizophrénie, les troubles bipolaires, les troubles du comportement
alimentaire et le PTSD (Becker & Grilo, 2015 ; Brady et al., 2021 ; Crunelle et al.,
2018 ; Håkansson et al., 2018 ; Lai et al., 2015 ; Petry, 2011 ; Torrens et al., 2015).
Par rapport aux sujets atteints d’un seul trouble, les patients souffrant d’un
trouble psychiatrique associé à un trouble lié à la consommation de substances
comorbides présentent une gravité psychopathologique plus élevée (Langås
et al., 2011 ; Ringen et al., 2008), un moins bon pronostic lié à un défaut de
compliance et à un effet des traitements moins bon, une altération psycho-
sociale plus importante, une prévalence accrue de comorbidités physiques, des
idéations suicidaires et des taux accrus de comportements à risque et/ou crimi-
nels (Krawczyk et al., 2017 ; Langås et al., 2011).
L’objectif de ce chapitre sera de présenter les programmes de prévention de
la rechute qui tiennent compte de la pathologie duelle, d’identifier les points

Prévention de la rechute et comorbidités en santé mentale 69


de vigilance dans la mise en place de la prévention des rechutes en fonction
de chaque comorbidité. L’adaptation de la prise en charge pharmacologique
ne sera pas traitée.

1. Quels facteurs de risque communs


entre les troubles mentaux et les troubles addictifs ?
Des facteurs de risque et des processus contribuent à la fois au développement
et au maintien la maladie mentale et du trouble addictif.
Une première hypothèse pour expliquer cette comorbidité serait que les
troubles addictifs et les autres maladies mentales sont causés par des facteurs
qui se recoupent, comme les vulnérabilités génétiques et épigénétiques ou des
facteurs prédisposant communs (stress, personnalité, contexte pendant l’en-
fance). Le développement des pathologies duelles serait l’expression d’ano-
malies neurobiologiques préexistantes similaires (Brady & Sinha, 2005). Une
deuxième hypothèse propose que les troubles psychiatriques et des facteurs
prédisposant pour la consommation de substances et le développement d’un
trouble seraient liés, c’est l’hypothèse de l’automédication (Khantzian, 1997).
La consommation de substances serait une tentative de réduire les symptômes
et les problèmes dus à la pathologie associée. La troisième hypothèse postule
que la consommation de substances peut entraîner une maladie mentale à plus
long terme, c’est l’un des mécanismes développés pour expliquer l’association
entre consommation de cannabis et schizophrénie (Hamilton & Monaghan,
2019 ; Radhakrishnan et al., 2014). Ici la consommation de cannabis serait
considérée comme un facteur déclencheur ou précipitant de schizophrénie,
notamment en raison des effets psychoactifs de la substance. Enfin, la der-
nière hypothèse serait que le trouble mental associé serait une conséquence de
l’intoxication (consommation massive et/ou prolongée) au produit (Torrens
et al., 2015). Dans ce cas, une fois le sevrage effectué, la comorbidité devrait
disparaître.
D’un point de vue psychopathologique, des processus communs aux
troubles externalisés et internalisés peuvent expliquer ces pathologies duelles
(Castillo-Carniglia et al., 2019). Ainsi, les processus de régulation émotion-
nelle, les métacognitions, les pensées répétitives négatives (ruminations et
inquiétudes), l’affirmation de soi sont à la fois impliqués dans le développe-
ment et le maintien des troubles addictifs et de leurs comorbidités (Vujanovic
et al., 2017). Les signes des psychopathologies sont communs notamment en
ce qui concerne les changements d’humeur, les cognitions, l’altération de la
vie sociale, la diminution des activités professionnelles et de loisirs.
Le psychothérapeute dans le cadre de la prévention de la rechute se doit
de tenir compte de ces comorbidités, afin d’adapter le traitement, d’agir sur

70 Addictions : prévenir la rechute


les processus communs quand il peut le faire, et d’adapter la prévention de
la rechute au plus près du cadre de vie et du fonctionnement psychique du
patient pour qu’elle puisse être efficace et répondre aux besoins et probléma-
tiques de chaque patient.

2. Prévention de la rechute, dépression et troubles


anxieux
La relation entre la consommation de substances (alcool, tabac et cannabis)
et l’anxiété ou la dépression est bidirectionnelle, ce qui signifie que les per-
sonnes qui abusent de substances sont plus susceptibles de souffrir de dépres-
sion ou de troubles anxieux, et vice et versa (Esmaeelzadeh et al., 2018). Les
personnes déprimées peuvent boire ou consommer des drogues pour améliorer
leur humeur ou échapper aux émotions de culpabilité ou de désespoir.

2.1. Quelques données


La dépression est la comorbidité la plus fréquente du trouble lié à la consom-
mation de substances psychoactives, avec des taux de prévalence allant de
12 % à 80 % en fonction des études et des échantillons (échantillon clinique
ou non clinique, critères diagnostiques utilisés) (Torrens et al., 2015). La mor-
talité par suicide concernerait 6 à 29 % des personnes alcoolodépendantes et
20 à 60 % des personnes faisant une tentative de suicide seraient en proie à un
trouble addictif à l’alcool (Observatoire National du Suicide, 2016).
La comorbidité avec les troubles anxieux est évaluée à 35 % des personnes
qui consomment des substances (Torrens et al., 2015). Une méta-analyse a mis
en évidence que la présence d’un trouble lié à la consommation de substance
augmente le risque d’une comorbidité anxieuse (Lai et al., 2015). Dans ces
études, les troubles anxieux sont divers et leurs relations aux différents produits
consommés sont aussi spécifiques.

2.2. Traitement intégré et prévention de la rechute


Les affects négatifs et les ruminations jouent un rôle dans la rechute de la
consommation de substances, notamment via l’activation d’épisodes de cra-
ving (Spada et al., 2015 ; Vujanovic et al., 2017). Ainsi, des programmes de
prévention de la rechute basés sur la pleine conscience ont été développés
distinctement pour la dépression et la consommation de substances (Bowen
et al., 2019 ; Segal et al., 2019). Cependant, peu d’études cliniques ont étudié
l’efficacité d’un programme Mindfulness-Based Relapse Prevention (MBRP) sur
à la fois les symptômes dépressifs, anxieux et ceux liés à la consommation de

Prévention de la rechute et comorbidités en santé mentale 71


substances. Une première étude suggère l’efficacité d’un programme MBPR
sur les niveaux de dépression, d’anxiété et de craving, jusqu’à deux mois après
la fin de l’intervention (Zemestani & Ottaviani, 2016). Une seconde met en
évidence que le programme MBPR est efficace pour des patients sévères avec
un trouble lié à la consommation de substance et une comorbidité dépressive
et anxieuse (Roos et al., 2017).
Les interventions basées sur la pleine conscience pourraient être efficaces
parce qu’elles apprennent au patient à identifier les pensées négatives, émo-
tions et craving comme des événements passés dans le moment présent, au lieu
de réponses automatiques inadaptées (Vujanovic et al., 2017).
Finalement, peu de programmes validés intègrent l’anxiété. Cependant, le
psychothérapeute doit rester vigilant : les états émotionnels notamment néga-
tifs sont autant de situations à risque qui peuvent entraîner une consommation
et la mise en place du comportement addictif. Une attention particulière doit
être portée lors du diagnostic et lors de la prise en charge du trouble addic-
tif. Cette comorbidité devra dans certains cas être traitée conjointement afin
d’améliorer le pronostic et de réduire le risque de rechute.

3. Prévention de la rechute et bipolarité


3.1. Quelques données
Deux méta-analyses mettent en évidence que la prévalence d’une comorbidité
avec un trouble lié à la consommation de substances était aussi élevée chez les
personnes avec un trouble bipolaire de type I que de type II (Hunt et al., 2016 ;
Messer et al., 2017). Les troubles liés à l’alcool (42 %), au cannabis (20 %) et
aux autres drogues illicites (17 %) sont les plus fréquents (Hunt et al., 2016).
Les patients présentant cette comorbidité ont un âge d’apparition des deux
troubles plus précoce et avaient tendance à être hospitalisés plus souvent que
les patients n’ayant pas consommé de substances psychoactives (Hunt et al.,
2016). Les principaux facteurs de risques de troubles liés à la consommation
de substances parmi les patients avec un trouble bipolaire étaient le genre
(être un homme), la fréquence des épisodes maniaques et le risque suicidaire
(Messer et al., 2017). Il est recommandé d’être attentif à ces facteurs de risque
de développement d’un trouble addictif.
La substance psychoactive ou le comportement peut être utilisé pour abra-
ser les émotions ou diminuer/augmenter leur ressenti, réguler temporairement
l’humeur ou l’anxiété (comorbidités dépressives et anxieuses), comme une
stratégie de coping pour faire face au stress (Salloum & Brown, 2017). Ces
éléments doivent être pris en compte et en charge lors de la mise en place de
la prévention de la rechute.

72 Addictions : prévenir la rechute


3.2. Traitement intégré avec prévention de la rechute
La thérapie de groupe intégrée (IGT Integrated Group Therapy) comprend des
composantes de la TCC et de psychoéducation (Weiss & Connery, 2011).
Cette thérapie de groupe utilise le modèle de la prévention de la rechute appli-
quée à cette comorbidité. La thérapie se centre sur les similarités entre les
processus de rétablissement et de rechute des troubles bipolaires et liés à la
consommation de substances (Weiss et al., 2007). Les auteurs se basent sur le
paradigme que les pensées et les comportements qui vont permettre le soin de
l’un des troubles vont augmenter la probabilité de rétablissement du second
trouble. Par exemple, ils notent que des pensées et des comportements simi-
laires compromettent le rétablissement des deux troubles. Ce programme com-
porte 20 séances de groupe hebdomadaires, qui abordent des thèmes communs
aux deux pathologies, par exemple gérer sa dépression sans consommer d’al-
cool ou de drogues, le refus des drogues et de l’alcool, les relations avec les amis
et les membres de la famille, la mise en évidence des avantages et des incon-
vénients du rétablissement et la reconnaissance des signes avant-coureurs
de la rechute. Les thèmes mettent l’accent sur les points communs entre les
deux troubles, par exemple en se centrant sur les conséquences négatives de
la consommation de substances sur le trouble bipolaire. Au début des séances,
les patients rapportent leur consommation de substances hebdomadaire, leur
humeur, leur adhérence au traitement et les situations à risque. Ensuite, le
sujet de la séance est introduit, présenté puis discuté avec les patients. L’IGT a
montré son efficacité pour la prévention des rechutes pour les addictions et la
bipolarité même après 8 mois de suivi (Weiss et al., 2000, 2007). Une version
allégée de douze sessions, développée par le même groupe, a également démon-
tré son efficacité (Weiss et al., 2009).

3.3. Un exemple d’outil : le tableau de repérage


Afin d’identifier et de travailler sur les comportements de consommation en
lien avec le trouble bipolaire, nous proposons à nos patients de remplir le
tableau de repérage ci-dessous. Il permet d’identifier leurs éléments fluctuants
selon l’humeur dans l’addiction et sur d’autres indices « quantifiables » pour
eux. Les trois colonnes sont présentées ainsi pour l’humeur et le patient ajoute
en ligne des éléments de son quotidien qu’il associe au trouble bipolaire. Le
soignant peut l’accompagner en le questionnant sur de grands thèmes et l’ame-
ner à préciser et coter ce qu’il a repéré. Dans un second temps, le calendrier
permet au patient de repérer les prémices d’une vague en colorant les indica-
teurs selon le premier tableau et de noter ce qu’il associe ou souhaite reprendre
avec le thérapeute en « notes ».

Prévention de la rechute et comorbidités en santé mentale 73


Humeur basse Je vais bien Humeur haute
Sommeil > 12 heures 7/10 heures d’affilée Court (4h max)
dans le lit sur 24h et haché sur 24h
Temps sur écran 8h sur TV +/ – 2h, TV le soir +5h sur téléphone
Alimentation Grignotages, je me Repas équilibrés, Grignotages,
remplis, industriel ressenti de plaisir, élaboration de plats
3x/jour pour plusieurs
(jours/personnes)
Téléphone Aucun Autour > à 10 contacts
aux contacts de 5 contacts ou plus de 5h
au téléphone
Écoute musicale Reggae Radio, playlists Rap, gêne avec
variées les bruits
environnants (bruit
du micro-ondes,
le mouvement
d’aiguille de
l’horloge)
Consommation > à 20 cigarettes/ 5 à 6 cigarettes/jour > à 20 cigarettes /
de tabac jour jour

Tableau 5. Tableau de repérage

Écoute
Alimentation Sommeil Cigarettes Etc. Notes pour moi
musicale
Lundi Demander à
ma mère pour
dormir chez elle
ce soir
Mardi Faire du sport
avec un ami
Mercredi Balade
Etc. Réunion entraide

Tableau 6. Calendrier

Le tableau de repérage et le calendrier sont tous les deux disponibles


au téléchargement.

74 Addictions : prévenir la rechute


4. Prévention de la rechute et schizophrénie
4.1. Quelques chiffres
Parmi les patients schizophrènes, la prévalence du trouble lié à la consommation
de substance était de 42 %, soit 27,5 % pour les drogues illicites, 26,2 % pour le
cannabis, 24,3 % pour l’alcool et 7,3 % pour les stimulants (Hunt et al., 2018).
Les personnes atteintes de schizophrénie présentent la plus forte prévalence de
tabagisme (70 à 80 %), avec des taux jusqu’à 5 fois supérieurs à ceux de la popu-
lation générale (Center for Behavioral Health Statistics and Quality, 2017)

4.2. Traitement intégré avec prévention de la rechute


Il existe un large consensus, appuyé par la recherche et la sagesse des pratiques
actuelles, selon lequel les personnes souffrant à la fois de toxicomanie et de
maladie mentale grave et persistante sont mieux traitées dans le cadre d’un
programme ou d’un système de services intégrés qui traitent simultanément
les problèmes de santé mentale et de toxicomanie (Center for Addiction and
Mental Health, 2002 ; Crockford & Addington, 2017). En parallèle, l’accom-
pagnement de la famille (à travers le programme Profamille par exemple) favo-
rise également la prise en charge du patient avec des modules autour de la
gestion des consommations et d’outils de communication.
Plusieurs programmes spécifiques à la schizophrénie ont été développés.
Certains présentent des modules spécifiques à la prévention de la rechute. Par
exemple, le programme « Overcoming Addictions Skills Training for People
with Schizophrenia » (Roberts et al., 1999) propose des séances à mettre en place
en trois étapes : les bases de la prévention de la rechute, les compétences spéci-
fiques aux problématiques schizophréniques et addictives et enfin des mises en
situation pratiques. D’autres auteurs ont développé le « Behavioral Treatment
for Drug Abuse in People With Severe and Persistent Mental Illness » (BTSAS)
(Bellack et al., 2006). Ici afin de prévenir la rechute, les auteurs développent
la motivation et considèrent qu’un des principaux facteurs impliqués dans la
consommation de substances serait la pression sociale et le désir de paraître « nor-
mal ». Un accent particulier est mis sur l’entraînement des compétences sociales.
Par ailleurs, un programme propose de lier l’entretien motivationnel, la thérapie
cognitivo-comportementale avec un accompagnement familial. Le programme se
déroule sur 9 mois avec une trentaine de séances pour le patient et une quinzaine
pour la famille. Cette intervention multimodale présente de bons résultats sur le
fonctionnement général du patient à 18 mois (Haddock et al., 2003).
En France, un programme nommé « Santé psychique et consommations »
a pris forme depuis 2019 à l’EPS Maison Blanche à Paris où, au travers de
12 séances, sont travaillées la maladie schizophrénique, l’addiction et leurs

Prévention de la rechute et comorbidités en santé mentale 75


interactions. L’objectif premier est de repérer les indicateurs de la maladie,
de créer des alternatives à la consommation et ainsi d’améliorer la qualité de
vie (moins de rechutes, d’hospitalisations, meilleure autonomie et insertion
sociale). Des séances individuelles seront filmées et serviront de support de
travail dans l’élaboration autour de l’addiction en lien avec leurs symptômes
de la schizophrénie (Revillot, 2021).
Les programmes peuvent être associés à l’Assertive Community Treatment
(Clark et al., 1998) qui a montré son efficacité dans le traitement des pathologies
duelles. D’autres programmes peuvent être identifiés dans une méta-analyse sur
les interventions psychosociales à destination des personnes avec une pathologie
mentale sévère et un abus de consommation de substances (Hunt et al., 2019).

4.3. Un exemple d’outil : le plan d’urgence


Le plan de crise conjoint (PCC) est un document rédigé entre la personne
concernée par un trouble psychique et son entourage (professionnels et/ou
proches). Il vise à identifier les signes avant-coureurs et les facteurs déclen-
cheurs d’une crise et indique les stratégies et les ressources à mobiliser rapi-
dement en cas de crise, ainsi que les soins et les traitements à privilégier ou à
éviter. Ce PCC est similaire au plan d’urgence de la PR mais est adapté à la
pathologie psychiatrique, notamment en cas de crise psychotique.

Le plan d’urgence pour l’entourage, comment le construire ?


Un plan d’urgence établi à l’avance pourra vous être très utile dans l’éventualité où
vous auriez à faire face de la part de votre proche, à une crise ou au retour du
comportement addictif par exemple une consommation d’une substance psychoactive.
Voici quelques éléments à prendre en compte :
• Dressez une liste de numéros de téléphone utiles en cas de crise ou de retour du
comportement addictif : service de police, médecin et/ou psychiatre, établissements
psychiatriques, postcures où votre proche pourrait être hospitalisé.
• Demandez à l’avance au médecin addictologue ou au psychiatre de votre proche à
quel hôpital vous devez vous rendre en cas d’urgence.
• Déterminez les membres de votre famille ou les amis à qui votre proche est le plus
susceptible de faire confiance en situation de crise ou du retour du comportement
addictif.
• Déterminez à qui votre proche pourrait téléphoner pour obtenir de l’aide, quelle que
soit l’heure du jour ou de la nuit.
• Prévoyez qui s’occupera des enfants de la famille, s’il y a lieu.
• Jugez s’il convient d’expliquer à l’avance la situation au service de police de votre
localité afin de faciliter leur intervention en cas de crise ou de retour du comportement
addictif.
• Rappelez-vous que votre proche pourrait être moins effrayé, en cas de crise ou de
retour du comportement addictif, si le plan d’urgence lui a déjà été expliqué et qu’il
sait à quoi s’en tenir.

76 Addictions : prévenir la rechute


5. Prévention de la rechute et trouble
de la personnalité borderline
5.1. Quelques données
Les personnes en proie au trouble de la personnalité borderline représentent
2 % de la population générale et 75 % sont des femmes. Il se caractérise par de
nombreuses instabilités (de l’image de soi, des affects, des relations interperson-
nelles) ainsi que de fortes impulsivités (prise de risque, hostilité, interprétations).
Une revue de la littérature rapporte qu’environ la moitié des personnes avec un
trouble de la personnalité borderline ont aussi au moins un trouble de la consom-
mation, le plus commun étant l’alcool (Trull et al., 2018). Les consommations
sont décrites comme compulsives, avec pour motivation « la défonce ». Les subs-
tances peuvent être utilisées et les médicaments consommés avec abus afin de
pallier des douleurs chroniques (lombalgie, fibromyalgie). Les consommations de
substances vont faciliter les comportements autodestructeurs déjà plus fréquents
dans cette population clinique (Dervaux & Laqueille, 2016).

5.2. Traitement intégré avec prévention de la rechute


Plusieurs revues de la littérature présentent des programmes intégrant des élé-
ments de la PR dans la prise en charge de la pathologie duelle trouble de la per-
sonnalité borderline et troubles addictifs (Dervaux & Laqueille, 2016 ; Kienast
et al., 2014). Il est nécessaire d’intégrer le rôle de la consommation dans la régula-
tion émotionnelle chez les personnes borderline. Ainsi, la discussion et l’analyse
des situations source d’émotion seront privilégiées, de même que le travail sur
l’identification de leur propre état émotionnel et la reconnaissance de ceux des
autres (Dervaux & Laqueille, 2016). Voici quelques programmes intéressants :
– Le premier programme est le Dialectical Behavior Therapy for
Substance Use Disorders (DBT-SUD), qui est une version spécifique
de la Thérapie Comportementale Dialectique (TCD) pour les per-
sonnes avec un trouble addictif (Dimeff & Linehan, 2008). Les prin-
cipes généraux comprennent entre autres « l’abstinence dialectique »,
consistant pour le thérapeute, à se concentrer sur ce qui est possible de
faire pour chaque patient, au lieu d’exiger des changements radicaux
dans leur comportement de consommation. De plus, l’entraînement
aux compétences est commun à la PR.
– Le programme Personality-guided Treatment for Alcohol Dependence
(PETAD) a été conçu pour les patients dépendants à l’alcool avec
trouble de la personnalité notamment borderline. Il intègre des entre-
tiens cliniques (psychoéducation et restructuration cognitive) et des
groupes d’entraînement aux compétences (Nielsen et al., 2007).

Prévention de la rechute et comorbidités en santé mentale 77


– La Dual Focus Schema Therapy (DFST) est une combinaison de
prévention de la rechute et de thérapie axée sur les schémas précoces
inadaptés (tels que les croyances négatives permanentes, les croyances
négatives concernant les autres ou les événements), ainsi que sur les
styles d’adaptation (Ball, 1998).

6. Prévention de la rechute et vécu traumatique


Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) et les troubles liés à l’utilisation
de substances (TUS) sont deux pathologies complexes et spécifiques, qui ont
toutefois de nombreuses propriétés en commun. Il s’agit dans les deux cas de
troubles chroniques et récidivants.

6.1. Quelques données


Les personnes ayant subi un traumatisme physique ou émotionnel présentent
un risque beaucoup plus élevé de consommation de drogues et de troubles
connexes (Berenz & Coffey, 2012 ; Brady et al., 2021). De plus, la présence
d’une addiction à l’alcool au cours de la vie serait liée à une plus grande sévé-
rité des symptômes du TSPT après une agression (Kaysen et al., 2006).

6.2. Traitement intégré avec prévention de la rechute


Les personnes qui se rétablissent d’un trouble lié à une substance et d’un trau-
matisme concomitant peuvent présenter une augmentation des symptômes
du TSPT à différents stades du rétablissement de la dépendance. Le stress
du sevrage, par exemple, peut accroître les symptômes de traumatisme, tout
comme l’abstinence prolongée, en particulier si des substances ont été utilisées
pour l’automédication du TSPT chronique. Par conséquent, un traumatisme
non traité peut être un facteur important de rechute dans la consommation de
substances. Un traitement coordonné des deux problèmes est essentiel pour les
personnes souffrant à la fois d’un trouble lié à la consommation de substances
et d’un TSPT. Une revue de la littérature et méta-analyse présente les psycho-
thérapies traitant à la fois le TSPT et un trouble addictif associé (Torchalla
et al., 2012). Les programmes présentés ci-après incluent tous des éléments de
la prévention de la rechute :
– Addiction and Recovery Treatment Integration Model (ATRIUM)
propose un modèle qui aborde simultanément les problèmes de dépen-
dance et de santé mentale liés aux traumatismes (Weis, 2010). C’est
un programme intégré de 12 semaines qui combine un traitement
cognitivo-comportemental et relationnel afin de se concentrer sur les
traumatismes de l’enfance et la violence interpersonnelle. ATRIUM

78 Addictions : prévenir la rechute


intègre des techniques psychoéducatives et expressives, et propose une
formation à la relaxation et à la pleine conscience. ATRIUM aide les
participants à développer des compétences pour arrêter activement les
pensées automatiques négatives associées à la réexpérience des symp-
tômes et des compétences plus appropriées en matière de soins person-
nels et d’adaptation.
– « À la recherche de la sécurité » (Seeking Safety) a été spéciale-
ment conçu pour aider les personnes souffrant des conséquences de
traumatismes et d’addictions concomitants, d’une manière qui ne leur
demande pas de se plonger dans des récits traumatiques émotionnelle-
ment pénibles (exposition) (Najavits, 2002 ; Najavits et al., 2006). Il se
compose de 25 thèmes qui peuvent être abordés peu importe l’ordre, et
au cours d’autant de séances que le temps le permet. Parmi les thèmes
abordés, citons la sécurité, la demande d’aide, l’établissement de limites
dans les relations, les relations saines, les ressources communautaires,
la compassion, la création de sens, la découverte, la pensée du rétablis-
sement, la prise en charge de soi, l’engagement, la gestion des déclen-
cheurs, l’épanouissement personnel, les drapeaux rouges et verts et les
choix de vie. Cette thérapie est efficace et fondée sur des faits scienti-
fiques (Lenz et al., 2016).
– Concurrent Treatment of PTSD and Substance Use Disorders
Using Prolonged Exposure (COPE) est une thérapie qui s’intéresse
en particulier aux TSPT et aux troubles liés à la consommation de
substances (Back et al., 2015 ; Persson et al., 2017). Elle se déroule
en 12 rencontres individuelles, chacune d’une durée de 90 minutes,
et combine des techniques d’exposition prolongée et de prévention de
la rechute. Le programme comprend des informations sur l’interaction
entre les symptômes du TSPT et la consommation de substances, des
informations sur les réactions les plus courantes aux traumatismes, des
techniques pour aider le patient à gérer les envies et les pensées liées à
la consommation d’alcool ou de drogues, des techniques d’adaptation
pour aider le patient à prévenir les rechutes, un exercice de relaxation
avec réentraînement à la respiration et des expositions in vivo (dans
la vie réelle) et imaginaires pour cibler les symptômes du TSPT du
patient.
– Trauma Recovery and Empowerment Model (TREM) est une inter-
vention de groupe de 24 à 29 séances destinée aux femmes ayant vécu
un traumatisme et souffrant de problèmes de toxicomanie et/ou de
santé mentale (Fallot & Harris, 2002). Ce modèle s’appuie sur des tech-
niques cognitivo-comportementales, d’acquisition de compétences et
de psychoéducation pour aborder le rétablissement et la guérison des
traumas liés aux abus sexuels, physiques et émotionnels.

Prévention de la rechute et comorbidités en santé mentale 79


6.3. Quelques conseils
Un déclencheur de traumatisme est un stimulus qui provoque le rappel invo-
lontaire d’une expérience traumatique antérieure. Le stimulus lui-même ne
doit pas nécessairement être effrayant ou traumatisant et peut ne rappeler
qu’indirectement ou superficiellement un incident traumatique antérieur,
comme une odeur ou un vêtement. Il en est de même pour les déclencheurs du
craving (voir la séance « gestion du craving »). Certains patients vont d’ailleurs
gérer ces déclencheurs du traumatisme via un comportement addictif. Vous
pourrez ainsi utiliser le « registre des craving » pour également travailler les
déclencheurs du/des traumas.

Téléchargez la fiche « Registre des craving » sur notre site.

Quelques conseils supplémentaires


Voici quelques conseils supplémentaires si le patient souffre de conséquences d’un
trauma lorsque celui-ci est déclenché et/ou ressent un craving :
• Validez l’expérience
Ce que vous avez vécu est réel et douloureux. Il n’y a rien de « mauvais » chez vous.
Ce que vous vivez est en fait une réaction normale à des expériences anormales. Il est
important de vous le rappeler lorsque vous traversez des moments difficiles, car la
reconnaissance de votre souffrance en tant que victime est un élément important dans
le rétablissement.
• Utilisez une couverture lestée
L’un des symptômes du trauma peut-être la perturbation du sommeil (qui inclut
l’insomnie), les cauchemars, les flash-back et une forte anxiété. Si vous ne dormez pas
suffisamment, vous risquez d’avoir des problèmes de concentration, ce qui peut
entraîner des difficultés dans votre vie quotidienne et augmenter ainsi le nombre de
craving. Cela peut conduire à de l’irritabilité et avoir un impact négatif sur vos relations.
Des recherches ont montré que l’utilisation d’une couverture lestée, qui simule le fait
d’être tenu ou étreint fermement et en toute sécurité, peut aider à réduire l’anxiété et
l’insomnie.
• Rire
D’après des recherches récentes, le rire est un véritable remède et il est de plus en plus
utilisé comme méthode thérapeutique. Il est prouvé qu’il réduit le stress en libérant
des hormones spécifiques qui renforcent votre système immunitaire et reconnectent
votre cerveau. Ayez donc une vidéo drôle à regarder lorsque vous vous sentez stressé
ou si vous avez un craving. Ou passez du temps avec un ami ou un être cher.
• S’ancrer
Les déclencheurs vous enracinent dans votre passé tandis que les techniques d’ancrage
vous ramènent au présent où vous pouvez faire face à vos déclencheurs. Les techniques
d’ancrage font appel à vos sens pour vous ramener au moment présent, un peu comme
la pleine conscience. Elle peuvent être de différents ordres : s’accrocher à un objet

80 Addictions : prévenir la rechute


spécial (comme quelque chose de chaud ou de froid, ou dont la texture est prononcée),
écouter une musique qui vous rappelle une autre époque, sentir ou goûter quelque
chose qui a une odeur ou une saveur forte, tenir la main de quelqu’un ou lui tapoter
le bras pour vous ramener dans l’ici et maintenant.

7. Prévention de la rechute et TDAH


7.1. Quelques données
Plusieurs méta-analyses révèlent que les individus avec un Trouble de l’Atten-
tion avec ou sans Hyperactivité (TDAH) sont plus susceptibles de développer
un TUS (nicotine, alcool, marijuana, cocaïne) par rapport à un échantillon de
personnes sans TDAH (les ratios de cote variant entre 1,7 et 2,82) (Charach
et al., 2011 ; Lee et al., 2011). 23,1 % des patients avec un trouble lié à la
consommation de substances présentent un TDAH comorbide (van Emmerik-
van Oortmerssen et al., 2012) et les psychostimulants (cocaïne, amphétamines)
ont un effet apaisant pour ces patients.

7.2. Traitement intégré avec prévention de la rechute


Si le TDAH (ou les comorbidités subséquentes au TDAH) n’est pas diagnos-
tiqué ou non pris en compte, le traitement addictologique et en particulier la
PR seront vain. Toutefois, si le TDAH est diagnostiqué et traité, l’efficience du
traitement des addictions et des comorbidités sera amplifiée, le rétablissement
sera facilité.
Van Emmerik-Van Oortmerssen et al. (2019) ont mis au point un trai-
tement intégré pour le TDAH et dépendance aux substances psychoactives.
Il s’agit de 15 séances individuelles comprenant des techniques d’EM et de
PR, ainsi que de l’entraînement aux techniques de planification, de résolu-
tion de problèmes et de gestion des émotions pour les troubles de l’attention
(van Emmerik-van Oortmerssen et al., 2019).
Au Royaume-Uni, le programme Young-Bramham est un programme
intégré permettant de comprendre le TDAH, de s’adapter au diagnostic et
de développer des compétences pour faire face aux symptômes et aux défi-
ciences associées, y compris le trouble lié à la consommation de substances.
Ce programme propose des techniques basées sur la psychoéducation, l’entre-
tien motivationnel, la remédiation cognitive et la TCC (Young & Bramham,
2007).

Prévention de la rechute et comorbidités en santé mentale 81


7.3. Quelques conseils
Ce qui est à privilégier et à ne pas privilégier pour gérer un patient présentant
des symptômes du TDAH avec addiction(s)2 (Marel et al., 2016) :
À privilégier :
– Aider le patient à planifier ses activités et à organiser des rappels (par
exemple, en utilisant un smartphone).
– Encourager les méthodes de gestion du stress, comme la relaxation
musculaire progressive.
– Encourager l’exercice physique.
– Surveiller de près les périodes de stress – elles peuvent entraîner des
fluctuations des symptômes et nécessiter un ajustement des traitements
médicaments.
– Impliquer le plus possible les membres de la famille et les amis – les
informer sur la maladie et le traitement sera bénéfique à long terme.
– Proposer d’aider le client à suivre des cours ou des formations, ce qui
peut l’aider à développer son attention.

À ne pas privilégier :
– S’énerver visiblement ou se mettre en colère contre le patient.
– S’éparpiller pendant une séance non structurée et non ciblée.

8. Troubles cognitifs et PR
8.1. Quelques données
La prise en charge des troubles cognitifs, dans les soins en addictologie, est de
plus en plus prégnante, venant mettre une explication sur des difficultés pour
les patients à restituer des événements de vie, à enregistrer des éléments nou-
veaux ou encore à planifier les actions à mener dans leur soin. Les dépistages
réalisés en milieu hospitalier tendent à montrer selon Vabret et al. (2013)
que 50 % des patients présentent des altérations cognitives. D’autres études
comme Lhara et al. (2000) confirment les liens entre consommations de pro-
duits psychoactifs et atteintes neuropsychologiques sur les fonctions exécutives
et mnésiques. La phase de maintien PR en est alors impactée si le patient
ne peut « performer » dans son contrôle inhibiteur (refréner un automatisme

2. Librement inspiré de C. Marel, K. L. Mills, R. Kingston, K. Gournay, M. Deady,


F. J. Kay-Lambkin, A. L. Baker & M. Teesson (2016). Guidelines on the manage-
ment of co-occurring alcohol and other drug and mental health conditions in alco-
hol and other drug treatment settings. Advances in Dual Diagnosis.

82 Addictions : prévenir la rechute


dans la consommation) ou se souvenir des situations à risque passées (mémoire
épisodique) pour mettre en place de nouvelles stratégies (flexibilité et plani-
fication). Les cognitions sociales (Le Berre, 2019) sont également fragilisées
rendant moins accessible au patient l’interprétation des émotions et intentions
de son entourage (et ainsi faire frein à la demande d’aide).

8.2. Traitements intégrés avec prévention de la rechute


Plusieurs recherches anglo-saxonnes appliquées au soin sont documentées ;
l’une d’elles consiste à travailler l’inhibition par un test d’évitement d’ap-
proche avec des images de boissons variées et l’outil joystick. Les changements
dans les temps de réaction ont, au fil des entraînements, montré une efficacité
sur les actions automatisées envers l’alcool et également pu porter des résultats
encourageants en matière de consommation (moindre) d’alcool un an plus
tard (Wiers et al., 2020).
En France, de nombreux programmes de remédiation cognitive sont éla-
borés en soin résidentiel et ambulatoire. Le programme de réhabilitation
mnésique et sociale, distribué par un laboratoire pharmaceutique dans de
nombreuses structures en addictologie et prenant la forme de boîtes contenant
quatre dossiers « modules » (mémoire, hygiène, orientation temporo-spatiale,
budget), a permis un accès plus large à ces entraînements. Élaboré par l’équipe
du CHU de Clermont-Ferrand, il se compose de 4 séances par module sur
8 semaines minimum (soit 2 séances hebdomadaires) et permet une approche
cadrée et aisément reproductible par les soignants dans un groupe de patients.
L’équipe hospitalo-universitaire de Caen propose un programme au sein de
leur hôpital de jour ALCOSTIM abordant la remédiation sur les axes prin-
cipalement touchés dans les addictions (fonctions exécutives, mémoire épi-
sodique et cognitions sociales) et évalue ces séances en termes d’impact dans
la prévention de la rechute (Boudehent et al., 2021). Par ailleurs, le projet
NeuroAddiCT (initié depuis 2020) met en place ces éléments de remédia-
tion cognitive au sein de communautés thérapeutiques et fait l’objet d’une
recherche universitaire sur la PR à +6 mois hors des murs de la communauté3.

8.3. Quelques outils


En prévention de la rechute, il est possible de travailler la mémoire épisodique
avec le journal de bord des craving/faux pas. Il permet de situer dans le temps
des éléments en lien avec l’addiction, de porter une attention et travailler la
répétition (pour l’encodage) et ainsi élaborer les possibles situations à risque.
Le soignant peut ainsi demander sur un cahier, chaque soir, de faire le point sur

3. Pour en savoir plus : www.federationaddiction.fr/decouvrez-le-projet-neuroaddict-


neuropsychologie-des-addictions-en-communautes-therapeutiques/.

Prévention de la rechute et comorbidités en santé mentale 83


la journée : « Y a-t-il eu des faux pas ou craving ? Si oui, quand, dans quel contexte,
avec qui, et que puis-je dire de ce moment ? »
La fonction planification se travaille par exemple dans le découpage en
sous-étapes d’un plan d’urgence sur une ou plusieurs situations à risque.
Ex. : « Je dois me rendre à une soirée où il y aura du cannabis : je prends le numéro
de ma personne de confiance, je prévois un paquet de chewing-gum dans mon véhi-
cule, je mange avant de partir, je prends un temps pour bien respirer et me détendre
avant d’entrer, je demande en arrivant un verre de soda, etc. ». Toutes ces sous-
étapes décrites finement sollicitent la fonction cognitive de planification car
elles demandent au patient une anticipation afin de réfléchir à la meilleure
façon d’aborder la situation à risque.

84 Addictions : prévenir la rechute


CHAPITRE 3
L’accompagnement
de l’entourage dans la PR

« Tous les trésors de la terre ne valent pas le bonheur


d’être aimé. »
Pedro Calderón de la Barca

1. L’entourage de la personne avec conduites


addictives
Les changements liés aux soins autour de la maladie chronique viennent bous-
culer les rôles de l’entourage. L’image du patient se modifie. Le soutien doit
être accompagné car la personne « en face » n’est parfois plus la même que
celle en proie avec sa maladie sur les années écoulées. C’est un handicap pour
celui qui voit l’autre changer, évoluer, car ils ne sont plus sur les mêmes réali-
tés, les mêmes représentations, les mêmes attentes et les mêmes temporalités.
En effet, vivre aux côtés d’une personne dépendante n’est pas anodin.
Bien souvent, le rythme d’une famille se constitue autour de cette maladie
(les soins, les cachettes, les finances, les moments de la journée redoutés,
etc.), tout comme la personne dépendante organise sa vie autour du pro-
duit/comportement. Arrêter ce problème de dépendance, c’est aussi redis-
tribuer la vie au sein d’une famille. Chacun devra retrouver une nouvelle
place. La ou le conjoint(e) qui pendant des années a vécu comme partenaire
d’une personne dans ses addictions devra s’inventer de nouveaux compor-
tements devant son « nouveau » conjoint. Ainsi, quand une personne se
soigne, hormis le fait qu’elle diminue ou stoppe son cycle addictif, elle peut

L’accompagnement de l’entourage dans la PR 85


recommencer à exprimer ses besoins, ce qu’elle pense et ressent. Elle peut
prendre la parole, demander des changements dans la manière de vivre de
ses proches si elle n’est pas trop envahie par la culpabilité. Et, à ces moments,
l’entourage va être secoué par les changements qui découlent des choix du
patient ; combien de fois a-t-on entendu qu’il était parfait, que celui-ci se
livre moins ou plus à ces comportements d’addiction mais qu’il était devenu
bavard, que les enfants allaient plus vers lui et moins vers le conjoint habi-
tuel, qu’il se permettait de ne pas être d’accord avec les habitudes éducatives,
qu’il voulait regarder les comptes du foyer, qu’il ne voulait plus aller chaque
dimanche déjeuner chez ses beaux-parents ; de nombreux conflits attendent
l’entourage et il est nécessaire de se réajuster les uns aux autres. Dans le cas
où le patient n’ose pas faire de remarques à son entourage, par culpabilité de
leur avoir fait subir son addiction et sa kyrielle de conséquences, par peur que
l’entourage s’éloigne et ne le laisse seul, parce qu’il a une estime de lui très
abîmée… la personne en rétablissement ne pourra pas se trouver en harmo-
nie avec elle-même et ses relations avec l’entourage risquent de devenir de
futures situations à risque de rechute.
C’est ainsi que les plus proches d’une personne en difficulté doivent au
possible être accompagnés également en parallèle. Il est question surtout de
travailler la ressource hors des murs du soin. Généralement, la personne de
l’entourage masque son propre besoin d’aide ou d’accompagnement, qu’elle
n’est pas encore en mesure de formuler, par une primo-demande de soutien
pour « l’autre », celui qui a un problème avec ses conduites addictives. Quelle
que soit la position de cette personne de l’entourage, la démarche qu’elle
accomplit doit être considérée avec la plus grande attention car l’implication
des familles, des proches auprès des usagers constitue un facteur de réussite :
des proches informés et sensibilisés, écoutés, peuvent soutenir l’usager dans
sa démarche de réduction des risques et des dommages. De plus, l’améliora-
tion de la qualité relationnelle est considérée comme le meilleur soutien dans
les efforts de changement, aide face aux situations de crises (McCrady et al.,
2009 ; O’Farrell & Fals-Stewart, 2006).
Plusieurs éléments de travail sont envisageables à partir de la séance « sou-
tien social ». Les interventions familiales cognitivo-comportementales sont
diverses selon le contexte du soin, les caractéristiques de l’addiction, la moti-
vation du malade et de sa famille mais également selon la présence d’addictions
ou de comorbidités au sein de l’entourage et bien sûr l’objectif souhaité de la
personne en soin en addictologie (éloignement ou symbiose avec la famille,
abstinence ou consommation/comportement modéré).

86 Addictions : prévenir la rechute


2. Les différentes possibilités
2.1. Séance avec le patient et sa personne ressource
Il s’agit alors de réunir la personne ressource identifiée par le patient dans la
séance précédente (ou inscrite dans son dossier médical, par exemple) afin de tra-
vailler conjointement le plan d’urgence. Le thérapeute joue alors le rôle de tiers
médiateur. La psychoéducation ici va consister à informer sur les effets à attribuer
au produit, les conséquences à long terme, la définition du craving, de l’écart, de
la rechute, de la consommation contrôlée et de l’abstinence. La question de la
personne ressource et du principe du plan d’urgence sera abordée ensuite.
La demande d’aide sera éclairée par les croyances de chacun afin de se
rejoindre sur les besoins et possibilités. Une mise en situation peut également
être proposée afin de clarifier le verbal et le non-verbal. Le thérapeute encou-
rage le patient à poursuivre ce type d’échange avec les éventuelles autres per-
sonnes ressources.

2.2. Séance avec le patient et sa famille


a) Place de l’addiction dans la famille
En premier lieu, le thérapeute échange sur la place du produit dans le quoti-
dien des membres présents, les émotions (inquiétude, honte) et cognitions
(croyances) associées. Bien que la famille vienne avec la question de « qu’est-ce
que nous pouvons faire pour le malade ? », elle adresse surtout au professionnel, au
travers des situations difficiles passées, ses souffrances, son épuisement, sa colère
et son sentiment d’impuissance. Il s’agit d’amener chaque membre de l’entourage
à s’exprimer à la première personne pour formuler son propre ressenti. Déverser
avec le thérapeute ce qui fait souffrir afin d’être plus disponible pour avancer,
s’autoriser à penser à soi et ainsi être aussi disponible pour penser à l’autre.
La famille vient souvent en séance avec cette impression d’avoir déjà beau-
coup fait, d’avoir « tout tenté » et que rien ne fonctionne ; cela engendre de
la colère non gérée envers le malade et envers la famille elle-même qui se sent
impuissante. Nous devons aborder ces tentatives de changement, leurs solu-
tions dans les épreuves passées. Cela permet de comprendre le parcours avant
le soin et de redonner toute sa place à la famille (qui peut se sentir oubliée,
exclue ou discréditée sur le temps du sevrage).
Nous ne nous méprenons pas sur l’objectif de ces deux premiers points.
Il n’est pas question au cours de ces séances d’évoquer la genèse des troubles
mais bien de la suite à donner au travail réalisé en soin en addictologie. Bien
souvent, les familles, aux prises avec leur culpabilité ou honte, se figent dans
cet état de reproches/accusations mutuels. L’échange avec le thérapeute per-
met de dépasser ce cap pour passer de la question du « pourquoi » à celle

L’accompagnement de l’entourage dans la PR 87


du « comment », d’avancer vers la recherche de solutions constructives. En
mettant en lumière la souffrance familiale et les cognitions de chacun, nous
travaillons déjà sur ce qui peut entretenir un comportement d’addiction. Le
travail réside surtout dans l’apprentissage d’une réflexion familiale (et non plus
seulement individuelle) sur ce qui sera profitable dans la relation et le main-
tien du soin. La psychoéducation par la suite sera mieux entendue et permet-
tra aussi de dédramatiser l’abord des écarts, des craving et des maladresses des
proches par une meilleure communication (l’idée de progression conjointe,
d’un apprentissage en mode essai-erreur).

b) Les situations à risque


Une fois la place de chacun confortée comme étant nécessaire, le thérapeute
pourra reprendre les situations problématiques déjà abordées et demander si
d’autres non évoquées sont imaginées comme étant à risque pour les personnes
présentes. En premier lieu, nous pouvons aborder ce qui va se jouer dans la pré-
vention de la rechute comme le contrôle des stimuli et, plus particulièrement,
le type de situation qui préoccupe souvent la famille : la présence du produit
au domicile.
C’est un échange à faire sans a priori avec les personnes présentes :
– Vous avez pu déjà en parler ensemble ?
– Et personnellement, qu’aviez-vous imaginé à ce propos ?

Il faut explorer les expériences passées du patient, au-delà de ce qu’il ressent


actuellement, et proposer des mesures préventives qui seraient adaptables avec
le temps. On peut imaginer que le travail d’empowerment actuel fonctionne et
qu’il se sente en mesure de gérer son addiction même en présence du produit.
Certaines personnes parleront du risque et préféreront une mise à l’abri sans
« tentation ». S’ils vivent ensemble, le professionnel peut encourager chacun à
exprimer ses craintes et ses souhaits sur ce point. Ils doivent parvenir à un accord
« essai » à mettre en place dès le retour à domicile avec des éléments concrets :
– Quand pouvez-vous enlever (ou déplacer) les produits présents actuel-
lement ? Seul ou ensemble ?
– De quoi avez-vous besoin pour mettre en place votre décision ?
– Quels éléments viendraient remettre en cause cette décision ? Pouvez-
vous vous mettre d’accord sur un cadre qui, s’il venait à être dépassé,
serait à retravailler ?

Il est possible de reproduire ces questionnements avec la famille pour les autres
contrôles de stimuli en société (fête entre amis) ou autres déclencheurs (faire les
courses seul). Il s’agira de chercher à renforcer les habiletés à faire face conjoin-
tement à la maladie en abordant la notion de temporalité et de communication.

88 Addictions : prévenir la rechute


La personne dépendante, en phase de maintien, se sent bien et voudrait enle-
ver cette « étiquette » de « dépendante ». Il s’agira alors de parler ensemble des
comportements de la famille comme les vérifications (regarder dans le placard,
s’approcher de ses yeux ou sentir une odeur) ou les interprétations de son état
(« tu sembles fatigué, tu as consommé ou joué cette nuit », « tu t’énerves vite, tu es en
manque »). La famille a vécu avec la ou les addiction(s) et ses transgressions, la
confiance s’est étiolée progressivement. Le thérapeute peut aussi replacer la notion
de temps nécessaire pour chacun et s’appuyer sur les actions visibles à venir :
– Vous avez en tête les cachettes, les mensonges, etc., qui ont généré de
nombreux doutes et ont fait perdre la confiance entre vous. Maintenant,
loin de ne pas laisser de place à vos inquiétudes, il y a un travail de
reconstruction de la confiance à engager.
– Quels éléments vous permettraient de gagner en confiance ?
– Que pouvez-vous faire en cas de doute ?

La confiance se retrouve également à travailler dans l’autonomie laissée à la


personne en rétablissement. La famille peut se sur-impliquer (faire à sa place)
ou connaître des blocages (refus de sortir ensemble, jugements moralisateurs
sur ses choix). L’addiction a pu faire perdre de vue la place de la personne dans
sa famille jusqu’à parfois l’infantiliser. Un point autour de la question du libre
arbitre et de la responsabilité peut être abordé ainsi :
– (à la famille) Comment avez-vous fait ces derniers mois lorsqu’une
décision financière ou administrative (ou autre) devait être prise ?
– Et lorsque vous étiez en désaccord avec les choix de M./Mme X ?
Comment cela se déroulait-il ?
– (à tous) S’éloigner de la dépendance, c’est chercher à (re)trouver de
l’autonomie. Comment pensez-vous approcher les futures décisions
familiales à l’avenir ?
– (pour relayer les échanges) Que pensez-vous de la proposition de X ?

c) La rechute
Après les risques, la rechute sera à aborder. Elle est à replacer comme pouvant
faire partie de la maladie afin de travailler les cognitions de la famille « la cure
n’a servi à rien », « il est comme avant, rien n’a changé », « il ne sera jamais guéri ».
En s’appuyant sur le Modèle Transthéorique de Prochaska et DiClemente, le
thérapeute cherchera à mutualiser les efforts pour revenir plus vite vers le soin
(Prochaska & DiClemente, 1982).
– Si vous observez une reprise des consommations/du comportement ou
si M./Mme X vous demande de l’aide, que pouvez-vous faire ?
– Qu’attendez-vous de votre famille ou de M./Mme X si vous leur parlez
de votre rechute ?

L’accompagnement de l’entourage dans la PR 89


d) Les conflits
En effet, l’arrêt du comportement problématique ne constitue que la partie visible
de l’iceberg. Le travail se poursuit désormais dans la qualité des rapports entretenus.
La méprise serait de mettre tous les sujets conflictuels au rang du passé. Les conflits
peuvent persister même sans comportement d’addiction, il sera donc important de
les aborder afin de ne pas déplacer le problème une nouvelle fois. Le professionnel
peut proposer de lister des éléments que chacun considère comme conflictuels, de
laisser un peu de temps passer et de réévaluer la pertinence du problème. Si cela
reste important, un moment d’échange avec la personne peut être demandé en
s’appuyant sur les outils de communication (voir la séance sur la communication).
En fin de séance, des documents pourront être remis (si cela n’est pas déjà
fait), comme la lettre à la famille du Dr Fouquet (adapté à l’Addictologie et
non plus l’Alcoologie), et des informations sur les groupes d’entraide entou-
rage (Al-Anon par exemple ou Entraid’addict, qui oriente les réunions entou-
rage vers des addictions au sens large (à un produit ou comportemental)).
Parfois, ce type d’intervention ne suffira pas. Une thérapie familiale avec
les coordonnées d’un (ou des) praticien(s) sera à conseiller.

2.3. Séance avec le patient et son/sa conjoint(e)


Un nombre croissant d’études se sont accumulées au cours des trente dernières
années pour soutenir l’utilisation de la thérapie comportementale de couple
pour les troubles liés à la consommation d’alcool et de drogues (Powers et al.,
2008). La thérapie de couple cherche à identifier les conflits relationnels qui
déclenchent les craving, à améliorer la communication de manière globale et à
développer des renforçateurs pour l’abstinence (ou la consommation contrôlée).
Ainsi, les enjeux de pouvoir, les valeurs personnelles, les difficultés intimes, la
répartition des rôles (et les croyances liées) et divers points comme celui de la
présence du produit au domicile seront abordés. Une réduction de la violence
domestique et du nombre de prises de consommation est significative suite à ces
entretiens. Deux programmes principaux en thérapie cognitive et comporte-
mentale du couple ont été évalués et sont efficaces dans les addictions (Epstein
et al., 2007 ; Epstein & McCrady, 2002 ; O’Farrell & Clements, 2012) :
– Programme Alcohol Behavioral Couple Therapy (ABCT) (McCrady &
Epstein, 2015) : les interventions en ABCT se concentrent sur les
antécédents familiaux et les conséquences de la consommation d’al-
cool. Le programme comporte également des enseignements au parte-
naire du patient de compétences pour faire face aux situations liées à
l’alcool ainsi que des éléments de PR.
– Programme Counseling for Alcoholic’s Marriages (CALM BCT)
(O’Farrell & Fals-Stewart, 2006) : il se base sur un « contrat de rétablis-
sement » entre les deux membres du couple comme méthode principale.

90 Addictions : prévenir la rechute


Celle-ci sera possible sauf si une mesure de justice est en cours, ou en cas
d’éloignement, de violence intrafamiliale, de troubles psychiatriques
non stabilisés, de consommation du conjoint (ou de la conjointe) juste
avant la séance.

a) Les habiletés de communication


L’objectif premier est de maintenir le choix de changement défini (consom-
mation contrôlée ou de l’abstinence) grâce au soutien du partenaire ainsi
que l’apprentissage d’habiletés relationnelles améliorant le fonctionnement
conjugal. Il s’agira d’examiner le style de communication actuel du proche
vis-à-vis du patient, d’expliquer l’importance d’améliorer la communication
au sein de la relation, enseigner les habiletés à la communication positive
et les mettre en pratique par le biais de jeux de rôles. À la fin de la séance,
le couple repartira avec des tâches à domicile ou un engagement de chacun
pour le quotidien.
Expériences antérieures Expériences antérieures
« Causes »

Croyances Croyances

Suppositions Suppositions

Règles compensatrices Règles compensatrices


Instant présent

Événement significatif Événement significatif

Déclenchement des suppositions Déclenchement des suppositions

Pensée automatique Pensée automatique

Émotions Comportements Comportements Émotions

Réactions physiques Réactions physiques


« Déclencheurs »

Figure 6. L’interaction du couple (Grant, 2011)

Grant a modélisé ces interactions du couple : « Pendant un échange diffi-


cile, le comportement du partenaire A est interprété par le partenaire B d’une
manière qui déclenche ses croyances sous-jacentes, entraînant des réactions
émotionnelles, physiques et comportementales, qui sont à leur tour interpré-
tées par le partenaire A. L’interprétation de chaque conjoint dépend de nom-
breux facteurs, y compris le contexte de la situation, leurs croyances à propos

L’accompagnement de l’entourage dans la PR 91


d’eux-mêmes, de l’autre personne et de la relation, et de certains processus
cognitifs. Les couples peuvent développer des habitudes (patterns de réactions
comportementales) qui risquent si elles sont destructrices, de contribuer au
niveau de détresse dans la relation » (Grant, 2011).

b) Augmenter les observations positives


Pour aider les couples à remarquer les comportements attentionnés quotidiens,
il leur sera demandé par exemple d’enregistrer ce type de comportement réalisé
par le partenaire chaque jour sur les feuilles que vous lui fournissez. Le couple
lira les comportements bienveillants enregistrés la semaine précédente lors
de la séance suivante pour ensuite modéliser la reconnaissance des comporte-
ments attentionnés.
« Attrapez votre partenaire en train de faire quelque chose que vous estimez positif. »
« J’ai aimé quand tu as… Cela m’a fait ressentir… »
Quelques exemples :
– « Tu m’as demandé comment s’est passée ma journée et j’ai trouvé
cette attention très agréable. »
– « Tu as passé l’aspirateur et j’ai apprécié que tu t’investisses dans les
tâches ménagères. »

c) La résolution de problème
Le processus par lequel les problèmes sont traités dans une relation est un
aspect très important de celle-ci. Les compétences en matière de résolution
de problèmes ont déjà été présentées au patient (voir la séance sur ce thème).
Chaque étape sera discutée en détail avec le couple afin de vérifier leur com-
préhension.
Afin de s’entraîner à la résolution de problème en couple, il s’agira de
demander à celui-ci d’identifier une situation problématique à laquelle il fait
face actuellement ou qu’il peut anticiper dans un avenir proche. Le thérapeute
peut servir de ressource pour répondre aux questions, faire des suggestions s’ils
sont bloqués, ou les garder sur la bonne voie, mais autrement il doit laisser le
couple travailler par lui-même autant que possible. Pour la dernière étape de la
démarche, le couple doit préciser les résultats acceptables ainsi que les résultats
qui nécessiteraient de revoir leur approche.

d) Augmenter les expériences de plaisir


Pour augmenter les expériences de plaisir, et ainsi leur complicité, il leur sera
proposé de réaliser une liste d’activités à partager. Toutefois, il faudra s’assurer
que la relation ne soit pas trop tendue sinon cela pourrait paraître trop arti-
ficiel. L’idée est d’interrompre un cercle vicieux d’interactions négatives et

92 Addictions : prévenir la rechute


d’évitement en alliant un travail cognitif et comportemental, en changeant
l’environnement dans ces activités pour favoriser de nouvelles interactions. Il
est possible de se référer au passé ensemble : que faisaient-ils ensemble avant
l’addiction ? Un partage de leurs activités actuelles est-il possible ? Une fiche
de suggestion peut-être donnée avec par exemple des idées telles que : restau-
rant, ballades, regarder une série à la télévision, etc.

Retrouvez la fiche « Suggestions d’activités à faire en couple » en téléchargement.

Conseils utiles au sein d’une relation étroite


– N’attendez pas de votre partenaire qu’il lise dans vos pensées.
– Ne laissez pas les choses s’accumuler.
– Faites des critiques constructives.
– Calmez-vous.
– Arrêtez-vous et réfléchissez avant d’exprimer votre irritation.
– Énoncez la critique en fonction de vos propres sentiments.
– Critiquer un comportement spécifique, et non la personne.
– Demandez un changement de comportement spécifique.
– Offrez de faire un compromis.
– Exprimez vos sentiments positifs.
– Offrez de participer à une activité amusante en échange d’en faire une que vous
choisirez plus tard.
– Offrez d’effectuer des tâches nécessaires mais pénibles à la maison.

2.4. L’entourage sans la présence du patient en séance


a) Identifier les motivations de l’entourage
La demande d’aide, détournée ou pas, du conjoint ou du parent, est fré-
quemment motivée par un moment de crise face à un événement « grave »
ou un « événement de trop » lié aux conduites addictives comme le déni des
consommations, une reprise de consommation après une période d’abstinence,
des actes de violence conjugale ou familiale (violences verbales, physiques,
agressions sexuelles ou viol) sous l’effet d’un produit.
Le proche non dépendant, lorsqu’il s’agit du conjoint, veut faire « repar-
tir le couple comme avant ». Cette démarche désigne le partenaire en dif-
ficulté avec ses conduites addictives comme unique responsable du malaise
conjugal et comme « malade » à soigner pour rétablir l’équilibre du couple. La
demande peut aussi porter sur une aide pour mieux gérer les problèmes liés aux
conduites addictives de leur partenaire, une demande d’accompagnement de
leur conjoint afin de leur « faire arrêter » les consommations (les problèmes).
Peu de personnes de l’entourage expriment un besoin d’aide pour elles-mêmes.

L’accompagnement de l’entourage dans la PR 93


Il s’agit très souvent de l’autre et non de soi. Cette demande d’aide implique
forcément que les parties s’interrogent et se positionnent sur la place que cha-
cun est prêt à faire à l’autre, à travers des attentes exprimées vis-à-vis de la
personne en difficulté avec ses conduites addictives, mais surtout par rapport
au vécu du couple et à sa façon de se projeter à travers un avenir commun.
Les mots sont : « Il ne s’en rend pas compte », « Il ne vous dit pas tout, moi je
vais vous le dire »… Les craintes sont exprimées : « Ne lui dites pas que je vous
ai appelé, que je vous ai vu »… Ces personnes, qui s’adressent aux services spé-
cialisés à travers ce qu’elles disent des difficultés de l’autre, parlent avant tout
de leurs propres souffrances, de leur dénuement, de leur épuisement, de leur
colère, de leur volonté d’agir, tout en ne sachant plus comment faire, car sou-
vent ces personnes, très impliquées, estiment avoir « tout essayé ». Les amener
à s’exprimer à la première personne pour formuler leurs propres difficultés est
primordial. L’objectif ne doit plus être de répondre à « Qu’est-ce que je peux
faire pour lui » mais à la question qui les amène en tant qu’individu qui souffre :
« Qu’est-ce que je peux faire pour moi » pour aller mieux.
Le professionnel en addictologie auquel un membre de l’entourage s’adresse
doit proposer une écoute bienveillante, un soutien et des informations.
Il s’agit :
– d’aider cette personne à identifier ses ressources et ses freins, ses difficul-
tés, directement et indirectement liées aux problématiques addictives
de l’autre ;
– de ne pas considérer l’entourage qu’à travers le prisme de ses difficultés,
mais de s’appuyer aussi sur ses ressources, ses expériences, comme allié
du système thérapeutique ;
– d’affirmer et réaffirmer que chacun souffre à sa manière et a besoin
d’être entendu, compris et aidé, et que la recherche de solution de
mieux-être devra s’appuyer sur les ressources et expériences de toutes
les parties prenantes.

b) Un appui essentiel sur les pairs


L’appui sur les pairs est essentiel pour la compréhension de la co-dépendance,
c’est-à-dire la compréhension du processus contre-productif pour l’usager
dépendant de l’intervention répétée de la personne de l’entourage mais aussi
pour la compréhension de l’intérêt à vivre mieux, se reconstruire et ainsi aider
le patient dans son nouveau parcours vers une meilleure santé. L’entourage,
présentant une co-dépendance installée ou pas, est souvent en repli sur lui-
même, honteux, culpabilisé et en perte d’espoir. La participation à un groupe de
parole en autosupport peut lui permettre de se poser des questions utiles sur son
comportement, de comprendre que la personne en difficulté avec ses conduites
addictives est en souffrance et qu’il faudra du temps pour une amélioration de

94 Addictions : prévenir la rechute


la qualité de vie, et de comprendre que tout ne reviendra pas « comme avant »
et qu’un nouvel équilibre est à trouver en se reconstruisant chacun et ensemble.
Les groupes d’entraide sont un appui véritable sur ces points, par leur qualité
d’écoute, d’identification, d’empathie et de confidentialité. Ils sont complé-
mentaires des interventions des professionnels. La palette des acteurs de soutien
doit être portée à la connaissance des usagers des établissements sanitaires et
médico-sociaux en addictologie (voir fiche téléchargeable « annuaire ») et de
leur entourage, car « il faut mettre toutes les chances de son côté », « Il n’y a pas
de solution miracle, chacun doit trouver sa propre voie ».

Les associations d’entraide pour l’entourage


Voici quelques noms d’associations d’entraide pour l’entourage de personnes souffrant
d’addictions :
– Al-Anon
Cette association s’adresse aux membres de la famille et aux amis et aux proches
d’alcoolodépendant. Le fonctionnement des Groupes Familiaux Al-Anon est basé sur
le programme des Douze étapes des Alcooliques Anonymes (AA). Elle est présente en
France, Belgique et Canada.
– Nar-Anon
Cette association, qui fonctionne comme les Al-Anon, offre un support et des ressources
aux familles et amis des dépendants de drogues. Elle est également présente en France,
Belgique et Canada.

Voici quelques noms d’associations d’entraide pour l’entourage de personnes souffrant


de troubles psychiques :
– UNAFAM (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou
handicapées psychiques)
Cette association française apporte une aide aux familles de personnes souffrant de
troubles psychiques mais elle organise aussi des campagnes d’informations et participe
à la politique de santé publique.
– SIMILES
Cette association wallonne forme les familles et les professionnels et porte la voix des
familles pour une meilleure organisation des soins.

Voici quelques noms d’associations d’entraide pour l’entourage de personnes souffrant


d’un TCA (Trouble du Comportement Alimentaire) :
– AAB Ouest (Association Anorexie Boulimie Ouest)
Cette association vise à rompre l’isolement des familles qui ont un enfant qui souffre
d’un TCA.
– ANEB (Anorexie et Boulimie Québec)
Cette association québécoise aide et soutien les personnes touchées par les troubles
alimentaires ainsi que leurs proches.

L’accompagnement de l’entourage dans la PR 95


3. Trousse à outils
3.1. « Lettre à la famille » du Dr Fouquet
Ce texte est tiré en majeure partie de la « Lettre à la Famille » du Dr Fouquet.
Ce dernier est un médecin addictologue qui, dans les années 1950, a « renou-
velé » le concept d’alcoologie, en définissant entre autres l’alcoolodépendance
comme étant une perte de la liberté. Il a également fondé et présidé la Société
française d’alcoologie (SFA). Cette lettre est à donner au préalable à l’entou-
rage avant un éventuel rendez-vous.

Téléchargez la « Lettre à la famille du Dr Fouquet ».

3.2. La co-dépendance
En certains cas, le fait de connaître des conséquences négatives de son com-
portement addictif va permettre le changement. Or, parfois, la personne co-
dépendante va ôter les effets dommageables et ainsi prendre le risque de créer
des bénéfices secondaires. Le tableau 7 peut vous aider avec le patient et son
entourage en vous invitant à noter quel type de comportement ils adoptent.

Aide Être co-dépendant


– Avoir des responsabilités envers autrui – Se sentir responsable d’autrui
– Respecter ses limites – Aller au-delà de ses limites
– Connaître et respecter ses besoins – Ne satisfaire que les besoins de l’autre
– Rester en contact avec ses sentiments – Ne pas tenir compte de ce qu’on ressent
– Avoir des activités plaisantes et valorisantes – Être désœuvré(e) en dehors de la relation
– Avoir une bonne image de soi « d’aide ».
– Savoir dire NON – N’exister que dans le rapport à l’autre
– Aller bien pour pouvoir aider l’autre – Dire oui et accumuler du ressentiment
– Laisser l’autre grandir, faire confiance – « Aider » jusqu’à tomber malade
– Pouvoir lâcher prise – Faire à la place de l’autre
– Accepter ses défauts et ses qualités – Devoir tout contrôler
– Être perfectionniste, n’en faire jamais assez

Tableau 7. Aide et co-dépendance (Davidson & Maso, 2015)

Ce tableau est disponible au téléchargement.

96 Addictions : prévenir la rechute


4. Difficultés rencontrées
– Trouver sa place du thérapeute en cas de conflit en séance
Les thérapeutes en thérapie cognitive et comportementale de couple tiennent
différents rôles qui varient en fonction de l’étape de la thérapie et des besoins
des patients. Par exemple, au cours des premières séances, le thérapeute utilise
généralement la psychoéducation pour informer les patients et son entourage
sur l’approche et l’intervention proposée et agit ainsi comme un facilitateur en
créant un environnement sûr et favorable où les émotions ou les préoccupa-
tions peuvent être exprimées librement. Cependant, une approche plus direc-
tive pourra aussi être utilisée pour traiter les interactions dysfonctionnelles ou
l’escalade des conflits afin de créer et de préserver un environnement sûr pour
la thérapie et d’aider les partenaires à comprendre ce qui se passe et à apprendre
de nouvelles façons de gérer leurs désaccords. Le thérapeute doit donc allouer
équitablement le temps de parole pour que chaque personne puisse s’exprimer,
tout en faisant preuve de neutralité et d’empathie. Si des situations se présentent
dans lesquelles les thérapeutes se sentent incapables de rester neutres envers un
couple ou une famille et si cela entrave de manière significative leur capacité à
aider les partenaires, une supervision pourra être rapidement envisagée.

– Comment faire en cas de violences familiales ou conjugales ?


Deux modèles coexistent. Le premier est le modèle qui préconise un traite-
ment séparé en groupe, pour les auteurs et pour les victimes. Le second modèle
quant à lui va plutôt proposer une thérapie de couple mais selon le degré de
violences (cf. tableau 8).

Type de violence Traitement en thérapie conjugale


1. Violence psychologique, sans violence
physique
• violence psychologique mineure Recommandé
• violence psychologique sévère Recommandé sous conditions
2. Violence psychologique et violence phy- Recommandé sous conditions
sique sporadiques dans le passé
3. Violence physique actuelle mais mineure Recommandé sous conditions
4. Violence physique sévère dans le passé, Recommandé sous conditions
mais qui n’est plus active
5. Violence physique actuelle dangereuse ou Non recommandé
potentiellement dangereuse

Tableau 8. Type de violence et traitement en thérapie conjugale


(Lussier et al. , 2008)

L’accompagnement de l’entourage dans la PR 97


PARTIE 3
La Prévention
de la Rechute
en pratique
CHAPITRE 1
Entretenir et maintenir
la motivation

« On se persuade mieux, pour l’ordinaire, par les raisons


qu’on a soi-même trouvées, que par celles qui sont venues
dans l’esprit des autres. »
Blaise Pascal

L’Entretien Motivationnel (EM) sert à inciter les patients à mettre en place


les changements que demande la Prévention de la Rechute. Face à l’ambiva-
lence qui peut être présente à tout moment, les techniques de l’EM permettent
d’éviter de « prendre parti », ce qui pourrait renforcer le patient dans ses résis-
tances. Il est important que le thérapeute ne suive pas son propre raisonne-
ment mais suive le patient sur son chemin propre, dans l’idée du rétablissement
qui sera le sien.
Dans ce chapitre, nous ferons d’abord le point sur ce qu’est la motivation.
Puis, nous rappellerons l’esprit, les principes et les techniques de l’EM essen-
tielles à tout moment dans la Prévention de la Rechute. Nous regarderons
divers écueils à éviter pour le thérapeute et fournirons quelques outils

1. La motivation
1.1. Qu’est-ce que la motivation ?
Selon Rollnick et al. (2018), la motivation est la probabilité qu’un individu
fasse, maintienne et adhère à un changement spécifique. Les trois compo-
santes majeures pouvant définir la motivation sont l’importance accordée
au changement (« j’ai envie de changer »), la confiance dans la capacité

Entretenir et maintenir la motivation 101


à changer (« je suis capable ») et la disposition au changement (« je suis
prêt »). Ce sont ces trois composantes que l’on va travailler avec l’EM. Cela
permettra de maximiser les probabilités de changement. Dans le cadre de la
Prévention de la Rechute, l’EM est utilisé pour entretenir la motivation. On
va la renforcer en s’appuyant sur le discours changement du patient.

Vous trouverez la fiche « Les stades de la motivation » en téléchargement.

1.2. Le discours-changement
Une des premières étapes va être de repérer le discours-changement chez le
patient. Il sera un bon indicateur que vous êtes dans la bonne direction avec
votre patient. Plusieurs types de discours-changement existent (figure 7).
Pour faire grandir ce discours-changement, le thérapeute va faire parler le
patient sur ces six composantes.

Désir Besoins
(je veux) : en faveur (je devrais) : nécessité
du changement de changement

Capacité Discours
Engagement
(je pourrais) : aptitude changement
(je vais) : intentions
au changement DC

Raisons
Premier pas
(je me sentirais durablement
(j’ai fait) : actions
mieux si ) : arguments

Figure 7. Six catégories de discours-changement (Rollnick et al. , 2018)

2. L’entretien motivationnel
La figure 8 schématise les grandes lignes de l’entretien motivationnel.
Nous allons les décrire dans les paragraphes suivants.

102 Addictions : prévenir la rechute


Évocation
Esprit Collaboration
Autonomie

Rouler avec les résistances Principes


Exprimer de l’empathie
Développer la discordance
Soutenir l’auto-efficacité
Compétences Questions ouvertes
Reflets
Résumés
Affirmations

Désir
Capacité
Besoins
Raisons Discours
Engagement Changement
Premier pas

Changement de comportement

Figure 8. Le cadre de l’EM (adapté du MINT


– Centre of Addiction and Mental Health)

2.1. L’esprit de l’EM


L’EM est un style d’entretien clinique qui respecte les préceptes suivants :
– Évocation : Le thérapeute aide le patient à faire émerger ses propres
motivations au changement et ses propres ressources, éléments qu’il a
déjà en lui.
– Collaboration : Il s’agit d’un partenariat coopératif entre le patient et
le soignant, sans relation de pouvoir asymétrique.
– Autonomie : Le respect de la liberté de faire ses propres choix favorise
le changement, contrairement à la contrainte qui crée de la résistance.

L’EM suit ainsi des règles fondatrices que Miller et Rollnick ont résumées
par l’acronyme RULE (Miller & Rollnick, 2019) :
– R : Résister au réflexe correcteur (Resist the Righting Reflex with Clients).
Le thérapeute, voulant promouvoir la santé et le bien-être du patient,
peut avoir tendance à vouloir l’orienter directement dans ce qu’il estime
être la bonne direction, ou les bons choix : c’est ce que l’on appelle
le réflexe de correction. Ce réflexe est contre-productif car il favorise

Entretenir et maintenir la motivation 103


l’opposition du patient. Les tentatives de persuasion créent en effet
chez les interlocuteurs une tendance naturelle à contre argumenter.
– U : Comprendre les motivations des clients (Understand the Clients’
Motivations). Ce sont les raisons pour lesquelles les patients changent,
et non les aides, qui sont les plus susceptibles de déclencher un change-
ment de comportement. Les professionnels de la relation d’aide doivent
donc s’intéresser aux préoccupations, aux valeurs et aux motivations
des individus.
– L : Écouter (Listen to the Clients). L’EM implique au moins autant
d’écoute que d’information. Les attentes normales d’une consultation
sont que les professionnels aient les réponses et les donnent à leurs
patients. Souvent, les professionnels ont des réponses, et les patients
s’adressent à eux pour obtenir cette expertise. Mais lorsqu’il s’agit de
changer de comportement, les réponses se trouvent le plus souvent
chez les patients et les repérer nécessite une certaine écoute.
– E : Responsabiliser (Empower the Clients). Les résultats sont meilleurs
lorsque les patients s’intéressent activement à leurs propres soins et y
jouent un rôle. L’autonomisation consiste à aider les patients à explo-
rer comment ils peuvent faire une différence dans leur propre santé.
Les idées et les ressources des patients sont essentielles à cet égard.

2.2. Les étapes de l’EM


Quatre étapes ou processus sont importants dans la démarche d’entretien
motivationnel. Ces quatre étapes peuvent être plus ou moins longues et dis-
continues, avec des allers-retours.
1. Engagement dans la relation : Il s’agit des premiers échanges où la rela-
tion patient-thérapeute s’installe et où l’alliance thérapeutique se construit.
2. Focalisation : Le thérapeute doit veiller à prendre le temps de bien
explorer la demande du patient avant de se focaliser sur un thème et un objec-
tif spécifique.
3. Évocation : Il s’agit de favoriser la projection vers un nouveau compor-
tement. Cette étape doit veiller à augmenter la confiance et la disposition au
changement.
4. Planification : Elle met en œuvre la concrétisation des moyens d’action
et l’engagement comportemental dans le changement. On demande à la per-
sonne comment elle pourra s’y prendre pour mener à bien le changement
qu’elle souhaite, quelles seraient les étapes à suivre, en les précisant.

104 Addictions : prévenir la rechute


2.3. Les principes de l’EM
a) Exprimer de l’empathie
Lorsque les thérapeutes font preuve d’une véritable empathie envers les per-
sonnes souffrant d’addictions, ils créent des espaces sûrs pour que celles-ci
puissent partager leurs expériences. La relation thérapeutique se renforce
lorsque les personnes souffrant d’addiction reconnaissent que les profession-
nels les écoutent et les comprennent. Une attitude d’acceptation et une écoute
attentive renforcent l’alliance thérapeutique.

b) Développer la discordance
L’ambivalence peut être interprétée à tort comme un manque de motivation,
alors que c’est un processus normal qui est une base pour discuter, réfléchir.
Le thérapeute la met en évidence, soulève les contradictions du patient, non pas
pour le juger mais pour que celui-ci perçoive un inconfort qui lui donnera envie
de changer. Il est extrêmement important de renforcer, dans le même temps,
la confiance du patient, afin de maintenir l’alliance et ne pas le décourager.
Lorsque les techniques de résumé ou reflet de l’ambivalence sont utilisées,
les éléments contradictoires seront principalement reliés par « ET » plutôt
que « MAIS » pour mettre l’accent sur leur présence simultanée. En effet,
les conjonctions « Pourtant » et « Mais » agissent comme des « gommes » et
peuvent diminuer l’intensité de ce qu’il y avait auparavant.

c) Rouler avec la résistance


La résistance est considérée comme un signe dans une interaction et non
comme une caractéristique du patient. Elle peut être plus ou moins facile à
repérer. Elle montre une nécessité de changement d’attitude de la part du thé-
rapeute. Il est ainsi invité à modifier son style pour faire baisser la résistance et
augmenter l’envie de changer. Quatre formes d’expression de la résistance sont
repérables : Argumenter contre, Interrompre, Nier, Ignorer.
Quand elle se manifeste, la stratégie appropriée consiste à « rouler avec »,
c’est-à-dire que le thérapeute ne rentre pas dans ce mécanisme d’opposition.
Il ne la rejette pas mais s’en décale pour la dépasser, comme s’il roulait avec
pour aller plus loin. Différentes techniques existent :
– Le changement de focus : on oriente l’attention sur une question plus
facilement acceptable pour ne pas se focaliser sur les inquiétudes, on
peut décaler le sujet dans le temps.
– Le recadrage : on invite le patient à percevoir la situation sous un autre
angle.
– Approuver en nuançant.

Entretenir et maintenir la motivation 105


– Mettre l’accent sur le choix et le contrôle personnel.
– Aller dans le même sens que le patient.

d) Augmenter le sentiment d’auto-efficacité


Le sentiment d’efficacité personnelle est notre croyance en notre capacité à
gérer correctement certaines situations. Celui-ci est essentiel dans la moti-
vation à changer. Il ne s’agit pas de tomber dans le piège de phrase simple
et généralisant comme « vous pouvez le faire » car le patient risque de contre
argumenter, mais plutôt de prendre en compte là où en est le patient dans son
processus de changement. Le thérapeute aidera ainsi le patient à se souvenir
des expériences positives passées, à valoriser les ressources mobilisées, ses com-
pétences.
La valorisation et le soutien du patient pendant l’entretien permettront
d’augmenter le sentiment d’auto-efficacité. Il peut s’agir de compliments, de
déclarations de remerciement ou de compréhension : « vous avez vite réagit » ;
« bravo pour cette diminution ».

Exemple

« Est-ce qu’il y a eu des moments où cela a été mieux ? Oui, quoi, pourquoi, comment
avez-vous fait ? Les autres autour de vous, qu’ont-ils vu ? Comment savez-vous que
ça fonctionne ? »

2.4. Les techniques de l’entretien motivationnel :


la méthode OUVER + DFD
L’acronyme OUVER+ DFD regroupe les techniques de questions OUvertes
– Valorisation – Écoute réflective – Résumé + Demander – Fournir – Demander
(Rollnick et al., 2018).

a) Poser des questions ouvertes


Les questions ouvertes sont utilisées pour amener le patient à développer ses
arguments, à étendre son propos. Trop de questions fermées amènent à des
questions-réponses rapides, qui risquent de tarir le discours du patient et le
priver de développer et ainsi renforcer ses raisons de ne pas changer. Toutefois,
le thérapeute devra porter son attention à l’inverse pour s’adapter au profil de
la personne. En effet, pour certaines personnes, les questions ouvertes peuvent
être vécues comme angoissante car laissant place à trop de vide. Dans ce cas, il
est utile d’insérer davantage de questions fermées pour lancer progressivement

106 Addictions : prévenir la rechute


l’échange. Le patient sera alors rassuré et prendra, petit à petit, sa place dans
l’échange. Lorsque la personne évoque une raison de changer, il sera important
de la faire développer en demandant des éclaircissements, en demander un
exemple…

Exemples

• Regarder en arrière
« Pouvez-vous me parler des moments dans votre vie où cela se passait comme vous
le souhaitiez ? »
• Reconnaissance du problème
« Qu’est-ce qui vous fait dire que c’est un problème ? »
• Questionner les extrêmes
« Au pire, que pourrait-il arriver ? »
• La question miracle
« Vous dormez et à votre réveil “tout est arrangé”, que se passerait-il dans votre vie,
que verraient les autres personnes autour de vous, qu’est-ce qu’il y aurait de différent dans
votre vie ? »
• Optimisme
« Si vous décidiez de changer, quels moyens seraient efficaces pour vous ? »

b) Valoriser
Il s’agit de valoriser la personne de façon appropriée, c’est-à-dire de manière
authentique, mesurée et seulement tournée vers le patient. L’utilisation du
« vous… » sera donc privilégié plutôt que le « je… ». La valorisation va servir
à soutenir, remarquer les forces, les compétences de la personne, sa motiva-
tion dans ce qu’elle fait, entendre ses valeurs pour les souligner. La valorisa-
tion n’est donc pas simplement un compliment ou l’expression d’un accord
car celle-ci va plutôt mettre en avant le processus plutôt que le résultat.

Exemples

« Vous cherchez par tous les moyens à vous en sortir, vous avez déjà essayé beaucoup
de choses… »
« Cela fait trois fois que vous entamez des soins, cela doit être important pour vous.
Qu’est-ce qui vous rend si déterminé ? »
« Vous avez réussi à stabiliser votre consommation depuis deux semaines… »

Entretenir et maintenir la motivation 107


c) Avoir une écoute réflective
L’écoute réflexive est toujours une affirmation qui reprend ce que le patient
vient de dire (et non une question) qui va un peu au-delà. Plusieurs types de
reflets sont possibles :

1. Le reflet simple est le fait de reformuler ce que le patient a dit, sans


contre argumenter.

Exemple :

Patient : « Je ne pense pas arrêter le cannabis, mon mari fume devant moi tous les soirs. »
Thérapeute : « Arrêter le cannabis vous paraît presque impossible parce que votre mari
fume devant vous. »

2. Le reflet amplifié est le fait de refléter ce qu’a dit le patient d’une manière
amplifiée. Si cela réussit, le patient peut ramener les choses à leur juste valeur
et fait émerger l’autre côté de l’ambivalence. Les sarcasmes et l’ironie sont bien
à proscrire.

Exemple :

Patient : « Je ne pense pas arrêter le cannabis, mon mari fume devant moi tous les soirs. »
Thérapeute : « Arrêter le cannabis vous paraît impossible si votre mari fume devant vous,
cela provoquerait systématiquement des envies de fumer et des consommations pour vous. »

3. Le double reflet est le fait de prendre en compte les deux versants de


l’ambivalence avec l’utilisation du « ET ».

Exemple :

Patient : « Je ne pense pas arrêter le cannabis, mon mari fume devant moi tous les soirs. »
Thérapeute : « Vous ne vous imaginez pas pouvoir arrêter de fumer alors que votre mari
fume et en même temps vous êtes inquiète des effets de vos consommations régulières. »

d) Résumer
Le fait de résumer permet pour le patient de réentendre le discours-changement
et de le développer encore. Il permet aussi de faire du lien entre les différents
éléments apportés, ou encore d’approfondir l’ambivalence tout en montrant

108 Addictions : prévenir la rechute


au patient notre écoute attentive. Le résumé peut être utilisé en cours d’en-
tretien. On peut le terminer par la question « Quoi d’autre ? » pour amener le
patient à développer le discours changement. Le résumé peut aussi être utilisé
en fin d’entretien comme conclusion.

e) Demander, fournir, demander


Cette technique comporte trois étapes :
1. La première étape consiste à demander au patient ce qu’il connaît du
sujet à aborder.
Exemple : Thérapeute : « Dites-moi, que connaissez-vous sur les dangers
de votre consommation ? »
2. La deuxième consiste à demander la permission de fournir ces
informations.
Exemple : Thérapeute : « J’aimerais partager quelques renseignements à ce
sujet, cela vous irait ? »
3. La dernière sera de demander au patient ce qu’il pense des dites
informations.
Exemple : Thérapeute : « Que pensez-vous de cela ? »

3. Écueils à éviter pour le thérapeute


Thomas Gordon a constaté que beaucoup de difficultés relationnelles étaient
dues à des problèmes de communication. Il a élaboré une liste de 12 obstacles
à la communication (Gordon, 1981) :
• Approuver, donner son accord
• Effrayer, menacer
• Rassurer, consoler
• Donner des conseils, fournir la solution, suggérer
• Persuader, argumenter, démontrer
• Ordonner, diriger, commander
• Moraliser, dire au patient ce qu’il devrait faire, juger, critiquer, blâmer,
désapprouver
• Interpréter, analyser
• Étiqueter, humilier, ridiculiser
• Enquêter, questionner
• Changer de sujet, faire de l’humour
• Faire des louanges, complimenter

Entretenir et maintenir la motivation 109


4. Trousse à outils
4.1. La balance décisionnelle (Janis & Mann, 1977)
Janis et Mann sont deux chercheurs qui ont, les premiers, proposé à des patients
voulant changer leurs habitudes de faire un bilan du pour et du contre sous la
forme d’une balance. Ils proposent les étapes suivantes :
1. Énoncer le changement
2. Aborder le statu quo en listant les inconvénients et les difficultés de
la situation actuelle et en listant tous les avantages et les bénéfices de
cette situation.
3. Aborder le changement : formuler de façon positive les avantages au
changement en listant les inconvénients et les risques du changement.

Quand le patient évoque des arguments en faveur du changement, cela


peut être le moment de lui demander d’élaborer plus en profondeur. En effet,
plus le patient va s’exprimer sur ce qui l’amène à être en faveur du change-
ment, plus la probabilité qu’il change augmente. La balance décisionnelle per-
met de mettre en évidence les ambivalences du patient.
Il peut en effet exprimer que le produit le socialise et qu’il s’isole pour le
consommer, qu’il cherche l’évasion le soir en consommant le produit, tout en
expliquant qu’il se sent plus triste après cette consommation. L’exploration de
cet outil se situe non pas dans la quantité d’arguments donnés par le patient
mais surtout dans le poids en valeur qu’il met dans chacun d’eux. Il s’agira
d’inciter le patient à développer l’ambivalence dans ses propos qu’il estime
important dans les cases « inconvénients au changement » et « avantages au
statu quo ». L’inconfort perçu alors poussera le patient à vouloir le réduire en
mettant en œuvre un changement.
Toutefois, la balance décisionnelle a fait l’objet de questionnement quant
à ses effets sur la motivation ces dernières années (Miller & Rose, 2015).
En effet, la balance décisionnelle est une approche appropriée lorsque le
thérapeute souhaite rester neutre et éviter d’influencer la décision du patient.
En revanche, lorsque l’objectif est de promouvoir le changement dans une
direction particulière, les recherches indiquent que la balance décisionnelle
avec des personnes ambivalentes peut tendre à entraver l’engagement, alors
que les procédures d’évocation de l’EM suscitent le discours de changement
et favorisent le changement. Mais lorsque le patient a déjà décidé de changer
et s’est engagé à le faire, les procédures d’évocation de l’EM sont inutiles, et la
balance décisionnelle peut alors renforcer l’engagement.

110 Addictions : prévenir la rechute


STATU QUO CHANGEMENT

Avantages du statu quo Inconvénients du statu quo


Explorer les avantages du statu quo : Explorer les inconvénients du statu quo :
• À quoi vous servent les produits/ • Qu’est-ce qui vous fait souffrir
comportements ? dans votre addiction ?
• Quels effets attendez-vous avant • Quels sont les effets à long terme ?
de consommer ? • Quelles sont les conséquences
• Qu’est-ce qui vous retient de changer ? de vos addictions ? Au niveau familial ?
Affectif ? Social ? Professionnel ?
Judiciaire ? Etc.
• Que pouvez-vous perdre si vous continuez
à boire/vous droguer/jouer, etc. ?

Inconvénients du changement Avantages du changement


Explorer les inconvénients Explorer les avantages du changement :
du changement : • Qu’est-ce qui vous donne envie de changer ?
• Quelles sont vos craintes • Qu’est-ce qui sera mieux si vous changez
si vous changez ce comportement ? ce comportement ?
• Qu’est-ce qui vous a empêché de changer • Qu’imaginez-vous comme gains ?
jusqu’à présent ? Quels seraient vos projets ?
• Que risquez-vous de perdre
si vous changez cela ?

Tableau 9. Questions pour explorer la balance décisionnelle

Vous trouverez la « Balance décisionnelle » en téléchargement.


La première fiche est à disposition des thérapeutes, la seconde du patient.

4.2. Recherche et développement des valeurs


Un jeu de cartes pour explorer les valeurs personnelles a été développé par
Miller, De Baca, Matthews et Wilbourne (Université du Nouveau-Mexique,
2001) et adapté en français par Michaud et Lécallier, pour l’AFDEM
(Association Francophone de Diffusion de l’Entretien Motivationnel).
Ce jeu permet d’explorer les valeurs qui motivent le changement et déve-
loppent la dissonance cognitive (Bricker & Tollison, 2011).

Vous trouverez ce jeu de cartes dans les compléments numériques


accompagnant le livre.

Entretenir et maintenir la motivation 111


4.3. La règle de préparation ou de l’importance
Décrite pour la première fois par Miller et Rollnick, la règle de préparation
offre un moyen rapide de se faire une idée de la disposition d’un client à chan-
ger, tout en offrant la possibilité de susciter un « discours sur le changement ».
Tout d’abord, demandez au patient quelle est l’importance d’un changement,
sur une échelle de 1 à 10, de 1 « pas du tout important » à 10 « essentiel ».
Lorsque le patient propose un chiffre, disons un 5, demandez : « Pourquoi
un 5 et pas un 1 ? » En posant cette question, vous incitez l’individu à se mettre
en avant en lui expliquant pourquoi un changement pourrait être important
– peut-être pour prévenir une maladie, améliorer sa santé, faciliter les activités
de la vie quotidienne, etc. Si la question avait été posée à l’envers – « Pourquoi
un 5 et non un 8 ? » –, nous l’aurions incité à descendre dans la hiérarchie en
expliquant pourquoi le changement n’est pas si important. Miller et Rollnick
(2019) appellent cela le « sustain talk », c’est-à-dire l’expression de raisons de
ne pas changer. Tout ce que cela fait, c’est aider un patient à s’engager plus
fermement à ne pas changer. La réponse à cette question révèle le degré du
sentiment d’efficacité personnelle du patient.

4.4. Des outils d’auto-évaluation pour le thérapeute


Les instruments suivants ont pour but d’aider le thérapeute à s’autoévaluer
pour améliorer son utilisation des techniques de l’EM :
– L’auto-questionnaire ITEM : Identification des Techniques d’Entrevue
Motivationnelle (Recherche et intervention sur les substances psy-
choactives, Québec., 2010 ; Tremblay et al., 2003). Juste après l’entre-
tien avec le patient, le thérapeute doit répondre à 28 items. Le temps
estimé est d’environ 5 minutes.
– Des échelles d’évaluation par un observateur, comme la Motivational
Interviewing Skill Code (MISC) (de Jonge et al., 2005) ou la Motivationnal
Interviewing Treatment Integrity (MITI) (Moyers et al., 2016) permettent
de parfaire sa pratique de l’EM grâce au feed-back fin que permettent
les observations d’une tierce personne

112 Addictions : prévenir la rechute


CHAPITRE 2
Analyse fonctionnelle
et évaluation

« L’addiction n’est pas une simple “dépendance”, mais un


envahissement total de l’existence, qui devient en quelque
sorte une nouvelle identité pour le sujet. »
Marc Valleur

1. L’analyse fonctionnelle
1.1. Qu’est-ce que l’analyse fonctionnelle ?
L’analyse fonctionnelle est la base de la thérapie, dans le sens où elle va
déterminer les besoins du patient et les techniques à privilégier. C’est une
conceptualisation qui met en évidence les relations entre les comportements,
émotions et cognitions d’un individu dans une situation problème. Elle permet
de comprendre les difficultés de la personne dans leur contexte. On formule
alors des hypothèses sur les facteurs d’origine et de maintien du problème.
De cette compréhension va découler le plan thérapeutique.
Dans le cadre de la prévention de la rechute, l’analyse fonctionnelle rejoint la
modélisation des situations à risque propres au patient. Nous allons nous appuyer
sur les expériences vécues par le patient pour repérer, décortiquer les situations,
analyser ce qui s’est passé, comprendre ce qui renforce les comportements dys-
fonctionnels, afin de choisir des stratégies thérapeutiques à mettre en place. Pour
un travail de prévention de la rechute le plus complet possible, nous allons faire

Analyse fonctionnelle et évaluation 113


émerger plusieurs analyses fonctionnelles, qui correspondent à plusieurs thèmes
de situations à risque de consommation ou de comportement addictif.
Exemple : Marius repère qu’il avait l’habitude de boire de l’alcool lorsqu’il ren-
trait chez lui après le travail à 18h, mais il rapporte que sa dernière rechute avait eu
lieu à l’occasion d’un barbecue organisé par un ami un dimanche midi. Nous allons
faire plusieurs analyses car différentes situations à risque ressortent (le soir après le
travail et les situations conviviales entre amis). Pour commencer, nous allons travail-
ler sur les situations les plus fréquentes dans la période présente.
La grille SECCA (Situations Émotions Cognitions Comportements
Anticipations) a l’avantage de comporter une analyse diachronique et une
analyse synchronique :
– L’analyse diachronique (qui étudie l’évolution dans le temps) explore
la difficulté dans l’histoire personnelle et biologique de la personne.
Elle se centre sur le développement du problème, identifie ses causes et
ses facteurs de maintien.
– L’analyse synchronique (qui étudie des phénomènes qui ont lieu en
même temps) explore le problème actuel en mettant en évidence les
mécanismes en jeu, au plus près d’une situation du présent.

Exemple de Marius :

Analyse fonctionnelle synchronique :


Situation déclenchante : « Je suis à un barbecue avec mes amis, l’un d’eux me propose
un verre de rosé. »
Émotions : « Je suis gêné, j’ai chaud, je me sens rougir, c’est désagréable pour moi. »
Cognitions : « Ça ne se fait pas de refuser un verre, je vais me faire remarquer si je dis
non, on va me regarder bizarrement. »
Signification personnelle : « Je ne suis pas capable d’être comme tout le monde, je suis
moins bien que les autres. »
Comportement : « J’accepte le verre de rosé. »
Anticipation : « Je ne vais pas me faire remarquer. »
Analyse fonctionnelle diachronique :
Facteurs structuraux : tempérament introverti, parents anxieux.
Événements déclencheurs initiaux invoqués : dévalorisation dans l’enfance, absence de
renforcements positifs.
Éléments précipitants : utilisation de l’alcool au travail lors des pauses, et pots avec
les collègues, dépendance psychologique et physique.
Facteurs historiques de maintien : avec l’alcool je ressens moins de gêne, cela m’a permis
de parler à des personnes inconnues quand je suis arrivé comme étudiant dans une
nouvelle ville.

114 Addictions : prévenir la rechute


Exemple de Damien :

Analyse fonctionnelle synchronique :


Situation déclenchante : « Je suis à un barbecue avec mes amis, l’un d’eux me propose
un verre de rosé. »
Émotions : « Je me sens joyeux, même un peu euphorique, sensation d’avoir de l’énergie. »
Cognitions : « C’est un super moment, je vais en profiter ; un petit verre c’est pas grand-
chose, en plus je ne suis pas seul ; c’est pas comme un alcool fort. »
Signification personnelle : « La vie est courte, il faut profiter des bons moments. »
Comportement : « J’accepte le verre de rosé. »
Anticipation : « Je vais passer un moment festif, l’occasion de profiter et ne plus penser
à rien. »
Analyse fonctionnelle diachronique :
Facteurs structuraux : parents toxicomanes, instables, style d’attachement insécure.
Événements déclencheurs initiaux invoqués : consommations d’alcool dès l’adolescence,
manque de cadre.
Éléments précipitants : perte du permis de conduire et perte du travail, aggravation de
la dépendance.
Facteurs historiques de maintien : sensation de plaisir avec l’alcool qui ne paraît pas être
égalée sans alcool.

1.2. Trousse à outils


a) Expliquer la démarche au patient
Voici une manière possible d’introduire l’analyse fonctionnelle en entretien
avec le patient :
« Afin de construire votre plan de prévention de la rechute, nous allons analyser
votre problème de manière la plus précise possible. Il s’agit de comprendre les méca-
nismes qui vous amènent dans une situation donnée à avoir un comportement addic-
tif. On va développer deux grandes questions : qu’est-ce qui s’est passé dans votre
histoire pour que ce comportement addictif s’installe et se maintienne ? Et qu’est-ce
qui se passe pour vous, dans certaines situations, qui entraînent un comportement
addictif ? Il s’agit de comprendre votre addiction au plus près pour identifier les risques
de rechutes et apprendre à les prévenir.
Quand un problème s’installe, il peut déclencher un cercle vicieux qui va l’entre-
tenir même lorsque vous ne le souhaitez pas. Le travail que l’on va faire ensemble est
d’identifier les éléments qui participent à ce cercle vicieux pour déterminer sur quoi
la thérapie va se cibler. »

Analyse fonctionnelle et évaluation 115


b) Construire l’analyse fonctionnelle synchronique :
Il est nécessaire de prendre un exemple précis. On peut proposer au patient de
raconter ce qui s’est passé, comme s’il y était, en fermant les yeux si cela facilite
le rappel.
– Situation : Quand est-ce arrivé ? Où étiez-vous ? Avec qui ? Que s’est-il
passé ?
– Émotion : Qu’avez-vous ressenti ? Quelles émotions ? Pouvez-vous me
décrire quelles étaient vos sensations à ce moment ?
– Cognitions : Qu’avez-vous pensé à ce moment ? Que vous êtes-vous dit
dans votre tête ? À propos de cette situation ? Et à propos du compor-
tement addictif ?
– Comportement : Qu’avez-vous fait ? Que s’est-il passé après ? Cela vous
a permis quoi ? Comment a réagi votre entourage ?
– Signification personnelle : Pourquoi ça vous arrive à vous ? Qu’est-ce
que vous en pensez ? À quoi est dû ce problème chez vous ?
– Anticipation : Avant que cela se passe, que vous disiez-vous sur ce
moment à venir ? Avez-vous essayé de vous y préparer ? De quelle
manière ?

c) Construire l’analyse fonctionnelle diachronique


– Facteurs structuraux : Identifiez-vous des aspects de votre tempérament
inné qui pourraient favoriser ce comportement ? Avez-vous une ou
des maladies psychiatriques ? Quels sont vos antécédents personnels
et familiaux ?
– Éléments déclencheurs initiaux : Avez-vous une idée de ce qui est à
l’origine de votre addiction ? Comment vous expliquez-vous votre
problème ?
– Éléments précipitants : Pourquoi venez-vous maintenant ? Qu’est-ce
qui a déclenché votre démarche de soin ?
– Facteurs historiques de maintien : Pourquoi le problème s’est-il main-
tenu ? Comment a-t-il été renforcé ? À quoi vous servait ce compor-
tement ? Qu’est-ce qui fait baisser ou augmenter ce comportement ?
Y a-t-il quelque chose qui inhibe ce comportement ?

116 Addictions : prévenir la rechute


2. Évaluation
L’évaluation alimente l’analyse fonctionnelle, la précise. Elle favorise une
compréhension plus complète de la problématique du patient dans sa spéci-
ficité. Chaque dépendance est un processus individuel avec ses particularités.
L’évaluation permet également d’avoir des données fiables pour apprécier
l’évolution du patient. Elle peut être ainsi proposée à différents temps de la
thérapie : avant de commencer (ligne de base), au cours de la thérapie, à la fin
ou même un certain temps après.
L’évaluation est quantitative et qualitative. Elle porte sur :
– des comportements directement observables : par exemple le nombre
de joints par jour, le nombre de jeux de grattage par semaine ;
– des indicateurs plus larges : qualité de vie, humeur, anxiété, etc. Ces
indicateurs donnent de l’information sur les besoins des patients, et sur
la présence ou l’absence de signes prodromiques de rechute ;
– les situations à risques et les stratégies de coping.

Pour établir une ligne de base, il est intéressant d’observer différents com-
portements ou prises de produits, même s’ils ne sont pas l’objet d’abus ou de
demande de changement, car ils peuvent évoluer au cours de la thérapie.
Il n’est pas rare en effet qu’une addiction nouvelle se développe lorsqu’une
autre s’améliore. L’évaluation en prévention de la rechute s’appuie sur diffé-
rents outils :
– l’observation clinique et l’entretien clinique ;
– les échelles.

2.1. Évaluation des situations à risque


a) Les situations à risque
Une situation à haut risque est tout événement qui menace un rétablissement
réussi. Au fil du temps, certains aspects d’une situation donnée, comme une
personne, un lieu, une activité ou un son, peuvent susciter des envies intenses
de consommer des produits ou avoir un comportement addictif. Lorsqu’une
personne réagit continuellement à ces situations et utilise une substance
addictive pour, par exemple, éviter ou fuir un problème, ce comportement est
renforcé et la personne est plus susceptible de consommer à nouveau des subs-
tances à l’avenir lorsqu’elle est confrontée à une situation similaire.
L’un des principaux rôles de la thérapie cognitivo-comportementale est
d’identifier les situations à haut risque et de modifier la réponse de la personne
à ces situations afin de réduire la probabilité de rechute à l’avenir.

Analyse fonctionnelle et évaluation 117


Le risque de rechute comprend 3 catégories :
– Les situations à faible risque : Les situations à faible risque consistent
en des circonstances dans lesquelles le risque de rechute est faible. Par
exemple, le fait de se rendre dans un endroit où il n’a pas été consommé
de drogues ou d’alcool pendant la période de dépendance active.
– Les situations à risque modéré : Ces situations comprennent des
moments où la personne a été amenée à consommer des drogues ou de
l’alcool de façon abusive.
– Les situations à haut risque : Les situations à haut risque pour les
dépendants en voie de rétablissement consistent en des conditions
récurrentes dans lesquelles la personne est la plus susceptible de
consommer une substance.

L’une des choses que les personnes en voie de rétablissement peuvent faire
pour elles-mêmes est d’anticiper ces situations à haut risque avant qu’elles ne
se produisent. Cela leur donne l’occasion d’élaborer un plan d’action sur la
façon dont elles vont réagir. Bien qu’il ne soit pas possible d’anticiper toutes
les situations à haut risque, la plupart des personnes en rétablissement peuvent
tout de même faire des prédictions sur ce qui pourrait se produire dans un ave-
nir proche et élaborer un plan d’action.

Téléchargez la fiche patient « Situations à haut risque de rechute ».

b) Identifier les situations à risque


Ce qui peut être une situation à risque pour une personne peut ne pas l’être
pour une autre et dépend largement des pensées, comportements et croyances
de l’individu. Par conséquent, le patient et le thérapeute doivent travailler
ensemble pour identifier les situations qui pourraient menacer le rétablisse-
ment du patient.
L’une des façons les plus simples d’identifier ces situations est de les classer
en fonction des personnes, des lieux ou des choses.

Personnes, lieux et choses…


Personnes : Les personnes peuvent être celles avec qui vous avez consommé ou qui
sont liées à votre consommation. Il peut également s’agir de personnes avec lesquelles
vous avez des conflits, qui vous donnent envie de consommer, de personnes avec
lesquelles vous faites la fête en consommant ou de personnes qui vous encouragent
à consommer, directement ou indirectement. Une étude réalisée par Marlatt et Gordon
(1985) indique que les situations de conflit interpersonnel représentent plus de 50 %

118 Addictions : prévenir la rechute


de tous les épisodes de rechute (Marlatt & Donovan, 2005). Dans cette même étude,
la pression sociale représentait plus de 20 % des rechutes.
Lieux : Les lieux sont les endroits où vous avez consommé ou où vous obtenez votre
drogue ou votre alcool. Il peut s’agir de bars, de restaurants, de boîtes de nuit et de
concerts. La plage, une terrasse, une allée de supermarché peuvent être des déclencheurs.
Choses : Les choses sont les événements ou les objets qui vous rappellent votre
consommation. Il peut s’agir d’accessoires pour l’alcool et/ou la drogue (tire-bouchons,
verres à vin, etc.). Il peut s’agir d’événements tels que des fêtes, des mariages et des
réunions de famille. L’écoute de certaines musiques peut également être un déclencheur.

Quelques exemples de situations à haut risque :


– Vous avez décidé de ranger votre garage après l’avoir délaissé pendant
votre période active de dépendance. Vous tombez sur une bouteille
de vodka, votre boisson de prédilection. Que faites-vous dans cette
situation à haut risque ?
– Vous êtes chez votre cousin qui fête votre anniversaire. Sa femme pré-
pare ce qui semble être un dîner avec du poulet farci. Elle ouvre alors le
réfrigérateur et en sort un pack de six bières qu’elle verse sur le poulet.
Puis, elle annonce qu’elle a réalisé pour le dessert un baba au rhum.
Que faites-vous ?
– Vous êtes à un dîner d’affaires et votre patron commande plusieurs
bouteilles de vin pour la table afin de boire au succès de la fusion
commerciale. Que faites-vous ?
– Vous êtes au domicile de votre tante. Elle vous dit qu’elle a mal à la tête
et vous demande de lui apporter de l’aspirine. Vous ouvrez son armoire
à pharmacie et trouvez du Tramadol, auquel vous êtes dépendant. Que
faites-vous ?

La métaphore du triangle de feu


Beaucoup ont déjà pu expérimenter la formation incendie au sein d’un emploi ou d’un
bénévolat. Pour qu’un feu prenne, il faut un combustible (bois, huile), un comburant
(O2) et une énergie d’activation (étincelle). Pour l’écart, c’est la même chose. Prenons
l’exemple, de quelqu’un qui souhaite garder de l’alcool dans sa cave malgré sa
dépendance à ce produit.
Pour le moment, il se dit tranquille, sans envie, il gère bien son quotidien dans la PR
(comburant). La cave est, pour lui, réservé aux invités et dans l’optique de ne pas jeter
et gâcher tout ce vin (combustible). Et puis, une annonce de divorce pour son fils, en
pleurs au téléphone à des milliers de kilomètres et un ressenti d’impuissance traverse
ce monsieur. La tristesse est très envahissante et le ramène à ses propres vécus de
solitude (l’énergie d’activation). Le feu prend, et ce monsieur va chercher une bouteille
dans sa cave…

Analyse fonctionnelle et évaluation 119


2.2. Évaluation des rechutes
En général, il est demandé aux patients, de fournir une évaluation rétrospec-
tive des événements et des émotions qui ont précédé un épisode de rechute.
Le fait de se fier à de telles auto-évaluations rétrospectives des épisodes de
rechute, de leurs facteurs précipitant et de leurs séquelles suscite un certain
nombre de préoccupations (McKay et al., 1996). Plusieurs facteurs peuvent, en
effet, contribuer, de façon indépendante ou interactive, à une identification
inexacte des « vrais » précipitant de la rechute (« faux positifs ») (Donovan,
2008). Ces facteurs comprennent : (1) une tendance à attribuer l’échec à
des facteurs externes et le succès à des facteurs internes ; (2) une tendance à
« catastropher » lorsque la personne est intoxiquée, ce qui peut mener à une
attribution déformée des événements notamment des émotions négatives ; (3)
l’influence des émotions en lien avec la dépression, la culpabilité et d’autres
réactions émotionnelles dont on suppose qu’elles accompagnent l’EVA et sont
associées à la rechute ; et (4) selon la conceptualisation originale de l’EVA,
une tendance à se blâmer soi-même (attribution personnelle) comme cause de
la rechute. Sur la base de ces possibilités, différents mécanismes opérant dans
les évaluations rétrospectives peuvent contribuer à l’attribution incorrecte des
facteurs de rechute à des facteurs externes ou internes, selon les circonstances
et le contexte dans lesquels la personne se trouve.
La meilleure façon de comprendre la rechute est d’y voir des déterminants
multiples et interactifs.

2.3. Évaluation des situations à risque


a) Inventory of Drinking Situations (IDS) ou liste des occasions
de consommer de l’alcool (Annis et al., 1987)
Conçu par Annis, Graham et Davis (1987), ce questionnaire sert à évaluer les
raisons qui poussent une personne à consommer de l’alcool et les raisons qui
pourraient l’inciter à changer de comportement. L’IDS contient 100 énon-
cés que le patient doit coter sur une échelle de quatre points (de « jamais »
à « presque toujours ») en fonction de la fréquence à laquelle il a consommé
de l’alcool dans la situation donnée au cours des 12 derniers mois. Voici
des exemples d’énoncés : « Quand j’ai voulu célébrer quelque chose avec un(e)
ami(e) » et « Quand j’ai eu du mal à dormir ». Huit catégories de situations sont
évaluées : états affectifs désagréables, états affectifs agréables, états physiques
désagréables, mise à l’épreuve de la maîtrise de soi, envies et tentations, conflit
avec d’autres personnes, pression sociale, moments agréables passés en com-
pagnie d’autres personnes. On calcule le score pour chaque catégorie, ce qui
permet de générer un profil du patient qui servira à fixer les objectifs du trai-
tement et à évaluer les progrès réalisés dans chaque catégorie. Il faut entre 15

120 Addictions : prévenir la rechute


et 20 minutes pour répondre au questionnaire. Une des forces de cet outil est
qu’il s’appuie sur un cadre théorique bien établi, soit le modèle de prévention
de la rechute conçu par Marlatt et Gordon (1985).

b) Inventoring of Drugs Taking Situations (IDTS) ou liste des occasions


de consommer des drogues (Turner et al., 1997)
L’IDTS est un questionnaire d’auto-évaluation de 50 énoncés (existe aussi
en version informatisée) qui est une extension de l’IDS. Les auteurs affir-
ment que les questions peuvent être classées en deux grandes catégories :
états personnels et situations mettant en cause d’autres personnes. Voici des
exemples des énoncés : « J’ai utilisé [nom de la substance] lorsque j’étais à un
endroit où j’avais déjà consommé ou acheté ces drogues » et « J’ai utilisé [nom
de la substance] lorsque j’avais l’impression de ne pas avoir été à la hauteur ».
Le temps nécessaire pour remplir le questionnaire varie habituellement de
15 à 45 minutes.

c) Questionnaire des habitudes de prise de boissons alcoolisées


(Pelc, 1996)
Cet auto-questionnaire se compose de 45 items décrivant des situations parti-
culières à risque. Le patient indique sur une échelle de Likert de quatre degrés
(0=jamais à 3=très fréquemment) s’il lui est arrivé de prendre un verre dans
la situation mentionnée au cours des six derniers mois. Quelques exemples
d’énoncés : « il m’arrive de prendre un verre 1 – lorsque je rencontre l’une ou l’autre
personne ; 2 – lorsque j’ai des ennuis, pour les oublier ; 3 – par habitude ; etc. »
L’auteur suggère cinq dimensions décrivant les situations où le patient est
tenté de boire : contact social, goût/habitude, pour résoudre des difficultés psy-
chologiques, recherche d’un effet stimulant, pharmacodépendance.

d) Liste des occasions de jouer (LOJ) (Littman-Sharp et al., 2009)


La LOJ est un questionnaire d’auto-évaluation de 63 énoncés. Elle convertit
les résultats en un profil qui précise les situations où le patient a joué de façon
excessive au cours des 12 derniers mois. Ce questionnaire est issu de l’IDS et
de l’IDTS. L’objectif est d’élaborer un plan de thérapie individualisé suivant le
modèle de prévention de la rechute de Marlatt et Gordon (1985). Il comporte
des sous-échelles : émotions négatives, conflit avec d’autres, besoins et tenta-
tions, test de la maîtrise de soi, émotions agréables, pression sociale, besoin de
stimulation, inquiétudes au sujet des dettes, gains et besoin de récupérer ses
pertes, confiance dans son habileté.

Analyse fonctionnelle et évaluation 121


3. Repérage des troubles cognitifs
liés aux consommations addictives
L’évaluation cognitive pour les patients en addictologie s’effectue dans des
conditions particulières. Il est nécessaire que le patient soit éloigné de quel-
conque prise d’alcool (ou d’un traitement par benzodiazépine ou toute autre
substance fortement psychoactive) et qu’il soit sorti du sevrage « physique »
de son produit. Le début de la PR semble ainsi favorable à sa passation.
Le bilan rapide va orienter la marche à suivre sur une prise en charge clas-
sique en addictologie, une exploration neuropsychologique plus approfondie
et/ou un travail de remédiation cognitive. Il existe pour le moment des éva-
luations francophones « éprouvées » auprès d’une population avec troubles
de la consommation d’alcool. Il s’agirait dans les années à venir de mettre en
place des tests sensibles pour les troubles liés aux consommations de cannabis
(avec une évaluation entre autres de la mémoire prospective) ou encore aux
addictions comportementales (avec des exercices variés observant l’attention
et la mémoire de travail).

3.1. Le Montreal Cognitive Assessment (MoCA, Nasreddine


et al., 2005)
Le Montreal Cognitive Assessment fut un premier outil sensible de dépistage
« non spécifique » puisque utilisé en premier lieu pour les démences liées à
l’âge (Nasreddine et al., 2005). Ses consignes claires (protocole joint au test)
et sa rapidité d’exécution (10-20 min) ont séduit les équipes d’addictologie
pour une première exploration neurocognitive du patient en PR. Il comprend
8 sections (testant fonctions exécutives, fonctions visuospatiales, le langage, la
mémoire épisodique avec indication sur le processus fragilisé (encodage, stoc-
kage, récupération), mémoire de travail, mémoire sémantique) et cote jusqu’à
30 points. Le seuil pour un trouble léger est à 25, pour troubles modérés à 17,
pour troubles sévères à moins de 10/30. Ce test existe en langue francophone
sous 3 versions différentes afin d’éviter l’effet d’apprentissage s’il y a besoin de
refaire passer le test plusieurs fois au même patient (pour coter une évolution
par exemple).

3.2. Le Brief Evaluation of Alcohol Related


Neuropsychological Impairements (BEARNI, Ritz et al., 2015)
Le Brief Evaluation of Alcohol Related Neuropsychological Impairements est le
premier test francophone spécifique et très sensible au dépistage des troubles
cognitifs pour patients avec troubles de l’usage d’alcool. Il peut être administré

122 Addictions : prévenir la rechute


par un soignant formé au test mais non spécialisé en neurocognition. Sa pas-
sation sur 20-30 minutes se distribue en 5 modules (testant la mémoire
épisodique, l’ataxie, les fonctions exécutives, la mémoire de travail et les fonc-
tions visuospatiales). Contrairement au MoCA où le patient reste dans un
travail papier-crayon, le BEARNI aborde aussi les troubles de l’équilibre et du
placement du corps en disposant, par exemple, sur un temps chronométré la
personne debout, un genou remonté et les yeux fermés. Ici, le patient ne peut
qu’attester de ses difficultés lorsqu’il constate sa difficulté dans cette position ;
sur l’exercice papier, c’est en effet moins « concret ». Néanmoins, le score
total sur 30 points a cette particularité de se diviser en deux pour ne prendre
en compte que le score dit « cognitif » sans ataxie lorsque médicalement cela
n’est pas pertinent.
Enfin, il existe en deux versions afin d’éviter l’effet d’apprentissage dans la
passation.

4. Difficultés rencontrées
– Échec ou impasse dans la thérapie
Dans l’envie d’aider le patient, le thérapeute peut parfois aller vite dans l’étape
d’analyse fonctionnelle et d’évaluation pour passer plus rapidement aux tech-
niques thérapeutiques. Cela peut conduire à l’oubli d’éléments fondamentaux
et risque de mettre en échec la thérapie. Il est important de se fixer un cadre qui
permettra de ne pas sauter les étapes. Si, au cours de la thérapie, on rencontre
un échec ou si l’on se situe dans une impasse, revenir à l’analyse fonctionnelle
permet parfois de soulever des oublis et de changer le cours de la thérapie.

– Attention à la désirabilité sociale


L’analyse fonctionnelle et l’évaluation étant des étapes qui arrivent en début
de thérapie, elles coïncident avec le moment de la création de l’alliance thé-
rapeutique (bien que celle-ci soit dynamique et fluctuante tout au long de la
thérapie). Lorsque la relation thérapeute-patient est à ses débuts, la désirabilité
sociale peut avoir une place non négligeable et influencer les éléments que le
patient va mettre en avant. L’attention à l’état de l’alliance et les connais-
sances du thérapeute sur les processus en jeu sont alors indispensables. Parfois
des enjeux systémiques ne sont pas identifiés par le patient. Des comporte-
ments dysfonctionnels se répètent car ils sont renforcés mais ces renforcements
ne sont pas repérés d’emblée. On retrouve par exemple cela dans les méca-
nismes de co-dépendance. C’est parfois même en rencontrant l’entourage du
patient que l’on perçoit les renforcements présents dans les interactions. Par
exemple, l’addiction aux jeux d’argent d’un jeune adulte le maintien dans la
dépendance financière à ses parents et l’empêche de « quitter le nid », ce qui
serait source d’angoisse pour les parents.

Analyse fonctionnelle et évaluation 123


CHAPITRE 3
La psychoéducation
« Tu me dis, j’oublie, tu m’apprends, je me souviens,
tu m’impliques, j’apprends. »
Benjamin Franklin

1. Définition de la psychoéducation
L’utilisation de la psychoéducation dans le cadre du traitement des addictions
augmente les chances de rétablissement à long terme. Des recherches ont
montré que la psychoéducation pour traiter la dépendance a des effets positifs
en donnant aux personnes les moyens d’agir, grâce à une éducation solide et
robuste. Dès les années 1970, la psychoéducation a été enrichie par les théo-
ries cognitives et comportementales pour la prise en charge des psychoses
et, dans les années 1990, celles-ci sont venues enrichir la psychoéducation
pour les addictions (Mirabel-Sarron et al., 2015). Pour Goldman (1988), la
psychoéducation est au service de la thérapie et de la réhabilitation plutôt
que de la thérapie elle-même. En TCC, chaque trouble s’appuie sur un ou
des modèles explicatifs permettant au thérapeute d’expliquer au patient les
causes et les conséquences de sa pathologie. La psychoéducation commence
généralement dès la première ou la deuxième séance et se poursuit tout au
long de la thérapie.
La psychoéducation repose sur trois composantes (Gira & Morel, 2015) :
– pédagogique en donnant des informations sur les difficultés rencon-
trées et les aides associées. L’objectif vise la compréhension à laquelle
la personne fait face pour faciliter une appropriation plus efficace et
responsable des aides associées ;

La psychoéducation 125
– psychologique en soutenant la personne lorsqu’elle rencontre des diffi-
cultés, afin de l’aider à mieux les accepter ;
– cognitive et comportementale en donnant des outils concrets afin de
l’aider à mieux faire face en apprenant à gérer ses pensées, ses émotions
et ses comportements.

Elle donne aux patients le pouvoir de reprendre le contrôle de leur vie,


donnant un sens à l’expression « savoir, c’est pouvoir ». En effet, le patient
y est considéré comme co-thérapeute, voire comme son propre thérapeute.
La psychoéducation du patient concerne tous les professionnels de santé impli-
qués dans la prise en charge des maladies chroniques ou prolongées comme
les addictions. Toute personne sera beaucoup plus susceptible d’apprendre par
l’interaction et l’exploration active que par l’écoute passive.

2. Les objectifs
L’objectif principal d’une intervention en psychoéducation est d’améliorer la
qualité de vie des patients en passant par différents processus :
– Fournir des informations sur les troubles liés à l’addiction, qui com-
prennent les risques, les signes, les symptômes et les conséquences à
long terme.
– Comprendre le processus de rétablissement : La psychoéducation per-
met d’encourager les personnes souffrant d’addiction(s) à prendre des
mesures pour s’aider elles-mêmes.
– Déstigmatiser : Les personnes souffrant d’addictions peuvent parfois
ressentir de la culpabilité et de la honte en raison des stigmates sociaux
qui entourent l’addiction. La psychoéducation assure aux patients que
la dépendance est une maladie chronique et traitable ; elle n’est pas un
défaut, une tare ou un signe de mauvaise réputation.
– Utiliser un langage simple : L’addiction est une maladie cérébrale
complexe et chronique qui a des effets mentaux, physiques et sociaux
compliqués. La psychoéducation permet de comprendre la dépendance
dans un langage simple.
– Prendre en compte les troubles cognitifs : Le programme de psycho-
éducation tient également compte des éventuelles déficiences cogni-
tives et neurologiques que les patients peuvent subir du fait de leur
consommation de substances. Les animateurs de groupe s’assurent que
le matériel présenté peut être facilement compris.

126 Addictions : prévenir la rechute


– Sensibiliser les proches à la dépendance et au rétablissement : La psycho-
éducation permet d’enseigner aux patients et à leur famille la nature de
l’addiction, son traitement, les stratégies d’adaptation et de gestion et
les compétences nécessaires pour éviter les rechutes.

3. Le rétablissement dans les addictions


C’est dans les années 1960 que le concept de recovery (ou rétablissement
en français) est apparu avec le mouvement des Alcooliques Anonymes et
son programme de rétablissement en 12 étapes. Ce programme s’appuie
sur l’espoir qu’une personne alcoolodépendante peut se rétablir des effets
de l’alcoolodépendance et trouver un nouvel équilibre. Toujours dans les
années 1960, d’anciens usagers sont employés pour la première fois dans des
services d’addictologie aux États-Unis et sont appelés Temperance mission-
naires, friendly visitors ou encore recovery mentors ou recovery support specialists
(Le Cardinal et al., 2013).
Le concept de rétablissement a été largement adopté dans de nombreux
pays (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, etc.) et élargi à toute
la psychiatrie. « Le rétablissement, c’est une attitude, une façon d’aborder la
journée et les difficultés qu’on y rencontre. Cela signifie que je sais que j’ai
certaines limitations et qu’il y a des choses que je ne peux pas faire. Mais
plutôt que de laisser ces limitations être une occasion de désespoir, une rai-
son de laisser tomber, j’ai appris qu’en sachant ce que je ne peux pas faire,
je m’ouvre aussi aux possibilités liées à toutes les choses que je peux faire »
(Deegan, 1988).
Des psychiatres dans un rapport en 2010 définissent le rétablissement par
trois composantes (Collectif en santé mentale de Londres, in Le Cardinal
et al., 2013) :
• l’espoir : au cœur du concept du rétablissement ;
• le pouvoir qui comprend l’autodétermination, le choix et la
responsabilité ;
• l’inclusion sociale avec un accès équitable et une participation active
dans la vie de la société.

La psychoéducation 127
Les étapes du rétablissement
Addictions (Schulthess, 2006)
(Andresen et al., 2003)
• Temps de retrait : avec profond sentiment • Prendre conscience de la dépendance
de perte et de désespoir • Interrompre le cercle vicieux qui renforce
• Prise de conscience : réalisation que le processus de dépendance
tout n’est pas perdu, qu’une vie intéres- • Découvrir les besoins non assouvis qui
sante est possible et retour du senti- ont été recouverts par le comportement
ment de pouvoir agir addictif
• Reconstruction : reprise en main de sa vie, • Fonction du symptôme
travail actif pour restaurer une identité • Projection bénéfique dans le futur et le
positive et des objectifs changement
• Préparation : bilan des forces et des fai- • Réflexion identitaire
blesses et début des efforts d’acquisition • Mise en exergue des valeurs et engage-
des compétences pour se rétablir ments en direction de…
• Croissance : autogestion de la maladie,
résilience et restauration de l’image de soi
pour un parcours de vie choisi car signi-
ficatif pour soi
Les composantes du rétablissement Accompagnement thérapeutique
(Andresen et al., 2003) des addictions (Morel, 2010)
• L’espoir est une attente par rapport à des • Redonner du sens au parcours du patient,
relations ou buts futurs que la personne à ses choix
malade considère comme étant possibles. • Révéler ses ressources (empowerment)
• L’identité correspond aux caractéristiques et ses limites propres, sa satisfaction,
qui font que la personne malade se sent ses propres motivations au changement
unique et sait qui elle est. • Rétablir une expérience de satisfaction
• Le sens englobe la compréhension de la entre soi et l’environnement, avec ou sans
personne souffrante à propos de ce qui consommation de psychotropes, dans
lui arrive, la signification qu’elle donne des conditions nouvelles à moindres
à ces événements, ainsi qu’une réévalua- risques
tion de ses valeurs et de ses buts de vie. • Modifier son environnement, changer le
• La responsabilité est l’engagement de la regard sur soi et sur le monde, réduire
part de la personne souffrante dans sa vie l’exposition aux « déclencheurs », aux
et son rétablissement. situations à risque
• Gagner en liberté et autonomie

Tableau 10. Tableau comparatif du concept de rétablissement


et des addictions

4. Empowerment et addictions
Dans le cadre du rétablissement en addictologie, l’objectif vise à acquérir,
pour les personnes souffrant d’addiction, du pouvoir, des compétences et des
capacités, afin de prendre de meilleures décisions en matière de rétablissement
et de vie : l’empowerment. Celui-ci est une des conditions du rétablissement,

128 Addictions : prévenir la rechute


c’est-à-dire du réengagement dans des activités dans lesquelles le patient pourra
se reconnaître autrement que comme malade. Cela va requérir une reconsidé-
ration des rapports de pouvoir entre les personnes concernées et ceux qui les
accompagnent. La prise en compte de l’expérience et du savoir expérientiel
acquis par le patient au cours de sa maladie est au centre des approches favo-
risant l’empowerment des usagers. En addictologie, comme dans de nombreuses
maladies chroniques, les programmes de psychoéducation (ou ETP éducation
thérapeutique du patient) sont des outils qui permettent aux équipes de soins
d’accompagner les patients dans la prise de leur traitement et dans l’améliora-
tion de leur qualité de vie.

5. Psychoéducation et prévention de la rechute


La PR est considérée comme un type de psychothérapie ou de psychoéducation
axée sur l’adaptation qui vise à enseigner aux personnes souffrant d’addictions,
des compétences d’adaptation pour les aider à éviter de rechuter dans leur(s)
comportement(s) addictif(s). Certains programmes de psychoéducation, ayant
pour objectif la prévention de la rechute, utilisent cette appellation, sans tou-
tefois pour autant, utiliser le modèle sous-tendant cette thérapie cognitive et
comportementale. En effet, tout professionnel travaillant auprès de patients en
rétablissement aura pour objectif la prévention de la rechute mais n’utilisera
pas forcément le modèle de Marlatt et Gordon et encore moins les techniques
TCC qui en sont issues. Les objectifs concernent l’apprentissage du modèle
thérapeutique que sont les TCC, le modèle de la prévention de la rechute ainsi
que l’apprentissage des modèles de l’addiction.

6. Documents pour la psychoéducation


De nombreux documents et matériaux (jeux, vidéos, brochure, témoignage,
etc..) existent pour la psychoéducation dans le domaine des addictions. La liste
ci-dessous est loin d’être exhaustive et de nouveaux documents sont édités
chaque année.

6.1. Psychoéducation sur les TCC


La posture du thérapeute dans les pratiques du rétablissement de l’empower-
ment et des TCC, se veut collaborative et authentique. Celle-ci va se mani-
fester dans le partage des hypothèses, l’explication des méthodes employées,
et une participation active du patient. Plusieurs vidéos sont très bien faites et
peuvent aider dans la mise en place d’une TCC.

La psychoéducation 129
Interview de Christophe André sur les TCC
https://youtu.be/IcajLqNSfU4

Petit cours de Marion Martinelli sur les trois vagues des TCC
https://youtu.be/IFkD4JxB8-Q

Courte vidéo qui fait le lien entre pensées, émotions et comportements, par Psynergy :
ton psy au quotidien
https://youtu.be/Q-6IqIMvBlg

6.2. Psychoéducation et addictions


Plusieurs sites francophones peuvent vous aider à mieux connaître les diffé-
rentes substances et les différentes conduites addictives. Ceux-ci produisent
aussi des brochures à l’intention des consommateurs.

https://infordrogues.be/informations/produits/
https://www.drogues-info-service.fr/Tout-savoir-sur-les-drogues
https://www.psychoactif.org/forum/
https://www.addictaide.fr/autres-addictions-comportementales/
https://www.camh.ca

D’autres documents peuvent également être utiles comme ces posters sur
les atteintes cognitives en addictologie ou encore cette vidéo sur le cannabis
et la mémoire :

https://www.addictolyon.fr/post/posters-pratiques-pour-la-psychoéducation-sur-les-
atteintes-cognitives-en-addictologie
https://youtu.be/a1ziDkNdG90

D’autres vidéos encore expliquent de manière pédagogique le processus


d’addiction :

• Le craving : comprendre l’addiction pour mieux la vaincre


https://youtu.be/ul_H79nHV5Y
• Opiacés et addictions
https://youtu.be/0CCAPBENYdY
• Système de récompense et addictions
https://youtu.be/mEuokfY0EH0
https://youtu.be/2YVQ7G3LjM8

130 Addictions : prévenir la rechute


6.3. Psychoéducation et PR
À ce jour, peu de documents, matériels existent qui concernent exclusivement
la PR. En voici quelques-uns :

• Brochure destinée aux personnes alcoolodépendantes et à leurs proches. Elle vise à


changer le regard sur le phénomène de la rechute afin de redonner courage aux
personnes qui y sont confrontées.
https://shop.addictionsuisse.ch/fr/alcool/107-248-rechute.html
• Vidéo faisant le lien entre le stress et l’addiction
https://youtu.be/1VzwcGoy0co
• Brochure avec des informations pour éviter la rechute de tabac
https://www.stop-dependance.ch/tabac/pdf/stop-tabac5fr.pdf

6.4. Psychoéducation et entourage


Comme nous le verrons plus loin, l’entourage revêt une place importante dans
le processus de la PR.

Brochures
• Brochure qui décrit la situation des enfants et des adultes de familles où l’alcool est
un problème. Elle donne des pistes à celles et ceux qui sont dans leur entourage
pour les aider à se développer le plus harmonieusement possible malgré la maladie
de leur parent.
https://shop.addictionsuisse.ch/fr/famille-proches/94-186-enfant-dans-une-famille-
alcoolique.html
• Comment pouvez-vous aider votre enfant si vous avez un problème d’alcool dans
la famille ? Brochure qui concerne les personnes touchées par un problème d’alcool
et qui sont parents. Elle vise à informer et soutenir en mettant en avant l’importance
du besoin de l’enfant.
https://shop.addictionsuisse.ch/fr/parents/98-203-parent-avant-tout-parent-malgre-
tout.html
• Livret de conseils à l’entourage
https://www.centre-addictions.be/images/documents/ConseilsEntourage.pdf

Sites Internet
https://mamanboit.ch
https://papaboit.ch
https://www.quandunparentboit.be

La psychoéducation 131
7. Trousse à outils
7.1. Quiz sur la rechute
Le quiz sur la rechute, particulièrement adapté au travail en groupe, se base
sur la méthode de l’abaque de Régnier qui favorise les échanges. Un des inter-
venants lit une affirmation et demande aux participants de se positionner à
l’aide de l’une des trois cartes qu’ils ont en main selon qu’ils sont « tout à fait
d’accord, moyennement d’accord ou pas du tout d’accord ». Chaque personne
aura trois cartes en main :
– Je suis d’accord (carte verte)
– Je suis moyennement d’accord (orange)
– Je ne suis pas du tout d’accord (rouge)

Après la lecture de chaque phrase, les personnes sont invitées à lever la


carte qui représente le mieux leur avis. Cet exercice est propice à débattre
et à clarifier les mythes autour de la rechute afin de travailler leurs pensées
dysfonctionnelles à ce sujet. Il s’agira de ne pas trop rapidement apporter des
commentaires afin de laisser libre l’expression et les échanges. Les intervenants
interrompront les échanges au bout de 5 minutes environ en reformulant, ou
résumant quelques idées fortes pour après passer à l’énoncé suivant.

1. La rechute commence lorsque vous consommez de l’alcool


et/ou des drogues.
Beaucoup de gens croient que la rechute ne commence qu’une fois qu’une
personne addict en voie de rétablissement reprend de la drogue ou de l’alcool,
mais la réalité est que le risque de rechute commence au moment où la per-
sonne commence à penser à boire ou à consommer. Si la personne commence
à penser qu’il serait acceptable de prendre un verre ou une ligne de cocaïne,
par exemple, alors qu’elle sait que cela pourrait détruire tout ce pour quoi elle
a travaillé, elle risque de rechuter.

2. Les gens rechutent parce qu’ils ne font pas preuve de volonté.


Cette idée est parfois véhiculée sans pour autant avoir un fondement scienti-
fique et clinique. Malheureusement, la volonté ne suffit parfois pas pour main-
tenir ses objectifs. Les éléments qui favorisent le plus les rechutes sont ceux
que Marlatt, chercheur en psychologie a pu identifier comme le fait de vivre
des émotions négatives (ou positives) ou encore la présence de craving.

132 Addictions : prévenir la rechute


3. Les principales causes de rechute sont les événements négatifs
de la vie de la personne.
Même si effectivement vivre des événements négatifs dans la vie peut favori-
ser une rechute, ce ne sont pas les seules causes. D’autres existent comme la
pression sociale, les attentes de résultats positifs du produit, ou encore le fait
de faire face à un conflit.

4. La rechute est soudaine et imprévisible.


Il y a cette idée populaire selon laquelle quelqu’un peut être abstinent pen-
dant longtemps, puis il perd son emploi ou rencontre un vieil ami, et là il y
a rechute. En général, la rechute est un processus progressif avec des phases
distinctes – émotionnelle, mentale et physique. Dans la phase émotionnelle,
vous avez l’impression que quelque chose ne va pas. Vous pouvez vous sentir
déprimé, cynique ou plein de ressentiment. Vous pourriez commencer à négli-
ger des aspects importants de votre rétablissement. Dans la phase mentale,
vous commencez à penser à consommer à nouveau. Vous pouvez avoir des
envies, vous souvenir de l’époque où vous consommiez, chercher des excuses
pour rechuter, ou même prévoir de rechuter. Dans la phase physique, vous
recommencez effectivement à consommer.

5. Les gens rechutent parce qu’ils n’ont pas encore « touché le fond ».
Une rechute est une rechute, et n’importe qui peut faire une erreur, mais ni
vous ni personne d’autre ne doit souffrir d’une douleur ou d’une souffrance par-
ticulière. La partie la plus importante d’une rechute est la réaction à celle-ci.
Si une rechute se produit, assurez-vous qu’il y a des personnes compétentes
qui sont là pour vous aider. Si vous avez mis en place une bonne structure de
soutien, les gens remarqueront des changements dans votre comportement.
Si vous les avez préparés à toutes les éventualités, ils pourront intervenir et
vous aider.

6. La rechute est inévitable.


Si les rechutes sont assez fréquentes chez les personnes dépendantes en voie de
rétablissement, certaines d’entre elles rechutant plusieurs fois avant de devenir
abstinentes, elles ne sont pas inévitables. La vérité est que de nombreux toxi-
comanes en voie de rétablissement ne rechutent jamais et continuent à vivre
longtemps et sainement en restant abstinents.

7. Une rechute est synonyme d’échec.


Certaines personnes trouvent que la rechute améliore en fait leur engage-
ment à rester abstinent. Le traitement prend du temps et est souvent coûteux,

La psychoéducation 133
mais cela en vaut la peine. Si une rechute se produit, elle peut être terrible-
ment décevante. Ce qui semblait être la meilleure chance de rétablissement
n’a pas fonctionné. Cependant, une rechute n’est pas un échec permanent, et
les gens se rétablissent souvent après plusieurs tentatives. L’important est de
revenir à ses objectifs le plus rapidement possible et d’essayer de comprendre
ce qui s’est passé. Vous n’avez pas échoué à vous remettre de votre dépendance
tant que vous n’avez pas cessé d’essayer.

8. On ne peut pas empêcher une rechute.


Il est tout à fait possible de prévenir une rechute en apprenant à repérer les
signes et en sachant ce qui déclenche une compulsion à boire ou à prendre de
la drogue. C’est un aspect sur lequel le toxicomane va travailler pendant son
soin, et il y a certaines situations à éviter pour réduire le risque de rechute.
Tant que l’on peut repérer les signes avant-coureurs et savoir comment y faire
face, une rechute peut être évitée.

9. Vous n’avez pas fait de rechute si vous utilisez une autre substance.
De nombreuses personnes pensent que si elles boivent de l’alcool pendant
qu’elles se remettent d’une dépendance à la drogue, cela ne compte pas comme
une rechute et vice versa. Toutefois, le choix de la substance utilisée n’est pas
en cause ; le fait est que la personne a choisi de consommer une substance
chimique en cours de rétablissement, et la rechute est davantage liée aux com-
portements de dépendance qu’au choix de la drogue.

10. Rêver de rechute signifie que l’on va rechuter.


Rêver de rechute est assez courant, mais il n’y a généralement pas lieu de
s’inquiéter. Des chercheurs du Massachusetts General Hospital ont étudié
auprès de plus de 2 000 patients se remettant d’une addiction et ont découvert
qu’environ un tiers d’entre eux avaient des rêves de rechute après avoir com-
mencé à se rétablir. Dans ces rêves, ils consomment généralement de la drogue
ou de l’alcool, ressentent immédiatement de l’incrédulité ou des remords,
se réveillent et se sentent soulagés que ce ne soit qu’un rêve.

11. Une rechute signifie que vous devez recommencer à zéro.


Bien qu’une rechute puisse être extrêmement décevante et décourageante,
il est important de se rappeler que vous ne repartez pas à zéro. Vous devez
également vous souvenir de tous les avantages que vous avez maintenant et
que vous n’aviez pas la dernière fois. Il s’agit notamment de toutes les connais-
sances et compétences que vous avez acquises au cours du soin. Ces éléments
peuvent vous aider à vous remettre sur la bonne voie et à réessayer.

134 Addictions : prévenir la rechute


12. Il ne faut pas parler de rechute
Parler de rechute n’y changera rien, pas plus que parler d’une nouvelle paire
de chaussures ne les fera apparaître comme par magie dans votre placard.
Comment remarquerez-vous les signes d’avertissement si vous ne savez même
pas ce qu’ils sont ? Il faut parler de la rechute et en parler souvent. Dites aux
gens de votre vie à quoi peut ressembler une rechute. Soyez attentif à votre
état mental et à votre comportement afin de pouvoir reconnaître les signes
d’une rechute.

13. Une rechute signifie que la personne manque de motivation.


Parfois, même si les meilleures intentions sont présentes et que les individus
veulent sincèrement rester abstinents ou rester dans leurs objectifs de consom-
mation contrôlée, ils vont rechuter. Peut-être ont-ils besoin de plus de soin
ou d’un traitement différent, d’une meilleure compréhension, de stratégies
d’adaptation plus efficaces, de plus de soutien ou d’un environnement plus
sûr. De nombreux facteurs peuvent entrer en jeu. Et le seul fait de blâmer la
motivation de la personne peut être très décourageant et blessant. Cela n’aide
pas non plus à trouver des solutions.

7.2. L’échelle des risques en PR


L’objectif de cet outil est d’amorcer la prise de conscience et le dialogue
autour du risque une fois l’arrêt ou la diminution de consommation.
L’expérience du professionnel permet d’avoir en tête un inventaire assez
large des situations « sensibles » pour un patient en addictologie. Parfois,
le patient porte un regard assez restreint, se limitant à la dernière situation
de consommation ou de craving, ou encore aux moments aversifs imaginés
à l’avenir. Pour d’autres patients, leur vécu leur semble tellement unique
et complexe que la notion de risque ne peut s’aborder clairement lors d’un
entretien clinique.
Cet outil est inspiré du questionnaire d’Isidore Pelc (Karnas & Pelc, 1980 ;
Pelc, 1996) sur les habitudes de consommation. Quatorze situations à risque
en PR ont été extraites. Nous vous invitons à avoir ce questionnaire en tête
afin de vous aider à explorer ces notions avec le patient. À vous de créer les
éléments avec la trame que nous proposons ici :
1. Il se présente d’un côté, avec une échelle sur un axe vertical
(« des ordonnées ») sur un format assez long (équivalent au format A1)
partant de la valeur 0 à 100 comme sur l’illustration ci-dessous.

La psychoéducation 135
100

50
Sit

Figure 9. L’échelle des risques

2. D’un autre côté, des photos/images représentant une notion de risque


sont données au patient. Une fois qu’il les a toutes en main, il devra
les placer lui-même sur cette échelle. Il peut les bouger autant qu’il le
souhaite et cela sur un temps défini au préalable avec le patient (moins
de 5 minutes en individuel à 10 minutes en groupe).
Les images ne sont pas présentées (expliquées) au préalable afin que le dia-
logue reste libre. Les éléments complémentaires seront à donner par la suite. Le
professionnel notera ces mouvements et hésitations pour appuyer les échanges
à venir. Le travail de psychoéducation s’opère lorsque les cartes sont toutes
posées et que le patient explique sa logique. Le professionnel questionnera sur
les cartes qui ont suscité de l’ambivalence et ajoutera les éléments manquants
autour du risque, si nécessaire.
Les images illustreront :
– la tristesse
– la proposition amicale d’une consommation, sollicitation/pression
sociale
– la solitude/isolement/ennui
– l’euphorie
– la fatigue
– le stress/anxiété
– la contrariété/colère
– l’évasion/rêverie
– l’insomnie
– l’horloge, l’habitude du rythme sur vie quotidienne
– passer devant commerce vendant ce produit

136 Addictions : prévenir la rechute


– les repas, association culinaire, plaisir sensoriel (odeur, goût, vue)
– le festif
– consommation d’un autre produit (déplacement)

Consigne :
« Voici 14 images, elles représentent des situations à risque de consommation
sur votre quotidien. Nous vous demandons de les placer le long de l’échelle en
positionnant
– à partir de zéro, ce que vous considérez être les situations les moins
susceptibles de vous amener des envies de consommation ;
– jusqu’à cent, ce que vous considérez être un grand risque de vous don-
ner des envies de consommation. »
Passer en revue de manière ludique les risques permet de parler de la vigi-
lance dans les états agréables (évasion, euphorie, festif), désagréables (tristesse,
conflits, fatigue) comme dans la reprise du quotidien. Cela permet aussi de
porter son attention sur l’usage excessif d’un autre produit ou comportement
« compensatoire » à l’arrêt de sa dépendance (augmentation de sa consom-
mation de tabac, grignotage/prise excessive de sucre, début de consommation
cannabis/alcool).

La psychoéducation 137
CHAPITRE 4
Les Séances

Les Séances 139


SÉANCE 1
Gestion du craving

« Il y a deux tragédies dans la vie : l’une est de ne pas satis-


faire son désir et l’autre de le satisfaire. »
Oscar Wilde

Séance 1 : Gestion du craving


Objectif de la séance
Expliquer le craving au patient et le préparer à y faire face
Plan de la séance
Définition du craving (I/G)
Quels sont les déclencheurs du craving ? (I/G)
Pourquoi cette séance est-elle importante ? (I/G)
Psychoéducation (Expliquer le craving au patient) (I/G)
Trousse à outils (Techniques thérapeutiques (I/G), Les 5D (I/G), Une méditation pour « surfer
sur les envies » (I/G))
Difficultés rencontrées
Fiches téléchargeables
Information sur le craving
Gestion du craving
Registre des craving
Techniques aidantes lors d’un craving
Les 5D
Surfer sur les envies : guide à emporter

Gestion du craving 141


1. Définition du craving
Le craving désigne l’envie impérieuse, irrésistible de consommer une substance
ou de mettre en place le comportement addictif, alors qu’il n’est pas désiré à
ce moment précis (Auriacombe et al., 2016). C’est un processus qui devient
automatique au fur et à mesure que le trouble addictif se développe. Il s’agit
d’un processus aigu, intense et subjectif, source de détresse et de difficultés dans
sa gestion et sa compréhension. Il est fatigant car il nécessite des ressources
cognitives, influence l’attention, la mémoire, la perception et la concentration
(Skinner & Aubin, 2010). Les patients ont parfois des difficultés à le formuler,
il peut être source d’émotion comme la honte, la culpabilité, la colère.
Il est décrit à la fois comme un symptôme du trouble d’usage de substance
par les classifications internationales (CIM-11, DSM-5) et comme l’un des
facteurs impliqués dans les rechutes de la consommation de drogue, d’alcool,
et de tabac, et un facteur décisif lors de l’abandon du traitement (Serre et al.,
2015). Plus précisément, c’est son intensité qui est liée à la consommation de
substance dans les heures suivant la mesure (Fatseas et al., 2015).
Ainsi, des facteurs individuels, liés à l’environnement et au produit ou
comportement addictif vont être autant de facteurs influençant le craving.
Ainsi des épisodes de craving peuvent persister ou subvenir plusieurs mois après
l’arrêt ou la diminution de la substance ou du comportement.

2. Quels sont les déclencheurs d’un craving ?


Les déclencheurs du craving sont présents dans la vie quotidienne des patients.
Les identifier est une première étape pour faire ensuite des changements posi-
tifs afin d’éviter une rechute. Voici quelques situations spécifiques dans les-
quelles les craving sont les plus susceptibles de se produire :
• Les sensations physiques (salivation, augmentation du rythme car-
diaque, sudation…) et les manifestations physiologiques associées à la
substance consommée ou aux comportements addictifs réalisés (symp-
tômes de sevrage : fatigue, tremblements, etc.). Par exemple, « je suis
fatigué, je vais boire pour me rebooster donc à chaque fois que je suis
fatigué, j’ai envie de boire ».
• Exposition au produit ou comportement (alcool, drogues, aliments, jeux
vidéo, etc.) ou à des éléments relatifs, faisant penser à l’objet de son addic-
tion : publicité, films, odeurs, goût, bruits, etc. Voici quelques exemples
souvent repérés par les patients : le cendrier, le verre particulier dans
lequel le patient boit, une paille, le pssscht de la canette qu’on ouvre, le
goût du fromage qui s’associait au vin rouge, l’odeur de la cannelle faisant
penser au vin chaud, une musique qui rappelle le cannabis, etc.

142 Addictions : prévenir la rechute


• Les émotions ressenties et associées au produit consommé ou au com-
portement addictif. Toutes les émotions possibles peuvent être impli-
quées, de la colère en passant par la joie. Par exemple, « je suis stressée
et je sais que si je fais une crise de boulimie, cela va baisser mon stress
rapidement » ; « je bois toujours quand j’ai une bonne nouvelle, parce
que je suis content ».
• Le contact avec des personnes, des lieux, des moments de la journée
ou encore des situations associées à la consommation ou au compor-
tement addictif (les soirées, les week-ends et les moments passés avec
de vieux amis peuvent être particulièrement difficiles). Ces situations
sont propres à chaque personne rencontrée. « Le vendredi soir, quand
je rentre du travail, c’est le moment le plus dur de la semaine, j’ai très
envie de fumer et de boire un verre. »
• Lorsque la personne voit d’autres individus apprécier ce à quoi elle est
dépendante.
• Les interactions sociales telles que les conflits ou la pression sociale.
• Ce sont les situations à risque personnelles (un lieu, une personne) qui
sont le plus liées à des rechutes, plus que les situations standards (le verre,
le paquet de tabac, une image de jeu vidéo…) (Cho et al., 2008).

3. Pourquoi cette séance est-elle importante ?


La grande majorité des patients décrivent des craving et se sentent démunis
pour y faire face. Ils peuvent les considérer comme un échec. Partant de ce pos-
tulat, ils peuvent baisser les bras et aller vers le comportement addictif habituel
plutôt qu’utiliser des méthodes de gestion du craving, qui sont plus coûteuses
en termes d’effort. Un des objectifs de cette séance va être d’aider les patients
à considérer le craving comme normal.
Malgré le repérage de situations déclenchantes, les craving peuvent être
imprévisibles et surprendre la personne. En effet, les craving sont automatiques
et par conséquent ils ne sont pas conscients. Ils peuvent être masqués par des
distorsions cognitives et des mécanismes de défense. Ainsi, les sensations fai-
blement perçues, les pensées, les émotions, les désirs de ce qui est interdit,
renforcent la possibilité de rechute : elles vont rapprocher la personne de
l’exposition à une situation à haut risque. Les thérapeutes vont apprendre au
patient à être vigilant à l’égard des signaux d’alerte précoce et à s’engager dans
un dialogue explicite avec lui-même pour remettre en question ses motivations
et ses intentions. Cela peut l’aider à reconnaître et à regarder la pertinence de
ses « décisions apparemment sans conséquence ».

Gestion du craving 143


4. Psychoéducation
4.1. Expliquer le craving au patient
Le craving n’est pas une simple envie de consommer, c’est une envie impérieuse,
très forte qui occupe les pensées, et source d’émotions très intenses. On peut
imaginer le craving comme une vague. Elle commence par être petite, prend
de l’ampleur, atteint un pic, puis se brise. Pour certains, le craving est d’emblée
très fort. Le pic d’intensité d’une envie dure rarement plus de quelques minutes
mais donne l’impression du contraire pour celui qui le vit.
L’envie ne perd de sa puissance que si elle n’est pas alimentée par une consom-
mation ou un comportement. Même une consommation occasionnelle d’alcool
ou d’autres drogues ou un comportement occasionnel fait croître le nombre et la
force de ces vagues. La vague s’atténue et perd de sa puissance, chaque fois qu’une
personne fait autre chose que consommer ou avoir son comportement addictif en
réponse à une envie. Le pic de la vague d’envie devient plus petit et les intervalles
entre les vagues sont plus espacés. C’est ce qu’on appelle « l’extinction » du craving.

Téléchargez les fiches « Informations sur le craving » et « Gestion du craving »


destinées au patient.

4.2. Les représentations sur le craving


Afin d’individualiser la psychoéducation, il est essentiel de se faire une idée des
représentations de chaque patient sur le craving. Il s’agit notamment d’obtenir
les informations suivantes :

– À quoi ressemble le craving pour vous ?


Les épisodes de craving sont ressentis de différentes manières. Il est essentiel
pour le thérapeute d’avoir une idée claire de la manière dont le craving est vécu
par le patient. Ainsi, pour certaines personnes, l’expérience est principalement
corporelle : « J’ai une sensation dans l’estomac » ou « Mon cœur s’emballe » ou
« Je commence à le sentir », « Ça chauffe dans la gorge ». Pour d’autres, le craving
se manifeste de manière plus cognitive : « J’en ai besoin maintenant », « Je n’ar-
rive pas à me le sortir de la tête » ou « Il m’appelle ». Il peut aussi être ressenti sur
le plan émotionnel : « Je suis nerveux » ou « Je suis triste ».

– Dans quelle mesure le craving vous dérange-t-il ?


Le niveau et l’intensité du craving rapportés par les patients varient énormé-
ment d’un individu à un autre. Pour certains patients, le contrôle du craving sera
d’ailleurs l’objectif le plus important. Toutefois, certains patients nient avoir des

144 Addictions : prévenir la rechute


envies, par peur de précipiter la rechute ou pour ne pas avoir à imaginer qu’une
rechute reste possible. Une exploration en douceur avec les patients qui nient
toute envie révèle souvent qu’ils interprètent mal une variété d’expériences
(par exemple, aller fumer une cigarette suite à une gêne ressentie) ou qu’ils
ignorent tout simplement les manifestations du craving quand elles apparaissent.
Ils identifient un craving quand son intensité est très élevée, alors, l’énergie à
mobiliser pour le maîtriser est très importante, rendant plus difficile sa gestion.

– Combien de temps dure le craving pour vous ?


Pour mettre en évidence le caractère limité dans le temps du craving, il est sou-
vent important de faire remarquer aux patients qu’ils se sont rarement laissés
aller à un épisode de craving sans y céder. Il est aussi possible de leur demander
d’évaluer eux-mêmes la durée de leur craving.

– Comment essayez-vous d’y faire face ?


Le fait d’avoir une idée des stratégies d’adaptation qu’utilisent les patients
aidera le thérapeute à identifier leurs styles d’adaptation caractéristiques et à
sélectionner les stratégies d’adaptation appropriées pour chacun.

4.3. L’expérience de Pavlov


Pour expliquer les déclencheurs du craving, les thérapeutes peuvent évoquer le
conditionnement classique de Pavlov. On assimile la nourriture du chien au
produit et/ou au comportement addictif, la salivation de l’animal au craving,
et la cloche au déclencheur. En utilisant cet exemple concret, les patients
peuvent généralement identifier un certain nombre de « cloches » person-
nelles associées à l’envie. L’exemple des expériences de Pavlov suffit souvent à
démystifier l’expérience du craving, à aider les patients à identifier et tolérer le
craving conditionné lorsqu’il se manifeste.
Il est également important de faire comprendre la nature limitée dans le
temps du craving, c’est-à-dire que le craving atteint généralement un pic et
se dissipe en moins d’une heure (en fonction des substances, de l’envie…),
s’il n’est pas suivi d’une consommation ou de la réalisation du comportement
addictif. Les thérapeutes peuvent également expliquer le processus d’extinc-
tion des réponses conditionnées, en utilisant là encore des exemples concrets
tirés des expériences de Pavlov.

Gestion du craving 145


Stimulus inconditionnel Stimulus conditionnel
(nourriture) (cloche)

Réponse inconditionnelle Réponse conditionnelle

Salivation du chien

Figure 10. Le conditionnement classique (Rahioui & Reynaud, 2006)

Stimulus inconditionnel Stimulus conditionnel


(présence de cigarettes) (amis fumeurs)

Réponse inconditionnelle Réponse conditionnelle

Craving

Figure 11. Le conditionnement classique :


application à la dépendance au tabac

Cette vidéo peut-être utile pour la psychoéducation du craving et fait suite de


manière logique à l’expérience de Pavlov : https://www.youtube.com/
watch?v=mEuokfY0EH0

5. Trousse à outils
5.1. Techniques thérapeutiques
Elles se classent en deux grandes catégories. D’une part, les techniques conçues
pour réduire la probabilité de l’apparition du craving, qui comprennent le
contrôle du stimulus, l’exposition aux indices, l’autosurveillance des situa-
tions dans lesquelles le craving est susceptible de se produire. Et d’autre part,
les techniques conçues pour diminuer l’intensité et la durée du craving, qui
comprennent un entraînement cognitif et comportemental avec par exemple
l’imagerie mentale ou l’autosurveillance des envies.
Parfois, la première stratégie anti-craving est physiologique et médicale.
L’utilisation de différents traitements médicamenteux selon les substances
a pour objectif de diminuer voire de supprimer les sensations de manque et
de craving.

146 Addictions : prévenir la rechute


a) Techniques de réduction de probabilité d’apparition de craving
– Contrôle du stimulus
Il est possible de réduire la fréquence des envies déclenchées par des indices
issus de l’environnement (extérieur au vécu interne du patient), en utilisant
des techniques de contrôle des stimuli. Dans certaines circonstances, le fait
d’éviter tout simplement la situation est la meilleure stratégie, surtout dans les
cas où il y a de multiples facteurs déclencheurs. Cela signifie qu’avant que les
réponses d’adaptation aux stimuli ne soient fortes, certaines activités doivent
être réduites jusqu’à ce que la personne puisse faire face à ces signaux (entraî-
nement vis l’exposition aux indices) sans précipiter un écart ou une rechute.
Voici plusieurs façons de travailler le contrôle du stimulus. Ces techniques
peuvent être utilisées une fois la séance sur les situations à risque réalisée.
– Éliminer le stimulus déclencheur. Cette stratégie consiste à éliminer
les stimuli associés à la substance consommée ou au comportement pro-
blème. Il sera par exemple, conseillé à un fumeur de tabac d’arrêter sa
consommation de café, si à chaque fois qu’il boit un café, il a envie de
prendre une cigarette, afin de gagner en maîtrise de soi. Il sera aussi
conseillé aux alcoolodépendants de ne pas consommer des boissons qui
se rapprochent en goût de leur alcool de prédilection.
– Diminuer la présence du stimulus déclencheur. Cette stratégie
consiste à diminuer les stimuli associés à la substance consommée ou
au comportement problème lorsque cela n’est pas possible de l’élimi-
ner. Ainsi, l’absence d’alcool chez une personne souffrant d’alcoolo-
dépendance favorisera cette diminution et en cas de craving diminuera
également les risques d’écart. Un autre exemple, concernant cette fois
les achats compulsifs : donner sa carte de crédit ou sortir uniquement
avec de quoi acheter ce dont la personne a besoin diminuera les risques
d’achat compulsif.
– Remplacer le stimulus déclencheur. Il s’agit de remplacer un stimulus
de l’environnement source de craving par un stimulus neutre. En effet,
certaines habitudes, comme la présence d’un meuble où la personne
rangeait sa cocaïne, peuvent provoquer un craving. Le simple fait de
remplacer ce meuble par autre pourra diminuer l’envie déclenchée à la
vue du meuble.

– Exposition aux indices


C’est une exposition répétée aux indices déclencheurs de craving, une pro-
cédure qui est censée produire l’extinction des réponses de craving. Elle est
plus efficace lorsqu’elle est associée à des techniques conçues pour prépa-
rer les patients à faire face aux tentations qu’ils rencontreront dans leur vie

Gestion du craving 147


quotidienne. Les traitements d’exposition aux indices montrent des résultats
mitigés (en raison de biais méthodologiques) mais intéressant pour la réduc-
tion des rechutes pour les addictions à l’alcool, à la nicotine, aux opiacés et
à la cocaïne (Martin et al., 2010 ; Mellentin et al., 2017). Toutefois, cette
technique demande un cadre très particulier qui peut être lourd dans sa mise
en place.

– Autosurveillance des envies (Registre des envies)


Une autre façon de favoriser le détachement par rapport aux envies est de
demander aux patients d’utiliser des techniques d’autosurveillance pour gar-
der une trace de ces expériences. On demande au patient de noter les indices
internes et externes qui stimulent le craving, son humeur, l’intensité de l’envie,
sa durée, les stratégies d’adaptation utilisées pour y faire face, et le succès ou
l’échec de ces stratégies.

– Autres stratégies comportementales


Certains comportements vont diminuer la probabilité d’apparition de craving :
occupation, distraction par des activités, fermeté dans le refus des offres de
consommation de substances.

b) Techniques pour diminuer l’intensité et la durée du craving


– Identification et restructuration des croyances dysfonctionnelles
liées au craving
Parmi les croyances dysfonctionnelles chez les patients alcoolo-dépendants, on
trouve notamment des croyances relatives au craving (Beck et al., 1993, p. 1)
Il s’agit de pensées qui concernent l’envie d’alcool et sa dimension incontrô-
lable. Par exemple la personne peut penser « l’envie d’alcool est plus forte que
moi ; l’envie d’alcool est une réaction physique donc je ne peux rien y faire ;
j’aurai toujours des envies incontrôlables d’alcool », etc. Si ces croyances sont
importantes, cela signifie que le patient considère l’envie d’alcool comme irré-
pressible, incontrôlable, et qu’il ne se sent pas efficace pour y faire face. Il peut
alors se décourager et reprendre ses comportements addictifs.
Pour restructurer ces croyances, on commence par les évaluer. Le question-
naire de Beck traduit par De Saint Aubert (1999) est un support intéressant
pour repérer les croyances les plus présentes et les plus fortement ancrées. Cela
permet de voir où se situe le patient, de mettre à jour les pensées automatiques
en les rendant accessibles à la conscience, et de les critiquer. Après ce premier
travail, on peut développer des croyances de contrôle et les activer. La séance
« Les pensées dangereuses » apporte plus de précisions sur la restructuration
cognitive. Elle vous fournira le contenu, techniques et les fiches nécessaires à
ce travail.

148 Addictions : prévenir la rechute


On peut donner des pistes au patient pour alimenter son dialogue inté-
rieur afin de l’aider à prendre une décision éclairée lors d’un épisode de cra-
ving. Par exemple, se rappeler les conséquences de la consommation ou de la
non-consommation, réévaluer la situation, se rappeler son engagement envers
l’abstinence, la consommation contrôlée ou dans la mise en place de nou-
veaux comportements, se rappeler que les craving finissent par disparaître, pen-
ser positivement et se dire qu’on peut combattre l’envie, parler de l’envie, etc.
Cela peut permettre au patient de voir au-delà de sa rationalisation, de son
déni, de reprendre le contrôle et de gagner en sentiment d’efficacité. Il recon-
naît la véritable signification et le résultat probable (rechute) des décisions
dont il devra assumer la responsabilité s’il rechute.

– Imagerie mentale
Une personne qui a envie de consommer une substance ou son comportement
addictif va avoir l’impression que la tension s’accumule en elle, qu’elle va mon-
ter encore et encore jusqu’à qu’à écraser sa volonté de s’abstenir et sa résis-
tance, comme sous la pression écrasante d’un ballon qui se gonfle rapidement
et finit par exploser. La technique de l’imagerie mentale, en particulier celle du
« Surf sur l’envie » (fiche téléchargeable), élaborée à partir de la métaphore
des vagues, peut être utilisée pour aider l’individu à maîtriser ces événements
apparemment ingérables.

– Les stratégies comportementales


Il s’agit de stratégies qui ont pour objectif de détourner l’attention du craving
ou du moins qui permettent de s’occuper pendant qu’il se déroule. Elles com-
prennent le changement de lieu quand un craving survient, la consommation
de boissons ou d’aliments non alcoolisés, l’appel d’un ami pour discuter, par
exemple, de l’envie de boire, la pratique d’un exercice physique, de méditation
de pleine conscience, la relaxation, la lecture (en particulier sur le rétablisse-
ment), l’occupation, la distraction par une activité.

Téléchargez la fiche patient « Techniques aidantes lors d’un craving ».

5.2. Les 5D
On conseille au patient de suivre les « 5D » quand un craving survient. Il doit
être préparé à l’avance, à tête reposée, pour n’avoir plus qu’à suivre le déroulé
quand le craving est là. En effet l’envie peut nuire à la réflexion et à la prise de
décision quand elle est à son apogée, la procédure doit donc être automatisée.
Délai : Les envies vont et viennent, il est important que la décision de
consommer puisse être retardée pendant 20 minutes, afin d’amener le patient
à découvrir que les envies se sont calmées d’elles-mêmes.

Gestion du craving 149


Dédramatiser : L’un des déclencheurs du craving est une pensée panique de
type « fin du monde », comme « Je n’en peux plus » ou encore « Je ne vais jamais
y arriver, alors autant se défoncer maintenant ». L’objectif sera de remettre en ques-
tion les pensées catastrophiques et de tenter de les changer pour des perceptions
plus positives, comme « C’est vraiment douloureux, mais je sais que mes symptômes
de sevrage disparaîtront d’ici quelques jours », « Ressentir un craving est tout à fait
normal pendant le processus de rétablissement, un craving n’est pas une rechute ».
Désamorcer les attentes par rapport au produit : proposer au patient de se
rappeler du biais mnésique qui le conduit à penser en premier lieu aux effets
positifs des produits. Puis de penser à l’écart entre l’attente d’effet positif et
l’effet réel et aux effets d’une reprise des consommations à long terme.
Déstresser en effectuant des exercices qui aideront à retrouver le calme,
comme la respiration profonde, pour éviter de prendre des décisions irréfléchies.
Se Distraire : les envies passent plus rapidement lorsque l’on s’adonne
à une activité qui distrait pendant quelques minutes. Voici quelques petites
astuces (à individualiser selon chaque patient) :
– Gardez la bouche occupée pendant quelques minutes en mangeant des
bonbons, un chewing-gum. Les effets secondaires de cette tactique de
retardement incluent une haleine fraîche et mentholée ! Il est aussi
possible de boire un verre d’eau.
– Regarder une courte vidéo en ligne : clips, vidéo YouTube, série, etc.
– Appeler un ami ou une autre personne de l’entourage pour discuter.
– Appeler un ami ou un parrain pour discuter du craving.
– Aller à une réunion des AA, ou des NA par exemple (la visioconfé-
rence qui s’est beaucoup développée récemment réduit les contraintes
d’horaire et de lieu).
– Faire du sport.
– Lire, en particulier sur le rétablissement.
– Passer du temps avec des personnes qui ne consomment pas.

Téléchargez la fiche patient « Les 5D ».

5.3. Une méditation pour « surfer sur les envies »


La pleine conscience a été identifiée comme une stratégie prometteuse pour
gérer les envies d’alcool, de drogues et de nourriture (Grant et al., 2017 ; Sancho
et al., 2018). L’idée sous-jacente à cette technique est de laisser les envies se
produire, atteindre leur point culminant et passer ; en d’autres termes, de les
vivre sans les combattre ni y céder. Le fait de donner aux patients l’image d’une

150 Addictions : prévenir la rechute


vague ou de la marche sur une colline peut les aider à comprendre ce concept,
tout comme le judo, qui consiste à prendre le contrôle en évitant la résistance.
Les méditations doivent être pratiquées pendant les séances et régulière-
ment à la maison (pas uniquement avant que le besoin ne se manifeste). Il faut
également expliquer aux patients que l’objectif n’est pas de faire disparaître les
envies, mais de les vivre d’une manière différente qui les rend moins anxio-
gènes et moins dangereuses, et donc plus faciles à surmonter. Les étapes sont
résumées ci-dessous :

• Lorsque vous ressentez une envie ou un besoin d’agir impulsivement : Remarquez que
l’expérience interne est comme une vague : elle monte, atteint un pic et redescend.
Ce schéma se poursuit. Restez avec l’expérience. Observez les vagues. Même si vous ne
réagissez pas, les envies et les pulsions diminuent ; elles s’apaisent. Elles peuvent remonter
et s’apaiser à nouveau. Vous êtes comme un surfeur qui suit les vagues. Vous pouvez
apprécier la liberté d’observer et de ne pas avoir besoin de réagir.
• Vous pouvez remarquer des pensées, des émotions ou des sensations physiques qui
viennent… et repartent.
• Faites l’expérience de ce qu’est une envie ou une pulsion en choisissant d’être attentif
plutôt que de réagir. Certaines envies et certains besoins sont plus intenses que d’autres.
• Remarquez que vous pouvez être présent et ne pas réagir, que vous pouvez ressentir
des envies et des pulsions sans réagir.
• (Après un certain temps, faites ce qui suit.) Ouvrez les yeux, s’ils étaient fermés et
ramenez votre attention sur la pièce.

Après s’être concentrées de cette manière, de nombreuses personnes


constatent que l’envie disparaît complètement. Le patient peut trouver utile
d’évaluer l’intensité de l’envie avant et après l’exercice pour démontrer l’effi-
cacité de la technique.

Vignette clinique

Étienne participe à un groupe de prévention de la rechute pour traiter sa dépendance à


l’alcool et au cannabis. Il est invité à la soirée d’anniversaire d’un ami le samedi soir
suivant. Il considère cette situation comme à risque car elle peut déclencher des craving,
mais il tient à y aller. Il expose alors ses réflexions au groupe. Les échanges lui permettent
d’envisager différentes solutions pour réduire les risques. Les autres patients évoquent
alors des techniques de contrôle du stimulus : « dès que tu arrives tu prends un verre de
boisson sans alcool et tu le gardes dans la main toute la soirée », ou encore « tu peux
prévoir de rester juste un temps court plutôt que toute la soirée », ou encore « repère
ceux qui ne consomment pas de cannabis pour rester avec eux pendant la soirée ».
Le pour et le contre sont pesés pour chaque proposition. Choisir les personnes avec qui

Gestion du craving 151


passer du temps paraît pour Étienne être la meilleure solution pour profiter au mieux de
la fête sans se mettre trop en danger.
Puis en groupe, vient le moment de travailler sur la gestion du craving quand il arrive :
le thérapeute introduit la technique du surf sur l’envie et propose un moment
d’expérimentation sur le temps de la séance pour tous les membres du groupe. Étienne
convient qu’il pourrait, s’il ressent un craving, s’isoler 5 minutes dans sa voiture pour
mettre en pratique cette technique d’imagerie mentale.

Téléchargez le guide à destination des patients « Surfer sur les envies ».

6. Difficultés rencontrées
– Pour certains patients, parler des craving déclenche un craving.
Il est fréquent que les patients s’en plaignent et qu’ils souhaitent de ce fait
éviter d’en parler. La psychoéducation a toute sa place dans ce cas de figure.
Face à cette situation, le travail réalisé au préalable sur la motivation est un
levier pour favoriser l’engagement du patient dans le travail thérapeutique
malgré ses difficultés.
Les renforcements positifs vont être indispensables pour favoriser le senti-
ment d’auto-efficacité. Pour certains patients, les renforcements positifs indi-
rects sont plus faciles à recevoir que des compliments trop directs. Dans ce cas,
il peut être utile de se servir de questions dans lesquelles vont s’intégrer des
renforcements positifs :
• Rappelez-moi, comment avez-vous fait face au craving après notre dernière
séance ? Où avez-vous trouvé ces ressources ? D’où viennent-elles ?
• D’où vous est venu le courage de faire cette démarche de soin ?
• Votre parcours montre une certaine ténacité, comment l’avez-vous
développée ?

152 Addictions : prévenir la rechute


SÉANCE 2
Décisions Apparemment
Sans Conséquence (DASC)

« C’est dans vos moments de décision


que votre futur se construit. »
Tony Robbins

Séance 2 : Décisions apparemment sans conséquence (DASC)

Objectif de la séance
Apprendre à repérer les DASC pour faire des choix éclairés et moins à risque

Plan de la séance
Définition (C’est quoi une DASC ? (I/G) Les différents types de DASC (I/G))
Psychoéducation (Savoir identifier les DASC (I/G), Analyse de la chaîne (I/G))
Trousse à outils (Plan d’action contre les DASC (I/G))
Difficultés rencontrées

Fiches téléchargeables
Fiche DASC
Journal des DASC

Décisions Apparemment Sans Conséquence (DASC) 153


1. C’est quoi une DASC ?
Une décision apparemment sans conséquence est une décision ou un choix
qu’une personne fait et qui peut sembler sans importance ou insignifiant(e)
à première vue, mais qui augmente en fait la probabilité qu’elle soit placée
dans une situation à haut risque pouvant entraîner une rechute. Les DASC
font référence donc à ces décisions, rationalisations et minimisations du
risque qui rapprochent les patients de situations à haut risque, voire les y
plongent, bien qu’elles puissent sembler sans rapport avec leur comporte-
ment addictif.
L’identification des décisions apparemment sans conséquence est donc
une partie importante du traitement axé sur la prévention des rechutes
pour les personnes ayant des comportements addictifs d’après Marlatt et
Gordon (1985).
« Nombre de nos décisions et choix quotidiens semblent, à première vue,
n’avoir aucun rapport avec votre comportement addictif. Même si vos décisions
n’impliquent pas directement le choix de consommer ou non, elles peuvent
vous rapprocher lentement des états comportementaux et émotionnels asso-
ciés à la consommation. C’est souvent par le biais de décisions apparemment
sans conséquence avec le sujet que nous nous rapprochons progressivement
des situations à haut risque qui peuvent conduire au comportement addictif »
(Marlatt & Gordon, 1985).

2. Différents types de DASC


Il sera plus difficile de faire face aux situations à haut risque, une fois une
DASC prise, en voici quelques exemples :

Décisions qui augmentent l’exposition aux risques de reprise :


Exposition à d’autres personnes qui consomment des substances
Exposition à d’anciens ou de nouveaux lieux de consommation de substances
Exposition à la présence et disponibilité des substances
Exposition accrue à d’autres déclencheurs
Décisions qui diminuent les comportements qui soutiennent votre
rétablissement :
Recours moins fréquent au soutien mutuel
Recours moins fréquent à la thérapie
Arrêt de la prise de médicaments
Diminution des stratégies de coping pour gérer les déclencheurs
Déconnexion du réseau de soutien à l’abstinence

154 Addictions : prévenir la rechute


Décisions prises sans planification :
S’engager dans des situations à risque sans plan d’urgence
Diminution des efforts pour évaluer le risque avant d’entrer dans une situation
Décisions impulsives sans penser à l’abstinence

Quelques exemples plus concrets :


– Garder de l’alcool ou des drogues à son domicile.
– Entretenir des relations avec des personnes qui consomment encore
activement des drogues et de l’alcool.
– Consommer des drogues ou de l’alcool en secret ou lors d’occasions
spéciales.
– Assister à des événements où la consommation de drogues et d’alcool
est susceptible de se produire.
– Proposer à un ancien compagnon de consommation de le raccompa-
gner chez lui.
– Aller dans un certain quartier de la ville.
– Ne pas dire à des amis que vous arrêtez votre comportement addictif.
– Ne pas faire de projet pour le week-end.

Toute décision qui réduit la responsabilité ou rend les drogues ou l’alcool


plus accessibles rend la rechute plus probable. C’est pourquoi de nombreux
patients abstinents et des personnes en voie de rétablissement travaillent en
étroite collaboration avec un parrain des alcooliques anonymes par exemple,
ou un professionnel de l’addiction afin de développer des stratégies pour préve-
nir et gérer les situations à haut risque.
Parfois, ces décisions surviennent lorsque les personnes sont confrontées
aux émotions douloureuses, comme l’ennui ou la solitude, auxquelles elles
avaient l’habitude de faire face avec leur comportement addictif.

Téléchargez la fiche patient « DASC ».

Décisions Apparemment Sans Conséquence (DASC) 155


3. Psychoéducation
3.1. Savoir identifier les DASC
L’exercice suivant peut-être proposé aux patients, en séance individuelle ou en
séance de groupe :
« Examinez l’histoire suivante et identifiez le plus grand nombre possible
de DASC. »

Françoise était abstinente depuis 4 semaines. Elle rentrait chez elle en voiture après le
travail et au lieu de prendre sa route habituelle, elle a choisi de prendre une route plus
longue mais plus agréable. En conduisant, elle a fouillé dans son sac et s’est aperçue
qu’elle n’avait plus de cigarettes. Elle a décidé de faire un tour en voiture et de chercher
un bureau de tabac où elle pourrait acheter des cigarettes. Le long de cette route, elle
est passée devant un bar/tabac qu’elle avait fréquenté dans le passé et où elle avait
acheté et consommé de la cocaïne. Elle a décidé de s’y arrêter momentanément pour
acheter un paquet de cigarettes. Elle entre dans le bar et achète un paquet de cigarettes.
Tout à coup, elle entend son nom, « Françoise ! ». Se tournant vers la personne qui
l’appelle, elle reconnaît un ancien camarade de boisson. Son « ami » se tourne
instantanément vers le barman et lui dit : « Donne un verre à mon amie, ça fait si
longtemps que je ne l’ai pas vue ! » Françoise décide que, puisque son problème est
la cocaïne, elle peut prendre une bière. Ne discutant qu’une seconde, Françoise boit
sa première gorgée de bière mousseuse. Après plusieurs autres bières, son ami a
« par hasard » un gramme de cocaïne et c’est ainsi qu’une rechute s’ensuit.

– À votre avis, quand Françoise a-t-elle présenté sa première DASC ?


– Quelles ont été les décisions que Françoise a prises et qui ont pu sem-
bler sans conséquence sur le moment ?

Voici d’autres histoires possibles de travailler avec les patients :

C’est une belle journée et Bruno a terminé son travail plus tôt que prévu après avoir reçu
une évaluation annuelle très positive de son patron. Il décide de rentrer chez lui à pied.
Il a modifié son itinéraire habituel pour se promener dans un parc, appréciant le soleil
chaud, les arbres en fleurs et le bruit des enfants jouant au ballon. Il se sent bien dans
sa vie, et ses consommations d’alcool semblent bien loin. En sortant du parc, il passe
devant un bar où il avait l’habitude d’aller pour boire. Sachant qu’il souhaite maintenir
son abstinence, mais se rappelant que ses anciens amis se demanderaient ce qui lui était
arrivé, il est entré pour voir comment ils allaient tous « en souvenir du bon vieux temps ».
Une fois à l’intérieur, ils ont ignoré ses refus de ne plus boire d’alcool et lui ont offert une
boisson en souvenir des bons moments. Lui exprimant qu’ils étaient mécontents qu’il n’ait
pas donné signe de vie depuis longtemps, ils lui ont dit qu’ils laisseraient le passé au
passé si seulement il se joignait à eux pour « un seul verre ». Se disant qu’il n’y avait rien
d’autre à faire dans ces circonstances, Bruno a cédé. Quelques heures plus tard, le barman
refuse de le servir à nouveau en raison de son ivresse. Lorsqu’il rentre chez lui, sa femme

156 Addictions : prévenir la rechute


est en colère, et il sait qu’il n’avait « pas d’autre choix » que de se rendre chez un autre
de ses amis alcoolodépendant, où il a passé la nuit à consommer encore plus d’alcool.
Sandrine décide de cuisiner un bon dîner pour elle et son mari et invite également un couple
d’amis à eux. Elle se sent bien de ne plus boire une goutte d’alcool depuis 4 mois et ne veut
donc pas boire pendant le dîner. Cependant, elle sait que le couple d’amis apprécie beaucoup
le vin rouge et d’ailleurs il se marierait bien avec ce qu’elle a cuisiné. Elle ne voudrait pas
priver les autres de se plaisir et demande à son mari d’acheter deux bonnes bouteilles de
rouge. Pendant le dîner, elle se sent bien de ne pas boire. Durant le dîner, son mari et ses
deux amis finissent une bouteille et en entament une autre. Quand Sandrine nettoie sa
cuisine une fois ses invités partis, elle voit cette bouteille entamée et décide de se servir,
juste un verre. Mais après le premier verre, elle se sert un deuxième et finit la bouteille.

3.2. Analyse de la chaîne


Les DASC fournissent au thérapeute un cadre pour aider une personne en soin en
addictologie, pour réfléchir aux écarts ou aux rechutes et pour examiner en détail
la chaîne des événements qui ont précédé. Une tâche essentielle pour les théra-
peutes sera d’apprendre aux patients à reconnaître et à interrompre les chaînes
de décisions apparemment sans conséquence avant le début de la consomma-
tion réelle. S’il est possible d’interrompre une telle chaîne à n’importe quel
moment avant la consommation, c’est plus difficile vers la fin de la chaîne lorsque
les patients se trouvent déjà dans des situations où le comportement addictif
est disponible et où les indices conditionnés abondent. Il est donc souhaitable
d’apprendre aux patients à détecter les décisions qui se produisent généralement
au début de la chaîne, lorsque le risque, l’envie et la disponibilité de la cocaïne
(du produit ou la possibilité du comportement) sont relativement faibles.

Décisions Apparemment
Sans Conséquences (DASC)

Situation à risque

Écart

Effet de Violation
de l’Abstinence (EVA)

Rechute

Figure 12. La chaîne

Décisions Apparemment Sans Conséquence (DASC) 157


« Lorsque vous êtes confronté à une décision, vous devez choisir une option à faible
risque, une option qui vous permettra d’éviter une situation risquée. Cependant, si vous
choisissez une option à haut risque, vous devez prévoir de vous protéger. En prenant
conscience des DASC vous pouvez prendre des mesures pour éviter les situations à
haut risque. Il est plus facile d’éviter une situation à haut risque que de résister à la
tentation une fois qu’on y est. »
« Pouvez-vous repenser à votre propre histoire de rechute ? Reprenons-la et essayons
de repérer les endroits où vous avez pris des décisions risquées, des DASC, ce que vous
vous disiez et comment vous auriez pu interrompre cette chaîne. »
« Quels sont les projets que vous avez faits pour ce week-end ? Si vous n’en avez aucun,
pourquoi ? S’agit-il d’une DASC ? Parfois, ne pas planifier signifie s’organiser pour boire.
Que pourriez-vous faire ce week-end qui réduirait le risque de se retrouver dans une
situation à risque ? »

4. Trousse à outils : plan d’action contre les DASC


Les DASC sont traitées en appliquant la méthode « reconnaître, éviter et
faire face » : reconnaître les DASC et les pensées qui les accompagnent, éviter
les décisions risquées et faire face aux situations à haut risque.

Lorsque vous prenez une décision, qu’elle soit petite ou grande, faites ce qui suit :
– Considérez toutes les options qui s’offrent à vous.
– Pensez à toutes les conséquences, tant positives que négatives, de chacune des
options.
– Choisissez l’une des options. Choisissez une décision sûre qui minimise votre risque
de rechute.
– Surveillez les pensées telles que « Je dois… », « Je peux gérer… » ou « Cela n’a vraiment
pas d’importance si… ».

Entraînez-vous à surveiller les décisions que vous devez prendre au cours


d’une journée, qu’elles soient petites ou grandes, et envisagez des solutions
sûres et risquées pour chacune d’elles.

158 Addictions : prévenir la rechute


Décision Alternative risquée Alternative sûre
J’ai gardé un paquet de Laisser le paquet de cigarettes Jeter le paquet de cigarettes
cigarettes dans un tiroir de la où il est
cuisine

Je vais me baigner à la plage Je vais à cette plage mais Je choisis d’aller à une autre
de Saint-Jean-de-Monts je me gare à un endroit plage
(la ville où j’allais au casino) différent

Tableau 11. Plan d’action et de décision (DASC)

Téléchargez le « Journal des DASC » à destination du patient.

Vignette clinique

Christelle, 50 ans, a un lourd vécu de traumatismes répétés au cours de son enfance.


Elle a vécu des violences de la part de son père, qui était maltraitant également avec sa
mère et ses frères. Christelle s’est construite tant bien que mal, s’est mariée, a eu des
enfants puis a divorcé. Alors qu’elle avait déjà des consommations d’alcool importantes,
le divorce a été le déclencheur de l’installation d’une réelle addiction. Les conséquences
s’en sont suivi jusqu’à la perte de son logement. Elle a alors été vivre chez son frère.
Nous la rencontrons en soins résidentiels afin de consolider son abstinence d’alcool.
Elle explique l’importance pour son rétablissement d’avoir un logement autonome.
En effet, le fait de côtoyer son frère, qui est comme elle aux prises avec des souvenirs
traumatiques déclenche régulièrement chez elle des reviviscences traumatiques, qu’elle
fait passer avec des consommations massives d’alcool.
Dans le cadre de la postcure, Christelle a la possibilité de sortir le week-end. Elle explique
en entretien psychologique qu’elle a prévu de passer le week-end dans une ville côtière,
en prenant une chambre d’hôtel. Le samedi matin arrive, et Christelle, qui n’avait pas
réservé son billet de train et sa chambre d’hôtel, se retrouve démunie en s’apercevant
qu’elle n’a pas assez d’argent. Elle décide alors d’aller dormir chez son frère. Arrivée
là-bas, elle le trouve en pyjama, en train de fumer du cannabis sur son canapé. Elle décrit
cela comme insupportable pour elle, lui rappelant la souffrance que sa famille a dû endurer
et qui s’exprime encore aujourd’hui. En colère, elle part alors chez sa mère, pour qui elle
éprouve des sentiments ambivalents, entre amour et rancœur. Elle n’ose pas frapper, fait
demi-tour et finit par entrer dans un bar qu’elle avait l’habitude de fréquenter avant son
sevrage. Elle y rencontre des connaissances qui lui offrent de l’alcool. Elle en consomme
jusqu’à l’ivresse.

Décisions Apparemment Sans Conséquence (DASC) 159


En reprenant cette alcoolisation en entretien psychologique, Christelle explique dans un
premier temps qu’elle a bu dans un bar, disant qu’elle a eu tort d’aller dans ce bar. C’est
en décortiquant la situation, en analysant ce qui s’est passé en amont qu’elle a pu identifier
différentes « décisions apparemment sans conséquence » qui ont mené en réalité à
l’alcoolisation :
– le choix de réserver ses billets de train et d’hôtel au dernier moment
– le choix de sortir quand même en week-end alors qu’elle aurait pu rester au centre
– le choix d’aller chez son frère sans le prévenir en amont
– le choix d’aller chez sa mère avec qui la relation est complexe
– le choix d’aller dans le bar

À partir de cette analyse, l’accent sera mis sur la planification et l’organisation des week-
ends.
Pour le week-end suivant, Christelle commence par prendre en compte ses possibilités
financières. Devant le peu de moyens qu’elle a, elle décide d’aller chez son fils, qui vit
dans la ville, et qu’elle décrit comme stable psychologiquement. Les pensées risquées
repérées sont : « Je ne veux pas déranger mon fils, je dois compter sur moi-même, il faut
se débrouiller seul dans la vie, on ne sait pas de quoi demain sera fait donc inutile de
planifier. » Ces pensées seront retravaillées en restructuration cognitive.
Après discussion en entretien, Christelle repère plusieurs alternatives et choisit la plus
sûre : appeler son fils en amont.

Décision Alternatives risquées Alternatives sûres


Je vais passer le week-end J’attends samedi matin Je le préviens, je vérifie
chez mon fils pour l’appeler car je ne sa disponibilité
veux pas le déranger en Je fais en sorte qu’il pré-
semaine vienne sa femme et lui
Je me présente directe- demande son accord
ment chez lui samedi
matin, je verrai bien s’il est
présent

5. Difficultés rencontrées
– Le patient ne trouve pas de DASC
Parfois, certains patients peuvent avoir de la difficulté à retrouver dans leur
histoire des DASC. Il peut être alors intéressant de leur proposer d’autres his-
toires comme celle de Françoise pour les aider à mieux les identifier d’abord
chez l’autre puis pour soi. La participation à un groupe sur ce sujet peut être
une autre solution. En effet, les autres participants pourront aider le patient à
mieux repérer ses DASC car ils parleront d’abord des leurs.

160 Addictions : prévenir la rechute


– Le patient reste dans ses pensées de victime
Certaines personnes se considèrent souvent comme des victimes : « Des choses
sont arrivées, je me suis retrouvé dans une situation risquée et j’ai pris de la drogue ;
je n’y pouvais rien. » Elles ne reconnaissent pas que leurs petites décisions les
amènent progressivement à leur situation difficile. Après coup, il est facile de
voir comment on se prépare à la rechute, mais il est plus difficile de voir ce qui
peut arriver au moment où l’on prend la décision. Tant de choix ne semblent
pas impliquer de consommer à ce moment-là. Chaque choix peut rapprocher
un peu plus d’un grand choix. Lorsque le patient ne pense pas à la marijuana,
il lui est difficile de faire le lien entre sa consommation et une décision mineure
qui semble éloignée de la consommation.

Décisions Apparemment Sans Conséquence (DASC) 161


SÉANCE 3
Équilibrer sa vie

« L’équilibre n’est pas une meilleure gestion du temps,


mais une meilleure gestion des limites. L’équilibre signifie
faire des choix et en profiter. »
Betsy Jacobson

Séance 3 : Équilibrer sa vie


Objectif de la séance
Savoir quels sont les éléments pour équilibrer sa vie et mettre en œuvre les changements
nécessaires pour équilibrer son mode de vie
Plan de la séance
Équilibrer sa vie dans son parcours de rétablissement
Psychoéducation (L’alimentation, L’exercice physique, Le sommeil, La santé sexuelle) (I/G)
Trousse à outils (La roue de l’équilibre de vie (I/G), Identifications des problèmes (I/G),
des contacts dangereux (I/G), Les activités de plaisir (I/G))
Difficultés rencontrées
Fiches téléchargeables
La roue de l’équilibre de vie
Identifier les problèmes
Mise en action – activités de loisirs
Liste des activités plaisantes chez l’adulte

Équilibrer sa vie 163


1. Équilibrer sa vie dans son parcours
de rétablissement
L’équilibre du mode de vie est essentiel pour prévenir les rechutes. Les per-
sonnes dont la vie est remplie d’activités peu réjouissantes sont plus sus-
ceptibles de retomber dans la dépendance (ce qui peut leur procurer une
satisfaction intense, bien que temporaire). Alan Marlatt et ses collègues
(2002) définissent l’équilibre du mode de vie comme : « le degré d’équilibre qui
existe dans la vie quotidienne d’une personne entre la variété des activités
qu’elle pratique et les effets de ces activités sur son niveau de santé et de
bien-être […] l’équilibre du mode de vie fait référence à la quantité de stress
dans la vie quotidienne d’une personne par rapport aux activités de réduction
du stress [et] est également lié à l’alimentation, aux relations sociales et aux
efforts spirituels » (Marlatt et al., 2002).
Les interventions axées sur le rétablissement peuvent avoir un impact posi-
tif sur le mode de vie, les pensées, les émotions et les comportements d’une per-
sonne et visent le plus souvent à créer et renforcer sa « trousse à ressources ».
Le rétablissement complet implique des changements dans cinq domaines
majeurs de la vie :
– Le bien-être physique et se sentir bien dans son corps : prendre soin de
sa santé.
– Des relations saines : l’entourage social joue un rôle clé dans l’équi-
libre du mode de vie. Il a également un impact sur la santé. Le niveau
de consommation de substances et/ou de comportements addictifs du
réseau social de l’individu va influencer le sien (cette partie est déve-
loppée dans la séance « Soutien social »).
– L’occupation quotidienne : travail, formation, gestion du temps, acti-
vités diverses, engagement dans les associations pour les retraités ou
personnes en invalidité, longue maladie, etc. (recenser toutes les acti-
vités qui ont du sens pour la personne ou qui permettent de se donner
du sens).
– Les activités de plaisir. Souvent, les personnes qui arrêtent de consom-
mer expriment que leur vie est ennuyeuse. Plusieurs raisons peuvent
expliquer ce sentiment, comme le fait qu’une vie structurée et routi-
nière semble différente d’un mode de vie de toxicomane, ou encore
que les changements chimiques du cerveau pendant le sevrage peuvent
faire que les individus se sentent à plat, s’ennuient, subissent une perte
de ressentis forts.
– Le logement/hébergement.

164 Addictions : prévenir la rechute


2. Psychoéducation
Le bien-être physique et se sentir bien physiquement (prendre soin de sa santé)
sont deux composantes importantes qui ont pu être totalement négligées par
les individus. Cela devient donc une préoccupation importante et nécessaire
au début du rétablissement. Il s’agit aussi de retrouver une image de son corps
avec laquelle la personne se sent en meilleure harmonie et de pouvoir retrou-
ver du plaisir à vivre des ressentis corporels agréables, à pouvoir se regarder
dans une glace par exemple.

2.1. Alimentation
a) Pourquoi c’est important ?
Les addictions peuvent nuire à la fois à l’esprit mais aussi au corps. Les personnes
qui abusent de l’alcool ou des drogues, par exemple, présentent souvent de graves
carences nutritionnelles. La dépendance peut entraîner de graves conséquences
dans le mode de vie, telles qu’une mauvaise alimentation et des horaires de repas
irréguliers. De plus, la dépendance peut entraîner des problèmes gastro-intestinaux
qui peuvent nuire encore davantage à l’hydratation et à l’état de santé.
Une alimentation saine peut favoriser le rétablissement de plusieurs façons :
– En aidant le corps à se rétablir des dommages causés par la dépendance.
– En augmentant le niveau d’énergie.
– En améliorant l’humeur.
Voici quelques changements alimentaires qui peuvent se faire immédiatement :
– Boire moins de caféine. La caféine (provenant du café, des sodas, des
boissons énergisantes) peut perturber le sommeil. Elle peut également
faire monter la pression artérielle et supprimer l’appétit.
– Éviter les aliments transformés. Il peut être tentant de prendre un repas
surgelé lorsque l’on n’a pas le temps, mais ces aliments ont tendance à
être trop riches en sodium, graisses et sucre.
– Manger plus de protéines et de fibres. Les aliments riches en fibres aident
à se sentir rassasié, donc à ne pas trop manger. Les protéines peuvent
aider à reconstruire les muscles qui ont été affaiblis par la malnutrition.
– Surveiller sa consommation de sucre. Le sucre est addictif.
– Prendre conscience des sensations de faim et éventuellement revoir le
nombre de repas (collation) si grignotages ou craving (par exemple, en
avançant l’heure du repas du soir ou en programmant un fruit à 17 h,
certains craving ont pu être dépassés).
– Manger dans le calme, favoriser du plaisir à table.

Équilibrer sa vie 165


b) Quelques supports
Plusieurs documents sous différentes formes peuvent être fournis aux patients.

– Supports vidéo
Les « C’est pas sorcier » s’avèrent tout aussi utiles auprès d’adolescents que
d’adultes. De nombreux titres vont permettre d’aborder l’alimentation, l’équi-
libre et l’hygiène alimentaire, les aliments, le goût… Parmi ceux-ci : « La nutri-
tion », « À boire et à manger », « Qu’est-ce qu’un aliment ? », « Quels sens sont
en activité lorsqu’on mange », « Peut-on perdre le goût ? », « Fruits et légumes »,
« Le sucre », « Conservation des aliments »…
Chaîne YouTube C’est Pas Sorcier : https://www.youtube.com/channel/
UCENv8pH4LkzvuSV_qHIcslg

– Supports Internet
https://www.mangerbouger.fr
https://www.la-fabrique-a-menus.fr/front/

Discussion
– Quels sont vos objectifs en matière de nutrition ?
– Que faites-vous actuellement pour atteindre ces objectifs ?
– Que pouvez-vous faire à l’avenir ?
– Que devriez-vous cesser de faire ?
– Diriez-vous que vous avez une relation saine avec la nourriture ? Pourquoi ou
pourquoi pas ?

2.2. L’exercice physique


L’exercice physique libère des endorphines et aide à réduire les fringales et le
stress. Le sport offre de nombreux avantages lors du rétablissement. Certaines
personnes peuvent penser qu’elles doivent commencer à aller dans une salle
de sport ou à courir 8 km par jour. Mais un exercice, même léger, peut faire
la différence.
L’activité physique aide à prévenir les rechutes :
– en réduisant les envies de drogue et d’alcool
– en libérant des endorphines
– en réduisant le stress
– en augmentant le niveau d’énergie
– en améliorant la confiance en soi et l’image corporelle.

166 Addictions : prévenir la rechute


Une des clés pour commencer le sport est de trouver des activités qui
plaisent. Si la personne a du mal à se motiver pour faire de l’exercice, trouver
quelqu’un d’autre pour ne pas être seul ou intégrer une équipe de sport peut
faciliter « la mise en route ». Des associations sportives proposent des activités
adaptées pour une remédiation physique progressive – avec enseignants APA
(activités physiques adaptées).
Attention : l’individu doit être vigilant à la quantité d’exercice qu’il pra-
tique. Certaines personnes développent un mode d’exercice compulsif, qui peut
causer des blessures et affecter leur vie de la même manière qu’une dépendance
puisque l’activité physique peut devenir une addiction par ailleurs (bigorexie).

2.3. Le sommeil
a) Pourquoi c’est important ?
Les patients suivis en addictologie présentent plus de risque d’altération du
sommeil que la population générale :
– La qualité du sommeil et le rythme veille-sommeil sont mis à mal
lorsque les consommations de produits sont importantes. Il faut
du temps pour que ces troubles s’estompent lorsque la personne ne
consomme plus.
– Les comorbidités psychiatriques, fréquentes chez les patients en
addictologie, sont un facteur de risque de troubles du sommeil. Selon
l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance, l’anxiété, le stress et
la dépression sont à l’origine de plus de la moitié des insomnies.
– Les problèmes médicaux augmentent également le risque de per-
turbation du sommeil (diabète, douleurs, maladies cardiaques et
pulmonaires). Certains patients gardent des séquelles physiques de
leur addiction même après l’arrêt (ou la diminution significative)
des consommations et ont ainsi plus de risque d’avoir un sommeil
altéré. L’accompagnement médical pour la gestion de ces troubles
est essentiel.

La qualité du sommeil est un facteur non négligeable dans le rétablisse-


ment, influençant l’état physique et psychologique. Un sommeil insuffisant
ou de mauvaise qualité présente plusieurs conséquences délétères pour l’équi-
libre de vie :
– Sentiment de mal-être physique, fatigue : facteur de risque de rechute
(Marlatt et al., 2008). Cet état va déclencher des croyances anticipa-
toires ou soulageantes telles que « la cocaïne va me booster, elle va m’aider à
assurer ma journée de travail » ou encore « l’alcool va me donner la pêche »,

Équilibrer sa vie 167


« je me sentirai mieux après un verre ». Le comportement logique qui s’en
suit, si cela n’est pas travaillé, est la consommation de substance.
– Troubles cognitifs : altération du traitement de l’information, difficulté
de concentration, de mémoire, des fonctions exécutives : cela diminue
la capacité à gérer les problèmes de manière efficace. La personne a
alors plus de risque de connaître des situations à risque de reprise du
comportement addictif.
– Troubles de la régulation émotionnelle : on constate une plus grande
vulnérabilité aux émotions négatives, une labilité émotionnelle avec
augmentation de l’humeur dépressive, de l’anxiété ou de l’irritabilité.
Cela peut déclencher les croyances soulageantes sur l’effet des produits
dans la régulation émotionnelle : « l’alcool va diminuer ma tension »,
« le cannabis va me permettre de me détendre », et mener au comporte-
ment addictif.

La psychoéducation est une étape essentielle pour favoriser un sommeil


de bonne qualité, et parfois quelques conseils simples peuvent suffire. Dans
d’autres cas où les troubles du sommeil s’installent, on peut proposer au patient
une TCC spécifique sur le sommeil.

b) Quelques conseils
Des conseils peuvent être donnés au patient pour se donner les meilleures
conditions pour un bon sommeil. Voici les principaux :
– Se lever à heures régulières
– Éviter les longues siestes en journée
– Prêter attention aux signes de fatigue le soir
– Maintenir une pièce pour le sommeil fraîche (18/20 degrés), confor-
table et éloignée de toutes stimulations sensorielles
– Éviter les écrans le soir
– Éviter les activités physiques intenses le soir
– Éviter de consommer des boissons contenant de la caféine, éviter
l’alcool le soir
– Manger un repas léger le soir
– Pratiquer des rituels d’apaisement (lecture, tisane, douche, des méthodes
de relaxation, respiration profonde, etc.) pour faciliter l’endormissement.

Pour augmenter l’adhésion du patient à ce qui lui est conseillé, il peut être
utile de donner de l’information sur le fonctionnement du sommeil et les inte-
ractions avec son mode de vie.

168 Addictions : prévenir la rechute


Discussion
– Pouvez-vous me décrire comment est votre sommeil dans une journée classique ?
– Comment vous sentez-vous à votre réveil ? au moment du coucher ?
– Comment décririez-vous vos besoins à propos du sommeil ?
– Que pourriez-vous faire pour améliorer votre sommeil ?

Supports Internet
https://institut-sommeil-vigilance.org/ : rubrique « Conseils »
https ://reseau-morphee.fr

2.4. La santé sexuelle


a) Santé sexuelle et addictions
La sexualité des personnes dépendantes peut être perturbée et œuvrer
à une bonne santé sexuelle favorisera le rétablissement. Selon l’OMS
(Organisation Mondiale de la Santé), « la santé sexuelle est un état de
bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité. Elle
requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des rela-
tions sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles
qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition,
discrimination ou violence ».

Substances Effets attendus


Alcool Euphorie, stimulation, relaxation, levée d’inhibition
Cannabinoïdes Euphorie, relaxation, baisse du délai de réaction,
distorsion des perceptions
Opioïdes Euphorie, somnolence, sédation
Stimulants (cocaïne, Excitation, énergie, endurance
méthamphétamine)
Club drugs (MDMA/ecstasy) Hallucinations, sensibilité tactile, levée d’inhibition,
Sex drugs (cathinone, GHB, poppers) augmentation de la libido, effet empathogène
Drogues dissociatives (kétamine, Dépersonnalisation, delirium, altération des fonc-
PCP, DXM) tions motrices
Hallucinogènes Hallucinations, perceptions altérées
(LSD, champignons, mescaline)

Tableau 12. Substances psychoactives et effets sexuels


(Bonnet & Hochet, 2021)

Équilibrer sa vie 169


L’utilisation de substances psychoactives peut contribuer à l’apparition des
troubles du désir sexuel ou de l’activité sexuelle mais ces substances peuvent
être aussi consommées pour favoriser le plaisir ou la désinhibition. Le chemsex
s’est particulièrement développé ces dernières années ; ce terme désignant le
fait d’utiliser les drogues pendant l’activité sexuelle.
Il n’y a pas de rythme ou de type de sexualité normale, il y a celle qui
épanouie que l’on soit seul ou avec partenaires (consentants et majeurs).
La sexualité va avoir un impact sur le système immunitaire, le sommeil,
l’humeur, le cardiovasculaire, les capacités cognitives. Elle agit sur le système
de récompense et, bien gérée, elle représente une alternative dopaminergique.

b) Quelques supports
Supports jeux
https://www.fcppf.be/portfolio/items/anatomia/

Supports Internet
https://www.planning-familial.org/fr/des-ressources-pour-sinformer-se-former-
et-soutiller-259
https://www.sante-sexuelle.ch

3. Trousses à outils
3.1. La roue de l’équilibre de vie
Une vie qui a du sens est une vie équilibrée, où l’on consacre suffisamment de
temps aux activités qui expriment ses valeurs et ses priorités (se reporter à la
partie sur la motivation et le travail sur les valeurs). Il existe deux actions prin-
cipales qui mènent à une vie équilibrée. La première consiste à comprendre et
à respecter chacun des domaines importants de sa vie (ses valeurs). La seconde
consiste à changer notre perspective dans les domaines dans lesquels nous
sommes bloqués. L’exercice ici est de permettre de voir comment se répartit le
temps dans la roue de l’équilibre de (votre) vie.
« Consigne pour l’utilisation de la roue » :
Voici quelques exemples de domaines : argent, amitié, amour, famille, tra-
vail, sport, écologie, loisirs, etc. Vous évaluerez l’état actuel de chaque sphère
de 1 à 10 points (1 : horreur, 10 : tout est merveilleux). 1 : à l’intérieur du
cercle, 10 : sur le cercle extérieur. En conséquence, vous obtenez l’équilibre de
la roue de votre vie. »

170 Addictions : prévenir la rechute


10
10

10
5
10

5
5

5
5

10
5
10

10
10

Figure 13. La roue de l’équilibre de vie

« À partir de ce constat, vous pouvez définir les améliorations à porter aux


domaines importants pour vous et y porter votre attention en priorité. »

Discussion
– Comment vous sentez-vous face à cette roue ? Êtes-vous satisfait(e) ?
– Concernant les sphères où vos notes sont les plus basses, ces notes sont-elles très
basses ? Si oui quelle en est la raison ? Ces domaines vous empêchent-ils de vous
épanouir car vous n’y avez pas prêté attention ou les avez-vous négligés ?
– Les sphères de votre vie qui ont les notes les plus hautes correspondent-elles
aux domaines les plus importants pour vous ?
– Dans quel domaine souhaiteriez-vous faire des efforts, dépenser de l’énergie
et du temps ?
– Dans quelle sphère cela serait le plus facile d’améliorer votre satisfaction ?
– Que pourriez-vous faire pour augmenter votre satisfaction ?
– Quels sont les obstacles à cette amélioration ?
– Comment pourriez-vous les contourner ?
– Quelle action pourriez-vous mettre en place ?

Équilibrer sa vie 171


Plusieurs variantes sont possibles. En seconde partie par exemple, on peut
demander au patient de mettre en couleur là où il aimerait se situer lorsqu’il
aura atteint ses objectifs.

Vignette clinique

Jeanine vient d’avoir 62 ans et débute sa retraite sans vraiment l’avoir préparée. Elle a
divorcé il y a un an maintenant et se sent terriblement seule malgré la présence de son
fils qui habite la commune d’à côté et sa fille qui est très présente mais au téléphone car
vit à Paris. C’est au moment de la séparation qu’ont débuté ses problèmes avec l’alcool.
Elle a acheté une petite maison avec un jardin afin de se rapprocher des valeurs de
l’écologie qui lui sont importantes.
Avec « la roue de la vie » qu’elle a remplie, elle prend conscience des éléments importants
de sa vie qui ne sont pas comblés. Elle remarque qu’elle ne participe à aucune activité
sportive qui lui permettrait également de rencontrer de nouvelles personnes.

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Téléchargez « La roue de l’équilibre de vie » à destination des patients.

172 Addictions : prévenir la rechute


3.2. Identification des problèmes1 (Freeman, 2019)
Exercice 1 : Identifier les problèmes
Ci-dessous se trouvent quelques problèmes qui peuvent être aggravés par la
consommation de drogue, d’alcool et/ou par des comportements addictifs.
Cochez les problèmes que vous avez rencontrés.
Médical ou physique : Émotions et troubles émotionnels :
! Antécédents de traumatismes crâniens ! Dépression
(année(s) :) ! Anxiété générale ou stress
! Expériences d’overdose ! Attaques de panique
! Problèmes d’estomac ! Anxiété sociale
! Problèmes dentaires ! Agoraphobie
! Convulsions ! Autres peurs/phobies spécifiques
! Grosse prise ou perte de poids ! Sautes d’humeur
! Diarrhée ou constipation ! Problèmes de contrôle de la colère
! Problèmes de nez ou de sinus ! Problèmes de gestion des pensées sur le
! Problèmes de VIH passé
! Problèmes hépatiques ! Flash-back en lien avec le passé
! Se réveiller la nuit ! Hallucinations
! Difficulté de respiration ! Sentiment de suspicion ou de paranoïa
! Difficulté de respiration la nuit ! Problèmes de mémoire
! Problèmes cardiaques ! Difficulté à rester assis – être toujours en
! Douleur chronique mouvement
! Douleur spécifique ! Difficulté à se détendre
! Fatigue chronique ! Difficulté de concentration
! Problèmes de mémoire ! Autre(s) (Précisez)
! Autre(s)(Précisez) :
Légal : Relations :
! Être arrêté pour possession/deal ! Conflits avec le/la conjoint(e)
! Être arrêté pour vol ou braquage ! Conflits avec les enfants
! Être arrêté pour bagarre ou autres vio- ! Conflits avec d’autres membres de la
lences famille ou des amis
! Être en obligation de soin, probation ou ! Se sentir seul
libération conditionnelle ! Difficulté pour parler à d’autres personnes
! Divorce ou séparation ! Difficulté pour résoudre des problèmes
! Problèmes de visite des enfants ! Perte d’amis
! Autre(s) (précisez) : ! Ne connaître que des personnes
qui abusent
! Problèmes avec les enfants/parents
! Perte du partenaire
! Enfants en danger
! Problèmes dans la vie sexuelle
! Autre(s) (Précisez) :

1. Traduit de Freeman L. (2019). Core Behavioural and CBT Skills for Relapse Preven-
tion and Recovery Management : Portfolio Exercises. NHS Education Scotland.

Équilibrer sa vie 173


Logement, finances et compétences : Routines quotidiennes :
! Retrouver un endroit pour vivre/dormir ! Problèmes pour s’endormir
! Meubler/équiper sa maison ! Ronflements graves
! Finances et budget ! Problèmes pour se réveiller
! Capacités d’autonomie pour les gestes ! Manger trop ou pas assez
du quotidien à la maison (cuisine, ! Ne pas avoir une alimentation équilibrée
courses) ! Ennui dans la journée
! Prendre soin de sa maison ! Perte de plaisir de faire
! Prendre soin de soi-même ! Manque de sports ou de loisirs
! Autre(s) (Précisez) : ! Manque d’exercice physique
! Problèmes pour trouver ou garder un tra-
vail
! Problèmes avec la formation ou l’école
! Autre(s) (Précisez) :

Exercice 2 : Identifier les choses à faire maintenant :


Regardez à nouveau cette liste.
Cochez ce que vous aimeriez changer dans votre vie.
Numérotez les éléments cochés par ordre d’importance.

Téléchargez la fiche « Identifier les problèmes » à destination des patients.

3.3. Des contacts dangereux


« Chacun peut s’entourer de personnes qui sont aidantes pour le rétablisse-
ment, ou aussi de personnes qui favorisent le risque de rechute. » Citez :
– deux personnes qui, selon vous, peuvent être dangereuses pour votre
rétablissement,
– la situation dans laquelle vous les percevez comme une menace pour
votre objectif avec votre addiction,
– et ce que vous pouvez faire pour faire face à cette situation.

Vignette clinique

Personne – Mon frère


Situation – Il est alcoolodépendant et nous avions l’habitude de nous saouler ensemble
fréquemment. Cette année, nous fêtons Noël chez ma mère et je m’inquiète de la pression
qu’il va exercer sur moi.
Stratégies d’adaptation :
1. Dire à ma famille que je ne bois plus
2. Prévenir ma famille que je resterai moins longtemps cette année.

174 Addictions : prévenir la rechute


3. Garder toujours une boisson sans alcool à la main
4. Venir accompagné d’une personne ressource, quelqu’un qui me soutient
5. Si cela devient trop difficile, quitter les lieux et aller à une réunion des AA.

3.4. Les activités de plaisir


Les comportements addictifs ont souvent servi à procurer du plaisir dans la
vie des individus dépendants, ou bien leur permettre d’éviter des émotions
négatives. Trouver des méthodes alternatives et plus saines de recherche de
sensations fortes revêt alors une importance pour la prévention de la rechute.
Pour la mise en place de ces activités, il faudra aussi explorer les barrières à les
pratiquer et chercher des moyens pour les surmonter.
« Utilisez cette feuille de travail pour commencer à élaborer votre plan. »

Activités que vous Barrières/défis à Solutions Plan d’action


voudriez réaliser relever possibles
Danser la salsa Je ne connais per- Trouver un cours – Aller à la maison de
sonne qui danse la quartier si elle propose
salsa des cours
– Aller à la mairie de
ma commune
– – – –



Tableau 13. Plan d’action pour les activités de plaisir

Téléchargez les fiches « Mise en action – Activités de loisirs »


et « Liste des activités plaisantes chez l’adulte » destinées aux patients.

4. Difficultés rencontrées
– Mise en place difficile de l’activité physique
« Il suffit d’une heure d’activité par jour pour être en bonne santé. Cela
peut sembler beaucoup, mais introduisez des activités dix minutes par-ci,
dix minutes à la fois par-là – avant que vous ne vous en rendiez compte, vous
êtes plus actif. Même si vous avez des difficultés à vous déplacer, il existe de

Équilibrer sa vie 175


nombreuses façons d’ajouter de l’activité physique à votre emploi du temps
quotidien. Votre programme n’a pas besoin d’être compliqué. Commencez et
progressez lentement, n’est-ce pas la meilleure façon… ?
– Faites une promenade de 10 minutes le matin.
– Une courte série d’étirements que vous pouvez faire le matin ou pendant
la journée vous permettra de rester souple ; si vous avez des douleurs ou
une mobilité réduite, demandez à votre médecin ou à un kinésithéra-
peute quels sont les étirements qui vous conviennent le mieux.
– Prenez quelques pauses dans la journée pour marcher.
– Descendez du bus ou du train un ou deux arrêts plus tôt, ou garez-vous
de manière à devoir marcher un peu plus loin.
– Dansez sur votre musique préférée pendant dix minutes.
– Regardez un programme d’exercice à la télévision.
– Intégrez un groupe pour favoriser votre engagement dans ce nouveau
style de vie.

Plus spécifiquement, dans l’activité physique, le fait de prévoir des cré-


neaux avec d’autres, par exemple des amis, ou des collègues, ou dans un club
augmente votre motivation. »

– Difficultés à trouver des activités de plaisir


Parfois, les addictions sont présentes dans la vie des patients depuis l’ado-
lescence et leur vie a tourné autour d’elles sans qu’ils puissent se découvrir
d’autres activités de loisirs et de plaisirs. La difficulté réside là, non pas dans les
freins à la mise en place, mais à trouver des activités encore inconnues parfois
pour eux. Nous utilisons la liste des activités plaisantes de Marsha Linehan
(liste à télécharger) qui permet à l’individu d’avoir une liste assez conséquente
d’activités à tester ou auxquelles il n’a pas pensé (Linehan et al., 1980).
Il est également possible de partir de la notion intéroceptive des sens
(vue, goût, odorat, ouïe, toucher) pour les faire élaborer sur ce qui génère du
plaisir. Cela peut s’avérer fructueux et plein de surprises. Ainsi, un patient s’est
motivé à se balader dans le parc en face de chez lui quand il entend le tracteur-
tondeuse… car il a pu mettre en avant son plaisir à sentir l’odeur de l’herbe
fraîchement coupée ! Nous mettons ensemble l’idée de « se faire un cadeau ».

176 Addictions : prévenir la rechute


SÉANCE 4
Le soutien social

« Je n’ai pas d’espoir de sortir par moi-même de ma soli-


tude. La pierre n’a pas d’espoir d’être autre chose que
pierre, mais en collaborant elle s’assemble
et devient Temple. »
Antoine de Saint-Exupéry

Séance 4 : Le soutien social


Objectif de la séance
Saisir la notion de demande d’aide et recenser l’accompagnement ressource pour la
personne
Plan de la séance
Définition
Psychoéducation (Expliciter la demande d’aide, valider les besoins et enjeux du soutien
social)
Trousse à outils (L’inventaire des besoins et des ressources (I/G), Diagramme en toile
d’araignée (I/G), Le jeu de rôle (I/G), La carte des personnes ressources (I/G), Les annuaires
des associations d’entraide (I/G), Conseils à l’entourage (I/G))
Difficultés rencontrées
Fiches téléchargeables
Questionnaire de Soutien Social Perçu (QSSP) adapté à la PR
Carte des personnes ressources
Annuaire des ressources
Conseils à l’entourage

Le soutien social 177


1. Le soutien social dans les addictions
La personne dépendante ne peut être considérée seule dans son processus de
soin. Les soignants et l’entourage vont accompagner la personne tout au long
de ses changements. Si cet accompagnement est adapté, il sera profitable à
chacun. Le patient relate assez aisément que l’addiction éloigne son entourage,
qu’il se sent différent, incompris ou rejeté. Parfois, nous entendons également
qu’ils ont tout pour être heureux avec leur famille mais pourtant qu’ils ne le
sont pas. Pour certains encore, l’environnement est jonché de relations de
co-dépendance où l’autre ne peut accompagner vers un changement adapté.
Le soutien de l’environnement comme ressource externe dans la maladie est
indispensable à nommer et « inventorier » dans le soin.

1.1. La notion de soutien social


Le soutien social permet, lorsque les ressources personnelles du patient
(auto-efficacité, estime de soi, lieu de contrôle) ne suffisent plus, de les pallier
par des ressources externes « sociales » (Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2014).
Étudié depuis une cinquantaine d’années, le soutien social « riche » est reconnu
aujourd’hui dans la maladie chronique comme permettant un taux de morbidité
et mortalité moindre en comparaison à ceux ayant un réseau réduit. Ainsi, l’iso-
lement (et peu de communication) est un facteur prédominant de vulnérabilité
sur la santé émotionnelle et physique (Berkman, 1995). Nous sommes des êtres
sociaux, les enjeux de ces liens sont réciproquement importants en phase de
maintien et particulièrement sensibles en situation de craving.

1.2. Le soutien social perçu


Il est celui qui va nous intéresser pour le travail de prévention de la rechute
car il représente l’impact subjectif de l’aide apportée par l’entourage et la
mesure dans laquelle le patient estime que ses besoins et attentes sont satisfaits
(Procidano & Heller, 1983). C’est en effet le lien patient-environnement tel
que celui-ci le reçoit qui est pris en compte. C’est cette perception qui lui per-
mettra d’aller au bout de la demande d’aide en cas d’adversité. Comme nous
avons pu le présenter dans ce livre, le travail de prévention de la rechute tend
à rendre le patient actif dans son soin. Ce dernier mesure ainsi lui-même les
moments où ses envies seront compliquées à gérer seul. Il lui faut donc dans
ces moments, une (des) personne(s) ressources avec lesquelles il est relative-
ment aisé, pour le patient, de prendre contact. Ainsi, dans l’exploration de cet
entourage avec le patient, plusieurs types de soutien s’avèrent nécessaires et
complémentaires (André & Lelord, 2019) :
– émotionnel (ceux qui écoutent et montrent de l’empathie),

178 Addictions : prévenir la rechute


– matériel (ceux qui donnent un coup de main, des dons financiers ou
autres),
– d’estime (ceux qui valorisent et reconnaissent les compétences),
– informatif (ceux qui conseillent, informent et donnent leurs avis).

Ils peuvent provenir d’origines variées au sein de la famille, du réseau amical,


associatif, professionnel, loisirs et/ou des réseaux de soin. L’accompagnement
sera évidemment plus efficace si le type d’aide est en concordance avec l’ori-
gine du soutien et l’attente de la personne soutenue (ex. : l’explication de la
prise de sang par le médecin, les félicitations du patron sur le travail, l’écoute
soutenue de l’ami proche).

1.3. Les relations non protectrices


Dans son livre sur la prévention de la rechute, Marlatt (2005) met en évidence
que les situations à risque de rechute chez les personnes alcoolodépendantes
sont liées aux états émotionnels négatifs et à l’exposition à une pression sociale
directe ou indirecte (modeling) de consommation d’alcool (Marlatt et al., 2005).
En effet, les éléments souvent rapportés par les patients concernent les moments
festifs et conviviaux (exemple pour l’alcool : dans une soirée, mise en avant du
décalage avec le groupe dans l’état d’ébriété ; impression de s’exclure du rituel
social qu’est celui de trinquer avec des bulles alcoolisées pour l’arrivée d’un
enfant ou d’un heureux événement ; peur de ne pas être conforme au groupe
quand tous prennent un apéritif alcoolisé au restaurant) dans lesquels le plaisir et
la reconnaissance du groupe prédominent. Il faut entendre le bénéfice « social »
qu’engendrent ces craintes à reprendre ou maintenir la consommation.
Par ailleurs, les situations exposant la personne addict à des émotions néga-
tives, provoquant ainsi repli et ruminations, sont abordées en séance comme
un risque à la bonne poursuite de leurs objectifs. Ainsi, un conflit dans son
couple avec une émotion de colère ou tristesse, une injustice vécue au travail,
un événement familial révélant son impuissance à agir/solutionner peut rapi-
dement faire basculer le comportement vers l’addiction.

1.4. L’autre comme ressource externe


La protection ne viendrait pas du nombre de connexions sociales mais du fait
que parmi ces relations, certaines soient suffisamment intimes pour permettre la
compréhension, l’empathie et la liberté de se confier dans les moments les plus
difficiles. Ainsi nous nommons, lors de la séance, les individus repérés soutenant,
au sens large, comme « personnes ressources ».
Une personne ressource en entreprise est celle à qui l’on fait appel lorsqu’une
situation dépasse son champ de compétences afin d’être épaulé par son expertise.

Le soutien social 179


En addictologie, nous la définissons comme une personne ayant connais-
sance de la problématique et/ou répondant de manière adaptée au besoin
d’accompagnement spécifique du malade.

1.5. La demande d’aide


Vu comme une habileté sociale, le comportement d’aller vers l’autre pour sol-
liciter un accompagnement demande une préparation autant verbale que non
verbale. Elle fait partie du champ plus large de compétences psychosociales qui
regroupent les capacités nécessaires pour répondre efficacement aux situations
du quotidien.
Un temps de réflexion sur l’entraide et l’entourage peut permettre de poser
des mots et attitudes pour communiquer de manière adaptée. Cela passe avant
tout par le fait d’accepter que l’autre puisse devenir aidant ponctuellement mais
également par une communication régulière (surtout quand la personne va bien)
avec cet entourage afin de fluidifier les échanges en cas d’adversité. Dans cer-
taines associations d’entraide, des messages ou appels sont pratiqués régulière-
ment entre membres afin de simplifier cette démarche de demande de soutien.

2. Psychoéducation
2.1. Les préalables
Afin de mettre en place cette séance, des éléments de base doivent être établis :
– Un temps autour de l’exploration des situations à risque a été mis en
place. En effet, il s’agit de mettre du sens à cette recherche de soutien.
– Pas de situation à risque = pas de besoin d’aide.
– Un temps consacré aux ressources internes a également été appliqué
(ou est à suivre). La confiance en soi et en ses compétences à gérer n’est
pas un frein à la demande d’aide bien au contraire. Il s’agit là d’avoir
moins d’éléments « à se prouver » en essayant de traverser une crise de
craving seul. Nous entendons parfois le besoin de « tester » s’ils sont
capables de tenir. Une cognition plus assurée sur ce point évitera ce
genre de comportements. Par ailleurs, lorsque le patient fera appel à
une respiration profonde ou tout autre comportement pour décharger
la tension interne, il aura davantage de facilités à prendre contact avec
son entourage en verbalisant ce qui se joue pour lui.
– Le concept d’addiction est clairement détaillé comme activant par-
fois des éléments en soi « automatiques », empêchant ses ressources
internes de fonctionner de manière optimale.
– Les termes « craving », « écart » et « rechute » sont connus et différenciés.

180 Addictions : prévenir la rechute


En groupe ou en individuel, l’objectif de cet atelier est de faire émerger la
nécessité de faire appel à l’entourage lors d’une situation de crise.

2.2. L’enjeu de la demande d’aide


L’Homme est un animal social, qui par essence vit en groupe pour assurer sa
survie. Nous n’avons ni croc, ni griffe mais des compétences à partager pour
assurer mutuellement nos besoins.
Les patients nomment rapidement dans leur situation à risque que l’ennui
ou la solitude les amènent au craving. Nous nous appuierons sur ces risques
perçus pour échanger sur l’apport du réseau social dans la dépendance.
Ainsi, pour mieux saisir le sens à donner à la demande d’aide, vous pouvez
l’illustrer avec une analogie.
Par exemple, lors d’une conférence sur la psychologie positive (donnée à La
Cité de Congrès de Nantes en 2015), le Dr Christophe André a présenté une
métaphore du soutien social avec une corde. Celle-ci peut être restituée ainsi à
l’aide de plusieurs fils si possible sinon avec un dessin sur un papier ou au tableau :
« Imaginons que nous sommes un fil. Nous nous tenons droit, peut-être avec
un peu de nœuds ou d’effiloches par endroit mais nous pouvons tenir notre rôle
et fonction de fil. Maintenant, avec des tensions exercées sur nous (tendre les
deux extrémités du fil), nous devenons fragile, pouvons céder et aller jusqu’à la
rupture. La maladie peut prendre cette place de “force” (la main qui fait tension)
qui dépasse nos possibilités de résilience. Alors, pour ces situations-là, une alter-
native existe. (Prendre plusieurs fils pour les rouler ensemble ou dessiner une
corde qui s’enlace sur le premier fil) Si vous assemblez plusieurs fils ensemble,
que se passe-t-il face à cette tension ? (Laisser du temps pour leurs réponses).
Les tensions externes, les effilochages internes n’exposent plus autant à la rupture.
Ensemble, chaque fil est devenu plus fort. Quel lien faire avec le sujet abordé
aujourd’hui ? »

2.3. Travail sur les cognitions


Nous avons souvent à travailler avec des personnes qui sont dans la difficulté
pour faire une demande d’aide. Les arguments sont multiples et portent sou-
vent autour de peurs/croyances comme celles-ci :
– Peur de gêner, peur de montrer une mauvaise image de soi, peur de
perdre la confiance et créer de la déception sur un changement de com-
portement en balance, peur de générer de la peine ou inquiétude à
l’autre, peur de perdre le contrôle sur soi, etc.

Le soutien social 181


– Croyance que personne ne peut le comprendre, croyance que cela se
retournera contre lui un jour (méfiance), croyance autour de la dette
(ne rien devoir à personne), croyance qu’il peut tout faire seul (omni-
potent), etc.
Il est important que chacun ait pu verbaliser ce qui se joue dans ses freins à
prendre contact et à s’ouvrir à l’entourage ressource.
Les patients expliquent parfois qu’ils ont pu contacter une personne
une fois que leur comportement de dépendance avait commencé : « J’ai
fumé et au bout de 3 taffes, j’ai pu appeler mon ami. » On entend qu’ici le
frein se lève avec la prise du produit psychoactif, désinhibiteur cognitif,
afin de passer à l’action.

Discussion
• Lorsqu’une émotion est très intense, que faites-vous ?
• Seul, que faites-vous face à un craving ?
• Qu’est-ce qui vous bloque pour faire appel à votre entourage ?
• Que pensez-vous que votre entourage ferait si vous les appeliez en état de tension
interne ?
• Que se passerait-il si une personne était à vos côtés dans un moment de craving ?
quelles conséquences sur votre soin ?
• Que souhaiteriez-vous qu’une personne vous dise si vous ressentiez un craving ?
• Certains apprécient l’échange sur ce qui est ressenti, d’autres préfèrent une présence
physique pour faire autre chose et se changer les idées, comment décririez-vous
vos besoins lors d’un craving ?
• Parlez-nous d’une situation où l’on vous a aidé émotionnellement (ou en craving).
– Comment cela s’est passé ?
– Comment vous sentiez vous par la suite ?
• Que faudrait-il vous proposer ou vous dire si vous avez pris une consommation
afin d’éviter les suivantes ?
– Qui pourrait répondre à ces attentes ?
– Quelles formes cela pourrait-il prendre ?
• Un de vos proches a-t-il déjà pu faire appel à vous dans un moment compliqué
pour lui ?
– Comment vous sentiez vous ? Comment se sentait-il par la suite selon vous ?
– L’avez-vous trouvé « incapable », « gênant », « nul », « incompréhensible » ?
(au choix selon les peurs abordées auparavant)
– En quoi cela serait différent pour vous ?

Nous cherchons dans la partie psychoéducation à faire en sorte que cet


appel soit plus simple et rapidement faisable. Il faut le rendre plus concret en
précisant ce qui se joue dans ce moment.

182 Addictions : prévenir la rechute


Il y a à questionner sur les facteurs qui peuvent pousser à demander de
l’aide :
• les ressentis (tristesse, ennui, colère, angoisse),
• les besoins pour passer le mal-être (besoin d’écoute du problème, de
penser à autre chose, de faire de l’activité, etc.),
• ce que l’on attend de l’autre avec ces éléments (qu’il m’accompagne au
téléphone, qu’il vienne près de moi ou m’invite à venir, qu’il me pro-
pose un temps d’écoute assez long ou court mais régulièrement, etc.),
• éventuellement la disponibilité (le jour, la nuit, le temps de travail).
Enfin, nous abordons les bénéfices (imaginés ou déjà constatés) à faire appel
à son entourage avant toute consommation (« Je ne culpabiliserais pas le lende-
main, je me sentirais plus fort, je serais en forme rapidement après, mon compagnon
appréciera d’être à mes côtés. »)

2.4. Travail sur le concept de la confiance


L’abord de la notion de confiance mutuelle permet de travailler sur certaines
croyances et peurs citées plus haut dans ce chapitre. Si un patient aborde son
incapacité à demander de l’aide, il faut partir du point de vue inverse :

• Si un ami vient vous voir car il se sent triste et en détresse. Il vous dit avoir besoin de vous.
Que faites-vous ?
– Laisser répondre le patient à chaque point pour avancer dans un échange
socratique.
• Est-ce qu’il vous dérange avec ses problèmes ? Est-ce que vous le trouvez nul ? Est-ce qu’il
devrait garder ça pour lui plutôt que de se confier à vous ? Pourquoi ?
• En faisant cela, il vous propose une place spéciale. On ne partage pas ses émotions avec
n’importe qui. Une relation de confiance particulière entre vous deux se créé grâce à cette
demande. Qu’en pensez-vous ?
• Comment vous sentiriez-vous si un proche venait à se confier ainsi ?
• C’est intéressant ce que vous pouvez nommer de votre ressenti dans cette place. Pensez-
vous pouvoir faire ce cadeau à un proche à votre tour ?

3. Trousse à outils
Chacun de ces outils présentés ci-dessous peut être utilisé singulièrement.
Néanmoins, de par leur complémentarité, nous avons choisi de vous les
proposer dans un ordre logique de passation.

Le soutien social 183


3.1. L’inventaire des besoins et des ressources
Nous abordons la nécessité de diversifier les appuis ressources. Selon nos
besoins, nous ne ferons pas appel aux mêmes intervenants autour de nous. Par
ailleurs, au sein de ce même besoin, chacun agira avec ce qu’il est et n’appor-
tera pas un accompagnement « standard ». Pour comprendre les éléments exis-
tants et ceux à travailler, vous pouvez interroger la perception de ce soutien
social en échange libre ou à l’aide de ce questionnaire de soutien social perçu
(adapté au besoin en addictologie avec la colonne « membres association » à
la place de « collègues ») :

Ces derniers mois, y a-t-il eu dans votre entourage des personnes qui, lorsque vous
en avez besoin :
1/ vous ont réconforté Membres association/ Professionnels
Famille Amis
(e) et écouté (e) : collègues de la santé
Combien ?
En êtes-vous satisfait ?
de 1 (pas du tout)
à 5 (tout à fait)

2/ Se sont occupées
Membres association/ Professionnels
de vous et vous ont Famille Amis
collègues de la santé
aidé(e) matériellement ?
Combien ?
En êtes-vous satisfait ?

3/ vous ont donné


des conseils, Membres association/ Professionnels
Famille Amis
des informations, collègues de la santé
des suggestions ?
Combien ?
En êtes-vous satisfait ?

4/ Vous ont redonné


Membres association/ Professionnels
confiance en Famille Amis
collègues de la santé
vous-même ?
Combien ?
En êtes-vous
satisfait ?

184 Addictions : prévenir la rechute


Questionnaire 1 : QSSP (Bruchon-Schweitzer, 2002)
Trois groupes se constituent ainsi :
• Les professionnels du sanitaire et social avec les contraintes liés aux
roulements et aux horaires.
• Les personnes de l’entourage avec qui un briefing est nécessaire (com-
ment m’aider, mes attentes, mes difficultés à parler, les engagements).
• Les personnes des associations d’entraide ou encore des plateformes vir-
tuelles (SOS alcool par exemple) où leur témoignage et la projection
positive, leur détachement affectif (a contrario de l’entourage proche),
leur disponibilité (au-delà du soignant) aussi représentent souvent un
soutien complémentaire.

Téléchargez le « Questionnaire de Soutien Social Perçu adapté à la PR ».

3.2. Diagramme en toile d’araignée


Pour mieux saisir l’évolution à donner à ce soutien perçu, un diagramme en
toile d’araignée peut être proposé. Le patient nomme ses ressources parmi :
collègues, amis, associations, famille, professionnels de santé, autres.
Ex. : ma sœur XX, XX mon parrain aux AA, mon ami XX, le groupe
d’échange sur Internet XX, mon binôme XX au travail, mon médecin traitant.
1. Il note sur une toile d’araignée son niveau de satisfaction dans chaque
élément sur une échelle allant de 0 (peu fonctionnel) à 10 (très
fonctionnel).
2. Il relie les points pour avoir une idée plus visible des soutiens perçus.
3. À partir de là, le questionnement va sur le repérage des points forts et
solides de ceux qui restent à développer.

– Quels sont les soutiens qui vous semblent solides ?


– Lesquels souhaiteriez-vous davantage travailler ? Comment ?
– Lesquels ne vous semblent pas pertinents à approfondir ? Pourquoi ?

Le soutien social 185


Évaluation que je fais de l’aide possible
0 = peu fonctionnel
10 = très fonctionnel
Amis
10
8
Autres : 6 Conjoint
ma voisine 4
2
0
Évaluation que je fais
de l’aide possible
Professionnels Association 0 = peu fonctionnel
de santé d’entraide 10 = très fonctionnel

Collègues
de travail

Figure 14. Diagramme de visualisation du soutien perçu actuel

3.3. Le jeu de rôle


Ce jeu de rôle présente le contexte dans lequel peut survenir le besoin de res-
source externe et amorcer un début d’aide par l’entourage.
1. Nous partons des éléments donnés « à risque » par une (des) personnes
du groupe et partageons les rôles. Des idées de situations peuvent être
données au besoin.

Quelques vignettes

– Vignette 1 : Vous êtes à un barbecue entre voisins, il fait beau, et l’ambiance est bonne.
Tout autour de vous, le vin et la bière sont fortement consommés par les autres et cela
vous donne envie.
– Vignette 2 : Ce matin, vous êtes seul à votre domicile et vous n’avez pas d’activité
prévue pour la journée, des factures et des documents administratifs sont à ouvrir qui
génèrent une « boule au ventre » et une envie de manger (crise de boulimie).

2. Le thérapeute donne en aparté les détails du rôle pour chacun. Il leur


propose un temps de concertation bref entre eux sur la situation à
mener et de se lancer dès qu’ils sont prêts.
3. Les protagonistes réalisent la mise en situation de demande d’aide.
4. Le thérapeute marque la fin du jeu de rôle en valorisant l’implication de
chacun et propose un échange sur ce qui s’est déroulé.

186 Addictions : prévenir la rechute


Discussion
• Imaginons que je n’ai pas vu ce qui s’est passé, comment pouvez-vous expliquer
la situation ?
• Que pouvez-vous expliquer de votre rôle ? du rôle de X ?
• Comment vous êtes-vous senti à ce moment de l’action ?
• Qu’avez-vous pensé à ce moment de l’action ?
• Qu’est-ce qui a déterminé votre choix de prendre votre téléphone pour contacter M.X ?
• Qu’est-ce qui a déterminé votre choix de l’aider de cette manière ?
• Nous avons pu observer votre main faire ceci (mimer le geste barrière) à ce moment
du jeu de rôle. Au-delà des mots, nous utilisons d’autres manières de nous exprimer,
pour vous qu’est-ce que ce geste veut dire ?
• Comment vous sentiez-vous une fois en lien avec l’autre, la demande d’aide exprimée ?
• Si nous transposions en contexte réel, quelles modifications feriez-vous ?
• Que pourrions–nous envisager différemment pour accompagner au mieux dans
ce contexte ? (Refaire ?)

5. Reprendre le besoin d’accompagnement de chacun.

Discussion
• Si vous pouviez faire appel à une personne dans cette situation, à qui pensez-vous
de manière plus personnelle ? (poursuivre uniquement s’il ne s’agit pas d’un
professionnel soignant)
• Comment imaginez-vous que cette personne réagirait dans ce contexte ?
• Qu’est-ce qui, avec l’autre, vous aiderait à passer ce cap ? Qu’attendez-vous d’elle ?
Pensez-vous que cette personne pourrait vous accompagner de cette manière ? C’est
important de pouvoir mettre des mots sur son besoin comme nous venons de le
faire aujourd’hui.
• Est-ce que votre « personne ressource » sait ce qui vous aiderait tel que vous nous
l’avez partagé ?
• Suite à notre atelier, est-ce possible selon vous de prendre contact avec elle pour
échanger sur ce point ? Nous avons pu constater en effet qu’une demande d’aide
qui n’est pas adaptée, crée un malaise dans la relation affective. Communiquer,
préparer l’autre, le former en amont évite ces désagréments et maintient une relation
positive pour la suite.

Exemple de mise en situation

• Patient : X, si je ne vais pas bien, accepterais-tu que je t’appelle ?


• Ami X : Bien sûr, tu peux m’appeler sans souci.
• Patient : En fait, je ne suis pas sûr de pouvoir te le dire si ça ne va pas mais tu es important
pour moi, j’ai confiance en toi. J’ai besoin que tu valorises mes efforts et que tu me
pousses à sortir de chez moi ou que tu me proposes de te rejoindre si c’est possible.
• Ami X : Entendu, je te sortirai de tes quatre murs mon ami !

Le soutien social 187


• À quel moment cela sera possible selon vous ? jour ? téléphone ou
présentiel ? (faire concrétiser la démarche).
Cet exercice est parfaitement adaptable, où la personne nommée « res-
source » par le malade est invitée à participer. La mise en situation se joue alors
entre les deux amis/couple/membres de la famille. Il est également possible de
le travailler en individuel où le thérapeute joue le rôle de l’ami.

3.4. La carte des personnes ressources


Cet exercice peut être proposé en fin de séance. À l’instar des cartes ICE
(In Case of Emergency) utilisées pour renseigner les secours, beaucoup de
centres de soins proposent ce type d’outil afin de recenser les noms et numé-
ros des personnes ressources. Elle est préconisée lorsqu’un craving survient et
qu’il est difficile de se mobiliser cognitivement pour trouver une alternative au
comportement d’addiction. La consultation de cette carte permet de retrouver
ce dont le patient a besoin pour se remobiliser. À l’heure du numérique, cette
carte est aussi adaptée au sein de certaines applications mobiles. Il est possible
d’y ajouter des éléments de motivation comme ceux-ci :
• Maintenant, j’apprécie d’être plus dynamique, plus lucide.
• Je garde le cap pour ma santé et ma fille XX.

Téléchargez la « Carte des personnes ressources » destinée au patient.

3.5. Les annuaires des associations d’entraide


Il n’existe pas sur le territoire français de sites ou d’ouvrages recensant les diffé-
rents mouvements d’entraide pour personnes dépendantes. Nous proposons de
créer le vôtre avec les informations données sur le plan local à l’aide des registres
des services municipaux et des sites internet des principales associations suggérées.
Cela permettra de proposer sa consultation tout au long de cette séance et
particulièrement pour l’élaboration de la carte d’urgence.

Les groupes d’entraide sur les réseaux sociaux


Ils ont pris leur essor en 2020 avec la Pandémie du Covid-19. Face à la souffrance
de l’isolement, cette alternative virtuelle fut salvatrice pour bon nombre de personnes
en besoin de maintien de leur soin. Plus simple à entreprendre qu’une association de
loi 1901, ils permettent le recueil de témoignages et l’accompagnement de ses membres
en toute discrétion. Offrant plus de régularité dans les contacts, avec des personnes
disponibles sur des horaires larges, détachées pour la plupart de toute appartenance
aux associations d’entraide, cet outil séduit de plus en plus d’usagers. Il est régi par
l’entraide communautaire et la bienveillance grâce à ses modérateurs.

188 Addictions : prévenir la rechute


Ainsi, certains groupes spécifiques, comme celui des femmes, ont pu trouver dans cette
formule un accueil adapté aux contraintes du quotidien (horaires familiaux et/ou travail,
difficultés de déplacement, pression sociale, etc.).

Téléchargez l’annuaire sur notre site.

3.6. Conseils à l’entourage


Ces éléments peuvent être transmis aux personnes du cercle familial ou amical
pour lesquelles un chemin reste encore à parcourir dans le soin de leur proche.

FAIRE CONFIANCE. Pour « aider » une personne dépendante, gardez en tête qu’il faut
« accompagner » et non « faire à la place de ». Toutes les solutions que vous trouverez
pour lui ne feront qu’accentuer l’idée qu’il ne peut avoir la capacité pour s’en sortir.
Par ailleurs, au vu des multiples efforts que vous fournirez, la personne en viendra de plus
en plus à agir en cachette ce qui augmentera vos conflits. De même pour ce qu’on nomme
le chantage dit de protection comme par exemple : « Pour accéder à ma confiance, tu me
confies ton argent et tes tickets de caisse ». Une personne dépendante qui a besoin de sa
« dose » trouvera un moyen et commencera à vous mentir si l’enjeu relationnel est fort.
GÉRER SES INTERPRÉTATIONS. Garder en tête qu’il s’agit d’une maladie chronique. Rien
n’est question uniquement de force de caractère, de volonté, de vice, de vengeance, etc.
Loin de l’idée de le conforter dans ses comportements délétères, il est important d’observer
votre discours et attitude afin de maintenir un respect, sans jugement de valeur ou
interprétation personnelle (« il l’a fait contre moi »). Au quotidien, prêtez attention à vos
doutes exprimés et à vos comportements de surveillance (à regarder les yeux ou sentir
les odeurs, vérifier son emploi du temps). Si vous ne savez pas quoi faire dans une situation
ou craignez la maladresse, tentez au maximum d’éclaircir calmement ce point en direct
avec la personne en proie avec l’addiction (en demandant comment faire lors d’un repas
avec la personne abstinente à l’alcool pour le choix de boisson, ou proposer d’enlever les
portables à table pour la personne en difficulté avec les écrans et les jeux).
NE PAS SURPROTÉGER. Pour autant, ne pas excuser ou dissimuler la problématique à
l’entourage, par protection ou honte, cela ne servira qu’à nier les problèmes, le maintenir
dans l’illusion du « je gère bien mes consommations, aucune conséquence » et au statu
quo dans la maladie. Laissez-le régler les écueils et expliquer les faits, il est nécessaire
pour lui de prendre ses responsabilités.
PARLER ENSEMBLE. La gestion des émotions peut être compliquée sans le produit. Cela
ne veut pas dire que vous devez aseptiser votre quotidien de vos ressentis et éviter tout
conflit mais peut être trouver un moyen pour que les sujets sensibles soient abordés
régulièrement et sereinement.
On ne les occulte pas, on ne cumule pas !

Le soutien social 189


Préférez un temps préparé pour cela où vous abordez ce qui ne va pas pour vous dans la
relation plutôt que d’évoquer ce qui vous semble à l’origine de ce malaise. La personne
dépendante pourrait le vivre comme un reproche et se fermerait à tout changement. De
plus, prenez un départ en « JE » plutôt que « TU » par exemple « je me fais du souci
pour… », « je ne sais pas quoi faire par rapport à… », « je pense beaucoup depuis… et
cela m’est désagréable de… », « je me sens mal et je souhaiterais en parler avec toi »,
et enfin rebondissez en posant des questions plutôt qu’accuser (et condamner). De même,
évitez les vieux dossiers redondants qui ont plus un effet démotivant que constructif.
PRENDRE PATIENCE. Un échange calme est l’idéal pour avancer dans le changement. La
honte ou la colère ne se contrôlent pas toujours et peuvent amener le malade à un
comportement agressif ou du repli. Dans tous les cas, il s’agit bien souvent d’une réaction
de protection. Face à cela, arrêtez la conversation, dites qu’il faut reprendre cet échange
une prochaine fois et éloignez-vous physiquement afin d’abaisser la tension. Ce qui s’est
passé n’est jamais en vain et la construction prend du temps.
ACCUEILLIR LA RECHUTE. N’oubliez pas que dans la maladie, la reprise des comportements
de dépendance est une possibilité. Une ou deux ou six semaines de soin ne suffisent pas
à éradiquer une problématique présente depuis plusieurs années. La rechute fait partie
du processus et mieux elle est accueillie et prise en charge, plus vite elle sera derrière
vous.
SAVOIR PRENDRE SOIN DE SOI. Vous êtes accompagnant mais vous n’êtes ni la cause ou
le traitement dans cette maladie. Vous n’êtes pas non plus son thérapeute donc ne
cherchez pas à faire tout le soin seul. De même que l’arrêt des produits ne fait pas l’arrêt
des problèmes, préservez -vous au possible et n’hésitez pas à faire appel à un professionnel
de santé ou un groupe d’entraide pour vous accompagner dans ce long chemin.

Téléchargez la fiche destinée au patient « Conseils à l’entourage ».

4. Difficultés rencontrées
– Le patient ne trouve personne à nommer comme soutien autour de lui.
Il arrive qu’une personne ne parvienne pas à nommer un soutien tangible autour
d’elle. Bien souvent, un lien est à faire avec une problématique de l’humeur
sous-jacente qu’il faudra explorer et travailler en parallèle. La dépendance
peut aussi l’avoir isolée avec le temps de par la honte qu’elle génère ; les liens
distendus ne prennent plus de sens aujourd’hui pour le patient. Pour la per-
sonne, sur ce temps d’atelier, il s’agit de s’appuyer en premier lieu sur le soutien
des professionnels de santé et les numéros 24h/24 de bénévoles afin de rompre
avec une solitude (par exemple un rendez-vous avec médecin pour sortir de
chez lui ; un appel à un bénévole un soir de ruminations dépressives). Il lui sera

190 Addictions : prévenir la rechute


alors conseillé également de découvrir les associations d’entraide, ainsi que des
activités loisirs pour recréer un environnement social.

– Le patient échange son numéro de téléphone en atelier avec les autres,


leur proposant ainsi de s’entraider.
En groupe, ces ateliers créent une certaine intimité de par les éléments de soi
partagés. Les individus ont cette impression de bien se connaître, de cheminer
ensemble vers le même objectif et une complicité peut apparaître. Le théra-
peute peut observer un échange de numéro entre deux patients dans l’objectif
de se soutenir en cas de craving, d’écart ou de rechute. Il est important d’inter-
venir à ce moment-là, non pas pour interdire ce type de partage, mais pour
mettre en garde chacun sur les enjeux par la suite sur leur soin. Le soignant
laisse toute autonomie sur les choix de chacun dans l’élaboration de sa liste
de personnes de confiance mais il peut aborder une réflexion sous la forme de
retour d’expériences.
1 – Un patient qui a consommé de l’alcool, en contactant un autre encore fragile
dans son soin, peut ramener à ce dernier des ruminations et générer un craving.
Là où la personne se sentait bien, elle peut désormais avoir des difficultés à tenir
l’abstinence en effet miroir avec le patient qui l’a contactée.
2 – Et parce que les années d’abstinence ne suffisent pas à protéger de l’écart,
dans les associations d’entraide, les bénévoles se déplacent souvent à deux pour éviter
ce type de risque de rechute. Aider est gratifiant mais il est important de penser à soi
et ses fragilités.

– Le patient n’est pas adapté en contexte social.


Dans tous les types d’addictions, les déficits d’habiletés sociales sont fréquents.
De plus, certaines comorbidités psychiatriques vont également favoriser une
inadaptation sociale comme l’anxiété sociale ou encore le trouble de la person-
nalité paranoïaque. La thérapie d’affirmation de soi sera alors recommandée
en parallèle pour tenter d’augmenter les habiletés sociales du patient. Parfois,
comme dans le cas des troubles de la personnalité paranoïaque, le groupe sera
contre-indiqué et l’on préconisera un travail adapté à la pathologie.

Le soutien social 191


SÉANCE 5
S’affirmer
« Il vaut mieux être détesté pour ce que tu es,
plutôt que d’être aimé pour ce que tu n’es pas. »
Kurt Cobain

Séance 5 : S’affirmer
Objectif de la séance
Savoir s’affirmer dans de nouvelles situations lors de son rétablissement
Plan de la séance
L’affirmation de soi
Psychoéducation (Le comportement assertif et les autres (I/G), La communication non
verbale et paraverbale (I/G), Des situations à risque de rechute (I/G))
Trousse à outils (Quelques techniques (I/G), Le jeu de rôle (I/G), Les principales compé-
tences en affirmation de soi (I/G))
Difficultés rencontrées
Fiches téléchargeables
Le comportement assertif et les autres
Des conseils pour être plus affirmé dans sa communication verbale et non verbale
Quelques techniques utiles pour vous aider à développer votre affirmation de soi
Formuler un refus
Recevoir une critique ou accepter une demande de changement de comportement

1. L’affirmation de soi
Alberti et Emmons (1970) ont bien résumé ce qu’est le comportement asser-
tif, qui est celui « qui permet à une personne d’agir dans son propre intérêt,
de se défendre sans anxiété excessive, d’exprimer ses droits sans nier les droits
des autres ». Ainsi, lorsque nous nous affirmons davantage, nous laissons tom-
ber le masque et montrons notre véritable personnalité. L’une des principales
raisons pour lesquelles les gens ont du mal à s’affirmer est qu’ils ont une faible
estime d’eux-mêmes. Ils n’expriment pas leurs pensées, leurs émotions et leurs

S’affirmer 193
besoins par peur d’être rejetés, ou ont peur que les gens ne les aiment plus
s’ils n’aident pas à faire ce qu’on leur demande. L’individu a plus de chance
d’obtenir ainsi un feed-back positif à la fois interne et externe grâce à des
réponses assertives appropriées. Le comportement affirmé ou assertif est un
mode de communication avec autrui et l’acquérir fait l’objet d’une thérapie
qui vise à ce que chacun puisse exprimer le plus clairement et précisément ce
qu’il pense, veut et ressent tout en respectant ce que son interlocuteur pense,
veut et ressent. Les études portant sur l’importance du travail des habiletés
sociales auprès de personnes dépendantes sont apparues dès les années 1970
(Van Hasselt et al., 1978). De nos jours, cela fait partie intégrante de quasi-
ment tous les soins. Le manque d’affirmation de soi est reconnu comme un
élément essentiel des « troubles d’anxiété, de dépression et d’alcoolisme/de
toxicomanie » (Speed et al., 2018).
La thérapie d’affirmation de soi peut se pratiquer tout au long de la vie
et se débute quand le patient comprend l’intérêt qu’il peut y trouver pour
lui. En effet, s’exprimer clairement, oser dire ce qui est important pour soi
ne se fait pas de façon innée. Ces compétences sociales s’apprennent et s’en-
traînent, s’ajustent au gré des situations rencontrées et elles s’éduquent et se
rééduquent. Cette thérapie de l’affirmation de soi prend en compte les blo-
cages cognitifs qui mettent à mal le processus du « parler vrai et juste » et
aide à formuler des paroles pesées mais conformes à ce que la personne qui les
exprime pense et ressent. Parfois, il est appris dans l’enfance à se taire (« les
enfants, ça ne parle pas à table ») ou au contraire à se montrer cassant pour
tenter de dominer son interlocuteur ou bien encore à s’exprimer mais pas
pour exposer ce qui tient à cœur ou pas de manière adaptée à la force de ce
qui est vécu.

2. Psychoéducation
Le patient a décidé de changer son comportement par rapport à ses addictions
mais les autres ne le savent pas d’emblée ou pas encore, ou bien même ne
veulent pas le savoir ou de toute façon, n’y sont pas accoutumés. Il devient
donc nécessaire de les informer de ce souhait, de ce nouveau positionnement,
des besoins qui sont désormais les siens, de la manière la plus claire et précise
possible. En d’autres termes, le patient va s’entraîner à acquérir un comporte-
ment de communication toujours plus assertif. De plus, une communication
assertive peut aider le patient à minimiser l’apparition de situations à risques
et peut l’aider à solutionner des situations à risques.

194 Addictions : prévenir la rechute


2.1. Le comportement assertif et les autres
Un comportement assertif se distingue de cinq autres manières de communiquer :
– le comportement agressif : la personne va s’exprimer en imposant ses
émotions, ses pensées et ses opinions au détriment de celles des autres.
Ce comportement peut impliquer une communication exigeante, voire
hostile avec les autres. Le comportement agressif ne respecte pas les
droits et émotions des autres et tente généralement d’obtenir ce qui est
souhaité par la coercition ou l’intimidation. L’agressivité réussit par la
force pure, se créant des ennemis et des conflits au passage. Elle met
souvent les autres sur la défensive, les amenant à se retirer ou à se
défendre plutôt qu’à coopérer.
– le comportement passif : consiste à céder aux préférences de quelqu’un
d’autre tout en négligeant ses propres droits et besoins. Les émotions
et les besoins ne sont pas exprimés. Le résultat est que l’interlocuteur
reste ignorant des émotions ou des désirs (et il ne peut donc pas être
blâmé pour ne pas y répondre). Le comportement de passivité peut
induire également le fait de se sentir coupable – ou d’avoir l’impression
de s’imposer – lorsque la personne tente de demander ce qu’elle sou-
haite. Certaines personnes sont passives parce qu’elles cherchent trop
à être « gentilles » ou à « plaire » à tout le monde.
– le comportement passif-agressif : Au lieu d’être ouvertement agressives,
beaucoup de personnes vont avoir un comportement passif-agressif. Au
lieu d’affronter ouvertement un problème, les émotions de colère et
d’agressivité sont exprimées de manière cachée par la résistance passive.
Par exemple, le fait d’être en colère contre son patron qui entraîne un
perpétuel retard au travail, à la place de demander ou de faire quelque
chose pour obtenir ce qui est souhaité vraiment. Le comportement
passif-agressif obtient rarement ce qui est voulu car le message n’est pas
passé. Parfois, il se produit un effet « cocotte-minute » : les émotions et
besoins ne sont pas exprimés, les problèmes ne sont donc pas résolus :
le mal-être augmente et la personne va finir par « exploser » et dire les
choses de manière agressive, parfois en s’en prenant à l’autre qui n’a pas
deviné ses besoins. Ce comportement a tendance à mettre les autres en
colère, à les déconcerter et à leur inspirer du ressentiment.
– le comportement manipulateur : est un comportement agressif « déguisé ».
Le manipulateur utilise des moyens détournés non explicites pour parvenir
à ses fins. Le comportement manipulateur va tenter d’obtenir ce qui est
souhaité en faisant en sorte que les autres se sentent désolés ou coupables
à son égard. Au lieu d’assumer la responsabilité, les personnes adoptant un
comportement manipulateur peuvent jouer le rôle de victime ou de mar-
tyr dans le but d’amener les autres à prendre soin d’elles. Lorsque cela ne

S’affirmer 195
fonctionne pas, elles peuvent se mettre ouvertement en colère ou feindre
l’indifférence. La manipulation ne fonctionne que si les personnes visées
ne se rendent pas compte de ce qui se passe. La personne manipulée peut
se sentir confuse jusqu’à ce moment-là ; ensuite, elle se met en colère et
éprouve du ressentiment envers le manipulateur.
– le comportement assertif consiste à communiquer ses émotions et ses
besoins de manière honnête et directe tout en maintenant le respect et
la considération pour les autres. Il s’agit de se défendre et défendre ses
droits sans s’excuser ni se sentir coupable. Essentiellement, l’affirma-
tion de soi consiste à prendre la responsabilité de satisfaire ses propres
besoins tout en préservant la dignité des autres. Les autres respectent
le comportement assertif pour son honnêteté et sa franchise. Au lieu
d’exiger ou de commander, une déclaration assertive formule une
demande simple et directe, telle que « J’aimerais vraiment… ».

Téléchargez la fiche récapitulative « Le comportement assertif et les autres »


à destination du patient.

2.2. La communication non verbale et paraverbale

Des conseils pour être plus affirmé dans sa communication verbale et


non verbale2 (Alberti & Emmons, 1990)

– Contact oculaire : Assurez-vous que la personne ressente qu’elle est plus intéressante
que ce qui se trouve sur le sol, c’est à dire regardez la personne la plupart du temps.
Mais ne fixez pas les gens 100 % du temps.
– Posture corporelle : Essayez de faire face à la personne. Tenez-vous bien droit ou assis.
Tentez de ne pas être une planche rigide ou toute molle.
– Distance physique : Si vous sentez l’haleine de l’autre personne, vous êtes probablement
trop près. Gardez une distance confortable, généralement l’équivalent d’un bras tendu.
– Gestuelle : Utilisez les gestes de la main pour appuyer ce que vous dites, mais n’oubliez
pas que vous ne dirigez pas un orchestre.
– Expression du visage : Votre visage doit correspondre à votre émotion et à ce que vous
dites. Ne riez pas lorsque vous êtes contrarié et ne froncez pas les sourcils lorsque vous
êtes heureux. Un visage détendu et agréable est préférable lorsque vous êtes heureux.
Un visage tendu et sérieux est préférable lorsque vous êtes contrarié.
– Ton de la voix, articulation et volume : Lorsque vous émettez un message assertif,
vous voulez être entendu. Pour être entendu, vous devez faire attention au ton de votre

2. Librement inspiré de Alberti, R.E. & Emmons, K.L. (1982). Your Perfect Right :
A guide to assertive living. San Luis Obispo, CA : Impact.

196 Addictions : prévenir la rechute


voix (adapté à votre émotion), à l’articulation (bonne prononciation de syllabes) et au
volume de votre voix (être audible).
– Fluence : Il est important de sortir ses mots de manière efficace. Si une personne
bafouille ou divague, l’auditeur s’ennuie.
– Temps : Lorsque vous exprimez des émotions négatives ou que vous demandez quelque
chose à quelqu’un, ceci est particulièrement important. Sept jours plus tard, c’est peut-
être trop long mais le faire sur le moment devant d’autres personnes n’est peut-être
pas le bon moment non plus. Faites-le dès que les deux parties peuvent trouver le
temps de discuter du problème seules.
– Écouter : Une partie importante de l’affirmation de soi. Si vous faites des déclarations
qui expriment vos émotions sans empiéter sur les droits des autres, vous devez donner
à l’autre personne une chance de répondre.

Retrouvez cette fiche en téléchargement sur notre site.

2.3. Des situations à risque de rechute


De nombreuses situations vont demander au patient de poser fermement et
respectueusement son avis et de répondre à ce que l’interlocuteur pourra lui
dire. Plus le patient va les connaître, plus il peut se préparer à les éviter ou
à y faire face. À nous, thérapeutes de les aider à se préparer, à anticiper ces
situations qu’ils ne manqueront pas de rencontrer, à toutes ces premières fois,
souvent renouvelées, après des rechutes. À quelles situations de communi-
cation en lien avec leurs addictions les patients ont-ils déjà été confrontés ?
En imaginent-ils d’autres qui risquent fort d’arriver ?

Situations qui nécessitent d’anticiper la manière de communiquer


pour diminuer toujours davantage les risques de rechute
• Refuser de prendre la consommation ou de réaliser le comportement d’addiction
Exemple : « Refuser de tirer une latte sur un joint qui tourne. »
• Maintenir un refus quand l’interlocuteur devient insistant ou même très insistant
Exemples : « Oh ! Un petit verre, ça ne va pas te faire de mal. », « Un petit whisky ? un
petit porto ? un petit rosé ? Un peu de cidre ? Quand même, c’est pas ça qui va te rendre
saoul. »
• Répondre au rejet d’autrui, aux phrases qui blessent, aux insultes
Exemple : « Je ne paie pas de coca, que des demis. »
• Répondre aux doutes que l’entourage ne manquera pas de ressentir à un moment
ou à un autre
Exemple : « Je te trouve fatigué. N’aurais-tu pas pris du cannabis ? »

S’affirmer 197
• Faire éclaircir les doutes sur l’existence ou le dépassement (par rapport aux limites
que le patient s’est fixées) d’une consommation ou un comportement d’addiction
Exemples : « Tu n’as pas l’air en forme aujourd’hui, tu es sûr que ça va ? »… peut sous-
entendre : « Tu n’aurais pas consommé d’alcool au bar, par hasard car je te trouve
bizarre ? » ; « Tu en as mis du temps pour aller au bureau de tabac ? »… peut sous-
entendre : « Tu n’aurais pas joué aux jeux à gratter ? ». Dans ce cas, le patient devra
apprendre à faire que son entourage s’exprime plus clairement et ose mettre en mots
ce qu’il pense vraiment, et ce, de manière complète.
Exemples : « Que veux-tu dire par là ? À quoi remarques-tu que je suis fatigué ? Penses-tu
que j’ai fumé un joint ? Je souhaite que tu me dises ce que tu penses vraiment. »
• Répondre aux moqueries
Exemple : « Toi, tu ne prends plus de coke… laisse-moi rire ! »
• Répondre aux reproches qui portent sur les conséquences négatives vécues par
autrui à cause des comportements addictifs
Exemple : « Avec tout l’argent que tu as dépensé à acheter tes disques, nous sommes
endettés ; c’est de ta faute. »
• Répondre aux compliments… ce qui peut être inhabituel et difficile pour le patient
Exemple : « Je trouve que tu as bonne mine aujourd’hui. »
• Stopper une conversation déplaisante et stérile
Exemple : « Je vais te laisser, à la prochaine. »
• Quitter une situation à risque et le dire
Exemple : « Je rentre à la maison ; me promener dans les magasins me donne trop envie
d’acheter et je me sens très mal à l’aise. »

En individuel ou en groupe, il est nécessaire que le patient repère les situa-


tions de communication qui le mettent à mal et s’entraîne à y répondre avec
un comportement verbal et paraverbal efficient, avec le thérapeute ou/et
d’autres patients.

3. Trousse à outils
3.1. Quelques techniques
Pour débuter avec ces techniques, il s’agira dans un premier temps de ne pas
chercher au début à obtenir un résultat, mais avoir comme objectif de se sen-
tir mieux en posant sa parole. Par exemple, ce n’est pas parce que vous faites
une demande que l’autre est obligé d’y accéder. En fonction des situations,
les différentes techniques décrites ci-dessous peuvent être utilisées :

198 Addictions : prévenir la rechute


Quelques techniques utiles pour vous aider
à développer votre affirmation de soi :
• Le disque rayé : Le contenu du message que nous donnons doit rester identique
malgré les tentatives diverses de notre interlocuteur pour nous faire changer d’avis
(séduction, culpabilisation, menaces…). Par exemple : « Oui, je sais, mais comme je
viens juste de dire », ou encore de répéter « non, je ne peux pas. »
• Revenir au thème : Si nous croyons avoir dévié du thème qui est important pour
nous, ramenons la conversation vers celui-ci. Par exemple : « Nous avons dévié du sujet
de notre conversation, qui est… Discutons d’abord de cela si tu veux bien. »
• Expression des émotions : Essayons d’exprimer nos émotions en particulier lorsque
nous sommes tendus, lorsque nous sentons qu’elles montent. Par exemple : « Vous
êtes en colère et moi aussi je suis fâché. Parlons de cela plus tard. »
• Couper le son : Si nous ne sommes pas capables de résoudre la situation conflictuelle,
laissons la personne parler sans intervenir.
• Révélation de soi : Révélons quelques éléments de soi dans une conversation afin
que cette discussion se maintienne.
• Montrer de l’empathie : Montrons que nous tenons compte de comment l’autre
personne se sent. Par exemple : « Je comprends que cela puisse te mettre en colère,
essayons de discuter. »
• Enquêter : Il s’agit de demander afin de clarifier. Par exemple : « Je constate que vous
êtes chagriné. Est-ce dû à quelque chose que j’ai fait ? »
• Le brouillard : Tenons notre position face à des reproches ou de l’agressivité tout
en ne présentant pas de résistance apparente. Il s’agit d’ajuster nos réponses au
discours de notre interlocuteur. Par exemple : « C’est possible, sans doute, c’est vrai, c’est
exact, c’est probable, tu as raison, je n’en doute pas, j’en suis certain, c’est ton avis, c’est ce
que tu penses, c’est ton point de vue. »
• Écoute active : Reformulons ce que nous comprenons du discours de l’autre sans
juger. Ceci permet d’éviter les conflits et de laisser à l’autre la responsabilité de
trouver ou proposer des solutions à ses problèmes et de préciser le cadre exact
de l’objet de la discussion. Par exemple : « Si j’ai bien compris ce que tu m’as dit »
+ reformulation.
• Pas de justification : Le risque de donner trop de raisons ou d’excuses est de
diminuer la clarté du message et de « donner le bâton pour se faire battre ».
• Reconnaître ses torts : Admettre ses propres erreurs évite de rentrer dans le « qui
a raison ? qui a tort ? ». Créons ainsi les bases d’une relation équilibrée. Par exemple :
« Tu as raison, je suis en retard, je m’excuse. »
• Utiliser le Je : Parlons en notre nom, exprimons nos émotions et nos besoins, qui
sont propres à chacun et légitimes.

Retrouvez cette fiche en téléchargement.

S’affirmer 199
3.2. Le jeu de rôle
L’un des avantages aux jeux de rôles identifiés par Mucchielli (1983) est que
selon les estimations, une personne retient 20 % de ce qu’elle entend, mais
90 % de ce qu’elle fait. Les jeux de rôle sont donc particulièrement utiles pour
s’entraîner et améliorer son affirmation de soi. Ceux-ci peuvent être mis en
œuvre autant en individuel entre le thérapeute et le patient qu’en groupe.

Les étapes d’un jeu de rôle


– Définition de la situation-problème
– Choix des participants
– Premier essai
– Feed-back sur le premier essai
– Mise au point des variantes
– Deuxième essai avec les variantes
– Feed-back sur le deuxième essai
– Nouvel essai avec variantes…
– Transposition in vivo

Au premier jeu de rôle, l’anxiété sera évaluée à l’aide d’une simple échelle
subjective (de 0 à 10 par exemple) avant et après le jeu de rôle afin d’aider l’ex-
pression des émotions et pour évaluer l’effet de l’exposition. Le thérapeute et
le groupe soulignent alors, à chaque essai, les éléments efficaces employés par
le patient. Le thérapeute propose ensuite de rejouer la situation en améliorant
un élément, cela jusqu’à ce que le patient se sente à l’aise (aussi bien avec les
mots qu’il emploie que dans son comportement paraverbal). Le patient doit
pouvoir alors envisager de s’exposer in vivo dans la situation qu’il a préparée
et travaillée.

C’est quoi l’exposition graduée ?


« Je m’entraîne d’abord sur les situations les moins anxiogènes et les moins compliquées
avec les personnes avec qui j’ai le moins de peur ».
Le principe est de progresser petit à petit, sans mise en échec. Une liste hiérarchisée
est préparée en amont en évaluant et en classant les situations selon leur niveau
de difficulté estimé. Cette liste définira l’ordre des exercices d’apprentissage.
Une progression trop rapide pourrait décourager la personne, abaisser son sentiment
d’efficacité personnelle et aggraver son problème.

200 Addictions : prévenir la rechute


3.3. Les principales compétences en affirmation de soi
Les principales compétences d’affirmation de soi pour ce type de situations
dangereuses restent préférentiellement celles qui permettent d’éclaircir le mes-
sage de son interlocuteur, de répondre à une remarque que le patient peut
trouver judicieuse ou non et formuler un refus.

Comment recevoir une critique ?


– Écoutez l’autre ; restez calme, silencieux jusqu’à la fin de son intervention, attentif et
regardez l’autre dans les yeux sans le fixer pour autant.
– Reformulez le contenu du message de l’autre pour vérifier que vous avez correctement
compris ce qu’il vous a dit. Posez des questions pour faire préciser ce qui ne vous
semble pas clair.
– Évitez d’avoir l’air amusé, découragé ou enragé par cette critique. Soyez attentif aux
expressions de votre visage et à vos gestes. Évitez de minimiser, de dramatiser ou
ridiculiser ce que l’autre a exprimé, peut être avec difficulté car formuler une critique
ne s’avère pas toujours aisé non plus !
– Déterminez si la critique qui vous est adressée vous paraît juste, erronée ou trop
vague.
N.B. : Avant de rejeter la critique en la jugeant erronée, essayez toujours de déterminer
la parcelle de vérité qu’il peut y avoir dans chaque critique… ce qui demande, parfois,
du temps et nécessite de revenir échanger avec l’autre ultérieurement : « Au fait,
à propos de la remarque que tu m’as faite, hier, sur ce comportement que j’ai, je voulais te
dire que je comprends ce que tu as voulu dire et que c’est vrai, parfois, je… »

Téléchargez la fiche « Recevoir une critique ou accepter une demande


de changement de comportement » destinée aux patients.

Comment dire non ?


– Dire précisément à quoi je dis non
« Non, je ne prendrai pas de demi. »
– Petit mot qui prend en compte la déception de l’autre. Manifester de l’empathie
par rapport au contenu de la demande.
« Je comprends que tu aurais eu besoin de moi, mais… »
– Manifester de l’empathie par rapport à ce que peut ressentir l’autre
« Je comprends que ce soit très important pour toi, mais… »
– Proposer, si je le souhaite, une alternative (solution de rechange) si j’en trouve une,
qui peut être satisfaisante pour moi comme pour l’autre. Négocier.
– Éviter de vous justifier car ce qui me semble être une bonne raison pour moi peut
ne pas en être une pour l’autre qui a, forcément, envie d’avoir une réponse favorable !
« Je ne peux pas venir t’aider à déménager car j’ai un rendez-vous galant. »

S’affirmer 201
« Ne me dis pas que tu préfères une éventuelle fille à ton copain de toujours… »
Préférez : « Non, je ne peux t’aider à déménager ce jour-là. Ça m’ennuie pour toi mais, par
contre, je peux passer dans la semaine t’aider à monter des meubles si tu veux ? »
– Si l’autre persiste. Persistez dans le refus en réitérant votre phrase sans la modifier
(technique du disque rayé)
« Non, je ne peux t’aider à déménager ce jour- là. Ça m’ennuie pour toi, par contre, je peux
passer dans la semaine t’aider à monter des meubles, si tu veux ? »
– Si l’autre persiste encore… Formulez une demande de changement de
comportement
« J’aimerais que tu arrêtes d’insister ainsi, et je te demande d’accepter que je te dise non. »

Téléchargez la fiche « Formuler un refus » à destination des patients.

Bien sûr, toutes les compétences en affirmation de soi peuvent s’avérer


utiles, c’est pourquoi l’entraînement à l’affirmation de soi est devenu une théra-
pie de choix dans le traitement des addictions. Les autres habiletés importantes
sont : savoir demander, savoir formuler une demande de changement, savoir
négocier, gérer l’agressivité d’autrui, faire des compliments, y répondre, etc.

3.4. Exemple de jeu de rôle


Définition de la situation-problème
Patient : Je suis prochainement invité à l’anniversaire de mon meilleur ami et je
connais des personnes insistantes avec les consommations (explication de la situation
problème).
Thérapeute : Expliquez-nous la situation que vous craignez le plus durant cette
soirée.
P : Que deux copains me poussent à partager un verre avec eux.
T : En quoi cela sera difficile pour vous ?
P : Je n’ai pas envie de leur parler de mon soin, je n ai pas envie de boire avec eux
mais à force et à court d’argument, j’ai peur de craquer. Ils me connaissent comme
gros consommateur et nous n’avons jamais fait une discussion sans alcool. Pour eux,
les non-buveurs sont faibles et pas intéressants.

Choix des participants


T : Qui sera présent à cette soirée ? À vos côtés ?
P : Ma compagne, des copains dont ces deux-là et mon meilleur ami.
T : Dans le groupe, il nous faut donc 5 personnes pour faire cette situation.

202 Addictions : prévenir la rechute


Monsieur P., vous allez faire votre rôle, qui est ok pour jouer la compagne,
les copains ?

Premier essai
T : Vous commencez l’interaction avec vos deux amis puis votre compagne viendra
en soutien comme vous lui avez demandé avant la soirée.
P : Non, pas de bière pour moi. Je reste au jus d’orange.
Cop1 : Allez ça fait combien de temps qu’on s’est fait une soirée, tu ne vas pas nous
faire faux bond.
P : Je suis content d’être là avec vous, c’est pas le souci.
Cop 2 : Tiens, je t’ai amené un verre pour trinquer, ça va nous faire du bien.
Ah on est bien les gars !
P : J’ai déjà un verre, tu le boiras pour moi. Je vous ai dit pas de bière pour moi.
Cop 1 : T’as changé, où est passé mon pote avec qui je déconnais ?
Cop 2 : C’est vrai ca, tu vas nous pourrir la soirée là.
P : Je déconne toujours mais en prenant de la vitamine C.
Compagne : Alors les gars, quoi de neuf chez vous ?

Feed-back sur le premier essai


T : Que retenez-vous de ce qui vient de se jouer ?
P : Mes copains auraient pu faire ce genre d’arguments sur l’affect, pour me rabaisser
si je ne fais pas comme eux. J’ai voulu faire le disque rayé et ils ne m’auraient pas
fait flancher. Et ma compagne qui change de sujet, c’est bien. Au final, on me laisse
tranquille avec mon verre.

Mise au point des variantes


T : Les autres dans le groupe, qu’avez-vous vu ? Qu’auriez-vous envisagé
différemment ?
Les autres participants proposent leurs observations. Le thérapeute explore
aussi ce qui s est joué sur les plans verbaux et non verbaux. Chacun s’exprime
sur les scenarii proposés. Le patient valide les variantes comme étant possible
dans le réel et faisable pour lui.
T : Très bien, essayons cela. Vous gardez vos rôles et monsieur P., vous faites
le changement de sujet vous-même en les questionnant et en tenant compte des
remarques sur le non-verbal que nous venons de formuler.

S’affirmer 203
Deuxième essai avec les variantes
Le thérapeute peut durant ce deuxième essai se positionner derrière le patient
et prendre la place de ses cognitions comme une « petite voix intérieure »
(avec les éléments que le patient a formulés dans la définition de la situation
problème). Il a gagné en confiance en lui car il a travaillé et mis en commun
ce qu’il peut faire et dire. Cette voix permet de se rapprocher de la réalité pour
le patient en toute sécurité.
T : Ils doivent te trouver nul ! Tu n’es pas intéressant ! Rappelle-toi les bons souve-
nirs ensemble, tu partageais une bière !
Mise en situation – feed-back – puis mise en place in vivo.

4. Difficultés rencontrées
– Le système de croyance fait frein
En travaillant sur l’affirmation de soi, on touche à des comportements qui
se sont développés sur des années, ont été appris et renforcés. Le système de
croyances qui les accompagne est bien ficelé et peut freiner le changement à
plusieurs étapes de la thérapie. La restructuration cognitive va permettre petit
à petit de mettre en évidence les pensées dysfonctionnelles, les schémas cogni-
tifs sous-jacents et les assouplir, jusqu’à faire tomber des barrières. La pratique,
l’expérience comportementale, viendra ancrer le changement.

– Les jeux de rôle sont anxiogènes


La situation de jeu de rôle peut être tellement anxiogène pour certains patients
qu’elle peut amener différentes réactions défensives, par exemple « je ne peux
pas jouer ça, c’est pas naturel » ou encore « ça n’arrivera jamais dans ma vie
réelle », ou des fuites par l’humour, des fous rires… Il est bon alors de persévé-
rer pour dépasser ces premières réactions qui s’atténuent bien souvent avec la
pratique. Le niveau d’exigence du thérapeute est à adapter et doit augmenter
progressivement, à l’image de l’exposition progressive.

– Les réactions de l’entourage


Le changement du patient dans son mode de communication impacte son
entourage. Certains rapportent en effet l’incompréhension de leurs proches :
« je lui ai dit non, il était surpris, il m’a fait la tête ». Nous conseillons aux
patients simplement d’expliquer à leur entourage qu’ils sont dans une
démarche de changement et que l’affirmation de soi fait partie de leur théra-
pie. Il est fréquent que les patients fassent lire à leurs proches les documents
que les thérapeutes leur remettent dans le but de faire de la psychoéducation
auprès d’eux.

204 Addictions : prévenir la rechute


SÉANCE 6
Les pensées dangereuses

« Une révolution dans nos façons de vivre ne peut com-


mencer qu’à l’intérieur de nous-même. »
Stanley Cavell

Séance 6 : Les pensées dangereuses


Objectif de la séance
Apprendre à identifier les pensées qui favorisent les situations à risque et s’en décaler
Plan de la séance
Le travail autour des pensées dangereuses dans la PR
Psychoéducation (Distinguer les pensées des émotions (I/G), Les différentes distorsions
cognitives (I/G), Identifier les pensées négatives (I/G))
Trousse à outils (Outils de modification des pensées négatives (I/G), Exercice d’arrêt
de pensées (I/G), Accepter la présence des pensées dangereuses (I/G))
Difficultés rencontrées
Fiches téléchargeables
Les distorsions cognitives
Tableau d’enregistrement des pensées négatives
Quelques conseils pour gérer les pensées dangereuses
Questions aidantes pour les pensées dangereuses

Les pensées dangereuses 205


206
Étape 1 : avant la restructuration cognitive

Situation Émotions Pensées Pensées Comportement Conséquences


1.1. La thérapie cognitive

Addictions : prévenir la rechute


ou Fait automatiques dangereuses addictif
(par rapport à (par rapport au
la situation et comportement
aux émotions) addictif )
Bénéfices
attendus
Décrire ce Comment je Quelle pensée Ce que je me Consommation - à court terme
que je vis me sens ? me vient dis à propos ou - à moyen
Force de ce aussitôt à des comportement terme
Le travail autour des pensées « dangereuses » s’appelle :

que je l’esprit ? comportements réalisé - à long terme


ressens : addictifs ou
intensité produits
entre zéro et
1. Le travail autour des pensées dangereuses

dix
– et la défusion dans la thérapie d’acceptation ou d’engagement.
– la restructuration cognitive en thérapie cognitive et comportementale,
Étape 2 : restructuration cognitive

Situation ou Émotions Pensées Pensées Pensées Pensées Comportement Conséquences


Fait automatiques alternatives dangereuses désamorcées :
(par rapport à la (par rapport au 5D
situation et aux comportement (remise en
émotions) addictif ) question des
Bénéfices pensées
attendus dangereuses)
Décrire ce que Comment je me Quelles pensées Que puis-je me Ce que je me dis Quels seraient Ce que je fais - à court terme
je vis sens ? Force de me vient dire de plus à propos des les effets réels si - à moyen terme
ce que je aussitôt à aidant par comportements je réalise mon - à long terme
ressens : l’esprit ? rapport à cette addictifs ou comportement
intensité entre situation ? produits addictif ?
zéro et dix
d.
t ad

di m
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e nsé e a im inue e l’ e Diminution
l te r n a t i v e d n vie d f a i r e le
e
du risque de
l ’i n t e i vé e
nsité de l’émotion act réaliser le
comportement
addictif

Les pensées dangereuses


Figure 15. Modélisation de la thérapie cognitive en prévention de la rechute

207
Ces techniques sont particulièrement importantes car la plupart des per-
sonnes qui se rétablissent d’une dépendance auront, de temps en temps,
des pensées liées à la reprise de leur comportement addictif. Même les per-
sonnes qui ont été abstinentes ou qui ont contrôlé de manière efficace leurs
comportements addictifs pendant de nombreuses années peuvent avoir à
faire face à de telles pensées. Ces dernières peuvent être déstabilisantes. Il est
important de réaliser que ce n’est pas parce que la personne fait l’expérience de
ce type de pensées qu’elle rechutera. Par ailleurs, elle ne doit pas non plus se
sentir coupable de telles pensées. Il sera cependant important pour elle de ne
pas tenter de les ignorer afin de ne pas augmenter leur fréquence.
La dénomination « thérapie cognitive » peut paraître abstraite pour
les patients. C’est pourquoi Najavitz (2002) conseille notamment d’utiliser
d’autres mots lors des temps d’entretien avec le patient tels que « repenser »,
« donner du sens », « se parler à soi-même », « le dialogue intérieur ». Pour
les patients, l’expérimentation s’avère plus efficace que l’explication quand
on utilise la thérapie cognitive. Dans le cas où le psychothérapeute maîtrise
mal la thérapie cognitive, elle ne sera pas efficiente, voire contre-productive,
car culpabilisante pour le patient. Les patients ne peuvent raisonner sur leurs
propres pensées et aboutir à de nouvelles compréhensions de leur pensée et de
leurs conséquences qu’à l’aide de questions précises et bien réfléchies.

1.2. Identifier le processus cognitif de la rechute


Un modèle du rétablissement de la toxicomanie fondé sur la cognition a
été proposé par Aaron Beck, le père de la thérapie cognitive, et présenté
dans son livre de 1993, Cognitive Therapy of Substance Abuse. Cette thé-
rapie repose sur l’hypothèse que les personnes dépendantes possèdent des
croyances fondamentales, souvent non accessibles à la conscience immé-
diate. Ces croyances fondamentales, telles que « Je suis indésirable », activent
un système de croyances addictives qui donnent lieu à des bénéfices antici-
pés imaginaires de la consommation de substances et, par conséquent, à un
craving. Une fois l’envie activée, les croyances permissives (« Jouer 10 euros
ne mettra pas mon compte dans le rouge ») sont facilitées. Quand un ensemble
de croyances permissives a été activé, l’individu mettra alors en place des
comportements de recherche et de consommations. Le travail du thérapeute
sera alors de mettre à jour ce système de croyances non conscient, de l’ana-
lyser avec le patient et d’identifier ainsi ses conséquences dysfonctionnelles.
Comme pour toute thérapie cognitivo-comportementale, des exercices
entre les séances permettront de consolider ce qui a été appris et discuté
pendant la thérapie.
Un certain nombre de schémas mal adaptés peuvent influencer la mise en
place et le maintien des conduites addictives ainsi que la rechute en générant

208 Addictions : prévenir la rechute


des schémas dits « addictifs ». Ceux-ci sous-tendent trois types particuliers
de croyances :
– anticipatoires : attentes positives des effets du produit ou du comporte-
ment (exemple : « avec quelques verres d’alcool, je me sens plus gai et c’est
plus facile d’aller vers les autres ») ;
– soulageantes : attentes des effets du produit ou du comportement liées
à la réduction du manque ou d’un malaise (exemple : « Fumer va me
détendre ») ;
– permissives : ces croyances autorisent la consommation malgré le
risque (exemple : « J’ai bien travaillé, j’ai bien mérité une petite bière… » ;
« Je ne peux pas refuser de trinquer avec un verre », « Ce n’est pas dangereux
si je ne vomis qu’une fois »).

Stimuli déclenchants Pensées


(facteurs internes Activation automatiques Craving
ou externes) des schémas : (dysfonctionnelles)
croyances
anticipatoires
soulageantes

Pensées
Poursuite Stratégies d’usage
(permissives)
ou rechute de drogues (action)
facilitantes

Figure 16. Modèle de Beck (1993)

1.3. Les dangers de la mémoire dans le rétablissement


Comme le dit le proverbe, « le temps guérit toutes les blessures » et, au fil des
mois, les souvenirs douloureux des moments de dépendance peuvent s’estomper
au profit des bons souvenirs. Par exemple, lorsque la personne devient abs-
tinente, elle peut facilement se souvenir des souffrances qui l’ont motivée à
changer par rapport à ses comportements addictifs. Mais avec le temps, elle
peut également se demander si les choses allaient vraiment aussi mal aupara-
vant. Au lieu de se souvenir des souffrances liées à l’abus des comportements
addictifs, elle peut commencer à se souvenir des moments où son addiction
semblait faire effet de manière plus adaptée. Le cerveau peut déformer ces sou-
venirs pour qu’ils paraissent plus merveilleux qu’ils ne l’étaient en réalité, un
biais cognitif positif. Si l’individu ne parvient pas à remettre en question ces
pensées plus positives sur la consommation et ses effets, il peut se trouver, à
nouveau, dans une situation de dépendance.

Les pensées dangereuses 209


1.4. Les pensées négatives courantes
Selon Steven Melemis (2015), « la pensée négative qui sous-tend la dépen-
dance est généralement une pensée du tout ou rien, qui disqualifie les positifs,
qui est catastrophique et qui s’auto-évalue négativement. Ces pensées peuvent
conduire à l’anxiété, au ressentiment, au stress et à la dépression, qui peuvent
tous conduire à une rechute » (Melemis, 2015, p. 327). Ce même auteur a
partagé une liste de pensées négatives à risque de rechute :
– « Mon problème, c’est à cause des autres. »
– « Je ne pense pas pouvoir supporter la vie sans consommer. »
– « Peut-être que je peux juste consommer de temps en temps. »
– « La vie ne sera pas amusante sans consommer. »
– « Je ne serai pas drôle sans consommer. »
– « J’ai peur de devenir quelqu’un que je n’aime pas. »
– « Je ne peux pas faire tous les changements nécessaires. »
– « Je ne veux pas abandonner ma famille. »
– « Le rétablissement, c’est trop de travail. »
– « Mes envies de fumer seront écrasantes ; je ne pourrai pas y résister. »

2. Psychoéducation
2.1. Distinguer pensées et émotions
Il est important de différencier pensées et émotions. En effet, les pensées,
qu’elles soient fondées, réalistes ou non, vont générer des émotions. Il est
important de prendre conscience que « ce n’est pas parce que je pense
quelque chose que c’est vrai » et par conséquent que je dois en supporter
la charge émotionnelle. Les émotions vont, elles aussi, influencer nos pen-
sées. Nous pouvons penser par exemple que si nous ressentons une émo-
tion, la peur par exemple, c’est qu’il y a bien une raison, un danger dans
le cas de la peur. Or les émotions sont parfois issues d’une interprétation
erronée de la situation, et la conclusion cognitive que nous tirons de cette
expérience émotionnelle sera renforcée. Certains patients vont avoir ten-
dance à confondre pensées et émotions, il est important de rappeler que
ce sont deux processus bien différents, qui s’influencent mais pas de façon
systématique.
Pour aider les patients à faire la différence entre les pensées et les émotions,
il sera important de les définir pour mieux les différencier.

210 Addictions : prévenir la rechute


Rappel sur les pensées
• Les pensées sont des mots que nous nous disons à nous-mêmes.
• Les pensées se produisent tout le temps et souvent sans que nous nous en rendions
compte.
• Deux personnes peuvent avoir des pensées différentes sur la même chose.

Rappel sur les émotions


• Les émotions sont des ressentis et leurs manifestations sont d’abord corporelles.
• Les émotions sont normales et ne peuvent être évitées ou refusées.
• Toutes les émotions (colère, tristesse, peur, joie, dégoût, etc.) peuvent coexister, même
dans une même situation. Par exemple, « j’ai réussi à dire non au joint qui m’était
proposé ; je ressens de la fierté d’avoir respecté mon objectif, je suis frustré de n’avoir
pas consommé, je suis en colère que mon ami m’ait proposé de fumer ».
• Écouter nos émotions, c’est écouter nos besoins.

Toutefois, nous pouvons tous avoir des distorsions cognitives, appelées biais
cognitifs, qui peuvent être à différents degrés fonctionnelles mais peuvent aussi
devenir pathologiques. En effet, ces distorsions cognitives agissent comme des
filtres et la personne ne validera que ce qui ira dans le sens du filtre.

2.2. Les différentes distorsions cognitives


Selon Beck, les distorsions cognitives sont des façons de traiter l’information qui
entraînent des erreurs de pensée prévisibles ayant souvent pour conséquence d’en-
tretenir des pensées et des émotions négatives. Dans son travail auprès de patients
souffrant de dépression, Beck a identifié six erreurs de pensée systématiques puis
David Burnes dans les années 1980 en a rajouté quatre supplémentaires. Les voici :
– Abstraction sélective : tendance à s’attarder sur des détails négatifs
dans une situation, ce qui amène à percevoir négativement l’ensemble
de cette situation. Par exemple, « mon ami a consulté une psychologue et
ça n’a pas marché, ça ne marchera pas sur moi ».
– Disqualification du positif : les indices positifs sont rejetés comme
étant infondés, factices, sans importance. Par exemple, « quelqu’un me
dit que je chante bien, et je me dis que la personne ne le pense pas, qu’elle le
dit pour m’encourager ».
– Inférence arbitraire : tirer des conclusions sans preuve évidente.
Par exemple, « mon arrêt de cocaïne ne va pas marcher ».
– Personnalisation : ramener à soi les événements négatifs pour s’en
attribuer l’entière responsabilité. Par exemple, « c’est ma faute si ma
femme fume du cannabis ».

Les pensées dangereuses 211


– Dramatiser et minimiser : ne retenir que les événements négatifs (dra-
matisation) et négliger les positifs. Par exemple, « j’ai repris une ciga-
rette, c’est foutu », « une seule cigarette ce n’est pas grave ».
– Raisonnement dichotomique : penser sans nuances, du tout ou rien,
noir ou blanc, jamais ou toujours, bon ou mauvais… Par exemple, « si
je sens des palpitations, alors je vais faire un infarctus ».
– Raisonnement émotionnel : considérer des émotions comme des
preuves. Par exemple, considérer la peur comme le signalement d’un
danger ; se dire « je suis stupide » plutôt que « je me sens stupide ».
– Surgénéralisation : tirer une conclusion générale sur la base d’un seul
(ou de quelques) incident(s). Par exemple, « j’ai repris, je suis nul » ou
« j’ai fait deux cures et j’ai rechuté, les cures ne servent à rien ».
– Étiquetage : utiliser une étiquette qui implique un jugement néga-
tif sur soi-même ou sur les autres. C’est une manière de catégoriser.
Par exemple, « Je suis un perdant » plutôt que de qualifier l’erreur.
– Fausses obligations : se fixer arbitrairement des buts à atteindre.
Par exemple, « je dois obligatoirement faire tout le ménage chez moi
aujourd’hui. »

Ces distorsions cognitives sont présentes chez tout un chacun et ont l’avan-
tage de procurer une illusion de maîtrise de son environnement. Il s’agit d’une
source de certitude facile.

Téléchargez la fiche « Les distorsions cognitives » à destination des patients.

2.3. Identifier les pensées négatives


Apprendre à surveiller ses pensées est un élément de base de la prévention de
la rechute. Surveiller ses pensées ou son « dialogue intérieur » permet d’iden-
tifier les situations à risques liées à des événements, des personnes, des lieux
et des objets. Cela permet également d’identifier comment certaines réactions
physiologiques telles que l’agitation, la peur et les envies de fumer sont déclen-
chées. Une pratique cohérente de l’écoute de son propre discours tout au long
de la journée et dans différentes circonstances aidera à identifier les erreurs de
réflexion (distorsions cognitives) et les croyances qui déclenchent des émo-
tions négatives, des souvenirs stressants, des comportements autodestructeurs
et des craving.
Lorsqu’une émotion désagréable apparaît, il est important de distinguer
cette émotion de la pensée négative qui l’accompagne. Cela permet de ne pas
« mettre de l’huile sur le feu » en faisant grossir l’émotion. Par exemple, « j’ai
oublié de mettre au frigo un plat que j’ai mis du temps à préparer hier, je m’en rends

212 Addictions : prévenir la rechute


compte ce matin. Je suis en colère, je me dis “je suis vraiment nulle, j’ai pas de tête” ».
Cette pensée va renforcer ma colère. Identifier la pensée comme ce qu’elle est,
c’est-à-dire une simple pensée permet de la mettre à distance. En effet, les pen-
sées sont des états mentaux qu’il faut séparer des faits concrets, « ce n’est pas
parce je pense quelque chose que c’est vrai ou que ça va se passer ».
Comme support à l’identification des pensées, nous utilisons le tableau
d’enregistrement des pensées. Le patient devra le remplir entre les séances, à
différents moments de sa journée. Cela l’aidera à porter son attention sur ses
pensées. Ce travail sera ensuite repris en séance ; c’est un matériel précieux.
Le thérapeute pourra alors aider la personne à identifier ses erreurs de réflexion.
Ensuite, des stratégies peuvent être développées pour modifier le processus de
réflexion dysfonctionnel, remettre en question les croyances sous-jacentes,
s’apaiser et prévenir tout comportement négatif associé.

Événement Émotions Pensées Pensées Résultat


négatives alternatives
Événements, Noter les Écrire les Ces pensées Réévaluer
situation ou émotions pensées vous sont-elles l’intensité des
pensées ressenties. venant réalistes et émotions (0-10)
qui suscitent spontanément adaptées ?
l’émotion. Évaluer leur dans cette Si non, par
intensité (0-10) situation. quelles autres
Qui ? Quoi ? pensées plus
Où ? Quand ? Évaluer le réalistes et
niveau de mieux adaptées
croyance dans pourriez-vous
ces pensées les remplacer ?
(0-10)
Écrire
ces pensées
adaptées
et évaluer
le niveau de
croyance (0-10)

Exemple : « c’est Exemple : Exemple : « je l’ai Exemple : Exemple : « je


l’anniversaire de « je ressens de la fait souffrir avec « aujourd’hui, me sens encore
ma mère » culpabilité » (8) mes elle a entendu coupable
comportements que j’allais bien (3) mais aussi
addictifs » et j’ai pu lui dire fier (5) »
des mots doux »

Tableau 14. Tableau d’enregistrement des pensées

Téléchargez le « Tableau d’enregistrement des pensées négatives » à destination


des patients.

Les pensées dangereuses 213


3. Trousse à outils
3.1. Outils de modification des pensées négatives
L’objectif ici est d’accompagner le patient dans l’expérimentation d’une ou
plusieurs techniques de restructuration cognitive. Dans un premier temps,
l’intervenant demande au patient de lister les stratégies qu’il a déjà utilisées
lorsqu’une pensée dangereuse apparaît. Voici quelques exemples de ces straté-
gies : imaginer des scénarios de vengeance, chercher à comprendre pourquoi
on est comme on est, penser « si seulement », etc. Certaines de ces stratégies
seront efficaces, d’autre pourront s’avérer contre-productives (par exemple,
« l’alcool m’aide à ne plus penser pendant un temps »). Puis, un bilan de l’effica-
cité et des conséquences de ces stratégies sera réalisé : « Ai-je réussi grâce aux
stratégies déjà utilisées à éliminer de manière durable mes pensées dangereuses ? »,
« Ces stratégies m’ont-elles aidé à me rapprocher de la vie que je souhaite ? ». Une
fois le bilan dressé, la démonstration d’autres techniques pourra être introduite.
Le psychothérapeute proposera ensuite ces techniques aux patients afin qu’il
les expérimente et identifie celle qui fonctionne pour lui dans une situation don-
née. Cette expérimentation se fera en s’appuyant sur les situations rapportées
par le patient. À l’aide de la fiche « Quelques conseils pour gérer les pensées
dangereuses », demandez à l’individu d’entourer les stratégies qui lui semblent les
plus adaptées vis-à-vis de la situation rapportée, puis discutez de celles qui seront
possibles pour lui d’utiliser dans son contexte et en fonction de ses possibilités.

Quelques conseils pour gérer les pensées dangereuses


Suivre la pensée jusqu’à la conclusion logique
L’un des conseils les plus efficaces pour éviter une rechute est de mener à bien une réflexion
sur le déclencheur. En d’autres termes, réfléchir au résultat réel d’un retour à la consommation
ou au comportement addictif. Bien sûr, il peut sembler qu’un verre de vin ne soit pas une
grosse consommation et puisse aider à se détendre. Cependant, un verre de vin peut se
transformer en deux et facilement en une bouteille entière, une « gueule de bois » le
lendemain et une déception pour la personne et pour ses proches. Il n’est donc pas correct
de ne considérer que le bénéfice de ce verre de vin, car en fait c’est un piège, une erreur
de la pensée. On travaille sur le chemin réaliste de ce qui va se passer pour permettre au
cerveau de réaliser que boire ou consommer n’est pas une bonne idée à moyen terme
même si, à court terme, des effets intéressants peuvent être vécus.
Dire « Stop » à son cerveau de manière proactive
C’est une technique que les psychothérapeutes d’orientation TCC recommandent parfois
aux patients qui luttent contre des pensées négatives. Il peut même être nécessaire
de visualiser un panneau « Stop » de circulation ou un autre symbole d’arrêt. Ensuite,
il s’agira de passer à un moyen de se distraire comme lire un livre, regarder un film,
faire du sport, etc.

214 Addictions : prévenir la rechute


Partager ses pensées
Compter sur son système de soutien lorsque l’on commence à avoir des pensées
négatives peut avoir des effets vraiment bénéfiques. En parler avec d’autres personnes
en voie de rétablissement ou aller à une réunion dans les associations néphalistes l’est
tout autant. La clé sera de ne pas ruminer ses pensées négatives, ce qui ne fait que les
faire grandir, en augmentant leur influence et leur intensité. L’idée est donc de désactiver
les pensées négatives en les partageant avec les autres !
Apprendre à les regarder
Une technique efficace pour apprendre à mieux gérer ses pensées intrusives sur la
rechute est la méditation de pleine conscience. Cette technique apprend à l’individu
à regarder ses pensées de manière plus objective afin qu’elles deviennent des nuages
qui passent dans le ciel et non des nuées menaçantes qui stagnent. En apprenant à
regarder ses pensées de cette manière, elles ne pourront plus nuire.
Remettre en question le discours négatif
Notre discours intérieur ne nous définit pas. Avec un peu d’entraînement, il est tout à
fait possible de régner sur cette voix et, une fois que les pensées négatives sont
identifiées, il est temps de déterminer si celles-ci sont valables ou non. Il est important
de prendre un moment pour enquêter : « Y a-t-il des preuves que ces pensées soient
vraies ? » Il est par ailleurs nécessaire de ne pas tirer de conclusions hâtives sans preuves
à l’appui. « Est-ce que ces pensées peuvent maintenir prisonnier de la négativité et de la
dépendance ? » « Est-ce que ces pensées négatives sont utilisées comme justification pour
continuer à consommer ? » « Est-ce que je dirais ces choses à un ami qui est en train de
changer de comportement par rapport à ses addictions ? »
Lister une bibliothèque de pensées positives
Lorsque quelque chose ne va pas, il est facile de se laisser prendre au piège de la
négativité. Savoir reconnaître les petits plaisirs de la vie pour s’efforcer de les apprécier
davantage, adopter une vision plus positive de la vie, aidera à repousser ces pensées
négatives. Par exemple, « Je suis bien quand… ; je suis douée avec… ; je suis appréciée ;
j’aime faire… ». Cette liste devra être mise à jour régulièrement afin de pouvoir y revenir
lorsque la pensée automatique refait surface.
Défusion
– Chanter ses pensées dangereuses. Par exemple, chanter « je suis nulle » sur un air de
Céline Dion
– Remplacer « mais » par un « et ». Par exemple, « j’aimerai aller courir mais et je suis trop
fatiguée »
– Se demander si ses pensées dangereuses sont utiles
– Remercier son cerveau pour avoir donné son opinion et continuer son action
– Répéter la pensée le plus rapidement possible
– Traduire ses pensées dans une autre langue

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Les pensées dangereuses 215


Voici également un ensemble de questions qu’il est possible de poser afin
d’aider le patient dans le travail de restructuration cognitive.

Discussion
– Si mon meilleur ami ou un proche avait cette pensée, qu’est-ce que je lui dirais ?
– Quelle est la probabilité que cette situation que je redoute survienne ?
– Si je n’ai pas de contrôle sur cette situation, devrais-je vraiment me blâmer ?
– Suis-je vraiment responsable de ce qui est arrivé/du comportement de cette
personne ?
– Ai-je inscrit des faits, des preuves qui ne pourraient pas être remis en question dans
un tribunal ?
– Est-ce que je saute à des conclusions rapidement ?
– Quelle est la pire chose qui puisse arriver dans l’éventualité où la situation que
je redoute survienne ?
– Cela m’importunera-t-il dans une heure, une journée, une semaine ? Sinon, est-ce
que ça vaut vraiment la peine que je me concentre là- dessus ?
– Dans cinq ans, verrais-je cette situation différemment ? Est-ce que ce sera vraiment
si grave ? Vais-je me concentrer sur un aspect différent de la situation ?
– Écrire une phrase qui récapitule tous les faits qui soutiennent ma pensée négative
et une autre qui résume tous les faits qui ne soutiennent pas ma pensée critique.
Est-ce que la combinaison des deux phrases avec le mot « et » constitue une pensée
équilibrée ? Qu’en est-il de l’utilisation du mot « mais » entre ces deux phrases ?
– Si mon meilleur ami ou un proche était dans cette situation, pensait ainsi et avait
accès à cette information, quel serait mon conseil ? Comment leur proposerais-je de
comprendre la situation ?
– Suis-je trop sévère envers moi-même ? Qu’est-ce qui est le plus utile : la critique ou
le soutien ?
– Lorsque ce sentiment m’a habité dans le passé, que me suis-je dit afin de me rassurer ?
– Cette pensée est-elle réellement vraie, en tout temps ?
– Aurais-je pensé la même chose il y a 10 ans ou quelle sera l’importance de ça dans
10 ans ?
– Est-ce que je pensais la même chose en présence d’autres personnes ou ailleurs ?

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3.2. Exercice d’arrêt de pensées


Sélectionnez quelques pensées négatives parmi les exemples donnés par
votre patient. Demandez-lui de fermer les yeux et d’écouter pendant que
vous répétez la pensée à haute voix plusieurs fois. Après cinq répétitions,
faites un bruit fort, comme une grosse tape et criez « stop ». Demandez
ensuite à votre patient de décrire ce qu’il a vécu : avez-vous pu continuer à

216 Addictions : prévenir la rechute


penser à l’affirmation que je répétais ? Avez-vous remarqué que le bruit fort
vous a empêché de penser à autre chose ? Ses réponses seront probablement
du type : « Je n’arrivais pas à me souvenir de l’affirmation que vous répétiez… »
Cet exercice démontre que vous pouvez interrompre une pensée répétitive,
même si elle est désagréable.

3.3. Accepter la présence des pensées dangereuses


Dans la thérapie ACT, la métaphore des passagers du bus est aussi souvent
utilisée :
« Le bus que chacun de nous conduit est différent du bus moyen. Il a un volant,
mais pas d’accélérateur ni de freins, et ne se déplace qu’à une seule vitesse, celle de
la vie. Les passagers qui montent sont nos pensées, nos émotions, nos images men-
tales ou encore nos sensations corporelles. Les passagers peuvent être très agréables
mais aussi répugnants. Les passagers montent et descendent du bus tout le temps,
sauf que, une fois montés, ils peuvent ne pas en descendre et peuvent même inviter
leurs amis ou leur famille à monter dans le bus. Le dilemme pour chacun d’entre
nous est d’être le conducteur. Nous conduisons toujours le bus, quoi qu’il arrive.
Dans ce cas, nous pouvons soit rester concentrés sur l’endroit où nous conduisons
et garder les yeux sur la route, soit dépenser notre énergie à essayer de faire en
sorte que nos passagers se calment. Les passagers peuvent parfois être très indisci-
plinés, agités, bruyants et irrespectueux, ce qui fait qu’il est facile de se retrouver
pris dans une lutte pour essayer de les faire mieux se comporter. Mais ce que nous
constatons, c’est qu’en luttant avec eux, nous ne faisons plus très attention à notre
destination et nous pouvons même nous perdre pendant un certain temps avant de
retrouver notre chemin. »
Un jeu de rôle peut être initié à partir des pensées dangereuses recueil-
lies avec le tableau d’enregistrement. Sinon, les pensées de Melemis (2015)
citées plus haut peuvent être utilisées. Le patient joue le chauffeur du bus, et
le thérapeute les pensées dangereuses qui vont parler. En groupe, les pensées
peuvent être jouées par les autres participants. Ce jeu de rôle constitue une
exposition aux pensées dangereuses ; il est donc possible qu’il soit émotion-
nellement fort pour celui qui joue le conducteur. L’intervenant devra donc
avoir une certaine expérience de l’animation de jeu de rôle avant de se lan-
cer. De plus il ne pourra se faire dès la première séance car il est nécessaire
d’avoir construit une bonne dynamique de groupe au préalable. Après le jeu
de rôle, des stratégies pour « faire avec » seront recensées puis testées dans
un nouvel essai.

Les pensées dangereuses 217


Vignette clinique

Exemple de restructuration cognitive : Remettre en question le discours négatif


Éric, un homme de 45 ans vient en soin résidentiel pour un projet d’abstinence d’alcool.
Après un mois d’hospitalisation la lassitude le gagne. Voici un extrait d’entretien :
Éric : Je n’ai pas le moral en ce moment, l’abstinence ne me rend pas heureux… Je crois
que je ne serai jamais heureux…
Thérapeute : Jamais heureux… Pouvez-vous m’expliquer ce que vous voulez dire ?
Éric : Je ne peux plus boire d’alcool car je suis dépendant, mais quand je ne bois pas
je ne suis pas heureux.
Thérapeute : Vous dites « quand je ne bois pas je ne suis pas heureux », quelles sont les
preuves que cette affirmation est vraie ?
Éric : Eh bien actuellement je ne suis pas heureux alors que je devrais l’être puisque
je suis abstinent.
Thérapeute : Pourriez-vous me parler d’autres moments, où vous vous sentiez heureux
tout en étant abstinent ?
Éric : Oui… L’été dernier, lorsque j’étais en vacances en famille, on était partis randonner
en montagne, je me sentais vraiment bien.
Thérapeute : Vous étiez en vacances en famille et vous vous sentiez vraiment bien,
c’est bien ça ? »
Éric : J’étais avec ma femme et mes enfants. Ils étaient vraiment joyeux… contents que
je sois en état de partager ce moment avec eux après ce que je leur avais fait voir.
Leur joie était communicative. On a beaucoup joué ensemble, je me sentais bien.
Thérapeute : Je vois que le rappel de cette période vous redonne le sourire.
Éric : Oui, ça fait du bien.
...
Thérapeute : Si on revient sur le moment présent, maintenant, sur votre affirmation
« je ne serai jamais heureux sans alcool » ; qu’est ce que ça provoque chez vous de
vous dire ça ?
Éric : Ça me déprime encore plus.
Thérapeute : Lorsque cette pensée arrive, comment faire pour que votre attention s’oriente
sur des pensées plus aidantes pour vous ?
Éric : Eh bien je pourrais essayer de penser à ces vacances en famille quand cela arrive.

4. Difficultés rencontrées
– Le tableau d’enregistrement des pensées
Il est fréquent que les patients reviennent en entretien en disant qu’ils n’ont pas
pensé à remplir le tableau ou qu’ils l’ont fait à minima. En effet, dans une jour-
née classique, la pensée accompagne la personne à chaque moment. Comme

218 Addictions : prévenir la rechute


elle est automatique, il peut être difficile de la remarquer quand on n’en a pas
pris l’habitude. Il est nécessaire de développer l’attention à ses propres pensées.
Pour débuter dans cet exercice, des petites astuces peuvent aider :
– garder son tableau d’enregistrement sur soi en permanence (carnet ou
notes dans le téléphone portable) ;
– se fixer des moments dans la journée pour remplir le tableau : il est
plus facile de les associer à des moments qui reviennent de manière
fixe dans la journée comme les repas, ou le temps dans les transports
en commun par exemple. À chacun de trouver les moments les plus
opportuns ;
– se fixer des indices de rappel associés à des moments de la journée : par
exemple « au bureau, à chaque fois que j’entends la machine à café, je prête
attention à mes pensées » ou encore « à chaque fois que mon chien aboie,
je prête attention à mes pensées », « à chaque fois que je vais aux toilettes, je
fais attention à mes pensées automatiques ». Des indices visuels de rappel
peuvent être mis en place (notes affichées sur le miroir de la salle de
bain, petite croix dessinée sur le dos de la main). Il est conseillé de défi-
nir ces indices en séance avec le thérapeute pour que le patient reparte
avec des idées concrètes ;
– programmer une sonnerie sur son portable qui permettra de rappeler
cet exercice, plusieurs fois par jour.

Au fur et à mesure le patient prendra davantage conscience de ses pensées.


C’est un véritable entraînement qui demande au début de la rigueur et de
l’organisation.

– Thérapie cognitive
Ce travail sur les pensées dangereuses peut se faire sur une séance lorsqu’il est
organisé en groupe mais la thérapie cognitive peut prendre plusieurs séances
lorsque cela est possible en individuel. Comme déjà évoqué plus haut, une
maîtrise des techniques de restructuration cognitive est indispensable. Nous
vous conseillons de vous former ou de lire ces ouvrages :
– Cottraux, J. (2006). Les thérapies cognitives : comment agir sur nos
pensées. Paris : Retz.
– Beck, A. (2017). La thérapie cognitive et les troubles émotionnels. Louvain-
la-Neuve : De Boeck Supérieur.

Les pensées dangereuses 219


SÉANCE 7
Gestion du stress

« Rien ne vous emprisonne excepté vos pensées,


rien ne vous limite excepté vos peurs, et rien ne vous
contrôle excepté vos croyances. »
Marianne Williamson

Séance 7 : Gestion du stress


Objectif de la séance
Apprendre à gérer son stress
Plan de la séance
Stress et addictions
Psychoéducation (Qu’est-ce que le stress ? (I/G) Identifier les sources de stress (I/G))
Trousse à outils (La relaxation (I/G), La méditation (I/G), La méthode des 4D (I/G))
Fiches téléchargeables
Mes signes de stress
Journal du stress
Stratégies de gestion des émotions
La méthode des 4A
Audio
La relaxation progressive de Jacobson
La training autogène de Schultz

Gestion du stress 221


1. Stress et addictions
Le stress peut être un des déclencheurs de rechute. En général, cela se produit
lorsqu’une personne utilise son addiction pour tenter d’apaiser ses symptômes
d’anxiété. Toutefois, la consommation de substances peut entraîner aussi une
aggravation de l’anxiété. Une étude menée au Royaume-Uni (Willinger,
2002) a révélé que des symptômes d’anxiété prolongés entraînent un risque
accru de rechute. Les patients qui luttent à la fois contre l’anxiété et la toxico-
manie sont plus susceptibles de prendre l’habitude de consommer des médica-
ments pour soulager leurs symptômes, d’aggraver leurs symptômes en buvant,
ou encore de boire ou manger davantage ou de consommer des drogues pour
calmer ces symptômes.
Une ou deux journées stressantes ne mèneront peut-être pas forcément à
une rechute, mais un stress prolongé peut préparer le terrain pour une rechute.
L’anxiété influence la rechute en rendant les personnes addictes en rétablis-
sement plus susceptibles de consommer à nouveau, en particulier celles qui
avaient l’habitude de s’automédiquer avec des drogues ou de l’alcool.

2. Psychoéducation
2.1. Qu’est-ce que le stress ?
Le stress est à la fois une réponse émotionnelle et une réponse physique de
notre organisme lorsqu’une situation lui demande un effort d’adaptation. Il se
caractérise par une accélération du rythme cardiaque, une augmentation de
la pression sanguine, une tension musculaire, une irritabilité et, parfois, une
dépression.
Le stress est l’ajustement que fait notre corps lorsqu’il est confronté à
des changements. Ces changements peuvent provenir de l’extérieur (l’envi-
ronnement) ou de l’intérieur (facteurs physiques, mentaux et émotionnels).
Le stress n’est pas nécessairement nuisible. En effet, le stress nous stimule pour
apprendre avant un examen. Il nous permet aussi de chercher des solutions
nouvelles et créatives à des problèmes. Nous ne pouvons éliminer tout le stress
de notre vie.

Les signes de stress


Des symptômes physiques
– difficulté à se détendre
– des douleurs, en particulier des tensions musculaires ou des maux de tête
– diarrhée et constipation
– des sensations de nausée ou de vertige

222 Addictions : prévenir la rechute


Des symptômes émotionnels
– des sentiments d’inquiétude ou d’anxiété constants
– des sautes d’humeur ou des changements d’humeur
– irritabilité ou mauvaise humeur
– dépression

Des symptômes comportementaux


– manger plus ou moins que d’habitude
– changements dans les habitudes de sommeil
– perte de libido

Des symptômes cognitifs


– difficulté à se concentrer
– faible estime de soi
– manque de motivation

Je commence à penser à

J’ai des émotions comme

J’ai des sensations comme

Je me comporte comme ça.

Figure 17. Mes signes de stress

Téléchargez la fiche « Mes signes de stress » à destination des patients.

Gestion du stress 223


Vignette clinique

Bernard a de graves problèmes de dos qui l’ont amené à de fortes consommations d’alcool
comme tentative de régulation de ses douleurs. Après un séjour en SSRA, il comprend
qu’il ne peut rester électricien même si il aime son métier, en lien avec ses soucis de santé
(mal de dos).

Je commence à penser à ma
réorientation professionnelle.

J’ai des émotions comme de l’anxiété


et de la peur.

J’ai des sensations comme une boule


dans la gorge et un oppressement
au niveau du thorax.

Je procrastine dans mes démarches.

2.2. Identifier les sources de stress


L’une des idées fausses les plus courantes sur le stress consiste à chercher une
cause unique à notre anxiété et à notre stress. Bien que nous puissions vivre un
événement traumatisant unique qui augmente de manière significative notre
anxiété, le stress est plus souvent causé par une accumulation de différents
facteurs. Cette métaphore sur le stress l’illustre bien :
« Un verre ne peut contenir qu’une certaine quantité d’eau, et lorsque l’eau
atteint le sommet, elle déborde. Lorsque l’eau déborde, nous accusons ce qui a
été versé immédiatement dans le verre, plutôt que l’eau qui s’est accumulée au fil
du temps. »
Notre perception du stress fonctionne de la même manière : nous regardons
ce qui a immédiatement précédé à nos symptômes liés au stress tout en cher-
chant à en attribuer la responsabilité. Souvent, cet événement ou cette situa-
tion semble « trop petit » pour avoir provoqué une réaction aussi importante,
mais il s’agit simplement de la dernière goutte d’un verre qui a été rempli à ras
bord par d’autres facteurs de stress.

224 Addictions : prévenir la rechute


Voici quelques causes courantes de stress :
– les ruptures familiales ou relationnelles
– la maladie
– le décès d’un être cher
– l’expérience d’un événement traumatisant, y compris la violence physique
ou émotionnelle
– la perte d’un emploi
– l’arrivée d’un bébé
– les problèmes d’argent.

Téléchargez les fiches « Journal du stress » et « Votre Journal du Stress ».

3. Trousse à outils
La gestion du stress inclut différentes techniques utilisées dans les thérapies cogni-
tives et comportementales comme la relaxation (contrôle respiratoire, relaxation
musculaire, méditation, visualisation…), la restructuration cognitive, la résolu-
tion de problèmes, l’affirmation de soi, etc. Ainsi plusieurs parties de ce livre vous
seront précieuses comme celle sur « les pensées dangereuses » ou encore « la réso-
lution de problèmes » pour aborder la gestion du stress avec les patients.

3.1. La relaxation
L’entraînement à la relaxation progressive et les techniques de respiration
contrôlée réduisent efficacement les tensions physiques, l’anxiété et le niveau
de stress général. Différentes techniques de relaxation existent et chaque
méthode conviendra mieux à un individu plutôt qu’à un autre. La relaxation
s’intègre à la TCC quasiment à toute prise en charge de l’anxiété.

Niveau d’anxiété Techniques utilisées


Sujet calme – Repos
– Musique
– Méditation
Anxiété + – Méditation
– Training autogène
Anxiété ++ – Training autogène
– Relaxation progressive
Anxiété +++ – Relaxation progressive
– Biofeedback
Anxiété ++++ – Exercice physique
– Médication

Tableau 15. Indications des diverses techniques de relaxation


selon le niveau d’anxiété (Chaloult et al. , 1990)
Gestion du stress 225
a) La relaxation progressive de Jacobson
La relaxation progressive de Jacobson est l’une des techniques les plus popu-
laires. Edmund Jacobson, en 1938, met en avant la relation entre l’état de
tension musculaire et la tension psychique. Donc, pour diminuer ou faire dis-
paraître le stress, on tentera de décontracter le plus possible l’ensemble de la
musculature. Différentes zones musculaires sont successivement soumises à
une contraction-décontraction pour obtenir une réduction du tonus muscu-
laire de l’ensemble du corps.

b) Le training autogène de Schultz


J.H. Schultz est un psychiatre allemand qui s’intéressait à l’hypnose et qui l’uti-
lisait dans sa pratique médicale. Cette méthode se décompose en cinq phases :
pesanteur, chaleur, organique, cœur, et respiration. Chacune de ces phases
doit être parfaitement acquise avant de passer à la suivante. La lourdeur ou
pesanteur correspond à une détente musculaire profonde et la chaleur à la
dilatation des vaisseaux sanguins.

c) La cohérence cardiaque
Il existe aujourd’hui de nombreuses vidéos YouTube et applications pour
aider à pratiquer la cohérence cardiaque. En effet, ce procédé de relaxa-
tion séduit autant par sa simplicité que par son efficacité instantanée.
Basée sur la respiration, la cohérence cardiaque aide à se détendre, à se
concentrer ou à mieux dormir. Mais pour que ce procédé antistress éloigne
efficacement les insomnies, l’hypersensibilité ou la fatigue chronique, il
nécessite une pratique quotidienne. Dès lors, comment se détendre grâce
à la cohérence cardiaque ?
La cohérence cardiaque, qui permet de mieux gérer le stress et l’anxiété,
repose sur un mécanisme physiologique de respiration. En effet, une respira-
tion non spontanée et non naturelle a un impact direct sur le rythme cardiaque
et les hormones du corps. Elle entraîne notamment :
– Un ralentissement de la fréquence cardiaque et des battements du
cœur, qui s’accélèrent lors de chocs émotionnels (stress, colère…).
– Une régulation hormonale (adrénaline, sérotonine, endorphines…).
En effet, le corps sécrète différentes hormones tout au long de la
journée.
Grâce à ce procédé respiratoire, le cœur se synchronise avec la fréquence
de la respiration. C’est pourquoi on peut parler de « cohérence » cardiaque. En
d’autres termes, la cohérence cardiaque conduit à une harmonisation physique
et émotionnelle : elle permet de rétablir un état d’équilibre.

226 Addictions : prévenir la rechute


Applications
• Respirelax • Heart Rate +
• CardioZen • Respirotec

d) Le biofeedback (rétroaction biologique)


Le biofeedback fait référence à plusieurs techniques basées sur la mesure des
fonctions organiques, le but étant d’apprendre à les contrôler afin d’amélio-
rer sa santé. Le biofeedback n’est pas une technique de relaxation en tant
que telle, mais il peut être utilisé comme technique de relaxation seul ou
combiné à une autre technique de relaxation pour en accélérer l’appren-
tissage. Le biofeedback est une application de la psychophysiologie, une
discipline qui étudie les liens entre l’activité du cerveau et les fonctions
physiologiques. Il fonctionne à l’aide de sondes et capteurs placés sur les
parties du corps.

3.2. La méditation de pleine conscience


Ces dernières années, les psychothérapeutes – en particulier les psychothé-
rapeutes pratiquant les TCC – se sont tournés vers les techniques de pleine
conscience pour traiter les problèmes d’humeur, de stress, d’addictions, etc.

a) Qu’est-ce que la méditation de pleine conscience ?


Dans notre société actuelle, le multitâche fait partie de notre mode de vie.
Par exemple, nous plions le linge en gardant un œil sur les enfants et un autre
sur la casserole sur le feu. Mais dans la hâte d’accomplir les tâches néces-
saires, nous perdons souvent notre connexion avec le moment présent. Nous
nous précipitons dans nos activités quotidiennes sans être vraiment atten-
tifs à ce que nous faisons et à ce que nous ressentons. En revanche, la pleine
conscience, qui trouve ses racines dans les pratiques bouddhistes, consiste à
concentrer son attention sur ce qui se passe dans le présent et à l’accepter
sans jugement. La pleine conscience s’apprend souvent par la méditation, une
méthode qui consiste à réguler son attention en se concentrant sur sa respira-
tion, une phrase ou une image.
En apprenant à se concentrer sur le moment présent, de nombreuses per-
sonnes qui pratiquent la pleine conscience constatent qu’elles sont moins sus-
ceptibles de s’inquiéter pour l’avenir ou de regretter le passé. La méditation de
pleine conscience nous apprend à être observateur des pensées et des sensa-
tions qui nous distraient.

Gestion du stress 227


b) Des moyens simples pour être présent

Prendre dix respirations


Il s’agit d’un exercice simple pour se recentrer et se connecter à son environnement.
Pratiquez-le tout au long de la journée, en particulier chaque fois que vous vous sentez
pris dans vos pensées et vos sentiments.
1. Prenez dix respirations lentes et profondes. Expirez le plus lentement possible
jusqu’à ce que vos poumons soient complètement vides, puis laissez-les se remplir
d’eux-mêmes.
2. Notez les sensations de vos poumons qui se vident. Remarquez qu’ils se remplissent.
Remarquez que votre cage thoracique se soulève et s’abaisse. Remarquez la légère
montée et descente de vos épaules.
3. Essayez de laisser vos pensées aller et venir comme s’il s’agissait de simples voitures
qui passent devant votre maison. Ensuite, regardez autour de vous et remarquez ce
que vous pouvez voir, entendre, sentir, toucher et ressentir.

Jeter l’ancre
Voici un autre exercice simple pour vous recentrer et vous connecter au monde qui
vous entoure. Pratiquez-le tout au long de la journée, en particulier chaque fois que
vous vous sentez pris dans vos pensées et vos sentiments.
1. Plantez vos pieds dans le sol.
2. Poussez-les vers le bas – remarquez que le sol se trouve sous vous et vous soutient.
3. Remarquez la tension musculaire de vos jambes lorsque vous poussez vos pieds
vers le bas.
4. Remarquez votre corps tout entier et la sensation de gravité qui s’écoule vers le bas,
à travers votre tête, votre colonne vertébrale, vos jambes et vos pieds.
5. Maintenant, regardez autour de vous et remarquez ce que vous pouvez voir et
entendre autour de vous. Remarquez où vous êtes et ce que vous faites.

c) Être en action en pleine conscience


Une approche moins formelle de la pleine conscience peut également nous
encourager à rester dans le présent et à participer véritablement à notre vie.
Nous pouvons choisir n’importe quelle tâche ou moment pour pratiquer
la pleine conscience. Que nous soyons en train de manger, de prendre une
douche, de marcher, de toucher un partenaire ou de jouer avec un enfant ou
un petit enfant, l’attention portée à ces trois points nous aidera :
1. Commencez par vous concentrer sur votre respiration et revenez-y
périodiquement, en restant conscient de chaque inspiration et
expiration.

228 Addictions : prévenir la rechute


2. Poursuivez la tâche ou le plaisir en cours lentement et avec une pleine
délibération.
3. Faites appel à tous vos sens afin de savourer chaque sensation.

Téléchargez la fiche « Stratégies de gestion des émotions »


à destination des patients.

3.3. La méthode des 4 A (Avoid, Alter, Adapt, Accept)


a) « Avoid » – Éviter le stress inutile
Il est important d’identifier ce qui est source de stress, puis de prendre des
mesures pour l’éviter ou réduire celui-ci. De nombreux facteurs de stress
peuvent être modifiés, mais d’autres sont indépendants de notre volonté.
Il n’est pas possible d’éliminer le stress de sa vie, mais la gestion de son stress
peut aider à accomplir ce qui est important.
• Apprendre à dire « non » pour respecter ses limites.
• Éviter les personnes qui sont stressantes.
• Prendre le contrôle de son environnement. Par exemple, si le journal
télévisé du soir devient stressant, et bien est-il nécessaire de continuer
à le regarder ?
• Réduire sa liste de choses à faire. Par exemple, il peut être important de
reléguer certaines tâches pas vraiment nécessaires en bas de la liste ou
de les éliminer complètement.

b) « Alter » – Modifier la situation


Si une situation stressante n’est pas évitable, une autre solution peut être la
modification de la situation. Souvent, cela implique de changer sa façon de
communiquer et de fonctionner dans sa vie quotidienne :
– Exprimer ses émotions. Si elles ne sont pas exprimées, le ressentiment
s’accumulera et le stress augmentera.
– Faire des compromis. À deux, prêts à faire au moins une petite conces-
sion, il y a de bonnes chances de trouver un juste milieu.
– Se créer un emploi du temps équilibré. Trouver un équilibre entre le travail
et la vie de famille, les activités sociales et les activités solitaires, les res-
ponsabilités quotidiennes et les temps morts permettra de réduire le stress.

Gestion du stress 229


c) « Adapt » – S’adapter au facteur de stress
Si les facteurs de stress ne peuvent être changés, il s’agira de s’adapter aux
situations stressantes pour retrouver son sentiment de contrôle en modifiant
ses attentes et son attitude :
• Recadrer les problèmes. Essayer de voir les situations stressantes sous
un angle plus positif. Au lieu de s’énerver dans un embouteillage, cela
peut être l’occasion de faire une pause, d’écouter sa musique préférée ou
de profiter d’un moment de solitude.
• Regarder la situation dans son ensemble. Cela aura-t-il de l’importance
dans un mois ? Dans un an ? Cela vaut-il vraiment la peine de s’énerver ?
• Adapter ses critères. Le perfectionnisme est une source majeure de
stress évitable. Se fixer des objectifs raisonnables pour soi-même et
pour les autres, et apprendre à se contenter d’un « assez bon ».
• Pratiquer la gratitude. Lorsque le stress déprime, prendre un moment
pour réfléchir à tout ce qui est apprécié dans la vie, y compris ses
propres qualités.

d) « Accept » – Accepter les choses que vous ne pouvez pas changer


Certaines sources de stress sont inévitables. Il est impossible de prévenir ou de
changer des facteurs de stress tels que le décès d’un être cher ou une maladie grave.
Dans ce cas, la meilleure façon de faire face au stress est d’accepter les choses telles
qu’elles sont. L’acceptation peut être difficile, mais à long terme, c’est plus facile
que de s’insurger contre une situation que vous ne pouvez pas changer.
• Ne pas essayer de contrôler l’incontrôlable. De nombreuses choses dans
la vie échappent à notre contrôle, notamment le comportement des
autres. Au lieu de vous stresser à cause d’eux, concentrez-vous sur les
choses que vous pouvez contrôler, comme la façon dont vous choisissez
de réagir aux problèmes.
• Chercher le bon côté des choses. Lorsque vous êtes confrontés à des
défis majeurs, essayez de les considérer comme des opportunités de
développement personnel.
• Apprendre à pardonner. Accepter le fait que nous vivons dans un
monde imparfait et que les gens font des erreurs. Laissez partir la colère
et les rancœurs.
• Partager ses émotions. Exprimer ce que vous vivez peut être très cathartique,
même si vous ne pouvez rien faire pour modifier la situation stressante.
Parler à un ami de confiance ou prendre rendez-vous avec un psychologue.

Téléchargez la fiche « La méthode des 4 A » à destination des patients.

230 Addictions : prévenir la rechute


3.4. Faire appel à une personne ressource
a) Faites-vous serrer dans les bras d’un être cher
Le contact physique peut faire beaucoup pour soulager le stress. Faire un câlin
à un être cher peut être donc particulièrement bénéfique. Lorsque nous pre-
nons quelqu’un dans nos bras, de l’ocytocine (également appelée « hormone
du câlin ») est libérée. L’ocytocine est associée à des niveaux de bonheur plus
élevés et à des niveaux de stress plus faibles. L’ocytocine entraîne également
une baisse de la pression artérielle. Elle réduit la norépinéphrine, l’hormone du
stress, et peut produire un sentiment de relaxation. C’est l’une des formes les
plus simples de soulagement du stress.

b) Garder une photo d’un être cher


Garder une photo sur soi dans son portefeuille, dans son téléphone portable
d’une personne ressource sécurisante (mais cela peut être aussi la photo d’un
animal, un personnage historique, etc.) qui saurait vous apaiser si elle était
présente. Que pourrait-elle vous dire pour vous rassurer face à vos difficultés ?

4. Difficultés rencontrées
– Le patient est dans une attente d’une solution « magique »
Parfois, le patient est pris dans son stress qu’il vit comme intolérable, et souhaite
le faire disparaître immédiatement. Il peut ainsi être dans une attente magique
qui risque de mettre en échec les stratégies de gestion du stress. Le thérapeute
a alors le rôle de recadrer ces attentes magiques. Il transmet l’idée que la per-
sonne est actrice dans le processus d’apprentissage de gestion du stress. Des
outils existent mais la personne est la main qui va les faire fonctionner et les
rendre efficaces. La précision va s’acquérir avec la pratique répétée. Dans ce
processus le thérapeute va s’attacher à donner de l’information avec la psy-
choéducation, et à faire grandir le sentiment d’auto-efficacité. Les techniques
d’entretien motivationnel sont alors pertinentes.

Gestion du stress 231


SÉANCE 8
Gestion de la colère

« S’accrocher à la colère, c’est comme saisir un charbon


chaud dans l’intention de le jeter sur quelqu’un d’autre ;
c’est vous qui vous brûlez. »
Bouddha

Séance 8 : Gestion de la colère


Objectif de la séance
Apprendre à gérer la colère
Plan de la séance
C’est quoi la colère ?
Psychoéducation (Les signes de la colère, Les conséquences sur le corps, Les autres consé-
quences de la colère, Les avantages de la colère)
Trousse à outils (L’iceberg de la colère, Les valeurs bafouées dans la colère, Identifier les
déclencheurs, Le journal (I/G), Savoir exprimer sa colère, La respiration profonde, Le temps
d’arrêt, Les feux tricolores)
Difficultés rencontrées
Fiches téléchargeables
Les signes de la colère
Comment la colère affecte votre corps ?
L’iceberg de la colère
Techniques pour mieux gérer sa colère
Mes solutions dans la colère

Gestion de la colère 233


1. C’est quoi la colère ?
La colère est une émotion puissante qui peut être définie comme un fort sen-
timent de contrariété, de déplaisir ou d’hostilité. La colère est une émotion
naturelle que tout le monde ressent de temps en temps, et c’est souvent une
réaction justifiée lorsqu’elle est exprimée de manière adaptée. Cependant,
une mauvaise gestion de la colère peut entraîner un certain nombre de consé-
quences très négatives pour une personne et ses proches, en particulier en cas
de dépendance. En effet, la colère est souvent étroitement liée aux troubles liés
à la dépendance. Les enfants qui grandissent dans des foyers où l’agressivité et
la violence sont élevées, sont plus susceptibles de devenir violents et de souffrir
d’addictions à l’âge adulte (Edalati & Krank, 2016 ; Shin et al., 2018).
Bien que la colère puisse être une émotion saine, une personne aux prises
avec un trouble lié à la consommation d’alcool, par exemple, peut avoir du
mal à la gérer de façon adaptée. Effectivement, elle peut réagir par une colère
excessive dans certaines situations lors de consommations ou a contrario, va
utiliser l’alcool pour apaiser sa colère, avec souvent l’effet inverse. Quelles que
soient les circonstances, les produits chimiques peuvent perturber et intensifier
l’émotion de colère. La colère consiste en des sentiments dont l’intensité varie
d’une légère irritation ou contrariété à une fureur et une rage intense.
Malheureusement pour certains, cette colère ne disparaît pas toujours lors-
qu’une personne arrête de consommer. Pour beaucoup, cela est dû au fait que
c’est la première fois depuis longtemps qu’ils font face à leur vie sans l’influence
de la drogue ou de l’alcool, et qu’ils voient et ressentent les choses par consé-
quent de façon plus aiguë.
Bien que la colère soit une émotion qui fait partie de la vie, pour certaines
personnes, des manifestations inappropriées de colère peuvent signaler la pré-
sence d’un problème plus important et complexe. La colère peut être concep-
tualisée comme une composante transdiagnostique des troubles anxieux,
obsessionnel compulsifs, dépressifs, bipolaires (Cassiello-Robbins & Barlow,
2016). D’autres, comme le TSPT (trouble de Stress Post-traumatique), le
trouble bipolaire, le trouble de la personnalité limite, le trouble de la person-
nalité antisociale peuvent se caractériser par des accès de colère (Fernandez &
Johnson, 2016 ; Martino et al., 2015 ; Novaco & Chemtob, 2015).

2. Modèle cognitivo-comportemental de la colère


Le modèle cognitif et comportemental permet de mieux comprendre le méca-
nisme de la colère. Nous avons choisi celui présenté dans Gestion de la colère :
manuel à destination des patients (Goulet et al., 2018) :

234 Addictions : prévenir la rechute


Enfance
– Hérédité, tempérament
– Événements de l’enfance (caractère)

Croyances

Événements
déclencheurs

Comportements
Pensées
agressifs

Habitudes de vie :
– Alcool
Diminution
– Drogues
des inhibitions Émotions :
– Stimulants
Augmentation colère
– Perturbation
des impulsions
des cycles
de sommeil
Réactions
physiologiques

Figure 18. Modèle cognitivo-comportemental de la colère


(Goulet et al. , 2018)

3. Psychoéducation
3.1. Les signes de la colère
Être conscient des signes avant-coureurs de la colère permet de mieux l’appré-
hender et de pouvoir mieux la gérer. La plupart du temps, les personnes ont
l’impression d’exploser de colère sans prévenir, mais il existe en fait des signes
avant-coureurs physiques dans le corps. En prenant conscience des signes indi-
quant que la colère commence à « bouillir », il est possible de prendre des
mesures pour la gérer avant qu’elle ne devienne incontrôlable.

Gestion de la colère 235


« Reconnaître la colère chez soi et chez les autres La colère s’accompagne souvent
de symptômes physiques et émotionnels. En les reconnaissant, vous serez plus à
même de les contrôler. »

Signes physiques possibles de la colère


! Se frotter fréquemment le visage.
! Serrer fortement une main avec l’autre, ou serrer les poings.
! Serrer la mâchoire ou grincer des dents.
! Respiration difficile et/ou essoufflement.
! Augmentation du rythme cardiaque.
! Transpiration, les mains moites.
! Tremblement des lèvres, des mains.
! Mouvement de balancement en position assise.
! Faire les cent pas.
! Être impoli et perdre le sens de l’humour.
! Parler plus fort.
! Augmentation des envies de tabac, de sucre, d’alcool, de drogues,
de nourriture réconfortante, etc.

Symptômes émotionnels possibles de la colère


! Désir de « fuir » la situation.
! Irritation.
! Sentiment de tristesse ou de dépression.
! Sentiment de culpabilité ou de rancune.
! Anxiété.
! Le sentiment ou le désir de s’emporter verbalement ou physiquement.

Téléchargez la fiche « Les signes de la colère ».

3.2. Les conséquences sur le corps de la colère


« La colère entraîne la libération d’hormones de stress comme le cortisol, l’adrénaline
et la noradrénaline. Ces hormones donnent à votre corps des bouffées d’énergie qui
vous permettent de faire face aux situations négatives en conséquence. Cependant,
une trop grande quantité de ces hormones ou une exposition répétée à ces hormones
peut commencer à avoir un impact négatif sur des parties importantes de votre corps. »

236 Addictions : prévenir la rechute


Problèmes de vision comme
une vision en tunnel, une sensibilité
Fréquence plus élevée de mal
à la lumière ou une vision floue
de tête et de migraine

Diminution de la fonction
thyroïdienne Sensation de bouche
sèche

Diminution du flux sanguin


dans le système digestif Diminution de la densité
osseuse

Un métabolisme lent
Augmentation :
– du rythme cardiaque
Probabilité accrue d’accident – de la pression sanguine
vasculaire cérébral – du taux de glucose dans le sang
et de crise cardiaque – du taux d’acide gras dans le sang

Figure 19. Les conséquences sur le corps de la colère

Téléchargez la fiche « Comment la colère affecte votre corps ».

3.3. Les autres conséquences de la colère


La colère peut impacter la vie des personnes et de manière importante. Voici
quelques conséquences possibles (Goulet et al., 2018):
– Les relations interpersonnelles peuvent en souffrir. Les risques encourus
à la longue sont le fait de se retrouver isolé, rejeté, voire même détesté.
– L’estime de soi diminue.
– La colère augmente le risque de développer d’autres problèmes d’addic-
tions. Certaines substances peuvent diminuer le contrôle sur la colère
ce qui crée un cercle vicieux.
– Elle peut nuire à la stabilité et à la satisfaction dans son travail.
– La colère augmente le risque d’avoir des problèmes avec la justice
en apportant des risques de violence. L’affirmation de soi (voir notre
séance à ce sujet) est une autre façon de faire respecter ses droits qui
permet de mieux faire valoir son point de vue avec beaucoup moins de
conséquences fâcheuses à long terme.
– Elle n’est pas efficace pour résoudre les problèmes. D’autres façons plus
efficaces existent pour y arriver comme les techniques de résolution de
problèmes (voir notre séance à ce sujet).

Gestion de la colère 237


– La colère entraîne la colère. Le mythe voulant qu’on doive « laisser
sortir » la colère pour qu’elle diminue n’est pas une vérité mais bien un
mythe. Plusieurs recherches ont en effet montré exactement l’inverse.
Même lorsqu’elle est dirigée ailleurs (par exemple sur un objet comme
un oreiller, un jeu vidéo ou un sac de boxe), la colère augmente la
colère.
– La colère fait d’abord souffrir la personne qui est en colère.

3.4. Les avantages de la colère


Apprendre à reconnaître et à exprimer sa colère de manière appropriée peut
faire une grande différence dans la vie. La colère peut aider à :
– Atteindre des objectifs : tenter d’atteindre un objectif peut être frus-
trant et la frustration peut conduire à la colère, qui à son tour peut
motiver à travailler plus dur.
– Communiquer avec les autres : parler de sa colère peut aider à ne pas
l’accumuler. En communiquant sur sa colère, cela permet de relâcher la
tension et améliorer la communication avec sa famille, ses amis et ses
collègues de travail.
– Résoudre les problèmes : la colère est un signe que quelque chose ne
va pas. Elle peut servir d’avertissement et nous inciter à réfléchir à nos
émotions et à nos comportements.
– Gérer les urgences et se protéger : la colère peut provoquer une poussée
immédiate de force et d’énergie. Elle peut nous permettre de trouver
des moyens de faire en sorte que la colère travaille pour nous, et non
contre nous.
– Indicateur d’un besoin insatisfait : la colère permet de connaître ses
besoins, ce qui permet d’apprendre à y répondre de manière appropriée

4. Trousse à outils
4.1. L’iceberg de la colère
Objectif : Explorer ce qui se cache réellement derrière la colère
La colère masque-t-elle d’autres sentiments tels que la tristesse, l’insé-
curité, la honte ou l’anxiété ? Si la colère devient une réaction instinctive
dans de nombreuses situations, il est probable que cette colère cache d’autres
émotions. Cela est particulièrement probable si la personne a grandi dans
une famille où l’expression des émotions était fortement découragée. À l’âge
adulte, il est fréquent d’avoir du mal à reconnaître ses émotions autres que

238 Addictions : prévenir la rechute


celle de la colère. Si quelqu’un a toujours vu des membres de sa famille crier, se
frapper ou jeter des objets, il est probable que la personne pense que c’est ainsi
que les émotions sont censées être exprimées. La colère peut être le symptôme
d’un autre problème de santé sous-jacent, comme la dépression (surtout chez
les hommes), un traumatisme ou un stress chronique.

Situations :

Émotions secondaires :

Origine de la colère :

Vignette clinique

Kevin a 30 ans. Il est dépendant du cannabis et de l’alcool avec des antécédents de


dépendance à la cocaïne. Il vient en consultation en CSAPA car il a une obligation de soin
suite à des accès de violence lors de soirées fortement alcoolisées, qui l’ont amené à des
conséquences judiciaires. Abstinent depuis 6 mois de l’alcool, il souhaiterait travailler sur
ses épisodes de jalousie pathologique où la colère est dominante.

Gestion de la colère 239


Situations : Un homme regarde
sa copine dans la rue

Émotions secondaires :
Peur de l’abandon, insécurité

Origine de la colère : Parents


avec pathologies psychiatriques,
placé dès sa petite enfance

Téléchargez la fiche « L’iceberg de la colère » à destination des patients.

4.2. Les valeurs bafouées dans la colère


Une autre technique, issue de la Thérapie d’acceptation et d’engagement
(ACT) peut aider pour savoir ce qui peut nous mettre en colère : c’est
reconnaître quelles valeurs ont été bafouées. En effet, nous connaissons nos
valeurs par ce qui nous met en colère, nous frustre et nous enrage. Se deman-
der : « Quelle valeur positive peut sous-tendre ma colère ? ». Par exemple, « Elle
devrait m’écouter » peut impliquer des valeurs de communication, de com-
préhension ou de coopération ; ou encore « Ils devraient rester hors de mon
chemin » peut impliquer des valeurs de liberté ou de respect. Nous n’avons
aucun contrôle sur le fait que les autres personnes agissent ou non en accord
avec nos valeurs. Nous pouvons seulement contrôler notre réaction face à
cette situation.
Par conséquent, nous pouvons agir dans le sens de nos valeurs, en se posant
deux questions :
1. Qu’est-ce que je veux à long terme ?
2. Quelles mesures constructives puis-je prendre dans cette direction ?

Le fait est que les gens ignorent nos souhaits « Que pouvez-vous faire de
manière constructive lorsque cela se produit ? » Vous pouvez continuer à

240 Addictions : prévenir la rechute


respecter la vie privée, à être honnête, juste et à avoir des principes dans vos
interactions avec les autres. En bref, vous pouvez faire partie de la solution et
non du problème.

4.3. Identifier les déclencheurs


Les événements stressants n’excusent pas la colère, mais peuvent aider à
comprendre comment ces événements affectent le contrôle et à éviter toute
aggravation inutile. Examiner sa routine habituelle et essayer d’identifier les
activités, les moments de la journée, les personnes, les lieux ou les situations
qui déclenchent des sentiments d’irritabilité ou de colère sont les préludes à la
gestion des émotions.

Quelques déclencheurs courants de la colère


– Le deuil et/ou la tristesse, la perte d’un membre de la famille, d’un ami ou d’un autre
être cher.
– L’impolitesse, les mauvais comportements, etc.
– La fatigue.
– La faim.
– L’injustice (par exemple, infidélité, critiques, humiliations ou embarras, ou le fait
d’apprendre que vous, ou un être cher, êtes atteint d’une maladie grave).
– La frustration sexuelle.
– Les problèmes d’argent et le stress associé aux dettes.
– Certaines formes de stress, les délais irréalistes et les choses qui échappent à notre
contrôle immédiat, comme être coincé dans les embouteillages.
– Un sentiment d’échec ou le fait d’être déçu
– Se mettre en colère après avoir consommé des drogues ou de l’alcool, ou le sevrage
de ces substances.
– Un délit commis à votre encontre ou à celle d’un proche (vol, violence, délits sexuels,
mais aussi des choses mineures comme le sentiment d’être traité de manière
inappropriée).
– Le fait d’être physiquement ou mentalement malade, de souffrir ou de vivre avec
une maladie grave

4.4. Le journal
La plupart des personnes pensent que ce sont des facteurs externes qui sont à
l’origine de leur colère. Mais les problèmes de la colère ont moins à voir avec
ce qui vous arrive qu’avec la façon dont nous interprétons et pensons à ce qui
s’est passé. Ainsi, on parle de schémas qui peuvent déclencher la colère.

Gestion de la colère 241


Discussion
Quelle importance cela a-t-il dans ma vie ?
Cela vaut-il vraiment la peine de se mettre en colère ?
Est-ce que cela vaut la peine de gâcher le reste de ma journée ?
Ma réaction est-elle adaptée à la situation ?
Y a-t-il quelque chose que je puisse faire à ce sujet ?
L’action vaut-elle la peine que je prenne mon temps ?

La tenue d’un journal permet d’aider à identifier les schémas, les signes
avant-coureurs et les déclencheurs, tout en vous aidant à organiser ses pensées
et à résoudre ses problèmes.
– Que se passait-il avant l’épisode de colère ?
– Décrivez ce que vous ressentiez et ce que vous aviez en tête. Aviez-vous
faim, étiez-vous fatigué ou stressé ?
– Décrivez les faits qui se sont produits.
– Quels événements ont déclenché votre colère ?
– Comment avez-vous réagi, et votre réaction a-t-elle changé au fur et à
mesure que l’événement se déroulait ?
– Quelles étaient vos pensées et vos émotions pendant l’épisode de
colère ? Avec le recul, voyez-vous quelque chose de différent de lorsque
vous étiez dans le feu de l’action ?

4.5. Savoir exprimer sa colère


La façon instinctive et naturelle d’exprimer sa colère est de répondre de façon
agressive. La colère est une réponse naturelle et adaptative aux menaces. Elle
inspire des émotions et des comportements puissants, souvent agressifs, qui
nous permettent de nous battre et de nous défendre lorsque nous sommes
attaqués. Une certaine dose de colère est donc nécessaire à notre survie. En
revanche, nous ne pouvons pas nous défouler physiquement sur chaque per-
sonne qui nous irrite ou nous agace – les lois, les normes sociales et le bon sens
imposent des limites à la portée de notre colère. Exprimer ses sentiments de
colère de manière assertive – et non agressive – est la manière la plus saine
d’exprimer sa colère. Pour ce faire, nous devons apprendre à exprimer claire-
ment nos besoins et à les satisfaire sans blesser les autres. S’affirmer ne signifie
pas être insistant ou exigeant, cela signifie être respectueux de soi-même et des
autres. La séance sur l’affirmation de soi vous aidera à travailler la manière de
communiquer sur sa colère.

242 Addictions : prévenir la rechute


Par exemple, faire attention aux mots comme « jamais » ou « toujours »
lorsque nous parlons de nous-mêmes ou de quelqu’un d’autre. « Cette foutue
machine ne fonctionne jamais » ou « tu oublies toujours des choses » ne sont pas
seulement inexacts, ils servent aussi à nous faire sentir que notre colère est
justifiée et qu’il n’y a aucun moyen de résoudre le problème. Ils aliènent et
humilient également les personnes qui pourraient autrement être disposées à
travailler avec vous pour trouver une solution.

4.6. La respiration profonde


La respiration profonde est une technique simple qui est excellente pour gérer
les émotions. Non seulement la respiration profonde est efficace, mais elle est
également discrète et facile à utiliser à tout moment et en tout lieu. Asseyez-
vous confortablement et placez une main sur votre abdomen. Inspirez par le
nez, assez profondément pour que la main sur l’abdomen se soulève. Retenez
l’air dans vos poumons, puis expirez lentement par la bouche, en plissant les
lèvres comme si vous souffliez dans une paille. Le secret est d’y aller lentement :
chronométrez l’inspiration (4s), la pause (4s) et l’expiration (6s). Pratiquez
pendant 3 à 5 minutes.

4s inspirez 4s Retenez l’air 6s expirez

Figure 20. La respiration profonde

4.7. Le temps d’arrêt (Time Out)


Le temps d’arrêt est une stratégie de base de la gestion de la colère. De la même
manière qu’une équipe sportive demande un temps mort pour se regrouper, uti-
lisez un temps mort pour se reprendre ou changer la situation lorsque la colère
monte. Dans sa forme la plus simple, un temps d’arrêt signifie prendre quelques
respirations profondes et réfléchir au lieu de réagir. Cela peut aussi signifier
quitter la situation qui provoque l’escalade ou simplement arrêter la discussion
qui provoque votre colère.
La technique du temps d’arrêt peut être discutée au préalable en famille,
avec ses amis, etc. La personne qui demande le temps d’arrêt peut quitter la
situation, si nécessaire. Il est toutefois convenu qu’elle reviendra pour ter-
miner la discussion ou la reporter, selon que les parties concernées estiment

Gestion de la colère 243


pouvoir résoudre le problème. Le temps d’arrêt est important car il peut être
utilisé efficacement dans le feu de l’action. Un temps d’arrêt est également
efficace lorsqu’il est utilisé avec d’autres stratégies, comme aller se promener
ou encore appeler un ami. Ces autres stratégies aident à se calmer pendant le
temps d’arrêt.
Il est important de se rappeler que :
– Le temps d’arrêt n’est pas une échappatoire !
– Il n’est pas un moyen d’éviter les sujets difficiles ou sensibles.
– Le temps d’arrêt peut être demandé par l’une ou l’autre des parties.

Procédure du temps d’arrêt


Étape 1 : Reconnaître (que se passe-t-il ?) et noter :
– Les signes du corps (mâchoire, estomac, cœur…)
– Les actions (voix, mots, attitude…).
Dites-vous : « Je me mets trop en colère. J’ai besoin d’un temps d’arrêt. Je veux en parler
mais je dois d’abord me calmer »
Étape 2 : Soyez responsable (temps de réflexion)
– Éloignez-vous et essayez de vous calmer. Avant de partir, dites à l’autre personne où
vous allez et quand vous serez de retour
– Changez votre façon de penser à la situation et demandez-vous « Est-ce que j’ai
vraiment besoin de gagner cette dispute ? »
Étape 3 : Réessayer
– Lorsque vous avez repris le contrôle de vous-même, retournez-y et essayez à nouveau :
« Pouvons-nous recommencer ou devons-nous laisser cela pour une autre fois ? »

4.8. Les feux tricolores


À l’instar des colonnes de Beck, cette image du feu tricolore permet au patient
de mieux situer ce qui se joue dans un ressenti de colère et peut constituer une
aide à sa gestion.
Après avoir fait le point avec le patient sur ce qu’est la colère (son sens, ses
sensations corporelles, ses cognitions, ses conséquences sur le comportement
et l’environnement), proposez de ranger son intensité selon trois niveaux :
vert, orange, rouge.

244 Addictions : prévenir la rechute


R

Le feu de signalisation symbolise aisément pour tous, l’action que l’on doit
mener selon ce qui est « allumé » : vert, je continue ; orange : je ralentis ;
rouge, je m’arrête.
Présentez une feuille avec une image de feux de circulation et faites le lien
entre ces couleurs et l’intensité de son émotion.
• Avec le patient, commencez par le bas, le feu vert. Expliquez qu’il s’agit
d’un agacement ou d’une colère de faible intensité et demandez-lui
d’illustrer avec une situation récente. Un exemple : « ma compagne me
demande où je me trouvais cet après-midi dans la maison ». Questionnez
les ressentis et cognitions dans ce niveau : « elle ne me fait pas confiance »,
« je ne me sens pas libre et je n’ai pas envie de me justifier », tensions dans
la poitrine, dans les doigts, crispations. Posez-lui la question : « Que
pourriez-vous faire dans ce type de colère ? ». Listez à l’écrit sur le côté
du feu tout ce qu’il propose comme comportements/cognitions pour y
faire face : respirer, sourire, répondre à la question, parler de ma gêne
face à sa demande.
• Puis, faites de même pour le feu orange. Expliquez qu’il s’agit d’une
colère plus prononcée sans toutefois la perte de moyen. Demandez-lui
un exemple de situation où il a vécu cela récemment : « un ami a insisté
à plusieurs reprises pour que je tire sur son joint avec lui afin que je profite
de la soirée ». Questionnez les ressentis et cognitions dans ce niveau :
« il ne comprend pas ma démarche », « je passe pour un nul à refuser »,
gorge serrée, tension dans la mâchoire avec déglutition, besoin de bou-
ger, respiration plus courte, envie de jeter des choses au sol. Posez-lui
la question : « Que pourriez-vous faire dans ce type de colère ? ». Listez à
l’écrit sur le côté du feu tout ce qu’il propose comme comportements/
cognitions pour y faire face. Respirer en profondeur, lui expliquer que
s’il insiste encore, je pars, aller prendre l’air, m’occuper à aider en
cuisine, téléphoner à un ami pour penser à autre chose.
• Et terminez par le feu rouge, cette colère qu’il a tant de mal à gérer.
La violence est palpable tant en lui que dans les actions possibles.
Questionnez-le sur une situation récente de forte colère : « une dispute
avec ma compagne qui ne souhaite pas que je rejoigne des amis et menace de
me quitter ». Explorez les ressentis et cognitions dans le rouge : « je n’ai

Gestion de la colère 245


pas de soupape après tous les efforts que je fais », « elle ne comprend rien
et fait tout pour que je rechute », sensation de chaleur intense, cœur qui
s’accélère, souffle coupé et plus moyen de parler (les mots ne sortent plus), je
me braque, les idées se mélangent vite, envie de taper et de faire du bruit. La
seule solution ici est de s’éloigner (cf. : le time out ci-dessus) afin d’abais-
ser la tension physique mais comme pour les deux autres. Posez-lui la
question des solutions de gestion qu’il envisage. Sortir de la pièce et hur-
ler, aller marcher dehors, fumer une cigarette, courir.

Puis vous cotez avec le patient ces niveaux d’intensité (de 0 peu intense à
10 très intense) afin qu’il borne chaque échelon.
Ainsi, le patient aura un outil repère en couleur et en cotation associé à
chaque fois avec les solutions possibles pour lui :
• Rouge : 8-10 : Sortir de la pièce et hurler, aller marcher dehors, fumer
une cigarette, courir.
• Orange : 4-7 : Respirer en profondeur, dire à l’autre d’arrêter d’insister,
aller prendre l’air, m’occuper dans une activité, téléphoner à un ami
pour penser à autre chose.
• Vert : 1-3 : Respirer, sourire, répondre à la question, parler de ma gêne.

Téléchargez la fiche récapitulative « Techniques pour mieux gérer sa colère » ainsi


que la fiche « Mes solutions dans la colère » à destination des patients.

5. Difficultés rencontrées
– Difficultés dans la reconnaissance des émotions
Certains patients peuvent être en difficulté pour reconnaître leurs émotions et
la colère peut en faire partie : c’est ce qu’on appelle l’alexithymie. Celle-ci est
une difficulté à identifier, différencier et exprimer ses émotions, ou même par-
fois celles d’autrui qui sont impliquées dans le développement et le maintien
des addictions. La psychoéducation autour des émotions devient donc essen-
tielle avec différentes stratégies :
– reconnaissance des sensations corporelles et des autres manifestations
non verbales de l’émotion ;
– reconnaissance de la fonction informative des émotions ;
– différenciation et verbalisation des émotions.

246 Addictions : prévenir la rechute


SÉANCE 9
Résolution de problème

« Ne me dites pas que ce problème est difficile.


S’il n’était pas difficile, ce ne serait pas un problème. »
Ferdinand Foch

Séance 9 : Résolution de problème


Objectif de la séance
Apprendre à résoudre des problèmes de manière efficace pour diminuer les situations à
risque
Plan de la séance
Pourquoi cette séance ?
Psychoéducation (Une compétence qui s’apprend (I/G), Repérage des situations problèmes
(I/G), Repérage de l’évitement et ses conséquences (I/G))
Trousse à outils (Description du problème (I/G), Identification des objectifs à court et long
terme (I/G), Liste de solutions (I/G), Pratique en groupe (G))
Difficultés rencontrées
Fiche téléchargeable
Résolution de problème

1. Pourquoi cette séance ?


Le repérage des situations à risque de rechute met en évidence différents
types de situations et déclencheurs. C’est la manière de gérer ces situations,
en amont, pendant, et après, qui va faire qu’elles conduisent ou non à une
rechute. La résolution de problème est une méthode qui va servir au patient
aussi bien pour éviter de créer des situations à risque que pour y faire face de
manière efficace quand elles sont présentes.
Initialement développée par des psychologues américains, la thérapie de
résolution de problème vise à aider la personne à améliorer sa capacité de
résolution de problèmes afin de mieux faire face aux expériences stressantes

Résolution de problème 247


de la vie et les prévenir (ce qui a été appelé le coping) (Nezu et al., 2013).
Cette approche, issue de la thérapie cognitive et comportementale, est basée
sur l’hypothèse qu’une part importante de ce qui est considéré comme des
psychopathologies résulte de l’inefficacité ou de l’inadaptation des compor-
tements adoptés pour faire face au stress et aux difficultés. Dans le cadre des
addictions, au fil du temps, le répertoire des compétences d’adaptation et de
résolution de problèmes de nombreux patients s’est rétréci, de telle sorte que
l’abus de substances par exemple est devenu leur seul moyen, trop généralisé,
de faire face aux problèmes.
Les patients vont être invités à utiliser cette méthode dans les cas où ils
sont confrontés à un problème réel, concret, afin d’y trouver l’issue la plus
favorable pour eux. La finalité est de prendre une décision, pour arrêter les
ruminations et passer à l’action. On amène le patient à percevoir le problème
comme une situation à résoudre et non comme une menace. Cette méthode
va contribuer à renforcer le sentiment d’auto efficacité face aux problèmes,
facteur favorisant le rétablissement à long terme.
Dans un premier temps il s’agit d’apprendre à repérer quand utiliser la
méthode. Puis, en séance, on s’entraîne à l’utiliser, avec des exemples, des
exercices. Le patient est amené ensuite à l’appliquer en autonomie, en repre-
nant avec le thérapeute dans un second temps. Le but final est qu’il se l’appro-
prie et l’utilise dans sa vie quotidienne.

2. Psychoéducation
2.1. Une compétence qui s’apprend
Un problème tel qu’on l’entend ici est « une difficulté qu’il faut résoudre pour
obtenir un résultat, une situation instable et dangereuse exigeant une déci-
sion » (définition proposée par les dictionnaires le Robert). La résolution de
problème est une compétence, qui résulte d’un apprentissage. La personne peut
ne pas avoir appris à résoudre les problèmes, ou cette compétence peut avoir
été atteinte par les consommations de produits. Expliquer au patient la notion
de compétence qui s’apprend ou se réapprend va renforcer l’idée que « c’est
possible, il est capable ». L’engagement dans ce travail va être ainsi plus facile.

2.2. Repérage des situations problème


Avant d’axer la thérapie sur la résolution de problème, nous allons prendre
le temps avec le patient de définir dans quelles situations elle est appropriée.

248 Addictions : prévenir la rechute


– Distinguer les problèmes réels des problèmes potentiels
Chez les patients anxieux particulièrement, il peut y avoir une tendance à
confondre un problème réel d’un problème anticipé ou imaginé. La résolution
de problème avec sa finalité de se mettre en action ne peut être utilisée que
pour un problème présent. Si l’on essaie de résoudre un problème imaginé on
ne peut passer à l’action et on reste alors dans la rumination. Cela entretient
des émotions négatives relatives à l’anxiété.

– Distinction problème réel/problème potentiel : exemples

Problème réel Problème potentiel


Ma fille a eu une mauvaise note en maths Ma fille va rater sa vie
J’ai un grain de beauté d’aspect bizarre J’ai sûrement un cancer
Mon mari refuse de me rendre ma carte On va sûrement divorcer et devoir vendre
bancaire, qu’il a prise car il a peur que je la maison.
m’en serve pour acheter de l’alcool

– Répondre à la question : est-ce à moi de résoudre ce problème ?


Cette question est primordiale dans le sens où elle permet d’éviter au patient
de s’approprier des problèmes qui ne sont pas les siens, et se sentir en échec
car dans l’impossibilité mettre en place des solutions efficaces. Elle permet de
regarder où se situe réellement le problème pour la personne. Il est fréquent
que des personnes en déficit d’assertivité n’osent pas faire de refus quand on
leur demande un service. Il s’agit ici de s’autoriser à dire non sans pour autant
chercher des solutions pour les autres (cf. le travail cognitif dans la séance
affirmation de soi).

– Apprendre à distinguer ce qui relève de moi ou des autres quand je


remarque un problème
Exemples de situation :

Au travail j’ai de nombreux dossiers en attente.


Question : est-ce mon niveau d’efficacité qui est trop faible ou est-ce l’entreprise qui
n’emploie pas assez de personnel ?
Mon fils de 20 ans vit à la maison, il est sans activité et ne cherche pas de travail.
Question : est-ce à moi de chercher un travail pour lui ?
Ma voisine n’a personne pour garder ses enfants le mercredi après-midi et elle compte sur moi
pour les occuper.
Question : est-ce à moi de prendre la responsabilité d’occuper ses enfants ?
Un ami a sa voiture en panne et souhaite que je passe le dépanner après ma journée de travail
car je suis garagiste.
Question : est-ce à moi de prendre en charge sa voiture, bien que je sois garagiste ?

Résolution de problème 249


2.3. Repérage de l’évitement et ses conséquences
Une stratégie beaucoup utilisée par les personnes souffrant d’addiction devant
un problème est l’évitement. Il peut se cacher dans différents comportements :
l’hyperactivité (s’occuper pour ne pas penser), les ruminations (évitement du pas-
sage à l’action), le temps de sommeil augmenté, les consommations de produits ou
conduites addictives (extinction temporaire des émotions et des pensées relatives
au problème). L’évitement produit un soulagement immédiat en diminuant l’an-
xiété ressentie par la personne. Parfois il est si important que la personne vient à
en oublier son problème. Ce processus est délétère dans la mesure où il contribue
à laisser traîner le problème, et les conséquences s’aggravent. De plus, la personne
qui évite ne va pas pouvoir faire l’expérience d’utiliser ses propres ressources et
ne va pas développer sa croyance en ses capacités à faire face. En séance, on va
expliquer au patient ce mécanisme d’évitement et lui apprendre à repérer les siens.

Vignette clinique

Ludovic a un problème avec sa mutuelle, il sait que celle-ci ne prend pas en charge son
hospitalisation en soins résidentiels. Il doit l’appeler pour changer son contrat. Les
démarches administratives provoquent chez lui de l’anxiété. Il a déjà été surendetté par
le passé. Dans cette période d’hospitalisation, il est très actif, toujours présent dans les
parties communes à faire des activités manuelles ou des jeux de société, il a commencé
à faire du jardinage et a organisé un tournoi de pétanque. La secrétaire lui rappelle
plusieurs fois les démarches à faire mais il ne les fait pas. L’explication de l’évitement en
séance va le déculpabiliser et lui faire prendre conscience des risques à continuer ainsi.
Il va alors demander l’aide de l’assistant social pour régler ce problème.

3. Trousse à outils
Différentes étapes sont à suivre dans la démarche de résolution de problème.
Elles sont présentées ci-après.

3.1. Description du problème


Les patients ont souvent tendance à définir un problème de manière vague, par
ex « je n’ai pas confiance en moi » ou « je suis trop stressé ». Or, pour travailler
sur du concret et mettre en place des changements, il est important de définir
le problème de façon factuelle. Attention également à ne choisir qu’un pro-
blème à la fois. Pour cela on peut répondre aux questions suivantes :
• quelle est la situation ?
• qu’est-ce qui se passe qui me dérange ?

250 Addictions : prévenir la rechute


• quels changements je souhaiterais ? Qu’est ce que je veux ?
• quels sont les obstacles à cela ?
Exemples :
• Quelle est la situation : suite à mes excès d’héroïne et toutes les consé-
quences que cela a engendrées, je suis allé vivre chez mes parents pour
me sevrer et rester abstinent.
• Qu’est-ce qui se passe qui me dérange ? Quand je rentre du travail, ma
mère a déjà préparé le repas du soir et attend que je m’installe à table
avec eux. Cela m’oppresse, au point que je me sens stressé quand je
rentre après ma journée.
• Quels changements je souhaiterais : je voudrais passer un peu de temps
seul entre le moment où je rentre et le moment où je vais me coucher.
• Obstacles : je culpabilise car mes parents font encore beaucoup pour
moi et je me sens redevable. J’ai peur de décevoir ma mère si je ne
viens pas manger avec eux, et j’ai peur qu’ils pensent que j’ai repris de
l’héroïne et que je les évite.

3.2. Identification des objectifs à court et long terme


Un objectif doit être réaliste et atteignable. Il doit être défini de manière
concrète : quoi ? quand ? où ?
Pour s’aider on peut partir des questions : « comment faire pour que… ? »
ou « que faire pour que… ? ».
Les patients dépendants ont l’habitude de chercher des récompenses immé-
diates. Ils peuvent avoir un biais attentionnel qui les conduit à considérer les
conséquences de leurs actes à court terme et à oublier de regarder les consé-
quences à long terme. Il est important à cette étape de bien prendre en compte
le long terme.

Les objectifs SMART (Doran, 1981)


Pour être plus précis dans la détermination des objectifs, on peut s’appuyer sur la
méthode SMART. Être précis permettra de mieux planifier et répartir les tâches à réaliser
pour atteindre les résultats escomptés.
S pour spécifique : Évitez que votre objectif soit trop vague. Il doit définir clairement
ce que vous souhaitez atteindre. Pour vous aider à déterminer si votre objectif est
spécifique, vous devriez être en mesure de répondre aux questions suivantes : QUI,
QUOI, POURQUOI ?
M pour mesurable : Pour déterminer si vous avez atteint votre objectif, il est impératif qu’il
puisse être mesuré, qu’il soit quantifiable. Pour ce faire, déterminez des critères précis qui
vous permettront de mesurer les progrès ou d’évaluer si vous avez atteint votre objectif.

Résolution de problème 251


A pour acceptable : Si vous souhaitez vous améliorer, il faut vous donner des défis.
Votre objectif doit donc découler d’une difficulté ou d’un point à améliorer. Il doit vous
demander un certain effort, tout en étant stimulant. Cet objectif prend en compte votre
capacité à l’atteindre et vos moyens disponibles. Si vous manquez de ressources, il vaut
mieux définir des objectifs moins ambitieux. Votre objectif ne doit pas être insurmontable.
Il doit respecter vos champs d’intérêt. Mieux vaut se donner plusieurs petits défis qu’un
défi trop grand qui sera abandonné.
R pour Réaliste : Ce critère est souvent confondu avec le A de acceptable, parce que
« réaliste » et « atteignable » signifient à peu près la même chose. Il s’agit d’évaluer la
pertinence des objectifs. En étudiant ce critère, le but est de savoir si vos objectifs sont
réalistes, réalisables et pertinents par rapport à votre situation.
T pour temporellement défini : Un objectif doit être délimité dans le temps, c’est-
à-dire que vous devez préciser QUAND il devra être atteint. Ce critère vous aidera à
rester motivé et concentré.

Exemple
Passer du temps seul :
S : je souhaite passer du temps seul pour me sentir plus libre
M : je veux avoir ce temps pour moi au moins une fois par semaine, au
moins 3 heures
A : j’ai les ressources et les moyens pour mettre cela en place
R : cet objectif me paraît juste donc pertinent
T : je voudrais que cela soit mis en place avant la fin du mois

Téléchargez la fiche « Résolution de problème » destinée aux patients.

3.3. Liste des solutions


Il s’agit de faire une liste de toutes les solutions imaginables. On doit à cette étape
toutes les écrire, à la manière d’un brainstorming, même les plus improbables, ou
celles qui paraissent inatteignables. Il est important de ne pas se freiner à ce stade.
On a tendance par habitude à utiliser toujours les mêmes types de solutions. En
lister un maximum permet d’augmenter les chances d’en trouver, et augmente la
flexibilité. Plus le nombre de solutions générées est important, plus le nombre de
solutions potentielles sera grand, plus les chances de résoudre le problème seront
grandes. Pour cela on demande au patient de lister au moins 5 solutions.

Exemple
• Déménager pour avoir mon propre appartement
• Me faire un plateau-repas dans ma chambre une fois par semaine

252 Addictions : prévenir la rechute


• Rentrer plus tard à la maison
• Aller vivre chez un ami qui part en déplacement professionnel la
semaine
• Suggérer à mes parents de se faire une soirée au restaurant une fois par
semaine

3.4. Examen et choix des solutions


D’abord il convient d’enlever les solutions qui ne répondent pas aux objectifs,
qui sont inapplicables ou qui comportent trop d’inconvénients.
Pour chaque solution restante, on va lister les avantages et les inconvé-
nients, en faisant 2 colonnes. Pour s’aider, on peut répondre aux questions :
• Qu’est-ce que cette solution peut m’apporter ?
• Est-ce que cette solution remplit mon/mes objectifs ?
• Quelles sont les conséquences pour moi et pour mon entourage, à court
et à long terme ?
• Quelles sont les chances que cette solution fonctionne ?

On estime la valeur de chaque solution en faisant la balance entre avan-


tages et inconvénients, puis on choisit la plus avantageuse. Attention, il
n’existe pas de solution parfaite, et la chercher pourrait maintenir la personne
dans l’inaction. Il s’agit ici de choisir la meilleure solution.

VALEUR
SOLUTION AVANTAGES INCONVÉNIENTS
ESTIMÉE
Risque de m’ennuyer
ou d’angoisser, d’avoir
Cela répondrait
des craving plus forts
à mon besoin de passer
Risque de rechercher
du temps seul, je
1 – Déménager la compagnie de mes amis
retrouverais mon
pour avoir consommateurs
sentiment de liberté 30 %
mon propre Inquiétude de mes parents
Cela me permettrait
appartement qui me touche
de reprendre ma vie
Plus de risques de rechute
en main en ayant plus
Difficile à mettre en place
de responsabilités
à court terme
Je ne me sens pas prêt
2 – Me faire Répond à mon besoin,
Pourrait paraître bizarre pour
un plateau-repas à mon objectif
mes parents, besoin d’en
dans ma chambre Moment agréable 80 %
discuter
une fois avec risques limités
Très formel
par semaine Facile à mettre en place

Résolution de problème 253


VALEUR
SOLUTION AVANTAGES INCONVÉNIENTS
ESTIMÉE
Anxiogène pour mes parents,
risque de surveillance accrue,
risque de conflit
3 – Rentrer plus Je ne saurai pas quoi faire
Répond à mon objectif 10 %
tard à la maison dehors > risque de
reconsommer, ou de
refréquenter mes amis
qui se droguent
Je ne me sentirais pas
chez moi, être seul toute
4 – Aller vivre chez Cela me permettrait d’être
la semaine est encore
un ami qui part seul la semaine quand je
un palier trop haut, risque
en déplacement travaille, et protégé le 20 %
d’ennui ou d’angoisse
professionnel week-end, un équilibre
et de craving
la semaine qui me paraît intéressant
Mes parents ne
comprendraient pas
5 – Suggérer à mes
Remplirait mon objectif
parents de se faire
en limitant les risques Risque d’éveiller les soupçons
une soirée au 50 %
Inciterait mes parents de mes parents
restaurant une fois
à s’occuper d’eux
par semaine

Tableau 16. Examen des solutions

Après cet examen des solutions, je choisis la numéro 2 qui me paraît être la plus
avantageuse.

3.5. Préparer la mise en action


Il s’agit de définir les étapes à suivre pour réaliser la solution choisie. Les obsta-
cles et les ressources nécessaires vont être identifiés. Un plan d’action détaillé
va être construit, accompagné d’un échéancier si besoin.

Exemple
Mon plan : dire à mes parents que je souhaite me faire une soirée seul plateau TV
dans ma chambre une fois par semaine.
Quand : samedi midi.
Comment : leur expliquer mon besoin et mon souhait : j’ai besoin de passer un
peu de temps seul tout en étant dans un cadre protégé, je souhaiterais passer une
soirée par semaine dans ma chambre en me faisant un plateau-repas.
Où : à la maison.
Avec qui : mes deux parents.

254 Addictions : prévenir la rechute


Obstacles potentiels : s’ils ne se posent pas pour m’écouter, s’ils me font des
reproches sur d’autres sujets.
Moyens pour contourner ces obstacles : leur dire l’importance que cela a
pour moi, utiliser un mode de communication assertif.

3.6. Application de la solution


C’est la mise en œuvre du plan préparé en amont. Il est conseillé de passer à
cette étape rapidement pour s’engager dans l’action. Cela renforce le senti-
ment d’auto efficacité.

3.7. Évaluation des résultats


La mise en œuvre de la solution amène des résultats qui vont résoudre ou non
le problème, ou le résoudre partiellement. Si le résultat est satisfaisant pour
la personne la situation ne sera plus un problème, et donc plus une situation
à risque de rechute. Sinon, la démarche doit être répétée depuis la première
étape pour mettre en place une autre solution jusqu’à obtenir un résultat satis-
faisant. Certains problèmes mettent du temps à être résolus, c’est pourquoi il
est important de considérer les étapes franchies.
Pour évaluer les résultats, on peut répondre aux questions suivantes :
• Que s’est-il passé ?
• Qu’est-ce qui a fonctionné ?
• Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?
• Ai-je atteint mon objectif ?

Exemple
• Que s’est-il passé ? J’ai mis en œuvre la solution retenue en parlant à mes
parents samedi. Malgré une première réaction réticente ils ont entendu mon
besoin. Nous avons convenu que le mercredi serait ma soirée seul et que je
préparerai moi-même mon repas. J’ai pu tester une première fois et cela a été
un moment agréable.
• Qu’est-ce qui a fonctionné ? Nous avons pu dialoguer, j’ai obtenu ce que je
souhaitais.
• Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Pour l’instant rien – à voir pour les pro-
chaines semaines.
• Ai-je atteint mon objectif ? Mon premier objectif est atteint. Il faudra que je conti-
nue à travailler mon projet de regagner en autonomie à plus long terme. Je vais
continuer à me fixer des objectifs et suivre la méthode de résolution de problème.

Résolution de problème 255


256
VALEUR
SOLUTIONS AVANTAGES INCONVÉNIENTS
ESTIMÉE
1 – Je lui demande de me Cela me permet d’obtenir ce que je veux et je suis Cela va me demander un effort car j’ai perdu
70 %
redonner ma carte. authentique avec lui. l’habitude d’aller vers lui.
2 – Je lui dis ce que Cela me permettrait de renouer le dialogue avec lui, Je risque de pleurer en lui parlant, cela va me
je ressens. en ayant plus confiance dans ma capacité à parler confronter à ma honte et ma culpabilité.
il pourrait accepter que je récupère ma carte. 80 %
Je me sentirais plus prise en considération, et plus
autonome.

Addictions : prévenir la rechute


3 – Je fouille dans son Je récupérerais ma carte. J’aurais honte de faire cela, ça ne correspond
portefeuille pour récupérer pas à mes valeurs.
40 %
ma carte. Mon mari risque de m’en vouloir s’il s’en rend
compte, il ne me fera pas plus confiance.
4 – Je vais à la banque Je récupérerais ma carte, j’aurais la sensation Je resterai dans une logique de dissimulation,
faire opposition et de m’affirmer. je serais mal à l’aise et la relation avec mon
20 %
demander une autre mari risque encore de s’abîmer.
carte.
5 – Je lui prends sa carte J’aurais le sentiment de ne pas me laisser faire. Il pourrait s’en rendre compte et m’en vouloir.
bancaire. Je récupère ce que je veux. Il risque d’être encore plus en colère 20 %
contre moi.
6 – Je lui écris une lettre. Cela me permettrait de dire par écrit ce que je n’arrive Communiquer par écrit me paraît plus long et
50 %
pas à dire. Écrire me permettrait de bien choisir compliqué, je ne suis pas à l’aise avec
mes mots. ce mode de communication.
Vignette clinique : autre exemple

Description du problème : Depuis que mon mari a découvert que je buvais en cachette,
il me surveille. Il m’a pris ma carte bancaire.
Qu’est-ce qui me dérange ? Je me sens infantilisée, cela augmente mon mal-être. J’ai
parfois même envie de boire pour affirmer mon libre arbitre.
Quels changements je souhaiterais ? Je voudrais qu’il arrête de tout contrôler, je voudrais
que l’on communique plus et je voudrais qu’il me rende ma carte.
Obstacles : je n’arrive pas à lui parler, je sens qu’il est en colère contre moi ; Je culpabilise
et sa réaction me met en colère.
Objectifs :
• À court terme : je veux récupérer ma carte bancaire.
• À long terme : je souhaite pouvoir parler de mes difficultés à mon mari.
S : je veux récupérer ma carte que mon mari garde avec lui, pour aller faire les courses
en autonomie dès la semaine prochaine.
M : avoir ma carte bancaire sera une première réussite.
À : j’ai les ressources et les moyens nécessaires.
R : cet objectif me paraît pertinent, il n’est pas démesuré.
T : je voudrais que cela soit effectif cette semaine avant samedi.
Liste des solutions :
– Je lui demande de me redonner ma carte.
– Je lui dis ce que je ressens.
– Je fouille dans son portefeuille pour récupérer ma carte.
– Je vais à la banque faire opposition et demander une autre carte.
– Je lui prends sa carte bancaire.
– Je lui écris une lettre.
Examen et choix des solutions
Après cette réflexion je choisis les solutions 1 et 2 car elles comportent des avantages à
court et à long terme.
Les autres solutions présentent trop d’inconvénients à long terme.
Préparation de la mise en action
Je me réfère au travail sur la communication et l’affirmation de soi. Je choisis un moment
et un lieu pour parler à mon mari. Je prépare ce que je veux lui dire en m’appuyant
sur le schéma d’une demande affirmée : décrire la situation, dire mes émotions et dire
ma demande précise.
Je m’entraîne en jeu de rôle avec mon thérapeute.
Mon plan : dire à mon mari que je souhaite récupérer ma carte bancaire.
Quand : dimanche matin.
Comment : lui faire une demande affirmée : décrire la situation, dire mes émotions et
dire ma demande précise (cf. séance sur l’affirmation de soi).

Résolution de problème 257


Où : dehors lorsqu’on fera notre marche dominicale.
Avec qui : mon mari.
Obstacles potentiels : s’il se met en colère, s’il ne m’écoute pas.
Moyens pour contourner ces obstacles : préparer ce que je vais dire précisément en amont,
m’entraîner en jeu de rôle avec mon thérapeute.
Évaluation des résultats
J’ai pu parler à mon mari qui a pu lui aussi exprimer ses ressentis. Il m’a rendu ma carte,
et nous avons convenu ensemble de définir des moments pour parler afin de rétablir
le dialogue entre nous.
Ce résultat me convient.

3.8. Pratique en groupe


Chacun écrit anonymement un problème qu’il traverse actuellement sur un
bout de papier. Chaque membre du groupe met le papier dans un chapeau, puis
chacun son tour en tire un au sort. Le groupe en discute et utilise la méthode
expliquée ci-dessus. Ce travail en groupe présente deux avantages : il facilite
l’acquisition des compétences de résolution de problème en pratiquant à plu-
sieurs reprises, et il permet de moins se sentir seul car les patients peuvent avoir
des problèmes similaires.

4. Difficultés rencontrées
– Certains problèmes sont plus complexes que d’autres.
Lorsqu’on est face à un problème complexe, une fois bien défini il est pertinent
de le décomposer afin de trouver les solutions adaptées pour chaque étape.
Cela permet d’avancer et de se voir avancer.
Exemple : « j’ai des problèmes d’argent » peut se décomposer de la manière
suivante :
– Je ne sais pas comment je peux payer mon loyer.
– Je n’ai plus d’argent pour acheter mes cigarettes.
– J’ai besoin d’une aide alimentaire.
– Etc.

Les solutions ne seront pas forcément les mêmes pour chaque sous-problème.

– L’impression d’avoir trop de problèmes


Le fait de dresser une liste des problèmes aide à les décomposer pour pouvoir les
traiter un par un. Cela aide également à se sentir moins accablé.

258 Addictions : prévenir la rechute


SÉANCE 10
Le plan d’urgence

« Ne renoncez jamais à un rêve juste à cause du temps qu’il


faudra pour l’accomplir. Le temps passera de toute façon. »
Earl Nightingale

Séance 10 : Le plan d’urgence


Objectif de la séance
Apprendre aux patients à construire leur propre plan d’urgence
Plan de la séance
La construction d’un plan d’urgence
Psychoéducation (Rappel sur le craving, Rappel sur l’écart, Rappel sur la rechute) (I/G)
Trousse à outils (Identifier mes personnes ressources (I/G), Que faire après un écart ? (I/G)
Identifier mes signes de rechute (I/G), Brainstorming pour construire le plan d’urgence
(I/G)
Difficultés rencontrées
Fiche téléchargeable
Que faire après un écart
Mes signes de rechute
Mon plan d’urgence (1)
Mon plan d’urgence (2)

1. La construction du plan d’urgence


1.1. Reconnaître les signes avant-coureurs
Le préalable à la construction du plan d’urgence est d’apprendre à reconnaître
les signes avant-coureurs du craving, de l’écart et de la rechute. Voici ceux que
l’on retrouve le plus fréquemment :
• Des problèmes de santé ou physiques : manque de motivation ou
d’énergie, perte/gain de poids, yeux rouges.

Le plan d’urgence 259


• Des problèmes scolaires ou professionnels : absentéisme fréquent à
l’école ou au travail, perte d’intérêt pour le travail ou les activités sco-
laires, baisse des notes ou des performances professionnelles.
• Des changements au niveau de l’apparence : indifférence à l’égard de
l’hygiène, des vêtements, de la toilette.
• Des changements de comportements : efforts pour empêcher ses proches
d’entrer dans sa chambre/bureau/maison, garder secret l’endroit où ils
vont, ce qu’ils font et avec qui ils le font.
• Des problèmes d’argent : emprunter de l’argent sans raison suffisante,
argent manquant, objets manquants à la maison.

Parmi les autres signes, on peut citer également la perte d’intérêt pour ce
qui passionne ou intéresse habituellement la personne, des sautes d’humeur, la
dépression, le fait de manquer des engagements importants, de privilégier la
consommation de substances par rapport à d’autres obligations, de reprendre
contact avec des pairs consommateurs et/ou de retourner dans les lieux de
consommation ou des espaces dans lesquels le comportement est mis en place
sans y être préparé.

1.2. Qu’est-ce qu’un plan d’urgence et pourquoi ?


Identifier les signes avant-coureurs et y répondre rapidement réduit les risques
pour le patient de se retrouver à vivre un craving, un écart ou une rechute
(cf. séances précédentes). Cependant, une bonne gestion des situations à
risque n’empêche pas de devoir faire face à une crise. Le plan d’urgence permet
de s’y préparer.
Il doit être formulé avant qu’une crise (craving, écart ou rechute) ne sur-
vienne, c’est-à-dire pendant une période stable. Ce plan peut aider à établir un
sentiment d’autonomie et de motivation quotidienne. Il permet à l’individu
d’avoir confiance en lui pour continuer à travailler pour son rétablissement
chaque jour. Cette confiance est nécessaire pour permettre à la personne de
poursuivre son abstinence ou sa consommation contrôlée et maintenir son
rétablissement à long terme.
L’élaboration d’un plan d’urgence pour faire face aux situations à risque
non évoquées lors de la thérapie est un excellent moyen pour un indi-
vidu de se préparer à des défis inattendus pendant son rétablissement et y
répondre de manière organisée et autonome. Il est à différencier d’un plan
de rétablissement, où la personne pourra établir des objectifs et mettre en
place des processus qui peuvent contrer les déclencheurs et les périodes
de vie plus difficile, pour faciliter le respect des objectifs et le maintien du
rétablissement.

260 Addictions : prévenir la rechute


1.3. Les composantes du plan d’urgence
(1) Ce plan commence par la prise de conscience de « qui je suis », de ce
que l’individu sait faire, aime faire, ses valeurs… quand il est en période stable,
de « convalescence », de rétablissement. Pour ce faire nous lui proposerons
de répondre à la question : qu’est-ce que je fais ou je sais faire, comment je
suis quand je vais bien ? Une liste de ses signaux sera réalisée (par exemple :
je peins, je fais du sport, etc.). Ensuite, il s’agira de créer une liste claire des
comportements qui se produisent uniquement quand la personne consomme
et/ou qu’elle réalise ses comportements addictifs et qui indiquent que le plan
doit être mis en œuvre.
(2) Puis, le plan d’urgence va comporter une liste de personnes identifiées
comme sources de soutien, qui pourraient être mobilisées en cas de crise
(y compris les professionnels) et une description de leurs responsabilités :
« Comment mon entourage peut m’aider ? » Les personnes considérées comme
des amis et des membres de la famille qui soutiennent la personne en voie de
rétablissement doivent être informées du plan afin qu’elles puissent contribuer
à sa mise en œuvre par exemple, « Qu’ai-je envie que mes soutiens me disent si
j’ai repris de la cocaïne ? Qu’est-ce que je ne veux pas entendre ? Ai-je besoin d’être
remotivé, un peu secoué ou pas du tout ? ».
(3) Les informations suivantes concernent les approches thérapeutiques
qui aident ou qui ont aidé la personne, et une liste des consultations, établisse-
ments, hôpitaux qui ont marqué positivement le parcours de soin.
(4) Puis le plan d’urgence comprend une liste des choses que « l’équipe de
soutien » peut faire pour aider en cas de craving, d’écart et de rechute.
(5) Le dernier élément est une description des conditions spécifiques qui
indiquent que le plan n’est plus nécessaire. Il peut s’agir d’une durée d’absti-
nence prédéterminée ou d’étapes de rétablissement spécifiques.
(6) Le plan d’après-crise détaille comment « remonter en selle après la
chute ». Il y a des composantes continues : ce que la personne doit faire quo-
tidiennement pour soutenir son processus de rétablissement, c’est son plan de
soin continu ; et des mesures supplémentaires que la personne peut prendre si
elle se sent fragile.

2. Psychoéducation
Les intervenants annoncent le thème de la séance et présentent les différentes
parties du plan d’urgence qui va être construit :
– La description de ce qu’est un état stabilisé, être en rétablissement pour
le patient et les ressources nécessaires pour maintenir cet état.

Le plan d’urgence 261


– La description des signes annonciateurs d’un craving connus et tout ce
qui peut être mené ensuite pour éviter l’écart.
– La description des signes annonciateurs d’un écart et tout ce qui peut
être mené ensuite pour éviter la rechute.
– La description des signes annonciateurs d’une rechute et tout ce qui
peut être mené pour revenir aux objectifs souhaités.
– Le rappel sur le fait que craving, écart et rechute ne sont pas des échecs.

Il est conseillé de faire le lien avec les séances précédentes afin de souligner
tout le travail mis en évidence comme le repérage des situations à risque, les
pensées permissives vs les pensées aidantes, les compétences apprises, etc. qui
vont aider à construire le plan d’urgence qui va finaliser tout le travail réalisé.

Rappel sur le craving


• Les craving sont courants et normaux. Ils ne sont pas un signe d’échec. Ils sont plutôt
source d’apprentissage car ils permettent d’identifier les déclencheurs d’envies.
• Les envies sont comme les vagues de l’océan. Elles peuvent être fortes mais elles
vont atteindre un point culminant pour ensuite commencer à s’estomper. Elles vont
et elles viennent, sont plus ou moins fortes et intenses.
• Si le patient ne consomme pas, ou ne réalise pas son comportement d’addiction les
envies s’affaiblissent et finissent par disparaître. Elles deviennent plus fortes uniquement
si le patient cède et consomme ou met en place le comportement addictif.
• Il est possible de rendre moins fréquents les épisodes de craving en évitant ou en
éliminant les indices qui les déclenchent. Cependant, ce ne sera pas possible dans
toutes les situations. De nombreux indices ne sont pas maîtrisables ou évitables
(publicités, placement de produits, discussion…).
• Il est possible de faire face aux envies en :
– Se distrayant pendant quelques minutes
– Parlant de l’envie avec quelqu’un
– Surfant sur l’envie
– Se rappelant les conséquences négatives de la consommation.

Rappel sur l’écart


• Un écart n’est pas un signe d’échec. C’est une étape sur la voie du succès.
• La première chose à conseiller est d’arrêter puis de quitter la situation dans laquelle
se trouve le patient.
• Il sera important pour l’individu de regarder et d’écouter pour être attentif à ce qui
se passe, pour en tirer des conclusions nouvelles. Qu’est-ce qui a conduit à l’écart ?
• Un écart ne signifie pas que le rétablissement a échoué ; un écart ne signifie pas
qu’il y a une rechute totale ; il n’efface pas les progrès accomplis par le patient.
• Le patient peut se rappeler le top 5 de ses motivations (cf. séance précédente)
et ses succès passés ; cela aide à réaliser que tout n’est pas perdu.
• Faire preuve de compassion peut aider à mieux faire face lors d’une éventuelle
prochaine fois.

262 Addictions : prévenir la rechute


Rappel sur la rechute
• La rechute n’est pas un signe d’échec, elle est courante en addictologie. Elle permettra
à l’individu de mieux se connaître et de mieux connaître son addiction.
• Plus on rechute, plus on a de chance de maintenir un prochain arrêt. C’est une étape
sur le chemin du succès.
• La rechute sera plus courte si le patient a maintenu un suivi avec un professionnel
qui pourra avec lui organiser un nouveau soin le plus rapidement possible ou l’aider
à se remotiver pour choisir à nouveau un chemin d’action sur l’addiction.

3. Trousses à outils
3.1. Identifier mes personnes ressources
En cas de crise, vous pouvez avoir l’impression de ne plus avoir le contrôle de
la situation. Rédigez un plan d’urgence clair lorsque vous allez bien, pour indi-
quer aux autres comment prendre soin de vous lorsque vous n’allez pas bien :
cela peut permettre d’éviter aux membres de votre entourage (famille, amis,
employeur, etc.) d’essayer de trouver quoi faire pour vous en vain. À l’aide de
la fiche qui va vous être distribuée, vous allez identifier et noter les personnes
qui sont ressources pour vous, c’est à dire, des personnes dont vous pensez
qu’elles pourront vous aider en cas de craving, écart ou rechute.

Amis Famille

Pair-aidants/
Collègues de travail
associations

Professionnels
Hotline Professionnels

Figure 21. Mes personnes ressources

Le plan d’urgence 263


Dans la fiche téléchargeable, des numéros de « Hotline » sont fournis pour
le patient. Parfois, en raison de l’addiction la personne s’est isolée de manière
très importante. Ces lignes d’écoute peuvent être le seul moyen d’être en
contact avec une personne ressource lors des moments de crise. Cette liste de
numéros n’est, bien sûr, pas exhaustive et peut être complétée.

3.2. Que faire après un écart ?


Le premier objectif est que le patient identifie d’abord les distorsions cogni-
tives dans sa façon de penser à propos de cet écart (par exemple, minimisation,
tout ou rien, surgénéralisation) ; et ensuite de générer une façon plus utile,
moins catastrophique et plus réaliste d’envisager la situation (par exemple, un
dérapage ou une erreur plutôt qu’un échec complet).

– Une pensée inutile : « J’ai tout gâché ».


– Pensée utile : « Je viens d’avoir un écart mais je peux reprendre mes objectifs ».
– Pensée inutile : « Je savais que je ne pourrais pas m’arrêter ».
– Pensée utile : « J’ai réussi à réaliser un changement… ce n’est qu’un écart et je vais
continuer à essayer ».
– Pensée inutile : « J’ai déjà tout gâché, alors autant continuer, foutu, pour foutu ».
– Pensée utile : « J’ai juste fait une erreur et je peux en tirer une leçon et reprendre le cours
de mon rétablissement ».

Le professionnel accompagnant la personne addict devra également, lors


d’un entretien, tenter de comprendre avec le patient ce qui s’est passé lors de
cet écart. Il aidera l’individu à repérer dans l’après-coup les signes annoncia-
teurs de cet écart, les émotions, pensées, comportements et situations ayant pu
mener à cet écart.
Les écarts peuvent être présents dans le processus de rétablissement. S’ils
sont décevants, ils ne signifient pas pour autant un échec ou une incapacité à
changer. Le défi du patient est de trouver des moyens de surmonter les déra-
pages et de maintenir ses objectifs le mieux possible.

Discussion
– Comment est votre vie actuellement ? Est-elle équilibrée ?
– Comment affrontez-vous les difficultés de la vie actuellement ? Avez-vous vécu un
événement particulier dernièrement ? Un événement inattendu ?
– Comment vivez-vous votre abstinence ou votre comportement modéré actuellement ?
Comment se passe le fait de contrôler vos comportements addictifs ?
– Comment est votre entourage, certains consomment-ils ou ont-ils des comportements
addictifs ?

264 Addictions : prévenir la rechute


Analyse de l’écart (ou de la rechute)
– Quand ? À quel moment de la journée, de la semaine, du mois ou de l’année survient
la rechute ? Est-ce une période particulière pour moi et en quoi ?
– Où ? Dans quel endroit ? En quoi cet endroit participe-t-il au risque de reprise du
comportement addictif ?
– Avec qui ? Seul ou avec d’autres ? Quels sont ces autres et leur rôle par rapport à
ma reprise ?
– Comment ? La reprise est-elle brutale ou bien progressive ? Prévisible ou bien
imprévisible ?
– Dans quel état étais-je avant, pendant, et après ? Est-ce un moment de
vulnérabilité comme un état anxieux ou dépressif, un état de malaise, ou inversement
un état de plaisir ? En quoi cet état participe-t-il à la rechute ?

En cas d’écart Carte d’urgence


– Gardez votre calme, et éloignez-vous de – Numéros à appeler (amis/famille) :
la « source ». –
– Ne restez pas seul dans la situation et –
trouvez une personne de confiance. –
– Réfléchissez à ce qui vient d’arriver et –
ciblez les pensées qui ont contribué à cet –
écart. –
– Faites un bilan de la situation en remon- – Numéros à appeler (Professionnels) :
tant aussi loin que possible afin de bien –
déterminer les différents éléments –
déclencheurs qui se sont accumulés. –
– Rappelez-vous les efforts accomplis –
jusqu’à présent. –
– Souvenez-vous des avantages de l’absti- –
nence (ou de la consommation contrôlée) –
et des désavantages de la consommation
et/ou des comportements addictifs.
– Demandez de l’aide si tout ce qui pré-
cède échoue.
– Prenez contact avec le professionnel
de santé qui vous suit.

Cette carte est téléchargeable et peut être donnée au patient pour être
remplie en séance puis plastifiée prête à être placée dans un portefeuille par
exemple ou sur le frigo.

3.3. Identifier mes signes de rechute


« Regardez la liste des signes de rechute ci-dessous et cochez ceux qui vous
correspondent ou que vous avez observés avant une rechute. »

Le plan d’urgence 265


Liste de signes de rechute3
! Arrêter ou réduire votre participation à une psychothérapie ou à une
consultation.
! Penser à des moyens de boire ou de consommer sans que personne ne
le sache.
! Rêvasser sur les avantages qu’il y aurait à boire ou à consommer, tout en
évitant ou en pensant très peu aux conséquences négatives potentielles.
! Arrêter ou réduire votre participation à des groupes d’entraide, comme
les NA (Narcotiques Anonymes).
! Se retrouver dans des situations à risque.
! Éviter de parler des sentiments mitigés ou des doutes que vous avez sur
votre capacité à rester abstinent ou dans votre consommation contrôlée.
! Commencer à consommer de la drogue autre que celle pour laquelle
vous avez été en soin.
! Ressentir des émotions négatives intenses, comme la dépression, l’anxi-
été, la colère ou l’irritabilité.
! Sentiment de ne pas être à la hauteur des autres personnes.
! Blâmer d’autres personnes pour vos problèmes.
! Avoir très peu d’activités amusantes ou agréables dans votre quotidien.
! Ne pas bien dormir ou ne pas dormir suffisamment.
! Négliger ses responsabilités, comme payer ses factures, faire des tâches
ménagères, s’occuper de ses proches, ou se rendre au travail ou à l’école.
! Éviter de parler de ses émotions négatives.
! Se sentir désespéré quant à votre capacité à reconstruire votre vie.
! Conserver de l’alcool, des drogues ou du matériel à la maison.
! S’accrocher aux numéros de téléphone des dealers ou des personnes
que vous utilisiez auparavant.
! Mentir.
! Rejeter l’aide des autres.
! S’ennuyer souvent ou avoir beaucoup de temps non structuré ou
non planifié.
! Passer du temps avec des personnes qui boivent ou qui consomment.
! Agir sur la défensive lorsque les autres autour de vous s’inquiètent
de votre bien-être ou de votre rétablissement.

3. Traduit de Glasner-Edwards S. & Rawson R.A. (2015). The addiction recovery skills
workbook : changing addictive behaviors using CBT, mindfulness, and motivation inter-
viewing techniques. New Harbinger Publications.

266 Addictions : prévenir la rechute


! Autres signes avant-coureurs de rechute :
« Maintenant en regardant à nouveau la liste, identifiez les trois principaux signes
qui, selon vous, indiquent que vous risquez de rechuter. »

3.4. Brainstorming pour construire le plan d’urgence


L’objectif de cet exercice est d’aider la personne à remplir le tableau ci-dessous
à l’aide de post-it de couleurs (vert pâle, jaune, orange, rouge et vert).
Ce tableau représente une proposition de plan d’urgence regroupant le craving,
l’écart, la rechute, le plan d’après-crise. Ce tableau peut finaliser l’ensemble des
séances de la PR.

Je respecte ce Je reprends
J’ai fait Je suis
que je me J’ai un craving ma vie
un écart en rechute
suis souhaité en main
Mes signes de Signes Signes Signes Mes signes du
bien-être : annonciateurs : annonciateurs : annonciateurs : rétablissement :
– – –




Qu’est-ce qui Qu’est-ce qui Qu’est-ce qui Qu’est-ce qui Qu’est-ce qui
m’aide à main- peut m’aider ? peut m’aider ? peut m’aider ? m’aide à revenir
tenir mes objec- – – – vers mes objec-
tifs ? – tifs ?




Tableau 17. Proposition d’un plan d’urgence

En groupe, des sous-groupes peuvent être constitués et des post-it des cinq
couleurs données. L’utilisation de la technique du brainstorming est alors mise
en avant car elle permet la créativité, et la mise en valeur de chaque pro-
position. Un temps sera donné à chaque groupe (30 minutes environ) pour
trouver des idées (brainstorming) qu’ils positionneront ensuite sur des feuilles
de paperboard ou un tableau Veleda que les intervenants auront préparé aupar-
avant. En individuel, le tableau peut être reproduit sur un paperboard ou une
simple feuille de papier.
À la fin de l’activité, le patient repartira avec sa feuille remplie correspon-
dant à son plan d’urgence.

Le plan d’urgence 267


Vignette clinique

Alexandre, informaticien de 42 ans, célibataire, présente une dépendance à l’alcool et au


cannabis. Il est en soin résidentiel dans l’objectif de consolider son abstinence de ces deux
produits après un sevrage. En fin d’hospitalisation complète, il se prépare à passer en
hôpital de jour. Cette période de transition est l’occasion de synthétiser ce qu’il a appris
lors des entretiens individuels, des groupes thérapeutiques et des échanges informels avec
les autres patients. À partir de là il construit son plan d’urgence.

JE RESPECTE
CE QUE J’AI J’AI FAIT JE SUIS JE REPRENDS
JE ME SUIS UN CRAVING UN ÉCART EN RECHUTE MA VIE EN MAIN
SOUHAITÉ
Mes signes Signes Signes Signes Mes signes du
de bien-être annonciateurs annonciateurs annonciateurs rétablissement
Je dors bien, Je me sens seul, J’ai senti le J’ai fait plusieurs Je reprends un
c’est-à-dire je ne suis pas craving arriver écarts et je n’ai rythme régulier, je
environ 6h par sorti aujourd’hui, et je me suis dit pas repris de sors dès le matin,
nuit, je me lève j’ai passé la que ça allait rendez-vous je joue de la
sans difficulté journée devant passer tout seul, rapidement avec guitare avec
le matin. la télé. je suis resté un professionnel, plaisir.
Je joue de Je me sens moins passif. je n’en ai parlé à
la guitare tous motivé pour la Je me sens peu personne.
les jours. guitare ces énergique.
Chaque jour je derniers temps,
discute avec je m’ennuie
quelqu’un. facilement.
Qu’est-ce Qu’est-ce qui Qu’est-ce qui Qu’est-ce qui Qu’est-ce qui
qui m’aide à peut m’aider ? peut m’aider ? peut m’aider ? m’aide à revenir
maintenir vers mes
mes objectifs ?
objectifs ?
Je garde Appeler un ami. Appeler des En parler autour Les échanges
un rythme Passer voir professionnels de moi. sincères avec mes
régulier, ma mère. de santé. Aller voir mon proches, leur
y compris Jouer de Vider mon alcool. médecin traitant, soutien.
le week-end. la guitare. Sortir de chez reprendre contact Reprendre le
Je sors de mon Faire de la moi pour voir un avec mon travail effectué
appartement cohérence ami de confiance psychologue. avec la balance
au moins deux cardiaque. non Passer quelques motivationnelle,
fois par jour. consommateur. jours chez ma me centrer sur
Aller faire une sœur. mon projet de
grande balade monter un
en vélo puis groupe de
prendre une musique.
bonne douche.

Téléchargez le « Plan d’urgence » à destination des patients.

268 Addictions : prévenir la rechute


4. Difficultés rencontrées
– Évoquer la rechute ou l’écart alors qu’il n’est pas souhaité
Être exposé à ce qui est source d’angoisse est toujours difficile. Certaines
métaphores peuvent alors être utiles dans ce contexte. Voici celle de la
« l’extincteur » :
« Quand il y a un départ de feu, le plus important sera d’étouffer les flammes
avec un extincteur. C’est la même chose si un écart survient, quelques flammes
peuvent être éteintes avec un simple extincteur. Toutefois, si on laisse le feu se
propager, celui-ci va s’étendre et il sera beaucoup plus difficile d’en venir à bout.
Il est donc important d’avoir un plan d’urgence pour avoir toujours sous la main
son extincteur. »
Ou encore cette métaphore sur « la conduite et l’écart » :
« Lorsque l’on conduit une voiture, nous suivons une route. Parfois il peut
y avoir des moments d’inattention : on peut s’en rendre compte et se concentrer
à nouveau, ou alors faire un écart sur la route. Cet écart peut rester sans consé-
quences si on redresse le volant pour reprendre la route. Par contre, sans réaction,
il peut être plus grave et provoquer un accident. » Cette image illustre le fait qu’à
différents moments le patient peut agir, toujours dans le but de prévenir des
conséquences plus graves.
Parfois, certains patients vont refuser de se projeter et être dans le déni.
Ils estiment qu’ils sont assez informés pour ne pas rechuter, et finalement n’ad-
hèrent pas à cette séance. Certaines croyances peuvent être présentes telles
que « si j’en parle ça va arriver ». La restructuration cognitive va alors être
utile et elle se focalisera d’abord sur les pensées « bloquantes » pour ensuite
pouvoir construire le plan d’urgence.
Cette intervention est difficile pour l’intervenant qui doit à la fois parler de
rechute (qui peut provoquer des pensées pessimistes) et donner des messages
d’espoir (pour provoquer des pensées optimistes). Le groupe ici révèle donc
toute son importance car il permet de partager les expériences passées et favo-
rise l’optimisme.

– Les troubles cognitifs


En lien avec des troubles cognitifs (comme le déficit des fonctions exécutives
par exemple), il peut être difficile pour le patient de se projeter, de s’orga-
niser et de planifier. Or c’est ce que demande le plan d’urgence. En effet,
les troubles cognitifs, en particulier les troubles mnésiques et exécutifs, sont
très fréquents chez les personnes qui souffrent d’addictions, notamment
les alcoolodépendants. De plus, les comorbidités psychiatriques sont aussi
très fréquentes et vont augmenter la propension à la présence de troubles
cognitifs.

Le plan d’urgence 269


L’utilisation d’outils courts et simples va être alors privilégiée comme
l’utilisation de photos, des rappels (téléphone par exemple). L’entourage, par
exemple la famille, des amis ou des professionnels, peut se révéler une res-
source essentielle dans ce cas, car il peut être partie prenante du plan d’urgence
qui deviendra donc un plan conjoint de crise.

270 Addictions : prévenir la rechute


Conclusion

Ce livre est, désormais, terminé… et déjà il ne demande qu’à être complété,


modernisé, précisé !
Car, de la même façon que le chemin du patient est un processus en deve-
nir, notre chemin de thérapeute l’est aussi… Avec la nécessité d’entretenir
notre motivation, de gérer nos émotions dont la colère, de détecter nos pen-
sées dangereuses pour l’accompagnement de nos patients chroniques, de nous
restructurer cognitivement…
Alors, prenons le temps d’adresser des messages positifs (compliments, ren-
forcements positifs) :
– À nos patients, pour tout ce qu’ils nous apprennent concernant les
addictions, la rechute et sa prévention, et, bien sûr, la relation. Ce sont
eux qui nous motivent à toujours plus nous former, réfléchir, remettre
en question nos pratiques. Merci de faire de nous, nous l’espérons, de
meilleurs professionnels.
– À nos collègues, grâce à qui nous avons encore et toujours envie
d’innover et d’améliorer notre savoir-faire et notre savoir-être. On ne
saurait trop répéter l’importance du travail en équipe, qui permet de se
remobiliser lorsque la motivation est en berne, rire et/ou pleurer quand
le besoin s’en fait ressentir. Merci à tous ceux qui nous entourent dans
notre travail quotidien, c’est si précieux.
– Aux pionniers de la prévention de la rechute, à ceux et celles qui
nous ont sensibilisées à cette thérapie, formées, ou qui nous ont
précédées dans l’écriture d’ouvrages que nous n’avons pas manqué
de consulter. Nous tenons en particulier à rendre hommage à Alan
Marlatt qui a d’ailleurs été cité à de nombreuses reprises, pour ses
travaux de recherche qui ont grandement contribué à faire connaître
cette pratique.

Conclusion 271
– À vous, nos lectrices, lecteurs, qui nous avez donné l’envie de partager
nos réflexions et notre pratique et qui nous avez permis et d’approfon-
dir ce sujet et de renforcer notre motivation à pratiquer la prévention
de la rechute. Nous avons pris beaucoup de plaisir à écrire cet ouvrage
et espérons que vous en avez eu à nous lire. Au plaisir de vous croiser
et d’échanger.

272 Addictions : prévenir la rechute


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Bibliographie 289
Table des matières
Sommaire 5
Liste des acronymes et des pictogrammes 11
Préface 13
Introduction 15
Comment utiliser ce guide ? 17

PARTIE 1
La Prévention de la Rechute :
apports théoriques et contexte
Chapitre 1 La Prévention de la Rechute en théorie 21
1. La rechute dans les addictions 21
2. Les déterminants de l’écart et de la rechute 22
2.1. Les déterminants intra-personnels 23
2.2. Les déterminants interpersonnels 25
2.3. Les comorbidités psychiatriques 25
3. Les modèles théoriques 26
3.1. Le modèle de Gorski 27
3.2. Le modèle cognitif et comportemental
de la rechute de Marlatt et Gordon (1985) 28
3.3. Le modèle dynamique de Witkiewitz
et Marlatt (2004) 29
3.4. La PR et la troisième vague des TCC 32
4. Les stratégies thérapeutiques de la PR 32
5. Efficacité de la PR 34

Chapitre 2 Contexte de la PR 37
1. Quand et pour qui ? 37
2. Comment ? 40

Table des matières 291


3. Où ? 40
4. Par qui ? 42
5. Contre-indications 43

PARTIE 2
Les spécificités de la PR

Chapitre 1 La prévention de la rechute en groupe 47


1. Avantages et limites 47
1.1. Avantages 47
1.2. Limites 48
2. Rôle et caractéristique de l’animateur 49
2.1. Prérequis 49
2.2. Faciliter la cohésion de groupe 49
2.3. La co-animation 50
3. Préalables au groupe 50
3.1. Les différents types de groupe 50
3.2. Composition du groupe, durée, fréquence
et nombre de séances 51
3.3. Déroulement du groupe 52
a) La préparation du groupe 52
b) Accueil des participants 52
c) Retour sur la ou les consommations
de substances psychoactives et/ou
réalisation d’un ou des comportements
addictifs 53
d) Introduction du sujet 54
e) Le thème travaillé 54
f) Fin du groupe 54
4. L’animation de groupe 54
4.1. Les brise-glaces 54
4.2. Les discussions de groupe 56
4.3. Les outils d’animation 58
4.4. Les rituels de fin 60
5. Des exemples de contenu de groupe 61
6. Les difficultés que l’on peut rencontrer 64

292 Addictions : prévenir la rechute


Chapitre 2 Prévention de la rechute et comorbidités
en santé mentale 69
1. Quels facteurs de risque communs
entre les troubles mentaux et les troubles
addictifs ? 70
2. Prévention de la rechute, dépression et troubles
anxieux 71
2.1. Quelques données 71
2.2. Traitement intégré et prévention
de la rechute 71
3. Prévention de la rechute et bipolarité 72
3.1. Quelques données 72
3.2. Traitement intégré avec prévention
de la rechute 73
3.3. Un exemple d’outil : le tableau de repérage 73
4. Prévention de la rechute et schizophrénie 75
4.1. Quelques chiffres 75
4.2. Traitement intégré avec prévention
de la rechute 75
4.3. Un exemple d’outil : le plan d’urgence 76
5. Prévention de la rechute et trouble
de la personnalité borderline 77
5.1. Quelques données 77
5.2. Traitement intégré avec prévention
de la rechute 77
6. Prévention de la rechute et vécu traumatique 78
6.1. Quelques données 78
6.2. Traitement intégré avec prévention
de la rechute 78
6.3. Quelques conseils 80
7. Prévention de la rechute et TDAH 81
7.1. Quelques données 81
7.2. Traitement intégré avec prévention
de la rechute 81
7.3. Quelques conseils 82
8. Troubles cognitifs et PR 82
8.1. Quelques données 82

Table des matières 293


8.2. Traitements intégrés avec prévention
de la rechute 83
8.3. Quelques outils 83

Chapitre 3 L’accompagnement de l’entourage dans la PR 85


1. L’entourage de la personne avec conduites
addictives 85
2. Les différentes possibilités 87
2.1. Séance avec le patient et sa personne
ressource 87
2.2. Séance avec le patient et sa famille 87
a) Place de l’addiction dans la famille 87
b) Les situations à risque 88
c) La rechute 89
d) Les conflits 90
2.3. Séance avec le patient et son/sa conjoint(e) 90
a) Les habiletés de communication 91
b) Augmenter les observations positives 92
c) La résolution de problème 92
d) Augmenter les expériences de plaisir 92
2.4. L’entourage sans la présence du patient
en séance 93
a) Identifier les motivations de l’entourage 93
b) Un appui essentiel sur les pairs 94
3. Trousse à outils 96
3.1. « Lettre à la famille » du Dr Fouquet 96
3.2. La co-dépendance 96
4. Difficultés rencontrées 97

PARTIE 3
La Prévention de la Rechute
en pratique

Chapitre 1 Entretenir et maintenir la motivation 101


1. La motivation 101
1.1. Qu’est-ce que la motivation ? 101
1.2. Le discours-changement 102

294 Addictions : prévenir la rechute


2. L’entretien motivationnel 102
2.1. L’esprit de l’EM 103
2.2. Les étapes de l’EM 104
2.3. Les principes de l’EM 105
a) Exprimer de l’empathie 105
b) Développer la discordance 105
c) Rouler avec la résistance 105
d) Augmenter le sentiment d’auto-efficacité 106
2.4. Les techniques de l’entretien motivationnel :
la méthode OUVER + DFD 106
a) Poser des questions ouvertes 106
b) Valoriser 107
c) Avoir une écoute réflective 108
d) Résumer 108
e) Demander, fournir, demander 109
3. Écueils à éviter pour le thérapeute 109
4. Trousse à outils 110
4.1. La balance décisionnelle
(Janis & Mann, 1977) 110
4.2. Recherche et développement des valeurs 111
4.3. La règle de préparation ou de l’importance 112
4.4. Des outils d’auto-évaluation
pour le thérapeute 112

Chapitre 2 Analyse fonctionnelle et évaluation 113


1. L’analyse fonctionnelle 113
1.1. Qu’est-ce que l’analyse fonctionnelle ? 113
1.2. Trousse à outils 115
a) Expliquer la démarche au patient 115
b) Construire l’analyse fonctionnelle
synchronique 116
c) Construire l’analyse fonctionnelle
diachronique 116
2. Évaluation 117
2.1. Évaluation des situations à risque 117
a) Les situations à risque 117
b) Identifier les situations à risque 118

Table des matières 295


2.2. Évaluation des rechutes 120
2.3. Évaluation des situations à risque 120
a) Inventory of Drinking Situations (IDS)
ou liste des occasions de consommer
de l’alcool 120
b) Inventoring of Drugs Taking Situations
(IDTS) ou liste des occasions
de consommer des drogues 121
c) Questionnaire des habitudes de prise
de boissons alcoolisées 121
d) Liste des occasions de jouer (LOJ) 121
3. Repérage des troubles cognitifs liés
aux consommations addictives 122
3.1. Le Montreal Cognitive Assessment 122
3.2. Le Brief Evaluation of Alcohol Related
Neuropsychological Impairements 122
4. Difficultés rencontrées 123

Chapitre 3 La psychoéducation 125


1. Définition de la psychoéducation 125
2. Les objectifs 126
3. Le rétablissement dans les addictions 127
4. Empowerment et addictions 128
5. Psychoéducation et prévention de la rechute 129
6. Documents pour la psychoéducation 129
6.1. Psychoéducation sur les TCC 129
6.2. Psychoéducation et addictions 130
6.3. Psychoéducation et PR 131
6.4. Psychoéducation et entourage 131
7. Trousse à outils 132
7.1. Quiz sur la rechute 132
7.2. L’échelle des risques en PR 135

Chapitre 4 Les Séances 139


Séance 1 Gestion du craving 141
1. Définition du craving 142
2. Quels sont les déclencheurs d’un craving ? 142

296 Addictions : prévenir la rechute


3. Pourquoi cette séance est-elle importante ? 143
4. Psychoéducation 144
4.1. Expliquer le craving au patient 144
4.2. Les représentations sur le craving 144
4.3. L’expérience de Pavlov 145
5. Trousse à outils 146
5.1. Techniques thérapeutiques 146
a) Techniques de réduction de probabilité
d’apparition de craving 147
b) Techniques pour diminuer l’intensité
et la durée du craving 148
5.2. Les 5D 149
5.3. Une méditation pour « surfer sur les envies » 150
6. Difficultés rencontrées 152

Séance 2 Décisions Apparemment Sans


Conséquence (DASC) 153
1. C’est quoi une DASC ? 154
2. Différents types de DASC 154
3. Psychoéducation 156
3.1. Savoir identifier les DASC 156
3.2. Analyse de la chaîne 157
4. Trousse à outils : plan d’action contre les DASC 158
5. Difficultés rencontrées 160

Séance 3 Équilibrer sa vie 163


1. Équilibrer sa vie dans son parcours
de rétablissement 164
2. Psychoéducation 165
2.1. Alimentation 165
a) Pourquoi c’est important ? 165
b) Quelques supports 166
2.2. L’exercice physique 166
2.3. Le sommeil 167
a) Pourquoi c’est important ? 167
b) Quelques conseils 168
2.4. La santé sexuelle 169

Table des matières 297


a) Santé sexuelle et addictions 169
b) Quelques supports 170
3. Trousses à outils 170
3.1. La roue de l’équilibre de vie 170
3.2. Identification des problèmes 173
3.3. Des contacts dangereux 174
3.4. Les activités de plaisir 175
4. Difficultés rencontrées 175

Séance 4 Le soutien social 177


1. Le soutien social dans les addictions 178
1.1. La notion de soutien social 178
1.2. Le soutien social perçu 178
1.3. Les relations non protectrices 179
1.4. L’autre comme ressource externe 179
1.5. La demande d’aide 180
2. Psychoéducation 180
2.1. Les préalables 180
2.2. L’enjeu de la demande d’aide 181
2.3. Travail sur les cognitions 181
2.4. Travail sur le concept de la confiance 183
3. Trousse à outils 183
3.1. L’inventaire des besoins et des ressources 184
3.2. Diagramme en toile d’araignée 185
3.3. Le jeu de rôle 186
3.4. La carte des personnes ressources 188
3.5. Les annuaires des associations d’entraide 188
3.6. Conseils à l’entourage 189
4. Difficultés rencontrées 190

Séance 5 S’affirmer 193


1. L’affirmation de soi 193
2. Psychoéducation 194
2.1. Le comportement assertif et les autres 195
2.2. La communication non verbale
et paraverbale 196
2.3. Des situations à risque de rechute 197

298 Addictions : prévenir la rechute


3. Trousse à outils 198
3.1. Quelques techniques 198
3.2. Le jeu de rôle 200
3.3. Les principales compétences en affirmation
de soi 201
3.4. Exemple de jeu de rôle 202
Définition de la situation-problème 202
Choix des participants 202
Premier essai 203
Feed-back sur le premier essai 203
Mise au point des variantes 203
Deuxième essai avec les variantes 204
4. Difficultés rencontrées 204

Séance 6 Les pensées dangereuses 205


1. Le travail autour des pensées dangereuses 206
1.1. La thérapie cognitive 206
1.2. Identifier le processus cognitif de la rechute 208
1.3. Les dangers de la mémoire
dans le rétablissement 209
1.4. Les pensées négatives courantes 210
2. Psychoéducation 210
2.1. Distinguer pensées et émotions 210
2.2. Les différentes distorsions cognitives 211
2.3. Identifier les pensées négatives 212
3. Trousse à outils 214
3.1. Outils de modification des pensées
négatives 214
3.2. Exercice d’arrêt de pensées 216
3.3. Accepter la présence des pensées
dangereuses 217
4. Difficultés rencontrées 218

Séance 7 Gestion du stress 221


1. Stress et addictions 222
2. Psychoéducation 222
2.1. Qu’est-ce que le stress ? 222

Table des matières 299


2.2. Identifier les sources de stress 224
3. Trousse à outils 225
3.1. La relaxation 225
a) La relaxation progressive de Jacobson 226
b) Le training autogène de Schultz 226
c) La cohérence cardiaque 226
3.2. La méditation de pleine conscience 227
3.3. La méthode des 4 A (Avoid, Alter, Adapt,
Accept) 229
3.4. Faire appel à une personne ressource 231
4. Difficultés rencontrées 231

Séance 8 Gestion de la colère 233


1. C’est quoi la colère ? 234
2. Modèle cognitivo-comportemental de la colère 234
3. Psychoéducation 235
3.1. Les signes de la colère 235
3.2. Les conséquences sur le corps de la colère 236
3.3. Les autres conséquences de la colère 237
3.4. Les avantages de la colère 238
4. Trousse à outils 238
4.1. L’iceberg de la colère 238
4.2. Les valeurs bafouées dans la colère 240
4.3. Identifier les déclencheurs 241
4.4. Le journal 241
4.5. Savoir exprimer sa colère 242
4.6. La respiration profonde 243
4.7. Le temps d’arrêt (Time Out) 243
4.8. Les feux tricolores 244
5. Difficultés rencontrées 246

Séance 9 Résolution de problème 247


1. Pourquoi cette séance ? 247
2. Psychoéducation 248
2.1. Une compétence qui s’apprend 248
2.2. Repérage des situations problème 248

300 Addictions : prévenir la rechute


2.3. Repérage de l’évitement
et ses conséquences 250
3. Trousse à outils 250
3.1. Description du problème 250
3.2. Identification des objectifs à court
et long terme 251
3.3. Liste des solutions 252
3.4. Examen et choix des solutions 253
3.5. Préparer la mise en action 254
3.6. Application de la solution 255
3.7. Évaluation des résultats 255
3.8. Pratique en groupe 258
4. Difficultés rencontrées 258

Séance 10 Le plan d’urgence 259


1. La construction du plan d’urgence 259
1.1. Reconnaître les signes avant-coureurs 259
1.2. Qu’est-ce qu’un plan d’urgence
et pourquoi ? 260
1.3. Les composantes du plan d’urgence 261
2. Psychoéducation 261
3. Trousses à outils 263
3.1. Identifier mes personnes ressources 263
3.2. Que faire après un écart ? 264
3.3. Identifier mes signes de rechute 265
3.4. Brainstorming pour construire le plan
d’urgence 267
4. Difficultés rencontrées 269

Conclusion 271
Bibliographie 273

Table des matières 301

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