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Brève histoire des épidémies au

Québec Du choléra à la COVID 19


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Denis Goulet
À mon ami Michel Lorrain.
Avertissement

C et ouvrage contient de nombreuses statistiques (nombre de cas,


nombre de décès, taux de létalité1…) que nous avons souhaité
les plus fidèles possible. Mais, en ce qui regarde les grandes
épidémies du XIXe siècle, elles ne peuvent s’avérer exactes. Elles
sont généralement approximatives étant donné l’imprécision des
archives qui ont été laissées aux chercheurs. Il n’existe, avant la
création du Conseil d’hygiène de la province de Québec, aucune
collecte centrale et exhaustive des données concernant les maladies
infectieuses. Nous devons donc nous référer à celles qui ont été
fournies par les bureaux de santé municipaux, lesquelles sont
souvent incomplètes. À ce problème s’ajoute l’absence de diagnostic
précis des maladies infectieuses alors que plusieurs de celles-ci
présentaient des symptômes assez semblables. De plus, les registres
des décès étaient souvent compilés par le curé du village, ce qui
ajoute à l’imprécision des données statistiques. On ne saurait donc
reprocher aux auteurs que nous avons consultés des variations
importantes dans les chiffres présentés. De toute façon, les
statistiques servent à illustrer l’ampleur des épidémies qui ont frappé
le Québec au XIXe siècle. Cette réserve ne s’applique cependant pas
aux données concernant la grippe « espagnole ». Nos travaux
statistiques effectués avec les excellents géographes de la santé,
Francis Dubois et Jean-Pierre Thouez, font en sorte qu’elles sont
généralement plus fiables même si des imprécisions demeurent.
Tout au long de cet ouvrage, nous employons, pour des raisons de
commodité, l’expression aujourd’hui consacrée « province de
Québec » qui réfère à un territoire qui n’a guère changé depuis les
débuts du XIXe siècle. Rappelons tout de même qu’avant 1840 le
Québec était dénommé « Bas-Canada » et qu’à partir de là il devient
la province du Canada-Est pour enfin devenir, à la confédération en
1867, la province de Québec.
Note
1. Létalité : le taux de létalité, utilisé en épidémiologie, est un pourcentage calculé à
partir du nombre de décès survenus chez les personnes atteintes de la maladie et non sur
la population en général.
Introduction

L a pandémie actuelle de la COVID-19 ne peut laisser indifférent


un chercheur en histoire qui a aussi enseigné l’épidémiologie et
la géographie de la santé. Malgré ces temps difficiles, je me suis dit
que l’occasion était propice pour troquer mon chapeau d’historien de
la santé et de la médecine pour celui d’historien des maladies. Le
sujet est plus sombre, mais tout aussi passionnant. L’histoire des
grandes épidémies constitue un sujet quasi inépuisable dans
l’histoire humaine. Cette histoire, du reste, a la fâcheuse tendance à
se répéter, mais pas toujours pour les mêmes raisons. Car, si les
moyens de lutte contre les maladies infectieuses se sont grandement
modifiés, il faut souligner, tout en évitant les transpositions
simplistes, que la peur, le rejet, l’isolement, la recherche de boucs
émissaires et les sentiments de faute et de culpabilité constituent
encore aujourd’hui des attitudes bien vivantes et que, même si elles
ne renvoient plus au même système de représentation, elles
apparaissent toujours comme des composantes déterminantes de
l’expérience humaine de la maladie.
Un historien des maladies, qui fait en quelque sorte de
l’anthropologie historique, sait, à l’instar des intervenants dans le
champ de la santé publique, que les interprétations de la maladie
par les élites ont joué un rôle fondamental dans l’élaboration des
mesures préventives et thérapeutiques. Il constate aussi que les
représentations de la maladie par la population ont par ailleurs
largement déterminé les attitudes préventives et les recours
thérapeutiques. En conséquence, ces représentations sont
susceptibles de faire échec à la pratique des intervenants de la
santé. C’est encore le cas aujourd’hui. Évidemment, entre la peste
du XIVe siècle et la pandémie de la COVID-19 aujourd’hui, les
modèles explicatifs des épidémies ont subi de profondes
transformations et l’on est passé des croyances magico-religieuses à
l’approche scientifique de la maladie.
Remontons donc à l’année 1347, alors qu’éclate la grande peste
noire. Absente depuis plusieurs siècles du continent européen, la
peste resurgit au milieu du XIVe siècle à partir d’un foyer situé en
Asie centrale. Elle atteint, par voie maritime, Constantinople en mai
1347, puis Messine au sud de l’Italie en septembre et Marseille en
novembre de la même année. Dès 1348, l’épidémie de peste noire
affecte la plupart des ports du pourtour de la Méditerranée. Elle
pénètre ensuite dans les régions continentales et remonte vers la
Russie pour s’éteindre en 1352. Les populations infectées, sans
distinction de classe sociale, meurent massivement. Dans les villes et
les villages, son apparition suscite l’effroi, laissant dans son sillage
des tensions économiques et une grave crise sociale et morale,
comme en témoigne Boccace dans le Décaméron.
Médecins portant un masque de peste, des lunettes ainsi qu’un manteau recouvert
de cire parfumée, un chapeau et des gants en cuir. On attribue ce costume à un
médecin de cour du XVIIe siècle. Les longs becs de ces masques étaient remplis
d’herbes aromatiques et de parfums censés protéger contre les miasmes
malodorants. La forme allongée du bec permettait, pensait-on, aux aromates de
purifier l’air avant qu’il n’atteigne les narines et les poumons des soignants.
(Illustration de Paul Fürst)

À cette époque, les explications de ce fléau sont nombreuses et


renvoient à des causes divines, astrologiques, aéristes ou humaines
conformes à l’imaginaire du temps. Mais presque tous sont
convaincus que la cause première est d’origine divine : Dieu a voulu
imposer aux hommes un châtiment exemplaire. À cette fin, il a
modifié le cours des astres, provoquant la conjonction de certaines
planètes, ce qui a pour effet de corrompre l’air qui empoisonne les
individus. En réponse à ce modèle explicatif, des groupes de
flagellants parcourent l’Europe en invoquant la clémence divine alors
que d’autres allument des feux d’herbes aromatiques que l’on croyait
propres à vaincre cette corruption atmosphérique. Dans certaines
régions d’Europe, les marginaux victimes de la vindicte populaire
sont accusés d’empoisonnement et certaines communautés – surtout
juives – sont massacrées. Mais en général, puisque la maladie est
perçue comme un châtiment mérité et inéluctable contre lequel on
ne peut grand-chose, la population, tout comme les élites, accueille
cette pandémie de peste avec résignation, comme, du reste, les
autres qui vont survenir périodiquement pendant les trois siècles
suivants.
Mais à partir du XVIIe siècle et, surtout, au siècle suivant, les
maladies pestilentielles sont de plus en plus perçues, du moins par
les élites, comme un événement naturel que l’on peut combattre
avec des armes humaines et rationnelles. C’est ainsi que des cordons
sanitaires sont mis en place autour des villes affectées et que
s’imposent avec plus de rigueur des mesures de désinfection. Ces
mesures, qui annoncent la mise en place des premières structures
de santé publique pour lutter contre les épidémies, portent leurs
fruits lors de la peste de Marseille en 1745. L’épidémie demeure
circonscrite à la région marseillaise et à une certaine partie de la
Provence. Des mesures de quarantaine des navires sont aussi mises
en place en Europe comme en territoire canadien pour éviter sa
propagation. Mais elles ne sont appliquées qu’en cas d’urgence et,
encore là, le laxisme des autorités portuaires rend cette mesure peu
efficace. Il faut dire que les théories sont nombreuses, parfois
loufoques, et que personne ne s’entend sur les causes des
épidémies.
L’intensification du commerce maritime favorise bientôt l’éclosion
d’un nouveau fléau qui marquera l’imaginaire du XIXe siècle. En
1823, le choléra, endémique dans certaines régions de l’Asie, fait son
entrée dans les ports méditerranéens, s’étend en Grande-Bretagne
et pénètre dans les ports nord-américains. Entre 1823 et 1837, cette
peste des temps modernes a fait plus d’un million de victimes. Autre
drame, l’épidémie de typhus de 1847 qui affecte des dizaines de
milliers d’immigrants irlandais.
Une autre maladie infectieuse meurtrière, la variole, qui affecte de
façon épisodique les populations, particulièrement les enfants,
connaît de terribles poussées épidémiques dont les dernières se
produisent en Occident au dernier tiers du XIXe siècle. On dispose
pourtant d’une arme préventive inédite, le premier vaccin de
l’histoire trouvé par Edward Jenner à la fin du XVIIIe siècle. Mais les
populations, et même certains médecins, demeurent craintives face
à ce curieux moyen préventif. En effet, nombreux sont ceux qui
laissent courir la rumeur que le vaccin est plus dangereux que la
variole. De fait, ce vaccin n’était pas sans risque à une période où les
procédés de conservation et d’inoculation2 sont empiriques. Si des
émeutes éclatent au Québec en réaction à la vaccination obligatoire,
il en est de même dans d’autres endroits, notamment à Rio de
Janeiro.
Les apparitions successives de ces épidémies au XIXe siècle
poussent les autorités politiques et médicales à mettre en place les
premières mesures d’assainissement publiques. Les épidémies de
choléra renforcent les proclamations de quarantaine et incitent à
instaurer un examen médical obligatoire pour les immigrants et à
mettre sur pied des bureaux de santé temporaires qui pourront, en
cas de besoin, ordonner des mesures de nettoyage, de purification,
de ventilation ou de désinfection. Il s’agit là d’une constante dans
l’histoire des épidémies : les autorités n’interviennent qu’en situation
de crise. Il faut dire que, tout au long de ce siècle, les autorités
médicales ne s’entendent pas sur les causes des épidémies et n’ont
pas les moyens de les prévenir ni de les soigner, ce qui ajoute à la
confusion des moyens utilisés.
La reconnaissance de la bactériologie médicale au début du
XXe siècle permet de poser les bases de la médecine préventive et
de l’épidémiologie moderne dont les actions seront principalement
orientées, jusqu’aux années 1950, vers la lutte aux maladies
infectieuses. Cette nouvelle discipline, issue des travaux de Louis
Pasteur en France et de Robert Koch en Allemagne, précise enfin,
sur des bases scientifiques, les causes particulières et les vecteurs
de nombreuses maladies telles que le choléra, le typhus, la peste, la
lèpre ou la variole. En ce début de siècle, l’optimisme est tel qu’on
pense éviter, dans le futur, l’éclosion, dans les pays industrialisés, de
nouvelles épidémies.
C’était sans compter sur deux agents pernicieux : la haine des
hommes provoquant la Première Guerre mondiale et le virus de la
grippe espagnole qui, réunis, ont décuplé leurs effets dévastateurs à
l’échelle mondiale. Le nombre de victimes fauchées par ce terrible
virus dépasse celui des victimes de la Première Guerre. La grippe
espagnole survient pourtant au moment où la médecine préventive
possède de nouveaux moyens d’action. En très peu de temps, le
monde occidental a donc connu trois grandes désillusions : la
technologie triomphante incarnée par le Titanic se brise sur un
iceberg, le grand rêve d’une conciliation des peuples s’échoue dans
les tranchées de la Première Guerre mondiale et les promesses de la
science médicale sont trahies par la grippe espagnole.
En revanche, les questions et les réponses suscitées par les
grandes épidémies ont permis, tout au long du XXe siècle, l’évolution
de l’hygiène publique et privée, l’intensification des recherches sur
les maladies infectieuses, la fabrication de nombreux vaccins, la
découverte des premiers antibiotiques, la mise en place
d’organisations sanitaires et d’infrastructures médicales à l’échelle
internationale. Au prix de multiples efforts, on parvient même à
éradiquer la variole à la fin de la décennie 1970-1980. Ce bilan
positif est bientôt assombri par la terrible pandémie de sida qui
surgit peu après et l’éclosion récente de la pandémie de COVID-19.
L’histoire des épidémies qui ont affecté le Québec fait partie de cette
trame épique racontée dans cet ouvrage.

Note
2. Inoculation antivariolique : introduction volontaire des germes tirés des pustules de
varioleux par une injection sous la peau avec une lancette dans le but de transmettre la
variole. On communiquait ainsi une variole non atténuée avec le risque que la personne
développe la maladie, mais avec l’avantage, pour ceux qui ne développaient pas une forme
grave de la variole, d’être immunisés. À ne pas confondre avec la vaccination antivariolique.
Chapitre 1
Les causes des épidémies au XIXe siècle : un siècle
d’incertitudes

T out au long du XIXe siècle, les maladies infectieuses constituent


au Québec la principale cause de mortalité. Les médecins,
impuissants à guérir ces maladies infectieuses, concentrent leurs
efforts sur le soulagement des malades et sur la prévention. Mais qui
dit prévention dit causalité. Or, dans tout l’Occident, les théories sur
les causes des épidémies sont diverses, peu fiables et sont loin de
faire l’unanimité. Certes, l’approche rationnelle axée sur l’observation
et « l’épreuve des faits » permet certaines avancées en matière de
prévention, mais elle se heurte à des données contradictoires et fort
complexes. Or, si l’on ne s’entend pas sur la cause, on ne s’entend
pas sur les mesures à adopter. Avec pour conséquence que les
pouvoirs publics ont tout le loisir d’appliquer ou non les mesures
préventives proposées par les médecins. L’analyse d’un tel contexte
permet d’expliquer l’incohérence et le laxisme des politiques
préventives appliquées au gré des intérêts de nombreux acteurs :
marchands, commerçants, politiciens, médecins…

Les doctrines pré-bactériologiques


Parmi les théories pré-microbiennes qui circulent au Québec au
cours du XIXe siècle, il y en a deux qui servent de cadre général aux
interventions des médecins du Québec : l’approche contagionniste et
l’approche infectionniste.
Selon la première, l’élément contagieux, alors fréquemment
dénommé contagium, se reproduit dans un organisme et peut se
transmettre soit directement par contact cutané ou inoculation, soit
indirectement par les vêtements, la literie, les objets contaminés, les
aliments, les déjections, etc. Au niveau préventif, les
contagionnistes, tout en acceptant le rôle de certains facteurs
environnementaux, privilégient surtout la mise en place d’une police
sanitaire, l’instauration de mesures d’assainissement de
l’environnement, l’imposition de mesures de quarantaine et
d’isolement et la vaccination dans le cas de la variole. Ils
recommandent aussi la déclaration obligatoire par les médecins de
tous les cas d’infection, obligation qui suscite une opposition de
nombreux médecins du Québec.
Quant à l’approche infectionniste, elle postule que les épidémies
sont la conséquence d’une viciation de l’air par des émanations
issues des matières en décomposition qui agit comme un poison
dans l’organisme humain. Ces émanations sont appelées miasmes3
pour les matières organiques et effluves pour les matières végétales.
Mais c’est le concept de miasme qui sera le plus utilisé.
Les médecins partisans de cette approche accordent donc une
importance particulière au rôle joué par l’environnement physique –
les saisons, le climat, la modification des conditions
atmosphériques – dans la genèse des maladies épidémiques et leurs
propagations. Certains médecins tracent des topographies médicales
– sorte de cartes environnementales – en tenant compte des
éléments géographiques, météorologiques et géologiques. Ils
cherchent ainsi à préciser l’occurrence et les conditions d’apparition
de certaines maladies épidémiques ou endémiques dans la province.
***
Le miasme : un concept mal fondé
À l’instar de quelques termes qui sont apparus dans l’évolution
des sciences, le miasme, qu’on associait à un poison, était un
concept utilisé par les médecins pour expliquer la naissance et la
propagation d’une épidémie. Les concepts ne sont que les étapes
provisoires de la construction de la réalité. Certains concepts n’ont
toutefois jamais eu d’existence avérée. C’est le cas de l’éther en
histoire de l’astronomie. Au XIXe siècle, on pensait que la lumière
avait besoin d’un milieu de propagation, l’éther, qui emplissait tout
l’Univers. Or, cet élément supposé n’existe pas. Personne ne l’a
jamais observé, tout comme le miasme.
***
Cependant, l’approche infectionniste n’implique pas la
reconnaissance du caractère infectieux au sens moderne d’une
transmission d’une maladie par un agent infectieux viral ou
bactérien. On n’en est pas encore là. L’infection est envisagée plutôt
comme une action perturbatrice exercée sur l’organisme par des
miasmes pathogènes. De même, le concept d’épidémie employé de
nos jours diffère quelque peu de celui qui était employé durant les
deux premiers tiers du XIXe siècle. Il désignait alors toute maladie
causée par des agents aériens pathogènes affectant, pour un temps
limité, un grand nombre d’individus dans un même secteur plus ou
moins étendu. On établissait ainsi une distinction assez nette entre
les maladies qui étaient contagieuses (rubéole, lèpre, varicelle,
tuberculose…) et celles qui étaient épidémiques (choléra, typhus,
fièvre typhoïde, dysenterie…).

Infectionnisme, miasmes et aérisme au Québec


Tout au long du XIXe siècle, c’est l’approche infectionniste qui est
dominante au Québec, tout comme elle l’est dans le reste du
Canada, en Grande-Bretagne et en Europe continentale. La première
revue médicale au Québec publiée en 1826-1827, Le Journal de
médecine de Québec/The Quebec Medical Journal, fait mention
« d’agents atmosphériques morbides » responsables des épidémies.
Dans cette revue, un correspondant de Trois-Rivières établit une
causalité entre l’apparition simultanée d’un orage et d’une maladie
contagieuse ressemblant au typhus. Il fait mention de vents porteurs
« de molécules délétères semblables à celles qui se dégagent des
lieux fangeux ou qui contiennent beaucoup de matières végétales en
décomposition ».
Cette représentation ancienne est alors encore très répandue. La
croyance des Européens et des Nord-Américains en des vents
porteurs d’un air fétide et corrompu est attestée par de nombreux
auteurs. En revanche, on fait aussi mention de ses effets bénéfiques.
Lors de l’épidémie de choléra de 1834, les médecins souhaitent
l’arrivée d’un vent du nord pour diminuer la propagation de la
maladie. Il en est de même dans les régions européennes, où l’on
espérait que les vents océaniques ou en provenance des montagnes
diminuent l’intensité des épidémies. Ces observations ne sont pas
dénuées de fondement. L’attente d’un vent susceptible d’abaisser la
température répond aux données actuelles de la bactériologie
concernant la transmission du choléra selon lesquelles les effets
pathologiques du bacille4 seraient au maximum à 37 °C et au
minimum en dessous de 16 °C. Sens commun et art médical font ici
bon ménage.
Pour plusieurs, les effets des variations barométriques et
thermométriques sur les épidémies sont incontestables : les « foyers
miasmatiques » varient selon la latitude, la localité et la saison. Un
médecin du Québec, citant le rapport du bureau de santé de Londres
sur le choléra de 1849, fait état aussi de causes prédisposantes –
humidité, malpropreté, matières végétales et animales en
décomposition – qui ont rendu l’atmosphère « impure » et ont
provoqué l’épidémie. D’autres mentionnent que certaines conditions
électriques de l’atmosphère sont des sources probables des
épidémies. Un d’entre eux, qui s’intéresse à la nature du choléra et a
effectué plusieurs autopsies à cet effet, soutient que cette épidémie
est produite par une carence d’électricité dans l’air provoquant
l’éclosion de « foyers miasmatiques ». On ne s’étonnera pas qu’il
préconise comme traitement l’administration d’un léger courant
électrique sur la muqueuse intestinale.
Les autorités médicales réunies à la Conférence internationale
d’hygiène de Vienne en 1874 s’accordent sur le fait que l’air ambiant
est le véhicule principal de l’agent générateur du choléra. L’approche
aériste demeure un modèle explicatif dominant dans la genèse des
épidémies.
Mais à mesure qu’on avance dans le siècle, avec dans son sillage
une urbanisation croissante, notamment à Québec et Montréal, les
médecins ont tendance à restreindre la géographie des causes des
épidémies pour s’en tenir aux modifications de l’air « urbain ». Celui-
ci est corrompu par l’accumulation des déchets humains, animaux et
végétaux. En 1865, le chirurgien William Hingston, lors d’une
conférence publique à l’Institut médical de Montréal, fait état des
vapeurs issues des immondices de la ville qui coulent dans les
canaux souterrains, lesquels contribuent à favoriser l’action des
miasmes cholériques. Quinze ans plus tard, un médecin présente les
deux causes principales de viciation de l’air : la décomposition des
matières organiques autour des habitations et l’émanation des
miasmes provenant des égouts et des cabinets d’aisances. Il en veut
comme preuve ces deux enfants qui, s’amusant à regarder les
ouvriers pendant que ceux-ci travaillaient à déboucher l’égout, furent
atteints d’une grave diarrhée.
Ces exemples illustrent la conviction de nombreux auteurs quant au
rôle de l’atmosphère dans la genèse ou la propagation des
épidémies. Cela peut surprendre. Le phénomène de la contagion
paraît pourtant évident et est en partie confirmé par l’avancée des
épidémies d’un pays à un autre et d’un port à un autre. Cependant,
il faut comprendre que, dans les représentations de l’époque, la
contagion d’individu à individu est certes admise par les médecins,
mais on se refuse, surtout durant la première moitié du XIXe siècle, à
admettre qu’elle peut expliquer la genèse des grandes épidémies.
On préfère alors se référer à une grande cause générale : l’altération
pathologique de l’air. Tout comme on l’avait fait durant les siècles
précédents, nous l’avons souligné, en invoquant une grande cause
première : le châtiment divin.
En délaissant cette dernière cause divine à partir du XVIIe siècle et
particulièrement au XVIIIe siècle, l’approche plus rationnelle des
modèles explicatifs s’est orientée vers une cause naturelle, mais sans
délaisser l’idée d’une grande cause générale responsable de toutes
les épidémies à partir de laquelle découlent des causes secondes et
prédisposantes telles que la peur, l’ivrognerie, les plaisirs malsains…
Bref, malgré cette laïcisation de la pensée, les médecins et les
autorités publiques demeurent prisonniers en quelque sorte du
schéma médiéval lié aux épidémies de peste.
Cependant, les médecins affineront au fil des épidémies leurs
modèles explicatifs, ajoutant de nouvelles « entités morbides » et
précisant les modalités de contamination de l’air. On se rend compte
que la théorie aériste ne peut à elle seule expliquer la genèse et la
propagation des épidémies. Certains relèguent les conditions
atmosphériques au rang de causes secondes ou de simples vecteurs.
Dès lors, les miasmes perdent progressivement, à partir de la
deuxième moitié du XIXe siècle, leur valeur causale première et
spécifique. Désormais, l’air vicié devient une cause prédisposante
favorisant, non plus la genèse des épidémies, mais sa propagation.
Bref, l’atmosphère devient le médium de communication du « poison
du choléra ». L’idée d’une contagion est de plus en plus admise,
mais elle est associée, le plus souvent, à une cause secondaire ou
prédisposante. En ce qui concerne le choléra ou le typhus, ils
admettent que la contamination peut, de manière secondaire, se
faire entre les individus. Cependant, à leurs yeux, cette
contamination se fait à partir de miasmes répandus dans
l’atmosphère. Il n’y a donc pas toujours incompatibilité entre la
conception miasmatique et l’acceptation de la contagion directe ou
indirecte.
Il demeure que les pouvoirs publics et les marchands accordent
leur préférence aux approches aéristes et ne considèrent pas comme
essentielles de longues mesures de quarantaine, comme le
proposent les contagionnistes. Les entraves à la navigation et au
commerce sont acceptées comme un mal nécessaire, mais de courte
durée. De fait, nous le verrons, les médecins se sont trouvés plus
d’une fois en conflit avec certaines autorités politiques et
marchandes qui sont rébarbatives à financer les mesures préventives
et qui n’appliquent que partiellement ou mollement les mesures de
quarantaine et autres mesures sanitaires.
L’approche contagionniste était une hypothèse non satisfaisante
tant que l’on n’avait pas ajouté à cette théorie celle de la
transmission à grande distance par l’eau ou les fournitures
alimentaires et surtout par les porteurs humains ou animaux. Or, à
mesure que l’on avance dans le siècle, au fil des épidémies qui ont
affecté le territoire québécois, les médecins, à partir de leurs
observations, font état d’une constellation de causes « spécifiques »,
« premières », « déterminantes », « prédisposantes »,
« excitantes », « occasionnelles » où sont admis les caractères à la
fois contagieux et infectieux.
Un autre exemple nous est donné par le Traité de matière médicale
des Sœurs de la Providence qui, dans l’édition de 1870, mentionne
que l’action « des effluves maritimes [est] rendue plus intense par
un certain degré de chaleur et d’humidité, par les grandes émotions,
[la] fatigue, [les] excès, [l’]encombrement [et] la peur ». La vertu
comme facteur préventif est largement soulignée, même dans les
cas d’épidémie.
Au dernier tiers du XIXe siècle, les références aux miasmes sont
encore fréquentes et dominent les discours sur les causes des
épidémies, mais elles sont de plus en plus atténuées par
l’observation des médecins. Cette apparente prédominance de
l’approche miasmatique tient à deux facteurs. D’une part, les
directives sanitaires proviennent pour la plupart du bureau de santé
de Londres qui privilégie nettement celle-ci et, d’autre part, les
miasmes sont de plus en plus reconnus comme causes secondes.
Dans les faits, une grande partie de l’élite médicale acceptait les
mesures préventives découlant des modèles infectionnistes en même
temps qu’elle reconnaissait l’importance de la quarantaine et de la
désinfection des objets et des vêtements de la personne infectée,
mesures liées aux théories contagionnistes.
Certains médecins ne s’embarrassent plus de savoir si le choléra
est une maladie contagieuse, épidémique ou pestilentielle. Car, selon
eux, il peut correspondre aux trois caractères qu’on définit par ces
expressions et que chacun entend à sa manière ! On admet
désormais l’existence de maladies épidémiques miasmatiques et de
maladies épidémiques contagieuses.
L’interprétation, fort courante, au moment où surgissent les
dernières épidémies de choléra est que sa cause – encore
inconnue – est reproduite chez le porteur et transmise par un
vecteur aérien. Les conditions nécessaires au développement des
épidémies sont les suivantes : 1) poison de la maladie, 2) médium
pour le transmettre et 3) grand nombre d’individus prédisposés à le
recevoir. Une telle imbrication de causes premières contagionnistes
et de causes secondes ou vecteurs à connotation aériste est alors
assez fréquente chez les médecins du Québec.
Certains soutiennent des positions paradoxales où infection et
contagion se côtoient en une même théorie spéculative : la
contagion est « une essence sensible aériforme, au même titre que
l’électricité, la lumière, les odeurs », qui produit des maladies
pestilentielles, contagieuses par contact ou infectieuses par l’air. Or,
si le choléra est une maladie contagieuse transmise « d’individu à
individu » dont l’ampleur épidémique est influencée par l’immigration
dans les ports, il peut aussi être transmis par l’absorption et
l’introduction des miasmes dans le corps.
D’autres médecins pensent que certaines maladies épidémiques
changent de nature. Ainsi, la peste ou la fièvre jaune causée par les
miasmes peuvent, en changeant de lieu et en se déplaçant, se
transformer en typhus ou en fièvre typhoïde et devenir contagieuses.
Aussi souligne-t-on que les endroits bas et marécageux et les
terrains asséchés par le soleil brûlant où les matières animales et
végétales se putréfient ne produisent pas les mêmes miasmes.
On le constate, les recherches sur les causes des maladies
épidémiques telles que le choléra et le typhus s’orientent vers des
conceptions de plus en plus sophistiquées certes, mais aussi de plus
en plus nébuleuses. L’épidémie de variole de 1871, maladie pourtant
reconnue comme contagieuse, donne lieu à des interprétations
étonnantes. Un an plus tard, un médecin, le docteur Georges
Grenier, dans L’Union médicale du Canada, reconnaît la contagiosité
de cette maladie par « inoculation, par simple contact, par
inhalation », mais, ajoute-t-il, « les concrétions se réduisent en
poussière impalpable qui viennent ensuite flotter dans l’atmosphère
qui entoure le malade, s’attachent à ses vêtements, se déposent sur
les meubles, les tentures, les cadres, les tapis, partout enfin, de
sorte que le principe morbifique peut facilement se transporter loin
du lieu où il a pris naissance ».
Les modèles explicatifs proposés durant les deux premiers tiers du
XIXe siècle, loin d’être figés, suivent en quelque sorte les
modulations d’un savoir médical issu à la fois des observations des
médecins et des publications dans les revues médicales.
L’eau comme cause et vecteur : une résistance étonnante
Certains obstacles d’ordre culturel freinent la découverte des
véritables vecteurs du choléra et du typhus. En effet, il est fascinant
de constater la résistance de la part de la majorité des médecins du
Québec à admettre que l’eau est une cause ou un vecteur de ces
maladies.
Même les médecins qui appuient fortement la thèse contagionniste
n’accordent que peu d’attention au vecteur hydrique. Cela est illustré
par le peu d’intérêt suscité au Québec par les travaux du médecin
John Snow publiés en Angleterre en 1849 et réédités en 1855 et
1865. Ce dernier a pourtant montré le lien direct entre l’eau de
certains puits et l’émergence d’une poussée épidémique du choléra.
Dans son article de 1855 intitulé On the mode of communication of
cholera, il fait état des corrélations entre l’absorption par voie orale
d’une eau contaminée par les excrétions d’un malade et l’apparition
du choléra.
En 1866, le docteur R. T. Godfrey, lors d’une présentation à la
Medico-chirurgical Society, est probablement l’un des premiers
médecins québécois à suspecter le rôle de l’eau dans la transmission
du choléra. Selon lui, la maladie est propagée par l’eau contaminée
directement ou indirectement par un cholérique. Aussi recommande-
t-il comme mesure préventive de la faire bouillir et, à plus long
terme, de construire un système efficace d’adduction d’eau. Mais de
telles recommandations demeurent sans effet. Godfrey se heurte à
l’incapacité de prouver la présence dans l’eau de l’agent responsable
de la maladie. Aussi les pouvoirs publics, en l’absence de preuves
irréfutables, ont-ils beau jeu de refuser les dépenses liées à leurs
recommandations.
Autre élément, l’hypothèse hydrique demeure négligée dans les
écrits tant est importante la conviction que l’air est le vecteur du
choléra. À ce point que l’éditorialiste du Canada Medical Journal en
1866, tout en mentionnant l’idée que l’eau peut être un vecteur du
choléra, préfère s’en tenir à l’atmosphère comme médium du poison
cholérique. Sa démonstration est pour le moins étonnante : l’air et
l’eau ayant des rapports incessants, l’air circule plus librement et
plus rapidement sur les grands fleuves et leurs principaux tributaires,
ce qui explique la propagation du choléra sur les voies navigables.
Aussi invite-t-on les populations riveraines de Québec, de Trois-
Rivières et de Montréal à éviter, pendant les épidémies, les
promenades près du fleuve. Encore dans les années 1870, les
égouts mal entretenus sont considérés comme néfastes non parce
qu’ils risquent de contaminer l’eau de consommation, mais plutôt
parce qu’ils soulèvent des exhalaisons miasmatiques.
Il a fallu attendre les années 1880, à la suite des démonstrations
bactériologiques expérimentales convaincantes, pour que soit
ébranlé sérieusement l’élément aérien comme vecteur de certaines
maladies contagieuses et que soit confirmé le rôle déterminant joué
par l’eau contaminée dans la transmission du choléra, de la fièvre
typhoïde, de la dysenterie et des maladies diarrhéiques. Un pionnier
en cette matière au Québec est certes le docteur Wyatt Johnston qui
est à juste titre considéré comme l’un des premiers spécialistes
canadiens des maladies transmises par le vecteur hydrique.
À la fin du XIXe siècle, une importante révolution va bientôt
bouleverser les approches sur les causes et les vecteurs des
maladies infectieuses. Celle-ci va donner au fil des ans de nouveaux
moyens de dépistage et de prévention permettant une meilleure
protection contre certaines maladies épidémiques comme le choléra,
le typhus ou la fièvre jaune et certaines pathologies endémiques de
source bactérienne telles que la diphtérie, la rougeole, la rubéole ou
la variole. Cette révolution a eu des conséquences immenses non
seulement sur l’émergence d’une médecine préventive mieux
outillée, mais aussi sur l’adoption de mesures d’hygiène publiques et
privées. Mais, en attendant, de sévères épidémies de choléra, de
typhus et de variole sévissent sur le territoire québécois, lieu
d’arrivée de flots d’immigrants.

Notes
3. Miasme : émanation de matières en décomposition dégageant une odeur désagréable
censée être responsable des maladies infectieuses et surtout des épidémies.
4. Bacille : bactérie pathogène en forme de bâtonnet ou de virgule : bacille de la
tuberculose, bacille botulique…
Chapitre 2
Les grandes épidémies au XIXe siècle

L e Québec, depuis le XIXe siècle, a été touché à plusieurs reprises


par des épidémies et les façons d’en limiter les effets ont
considérablement varié au fil du temps. Il en est de même des
attitudes, des représentations et des modèles explicatifs qui ont
ponctué l’histoire de ces épidémies. Il faut souligner aussi qu’elles
sont liées à des contextes socioculturels et économiques particuliers.
Les épidémies de choléra et de typhus sont largement liées à
l’arrivée massive d’immigrants et aux échanges marchands qui
s’accroissent avec l’Europe. D’autres maladies infectieuses
endémiques comme la tuberculose, la diphtérie et les maladies
diarrhéiques, qui tuent quasiment un enfant sur cinq, sont
directement liées à la pauvreté des populations les plus touchées.

Le choléra : une peste bleue


Une terrible épidémie de choléra, dénommée aussi choléra morbus
et choléra asiatique, affecte l’Europe en 1831 et ne tarde pas à se
répandre en Amérique l’année suivante. Cette maladie très
contagieuse, originaire d’Inde, est liée à l’intensification du
commerce maritime et de l’immigration. Jusqu’au XIXe siècle, elle
était confinée aux deltas du Gange et du Bangladesh. C’est pourquoi
on l’appelait aussi choléra asiatique.
Les pays européens sont pris par surprise et les personnes
défavorisées sont durement touchées. Le choléra, comme bien des
maladies infectieuses, est une maladie de la misère et de la
surpopulation. La malnutrition favorise l’éclosion d’épidémies de
choléra, car elle engendre une faible acidité gastrique. Or, cette
acidité, à l’état normal, assure une certaine protection, car elle
permet de détruire ou d’affaiblir le microbe. Bref, les mauvaises
conditions d’hygiène sont des facteurs favorables à l’éclosion
d’épidémies de choléra. À Paris, en quelques mois, le bilan s’élève à
plus de 7 000 morts. Ceux qui en ont les moyens quittent la ville
pour la campagne, comme lors des épidémies de peste.

Cette peinture de Joseph Légaré illustre l’émoi causé par une épidémie de choléra,
probablement celle de 1832. On y aperçoit des personnes affaissées sous l’effet de
la maladie, un malade probablement décédé qui est porté vers une charrette ainsi
que des personnes à l’entrée de l’église. Le ciel sombre et orageux illustre les liens
entre l’atmosphère et l’épidémie. De même que les feux allumés en série qui
visent à purifier l’air ambiant. La lune, astre jugé néfaste dans la mythologie,
ajoute au drame de la représentation. (Joseph Légaré, Le choléra à Québec, vers
1832, huile sur toile, Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa)

En provenance des ports de Grande-Bretagne, le choléra atteint le


Québec en 1832. Il s’est propagé à bord des navires. On sait
aujourd’hui que le bacille du choléra peut survivre plusieurs
semaines dans des bidons présents dans les cales des navires. C’est
la crainte de cette épidémie qui a poussé le gouvernement à établir,
la même année, la quarantaine à la Grosse Île. Mais, pour être
efficace, il aurait fallu qu’elle soit rigoureusement appliquée pour
tous les passagers. Ce qui n’a pas été le cas. En une période où l’on
ne connaît pas la cause de la maladie et où il n’y a évidemment
aucun test de dépistage, les immigrants ne présentant aucun
symptôme peuvent poursuivre leur route. Or, plusieurs d’entre eux
sont tout de même porteurs de la maladie. C’est ce que l’on a
dénommé plus tard les « porteurs sains » qui participent à la
diffusion de la maladie. Il n’y a alors aucun moyen de les dépister.
Henri Julien, Le maire nocturne de Montréal lors de sa tournée spectrale (dédié à
la Commission de santé), 1875. Sur cette gravure du XIXe siècle, on aperçoit un
fantôme qui illustre la présence de miasmes jugés responsables du choléra. En
haut au centre, sur les êtres en forme de chouettes fantomatiques sont inscrits les
termes choléra et fièvre qui sont tous deux associés à la maladie. La mort assise
sur une tombe tirée par une charrette est dessinée de façon traditionnelle avec le
squelette portant une faux, illustrant cette grande faucheuse en temps d’épidémie.
(Musée McCord)

La venue du choléra au Québec et les épidémies suivantes qui


marqueront le XIXe siècle sont largement attribuables aux mauvaises
conditions sanitaires à bord des navires lors des longs voyages
transocéaniques et à la méconnaissance de ses principaux vecteurs :
l’eau contaminée et les vêtements souillés. En effet, cette maladie
est une infection intestinale causée par le vibrion cholérique qui a
été découvert par le bactériologiste Robert Koch en 1883 et qui est
transmis essentiellement par voie orale. Ce microbe est véhiculé
principalement par l’eau, les aliments et les vêtements souillés. Chez
les personnes souffrant de malnutrition, nous l’avons mentionné, le
microbe se rend aisément aux intestins où il provoque de violentes
diarrhées entraînant une forte déshydratation. Ces diarrhées sont
accompagnées de vomissements tout aussi violents. Le corps prend
une apparence bleutée en raison d’une cyanose, d’où l’expression
bien connue « avoir une peur bleue ». La maladie était aussi
dénommée « peste bleue ». Généralement, la mort survient en
quelques jours.
Les mauvaises conditions sanitaires, l’immigration par navires et
l’intensification du commerce international ont donc favorisé la
propagation du choléra. Avec pour conséquence qu’il se répand
rapidement au sein d’une population entassée dans les cales et dont
les résistances immunitaires sont affaiblies par la fatigue, le mal de
mer, l’alimentation de mauvaise qualité et pauvre en vitamines et en
calories.
Les premiers cas de décès sont signalés sur les navires Elizabeth et
Carrick, en provenance de Dublin, qui arrivent respectivement à la
Grosse Île le 28 mai et le 3 juin 1832. L’Elizabeth compte déjà
22 morts sur ses 200 passagers. Le Carrick en compte 42 sur
145 passagers. C’est toutefois le navire montréalais Le Voyageur
faisant la navette entre la Grosse Île et Montréal qui, le 8 juin,
introduit à l’intérieur du continent le vibrion cholérique. Surchargé
d’immigrants, Le Voyageur quitte la Grosse Île, mais doit aussitôt
rebrousser chemin pour se délester d’une partie des passagers qui
manifestent des symptômes. Il repart tout de même avec
450 passagers à son bord. Puis, près de Trois-Rivières, deux de ses
passagers succombent du choléra, l’un sur le bateau, l’autre, le
9 juin, dans une auberge riveraine où on l’a déposé. Un autre
passager meurt également la même journée sur les quais en arrivant
à Montréal.
Au bout d’une semaine, on compte déjà plus de 200 cas à Québec.
Le 19 juin, l’Hôpital des émigrés admet 450 malades. Les hôpitaux
étant bondés, on doit ériger des tentes sur les plaines d’Abraham
pour héberger plus de 500 patients. Le bureau de santé de Québec
loue les bâtiments d’une brasserie à Près-de-Ville pour établir un
hôpital temporaire sur la rue Saint-Paul à Québec, sous la direction
des docteurs Edmund Bailey O’Callaghan et Anthony von Iffland. Un
hôpital constitué de tentes est temporairement ouvert dans le
faubourg Saint-Jean. Un entrepôt, situé dans la vieille ville, est aussi
transformé en hôpital temporaire qu’on nomme Blue Shed.
Dès l’éclatement de l’épidémie à Québec, le 8 juin, les soldats et
leurs familles restent barricadés dans leurs baraques. Les soldats
revenant de service sont soumis à une période d’isolement de
quelques jours dans des tentes érigées dans les fossés de la
Citadelle. Mais ce n’est pas suffisant. Malgré ces précautions, le mois
d’août est particulièrement meurtrier pour la garnison. On y recense
146 cas de choléra, dont 36 décès. De juin à septembre, la région de
Québec compte plus de 3 000 décès.
Le bureau de santé de Montréal érige des refuges dans des
entrepôts situés dans la paroisse Sainte-Anne. Certains de ceux-ci
n’ont aucun plancher et les malades dorment sur le sol. Le Montreal
General Hospital refusant d’admettre les cholériques, un autre
hôpital est aménagé sur la rue Saint-Denis. Des circulaires
enjoignent les curés à encourager les paroissiens à prendre des
mesures de protection contre le choléra et les dispensent du jeûne
et de l’abstinence pendant l’épidémie.
Pour l’ensemble de la province, on estime à près de 10 000 le
nombre de décès. Le taux de mortalité pendant l’épidémie est de
46/1 000 habitants pour la province avec des pointes de 74/1 000 à
Montréal et de 82/1 000 à Québec, comparativement à 37/1 000
pour l’ensemble de l’année.
Devant l’épidémie qui affecte Québec, le bureau de santé de la
municipalité de Trois-Rivières convoque une assemblée publique,
élabore des mesures de quarantaine et met en place un cordon
sanitaire qui interdit l’entrée d’étrangers dans la ville. La ville
n’accepte l’amarrage à son port que des navires transportant des
passagers originaires de la ville. Grâce à ces mesures, la ville fut
relativement épargnée avec seulement 32 cas de choléra et 16 décès
entre le 13 juin et le 10 juillet. L’épidémie affecta le Bas-Canada
jusqu’au mois d’octobre.
En mai 1834, le choléra refait son apparition avec l’arrivée d’un
navire en provenance de Dublin avec à son bord des passagers
porteurs de la maladie. Entre le 26 juin et le 5 juillet, six patients
hospitalisés dans un petit hôpital nouvellement aménagé pour les
maladies contagieuses décèdent du choléra. La maladie atteint aussi
Montréal le 11 juillet. Or, à ce moment, alors que l’épidémie est déjà
de notoriété publique à Québec, un voyage de divertissement et de
plaisir à la Grosse Île est organisé pour les citoyens et les visiteurs
de Québec. La Loi sur la quarantaine avait pourtant été promulguée.
Il est vrai que la maladie se manifeste surtout sous une forme
bénigne de la fin de mai à la mi-juillet.
Faute d’être intercepté et mis en quarantaine à la Grosse Île, un
autre navire en provenance de Dublin avec des cas de choléra
poursuit son chemin jusqu’à Québec en juillet. Le comité de santé de
la ville de Québec exerce des pressions auprès du gouverneur pour
ouvrir prématurément l’Hôpital de la Marine qui est alors en
construction. L’hôpital accueille finalement les cholériques le
20 juillet. Mais l’épidémie s’intensifie jusqu’à la fin d’août et plus de
3 000 personnes succombent à la maladie. En une période où le
commerce et l’immigration sont en croissance, le Québec n’a qu’un
bref répit.
Le typhus : une crise humanitaire sans précédent
En mai 1847, le Québec connaît l’une des pires épidémies de son
histoire. En effet, le typhus, que l’on confond à ses débuts avec la
fièvre typhoïde ou la dysenterie, se déclare à bord de navires
transportant des émigrés vers le port de Québec. Ce n’est pas la
première du genre en territoire québécois puisque cette maladie
sévissait sporadiquement tout au long du XVIIIe siècle et dans la
première moitié du XIXe siècle. Mais, cette fois-ci, elle est liée à la
terrible famine qui affecte l’Irlande depuis deux ans et qui entraîne le
départ d’un million et demi d’émigrés. Parmi ceux-ci, près de
80 000 s’embarquent pour le Canada. Les conditions hygiéniques
déplorables de la traversée ainsi que la malnutrition provoquent une
terrible épidémie à bord des navires.
Cette maladie, aussi dénommée « fièvre des navires » et « fièvre
pourprée », est causée par une rickettsie5, microbe immobile,
transmise par les puces. Or, les immigrants, en surnombre, sont
entassés dans les cales en présence de rats qui sont porteurs de
puces véhiculant dans leur abdomen le microbe du typhus. La
contamination se fait aussi par les piqûres du pou et ses déjections
sous forme de poussières. En effet, ces derniers, qui sont présents
dans les chevelures, constituent des vecteurs importants de
contamination. Les fortes immigrations par navires et l’intensification
du commerce international en une période où les conditions
sanitaires sont mauvaises ont largement favorisé sa propagation.
La majorité des passagers sont infectés par cette « fièvre des
navires ». Au printemps 1847, trente vaisseaux transportant
12 500 passagers transitent par la station de quarantaine de la
Grosse Île. Ceux qui présentent les symptômes de la maladie sont
mis en quarantaine. Plusieurs médecins de Québec soignent les
malades et le nombre de patients est tel qu’on doit faire appel aux
prisonniers de la ville de Québec pour les soins quotidiens. Les
passagers des navires amarrés sont l’objet de mesures de
désinfection et certains d’entre eux, considérés sans danger, sont
autorisés à reprendre leur route vers Québec et Montréal. Or, parmi
ceux-ci, de nombreux passagers, dont les symptômes ne sont pas
encore apparus, sont porteurs de la maladie. Trois bateaux à vapeur
sillonnent le Saint-Laurent entre la Grosse Île et Montréal,
transportant à Pointe-Saint-Charles des milliers d’immigrants
irlandais qui ont reçu leur congé de la station de quarantaine.
D’autres arrivent directement de la ville de Québec.
La maladie ne tarde pas à se répandre le long du Saint-Laurent
pour atteindre Montréal le 26 mai. Déjà au 4 juillet on dénombre une
soixantaine de décès. Après l’amarrage de certains navires au port
central, les autorités recommandent que ceux qui transportent les
immigrants irlandais soient amarrés à la pointe du Moulin à Vent au
sud du port central, près du canal de Lachine. Ce sont
23 baraquements, dénommés « Hôpital de la Pointe-Saint-Charles »,
qui sont construits à proximité du pont Victoria pour accueillir les
malades. Selon un témoignage de l’époque, ceux-ci sont étendus
« deux ensemble sur une chétive paillasse recouverte d’un drap
blanc et d’une couverture de coton gris ». Une dizaine de milliers de
malades y sont hospitalisés, parmi lesquels plusieurs milliers
succombent à la maladie.
Sur cette gravure de Friedrich Graetz publiée dans Puck en 1883, on aperçoit la
grande faucheuse (squelette portant une faux), assise sur le timonier d’un navire.
Elle illustre l’arrivée des navires britanniques portant le choléra. Une barque
intitulée « bureau de santé » se rend à sa rencontre pour l’intercepter et mettre le
navire en quarantaine. À l’arrière, une « batterie » de désinfectants (acide
carbolique, borax, phénol…) sous forme de bouteilles est alignée sur le port.
(Bibliothèque de l’Université de Yale)

Parmi les mesures mises en place, la constitution d’une « police


sanitaire » répond aux modèles de l’époque, notamment en Europe.
Ce sont, en effet, les corps policiers qui sont mandatés pour faire
respecter les mesures préventives en cas d’épidémie. Au Québec, ce
premier mouvement émerge lors de l’épidémie de typhus.
Le 19 juillet, un service de « police sanitaire » est créé à Montréal.
Ses membres, postés sur chaque pont enjambant le canal de
Lachine, veillent à ce que les malades à la sortie des navires ne
s’échappent pas vers la ville et soient acheminés aux baraquements
de la Pointe-Saint-Charles. Ils ont aussi pour tâche de repérer ceux
qui fuient les baraquements et de ramener les errants malades à
l’aide d’une espèce de « tombereau ». En deux mois, 472 malades et
60 morts sont ainsi réacheminés à « l’Hôpital de Pointe-Saint-
Charles ». L’entreprise n’est évidemment pas sans risque. Sur les
45 membres de la « police sanitaire », 14 sont atteints du typhus et
quatre en décèdent. Ce qui n’arrange pas les choses, Montréal
connaît alors une forte canicule et, durant le mois d’août, les
températures tournent autour de 38 °C ce qui ajoute à l’inconfort
des malades déjà victimes de fièvres et entassés dans des baraques
surchauffées.
Autre problème grave, le bureau de santé de la ville de Montréal,
mis sur pied le 27 mai en prévision de l’épidémie qui s’annonce, se
heurte à trois instances – The Trinity House, The Harbour
Commissioners et The Commissioners of the Canal Lachine – qui
freinent les mesures préventives consistant notamment à réduire le
flot des immigrants. Ce sont ces instances qui ont le pouvoir de
favoriser ou non le transport et le débarquement continu
d’immigrants malades. Les nombreuses demandes du bureau
demeurent vaines.
De même, les demandes de fonds supplémentaires du bureau de
santé afin d’ériger des hôpitaux temporaires mieux adaptés aux
soins des immigrants se heurtent à un refus. La situation est à ce
point déplorable dans les baraquements que les membres de la
Commission de santé sur la situation de l’épidémie de typhus à
Montréal mentionnent, le 12 août 1847, qu’y envoyer les immigrants
revient à les conduire vers une mort certaine. Cette constatation est
confirmée par le témoignage des sœurs grises qui y soignent les
immigrants.
***
Les baraquements de l’Hôpital Saint-Charles : un
témoignage accablant
Les conditions déplorables dans ces baraquements sont validées
par les Annales des sœurs grises rédigées pendant la durée de
l’épidémie. Leurs activités quotidiennes y sont consignées. Elles y
soignent les immigrants et s’occupent des décès. Il en ressort un
tableau tout à fait conforme aux déclarations des membres de la
Commission de santé. Le lieu choisi est tout à fait impropre et les
baraquements sont construits dans un endroit marécageux. Les
jours de pluie, les chemins sont quasi impraticables. Les
23 baraquements, qui mesurent entre 100 et 200 pieds de
longueur sur 30 à 40 pieds de largeur, contiennent chacun de 130
à 180 couchettes en planches brutes sur lesquelles sont étendues
quelques bottes de paille. Une cloison sépare deux salles où sont
séparés les hommes et les femmes. Deux religieuses veillaient sur
chacun des baraquements : six autres, « par un soleil ardent et
quelquefois par une pluie battante, allaient dans les cours, les
fossés, les champs voisins et parcouraient les rives du fleuve pour
y découvrir les malades gisant ici et là. Sans cette attention
continuelle de leur part, un nombre incroyable [d’entre eux]
seraient morts sans secours, car tel était leur état de faiblesse,
faute de nourriture, ils s’affaissaient sur eux-mêmes sans pouvoir
se relever ». Dans les baraquements, entre 30 et 40 immigrants
décèdent quotidiennement. À la surprise des religieuses,
Mgr Ignace Bourget, qui sera atteint de la maladie, se rend aux
baraquements et y administre les derniers sacrements. Ce sont
les sœurs grises et quelques médecins qui prennent en charge au
début de l’épidémie les soins aux immigrants, et se joignent
bientôt à elles, devant la croissance des malades, les pères
sulpiciens, les sœurs de la Providence et les religieuses de l’Hôtel-
Dieu.
***
Plus encore, les membres de la Commission dénoncent avec
vigueur ce transport fluvial d’êtres humains « marqué par une
dépravation rarement sinon jamais documentée » et qui, selon eux,
égale en horreur le traitement fait aux esclaves. En 1847, près de
100 000 émigrants s’embarquent sur 442 navires en direction du
Canada, parmi lesquels on compte plus de 5 000 décès en mer et
plus de 3 300 à la Grosse Île.
Pour le seul mois de juillet 1847, dix navires en provenance de Cork
et six de Liverpool arrivent à Montréal avec 4 427 passagers, parmi
lesquels on retrouve 804 morts et 847 malades. Le navire Larche,
avec à son bord 440 passagers, compte 108 morts et 150 malades.
Le Virginius, avec à son bord 498 passagers, compte 158 morts et
186 malades. Les conditions déplorables sur le plan humanitaire, sur
lesquelles les autorités coloniales ferment les yeux, font en sorte
qu’il a été impossible, malgré la meilleure volonté du monde,
d’établir des mesures préventives efficaces et d’éviter ce désastre.
D’autres endroits de la ville de Montréal sont touchés par
l’épidémie entre le début de juin et la mi-novembre. Selon les
comptes rendus de décès dans les journaux, 750 immigrants
irlandais succombent dans la ville. L’épidémie affecte aussi la
population montréalaise et, selon les mêmes sources, on dénombre
plus de 1 900 décès. Des tentes et des hangars sur le terrain du
Montreal General Hospital sont aussi érigés pour y recevoir
250 malades. Les sœurs grises de Montréal, rejointes par les sœurs
de la Providence et par les sœurs de l’Hôtel-Dieu, prodiguent les
premiers soins. Plusieurs religieux et religieuses ainsi que le maire de
la ville, John Easton Mills, sont emportés par la maladie.
À Québec aussi certaines initiatives privées permettent de prendre
en charge des malades. Par exemple, le Dr James Douglas met sur
pied un hôpital privé à Beauport, l’Emigrant Fever Hospital, d’une
capacité de 350 lits, pour accueillir les immigrants malades. Mais la
demande est telle qu’on décide d’ajouter des abris temporaires et de
transformer plusieurs bâtiments situés sur le chemin de Beauport en
hôpitaux provisoires. Plus d’un millier de patients y seront hébergés.
Un des médecins en exercice succombe du typhus, comme plusieurs
de ses collègues de la Grosse Île.
Alors que l’épidémie fait rage, on en profite pour faire quelques
expériences médicales. Sous la supervision d’un médecin et de
militaires canadiens et américains, des médecins de Montréal, de
l’Hôpital de la Marine de Québec et de la station de quarantaine de
la Grosse Île entreprennent des essais cliniques d’un désinfectant
liquide, le formol, dans le but de neutraliser les miasmes. Entre les
mois d’août et de novembre 1847, ils le pulvérisent non seulement
sur des lieux contaminés, mais aussi sur les plaies, ulcères et
sécrétions d’immigrants atteints du typhus qui servent ainsi de
cobayes. Cette expérimentation empirique, donc à l’aveugle, donne
des résultats contradictoires. Chez les uns, on relève que le
désinfectant atténue les odeurs fétides des plaies et assure une
meilleure cicatrisation. Le médecin de la Grosse Île note, en
revanche, qu’il provoque chez des patients de fortes coliques, ce qui
aggrave leur état. Bref, rien de bien concluant ne sort de cette
tentative peu éthique.
Les évaluations sur le nombre de victimes au Québec et au Canada
varient considérablement d’un auteur à l’autre. Pour l’ensemble du
pays, il y aurait eu quelque 17 000 décès, soit 17 % des immigrants
qui ont transité par Québec. Ce sont les baraquements de l’Hôpital
de Pointe-Saint-Charles qui ont accueilli le plus de malades (13 189)
suivis de l’hôpital de la Grosse Île (8 691) et de l’Hôpital de la Marine
et des émigrants de Québec (3 313). Dans l’ensemble du Canada,
42 540 patients souffrant du typhus ont été hospitalisés. Cela
montre l’ampleur de cette terrible épidémie.
Une épitaphe de pierre noire érigée à l’entrée nord du pont Victoria
à proximité de la pointe du Moulin à Vent commémore cette tragique
épidémie. Soulignons que ce sont majoritairement des ouvriers
irlandais qui ont construit le pont Victoria entre 1854 et 1859. Or,
cette pierre a été soustraite à la demande de ces ouvriers après que
ceux-ci eurent constaté qu’une partie de leurs travaux avait empiété
sur une fosse commune. C’est là où l’on avait rapidement enterré les
milliers d’Irlandais provenant des baraquements de la Pointe-Saint-
Charles.
De nombreuses familles canadiennes-françaises adoptent des
enfants devenus orphelins. Les autres sont placés dans des
orphelinats protestants ou catholiques, selon la religion de la famille.
Pour répondre aux besoins des enfants, le Montreal St. Patrick’s
Orphan Asylum est fondé par les sœurs grises avec l’aide du père
Patrick Dowd.
Ce qu’il y a de remarquable dans cette épidémie, c’est l’absence,
du moins à Montréal, de manifestation d’hostilité envers les malades
immigrés. Certes, il y a eu un fort sentiment d’insécurité de la part
de la population, une désertion des lieux publics et des réactions de
peur, mais, en général, selon les sources consultées, elle s’est
montrée plutôt solidaire envers les immigrants. Cela s’explique en
partie, par le fait que la majorité des Québécois et des immigrants
irlandais sont catholiques. Ce sont plutôt les autorités britanniques et
coloniales qui sont blâmées pour leur politique massive
d’immigration et leur complicité indirecte dans ce désastre humain.
L’émoi causé par l’épidémie réveille les pouvoirs publics. En effet,
plusieurs bureaux de santé ont temporairement été mis sur pied
dans les principales villes d’Amérique du Nord britannique. C’est ainsi
que le conseil municipal de Montréal accepte une recommandation
de la commission de police d’établir un bureau de santé et de mettre
en place des mesures pour conserver la santé publique. Un bureau
de santé est aussi constitué dans la ville de Québec. Quelque
75 bureaux de santé sont ainsi formés à travers le Québec. Ces
initiatives tardives, nous l’avons souligné, répondent à une donnée
fondamentale de l’histoire des épidémies au XIXe siècle : les
autorités politiques et économiques n’établissent des mesures
préventives qu’à la suite d’une période de crise.
***
Un hommage aux victimes du typhus
En 1909, l’Ancient Order of Hibernians érige une croix celtique au
sommet d’une colline de la Grosse Île en souvenir de ceux qui ont
péri sur l’île. L’ordre organise chaque année un pèlerinage
jusqu’au monument. En 1998, des représentants de la
communauté irlando-québécoise et la présidente de l’Irlande
assistent à l’inauguration du Mémorial national sur la Grosse Île,
érigé en hommage aux immigrants qui ont péri sur l’île et à ceux
qui sont morts en leur portant secours.
***
Le retour du choléra
Deux ans après celle du typhus, une autre grave épidémie de
choléra pénètre au Québec en provenance apparemment des États-
Unis. La maladie existait depuis quelque temps dans plusieurs villes
américaines en bordure du Mississippi et du Missouri. Elle se
manifeste entre le 4 et le 12 juillet 1849. Au plus fort de l’épidémie
se trouve à Québec le célèbre écossais John Wilson – ancien
chanteur d’opéra reconverti dans les ballades écossaises – qui
termine sa tournée en Amérique. Mais il succombe du choléra le
8 juillet, la veille de son concert.
Cette épidémie affecte la population canadienne pendant quatre
mois et demi, soit jusqu’à la mi-octobre. L’épidémie cause plus de
1 000 morts à Québec et plus de 700 à Montréal. D’autres petites
épidémies de choléra en provenance des États-Unis surviendront en
1851 et 1852. Mais le petit nombre de victimes qui pénètre au
Québec limite les dégâts et ces éclosions ne causent respectivement
que quelques centaines de décès.
Ce ne fut pas le cas de l’épidémie de 1854 qui a été nettement plus
meurtrière. Introduit à la Grosse Île par le navire Glenmanna de
Liverpool, le choléra fait son apparition à Québec le 20 juin pour
disparaître trois mois plus tard, soit vers la mi-septembre. Durant la
traversée, l’équipage de ce navire avait jeté à la mer 45 de ses
passagers décédés du choléra. Tout de même, le nombre de
personnes infectées qui pénètrent sur le territoire québécois cause
d’importants dégâts. Les premiers cas sont transportés à l’Hôpital de
la Marine qui avait été érigé dans les années 1830 pour recevoir les
immigrés et les marins malades.
L’épidémie ne tarde pas à affecter les principales villes en bordure
du Saint-Laurent. Le conseil de ville de Québec reforme le comité de
santé qui avait été dissous. Les mesures préventives sont adoptées
trop tardivement et la ville compte plus d’un millier de décès.
Montréal est aussi très fortement touchée, avec 1 300 décès. Ce
sera la dernière grande épidémie de choléra dans la province. Au
dernier tiers du XIXe siècle, alors que cette maladie sévit en Europe à
plusieurs reprises, des mesures de quarantaine plus strictes à la
Grosse Île, confinant sévèrement les navires, permettent d’éviter sa
propagation dans la province.

La variole
Il est reconnu aujourd’hui que plusieurs populations amérindiennes
ont été décimées par des épidémies de variole, particulièrement au
XVIIe siècle, peu après l’arrivée des Français. Durant la décennie
1640-1650, elle frappe durement la nation huronne qui perd la
moitié de sa population. Vingt ans plus tard, ce sont les Attikameks,
tribu montagnaise sise le long de la rivière Saint-Maurice appelée
aussi « Nation du Poisson-Blanc », qui sont frappés par cette
maladie. Ils seront pratiquement décimés par la conjugaison de deux
facteurs : les attaques iroquoises et la virulence de la variole. La
variole fit d’autres apparitions sporadiques durant les XVIIe et
XVIIIe siècles, affectant notamment les Iroquois, les Algonquins et
les Montagnais.
Ironiquement, alors que cette maladie a été introduite en Amérique
par les colonisateurs, ceux-ci la dénomment « peste indienne ». Les
Canadiens français sont certes mieux immunisés contre cette
maladie, mais ils en deviennent aussi les victimes. Ce sera le cas en
1702 où la ville de Québec perd 260 citoyens, soit 13 % de sa
population. Plus d’une douzaine d’épidémies de variole sont
survenues par la suite, provoquant plusieurs milliers de décès. Cette
maladie, dénommée aussi « petite vérole », est causée par un
orthopoxvirus dont la contagion principale est provoquée par les
contacts interhumains. L’insalubrité et l’exiguïté des logements sont
les principales causes sociales de sa propagation.
Rappelons que c’est au début du XIXe siècle qu’est utilisé par les
médecins le premier vaccin de l’histoire (antivariolique). Il est issu de
l’observation que la variole des vaches transmise à des humains
permet de les immuniser contre la variole humaine, maladie alors
très meurtrière. Dès 1821, une loi « pour encourager l’inoculation de
la vaccine » favorise cette nouvelle pratique préventive et une vaste
campagne permet de vacciner, entre 1815 et 1822, plus de
32 000 personnes au Canada.
Cependant, l’absence d’une connaissance des causes réelles et des
vecteurs de maladies infectieuses, la qualité très variable du vaccin
antivariolique6 et, surtout, la transmission de maladies à plusieurs
vaccinés font en sorte que cette approche donne, à cette époque,
des résultats mitigés. Soulignons que, les instruments pour injecter
la variole des vaches n’étant pas désinfectés, certains microbes
pouvaient se faufiler chez le vacciné. Du reste, de nombreux
médecins s’opposent à cette pratique qu’ils ne connaissent guère.
Après un premier engouement pour la vaccination, les autorités
préfèrent s’en remettre aux mesures de quarantaine, à l’isolement
des malades et à la désinfection des habitations. Ce nouveau
procédé préventif tarde donc à s’implanter et il ne fit guère
l’unanimité jusqu’à la fin du siècle et au-delà. Des épidémies de
variole plus ou moins sévères ponctuent les années 1800 jusqu’à
celles, plus importantes, de 1875 et 1885.
La première survient à l’été 1875 et frappe principalement les villes
portuaires en bordure du Saint-Laurent. La ville de Montréal est
durement touchée et l’Hôpital civique des variolés, mis sur pied
l’année précédente, ne suffit plus à accueillir les patients. Les
autorités, débordées et à court de moyens pour endiguer l’épidémie,
décident de rendre obligatoire la vaccination, au risque d’aviver les
tensions entre les autorités municipales et la population. De fait, une
telle mesure adoptée sans consultation de la population provoque de
graves émeutes dans la ville de Montréal. Le 4 août, un des officiers
de santé de la ville, le Dr Alphonse Larocque, voit sa maison
saccagée par la foule. En septembre, plus de 3 000 personnes se
rendent à l’hôtel de ville pour protester contre l’obligation de se faire
vacciner. Il faut aussi souligner que, si l’on vaccine généralement
avec des pointes d’ivoire, en période d’épidémie, celles-ci sont
insuffisantes et les médecins vaccinateurs utilisent des tessons de
verre, ce qui n’est pas pour rassurer la population.
Peu après la fin de l’épidémie, le Dr Joseph Emery-Coderre,
professeur à l’École de médecine et de chirurgie de Montréal,
convainc quelques collègues de former la Ligue contre la vaccination
« compulsoire ». Son but est de « s’opposer par tous les moyens
légaux au fonctionnement de la loi actuelle sur la vaccination et d’en
demander le rappel ». La ligue offre de plus une protection aux
membres qui résisteront aux vaccinateurs de la ville de Montréal et
s’engage à les défendre devant les tribunaux. Elle sera dissoute
quelques années plus tard. Le Dr Emery-Coderre fait par ailleurs
paraître une brochure intitulée Étude sur les effets de la vaccination
qui dénonce cette pratique qu’il juge très dangereuse. Le
mouvement contre la vaccination obligatoire commence dès lors à
prendre des proportions importantes, mais le retrait de cette mesure
par les autorités sanitaires calme le jeu. D’autant que la profession
médicale est divisée sur cette question.
L’histoire se répète en 1885 alors qu’une autre épidémie de variole
frappe durement Montréal. Au plus fort de l’épidémie, soit vers la mi-
septembre, 30 personnes par jour meurent de la variole à Montréal
et 218 dans la seule semaine du 16 au 23 septembre. Ce sont
surtout les enfants qui sont atteints par la maladie. Les docteurs
William Hingston et Emmanuel Persillier-Lachapelle recommandent la
vaccination, mais certains médecins, dont évidemment le Dr Coderre,
la déclarent inutile ou dangereuse.
***
Le premier cas de variole à l’origine de l’épidémie de 1885
Ce serait le 28 février 1885 que George Longley, un employé du
chemin de fer du Grand Tronc qui entre à la gare Bonaventure,
introduit la variole à Montréal. Après qu’il fut refusé par le
Montreal General Hospital en raison de son état contagieux, les
sœurs de l’Hôtel-Dieu de Montréal acceptent de le recevoir. Il
séjourne à l’Hôtel-Dieu jusqu’au 21 mars non sans avoir
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A zörejre előugrott a kapus, hajdúk és mindenféle cseléd, a
grófok pedig egymás karjába fűződve mentek föl a lépcsőzeten.
– Honnét? – kérdi a házigazda.
– Egyenesen Bécsből – feleli Dunay – s egy kis kerülőt tettem
Keszthely felé.
– Ez nagy kitüntetés – véli Festetics – midőn egy fiatal házas
másfél napi járó földet kerül, nem hiszem, fiatal barátom, hogy ezt ok
nélkül tetted volna; mert hej! az a szép menyecske nagyon messziről
haza tudja hívni az embert.
– Feleségem meg nem bocsátaná – viszonzá Dunay – ha
hazamenet Keszthelyt elkerültem volna, s ha teremtő körödből nem
hoznám magammal egy újabb nagy műved örvendetes hirét. De én
is hoztam neked egy kedves újdonságot – folytatá Dunay – mi
kincset leltünk, barátom, s én magamra vállaltam, hogy veled közölni
fogom.
A két gróf fölsietett a lépcsőn, s míg a podgyászokat elhelyezék a
termek egyikében, az őszülő idő miatt fölszított kandallónál foglaltak
helyet.
A gróf feszesre begombolt mentében helyezkedék el egy
karosszékben, lábait a kandalló melege felé nyujtóztatva, s egész
nyugalommal várva az ifju vendéget, mit akarna vele közleni olyat,
mit ő kincsnek fogna tartani.
Erre Dunay gróf oldalzsebéből egy iratcsomót vett ki, leveleit
föltárá s úgy helyezkedék, hogy inkább a kandallótól vevé a
szükséges világosságot, aztán lelkesült hangon mondja:
– Barátom, e kis munkát akarom elolvasni, s ha elolvastam,
megmondom, miként került hozzám és miért közlöm veled.
– Kiváncsi vagyok! – felel a házigazda, arczának minden izma
elárulván azt a reszketegséget, mely hasonló véralkatú embereknél
nem bír addig megnyugodni, míg a lélek táplálékot nem nyer.
Gróf Dunay kitárá már a papirt és szavalói nyugalommal olvassa
le a czímet: Csobáncz!
Festetics hirtelen egyenesre ül, a nélkül, hogy közbeszólna; de
Csobáncz, az árpádvérű Gyulafiak, most az Eszterházy herczegek
romokban is dicső ősi vára, azon kihült évezredes vulkánok egyike,
melyek mint Szigliget és Badacsony, Haláp, Somlyó, Sümegh
előörseikkel: Rezivel és Tátikával (a keszthelyi Festeticsek örökével;
nemes boraikban árulván el a méhükben rejtett régi tüzet), titánok
gyanánt őrzik és szegik be a regényes vidéket, melyet a karöltve
egymás mellett elnyuló Bakony és Balaton, Veszprém, Pápa és
Keszthely között képez, mintegy félkoszorú, melynek másik fele a
Balaton túlsó partján fekszik, csomóba kötve Festetics György
magasztos hazafiui szellemétől s közhasznú intézeteitől akkor még
fénylő Keszthely által. Azért is Festeticset, ki a Balaton-parton s
szigetjén sétálva, naponta bámulta az órai távolságból elébe kékelő
Csobáncz nagyszerűségét, a legelső szónál oly közel érinté valami,
hogy nem bírt többé nyugalomban maradni, hanem előrehajolván,
szinte meg akará rövidíteni az időt, mialatt a hang hozzája érne, s
nagy szemeivel az olvasóra bámult, mintha előbb fogná így meglátni
azt, mit különben hallani fog.

Ülj mellém a kandallóhoz,


Föl van szítva melege;
Csobánczvárról, édes kedves,
Im! halljad, egy agg rege.
Mult szüretkor Badacsonyon
Ezt Muzsámtól vettem én
Egykor, midőn magam bolygék
A hegy szirtes tetején.

Sok történt ott, a mióta


E pompás hegy földjébe
Szőlő s gyümölcs ültetődvén
A vadonnak helyébe,
Esztendőnkint sok uri nép
Gyűle oda szüretre:
László s Rózsa szerelme is
Ott kelt e bus esetre.
Az ifjúnak édes hangjában lángfolyammá lőn az elmondott
néhány versszak, s a háziúr szent áhitattal hallgatá, előrehajoltában
kinyitván mentéjének legalsó gombját, mintha nem férne meg benne,
arcza fehérebb lőn mint máskor, szemeiben pedig a lélek kezdett
kisugárzani, mintha ihletettségében a malasztot várná.
A történet megkezdődék, egymásból folyt az eddig nem ösmert
eszmebőség, s a hallgató nem mert belecsodálkozni, mintha úgy
álmodná e szokatlan dolgot, s nem merné elrezzenteni a gondolatot,
melyet ezen a nyelven így megszólamlani még senkisem hallott.

Ha az isten szerencsét ad,


Visszahozom szivemet,
S borostyánnal koszoruzva
Viszlek haza hölgyemet.
Szigligetben fogunk élni
Szerelmünkben boldogok,
Hol fészkünkből kiröpülni
Egy könnyen majd nem fogok.

A hullám ragadni kezdé már az elbűvölt lelket, a bűvölet ereje


minden ízben megragadá az oly könnyen lelkesülő férfit, egyenesre
húzódott testén a fej méltóságosan emelkedik, egyszersmind
megadja magát a fönség érzetének, s minthogy dagadó lelke már-
már megszorul, mentéjének még egy gombját oldja ki, hogy
megférjen a ruhában, melynek kényelme ellen idáig sohasem
panaszkodék.
Lassankint nem bírt már önmagával, kezével haját kezdé
fésülgetni, vagy ismét a mentét még inkább kigombolni, hogy mire
az olvasmány feléhez érne el gróf Dunay, Festetics már egészen
borzas volt, és mentéjén nem volt már mit kigombolni, s már
feszesen kötött nyakkendőjéhez nyuladozott, hogy a ruha
megtáguljon rajta.
Haját úgy összekuszálta már, hogy erdővé meredt, s merőre
dagadt szemei a körüllevő tárgyakat hasztalan rajzolák le; mert az
olvasmány képei megnépesedének előtte, s a csodatárgyak
elevensége fölugrasztá a néma hallgatót, mintha meg kellene
állapodnia az élvben, hogyha álom, ne tegye őrültté, s ha való, ne
fogyjon le oly hamar a ritka élv.
Gróf Dunay csöndesen visszatolá székébe a nyughatatlan
hallgatót, ki gyermekként engedelmeskedék, a nélkül, hogy tudná mi
történik vele, s midőn a rövid történet leírása elvégződvén, s Dunay
leeresztvén a papirt, elhallgatott, Festetics fölugrott, s kezeit az ifjú
vendég vállára téve, mondá:
– Fiú! álmodjuk ezt, vagy való?
– Itt a papir, újra leolvashatjuk, ha parancsolod.
– Ne bántsd, nem birnám másodszor meghallgatni; hallom,
érzem és mégis kételkedem benne.
– Tehát hárman vagyunk egy véleményen! – mondja az ifjú gróf.
– Én és te? – számolgatja Festetics, – ki a harmadik?
– Herczeg Eszterházy Miklós, a gárdának ezredese, ki ma egy
hete nyujtá át nekem az egész kis iratcsomót, hogy biráljam meg,
egyszersmind veled is közöljem, ha rám is azon lelkesítő hatást
csinálná, mint magára a herczegre, ki az egészhez oly véletlenül
jutott.
A grófok újra leülének beszélgetés végett.
– De honnét került hozzá ez irat?
– Elmondom, barátom, – mondja Dunay elhelyezkedve a karos
székben, a dolog nem igen sokból áll, és a következő: Lord Spencer
és Granville rendkívüli követek a londoni udvartól, Bécsnek minden
nevezetességét megszemlélék, s minthogy Bowring barátunk
Magyarországról oly csodás dolgokat beszélt össze, meg akarnák
nézni a magyar gárdát, s ez okból fölkeresték herczeg Eszterházy
Miklóst, a gárda ezredesét, ki nem késett nekik az egész intézetet
végig mutatni, s minthogy ők mindent kivántak látni, az egyes
szobákba is benyitottak, s a legelsőben mindjárt egy félig felöltözött
gárdistát leltek iróasztalnál nyitott könyv mellett, melyből éppen
fordított, s a leereszkedő vendégek a meglepett fiatal ember
pongyoláját és irgalmatlan pipafüstjét megmosolyogva, a munkát
megnézték, s ime Torquato Tasso fordításában lelék az ifjút.
Ez becsület volt ránk nézve, s a herczeg másnap addig faggatá a
fiút, míg eredeti dolgozataiból egyet átengedett, melynek másolata
ime kezemben van, s a herczeg kegyes levén itéletemre bízni a
dolgot, azt remeknek találván, utasításából közlöm veled, hogy innét
aztán Enyingre vigyem.
– Hát ez eredeti munka?
– Ebben magyar a szó, a tárgy, az emberek, az észjárás és
minden, minek párját nem hallottam eddig, s én kimondhatlan
boldognak érzem magamat, hogy első valék, ki véleményemet
kimondhatom, hogy ennek írója meglelte a kulcsot e nemzet
szívéhez. – Ez tündér tükör, melyben az alakok oly hűk, hogy sem
jobbak, sem rosszabbak, mint a mint voltaképen vannak, –
egyszersmind húsa, vére és lelke van mindeniknek, bánata nem
jajgatás, öröme nem kicsiklandozott vigyorgás, – egy szóval magyar
ember, – nem kigondoltan, hanem élve.
– De tudod ki írta?
– Mondám, hogy egy gárdista Bécsben, zalamegyei, sümegi
születés.
– A neve? riadt föl a gróf egészen fölegyenesedve.
– Kisfaludy Sándor, mondja az elbeszélő.
Nagyot hátrált Festetics, utóbb szörnyű lépésekkel körüljárván a
szobát, egyszersmind ujjaival agyon kaparászván felborzolt haját, az
ifjú gróf elébe állva mondja:
– Láttad azt az embert?
– Sajnálom, de nem lelém Bécsben!
– Nohát, – édes barátom, mondja Festetics nagy lélekzettel, – ez
az ember itt van a házamban az apjával.
– Lehetetlen!
– De tökéletesen lehetséges! – mondja amaz nagy léptekkel
menvén a csöngetyűhúzó felé, s egyik cselédét becsöngeté.
– Mikor láthatjuk meg?
– Holnap reggel, barátom, – mondja Festetics, – hanem addig
csinálok egy kis tréfát! Erre leült az íróasztalhoz, rövid levelet írt, azt
a bejövő cselédnek adá, és csendesen parancsolván neki valamit,
meghagyá, hogy az még ez éjjel teljesítve legyen.
Ezalatt a vendéget vacsorára hívták, s a két lelkes barát tele jó
érzelemmel töltött át még néhány órát az éjben.
Másnap tekintetes Kisfaludy Mihály úr korán fölébredt, hanem
nálánál még korábban a háziúr, ki már az udvaron sétált, hogy
Kisfaludy úr köréből el ne távozhassék, s együtt ment vele a
lóvásárra, hol mindössze is alig volt öt-hat paripa, s valamennyit
olyan drágává tette néhány paripakereső, kik hárman, négyen is
alkudoztak egyre, hogy Kisfaludy Mihály uram nem mert megalkudni.
– Már ilyen drágáért feleséget is kapsz, édes fiam, – mondja az
apa a fiának, – nem csak lovat; azért induljunk haza; mert
megesteledik, mire haza érünk.
Szomorúan mentek el a vásárból, hol a ló ára oly hirtelenül
fölment, és Tolnai úr bármennyit is marasztalta őket, nem maradtak,
– s egyéb venni valójuk nem lévén, a megrendelt kocsis készen
várta őket.
Míg hazaértek, hozzájuk csatlakozék gróf Dunay, mintha ő is
csak egyszerű vásári vendégképen akadt volna össze Tolnaival, – s
így elég alkalma akadt szóba keveredni az ifjú Kisfaludyval, – ki már
szivesen maradt volna, ha apja nem sürgeti a hazamenetelt.
Végre a kastélyba értek, melynek bejárása alatt a tegnapi fogat
kiheverten álldogált, s minthogy minden a kocsin volt, az öreg úr egy
kis borravalót csusztatván a hajdú markába, elbúcsúzott Tolnaitól,
megfogadtatván vele, hogy ha Sümegre jő, el nem kerüli a házát,
melynek fekvését erre-arra, jobbra-balra, görbén, egyenesen
megmagyarázván, záradékul azt mondja, mikor már a kocsi
megindult:
– Magunkat rekommendáljuk!
Az elmult éjszakán át egy kis szellő fohászkodván ki a hegyek
közől, a felesleges sarat felszítta s kivévén a nagyon tócsás
helyeket, a lovak könnyebben mentek, azonban mégis öreg este lőn,
midőn a sümegi váromladékok úgy elsötétedtek az utasok előtt,
hogy ha fölárkolt út nem vezet el Sümegig, szépen elballaghattak
volna a meredek hegy mellett.
Elkezdett a két ló is csetleni-botlani s minthogy a kocsis
szólongását is elunták hallgatni, megszólamlik az öreg úr is.
– Jancsi! ne beszélgess annyit azzal a lóval, látod hogy nem hisz
a szónak; – hanem vágj rá az ostorral.
– Hiában ütöm én már ezeket, uram, – nem találok rajtuk olyan
helyet, hol az ostor nem lett volna, ha ütöm is ezeknek már mindegy.
– Mért nem cseréltél egy párt a keszthelyi ménesből, – tréfála az
öreg, – hátha a kocsisok a sok között összetévesztették volna?
Bizony jó lett volna uram, kivált az a két kocsis ló, meg az a
paripa, mi a teins uraknak tegnap este megtetszett, csak hogy
azokat még az éjjel elvezették az istállóból nem tudom, hogy hová.
– No, ne félj – mondja az úr – nem vezették Sümegre – ennek a
két gebének a helyét legalább nem foglalták el, azért csak
ballagjunk.
Lassankint megközelítik Sümeget s a szélső házak faláról
lefehéredett a mész a sötétben is és néhány szólongatás után a
nyitott kapun megállt a Kisfaludyak legjobbik hintója, nem mintha a
jóságban másik is versenyzett volna vele, de ennél ha jobb nem,
rosszabb sem volt a háznál.
A zörejre kijött egy tehenes az istállóból, lámpással világítván a
megérkezettek elé.
– Megvetetted a lovak alját? – kérdé a kocsis a tehenest.
– Meg ám – alusznak is rajt a lovak.
– Micsoda lovak? – kérdi az öreg úr.
– Nem tudom én, miféle lovak, – mondja a tehenes, – ma délben
vezették ide őket, egy levelet hagytak odabenn a teins úrnak, aztán
meg sem nyugodtak a vezetők, hanem elmentek.
A lámpavilágnál szemlét tartának s a mint két oldalról is
megnézik őket, azt mondja Sándor az apjának:
– Édes apám! ezek semmivel sem rosszabbak, mint a keszthelyi
gróf lovai.
– Magam is azt akartam mondani; de kinek a lovai?
– Mondtam már, hogy ott benn a levél? – mondja a tehenes, – és
az urak bementek a szobába, hol már égett a gyertya s az asztal
közepén nyugvék a levél:
Az úrnak.
Tekintetes, nemes, nemzetes és vitézlő Kisfaludi Kisfaludy
Mihály úrnak megkülönböztetett nagy tisztelettel adassék
Sümegben
saját úri házában.
Tekintetes uram!
Azt méltóztatott mondani, hogy ha valaki az udvarán
feledné e lovakat, nem fogná kiostorozni őket. Én szavánál
fogom tekintetes uraságodat.
Magamat rekommendálom,
alázatos szolgája
Tolnai gróf Festetics György.
– Te Sándor! – mondja az öreg, fiához fordulva, – tudod-e, kivel
beszéltünk mi Keszthelyen?
– Nem én, kedves apám.
– Itt van ne, addig rekommendáltuk magunkat annak a Tolnainak,
ime kisül, hogy ő a gróf s még azon kívül, hogy úri módon ellátott
bennünket, még három lovat is küld ajándékba.
– Ezt jó kedvében találtuk, – mondja Sándor.
– Na, ha elküldte, vissza nem küldöm, – mondja az apa, – hanem
hallod-e, Sándor, – ez a gróf mégis bolond ember!
Igy ért az ember az igazságcsináláshoz!
XVII.
(A zalamegyei gyűlés 1796-ban.)

Talán abban az időben Magyarországban egy ujságíró sem volt,


hanem azért mégis kiütött a háború és csak azt szeretném már most
tudni, hogy akkor kinek a nyakába öltötték azt a sok bolond
beszédet, mit a mai világban mind az ujságíróra fognak, mintha
bizony minden komposszesszorátusból ki nem kerülne mai nap is
egy hirlap, melyben aztán legérdekesebb volna, mikor Debreczennél
kikötne az angol flotta.
Hanem, hogy abban az időben leginkább mindent elhittek, az
igaz, – míg ma már azt sem hiszik, a mi csakugyan igaz, mert
hiában, urambátyámnak mindig több esze volt mint másnak, ő pedig
azt állítja körömszakadtáig, hogy az a hunczut ujságíró pénzért
hazudik, – s azt írja, a mit parancsolnak neki.
Oh, édes hazámfia, tedd szivedre a kezedet s ha már százados
nyavalyád, hogy fizetni nem szeretsz, legalább ne fogd másra, hogy
az helyetted is fizet.
Na, de menjünk vissza, – a Zala-Egerszegre vezető
országutakon egymást kerüli el a sok kocsi: de akárhánynyal
találkozunk, a bennülő oly savanyú képet csinál, mintha eczetágynak
valót vinne a szájában.
Kár is volna sokáig csürni-csavarni a dolgot, mert már nem lehet
tagadni, hogy a franczia sereg Stájerországba tört és minden ember
a maga fejével kezdett búsulni egész Zalamegyében, hogy hátha
betör az ellenség, kinek ugyan nincsen kutyafeje, mint egykor a
tatárnak, de némely ember azt mondja, bár az volna, – legalább
némely hugomasszony jobban félne tőle, ha – ugatna is egyet.
Hanem bezzeg az – ágyú!
Istenem, ha B… János hazánkfia abban az időben él vala,
megvigasztalhatá őket mint az egyszerieket (tetszik tudni?), hogy mit
félnek az ágyútól? hisz az ágyú nem egyéb, mint egy – nagy puska!
Ezt nem tudták ám az emberek, csak azt hallották, hogy nagyot szól
s a hangja a szomszédországból is áthatott, mire aztán
Zalamegyében kihirdették a nemesi fölkelést, – már minden ember
talpon volt, csakhogy az ellenség elé menni kevésnek volt kedve.
A szomszédországi lakosság karavánonkint pusztult be
Magyarországnak, s a kanizsai és zalaegerszegi kocsmákban
egymás hátán hevertek a menekülők, kik irtóztató dolgokat beszéltek
a franczia ármádiáról, melynek a két végét nem látta senki.
Ezt aztán elhitte mindenki a beszélőknek, kik ezt jó lélekkel
mondhatták, annyiból, hogy ők csakugyan egyik végét sem látták,
hanem azt nagyon is fejükbe vették, hogy a francziák mindenfelé
hirdették, miszerint jaj annak, kit a nép közül fegyverben találnak;
annak nincs irgalom e földön.
Ilyen hirdetményt tömegesen hoztak át a menekülők,
elterjesztvén azt az egész vármegyében, hol éppen most hirdették ki
a nemesi fölkelést, mire a rémülés még nagyobb lőn; mert
pőregatyában kevés embernek volt kedve háborúba menni, hogy így
csipjék el s irgalom nélkül fejbe lőjék, mielőtt Budáról utána küldenék
a magyar nadrágot és dolmányt, hogy az embert parasztformájából
kivegyék s a franczia fővezér katonának tartsa.
Bizony Zalamegye éppen olyan furcsán érezte magát 1796-ban,
mint a kajári arató, kit egy éjszakán az aratók közt fektében éppen
legszélről ért a fölszél, – de aztán úgy segített magán, hogy legalul
került. Zalamegye azonban nem mehetett el Erdélyország szélére,
hanem várni kellett az ellenséget, ha már úgy van megírva a
kegyetlen sorstól.
Éppen mire Budára érhetne a küldöttség, mely a ruhákért
elmenne, a francziák már a határon lesznek s ha a zalamegyei
nemességnek nagy kedve lesz fölkelni, akkor ne is kérdezzék, hova
fektetik őket a francziák? hanem kivánjanak egymásnak csöndes jó
éjszakát, – és ha nem volt még inség, majd lesz.
Mikor leginkább kellene, rendesen akkor leginkább hiányzik a jó
tanács, azért a megyei alispán összehívta a megyei közönséget,
hogy az aggasztó körülmények közt intézkedni tudjon, – mert ámbár
ő a főispán távollétében a megye feje, – ő azt hasztalan vakarja
egymaga, ha a többi nem segít hozzája.
A veszedelem összekergeté minden irányból a nemességet s a
tekintetes alispán úr könnyen készen volt a dikczióval, nem is kellett
mondani, hogy baj van, mert minden ember úgy is azon sopánkodik,
hogy bár csak ne volna baj!
Mielőtt a rendes tárgyalást elkezdhetnék, a tekintetes alispán úr
rendre adogatá a leveleket a fő-, az meg a vicze és még viczébb
notáriusoknak, hogy olvassák el fönnszóval, levén az irgalomért és
felebaráti szeretetért való esedezés, hogy a mindenfelől menekülő
nép szállást és enni valót kapjon; mert némelyik már a jó szót is
szívesen rágta volna, nemcsak a falatot.
Mindjárt akadt elég jó lelkű ember, ki a szükölködőknek
segedelmet ajánlt s legelőször is gr. Festetics György ajánlá, hogy
muraközi jószágán, mely a határszélhez legközelebb esik, rögtön
intézkedik segedelemről s az ő példáján indult meg száz más, –
tehát az első órában az éhezőkről lőn gondoskodva, hanem még
csak most jött a keservesebb dolog, fölkeljen-e a nemesség, vagy
nem?
Szép csendesség lőn a teremben s ha éppen leghátulról tartotta
volna föl valaki az ujját, hogy szólni akar, mindjárt előre eresztették
volna, de bizony a sok lesütött fej nem akart mozdulni s a kezét sem
emlegette senki, hanem dugta az asztal alá, nehogy bolondjában az
asztalon hagyván, feledtében valami légy után kapjon vele s
kiszólítsák a többi közől, mintha beszélni akarna.
Mielőtt megszólamlanék valaki a közönségből, egy irat ment
kézről-kézre a viczeispánig, ki aztán elolvasta, hanem az olvasás
alatt fehérebb lett, mint az a papir, melyre ez a dolog leírva van s
annyira kihozá sodrából az elnöklő viczeispánt, hogy még a
tekintetes karok és rendeket is elfeledte kimondani, hanem mintegy
barátságos beszélgetésben jó hangosan mondja a körülállóknak,
hogy egy franczia proklamáczió, melyben azt mondják: jaj a föld
népének, ha fegyvert fog.
Minden ember körülnézett, – a dolgot mindenki jól hallotta, s
önkéntelenül érzé, hogy itt valakinek szólni kell, de bár soká várták,
annyi száz közűl senki sem akart valakivé lenni.
Éppen gróf Festetics kezében volt a levél, azt végig olvasá, s
visszaadá a viczeispán úrnak, ki véletlenségből-e vagy
szántszándékkal szólítja a grófot jó hangosan:
– Mit szól hozzá, méltóságos uram?
– Halljuk! halljuk! – kiáltja minden torok, s ez unszoló fölhivásnak
engedvén a gróf, üléséből fölegyenesedett, s ámbár arczán a
küzdelemnek minden kínja meglátszék, elszánta magát annyi száz
helyett kikaparni a gesztenyét a tűzből.
– Tekintetes karok és rendek!
– Halljuk!
– Nem jó kedvemből beszélek, hanem mivel a tekintetes alispán
úr éppen engem szólított meg, hogy mit szólok a franczia
fenyegetéshez, – kénytelen vagyok azt mondani, a mit érzek, hogy
ez nem tréfa, s mint katonaviselt ember egykori mesterségemnél
fogva tudom, hogy az ellenséget nem azért nevezték el ellenségnek,
mert barátunk, – hanem mivel nem az.
– De nem ám! – kiált ki egy vad hang a sarokból.
– Mi itt az ország szélen voltaképen az ellenség torkában
vagyunk, s ha a nemesi fölkelést megkezdjük, ezt a franczia
népfölkelésnek tartja, s én emberi kötelességet teljesítek, ha
kimondom, hogy a nép sorsát az ellenség vak dühének kitenni nem
merném.
Az alispán megrántotta a gróf mentéjét az asztal alatt: félvén,
hogy a gróf veszélyezteti magát; s a gróf e rángatás alatt
meglehetős furcsa zavarba jött, mit az egész megyei közönség
észrevett, és a gróf nem akarván e meglepetésnek más értelmet
adni, jó hangosan mondja:
– Már mindegy, a szót kimondhatom, – bizonyítá a gróf – s a mit
mondtam, megmondtam, a nemesi fölkelést Zalamegyében
veszedelmesnek tartom.
A szó elröpült, s ámbár valamennyi ezen véleményben volt,
mindenki megrémült a kimondott szótól, s az volt a
legszerencsésebb, ki a gróf mellől elpusztulhatott, s mire a gyűlés
után kocsijához ment, az egykori csúszó-mászókból az utolsó is
elmaradt, s minden ember kiváncsi volt tudni, hogy a grófot mi éri?
*
Hátrahanyatlott a kocsiban a gróf, átgondolá, hogy mit mondott, s
megdöbbent, hogy ezt félremagyaráznák, s akarata ellenére
szavainak oly értelmet adnak, melyért több leszen a felelősség, mint
véli.
A nyugtalanság mindinkább nőtt, midőn észrevette néhány nap
mulva, hogy házát kerülik, s a hír megtoldá mondott szavait,
melyeket többé visszahúznia nem lehetett, és bár iparkodék magát
megnyugtatni, az sehogysem sikerült.
Nem győzött barátainak kérdezkedéseire felelni, – mert lángként
terjedt el, hogy a fölkelést ellenzé, s mielőtt barátainak eszébe jutott
volna a dolgot illő helyén igaz világításba állítani, már a székvárosból
útnak indult az, a mit nem várt, de mitől mégis igen tartott.
Nyugtalan éjszakáit megrövidíté az elkeseredés, mi okból reggel
korán már fölkelt, hogy szórakozást keressen egyben és másban, s
éppen egyik napon igen korán benyit hozzá a huszárja.
– Nem hívtalak! – mondja boszúsan a gróf.
– Nem is a hívásra jöttem be, méltóságos uram, hanem a
küldésre.
– No hát ha nem hívtalak, hát úgy küldelek ki, – volt ismét a
boszús utasítás.
– Engedelmet kérek, méltóságos uram, – két úr küldött be,
ottkinn várakoznak.
– Hadd várakozzanak.
Erre kiment a cseléd, hanem a boszús gróf jóformán körül sem
járta a szobát, midőn a cseléd megint bejött, s jó hangosan mondá:
– Méltóságos uram, az a két úr nem akar várni, – hanem azt
mondják, hogyha még föl nem öltözött a gróf, hát öltözzék föl tüstént!
– Ejnye, fiam! – jegyzi meg a gróf, – nagy urak lehetnek azok!
– Magam is azt vélem, méltóságos uram, – azt mondják, hogy
Bécsből jöttek.
– Akkor rögtön ereszd be őket!… – kiált a gróf.
Erre megnyilt az ajtó, s két fényes öltözetű úr lépett a gróf elé,
röviden megmondták nevüket és rangjukat, aztán az egyik tisztán
érthetőleg mondja:
– A kamarás kulcsért jöttünk.
– Tessék, itt van! – mondja a gróf egy szekrényből átnyújtván, s
mire eszébe jutott volna neki a szó, mit kimondani akarna, a két úr
kimért hivatali fontossággal eltávozék, utánok sietvén a hajdú, hogy
a lépcsőkön lekisérje.
A gróf lekövülten állt egy helyben még akkor is, mikor a hajdú
visszajött, vele egyszersmind a grófnak főbb tisztei, kik még az éj
folytán értesültek az illetők megérkezéséről.
Nagy részvéttel közelíték meg a grófot, kinek a keserűség egész
idegrendszerét elfogá, s majdnem kimondá, hogy ezt nem
érdemlette!
Azonban a gróf érzé, hogy eljött a pillanat, midőn a szavaknak
megválogatása igenis tanácsos; tehát egy rövid gondolkodás után
megfogadá, hogy a legszükségesebb igazságot is ezután oly
sajátszerű formába önti, hogy se él, se keserűség ne maradjon
benne.
*
A nagy embernek elkövetkeztek keserű napjai, jó barátjai nem
merék fölkeresni, – s hogy napjai vigasz nélkül ne legyenek,
megalapítá a keszthelyi – Georgikont.
MÁSODIK RÉSZ.

I.

(Több szem többet lát.)

Ha egy ezelőtt hatvan esztendővel meghalt somogyi ember


feltámadna, saját vármegyéjét még Baranya vármegyében is
keresné, úgy elváltozott hatvan esztendőnek leforgása alatt.
Hatvan esztendő!…
Még akkor tele volt a vármegye sommal, körtével, almával és
disznólapuval, a Sió torkolatánál a homok buczka hegyalakká nőtt s
a Balaton a somogyi erdőlábakig lehúzódott, s a mi kis tudomány
még abban az időben, a «Kis tükör» engedelméből megmaradt,
csodálatos egyetértésben leszamarazta volna azt, ki állítani merte
volna, hogy hatvan év mulva Somogyban a legmíveltebb
gazdaságok lesznek; – pedig lettek. (Kis tükör bukti.)
Bizony csak megtörtént félszázad alatt, azonban még sem
mernék fogadni, hogy a Balatont ugyanannyi idő alatt lecsapolják,
mert hiába, az emberek nem igen iszszák; mert ha innák, a
köröshegyi zsidó korcsmáros felét elmérte volna már egymaga.
Az erdőnyilásokban itt-ott egy kanászbojtárt vagy egy
teknőfaragó oláh czigányt látott az ember, a hintóban utazó fölvont
csővel figyelt minden neszre; a zsidó pedig mindenütt az erdőszélen
csúszott, mászott; mert jaj volt annak, kit a kanászok ott benn
kaptak; mert hiába ordított segítségért, legfölebb is olyan jött volna
segítségre, ki a zsidókínzásban a kanászt csak segítette volna.
Az út olyan volt, minő nálunk általában szokott lenni járatlan
helyeken; szegény ember csak akkor mert kiindulni, ha porzott; a
négy lónak pedig akkor is nagy volt a becsülete.
Hogy pedig többet ne mondjak, a dunántuli vidéknek ezen részén
úri ember kocsisfogadáskor azt kérdezte először is: Keresztül tudsz-
e menni Somogymegyén kérdés nélkül? Ha igen-t mondott, legalább
is öt forinttal több volt a fizetése.
Ráadásul még azt mondom, hogy Zalamegye akár kezdete, akár
folytatása volt Somogymegyének, de annyit állíthatunk minden
tétovázás nélkül, hogy egy hajszállal sem volt külömb; vegyük aztán
azt a hajszálat széltében vagy hosszában, az mindegy, – ez ha a
Balaton közbe nem fekszik, elcsavaroghatott volna az úton, hogy
három napig mindig egy helységet kerülgetett volna.
Milyen szerencse, hogy az a Keszthely a vízparton feküdt és a
tavon is keresztül látszik, különben jaj lett volna annak, ki azt vezető
nélkül megtalálni el mert volna indulni hazulról.
Ebben az időben határozta el gróf Festetics György, hogy
gazdasági intézetet állít, s ezen gondolatáért tizenkét esztendeig
három vármegyének többsége azt kiáltá, hogy bolond; és ha valaki
itt igazságot akar szolgáltatni, utaljuk az istenben boldogult Sükei
barátunk logikájára, ki egykor ujdonságképen beszélé, hogy
Londonból New-Yorkig a tenger alatt alagútat fúrnak, s a ki már most
hiszi, hogy a nép szava isten szava: az ezt is okvetetlenül el fogja
hinni; mert a nép mondja.
Egyetlenegy és igen nagy szerencse volt a dologban, hogy a
jólelkű gróf nem voksoltatta meg a három vármegyét, különben a
kész intézetből csináltatott volna kocsmát: «Az utolsó garashoz», és
csupa emberségből ingyen mérette volna a bort, azt aztán kivánták
volna egészségére, és ha ily jó kivánság daczára mégis meghalt
volna, nevét most Józsa Gyurié mellett említenék; ki ugyan nem
állított föl egyetlenegy útmutató fát is, hanem azért mégis hírre
vergődött, azon különbséggel, hogy Festeticset fiatal korában is már
«György»-nek, Józsát pedig késő vénségében is «Gyuri»-nak hívták.
A hol most a nevezetes keszthelyi híd van, ott egy foltozott komp
csavargott, sok pénzért, sok könyörgésért; mert a ki czivakodott,
napestig hagyták a parton ácsorogni a goromba révészek, kik
valamit hallhattak a Sybilla-könyvek híres árveréséről; mert néha egy
emberen húzták meg az egész napi bért.
Persze, hogy oda jó lett volna már akkor is egy híd, ha két
vármegyének nem lett volna beleszólója; de Somogy vármegye azt
gondolta, hogy a zalai csináljon hidat, ha Somogyba akar jönni; –
Zalamegye ismét egy más szempontból okoskodott, tudniillik, ha a
somogyi ember Zalába akar menni, tessék neki hidat csináltatni.
Ebben az időben élt gróf Festetics György elhagyatva
mindazoktól, kik az embert akkor látják csak meg, ha a nap rásüt, –
kivévén a herczeget, Dunayt és Baltayt, csakhogy az utóbbiak
mindig tudták, mikor kell jönni, hogy egymásra ne találjanak.
A herczeget most a nemesi fölkelés nehéz gondjai foglalák el, –
tehát találkozzunk Baltayval, ki egyik gyámola volt a nagy ember
elhagyatott napjainak, s ámbár a kompra rá nem ülne egy országért,
bármily nagy kerülő volt is a tónak alsó részén egész Balaton-
Hidvégig csavarulni, mindegy, nem ő húzza a kocsit, hanem a négy
ló, még pedig az is váltva, tehát «kocsis, hajts», azért estére mégis
Keszthelyre értek.
– Na, öreg, – mondja a gróf, hosszú beszélgetés folytán, – hogy
ütött ki az idei jövedelem?
– Jó termés volt, hála istennek! – mondja Baltay.
– Igen, de mennyi volt a tiszta jövedelem?
– Barátom, – mondja Baltay, – ennünk volt és van is, – eladó
buzánk is van, – aztán addig van.
– Hát a gulya, meg a ménes?
– Mind a kettő megvan, – borjum, csikóm elég van.
– Igen, de melyik ág jövedelmezőbb?
– Mind egy zsebbe megyen a haszna, édes barátom, a
tehenekre nyerget úgy sem tehetnék, a lovat meg nem akarnám
megfejni, – tehát a mire hasznukat vehetem, az a haszon.
– Tehát nem érdekel tudni, melyikből mi a haszon? nincsen
számadó tiszted?
– Vagy harmincz lesz, – maholnap nem győzöm őket rovásnak
való fával.
– Rovás?… – mondja csudálkozva a gróf, – hisz így maholnap
tönkre jutunk.
– De amice… – kezdi Baltay is hangosabban, – engem meg nem
csal egy is; mert azért a sarkában vagyok.
– Tehát számvevőd van?
– Van bizony, – még pedig körmös legény, azaz hogy én vagyok
magam, aztán a kit észreveszek, hogy nagyon tüled jár, hátához
verem a rovást, aztán ott hagyjuk el az esztendőt, a hol érjük.

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