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PDF of Femmes Savantes de Marguerite de Navarre A Jacqueline de Romilly 1St Edition Laure de Chantal Full Chapter Ebook
PDF of Femmes Savantes de Marguerite de Navarre A Jacqueline de Romilly 1St Edition Laure de Chantal Full Chapter Ebook
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ISBN : 978-2-251-91255-4
Sous l’égide d’Athéna
par
Laure de Chantal
I l n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, / Qu’une femme étudie et
sache tant de choses, voilà, en deux vers mémorables dans la langue de
Molière, un préjugé qui nous colle au cerveau. Une femme savante inspire
la méfiance, la dérision et d’autres pensées peu amènes. Une femme
savante n’est jamais vraiment à sa place, où qu’elle se trouve, elle
demeure en porte à faux.
Quelle jeune femme avant de passer un concours, qui ne serait pas un
concours de beauté, n’a pas entendu, au fond de son esprit, la petite
musique : « Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une
femme étudie et sache tant de choses » ?
Quelle intellectuelle ne s’est pas entendu demander : « mais ce livre,
c’est un peu votre enfant ? », et la même de répondre par l’affirmative,
pour faire glisser les choses, suivant la pente douce et dangereuse du
préjugé : « Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une
femme étudie et sache tant de choses. »
La formule de Molière est profondément ancrée dans une époque, le
Grand Siècle et la préciosité, elle vise un groupe bien identifié, les
Précieuses, et a donné lieu à une querelle prenant place dans un contexte
et une polémique spécifiques. Elle résonne pourtant à nos oreilles, fort
heureusement moins fort, mais tout aussi juste, et ce, pour les deux sexes,
car les idées reçues ne font pas de différence ni entre les catégories
sociales, ni entre les niveaux d’études, ni enfin entre une intelligence XY
et une intelligence à 2 X.
Entre l’époque de Molière et la nôtre, il y a une différence de degré mais
non de nature. Le préjugé s’accroche. Une femme savante a toujours
quelque chose à se faire pardonner, elle demeure une entité et une
identité étranges, un précipité surréaliste. Pire, l’égalité gagnée dans les
lois s’accompagne d’une négation de la féminité dans la vie : une femme
savante soit n’est pas honnête soit n’est pas une vraie femme, elle est
toujours vue comme un tantinet masculine. Parfois, il est question de
double vie, comme pour une liaison, activité pas bien honnête s’il en est :
comme s’il y avait d’un côté la vie de femme, faite de séduction frivole et de
maternité dévouée, et de l’autre la vie intellectuelle ou la vie au travail,
parce que n’oublions pas qu’« il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup
de causes, qu’une femme étudie et sache tant de choses ». Ou bien alors,
pour rester galant (car avec une femme il est poli de toujours rester galant
même lorsqu’elle est savante), la métaphore devient soit celle de l’amour,
soit celle de l’accouchement. Une thèse, un essai, un projet, un succès
deviennent des enfants, mis au monde dans la douleur, mais tellement
épanouissants, fruits d’une relation amoureuse avec un sujet qui n’est pas
un individu, mais un thème de recherche. Quelle tristesse !
Les préjugés ont au moins un mérite : unisexes, ils vont aussi bien aux
hommes qu’aux femmes, se portent à toutes les époques et pour toutes les
occasions. Rien de tel donc qu’une femme savante pour en dénoncer une
autre. En 1644, Madeleine de Scudéry, prêtresse de la préciosité, fait la
connaissance d’une jeune Marseillaise, Françoise Diodée. Elle écrit à son
propos :
« [C’est] une demoiselle belle et jeune, qui dans les conversations
ordinaires, cite souvent, si j’ai bien retenu, Trismégiste, Zoroastre et
autres semblables messieurs qui ne sont pas de ma connaissance. Elle
entend l’espagnol, l’italien, le latin et même le grec ; elle est fort douce,
fort civile, et de fort bonne maison. Cependant, parce qu’elle n’a pas l’art
de cacher une part des trésors qu’elle possède à des gens qui ne la
connaissent pas, ils prennent pour du verre et du cuivre de l’or et des
diamants ; et l’injustice qu’on lui fait ici est si grande que je n’oserai la voir
souvent, de peur de me charger de la haine publique1. »
L’auteur des Femmes illustres ou Les Harangues héroïques (Paris, 1642), elle
qui se faisait appeler Sappho et qui a contribué à l’émergence des femmes
de lettres, n’ose pas s’afficher avec une autre femme savante parce qu’« il
n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une femme étudie
et sache tant de choses ». Pour vivre heureuses et savantes, mieux vaut
vivre cachées.
Et tous en chœur, hommes & femmes, d’hier et d’aujourd’hui de répéter
la ritournelle, égaux dans la bêtise comme dans l’intelligence, avec un bel
ensemble, mus par la puissance aberrante, obscure, féroce et dévastatrice
que seuls les préjugés les plus stupides peuvent avoir : « Il n’est pas bien
honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une femme étudie et sache tant
de choses. »
Notre langue, qui est notre âme commune, et notre dictionnaire, qui en
est la psyché, en témoignent de manière éclatante. Le vocabulaire
cristallise l’évidence. Il y a cent façons, argotiques, charmantes,
précieuses, vulgaires, admiratives, méprisantes ou sarcastiques d’évoquer
le corps des femmes dans les dictionnaires, il n’y a aucun mot désignant
une femme par son intelligence qui ne soit pas péjoratif ou moqueur.
« Bas-bleus », « péronnelles », « pimbêches »…, la liste est longue, très
drôle, et un peu triste : les femmes ont toujours tort d’avoir raison, et ce, à
toutes les époques.
Il y a bien sûr les torrents de haine qu’ont suscités les bas-bleus et le bas-
bleuisme, référence peu euphonique au salon de Lady Montagu, où
hommes et femmes se réunissaient pour discuter de littérature, et de tout
le reste. Pour se démarquer du costume trop habillé, les dames y portaient
de simples bas de laine bleue. En traversant la Manche, l’expression
devient péjorative. Un paragraphe ‒ sur les 300 pages ‒ du pamphlet de
Barbey d’Aurevilly pourra suffire : « Il y a de petites décadences, disait
Galiani. Mais je ne crois pas que dans l’histoire, il y en ait une plus petite
que celle qui nous menace. Je ne crois pas qu’il y en ait de plus honteuse
que celle d’un peuple qui fut mâle et qui va mourir en proie aux femelles
de son espèce… Rome mourut en proie aux Gladiateurs ; la Grèce, aux
Sophistes ; Byzance, aux Eunuques : mais les Eunuques sont encore des
débris d’hommes. Il peut rester à ces mutilés une tête virile, comme celle
de Narsès, tandis que nous, nous mourons en proie aux femmes, et
émasculés par elles, pour être mieux en égalité avec elles… Beaucoup de
peuples sont morts pourris par des courtisanes, mais les courtisanes sont
dans la nature et les Bas-bleus n’y sont pas !2 »
Que ceux qui préfèrent les images jettent un œil aux nombreuses
estampes désopilantes que Daumier a consacrées aux « Bas-bleus » (1844),
où de maigres mesdames négligent les tâches ménagères pour des livres.
Sur l’une, elle a troqué le plumeau contre la plume, tandis que le pauvre
enfant vagit, les pieds en l’air et la tête dans un seau d’eau sale, sur une
autre un mari déguenillé déplore : « Allons bon ! voilà qu’elle ne se
contente plus de porter les culottes, il faut qu’elle me les jette à la tête ! »
Sur d’autres, grillons du foyer démoniaques, des femmes fument à la
maison et boivent comme des hommes qui, eux, vont au cabaret. Car c’est
là toute la condition de l’intellectuelle, elle est toujours soit virile soit
hautaine et dédaigneuse, toujours risible.
La femme d’esprit est la Muse malade des dictionnaires : quoi qu’elle
touche, elle le flétrit.
En voici un dernier exemple, ou plutôt deux, chez Littré. À l’article
« Lettré », on lit, en guise d’exemples : « Il est l’homme le plus lettré de
son temps », suivi d’une citation de Rousseau : « Toute fille lettrée restera
fille toute sa vie ».
Molière n’a rien fait d’autre que formuler brillamment, exactement, un
préjugé, une pensée collante, vaporeuse mais obstinée qui, quoique
fumeuse, traverse comme un nuage le ciel des idées. L’honnête homme
peut être honnête, une femme, si elle veut être honnête, doit être
vertueuse, et cette vertu, par un raisonnement aberrant, a pour propriété
de fondre au soleil du savoir. C’est donc en manière de pied de nez que
nous avons appelé ce livre : les Femmes savantes, car des femmes savantes il
y a mille manières d’en rire, mais plus encore de les admirer.
Les sociétés antiques n’ont en rien échappé aux préjugés, voire en ont
créé quelques-uns. Grecs et Romains, qui pour nous ont tout inventé, ont
été nos précurseurs et des initiateurs en matière de haine de la femme :
Pandore, cadeau empoisonné de tous les dieux, est selon Hésiode un
« malheur aux hommes qui mangent le pain ». Mais le paradoxe veut que
Grecs et Romains ont donné des visages féminins à absolument toutes les
formes d’intelligence : l’intelligence créatrice par le biais des Muses dont
les artistes ne sont que les vaisseaux, l’intelligence technique par le visage
disparu de Mètis engloutie par Zeus et l’intelligence sage sous les traits
triomphants d’Athéna, déesse pensive et toute-puissante dont le poète
Callimaque nous dit qu’elle seule partage avec Zeus le pouvoir de tout
accomplir (Callimaque, Hymne V), et de tout faire s’accomplir d’un seul
mouvement de tête. C’est à elle seule aussi que Zeus confie son égide, le
bouclier sacré. Il n’est donc pas étonnant que l’Antiquité rêvée, l’Antiquité
telle que l’a sublimée l’histoire, ait fourni une place à part, un locus
amoenus, un lieu idéal, aux femmes désireuses de s’instruire, se rangeant
ainsi sous l’égide d’Athéna. Certes, tout n’est pas rose dans le monde des
classicistes et des philologues, mais, particulièrement en France via le
mouvement des Précieuses, les femmes ont pu y trouver une place. Aussi
les philologues de langue française ont-elles été nombreuses par
comparaison avec les autres domaines d’études et avec les autres pays : ce
livre est loin d’être exhaustif, et voilà qui est une bonne nouvelle !
Sans militantisme acharné, ce volume offre l’occasion inédite de voir
vivre douze femmes flamboyantes que leur condition a eu tendance à
pousser dans l’ombre. Dans cette galerie de portraits à la fois classiques et
atypiques, le lecteur fera la connaissance de quelques-unes de ces femmes
sages et sagaces qui ont trouvé dans l’étude des classiques de quoi
épanouir leur propre intelligence. Au fil des pages et de la longue période
que couvre cet ouvrage se dessine non une histoire des femmes
philologues, mais plutôt un arbre généalogique, un stemma pour employer
le vocabulaire propre à la philologie.
Charles Senard nous présente une Marguerite de Navarre amoureuse des
mots, philologue au sens étymologique du terme, pour nous faire admirer
le cénacle d’une reine protectrice des bonae literae et mécène des premiers
humanistes. Avec Perrette Bade (1506-1546), Nicolas Roudet nous dévoile
l’univers naissant de l’imprimerie : au cœur du Quartier latin, nous voyons
vivre une entreprise familiale où chacun travaille à la transmission
physique des textes de l’Antiquité. Marie-Laurentine Caëtano nous fait
rentrer dans un couvent, à la rencontre d’Anne de Marquets (1533-1588),
religieuse et auteur de vers latins étonnants qui nous rappellent le rôle
qu’a joué le latin d’Église. Avec les Dames des Roches, Madeleine (1520-
1587) et Catherine (1542-1587), nous pénétrons dans l’intimité charmante
de femmes savantes de mère en fille, traduisant Pythagore et Claudien,
écrivant et publiant ensemble Les Œuvres de Mesdames des Roches de Poitiers
mère et fille.
Blanche Cerquiglini nous invite à la cour d’Élisabeth de Bohême (1618-
1680), « l’étoile du Nord », qui a transposé le dialogue philosophique
hérité de Platon dans l’échange épistolaire. Via sa correspondance avec
Descartes, princesse sans royaume et sans règne, en exil toute sa vie,
Élisabeth de Bohême forge sa propre pensée philosophique.
Éliane Itti offre à voir le portrait d’un génie, Anne Dacier (1645-1720),
monstre sacré de la philologie, traductrice, entre autres, d’Homère. Louis
XV en fut impressionné qui lui accorda le privilège de reprendre la charge
de son mari à sa mort avec ses termes : « Nous avons bien voulu marquer,
par une grâce si singulière, l’estime que Nous faisons d’une personne qui a
su joindre à la vertu et à la modestie de son sexe ce que les talents et
l’érudition, héréditaires dans sa famille, ont de plus distingué. » L’héritier
du Roi-Soleil s’incline devant le prodige Anne Dacier, pour qui le mot de
« traductrice » fut forgé. Grâce à elle, au siècle de Molière et des femmes
savantes, certains ont pu se dire : Il est peut-être honnête, et pour beaucoup de
causes, qu’une femme étudie et sache tant de choses.
Émilie du Châtelet (1706-1749) nous introduit dans le beau siècle des
Lumières. Gérard Salamon nous fait découvrir un autre visage de celle qui
selon le mot d’Élisabeth Badinter aurait incarné « l’ambition féminine au
XVIIIe siècle ». Nous voyons Mme Pompon Newton en philologue
passionnée faisant l’admiration de Voltaire qui confia dans ses Mémoires
qu’elle « possédait le latin comme Mme Dacier » sachant « par cœur les
plus beaux morceaux d’Horace, de Virgile, et de Lucrèce ; tous les
ouvrages philosophiques de Cicéron lui étaient familiers ». Nous voyons
aussi que dans le couple qu’elle forma avec Voltaire le maître et l’élève ne
sont pas ceux que la vox populi aimerait croire. C’est Voltaire qui eut
recours aux talents de latiniste et de physicienne d’Émilie du Châtelet,
notamment pour écrire ses Éléments de la philosophie de Newton.
Si grâce à toutes ces femmes, quelques-uns ont pu se dire : Il est parfois
honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une femme étudie et sache tant de choses,
avec Julie Favre (1833-1896), la situation change radicalement, en mieux.
Le paradoxe veut que c’est au siècle où fut introduit le mot « misogyne »
au dictionnaire que furent ouvertes les premières écoles publiques pour
filles. Clémence Roux relate comment fut créée, avec presque un siècle de
retard sur son équivalent masculin, l’École normale supérieure de jeunes
filles dont Julie Favre fut la première, et éminente, directrice. Grâce à elle
nous voyons se former l’élite future qui va éclore au XXe siècle.
Résultat heureux de toute cette tradition, de toute cette filiation, le
XXe siècle a porté de toujours plus nombreuses femmes savantes et le
XXIe siècle offre quantité de nouvelles promesses. Nous aurions pu
consacrer tout un livre à ces personnalités hors du commun, dont nous
n’avons pu retenir ici que quatre figures majeures.
Malika Bastin nous raconte l’héroïsme pudique de Marie Delcourt (1891-
1979) qui nous montre que l’étude de l’Antiquité et de l’Humanisme est
loin d’être incompatible avec l’éclectisme et l’originalité. Pierre Chiron
évoque l’épopée orageuse de la discrète Juliette Ernst (1900-2001),
patronne passionnée de l’Année philologique, qui, mêlant courage et
érudition, multiplia durant la Seconde Guerre mondiale les voyages et les
expéditions, parfois clandestines voire dangereuses « pour l’amour du
grec ». S’il faut chercher dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar (1903-
1987) autre chose que notre seule délectation de lecteur, nul doute qu’il
s’y dessine le visage pensif d’une femme d’exception, celui d’une
humaniste digne de Marc Aurèle, d’Érasme et de Montaigne, c’est-à-dire
ombré de pessimisme, ou de lucidité. C’est cet « humanisme sur un fond
d’ébène immuable » qu’interroge l’écrivain Jean-Marie Blas de Roblès.
Notre arbre généalogique s’arrête, mais sans s’éteindre, avec Jacqueline de
Romilly (1913-2010) dont la clarté illumine encore notre présent. Nous la
découvrons dans les mots précis et affectueux de Monique Trédé qui fut
d’abord son élève puis son amie, car telle était cette immense pédagogue
qui écrivait à la fin de sa vie :
« Qui a eu la vie qu’il souhaitait ? Avoir été juive pendant l’Occupation,
finir seule, presque aveugle, sans enfants et sans famille, est-ce vraiment
sensationnel ? Prétendre que tout dans ma vie m’a parfaitement plu
tiendrait du délire ! Mais ma vie de professeur a été d’un bout à l’autre
celle que je souhaitais. »
En effet, s’il fallait trouver, hors l’amour du latin et du grec, un autre
point commun à toutes ces femmes, d’époques, de conditions et de
caractères si variés, ce serait sans aucun doute la passion de la
transmission de la culture antique. Que ce soit en l’enseignant, en la
traduisant ou en la réinventant dans leurs œuvres, l’objectif est le même :
faire vivre ou survivre, advenir ou devenir l’idéal classique. Moins
évidents, les liens du savoir sont pourtant plus forts, et plus vivaces, que
les liens du sang : Athéna déesse vierge n’a pas eu d’enfant, mais elle a en
ces intelligences de toutes les époques autant de filles spirituelles. De
même que les Muses enseignèrent au berger Hésiode au pied de l’Hélicon
des paroles vraies, de même ces douze Muses du latin et du grec nous
adressent ces mots véridiques : Il sera toujours honnête, et pour beaucoup de
causes, qu’une femme étudie et sache tant de choses. À nous de les croire et de
les transmettre.
À Margot S.
Marguerite philologue donc, pour son amour des mots lus, écoutés,
écrits ou prononcés ‒ par sa culture sinon encyclopédique, tout au moins
vaste, nourrie par une vive curiosité intellectuelle s’appliquant aux objets
les plus divers, mais avant tout aux choses d’en haut, non aux inférieures.
Suggestions bibliographiques
Bourbon, N., Nugae (Bagatelles) 1533, édité et traduit par S. Laigneau-Fontaine, Genève,
Droz, 2008.
Brantôme, Vies des dames illustres françoises et étrangères, Paris, Garnier Frères, 1868.
Budé, G., L’Étude des lettres, Principes pour sa juste et bonne institution, De studio literarum recte
et commode instituendo, texte original traduit, présenté et annoté par M.-M. de La
Garanderie, Paris, Les Belles Lettres, 1988.
Déjean, J.-L., Marguerite de Navarre, Paris, Fayard, 1987.
Édouard, S., Les Devoirs du prince. L’éducation princière à la Renaissance, Paris, Classiques
Garnier, 2014.
Érasme, Œuvres choisies, Paris, Librairie générale française, 1991.
Febvre, L., Autour de l’Heptaméron. Amour sacré, amour profane, Paris, Gallimard, 1944.
Fumaroli, M., L’Âge de l’éloquence : Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de
l’époque classique, Genève, Droz, 2009.
Humanism and Letters in the Age of François Ier, Proceedings of the Fourth French Renaissance
Colloquium, éd. P. Ford et G. Jondorf, Cambridge, Cambridge French Colloquia, 1996.
Jourda, P., Marguerite d’Angoulême : duchesse d’Alençon, reine de Navarre (1492-1549), étude
biographique et littéraire, vol. 2, Paris, H. Champion, coll. « Bibliothèque littéraire de la
Renaissance » (nos 19 et 20), 1930.
—, « Le mécénat de Marguerite de Navarre », Revue du seizième siècle, 1931, t. 18, p. 253-
271.
—, Une princesse de la Renaissance, Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre (1492-1549), Paris,
Desclée de Brouwer, 1932.
Laigneau-Fontaine, S., Nicolas Bourbon, protégé de Marguerite, actes du colloque « Le réseau
de Marguerite de Navarre », organisé par S. Geonget, Tours, novembre 2018, à paraître.
La Philologie humaniste et ses représentations dans la théorie et dans la fiction, sous la direction
de P. Galand-Hallyn, F. Hallyn et G. Tournoy, Genève, Droz, 2005.
Marguerite de Navarre, Les Prisons, édité et commenté par S. Glasson, Genève, Droz, 1978.
Marguerite de Navarre, L’Heptaméron, édité par A. Le Roux de Lincy et A. de Montaiglon,
Paris, 1880 (contenant l’oraison funèbre de C. de Sainte-Marthe, traduite par ses soins).
Marguerite de Navarre, Heptaméron, Paris, Garnier Frères, 1967.
Montagne, V., « “Ceste tant aymée rhetorique” : dialogue et dialectique dans l’Heptaméron
de Marguerite de Navarre », thèse pour l’obtention du grade de docteur de l’université
Paris IV, 2000.
Plantey, D., Les Bibliothèques des princesses de Navarre au xvie siècle : livres, objets, mobilier,
décor, espaces et usages, Presses de l’Enssib, Villeurbanne, 2016.
Perrette Bade ou le fantôme
de la maison Estienne
par
Nicolas Roudet*
La femme docte était donc une denrée rare, au point que, parmi les
humanistes mâles, circulaient des catalogues de ces curiosités6. Rarement
admises au temple de Philologie, les femmes furent en revanche plus
nombreuses à pouvoir célébrer le culte de Typosine, promue dixième
muse par le poète Jacques Grévin7. Nombre d’entre elles, on le sait,
reprirent l’officine de leur époux après le décès de celui-ci8. Certaines,
plus rares il est vrai, jouissaient également d’une réputation flatteuse de
femmes cultivées. C’est le cas de Perrette Bade, que nous allons ici
examiner.
Perrette Bade ? Fille de l’imprimeur Josse Bade, épouse de Robert
Estienne, son nom était encore assez fameux au XVIIIe siècle pour que
Pierre Bayle, par exemple, éprouvât le besoin de le mentionner dans le
Dictionnaire historique et critique, Seconde édition, Revuë, corrigée & augmentée
par l’Auteur (Rotterdam, Reinier Leers, 1702). Au tome I, page 448, à
l’article « Badius », remarque (I), on lit :
Catherine Badius, fille de Jodocus, fut mariée à Michel Vascosan (r). Perrette Badius
autre fille de Jodocus fut femme de Robert Etienne(s). Jeanne Badius sa sœur épousa
Jean de Roigny (t) qui prit la marque de son beau-père […]9.
C’est bien peu, d’autant que Bayle ne distingue pas Perrette de ses
sœurs, au contraire de bien des contemporains du XVIe siècle. Nous
proposons ici de compléter l’information succincte donnée par le
philosophe du Carla au sujet de Perrette Bade.
¶ BADE, Perrette10. Fille cadette de Hottelye Trechsel11 et Josse Bade
(Jodocus Badius)12, imprimeur fameux. Sa date de naissance est inconnue
à ce jour, même si un universitaire lui a assigné récemment la même que
celle de son époux Robert13. Un dictionnariste du XIXe siècle suppose
qu’elle dut naître « de 1506 à 1510 »14.
En vérité, on ne sait encore rien de l’enfance de Perrette Bade, mais il est
permis d’espérer que l’on trouvera un jour dans les lettres de Josse Bade
ou de certains de ses correspondants quelque allusion. Un historien
suppose qu’elle ne reçut point (ou guère) d’instruction dans son enfance,
mais qu’elle profita néanmoins du milieu familial pour s’instruire15. Un
autre suppose sans plus de preuve que Josse Bade « fit donner une solide
instruction à sa fille »16. Peut-on avancer quelque argument en faveur de
l’une ou l’autre hypothèse ? On sait que Josse Bade enseigna le latin à des
écoliers lorsqu’il était à Valence et à Lyon, entre 1488 et 149817. Devenu
correcteur dans l’officine de Johannes Trechsel, il devint l’imprimeur
français le plus prolifique autour de 1500 : on lui doit plus de 700 titres,
sans compter les rééditions18. Parmi ces titres, de très nombreuses
éditions scolaires de classiques, des grammaires. Sa biographie est très
mal connue et sa correspondance encore inexplorée. On peut toutefois
conjecturer avec quelque vraisemblance qu’il donna à sa fille Perrette,
comme à ses fils, un peu de ce qu’il transmettait quotidiennement à ses
écoliers lyonnais19.
Perrette Bade fait son apparition dans les archives lorsqu’elle épouse en
152620, le lundi 9 juillet, le fameux imprimeur parisien Robert Estienne
(1503-1559), sis rue Saint-Jean-de-Beauvais, en plein Quartier latin. Robert
était le fils d’Henri I Estienne (ca 1460-1520) et le beau-fils de l’imprimeur
Simon de Colines (1475/1480-1546). Le contrat de mariage, conservé aux
Archives nationales dans les dossiers du notaire Pierre Crozon, stipulait
que la dot s’élèverait à 1 000 livres tournois, dont 600 en deniers
comptants, 200 en volumes de livres imprimés de Josse Bade et 200 en
habits pour la mariée21. En voici le texte, tel qu’il est donné par Henri
Stein en 1895 :
Furent présens en leurs personnages honnorable homme me Josse Badius, marchant
imprimeur libraire, bourgeois de Paris, en son nom, stipullant en ceste partie pour
Perrette, fille de luy et de Hottelye, sa femme, d’une part, et Robert Estienne, aussi
imprimeur et libraire à l’auctorité de Simon de Colines, dudit estat, et me Gilles
Nepveu, procureur au Chastellet et bailliage de Paris, à ce présens, qui ont esté ses
tuteurs et curateurs, d’autre part ; lesquelles parties de leurs bons grez, etc., confessent
avoir faiz, feirent et font entre eulx et l’un d’eulx avec l’aultre les traictié, accordz,
douaire, promesses, apointement et autres choses qui s’ensuyvent, pour raison du
mariage qui, par le plaisir de Notre Seigneur, sera fait et solempnisé en saincte Église
desdicts Robert Estienne et Perrette ; c’est assavoir ledit Badius avoir promis et
promect donner et bailler ladite Perrette, sa fille, par loy et nom de mariage, se Dieu et
nostre mère saincte Église s’i accordent, audit Estienne, qui icelle a aussi promis, sera
tenu et promect prendre en sa femme et espouze le plus brief que faire se pourra, et
advisé sera entre eulx, leurs parens et amys ; en contemplation, faveur et advancement
duquel mariage, et pour à icelluy preneur ledit Badius a promis, sera tenu, promect et
gaige baillier et paier ausditz mariez futurs la somme de mil livres tournois en ceste
manière, assavoir est six cens livres tournois en deniers contans le jour de leurs
espousailles, deux cens livres tournois en volumes de livres des sortes et impression
dudit Badius, telz que ledit Estienne vouldra eslire et choisir, et au pris des marchans,
et les aultres deux cens livres tournois en habillemens pour l’usage de ladite Perrette
selon son estat ; et, partant, ledit Estienne doua et doue ladite Perrette sa femme future
de douaire coustumier, pour icelluy avoir et prandre si tost, etc., et dedans la première
année dudit mariage et après la consommation d’icelluy, mil livres tournoiz de telz
biens qui seront trouvez estre communs entre eulx au jour du trespas, et selon la prisée
qui en sera faicte d’iceulx biens par l’inventaire qui s’en fera, etc., obligeant, etc., y
renonçant, etc. Faict et passé l’an mil cinq cens vingt six, le lundi ix juillet.
[Au dos :] Ledit Robert Estienne confesse avoir receu dudit me Josse Badius, à ce
présent, la somme de mil livres tournoiz, qui lui avoient et ont esté promis, etc.
Par son montant, cette dot trouve place dans le palmarès des « mariages
dans les plus riches familles de marchands libraires » établi par Annie
Parent-Charon, mais dans le bas du tableau toutefois22. La Bibliothèque
nationale de France conserve en outre un exemplaire des Heures à l’usage
de Rome édité par Geoffroy Tory et Simon de Colines en 1525, s’ouvrant sur
une superbe page de titre enluminée par Étienne Colaud. Un charmant
petit cœur surplombant une presse à imprimer, orné des initiales R & P, a
fait supposer que cet exemplaire-ci fut offert en cadeau de mariage pour
Robert Estienne et Perrette Bade23. En 1545, on trouve encore une
mention des époux Estienne dans le Minutier central des notaires
parisiens, à l’occasion de la constitution d’une rente24.
De cette union devaient naître neuf enfants, dont la destinée intéresse
au plus haut point l’historien du livre, de l’humanisme et de la Réforme25 :
1528/1531 ( † 1598)26. Henri II, le plus célèbre des enfants, fameux
auteur et éditeur du Thesaurus græcæ linguæ en quatre tomes (Genève, H.
Estienne, 1572). Il composa également un Traité de la conformité du langage
françois avec le grec (Genève, H. Estienne, 1565). Ennemi de l’italianisme qui
sévissait à la Cour, il composa les Deux dialogues du nouveau langage françois
italianizé (Genève, H. Estienne, 1578). On lui doit également un très
intéressant document sur ce qu’était et représentait la Foire de Francfort
au XVIe siècle27. L’enfant aura convaincu son père de lui faire apprendre
le grec avant le latin28. Plus tard, et pendant une dizaine d’années (de 1558
à 1568), il parviendra à obtenir d’Ulrich Fugger un mécénat régulier29.
Marié le 1er décembre 1555 à « Marguerite, fille de feu Pierre Pillot »30.
Leur fille Florence épousa le grand hébraïsant Isaac Casaubon31.
1530 († 1570/1571). Robert II, envoyé à Lausanne pour étudier l’hébreu,
devenu imprimeur, converti au catholicisme32. Il refusa de suivre son père
à Genève, et fut déshérité. Il parvint néanmoins à racheter les parts
d’héritage à ses frères et sœurs et à reprendre l’imprimerie de la rue
Saint-Jean-de-Beauvais en 156433. Marié à Denise Barbé († 1564), fille d’un
libraire, qui reprendra l’officine à la mort du mari, puis la transmettra à
Mamert Patisson34. Un jour qu’elle visitait l’officine de Robert II Estienne,
imprimeur du roi ‒ c’était le 21 mai 1566 très précisément ‒ Jeanne
d’Albret, reine de Navarre, composa un quatrain dédié autant « à
l’Imprimerie de R.E. » qu’à la foi réformée :
Art singulier, d’icy aux derniers ans
Representez aux enfans de ma race
Que i’ay suiuy des craignans Dieu la trace,
Afin qu’ils soyent les mesmes pas suyuants.
L’Imprimerie lui répondit dans la foulée. Une feuille in-plano, sans doute
composée et imprimée à l’occasion de la visite, a survécu jusqu’à
aujourd’hui35. On lui doit des dizaines de publications officielles en tant
qu’imprimeur du roi, par exemple un Edict et déclaration faicte par le roy
Charles IX. de ce nom sur la pacification des troubles de ce Royaume : le XIX iour
de mars, mil cinq cens soixante deux (Paris, Robert [II] Estienne, 1563). Et
nombre d’éditions scolaires, de dictionnaires. Il meurt à Genève peu après
être revenu à la religion réformée.
ca 1533/1537. Charles II, envoyé avec Robert II à Lausanne, mais pour
étudier l’hébreu. Converti au catholicisme, il fut également déshérité36.
Tailleur et fondeur de lettres à Paris37.
ca 1536 ( † après 1582). François fut envoyé à Strasbourg pour
apprendre l’allemand et le métier d’imprimeur38. Le 13 juillet 1563, il
épousa à Genève Blanche, fille de Philippe de Corguilleray et de
Marguerite de Machault39. Autorisé à exercer le métier d’imprimeur à
Genève à partir de 1562, on lui doit l’impression des Commentaires de M.
Jean Calvin sur le livre des Pseaumes (Genève, 1563)40 et les Commentaires sur
les cinq livres de Moyse (Genève, 1564)41. En mai 1563, il eut quelques
démêlés avec la censure au sujet d’un livre destiné à instruire la jeunesse,
Calvin estimant qu’il s’y trouvait des propos hérétiques42. Condamné pour
ivrognerie le 10 mai 1582, il dut s’exiler en Normandie. Selon La Caille, il y
épousa une certaine Marguerite Cave en secondes noces43. Puis il revint à
Genève. On lui doit en outre la traduction d’un pamphlet calviniste dont
l’auteur est encore discuté44.
1540, 12 décembre. Baptême de Jehanne45. Elle épousa l’imprimeur
Jean Anastaze à Genève le 8 juillet 155946.
1542, 3 mars. Baptême de Catherine47. Le 8 juillet 155948, elle épousa à
Genève l’imprimeur Étienne Anastaze ( † 1573)49. Puis, le 31 décembre
1584, Jean Servin50.
1543, 14 juin. Baptême de Jehan51.
1544, 31 janvier. Baptême de Marie52.
1546, 22 août. Baptême de Simon53.
Elizabeth Armstrong estime, avec quelque vraisemblance, que Perrette
Bade dut décéder peu après la naissance de Simon. L’enfant mourut en bas
âge, et on ne compte plus de naissance dans le couple Estienne après celle
de Simon54. La chose est vraisemblable : Robert Estienne se remarie à
Genève le 14 décembre 1550, « au sermon du matin », avec Marguerite Du
Chemin (ou Des Champs) ; le mariage est célébré par le pasteur Michel Cop
(1505 ? -1566), frère de Nicolas Cop, recteur de l’Université de Paris et
grand ami de Calvin55.
Neuf naissances au foyer des Estienne entre 1528 et 1546… Il nous faut ici
garder en mémoire le fait que, mettant au monde neuf enfants dans un
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à cette heure, que mon poil gris me donne le credit. Nous appellons
sagesse la difficulté de nos humeurs, le desgoust des choses
presentes: mais à la verité, nous ne quittons pas tant les vices,
comme nous les changeons; et, à mon opinion, en pis. Outre une
sotte et caduque fierté, un babil ennuyeux, ces humeures
espineuses et inassociables, et la superstition, et un soin ridicule des
richesses, lors que l'usage en est perdu, j'y trouve plus d'envie,
d'injustice, et de malignité. Elle nous attache plus de rides en l'esprit
qu'au visage: et ne se void point d'ames ou fort rares, qui en
vieillissant ne sentent l'aigre, et le moisi.
Take this extract, my worthy friends who are not skilled in French, or
know no more of it than a Governess may have taught you,—in the
English of John Florio, Reader of the Italian tongue unto the
Sovereign Majesty of Anna, Queen of England, Scotland, &c. and
one of the gentlemen of her Royal privy chamber, the same Florio
whom some commentators upon very insufficient grounds, have
supposed to have been designed by Shakespere in the Holofernes
of Love's Labour's Lost.
and the same thing, no doubt in imitation of Montagne has been said
by Corneille in a poem of thanks addressed to Louis XIV., when that
King had ordered some of his plays to be represented during the
winter of 1685, though he had ceased to be a popular writer,
when,
this wrong,
To make him write too much, and live too long;
But the bottle seems not to have put him in good humour either with
others or himself.
Tout la monde me put; je vy de telle sort,
Que je ne fay meshuy que tousser et cracher,
Que de fascher autruy, et d'autruy me fascher;
Je ne supporte nul, et nul ne me supporte.
Un mal de corps je sens, un mal d'esprit je porte;
Foible de corps je veux, mais je ne puis marcher;
Foible de esprit je n'oze à mon argent toucher,
Voilà les beaux effects que la vieillesse apporte!
O combien est heureux celuy qui, de ses ans
Jeune, ne passe point la fleur de son printans,
Ou celuy qui venu s'en retourne aussi vite!
Non: je m'abuze; ainçois ces maux ce sont appas
Qui me feront un jour trouver doux mon trespas,
Quand il plaira a Dieu que ce monde je quitte.
“Years wearing away carry also with them many commodities, and
among others take away from the blood a great part of the lively
spirits; that altereth the complection, and the instruments wax feeble
whereby the soul worketh his effects. Therefore the sweet flowers of
delight vade2 away in that season out of our hearts, as the leaves fall
from the trees after harvest; and instead of open and clear thoughts,
there entereth cloudy and troublous heaviness, accompanied with a
thousand heart griefs: so that not only the blood, but the mind is also
feeble, neither of the former pleasures retaineth it any thing else but
a fast memory, and the print of the beloved time of tender age, which
when we have upon us, the heaven, the earth and each thing to our
seeming rejoiceth and laugheth always about our eyes, and in
thought (as in a savoury and pleasant garden) flourisheth the sweet
spring time of mirth: So that peradventure, it were not unprofitable
when now, in the cold season, the sun of our life, taking away from
us our delights beginneth to draw toward the West, to lose
therewithall the mindfulness of them, and to find out as Themistocles
saith, an art to teach us to forget; for the senses of our body are so
deceivable, that they beguile many times also the judgement of the
mind. Therefore, methinks, old men be like unto them that sailing in
a vessel out of an haven, behold the ground with their eyes, and the
vessel to their seeming standeth still, and the shore goeth; and yet is
it clean contrary, for the haven, and likewise the time and pleasures,
continue still in their estate, and we with the vessel of mortality flying
away, go one after another through the tempestuous sea that
swalloweth up and devoureth all things, neither is it granted us at
any time to come on shore again; but, always beaten with contrary
winds, at the end we break our vessel at some rock.”
2 ‘Vade’ is no doubt the true word here. The double sense of it,—that is, to fade, or to
go away,—may be seen in Todd's Johnson and in Nares' Glossary. Neither of them
quote the following lines from the Earl of Surrey's Poems. They occur in his
Ecclesiastes.
And again,
One more of these dark pictures. “The heart” says Lord Chesterfield,
“never grows better by age; I fear rather worse; always harder. A
young liar will be an old one; and a young knave will only be a
greater knave as he grows older. But should a bad young heart,
accompanied with a good head, (which by the way, very seldom is
the case) really reform, in a more advanced age, from a
consciousness of its folly, as well as of its guilt; such a conversion
would only be thought prudential and political, but never sincere.”
But Johnson knew that good men became better as they grew older,
because his philosophy was that of the Gospel. Something of a
philosopher Lord Chesterfield was, and had he lived in the days of
Trajan or Hadrian, might have done honour to the school of
Epicurus. But if he had not in the pride of his poor philosophy shut
both his understanding and his heart against the truths of revealed
religion, in how different a light would the evening of his life have
closed.
FREEMAN'S SERMONS.
“As usurers,” says Bishop Reynolds, “before the whole debt is paid,
do fetch away some good parts of it for the loan, so before the debt
of death be paid by the whole body, old age doth by little and little,
take away sometimes one sense sometimes another, this year one
limb, the next another; and causeth a man as it were to die daily. No
one can dispel the clouds and sorrows of old age, but Christ who is
the sun of righteousness and the bright morning star.”
Yet our Lord and Saviour hath not left those who are in darkness and
the shadow of death, without the light of a heavenly hope at their
departure, if their ways have not wilfully been evil,—if they have
done their duty according to that law of nature which is written in the
heart of man. It is the pride of presumptuous wisdom (itself the worst
of follies) that has robbed the natural man of his consolation in old
age, and of his hope in death, and exacts the forfeit of that hope
from the infidel as the consequence and punishment of his sin. Thus
it was in heathen times, as it now is in countries that are called
christian. When Cicero speaks of those things which depend upon
opinion, he says, hujusmodi sunt probabilia; impiis apud inferos
pœnas esse præparatas; eos, qui philosophiæ dent operam, non
arbitrari Deos esse. Hence it appears he regarded it as equally
probable that there was an account to be rendered after death; and
that those who professed philosophy would disbelieve this as a
vulgar delusion, live therefore without religion, and die without hope,
like the beasts that perish!
“If they perish,” the Doctor, used always reverently to say when he
talked upon this subject. Oh Reader, it would have done you good as
it has done me, if you had heard him speak upon it, in his own
beautiful old age! “If they perish,” he would say. “That the beasts die
without hope we may conclude; death being to them like falling
asleep, an act of which the mind is not cognizant! But that they live
without religion, he would not say,—that they might not have some
sense of it according to their kind; nor that all things animate, and
seemingly inanimate did not actually praise the Lord, as they are
called upon to do by the Psalmist, and in the Benedicite!”
“He that hath led a holy life,” says one of our old Bishops, “is like a
man which hath travelled over a beautiful valley, and being on the
top of a hill, turneth about with delight, to take a view of it again.” The
retrospect is delightful, and perhaps it is even more grateful if his
journey has been by a rough and difficult way. But whatever may
have been his fortune on the road, the Pilgrim who has reached the
Delectable Mountains looks back with thankfulness and forward with
delight.
“Though our own eyes,” says Sir Walter Raleigh, “do every where
behold the sudden and resistless assaults of Death, and Nature
assureth us by never failing experience, and Reason by infallible
demonstration, that our times upon the earth have neither certainty
nor durability, that our bodies are but the anvils of pain and diseases,
and our minds the hives of unnumbered cares, sorrows and
passions; and that when we are most glorified, we are but those
painted posts against which Envy and Fortune direct their darts; yet
such is the true unhappiness of our condition, and the dark
ignorance which covereth the eyes of our understanding, that we
only prize, pamper, and exalt this vassal and slave of death, and
forget altogether, or only remember at our cast-away leisure, the
imprisoned immortal Soul, which can neither die with the reprobate,
nor perish with the mortal parts of virtuous men; seeing God's justice
in the one, and his goodness in the other, is exercised for evermore,
as the everliving subjects of his reward and punishment. But when is
it that we examine this great account? Never, while we have one
vanity left us to spend! We plead for titles till our breath fail us; dig for
riches whilst our strength enableth us; exercise malice while we can
revenge; and then when time hath beaten from us both youth,
pleasure and health, and that Nature itself hateth the house of Old
Age, we remember with Job that ‘we must go the way from whence
we shall not return, and that our bed is made ready for us in the
dark.’ And then I say, looking over-late into the bottom of our
conscience, which Pleasure and Ambition had locked up from us all
our lives, we behold therein the fearful images of our actions past,
and withal this terrible inscription that ‘God will bring every work into
judgement that man hath done under the Sun.’
CHAPTER CLXXXV.
I forget what poet it is, who, speaking of old age, says that
“It is the will of God and nature,” says Franklin, “that these mortal
bodies be laid aside when the soul is to enter into real life. This is
rather an embryo state, a preparation for living. A man is not
completely born until he be dead. Why, then, should we grieve that a
new child is born among the immortals, a new member added to
their happy society? We are spirits. That bodies should be lent us,
while they can afford us pleasure, assist us in acquiring knowledge,
or in doing good to our fellow-creatures, is a kind and benevolent act
of God. When they become unfit for these purposes, and afford us
pain instead of pleasure, instead of an aid become an encumbrance,
and answer none of the intentions for which they were given, it is
equally kind and benevolent, that a way is provided by which we may
get rid of them. Death is that way.”
“God,” says Fuller, “sends his servants to bed, when they have done
their work.”
This is a subject upon which even Sir Richard Blackmore could write
with a poet's feeling.
Much has been omitted, which may be found in the original, and one
couplet removed from its place; but the whole is Blackmore's.
CHAPTER CLXXXVI.
OLD FORTUNATUS.
In Leone Hebreo's Dialogi de Amore, one of the interlocutors says,
“Vediamo che gli huomini naturalmente desiano di mai non morire;
lagual cosa è impossibile, manifesta, e senza speranza.” To which
the other replies, “Coloro chel desiano, non credeno interamente che
sia impossibile, et hanno inteso per le historie legali, che Enoc, et
Elia, et ancor Santo Giovanni Evangelista sono immortali in corpo, et
anima: se ben veggono essere stato per miracolo: onde ciascuno
pensa che à loro Dio potria fare simil miracolo. E però con questa
possibilita si gionta qualche remota speranza, laquale incita un lento
desiderio, massimamente per essere la morte horribile, e la
corruttione propria odiosa à chi si vuole, et il desiderio non è d'
acquistare cosa nuova, ma di non perdere la vita, che si truova;
laquale havendosi di presente, è facil cosa ingannarsi l'huomo à
desiare che non si perda; se ben naturalmente è impossibile: chel
desiderio di ciò è talmente lento, che può essere di cosa impossibile
et imaginabile, essendo di tanta importantia al desiderante. Et
ancora ti dirò chel fondamento di questo desiderio non è vano in se,
se bene è alquanto ingannoso, però chel desiderio dell' huomo
d'essere immortale è veramente possibile; perche l'esentia dell'
huomu, (come rettamente Platon vuole) non è altro che la sua anima
intellettiva, laquale per la virtu, sapientia, cognitione, et amore divino
si fa gloriosa et immortale.”
Paracelsus used to boast that he would not die till he thought proper
so to do, thus wishing it to be understood that he had discovered the
Elixir of life. He died suddenly, and at a time when he seemed to be
in full health; and hence arose a report, that he had made a compact
with the Devil, who enabled him to perform all his cures, but came
for him as soon as the term of their agreement was up.