Vous êtes sur la page 1sur 69

Twin Crowns, tome 1 Catherine Doyle

Visit to download the full and correct content document:


https://ebookstep.com/product/twin-crowns-tome-1-catherine-doyle/
More products digital (pdf, epub, mobi) instant
download maybe you interests ...

Twin Crowns, tome 2 : Cursed Crowns 1st Edition


Catherine Doyle Et Katherine Webber

https://ebookstep.com/product/twin-crowns-tome-2-cursed-
crowns-1st-edition-catherine-doyle-et-katherine-webber/

Twin Crowns 02 - Cursed Crowns 1st Edition Catherine


Doyle & Katherine Webber

https://ebookstep.com/product/twin-crowns-02-cursed-crowns-1st-
edition-catherine-doyle-katherine-webber/

■ntikam 1st Edition Catherine Doyle

https://ebookstep.com/product/intikam-1st-edition-catherine-
doyle/

Mafya 1st Edition Catherine Doyle

https://ebookstep.com/product/mafya-1st-edition-catherine-doyle/
Gémeas para Uma Só Coroa: Um trono, duas princesas
(Twin Crowns #1) 1st Edition Katherine Webber

https://ebookstep.com/product/gemeas-para-uma-so-coroa-um-trono-
duas-princesas-twin-crowns-1-1st-edition-katherine-webber/

The Five Crowns, tome 1 : La Cour de la Haute-Montagne


Ak Mulford

https://ebookstep.com/product/the-five-crowns-tome-1-la-cour-de-
la-haute-montagne-ak-mulford-2/

The Five Crowns tome 1 La Cour de la Haute Montagne Ak


Mulford

https://ebookstep.com/product/the-five-crowns-tome-1-la-cour-de-
la-haute-montagne-ak-mulford-3/

The Five Crowns, tome 1 : La Cour de la Haute-Montagne


Ak Mulford

https://ebookstep.com/product/the-five-crowns-tome-1-la-cour-de-
la-haute-montagne-ak-mulford/

Matematik 5000 Kurs 2c Lärobok 1st Edition Lena


Alfredsson

https://ebookstep.com/product/matematik-5000-kurs-2c-larobok-1st-
edition-lena-alfredsson/
Ouvrage originellement publié par Electric Monkey,
un département de Farshore,
une maison d’édition de HarperCollinsPublishers,
sous le titreTwin Crowns
Texte © 2022, KatherineWebber et Catherine Doyle
Couverture © 2022, Mondadori Libri S.p.A., Milano

© 2023, Bayard Éditions pour la traduction française


18, rue Barbès, 92128 Montrouge Cedex
ISBN : 979-1-0363-5468-7
Dépôt légal : janvier 2023
Première édition

Loi no 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.


Tous droits réservés. Reproduction, même partielle, interdite.
À Jane,
la meilleure sœur à tous points de vue.
Table des matières

Couverture

Page de titre

Page de copyright

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19
Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Chapitre 40

Chapitre 41

Chapitre 42

Chapitre 43

Chapitre 44

Chapitre 45
Chapitre 46

Chapitre 47

Chapitre 48

Chapitre 49

Chapitre 50

Remerciements
Chapitre 1

Les grilles dorées du palais d’Anadawn scintillaient dans le


couchant. Leurs extrémités, pointues comme des dagues,
inquiétaient Wren Greenrock. Même de loin, elles paraissaient bien
plus hautes qu’elle se les était imaginées. Les lourdes chaînes qui les
scellaient cliquetaient faiblement dans le vent.
Wren s’accroupit à la lisière de la forêt qui entourait le domaine. Il
faisait encore trop clair pour s’aventurer hors des ombres ; elle
attendrait le crépuscule. Elle tressaillit quand une brindille craqua
sous son pas.
– Prudence, souffla une voix derrière elle.
Shen Lo apparut à ses côtés. Tout vêtu de noir, le visage
partiellement masqué, il se déplaçait avec l’agilité et la discrétion
d’une vipère.
– Regarde où tu mets les pieds, Greenrock. Rappelle-toi ce que je
t’ai enseigné.
– Si je regarde mes pieds, comment suis-je censée savoir combien
de gardes se tiennent prêts à nous tuer, Shen ?
Les yeux sombres de Shen se mirent à suivre les déplacements
des gardes en uniforme vert armés d’épées à la ceinture. Douze, rien
que dans la basse-cour, plus six autres aux grilles.
– Je pourrais les neutraliser, commenta-t-il.
– Étant donné que nous essayons de ne pas attirer l’attention, je
préférerais éviter de laisser dix-huit cadavres dans notre sillage.
– Alors faisons diversion. On pourrait attraper un cerf et le
relâcher dans la cour.
Wren lui jeta un regard en coin.
– Rappelle-moi pourquoi j’ai décidé de t’emmener avec moi ?
– Parce que ta grand-mère t’y a obligée. Sans compter que tu
n’aurais jamais réussi à traverser le désert sans moi.
Wren secoua distraitement le sable de sa tunique, soulagée de ne
plus avoir à subir le soleil brûlant du désert, même si la partie la plus
difficile de sa mission était encore devant elle. Elle prit une grande
bouffée d’air frais ; la nervosité lui retournait l’estomac.
Elle se remémora sa grand-mère, Banba, robuste et pleine
d’assurance sur la côte ouest d’Eana, ses mains solides appuyées sur
ses épaules.
« Lorsque tu fendras le cœur de pierre du palais d’Anadawn pour
t’emparer enfin du trône qui te revient de droit, tous les vents
d’Eana chanteront ton nom. Puisse le courage des sorcières
t’accompagner dans ta quête, petit oiseau. »
Les yeux braqués sur la plus haute fenêtre de la tour Est
d’Anadawn, Wren essaya de retrouver un morceau de ce courage en
elle. Mais il n’y avait que son cœur qui s’affolait comme un colibri
dans sa poitrine.
– Tu t’imagines déjà chez toi ?
– Je m’imagine devant une forteresse impénétrable, Shen.
– Tu as toujours adoré les défis.
– Je commence à me dire que j’ai peut-être mis la barre un peu
haut, ce coup-ci.
Cependant, Banba avait conçu ce plan, et, l’un comme l’autre, ils
savaient que Wren n’avait d’autre choix que de le suivre.
Shen s’assit par terre, le dos contre un arbre.
– À la tombée de la nuit, on prendra par le sud jusqu’au fleuve, et
on remontera en passant entre les roseaux. Les murs sont plus
anciens là-bas, on aura moins de mal à les escalader. On se faufilera
entre deux rondes.
Wren porta la main à la bourse à cordon accrochée à sa taille. Le
matin de leur départ d’Ortha, sa grand-mère la lui avait confiée
comme un talisman. « Conserve ta magie à portée de main, mais
hors de vue. À Anadawn, on exécute les femmes soupçonnées de
sorcellerie sur-le-champ, et on les interroge après. »
– Je peux envoûter les gardes, déclara Wren avec assurance. Mes
sortilèges de sommeil agissent avec une rapidité foudroyante
maintenant.
– Je sais. Rappelle-toi sur qui tu les as pratiqués.
Wren s’assit, la tête contre l’épaule de Shen. Ils tendirent l’oreille
par-dessus les trilles des oiseaux, à l’affût des bruits lointains de la
vie du palais, observèrent les serviteurs empressés et les gardes
rigides à leurs postes, pendant que les vestiges du jour peignaient le
ciel de nuances orangées.
Le regard de la jeune fille se posa sur une statue de marbre
installée au centre d’une magnifique roseraie. Elle esquissa un
sourire. C’était le fameux Protecteur d’Eana, l’homme qui, poussé
par une obsession et une ambition voraces, avait mené l’invasion de
ces terres mille ans plus tôt, dans l’unique but d’y anéantir toute
trace de magie. Au terme d’une guerre sanguinaire qui n’avait laissé
que peu de survivants, le Protecteur était parvenu à faire tomber
Ortha L’Astrée, la dernière reine sorcière d’Eana, et à s’emparer de
son royaume. Et, même s’il n’avait pas réussi à détruire la population
des sorcières au complet – car comment priver un royaume de son
cœur encore battant ? –, le Protecteur était toujours vénéré
aujourd’hui. Quant à sa haine des sorcières, elle lui avait survécu.
Shen suivit son regard.
– Que feras-tu de cette affreuse statue quand tu seras reine ? Tu
la réduiras en miettes et la remplaceras par une statue de moi ?
– Elle sera brisée en mille morceaux que j’enfoncerai dans le
gosier de la personne qui a commandé cette horreur. À la cuillère.
Ils se turent. Quelqu’un se promenait parmi les roses. C’était une
fille qui devait avoir l’âge de Wren. Ses cheveux bruns tombaient en
boucles lâches jusqu’à sa taille, et elle portait une belle robe rose
évasée. Son menton délicat tourné vers le ciel, elle semblait perdue
dans ses pensées.
Wren se leva sans réfléchir.
Shen tira sur sa cape.
– Baisse-toi !
– Tu vois cette fille ?
– Oui, et alors ?
– C’est elle. C’est ma sœur.
Wren ressentit un curieux tiraillement dans le cœur, comme un fil
qui se tendait. L’espace d’une folle seconde, elle aurait voulu courir
vers ces grilles dorées.
– C’est Rose.
Shen se redressa très lentement.
– La princesse Rose dans son jardin de roses, rit-il tout bas. C’est
le signe qui ne trompe pas, c’est forcément elle. Ça… et le fait que
vous vous ressemblez comme deux gouttes d’eau.
Wren la contemplait fixement. Depuis son plus jeune âge, elle
connaissait l’existence de sa sœur jumelle, à l’autre bout du monde.
Néanmoins, la découvrir en chair et en os la laissait pour la première
fois de sa vie sans voix.
Elle se tourna vers Shen.
– Ne me dis pas que tu hésites, grogna-t-il.
Dans un coin de sa tête, le visage de sa grand-mère se durcit.
« Quand tu arriveras à Anadawn, laisse ton cœur dans la forêt. Le
plus infime instant de faiblesse causera notre perte à toutes. »
Wren serra les dents, sans quitter Rose des yeux.
– Jamais.
Chapitre 2
La princesse Rose Valhart avait l’habitude de se sentir observée.
Les gardes du palais n’étaient jamais bien loin, avec leurs
uniformes à boutons dorés qui reflétaient la lumière du soleil. Les
domestiques la guettaient d’un œil tout aussi attentif afin d’anticiper
ses moindres besoins. Et puis il y avait Chapman, l’intendant du
palais, qui voletait autour d’elle en permanence tel un papillon de
nuit. Il savait où la trouver à chaque instant de chaque jour, et
s’assurait que Rose ne soit jamais en retard malgré ses tendances à
la rêverie.
Ses sujets l’observaient également, bien sûr. Lors des rares
occasions où elle s’aventurait à Eshlinn, la capitale, on faisait la
queue dans les rues pour l’apercevoir. Après tout, elle était leur
princesse bien-aimée, aussi gracieuse que la fleur qui lui avait donné
son nom, aussi douce et pure que son parfum.
Du moins Rose le présumait-elle. Elle n’avait pas le droit
d’adresser la parole à son peuple, seulement de battre des cils et
d’agiter la main de loin. Tout cela changerait lorsqu’elle serait reine.
Elle comptait bien rendre visite aux contrées les plus reculées de son
royaume et faire la connaissance de leurs habitants. Leur parler, les
écouter… se présenter.
Parfois, Rose avait la nette impression que même les astrées qui
volaient au-dessus d’Anadawn l’épiaient avec plus d’attention que
nécessaire – mais il est vrai qu’elle avait toujours eu une imagination
débordante. Chapman en rejetait la faute sur Céleste, sa meilleure
amie. Ensemble, elles s’amusaient à inventer des contes fantasques,
toujours plus extravagants que les précédents, jusqu’à en rire aux
larmes. De temps en temps, elles inscrivaient leurs plus profonds
désirs sur des morceaux de parchemin qu’elles brûlaient à la flamme
d’une bougie, avant de souffler les cendres de leurs vœux dans le
ciel nocturne.
Rose souhaitait toujours l’amour, tandis que Céleste, elle,
choisissait l’aventure. Pouvaient-elles avoir les deux ? Mais une vie
d’aventure n’était guère convenable pour une reine. Elle allait devoir
se contenter de ses rêveries et de la beauté folle de ses jardins. Tout
sourire, elle sélectionna dans un massif une rose dont elle tailla
proprement la tige. Elle tendit la main vers la suivante… mais se
figea.
Des yeux étaient fixés sur elle. Des yeux nouveaux. Elle en était
sûre. Elle releva le menton pour balayer du regard les alentours, au-
delà des grilles dorées, jusqu’aux bois sombres où le soleil couchant
embrasait la canopée.
Une douleur bourgeonna dans sa poitrine. Avait-elle consommé
trop de brioches cet après-midi ? Ce n’était peut-être qu’un accès de
nervosité. Rien que de très normal, à l’approche de son
couronnement.
Une voix familière brisa le silence, la faisant sursauter.
– Rose ? Que faites-vous ici toute seule ?
De toutes les personnes qui peuplaient sa vie, aucune n’observait
Rose plus attentivement que l’Inspirateur royal. Willem Rathborne,
l’homme qui lui avait sauvé la vie lorsqu’elle n’était âgée que de
quelques minutes, était son gardien depuis bientôt dix-huit ans. Il
avait assez de cheveux gris pour le prouver. Il avançait à grands pas
dans sa direction, avec une expression austère qui le vieillissait.
Automatiquement, Rose exécuta une révérence impeccable.
– Je ne faisais que cueillir quelques fleurs fraîches pour ma
chambre.
Le soupir de Willem siffla par son nez.
– C’est une tâche de domestique. Vous ne devriez pas vous
promener toute seule dans le noir.
Rose eut un rire léger pour tenter de le mettre à l’aise.
– Le soleil commence à peine à décliner. Et ce n’est pas comme si
je vagabondais dans les rues d’Eshlinn. Je suis en sécurité dans mes
jardins.
Willem avait beau être ce qui ressemblait le plus à un père pour
elle, il avait toujours subsisté entre eux une certaine distance. Toute
sa vie, Rose avait cherché son approbation à tout prix, et, à présent
plus que jamais, elle voulait lui montrer qu’elle était prête à devenir
reine. Qu’on pouvait lui confier l’avenir du royaume.
Elle cueillit une nouvelle fleur.
– Vous vous faites trop de souci pour moi, cher Willem.
L’Inspirateur royal la toisa avec sévérité.
– Combien de fois devrai-je vous répéter de redescendre sur terre,
Rose ? Vous devez rester vigilante en permanence. Le danger rôde…
– … Partout, et il ne faut faire confiance à personne, termina-t-elle
avec un soupir.
Depuis toujours, Willem était obnubilé par sa sécurité et, à
l’approche du couronnement, il devenait proprement paranoïaque.
Mais s’il s’inquiétait autant, c’était parce qu’il tenait à elle, se
rappela-t-elle. Elle posa doucement la main sur son bras.
– Willem, vous savez que rien ne peut nous arriver à Anadawn,
sous la vigilance du Grand Protecteur.
Après tout, ils se tenaient sous sa statue et le regard de marbre
du noble ancêtre de Rose surveillait silencieusement le palais. Et elle
avec. Intérieurement, Rose avait toujours trouvé cette sculpture un
tout petit peu excessive. Elle bloquait la lumière dans son jardin, si
bien que les roses plantées dans son ombre ne poussaient jamais
autant que les autres. Toutefois, elle préférait l’avoir ici plutôt que de
ne pas l’avoir du tout. Elle lui rappelait la chance qu’elle avait de…
Willem lui saisit le poignet.
– Allons, suivez-moi. Immédiatement. Je ferai envoyer des fleurs à
votre chambre.
Affligée, Rose lui emboîta mollement le pas, quittant l’air enivrant
du soir et tous ses songes de romance et d’aventure pour rejoindre
les ombres grandissantes du palais.
Quand je serai reine, tout sera mieux, se promit-elle en gravissant
l’escalier en spirale interminable de sa tour. Je danserai toute la nuit
si j’en ai envie, et personne ne me dictera mes actes.
Elle sourit au garde posté sur le palier et poussa la porte de sa
chambre. Ce ne fut qu’en découvrant le sang sur la poignée qu’elle
s’aperçut qu’elle s’était piqué les doigts sur les épines.
Chapitre 3
Aucune étoile ne brillait dans le ciel au-dessus du palais blanc, et
Wren ne se sentait pas dans son assiette. Minuit était passé depuis
longtemps, le vent soufflait un air froid mordant. Elle resserra sa
cape autour d’elle.
– Il y a quelque chose qui cloche.
– Sans rire, chuchota Shen dans le noir. On s’apprête à infiltrer le
palais.
– Je veux dire de manière générale, Shen.
– Pourtant c’est l’étape la plus facile, lui rappela-t-il.
Ils avaient déjà escaladé la muraille Sud et jeté un sort de
sommeil à deux gardes du palais. Ne restait plus devant eux que la
tour Est qui se dressait dans l’obscurité.
– D’abord, tu poses une main, ensuite l’autre. Puis un pied, et
ensuite l’autre.
– Les lois de la gravité n’ont peut-être pas de prise sur toi, Shen
Lo, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.
Le sourire de Shen brilla sous le clair de lune.
– Allez, lance-toi. Je suis juste derrière.
– Si je tombe, tu me rattrapes ?
– Non, mais je te ferai coucou dans ta chute.
– Quel gentleman.
Wren posa une paume contre la pierre. Les rainures lui permirent
de planter ses doigts calleux juste assez profondément pour pouvoir
se hisser et se coller contre la tour. Sa cape se déploya derrière elle
jusqu’à ce que le cordon manque de l’étrangler.
« Concentre-toi, petite Wren, résonna la voix de sa grand-mère
dans sa tête. Une fois les grilles du palais passées, il n’y a plus de
place pour l’erreur. »
L’haleine de Wren formait de petits nuages dans l’air, son pochon
tapait doucement contre sa hanche, comme pour lui rappeler sa
présence. Bientôt, la sueur dégoulina jusque sous le col de sa
tunique. Tous ses muscles hurlaient de douleur tandis qu’elle
continuait de grimper. Une main après l’autre, un pied après l’autre.
Derrière elle, Shen se mouvait comme une ombre dans les
ténèbres.
La fenêtre de la tour finit par apparaître. On aurait dit un œil
vitreux qui observait le fleuve du Galant. Elle était restée entrebâillée
afin de laisser entrer l’air frais et, ce soir, les bandits qui allaient
avec.
Wren se hissa sur l’étroit rebord et poussa la fenêtre qui s’ouvrit
avec un grincement déterminé. Se retenant de lancer un sourire
narquois à Shen par-dessus son épaule, elle se glissa sans bruit dans
la pièce. Prends ça, la gravité.
Le clair de lune la suivit, déversant ses éclats nacrés dans la
chambre à coucher.
Wren sortit la dague de sa botte, l’autre main sur son pochon,
prête à affronter le soldat qui devait monter la garde sur le palier
devant la porte. Toutefois, puisque le silence persistait, elle se
détendit un peu. La chambre était plus fastueuse qu’elle ne l’aurait
cru. Des tentures à franges tapissaient les murs d’ivoire et des
armoires dorées peuplaient la pénombre comme autant de spectres.
Au sol, l’épais tapis avalait chacun de ses pas.
Son propre reflet fantomatique dans un miroir manqua de la faire
mourir de peur. Sa tresse s’était défaite et des mèches rebelles
frisottaient autour de son visage maculé des reliquats de terre et de
sable de ces deux derniers jours. Elle avait l’air d’avoir été traînée
dans le désert puis plongée dans un marécage.
Un vase de roses fraîchement cueillies diffusait un parfum
douceâtre dans la pièce. Beurk. Cette odeur écœurante n’avait rien
de commun avec celles de la bruyère sauvage d’Ortha et des algues
charriées par l’océan. Il allait falloir s’y habituer.
Un bruissement de soie l’attira vers le lit à baldaquin au milieu de
la chambre. Les voilages brumeux ondulèrent dans le vent, révélant
l’héritière de la couronne d’Eana.
La princesse Rose Valhart était belle comme le jour, douce et
tranquille comme un chat qui somnole.
« Le danger est une préoccupation très lointaine pour Rose, disait
la grand-mère de Wren dans sa tête. Jamais elle ne te verra venir. »
Wren observa la princesse endormie sans prêter attention au
furieux martèlement dans sa poitrine. Elle se sentait encore plus
attirée vers elle à présent.
– Bonsoir, ma sœur, murmura-t-elle. Nous nous rencontrons enfin.
Rose souriait dans son sommeil. Ses cheveux châtain foncé
s’étalaient autour d’elle en halo. Le clair de lune faisait luire sa peau
pâle et ses pommettes dépourvues de taches de rousseur. Si leurs
traits étaient identiques, Rose n’avait manifestement jamais connu le
soleil accablant du désert ni les bourrasques glaciales du vent marin.
Il y en a qui ont de la chance.
Un ombre tomba sur le lit.
– Tu me bloques la lumière, Shen, chuchota Wren.
Il était accroupi sur le rebord de la fenêtre.
– J’essaie de ne pas te déranger. Au cas où tu deviendrais, tu
sais… un peu émotive…
– Je ne suis pas émotive.
Il entra avec souplesse dans la chambre.
– Du calme. Je ne le répéterai pas à ta grand-mère. Tu peux être
toi-même avec moi.
Quelques mèches de ses cheveux noirs s’étaient échappées du lien
de cuir qui les retenait et retombaient sur son front. À part ça, il
était aussi impeccable que d’habitude.
Wren le toisa.
– Ça t’arrive de transpirer ?
– Bien sûr que non.
– Bon. Qu’en penses-tu ?
– Elle est plus gracieuse que toi quand tu dors. Tu baves, c’est
affreux.
Elle lui donna un coup de poing dans le bras.
– Tu as plus de taches de rousseur. Et elle a les cheveux plus
foncés. Je te parie qu’elle est beaucoup plus gentille aussi, ajouta-t-il
avec un sourire.
– Tu vas passer par la fenêtre dans deux secondes, Shen.
Rose soupira dans son sommeil. Ses paupières remuèrent.
Maintenant qu’elle se trouvait si près, Wren éprouva le désir soudain
de regarder sa sœur dans les yeux. Saurait-elle qui elle était ? Se
mettrait-elle à hurler ? Ferait-elle…
– Wren ! souffla Shen. Lance ce satané sort !
– Céleste ? marmonna Rose dans son sommeil.
Prise de panique, Wren saisit une poignée de sable d’Ortha dans
son pochon et ouvrit sa paume. L’incantation sortit de sa bouche à
toute vitesse :
– Terre et poussière, dans le noir en rampant, faites dormir la
princesse maintenant !
Les yeux de Rose s’ouvrirent d’un coup.
Alarmée, Wren souffla le sable. Les grains flottèrent comme des
libellules aux ailes dorées avant de disparaître dans le néant,
emportant le sursaut de la princesse avec eux. Ses paupières se
baissèrent et elle retomba sur son oreiller, inerte.
Les doigts tremblants, Wren referma sa bourse et serra les poings.
Quelle bêtise, vraiment, cet instant d’hésitation. Elle savait pourtant
ce qu’elle allait trouver dans cette tour. Après tout, depuis le premier
jour, elle avait été élevée avec un objectif : voler la vie de sa sœur
jumelle. Néanmoins, voir Rose de si près, en chair et en os, vivante,
l’avait rendue… eh bien, émotive.
– Tu as vu ses yeux ? chuchota-t-elle.
– Des émeraudes.
Shen observait Wren de cette façon bien à lui, comme s’il lisait
dans son âme.
– Tu vas bien ? demanda-t-il.
– Ça va. Il faut faire vite. Passe-moi la corde. Je vais t’assurer pour
la descente.
– Parfait. Quant à moi, je vais kidnapper ta sœur.
Wren attacha la corde à l’une des colonnes du lit et jeta l’autre
extrémité par la fenêtre. Quand elle se retourna, Shen se tenait au
milieu de la chambre, la princesse jetée sur son épaule. Avec une
agilité remarquable, il grimpa sur le rebord. La corde se tendit quand
il amorça la descente de la tour blanche. Les cheveux bruns de Rose
flottaient comme des algues sur son dos.
– Attends ! souffla Wren. (Elle détacha sa cape pour la lui jeter.)
Cette chemise de nuit ne lui vaudra rien dans le désert.
Shen rattrapa le vêtement d’une main sans montrer le moindre
signe de déséquilibre.
– Et moi qui te prenais pour la jumelle maléfique.
Elle lui tira la langue.
– J’espère qu’elle va t’en faire voir de toutes les couleurs !
– Bonne chance, Wren. On se revoit quand tu seras sur le trône.
Il lui fit un clin d’œil avant de plonger dans les ténèbres, laissant
ses mots flotter derrière lui.
Wren ne perdit pas de temps. Elle remonta la corde, qu’elle
enfouit sous une pile de linge, dans la table de chevet. Elle retira ses
habits, roula son pantalon boueux et sa tunique en une boule qu’elle
fourra sous le lit. Puis elle cacha sa dague sous l’oreiller.
Dans une commode, elle dénicha une chemise de nuit bleue
qu’elle enfila en se délectant de la sensation de la soie contre sa
peau. Le vêtement lui était un peu large à la taille et les bretelles
trop lâches sur ses épaules étroites, mais il était propre et d’une
douceur somptueuse.
Wren eut un sourire satisfait. À la prochaine pleine lune, dans un
mois, ce serait toute la somptuosité du monde qu’elle posséderait.
Elle n’avait plus qu’à patienter, sans se faire prendre, jusqu’à son dix-
huitième anniversaire : jour tant attendu du couronnement de Rose.
Ensuite, elle serait reine, l’unique souveraine de la nation insulaire
d’Eana. Libre de l’anéantir pour la reconstruire exactement comme
elle le désirait.
Exactement comme elle était autrefois.
Quand elle serait reine, elle pourrait enfin punir l’Inspirateur,
l’homme dont la dévotion fanatique au Protecteur avait entraîné le
meurtre de ses parents, dix-huit ans plus tôt. Rien que la vue de
Willem Rathborne dans la roseraie lui avait démangé les doigts. Mais
elle avait appris la patience. D’abord la couronne, et ensuite… la
vengeance.
Elle s’installa devant la coiffeuse de Rose pour passer en revue les
innombrables flacons d’huiles et pots de crèmes aux odeurs
entêtantes. Tant de parfums pour une seule princesse ! Elle défit sa
natte dans le miroir. Ses yeux émeraude brillaient dans la pénombre.
Elle avait les lèvres gercées, le désert lui avait offert des taches de
rousseur supplémentaires et ses cheveux étaient de vraies
broussailles.
– Hmm, murmura-t-elle. Pas très princesse, tout ça.
Elle récupéra une pincée de sable dans son pochon, ferma les
yeux et visualisa Rose. Puis, levant le bras, elle prononça un
sortilège dans le silence.
– Terre et poussière, avec grâce et élégance, de ma sœur aidez-
moi à prendre l’apparence.
Le sable disparut avant d’avoir touché le sommet de sa tête. La
légèreté de plume de sa magie, le doux picotement sous sa peau,
réjouirent Wren. Elle vit ses joues briller et sa peau bronzée par le
soleil troquer ses taches de rousseur pour un éclat rose pâle. Ses
cheveux s’épaissirent, s’assombrirent et poussèrent en cascade
jusqu’à sa taille.
Elle adressa un sourire narquois au miroir.
– Bonjour, Princesse.
Après avoir inspecté ses mains, elle décida de conserver leurs
callosités. Elles lui rappelaient les falaises battues par les vents
d’Ortha, et les sorcières perchées sur ses crêtes, qui attendaient un
monde nouveau.
Le monde que sa grand-mère leur avait promis. Comme invoquée
par la pensée de Banba, une violente bourrasque s’engouffra dans la
chambre et renversa un flacon de parfum. Wren poussa un cri de
surprise.
On toqua fermement à la porte, puis la voix rauque du garde
retentit :
– Tout va bien, Princesse Rose ?
Wren étouffa un juron.
– Tout va parfaitement bien, merci, répondit-elle en priant pour
que sa voix ressemble à celle de sa sœur. Ce fichu vent ! Je prenais
juste un peu l’air.
Elle s’empressa de claquer la fenêtre, les yeux sur la poignée de la
porte. Silence. Suivi d’une lente sensation de soulagement. Wren
s’adossa contre le carreau.
– Je peux le faire, se persuada-t-elle. Je suis née pour cette
mission.
Elle avait consacré sa vie entière à se préparer à l’échange. Sous
la conduite vigilante de sa grand-mère, elle avait affûté sa magie sur
les plages d’Ortha, jusqu’à être capable de décocher les
enchantements comme des flèches. Elle avait passé de longues
heures avec Shen à pratiquer rapidité, discrétion et défense, à
apprendre à sentir quand frapper et quand s’abstenir. Thea, l’épouse
de Banba, lui avait enseigné l’étiquette de la cour. Wren n’avait rien
d’une princesse, néanmoins elle savait désormais se comporter
comme telle. Comment se taire, châtier son langage, sourire avec
pudeur et sautiller gaiement, comme si elle n’avait pas le moindre
souci au monde.
Après tout, ça ne devait pas être si difficile de jouer le rôle d’une
fille qui ne connaissait rien de la vie en dehors des murs de ce
palais.
Wren se jeta sur le lit la tête la première. Étalée telle une étoile de
mer, elle s’enterra entre les oreillers dans la chaleur que sa sœur
avait laissée derrière elle. Sans la perspective du succès de l’échange
qui l’emplissait de joie, elle se serait sûrement sentie mal à l’aise.
Pourvu que Shen ait pu sortir sans encombre, que l’esprit d’Ortha
L’Astrée le guide sain et sauf jusqu’au refuge à flanc de falaise que
les sorcières avaient nommé en l’honneur de la dernière souveraine.
Wren roula sur le côté et passa la main sous l’oreiller pour toucher
la dague froide, un réconfort dans cet endroit inconnu. Rassurée de
l’avoir à sa portée, elle ne tarda pas à sombrer dans le sommeil,
laissant toutes les pensées de son foyer derrière elle.
Demain matin, elle serait Rose Valhart, héritière du trône d’Eana.
Douce, pure et dangereuse.
Chapitre 4
Rose n’avait jamais entendu le bruit des Sables Sans Repos. Elle
n’était jamais sortie de la ville d’Eshlinn. Lors des rares occasions où
elle avait pu s’aventurer au-delà des grilles dorées du palais
d’Anadawn, elle avait toujours été accompagnée d’un chaperon, ainsi
que d’un escadron de gardes.
Cela n’empêchait pas la princesse de rêver régulièrement des
régions d’Eana qu’elle n’avait jamais visitées. Je suis Eana ; Eana,
c’est moi, se murmurait-elle avant de se coucher, toutes ses pensées
tournées vers les terres lointaines de son royaume. La nuit, elle se
voyait fouler les plages de sable blanc de la baie de Wishbone,
galoper dans les plaines verdoyantes d’Errinwilde ou encore explorer
les marchés animés du Sud, avec leurs étals regorgeant de toutes
sortes de viandes exquises et d’épices aux couleurs vives. Rose
rêvait aussi du vaste désert du Ganyève, et du soleil qui flottait
comme une pièce d’or au-dessus des dunes. Toutefois, les
légendaires murmures de son sable ne lui avaient jamais paru aussi
nets.
Dans son rêve, ils l’appelaient et semblaient tout faire pour la
réveiller.
Quand elle ouvrit les yeux, au lieu des murs blancs de sa chambre
à coucher, elle découvrit le soleil d’ambre qui se levait sur le
Ganyève, et entendit le chant du sable dans ses oreilles.
D’autres constatations l’assaillirent au même moment : elle avait
les lèvres et la gorge sèches, du sable dans la bouche et partout sur
le visage. Elle cligna furieusement des yeux. Elle devait encore être
en train de rêver. Sinon, comment expliquer ce réveil au milieu du
désert, à moitié avachie sur un cheval…
Un cheval ?
Son cœur se mit à palpiter aussi vite que les sabots qui foulaient
le sol.
Rose se tendit d’un coup, prenant conscience d’un autre détail.
Elle n’était pas seule.
Un torse solide qui se soulevait au rythme d’une respiration
tranquille lui servait de dossier. Un bras, jeté autour de sa taille, la
maintenait en place. Elle dut faire appel à toute sa maîtrise pour
rester calme et respirer posément jusqu’à ralentir les battements de
son cœur.
Ne panique pas. Si elle perdait le contrôle maintenant, c’en était
fini d’elle. Elle bougea discrètement les doigts. Bien, ses mains
n’étaient pas attachées. Un coup d’œil à ses jambes : pas de corde
non plus. Son ravisseur l’avait manifestement sous-estimée. Il n’allait
pas en revenir. Elle jeta des regards furtifs aux alentours,
réfléchissant à toute vitesse. Le cheval galopait à bonne allure, mais
le sable promettait une chute douce. Sans compter l’avantage de la
surprise. Mieux valait agir maintenant, avant que la peur prenne le
dessus.
Rassemble ton courage. C’est ton unique arme.
Avec un hurlement, Rose donna un grand coup de coude en
arrière et sauta du cheval.
Au moment où ses pieds touchèrent le sable, elle se rendit compte
qu’elle n’avait aucun plan pour la suite. Par-dessus le marché, elle
n’avait pas prévu que le sable du désert serait aussi bouillant. Ni
qu’elle serait pieds nus. Et en chemise de nuit.
– Par tous les astres ! jura-t-elle en sautillant d’un pied sur l’autre.
– C’était curieusement impressionnant, dit une voix au-dessus
d’elle.
Rose fit volte-face vers son ravisseur. Tout vêtu de noir, juché sur
ce magnifique cheval, il faisait son effet. Le soleil levant formait un
halo autour de son visage, et, bien qu’elle ne puisse discerner ses
traits, elle ne doutait pas que c’était un genre de bandit.
Ne panique pas, s’intima-t-elle une fois de plus, malgré les
grondements de son cœur. Par le passé, quand il était arrivé à Rose
d’imaginer la possibilité de son propre rapt, elle portait toujours les
robes les plus exquises. Pas sa deuxième chemise de nuit préférée et
la cape rêche et à l’odeur fétide de quelqu’un d’autre. Et jamais elle
n’avait envisagé autant de sable.
Quoi qu’il en soit, elle devait prendre le contrôle de la situation, et
vite. Après tout, elle était la princesse, placée sous l’aile du grand et
noble Protecteur. Rien ne pouvait lui arriver. Elle se répéta ce mantra
en redressant le dos, la peur au ventre.
– J’ignore qui vous êtes mais je vous ordonne de me ramener au
palais dans l’instant.
Le bandit la toisa, sans réaction. Le cheval s’agita un peu. Une
goutte de sueur dégoulina sur l’arête du nez de Rose. Elle grimaça.
Les princesses ne transpiraient pas. Cela dit, les princesses ne
sautaient que très rarement d’un pied sur l’autre avec l’air de danser
une gigue paysanne particulièrement maladroite.
– Immédiatement ! Ramenez-moi immédiatement ! répéta-t-elle.
C’est un ordre !
– Bon sang, marmonna le bandit.
Il descendit de sa monture d’un mouvement souple et avança vers
elle.
– N’approchez pas ! N’approchez pas, je vous l’ordonne !
Elle ramassa une poignée de sable.
Le bandit passa une main dans ses cheveux avec un soupir. Rose
distingua enfin son visage. Des yeux sombres, des pommettes
hautes, et un menton taillé dans la pierre. Il avait le teint doré par le
soleil et des cheveux noirs et longs retenus par un bandeau de cuir.
Il était plus jeune qu’elle ne l’avait cru au premier abord. À peu près
son âge.
Cette nouvelle information lui donna un regain de confiance. Elle
pouvait lui régler son compte.
Elle lui jeta la poignée de sable.
– Je vous donne une dernière chance. Agenouillez-vous devant
votre princesse. Et livrez-moi votre monture, que je puisse rentrer
chez moi. Si vous le faites, je m’assurerai que votre sentence soit
allégée.
Le bandit continuait de la fixer sans rien dire. Quelle impudence !
La colère qui l’envahit surpassa la peur. Elle refusait de penser à ce
qu’elle ferait s’il n’obtempérait pas.
Elle se racla la gorge.
– Et aussi… je vais avoir besoin qu’on m’indique la bonne
direction.
Le misérable eut l’audace de rire. Elle était la princesse Rose
Valhart et, dans une lune, elle serait couronnée reine d’Eana.
Personne ne se moquait d’elle.
Pourtant le brigand continuait de rire.
– Vous jouez avec votre vie, lui lança-t-elle.
– Princesse, déclara-t-il avec complaisance. Je peux m’agenouiller
si ça te fait plaisir. Mais tu ne prendras pas mon cheval. Tout comme
moi, Tonnerre est sauvage et appartient au désert. (Son sourire
révéla une fossette.)Tu ne pourrais rien en tirer.
Les joues de Rose s’empourprèrent.
– Comment osez-vous ! Je suis une excellente cavalière.
– J’admets que cette descente était plutôt réussie.
Rose songea à lui jeter une nouvelle poignée de sable mais se
ravisa. Ça ne servait à rien malheureusement, surtout dans la
mesure où elle n’avait aucune autre arme à portée de main.
– Je vous jure, par le Grand Protecteur, qu’à chaque minute que
vous me faites perdre, votre châtiment se durcit.
Elle rejeta ses cheveux en arrière en haussant le ton afin de
dissimuler le chevrotement dans sa voix.
– Et je vous ordonne de décliner votre identité !
Le bandit se frotta le menton en faisant semblant de réfléchir.
– Vous ramener au palais contrecarrerait complètement mon
projet initial, qui était de vous enlever du palais, donc je vous
propose un compromis. Mon nom.
Il s’inclina avec vigueur, si bas que son front toucha presque le
sable.
– Je m’appelle Shen Lo.
– Pourquoi m’as-tu enlevée, Shen Lo ? Pour l’or ? Je peux te
donner de l’or.
Elle avait conscience de valoir plus d’or que n’importe qui d’autre
dans ce pays. Beaucoup plus. Après tout, elle représentait l’avenir
d’Eana. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’on la surveillait jour et
nuit. Même si manifestement cela n’avait pas suffi, songea-t-elle
amèrement. Voilà qu’elle se retrouvait seule au milieu du désert,
avec pour unique gardien l’œil du Protecteur.
Si elle devait racheter sa liberté, elle le ferait ici, et maintenant.
Avant que ce sombre individu l’entraîne plus loin dans la chaleur
écrasante du Ganyève.
– Alors, ravisseur ? Quel est ton prix ?
Il se redressa en soupirant.
– Je ne veux pas de ton argent, Princesse. Et je n’aime pas être
qualifié de « ravisseur ». Je me vois plutôt comme un complice.
Shen, l’intermédiaire. Ma mission est de t’emmener du point A au
point B.
Rose lutta contre la panique qu’elle sentait monter en elle. Elle ne
pourrait pas s’en tirer avec une poignée de pièces d’or. Elle n’avait
rien à échanger contre sa liberté. Ne montre pas ta peur.
– Et où se trouve le point B, je te prie ?
– Je te le dirai quand nous y serons.
– Pour qui travailles-tu ?
– Nous avons une longue route à faire, il faut avancer le plus
possible avant midi, poursuivit-il en ignorant sa question. Mieux vaut
éviter le désert quand le soleil est au zénith. Il y fait trop chaud,
même pour moi. Et tu commences déjà à flétrir.
– Je ne flétris pas.
– Quoi qu’il en soit, il faut atteindre les Cavernes Dorées à la mi-
journée.
– L’Inspirateur royal me retrouvera, menaça-t-elle. J’ai une armée
entière dédiée à ma protection.
– Ils n’ont pas l’air très au point, rétorqua Shen. Sincèrement, je
m’attendais à un plus gros défi.
– Quand ils m’auront retrouvée – et ils vont me retrouver – ils te
tueront sans sommation. Il vaut mieux pour toi que tu te rendes
immédiatement. L’Inspirateur se montrera peut-être clément.
Shen cracha par terre.
– Cette vermine peut garder sa clémence. Nous n’en aurons
aucune pour lui.
– Surveille ton langage, scélérat ! C’est de ton Inspirateur que tu
parles ! S’il t’entendait, il t’arracherait la langue. Et, comme il est
aussi ce que j’ai de plus proche d’un père, il te ferait couper la tête
d’abord, pour avoir osé m’enlever.
– D’après moi, c’est plus un geôlier qu’autre chose. N’est-ce pas
lui qui contrôle tes moindres faits et gestes ? Tu devrais me
remercier de t’avoir sortie de cette tour, Princesse.
La colère reprit une fois de plus le dessus. La transpiration lui
dégoulinait sur la tempe. Elle avait de plus en plus de mal à
conserver son sang-froid par cette chaleur.
– Tu ne sais pas de quoi tu parles, bandit. Et tu n’as pas la
moindre idée des tourments qui te guettent si tu persistes à
poursuivre ton macabre dessein !
Un éclat passa dans les yeux de Shen.
– Je suis surpris que toi, tu connaisses le mot « tourment ».
Ils se regardèrent un instant en chiens de faïence. Puis il soupira.
– Bon, j’adore me disputer avec toi, cependant j’étais sérieux à
propos du zénith. Tonnerre est rapide, mais pas à ce point. Remonte
sur le cheval, maintenant.
– Non.
Il leva la tête vers le ciel.
– « Elle dormira pendant tout le trajet, Shen. » C’est ça, oui,
maugréa-t-il. Ça les arrange bien qu’elle se réveille plus tôt que
prévu et que je sois tout seul pour m’occuper d’elle. (Il lui tourna le
dos et parla par-dessus son épaule.) Ne m’oblige pas à te courir
après. Ça ne sera drôle pour aucun de nous deux.
– Mes gardes vont venir me chercher. Je ne bougerai pas d’ici.
– Personne ne va venir. Ça, je te le garantis.
Son aplomb prit Rose de court.
– Tu mens.
– Remonte à cheval, Princesse.
– Regarde ! Là ! s’exclama-t-elle en pointant le doigt par-dessus
l’épaule de Shen. C’est le capitaine de ma garde !
Elle se mit à gesticuler.
Shen se retourna et proféra un juron en constatant qu’il s’était fait
duper.
– Je n’arrive pas à le croire…
Mais Rose dévalait déjà la dune en chemise de nuit. Elle n’avait
aucun plan. Assurément, sa garde devait être toute proche à
présent. Ils n’avaient pas pu s’enfoncer si loin que cela dans le
désert… si ? Le bandit pouvait bien raconter ce qu’il voulait, le palais
se lancerait à sa recherche. Ses soldats passeraient Eana au peigne
fin avec des chiens renifleurs s’il le fallait. Il lui suffisait de faire
diversion assez longtemps pour leur donner le temps de la rejoindre.
– Rose ! Arrête-toi !
Shen la poursuivait à pied, sous l’œil perplexe de son cheval
perché au sommet de la dune.
Elle continua sa course, ses pieds s’enlisant un peu plus à chaque
pas dans le sable. Elle prenait de la vitesse… bien plus qu’elle ne
l’avait prévu… et, alors que la pente devenait plus raide, elle perdit
l’équilibre.
Elle atterrit la tête dans le sable.
Un grognement disgracieux lui échappa.
– Lève-toi ! cria Shen. Vite !
Avec autant de dignité que possible, Rose leva la tête et cracha du
sable.
– Debout !
Shen courait en hurlant comme un fou dans la dune.
Rose persista à l’ignorer. Elle n’avait pas d’ordres à recevoir d’un
sale bandit de grand chemin doublé d’un kidnappeur de princesses.
Elle ferait ce qu’elle voudrait. Elle se releva lentement sur des
jambes couvertes de sable et tremblantes. Elles tremblaient
extrêmement fort.
En essayant de se stabiliser, elle s’aperçut avec horreur que le
problème ne venait pas de ses genoux : la dune entière tremblait.
– Le sable bouge !
– Ce n’est pas le sable ! C’est un scaraphage !
Rose hurla quand le sol se souleva autour d’elle. D’énormes pinces
noires acérées percèrent la dune dans une explosion de sable,
suivies par le reste de la créature. Elle était gigantesque, dotée
d’une solide carapace ébène et d’une douzaine de pattes grêles,
disproportionnées par rapport à ses terribles pinces luisantes.
Rose tituba en arrière.
Dans son dos, le bandit se déplaçait comme une ombre, à une
vitesse à peine croyable. Il s’éleva dans les airs en attrapant un
poignard dans sa botte, sauta au-dessus d’elle et atterrit juste
devant l’insecte géant.
– Je t’avais dit de te lever ! lança-t-il par-dessus son épaule. Les
scaraphages de sang entendent les battements de ton cœur. Ils
sentent ta transpiration et…
Le scaraphage attaqua. Shen esquiva la pince d’un bond et
retomba sur la tête de la bête, sous le regard ébahi de Rose. D’un
coup net et précis, il planta son arme dans la partie tendre entre les
deux yeux. Le hurlement strident du scaraphage fendit l’air. Il se
débattait furieusement en tentant d’atteindre Shen.
– Attention ! cria Rose.
Trop tard. Une pince toucha la jambe du bandit, qui fit la grimace
en voyant le sang gicler, mais il tint bon et enfonça son poignard
plus profondément dans la tête du monstre, jusqu’à ce que celui-ci
s’écroule enfin dans le sable.
Rose manqua de s’évanouir.
– Il est mort, souffla-t-elle. Tu l’as tué.
Shen glissa du scaraphage jusqu’à terre. Dans la bataille, sa
chaîne en or s’était échappée de sa chemise. Rose remarqua
l’anneau attaché au bout avant qu’il la range à la hâte sous son col.
Il resta un long moment à reprendre son souffle, puis il essuya sa
dague sur le revers de son vêtement et la glissa dans sa botte. Il se
tourna vers Rose.
– Est-ce que ça va ?
– Ça… ça va.
Cette fois, elle ne put camoufler sa détresse. Elle avait toujours
pris les scaraphages de sang pour des monstres mythiques, pas des
véritables créatures capables de la tuer. Quelles autres abominations
recelait encore ce désert ?
– Et toi… tu vas bien ?
– Ça va.
Elle posa les yeux sur la plaie béante de sa jambe.
– Ça va, insista-t-il. Il faut s’éloigner d’ici. D’autres pourraient
arriver, et des choses qui mangent ces choses vont flairer cette
charogne. Crois-moi, Princesse, mieux vaut ne pas avoir affaire à
une créature capable de dévorer un scaraphage.
Rose déglutit.
– Cette bête m’aurait tuée.
– Sans problème.
– Tu m’as sauvé la vie.
Shen émit un rire rauque.
– Pas de conclusions hâtives. J’aurais de sacrés ennuis si je laissais
un scaraphage s’en prendre à toi. Ou n’importe quoi d’autre,
d’ailleurs.
Il porta deux doigts à sa bouche pour siffler et Tonnerre arriva au
galop sur la dune.
– Écoute, Princesse, même si le palais envoyait quelqu’un à ta
recherche, aucun cheval d’Eshlinn ne serait aussi rapide que
Tonnerre. Ils ne nous rattraperaient jamais. Au cas où tu n’aurais pas
remarqué, nous sommes au milieu du désert.
Rose jeta des regards aux alentours, à la recherche de formes à
l’horizon.
– C’est impossible. Personne ne traverse le désert.
Le Ganyève s’enroulait sur lui-même au milieu de l’île d’Eana,
aussi dangereux et mortel qu’une morsure de vipère. L’unique
moyen de le traverser, en un seul morceau du moins, était
d’emprunter la poussiéreuse route de Kerrcal qui serpentait à sa
périphérie et reliait les petites villes du désert entre elles, jusqu’aux
villages de pêcheurs de la côte. Aucun Eanan sain d’esprit n’aurait
songé un instant à couper à travers. C’était la porte ouverte à la
folie, ou à la mort. Souvent aux deux.
Et pourtant… aussi loin que son regard se portait, Rose ne voyait
rien. Où était l’imposant clocher de Gallanth, le village du levant à
l’est ? Et la célèbre ville rouge de Dearg ? On n’apercevait même pas
l’ombre des montagnes Mishnick. Tous ces lieux qu’elle n’avait
jamais vus mais qu’elle avait gravés dans sa mémoire en étudiant les
cartes de son pays. Des endroits qui lui appartenaient. Qu’elle s’était
promis de visiter un jour. Quand elle serait reine.
Il n’y avait que le soleil, le ciel et le sable.
Et le sourire narquois de Shen Lo.
– Je suis né dans ce désert, je l’ai parcouru de nombreuses fois,
Princesse. Je le connais comme ma poche.
Rose considéra le bandit sous un nouveau jour. On lui avait
toujours dit qu’il était impossible de traverser le désert, et pourtant,
voilà que cet insupportable garçon, à peine plus âgé qu’elle, se
vantait de l’avoir fait. Plusieurs fois. Pis encore, il prétendait le faire
en ce moment même. Avec elle.
Sa surprise céda à la méfiance.
– Que veux-tu de moi, Shen Lo ?
Il la regarda droit dans les yeux, avec une effronterie que
personne encore n’avait jamais osée devant elle.
– Rien.
– Je ne comprends pas…
– Tu n’as qu’une seule chose à comprendre : j’ai promis de ne pas
te faire de mal. Peux-tu essayer de me faire confiance ?
Elle déglutit avec difficulté, maudissant son corps qui continuait de
trembler sans relâche. Si elle ne le suivait pas, elle mourrait dans ce
désert. Et, si elle mourait, elle ne pourrait pas s’échapper.
– Très bien. Mais seulement pour l’instant.
– Ça suffira.
Shen s’agenouilla dans le sable afin de lui faire la courte échelle.
Elle passa devant lui tranquillement.
– Oh, je t’en prie. Je sais comment monter sur un cheval, déclara-
t-elle, joignant le geste à la parole.
Elle s’installa correctement et se pencha pour caresser Tonnerre
entre les oreilles.
Shen sauta derrière elle.
– C’est plus facile quand on s’entend, non ?
Son souffle lui chatouilla la nuque. Elle se raidit et, à cet instant,
se fit une promesse. Elle allait survivre à cet enlèvement, et, quand
elle aurait retrouvé son trône, quand elle aurait retrouvé le pouvoir,
ce bandit répondrait de ses crimes.
Shen passa les bras autour de sa taille.
– Accroche-toi, Princesse.
Ils s’élancèrent au grand galop à travers les Sables Sans Repos.
Chapitre 5
Wren fut réveillée par des coups à la porte, bien après le lever du
soleil. Elle se redressa d’un bloc dans le lit en essuyant la bave sur
son menton. En temps normal, elle aurait été tirée du sommeil dès
l’aube par les cris des mouettes à travers les murs grinçants de sa
maison et les enfants d’Ortha venus toquer à sa porte pour
l’entraîner dans quelque aventure. Mais rien ne semblait perturber le
silence dans le ciel d’Anadawn, et elle avait fait la grasse matinée.
Carpe moisie !
Elle sauta du lit dans la lumière sirupeuse du soleil et jeta un coup
d’œil au miroir afin de s’assurer que l’enchantement de la veille avait
bien tenu le coup. Une femme au visage rond, avec des boucles
grisonnantes et des yeux bleus scintillants entra dans la chambre en
poussant la porte d’un coup de fesse. Elle portait un gros broc de
cuivre.
– Bonjour, Princesse Rose. Ça ne vous ressemble pas de dormir si
tard. Vous deviez faire de beaux rêves !
Que le spectacle commence.
Wren rejeta ses cheveux en arrière et s’éclaircit la voix.
– Oh, un rêve des plus plaisants, roucoula-t-elle. Je chevauchais
un cheval sauvage à travers les Sables Sans Repos !
Devant le regard ahuri de la vieille femme, le cœur de Wren
s’arrêta de battre. Pendant ce qui lui sembla une éternité, son sort
resta suspendu en équilibre, sur le fil d’un couteau, jusqu’à ce que la
servante rejette la tête en arrière dans un éclat de rire sifflant.
– Oh, miséricorde ! Ça ressemble plus à un cauchemar. Le soleil
m’aurait cuite à l’étouffée !
Elle continua de ricaner en s’affairant dans la chambre, puis
disparut par une étroite ouverture voûtée dans la salle de bains
attenante.
– Je prépare votre bain tout de suite, ma chère.
Envahie par un sentiment de triomphe, Wren gloussa comme une
vraie princesse insouciante.
– C’est fantastique. Merci…
Elle s’interrompit. Son nom. Comment s’appelait-elle ? Elle l’avait
sur le bout de la langue, mais le sommeil embrumait encore son
esprit. Réfléchis ! Elle les avait tous appris par cœur avant d’arriver
ici, les noms et les descriptions physiques de l’entourage de Rose, de
tous ceux qu’elle devrait duper jusqu’au couronnement. Elle les
récitait à sa grand-mère cinq fois par jour. Parfois plus. Céleste ?
Non. Cam ? Ça, c’est le cuisinier. Ah ! C’est…
– AGNÈS !
Agnès passa la tête dans la chambre.
– Que se passe-t-il, Princesse ? Encore une araignée aquatique ?
demanda-t-elle en scrutant frénétiquement le sol. Un cafard ? Je vais
faire appeler Emory.
Wren toussota.
– Je… oh, non. Non, tout va bien. Je vous remerciais, c’est tout.
Et je n’ai vraiment pas besoin qu’un homme vienne me sauver
d’une petite bestiole inoffensive.
Vu son expression, Agnès devait penser tout le contraire. Elle
soupira de soulagement et retourna à la salle de bains. Wren en
profita pour cacher sa dague qui dépassait de sous l’oreiller.
Dans sa tête, sa grand-mère la gronda. « Une sorcière imprudente
est une sorcière morte. »
Quand elle était petite, à Ortha, Wren allait nager tous les jours en
compagnie d’une jeune sorcière appelée Lia. Elle aussi était une
enchanteresse. Lia aimait tellement la mer que Wren devait presque
constamment la traîner jusqu’au rivage afin de ne pas être en retard
pour le déjeuner. Un matin, profitant du sommeil de son amie, Lia
s’était servie d’un sort pour se creuser des branchies dans le cou et
se transformer en sirène. Elle était descendue dans les profondeurs
de l’océan et, fascinée de pouvoir nager comme un poisson, elle en
avait oublié de remonter à la surface pour renouveler son sortilège.
Quand le courant avait fini par ramener son corps gonflé d’eau sur le
rivage, Banba l’avait laissé cuire au soleil pendant trois jours et trois
nuits, afin qu’il serve d’avertissement aux autres jeunes sorcières.
« Une sorcière imprudente est une sorcière morte. »
Wren ne l’oublierait jamais.
– Votre bain de mousse, Princesse ! lança Agnès, tout sourire,
depuis le seuil. Je vais vous chercher le petit-déjeuner pendant que
vous faites vos ablutions. Une requête particulière ce matin ?
– Oh… non, comme d’habitude !
Wren attendit qu’Agnès disparaisse pour retirer sa chemise de nuit
et entrer dans la baignoire. Elle grogna de plaisir. L’eau savonneuse,
bien loin du sel irritant de l’océan, était délicieusement chaude. Si
c’était ce qu’elle allait devoir subir tous les matins pour devenir la
princesse Rose, elle n’aurait aucun mal à s’y faire. Une fois les bulles
éclatées et ses doigts fripés, elle enfila un peignoir en soie et
retourna à sa chambre où l’attendait un festin. Elle rit sous cape.
C’était ça que Rose avalait d’habitude au réveil ?
Sa sœur avait bon goût.
Et bon appétit, apparemment.
Il y avait là des bols ouvragés, débordants de myrtilles et de
framboises, de grosses grappes de raisin, et des grenades
succulentes que Wren dévora par poignées. Ensuite, une assiette
d’épaisses tranches de pain de seigle encore tièdes et tartinées de
beurre, accompagnées de marmelade et de miel. Du jus d’orange
fraîchement pressé et, enfin, une tasse d’un café noir si serré que
Wren le sentit passer dans ses veines.
Une fois le petit-déjeuner terminé, prête à exploser, Wren ouvrit la
fenêtre pour faire entrer l’air frais. C’était la fin du printemps et tout
était en fleur dans Eshlinn, où se trouvait le palais blanc d’Anadawn.
Derrière les murailles, les arbres se balançaient nonchalamment
dans le soleil matinal. Dans la cour, sur un drapeau vert émeraude,
un faucon doré déployait ses ailes en vol : le blason d’Eana ondulait
vaillamment.
Des siècles plus tôt, bien avant la naissance de Wren, avant que le
royaume ne soit volé aux sorcières, une femme chevauchait ce
faucon. Mais le blason, comme tant de choses à Eana, avait été
modifié par le Protecteur. Ici, on vénérait encore le premier des
Valhart, la longue lignée de chefs d’État mortels, dont la mission de
se débarrasser des sorcières avait été récemment remise au goût du
jour par le sournois Inspirateur royal, Willem Rathborne. Un homme
dont les jours étaient à présent comptés.
Mais Wren avait des préoccupations plus pressantes.
Elle s’assit à la coiffeuse pour renouveler son enchantement. Une
pincée de sable d’Ortha et quelques mots bien choisis lui
assureraient l’apparence de Rose pour toute la journée. Des cinq
branches de la sorcellerie, seul l’enchantement nécessitait
d’échanger des éléments terrestres contre des sortilèges. C’était un
art complexe, et, en tant qu’enchanteresse, Wren se servait
d’incantations afin de guider sa magie. Elle savait cependant qu’avec
assez de pratique, un jour, elle n’aurait plus besoin de paroles.
Seulement de pensées.
Les guérisseuses, comme Thea, se servaient de leur propre
énergie pour leur art. Les guerrières et les guerriers, comme Shen,
naissaient dotés d’une agilité naturelle et se rechargeaient grâce au
soleil. Les tempêtes, comme Banba, tissaient leurs ouragans à partir
d’un brin de vent, et une simple étincelle d’éclair leur permettait de
déchaîner la foudre. Quant aux clairvoyantes, elles se tournaient vers
le ciel nocturne pour obtenir leurs visions : les nuées d’astrées
dessinaient les motifs de l’avenir dans l’espace immense. Cela dit, ce
dernier don était si rare que Wren n’avait jamais rencontré de
clairvoyante en personne.
Wren, qui possédait le don des enchanteurs, avait passé toute son
enfance à rêver d’être une tempête comme sa grand-mère. Avec le
temps, elle avait appris à maîtriser du mieux qu’elle le pouvait son
art. À l’accepter, comme une part de son identité, mais aussi une
part de ses origines.
Après tout, sa mère était une enchanteresse. Wren avait grandi
avec les histoires de Lillith Greenrock, modeste jardinière du palais
qui s’était un jour aventurée dans la roseraie du roi, et très
rapidement dans son cœur. Et, même si sa mère était morte à cause
de ce qu’elle était dans cet horrible endroit froid et hostile, savoir
qu’elle avait en elle le même don, qu’elle possédait de la magie,
réconfortait toujours Wren.
La princesse Rose, d’un autre côté, n’avait rien d’une sorcière. Elle
n’avait hérité de Lillith que ses yeux verts et son tempérament doux.
Ou du moins c’était comme cela que Wren s’était toujours imaginé
sa sœur. Comment pouvait-il en être autrement, puisqu’elle avait
grandi choyée, tout en haut de sa précieuse tour ? Avec des
servantes pour lui donner le bain et des valets pour la débarrasser
des araignées ! Wren, au contraire, n’avait rien de doux en elle. Elle
était un ouragan ourdi par Banba, et, quand la couronne d’Eana
serait enfin sur sa tête, elle bannirait le souvenir de cet infâme
Protecteur et tous ceux qui le vénéraient.
Attentive à l’heure qui avançait, elle traversa la pièce pour
inspecter l’armoire de sa sœur. Quand on vivait au bord des Falaises
Sifflantes, les robes se révélaient au mieux incommodes, au pire de
véritables pièges mortels, mais maintenant… en passant en revue les
toilettes les plus élégantes de tout le royaume, Wren ressentait
l’euphorie étourdissante d’une enfant jouant à se déguiser.
Elle choisit une robe de soie couleur bleuet avec un bustier
délicatement brodé de fleurs blanches, juste à temps pour le retour
d’Agnès. La vieille femme de chambre bavarda tout en l’aidant à
s’habiller. Wren découvrit avec stupeur que sa sœur entretenait une
relation véritablement bienveillante avec sa servante. Toutefois elle
ne parvint pas à se concentrer sur la conversation tant elle avait du
mal à respirer à mesure que les lacets lui enserraient la taille. Sa
sœur se soumettait-elle à cet enfer tous les jours ? Quand elle serait
reine, il lui faudrait présenter aux gentes dames éprouvées d’Eana la
joie simple du pantalon.
À la seconde où Agnès quitta la pièce, Wren coinça sa dague dans
son bustier, au cas où, avant de se parer de bijoux. Rose possédait
suffisamment de bracelets pour financer l’envoi d’une flotte complète
de navires vers le continent Sud, et faire planter un second verger
avec le reste. C’était absurde ! Si elle avait tenté de porter le
moindre de ces joyaux à Ortha, Wren se serait immédiatement fait
emporter par une pie voleuse.
Soudain, elle aperçut une couronne d’or majestueuse, qu’elle
n’avait pas remarquée jusque-là. Posée sur un socle dans une boîte
en verre, elle était rangée tout en haut de l’armoire de Rose. C’était
un objet prodigieux, très lourd, brillant de mille feux, ornementé de
motifs compliqués et incrusté d’émeraudes. Vert et or : les couleurs
d’Eana.
Wren l’essaya en souriant à son reflet dans le miroir. Son corps
entier scintillait, comme éclairé de l’intérieur par une étoile.
– Je suis vraiment le joyau de mon royaume, s’extasia-t-elle.
Elle tournoya dans sa robe.
Frou-frou.
– Le cœur battant d’Eana.
Frou-frou.
– Et je porterai ce que je voudrai.
Frou-frou.
– Car c’est ce que font toutes les jolies petites princesses.
– Mais enfin, Princesse Rose ! Au nom du grand et noble
Protecteur, que faites-vous ?
Wren se figea. Le visage infect de Rathborne lui traversa l’esprit,
mais… Non. Ce n’était pas lui. Dans le miroir, elle distingua un petit
homme renfrogné, posté derrière elle. Il arborait une redingote
bordeaux qui amincissait sa silhouette déjà frêle, et une masse de
cheveux noirs assortie à sa moustache soigneusement peignée. Le
visage figé d’horreur, il serrait un rouleau de parchemin contre sa
poitrine.
Elle le reconnut immédiatement : Chapman. Le diligent intendant
de Willem Rathborne, les yeux et les oreilles du palais.
Wren pivota sur le talon de son soulier.
– Bonjour, Chapman, lança-t-elle gaiement pour dissimuler sa
gêne. Je faisais… un petit inventaire de tous mes nombreux bijoux.
– Rangez cela, voyons ! La couronne royale d’Eana n’est pas un
déguisement !
Wren se pétrifia. Oh, non. Elle portait la couronne royale ! Et
devant l’espion en chef de Rathborne ! Si Banba la voyait dans ce
pétrin, elle la jetterait à la mer en plein ouragan.
Elle la retira si vite de sa tête qu’elle s’arracha une poignée de
cheveux en même temps.
– Je m’assurais seulement qu’elle m’allait, se justifia-t-elle en la
déposant sur la commode. C’est le cas, fort heureusement !
La moustache de Chapman frétilla en signe de désapprobation.
– C’est déjà ce que vous avez dit la dernière fois.
Wren prit la précaution de ne pas afficher sa surprise. Son
estomac se tordit à l’idée que sa sœur s’était tenue au même endroit
pour faire exactement la même chose. Dans un sens, cela donnait
une épaisseur à Rose, or envisager l’existence de sa sœur comme
une personne plutôt que comme un obstacle à son trône déplaisait
beaucoup à Wren.
Elle chassa cette pensée avant que la culpabilité ne se réveille en
se recoiffant dans le miroir.
– Oui, eh bien, deux précautions valent mieux qu’une, n’est-ce
pas, Chapman ?
– Vous devriez revoir l’ordre de vos priorités, bougonna-t-il. Vous
êtes en retard pour votre rendez-vous galant !
– Mon… comment ?
– Par le Protecteur, ne me dites pas que vous avez oublié ! Vous
connaissez pourtant l’attachement de l’Inspirateur à la ponctualité. Il
est déjà midi passé !
– Je suis en retard, répéta lentement Wren. Pour mon rendez-
vous… galant. Oui. Bien sûr.
Elle se retourna vers le miroir en conservant une expression
parfaitement calme. Un rendez-vous galant. Inattendu,
certainement, mais rien d’insurmontable.
– Diantre. Pourquoi le temps m’échappe-t-il comme cela ?
– Peut-être l’avez-vous offensé dans une autre vie, soupira
Chapman. Il est vrai que vous semblez lui courir après constamment.
Oserais-je ajouter que c’est vous qui avez insisté pour fréquenter le
prince.
Chapman récupéra la plume coincée derrière son oreille et la
pointa sur son parchemin.
– Tout est là, dans l’ordre du jour !
Wren déchiffra la ligne qu’il désignait.

Midi – treize heures : Princesse Rose et Prince Ansel se


rencontrent dans les jardins pour le thé.

Par toutes les carpes moisies, qui est le prince Ansel ?


Chapman émit un claquement de langue.
– Il m’arrive de me demander si vous n’auriez pas une passoire en
guise de cervelle. Nous avons repassé votre emploi du temps pas
Another random document with
no related content on Scribd:
The Project Gutenberg eBook of The pearl of patience
This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at
no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the
terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you
are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are
located before using this eBook.

Title: The pearl of patience


Or, Maurice, and Kitty Maynard

Author: Madeline Leslie

Release date: January 6, 2024 [eBook #72640]

Language: English

Original publication: United States: A. F. Graves, 1868

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK THE PEARL OF PATIENCE ***
Transcriber's note: Unusual and inconsistent spelling is as printed.

MRS. LESLIE'S

BIBLE PEARLS.

The Pearl of Patience:


OR,

MAURICE, AND KITTY MAYNARD.

BY MRS. MADELINE LESLIE.

"To them who by patient continuance in well-doing,


seek for glory, and honor, and immortality; eternal life."
ROM. 2:7.

BOSTON:

PUBLISHED BY A. F. GRAVES,

20 CORNHILL.

Entered according to Act of Congress, in the year 1868, by

REV. A. R. BAKER,

In the Clerk's Office of the District Court for the District of


Massachusetts.

PRATT BROTHERS,
Stereotypers and Printers,
37½ CORNHILL, BOSTON.

MRS. LESLIE'S

BIBLE PEARLS.

Series for Boys.

VOL. I. THE PEARL OF LOVE.

VOL. II. THE PEARL OF CHARITY.

VOL. III. THE PEARL OF OBEDIENCE.

VOL. IV. THE PEARL OF PENITENCE.

VOL. V. THE PEARL OF HOPE.

VOL. VI. THE PEARL OF PATIENCE.


MRS. LESLIE'S

BIBLE PEARLS.

Series for Girls.

VOL. I. THE PEARL OF FAITH.

VOL. II. THE PEARL OF DILIGENCE.

VOL. III. THE PEARL OF MEEKNESS.

VOL. IV. THE PEARL OF FORGIVENESS.

VOL. V. THE PEARL OF CONTENTMENT.

VOL. VI. THE PEARL OF PEACE.

To

FRANK RANDALL, RUTH, MAY, RANDOLPH MORGAN,

AND JAMES WALDINGFIELD,

CHILDREN OF

D. F. APPLETON, ESQ., NEW YORK,

THESE "BIBLE PEARLS" ARE AFFECTIONATELY INSCRIBED

BY THE AUTHOR.

CONTENTS.

CHAPTER I. MAURICE'S SPELLING LESSON

CHAPTER II. MAURICE'S TOOTHACHE


CHAPTER III. KITTY MAYNARD

CHAPTER IV. GRANDMA'S SETTING HEN

CHAPTER V. VISIT TO KITTY

CHAPTER VI. KITTY'S STORY

CHAPTER VII. MAURICE LEARNING PATIENCE

CHAPTER VIII. JIMMY BARNARD'S SIN

CHAPTER IX. CONCLUSION

The Pearl of Patience.

CHAPTER I.
MAURICE'S SPELLING LESSON.

"THERE'S the breakfast bell, Maurice."

The little fellow was sitting on the floor, trying to the knot in his shoe, which he had
twitched off in haste the before. He looked up as Nurse spoke, with an impatient scowl.

Presently his mamma came from her room and seeing him still undressed, exclaimed,—

"What, Maurice! Not ready yet?"

"I can't untie my shoe, mamma."

She took up the shoe, glanced at the knot, and smiled as she let it fall again.

"I don't think you've tried, my dear. It isn't a hard knot."

"I did try ever so much; but it wouldn't come out of the tangle."

"Shall I do it for him?" asked Nurse, who had almost spoiled the boy by indulgence.

"No, Hannah. He must learn to be patient in conquering these little difficulties, else how
will he ever get through the great ones, he will certainly meet in life."

"Come, Maurice, I'm quite ashamed that a boy nearly five years old should sit moping on
the floor, when one minute of patient effort would untie your shoe. Nurse, has Cook carried
in the coffee and muffins yet?"

"Oh, mamma! Are there muffins for breakfast?"


"Not for tardy boys, certainly. However, I will allow you five minutes to finish your
dressing; and as Nurse has given you your bath, and curled your hair, you can easily be
ready, if you try."

Maurice caught up his shoe in a hurry, began to twitch and pull; looked as if he was going
to cry, but with a sudden thought bent his whole energies to the work, and laughed aloud
when it was accomplished.

"I'm glad you didn't help me, Hannah," he exclaimed, joyfully. "I can pull knots out now,
just as easy."

"To be sure you can," she answered, giving him a kiss, and hurrying him away to be in
time for his favorite muffins.

A few hours later he sat in his little study-chair, his spelling-book open before him, while
he was gazing at the cat trying to catch her own tail.

"See, mamma!" he exclaimed, laughing. "Isn't puss silly to run round that way?"

"I have nothing to do with kitty now. She is not in my school," replied the lady, with a
smile. "I suppose you can say your lesson very perfectly, as you have time to watch cats."

Maurice blushed and caught up his book.

"F-o-l-l-y, folly," he spelled, in a whisper, then stopped again.

"Mamma, what's the use of learning to spell so many words?"

"Some other time I will explain that," she answered, pleasantly.

"H-o-l-l-y, holly," he went on. "Is that holly that grows on trees?"

"Yes, my dear, it is a small tree or rather shrub."

"I can say my lesson now, mamma." He held out the book.

"Can you spell the word patience?"

"That isn't in my lesson."

"I'm afraid not."

"Why do you say afraid, mamma?"

"Because I want very much that you should learn the meaning of the word; and then
perhaps you would try to practise it. Now spell after me, p-a-t-i-e-n-c-e."

"It's hard to remember," he said, with a blush.

"Now for the meaning, Maurice. This morning it meant, 'try, try again to untie your shoe.'
Now it means 'study over and over your lesson, not allowing yourself to be weary or
diverted from your book, until you have learned it thoroughly.' The Bible speaks of 'patient
continuance in well-doing,' and tells us to 'let patience have her perfect work.'"

"I am sorry to say, Maurice, that you are sadly wanting in patience and—"

"Mamma, I did get out the knot," exclaimed the boy, his cheeks crimsoning.
"Yes, at last you applied yourself to the business; if you had done that at first you would
have prevented the reproof your papa gave you for tardiness, which he so much dislikes."

Without another word, Maurice set himself to his task with a will. Over and over again he
whispered the words, his finger patiently following down the column. Not even when kitty,
tired of her play, came to him with a plaintive "meow," did he turn his eyes from his book.

"Well done, Maurice!" exclaimed his mother, who had been watching him with a smile. "I
may as well get out the memorandum-book, for I'm sure of having to put down the word
perfect this morning."

He stood erect before her, his hands folded behind his back. He had conquered his lesson
and was very happy in the thought that he had conquered himself. It was no matter now,
whether his mamma went straight on with the words, or commenced at the bottom of the
line, or whether she skipped about, he was sure of every syllable.

"It's a pleasure to hear such a lesson as that," said the lady.

"I'm going to be patient all the time, mamma," he cried, jumping up and down. "Now I'm
going to get my geography."

Every lesson that morning was well learned, and the boy who usually dragged away the
whole day at his studies, to his mother's great annoyance, now fairly earned the right to a
long recess.

All in the family, from Cook in the kitchen, to Tom the stable-boy, knew by Maurice's
bright, happy face, that something unusual had happened, and rejoiced with him in his
efforts to learn patience.

CHAPTER II.
MAURICE'S TOOTHACHE.

MRS. SEYTON did not expect that her son would conquer his old habit in a day, nor a
week. She truly rejoiced that he had learned even by one day's experience the pleasure
and reward of "patient continuance in well doing;" and she encouraged him by every
means in her power. Before the close of the week, however, he began to return to his old
habit, repeating over and over again, in querulous tones,—

"It's so hard, mamma, I can't learn it. Mamma, this name isn't on the map."

"Have you looked thoroughly?"

"I think I have; but the print is so fine."

Or he would declare half-a-dozen times,—

"I've learned it, mamma; will you please hear me, and let me go and play?"

When the truth was, that he had not given the lesson one moment of real, patient study.
A few weeks after this, Maurice came to his mamma's chamber in the middle of the night,
crying with the toothache.

The lady, like a kind mother as she was, instantly arose and applied some balsam to the
decayed spot, stuffed in some cotton to keep the air out, took him into her own bed, and
told him to try and go to sleep.

But the child was thoroughly roused, and the pain being somewhat relieved, he wanted to
talk. His papa and mamma were very sleepy. When he found they did not answer he would
cry out again,—

"Oh, my tooth! How it does ache! It's awful bad, mamma!"

"Try to bear it as patiently as you can," urged mamma, softly. "If you keep still, you'll fall
asleep and forget the pain. You know papa has to go to town very early to-morrow."

But Maurice did not feel inclined to bear it patiently. He thought his father and mother and
the whole family ought to be doing something to make him better: if he couldn't sleep, he
thought they ought to keep awake too.

At last, his father, quite worn out with his complaints, went off to another room; his
mother sung a soothing lullaby and toward morning he fell into a sound slumber.

"Come, Maurice," said Mr. Seyton, at breakfast, "I'm going to take you into town with me.
The dentist will soon cure your toothache."

"Oh, papa!" screamed the boy, holding his face with both hands. "Please don't; it doesn't
ache at all, now."

"Let me look at it."

Maurice reluctantly opened his mouth.

"There is a small decayed spot," he said to his wife; "but nothing to make such a fuss
about as he did last night. The dentist will either fill it or take it out."

"Pull it, do you mean, papa? Oh, I can't have it pulled!"

"Hush that, now! You made enough noise last night to have a dozen teeth pulled."

"I wont say another word, papa, if it aches again. I'll stay in bed, and try to go to sleep."

"All very fine, I dare say; but I can't risk being kept awake half the night, and made unfit
for business by the headache; and there's your mamma too, who sang herself hoarse
because you wouldn't put a little patience into exercise; and now her eyes look terribly
inflamed, with the gas burning directly in her face. Come, eat your breakfast quick; I'm in
a hurry."

The boy's plate was piled with fritters; and he was very fond of syrup on them; but his
mamma cautioned him that the sweet might make his tooth ache again.

"I don't believe it will," he exclaimed. "It's all well now."


"Take syrup, if you like," said his father, "but if your teeth aches, don't let us hear a word
of complaint."

He had scarcely taken the first mouthful when he gave a shriek, and ran away from the
table. He had no appetite for any more cakes, and in a few minutes found himself on his
way to town.

CHAPTER III.
KITTY MAYNARD.

ALL that I have about Maurice happened in the spring. Early in the summer he went with
his mamma to the country to spend three months with grandma and grandpa Seyton.

Papa's business kept him in the city, but he came down to F— every Saturday night, and
promised to try hard for a two weeks' vacation in August.

Almost the first question Mrs. Seyton asked was,—

"How is Kitty Maynard?"

"About the same," was grandma's answer. "She has convulsions nearly every day; but
she's the most patient, cheerful creature I ever heard of."

"Who is Kitty Maynard, mamma? And what is the matter with her?"

"I must go and see her to-morrow," remarked the lady, not answering her son. "Indeed I
generally make my first visit there."

"The pieces of silk and velvet you sent, did her a world of good," grandma went on. "I
believe the cushions and knickknacks she's made of them have brought her in near thirty
dollars. Poor thing, you ought to have seen her when I unrolled the bundle and laid 'em
out, one by one. You'd have thought she'd had a present of a mine of gold. She worked
and worked with her poor deformed hands, trying to hold them up and plan what they'd
make, till my heart fairly ached. And all the time not a lisp of complaint or impatience."

"Her happy disposition makes her an object of envy," remarked Maurice's mamma.

"'Tisn't her happy disposition," urged grandpa, coming into the room time enough to hear
the last words. "That is, if you're speaking of Kitty Maynard, though, no doubt, a cheerful,
even temper does help people to go through trouble. She has something better than that
for her support: a spirit of grace in her heart, which enables her to be patient in
tribulation, remembering that all her pains are ordered by One who watches over the
humblest of His creatures with infinite tenderness."

"Mamma, may I go with you?" asked Maurice eagerly, as the lady was tying on her bonnet
the next morning, preparatory to her walk.

"Yes, my dear; and if grandma is willing; we will pick a bouquet of mignonette, roses and
verbenas. Kitty always liked flowers."
"Gather as many as you please, Mary," the old lady said, laughing. "I don't know who has
a better right, as you send all the plants. Yes, Kitty thinks a deal of a bouquet. I've got a
bowl of strawberries too, that Maurice may take if he has a mind."

"What's that in your bundle, mamma?"

"It's a loose gown, made of calico, so that it can be washed. I saw the print in the store
and thought it just the thing for Kitty." She untied the bundle and held the robe up for
inspection.

It was a neat, tasteful pattern of French calico; a tiny rose and bunch of leaves on a drab
ground, trimmed down the front and sleeves with stripes of print to match.

"Just Kitty's style!" said grandma approvingly. "This will be one of her happy days, marked
with a white stone, as she calls it."

But the old lady was mistaken. It was one of Kitty's worst days. Ever since light she had
been in dreadful convulsions, more severe than she had had for months.

Maurice and his mother walked to the side of the bed through the open door; and no one
seemed at leisure to notice them. There lay the poor, deformed girl on a couch in the
centre of the small, neat room, at the foot of which her mother sat weeping, while two
girls, sisters of Kitty, assisted the doctor in keeping her as much as possible from hurting
herself.

Maurice grew so pale at the sight of her terrible suffering, her head and feet sometimes
knocking together, that his mother whispered him to put his bouquet and strawberries on
the table and stay outside till she came.

It was near twenty minutes before she joined him; and then poor Kitty had sunk into a
stupor. Maurice glanced timidly in his mamma's face as, just motioning him to follow, she
started for home. There was an expression on it which he did not understand.

It was true that Mrs. Seyton was deeply affected at the sight she had witnessed. As she
stood there, watching the distorted features, the eyes rolled up in agony, the teeth set,
she asked herself,—

"Could I endure such suffering without a murmur? Could I say with a smile of resignation,
such as I have often seen her wear, 'It is my Heavenly Father, my best-loved, and long-
tried friend who sends the chastisement; and shall I not patiently endure what it is his will
to afflict?'"

CHAPTER IV.
GRANDMA'S SETTING HEN.

"I THOUGHT Kitty Maynard was an old woman, mamma," said Maurice, just before they
reached home.

"Kitty is only nineteen years old," the lady answered. "I remember her, when she was as
healthy and active as you. Sometime I will tell you her story. Now I feel too sad to talk
with you about anything."

"Will she eat the strawberries, mamma?"

"Perhaps so, by and by. Her sister, Hepsey Maynard, told me she was very fond of them,
and that they agreed well with her."

"You have made a long call," remarked grandma, as they entered. "I suppose you waited
to see Kitty dressed in her new gown."

"No, mother, she didn't know me to-day. I just hung it on a hook in the closet and said
nothing about it."

"Is she worse than usual?"

"I have never seen her so dreadfully convulsed. The doctor says she can't endure it long.
He has decided to try the effect of a new method of treatment."

Maurice soon ran out to improve his holiday by visiting his favorite haunts around the
farm. Ponto, the old dog, was sunning himself in front of his comfortable house, and came
lazily forward, blinking his eyes, to meet the little fellow. It was evident, even to the boy,
that his days for frolic and fun were over. After a few loving pats and kind words:

"Poor Ponto! Good fellow!" Maurice ran on toward the barn.

Here he found plenty to amuse him. There were a couple of kids with their anxious mother
bleating because they were out of her sight. Maurice laughed heartily as he watched their
manœuvres. The old goat was tied to a ring in the stall; but the kids, being free to run
where they liked, kept her worrying for their safety by hiding beyond the high enclosure,
or creeping over a huge pile of straw bedding.

The dinner bell rang twice before he heard it. He could scarcely believe the morning had
passed away.

"I do like holidays so much," he exclaimed. "I wish, mamma, you'd let me wait till next
Monday before I begin my lessons."

Mamma shook her head. "Play as much as you please to-day," she answered pleasantly.
"After that, you can decide for yourself whether to linger over your books for six hours or
apply yourself vigorously for three."

"Hasn't he outgrown that habit of dawdling over his lessons?" asked grandpa, looking at
the boy with an arch smile that brought the blushes to his cheek.

"He'll answer for himself to-morrow," replied the lady.

About four o'clock in the afternoon, Mrs. Seyton put on her bonnet again, to go to Mr.
Maynard's cottage, when Maurice ran in, his apron full of eggs.
"Oh, grandma, see what I've found," he cried, "while I was feeding the fowls. There was a
cross old hen setting on 'em, and I had to take a stick and whip her before she'd get off."

"Why, Maurice Seyton, you've spoiled a whole brood of chickens! They'd have been out of
the shell in two or three days. It's a terrible pity you touched 'em."

Maurice feeding Grandma's Fowls.

Grandpa then explained to him the danger of disturbing the mother hen when she was
hatching her young; and he was so much disappointed that he began to cry.

"I never will drive off another hen," he said, winking back his tears. "I do love little mites
of chickens, dearly."

His mother gave him permission to accompany her again to see Kitty, and waited while he
washed his face and changed his sack.

Kitty lay perfectly quiet, now, her poor, deformed fingers outside the white counterpane.
Her transparent skin showed the blue veins in her forehead, but the peace of God was
manifest there also.

"Had I better go in?" whispered Mrs. Seyton to Hepsey at the door.

"Yes, she knows you've been here, and she'd be disappointed not to see you; but she can't
talk much."

Mrs. Seyton walked softly to the bed, followed by Maurice, and bending over the pale
sufferer, kissed her cheek.

It was delightful to see the bright flush of pleasure that for one instant beautified Kitty's
whole face, then she said feebly,—

"Thank you for coming. Is that your son?"


Maurice shyly gave his hand.

"I am sorry to see you so feeble and languid," began the lady.

"I am seldom so weak as to-day. I have had a comfortable winter on the whole, and so
many blessings." These words were uttered with great emphasis, and with a smile.

"God is so merciful," the dear girl went on, "whenever I have worse spasms than usual, he
gives me patience to endure them."

"That I am sure of," was Mrs. Seyton's tearful reply.

"And then he raises up so many friends for me. Sometimes, in the night, I lie and think of
all he has done for me during the past nine years; and I can hardly keep from singing:
'Praise the Lord, O my soul; and forget not all his benefits.'"

CHAPTER V.
VISIT TO KITTY.

MAURICE had stood during the whole interview, his eyes fastened on the sick girl,
fascinated by her sweet smile, and low-spoken words, and at last, when she turned to him
and asked,—

"Are you the kind boy who brought me a dinner of strawberries?"

He blushed with pleasure.

As nothing was said about the dressing-gown, Mrs. Seyton did not allude to it, and, fearing
to fatigue Kitty, soon rose to leave.

"I'm so glad you've come early this year," murmured the invalid. "It'll be so nice to have
you run in every day as you used to."

"She's been counting the days till July," added her sister, eagerly. "She thought you'd be
here by the Fourth."

"I'll come any time to read to you, if Hepsey will let me know when you are able. It is a
favor to me, Kitty, to be with you. We settled that last year, you remember; and Maurice,
I'm sure, will love to run of errands for you."
The little fellow scarcely spoke all the way home. What do you suppose he was thinking of?
Why, he was wondering how much worse Kitty's pain was than his toothache; and whether
she ever had that, and how she learned to bear all her sufferings so patiently. He
wondered, too, whether she had to study and do sums. As she lay in the bed she did not
look much taller than he, and mamma said she was not a woman but a girl.

"If she does have lessons," he said to himself, "I should like to know whether she can spell
better than I can and whether she is always patient in learning them."

Mrs. Seyton noticed that Maurice was very thoughtful, and she hoped the sight of Kitty
might do him great good. She resolved to tell him the poor girl's story that very night, as
she was sure it would add to his interest and sympathy in her sufferings.

His usual bed hour in the summer was eight; but on this day he had played so hard he was
quite ready to accompany his mamma when she called him, soon after supper.

There was a large butternut tree close by the house, so near, indeed, that the branches
touched the windows. In a fork formed by two large boughs, a pair of robins had built their
nest; and they were just warbling their good-night song to their little ones, when Mrs.
Seyton and Maurice approached the window.

For a few moments they stood and listened, and then the lady said,—

"I am going to tell you the story I promised."

"About poor Kitty, mamma?"

"Yes; when I was first married to your father, he brought me here to see his parents. Your
uncle George and aunt Lily lived at home then; but now they have homes and families of
their own, as your father has. About an hour after we came, we walked to the top of the
hill to see the beautiful sunset, and on our way back, a bright, pretty child met us, and
timidly held out to me a bouquet of wild flowers. The act was gracefully done, and I
eagerly asked,—

"Are these pretty flowers for me?"

"The color crimsoned her cheeks as she answered softly,— 'Yes, ma'am.'"

"'A present to the bride, are they, Kitty?' asked your father, gaily. 'Now let me introduce
you, Miss Catherine Maynard, this is my new wife. I shall ask you presently how you like
her looks. Mrs. Seyton, this is Miss Maynard, one of my best friends.'"

"Kitty by this time had lost all her shyness, and laughed merrily."

"'He always is so funny,' she said to me, apologizing for her mirth."

"From this time, Kitty and I understood each other well. She was the third and youngest
daughter of Mrs. Maynard, but so different from the others, it seemed scarcely possible
that she belonged to them. They felt the difference, too, and regarded her with pride as
well as affection.

"When we left F— for our own home, Mrs. Maynard promised to let Kitty come and make
us a visit during the winter, but she never came."

"Why not, mamma?"


CHAPTER VI.
KITTY'S STORY.

THE lady sat for a few moments with her head resting on her hand, looking so very sad
that Maurice dared not interrupt her. She saw his eager face at last, and went on in a
hurried manner.

"Late in the fall, Mrs. Maynard's sister came from the West to make them a visit. She had
a young babe about ten months old, a lovely child, to whom Kitty soon became warmly
attached. The little girl was named Nellie; and they called her playfully, Nellie Bly, like the
little song, you know."

"One evening there was to be a concert. The whole family were anxious to go; but there
was Nellie to be taken care of. At last Kitty urged them to leave the baby with her. She was
ten years old, and though playful as a kitten herself, could be very matronly when she
chose."

"'I'll take such nice care of her,' she urged, 'that she will want you to go every evening. I
promise you, Aunt Martha, that I wont leave her a minute.'"

"This plan was agreed to at last. Little Nellie Bly was fast asleep in the cradle. Kitty sat by
her side knitting a sock for herself; the doors were all fastened except the one from which
were going out."

"'There can't possibly be any danger,' exclaimed Mrs. Maynard."

"As they shut the door, Kitty called after them with a laugh, 'If I grow sleepy, I shall get
my new book and read a little.'"

"That was the last they saw of Kitty in health. No one could explain what happened; but it
was probable that sitting alone for two hours or more, the child grew sleepy, and a spark
snapped out of the stove upon her dress. She woke in a fright to find her clothes in a light
blaze. She screamed for help, and then tried to put out the fire by rolling on the floor. In
the midst of all her fright and pain, she remembered her promise not to leave the baby a
minute, and snatching it up from the cradle, she ran half way down the hill to the next
house, screaming,—"

"'Fire! Fire! Oh, do help me!'"

"Her parents met her here. Her mother took off her own warm shawl, and folding it tightly
about her poor child, quenched the flames. Then her father took her tenderly in his arms,
Martha following with the baby. By the time they reached home, Kitty had fainted.

"There, on the floor, was a magazine, the leaves smouldering away. The cradle-quilt was
more than half burned, and still smoking; but, most fortunately, the flames had not
extended farther."

"Was Nellie Bly burned too, mamma?" asked Maurice.

"One arm and the side of her neck were sadly scorched. She got well in a few weeks, but
died four months later with croup. Kitty was dreadfully burned, her hands especially. She
has never since been able to open her fingers. The first convulsion came on the night after
the sad accident, and she has never been wholly free from them since. That was nearly
nine years ago."

"For a long time the physicians hoped to be able to cure her. Mr. Maynard gave up his
trade, and stayed in the house to help take care of his distressed child. Then they sold off,
piece by piece, their parlor furniture, using the money to pay the doctors' bills, until at last
they became quite poor. The neighbors were all kind, or they must have suffered."

"Her father and mother were almost heart-broken when they were told that Kitty's spasms
were incurable. I suppose the poor girl herself would tell you that she was very rebellious
and wicked when she gradually came to understand their opinion. To those around her she
always seemed thankful for every service, and remarkably patient in enduring her pain."

"She used to cry out when she felt the spasms coming on,—"

"O God, do please help me! Do make me patient! Do, somebody, pray God to make me
better!"

"Did God help her, mamma?"

"Yes, he did. He helped her to become submissive to his holy will,—to look beyond this
world to her home in Heaven, where there is no sorrow nor suffering; and where the tears
are wiped from every eye. He helped her, suffering and feeble as she is, to be the greatest
blessing to the whole family, and to many others beside."

"How could she be that, mamma, when she can't get out of bed?"

"I will tell you, Maurice, how she has been a blessing to me. When I first knew her, I used
sometimes to think I had great trials. Little things often vexed me. I watched Kitty day by
day, bearing her sufferings without a murmur; happy through them all; thanking her
Heavenly Father for every moment that she was free from pain. Do you think I could help
trying to be patient under my trifling annoyances?"

"Does Kitty have the toothache?" asked Maurice.

"I don't know. Her agony is so much worse than toothache, I don't suppose she would
notice it much."
CHAPTER VII.
MAURICE LEARNING PATIENCE.

THE visits of Maurice to the cottage were not always as sad as his first one had been. He
was there when Kitty lay swinging in her hammock, and was delighted to be trusted to pull
the rope softly, since the gentle motion was all she could bear.

He saw her face flush with pleasure as she thanked his mamma for the beautiful dressing-
gown which her sister had found so mysteriously hanging under an old coat in the closet,
and knew no one but dear Mrs. Seyton could have selected a print so exactly to her taste.

He saw her again, raised a little by pillows, her hands busy in forming a thread-case from
the bits of silk and leather sorted so neatly in a basket before her.

He heard her as she sang in a low, sweet voice, her favorite hymn:—

"Whene'er I take my walks abroad.


How many poor I see!
What shall I render to my God,
For all his gifts to me?

"Not more than others I deserve;


Yet God hath given me more;
For I have food while others starve,
Or beg from door to door."

He heard her, too, when, with eyes partly closed and every nerve quivering with pain, she
repeated the sacred words:—

"Be ye also patient; stablish your hearts, for the coming of the Lord
draweth nigh."

"Take my brethren, the prophets, who have spoken in the name of the
Lord, for an example of suffering affliction and of patience. Behold, we
count them happy which endure. Ye have heard of the patience of Job,
and have seen the end of the Lord, that the Lord is very pitiful and of
tender mercy."

"Let patience have her perfect work, that ye may be perfect and entire,
wanting nothing."

Maurice, though a little boy, observed all this, and one evening his mamma was delighted
to hear an addition of this petition to his prayer:—

Vous aimerez peut-être aussi