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Le traitement du risque dans l’analyse économique

CONVENTION NATIONALE CCEF


25 novembre 2010

Jean François PANSARD


Associé Gérant
PANSARD & Associés
Le traitement du risque dans l’analyse économique
Introduction

 Le risque est au cœur de l’activité de la plupart des professionnels

 C’est un domaine dans lequel nous pensions avoir réalisé de réels progrès

 Mais la crise actuelle remet en question nos certitudes

 Ce qui nous oblige à rechercher de nouveaux concepts

 Recommandations pratiques
Le traitement du risque dans l’analyse économique
Le risque est un problème central

 le rôle des professionnels est d’aider leurs clients à prendre des décisions dans un univers risqué

 ils utilisent pour cela des règles empiriques qui se fondent sur des concepts théoriques

 ils doivent donc connaître les limites de leurs outils

 l’un des concepts sous-jacents les plus répandus est le fait que la valeur d’un bien est égale à son
rendement futur actualisé avec un taux qui tient compte du risque

 la risque a donc un prix que les marchés devraient être capables d’évaluer
Le traitement du risque dans l’analyse économique
Nous pensions avoir fait de réels progrès

 Pour connaître l’avenir, les Grecs et les Romains interrogeaient leurs experts

 La théorie des probabilités commence au Moyen Âge avec les assurances

 vers 1650 Pascal améliore nos connaissances en travaillant sur le jeu il découvre son célèbre triangle

 vers 1730 la famille Bernoulli découvre la notion d’utilité : un même gain n’a pas la même valeur pour
différents individus

 vers 1800 Gauss et Laplace découvrent la loi dite normale : la courbe en cloche est arrivée avec sa
moyenne et son écart type . Les évènements extrêmes sont très peu probables et on peut donc les
négliger
Le traitement du risque dans l’analyse économique
Nous pensions avoir fait de réels progrès

Nombre d’événements

Valeurs de l’événement

 Cette loi fonctionne bien dans les sciences physiques : gros succès

 vers 1940 Von Neumann arrive à mesurer l’aversion au risque


Le traitement du risque dans l’analyse économique
Ces progrès dans les probabilités trouvent une application en économie
 1900 : Louis Bachelier le prophète méconnu des marchés efficients
• il applique pour la première fois à la finance la loi de Gauss
• le marché incorpore immédiatement toutes les informations disponibles
• les agents économiques sont rationnels
• on peut donc utiliser les probabilités pour comprendre le fonctionnement des marchés
Il est redécouvert 60 ans après sa thèse et devient une référence

 1952 : Harry Markowitz invente la théorie du portefeuille


• le rendement est représenté par la moyenne
• le risque est représenté par la volatilité et celle-ci est traduite mathématiquement par
la variance

 1964 : William Sharpe découvre le modèle d’évaluation des actifs financiers : le Medaf est né
Nous avons enfin une formule magique pour représenter le risque
Rendement d’un actif = Rendement actif sans risque + β x Prime de risque
Prime de risque : Ecart de rendement entre le marché et un actif sans risque
β (BETA) : coefficient de risque de l’action

Cette formule va envahir les marchés mondiaux au cours des 40 années suivantes
Le traitement du risque dans l’analyse économique
Ces progrès dans les probabilités trouvent une application en économie

Exemple de droite de marché

Risque

Risque moyen du marché


Le traitement du risque dans l’analyse économique
Ces progrès dans les probabilités trouvent une application en économie

 1973 : Black et Scholes mettent au point la formule qui permet de calculer la valeur d’une option

• formule :

VALEUR DE L’OPTION D’ACHAT = VALEUR DE L’ACTIF SOUS-JACENT – PRIX D’EXERCICE

→ toujours la loi de Gauss

→ On suppose que la votalité est constante

 Le succès est immédiat et les marchés de produits dérivés vont exploser

Comme ces modèles sont faciles à comprendre et à appliquer, ils vont être aussi utilisés en finance
d’entreprise pour calculer la valeur d’une entreprise aussi bien que le risque d’un investissement : la
finance d’entreprise va être colonisée par la finance de marché

→ c’est la naissance du discounted cash flow

→ nous maîtrisons les risques et tout devient possible : le taux d’actualisation est l’outil
essentiel de mesure du risque
nous sommes enfin plus forts que les Dieux
Le traitement du risque dans l’analyse économique
Quand la réalité n’obéit pas aux modèles

 Octobre 1987 : les marchés perdent 25 % en une seule journée 

→ c’est un événement dont la probabilité est inférieure à six écart type

 1998 : le fonds Long Term Capital Management dirigé par Scholes explose en vol

 2008 : les indices s’effondrent

• AIG découvre qu’elle a vendu de l’assurance (les CDS) a un prix avantageux (pour ses
clients)
• la Value At Risk ne résiste pas dans les tempêtes
• les fonds de LBO rééchelonnent leur dette
• les auditeurs découvrent que la Fair value est bien difficile à déterminer.
• la loi de Gauss montre ses limites : les risques extrêmes sont bien réels
Le traitement du risque dans l’analyse économique
L’être humain a un comportement étrange

 Une nouvelle discipline est en train d’apparaître : « l’économie comportementale »


 
• nous sommes le produit d’une longue évolution : la sélection naturelle favorise ceux qui courent
vite par rapport à ceux qui réfléchissent longtemps

• nous prenons nos décisions en fonction de nos émotions davantage que par un raisonnement

• nous fonctionnons avec des règles empiriques

• nous aimons les histoires et nous aimons inventer des causes aux événements (l’histoire de M.
Gonzalez)

• lorsque les informations que nous recevons sont contradictoires, nous imitons le comportement
de nos congénères car nous n’aimons pas l’ambiguïté

• nous ne ressentons pas les gains et les pertes d’une façon symétrique

• nous ne sommes pas construits pour faire du calcul de probabilités


Le traitement du risque dans l’analyse économique
Le calcul des probabilités n’est pas notre point fort

 exemple :

• un Français sur 10 000 est atteint du virus X22

• le test de dépistage à un taux de faux positif de deux pour 1000


c’est-à-dire qu’il est juste dans 998 cas sur 1000

• vous passez le test et votre médecin vous annonce que vous avez le virus X 22

• quelle est la probabilité pour que vous l’ayez réellement ?


Le traitement du risque dans l’analyse économique
Pour toutes ces raisons les marchés ne sont pas (toujours) efficients
 De Louis Bachelier à Benoît Mandelbrot
Vers 1960, Mandelbrot étudie les variations des cours du coton et les cours de bourse. il constate que
ces fluctuations ne suivent pas une loi de gauss mais plutôt une loi de puissance.

→ qu’est-ce qu’une loi de puissance ? Importance de


l’événement
Elle est de la forme y = axk

Fréquence de
l’événement

Pareto avait déjà observé à la fin du 19e que cette loi s'appliquait à la distribution des richesses

→ si les marchés suivent une loi de puissance, la moyenne et l’écart type ne peuvent plus être
calculés.

→ Les fortes variations sont beaucoup plus fréquentes que dans la loi de Gauss

→ nos modèles fondés sur le hasard bénin deviennent inadaptés en face d'un hasard sauvage

→ La volatilité varie sans cesse


Le traitement du risque dans l’analyse économique
Les conséquences de cette mise en question

 Les marchés ont de la mémoire : l'étude des crues du Nil a permis de mieux le comprendre que :

• les marchés sont plus risqués que ne le prévoyait la théorie standard

• le risque de ruine est important

 Buffett avait raison : le bêta n'est peut-être pas le meilleur indicateur du risque

 Le coût du capital ne peut être utilisé que dans un univers gaussien


Le traitement du risque dans l’analyse économique
Que peuvent faire les professionnels ?

 L'action ne peut pas attendre

 Il faut connaître les limites des outils que nous employons

 Il ne faut pas chercher à prévoir l'avenir mais construire des scénarios. Utiliser des techniques de
simulations

 Si le modèle standard sous-évalue le risque, il encourage trop fortement l'endettement.

 Dans l'univers de l'entreprise :


• bien séparer les activités qui suivent une loi de Gauss de celles qui suivent une loi de
puissance
• les activités gaussiennes doivent servir d'amortisseur de risque
• dans leur cas on peut utiliser le taux d'actualisation comme une mesure du risque
 
 Dans l'univers de la gestion de patrimoine :
• élargir le nombre de classes d’actifs
• rechercher les corrélations masquées
• le portefeuille de Nassim Taleb → se protéger des pertes massives :
– 85 % de produits à risque et rendement faibles
– 15 % de produits risqués avec une forte volatilité
Le traitement du risque dans l’analyse économique
Conclusion générale

 Il faut connaître les modèles et leurs limites

 Le taux d’actualisation est souvent un paramètre insuffisant pour traduire tous les risques.

 Le problème n’a pas encore trouvé une solution satisfaisante

 Eviter les certitudes.


www.pansard-associes.com

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