Got article a été gerit en 1705 at publig d Howe @t lee sntren
tome ( de I'Eucyelepédie dee Sciences de I'llomme 7 Li Aventure llumaine ~ Lai
tions : Grange-atelidre, Purie; later, Gendve; Sequoia, Bruxelles — 1967.
A Iexeeption do quelques points qui devralent ttre repris on consilé-
ration on raison dea travaux de recherche effectués depuis, cette présentation
globule dos probidmes po:
ct pourra sorvir de base de réflexion A tous ceux qui «!intér;
guietique.
Inetitut d'anglais - Sous «
par 1'étude dn langage eet toujours d'actualité
ent hla Lin-
tion de Linguistique
Paris - Janvier 1969,
ANTOINE CULIOLI
la communication verbale
On ne powvait guére laisser de cdté, dans um tome consacré aux relations interpersonnelles, Dinstrument le plus évident
de ces rapporis; mais nous touchons ici d des problémes que la psychologie proprement dite aborde également sur le terrain
génetique et expérimental et qui trowveront aussi leur place, d ce titre, dans le cinquiéme volume du présent ouvrage. Le
chapitre gui suit est centré, lui sur les problémes dela linguistique, ceux qui abordent la connaissance de Phomme d travers ce
systéme inate
rnnel que forme la langue constituée, lexique de mots sans doute, mais aussi recueil de structures et par la,
sans doute, trésor» de représentations et de pensées c'est d travers une ‘tude dela langue, au besoin formelle et statietique,
que les auteurs des deux parties de ce chapitre invitent d cerner la pertonmalité et les rapports des «parlantss,
Ws baignons dans le langage depuis notre naissance:
clest le langage qui accompagne et fonde notre
activité significative; grice & lui, nous nous
Exprimons et nous communiquons; il est un comportement
complexe, qui s'enchevétre avec nos perceptions et nos
estes, une activité interhumaine, fondée sur un réseau
habitudes psychophysiologiques et de structures in-
conscientes. Le plus souvent, il faut le reconnaitre, nous
ne prenons pas nos distances par rapport au langage:
ll est si profondément enraciné dans notre étre biologique,
ous nous le sommes tellement approprié qu'il semble
Ste devenu un simple instrument docile qui obéit & nos
intentions. D'od une ignorance de ce qu’est le langage,
de sa structure et de son fonctionnement. Interrogez-vous
soudain et vous verrez combien il est malaisé de se hausser
au-dessus de la simple expérience vécue: nous sommes
Persuadés que notre langue (et nous n'appréhendons le
langage qu’a travers les langues) est le modéle de toutes
les langues, nous sommes fascinés par le sens et nous
nTarrivons pas a prendre au sérieux la forme, nout confon-
dons aisément les catégories de la pensée et les categories
de la langue, la réalité extra-linguistique et Voutil linguis-
tique, comme s'il y avait une adéquation universelle et
totale du langage 4 un monde d'objets et de concepts.
Si nous essayons de dépasser ce réalisme naif, ce qui nous
Fevient_ en mémoire, ce sont des lambeaux d'analyse
scolaire: c'était une époque bienheureuse ois le langage
n'était compose que de mots (analyse grammaticale) et de
Propositions (analyse dite logique). Bien dressés, les mots
se rangeaient en parties du discours heritées de la grammaire
1a: Thur de Rabel eepriene par Peter Nrephal MAnen®
stolcienne et la langue éerite (qui se serait soucié d’étudier
Ja langue orale?) était un jardin bien tenu, of rout était
jueté. Pour beaucoup d'entre nous, I'étude du langage
se raméne & cette grammaire de la langue écrite, de meme
que la plupart des gens confondent lectres et sons parce
qu'ils ont répété dans leur jeunesse que les voyelles du
frangais sont a, ¢, i, 0, u, et y.
11 arrive que le langage soit remis en question et qu'il
ne soit plus aussi transparent que nous I'imaginons parfois:
un malentendu peut nous réveler l'ambiguite foncitre des
langues naturelles; les mots, ces médiateurs par excellence,
nous font ressentir leur opacité et nous révélent quill n'y
4 pas une relation immediate et nécessaire entre les termes
ct les choses. Nous avons alors le sentiment que les mots
nous trahissent, s'interposent entre nous et «l'indicible +,
cet +indicible+ que nous n’arrivons pas & exprimer dans
Ja chaine sonore. Que l'on songe de méme 4 la remise en
question que suppose I'apprentissage d'une langue seconde:
habitudes articulatoires et acoustiques nouvelles, nouveaux
‘agencements syntaxiques qui bouleversent les idées resuet
(ainsi, en malgache, ce que l'on appelle traditionnellement
lun complement circonstanciel pourra ére le swet d'une
phrase; dans telle langue amérindienne, le mot qui signifie
‘arbres est un verbe; ete.), découpages de la réalite qui
pparaissent aberrants (les termes de couleurs s'organisent
fen systémes fort différents selon les langues; le russe ne
distingue pas la main du bras et le pied de la jambe; le
hongrois ne distingue pas le bois — matériau — de l'arbre
‘mais en revanche a deux mots pour I'amout)...
65Ce soupcon devant le langage est, depuis quelques
années, devenu plus marque: il se manifeste par un certsin
refus du verbalisme (quand les mots tiennent seulement
par un lien intrinseque, sans relation avec ta réalité extra~
inguistique) aussi bien’ que par la littérature de l'absurde
et du nonsense. On s'était déja auparavant incerroge sur le
langage, soit dans analyse rigoureuse d'une langue (on
pourra mentionner ici Panini pour le sanskrit, ou encore
Sibawayhi et Al Khalil pour I'arabe), soit dans la speculation
philosophique, soit, plus humblement, dans les manipula-
fions Iudigues de la langue (énigmes, anagrammes, calem-
ours, etc.). Mais jamais Yon avait scrute et traque avec
tant de force et de rigueur la pratigue du langage dans les
livers champs oon la renconite. Et il n'est sans doute pas
inutile de rappeler qu'il existe depuis environ un sigcle
une science appelée linguistigue, dont lobjet est le langage
sumain apprenende a travers les langues naturelles.
Liexpression langage humain n'est pas redondante
mais comporte une précision nécessaire si l'on veut éviter
s malentendus. On parle en effet souvent du langage
animal, du langage des astres, du langage de la_peinture
fou des emotions, ou encore du langage scienufique, du
langage-machine et du langage documentaire. Le langage
des animaux, qui a été bien etudié ces derniéres années,
se distingue radicalement du langage humain par certains
traits essentiels qui apparaitront dans la suite de l'exposé,
et lon aura intérét a parler plutét de communication
animale. Le langage des astres n’est ainsi nommeé que par
tun abus metaphorique: il s'agit en fait d'un jeu fruste de
correspondances symboliques données par la tradition. Dans
Te langage de la peinture ou des emotions, le mot langage
nest employe que par analogie, de fagon vague et dan-
gereuse, pour marquer le pouvoir d’expression immanent
faux émotions ou 4 la peinture. Parler du langage scientifique,
c'est simplement restreindre V'acception du mot, qui en
vient 4 signifier «langue spéciale+; quant au ‘langage-
machine (de méme que le langage documentaire), il est un
langage artificiel, purement écrit, qui utilise un symbolisme
és voisin de celui des mathématiques.
Certes, il sera du plus haut intérét de comparer le
langage humain 4 d'autres slangagese (codes, systemes de
signes, signaux et symboles) soit pour des raisons pratique
soit dans une reflexion théorique. En ce sens, le langage
humain appartient a la classe des systémes de communica-
tion, et Von appelle séniologie ou sémiotique la discipline
gui se propose d'etudier les signes au plan le plus général
Cependant, le signe linguistique a une spécificitéiréductibl
et objet de la linguistique, c'est-i-dire le langage humain,
n'est pas un systeme de signes parmi d'autres
Langage et communication
Si Von veut a la fois dégager et comprendre les carac-
‘éristiques du langage humain, on devra partir de la fonction
centrale du langage, qui est de fonder et d'assurer la
communication. Pour gull y a communication, fu
Su moins deux interlocuteura, dont Tan, que nous 3
ferons le lcuteur, est emetreur, et V'autrey Vaucitear et
reeepreur. Il ext bien emtendu que, au cours d'une conver
sation, le locuteur devient audieur et Pauteur locutcur
Bien plus, au moment ou il parle, le locuteur est son propre,
puciteur et Tauditeut est un locuteur varuel gui a pst
Encore exténiorise sa réponse. On pourra cepresenter lt
situation par un schema (igure 1), et afin de bien maruet
le caraciere complene de fa relation enue interlocuteu,
on pourra completer par un autre diagramme (gut 2),
Fig, 1 et 2 — Situations réciproques du locuseur et de Cauditu.
Ce second schéma permet de dégager certains fats
importants, quelque peu hétérogénes, il est vrai, mais dont
ilest utile de faire l'inventaire: il y a toujours interference
partielle entre émission et réception dans Vacte de com-
munication; il existe en particulier une rétroaction de
Maudition sur la phonation, et un effet des habitudes
articulatoires sur le repérage acoustique des sons émis par
la personne en face; dans un autre ordre d'idées les figures 1
et 2 montrent que le monologue est toyjours, en fin de
compte, un dialogue; on voit également que le dialogue
risque de vier au monologue, bref, qu'il y a toujours circulae
rité partielle, clest-i-dire des pertes dans la communication.
Cette communication n'a lieu que s'il y a intention de
signification, et cette volonté d'utiliser le langage en tant
qu'instrument de relation avec autrui est essenticlle a la
pratique normale d’une langue. Mais on peut préciser que
Tout echange vocal suppose une viste des interlocuteurs,
le désir de s'exprimer, d’exposer, de jouer, de commander,
agit, avoir un effet sur les autres (0 sur soi-méme enant qu'autre). Ajoutons enfin que toute communication
“insére dans une sisuation, au cour de laquelle se trouvent
es sujets parlants. Cette situation, que [on ne saurait
cerner dans sa complexité infinie, comporte ecpendant des
‘ariables, ou trans situationnels, qui sont de deux ordres:
ertains ‘sont des traits du moment, particuliers a telle
reeasion. Bien quiextra-linguistiques, ce sont eux qui
Jonnent une partic de sa signification au message: quand
e dis tu, cela veut dire «la personne que j'ai en face de
noi quand je_parle+; hier signifie «le jour qui précéde
Iwiourd’huis; Jean se réfere a telle personne bicn connue;
i quelqu’un vient de sortir et si je dis: + Il a lair ennuyés,
I renvoie 4 cette personne. Si vous voulez vous promenet
xc qu'il pleuve, en regardant Je ciel, peut-dtre direz-vous
Zute et votre interlocuteur aura repéré le trait situationnel
qui est ici pertinent. D'autres traits sont, d'un point de vue
enéral, des invariance qui caractérisent les sujets parlants
m situation, mais, étant donné la diversité des langues,
on peut considérer que ces invariants sont réalisés dans
chaque langue naturelle de fagon variable: ainsi Ton est
‘Gr qu'il existera un systéme des personnes dans toutes
ies langues; qui plus est, ces systémes pourront tous étre
amends a une structure fondamentale. De méme, il existe
ane différence foncitre entre ce qui est en situation (ow
‘ioment oft nous parions) et ce qui est hors situation ou que
on pose comme tel: ainsi le style indirect, la modalité
éventuelle, Vireéel, linterdiction, pour ne prendre que ces
exemples, s'opposent 4 ce qui se déroule en ce moment,
gue l'on décrit, que l'on constate. Cela ne signifie pas qu'il
existe un stock universel de concepts, issus d'expériences
communes a tous les humains, et que ces concepts seraient
enfouis dans toutes les langues du monde of il suffirait
de les déterrer! Le probléme est, nous le verrons, autrement
plus complexe, pour la raison’ essentielle que ie langage
n'est pas un décalque de la réalité. Mais il ne saurait exister
tune théorie du langage qui nicrait l'ancrage des langues
naturelles dans des situations. Patler, c'est utiliser une
technique specifique qui permet de sadapter & des situations
toujours nouvelles, c'est appliquer un systéme de signes
généraux 4 des ‘problémes individuels et particuliers.
D’oi le langage tire-t-il cette souplesse et cette puissance?
Comment peut-il étre stracturé sans étre rigide, stable sans
Gre labile? Une partie de la réponse découlera d'une
analyse des invariants que, par-dela les variations, l'on
retrouve dans toutes les situations. Ces invariants, qui sont
constitués par les relations des sujets entre eux et avec le
milieu, doivent étre en nombre élevé mais fini, et se com-
binent vraisemblablement selon des régles que nous com-
‘mengons 4 peine a entrevoir. L’autre partie de la réponse
‘nous sera fournie par l'étude de la structure et du fonction
nement des langues naturelles.
Codage et décodage
Poursuivant notre analyse du langage en situation,
essayons maintenant de décrire ce qui se passe lorsque deux
ee a sd eee
sae eee Cet Peo ane
ee See cee eae
ia seer eae ate car oe
ea ae
par un schéma (figure 3).
yesene
422. Expression (locuteur),;
Fig.) — Pour poser du locate & Pandit lemesogee code dod
La figure 3 marque bien que les opérations d'encodage
et de décodage sont dissymetriques et non symétriques
comme on imagine trop souvent. Cette dissymetrie ert
évidente si l'on considére les canaux utilises: Te locuteur
articule, lsuditeur écoute. Mais on peut aller plus loin
encore: en effet, le locuteur, qui parle pour étre compris,
utilise la. redondance inhérente au langage. Nous parions
ici de redondance au sens strict du terme: toutes les langues
naturelles, qui sont le produit d'une évolution millenaize,
sont bities pour assurer la communication dans des condi
tions diffciies. Que l'on pense en effet aux obstacles:
bruits, interruptions, ruptures de construction, chute
attention, distance, capacité restreinte de la mémoire
immédiate, Emotion, sans comprer la nécessité de présenter
en succession, done dans le temps et de facon linéaire,
tun énoneé qui forme un tout et que I'on ne peut trop
ramasser, car, a étre trop économique, on devient obscur.
Or, admirable, c'est que l'homme s'est forgé avec le langage
tun outil de communication tout a la fois maniable et sOr;
toutes les langues, en effet, présentent un équilibre entre,
d'un cété une économie dans lagencement qui faclite
Vapprentissage ainsi que le maniement du langage, et,
de lautre, une cedondance qui assure Ia sécurité et est un
véritable systeme précorrecteur d'erreurs. Il existe ainsi,