La région dont nous nous proposons de rappeler l’histoire est limitée
approximativement à l’ouest par les crêtes du Djurdjura, à l’est par les Babors auxquels se soudent les Bibans qui s’étendent jusqu’au sud-est, dominant les plaines de la Médjana et de Bordj-Bou-Arreridj. Une vallée, où serpente le fleuve de la Soummam, séparant les Babor-Biban du Djurdjura, débouche vers le Sud à Ighrem, El Asnam, en une riche plaine plantée d’oliviers, d’arbres fruitiers, de vignobles et d’autres cultures. Le golfe de Béjaïa, sur le bord duquel la ville s’élève en amphithéâtre, offre l’aspect d’un vaste lac entouré d’un rideau de montagnes aux profils capricieux : d’abord la crête de Gouraya qui domine la ville ; à sa droite le pic de Toudja ; en face et suivant l’ellipse du littoral, viennent la cime de Bou-Andas, les dentelures rocheuses de Béni-Tizi, du Djebel Takoucht, d’Adrar-Amellal, Tizi-Uzerzur, la large croupe des Babors à côté du pic du Tababort ; enfin, au dernier plan, la silhouette bleuâtre du pays de Jijel.
Vue sur Béjaïa, et le mont
Yemma Gouraya
Lorsqu’on escalade les pentes de Gouraya et qu’on aboutit au mausolée, on jouit
d’un panorama incomparable. Au bas, la ville apparaît comme un petit village de lilliputiens. Dans la buée opaline du matin disparaît la ligne d’horizon et le ciel semble se confondre avec la mer. Vers le sud-ouest, sur le flanc de cette montagne, apparaît Toudja noyée dans la verdure où coulent intarissables des sources au milieu d’orangeraies séculaires, et, en face les massifs imposants des Babor et des Bibans jonchés d’une multitude de villages, points blancs à peine visibles. Lorsque le soleil, disparaissant à l’horizon, laisse derrière lui des nuages étincelants d’or, toutes ces montagnes sont diaprées des plus vives couleurs et se réfléchissent avec netteté sur la nappe transparente et mobile ; ce spectacle grandiose se ternit ensuite progressivement, sous l’influence des vapeurs humides de la mer, en passant par des nuances des plus variées. À ce spectacle enchanteur, la rade offre un havre aux navires et barques de pêche que peu de côtes de la Méditerranée possèdent. C’est sans aucun doute pour ces raisons que les Phéniciens avaient choisi ce lieu pour l’un de leurs comptoirs-colonies, que les Romains conservèrent et que an-Nacer ibn Hammad (des Hammadides) y édifia sa capitale Cap carbone