Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
A. Le glaive et le main
Elle devient une main de justice avec Louis X (1314-1316) qui est le
premier roi représenté avec la main de justice sur son sceptre. C'est une
main droite à l'index et au majeur tendu et les autres doigts repliés. C'est
une main bénissante, de paix qui doit équilibrer le glaive. Cette main va
recevoir la qualification de main de justice dans le courant du 15ème, siècle
où les justiciables mécontents d'un arrêt du Parlement commencent à
s'adresser au Roi en son conseil pour lui demander de le casser. Le conseil
du roi, sans juger au fond, peut casser et renvoyer l'arrêt au Parlement.
La qualification de main de justice est donc assez révélatrice d'une
puissance qui transmet à la justice sa souveraineté.
Le symbole existe jusqu'en 1793. La révolution française se donne pour
objet de déstabiliser définitivement la royautéet dans ce projet le glaive
ne va plus trouver de contrepartie. Le glaive est désormais le seul attribut
de la justice.
En 1793, le Roi est non seulement éxécuté mais la royauté elle-même doit
disparaître.
Parmis les regalias, les révolutionnaires cherchent à detruire les symboles
les plus éclatants de la royauté. Ils n'en détruisent que deux.
D'abord la Sainte Ampoule. La tradition de l'ampoule vient de Hincmar,
archevêque de Reims. La Sainte Ampoule fut apportée miraculeusement à
l'évêque par une colombe le jour du baptème de Clovis et contenant l'huile
d'origine céleste elle se trouve intégrée à la cérémonie du sacre. Elle en
devient un symbole essentiel à partir du 13ème siècle.
Puis ils s'en prennent à la main de justice. Par l'ampoule c'est l'origine
royale du pouvoir qui est détruite et par la main c'est la nature
miséricordieuse du pouvoir royal qui est détruit. Ces deux symboles sont
plus importants que la couronne. En détruisant la main, est détruit le
pouvoir royal par excellence, c'est-à-dire celui de la Grâce. Il n'y a plus de
main de justice capable de gracier. Il ne reste que l'arme, le glaive qui
éxécute la peine de mort.
Sous l'ancien régime la décapitation est un privillège nobiliaire. En
choisissant le glaive, la justice révolutionnaire démocratise le privillège
noble. La guillotine est octroyée à tout le monde. La main de justice va
survivre à la révolution. Napoléon la fait revivre en 1804 et la commande
pour son sacre du 2 décembre. Mais il faut en réaliser une nouvelle. Le
modèle pris pour le sacre est une gravure trouvée dans l'ouvrage d'un
bénédictain (Bernard de Montfaucon, Monument de la monarchie
française). La main y est dessinée sans y réfléchir. A l'impression finale
présente une main gauche au lieu d'une main droite. Napoléon tient donc
lors de son sacre une main gauche de justice. Cela montre la réussite des
révolutionnaires dans la destruction de la royauté. Quand Napoléon
réintroduit les lettres de grâce, la miséricorde n'y apparaît pas. La
miséricorde des rois de France est remplacée par la clémence d'Auguste
(romaine). La grâce est devenue l'instrument du gouvernement et ne
relève plus du pouvoir des juges. La grâce n'est plus une voie de recours
judiciaire comme elle l'était sous l'ancien régime.
Si la grâce revient à l'éxécutif, il ne reste plus au pouvoir judiciaire qu'un
glaive sans la grâce, sans protection.
Il ne peut que trancher, c'est son devoir. Il le fait au sens propre et figuré.
Au sens propre : pouvoir de décider une sentence de mort ou une
répression sanglante. Le pouvoir de donner la mort est réservé aux
juridictions laiques et séculiaires. Les juridictions ecclésiastiques, en dépit
de leur glaive spirituel, ne tranchent jamais au sens propre et cela dès
1140 lorsque le decret de Gratien dispose à la Cause 23, question 8 que
les prêtres ne doivent pas saisir les armes mais qu'il leur est permis
d'exhorter les laiques à les saisir pour la défense des opprimés. Le 4ème
concile de Latran en 1215 énonce dans son canon 18 qu'aucun clerc ne
porte de sentence de mort ni n'éxécute de peines de sang.
Au sens figuré, le glaive doit trancher, au risque du denni. Le juge est
tenu de dire le droit et d'appliquer la loi. Cette obligation apparaît au
siècle des lumières qui prépare le légalisme.
Montesquieu, dans L'esprit des lois (livre 6, chap 3) considère que "plus le
gouvernement approche de la République, plus la manière de juger
devient fixe. Il est de la nature de la constitution que les juges suivent la
lettre de la loi".
Pour Voltaire, interpréter une loi, c'est toujours la corrompre. Cette
position se trouve étayée par une tradition législative ancienne qui
remonte à l'ordonnance civile de 1667 (titre I, article 7) qui fait défense
au juge d'interpréter les ordonnances et autres édits. Cette ordonnance
avait pour but de mettre les cours souveraines hors de la concurrence du
roi législateur.
Les lois du 16 et 24 aout 1790 (titre II, article 2) en consacrant le référé
législatif réserve au législateur le monopole de l'interprétation de la loi.
La question du denni de justice se pose quand la loi est obscure,
incomplète ou muette ou quand les faits présentent une combinaison non
prévue par la loi. Le glaive de la justice doit cependant, ici aussi, trancher.
Le denni de justice reste d'actualité pour une institution judiciaire qui ne
juge pas seulement mais qui se consolide et s'affirme comme un
contrepoid sous la pression de Bruxelles. Le glaive de la justice se doit
donc d'être constamment utilisé.
B. Le glaive utilisé