Vous êtes sur la page 1sur 4

Scène 1 

: Nippon, forteresse du clan Ukita

Attaque !

Le clan est attaqué, les défenses sont débordées !

Takanori Ukita se bat comme un Oni, possédé par la rage des batailles, mais les troupes du clan Hoshina gagnent
inlassablement du terrain. Le corps de garde et maintenant la cour intérieure sont aux mains des bushis de cette
engeance maudite. Souffrant de trop nombreuses blessures, le daimyo ne peut que se retrancher dans ses
appartements, mais il s’arrête net sur le seuil : un spectacle de désolation s’offre à ses yeux.

« Morts…ils sont tous morts… »

Les samouraïs chargés de la protection d’Eiko et de leur fils gisent en travers de la porte, la peau violacée. Ils n’ont
même pas eu le temps de dégainer leurs armes.

Eiko, la douce Eiko, à la blancheur de nacre, arbore désormais la teinte maladive du Maho. Sorcellerie !

Takanori esquisse un pas en direction du berceau, redoutant le pire, quand une vive douleur éclate dans son dos. Un
feu glacé parcoure ses veines et tétanise ses membres. Le sol se rapproche à grande vitesse, au son d’un rire dément.

Le souffle parfumé d’Azuma, le fidèle majordome, lui parvient à travers un voile de souffrance.

« Cher seigneur, vous ne pensiez tout de même pas que les rustres du clan Hoshina auraient pu mettre au point un plan
aussi parfait tout seuls ? Sans moi, jamais ces paysans n’auraient pu poser ne serait-ce qu’un orteil dans la forteresse. 

Je vois briller dans votre œil comme une question. Pourquoi ? Pourquoi ? Ou plutôt pourquoi pas ! Je sers un maître
dont la puissance et la beauté vous dépasse et sa volonté ne saurait être contrariée. L’existence même de votre rejeton
semblait l’indisposer, aussi me suis-je permis de retirer cette petite vermine du jeu …en même temps que l’âme de
votre clan. S’en est fait des Ukita ! Votre héritier est mort, vous agonisez, …

Longue vie au Daimyo Katsuyori Hoshina ! Et à son fidèle conseiller…moi-même ! »

Le rire fou retentit à nouveau dans la pièce alors qu’Azuma s’approche du corps d’Eiko, le regard vitreux,…

Luttant une dernière fois contre l’horrible douleur qui l’emprisonne, Takanori sort un petit objet de son obi.

Azuma, absorbé par ses pensées perverses ne remarque pas le geste, mais son oreille affutée par les dons de son maître
perçoit le murmure du mourant. Il se retourne à une vitesse inhumaine et se rue sur le daimyo.

« Que dis-tu chien ? ». C’est alors qu’il remarque l’oiseau de papier que tient le seigneur Ukita. L’origami s’embrase
alors que Takanori dans un souffle prononce ses dernières paroles « …kagemusha ».

« Quoi ? L’ombre du guerrier ? Que veux-tu dire vieillard sénile ? ».

Soudain Azuma se fige ! « Non, ce n’est pas possible ! ». Il court jusqu’au berceau, dénudant le petit corps
ensanglanté : « Où est la marque ? La marque en forme de comète de ce petit vermisseau ? ». Mais la peau de la
malheureuse victime est vierge de toute tâche ou marque de naissance.

« J’étais là à sa naissance ! J’ai vu cette drôle de marque sur son corps ! Ce n’est pas lui ! ».

Azuma sort des replis de son kimono de soie une petite fiole et l’observe pensivement.

« Heureusement que mon maître m’a appris à tout prévoir et anticiper, même le plus infime changement dans
l’ordonnancement de l’univers. Mais cela va coûter cher et le chiot payera pour cela. Tu entends Takanori ! Ta petite
ruse a fait long feu. J’avais pris soin de collecter un peu de son sang à la naissance, histoire d’être prêt à tout. Tu as
gagné du temps mais ton fils va mourir et je veillerai à ce qu’il souffre… »
Les yeux de Takanori Ukita se voilent et ses dernières pensées volent vers le fidèle d’entre les fidèles, à l’instar de
l’oiseau de papier : « Kenshin ! Sauve mon fils ! »

Scène 2 : Nippon, forteresse du clan Ukita

Le regard d’Azuma se perd dans la contemplation de la forteresse déchue qu’illumine le crépuscule. Elle semble
mouvante, en mutation constante. Voilà qui plairait au maître ! Rien n’arrête le changement, c’est la loi majeure du
seigneur de l’Outremonde et l’agonie du Castel Ukita en atteste.

Son odorat inhumain perçoit soudain un musc puissant auquel se mêle l’odeur de la pierre divine. Son invité est là.

« Vos talents peuvent éblouir les ignorants, cher hôte, mais pas un serviteur du seigneur Tien T’sin et je n’ai pas de
temps à perdre en jouant à cache cache. »

Une silhouette vêtue de noir se détache de l’ombre et malgré ses dires, Azuma ne peut s’empêcher d’être
impressionné. Il était si proche, trop proche. Il faudra se prémunir contre ce type de surprise.

Le nouveau venu semble petit et surtout courbé, mais ce qui frappe immédiatement l’ancien majordome, c’est la
queue de rat qui dépasse de son costume d’assassin.

« Bienvenue émissaire des Nezumi ! Voici le sang de notre cible commune. Je gage que votre Wu jen gris saura
retrouver sa trace. Nous verrons alors si votre réputation s’avère un tant soit peu justifiée. »

D’un geste nonchalant de sa main immaculée, Azuma congédie le sicaire hominidé, puis s’en retourne dans les
appartements de Feu Takanori Ukita, pour jouir une dernière fois du spectacle du chaos en marche.

Resté seul, Shinsuké ne peut empêcher ses moustaches de frémir. « Quelle impudence ces humains ! Quelle
arrogance ! Et combien ils nous connaissent mal ! Confondre un prophète gris, un élu du Dieu Cornu avec un de leurs
misérables bafouilleurs de sortilèges ! »

Mais Shinsuké n’aurait pas été élevé au rang de Genin s’il n’avait su parfaitement maîtriser la colère brulante qui
montait en lui. Serrant la fiole dans sa patte aux griffes mortelles, il se fondit à nouveau dans les ombres.

« Dans les prochains jours, un enfant humain va mourir, par la volonté du Rat Cornu et l’habileté du clan Eshin, mais
ne te réjouis pas trop, humain parfumé, car tu le suivras de près ».

Scène 3 : Nippon, bidonville sur les rives du grand fleuve émeraude

Haletante, Kamiko pressa encore le pas. Son bébé, son tout petit, … il attendait, brûlant de cette fièvre du fleuve qui
emportait tant de miséreux. Il attendait le retour de sa mère et cette fois, Kamiko ne laisserait aucun Kami emporter
sa petite lueur d’espoir, son miracle,…

Elle avait déjà perdu Tatsui, son premier né, lors de l’épidémie de peste, puis son mari, abattu par un ronin ivre, mais
personne ne prendrait le cadeau qu’Ishii lui avait fait, personne !

Comme elle avait pleuré en découvrant ce petit être orphelin à la porte de sa cahute. La déesse lui offrait une seconde
chance en la personne de ce petit être et elle se battrait jusqu’au bout pour s’en montrer digne.

Il lui avait fallu supplier à genoux Yoshi l’apothicaire, mais celui-ci avait fini par céder et lui donner le médicament
qu’elle pressait maintenant contre son cœur.

Elle fut bientôt en vue de l’amas de cabanes délabrées qui abritait les paria du fleuve, ses amis, sa famille. Elle
manqua de trébucher sur Goroï , le mendiant aveugle, qui cuvait étendu dans la fange. Le pauvre infirme abusait du
saké frelaté et l’odeur de mauvais alcool imprégnait ses vêtements, masquant en partie la puanteur de la ruelle. Elle
le dépassa rapidement et entra dans la petite cabane où l’attendait sa vie.
Une odeur étrange de rat mouillé frappa soudain ses narines, avant même qu’elle ne remarque la silhouette penchée
sur son bébé.

Un sifflement, un éclat métallique, une douleur aigue … La vie de Kamiko s’achève alors que le shaken s’enfonce
dans sa gorge. Elle tient encore le sachet de papier qui contient la précieuse pharmacopée alors qu’elle s’effondre
comme une poupée de chiffon.

Shinsuké s’est à peine retourné à l’entrée de la femelle humaine, projetant son Shaken par pur réflexe. Son attention
est pleinement concentrée sur le petit braillard et la dague de malepierre qui plonge vers son cœur. La maladie
n’aura pas eu le temps de l’emporter.

La lame frappe le torse du nourrisson mais elle ne s’enfonce pas ! Un éclat de lumière aveuglant jaillit, alors que le
poignard touche une étrange tâche en forme de comète bifide sur le cœur du bébé.

Surpris, Shinsuké s’est d’instinct protégé les yeux tout en effectuant un impeccable roulé boulé arrière, mais son
esprit a du mal à accepter ce qui vient de se passer.

Cet instant de faiblesse est fugace, plus rapide qu’un battement d’aile, mais pour Shinsuké, il est mortel. Le dernier
son qu’il entend est le sifflement parfait de la lame qui s’abat. Sa dernière pensée va à celui qui le tue en cet instant si
étonnant. L’esthète de la mort reconnaît le maître en action. Le coup est parfait et seul un génie du sabre a pu
l’effectuer. Cela, au moins, est une satisfaction, quand s’ouvre devant le Genin l’enfer du Rat Cornu.

Génie du sabre, maître Iaï, autant de qualificatifs élogieux qui se sont toujours appliqués à Kenshin Hatano, ou
devrait-on dire Goroï le mendiant, homme lige du seigneur Ukita, sa main droite. Mais le grand samouraï se trouve
bien démuni quand il soulève le petit corps dont la poitrine semble encore luire.

« Visiblement cette étrange marque s’avère plus importante que nous ne le pensions au départ et son caractère
magique est manifeste. Elle brûle dans la nuit comme le fanal qui attire les navires. Il faut que je trouve une solution
pour brouiller les pistes. Seul Kureï peut m’aider. »

Scène 4 : Nippon, collines Sheisin surplombant Kyoto

Kenshin observe attentivement les gestes précis de Kureï, alors que ce dernier décrit d’étranges arabesques au-dessus
du bébé. Le guerrier ne peut s’empêcher de comparer les mouvements fluides du Wu Jen à ceux du sabreur émérite.
Les similitudes sont manifestes, de l’économie de mouvement à l’indéniable esthétique qui se dégage de cet étrange
ballet. Mais ses pensées sont bientôt interrompues quand son vieil ami tourne vers lui son regard fatigué.

« Le sortilège de localisation est puissant, sans doute soutenu par la pierre maudite. Le sorcier adverse est un expert et
je ne peux pas dissiper ses effets. Au mieux je pourrais réaliser un transfert, si tant est que cela puisse être utile. »

Pensif, Kenshin soupèse ses nouvelles informations.

« En toute chose, brouille les pistes ! Si ton adversaire t’attend à gauche, sois à droite !  L’héritier ne doit pas être
retrouvé par l’ennemi ! »

Cette évidence détermine son choix .

« Transfert-moi la marque de localisation ! Je les mènerai à travers tout l’archipel avant qu’ils ne comprennent leur
erreur. »

« Et te tuent ! »

« Qu’importe ! Mon existence n’a de valeur que si le clan Ukita survit et le clan Ukita, maintenant, c’est lui ! »

« Mais tu ne peux pas emmener l’enfant avec toi et je ne saurais le garder ici. Que veux-tu en faire ? »
« Cette marque providentielle ne m’est pas inconnue. J’ai déjà vu un symbole similaire à la mission des Yeux Ronds
dans la capitale… »

« Tu voudrais leur confier l’enfant ? Hum…Evidemment l’Empire des Yeux Ronds, ce n’est pas la porte à côté et
quitte à mettre de la distance entre lui et les tueurs, c’est approprié mais songe à son existence parmi eux. Sa
différence le condamnera à une vie de solitude en terre étrangère, loin des Kami protecteurs de son clan. »

« Un futur samouraï n’ignore pas la souffrance, il l’accepte et l’accueille comme sa plus chère amie car elle est sa
compagne la plus fidèle. Il est le fils de Takanori Ukita, le dernier des Ukita, les seigneurs de guerre du Nord, les lions
des montagnes ! En lui coule le sang des guerriers divins et il ne pourra ignorer cet héritage, où qu’il soit amené à
vivre. De plus, le mystère de cette marque doit être élucidé et je sens que la réponse se trouve au-delà des mers et des
terres du Cathay, dans l’Empire des cavaliers de métal. Un dieu a marqué cet enfant et il ne peut fuir sa destinée. Un
jour il saura qui il est ! »

« Et un jour, je te jure qu’il saura qui était Kenshin Hatano, le samouraï qui lui a sauvé la vie. »

« Si je me débarrasse des tueurs, j’irai lui dire moi-même. Sinon, je te fais confiance vieux Tengu pour trouver un
moyen de l’avertir du danger quand il sera assez fort pour y faire face ».

Le guerrier et le sorcier se serrent l’avant-bras une dernière fois avant de se séparer.

En regardant disparaître la silhouette de son ami, Kureï ne peut s’empêcher de sentir le poids des ans qui pèsent sur
ses épaules et la crainte qui s’épanouit en son cœur. Il ne reverra plus Kenshin Hatano. Reste à s’assurer que sa
dernière volonté soit accomplie.

Scène 5 : « La belle Isolde », navire affrété par les marchands Jäger de Nuln pour commercer avec le lointain Orient et
transporter à l’occasion les missionnaires de Sigmar en terre païenne.

« Frère Marcus, veuillez je vous prie vous procurer du lait. Quand Sigmar a béni ce petit être, il l’a doté d’un appétit
de nain. »

« Pensez-vous réellement, père Heinrich, que notre seigneur s’est penché sur un enfant à des lieues de l’Empire ? De
nombreux frères sont dubitatifs. Et nous ne sommes que de naïfs missionnaires. Quelle sera la réaction de la main de
Sigmar ? Nos frères répurgateurs sont plus enclins à voir en toute chose les subterfuges de l’ennemi que les miracles
de Sigmar. »

« Vous parlez d’or, frère Marcus. Il convient peut-être de se montrer discrets et de garder cette information secrète.
Nous l’accueillerons au monastère comme un simple orphelin, qu’une solide éducation sigmarite devrait former à
nous assister dans nos futures tentatives de conversion en Terre Nippone. Sigmar saura bien en son temps faire
comprendre sa volonté ! »

La suite sera jouée donc reste à découvrir dans le monde de Warhammer à la sauce Pathfinder / Warheart

L. Marthouret

Vous aimerez peut-être aussi