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HERMAS.INFO 2010

LES PREMIERS CHRETIENS


Chapitre I : qui sont-ils ?

PRESENTATION

Nous inaugurons ici une nouvelle collaboration, avec le site


espagnol primeroscristianos.com, dont nous présenterons un
certain nombre de textes, traduits en français. Cette collaboration
Repères est née d'une conviction commune : dans la période singulière que
nous connaissons - qui est massivement non-chrétienne dans le
monde occidental, pour ne pas dire "post-chrétienne", voire anti-
“Ce que l’âme est au corps, chrétienne à l'occasion - l'expérience des premiers chrétiens peut
les chrétiens le sont au nous être d'un immense secours.
monde”.
Les premiers chrétiens, forts et proches de la Révélation
“Tout ce que les philosophes
païens ont enseigné de bon évangélique, ont dû en quelque sorte inventer une manière d'être et
nous appartient, à nous de vivre dans un monde païen qui était aux antipodes de leurs
chrétiens”. valeurs. Cette invention n'a pas donné lieu de leur part à un rejet
absolu, à la manière des sectes, ni à un repliement sur soi, malgré
“Pour moi, je n’adore pas les persécutions ou les incompréhensions. L'intelligence et le coeur
l’Empereur, je me contente de
l’honorer et de prier pour ouverts, ils ont su intégrer tout ce qu'il y avait de bon dans la
lui ; mais j’adore le Dieu civilisation qui les environnait.
véritable, l’être par
excellence, parce que je sais Les premiers chrétiens ont compris que la fidélité au Christ,
que c’est lui qui fait les rois”.
roi de l'univers, leur ouvrait le monde, qui est en droit leur
demeure. Ils savaient qu'ils étaient dépositaires d'un trésor d'une
“Les chrétiens se conforment
aux usages locaux pour les richesse infinie, et ils ont également compris que ce trésor,
vêtements, la nourriture et la généreusement répandu et servi, pouvait renouveler la face de la
manière de vivre, tout en terre.
manifestant les lois
extraordinaires et vraiment
paradoxales de leur De fait, il en est advenu ainsi, de la littérature aux arts et aux
république spirituelle”. sciences, de la politique au droit. Le christianisme a tout pénétré de
sa sève, et l'influence de cette vitalisation s'est fait sentir jusqu'à
nos jours, y compris dans l'expression même de sa contestation. De
la sorte, les premiers chrétiens ont apporté la preuve historique
de la possibilité d'une information globale de la culture par le
christianisme.

Traduction française Qui étaient-ils donc ? Et comment vivaient-ils ? Et comment


Hermas.info s'exprimaient-ils ? Comment réagissaient-ils enfin face à leur


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propre environnement ? C'est ce que nous vous proposons de découvrir avec nos amis
de primeroscristianos.com, que nous remercions ici chaleureusement pour cette collaboration. Ces
derniers se fondent sur les écrits mêmes et les témoignages des âges apostoliques, qu'ils donnent ainsi à
connaître et à méditer, et que nous tâchons de traduire en des versions accessibles au public français
avec, ici ou là, des notes complémentaires.

Autant le dire d'un mot : nos pères étaient sans complexes et puisaient leur assurance dans un sens
très aigu de la transcendance de Dieu et de leurs responsabilités de chrétiens. Chacun mesurera sans
peine comme nos milieux chrétiens, dans l'ensemble, se sont éloignés de cet idéal de vie, individuel et
social, et chacun sera à même, à ces lectures, de réfléchir à celui qui lui est propre, à celui de sa famille,
de sa paroisse. Chacun pourra aussi réfléchir, selon son état, à ce que pourrait être une vie sociale,
économique, politique, inspirée dans ce monde en crise, de l'idéal ici illustré.

Bonne lecture !
Pierre Gabarra

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CHAPITRE I : QUI SONT LES PREMIERS CHRÉTIENS ?

1. Ils font partie du monde dans lequel ils vivent

Les premiers chrétiens se considéraient comme une partie constitutive du monde dans lequel ils
vivaient : « Ce que l’âme est au corps, les chrétiens le sont au monde » (1).

Ils ne se distinguaient de leurs contemporains, ni par le vêtement, ni par des signes distinctifs, ni
par une citoyenneté différente.

Chacun d’eux occupait sa place dans la structure sociale de son temps, la même qu’il avait
avant sa conversion. S’il était esclave, il ne changeait pas de condition en devenant chrétien, alors
pourtant que sa vie s’élevait à une dimension surnaturelle. Cette attitude chrétienne permettait une
grande ouverture pour assimiler les valeurs positives qui existaient dans le paganisme. Ainsi, saint
Justin disait des penseurs païens, que « tout ce qu'ils ont enseigné de bon nous appartient, à nous
chrétiens » (2).

2. La vie qu’ils mènent n’a rien d’étrange

« Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par le
vêtement. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte
extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Ce n'est pas à l’imagination ou aux rêveries
d’esprits agités que leur doctrine doit sa découverte ; ils ne se font pas, comme tant d’autres, les
champions d’une doctrine humaine. Ils se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot
échu à chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de
vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle.
Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s'acquittent de tous
leurs devoirs de citoyens et supportent toutes les charges comme des étrangers » (3).

3. Ils respectent les lois

« Pour moi, je n’adore pas l’Empereur, je me contente de l’honorer et de prier pour lui ; mais
j’adore le Dieu véritable, l’être par excellence, parce que je sais que c’est lui qui fait les rois. Pourquoi
donc, allez-vous me dire, n’adorez-vous pas l’empereur ? Parce qu’il n’a pas été fait pour être adoré,
mais seulement honoré comme il convient. Ce n’est point un dieu, c’est un homme établi par Dieu pour
juger avec équité et non pour recevoir des adorations. Il est en quelque sorte le délégué de Dieu : lui-
même ne souffre pas que ses ministres prennent le nom d’empereur, car c’est son nom et il n’est permis
à personne de le prendre. Ainsi Dieu veut être seul adoré. (...) Honorez donc l'empereur, mais honorez-
le en l'aimant, en lui obéissant et en priant pour lui ; si vous le faites, vous accomplirez la volonté de
Dieu, manifestée dans ces paroles : “Mon fils, honore Dieu et le roi, et ne leur désobéis jamais ; car ils
se vengeront aussitôt de leurs ennemi” » (4).

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4. Ils vivent honnêtement

« Nous sommes accusés d'une autre injustice encore : on dit que nous sommes aussi des gens inutiles
aux affaires. Comment pourrions-nous l'être, nous qui vivons avec vous, qui avons la même nourriture,
le même vêtement, le même genre de vie que vous, qui sommes soumis aux mêmes nécessités de
l'existence? Car nous ne sommes ni des brahmanes, ni des gymnosophistes de l'Inde, habitants des
forêts et exilés de la société. Nous nous souvenons que nous devons de la reconnaissance à Dieu, notre
Seigneur et notre Créateur : nous ne repoussons aucun fruit de ses œuvres. Seulement nous nous
gardons d'en user avec excès ou de travers. C'est pourquoi, nous habitons avec vous en ce monde, sans
laisser de fréquenter votre forum, votre marché, vos bains, vos boutiques, vos magasins, vos hôtelleries,
vos foires et les autres lieux où se traitent les affaires. Avec vous encore, nous naviguons, nous servons
comme soldats, nous travaillons la terre, enfin nous faisons le commerce; nous échangeons avec vous le
produit de nos arts et de notre travail. Comment pouvons-nous paraître inutiles à vos affaires, puisque
nous vivons avec vous et de vous ? (...)

« Cependant j'avouerai qu'il existe peut-être des gens qui peuvent, avec raison, se plaindre de l'inutilité
des chrétiens et je dirai quels sont ces gens. En premier lieu, ce sont les entremetteurs, les suborneurs,
les souteneurs, puis les assassins, les empoisonneurs, les magiciens et aussi les haruspices, les diseurs
de bonne aventure, les astrologues. Ne rien faire gagner à ces gens-là est un gain immense! (...) Nous
prenons à témoin vos propres registres, vous qui, chaque jour, présidez au jugement de tant de
prisonniers, vous qui terminez par vos arrêts de condamnation tant de procès! Innombrables sont les
criminels qui défilent devant vous, sous les chefs d'accusation les plus variés : or, sur vos listes, quel est
l'assassin, quel est le coupeur de bourses, quel est le sacrilège ou le suborneur ou le voleur de bains, qui
soit en même temps chrétien? Ou bien, parmi ceux qui vous sont déférés sous l'accusation d'être
chrétiens, qui donc ressemble à ces criminels ? C'est des vôtres que toujours les prisons regorgent; c'est
des gémissements des vôtres que toujours les mines retentissent; c'est des vôtres que toujours les bêtes
du cirque sont engraissées; c'est parmi les vôtres que les organisateurs de spectacles recrutent les
troupeaux de criminels qu'ils nourrissent! Aucun chrétien ne se trouve là, à moins qu'il ne soit que
chrétien; ou bien, s'il est coupable d'un autre crime, il n'est plus chrétien. » (5).

_______
NOTES

(1) Auteur inconnu, Lettre à Diognète [fin du IIème s.], trad. H.I. Marrou, in Les Pères apostoliques, Ed. du Cerf, 2001, p.
491.
(2) Saint Justin, Apologie 2, XIII, 4, Traduction L. Pautigny, Ed. A. Picard, Paris 1904.
(3) Lettre à Diognète, Op. cit., p. 490.
(4) Saint Théophile d’Antioche [IIème s.], A Autolyque, Livre I, n°XI, trad. de l’abbé M. de Genoude, 1838.
(5) Tertullien [IIIème s.], L’apologétique, trad. J. P. Waltzing, chap. 42-44.

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