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Révisions de la constitution depuis 1960 : Comment Wade a battu tous les records

Abdoulaye Wade est le seul chef d’Etat sénégalais dont le rapport avec la révision
constitutionnelle ‘déconsolidante’ fait apparaître un résultat négatif. Sur quinze
révisions constitutionnelles, seules les cinq sont ‘consolidantes’, selon l’universitaire
Ismaël Madior Fall, qui animait samedi, une conférence sur : ‘Le parcours institutionnel
et politique du Sénégal, sur les 50 ans’, organisé par les cadres de l’Afp.

Au Sénégal, l’on note une banalisation des révisions constitutionnelles qui entraîne une
banalisation du droit et des institutions. Sur trente-cinq révisions constitutionnelles effectuées
par les chefs d’Etat qui s’y sont succédé depuis 1960, ‘les vingt-huit peuvent être qualifiées de
révisions ‘déconsolidantes’ et les sept de consolidantes’, révèle le constitutionnaliste Ismaël
Madior Fall. Et en dix ans d’exercice du pouvoir, Abdoulaye Wade s’est taillé la part du lion,
concernant les révisions qui ne consolident pas la démocratie et l’Etat de droit
(déconsolidantes).‘Sur huit révisions institutionnelles sous Senghor, sept sont consolidantes.
Sur les quatorze effectuées sous Abdou Diouf, les dix sont consolidantes. Avec Wade, il y a
eu quinze révisions constitutionnelles est seulement cinq sont consolidantes. C’est le seul dont
le rapport avec la révision déconsolidante fait apparaître un résultat négatif’, fait savoir M.
Fall.

Dans le détail, le conférencier informe sur les révisions qui ont approfondi la démocratie et
l’Etat de droit depuis l’indépendance du Sénégal. C’est le cas, par exemple, de la révision de
1976 qui a instauré, sous le régime du président Senghor, l’ouverture avec la création de
quatre courants politiques. La révision constitutionnelle de 1981 par Abdou Diouf, qui a
instauré le multipartisme intégral, celle du 6 octobre 1991 qui a permis de ‘jeter les bases
constitutionnelles du Code électoral consensuel’ sont des révisions ‘consolidantes’, a-t-il
indiqué.

Bien qu’ayant battu le record des révisions ‘déconsolidantes’, Abdoulaye Wade a néanmoins
eu à faire des révisions qui ont consolidé la démocratie. ‘En 2006, la révision qui a consacré
l’octroi du droit de vote aux militaires est consolidante. Ainsi que la révision de 2008, sur la
réforme de la Cour suprême, celle sur la parité’, a reconnu le constitutionnaliste.

Au cœur des révisions ‘déconsolidantes’, la logique de conservation du pouvoir. Sous


Senghor, la loi du 6 août de 76 qui instaure le dauphinat au profit de Diouf est à classer dans
ce registre. La même conservation du pouvoir est à lire dans la suppression de la limitation
des mandats (une majorité absolue pour passer au premier tour…) sous le magistère d’Abdou
Diouf, de même que l’allongement du mandat présidentiel de 5 à 7 Il en est de même du
couplage et découplage par une révision constitutionnelle en 2007 qui fait qu’on est plus sûr
de la tenue à date due élections au Sénégal.

Selon le juriste constitutionnaliste, le Sénégal est le pays où on modifie le plus la Constitution.


‘La révision est facile et c’est la procédure qui le permet’, a dit Madior Fall qui déplore qu’à
chaque fois qu’il y a des progrès démocratiques qui sont réels par la révision, ’il y a d’autres
révisions qui la font reculer’. Sous ce rapport, le Pr Fall informe que le Sénégal est à la traîne
par rapport à beaucoup de pays africains. Par exemple, le Bénin où, dit-il, ‘il faut les 4/5 du
Parlement pour adopter une loi pendant qu’au Sénégal on peut, en 48 heures, changer les
règles du jeu. Simplement parce que le parti au pouvoir a une majorité écrasante à
l’Assemblée nationale ’. Le conférencier rappelle qu’au Sénégal, on a un mode de scrutin où
il n’est pas nécessaire d’avoir la majorité absolue des voix pour avoir les 3/5 et modifier la
Constitution. Sur les raisons d’une telle pratique, M. Fall pense que ‘c’est parce qu’on n’a pas
développé au Sénégal ce qu’on appelle la culture constitutionnelle qui fait qu’on sacralise les
institutions’. Dans les pays où il y a eu des conférences nationales, il existe, selon lui, un
patriotisme constitutionnel. Les gens, renseigne-t-il ‘restent hostiles à toute modification
constitutionnelle’.

Yakhya MASSALY

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