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Colloque International « Services, innovation et développement durable », Poitiers, 26-28 mars 2008.

De la stratégie de développement durable à


la performance :
L’impact de l’interdépendance des composantes cognitive,
organisationnelle, sociétale et économique.

Jacques LEWKOWICZ
Professeur des Universités en sciences de gestion

Pascal KOEBERLE
Doctorant en sciences de gestion

Centre d’Etudes des Sciences Appliquées à la Gestion


Université Robert Schuman, Strasbourg III

INTRODUCTION

L’approche de la stratégie par les forces concurrentielles (Porter, 1980) et celle par les
ressources et compétences de la firme, initiée par Penrose (1959) cherchent les éléments à
l’origine du succès de la stratégie. La première perspective avance que le succès dépend de la
position visée (et effectivement atteinte) par l’organisation, en réponse aux opportunités et
aux menaces propres à son environnement. La seconde explique ce succès par la trajectoire de
la firme. Celle-ci détermine les ressources dont elle dispose à l’origine de ses forces et de ses
faiblesses.

Est-il possible, sur ces bases, d’aboutir à une démarche d’élaboration stratégique
dynamique ? Ainsi, la stratégie comme position risque d’être un succès, dans un contexte
donné, alors que l’organisation s’avèrerait parfaitement inadaptée si ce contexte changeait. De
même, le pilotage par les ressources et compétences laisse s’échapper la possibilité, pour
l’organisation, de se diversifier dans des activités pour lesquelles elle ne semblait disposer, a
priori, d’aucun savoir-faire distinctif. Or, parmi ces activités se trouvait peut-être une source
de valeur future de l’organisation, même si des investissements et un apprentissage préalables
auraient été nécessaires. Les deux perspectives présentent donc des limites : la position-cible,

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comme les ressources et compétences disponibles, tendent à vulnérabiliser l’organisation à


l’évolution des facteurs-clés de succès sur ses marchés.

En outre, le paradigme de la stratégie comme position appelle d’autres objections


importantes. D’une part, l’analyse des forces de la concurrence isole l’organisation de son
écosystème. Pourtant, les choix découlant de cette analyse conditionnent à leur tour les
actions stratégiques des autres acteurs de l’écosystème (en supposant que ces derniers aient
eux-mêmes recours à l’analyse des forces concurrentielles). Ainsi l’organisation, de façon
involontaire voire inconsciente, façonne son environnement. D’autre part, ce paradigme réduit
le management stratégique à une démarche d’adaptation à l’environnement. Un tel
comportement, adaptatif, laisse le champ libre à des manœuvres offensives de la part des
autres acteurs, lesquels construisent leur environnement à leur guise, ne rencontrant guère de
résistance. En somme, l’élaboration de la stratégie nous semble plus pertinente lorsqu’elle
s’appuie sur une démarche entrepreneuriale. Celle-ci se caractérise par une vision, qui guide
l’action et s’émancipe du déterminisme environnemental. Néanmoins, le succès conduit à
l’apparition d’une dépendance de sentier dans laquelle l’entreprise s’encastre (Teece, 2007).
Ainsi, notre cadre théorique est bien résumé par cet auteur :

« In short, enterprises may be more like biological organisms than some economists, managers, and
strategy scholars are willing to admit ; but they are also more malleable than some organizational
ecologists are willing to recognize » (Teece, 2007, p. 1341).

Face à ces objections, nous nous inscrivons de préférence dans une approche basée sur les
ressources. Les limites, inhérentes au caractère statique de ce paradigme, sont dépassées par le
cadre analytique des capacités dynamiques (Teece, Pisano, Shuen, 1997 ; Teece, 2007). Ce
cadre de travail se concentre sur les capacités requises pour maintenir un avantage
concurrentiel durable, dans un régime de changement rapide. En effet, l’instabilité est
désormais une caractéristique essentielle de l’environnement des organisations. La prise en
compte de cette caractéristique suggère que les choix s’effectuent, en priorité, dans une
perspective d’adaptabilité à long terme, plutôt que d’adaptation immédiate de l’organisation
(Weick et Quinn, 1999). Les capacités dynamiques permettent à l’organisation, non seulement
de s’ajuster à son environnement, mais également d’en modifier les règles à son avantage.
C’est ce cadre de travail des capacités dynamiques qui est sous-jacent à notre contribution.
Nos investigations mettent l’accent sur la capacité d’innovation des organisations, laquelle
découle par hypothèse de la possession de capacités dynamiques, y compris la capacité

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d’apprentissage. Nous avançons que la capacité à innover constitue l’élément principal en vue
de construire un avantage concurrentiel durable.

Le modèle de Lam (2004) s’inscrit dans cette veine et constitue le point de départ de notre
projet de recherche d’une nouvelle théorie du changement stratégique et organisationnel. Il
développe une typologie renouvelée des configurations organisationnelles. Dans la lignée des
travaux de Mintzberg (1980, 1984), Lam associe aux structures organisationnelles, des
composantes cognitives et sociétales. Elle avance que chaque configuration se caractérise par
une interaction entre trois niveaux : organisationnel (croisant le degré de standardisation de
la connaissance et des processus de travail avec la nature individuelle ou collective de l’agent
de connaissance essentiel), sociétal (croisant la nature de l’appel au marché du travail, ouvert
ou interne, avec le degré de formalisation du système éducatif), et de la connaissance
(croisant la dimension épistémologique : tacite ou explicite, et ontologique : individuelle ou
collective). En outre, une composante stratégico-économique (croisant le type de métier,
hérité ou recherché, avec le type de valorisation, actionnariale ou partenariale) s’ajoute à
l’interaction des trois niveaux originaux du modèle de Lam (Lewkowicz, 2006). Cette
interaction aboutit à une cohérence entre les quatre niveaux, formant une configuration.
L’hypothèse fondamentale du modèle est celle d’un alignement entre des valeurs spécifiques
prises par les quatre composantes. Chaque configuration est représentée, avec l’alignement
des composantes qui la soutiennent, par l’un des quatre quadrants de la figure 1. Cette
représentation fait apparaître une capacité d’innovation différant d’une configuration à une
autre (Lam, 2004).

L’extension au niveau stratégico-économique permet de créer un lien avec le


développement durable : seules les configurations situées sur une valorisation partenariale,
soucieuses des intérêts d’un ensemble de parties prenantes, y compris les actionnaires, sont
considérées comme socialement responsables. Par ailleurs, le développement durable étant
orienté vers l’avenir (les ‘générations futures’), la firme résolument responsable est celle qui,
à cette valorisation partenariale, associe l’exploration (March, 1991) vers un métier recherché
(Lewkowicz, 1992, 1996 ; Lewkowicz et Lewkowicz, 2001). La configuration de forme J
(Aoki, 1986 ; Nonaka, 1994) constitue la configuration la mieux adaptée à une telle
association.

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Nous assimilons, ici, le concept de responsabilité sociale des entreprises et celui de


développement durable. Cette assimilation est approximative (Capron, 2003), mais les deux
concepts conservent les objectifs communs (1) de redéfinir, en l’enrichissant, le rôle de
l’entreprise et (2) d’élargir les critères d’évaluation de leur performance.

NIVEAU STRATEGICO-ECONOMIQUE : type de trajectoire

Apprentissage étroit inhibant Apprentissage


Apprentissage superficiel
superficiel
l’innovation limitant l’innovation
limitant l’innovation

NIVEAU SOCIETAL : type d'origine des ressources humaines


rité
érit é

Modèle professionnel Modèle


Modèle bureaucratique
bureaucratique

Métier H

NIVEAU ORGANISATIONNEL : type de configuration

Bureaucratie Bureaucratie
Bureaucratie
professionnelle mécaniste
mécaniste

NIVEAU COGNITIF : type de connaissance

Encodée
Encodée
Encervelée Encodée

Incarnée
Incarnée Encastrée
Encastrée
Recherché
Métier Recherch é

Adhocratie
Adhocratie Forme
Forme JJ

Modèle
Modèle de
de la
la communauté
communauté Modèle
Modèle de
de la
la communauté
communauté
ouverte
ouverte sur
sur l’emploi
l’emploi organisationnelle
organisationnelle
externe
externe

Apprentissage
Apprentissage dynamique
dynamique Apprentissage
Apprentissage cumulatif
cumulatif
favorisant l’innovation
favorisant l’innovation favorisant l’innovation
favorisant l’innovation
radicale
radicale incrémentale
incrémentale

Cré
Création de Développement
valeur durable

Figure 1 - Adaptation du modèle de Lam (2004) étendu (Lewkowicz, 2006)

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Il s’agit de prévenir les externalités sociales et environnementales négatives, attribuées par


la société civile à la domination de critères décisionnels d’ordre économiques (financiers). Les
dispositions de la loi sur les nouvelles régulations économiques (loi NRE) sont une
illustration significative. La RSE reconnaît ainsi, implicitement, l’existence d’un antagonisme
entre les intérêts des actionnaires et ceux des autres parties prenantes. Le concept se heurte,
ici, à l’idéologie libérale.

Les libéraux croient en l’efficacité du marché (par exemple, Friedman, 1962). Ils pensent
que la poursuite d’objectifs financiers permet un développement économique lequel répond
spontanément aux besoins sociaux et environnementaux. Ainsi, Quiénnec (2004) récuse
l’opposition supposée entre les intérêts des actionnaires et ceux de la société civile, arguant
que la maximisation des intérêts individuels conduit à l’optimum collectif. Ceci peut être
questionné (Griffin et Mahon, 1997). Il reste que les adeptes de la concurrence pure et parfaite
perçoivent la société civile comme « un concept moins anachronique que l’Etat pour
s’opposer au capitalisme » (Quiénnec, 2004). Inversement, dans une perspective
interventionniste, Doane (2005) doute de la capacité des marchés libres à prendre en compte
l’intérêt général. Elle conteste notamment quatre mythes, en affirmant que : (1) la RSE est un
luxe que l’organisation supprime en cas de difficultés économiques, afin de prévenir le risque
de retrait de leur capitaux par les actionnaires ; (2) les consommateurs agissent sous
contraintes (pouvoir d’achat, goûts,…) : le poids des consommateurs ‘éthiques’, supposés
déclencher une adaptation des organisations à cette évolution de la demande, demeure
anecdotique ; (3) la RSE est un outil de relations publiques, permettant aux organisations de
minimiser les conséquences liées à une éventuelle révélation de comportements (jugés)
irresponsables : les classements ‘éthiques’ récompensent, selon Doane, « the best of the
baddies » (2005, p. 27) ; (4) les gouvernements des pays en développement limitent leurs
exigences sociales et environnementales vis-à-vis des firmes étrangères, afin d’attirer les
investisseurs : l’internationalisation nivellerait ainsi les modes de vie à la baisse.

En fait, la RSE n’a pas le même sens pour les libéraux et les interventionnistes. Pour les
uns, elle est une conséquence naturelle, pour les autres, elle doit être au centre de la décision.
Il reste que des actions, revendiquées socialement responsables, se multiplient dans le monde

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des organisations. Ces actions reflètent une stratégie 1 , laquelle entre parfois en contradiction
avec celle poursuivie jusqu’alors par l’organisation. Une tension apparaît alors entre la
stratégie passée et celle impliquant les actions socialement responsables. Etant donnée
l’hypothèse d’alignement du modèle de Lam (2004) et l’interaction entre les quatre niveaux
(cognitif, organisationnel, sociétal et stratégico-économique), cette tension dépasse le niveau
de la stratégie et oppose, plus largement, deux configurations. Ainsi, le changement
stratégique est l’un des précurseurs possibles du changement de configuration. Quels sont,
alors, les mécanismes qui permettent de rendre compte de ce changement, de son déroulement
et de son aboutissement ?

Dans une première partie, nous montrons en quoi la configuration de forme J est celle qui
s’approche le mieux de l’esprit du développement durable. Nous suggérons, cependant, que
les caractéristiques de la firme J sont instables. La seconde partie développe nos propositions
d’explication des mécanismes du changement configurationnel. A cette occasion, nous
distinguons des sources de résistance au changement de configuration. Ces mécanismes et ces
freins, associés à l’instabilité intrinsèque de la firme J, nous amènent à questionner la
durabilité du développement durable.

Enfin il faut remarquer que, si les prérogatives du développement durable semblent alerter
en premier lieu le secteur industriel, notre questionnement s’adresse également aux
organisations de services. Le produit de l’activité industrielle étant généralement de nature
plus matérielle et concrète que celui de la prestation de services, les externalités sociétales et
environnementales de l’industrie peuvent être plus apparentes ; l’industrie court ainsi un
risque plus important d’attirer l’attention des parties prenantes. Cependant, si la société civile
aiguise sa sensibilité au développement durable et/ou si des systèmes d’évaluation
systématique se développent, les organisations de services feront vraisemblablement l’objet
d’une vigilance comparable à celle supportée par les firmes industrielles.

1
A ce sujet, le centre de recherche Novethic a proposé une typologie des différents positionnements stratégiques
face au développement durable, dans son étude intitulée « Impact du développement durable dans la stratégie
des grandes entreprises », novembre 2002.

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1. LA CONFIGURATION DE FORME J : VERS UN DEVELOPPEMENT DURABLE ?

Le modèle des ressources et compétences, prolongé par le cadre analytique des capacités
dynamiques, accorde une place prépondérante aux ressources humaines. A ce titre, l’accent a
été mis, ces dernières décennies, sur les connaissances organisationnelles et l’apprentissage,
ce qui renforce cette prépondérance. Le courant des Relations Humaines et, plus spécialement
les théories de la motivation, reconnaissent les enjeux afférents au bien-être et à l’implication
du personnel. Notamment, la théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan, 2000) établit un
lien direct entre le degré de motivation et le comportement apprenant des individus. Dans la
mesure où l’apprentissage stimule la capacité d’innovation, la composante relative aux
ressources humaines joue un rôle fondamental dans l’élaboration stratégique. Le
développement durable implique, en conséquence, une prise en compte aussi fidèle que
possible des besoins et attentes des salariés, dans les critères de décision et dans les actions
qui en découlent.

Une première section tente de spécifier les besoins et attentes actuels des salariés et
montre en quoi ces éléments appellent la configuration de forme J. Nous avançons, dans un
second temps, que les conditions de la firme J sont instables : des décisions contraires à la
satisfaction du personnel, peuvent s’imposer. Les managers recherchent cette satisfaction,
dans la limite des choix jugés compatibles avec les priorités qu’ils attribuent à leurs diverses
responsabilités (y compris celle d’assurer la rentabilité et la solvabilité de l’organisation). Ce
pragmatisme managérial admet difficilement l’existence d’une corrélation positive entre le
développement durable et la performance financière, sans pour autant découler de l’idéologie
libérale. Il fournit, au demeurant, une interprétation des écarts existant entre les déclarations
d’intention et les pratiques effectives, en matière de développement durable.

1.1. DE LA FIRME J AU DEVELOPPEMENT DURABLE

Au niveau cognitif, les connaissances tacites et collectives sont au cœur de la


configuration de forme J. La place accordée aux savoirs tacites indique que l’organisation
valorise, d’une part, l’expérience individuelle comme point de départ de la création de
connaissances et d’autre part, la socialisation de ces connaissances dans le cadre de groupes
de projets (Nonaka, 1994). En parallèle, la priorité accordée aux savoirs collectifs signifie que
l’organisation encourage l’internalisation des connaissances, préalablement explicitées pour

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favoriser cette internalisation. Ainsi, la firme J accomplit le cycle de Nonaka (1994) et


correspond bien à l’organisation créatrice de connaissances (Aoki, 1986).

Ces caractéristiques cognitives contribuent à renforcer la motivation des individus au


travail. Ainsi, la valorisation de l’expérience confère un sentiment de compétence aux
salariés. La constitution de groupes de projets favorise l’apparition d’un sentiment
d’autonomie (en s’émancipant du contrôle hiérarchique) et d’un sentiment d’appartenance à
l’organisation (en s’impliquant dans le projet du groupe). Ces trois sentiments de compétence,
d’autonomie et d’appartenance constituent, pour la théorie de l’autodétermination (Deci et
Ryan, 2000), les piliers de la motivation. Ces piliers sont ainsi au cœur des attentes des
individus ; la firme J apparaît comme la plus apte à les satisfaire. En outre, l’internalisation,
par les individus appartenant à d’autres groupes, permet la diffusion des connaissances au-
delà des groupes qui les ont créées. Il en résulte une mise à niveau collective des savoirs,
permettant l’accomplissement durable de nouveaux cycles de création de connaissances.

Au niveau organisationnel, la firme J rompt avec la standardisation du travail et se dote de


préférence d’une structure par équipes et/ou par projets. D’autre part, elle décentralise
l’autonomie et le contrôle, du sommet stratégique (Mintzberg, 1980) vers ces équipes
transfonctionnelles non hiérarchisées. Le relatif renoncement à la standardisation indique le
rejet de l’organisation scientifique du travail et l’adoption d’un fonctionnement plus
organique (Burns et Stalker, 1966). L’organisation taylorienne, mécanique, distinguait
fortement les concepteurs du travail, de ceux qui n’étaient que des exécutants. Aujourd’hui la
standardisation reste conciliable avec une stratégie de domination par les coûts (Porter, 1980).
Elle est en revanche peu compatible avec les exigences de compétitivité inhérentes à un
environnement en rapide évolution. Parmi ces exigences figure l’innovation, laquelle entre en
tension avec la répétition de tâches standardisées. C’est ce que Galbraith (1982) avait déjà mis
en évidence, suggérant qu’une organisation, pour être innovante, doit combiner une
« operating organization » et une « innovating organization », chacune ayant des
composantes spécifiques (p.10, figure 2). L’idéaltype de la firme J réalise cette combinaison
entre la stabilité et l’efficience de la bureaucratie d’une part, et la flexibilité et la dynamique
de groupe de l’adhocratie d’autre part (Lam, 2000, p. 497).

En ligne avec cette combinaison, considérer le personnel comme un groupe unifié est peu
réaliste. Nous proposons de distinguer entre un premier sous-ensemble composé d’individus

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privilégiant la sécurité du travail routinier et défini, et un second sous-ensemble regroupant


ceux qui, au contraire, affectionnent les rebondissements de l’incertain et les problématiques
offertes par la complexité. Les premiers focalisent sur la règle, l’ordre et le standard : ils font
correspondre les circonstances aux principes. Inversement, l’exception, le chaos et le
réel stimulent les seconds : pour eux, les principes doivent évoluer au gré des circonstances.
Les deux groupes se différencient, en somme, par la valeur qu’ils attribuent aux routines
organisationnelles (Feldman et Pentland, 2003). Le développement durable de l’organisation
est tributaire de la satisfaction des deux types d’individus. Rechercher la seule satisfaction du
second groupe (au nom de l’apprentissage résultant de leurs intérêts) reviendrait à démobiliser
le premier groupe. Ainsi, les routines doivent autoriser la souplesse d’application nécessaire à
l’implication du second type d’individus, mais elles doivent également être imprégnées dans
l’organisation de sorte à contenter le premier type. La firme J est bien la configuration la plus
soucieuse de cette double satisfaction. En matière d’organisation du travail, elle est donc celle
qui respecte le mieux le cahier des charges du développement durable.

Au niveau sociétal, la firme J valorise de façon équivalente les savoirs abstraits et


théoriques assimilés par le biais d’études d’une part, et les savoirs d’action acquis par
l’expérience pratique à travers la résolution de problèmes d’autre part. Les emplois conférant
un statut et une rétribution supérieurs, ne sont pas monopolisés par les détenteurs de
connaissances académiques, mais sont accessibles aux détenteurs de savoirs pratiques (Lam,
2000, p.501). En outre, l’organisation de forme J recourt de préférence au recrutement interne,
plutôt que de faire appel au marché du travail externe. Ainsi, dans un grand groupe de
fabrication de plaques de plâtre, chaque poste à pourvoir fait prioritairement l’objet d’une
communication interne. L’organisation ne s’ouvre à l’extérieur que dans l’éventualité ou
aucun ‘autochtone’ ne manifeste son intérêt pour le poste.

Ce mode de recrutement, interne, rassure les managers quant à la capacité d’un candidat à
satisfaire les exigences de l’emploi proposé. Ceci relève d’une problématique d’économie de
la qualité (Karpik, 1989) : une asymétrie d’information à la défaveur du recruteur, incite ce
dernier à adapter son comportement en vue de réduire son incertitude quant à la qualité du
candidat. D’abord, le recruteur peut chercher à s’informer a priori sur le candidat, le moyen le
plus fréquemment mobilisé étant le triptyque ‘CV, lettre de motivation, entretien’. Mais ces
outils n’ont qu’une fiabilité limitée (Lévy-Leboyer, 2002). Par ailleurs, les managers
recourent à ces techniques d’une façon conventionnelle, laquelle « dispense chacun de porter

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un jugement sur sa pratique » (Ghirardello, 2005, p.39). Ce manque de fiabilité et de vigilance


semble peu compatible avec un recrutement socialement responsable.

Une alternative consiste à s’appuyer sur la connaissance a posteriori de la qualité d’un


individu. C’est ce que permet le recrutement interne. Certes, chaque poste requiert des
compétences spécifiques, altérant l’évaluation de l’adéquation d’un individu. Néanmoins, le
recruteur dispose d’informations lui permettant un meilleur jugement sur la qualité de
l’individu, relativement à ce poste. Un tel recrutement s’appuie sur la confiance que le
recruteur accorde à l’individu, laquelle est alimentée par le réseau informationnel constitué
par les collègues de travail de l’individu. Le recrutement interne mis en œuvre par la firme J,
aboutit ainsi à un processus de recrutement spécifique à l’organisation. En se substituant aux
outils standards, ce processus améliore la fiabilité du recrutement. En impliquant davantage le
recruteur et le réseau relationnel de l’individu, ce mode de recrutement stimule la vigilance
vis-à-vis des pratiques adoptées. En somme, le recrutement interne satisfait mieux les
exigences du développement durable en matière de recrutement. D’une part, la fiabilité accrue
diminue le risque d’insatisfaction et de rupture du contrat, laquelle pénalise à la fois le salarié
et l’employeur. D’autre part, le renforcement de la vigilance mutuelle décourage l’adoption de
pratiques discriminatoires. En outre, le recours au marché interne aboutit à une stabilisation de
l’emploi auprès d’un même employeur, ce qui semble aujourd’hui au cœur des préoccupations
sociales des salariés.

De façon complémentaire, la massification de l’enseignement supérieur conduit à


l’affaiblissement de la valeur différenciatrice des diplômes académiques. Ceci renforce le
risque de recrutement insatisfaisant, lorsque la sélection s’appuie sur les connaissances
théoriques. L’expérience et les savoirs pratiques deviennent les critères déterminants d’un
jugement fiable. La bureaucratie mécaniste recourt au recrutement interne, mais survalorise
les connaissances académiques formelles. La firme J, en reconnaissant la valeur de ces
connaissances tacites, sélectionne son personnel de façon plus fiable et plus équitable.

Au niveau économique, la firme J est engagée dans un effort pour mieux s’insérer dans un
champ de forces concurrentielles en constante évolution. Ceci correspond aux concepts de
métier recherché (Lewkowicz, 2006) et d’exploration (March, 1991), lesquels impliquent la
recherche, la variation, la prise de risque, l’expérimentation, le jeu, la flexibilité, la
découverte, l’innovation. Par ailleurs, l’organisation de forme J se distingue par son système

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de contrôle, disposant d’indicateurs diversifiés suggérant une ouverture à des critères


décisionnels non exclusivement financiers.

La définition du développement durable appelle à considérer l’impact social et


environnemental de l’activité économique. Elle implique l’adoption d’indicateurs appropriés à
cette prise en compte. Comme nous l’avons suggéré, une attention particulière doit
notamment être portée à la satisfaction des attentes des salariés. La mesure de cette
satisfaction paraît difficile à appréhender au travers d’indicateurs exclusivement quantitatifs.
Le management de la configuration pourrait constituer un outil qualitatif du management
socialement responsable. La firme J constituerait la configuration à atteindre, en vue de
favoriser un développement durable.

La mise en place d’indicateurs diversifiés n’est toutefois pas suffisante pour assurer un
développement durable. D’une part, de tels indicateurs sont parfois présents, alors même que
la création de valeur à court terme demeure prioritaire. Par exemple, dans une organisation de
service public, la rapidité de versement des subventions accordées est plus importante que les
indicateurs mesurant la pertinence de ces subventions (tels qu’a priori, les caractéristiques des
projets sollicitant les fonds et, a posteriori, les créations d’emplois ou les innovations
résultantes). Ceci découle du souhait, émanant des dirigeants, que ceux qui les ont nommés
soient réélus. Il est donc nécessaire d’examiner le poids des indicateurs, afin d’établir un
diagnostic correct de la configuration. D’autre part, même lorsque aucune prépondérance ne
biaise la gestion de l’organisation, le développement durable requiert l’exploration (March,
1991), ce que la firme J met en œuvre. Selon le cas, l’élaboration de solutions plus économes
en ressources, plus respectueuses de l’environnement, plus équitables envers les personnes,
mieux compatibles avec l’instauration de relations de confiance entre clients et fournisseurs,
distributeurs et producteurs,… est à ce prix. A l’inverse de l’exploration, l’exploitation
(March, 1991) indique un ancrage mental, conduisant à conserver les technologies héritées du
passé. Plusieurs cas, dont ceux des entreprises Polaroïd et France Télécom (jusqu’à
récemment), en sont des exemples significatifs. Un développement durable est peu
vraisemblable en présence d’un tel ancrage.

Les caractéristiques de la firme J, telles que nous venons de les définir, apparaissent les
mieux adaptées à l’esprit du développement durable. Toutefois dans une seconde section,

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nous suggérons que ces caractéristiques sont instables. La configuration de forme J est un cap
difficile à tenir pour les organisations.

1.2. L’INSTABILITE DE LA FIRME J

Comme nous l’avons vu, la firme J motive les individus, en reconnaissant la valeur de
leurs connaissances tacites et en recherchant la diffusion de ces connaissances à l’ensemble de
l’organisation. Mais cette diffusion nécessite que les connaissances tacites locales soient
explicitées (Nonaka, 1994). Les savoirs tacites sont fortement liés au contexte dans lequel ils
se sont développés (Brown et Duguid, 1991) ; la connaissance de ce contexte conditionne
l’appropriation de ces savoirs. Ainsi, le transfert de ces connaissances dans un contexte
étranger, prive leurs destinataires d’une part importante de leur signification. Il en résulte des
difficultés d’interprétation et donc, d’application de ces connaissances. Une phase
intermédiaire d’explicitation des connaissances, améliore la transférabilité des connaissances
tacites.

Cet effort d’expression des savoirs d’action doit être entrepris soigneusement. La qualité
de cette abstraction détermine celle de la diffusion des savoirs. Or, l’abstraction est le
domaine des détenteurs de connaissances théoriques, lesquels disposent d’une expertise dans
l’explicitation de l’action. En conséquence, la firme J doit valoriser les connaissances
théoriques au même titre que les connaissances tacites. Elle est tributaire des deux types de
savoirs, la domination de l’un sur l’autre condamnant le processus de création de
connaissances et le maintien en forme J. Ainsi au quotidien, les managers doivent décider de
l’allocation des ressources entre les activités génératrices de connaissances tacites et celles
génératrices de connaissances abstraites. Cependant, les dirigeants éprouvent parfois des
difficultés à renoncer à un contrôle sur les processus, lequel est facilité par l’implémentation
de procédures explicites. Dans une multinationale américaine de haute technologie, les
décisions dont l’impact perçu par le sommet stratégique est élevé, interviennent dans une
logique top-down bureaucratique aboutissant à la mise en place d’outils standardisés,
déstabilisant une organisation par ailleurs proche du modèle de la firme J. Les répercussions
de telles décisions accentuent, en cascade, cette instabilité. En somme, la stabilité de la firme J
dépend de celle des rapports de pouvoir dans l’organisation.

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Au niveau organisationnel, cette problématique du pouvoir influence la capacité à


entretenir durablement la décentralisation de l’autonomie et du contrôle, caractéristique de la
firme J. Mais au-delà des conflits d’intérêts, la décentralisation pose des problèmes de
cohérence entre les sous-ensembles de l’organisation. Un exemple évocateur est celui de
l’autonomie attribuée aux communes françaises d’élaborer leur plan local d’urbanisme (PLU,
anciennement POS, plan d’occupation des sols). Les risques liés à cette autonomie portent en
partie sur les problématiques du développement durable. Dans une commune haut-rhinoise, la
modification du PLU suscite des résistances évocatrices, à la fois environnementales et
sociales : déforestation, assèchement de la nappe phréatique, atteinte à l’âme du village,…. Si
de par leur autonomie, plusieurs communes voisines entreprenaient des zonages semblables,
les impacts pourraient contredire les exigences du développement durable. Le schéma de
cohérence territoriale (SCOT, établis au niveau d’un arrondissement) et le schéma régional
d'aménagement et de développement du territoire (SRADT, au niveau de la Région) sont des
documents destinés à prévenir ce risque. Mais cette supervision relativise le degré de
décentralisation, si bien que certains blocages peu pertinents handicapent la réactivité locale,
du fait d’instances éloignées du terrain. Il reste que la firme J est menacée par les risques
inhérents à sa propre logique de décentralisation, lesquels appellent une intervention
recentralisante pouvant aboutir à une nouvelle bureaucratisation.

Au niveau sociétal, la firme J ne peut prolonger durablement le recours au marché interne,


en matière de recrutement. L’approche de la stratégie par les connaissances (KBV) permet de
distinguer une double frontière à l’organisation (Kaplan et al., 2001). La frontière extérieure
de la firme rend compte de l’ensemble des connaissances qu’elle a intégrées. La frontière
intérieure correspond aux connaissances intégrées et effectivement absorbées (Cohen et
Levinthal, 1990) par l’organisation (figure 2).

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Figure 2 - The Integrated Knowledge-Based View of the Firm (Kaplan et al., 2001)

Le recrutement interne aboutit à une meilleure absorption des connaissances intégrées.


Mais cette absorption est limitée au périmètre formé par la frontière extérieure. Pour accroître
l’étendue de ses connaissances et ainsi assurer son développement, l’organisation doit
procéder à une intégration régulière. Cette intégration implique l’ouverture du recrutement au
marché externe. Ce faisant, la firme J pourrait se dénaturer selon le mode d’intégration
pratiqué. Une intégration qui consisterait à « routiniser » en direction des nouveaux arrivants
les pratiques antérieures aboutirait à transformer l’organisation en bureaucratie
mécaniste. Certes, l’organisation peut dans certains cas opter pour l’externalisation plutôt que
l’intégration. Cependant, pour assurer l’avenir de l’organisation, les connaissances fondatrices
de l’avantage concurrentiel de demain devraient demeurer à l’intérieur de l’organisation.

Par ailleurs, la logique d’innovation poursuivie par la firme J, passe par une activité de
recherche laquelle implique des compétences théoriques. La valorisation des connaissances
tacites peut se révéler être une stratégie destinée à maintenir la paix sociale (plutôt qu’une
véritable conviction de l’intérêt de cette valorisation). Dans ce cas, les managers encouragent,
de fait, les connaissances théoriques. Dans ce cas, la firme J n’existe que dans les déclarations
d’intention. Inversement, si la valorisation des connaissances tacites est réelle, l’attention des
managers risque d’être détournée des détenteurs de connaissances théoriques. Dans cette
situation, et dans la mesure où les connaissances pratiques sont tournées vers l’exploitation,
l’innovation peut être compromise. Il s’agirait alors d’un « coup de force » dont les
détenteurs des connaissances pratiques sont les auteurs. Les dirigeants éprouveront alors des
difficultés à conserver la forme J d’organisation. Le ralentissement de l’innovation

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affaiblissant la position concurrentielle dans un environnement en rapide évolution, les


dirigeants seront tentés d’intervenir de façon délibérée sur le fonctionnement de leur
organisation. Cette démarche s’éloigne du changement continu (Weick et Quinn, 1999)
pourtant typique de la firme J.

Au niveau économique, l’exploration mise en œuvre par la firme J ne peut être


permanente. March (1991) avance que l’exploration implique l’engagement d’importants
moyens financiers, dont le délai de remboursement du capital investi est tel, que
l’organisation peut à terme se heurter à des insuffisances de trésorerie. Il est par conséquent
nécessaire de maintenir un équilibre approprié entre exploration et exploitation (p. 71). La
tension entre les deux démarches fluctue. Cette oscillation est responsable d’une partie de
l’instabilité de la firme J. De même, l’organisation est parfois confrontée à des problématiques
incompatibles avec un raisonnement à long terme. Ainsi, dans une organisation du secteur des
loisirs, la nécessité d’un retour à la rentabilité écrase toute autre préoccupation, y compris
d’ordre économique. La cession d’actifs et la rationalisation des horaires d’ouverture de
l’établissement (en vue de contenir la masse salariale), sont prioritaires sur l’investissement
dans les technologies qui pourraient permettre la reconstruction d’un avantage concurrentiel.
Lorsque la priorité est donnée à la création de valeur à court terme, l’organisation se détourne
de la firme J.

Enfin, le niveau économique fait apparaître une ambiguïté vis-à-vis de la satisfaction du


personnel et donc, par hypothèse, de la capacité à poursuivre une stratégie de développement
durable. Certes, l’innovation prend source dans les connaissances tacites. Néanmoins, elle
implique des changements qui rendent peu à peu les connaissances antérieures caduques.
L’innovation peut ainsi être à l’origine de la perception d’un risque, de la part des salariés : la
menace d’obsolescence de leurs compétences, découlant des changements cumulatifs, est de
nature à obérer leur employabilité. Cette perception aboutit à des comportements oscillant
entre la vigilance et la résistance au changement. Dans tous les cas, ces comportements
réduisent l’implication des individus et se substituent à un comportement apprenant.
L’apprentissage, ainsi pénalisé, détériore la capacité d’innovation. Si les managers laissent ce
processus s’installer, la stabilité de la firme J est compromise.

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En définitive, nous venons de montrer en quoi la configuration de firme J est instable.


Cette configuration est pourtant la mieux adaptée à la satisfaction des exigences du
développement durable.

Est-ce à dire que la firme J soit la seule à être soumise à cette instabilité ?

Dans une seconde partie, au cours de laquelle nous rendons compte des premiers résultats
de notre examen des mécanismes du changement configurationnel, nous allons, précisément,
tenter de montrer que toute forme d’organisation est plongée dans un processus de
désalignement/réalignement.

2. UNE NOUVELLE INTERPRETATION DU CHANGEMENT CONFIGURATIONNEL

Le modèle de Lam (2004), décrit plus haut, propose quatre configurations se caractérisant
par l’alignement entre des valeurs spécifiques prises par les quatre niveaux (cognitif,
organisationnel, sociétal et stratégico-économique).

A
B

A
B

A
B

A
B

C D
C D
C D
C D

Figure 3 - Représentation résumée du modèle de Lam (2004)

Légende : ce modèle identifie quatre configurations organisationnelles (A, B, C et D). Chaque configuration se
compose de quatre couches : un noyau cognitif, un manteau organisationnel, une croûte sociétale et une
enveloppe économique. Pour chaque configuration « pure », les quatre couches s’alignent en prenant des formes
cohérentes entre elles (A, A, A, A ; B, B, B, B,…).

Au cours de notre étude pilote, nous avons adopté une démarche exploratoire et inductive,
en vue d’examiner les mécanismes du changement de configuration. Notre stratégie de
recherche, à base de quatre études de cas, nous a conduits à rechercher une interprétation de

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ce changement. Les données du terrain ont fait émerger l’hypothèse d’un désalignement des
quatre composantes, comme amorce du processus de changement. Nous consacrons la
première section à l’introduction de ce concept. La seconde section identifie les freins au
changement configurationnel, lesquels alimentent alors un réalignement des composantes. Le
résultat de la tension entre désalignement et réalignement détermine, par hypothèse,
l’évolution de configuration : variation ou rétention.

2.1. LE DESALIGNEMENT : APPROCHES METHODOLOGIQUE ET THEORIQUE

Le changement de configuration peut se définir comme une période de changement


stratégique, entre deux états stables le délimitant. L’hypothèse centrale est, ici, celle d’une
parfaite corrélation entre la structure organisationnelle et la stratégie, dans le cadre d’une
configuration donnée. Ces stabilités reflètent la cohérence décisionnelle inhérente à une
stratégie. Selon les points de vue, cette cohérence peut signaler la poursuite d’un objectif
commun, l’apaisement des conflits entre acteurs, l’adéquation actuelle entre la configuration
organisationnelle et les exigences de l’environnement, ou encore un état stationnaire dans un
programme immanent au développement. Ces visions téléologique, dialectique, évolutionniste
et du cycle de vie conservent, par ailleurs, une caractéristique commune : elles décrivent
toutes un processus de changement, délimité en amont par des inputs et en aval par des
outputs (Van de Ven et Poole, 1995). En somme, de part et d’autre d’une période de
changement, un état de relative stabilité émerge d’une majorité de décisions entérinant la
configuration en vigueur. Malgré tout, d’autres actions peuvent venir en contradiction de la
stratégie passée, sans que ceci résulte nécessairement d’une délibération (Mintzberg et
Waters, 1985). Nous recherchons les causes de ces engagements contradictoires, déclencheurs
du changement configurationnel.

L’exploration de la période de changement vise à caractériser un état stable en voie de


déstabilisation. Cette période mène d’une séquence stratégique à une autre (Lewkowicz et
Lewkowicz, 2001). Il s’agit alors, outre le repérage de la configuration de départ, de proposer
une première extrapolation de celle d’arrivée. Ceci favorise l’investigation des causes du
changement configurationnel. L’extrapolation permet, dans le cadre de l’étude de cas
multiples, de construire un modèle explicatif du changement configurationnel. Dans une
prochaine phase de recherche, ce modèle pourra servir de base à un travail de « pattern-
matching » (Pauwels, Matthyssens, 2005, p.130).

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Nous réalisons ce diagnostic des états stables, à partir de données collectées auprès de
quatre organisations. S’agissant d’un travail exploratoire et inductif, ces dernières ont
néanmoins été sélectionnées parce qu’elles vérifient les hypothèses du modèle de Lam (2004)
étendu (Lewkowicz, 2006). En particulier, les valeurs prises par les quatre
composantes configurationnelles de ces entités, appartiennent à une même configuration-type.
En somme, il s’agit d’une première spécification de la population à laquelle nos conclusions
seront susceptibles d’être généralisées (Eisenhardt, 1989).

A chaque configuration correspondent un rythme d’apprentissage et un type d’innovation


privilégiée (Lam, 2004). Ainsi, à l’intérieur de chaque configuration, des apprentissages en
simple boucle et en double boucle (Argyris et Schön, 1978) surviennent. Ces apprentissages
provoquent des changements qui ne modifient pas la configuration de l’organisation. Ainsi,
par exemple, une firme J de l’automobile basée sur des valeurs de recherche, pour ses
produits, de la vitesse et de la sécurité, peut choisir de rompre avec ces valeurs (et pratiquer
un apprentissage « en double boucle ») pour adopter celles relatives à la protection de
l’environnement sans, pour autant, cesser d’être une firme J. Nous définissons ce genre de
changement : changement de type I. Pour reprendre les termes d’Argyris et Schön (1978,
p.25) : « the distinction between single- and double-loop learning is less a binary one than
might first appear […]. It is possible to speak of organizational learning as more or less
double-loop ». Les configurations se distinguent entre elles par le dosage entre simple et
double boucle.

Par ailleurs, il existe un changement de type II, désignant les changements qui déclenchent
le passage d’un quadrant à l’autre du modèle de Lam (2004). Ainsi, on peut concevoir qu’une
formalisation progressive d’une structure adhocratique finisse par la transformer en
bureaucratie professionnelle. Ce changement pourrait, certes, s’accompagner d’un
apprentissage en double boucle. Il ne s’y réduit pourtant pas. Dans le cadre de cet exemple, le
maintien des choix relatifs aux positionnements sur le marché et donc des valeurs soutenant
les théories en usage, pourrait très bien accompagner le passage de l’adhocratie à la
bureaucratie professionnelle. Ainsi, le changement de type II est également compatible avec
un apprentissage en simple boucle. En définitive, types d’apprentissage et types de
changement sont des catégories conceptuelles différentes.

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Les changements de type I et II correspondent à deux mouvements distincts du


changement. Le premier correspond à un rythme de croisière de changement propre à une
configuration donnée ; le second renvoie à l’adoption d’un nouveau rythme de croisière de
changement aboutissant à changer de quadrant. Pour expliquer le changement de
configuration (type II), il faut aller au-delà des concepts d’Argyris et Schön (1978). Cette
explication passe par notre concept de désalignement. Comme déjà évoqué plus haut, chaque
configuration suppose l’alignement de valeurs spécifiques (et cohérentes entre elles) prises
par les quatre composantes du modèle de Lam étendu. Le désalignement réfère à la situation
dans laquelle cette cohérence n’est plus vérifiée. L’une des composantes de la configuration
sort de l’alignement, provoquant un déséquilibre. Sous l’effet de cette évolution, les autres
composantes sont attirées par la première. A l’issue du processus, l’organisation se stabilise
dans une nouvelle configuration (figure 4). A cette nouvelle configuration s’associent un autre
rythme d’apprentissage et une autre capacité d’innovation.

1. Alignement
stable 3. Nouvel
alignement
B
B
B
B
A
AA
A

B
B
B
2. Dé
Désalignement
A

Figure 4 – Le désalignement

En effet, les composantes gravitent autour d’un idéal-type, sans lui correspondre
parfaitement. Une comparaison intéressante est, ici, celle de la structure d’un atome (figure 5).

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Nous prenons pour acquis que toute organisation se rapproche d’une configuration-type
théorique. Les composantes cognitive, organisationnelle, sociétale et stratégico-économique
constituent la couche externe, observable, de cette configuration. Chaque composante prend
une valeur réelle proche de – mais toujours inégale à – sa valeur théorique. De plus, cette
valeur réelle varie en permanence, autour de sa valeur théorique. Ainsi, ce que nous avons
qualifié d’état stable dispose, néanmoins, d’une dynamique interne. Par suite, une composante
tout en gravitant autour de sa configuration-type, peut s’approcher d’un autre idéal-type. La
composante se trouve alors dans le champ d’attraction de deux idéaux-types, ce qui créé une
tension. Si la nouvelle configuration-type parvient à s’emparer de la composante limitrophe,
la configuration précédente est déstabilisée. Un changement configurationnel s’initie sous la
forme d’un désalignement. On peut extrapoler la configuration d’arrivée comme étant la celle
ayant capté la composante désalignée.

Composantes

Idéal-type

TENSION

Figure 5 - Configuration théorique, configuration réelle

A travers cette représentation, nous espérons montrer que la distance séparant les variables
observées (les composantes configurationnelles) du concept mesuré (la configuration-type)
comporte, lorsqu’elle est contrôlée, un intérêt méthodologique pour étudier le changement.
Cette approche imparfaite du concept par les variables, nous a mis sur la piste d’une nouvelle
interprétation du changement configurationnel, fondée sur le concept de désalignement. Ainsi,
pour chacune des organisations examinées ci-après, cette imperfection nous permet de
diagnostiquer à la fois la configuration-type initiale et celle d’arrivée. Comme nous l’avons

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vu, cette double identification favorise la perception des déterminants du changement


configurationnel.

Connaissant les configurations de départ et d’arrivée des quatre organisations étudiées


d’une part, et le contenu des changements récents dans chaque organisation d’autre part, nous
nous sommes mis en quête d’une interprétation des données, pour comprendre le changement.
En vue d’atteindre cet objectif, nous proposons d’ajouter aux concepts classiques de
l’apprentissage organisationnel (simple et double boucle) le concept de type de changement
permettant le passage d’une configuration à une autre.

2.2. RESISTANCES AU CHANGEMENT ET REALIGNEMENT

Le désalignement se produit lorsqu’en réponse à un choc initial, des décisions


incohérentes avec la configuration en vigueur sont prises. Cependant, des facteurs de
résistance au changement configurationnel exercent une force de réalignement, s’opposant au
désalignement. Ainsi, une composante défiant l’alignement initial peut se voir rappelée à
l’ordre par les autres feuillets de la configuration. Le désalignement est donc une condition
nécessaire, mais néanmoins insuffisante, pour aboutir au changement configurationnel. Le
changement ne peut aboutir que si les sources de résistance sont surmontées. Tel est le rôle
des managers. L’un de nos objectifs est de leur proposer les outils nécessaires au pilotage du
changement, à travers la détection d’une part, puis l’exploitation ou la réorientation, d’autre
part, du désalignement. Ces trois capacités de détection, d’exploitation et de réorientation sont
voisines des capacités dynamiques décrites par Teece (2007) : sensing, seizing, reconfiguring.

Ces capacités dynamiques, sont à l’origine d’interprétations, de décisions et d’actions,


permettant des apprentissages desquels émergent des changements de type I. Dans ce cadre,
l’accumulation de changements de type I provoque le désalignement. Or, le besoin
d’optimiser la capacité d’innovation fait du changement de type II l’objectif essentiel des
managers. Mais le contrôle sur le changement de type I suppose une effectivité de la prise de
décision jusqu’aux niveaux les plus bas de la hiérarchie. Ce contrôle peut être affecté par
d’éventuels jeux de pouvoir à l’intérieur de l’organisation (Feldman et Pentland, 2003).
Cependant, les managers peuvent prendre conscience, au préalable, d’une résistance probable
d’autres acteurs. Ils ont, alors, la possibilité d’y faire face en pratiquant une logique de
communication influant sur l’acceptabilité du changement par les individus (Deci et Ryan,

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2000). Dans le cas contraire, une logique d’échange se met en place, réductrice du conflit,
mais sans influence sur l’acceptabilité du changement. On aboutit à un réalignement et,
finalement, un immobilisme configurationnel. Ce frein au changement est donc caractérisé par
une non-effectivité de la prise de décision.

CONCLUSION

Ainsi, un ensemble de facteurs soit spécifiques à la firme J, soit généraux, viennent se


conjuguer pour la fragiliser.

Au titre des facteurs spécifiques, les caractéristiques qui font de la firme J la mieux
adaptée au développement durable peuvent être amenées à s’essouffler. De plus, au titre des
facteurs généraux, se trouve le phénomène du désalignement.

Ces observations tendent à légitimer l’écart existant entre les déclarations d’intention et les
faits. Puisque l’action socialement responsable n’est pas toujours possible (en raison des
facteurs d’instabilité de la firme J), si le discours permet de retarder l’apparition (et de réduire
les conséquences) d’une suspicion autour du comportement de l’organisation, faut-il le
reprocher aux managers ?

Enfin, les exigences sociétales sont contingentes. Les attentes sociétales notamment,
diffèrent fortement selon les Etats. Un risque de dumping sociétal existe, lequel pourrait
considérablement aggraver la difficulté des pays occidentaux à endurer le développement
durable. De même, les exigences du développement durable varient dans le temps. Les
innovations sociétales, découlant de stratégies volontaristes, débouchent sur une évolution des
attentes des parties prenantes.

En somme, la firme J est la configuration la mieux adaptée pour répondre aux attentes
actuelles, dans les pays occidentaux. Cette conclusion pourrait elle-même s’avérer instable
dans le temps et dans l’espace.

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