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4 AFFAIRE N° ICTR-2001-73-T LE PROCUREUR
5 CHAMBRE III C.
6 PROTAIS ZIGIRANYIRAZO
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9 PROCÈS
10 Jeudi 2 mars 2006
11 9 h 15
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13 Devant les Juges :
14 Inés M. Weinberg de Roca, Présidente
15 Khalida Rachid Khan
16 Lee Gacugia Muthoga
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18 Pour le Greffe :
19 Stephania Ntilatwa
20 Zulphur Mhina
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22 Pour le Bureau du Procureur :
23 Wallace Kapaya
24 Gina Butler
25 Iskander Ismail
26 Charity Kagwi-Ndungu
27 Jane Mukangira
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29 Pour la défense de Protais Zigiranyirazo :
30 Me John Philpot
31 Me Peter Zaduk
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33 Sténotypistes officiels :
34 Pius Onana
35 Françoise Quentin
36 Lydienne Priso
37 Nadège Ngo Biboum
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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006
9 PIÈCES À CONVICTION
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3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Bonjour, Mesdames, bonjour, Messieurs.
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9 Je vous remercie.
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Je vous remercie.
12
1 Me PHILPOT :
2 Je vais faire une intervention à ce stade.
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15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Si je puis répondre, Madame la Présidente.
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 Faites.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 L’Article 44 décrit… 94 décrit le rapport d’expert, ce n’est pas une
21 déposition, il donne le titre que va évoquer l’expert.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Nous connaissons ces dispositions. Ce que je veux savoir, c’est de savoir
24 pourquoi vous voulez tirer cette information de l’expert en relation avec
25 votre Acte d’accusation ?
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 Dans le… les notes préalables au procès, nous savions que nous allions
28 en arriver là, d’où l’Akazu tirait son pouvoir. C’est notre position, et nous
29 sommes en train de retracer le contexte. Et au fur et à mesure que nous
30 avancerons, il apparaîtrait clairement aux yeux de la Chambre la
31 structure du pouvoir.
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33 Pour ce faire, nous devons démontrer les tensions entre les groupes
34 sociaux, entre les régions et ces tensions sont mentionnées dans le
35 rapport. Elle a mentionné le rôle du préfet, ce qui… ce que ce préfet
36 aurait dû savoir concernant les personnes qui sont emprisonnées dans sa
31 C’est une allégation de la responsabilité du supérieur qui n’a pas fait tout
32 ce qui était à son pouvoir d’empêcher un crime qui aurait été commis en
33 1978, 15 ans avant les faits reprochés à mon client. L’on tient
34 responsable mon client pour les crimes qu’il n’a pas commis et qui ne lui
35 sont pas imputés.
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1 L’ironie du sort veut qu’elle a dit que les auteurs du crime ont été jugés.
2 Et, à mon sens, je n’en ai jamais entendu parler ; et je ne me suis pas
3 préparé pour défendre effectivement mon client. Et on ne peut pas tenir
4 mon client responsable de négligence en lui imputant cette
5 responsabilité du supérieur.
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7 Les procès… Nous avons souligné au cours des précédents mois que le
8 procès actuel concerne les faits évoqués dans l’Acte d’accusation, et ces
9 faits, ces procès évoqués ne concernent en rien les faits plaidés dans
10 l’Acte d’accusation.
11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 Ça ne peut pas être une question dont vous n’en avez pas entendu
13 parler parce que cela se trouve dans le rapport depuis l’année dernière,
14 et vous ne pouvez pas prétendre que vous n’êtes pas au courant. Peut-
15 être que vous voulez explorer d’autres moyens de défense que de dire
16 que vous n’êtes pas au courant.
17 Me PHILPOT :
18 Le fait que des rumeurs ont circulé sur ces faits, sans nul doute, c’est
19 mentionné dans le rapport ; mais les procès et le fait que la population,
20 apparemment, n’était pas satisfaite des résultats de ces procès, tout ceci
21 m’est étranger.
22 M. LE JUGE MUTHOGA :
23 Soit, mais le fait qu’un témoin expert va déposer sur les faits qu’il y avait
24 eu des études historiques qui démontrent que certains procès avaient
25 été menés relativement aux tueries, tueries commises contre la
26 personne des dirigeants de la Première République, cela suffit
27 amplement comme notification à vous.
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29 Que ce soit pertinent ou pas, ça, c’est autre chose, mais vous ne pouvez
30 pas dire que vous n’en avez pas entendu parler, ce n’est pas indiqué.
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32 Me PHILPOT :
33 Je vais apporter un éclaircissement.
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28 Si… Ces faits ne contribuent pas à condamner votre client pour un acte
29 survenu en dehors de la compétence temporelle du Tribunal. Le docteur
30 Des Forges retrace l’historique, comme vous le savez, et il vous sera
31 loisible de la contre-interroger le moment venu.
32 Mme KAGWI-NDUNGU :
33 Je vous remercie, Madame Président.
34 Q. Nous discutions de la réaction suscitée dans le pays par ces procès, et je
35 voudrais vous demander qui était le préfet de Ruhengeri à l’époque ?
36 R. Le préfet à l’époque était Monsieur Zigiranyirazo.
1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Q. À quelle période ?
3 R. Au cours des années où ces personnes ont été exécutées.
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Q. Soyez plus précise. Cela s’est passé en quelle année ? Est-ce qu’il y a un
6 an ou il y a 15 ans ? Enfin, dites-nous la période.
7 R. Madame le Président, les décès ou les tueries ont été faites de manière
8 secrète. Donc, il n’y avait pas eu de connaissance aux yeux du public. Il
9 n’y avait pas eu d’enterrement, les familles ne savaient pas où étaient
10 enterrés leurs chairs, mais nous pouvons estimer que c’était autour de la
11 période de 73
12 à 83.
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28 Et loin de leur point de ralliement pour rassembler les gens autour d’eux,
29 c’est de dire que ces gens-là qui sont au pouvoir sont au pouvoir par un
30 coup d’État et ont commis des crimes terribles en tuant le Père de la
31 Nation. Ceci leur a donné un pouvoir pour sensibiliser la population, pour
32 faire un appel à la population hutue.
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11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 (Intervention non interprétée)
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Un préfet quelconque.
15 R. Les préfets ou un préfet était le représentant du pouvoir central,
16 responsable de sa préfecture. Par conséquent…
17 M. LE JUGE MUTHOGA :
18 (Intervention non interprétée)
19 R. De sa préfecture. Merci.
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6 Si vous étiez l’un, vous étiez l’autre, et ce, à travers tout le pays. C’était
7 au plus… Mais la même chose vaut au plus bas niveau de
8 l’administration territoriale : Si vous étiez bourgmestre, vous étiez
9 bourgmestre et président dans votre commune.
10 M. LE JUGE MUTHOGA :
11 Q. Vous dites que le MRND, par exemple, n’avait pas d’autre personne en
12 tant que président du parti dans la préfecture de Ruhengeri autre que le
13 préfet ? Et est-ce le cas ou bien le préfet était considéré par le parti
14 comme étant également le patron du parti dans sa préfecture ?
15 R. Monsieur le Juge, c’était le cas, du niveau du président jusqu'au petit
16 échelon de l’administration, que les deux structures, l’administration et
17 le parti, sont indivisibles. Donc, dans toutes les structures ? dans tous les
18 districts, vous avez le chef du parti qui est le chef de l’administration
19 également. C’était l’État… le parti-État, au sens le plus strict du terme.
20
21 Mme LE PRÉSIDENT :
22 Q. Docteur Des Forges, si je vous comprends, en 1994, Monsieur
23 Zigiranyirazo n’était plus préfet de Ruhengeri. Donc, à cette époque des
24 faits, il était moins important que le préfet d’alors ?
25 R. Madame le Président, c’est là où nous rencontrons des difficultés en
26 relation du pouvoir formel et le pouvoir classique en 1994. Et ceci peut
27 aussi être développé lorsque nous allons parler de l’intervention des
28 partis politiques en politique.
29
26 C’est comme ça qu’il faut voir la structure du pouvoir dans la partie nord-
27 ouest du pays.
28 Q. Lorsque vous dites que Ruhengeri est une région riche, pourriez-vous
29 donner plus de détails ?
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Q. Avant cela, hier, vous avez dit que la menace — peut-être que je me
32 trompe, mais je pensais — que la menace ou qu’il y avait un conflit entre
33 Ruhengeri et le centre ou le sud-ouest du Rwanda ; et maintenant, vous
34 dites le contraire. Il y a une petite contradiction.
35 R. C’est le problème d’un historien qui essaie de conter l’histoire comme
36 étant le résultat de questions juridiques, plutôt que de suivre une ligne
7 À la fin des années 80, au début des années 90, c’était un symbole de
8 plus en plus fort pour le Rwanda, car la guérilla était le symbole que
9 brandissaient beaucoup de Gouvernements. Et du fait de sa nature assez
10 rare et protégée, ces plages ont également fait l’objet de « traquage »
11 de la part de l’homme, dans les années 80-90. Et Diane Fossey s’est
12 beaucoup investie dans le domaine de l’écosystème et pour la protection
13 de ces zones.
14 Q. En votre qualité d’expert, pouvez-vous dire pourquoi Zigiranyirazo a été
15 nommé préfet de cette préfecture combien importante du Rwanda ?
16 R. Il était considéré comme étant capable de ce faire, on lui faisait
17 confiance. Et c’étaient là les deux qualités nécessaires pour contrôler
18 une zone importante, une préfecture importante et puissante.
19 Mme LE JUGE KHAN :
20 Q. Qui avait confiance en lui : Le Président, son épouse ?
21 R. Je vous remercie, Madame le Juge.
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23 Très certainement les deux. Je ne pense pas qu’à l’époque, les opinons
24 divergeaient sur la question. Comme je l’ai dit hier, j’ai établi le parallèle
25 historique avec le début du 20ème siècle et la façon dont les gens
26 parlaient de l’épouse du Président ; et ils la surnommaient « Kanjugera »,
27 cette reine mère. Donc, elle exerçait son contrôle à elle par le biais de
28 ses deux frères.
29 Mme KAGWI-NDUNGU :
30 Q. Sur la base de vos études, sur la base de votre connaissance d’expert de
31 la région, veuillez nous dire quelle était sa réputation en tant que préfet,
32 en tant que chef administratif de cette préfecture importante.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Q. Si vous pouvez nous dire également quelles sont les sources de cette
35 information.
36 R. Madame le Président, Honorables Juges, un historien qui travaille dans
5 Je puis dire, sans doute aucun, que je n’ai jamais entendu Monsieur
6 Zigiranyirazo être décrit en d’autres termes que comme étant quelqu’un
7 de puissant. Peut-être parfois, très tard, il y a eu une assertion
8 contradictoire — nous allons en parler plus tard —, assertion intéressante
9 qui émanait d’un observateur important.
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16 Je ne pense pas qu’il fasse l’objet d’aucun doute que cet homme était
17 reconnu comme étant extraordinairement puissant et également
18 efficient et efficace. Certains diraient qu’il faisait preuve de grossièreté.
19 Mais il savait maintenir la mainmise sur son territoire. Il l’a fait pendant
20 15 années et cela, l’ont amené… cela l’a amené à passer par des
21 moments difficiles.
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33 Cela émane très clairement de toutes les sources que j’ai eues. Je n’ai
34 jamais entendu quelqu’un dire : Cet homme n’est rien, ne vous en faites
35 pas. Non, c’était le contraire : « Cet homme est très puissant et il faut
36 faire attention ».
1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 Q. Veuillez nous donner de plus amples détails : Pourquoi était-il craint ?
3 Pourquoi les gens avaient-ils peur de lui ?
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Madame le Procureur, faites attention, car nous voulons l’information du
6 témoin expert — c’est son expertise — et des éléments de preuve sur
7 cela ; mais nous ne voulons pas que l’on fasse comparaître des témoins
8 ici au prétoire et que ces témoins ne puissent pas être contre-interrogés
9 par la Défense.
10 Mme KAGWI-NDUNGU :
11 Je lui demande son opinion d’expert sur la question. Je suis sûre que la
12 Défense pourra la
13 contre-interroger sur cela et la Chambre pourra l’évaluer sur la valeur
14 probante de sa déposition.
15 R. Il était considéré comme quelqu’un qui pouvait faire faire les choses
16 localement, mais également au niveau national.
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1 Cela n’est pas allégué dans l’Acte d’accusation et, à moins que je ne me
2 trompe, il n’y a rien de ce type dans le rapport, rien sur le changement
3 des résultats électoraux. Et même si cela apparaissait, je ne sais pas
4 quelle est sa pertinence.
5 R. Si je dois évaluer le pouvoir de quelqu’un, je dois illustrer cela.
6 Me PHILPOT :
7 C’est là le propos d’un avocat. Et je voudrais que le Procureur réplique à
8 mes objections.
9
10 Oui, Docteur Des Forges est quelqu’un qui sait de quoi elle parle, mais
11 elle ne doit pas supplanter le Procureur.
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 J’ai demandé l’opinion du témoin en sa qualité d’expert, et c’est pour
14 cela que nous l’avons citée à comparaître. Elle nous donne son opinion,
15 ce n’est peut-être pas l’opinion que de la Défense s’attend à entendre ;
16 et cela est corroboré par des livres avec des notes en bas de pages : Le
17 Rwanda du parti-État à l’État-garnison, entre autres exemples donc, avec
18 des notes de bas de pages. Cela est intégré à son ouvrage, et si la
19 Défense voulait verser cela en preuve, nous pouvons le faire.
20 M. LE JUGE MUTHOGA :
21 Qu’avons-nous dans son livre : Que Monsieur Zigiranyirazo a changé les
22 résultés électoraux ?
23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Le témoin ne nous a pas donné tous les détails.
25 M. LE JUGE MUTHOGA :
26 Que dit le livre : Qu’il a changé les résultats de quelle époque ?
27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 C’est à l’époque où il était préfet, et je voulais donner des détails sur la
29 façon dont l’Akazu a exercé ce pouvoir.
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 Je suis d’accord avec vous, la différence entre vous et moi, c’est que
32 vous avez lu le livre et moi, je ne l’ai pas lu.
33
34 Je vous demande donc ce que dit le livre : Quels résultats électoraux est-
35 il supposé avoir changés ? Nous voulons donc un exemple, un exemple
36 concret de l’exercice du pouvoir. Parfois, l’on parlerait d’abus de pouvoir.
1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 Madame le Procureur, nous ne voulons pas des opinions, nous voulons
3 un rapport d’expert qui corroborerait la déposition du témoin.
4 Me PHILPOT :
5 Une note en bas de page se réfère à un point du livre. Si c’est le cas, je
6 n’ai pas de problème avec cela. Une note en bas de page n’intègre pas
7 un livre dans un rapport, non, il se réfère à un point. Et très
8 certainement, je ne suis pas prêt à lire toutes les notes en bas de pages
9 et toutes les parties de livre en bas de pages.
10
17 Nous comprenons que vous voulez que le docteur Des Forges nous
18 explique comment l’Akazu a été mis en place et comment l’Akazu
19 exerçait son pouvoir, nous le comprenons. Nous n’avons toujours pas
20 commencé en tant que tel l’interrogatoire.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Je voulais juste établir les jalons. Nous ne pouvons pas aller droit au but
23 sans établir les jalons, cela serait insensé.
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Dans ce cas-là, posez des questions plus concrètes, ne spéculez pas et
26 ne nous donnez pas des informations générales. Nous voulons des
27 informations concrètes.
28
2 Par exemple, si vous dites que les élections de telle ou telle date ont été
3 truquées et si nous pouvons établir le fait qu’il a truqué ces élections,
4 soit ; mais si tel n’est pas le cas, Monsieur Zigiranyirazo peut se lever et
5 dire : Je n’étais même pas à Ruhengeri à ce moment-là, j’étais en
6 vacances en Europe, dans les Caraïbes. Et dans ce cas-là, nous ne
7 pouvons rien faire.
8
9 Mais si vous ne dites pas, par exemple, il a fait ceci ou cela, et si vous ne
10 lui donnez pas l’occasion de répondre à cela, cela ne nous mène à rien.
11 Mme KAGWI-NDUNGU :
12 Je suis vos directives et, dans mon interrogatoire principal, je m’attache
13 à ce que vous avez dit, j’essaie de ne pas être trop longue et de pas
14 prendre trop de temps.
15 R. Je pense qu’il serait approprié que je dise que c’est moi qui ai introduit le
16 point sur les élections et non pas le Procureur. Et j’essayais de donner
17 des exemples concrets pour différencier mon opinion de ce qu’était la
18 relation de pouvoir à l’époque et comment cet homme était considéré à
19 l’époque. Et j’ai dit que, par exemple, très souvent, l’on disait qu’il avait
20 son mot à dire sur le recrutement, sur les licenciements et sur les
21 élections ; et l’on retrouve cela dans le livre de Gasana.
22
16 L’on disait que ces gens-là amassaient de grosses fortunes pour leurs
17 intérêts propres, et cela au dépend des pauvres. Et cela revient
18 également sur toute la question de la façon dont ils ont pris le pouvoir.
19
20 Cela vaut pour les Hutus, pas seulement pour les Tutsis, car certains
21 Tutsis ont participé à leur exercice du pouvoir. Mais les pauvres hutus ou
22 tutsis disaient : « Voilà, il y a tous ces projets de développement ; il y a
23 toutes ces choses-là dans le pays et c’est vous qui profitez de cela, nous
24 n’en profitons pas ».
25
1 Le livre dont elle parlait se trouve dans votre dossier rwandais du parti-
2 État. La note en bas de page ou la page dont elle a parlé est…
3 R. La page 39.
4 Mme KAGWI-NDUNGU :
5 La page 39, note en bas de page 9, pages 33 à 41. C’est donc là un
6 document qui a déjà été versé aux débats comme pièce à conviction.
7
8 Mais je voudrais verser cette page 39, la verser en preuve comme pièce
9 à conviction séparée.
10 M. LE JUGE MUTHOGA :
11 Pourquoi ?
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 Car la page 30 était une pièce à conviction pour un autre point, mais il
14 s’agit là de la page 39.
15 M. LE JUGE MUTHOGA :
16 Si le document tout entier est versé en preuve, que nous l’avons entre
17 les mains, alors, tout ce que vous devez nous dire, c’est : Reportez-vous
18 à la page 39. Et nous savons ce que nous devons faire et c’est suffisant.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 Je vous remercie.
21 Q. Nous parlions et discutions de Monsieur Zigiranyirazo et de son
22 investiture de préfet. Sur la base de votre connaissance de la région, les
23 informations que vous avez collectées en qualité d’historienne, pouvez-
24 vous nous dire pourquoi il a perdu son poste ?
25 M. LE JUGE MUTHOGA :
26 Q. Qu’a-t-il fait ? Peut-être qu’il n’a pas perdu son poste, peut-être qu’il a
27 démissionné de son propre chef.
28 Mme KAGWI-NDUNGU :
29 Je vous remercie, Honorable Juge.
30 R. Il se susurrait à l’époque — à l’époque —, au Rwanda et ailleurs, qu’en
31 fait, l’on l’avait obligé à quitter ce poste. On l’avait obligé à quitter ce
32 poste en partie car il avait mauvaise presse et mauvaise notoriété, et
33 cela avait une incidence sur le Président. En 1989, c’était la fin de son
34 mandat de préfet et c’est la date à laquelle il y a eu un grand
35 mécontentement qui s’est exprimé contre le Gouvernement.
36
20 Peut-être que cela n’était pas juste. Peut-être que quelqu’un d’autre
21 aurait dû être choisi, mais c’était lui qui a été choisi à titre d’exemple et
22 en partie, car il y a eu le meurtre de ce « conservationniste » dont j’ai
23 parlé dans sa préfecture.
24
25 Qu’il soit relié ou pas à cet assassinat, en tout cas, cela a attiré une
26 attention défavorable et, subséquemment, il a dû quitter son poste
27 hautement important et il redevenu étudiant au Canada. Il n’avait pas
28 fait d’études universitaires au préalable et, tout d’un coup, il était au
29 Canada pour des études universitaires.
30
31 Voilà. Cela n’est pas impossible, mais dans ce cas précis, c’était une voie
32 choisie par des personnes qui voulaient éliminer quelqu’un — en passant
33 par les études. Et je crois que c’est ce qui s’est passé.
34 M. LE JUGE MUTHOGA :
35 Q. Vous connaissez peut-être le cas d’un Président qui a pris sa retraite et
36 qui est retourné faire des études, cela ne date pas de longtemps.
14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Très bien. Nous allons passer à la page 7 de votre rapport, là où vous
16 parlez de l’Akazu et d’autres réseaux.
17 Q. Avant que je ne passe à ce point, mon collègue me suggère une dernière
18 question de suivi : Qui a remplacé Monsieur Zigiranyirazo au poste de
19 préfet ?
20 R. Charles Nzabagerageza est devenu préfet, il appartenait également à la
21 famille, mais pas si proche, c’était un cousin — je crois.
22 Q. Très bien. Cousin de qui ?
23 R. Je ne me souviens pas. Était-ce le cousin de Madame, était-ce le cousin
24 du Président ? Je ne m’en souviens plus, je devrais vérifier cela.
25 Q. Nous allons maintenant passer à la partie de votre rapport où vous
26 décrivez l’Akazu et les autres réseaux.
27 Mme LE JUGE KHAN :
28 Veuillez nous indiquer la page, s’il vous plaît.
29 Mme KAGWI-NDUNGU :
30 Page 7.
31 Q. Vous avez dit tantôt qu’il y avait des exemples au Rwanda similaires à la
32 monarchie ; quel nom donnait-on à ce phénomène dans la Deuxième
33 République ?
34 R. Le nom que l’on donnait à ce petit groupe qui détenait le pouvoir, c’était
35 « l’Akazu », en d’autres termes : « La petite maison ».
36 Q. Ce groupe portait-il d’autres noms ?
13 Cette question doit être soulevée : Était-ce elle qui dirigeait les rênes ou
14 étaient-ce ses frères qui faisaient les choses à sa place ? Car parfois l’on
15 disait que ses frères s’exposaient plus.
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 En fait, c’était une couverture.
18 R. Très certainement. Le plus actif et le plus visible était très certainement
19 Zigiranyirazo. Les autres frères que nous n’avons pas cités ici — je crois
20 — étaient Séraphin Rwabukumba qui n’était pas son frère… Vraiment,
21 c’était son frère dans le sens africain. En fait, c’était son cousin, mais ce
22 sont les deux pères qui étaient frères, mais il était considéré comme
23 étant le frère de Madame.
24 Mme LE JUGE KHAN :
25 Q. D’autres proches du Président Habyarimana entraient-ils en jeu ou
26 étaient-ce seules ces personnes qui le faisaient ?
27 R. On aurait pu les inclure pour des raisons biologiques parce qu’ils
28 faisaient partie de la famille, mais d’une manière politique, aucun
29 membre de la famille du Président n’avait ou ne bénéficiait de ce genre
30 de pouvoir comme l’avaient les membres de la famille de l’épouse.
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Q. Ce que nous ne comprenons pas, c’est ce qu’était « l’Akazu » : Était-ce
33 une réunion de personnes, une réunion de personnes qui fonctionnait de
34 manière individuelle ou était-ce un groupe qui fonctionnait en tant que
35 groupe ?
36 R. Oui. Le terme que Monsieur Zigiranyirazo lui-même utilisait était « une
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1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Nous ne parlons pas de la définition de cet élément dans le résumé, nous
3 parlons de son entendement et de ce que les autres Rwandais
4 considéraient comme étant l'Akazu.
5 Me ZADUK :
6 Elle n'est pas en train de citer mot pour mot ce qui est dit. Il faudrait que
7 nous parlions donc de ce que sont « les autres Rwandais », que nous
8 précisions donc de qui il s'agit lorsque nous parlons « d'autres
9 Rwandais », nous ne devons pas rester vagues.
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Lorsque nous aurons l'occasion de poser la question au témoin, nous lui
12 demanderons des précisions.
13 Mme DES FORGES :
14 Madame le Président, je voudrais conclure en vous disant que c'est un
15 élément qui n'est pas effectivement détaillé dans le rapport. Mais je
16 peux vous donner les détails, je peux vous donner les éléments qui
17 étayent mes propos. Et j'aimerais vraiment que vous me disiez ce que je
18 dois faire.
19 M. LE JUGE MUTHOGA :
20 Très bien. Je vous comprends.
21
36 Et, comme Monsieur Zaduk a dit, il a dit que s'il s'agit d'une définition qui
3 Mais s'il s'agit d'une autre source, vous nous le dites, pour que nous
4 puissions aller de l'avant.
5 Mme DES FORGES :
6 Je vous remercie, Honorable Juge.
23 Là, nous allons parler d'un groupe qui tenait des réunions… ou des
24 réunions qui se tenaient, par exemple à partir de 10 heures, et il y a une
25 seule personne qui prend des minutes. Et il s'agissait donc d'un groupe
26 qui fonctionnait de manière organique.
27
1 Rwanda !
2 M. LE JUGE MUTHOGA :
3 Le Rwanda n'a pas les droits d'auteur dans le cas de l’utilisation de ce
4 genre d’expression.
5 Mme DES FORGES :
6 Oui. Vous avez raison. Veuillez me corriger si je me trompe, mais c'est
7 vrai ce que vous dites.
8
20 On peut dire qu'il s'agit d'un groupe de personnes qui sont liées par un
21 dessein commun ; cela également peut être des intérêts économiques
22 politiques communs, d'autres sont liés par des liens de sang. Et je pense
23 qu’il s'agit là de la définition la plus étroite que nous pourrions avoir.
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Q. Peut-il s'agir d'un accord… d'une association qui parlerait d'accords ?
26 Mme DES FORGES :
27 R. On pourrait parler d'une alliance où vous avez plusieurs personnes qui
28 fonctionnent, qui veulent obtenir l'assentiment des supérieurs
29 hiérarchiques. Donc, il s'agit là des gens qui tournent autour des
30 dirigeants d'un pays.
31 M. LE JUGE MUTHOGA :
32 Q. S'agit-il de certaines sociétés secrètes où les gens se protègent
33 réciproquement ?
34 Mme DES FORGES :
35 R. Oui, Excellence. Vous-même, vous avez vu certains exemples que vous
36 pourriez citer. C'est juste pour vous montrer comment est-ce que ce
1 système fonctionnait ; c’est juste pour vous dire qu'au Rwanda, cette
2 association fonctionnait de manière efficace et beaucoup plus efficace
3 que dans certaines autres parties du monde.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 La seule différence que, moi, je constate avec d'autres pays, c'est qu'il
6 s'agit là d'une autre… d’une petite maison. Parce que dans d'autres
7 pays, on peut l'appeler « la grande maison » ! Ici, il s’agit simplement
8 « d’une petite maison ».
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Q. En tenant compte de ces relations subtiles entre les membres de l'Akazu,
11 comment est-ce qu’on pouvait distinguer les personnes qui sont
12 supérieures à d'autres ? Puisqu'il s'agissait d'une relation intime qui les
13 liait mais qui était très subtile.
14 Mme DES FORGES :
15 R. C'est une question très… fondamentale, Madame le Président. Je peux
16 vous dire qu'il s'agit là d'une situation qui n’était pas stable et cela
17 compliquait un peu les choses ; la personne qui avait le contrôle du
18 groupe maintenant peut être… peut perdre ce pouvoir et donner le
19 pouvoir à quelqu'un d'autre.
20
24 Nous avons certains changements qui sont plus ou moins nuancés et que
25 nous pouvons retrouver en faisant certaines études.
26
31 Et lui avait perdu cette qualité ou ce statut. C'est une espèce de forme
32 de disgrâce.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Q. Était-ce une certaine disgrâce lorsqu’on l’a fait renvoyer au Canada pour
35 aller étudier ? Et lorsqu’on tient compte des événements de 94 et après,
36 il a dû partir contre son gré ; alors, comment
22 Bien sûr, nous tous, nous avons eu des chefs assassinés dans nos pays.
23 Mais le genre de réaction populaire que cela a suscité, suite à la chute
24 d'un dirigeant… cette personne devient immédiatement un héros et la
25 personne qui était la plus proche de ce chef devient donc la personne à
26 prendre les choses en main ; ce que représentait, à cette époque,
27 Monsieur Zigiranyirazo.
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 Q. Il est le seul qui ait survécu ?
30 Mme DES FORGES :
31 R. Non. Il n’était pas le seul rescapé, il était la personne la plus visible qui a
32 acquis… avait un certain profil politique, qui était dans le pays et qui est
33 repartie dans la région natale de l’ancien Président.
34 Mme LE JUGE KHAN :
35 Q. Quel était le statut politique des membres de l'Akazu ? Tous des
36 députés ?
14 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
15 « N’étaient pas connus », pardon !
16 Mme DES FORGES :
17 R. … pour ce genre de choses. C’est eux qui facilitaient la venue au pouvoir
18 de certaines personnes. Ils étaient donc… ils devaient rendre compte à
19 l'Akazu.
20
1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Je voudrais même demander quelques précisions parce que, moi, j'ai un
3 peu de confusion dans ma tête.
4
5 Q. Dans l'Akazu, il n'y a pas une adhésion formelle, c'est quelque chose que
6 vous… c’est une qualité que vous avez parce que vous êtes né dans une
7 certaine région où vous avez acquis une certaine influence et ceci vous
8 rend respectable pour être admis au sein de ce groupe, au sein de ces
9 personnes qui boivent du vin fin. Alors, était-ce… y avait-il une adhésion
10 formelle qu'il fallait respecter ? Est-ce que les gens étaient enregistrés
11 ou, alors, radiés ? Quelle était la procédure d'adhésion à l'Akazu ?
12 Mme LE JUGE KHAN :
13 Q. Quels étaient les critères qui vous permettaient de devenir membre de
14 l'Akazu ?
15 Mme DES FORGES :
16 R. Honorables juges, s’agissant du Juge Muthoga, je pense que la première
17 description est tout à fait appropriée, c'est-à-dire qu'il s'agissait de
18 quelque chose d'officieux, il n'y a pas de carte de membre. Et les
19 personnes qui devenaient membres, même au sein du système,
20 variaient. On ne pouvait pas savoir exactement qui était membre qui ne
21 l'était pas, à l'exception des membres qui venaient de la région centrale,
22 c’est-à-dire le Président, son épouse et ses trois… et les membres
23 proches de sa famille.
24 Et, donc, ça ne pouvait pas « avoir » le même nombre de membres que
25 les membres dont la… Gasana aurait, par exemple, préparé la liste… Il
26 s'agissait du groupe… du noyau… du noyau principal qui ne change
27 jamais. Et une fois que vous avez ce noyau, donc, de ces cinq personnes,
28 le noyau composé de cinq personnes dont j’ai parlé, vous avez
29 maintenant des différents… d’opinions différentes… On ne sait pas qui
30 était membre de ce groupe, qui ne peut pas (inaudible).
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Q. Les cinq personnes : Vous avez dit le Président, son épouse, le secrétaire
33 privé du Président, le frère qui est le préfet de Ruhengeri, parce que
34 Ruhengeri est une région importante ; et qui est la cinquième personne ?
35 Mme DES FORGES :
36 R. Monsieur Rwamakuba qui était le chef… celui qui était chargé des
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 Q. Qu’est-ce qu’il y a de spécial dans l’Akazu ? Parce que, de manière
34 générale, les secrétaires privés et les épouses des présidents exercent
35 une certaine influence sur certaines personnes et ce sont des personnes
36 qui sont responsables des décisions qui sont prises.
2 Donc, que ce soient les autres personnes, c’est-à-dire les chefs de l’usine
3 de thé ou de sociétés paraétatiques — parce que l’entreprise est
4 importante —, donc ces personnes sont également responsables des
5 décisions qu’elles prennent et ce sont des personnes qui discutent avec
6 d’autres personnes qui font partie également de la structure du pouvoir.
7 Vous avez un préfet qui est important aussi dans sa préfecture, qui
8 prend également des décisions qui sont également importantes et
9 « peuvent ou ne pas être d’accord avec lui… » Donc, il est difficile de
10 « dire » la situation.
11
12 Qu’est-ce qui rend l’Akazu tout aussi spéciale ? Parce que ce sont des
13 choses qui se voient un peu partout, Madame le Témoin.
14 Mme DES FORGES :
15 R. On ne devrait pas considérer cela comme « spécial » parce que là... il
16 s’agit là d’un phénomène qui n’est pas unique au Rwanda, à l’exception
17 du fait que... à l’exception des circonstances historiques qui ont amené à
18 la dénonciation de ce système pendant le multipartisme. Ce sont des
19 autres Rwandais qui ont attiré l’attention sur ce phénomène.
20
21 Ce n’est pas quelque chose que, « nous, nous avons créé après le
22 génocide », c’est quelque chose qui existait déjà avant le génocide, et
23 ceci, par les propres Rwandais qui ont dit qu’il s’agissait là de la source
24 de tous les maux du pays. Et ils ont indiqué que la raison pour laquelle ils
25 ont commencé à expérimenter ou à connaître des problèmes
26 économiques… ou « nous avons commencé à enregistrer des assassinats
27 des opposants politiques, des problèmes de balance de paiement », tous
28 ces problèmes trouvent leur origine dans ce groupe vague qui tire le
29 pouvoir et qui se trouve autour du Président et qui sont là pour leur
30 intérêt personnel.
31
21 Vous avez donc là deux groupes : Une personne… Un groupe qui était
22 tout à fait à l’extérieur, qui voulait forcer le changement en créant des
23 partis politiques, mais vous avez également d’autres personnes qui
24 étaient dans la périphérie de l’Akazu, disons, et qui disaient : « Nous,
25 nous devons en tout cas œuvrer ou faire des efforts, sinon nous allons
26 tous être perdus. »
27 M. LE JUGE MUTHOGA :
28 Q. Forcer le changement ?
29 Mme DES FORGES :
30 R. Oui. Tout à fait. Et, donc, c’était très, très difficile pour les gens qui
31 détenaient le pouvoir.
32
1 R. Oui. Je l’ai.
2 Q. Je ne vais pas vous demander de vous référer à l’ensemble du
3 document…
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 Y a-t-il un document ou plusieurs documents ?
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Un seul document qui se trouve « à la » page 4 à 10.
9 Q. Je ne vais pas vous demander au... à ... toutes les relations qui existent
10 au sein du groupe. « De la » page 6 à 7…
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 Qui est l’auteur de ce document ?
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Je vais l’évoquer bien sûr.
15
34 Est-ce que je peux comparer mes notes avec quelqu’un ? Ça semble être
35 le même, mais ce que j’ai comporte la page 5.
36 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 Me PHILPOT :
6 Très bien. J’y suis.
7
17 Merci.
18
23 Q. Je vais vous demander de vous reporter à cette première page parce que
24 vous avez dit que les opinions sont divergentes en ce qui concerne la
25 composition de ce groupe ; quelle est votre opinion en examinant la
26 première page ? C’est-à-dire la page 4 dans le classeur.
27 R. Cette analyse nous a donné une définition plus élargie que la définition
28 que j’ai donnée. Il a inclus, de manière descriptive, certaines relations
29 personnelles. Vous pouvez le voir ici noter des relations intimes entre le
30 Président et une femme et la Première dame et un homme… un autre
31 homme.
32 Me PHILPOT :
33 Q. Est-ce que vous dites que cet organigramme a été préparé par « EDE
34 (sic) » ?
35 R. Oui. C’est mon impression.
36 Me PHILPOT :
1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Q. C’est la troisième case à la page 4…
3 R. Troisième case à partir de la gauche ?
4
11 Mais les autres personnes dont les noms figurent sur cet organigramme
12 incluaient Musabe, que j'ai mentionné ce matin ; Zabagaregeza (phon.),
13 qui a remplacé Monsieur Zigiranyirazo en tant que préfet de Ruhengeri ;
14 et Monsieur Hingilinvamuda (phon.), qui était chargé des travaux publics
15 et qui était un… qui occupait un poste très influent et qui disposait de
16 beaucoup de ressources à l'époque.
17
18 En gros, c'est une version élargie de l'organigramme que j'ai décrit moi-
19 même.
20 Mme LE JUGE KHAN :
21 Q. Docteur Des Forges, comment est-ce que le témoin ADE était lié à ce
22 couple ? Au couple présidentiel, s’entend.
23 R. Il y avait une*********************: Sa femme était membre
24 de******************************************.
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 Q. Vous avez également mentionné…
27
23 Attendons…
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Madame la Représentante du Greffe, quelle est la cote à affecter à ce
26 document, pièce à conviction à charge ? Et puis, vous donnez la cote,
27 puis…
28
29 Vous dites ?
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 « P. 42 — provisoire ».
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 « P. 42 — provisoire ».
34
1 sera retranchée.
2 Mme KAGWI-NDUNGU :
3 Bien.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 S'il vient et qu'il se dissocie du document, le document sera rejeté.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Si la Défense n’y trouve pas d'inconvénient, nous allons verser « des »
8 documents aux débats.
9 Me PHILPOT :
10 Nous partageons la suggestion faite par la Chambre.
11
14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Bien. J’avance.
16
17
18 Q. Vous avez fait allusion aux faits que l’Akazu est dénommée sous un
19 autre vocable, « le réseau Zéro ».
20 R. Je lui ai parlé deux ou trois fois…
21 Q. Savez-vous pourquoi il a choisi d'utiliser le terme « réseau Zéro » ?
22 R. « Z », pour « Zéro » et afin d’associer l’association à Zigiranyirazo.
23 Q. Je vais vous donner un exemplaire de ce document qui parle du réseau
24 Zéro ; est-ce que vous avez eu l'occasion d’étudier ce document dans le
25 cadre de votre travail ?
26 R. Oui.
27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 C'est le document… C'est dans le classeur.
29
1 Me PHILPOT :
2 À quelle page ?
3 Mme KAGWI-NDUNGU :
4 « K0236… » Il s'agit de la cote K03562005.
5
16 Me PHILPOT :
17 Je voudrais voir le document pour être sûr du document dont il s'agit. Je
18 veux juste voir le document brièvement.
19
1 Le rapport.
2 M. LE PRÉSIDENT :
3 Est-ce que ce document sera versé aux débats comme pièce à
4 conviction ?
5 Mme KAGWI-NDUNGU :
6 C'est déjà versé.
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Je voudrais juste faire un commentaire là-dessus : Maître Philpot vient de
9 nous dire que cela ne se trouvait pas dans les… ne se trouvait pas parmi
10 les documents versés aux débats comme pièces à conviction.
11 Me PHILPOT :
12 Tout ce que j’ai dit, c'est que lorsque le document… l'ensemble des
13 documents avait été donné à la Chambre, ces documents n'ont pas été
14 versés aux débats et expliqués. Nous n’y trouvons pas d'inconvénient ;
15 sauf que pour être admis, il faut que ce… les documents soient
16 pertinents à la déposition. Et c'est là où nous sommes ce matin.
17
1 M. KAPAYA :
2 Là où nous mettons un accent particulier sur un document, alors nous
3 nous faisons un devoir de lui affecter une cote individuelle, comme nous
4 voulons le faire maintenant.
5
6 Le réseau Zéro faisait partie du lot P. 2, mais nous voulons lui faire faire
7 affecter une nouvelle cote : « P. 2 BA », par exemple.
8 Me PHILPOT :
9 Est-ce que ce ne sera pas plus indiqué… sera pas plus logique et
10 économique de lui affecter la cote P. 42 ou le numéro…
11 Mme LE JUGE KHAN :
12 Ce document sera P. 2 (1) — entre parenthèses.
13 M. KAPAYA :
14 « P. 2 (1) »
15
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Q. À présent, quel est votre commentaire sur ce document, Madame le
20 Témoin ?
21 R. C'est un document élaboré…
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Madame le Procureur, pouvons-nous observer la pause maintenant ?
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Oui. Le moment est venu d’observer la pause.
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Combien de questions avez-vous à poser… ou combien de temps cela
28 vous prendra à la reprise, Madame le Procureur ?
29
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Nous aurons une salle d'audience disponible cet après-midi. Nous allons
14 donc siéger de 15 heures
15 à 17 h 30.
16 Me PHILPOT :
17 Madame le Président, j'ai été informé de cela par votre assistante. Mais
18 étant donné l'état de santé de mon client, je voudrais demander que l'on
19 ne siège pas demain. Nous avons de la documentation dont nous devons
20 nous imprégner et je dois le rencontrer cet après-midi ou demain. Tout
21 dépendra de lui.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Maître Philpot, tout dépendra de votre contre-interrogatoire et du temps
24 que cela prendra. Nous aimerions terminer lundi, si nous siégeons toute
25 la journée lundi.
26 Me PHILPOT :
27 Oui. Cela serait possible.
28 M. LE JUGE MUTHOGA :
29 Je pense que l'on pourrait s'organiser pour pouvoir siéger lundi toute la
30 journée. Mais nous devons nous organiser pour cela et nous ferons de
31 notre mieux.
32 Me PHILPOT :
33 Je viens de parler avec Monsieur Rassi (phon.) et je lui ai fait part de nos
34 intentions et nous nous tenons à cela. Si nous pouvons siéger toute la
35 journée de lundi, alors, je pense que nous serions en mesure de terminer
36 lundi, sauf extraordinaire.
1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Personne ne souhaite cet extraordinaire !
3 Mme LE JUGE KHAN :
4 Qui procède ?
5
1 expert des questions… lui poser des questions sur « son » CV, qui fait
2 partie de la pièce P. 2 si j’ai bien compris.
3 Mme KAGWI-NDUNGU :
4 Madame le Président, Honorables Juges, je suis désolée, mais je ne vous
5 ai pas bien comprise.
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Voulez-vous demander au témoin expert des questions sur la base de
8 « son » CV qui fait partie de la pièce P. 2 ?
9 Mme KAGWI-NDUNGU :
10 Oui. Je le ferai.
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 Avant de ce faire, ce CV qui fait partie du rapport d'enquête, je voudrais
13 savoir ce qui suit : Qui est l'auteur dudit CV ?
14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Madame le Président, je vais donner la parole à mon collègue qui voudra
16 bien répondre à votre question.
17 M. KAPAYA :
18 Madame le Président, Honorables Juges, le CV a été préparé par l'Accusé
19 en 1998. À cette
20 époque-là, il « collaborait » — entre guillemets — avec OTP… avec le
21 Bureau du Procureur. Et dans le cadre de nos échanges et d’échanges…
22 il est apparu clairement que nous pensions l'accuser.
23
33 Lorsque Monsieur John Beck (phon.) est arrivé à ce point-là, j'ai fait une
34 objection formelle. Et j'ai dit que : « Vous devez produire ce document
35 conformément au Règlement et nous verrons ».
36
1 Mais je ne sais pas si c'est la signature de mon client ; mais pour tout le
2 reste, nous n'avons pas de problème. Et c'est mon client qui va revenir
3 sur la question.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 Y a-t-il une version anglaise de ce document quelque part ?
6 Mme LE JUGE KHAN :
7 Maître Zaduk, avez-vous un problème quant au contenu de ce
8 document ?
9 Me ZADUK :
10 Oui. Jusqu’à…
11 Mme LE JUGE KHAN :
12 Il a été préparé par votre client et je pense que c’est également son
13 écriture.
14 Me ZADUK :
15 Mais il y a eu une session et même des sessions avec des enquêteurs —
16 que je ne vais pas citer — du Bureau du Procureur. Au cours de ces
17 sessions, nous avons dit qu'il y a eu des déductions qui ont été faites.
18 Car, à un moment donné… — et cela contrairement à la déclaration de
19 Monsieur Kapaya, avec tout le respect que je lui dois — à un moment
20 donné où Monsieur Zigiranyirazo était suspecté… Monsieur Kapaya a dit
21 qu'à un moment donné, il pensait l'accuser, le condamner ; ce qui est
22 très parlant et qui montre quel a été le statut de Monsieur Zigiranyirazo
23 à cette époque-là, en 1998, en capacité de suspect.
24
1 culpabilité ?
2 Me ZADUK :
3 Non.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 Dans ce cas-là, pourquoi l'avoir rejetée ?
6 Me ZADUK :
7 Car il faudrait que l'on se conforme aux prérequis statutaires — il doit
8 avoir un Avocat, il doit renoncer à ce droit s'il le désire — et aucun de
9 ces garde-fous n'a été pris ; comme nous le faisons valoir dans notre
10 requête, selon la jurisprudence de ce Tribunal, nous voyons que le fait
11 d'ignorer ces garde-fous revient à une question qui remet en question
12 l'intégrité du processus.
13 M. LE JUGE MUTHOGA :
14 Même si toutes les autres déclarations disent ce qui suit : « Je suis
15 Protais Zigiranyirazo, je suis du Rwanda — et point », cette déclaration
16 ne serait pas recevable par-devant ce Tribunal, si lui ne l'a pas écrit, si
17 cela a été enregistré sur cassette, et si cela passait par toutes ces
18 étapes ; c'est ce que vous suggérez, Maître ?
19 Me ZADUK :
20 Je ne pense pas avoir dit cela.
21
1 M. KAPAYA :
2 Le terme « CV » a été indiqué par l'Accusé. Ce n'est pas nous qui l'avons
3 fait, c'est lui qui l'a décidé de son propre chef de s’exprimer, de dire qui
4 il était, où il est né, dans quelles circonstances…
5 Mme LE JUGE KHAN :
6 Est-ce là un aveu ?
7
36
10
11
12
13
1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Ce que nous vous demandons, qui est très important, c’est ce qui suit :
3 Ce document a-t-il été préparé suite à la demande du Bureau du
4 Procureur ?
5 M. KAPAYA :
6 Non.
7 M. LE JUGE MUTHOGA :
8 Vous avez trouvé ce document en sa possession et il vous a dit : « C’est
9 ce que j’ai écrit ».
10 M. KAPAYA :
11 L’historique de ce document est très long. Je ne sais pas ce que je
12 pourrais dire, mais en tout cas, à un moment donné… l’Accusé a, à un
13 moment donné, collaboré... collaboré avec le Bureau du Procureur. Il
14 était l’un des nôtres. Il n’était même pas suspecté à l’époque. Il était
15 source d’information pour nous. Il a donc préparé ce CV.
16 Mme LE JUGE KHAN :
17 Quand était-ce ?
18 M. KAPAYA :
19 1996, 97, 98. Cela a duré quelque temps, Madame le Président,
20 Honorables Juges. Donc, à ce moment-là, dans le « cas » de cette
21 collaboration, il a décidé d’écrire ce CV de son propre chef. À la fin du
22 CV, il dit : « Si quelqu’un contestait ce que je dis, alors demandez-lui de
23 le prouver ».
24
30 En outre, l’une des copies que nous avons a la mention « OTP » sous le
31 numéro… etc. Ce document n’a pas été saisi sur mon client au moment
32 de son arrestation. Non, pas du tout. Ce document émane du Bureau du
33 Procureur. Et il s’agit d’une déclaration qui entoure ou qui explicite cette
34 période.
35
5 Mon confrère, Maître Zaduk a rencontré une série de témoins. Je les ai…
6 J’ai lu cette liste ce matin car nous n’avons reçu ce document qu’hier. Je
7 vous en remercie de cette mouture. Il n’était pas suspect. Donc, je vais
8 repasser toutes mes anciennes déclarations de mon ordinateur.
9
26 Si mon confrère s’en tient à cela, s’il nous dit qu’il n’était pas suspecté
27 en 1998, alors il doit nous dire à partir de quelle date il l’est devenu, le
28 prouver sur la base de témoins ; et nous allons revenir sur toute la
29 question car nous avons toujours dit que Monsieur Zigiranyirazo a été
30 arrêté à Bruxelles avec violation de son passeport. Toute l’affaire a été
31 instituée après son arrestation. Il y a eu des personnes qui sont allées
32 sur le terrain en juin-juillet, mai 2001 pour des déclarations pro justitia ;
33 et les événements de Kesho, comme la Chambre l’a entendu, ont été
34 rajoutés par la suite.
35
36 Donc, je fais digression un tant soit peu, mais mon client, je pense, a été
1 M. KAPAYA :
2 Honorable Président, Monsieur Philpot n’a pas déposé un dossier.
3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Nous n’allons pas entendre le voire-dire maintenant. Ma question est la
5 suivante : Est-ce que vous voulez poursuivre avec les questions sur ce
6 document et le voire-dire et risquer que cela soit recevable ou pas ; ou
7 est-ce que vous préféreriez retirer ce document ?
8 M. KAPAYA :
9 Madame le Président, la question est beaucoup plus profonde que cela.
10 Si vous examinez la façon donc l’expert a utilisé ce document, elle l’a
11 utilisé non seulement comme source de document en tant que tel...
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Nous parlons là d’un document qui n’est même pas nécessaire. Peut-être
14 que nous pourrions avoir ces éléments de preuve sans avoir à se référer
15 au CV.
16 M. KAPAYA :
17 Très bien, Madame le Président. Si vous le voulez, nous pouvons le
18 retirer.
19 Mme LE PRÉSIDENT :
20 Cela nous aiderait grandement, vous êtes d’accord, Madame Ndungu ?
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Je voudrais demander... poser des questions au témoin sur l’utilisation de
23 son CV pour voir si cela est nécessaire.
24 Q. Docteur Des Forges, j’ai constaté que, dans votre rapport, vous avez mis
25 en note en bas de page le CV de Protais Zigiranyirazo. Il s’agit de la note
26 en bas de pages 52 à 56. Voulez-vous expliquer à la Chambre si vous
27 aviez eu une source secondaire de ces informations que vous venez de
28 mettre en haut de page... en note en bas de pages — pardon, de la page
29 32 à 35 ?
30 Mme DES FORGES :
31 R. Honorables Juges, j’ai... pour pouvoir bien comprendre les événements,
32 les historiens sont souvent confrontés au problème de ne pas pouvoir
33 s’adresser à une personne, qu’elle soit d’un côté ou de l’autre. À mon
34 avis, le fait d’avoir eu accès à ces documents était la seule possibilité
35 qu’il m’était offert de chercher à comprendre ce que Monsieur
36 Zigiranyirazo avait à dire à propos de son interprétation des
4 J’ai utilisé cette source pour voir comment est-ce qu’il a décrit ses
5 conflits avec d’autres personnes au sein de l’Akazu, et à qui il attribuait
6 ses difficultés au niveau politique, qui auraient abouti à sa disgrâce au
7 niveau politique. C’était là la seule occasion qui m’était offerte pour
8 comprendre son interprétation du jugement et pourquoi est-ce que ces
9 circonstances avaient abouti à la situation qu’il avait connue.
10
31
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 Nous acceptons, nous admettons le document de manière provisoire.
34 Nous avons accepté donc la teneur du document.
35 Mme KAGWI-NDUNGU :
36 Q. Revenons au document où il est question du réseau zéro. Pouvez-vous
16 Et des nouvelles choses devraient apparaître pour pouvoir faire face aux
17 défis que poussait la présence d'autres partis politiques. Et c'est dans ce
18 contexte que l'auteur de ce document a de nouveau adhéré au parti. Et
19 une année plus tard, il écrit : « Voilà, j’en ai assez, je suis déçu, mes
20 espoirs sont déçus, vous n'avez pas réalisé ce que vous avez promis. Et
21 comme conséquences, je m'en vais, je quitte le parti ».
22
4 Et ceci montre que le pays est dirigé comme une société d'où il voudrait
5 tirer le maximum de profit, et ceci justifie toutes sortes de politiques
6 élaborées par la suite.
7
1 et vous n’avez rien fait pour changer les choses. Ils vous ont indiqué que
2 ces personnes avaient commis le suicide, qu’il s'agissait d'un suicide
3 collectif. Et à la fin, entre 300 et 400 personnes sont mortes. Vous, vous
4 avez appris cela, et vous n'avez rien fait pour changer la situation ».
5
33 Donc, nous pensons ici que l'auteur qui fait partie de cette origine se
34 trouve à cheval entre Gisenyi et Gitarama, il s’agit d'une zone frontière
35 entre Gitarama qui est la zone contrôlée du MRND et la zone sous
36 contrôle du MDR. Et cet homme qui a été un moment au MRND et
31 Cela veut dire qu’il ne fallait pas que le pays… que cette région ne
32 devrait pas se laisser envahir ; et c’est une phrase clé. Envahie par qui ?
33 Envahie par les Tutsis, le FPR qui devrait envahir le pays, envahir
34 politiquement et économique. Et ici : « Il ne fallait pas que ces personnes
35 viennent vous envahir, ces personnes qui viennent du MRND, qui
36 viennent de la frontière et ils vont venir détruire les drapeaux de vos
1 partis, ils vont vous refuser l’accès à leur propre territoire parce qu'il
2 s'agit là d'un domaine sous contrôle du MDR ».
3
4 Et donc, vous pouvez comprendre le lien qui existait entre cette défense
5 ou les rivalités politiques qui existaient à l'époque et l'évolution de la
6 situation. Et cela nous permet de comprendre l'évolution des
7 événements qui a conduit vers le génocide. Cela avait commencé
8 comme une petite menace. C’étaient donc des rivalités qui existaient
9 entre Hutus du sud et du centre du pays.
10 Mme KAGWI-NDUNGU
11 Q. Je sais que vous avez mentionné le MRND, pouvez-vous indiquer à la
12 Chambre à quel parti l'Akazu… quel parti l’Akazu supportait ? Juste pour
13 les besoins du procès-verbal.
14 R. L'Akazu était pour le MRND et ceci totalement.
15 Q. À la page 5 : « Toute décision donnée par le parti allait directement ou
16 indirectement au réseau zéro ». Pouvez-vous nous dire si les membres
17 de l’Akazu avaient besoin d'adopter ou d'occuper une position officielle
18 au sein du MRND ?
19 R. L'implication ici, c'est que le MRND… que le MRND...
20 L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
21 L'interprète n'a pas bien compris. L’interprète n’a pas bien suivi
22 l’interprétation (sic) du témoin.
23 R. Il s’agit d'un terme qui a été utilisé par plusieurs personnes (inaudible)
24 beaucoup de personnes ont évoqué ce phénomène.
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 Q. En regardant les documents qui sont dans le dossier, un document qui
27 apparaît vers la fin du document K0358… Avez-vous ce document sous
28 les yeux, Madame le Témoin ?
29
30 Est-ce que le Greffier d'audience peut faire tenir une copie au témoin ?
31 R. Dans ce document-ci, un document blanc ?
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 Ce serait plus facile que vous lui remettiez une copie du document
34 auquel vous faites référence.
35 M. LE JUGE MUTHOGA :
36 Quel est le chiffre, s’il vous plaît… la cote ?
1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 « K0342785 ».
3 R. Oui, je l'ai, je viens de le retrouver.
4 Mme KAGWI-NDUNGU :
5 Q. Connaissez-vous ce document ?
6 R. Oui, je le connais bien.
7 Q. Quel est l'auteur du document ?
8 R. L'auteur du document, c'est le professeur Filip Reyntjens — R-E-N-T-G-E-
9 N-S (sic).
10
1 témoin et dont l'identité n'a pas été révélée, cela n'est pas acceptable.
2 Mme KAGWI-NDUNGU :
3 Compte tenu du contexte historique de ce document et de l'Acte
4 d'accusation que nous avons établi contre l'Accusé, nous avons tiré sur
5 la connaissance de ce témoin expert, et elle a parlé de cette personne
6 comme étant un érudit de l'époque. Ceci n'est qu’une information
7 concernant les sources d'information, ce n'est qu’une source entre
8 autres sur lesquelles nous allons nous fonder pour étayer notre
9 allégation. Cela ne fait que retracer le contexte. Nous avons dit qu'il était
10 également impliqué dans des réseaux informels.
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 Le réseau informel et Escadron de la mort, ce n'est pas la même chose.
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Je peux résoudre ce problème en posant une question au témoin.
15 R. Ce document se réfère également au réseau zéro.
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 ((Intervention non interprétée)
18 R. Pour moi, l'importance du document, c'est dans le même groupe que les
19 tueries sur base ethnique…
20 Mme LE PRÉSIDENT :
21 Posez votre question.
22 Mme KAGWI-NDUNGU :
23 Q. Ce réseau zéro était-il connu sous d'autres vocables ?
24 R. « L'Accusation » développée en 1992, plutôt, au début… fin 91, 92, 93
25 selon lesquelles ceux qui étaient impliqués dans l'Akazu et le réseau zéro
26 étaient impliqués dans les tueries, ce sont des accusations dont j’ai eu
27 vent pour la première fois en novembre 1991, là où on a parlé des
28 Escadrons de la mort ; et ces assassinats étaient imputés aux membres
29 de l'Akazu.
30
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Q. Est-ce que vous êtes en train de suggérer que tous les membres de
33 l'Akazu étaient également membres de l’Escadron de la mort ?
34 R. Non, Madame le Président. L'Akazu en tant que tel, il y a des listes qui
35 changent selon les membres qui appartiennent au groupe, mais il y a
36 toujours un noyau central de noms qui se recoupent à chaque fois.
1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 Mais, Madame le Procureur, cela répond également à votre question.
3 Est-ce que vous avez plaidé cette information dans l’Acte d’accusation
4 ou dans le mémoire préalable au procès ?
5 Mme KAGWI-NDUNGU :
6 Madame le Président, dans l’Acte d'accusation — accordez-moi un
7 instant — dans l’Acte d’accusation, nous avons parlé d’un cercle restreint
8 consolidé… constitué des membres ou des proches de la famille du
9 Président.
10
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 Objection retenue.
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Q. En examinant le même document, le document K03588, il y a un
20 document, est-ce que vous êtes familière avec ce document ?
21 R. À la première page, je vois que malgré le titre, quand vous lisez le
22 contenu du document, il parle du réseau zéro.
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 Mais, Docteur Des Forges, nous avons rendu une décision sur cela.
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 Q. Est-ce que vous êtes familière avec ce document ?
27 R Je l'ai déjà vu.
28 Q. Connaissez-vous cette source, la source de ce document ?
29 R. Je ne connais pas cette personne personnellement, mais j'ai déjà vu ce
30 document paru dans la presse. C’était un journaliste… une publication
31 qui est parue dans un journal relativement nouveau à l'époque et qui
32 identifiait les personnes du centre du pays associées au (inaudible).
33 Q. Est-ce l'un des documents que vous avez exploités en rédigeant votre
34 rapport ?
35 R. Oui, c'est un document que je reconnais.
36 Q. À la page suivant « K03759 », il y a la référence aux personnes visées
8 Mais sur la page à laquelle vous avez attiré mon attention, il y a une liste
9 partielle des membres de la famille qui coïncide avec le même groupe
10 dont nous parlons y compris le témoin, « qu'il » a mentionné Monsieur
11 Zigiranyirazo et Monsieur Rwamakuba. Il s’agit donc des mêmes
12 membres qui étaient identifiés comme étant membres de l'Akazu dans
13 ce document, avec un accent particulier sur les rackettes économiques
14 et la corruption.
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Madame le Président, je voudrais verser ce document aux débats.
17 Me PHILPOT :
18 Je voudrais faire une double objection. Ce document a des implications
19 réelles, il y a un réseau de trafiquants de drogue qui… que l'on peut
20 déduire que c’était le fait de l'Akazu.
21
22 Et, deuxièmement, ce qui est plus important, c'est un article paru dans
23 un journal. Un article paru dans un journal n'est que ouï-dire, en tant que
24 tel la source de l'information devrait être identifiée avant de pouvoir le
25 considérer comme preuve.
26
1 article ?
2 R. Oui, je suis heureuse de constater ce qu'a dit le Conseil en ce qui
3 concerne la source de cet article. Cela mis de côté, l'importance de
4 ceci…
5 Mme LE PRÉSIDENT :
6 Il y a ouï-dire, nous n’avons pas l'auteur ici.
7 R. Ce qui est important ici, cela indique l'évaluation faite par les Rwandais
8 eux-mêmes à l'époque des faits. La presse rwandaise… Et ce n'est pas le
9 seul article, il y a plusieurs autres articles, c'est un exemple de ce qui se
10 disait dans la presse et de ce que disaient les Rwandais au sujet de la
11 personne concernée. Quelles sont ces influences ? Comment est-ce que
12 les gens le percevaient ? On le percevait comme étant au centre du
13 pouvoir, il contrôlait une richesse importante, c’est comme ça qu’il était
14 perçu.
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 C'est la seule raison pour laquelle nous voulons verser ce document aux
17 débats.
18 M. LE JUGE MUTHOGA :
19 Si c'est la seule raison, Madame le Procureur, je ne vois pas l'objectif
20 pour laquelle vous voulez verser ce document. Si c'est le seul objectif
21 pour lequel vous voulez verser ce document aux débats, je ne vois pas la
22 nécessité de le faire parce que le témoin a dit qu’elle a vu ce document,
23 qu’elle l’a exploité ; et elle a donné son opinion fondée sur ce document
24 et d'autres choses. Je ne vois rien… pourquoi le document en soi puisse
25 nous dire quoi que ce soit, et si on ne peut pas rapporter la preuve de sa
26 source.
27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 Je voudrais poser des questions relatives à ce document avant d'aller
29 plus loin. Nous allons examiner le deuxième paragraphe du document.
30 Q. Fondée sur votre connaissance, peut-être que vous pouvez en donner
31 lecture, Madame le Témoin. Je vous demande d’en donner lecture, le
32 deuxième paragraphe, lentement, s’il vous plaît.
33 M. LE JUGE MUTHOGA :
34 (Intervention non interprétée)
35 R. « La première dame du pays, Agathe, qui est accusée — il y a mauvaise
36 traduction — est très consciente des liens familiaux. Son frère Segatwa
1 sujet. Mais ceux qui sont puissants demandent certaines choses aux
2 personnes moins puissantes, et ces derniers obtiennent certaines
3 faveurs à leur tour.
4
5 C'est un système qui peut être mis en place discrètement, en privé, par
6 des communications téléphoniques privées, cela ne requiert pas des
7 ordres qui soient donnés par le canal administratif. Cela résulte de
8 l’expression d’une personne qui parle à une personne, et celui-là à son
9 tour qui en parle à une autre pour dire : Mais voilà, ce que je voudrais
10 voir faire.
11 Q. Une dernière question avant de passer à autre chose : Docteur Des
12 Forges, sans nous parler de réseau… des ramifications du réseau de
13 l’Akazu au cours de cette période de 92 à 94, comment évaluez-vous ce
14 que pensent les Rwandais ordinaires de Zigiranyirazo ?
15 M. LE JUGE MUTHOGA :
16 Vous parlez de Rwandais locaux. Et qu’est-ce que vous entendez dire ?
17 Qui sont les Rwandais locaux et les autres ?
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Je reformule.
20 Q. Comment évaluerez-vous la façon dont les Rwandais, en général, ceux
21 qui n'étaient pas dans le cercle restreint du pouvoir, se référaient au
22 pouvoir de Zigiranyirazo ?
23 M. LE JUGE MUTHOGA :
24 Les Rwandais ordinaires.
25 Mme LE PRÉSIDENT :
26 Je pense que vous avez évoqué toutes ces questions, et je me demande
27 si vous pouvez passer à autre chose.
28
1 Je ne saurais le dire. Je n’ai pas… Je n’avais pas à l’idée que nous aurions
2 à échanger des arguments longs. Mais il m’incombe… J'ai pris un
3 engagement, je ferai de mon mieux pour accélérer la procédure.
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 « Accélérer la procédure » veut dire terminer cet après-midi à 17 h 30 ou
6 bien est-ce que…
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Combien d'heures ?
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Nous avons cet après-midi de 15 heures à 17 h 30, est-ce que cela vous
11 suffirait ? Combien de ce temps vous prendriez ?
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 Je suis sûre que j'aurais besoin de tout ce laps de temps et que nous
14 pourrions finir. Nous pourrions, avec un peu de chance, terminer.
15 Mme LE PRÉSIDENT :
16 Nous voulons commencer… Nous voulions commencer à 14 h 30, c'était
17 à votre demande que nous voulons commencer à 15 heures. Si vous
18 pensez que vous n'aurez pas suffisamment de temps, nous allons
19 commencer à 14 h 30 ou bien si vous êtes sûre qu’à 17 h 30 vous
20 pourriez terminer, ça nous va.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Je ne peux pas vous donner une telle garantie puisque ce ne serait pas
23 exact.
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Vous ferez de votre mieux.
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 Donc, attendez jusqu’à 15 heures.
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 L’audience est levée (sic).
30
31 (Suspension de l'audience : 13 h 5)
32
35
36
10
11
12
13
3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Bon après-midi, Mesdames et Messieurs.
5
8 Mme LE PRÉSIDENT :
9 Si vous avez une objection directe, peut-être qu’il serait avisé que vous
10 la fassiez à présent.
11 Mme KAGWI-NDUNGU :
12 Peut-être que, comme l’a dit Maître Philpot, au cours de mon
13 interrogatoire, s’il y a une question de pertinence, s’il a une objection
14 quant à la pertinence relativement à cette pièce, alors à ce moment-là,
15 nous serons en mesure de discuter de l’objection.
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 Très bien. Veuillez nous préciser les pages du rapport qui ne devraient
18 pas y être.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 « 127 » et « 130 ».
21 Mme LE PRÉSIDENT :
22 Je vous remercie.
23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Q. Si nous nous penchons sur ce rapport donc, pour que nous fassions les
25 choses comme il se doit, dans quelle langue le rapport a été... a-t-il été
26 rédigé à l’origine ?
27 R. Le rapport a été rédigé en français.
28 Q. A-t-il été traduit dans son entièreté ?
29 R. Non, la version que nous avons en face de nous est une version anglaise
30 que j’ai préparée en toute hâte après la publication de la version
31 française, et il y a un passage sur la jurisprudence qui est écrit dans un
32 jargon plutôt compliqué et que je n’ai pas traduit par manque de temps.
33 Q. Ce document, quelle période couvre-t-il ?
34 M. LE JUGE MUTHOGA :
35 Q. Avant cela, le document qui suit, en français, est-il donc la version
36 française dudit rapport ?
1 R. Oui, oui, tout à fait. Oui, tout à fait, Honorables Juges. Il s’agit de la
2 version anglaise. C’est cette version qui doit être versée aux débats, car
3 c’est ce document qui est complet.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 L’autre document n’est qu’une traduction. Il y a des passages
6 manquants, vous pouvez vous y référer, mais je pense que c’est la
7 version française qui doit être versée en preuve, et cela, aux fins du
8 procès-verbal.
9 Mme KAGWI-NDUNGU :
10 Je vous remercie.
11 Q. Veuillez dire à la Chambre la période de temps que cette mission
12 couvrait.
13 R. La période des recherches allait d’octobre 1990 jusqu’à la date de la
14 mission elle-même qui s’est terminée le 21 janvier 1993.
15 Q. Quel était l’objet de l’étude ?
16 R. Il s’agissait d’examiner des allégations en matière de violation des droits
17 humains par le Gouvernement rwandais et par le Front patriotique
18 rwandais.
19 Q. Qui a été l’instigateur de cette étude ?
20 R. C’était un groupe d’organisations rwandaises des droits de l’homme qui
21 a été l’instigateur de cette étude.
22 Q. Si nous regardons la première page, la première page de ce document,
23 nous avons une liste de 10 personnes. Le premier nom étant Jean
24 Carbonare ; sont-ce là des personnes qui faisaient partie de la
25 commission ?
26 R. Oui, tout à fait. Cela est vrai pour la version anglaise, et aux fins du
27 procès-verbal, la liste commence à la fin de la page 5 et continue en
28 page 6. Ce sont là 10 personnes d’horizons divers, de nationalités
29 diverses et aux expériences diversifiées dans le domaine des droits
30 humains, allant de personnes qui n’ont pratiquement aucune expérience
31 à des professionnels de haut rang.
32 Q. Pouvez-vous nous donner les noms des professionnels sur le terrain, tel
33 qu’ils apparaissent sur la liste ?
34 R. Philipe Dahinden qui était avocat, René Degni-Seguy...
35 M. LE JUGE MUTHOGA :
36 Je suis un peu perdu. Où se trouve la liste dans la version anglaise ?
1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 C’est en page 123.
3 R. La deuxième personne... La première personne est, en fait, la deuxième
4 personne sur la liste, Philipe Gahinden, avocat suisse, la personne
5 suivante, René Degni-Seguy, doyen de la faculté de droit à Abidjan,
6 moi-même de Human Rights Watch, le docteur Dodinval qui était... — je
7 ne trouve pas le mot exact en anglais — qui était expert médico-légal ;
8 Éric Gillet qui était avocat à Bruxelles, Halidou Ouedraogo, Président des
9 droits humains, William Schabas, professeur de droit à l’Université de
10 Québec. Les autres personnes, selon moi, ont moins d’expérience.
11 Mme KAGWI-NDUNGU :
12 Q. La première personne sur cette liste, veuillez nous dire qui elle est.
13 R. Monsieur Carbonare était d’origine française, qui a beaucoup travaillé
14 dans le domaine du développement économique et également en
15 assistance humanitaire, je crois.
16 Q. Quel effet ou impact aurait... a-t-il pu avoir sur le rapport ?
17 R. Ces personnes-là qui ne sont pas considérées comme étant des
18 professionnels attestés ont moins d’impact sur le rapport. Monsieur
19 Carbonare, Monsieur Paradis et Monsieur... (inaudible) qui n’avaient pas
20 vraiment travaillé sur le terrain, tous.
21 Q. Nous allons passer à la page 44 dudit rapport ; page 160 du jeu de
22 documents.
23
1 Q. Oui.
2 R. Ce sont des noms que nous avons entendus de façon récurrente de la
3 part des témoins.
4 Q. L’une de ces personnes est Protais Zigiranyirazo. Au cours de cette
5 période, quel poste occupait-il au Rwanda ?
6 R. La période couverte par ce rapport ? Non, il n’avait aucun poste officiel,
7 mais il restait membre de l’Akazu.
8 Q. Nous allons passer à la page 67 du rapport.
9 Me PHILPOT :
10 Excusez-moi.
11
12 J’ai voulu que mon collègue termine cet exercice. Je voudrais formuler
13 une objection à présent. Je suggère que, si quelque chose était introduit
14 dans ce rapport, cela devrait se faire conformément au Règlement. Il y a
15 ici une autre allégation relativement au réseau zéro. Vous noterez que
16 nous n’avons pas fait objection à des suggestions selon lesquelles il y
17 aurait pu y avoir ou non un réseau de personnes qui auraient une
18 certaine influence dans le pays.
19
20 Mais, à présent, nous avons tout un paragraphe ici qui allègue, plus ou
21 moins, la même série de crimes que ceux-là pour lesquels nous avions
22 fait une objection au préalable. Et je vais... Il parle d’opérations du
23 réseau zéro dirigées vers des civils, des militaires, des autorités
24 judiciaires, et ils avaient des cibles. Et les personnes qui le faisaient
25 étaient Sagatwa, Protais Zigiranyirazo, le capitaine Simbikangwa et
26 Bizimungu.
27
28 Encore une fois, nous avons ici des allégations qui sont étrangères à
29 l’Acte d’accusation. Le terme « réseau zéro » n’apparaît nulle part dans
30 l’Acte d’accusation. L’allégation selon laquelle mon client aurait pris part
31 au... aurait fait partie d’un groupe de personnes qui étaient présumées
32 avoir perpétré des crimes dans la période en question ici n’apparaît pas
33 non plus dans l’Acte d’accusation. La période en question également
34 « n’est » dans la juridiction du Tribunal.
35
36 Ainsi donc, nous n’avons pas été notifiés ni informés de ces faits, nous
17
18 Je vous remercie.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 Pour répliquer à cela, Madame le Président, Honorables Juges, je
21 voudrais dire que notification a été faite par le biais de rapport d’expert
22 du témoin. Ce document est déjà connu de la Défense, et cela... Au
23 moment de sa qualification, nous avons passé en revue ce document,
24 document très connu sur la scène internationale. Ensuite, il s’agit d’un
25 expert, et c’est là l’un des documents qu’elle a préparé, c’est là l’un des
26 documents d’où elle tire ses conclusions. Et si nous voulons la prendre
27 en compte, nous devons prendre en compte ces documents qu’elle a
28 élaborés.
29
7 Et je voudrais dire que, dans ma déposition, plus tôt ce matin, j’ai dit
8 qu’à Kibalira, le massacre de 300 à 400 personnes avait été présenté
9 comme étant un suicide collectif.
10 Q. Avant que je ne passe à autre chose, ce terme a-t-il été utilisé au cours
11 de la période d’avril à juillet 1994, c’est-à-dire le terme de « suicide » ?
12 M. LE JUGE MUTHOGA :
13 Q. Avant que vous ne répondiez à cela, qui était le Premier Ministre à
14 l’époque ?
15 R. C’était Dismas Nsengiyaremye, du parti politique MDR.
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 Je vous remercie.
18 R. Oui, le vocable « suicide » était utilisé de temps à autre au cours du
19 génocide, en ce sens que la propagande disait que le FPR faisait des
20 actions qui mèneraient au suicide des Tutsis. C’est le terme qu’on
21 utilisait pour masquer les éliminations.
22 Mme LE JUGE KHAN :
23 Q. Qui utilisait ce terme « suicide » ?
24 R. Honorables Juges, cela est apparu dans un certain nombre de sources
25 utilisées par la ligne Hutu-Power, qui disaient que les Tutsis
26 commettaient effectivement le suicide en continuant l’effort de guerre
27 qu’avait lancé le FPR.
28 Q. Et c’était au cours du génocide ?
29 R. Le Président, Honorables Juges, c’était avant et après le génocide.
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 Q. Pouvez-vous vous imaginer cela ?
32 R. Le suicide n’est pas inconnu au Rwanda au cours de la période
33 précoloniale, mais c’est une pratique peu habituelle, par contre. Et
34 l’utilisation du terme, ici, s’applique à différents cas, lorsque la mort
35 n’était pas explicite.
36 Q. Mais c’est également un autre terme que l’on utilise. Lorsque vous
8 Monsieur Ndiaye était le Rapporteur spécial qui avait été nommé par la
9 Commission des droits de l’homme des Nations Unies, pour pouvoir
10 s’occuper du problème... du problème des exécutions sommaires, suite à
11 un certain nombre de rapports ou d’informations qui avaient été
12 recueillies, selon lesquelles il y avait des assassinats et des meurtres sur
13 grande échelle.
14
1 organisés. Quelle était la cote que nous avions affectée à cette lettre ?
2 Mme LE JUGE KHAN :
3 Parlez dans le micro.
4 Mme MHINA :
5 La dernière pièce, c’était « P. 41 ». Maintenant, « P. 42 ».
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Non, il y en a un qui manque. Quel est le document qui porte la cote P.
8 41 ?
9
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 Document… c’est pas « P. 21 », c’est « P. 2 (1) ».
19 R. Il s’agit du rapport du Rapporteur spécial dont nous parlions, c’est un
20 document qui a été tiré d’un livre intitulé Les Nations Unies et le
21 Rwanda, qui porte le titre connu du livre bleu.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Madame le Procureur, à quel document faites-vous allusion ?
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Il s’agit du document 20, c’est un document qui suit immédiatement la
26 lettre que nous venons d’analyser. C’est le document qui suit donc dans
27 ce classeur bleu ; c’est un certain document qui porte la cote K1019427.
28 Mme LE JUGE KHAN :
29 Je vous remercie.
30 Mme KAGWI-NDUNGU :
31 Q. Des Forges, vous parliez de ce document ?
32 R. Oui, je vous donnais la source d’où ce document a été tiré, il s’agit d’un
33 document officiel des Nations Unies ; donc celui-ci, au lieu que ça soit
34 une copie du document original, c’est plutôt une réédition au niveau des
35 Nations Unies, et vous voyez le titre à la fin du document, au bas de la
36 page, il est écrit « Les Nations Unies et le Rwanda, 1993-1996 ». Il s’agit
18
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Le document du Sénat. Le document suivant porterait donc la cote P. 43.
32 Et le CV ? Qu’est-ce qui manque alors comme pièce, Madame le
33 Procureur ?
34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 Le rapport de la commission internationale.
36 Mme LE PRÉSIDENT :
1 Donc, cette nouvelle pièce serait donc le CV qui porterait une cote
2 temporaire de « P. 42 », ensuite le rapport de la commission
3 internationale, « P. 43 » et la lettre du Sénat « P. 44 », et le document...
4 le dernier document « P. 44 » (sic).
5
6 Manque-t-il un document ?
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Non.
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Nous terminerons avec l’audience du greffier. Nous voulons d’abord nous
11 assurer que toutes ces pièces sont bien en ordre.
12
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Je vous remercie, Madame le Président.
17 R. Je voudrais juste ajouter un point... un point pour... un point
18 d’éclaircissement. Le dernier paragraphe, c’est-à-dire le paragraphe 4, à
19 la page 215, fait partie de la réponse officielle du Gouvernement
20 rwandais, et cela n’était pas très clair dans mon commentaire. Donc, il
21 importe qu’on note que les critiques ne viennent pas du rapport spécial,
22 mais des critiques faites par le Gouvernement rwandais lui-même.
23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Q. Nous allons passer à un autre domaine.
25
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Q. Quand vous dites « ils », à qui « se » référez-vous ?
31 Sur le plan idéologique, son principe... dans le principe, son idéologie est
32 encore plus évoluée d’un cran que celui du MRND. C’était appelé « le
33 Hutu-Power ». Puis, il y avait les Impuzamugambi qui, occasionnellement
34 ou fréquemment, sur le temps, ont coopéré avec le MRND et les
35 Interahamwe. Donc, les deux ailes de jeunesse ont travaillé en étroite
36 collaboration.
9 En mars 1992, ils sont devenus une force virulente pour les massacres
10 inter-ethniques. Les Interahamwe ont été utilisés pour tuer les Tutsis
11 dans une région appelée le Bugesera
12 — B-U-G-E-S-E-R-A — en mars 1992.
13 Q. Connaissez-vous le document qui traite de la création des Interahamwe ?
14 R. J’ai vu un certain nombre de documents traitant de la création et de
15 l’organisation des Interahamwe.
16 Q. Avez-vous le classeur sous les yeux, Madame ? Je veux que nous nous
17 reportions à la page 12... de la page 12 à la page 28. Ça, c’est la
18 traduction anglaise du document de la page 9 à 26.
19
32 Ainsi, le document est produit par le MRND pas le MDR. Il y a une erreur
33 faite par le traducteur.
34
12 Page 15 du classeur.
13 Mme LE JUGE KHAN :
14 (Intervention non interprétée)
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Page 15 du classeur.
17 Q. Avez-vous cette page, Madame, sous les yeux ?
18 R. (Intervention non interprétée)
19 Q. Sur cette page, il parle de ce qu’il a appelé les cerveaux de ceux qui
20 recrutaient les civils. Est-ce que vous connaissez cette liste ?
21 R. Oui, je la reconnais.
22 Q. Et compte tenu de votre connaissance de la région et de ce qui se
23 passait au sein des Interahamwe à cette période, que pouvez-vous dire à
24 la Chambre concernant cette liste de personnes ?
25 R. L’auteur était bien placé pour savoir ce dont il parlait, ses conclusions
26 confirment les conclusions tirées de la déclaration des différents témoins
27 au cours de la période, et cela m’indique qu’il a cité clairement les
28 personnes impliquées dans ces actes malveillants, il s’agit des
29 Interahamwe.
30 Q. Voyons la composition de ces groupes. Est-ce que vous pouvez les
31 caractériser comme appartenant à l’Akazu ?
32 R. Certainement, la plupart d’entre eux... Il y a le nom de Mathieu
33 Ngirumpatse, ceci peut être sujette à caution parce que c’est quelqu’un
34 qui est issu de l’extérieur de la région donc n’aimerait pas s’identifier
35 avec... mais vous avez des cas probants comme Ferdinand Nahimana.
36 Ferdinand Nahimana qui n’était pas reconnu en tant que tel comme
1 membre de l’Akazu. Mais les membres du noyau dur de l’Akazu sont ici.
2 Q. Est-ce le document que vous avez exploité pour former votre opinion qui
3 se trouve dans vos écrits ?
4
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Q. Dans votre rapport, vous avez mentionné le terme « Kubohoza » ;
15 pouvez-vous nous expliciter ce terme ?
16 R. J’ai mentionné la rivalité qui prévalait entre les partis politiques, qui a
17 conduit à la création des ailes jeunesse ou les milices comme on les
18 appelait. La violence menée par ces milices est appelée « Kubohoza »,
19 c’est-à-dire l’attaque lancée contre les militants des autres partis.
20
21 Quelques fois, les attaques étaient physiques, quelques fois, les attaques
22 étaient sous forme de pression ou de perche tendue. Donc, ce sont donc
23 des tactiques de la main-forte pour contraindre les gens à rejoindre les
24 rangs de votre parti.
25 Q. Est-ce que ce moyen a été opéré dans la région du nord-ouest ?
26 R. Oui, ce fut particulièrement exacerbé dans les zones frontalières.
27 Kubohoza au nord-ouest était à l’interface entre la zone du MRND et
28 celle du MDR.
29 Si vous vous rappelez, ce matin, j’ai eu à parler d’une commune de
30 Kibilira qui était la commune située à la lisière de la ligne de démarcation
31 entre celle du MDR et du MRND. C’est dans ces régions que le territoire
32 était contesté. Et là où le territoire n’était pas contesté, Bushiru,
33 Kubohoza n’avait pas d’importance.
34 Q. Passons maintenant aux Accords d’Arusha. Pouvez-vous nous situer le
35 contexte et les arrangements politiques et contextuels des Accords
36 d’Arusha ?
6 Ils ont fait une tentative pour créer une base stable de partage du
7 pouvoir entre les trois groupes politiques, notamment le FPR, le groupe
8 lié à Habyarimana et un troisième groupe médiane, qui sont les autres
9 partis politiques qui constituaient l’opposition au MRND. C’étaient donc
10 les dispositifs de partage du pouvoir. L’armée était fondue. Il y avait trois
11 parties aux Accords, parce que les autres parties n’avaient pas d’armée.
12 Q. Connaissez-vous... Reconnaissez-vous la réaction de l’armée par rapport
13 à cet arrangement de partage du pouvoir entre le Gouvernement et le
14 FPR ?
15 R. Il y avait... Certains militaires étaient contre, ce sont des militaires qui
16 devaient leur allégeance politique aux partis... au Gouvernement, mais
17 les militaires associés au MRND et à l’Akazu étaient très en colère et
18 avaient opposé une résistance, et avaient opposé de persister à
19 s’opposer aux Accords d’Arusha.
20 Q. Reconnaissez-vous le document qui relevait cette réaction de l’armée ?
21 R. Nous avons certains de vos documents convaincants, des preuves
22 documentaires, à commencer par juillet 1992.
23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Messieurs les Juges, le document dans le classeur, c’est le tout dernier
25 document.
26 Q. Docteur Des Forges, avez-vous un document intitulé « Le ressentiment
27 des militaires et des civils » ?
28
34 R. Merci.
35 Q. Quel document avez-vous sous les yeux ?
36 R. Il s’agit d’une lettre, un mémorandum adressé au chef d’état-major de
1 ces documents que nous avions pu vérifier et qui sont versés aux débats
2 devant les Chambres du Tribunal.
3 Mme KAGWI-NDUNGU :
4 Q. Avant de discuter de la teneur du document, pouvez-vous nous dire si ce
5 document revêt une importance politique ?
6 R. Ce document revêt une importance extraordinaire pour deux raisons : Il
7 y avait une mise en garde lancée à Habyarimana, les officiers militaires
8 associés à l’Akazu ont mis en garde Habyarimana que, s’il poursuivait les
9 négociations en vue d’un accord, il serait renversé, cela indique le
10 sérieux avec lequel ces officiers s’opposaient au processus de paix
11 engagé.
12
14 Et la fin, tout au bas de cet autre paragraphe, les gens ont peur de tout
15 ceci ; certains disent même qu’ils vont immédiatement fuir à l’arrivée
16 des Inkotanyi, c’est-à-dire qu’avant de prendre la fuite, ils allaient
17 massacrer les Tutsis.
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Voilà, cela met fin à cette pièce à conviction à… Nous allons donc verser
20 ce document aux débats comme pièce à conviction portant la cote...
21 Mme MHINA :
22 « P. 47 ».
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 « E » pour l’anglais et « F » pour le français.
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 Merci.
27
1 Merci.
2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 « 48 », manuscrit.
4 Me PHILPOT :
5 Je vais le retrouver.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Q. Pouvez-vous répondre à ma question, Madame le Témoin, en ce qui
8 concerne l’authenticité de ce document ?
9 R. Il s’agit clairement d’un document authentique, eu égard à sa
10 présentation. Mais nous n’en avons pas eu confirmation parce que les
11 militaires rwandais, comme toutes les... comme tous les militaires, ils
12 ont... À l’angle droit de la page 48, il y a un numéro, 37G44. Et j’ai vu le
13 document qui suit celui-ci comme portant le même numéro de série, sauf
14 que c’est le point 5 à la même date et parlant du même sujet. Cela
15 confirme, à mes yeux, l’authenticité de ce document.
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 Q. Quelle est la source de ce document, Madame ?
18 R. Madame le Président, ce document a été distribué à l’époque par le chef
19 du... c’est... de l’état-major de l’armée et qui a insisté que ce document
20 soit distribué, et ce document est tombé dans les mains de l’opposition
21 qui l’a rendu public. Mais comme je l’ai dit, ceci est prouvé par le fait que
22 le document qui suit correspond à la numérotation de l’archiviste de
23 l’armée.
24 Q. Avez-vous été en mesure de voir les archives vous-même ?
25 R. Madame le Président, j’y ai travaillé brièvement, j’ai travaillé à l’intérieur
26 brièvement... à l’intérieur de la bibliothèque brièvement, mais je n’ai pas
27 pu consulter les archives.
28 Mme KAGWI-NDUNGU :
29 Q. En regardant ce document — et en anglais, au paragraphe 4, c’est le
30 même paragraphe qu’en français —, il est dit que ce document devait
31 avoir une large diffusion. Savez-vous si ce document a été distribué le
32 plus largement « que » possible ?
33 R. C’est là mon entendement, que ce document a été distribué. Il est
34 important de dire que, même au moment où les négociations se
35 poursuivaient, il y avait un groupe de personnes des deux cotés qui
36 n’étaient pas « satisfaits » du processus de paix. Ainsi, la crainte...
28 Et j’ai fait un autre... un autre point auquel j’allais me référer avant que
29 le Conseil de la défense ne demande plus de précision et ne demande
30 que l’on relise ces passages. Il s’agit de la fin du document. Le
31 paragraphe C) en page 79 de la version anglaise : « Les forces de
32 l’ennemi. »
33
33 Mme KAGWI-NDUNGU :
34 Madame le Président, Honorables Juges, peut-être, je vais passer à ma
35 question suivante, et nous allons revenir sur ce point pour l’étayer.
36 Q. Veuillez dire à la Chambre quels ont été les impacts de ce document au
11 Ainsi donc, cela veut dire, de façon ramassée « ne vous plaignez pas de
12 l’Akazu, ne vous plaignez pas de ce groupe qui contrôle les richesses,
13 alors que, vous autres, vous êtes de plus en plus pauvres. Veuillez vous
14 pencher sur les véritables problèmes, c’est-à-dire les Tutsis. » Et ils
15 disent ici que les Tutsis essaient de faire digression, et ils parlent des
16 problèmes socioéconomiques. Donc pour vous montrer ce corollaire
17 entre l’élément ethnique et le contrôle des richesses socioéconomiques
18 et politiques du système.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 Madame le Président, Honorables Juges, je voudrais verser ce document
21 aux débats comme pièce à conviction.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Quelle sera... Quelle serait la cote du document ? « P. 48 » ?
24 Mme MHINA :
25 « P. 49 », « P. 49 ».
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Et quel est le document P. 48 ?
28 Mme MHINA :
29 Le document militaire en français.
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Non, nous avions dit que nous allions garder la même cote pour l’anglais
32 et le français, « E » et « F ».
33 Mme MHINA :
34 Donc, c’est la pièce P. 47 ?
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Non, c’est la pièce P. 48.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Q. Sur la base de la connaissance que vous avez de la région, sur la base de
23 vos études, pensez-vous que cette attitude à l’endroit des Tutsis est...
24 prévalait à l’époque ?
25 R. Prévalait, je ne sais pas. C’était le point de vue d’un tout petit groupe de
26 personnes qui essayaient vigoureusement de le propager.
27
28 Ce que nous avons ici, ce sont les accusations des... de ceux qui faisaient
29 de la propagande ; à l’époque, c’était la RTLM. Ces accusations ont été
30 approuvées par le gouvernement en place. La hiérarchie militaire
31 circulait donc l’information selon laquelle l’ennemi, c’est le Tutsi ; cela
32 est le vrai problème.
33 Q. Cette idée selon laquelle le Tutsi était l’ennemi a-t-elle continué pendant
34 toute cette période jusqu’en 1993 et en début de 1994 ?
35 R. Tout à fait. Cela était le cas, en mettant de plus en plus l’accent sur ces
36 faits dans la presse, à la radio, la presse écrite ; et cela a permis
16 C’était de... d’exercer une scission. Il y avait donc une disposition de... à
17 trois niveaux, et la première partie était mise en place. Résultat : La
18 colère, le ressentiment des politiciens au sein du pays qui faisaient partie
19 de ce troisième dispositif. Et ils commencé à se dire : « Mais quelle est
20 l’intention ? Nous sommes censés être des partenaires, et voilà ce qui se
21 passe, nous avons cette avancée militaire massive. »
22
13 Ainsi donc, ils se sont rapprochés des Hutus au Burundi qui se sont ralliés
14 au FPR, et cela a creusé le fossé — le fossé ethnique, s’entend — et a
15 produit des massacres ethniques à cours terme également.
16 Donc, « sur » la pression de ces trois événements, de ces trois
17 circonstances, les choses se sont effondrées. À la fin de 1993, vous
18 n’aviez plus une situation politique à trois niveaux, mais à deux niveaux,
19 avec deux principaux acteurs : Ceux qui étaient du côté de Habyarimana
20 et ceux qui étaient du côté du FPR.
21
14 Ce que nous avons documenté, par contre, ce sont les attaques du FPR
15 et les massacres du FPR sur les Hutus. Mais le FPR avait incité les Hutus
16 à tuer les Tutsis ? Non, cela « n’avait » pas l’objet d’allégations à
17 l’époque.
18 Q. Dites-vous donc que le FPR n’a pas participé de façon active dans les
19 massacres et tueries ?
20 R. Je dis que les allégations sont des allégations récentes qui sont nées ces
21 dix... ces six derniers mois, et nous n’avons pas fait de recherches sur
22 ces allégations récentes. À l’époque, ces allégations n’avaient pas été
23 faites.
24
25 Il y avait d’autres allégations des Tutsis qui tueraient des Hutus, mais
26 pas d’allégations quant au FPR qui inciterait, qui aiderait les Hutus à tuer
27 les Tutsis. Ces allégations n’avaient pas été faites à l’époque.
28
29 M. LE JUGE MUTHOGA :
30 Q. Quand vous le dites, il y a eu des allégations à l’époque qui ont été
31 faites, selon lesquelles le FPR, également, tuait des Hutus. Avez-vous
32 mené des recherches sur ces allégations ?
33 R. Oui, Honorable Juge. Comme nous l’avons fait dans notre voire-dire, nous
34 avons donné des sources documentaires à partir du 15 avril 1994, date à
35 laquelle nous avons répondu à ces allégations.
36
29 Et cela voulait dire que tout Hutu qui continuait à être du côté des Tutsis
30 était également étiqueté comme étant l’ennemi, comme nous l’avons
31 démontré dans le document auquel nous nous sommes reportés il y a
32 quelques moments.
33 Q. Ce phénomène dans les partis de l’opposition, comment se
34 représentait-il, c’est-à-dire le phénomène Hutu-Power ?
35 R. L’idéologie du Hutu-Power a été rendue opérationnelle par le système de
36 défense civile. Les personnes mettaient l’accent sur le rôle de la milice
1 pendant le génocide ?
2 R. Madame le Juge, ce que j’ai dit est que l’utilisation particulière de ces
3 armes, je ne saurais les documenter. Mais il y avait d’autres armes qui
4 avaient été distribuées et que l’on a recensé leur numéro de série, les
5 numéros de série des armes. Et les personnes qui ont reçu ces armes
6 sont ceux-là qui ont assumé un rôle de dirigeant.
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Q. Est-ce que ces recensements étaient faits par le gouvernement central,
9 par le préfet ou le parti au niveau local ?
10 R. Madame la Présidente, c’était fait au niveau du commandement national
11 mais exécuté au niveau local, au moment où les armes étaient
12 physiquement distribuées dans les communes, généralement.
13 Q. Où est-ce qu’on a gardé ces registres ? Était-ce au Ministère (sic) de la
14 défense ? Où ?
15 R. Les registres que j’ai localisés, je les ai trouvés dans les bureaux de
16 l’administration locale, soit au niveau des communes et dans les
17 préfectures. Et certainement qu’il y a eu d’autres registres centralisés au
18 niveau national, mais je n’y ai pas eu accès.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 Je voudrais verser ce document comme la pièce à conviction suivante.
21 Ça doit être « P. 50 » maintenant, « P. 50 ». « B » pour… « E » pour
22 l’anglais et « F » pour le français. 40, 41, 44 et 45 jusqu’à 47.
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 « P. 49 ». Oui, on vient de m’aviser qu’il s’agit de la pièce P. 49 ; « P.
25 49 », « E » pour l’anglais et
26 « F » pour le français.
27
30 Mme KAGWI-NDUNGU :
31 Q. En revenant maintenant à la période allant d’avril à juillet 1994,
32 pouvez-vous nous dire l’impact qu’avait eu la mort du Président sur
33 l’Akazu, fondé bien sûr sur vos recherches ?
34 R. Je voudrais faire allusion à un autre document de la défense civile parce
35 que ce document, contrairement au document que nous venons
36 d’exploiter, ce document se réfère au rôle des communautés et des
1 Si vous avez plus d’une copie, est-ce que vous pouvez m’en remettre
2 une ?
3
4 Est-ce que vous allez verser ce document aux débats ? Le témoin s’y est
5 référé.
6
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 (Intervention non interprétée)
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 La référence nous suffirait, on n’a pas besoin donc de copies. Je ne sais
11 pas quel usage vous voulez en faire et si c’est nécessaire ou pas.
12 Peut-être que vous voudrez lui poser des questions sur ce document.
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Je vais lui poser des questions sur le document.
15 Mme LE PRÉSIDENT :
16 Maître Philpot, avez-vous trouvé ce document ?
17 Me PHILPOT :
18 Je suis en train de rechercher des documents qui ne sont pas dans les
19 classeurs ; je ne sais pas lequel dont il s’agit, mais j’ai un lot de
20 documents et je voudrais retrouver le bon.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 « Organisation de l’autodéfense civile. », en français. Et puis, il y a la
23 traduction anglaise qui y est jointe.
24 Mme LE JUGE KHAN :
25 Quel est le numéro de la série « K » ?
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 « K0041427 ». « K001427 ». « K0041227 ». « K0041427 » [nous
28 précisons].
29
1 Q. Donc, nous ne connaissons pas qui étaient les auteurs et à qui c’était
2 adressé ?
3 R. D’après le contexte…
4 Q. De manière formelle, il n’y a pas… la lettre n’est pas signée et elle n’a
5 pas de destinataire. Était-ce un moyen normal de communication entre
6 les militaires et les civils à cette époque-là ?
7 R. Dans l’opération du système, oui. Au niveau local, les mémorandum
8 étaient rédigés en kinyarwanda, mais la langue était la langue française.
9 Q. À quel niveau supérieur cela se situe ?
10 R. Au niveau supérieur de l’armée. J’ai déjà dit qu’il y a un comité militaire
11 qui a été mis sur pied pour réfléchir sur la mise en place de la défense
12 civile, et je pense que c’est ce comité qui a émis ce document.
13
26
1 Q. Dans votre rapport, page 28, vous avez parlé des variations régionales,
2 vous avez parlé des pratiques de tueries. Au deuxième paragraphe,
3 lorsque vous parlez des variantes régionales, vous avez dit que les
4 tueries avaient tout d’abord commencé à Kigali et dans quelques zones
5 où Habyarimana était toujours populaire.
6
15 Mais le centre et le sud n’étaient... n’ont jamais été les places fortes du
16 MRND. Ce sont les derniers endroits, et donc, n’auraient pas participé au
17 génocide.
18
27 Mais dans les zones qui étaient considérées comme les places fortes de
28 Habyarimana, les gens avaient répondu plus promptement et dans les
29 heures qui ont suivi la nouvelle de l’assassinat du Président. Ainsi donc,
30 la dynamique reflétait l’histoire politique du pays.
31 M. LE JUGE MUTHOGA :
32 Q. Et ceci s’explique par le fait que ceux qui sont ressortissants de la région
33 d’Habyarimana le connaissaient et lui accordaient beaucoup
34 d’importance et étaient plus en colère que ceux qui étaient à la
35 périphérie et qui le connaissaient tout simplement tant comme... par son
36 effigie comme étant le Président qui a existé dans le pays étant un Hutu,
1 des leurs.
2 R. Vous avez raison, Monsieur le Juge, lorsque j’ai parlé de l’impact des
3 critiques de l’Akazu et j’ai dit que, dans le reste du pays, les critiques
4 sont devenues exacerbées, mais à Bushiru, cela a suscité plutôt un
5 ralliement autour du chef parce qu’ils défendaient un des leurs.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Q. Avant de terminer mon interrogatoire principal, je voudrais vous
8 demander si, au moment de faire votre documentation pour rédiger
9 votre rapport sur les droits de l’homme, vous pouvez nous... est-ce que
10 vous pouvez nous dire...
11 Mme LE JUGE KHAN :
12 Répétez.
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Q. (Intervention non interprétée)
15 R. Je dirais 50 % des cas sont liés au même événement, et plus éloigné de
16 l’événement, plus cela n’apparaissait pas. Les tueries, en août 1994… À
17 l’époque, les informations étaient fraîches, les gens étaient pourtant
18 confus ; lorsque vous étiez attaqué et qu’il n’y avait rien pour faire la
19 différence, il n’y avait pas le jour du marché pour aller prier (sic), toute la
20 séquence d’événements est confondue dans l’esprit des gens, et cela est
21 comprimé dans certains cas ou bien prolongé dans d’autres.
22 Q. Est-ce que cela a affecté la substance de l’événement que vous
23 décrivez ?
24 R. Je dirais qu’il y a des variations avec les dates. Les variations des dates
25 ne prouvent pas ou ne mettent pas en cause la réalité de l’événement. Il
26 se... C’est une question qui doit être traitée à part, à un certain niveau
27 de sa signification et des nuances par rapport au fait qui peut recouvrer
28 sa validité, peu importe les dates.
29
1 Me PHILPOT :
2 Il n’y aura pas de problème, je resterai vendredi soir et vendredi
3 après-midi, si nécessaire. Et si vous me permettez de commencer le
4 contre-interrogatoire lundi matin, nous serons des plus heureux.
5 Mme LE PRÉSIDENT :
6 Madame le Procureur, avez-vous quelque chose à dire ?
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Nous n’avons pas d’objection.
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Nous ne savons pas si nous aurons la salle d’audience lundi après-midi,
11 nous ne pouvons compter que sur lundi matin et mardi matin. Donc, pour
12 faire une journée entière, vous aurez lundi matin et mardi matin.
13
21
22
23
24
2 SERMENT D’OFFICE
3
10
11
15 ________________________ ____________________
19
20 _________________________
21 _____________________
22 Françoise Quentin Nadège Ngo
23 Biboum
24
25
26