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1 TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA

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3
4 AFFAIRE N° ICTR-2001-73-T LE PROCUREUR
5 CHAMBRE III C.
6 PROTAIS ZIGIRANYIRAZO
7
8
9 PROCÈS
10 Jeudi 2 mars 2006
11 9 h 15
12
13 Devant les Juges :
14 Inés M. Weinberg de Roca, Présidente
15 Khalida Rachid Khan
16 Lee Gacugia Muthoga
17
18 Pour le Greffe :
19 Stephania Ntilatwa
20 Zulphur Mhina
21
22 Pour le Bureau du Procureur :
23 Wallace Kapaya
24 Gina Butler
25 Iskander Ismail
26 Charity Kagwi-Ndungu
27 Jane Mukangira
28
29 Pour la défense de Protais Zigiranyirazo :
30 Me John Philpot
31 Me Peter Zaduk
32
33 Sténotypistes officiels :
34 Pius Onana
35 Françoise Quentin
36 Lydienne Priso
37 Nadège Ngo Biboum
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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 TABLE DES MATIÈRES


2 PRÉSENTATION DES MOYENS DE PREUVE À CHARGE
3

4 TÉMOIN ALISON DES FORGES


5

6 Suite de l’interrogatoire principal du Bureau du Procureur, par Mme Kagwi-


7 Ndungu............................................................................................................2
8

9 PIÈCES À CONVICTION
10

11 Pour le Bureau du Procureur :


12 P. 42 — provisoire..........................................................................................32
13 P. 2 (1)...........................................................................................................35
14 P. 42...............................................................................................................75
15 P. 43...............................................................................................................75
16 P. 44...............................................................................................................75
17 P. 45...............................................................................................................75
18 P. 46...............................................................................................................78
19 P. 47 E et F.....................................................................................................82
20 P. 48...............................................................................................................88
21 P. 49 E et F.....................................................................................................94
22 P. 50 E et F.....................................................................................................98
23

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26

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 (Début de l’audience : 9 h 15)


2

3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Bonjour, Mesdames, bonjour, Messieurs.
5

6 Madame Ntilatwa, veuillez nous annoncer l’affaire inscrite au rôle de la


7 Chambre ce matin.
8 Mme NTILATWA :
9 (Intervention inaudible : Microphone fermé)
10 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
11 Madame Ntilatwa, micro, s’il vous plaît.
12 Mme NTILATWA :
13 Introduction d’instance par le Greffier représenté par S. Ntilatwa :
14

15 La Chambre de première instance III du Tribunal pénal international pour


16 le Rwanda, composée des Juges Weinberg de Roca, Présidente de
17 Chambre, Khalida Rachid Khan et Lee Muthoga, siège en audience
18 publique, ce jour jeudi 2 mars 2006 pour la continuation du procès dans
19 l’affaire Le Procureur c. Protais Zigiranyirazo, affaire n° ICTR-01-73-T.
20

21 Je vous remercie, Madame le Président.


22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 La composition du Banc du Procureur, s’il vous plaît.
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Le Procureur est représenté : Wallace Kapaya, Charity Kagwi, et
26 Monsieur Iskander Ismail et notre interne.
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 La composition du Banc de la défense.
29 Me PHILPOT :
30 Bonjour, Madame la Présidente.
31

32 John Philpot. Je suis le Conseil principal ; Peter Zaduk, Coconseil ; et


33 Innocent Nzambona, assistant ; et Philippe Taylor, enquêteur.
34 Mme LE PRÉSIDENT :
35 Je vous remercie.
36

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Monsieur Zigiranyirazo, je crois comprendre que vous ne vous sentez pas


2 bien.
3 M. ZIGIRANYIRAZO :
4 Bonjour, Madame le Président, Honorables Juges, bonjour.
5 Effectivement, Madame le Président, Honorables Juges, je ne me sens
6 pas très bien : Je tousse, j’ai un peu de fièvre. Mais je vais essayer de
7 suivre, Madame le Président.
8

9 Je vous remercie.
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Je vous remercie.
12

13 Nous sommes toujours en interrogatoire principal, poursuivez, Madame


14 le Procureur.
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Merci, Madame le Président.
17

18 Bonjour, Docteur Des Forges.


19 Mme DES FORGES :
20 Bonjour, Madame.
21

22 INTERROGATOIRE PRINCIPAL (suite)


23 PAR Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Q. Hier, nous parlions du sort réservé aux premiers dirigeants de la
25 Première République, et vous avez décrit les procès qui ont eu lieu
26 concernant la mort… vous avez décrit les procès qui ont eu lieu
27 concernant la mort de ces dirigeants ; quelle était la réaction suscitée au
28 Rwanda par ces procès ?
29 Mme DES FORGES :
30 R. Je pense qu’il a été généralement reconnu que les procès ont établi la
31 responsabilité de certains des acteurs ou des auteurs. Les autorités
32 militaires qui étaient immédiatement chargées des prisons ont été
33 identifiées. Il y a aussi d’autres personnes qui se trouvaient avec le
34 Président. Donc, il n’était pas surprenant, mais le procès n’avait pas
35 abordé la question importante de la responsabilité de l’administration en
36 tant que telle, notamment le préfet et, à travers lui, le Président.

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Me PHILPOT :
2 Je vais faire une intervention à ce stade.
3

4 Madame le Président, la nature de ces procès, les responsabilités qui en


5 découlent… la responsabilité quant à la mort des dirigeants ou de
6 certains dirigeants de la Première République n’est pas plaidée dans
7 l’Acte d’accusation, encore moins dans le rapport de l’expert. Et la
8 direction que prend l’interrogatoire principal est quelque chose qui est
9 étranger à la procédure en cours.
10

11 Je demande respectueusement à la Chambre d’exclure cette portion du


12 témoignage et demander au Procureur de se consacrer aux questions…
13 aux points plaidés dans l’Acte d’accusation.
14

15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Si je puis répondre, Madame la Présidente.
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 Faites.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 L’Article 44 décrit… 94 décrit le rapport d’expert, ce n’est pas une
21 déposition, il donne le titre que va évoquer l’expert.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Nous connaissons ces dispositions. Ce que je veux savoir, c’est de savoir
24 pourquoi vous voulez tirer cette information de l’expert en relation avec
25 votre Acte d’accusation ?
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 Dans le… les notes préalables au procès, nous savions que nous allions
28 en arriver là, d’où l’Akazu tirait son pouvoir. C’est notre position, et nous
29 sommes en train de retracer le contexte. Et au fur et à mesure que nous
30 avancerons, il apparaîtrait clairement aux yeux de la Chambre la
31 structure du pouvoir.
32

33 Pour ce faire, nous devons démontrer les tensions entre les groupes
34 sociaux, entre les régions et ces tensions sont mentionnées dans le
35 rapport. Elle a mentionné le rôle du préfet, ce qui… ce que ce préfet
36 aurait dû savoir concernant les personnes qui sont emprisonnées dans sa

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 préfecture. Tout ceci se trouve dans le rapport.


2 Mme LE JUGE KHAN :
3 Sous quel chapitre, Madame ?
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Je sais bien que le docteur Des Forges peut nous aider à nous retrouver.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Page 32, là où elle parle des autorités locales, vers la fin du premier
8 paragraphe.
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Dans ce paragraphe, je ne vois aucune référence faite aux procès qui ont
11 eu lieu et en relation avec l’Accusé.
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 Si je peux en donner lecture ou si je peux demander au docteur Des
14 Forges de lire cette portion, page 32, la dernière moitié de la page 32.
15 R. À commencer par « Pendant », à mi-chemin du paragraphe :
16

17 « En tant que préfet de Ruhengeri, Monsieur Zigiranyirazo, pendant qu’il


18 était préfet de Ruhengeri, les dirigeants de la Première République
19 étaient emprisonnés dans une prison près de son bureau et ont été
20 exécutés. Il était impossible pour nous… pour lui de ne pas être au
21 courant des ces exécutions, et il n’avait pourtant pas pris de mesures
22 pour faire arrêter ces exécutions ou faire punir les auteurs. »
23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 La question qui a été soulevée hier soit par le Juge Khan ou Juge
25 Muthoga, c’est de savoir comment nous savions que ces personnes…
26 comment ces personnes ont été tuées. Donc, nous avions élaboré sur
27 cela.
28 Me PHILPOT :
29 Si je puis répondre.
30

31 C’est une allégation de la responsabilité du supérieur qui n’a pas fait tout
32 ce qui était à son pouvoir d’empêcher un crime qui aurait été commis en
33 1978, 15 ans avant les faits reprochés à mon client. L’on tient
34 responsable mon client pour les crimes qu’il n’a pas commis et qui ne lui
35 sont pas imputés.
36

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1 L’ironie du sort veut qu’elle a dit que les auteurs du crime ont été jugés.
2 Et, à mon sens, je n’en ai jamais entendu parler ; et je ne me suis pas
3 préparé pour défendre effectivement mon client. Et on ne peut pas tenir
4 mon client responsable de négligence en lui imputant cette
5 responsabilité du supérieur.
6

7 Les procès… Nous avons souligné au cours des précédents mois que le
8 procès actuel concerne les faits évoqués dans l’Acte d’accusation, et ces
9 faits, ces procès évoqués ne concernent en rien les faits plaidés dans
10 l’Acte d’accusation.
11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 Ça ne peut pas être une question dont vous n’en avez pas entendu
13 parler parce que cela se trouve dans le rapport depuis l’année dernière,
14 et vous ne pouvez pas prétendre que vous n’êtes pas au courant. Peut-
15 être que vous voulez explorer d’autres moyens de défense que de dire
16 que vous n’êtes pas au courant.
17 Me PHILPOT :
18 Le fait que des rumeurs ont circulé sur ces faits, sans nul doute, c’est
19 mentionné dans le rapport ; mais les procès et le fait que la population,
20 apparemment, n’était pas satisfaite des résultats de ces procès, tout ceci
21 m’est étranger.
22 M. LE JUGE MUTHOGA :
23 Soit, mais le fait qu’un témoin expert va déposer sur les faits qu’il y avait
24 eu des études historiques qui démontrent que certains procès avaient
25 été menés relativement aux tueries, tueries commises contre la
26 personne des dirigeants de la Première République, cela suffit
27 amplement comme notification à vous.
28

29 Que ce soit pertinent ou pas, ça, c’est autre chose, mais vous ne pouvez
30 pas dire que vous n’en avez pas entendu parler, ce n’est pas indiqué.
31

32 Me PHILPOT :
33 Je vais apporter un éclaircissement.
34

35 La question de la pertinence est un domaine important. Être notifié d’un


36 aspect du droit international pénal et de la procédure pénale et l’inclure

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 dans l’Acte d’accusation imputé au client, ceci se trouve dans les


2 documents du Tribunal.
3 M. LE JUGE MUTHOGA :
4 Bien sûr, Maître Philpot, le Procureur n’affirme pas que votre client est
5 responsable de ces crimes… de l’un quelconque de ces crimes, parce
6 que si le Procureur le faisait, ce serait hors de la compétence du
7 Tribunal. Tout ce que dit le Procureur est de nous situer dans le
8 contexte : Comment est-ce que le génocide est survenu ; comment est-
9 ce que la situation antérieure a favorisé le génocide qui nous occupe.
10

11 Et ce témoin nous donne une perspective historique, en plaçant les faits


12 dans leur contexte. Les crimes, tels que plaidés dans l’Acte d’accusation,
13 sont replacés dans leur contexte historique, d’où cela vient, d’où vient
14 l’Acte d’accusation.
15

16 Cela ne peut qu’avoir une valeur de nuisance, mais ça ne peut pas, en


17 aucun cas, impliquer votre témoin (sic). Cela élimine, dans tous les cas,
18 une situation par une situation ou cela démontre une situation qui a
19 évolué et qui a donné naissance à la situation que nous avons connue
20 en 1994.
21 Me PHILPOT :
22 Je prends note de la valeur de nuisance que vous avez évoquée,
23 Monsieur le Juge. Nous sommes certainement au courant de ces
24 allégations, mais nous n’avions pas mené d’enquête pour nous défendre.
25 Mme LE PRÉSIDENT :
26 Votre objection est rejetée.
27

28 Si… Ces faits ne contribuent pas à condamner votre client pour un acte
29 survenu en dehors de la compétence temporelle du Tribunal. Le docteur
30 Des Forges retrace l’historique, comme vous le savez, et il vous sera
31 loisible de la contre-interroger le moment venu.
32 Mme KAGWI-NDUNGU :
33 Je vous remercie, Madame Président.
34 Q. Nous discutions de la réaction suscitée dans le pays par ces procès, et je
35 voudrais vous demander qui était le préfet de Ruhengeri à l’époque ?
36 R. Le préfet à l’époque était Monsieur Zigiranyirazo.

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1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Q. À quelle période ?
3 R. Au cours des années où ces personnes ont été exécutées.
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Q. Soyez plus précise. Cela s’est passé en quelle année ? Est-ce qu’il y a un
6 an ou il y a 15 ans ? Enfin, dites-nous la période.
7 R. Madame le Président, les décès ou les tueries ont été faites de manière
8 secrète. Donc, il n’y avait pas eu de connaissance aux yeux du public. Il
9 n’y avait pas eu d’enterrement, les familles ne savaient pas où étaient
10 enterrés leurs chairs, mais nous pouvons estimer que c’était autour de la
11 période de 73
12 à 83.
13

14 Ainsi, la question que vous m’avez posée était de savoir — si ma


15 mémoire est bonne — l’impact de ces procès sur la situation politique à
16 long terme.
17

18 Les dirigeants de la Révolution étaient, en un sens large, les gens qui


19 libéraient les autres du joug du colonialisme et que… ces personnes ont
20 été tuées de manière si brutale et peu digne. Et cela a été un coup dur
21 porté à ceux qui s’identifiaient à ceux-là.
22

23 Et ceux qui s’identifiaient au parti Parme-Hutu, en terme politique,


24 notamment les ressortissants de Gitarama et du sud,et… ce sont ces
25 groupes qui se sont soulevés pour contester les menées du Président
26 Habyarimana à l’avènement du multipartisme.
27

28 Et loin de leur point de ralliement pour rassembler les gens autour d’eux,
29 c’est de dire que ces gens-là qui sont au pouvoir sont au pouvoir par un
30 coup d’État et ont commis des crimes terribles en tuant le Père de la
31 Nation. Ceci leur a donné un pouvoir pour sensibiliser la population, pour
32 faire un appel à la population hutue.
33

34 Et nous devons garder à l’esprit que la population est dynamique, que la


35 population est largement hutue. Ainsi, le contexte du multipartisme
36 politique introduit était mené par les Hutus, et ceci a ajouté un

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1 ressentiment à ce groupe. Cela a joué un rôle au cours des années 90 et


2 avec tout ce qui a suivi l’avènement du multipartisme.
3 Mme LE JUGE KHAN :
4 Q. Vous parlez de ces dirigeants qui ont été… qui sont morts de faim ?
5 R. Je n’ai pas mené d’étude détaillée, mais je serais surprise s’il y avait des
6 Tutsis parmi eux, je pense qu’ils étaient tous des Hutus.
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Q. Je voudrais vous demander de dire à la Chambre, si vous saviez, quelles
9 étaient les responsabilités des préfets sous l’ère Habyarimana.
10

11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 (Intervention non interprétée)
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Un préfet quelconque.
15 R. Les préfets ou un préfet était le représentant du pouvoir central,
16 responsable de sa préfecture. Par conséquent…
17 M. LE JUGE MUTHOGA :
18 (Intervention non interprétée)
19 R. De sa préfecture. Merci.
20

21 Donc, il est comparable à un gouverneur dans la structure


22 administrative, du point de vue anglais, mais quelqu’un qui a des
23 responsabilités politiques et administratives pour tout ce qui se passe
24 dans sa préfecture.
25

26 Avec la création donc du système du parti unique, le préfet était en


27 même temps le chef du parti et le premier responsable politique et
28 administratif. Il était le responsable politique et administratif parce qu’il
29 « commande » sa préfecture par ce canal de la politique et par la
30 procédure normale de l’administration. Cela lui donne une
31 prépondérance sur tout ce qui se passe sur son territoire.
32 Mme LE JUGE KHAN :
33 Q. Est-ce que vous nous dites que pour devenir préfet d’une préfecture, il
34 devait être le chef du parti ?
35 R. Madame le Juge, après que le Président Habyarimana ait créé son propre
36 parti, tous les Rwandais étaient, de go, membres de ce parti. Donc,

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1 nécessairement, ce préfet éventuel devait être membre du parti ; mais


2 les… l’identité de la fonction entre le président préfectoral du MRND et
3 les responsabilités du préfet chargé de la responsabilité de sa préfecture
4 étaient également un fait qui existait.
5

6 Si vous étiez l’un, vous étiez l’autre, et ce, à travers tout le pays. C’était
7 au plus… Mais la même chose vaut au plus bas niveau de
8 l’administration territoriale : Si vous étiez bourgmestre, vous étiez
9 bourgmestre et président dans votre commune.
10 M. LE JUGE MUTHOGA :
11 Q. Vous dites que le MRND, par exemple, n’avait pas d’autre personne en
12 tant que président du parti dans la préfecture de Ruhengeri autre que le
13 préfet ? Et est-ce le cas ou bien le préfet était considéré par le parti
14 comme étant également le patron du parti dans sa préfecture ?
15 R. Monsieur le Juge, c’était le cas, du niveau du président jusqu'au petit
16 échelon de l’administration, que les deux structures, l’administration et
17 le parti, sont indivisibles. Donc, dans toutes les structures ? dans tous les
18 districts, vous avez le chef du parti qui est le chef de l’administration
19 également. C’était l’État… le parti-État, au sens le plus strict du terme.
20

21 Mme LE PRÉSIDENT :
22 Q. Docteur Des Forges, si je vous comprends, en 1994, Monsieur
23 Zigiranyirazo n’était plus préfet de Ruhengeri. Donc, à cette époque des
24 faits, il était moins important que le préfet d’alors ?
25 R. Madame le Président, c’est là où nous rencontrons des difficultés en
26 relation du pouvoir formel et le pouvoir classique en 1994. Et ceci peut
27 aussi être développé lorsque nous allons parler de l’intervention des
28 partis politiques en politique.
29

30 Dans… La structure monolithique du MRND avait été remise en cause,


31 remise en cause par l’avènement d’autres partis politiques ainsi que…
32 Ainsi, il y a eu une partie intense du contrôle du pouvoir. Le parti unique
33 n’existait plus de la même manière.
34

35 Après l’introduction du multipartisme, vous avez d’autres forces qui sont


36 entrées sur la scène ; et il y a une fluidité dans certaines localités.

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 L’ordre était le système informel de pouvoir qui a acquis une


2 prépondérance accrue.
3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Très bien. J’ai compris.
5 Mme KAGWI-NDUNGU :
6 Q. Pouvez-vous décrire les canaux de communication entre les différents
7 postes administratifs et les postes du préfet ?
8 R. Tout rapport qui émanait ou qui était envoyé à l’administration centrale
9 était envoyé également au préfet. Si quelqu’un relève du Ministère de la
10 justice, s’il fait un rapport au Ministre de la justice, il doit également
11 « amplier » le préfet. Ainsi donc, le préfet avait la mainmise sur les
12 activités dans sa préfecture.
13 Q. S’agissant des prisons, des systèmes de prison, est-ce qu’il avait
14 également une emprise sur les prisons ?
15 R. D’ordinaire, il devait avoir une réunion des administrateurs, des chefs de
16 service des administrations. C’était donc une douzaine de personnes qui
17 se « réunissent » ensemble avec le préfet et qui lui rapportent les
18 activités menées dans sa préfecture.
19 Q. Sur la base de votre opinion d’expert, pouvez-vous nous dire quelle était
20 l’importance de la préfecture de Ruhengeri sous l’ère Habyarimana ?
21 R. Nous avons parlé de l’importance que revêtait la province du nord-ouest
22 et nous avons parlé également des préfectures de Gisenyi et de
23 Ruhengeri. À l’époque de la Révolution, Ruhengeri était une partie
24 essentielle de la dynamique du pouvoir qui a fait avancer la cause de la
25 Révolution, mais au fil du temps, Gisenyi a supplanté Ruhengeri en
26 raison de ce groupe d’officiers militaires, y compris Habyarimana, qui ont
27 assumé une ascendance sur la structure militaire.
28

29 Ainsi, lorsque Habyarimana a fait son coup, il y avait cinq officiers


30 ressortissants de Gisenyi et quatre autres de Ruhengeri. Je pense qu’il y
31 en avait 12.
32 M. LE JUGE MUTHOGA :
33 Q. Vous avez dit cinq ?
34 R. Ils étaient connus sous le vocable de « camarades de la Révolution de
35 juillet 73 ». C’était une façon de percevoir la dynamique du pouvoir. Tous
36 ceux-ci sont trop proches pour être des concurrents potentiels. Il y

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1 avait trois autres personnes ressortissantes de Ruhengeri dont les profils


2 n’étaient pas différents de celui d’Habyarimana et qui étaient des
3 concurrents potentiels à lui.
4

5 L’importance de ces officiers… De ces officiers, le plus important, c’est le


6 colonel Kanyarengwe. Et pour racheter l’histoire à ce que nous disons,
7 Kanyarengwe a été accusé de coup d’État… de tentative de coup d’État
8 par Habyarimana. Il a fui et est devenu le président du FPR. Et il a donc
9 symbolisé cette probabilité ou cette possibilité de ce… que des Hutus
10 mécontents qui… pouvaient s’allier aux Tutsis pour contester
11 Habyarimana et son pouvoir.
12

13 Et lorsque la guerre a commencé, c’était la première chose sur laquelle


14 ils ont misé. Ils ont dit qu’il est possible que les guérilleros venus de
15 l’extérieur ne constituaient pas une menace en tant que telle, mais que
16 ce groupe qui attaquait de l’extérieur pouvait s’allier à ces mécontents
17 Hutus, ceux de Gisenyi et donc renverser le tenant du pouvoir.
18

19 Ainsi donc, ceci a posé une menace au règne d’Habyarimana à cette


20 époque et tout au long de son règne. Et il était préoccupé d’avoir la
21 mainmise sur Ruhengeri. Depuis la Révolution, il y a des potentialités de
22 soulèvement des gens de Gisenyi d’où pouvaient émaner des activités
23 révolutionnaires. C’est une région… une préfecture densément peuplée
24 et riche, sur le plan économique.
25

26 C’est comme ça qu’il faut voir la structure du pouvoir dans la partie nord-
27 ouest du pays.
28 Q. Lorsque vous dites que Ruhengeri est une région riche, pourriez-vous
29 donner plus de détails ?
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Q. Avant cela, hier, vous avez dit que la menace — peut-être que je me
32 trompe, mais je pensais — que la menace ou qu’il y avait un conflit entre
33 Ruhengeri et le centre ou le sud-ouest du Rwanda ; et maintenant, vous
34 dites le contraire. Il y a une petite contradiction.
35 R. C’est le problème d’un historien qui essaie de conter l’histoire comme
36 étant le résultat de questions juridiques, plutôt que de suivre une ligne

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 narrative. Mais je saisis l’opportunité pour éclaircir ce point.


2

3 Il y avait un certain nombre de scissions. La scission la plus importante


4 était celle du nord et du sud, mais dans le nord, il y avait la scission
5 Ruhengeri/Gisenyi. Et ce qui constituait un risque pour Habyarimana,
6 c’était que toutes ces scissions pouvaient se rallier, et les populations de
7 Ruhengeri s’allieraient avec les populations du centre et,
8 éventuellement, certains pourraient s’allier au FPR.
9

10 Et ainsi donc, il ne serait plus sous contrôle en terme de croissance


11 démographique, en terme également… en terme militaire s’il y avait des
12 élections militaires. Ainsi donc, ils essayaient de voir comment ils
13 pouvaient isoler cette petite place du nord-ouest et cela, par la mise en
14 place d’une coalition entre les populations de Ruhengeri et les
15 populations du centre. Et c’était donc là une question prépondérante et
16 principale dans la scène politique sous le multipartisme. L’aurait-il fait à
17 Ruhengeri oui ou non ?
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Q. Vous avez dit que Ruhengeri était une préfecture riche ; veuillez nous
20 donner plus de détails, s’il vous plaît.
21 R. C’était une région très fortement peuplée, région qui était bien arrosée
22 par les pluies et qui avait le sol le plus riche du pays, car c’était une
23 région volcanique et la dégradation des strates volcaniques en avait fait
24 une région très riche et agricole.
25 Mme LE PRÉSIDENT :
26 Q. Quel type d’agriculture y faisait-on : Le thé ?
27 R. En fait, Madame le Président, il s’agissait du thé, du café, des cultures de
28 première nécessité qui ont été introduites au cours de l’époque coloniale
29 et après la Révolution comme étant une source de devises étrangères.
30 Ruhengeri en tant que telle n’était pas connue comme région productrice
31 de thé, même si l’on y plantait dans quelques zones le thé. Mais on la
32 considérait comme étant le berceau des cultures de première nécessité.
33 Mme KAGWI-NDUNGU :
34 Q. Que savez-vous des devises tirées par le pays — tirées de ces ressources
35 naturelles, s’entend ?
36 R. C’était le centre de ce qui a existé. Il y avait un tant soit peu de

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 12


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 tourisme, pas beaucoup, et le noyau a été les guérillas des montagnes,


2 comme vous le savez, dans cette région entre le Rwanda, le Burundi et
3 le Congo, donc, entre ces trois pays. C’était là la seule population qui
4 restait dans le monde... Donc, c’étaient donc des plages à nulle autre
5 pareille qui attiraient beaucoup de touristes.
6

7 À la fin des années 80, au début des années 90, c’était un symbole de
8 plus en plus fort pour le Rwanda, car la guérilla était le symbole que
9 brandissaient beaucoup de Gouvernements. Et du fait de sa nature assez
10 rare et protégée, ces plages ont également fait l’objet de « traquage »
11 de la part de l’homme, dans les années 80-90. Et Diane Fossey s’est
12 beaucoup investie dans le domaine de l’écosystème et pour la protection
13 de ces zones.
14 Q. En votre qualité d’expert, pouvez-vous dire pourquoi Zigiranyirazo a été
15 nommé préfet de cette préfecture combien importante du Rwanda ?
16 R. Il était considéré comme étant capable de ce faire, on lui faisait
17 confiance. Et c’étaient là les deux qualités nécessaires pour contrôler
18 une zone importante, une préfecture importante et puissante.
19 Mme LE JUGE KHAN :
20 Q. Qui avait confiance en lui : Le Président, son épouse ?
21 R. Je vous remercie, Madame le Juge.
22

23 Très certainement les deux. Je ne pense pas qu’à l’époque, les opinons
24 divergeaient sur la question. Comme je l’ai dit hier, j’ai établi le parallèle
25 historique avec le début du 20ème siècle et la façon dont les gens
26 parlaient de l’épouse du Président ; et ils la surnommaient « Kanjugera »,
27 cette reine mère. Donc, elle exerçait son contrôle à elle par le biais de
28 ses deux frères.
29 Mme KAGWI-NDUNGU :
30 Q. Sur la base de vos études, sur la base de votre connaissance d’expert de
31 la région, veuillez nous dire quelle était sa réputation en tant que préfet,
32 en tant que chef administratif de cette préfecture importante.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Q. Si vous pouvez nous dire également quelles sont les sources de cette
35 information.
36 R. Madame le Président, Honorables Juges, un historien qui travaille dans

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 13


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 une région pendant 40 ans accumule un certain nombre d’informations,


2 et il n’est pas toujours aisé de retrouver les sources de ces informations
3 combien importantes.
4

5 Je puis dire, sans doute aucun, que je n’ai jamais entendu Monsieur
6 Zigiranyirazo être décrit en d’autres termes que comme étant quelqu’un
7 de puissant. Peut-être parfois, très tard, il y a eu une assertion
8 contradictoire — nous allons en parler plus tard —, assertion intéressante
9 qui émanait d’un observateur important.
10

11 Bref, à cette exception simple pendant toute cette période, on parlait de


12 lui comme étant puissant, dur. Et nous retrouvons ces descriptions dans
13 la presse de l’époque, on les retrouve également dans les évaluations
14 des observateurs étrangers, dans les travaux universitaires.
15

16 Je ne pense pas qu’il fasse l’objet d’aucun doute que cet homme était
17 reconnu comme étant extraordinairement puissant et également
18 efficient et efficace. Certains diraient qu’il faisait preuve de grossièreté.
19 Mais il savait maintenir la mainmise sur son territoire. Il l’a fait pendant
20 15 années et cela, l’ont amené… cela l’a amené à passer par des
21 moments difficiles.
22

23 Mais c’est là le témoignage de sa compétence et de son contrôle.


24 Mme LE JUGE KHAN :
25 Q. Qu’en est-il des populations locales, comment considéraient-« ils » cet
26 homme ?
27 R. À un moment donné et avant que son surnom « Z » ne soit un moyen
28 très usité, on l’appelait « Le prince — Le prince ». Ainsi donc, je crois que
29 c’est là… c’était là une façon populaire d’évaluer son importance et son
30 pouvoir. Les gens avaient peur de lui, il était craint. C’est là quelque
31 chose de très clair.
32

33 Cela émane très clairement de toutes les sources que j’ai eues. Je n’ai
34 jamais entendu quelqu’un dire : Cet homme n’est rien, ne vous en faites
35 pas. Non, c’était le contraire : « Cet homme est très puissant et il faut
36 faire attention ».

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 14


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 Q. Veuillez nous donner de plus amples détails : Pourquoi était-il craint ?
3 Pourquoi les gens avaient-ils peur de lui ?
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Madame le Procureur, faites attention, car nous voulons l’information du
6 témoin expert — c’est son expertise — et des éléments de preuve sur
7 cela ; mais nous ne voulons pas que l’on fasse comparaître des témoins
8 ici au prétoire et que ces témoins ne puissent pas être contre-interrogés
9 par la Défense.
10 Mme KAGWI-NDUNGU :
11 Je lui demande son opinion d’expert sur la question. Je suis sûre que la
12 Défense pourra la
13 contre-interroger sur cela et la Chambre pourra l’évaluer sur la valeur
14 probante de sa déposition.
15 R. Il était considéré comme quelqu’un qui pouvait faire faire les choses
16 localement, mais également au niveau national.
17

18 Les personnes sur un système de pouvoir basé sur le clientélisme, les


19 personnes qui peuvent faire faire les choses, eh ben, elles sont craintes
20 car « il » peut changer les résultats électoraux, changer les choses,
21 imposer leur dictat. Et c’est là toute la différence entre la vie et la mort,
22 la prospérité et la pauvreté.
23

24 Si nous revenons à la question de ces personnes-là qui sont mortes de


25 faim en prison, c’était de notoriété publique, pas tout de suite, mais
26 l’information a été connue. Et c’était là une autre source de peur : Si cet
27 homme-là pouvait faire ces choses-là, alors, il fallait y prendre garde.
28 Me PHILPOT :
29 Je rebondis sur la direction indiquée par le Président, je vais aller au-delà.
30

31

32 J’ai entendu parler du changement des résultats électoraux. Je suis


33 surpris qu’à ce stade, Monsieur Zigiranyirazo qui… est là pour son procès
34 sur des événements en 1994 et, alors, que maintenant l’on parle
35 de changements électoraux et d’autres allusions.
36

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 15


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Cela n’est pas allégué dans l’Acte d’accusation et, à moins que je ne me
2 trompe, il n’y a rien de ce type dans le rapport, rien sur le changement
3 des résultats électoraux. Et même si cela apparaissait, je ne sais pas
4 quelle est sa pertinence.
5 R. Si je dois évaluer le pouvoir de quelqu’un, je dois illustrer cela.
6 Me PHILPOT :
7 C’est là le propos d’un avocat. Et je voudrais que le Procureur réplique à
8 mes objections.
9

10 Oui, Docteur Des Forges est quelqu’un qui sait de quoi elle parle, mais
11 elle ne doit pas supplanter le Procureur.
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 J’ai demandé l’opinion du témoin en sa qualité d’expert, et c’est pour
14 cela que nous l’avons citée à comparaître. Elle nous donne son opinion,
15 ce n’est peut-être pas l’opinion que de la Défense s’attend à entendre ;
16 et cela est corroboré par des livres avec des notes en bas de pages : Le
17 Rwanda du parti-État à l’État-garnison, entre autres exemples donc, avec
18 des notes de bas de pages. Cela est intégré à son ouvrage, et si la
19 Défense voulait verser cela en preuve, nous pouvons le faire.
20 M. LE JUGE MUTHOGA :
21 Qu’avons-nous dans son livre : Que Monsieur Zigiranyirazo a changé les
22 résultés électoraux ?
23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Le témoin ne nous a pas donné tous les détails.
25 M. LE JUGE MUTHOGA :
26 Que dit le livre : Qu’il a changé les résultats de quelle époque ?
27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 C’est à l’époque où il était préfet, et je voulais donner des détails sur la
29 façon dont l’Akazu a exercé ce pouvoir.
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 Je suis d’accord avec vous, la différence entre vous et moi, c’est que
32 vous avez lu le livre et moi, je ne l’ai pas lu.
33

34 Je vous demande donc ce que dit le livre : Quels résultats électoraux est-
35 il supposé avoir changés ? Nous voulons donc un exemple, un exemple
36 concret de l’exercice du pouvoir. Parfois, l’on parlerait d’abus de pouvoir.

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 16


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 Madame le Procureur, nous ne voulons pas des opinions, nous voulons
3 un rapport d’expert qui corroborerait la déposition du témoin.
4 Me PHILPOT :
5 Une note en bas de page se réfère à un point du livre. Si c’est le cas, je
6 n’ai pas de problème avec cela. Une note en bas de page n’intègre pas
7 un livre dans un rapport, non, il se réfère à un point. Et très
8 certainement, je ne suis pas prêt à lire toutes les notes en bas de pages
9 et toutes les parties de livre en bas de pages.
10

11 Donc, je réitère ma demande à ce qu’on se limite à l’Acte d’accusation et


12 aux éléments afférents à l’Acte d’accusation.
13 Mme LE PRÉSIDENT :
14 Nous ne voulons pas non plus faire… finir l’année prochaine, mais lundi.
15 Pensez-vous que toutes ces informations soient pertinentes ?
16

17 Nous comprenons que vous voulez que le docteur Des Forges nous
18 explique comment l’Akazu a été mis en place et comment l’Akazu
19 exerçait son pouvoir, nous le comprenons. Nous n’avons toujours pas
20 commencé en tant que tel l’interrogatoire.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Je voulais juste établir les jalons. Nous ne pouvons pas aller droit au but
23 sans établir les jalons, cela serait insensé.
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Dans ce cas-là, posez des questions plus concrètes, ne spéculez pas et
26 ne nous donnez pas des informations générales. Nous voulons des
27 informations concrètes.
28

29 S’il y a eu des exemples d’élection que Monsieur Zigiranyirazo aurait


30 truquée, alors, donnez-nous des points concrets, la date de l’élection et
31 j’en passe.
32 M. LE JUGE MUTHOGA :
33 Si vous ne faites pas cela, Madame le Procureur, si vous ne pouvez pas
34 nous donner ces exemples, si ces exemples également sont reliés à
35 Monsieur Zigiranyirazo, alors, il peut dire : Je n’ai jamais truqué ces
36 élections et ces résultats. Cet exemple est erroné.

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 17


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

2 Par exemple, si vous dites que les élections de telle ou telle date ont été
3 truquées et si nous pouvons établir le fait qu’il a truqué ces élections,
4 soit ; mais si tel n’est pas le cas, Monsieur Zigiranyirazo peut se lever et
5 dire : Je n’étais même pas à Ruhengeri à ce moment-là, j’étais en
6 vacances en Europe, dans les Caraïbes. Et dans ce cas-là, nous ne
7 pouvons rien faire.
8

9 Mais si vous ne dites pas, par exemple, il a fait ceci ou cela, et si vous ne
10 lui donnez pas l’occasion de répondre à cela, cela ne nous mène à rien.
11 Mme KAGWI-NDUNGU :
12 Je suis vos directives et, dans mon interrogatoire principal, je m’attache
13 à ce que vous avez dit, j’essaie de ne pas être trop longue et de pas
14 prendre trop de temps.
15 R. Je pense qu’il serait approprié que je dise que c’est moi qui ai introduit le
16 point sur les élections et non pas le Procureur. Et j’essayais de donner
17 des exemples concrets pour différencier mon opinion de ce qu’était la
18 relation de pouvoir à l’époque et comment cet homme était considéré à
19 l’époque. Et j’ai dit que, par exemple, très souvent, l’on disait qu’il avait
20 son mot à dire sur le recrutement, sur les licenciements et sur les
21 élections ; et l’on retrouve cela dans le livre de Gasana.
22

23 James Gasana était une autorité du MRND, il était proche du cercle du


24 pouvoir pendant toute cette période et il suivait le développement. Et
25 par la suite, il a écrit un mémoire très détaillé dans lequel il a examiné
26 ces relations de pouvoir.
27

28 À la page 39, il donne un exemple d’une élection en 1978, pas à


29 Ruhengeri, mais à Butare, à l’autre bout du pays. Et il dit que ces choses-
30 là ont été faites, que les élections ont été faites comme Monsieur
31 Zigiranyirazo l’avait voulu, pour mettre au pouvoir le docteur
32 Sindikubwabo qui est devenu par la suite, en 1994, Président du
33 Gouvernement intérimaire.
34

35 C’est donc là un exemple très concret émanant d’un observateur


36 extérieur à l’époque. Et en tant qu’historienne, c’est le type

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 18


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 d’informations que j’utilise. Je dois me fonder sur des sources


2 d’informations.
3 Mme LE JUGE KHAN :
4 Q. Docteur Des Forges, quelle était l’attitude de Monsieur Zigiranyirazo :
5 Comment se comportait-il avec les plus pauvres de la population ?
6 R. Vous parlez des populations pauvres ?
7 Q. Oui. Comment se comportait-il avec les pauvres ?
8 R. Honorable Juge, les élites de par le monde et dans toutes les sociétés ont
9 le même comportement. Très généralement, ces gens-là ne se
10 préoccupent pas des pauvres. Il y a des actes de générosité
11 occasionnels, car si vous ne le faites pas, vous ne serez pas un grand
12 homme. Mais c’était là l’une des accusations — nous allons y revenir très
13 rapidement, je suis sûre — contre l’Akazu et contre ce noyau, cette
14 famille.
15

16 L’on disait que ces gens-là amassaient de grosses fortunes pour leurs
17 intérêts propres, et cela au dépend des pauvres. Et cela revient
18 également sur toute la question de la façon dont ils ont pris le pouvoir.
19

20 Cela vaut pour les Hutus, pas seulement pour les Tutsis, car certains
21 Tutsis ont participé à leur exercice du pouvoir. Mais les pauvres hutus ou
22 tutsis disaient : « Voilà, il y a tous ces projets de développement ; il y a
23 toutes ces choses-là dans le pays et c’est vous qui profitez de cela, nous
24 n’en profitons pas ».
25

26 Donc, Filip Reyntjens a fait des études sur le développement qui « a »


27 décomposé les programmes de distribution, du programme d’assistance,
28 l’accès aux bourses et à l’éducation par préfecture ; et c’est la préfecture
29 de Gisenyi, suivie par celle de Ruhengeri, qui avait les parts les plus
30 importantes d’aide. Encore une fois, il y avait une concentration au
31 sommet de la hiérarchie mais au niveau régional également, qui suscitait
32 la colère dans le système multipartite.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Q. Le Gouvernement central avait-il une plus grande part ?
35 R. Tout à fait.
36 Mme KAGWI-NDUNGU :

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 19


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Le livre dont elle parlait se trouve dans votre dossier rwandais du parti-
2 État. La note en bas de page ou la page dont elle a parlé est…
3 R. La page 39.
4 Mme KAGWI-NDUNGU :
5 La page 39, note en bas de page 9, pages 33 à 41. C’est donc là un
6 document qui a déjà été versé aux débats comme pièce à conviction.
7

8 Mais je voudrais verser cette page 39, la verser en preuve comme pièce
9 à conviction séparée.
10 M. LE JUGE MUTHOGA :
11 Pourquoi ?
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 Car la page 30 était une pièce à conviction pour un autre point, mais il
14 s’agit là de la page 39.
15 M. LE JUGE MUTHOGA :
16 Si le document tout entier est versé en preuve, que nous l’avons entre
17 les mains, alors, tout ce que vous devez nous dire, c’est : Reportez-vous
18 à la page 39. Et nous savons ce que nous devons faire et c’est suffisant.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 Je vous remercie.
21 Q. Nous parlions et discutions de Monsieur Zigiranyirazo et de son
22 investiture de préfet. Sur la base de votre connaissance de la région, les
23 informations que vous avez collectées en qualité d’historienne, pouvez-
24 vous nous dire pourquoi il a perdu son poste ?
25 M. LE JUGE MUTHOGA :
26 Q. Qu’a-t-il fait ? Peut-être qu’il n’a pas perdu son poste, peut-être qu’il a
27 démissionné de son propre chef.
28 Mme KAGWI-NDUNGU :
29 Je vous remercie, Honorable Juge.
30 R. Il se susurrait à l’époque — à l’époque —, au Rwanda et ailleurs, qu’en
31 fait, l’on l’avait obligé à quitter ce poste. On l’avait obligé à quitter ce
32 poste en partie car il avait mauvaise presse et mauvaise notoriété, et
33 cela avait une incidence sur le Président. En 1989, c’était la fin de son
34 mandat de préfet et c’est la date à laquelle il y a eu un grand
35 mécontentement qui s’est exprimé contre le Gouvernement.
36

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 20


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 C’est là que l’on a eu la possibilité d’avoir une presse critique.


2 Nyamateka était un journal important à l’époque, un journal associé à
3 l’église, qui a commencé à exprimer des opinions beaucoup plus
4 critiques, et l’on a commencé à demander un Gouvernement
5 multipartite. Et c’est à l’époque qu’en Afrique, il y a eu des
6 changements, les gens ont dit : « Nous en avons assez du multipartisme
7 (sic), nous voulons la démocratie pour pouvoir mieux contrôler l’accès au
8 pouvoir ».
9 M. LE JUGE MUTHOGA :
10 MacMylan (Phon) l’appelle « les voix aux changements ».
11 R. Très bien. Je vous remercie, Honorable Juge.
12

13 Et dans ce cadre-là, les dynamiques du pouvoir interne au sein de l’élite


14 également ont commencé à s’exprimer. Et lorsqu’il y avait des rivalités
15 avec Monsieur Zigiranyirazo, on commençait à le montrer du doigt et on
16 commençait à dire : « Cet homme nous pose beaucoup de problèmes,
17 nous devons le discipliner car, sinon, nous allons tous tomber, car l’on va
18 généraliser cette colère quant à son comportement ».
19

20 Peut-être que cela n’était pas juste. Peut-être que quelqu’un d’autre
21 aurait dû être choisi, mais c’était lui qui a été choisi à titre d’exemple et
22 en partie, car il y a eu le meurtre de ce « conservationniste » dont j’ai
23 parlé dans sa préfecture.
24

25 Qu’il soit relié ou pas à cet assassinat, en tout cas, cela a attiré une
26 attention défavorable et, subséquemment, il a dû quitter son poste
27 hautement important et il redevenu étudiant au Canada. Il n’avait pas
28 fait d’études universitaires au préalable et, tout d’un coup, il était au
29 Canada pour des études universitaires.
30

31 Voilà. Cela n’est pas impossible, mais dans ce cas précis, c’était une voie
32 choisie par des personnes qui voulaient éliminer quelqu’un — en passant
33 par les études. Et je crois que c’est ce qui s’est passé.
34 M. LE JUGE MUTHOGA :
35 Q. Vous connaissez peut-être le cas d’un Président qui a pris sa retraite et
36 qui est retourné faire des études, cela ne date pas de longtemps.

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 21


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 R. Cela peut se produire, mais en l’espèce, l’élément d’un départ non


2 volontaire est indiqué.
3 Mme LE JUGE KHAN :
4 Q. Si vous le suggérez si puissant, cela veut dit que même le Président ne le
5 contrôlait pas. Donc, le Président ne pouvait rien lui imposer ?
6 R. Point très pertinent, Honorable Juge. Et je pense que très bientôt, nous
7 allons revenir sur un écrit qui parle de ce réseau dans lequel l’une des
8 personnes dit au Président exactement ce qui suit : « C’est vous qui avez
9 le pouvoir, vous devez l’exercer, vous devez destituer cette personne, la
10 démettre de tout pouvoir ».
11

12 (Concertation entre Mme Kagwi-Ndungu et M. Kapaya)


13

14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Très bien. Nous allons passer à la page 7 de votre rapport, là où vous
16 parlez de l’Akazu et d’autres réseaux.
17 Q. Avant que je ne passe à ce point, mon collègue me suggère une dernière
18 question de suivi : Qui a remplacé Monsieur Zigiranyirazo au poste de
19 préfet ?
20 R. Charles Nzabagerageza est devenu préfet, il appartenait également à la
21 famille, mais pas si proche, c’était un cousin — je crois.
22 Q. Très bien. Cousin de qui ?
23 R. Je ne me souviens pas. Était-ce le cousin de Madame, était-ce le cousin
24 du Président ? Je ne m’en souviens plus, je devrais vérifier cela.
25 Q. Nous allons maintenant passer à la partie de votre rapport où vous
26 décrivez l’Akazu et les autres réseaux.
27 Mme LE JUGE KHAN :
28 Veuillez nous indiquer la page, s’il vous plaît.
29 Mme KAGWI-NDUNGU :
30 Page 7.
31 Q. Vous avez dit tantôt qu’il y avait des exemples au Rwanda similaires à la
32 monarchie ; quel nom donnait-on à ce phénomène dans la Deuxième
33 République ?
34 R. Le nom que l’on donnait à ce petit groupe qui détenait le pouvoir, c’était
35 « l’Akazu », en d’autres termes : « La petite maison ».
36 Q. Ce groupe portait-il d’autres noms ?

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 22


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 R. « Le Réseau zéro », « Akazu », même si « le Réseau zéro » était un


2 concept beaucoup plus vague et vaste, l’Akazu était plus directement
3 relié au Président et à ses subordonnés.
4 Q. Selon vous, quelle était la personne la plus importante au sein de
5 l’Akazu ?
6 R. Nous en avons parlé. Les dynamiques du pouvoir au sein de l’Akazu ont
7 changé de par le temps. Très certainement, les gens disaient
8 généralement que Madame Habyarimana était le noyau, la personne la
9 plus puissante, mais en fait, elle-même agissait très rarement de façon
10 « traçable » et publique. Très souvent, ce sont ses frères qui agissaient à
11 sa place.
12

13 Cette question doit être soulevée : Était-ce elle qui dirigeait les rênes ou
14 étaient-ce ses frères qui faisaient les choses à sa place ? Car parfois l’on
15 disait que ses frères s’exposaient plus.
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 En fait, c’était une couverture.
18 R. Très certainement. Le plus actif et le plus visible était très certainement
19 Zigiranyirazo. Les autres frères que nous n’avons pas cités ici — je crois
20 — étaient Séraphin Rwabukumba qui n’était pas son frère… Vraiment,
21 c’était son frère dans le sens africain. En fait, c’était son cousin, mais ce
22 sont les deux pères qui étaient frères, mais il était considéré comme
23 étant le frère de Madame.
24 Mme LE JUGE KHAN :
25 Q. D’autres proches du Président Habyarimana entraient-ils en jeu ou
26 étaient-ce seules ces personnes qui le faisaient ?
27 R. On aurait pu les inclure pour des raisons biologiques parce qu’ils
28 faisaient partie de la famille, mais d’une manière politique, aucun
29 membre de la famille du Président n’avait ou ne bénéficiait de ce genre
30 de pouvoir comme l’avaient les membres de la famille de l’épouse.
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Q. Ce que nous ne comprenons pas, c’est ce qu’était « l’Akazu » : Était-ce
33 une réunion de personnes, une réunion de personnes qui fonctionnait de
34 manière individuelle ou était-ce un groupe qui fonctionnait en tant que
35 groupe ?
36 R. Oui. Le terme que Monsieur Zigiranyirazo lui-même utilisait était « une

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 famille politique », « une famille sociale ». Je pense qu’il s’agit là d’un


2 meilleur terme.
3 Me PHILPOT :
4 Désolé. Il s’agit là d’une référence au curriculum vitae. Donc, je fais
5 objection à cela.
6 R. Bon, disons que les Rwandais l’ont appelé « famille politique » ou
7 « famille sociale », comme dans le cas de la plupart des familles.
8 Me ZADUK :
9 Objection. La seule allusion de cet élément dans le rapport, c’est le CV
10 du témoin.
11

12 (Pages 1 à 19 prises et transcrites par Pius Onana, s.o.)


13

14

15

16

17

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21

22

23

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 24


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1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Nous ne parlons pas de la définition de cet élément dans le résumé, nous
3 parlons de son entendement et de ce que les autres Rwandais
4 considéraient comme étant l'Akazu.
5 Me ZADUK :
6 Elle n'est pas en train de citer mot pour mot ce qui est dit. Il faudrait que
7 nous parlions donc de ce que sont « les autres Rwandais », que nous
8 précisions donc de qui il s'agit lorsque nous parlons « d'autres
9 Rwandais », nous ne devons pas rester vagues.
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Lorsque nous aurons l'occasion de poser la question au témoin, nous lui
12 demanderons des précisions.
13 Mme DES FORGES :
14 Madame le Président, je voudrais conclure en vous disant que c'est un
15 élément qui n'est pas effectivement détaillé dans le rapport. Mais je
16 peux vous donner les détails, je peux vous donner les éléments qui
17 étayent mes propos. Et j'aimerais vraiment que vous me disiez ce que je
18 dois faire.
19 M. LE JUGE MUTHOGA :
20 Très bien. Je vous comprends.
21

22 Q. Dites-nous, tout simplement…


23

24 Madame le Témoin, comme l’a indiqué Madame le Président, lorsque


25 vous nous donnez votre propre opinion d'experte, veillez à ce que cela
26 soit sur la base de quelque chose de pratique, de palpable et, jusqu'à
27 présent, vous avez été en mesure de le faire, vous nous avez
28 communiqué une base qui permet que votre témoignage ou votre
29 conseil peut être testé.
30

31 Et donc, cette description de l'Akazu… ou disons de la définition que


32 vous en avez faite
33 — de l'Akazu —, il doit y avoir une source à partir de laquelle vous avez
34 tiré cette définition.
35

36 Et, comme Monsieur Zaduk a dit, il a dit que s'il s'agit d'une définition qui

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 20


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1 se trouve dans le CV, il a fait objection à cela.


2

3 Mais s'il s'agit d'une autre source, vous nous le dites, pour que nous
4 puissions aller de l'avant.
5 Mme DES FORGES :
6 Je vous remercie, Honorable Juge.

8 R. À partir de mes études d'histoire allant du XXème siècle, j'ai pu prendre


9 connaissance de ce terme « Akazu » en ce sens qu'il s'agit d'un endroit
10 intime où certaines choses sont effectuées, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une
11 structure qui se trouve dans une concession en dehors de la grande
12 structure. Il peut s'agir d'un endroit où il se passe quelque chose qui est
13 caché aux yeux du public. C'était là, si vous voulez, la connotation qui
14 était utilisée avec ce terme.
15

16 De manière générale, lorsqu'il s'agit de la période des années 1990,


17 c'était un terme qui était vraiment affilié aux parents les plus proches,
18 les personnes ; donc, qui étaient liées directement au Président et à sa
19 belle-famille.
20

21 Maintenant, comment est-ce que ce groupe fonctionnait ?


22

23 Là, nous allons parler d'un groupe qui tenait des réunions… ou des
24 réunions qui se tenaient, par exemple à partir de 10 heures, et il y a une
25 seule personne qui prend des minutes. Et il s'agissait donc d'un groupe
26 qui fonctionnait de manière organique.
27

28 Nous allons devoir parler également de la nature de l'éthique politique


29 où il s'agissait de prendre des décisions sur certains problèmes sans le
30 dire de manière explicite et tirer des conclusions. Vous n'avez pas besoin
31 d'avoir une personne qui vous dit : « Non. Allez-y, tuez ou éliminez telle
32 ou telle personne » ; tout ce qu'il fallait, c'est utiliser une personne qui
33 montrait qu'il fallait se débarrasser de cette personne mais sans le dire
34 de manière si claire.
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Q. Est-ce que cela... Cela s'applique à plusieurs pays, pas seulement au

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 21


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1 Rwanda !
2 M. LE JUGE MUTHOGA :
3 Le Rwanda n'a pas les droits d'auteur dans le cas de l’utilisation de ce
4 genre d’expression.
5 Mme DES FORGES :
6 Oui. Vous avez raison. Veuillez me corriger si je me trompe, mais c'est
7 vrai ce que vous dites.
8

9 R. Mais compte tenu de la richesse de la langue, nous avons l'habitude


10 d'accorder un peu plus de crédit au Rwanda par rapport à d'autres
11 sociétés. Je ne sais pas si dans certains autres pays, on peut trouver ce
12 niveau de communication de messages de manière détournée.
13 M. LE JUGE MUTHOGA :
14 Q. Je sais que certains termes sont difficiles à définir ; est-ce qu’il faut, dans
15 certains cas, chercher toujours à définir ce qu’on veut dire ?
16 Mme DES FORGES :
17 R. Oui. Je crois que nous pouvons chercher à donner une définition de
18 certains termes.
19

20 On peut dire qu'il s'agit d'un groupe de personnes qui sont liées par un
21 dessein commun ; cela également peut être des intérêts économiques
22 politiques communs, d'autres sont liés par des liens de sang. Et je pense
23 qu’il s'agit là de la définition la plus étroite que nous pourrions avoir.
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Q. Peut-il s'agir d'un accord… d'une association qui parlerait d'accords ?
26 Mme DES FORGES :
27 R. On pourrait parler d'une alliance où vous avez plusieurs personnes qui
28 fonctionnent, qui veulent obtenir l'assentiment des supérieurs
29 hiérarchiques. Donc, il s'agit là des gens qui tournent autour des
30 dirigeants d'un pays.
31 M. LE JUGE MUTHOGA :
32 Q. S'agit-il de certaines sociétés secrètes où les gens se protègent
33 réciproquement ?
34 Mme DES FORGES :
35 R. Oui, Excellence. Vous-même, vous avez vu certains exemples que vous
36 pourriez citer. C'est juste pour vous montrer comment est-ce que ce

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 22


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1 système fonctionnait ; c’est juste pour vous dire qu'au Rwanda, cette
2 association fonctionnait de manière efficace et beaucoup plus efficace
3 que dans certaines autres parties du monde.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 La seule différence que, moi, je constate avec d'autres pays, c'est qu'il
6 s'agit là d'une autre… d’une petite maison. Parce que dans d'autres
7 pays, on peut l'appeler « la grande maison » ! Ici, il s’agit simplement
8 « d’une petite maison ».
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Q. En tenant compte de ces relations subtiles entre les membres de l'Akazu,
11 comment est-ce qu’on pouvait distinguer les personnes qui sont
12 supérieures à d'autres ? Puisqu'il s'agissait d'une relation intime qui les
13 liait mais qui était très subtile.
14 Mme DES FORGES :
15 R. C'est une question très… fondamentale, Madame le Président. Je peux
16 vous dire qu'il s'agit là d'une situation qui n’était pas stable et cela
17 compliquait un peu les choses ; la personne qui avait le contrôle du
18 groupe maintenant peut être… peut perdre ce pouvoir et donner le
19 pouvoir à quelqu'un d'autre.
20

21 Et cela s'est passé avec Monsieur Zigiranyirazo, d'ailleurs, lorsqu'il a été


22 envoyé au Canada.
23

24 Nous avons certains changements qui sont plus ou moins nuancés et que
25 nous pouvons retrouver en faisant certaines études.
26

27 Mais en ce qu'il s'agit des personnes ordinaires, ces personnes n'avait


28 pas tellement d'importance, ces personnes étaient toujours identifiées
29 comme faisant partie du pouvoir central…
30

31 Et lui avait perdu cette qualité ou ce statut. C'est une espèce de forme
32 de disgrâce.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Q. Était-ce une certaine disgrâce lorsqu’on l’a fait renvoyer au Canada pour
35 aller étudier ? Et lorsqu’on tient compte des événements de 94 et après,
36 il a dû partir contre son gré ; alors, comment

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 23


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1 pouvons-nous supposer que, lui, il était puissant, si on tient compte de


2 tous les éléments ?
3 Mme DES FORGES :
4 R. Au cours de la période transitoire qui a… période qui a suivi, d’ailleurs,
5 son retour au Rwanda et la période du génocide, il s'agit d'une période
6 où nous avons… où nous pouvons enregistrer des opinions divergentes
7 parmi les différents membres : Certaines personnes disaient que c'était
8 quelqu'un qui essayait d'escalader ou de gravir les marches du pouvoir
9 pour se mettre au sommet et d'autres avaient une autre opinion. Il
10 s’agissait de quelqu'un qui voulait faire ce qu'il entendait.
11

12 Ce qui s'est passé ici, ce sont les événements du 6 avril, l’assassinat du


13 Président, qui a changé totalement la situation ; c'est un événement qui
14 a mis un terme ou qui a plutôt éliminé la vie du chef de l'État et qui a mis
15 fin également au pouvoir de l'Akazu. L’épouse elle-même, elle a quitté le
16 pays. Et celui qui est resté, c'était celui-là, l'Accusé, qui est resté au
17 pouvoir et qui représentait également le pouvoir en place. Et c'est lui qui
18 a dû subir un peu la colère de tous les habitants suite à ces événements
19 que se sont passés ; c'était bien lui, Monsieur Zigiranyirazo. Il est devenu
20 donc le point focal de cette renaissance d'enthousiasme.
21

22 Bien sûr, nous tous, nous avons eu des chefs assassinés dans nos pays.
23 Mais le genre de réaction populaire que cela a suscité, suite à la chute
24 d'un dirigeant… cette personne devient immédiatement un héros et la
25 personne qui était la plus proche de ce chef devient donc la personne à
26 prendre les choses en main ; ce que représentait, à cette époque,
27 Monsieur Zigiranyirazo.
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 Q. Il est le seul qui ait survécu ?
30 Mme DES FORGES :
31 R. Non. Il n’était pas le seul rescapé, il était la personne la plus visible qui a
32 acquis… avait un certain profil politique, qui était dans le pays et qui est
33 repartie dans la région natale de l’ancien Président.
34 Mme LE JUGE KHAN :
35 Q. Quel était le statut politique des membres de l'Akazu ? Tous des
36 députés ?

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 24


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1 Mme DES FORGES :


2 R. Non, Madame le Juge. C'est ce que nous avons appelé « structure de
3 pouvoir parallèle informel », parce que Monsieur Zigiranyirazo tenait un
4 poste de préfet, d'autres tenaient des postes politiques. Et nous savons
5 même qu'après son poste de préfet, il a continué à être membre de
6 l'Akazu. Rwamakuba était connu comme étant le financier ou l’homme
7 d'affaires de cette petite maison ; Segatwa était un officier militaire et
8 était le secrétaire privé du Président, c'était lui qui était à la tête de la
9 Garde présidentielle. Donc, lui et Zigiranyirazo avaient des postes plus
10 ou moins officiels.
11 Et les autres membres de l’Akazu étaient connus pour ce genre de
12 choses…
13

14 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
15 « N’étaient pas connus », pardon !
16 Mme DES FORGES :
17 R. … pour ce genre de choses. C’est eux qui facilitaient la venue au pouvoir
18 de certaines personnes. Ils étaient donc… ils devaient rendre compte à
19 l'Akazu.
20

21 Et c'est à ce moment-là que les Rwandais ont commencé à critiquer et ils


22 ont dit : « Voilà ! Vous qui êtes dans l’Akazu, c’est vous qui dirigez le
23 pays, c’est vous qui êtes derrière les coulisses, c’est vous qui êtes en
24 train de tirer les ficelles. Et nous ne pouvons pas vous atteindre parce
25 que nous ne pouvons pas avoir main sur vous et nous ne savons pas qui
26 fait quoi. Nous avons besoin d’un système transparent et c’est pour cela
27 que nous aimerions avoir un multipartisme où les personnes seraient
28 plus responsables et on saurait exactement ce qui se passe. » Donc, ce
29 sont là, si vous voulez, les violentes critiques que l’Akazu a dû essuyer :
30 On ne pouvait pas savoir qui faisait quoi. C'était ce genre d'opacité qui
31 existait au niveau de l'Akazu.
32 Mme KAGWI-NDUNGU :
33 Q. Madame le Témoin, revenons à nos questions : Vous avez indiqué que
34 Zigiranyirazo, lorsqu'il a quitté ses fonctions officielles… Et vous avez
35 donné un exemple, vous avez même dit que, malgré le fait qu'il n’était
36 plus préfet, il a continué à rester membre de l’Akazu…

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 25


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1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Je voudrais même demander quelques précisions parce que, moi, j'ai un
3 peu de confusion dans ma tête.
4

5 Q. Dans l'Akazu, il n'y a pas une adhésion formelle, c'est quelque chose que
6 vous… c’est une qualité que vous avez parce que vous êtes né dans une
7 certaine région où vous avez acquis une certaine influence et ceci vous
8 rend respectable pour être admis au sein de ce groupe, au sein de ces
9 personnes qui boivent du vin fin. Alors, était-ce… y avait-il une adhésion
10 formelle qu'il fallait respecter ? Est-ce que les gens étaient enregistrés
11 ou, alors, radiés ? Quelle était la procédure d'adhésion à l'Akazu ?
12 Mme LE JUGE KHAN :
13 Q. Quels étaient les critères qui vous permettaient de devenir membre de
14 l'Akazu ?
15 Mme DES FORGES :
16 R. Honorables juges, s’agissant du Juge Muthoga, je pense que la première
17 description est tout à fait appropriée, c'est-à-dire qu'il s'agissait de
18 quelque chose d'officieux, il n'y a pas de carte de membre. Et les
19 personnes qui devenaient membres, même au sein du système,
20 variaient. On ne pouvait pas savoir exactement qui était membre qui ne
21 l'était pas, à l'exception des membres qui venaient de la région centrale,
22 c’est-à-dire le Président, son épouse et ses trois… et les membres
23 proches de sa famille.
24 Et, donc, ça ne pouvait pas « avoir » le même nombre de membres que
25 les membres dont la… Gasana aurait, par exemple, préparé la liste… Il
26 s'agissait du groupe… du noyau… du noyau principal qui ne change
27 jamais. Et une fois que vous avez ce noyau, donc, de ces cinq personnes,
28 le noyau composé de cinq personnes dont j’ai parlé, vous avez
29 maintenant des différents… d’opinions différentes… On ne sait pas qui
30 était membre de ce groupe, qui ne peut pas (inaudible).
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Q. Les cinq personnes : Vous avez dit le Président, son épouse, le secrétaire
33 privé du Président, le frère qui est le préfet de Ruhengeri, parce que
34 Ruhengeri est une région importante ; et qui est la cinquième personne ?
35 Mme DES FORGES :
36 R. Monsieur Rwamakuba qui était le chef… celui qui était chargé des

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 26


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1 finances, la personne chargée de l’importation, l’exportation des


2 marchandises, etc.
3 M. LE JUGE MUTHOGA :
4 Q. Après cela… En supposant même qu'après cela, donc, le pouvoir que
5 détenait chaque membre devait varier d'un membre à un autre : Vous
6 pouviez être membre et ne pas avoir le même degré de pouvoir,
7 certaines personnes pouvaient ne pas vous écouter ou suivre vos
8 conseils ou vos recommandations ; n'est-ce pas ?
9 Mme DES FORGES :
10 R. Cela m’est un peu difficile à dire parce que chacun de nous… « chacun »
11 des cinq personnes dont j’ai parlé, chaque… chacune de ces personnes
12 avait, si vous voulez, sa propre Akazu. Certaines personnes attiraient
13 d’autres personnes pour les inclure à l’Akazu : Une personne comme
14 Bagosora avait été emmenée là-bas ; ou alors, son frère, le Pasteur
15 Musabe, qui était un banquier ; ou quelqu'un qui était directeur d'une
16 grande société parapublique, par exemple Monsieur Higiro, ou « ADE… »
17 ou même Monsieur Higiro, comme je l’ai dit, qui était le directeur de
18 l’usine d’allumettes. C'étaient des personnes importantes. On pouvait
19 toujours voir une certaine… un certain lien entre l’État et la forme du
20 pouvoir.
21 Mme LE JUGE KHAN :
22 Q. Qui est Rwamakuba ? Comment était-il lié à l'Akazu ?
23 Mme DES FORGES :
24 R. Rwa… Vous voulez Rwamakuba ?
25 Mme LE JUGE KHAN :
26 Oui.
27 Mme DES FORGES :
28 R. C’était le frère de Segatwa, le frère du secrétaire privé du Président, et
29 celui qui était à la tête de la Garde présidentielle. Ils étaient cousins,
30 c'étaient des cousins de Zigiranyirazo et de Madame Habyarimana.
31

32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 Q. Qu’est-ce qu’il y a de spécial dans l’Akazu ? Parce que, de manière
34 générale, les secrétaires privés et les épouses des présidents exercent
35 une certaine influence sur certaines personnes et ce sont des personnes
36 qui sont responsables des décisions qui sont prises.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 27


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2 Donc, que ce soient les autres personnes, c’est-à-dire les chefs de l’usine
3 de thé ou de sociétés paraétatiques — parce que l’entreprise est
4 importante —, donc ces personnes sont également responsables des
5 décisions qu’elles prennent et ce sont des personnes qui discutent avec
6 d’autres personnes qui font partie également de la structure du pouvoir.
7 Vous avez un préfet qui est important aussi dans sa préfecture, qui
8 prend également des décisions qui sont également importantes et
9 « peuvent ou ne pas être d’accord avec lui… » Donc, il est difficile de
10 « dire » la situation.
11

12 Qu’est-ce qui rend l’Akazu tout aussi spéciale ? Parce que ce sont des
13 choses qui se voient un peu partout, Madame le Témoin.
14 Mme DES FORGES :
15 R. On ne devrait pas considérer cela comme « spécial » parce que là... il
16 s’agit là d’un phénomène qui n’est pas unique au Rwanda, à l’exception
17 du fait que... à l’exception des circonstances historiques qui ont amené à
18 la dénonciation de ce système pendant le multipartisme. Ce sont des
19 autres Rwandais qui ont attiré l’attention sur ce phénomène.
20

21 Ce n’est pas quelque chose que, « nous, nous avons créé après le
22 génocide », c’est quelque chose qui existait déjà avant le génocide, et
23 ceci, par les propres Rwandais qui ont dit qu’il s’agissait là de la source
24 de tous les maux du pays. Et ils ont indiqué que la raison pour laquelle ils
25 ont commencé à expérimenter ou à connaître des problèmes
26 économiques… ou « nous avons commencé à enregistrer des assassinats
27 des opposants politiques, des problèmes de balance de paiement », tous
28 ces problèmes trouvent leur origine dans ce groupe vague qui tire le
29 pouvoir et qui se trouve autour du Président et qui sont là pour leur
30 intérêt personnel.
31

32 Ce n’est pas un phénomène inhabituel. Vous savez, lorsque les choses


33 ne vont pas très bien dans un pays et que vous avez les mêmes
34 personnes au pouvoir pendant plus de vingt ans plus ou moins, les
35 personnes qui sont mécontentes, pour une raison ou pour une autre,
36 choisissent de mettre leur… ou d’expliquer leur mécontentement par

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 28


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1 l’existence de ce groupe. Il s’agit là des personnes qui peuvent être


2 derrière les coulisses, mais qui sont exposées, et où… les gens
3 (inaudible) disent : « Voilà, nous ne voulons plus être dirigés par ce
4 genre de personnes. »
5

6 Donc, certaines de ces personnes qui faisaient partie de ces cercles


7 intérieurs ont commencé à dire : « Voilà. Le bateau commence à
8 sombrer. Il va falloir que nous commencions à prendre nos dispositions. Il
9 faut que nous commencions à décharger certaines personnes, à les jeter
10 par-dessus bord. » Et cela a créé un certain mécontentement au niveau
11 des cercles du pouvoir. « Oui. Nous allons continuer à faire ce que nous
12 avons l’habitude de faire », disaient-ils.
13

14 L’auteur du livre de Réseau zéro… Par exemple, d’autres personnes,


15 comme Gasana, ont commencé à dire : « Voilà. Nous avons été noyés
16 vis-à-vis du MRND. Nous sommes des membres du parti. Nous voulons
17 que notre parti avance, mais nous n’allons pas accepter ce que vous
18 faites. Cette histoire d’avoir un pouvoir personnel parce qu’on est
19 membre de la famille du Président… »
20

21 Vous avez donc là deux groupes : Une personne… Un groupe qui était
22 tout à fait à l’extérieur, qui voulait forcer le changement en créant des
23 partis politiques, mais vous avez également d’autres personnes qui
24 étaient dans la périphérie de l’Akazu, disons, et qui disaient : « Nous,
25 nous devons en tout cas œuvrer ou faire des efforts, sinon nous allons
26 tous être perdus. »
27 M. LE JUGE MUTHOGA :
28 Q. Forcer le changement ?
29 Mme DES FORGES :
30 R. Oui. Tout à fait. Et, donc, c’était très, très difficile pour les gens qui
31 détenaient le pouvoir.
32

33 Et suite à cela, donc, il y a eu un certain sentiment d’insécurité parce


34 que certaines personnes voulaient maintenir le contrôle et il « y a »
35 commencé à avoir des critiques. Et c’est à ce moment-là que le pays a
36 été envahi.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 29


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2 Donc, il y a eu... on a assisté à deux formes de menaces sur le pays et


3 nous avons des preuves documentaires qui existent à cet effet. Vous
4 avez donc deux menaces qui risquaient de se mettre ensemble : La
5 menace venant de l’extérieur et la menace intérieure.
6 M. LE JUGE MUTHOGA :
7 On a une partie… une partie qui représente la première menace et une
8 autre partie qui représente la deuxième menace…
9 Mme KAGWI-NDUNGU :
10 Q. Vous avez parlé du groupe nucléaire (sic) ; quel est le degré d’estime
11 que leur vouaient les Rwanda… les Rwandais ordinaires ?
12 Mme DES FORGES :
13 R. Ceux ressortissant de Bushiru ou les Rwandais en général ?
14 M. LE JUGE MUTHOGA :
15 Q. Peut-être que vous pourrez répondre en deux parties : Au Rwanda en
16 général et dans cette localité en particulier.
17 R. Je pense que nous avons parlé un peu des changements de la perception
18 de la situation à l’avènement du multipartisme, qu’il y avait des attaques
19 très critiques lancées contre l’Akazu. Mais au sein de Bishirubi (sic) lui-
20 même, il y a... il faut maintenant se rallier autour de la maison : Lorsque
21 le péril « sont » en la demeure, donc, il faudra serrer les rangs et se
22 protéger les uns et les autres et protéger le pouvoir ; alors que dans
23 d’autres partis du pouvoir, les critiques fusaient.
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Q. Est-ce que le Bureau du Procureur vous a demandé d’analyser un
26 document relatif au réseau Akazu ?
27 R. J’ai vu un certain nombre de documents qui essaient de consigner sur
28 papier un organigramme de l’organisation. J’ai l’un de ces documents qui
29 m’a été soumis par le Procureur.
30 Mme KAGWI-NDUNGU :
31 Monsieur le Juge, je vais vous demander de vous reporter au document
32 4, au document qui apparaît « à la » page 4 à 9 du document dans le
33 classeur... 4 à 10 du document… du document qui vous a été soumis.
34

35 Q. Est-ce que vous avez un exemplaire de ce document devant vous, sous


36 les yeux ?

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 30


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1 R. Oui. Je l’ai.
2 Q. Je ne vais pas vous demander de vous référer à l’ensemble du
3 document…
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 Y a-t-il un document ou plusieurs documents ?
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Un seul document qui se trouve « à la » page 4 à 10.

9 Q. Je ne vais pas vous demander au... à ... toutes les relations qui existent
10 au sein du groupe. « De la » page 6 à 7…
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 Qui est l’auteur de ce document ?
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Je vais l’évoquer bien sûr.
15

16 Q. Connaissez-vous l’auteur de ce document ? Et rappelez-vous de garder le


17 secret des témoins.
18 R. C’est un document qui m’a été fourni par le Bureau du Procureur comme
19 faisant partie des informations fournies par le témoin EI… EED (sic).
20 Q. Je ne veux pas vous demander de vous reporter sur les autres pages.
21 Reportez-vous seulement à la première page et dites-nous quelle est
22 l’opinion que vous formez par rapport à cet organigramme de... à la
23 page 4, qui est l’organigramme du cercle restreint.
24 Me PHILPOT :
25 Je ne fais pas objection.
26 Est-ce que vous vous référez à la page 5 ?
27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 Page 4 pour le moment. Page 4, c’est le sommaire. Page 4 de… qui est
29 libellée : « Organigramme de l’Akazu, 73 à 94, la petite maison ».
30 Me PHILPOT :
31 J’ai le jeu de documents, mais je ne me retrouve pas. Non ! J’ai un
32 numéro sur la page 5… ce que je retrouve, c’est à la page 5.
33

34 Est-ce que je peux comparer mes notes avec quelqu’un ? Ça semble être
35 le même, mais ce que j’ai comporte la page 5.
36 M. LE JUGE MUTHOGA :

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 31


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 On vous donne une bonne copie.


2

3 (Le greffier d’audience s’exécute)


4

5 Me PHILPOT :
6 Très bien. J’y suis.
7

8 Je n’ai pas la page 5… Je n’ai pas la page 4. Non ! Je ne l’ai pas. Je ne


9 vois pas où ça se trouve. Ma pagination est différente. Je ne comprends
10 ce que c’est, mais la pagination n’est pas la même chez moi.
11

12 Peut-être que je peux échanger mon document avec celui de quelqu’un


13 d’autre ?

15 (Le greffier d’audience s’exécute)


16

17 Merci.
18

19 Je vous remercie, Monsieur le Président... Madame le Président.


20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Puis-je poursuivre ?
22

23 Q. Je vais vous demander de vous reporter à cette première page parce que
24 vous avez dit que les opinions sont divergentes en ce qui concerne la
25 composition de ce groupe ; quelle est votre opinion en examinant la
26 première page ? C’est-à-dire la page 4 dans le classeur.
27 R. Cette analyse nous a donné une définition plus élargie que la définition
28 que j’ai donnée. Il a inclus, de manière descriptive, certaines relations
29 personnelles. Vous pouvez le voir ici noter des relations intimes entre le
30 Président et une femme et la Première dame et un homme… un autre
31 homme.
32 Me PHILPOT :
33 Q. Est-ce que vous dites que cet organigramme a été préparé par « EDE
34 (sic) » ?
35 R. Oui. C’est mon impression.
36 Me PHILPOT :

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 32


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Je demanderais à ce que nous soyons informés des circonstances


2 exactes de l’élaboration de ce document.
3 Mme KAGWI-NDUNGU :
4 Madame et Messieurs les Juges, le témoin EDE (sic), c’est un témoin de
5 ce Tribunal et qui… qui a déclaré qu’il est membre de ce groupe. Et je
6 vais demander au docteur Des Forges de faire un commentaire en sa
7 qualité d’expert.
8 Mme LE PRÉSIDENT :
9 Poursuivez, Madame le Témoin.
10 R. L’information qui est nouvelle pour moi, lorsque je vois ce document,
11 c’est une femme identifiée comme étant la maîtresse du Président.
12 Plusieurs présidents ont des maîtresses, mais je ne connaissais pas cette
13 maîtresse du Président.
14

15 D’autre part, il y a une relation entre la Première dame et l’archevêque,


16 c’est une relation dont parlaient les Rwandais au début des années 90.
17 Mais cet archevêque a été membre du Comité central du MRND jusqu'à
18 ce que les autorités de l'Église catholique lui demandent de se retirer et
19 il s’est retiré. Mais il était publiquement et fréquemment identifié avec le
20 cercle intime du pouvoir et avait des relations intimes avec la femme du
21 Président.
22 Mme LE JUGE KHAN :
23 Q. Est-ce que « ADE » était membre de l'Akazu ?
24 R. Il s'était identifié comme étant membre de l'Akazu, Madame le Juge.
25

26 Je ne vois pas de changement significatif. La personne qui… Les


27 personnes qui sont incluses dans les cases, il a doublé certains noms
28 dans les cases ; dans certains blocs, il y a plus d'une personne, et je ne
29 vois pas pourquoi ces trois mois… ces trois noms doivent être mis
30 ensemble. Cela me surprend.
31

32 Mais je dirais que, en sus, le premier nom dans ce bloc — Kazihuakwa


33 (phon.) — est un cas extrêmement intéressant. Moi-même, je ne le
34 mettrais pas sur un organigramme comme celui-ci. Il était tutsi et il était
35 extrêmement prospère et influent, un homme d'affaires prospère et
36 influent, il contrôlait l'une des sociétés pétrolières au Rwanda.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 33


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Q. C’est la troisième case à la page 4…
3 R. Troisième case à partir de la gauche ?
4

5 Valence Kajelivakwa (phon.)…


6

7 Je ne sais pas pourquoi on a groupé ces trois noms. Je trouve cela


8 surprenant parce que je ne vois pas… je ne vois aucun lien entre les
9 trois.
10

11 Mais les autres personnes dont les noms figurent sur cet organigramme
12 incluaient Musabe, que j'ai mentionné ce matin ; Zabagaregeza (phon.),
13 qui a remplacé Monsieur Zigiranyirazo en tant que préfet de Ruhengeri ;
14 et Monsieur Hingilinvamuda (phon.), qui était chargé des travaux publics
15 et qui était un… qui occupait un poste très influent et qui disposait de
16 beaucoup de ressources à l'époque.
17

18 En gros, c'est une version élargie de l'organigramme que j'ai décrit moi-
19 même.
20 Mme LE JUGE KHAN :
21 Q. Docteur Des Forges, comment est-ce que le témoin ADE était lié à ce
22 couple ? Au couple présidentiel, s’entend.
23 R. Il y avait une*********************: Sa femme était membre
24 de******************************************.
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 Q. Vous avez également mentionné…
27

28 Mesdames et Monsieur les Juges, je voudrais marquer cette page à titre


29 d'identification, je voudrais qu'elle puisse faire un commentaire sur la
30 liste et marquer cette liste pour identification.
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Qu'est-ce cela veut dire ?
33 M. LE JUGE MUTHOGA :
34 « ICTR… »
35 Mme KAGWI-NDUNGU :
36 C’est courant dans notre pratique d’identifier ces documents. Puis, nous

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 34


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 pourrions verser la première page comme pièce à conviction à


2 décharge… à charge.
3 M. LE JUGE MUTHOGA :
4 Si vous avez proposé de verser l'ensemble du document comme pièce à
5 conviction à charge, alors point besoin de nous indiquer les pages. Mais
6 si vous voulez sélectionner quelques-unes seulement des pages, alors
7 vous sélectionnez ces pages-là.
8

9 Je me demande pourquoi vous voulez nous encombrer avec des petits


10 détails de pièce à conviction.
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 C'est la pièce à conviction de qui ?
13 Le Docteur Des Forges n'est pas… ne fait pas… n'a pas produit ce
14 document, elle ne fait pas partie du Bureau du Procureur.
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 C'est pour montrer de façon complète ce rapport. C'est pourquoi je lui
17 demande de reconnaître ce document, c'est pour cela que je demande à
18 ce que le document soit marqué à titre d'identification.
19

20 Mais si nous devons verser ce document et que la Défense n’y trouve


21 pas d'inconvénient, ce document pourrait être admis.
22

23 Attendons…
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Madame la Représentante du Greffe, quelle est la cote à affecter à ce
26 document, pièce à conviction à charge ? Et puis, vous donnez la cote,
27 puis…
28

29 Vous dites ?
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 « P. 42 — provisoire ».
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 « P. 42 — provisoire ».
34

35 Ce document ne sera pas reconnu à moins que vous ne produisiez le


36 témoin ADE. Si le (inaudible) n’est pas identifié, cette pièce à conviction

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 35


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 sera retranchée.
2 Mme KAGWI-NDUNGU :
3 Bien.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 S'il vient et qu'il se dissocie du document, le document sera rejeté.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Si la Défense n’y trouve pas d'inconvénient, nous allons verser « des »
8 documents aux débats.
9 Me PHILPOT :
10 Nous partageons la suggestion faite par la Chambre.
11

12 (Admission de la pièce à conviction P. 42 — provisoire)


13

14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Bien. J’avance.
16

17

18 Q. Vous avez fait allusion aux faits que l’Akazu est dénommée sous un
19 autre vocable, « le réseau Zéro ».
20 R. Je lui ai parlé deux ou trois fois…
21 Q. Savez-vous pourquoi il a choisi d'utiliser le terme « réseau Zéro » ?
22 R. « Z », pour « Zéro » et afin d’associer l’association à Zigiranyirazo.
23 Q. Je vais vous donner un exemplaire de ce document qui parle du réseau
24 Zéro ; est-ce que vous avez eu l'occasion d’étudier ce document dans le
25 cadre de votre travail ?
26 R. Oui.
27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 C'est le document… C'est dans le classeur.
29

30 Il s'agit de la pièce à conviction à charge versée au départ sous la cote P.


31 2.
32 M. LE JUGE MUTHOGA :
33 C'est une lettre ouverte ?
34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 C'est l'un des documents qui figure dans les pièces à conviction du
36 Procureur P. 2.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 36


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Me PHILPOT :
2 À quelle page ?
3 Mme KAGWI-NDUNGU :
4 « K0236… » Il s'agit de la cote K03562005.
5

6 Q. Est-ce que ce document reflète la situation telle que vous la connaissiez


7 au Rwanda ?
8 R. Voulez-vous me faire remettre un exemplaire de ce document ? Je n'ai
9 pas un exemplaire.
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Madame le Greffier d'audience, est-ce que vous voulez faire remettre au
12 témoin le document ?
13

14 (Le greffier d’audience s’exécute)


15

16 Me PHILPOT :
17 Je voudrais voir le document pour être sûr du document dont il s'agit. Je
18 veux juste voir le document brièvement.
19

20 (Le greffier d’audience s’exécute)


21

22 Est-ce que ce document ne se trouve pas dans le classeur des


23 déclarations du témoin ? Français, anglais et kinyarwanda.
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Je n'ai pas le dossier de la dernière session, mais le Procureur le dit.
26 Me PHILPOT :
27 S'il s'agit de la pièce à conviction P. 2 ; cela n’a pas encore été versé aux
28 débats ou j’admets que ne l’ai pas vue !
29 Mme KAGWI-NDUNGU :
30 Ce document a été versé aux débats.
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Tout ce document est versé aux débats sous la cote P. 40… Le rapport et
33 ce document sont versés sous la poste… sous la cote P. 40…
34 Me PHILPOT :
35 Il s’agit ici de tous les documents ou du rapport ?
36 Mme KAGWI-NDUNGU :

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 37


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Le rapport.
2 M. LE PRÉSIDENT :
3 Est-ce que ce document sera versé aux débats comme pièce à
4 conviction ?
5 Mme KAGWI-NDUNGU :
6 C'est déjà versé.
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Je voudrais juste faire un commentaire là-dessus : Maître Philpot vient de
9 nous dire que cela ne se trouvait pas dans les… ne se trouvait pas parmi
10 les documents versés aux débats comme pièces à conviction.
11 Me PHILPOT :
12 Tout ce que j’ai dit, c'est que lorsque le document… l'ensemble des
13 documents avait été donné à la Chambre, ces documents n'ont pas été
14 versés aux débats et expliqués. Nous n’y trouvons pas d'inconvénient ;
15 sauf que pour être admis, il faut que ce… les documents soient
16 pertinents à la déposition. Et c'est là où nous sommes ce matin.
17

18 Je pense que ce serait plus indiqué de déposer ces documents


19 individuellement afin que nous puissions suivre le débat et les
20 documents qui se rapportent aux discussions.
21 M. KAPAYA :
22 Il est dans le… Il est (inaudible) reconnu que ce document fait partie du
23 document versé aux débats le 3 octobre 2005. Et ce document a été
24 versé aux débats sous la cote P. 2.
25 Mme LE JUGE KHAN :
26 Donc, vous dites que tous les documents versés aux débats sous la cote
27 P. 2 doivent être considérés comme pièces à conviction en la présente
28 cause ?
29 M. KAPAYA :
30 Il y a une exception lorsque nous faisons allusion au document
31 individuel. Mais dans ce genre de cas, nous leur donnons… Dans les
32 autres cas, nous leur donnons des cotes individuelles, mais ces
33 documents sont versés aux débats comme faisant partie des documents
34 à charge.
35 Mme LE JUGE KHAN :
36 « P. 2 quelque chose… »

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 38


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 M. KAPAYA :
2 Là où nous mettons un accent particulier sur un document, alors nous
3 nous faisons un devoir de lui affecter une cote individuelle, comme nous
4 voulons le faire maintenant.
5

6 Le réseau Zéro faisait partie du lot P. 2, mais nous voulons lui faire faire
7 affecter une nouvelle cote : « P. 2 BA », par exemple.
8 Me PHILPOT :
9 Est-ce que ce ne sera pas plus indiqué… sera pas plus logique et
10 économique de lui affecter la cote P. 42 ou le numéro…
11 Mme LE JUGE KHAN :
12 Ce document sera P. 2 (1) — entre parenthèses.
13 M. KAPAYA :
14 « P. 2 (1) »
15

16 (Admission de la pièce à conviction P. 2 (1))


17

18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Q. À présent, quel est votre commentaire sur ce document, Madame le
20 Témoin ?
21 R. C'est un document élaboré…
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Madame le Procureur, pouvons-nous observer la pause maintenant ?
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Oui. Le moment est venu d’observer la pause.
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Combien de questions avez-vous à poser… ou combien de temps cela
28 vous prendra à la reprise, Madame le Procureur ?
29

30 Nous ne pouvons pas siéger cet après-midi, ce prétoire ne sera pas


31 disponible.
32

33 Est-ce que nous allons siéger demain ?


34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 Oui. Je ferai de mon mieux.
36 Mme LE PRÉSIDENT :

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 39


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Pour finir aujourd'hui ?


2 Si vous pouvez terminer aujourd’hui, nous apprécierons, afin que nous
3 puissions entamer le
4 contre-interrogatoire demain.
5

6 L'audience est suspendue jusque 11 h 30.


7

8 (Suspension de l’audience : 11 heures)


9

10 (Reprise de l'audience : 11 h 40)


11

12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Nous aurons une salle d'audience disponible cet après-midi. Nous allons
14 donc siéger de 15 heures
15 à 17 h 30.
16 Me PHILPOT :
17 Madame le Président, j'ai été informé de cela par votre assistante. Mais
18 étant donné l'état de santé de mon client, je voudrais demander que l'on
19 ne siège pas demain. Nous avons de la documentation dont nous devons
20 nous imprégner et je dois le rencontrer cet après-midi ou demain. Tout
21 dépendra de lui.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Maître Philpot, tout dépendra de votre contre-interrogatoire et du temps
24 que cela prendra. Nous aimerions terminer lundi, si nous siégeons toute
25 la journée lundi.
26 Me PHILPOT :
27 Oui. Cela serait possible.
28 M. LE JUGE MUTHOGA :
29 Je pense que l'on pourrait s'organiser pour pouvoir siéger lundi toute la
30 journée. Mais nous devons nous organiser pour cela et nous ferons de
31 notre mieux.
32 Me PHILPOT :
33 Je viens de parler avec Monsieur Rassi (phon.) et je lui ai fait part de nos
34 intentions et nous nous tenons à cela. Si nous pouvons siéger toute la
35 journée de lundi, alors, je pense que nous serions en mesure de terminer
36 lundi, sauf extraordinaire.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 40


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Personne ne souhaite cet extraordinaire !
3 Mme LE JUGE KHAN :
4 Qui procède ?
5

6 Quand pensez-vous partir, Maître Zaduk ?


7 Me ZADUK :
8 Je prévois de partir mercredi dans la soirée. Mais si nous siégeons toute
9 la journée de lundi, nous serions en mesure de terminer mardi matin…
10 sinon, même lundi. Nous allons faire de notre mieux.
11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 Mais demain, vous proposez que nous ne siégions pas.
13 Me PHILPOT :
14 C'est ce que je suggère, car mon client ne se sent pas bien, et, en outre,
15 il y a un échange qui s'avère nécessaire sur la base de la déposition ; il y
16 a des choses dont nous devons discuter. C'est la procédure normale.
17 Ainsi donc, je pense que nous pouvons siéger cet après-midi. Ce faisant,
18 nous pourrons couvrir tout ce que nous devons couvrir et nous
19 donnerons ainsi l'occasion à ma consœur de pouvoir terminer
20 aujourd'hui.
21 Mme LE PRÉSIDENT :
22 Cette proposition vous agrée-t-elle, Madame le Procureur ?
23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Madame le Président, Honorables Juges, je sais que je dois soumettre
25 des éléments de preuve probants et pertinents à la Chambre, je ne vais
26 pas aller au-delà de cela. Et, comme je l'ai fait remarqué, nous ne
27 prendrons plus beaucoup de temps, nous ferons de notre mieux.
28

29 Mais je voudrais dire également à la Défense que la Défense dispose de


30 tout son week-end pour consulter son client. Nous devons siéger demain.
31 Je demanderais à la Chambre de statuer sur cela.
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 Nous n'allons pas rendre notre décision « à » ce point aujourd'hui, tout
34 dépendra d’où nous en serons.
35

36 Nous devons régler le problème du CV. Vous voulez demander au témoin

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 41


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 expert des questions… lui poser des questions sur « son » CV, qui fait
2 partie de la pièce P. 2 si j’ai bien compris.
3 Mme KAGWI-NDUNGU :
4 Madame le Président, Honorables Juges, je suis désolée, mais je ne vous
5 ai pas bien comprise.
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Voulez-vous demander au témoin expert des questions sur la base de
8 « son » CV qui fait partie de la pièce P. 2 ?
9 Mme KAGWI-NDUNGU :
10 Oui. Je le ferai.
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 Avant de ce faire, ce CV qui fait partie du rapport d'enquête, je voudrais
13 savoir ce qui suit : Qui est l'auteur dudit CV ?
14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Madame le Président, je vais donner la parole à mon collègue qui voudra
16 bien répondre à votre question.
17 M. KAPAYA :
18 Madame le Président, Honorables Juges, le CV a été préparé par l'Accusé
19 en 1998. À cette
20 époque-là, il « collaborait » — entre guillemets — avec OTP… avec le
21 Bureau du Procureur. Et dans le cadre de nos échanges et d’échanges…
22 il est apparu clairement que nous pensions l'accuser.
23

24 Donc, il a décidé, de façon volontaire, de son propre chef, de préparer ce


25 document appelé « CV » et expliqué sa position quant aux événements
26 de 1994. À l'époque, il n'était pas suspecté, il était considéré comme
27 source d'information pour le Bureau du Procureur ; il collaborait avec le
28 Bureau du Procureur, avec nous.
29

30 Le 3 octobre, ce document faisait partie des pièces à conviction et il


31 avait été produit sous la
32 cote P. 2. Il n'y a eu aucune objection de la part de la Défense quant à la
33 recevabilité dudit document.
34

35 Mais quand, subséquemment, l'enquêteur est revenu sur la teneur, la


36 teneur du document du CV, c'est à ce moment-là que Maître Philpot s'est

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 42


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 insurgé et a dit que : « Non ! On ne peut pas parler du contenu de ce


2 document car il n'en est pas l'auteur et ne fait pas partie du canal de
3 transmission ».
4

5 En ce qui concerne la recevabilité, cette question n'a posé aucun


6 problème. Cette pièce a été versée en preuve sous la cote P. 2. Et Maître
7 Philpot est même allé plus loin, il a dit que le document était
8 authentique, il n'a pas dit que le témoin était obligé à l'écrire.
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Nous allons demander à l'Accusé si c'est bien son écriture.
11 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
12 « À l'Accusé », reprend le Président.
13 M. KAPAYA :
14 J'aimerais terminer.
15

16 Madame le Président, je fais donc valoir humblement que la question à


17 savoir si ce document est recevable ou non est nulle et non avenue car
18 ce document est déjà versé en preuve sous la
19 cote P. 2.
20

21 Quant à son authenticité, ce document est authentique ; Maître Philpot


22 l’a reconnu, il a été préparé par l’Accusé qui l'a rédigé de façon
23 volontaire.
24 Me PHILPOT :
25 C'est Maître Zaduk qui va revenir sur cette question.
26

27 Cependant, nous avons fait une objection quant à ce document. Et j'ai


28 dit, en ce qui concerne la personne qui l'a écrit : « Cela ne pose pas de
29 problème, c'est lui qui l'a écrit » ; mais pour ce qui est de l'authenticité,
30 cela ne veut pas dire que ce (inaudible) est volontaire et conforme au
31 Règlement.
32

33 Lorsque Monsieur John Beck (phon.) est arrivé à ce point-là, j'ai fait une
34 objection formelle. Et j'ai dit que : « Vous devez produire ce document
35 conformément au Règlement et nous verrons ».
36

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 43


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Mais je ne sais pas si c'est la signature de mon client ; mais pour tout le
2 reste, nous n'avons pas de problème. Et c'est mon client qui va revenir
3 sur la question.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 Y a-t-il une version anglaise de ce document quelque part ?
6 Mme LE JUGE KHAN :
7 Maître Zaduk, avez-vous un problème quant au contenu de ce
8 document ?
9 Me ZADUK :
10 Oui. Jusqu’à…
11 Mme LE JUGE KHAN :
12 Il a été préparé par votre client et je pense que c’est également son
13 écriture.
14 Me ZADUK :
15 Mais il y a eu une session et même des sessions avec des enquêteurs —
16 que je ne vais pas citer — du Bureau du Procureur. Au cours de ces
17 sessions, nous avons dit qu'il y a eu des déductions qui ont été faites.
18 Car, à un moment donné… — et cela contrairement à la déclaration de
19 Monsieur Kapaya, avec tout le respect que je lui dois — à un moment
20 donné où Monsieur Zigiranyirazo était suspecté… Monsieur Kapaya a dit
21 qu'à un moment donné, il pensait l'accuser, le condamner ; ce qui est
22 très parlant et qui montre quel a été le statut de Monsieur Zigiranyirazo
23 à cette époque-là, en 1998, en capacité de suspect.
24

25 En fait, le Procureur a répliqué à notre demande. Et il a dit que Monsieur


26 Zigiranyirazo avait été interrogé par les enquêteurs, a essayé de
27 convaincre le Procureur de ne pas engager de poursuites contre lui. Ce
28 qui est très parlant quant au statut de suspect de la personne.
29

30 En outre, il y a un grand nombre de déclarations qui ont été fournies par


31 le Bureau du Procureur, et cela, avant même cette date ; ce qui
32 impliquerait Monsieur Zigiranyirazo, qui le rendrait coupable des délits
33 AKQ… une liste succincte…
34 M. LE JUGE MUTHOGA :
35 Maître Zaduk, cette déclaration, je ne l'ai pas lue ; c'est pour cela que je
36 vous pose cette question : Cette déclaration est-elle un aveu de

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 44


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 culpabilité ?
2 Me ZADUK :
3 Non.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 Dans ce cas-là, pourquoi l'avoir rejetée ?
6 Me ZADUK :
7 Car il faudrait que l'on se conforme aux prérequis statutaires — il doit
8 avoir un Avocat, il doit renoncer à ce droit s'il le désire — et aucun de
9 ces garde-fous n'a été pris ; comme nous le faisons valoir dans notre
10 requête, selon la jurisprudence de ce Tribunal, nous voyons que le fait
11 d'ignorer ces garde-fous revient à une question qui remet en question
12 l'intégrité du processus.
13 M. LE JUGE MUTHOGA :
14 Même si toutes les autres déclarations disent ce qui suit : « Je suis
15 Protais Zigiranyirazo, je suis du Rwanda — et point », cette déclaration
16 ne serait pas recevable par-devant ce Tribunal, si lui ne l'a pas écrit, si
17 cela a été enregistré sur cassette, et si cela passait par toutes ces
18 étapes ; c'est ce que vous suggérez, Maître ?
19 Me ZADUK :
20 Je ne pense pas avoir dit cela.
21

22 Encore une fois, je suis réticent à revenir à la jurisprudence de mon pays


23 mais, dans le cas du Canada, il est clair que les mêmes règlements
24 s'appliquent aux déclarations explicatoires et disculpatoires qui sont
25 faites par l’Accusé, qu'il s'agisse d'aveux de culpabilité ou non.
26

27 Donc, pour la « physiologie » et selon le Règlement de ce Tribunal, l’on


28 parle de déclarations, pas seulement d'aveux, je pense qu'il y a d'autres
29 références dans le Règlement lorsqu'il y a aveu de culpabilité de la part
30 d'un Accusé. Et l'on se réfère à une déclaration qui émanerait d’une
31 personne suspecte…
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 C'est ce que l'on appelle ici « le CV de l’Accusé » ; pensez-vous que c’est
34 là l’appellation exacte pour ce document ? S'agit-il d'un CV de l’Accusé
35 ou est-ce une déclaration de l'Accusé quant à ces allées et venues et à
36 ces actes au cours du génocide ?

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 45


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 M. KAPAYA :
2 Le terme « CV » a été indiqué par l'Accusé. Ce n'est pas nous qui l'avons
3 fait, c'est lui qui l'a décidé de son propre chef de s’exprimer, de dire qui
4 il était, où il est né, dans quelles circonstances…
5 Mme LE JUGE KHAN :
6 Est-ce là un aveu ?
7

8 Ce document est en français, nous ne savons pas de quoi il s'agit.


9 M. KAPAYA :
10 Cela fait partie de la pièce à conviction P. 2, c'est le dernier document du
11 jeu de documents des pièces à conviction.
12 Ce n'est pas un aveu, ce n'est pas non plus une admission. En fait, la
13 toute dernière phrase de ce curriculum vitæ dit…
14

15 (Conciliabule entre les Juges)

17 Mme LE JUGE KHAN :


18 Monsieur Kapaya, comment vous êtes-vous procuré ce document ?
19 M. KAPAYA :
20 Quand l'Accusé a été arrêté, il était en possession de ce document. C'est
21 l'un des documents que nous avons saisi. Et je pense qu'il a également
22 donné une copie de ce document à l'un de nos enquêteurs qui
23 s'entretenait avec lui au fil des ans.
24 Mme LE JUGE KHAN :
25 Ce document est son bien personnel ?
26 M. KAPAYA :
27 Non.
28 Mme LE JUGE KHAN :
29 Cela n'est pas à votre intention qu'il l’avait élaboré ?
30 M. KAPAYA :
31 En fait, c'est un document public, c'est un CV, c’est un document intitulé
32 « CV » qui a été préparé pour le monde tout entier…
33

34 (Pages 20 à 41 prises et transcrites par Françoise Quentin, s. o.)


35

36

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 46


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

10

11

12

13

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 47


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 Ce que nous vous demandons, qui est très important, c’est ce qui suit :
3 Ce document a-t-il été préparé suite à la demande du Bureau du
4 Procureur ?
5 M. KAPAYA :
6 Non.
7 M. LE JUGE MUTHOGA :
8 Vous avez trouvé ce document en sa possession et il vous a dit : « C’est
9 ce que j’ai écrit ».
10 M. KAPAYA :
11 L’historique de ce document est très long. Je ne sais pas ce que je
12 pourrais dire, mais en tout cas, à un moment donné… l’Accusé a, à un
13 moment donné, collaboré... collaboré avec le Bureau du Procureur. Il
14 était l’un des nôtres. Il n’était même pas suspecté à l’époque. Il était
15 source d’information pour nous. Il a donc préparé ce CV.
16 Mme LE JUGE KHAN :
17 Quand était-ce ?
18 M. KAPAYA :
19 1996, 97, 98. Cela a duré quelque temps, Madame le Président,
20 Honorables Juges. Donc, à ce moment-là, dans le « cas » de cette
21 collaboration, il a décidé d’écrire ce CV de son propre chef. À la fin du
22 CV, il dit : « Si quelqu’un contestait ce que je dis, alors demandez-lui de
23 le prouver ».
24

25 En fait, il expliquait sa position. Il n’était pas suspect à l’époque. Il n’était


26 pas suspect, donc, le Bureau du Procureur n’avait pas l’intention de
27 l’accuser d’un quelconque chef. Dans ma requête… Dans la réponse à la
28 requête de la Défense, il dit qu’il espérait, en écrivant ce CV... alors, il
29 pourrait convaincre et amener le Procureur à ne pas l’accuser.
30

31 Nous ne l’avons pas accusé jusqu’en 2001, c’est-à-dire plus de trois


32 années après. Au moment où il a écrit ce document, c’était un CV
33 comme il l’appelle, ça n’était pas une déclaration en tant que telle. Ce
34 document devait être lu par toute personne et toute personne qui
35 reviendrait… contesterait le contenu de ce document devait le prouver.
36 Mme LE JUGE KHAN :

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 42


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Vous avez eu possession de ce document au moment de l’arrestation de


2 Monsieur Zigiranyirazo. Et au moment où il a été arrêté, vous avez saisi
3 ce document.
4 M. KAPAYA :
5 Donc, nous avons fait l’inventaire des documents qui étaient en sa
6 possession et je crois que c’est là un des documents que nous avons
7 saisis, mais c’est dans le cadre de notre coopération. Il a préparé ce CV
8 et il a remis ce document à l’enquêteur à Nairobi. Nous lui avons proposé
9 d’aller à Nairobi, de revenir à Kigali. C’était au cours d’un de ses
10 voyages.
11

12 Mme LE JUGE KHAN :


13 C’était avant 1998 ?
14 M. KAPAYA :
15 Non, en 1998. Au cours de l’un de ses voyages, il a remis ce document à
16 l’un des enquêteurs. Et c’est là un document sur le génocide rwandais,
17 rien à retirer, rien à ajouter. Toute personne qui le contesterait devrait
18 apporter la preuve. C’est dans ces conditions qu’il nous a donné ce
19 document.
20 Me PHILPOT :
21 Tout d’abord, je fais remarquer que Monsieur Kapaya est en train de
22 déposer. Et moi, je voudrais contre-interroger le témoin. Je voudrais
23 revenir sur les différents points. J’ai écrit au Procureur, il y a de cela
24 plusieurs années, pour essayer de comprendre, pour avoir la date exacte
25 plutôt, car mon client… je ne vais pas déposer quant à la relation, mais
26 je dirais que j’ai écrit à mon confrère le
27 19 janvier. Je lui ai demandé les dates, les circonstances entourant la soi-
28 disant déclaration.
29

30 En outre, l’une des copies que nous avons a la mention « OTP » sous le
31 numéro… etc. Ce document n’a pas été saisi sur mon client au moment
32 de son arrestation. Non, pas du tout. Ce document émane du Bureau du
33 Procureur. Et il s’agit d’une déclaration qui entoure ou qui explicite cette
34 période.
35

36 C’est la première fois que j’entends qu’en 1996-97, il collaborait avec le

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 43


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Bureau du Procureur. Jamais, je n’avais entendu cela. Ce qu’on nous a


2 dit, c’est qu’en 1998, cette déclaration a été remise au Bureau du
3 Procureur. Le Procureur dit qu’il n’était pas suspecté.
4

5 Mon confrère, Maître Zaduk a rencontré une série de témoins. Je les ai…
6 J’ai lu cette liste ce matin car nous n’avons reçu ce document qu’hier. Je
7 vous en remercie de cette mouture. Il n’était pas suspect. Donc, je vais
8 repasser toutes mes anciennes déclarations de mon ordinateur.
9

10 Nous avons « AKQ » décédé, 12 juin 1995 ; « KY », déclaration en 1997 ;


11 « SFH », déclaration et une longue vidéo où il implique mon client en
12 1998, au mois de février ; « SGM » qui se réfère à mon client le 5 mars
13 1996 ; « SGU », 22 août 1996 ; « SGV », 1er janvier 1998 ; « SGI », 8 juin
14 1998.
15

16 Et donc, si mon confrère déclare, ici et maintenant, aujourd’hui, qu’en


17 1988, Monsieur Zigiranyirazo n’était pas suspect, j’aimerais savoir à
18 partir de quelle date il l’est devenu, car nous avons reçu un certain
19 nombre de déclarations à partir de 2000, une ou deux à partir de 1999.
20

21 Et si, à l’époque, à l’époque de son arrestation, il n’a pas été suspecté au


22 moment de son appréhension à Bruxelles, alors cela s’est fait de façon
23 arbitraire et cela devrait être justifié. Cela nous mène à une situation qui
24 nous permet de demander sa relève... sa relaxe.
25

26 Si mon confrère s’en tient à cela, s’il nous dit qu’il n’était pas suspecté
27 en 1998, alors il doit nous dire à partir de quelle date il l’est devenu, le
28 prouver sur la base de témoins ; et nous allons revenir sur toute la
29 question car nous avons toujours dit que Monsieur Zigiranyirazo a été
30 arrêté à Bruxelles avec violation de son passeport. Toute l’affaire a été
31 instituée après son arrestation. Il y a eu des personnes qui sont allées
32 sur le terrain en juin-juillet, mai 2001 pour des déclarations pro justitia ;
33 et les événements de Kesho, comme la Chambre l’a entendu, ont été
34 rajoutés par la suite.
35

36 Donc, je fais digression un tant soit peu, mais mon client, je pense, a été

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 44


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 quelque peu suspecté au moment de sa déclaration. Et il y a beaucoup


2 de déclarations qui disent qu’il y a des éléments de preuve qui
3 l’impliquent, que cela soit crédible ou non. Mon client avait des relations
4 avec le Procureur. S’il y a des témoins qui peuvent le prouver, non pas
5 mon confrère, alors je vais les contre-interroger sur la base d’un voire-
6 dire. Et mon client, si la Chambre retient le voire-dire, relativement aux
7 déclarations, mon client pourrait déposer sur le voire-dire.
8

9 Cependant, prima facie, de prime abord, il s’agit d’une déclaration par un


10 suspect. Et par conséquent, il n’y a élément de preuve quelconque qui
11 lui offrirait d’avoir un avocat, de l’enregistrer sur cassette. Et l’on n’a
12 jamais informé quant à son droit de renonciation (sic). Et de prime abord,
13 prima facie, cette déclaration qui est élément de preuve n’est pas
14 recevable. Et pour ce qui est des nuances en matière de juridiction, si
15 vous voulez traiter de la question, mon confrère qui est spécialisé en la
16 question va donc continuer avec des affaires idoines telles que
17 (inaudible) et d’autres si cela s’avérait nécessaire.
18 Mme LE PRÉSIDENT :
19 Une question que je voulais poser au Procureur.
20

21 Vous serait-il utile d’avoir un document et un voire-dire au lieu d’avoir


22 tous les documents expurgés du procès-verbal ?
23 M. KAPAYA :
24 Ce document fait déjà partie d’un document versé au dossier.
25 Deuxièmement, il s’agit d’un curriculum vitae. Ce n’est pas une
26 déclaration en tant que telle.
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Monsieur Kapaya, ce n’est pas ce que nous comprenons. Ce n’est pas
29 pour nous un résumé en tant que tel.
30 Me PHILPOT :
31 Puis-je vous montrer un extrait du procès-verbal où j’ai fait objection,
32 Madame le Président ? J’ai préparé une copie de cela pour vous.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Nous ne l’avons pas, mais je ne pense pas que cela soit nécessaire à ce
35 stade.
36

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 45


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 M. KAPAYA :
2 Honorable Président, Monsieur Philpot n’a pas déposé un dossier.
3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Nous n’allons pas entendre le voire-dire maintenant. Ma question est la
5 suivante : Est-ce que vous voulez poursuivre avec les questions sur ce
6 document et le voire-dire et risquer que cela soit recevable ou pas ; ou
7 est-ce que vous préféreriez retirer ce document ?
8 M. KAPAYA :
9 Madame le Président, la question est beaucoup plus profonde que cela.
10 Si vous examinez la façon donc l’expert a utilisé ce document, elle l’a
11 utilisé non seulement comme source de document en tant que tel...
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Nous parlons là d’un document qui n’est même pas nécessaire. Peut-être
14 que nous pourrions avoir ces éléments de preuve sans avoir à se référer
15 au CV.
16 M. KAPAYA :
17 Très bien, Madame le Président. Si vous le voulez, nous pouvons le
18 retirer.
19 Mme LE PRÉSIDENT :
20 Cela nous aiderait grandement, vous êtes d’accord, Madame Ndungu ?
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Je voudrais demander... poser des questions au témoin sur l’utilisation de
23 son CV pour voir si cela est nécessaire.
24 Q. Docteur Des Forges, j’ai constaté que, dans votre rapport, vous avez mis
25 en note en bas de page le CV de Protais Zigiranyirazo. Il s’agit de la note
26 en bas de pages 52 à 56. Voulez-vous expliquer à la Chambre si vous
27 aviez eu une source secondaire de ces informations que vous venez de
28 mettre en haut de page... en note en bas de pages — pardon, de la page
29 32 à 35 ?
30 Mme DES FORGES :
31 R. Honorables Juges, j’ai... pour pouvoir bien comprendre les événements,
32 les historiens sont souvent confrontés au problème de ne pas pouvoir
33 s’adresser à une personne, qu’elle soit d’un côté ou de l’autre. À mon
34 avis, le fait d’avoir eu accès à ces documents était la seule possibilité
35 qu’il m’était offert de chercher à comprendre ce que Monsieur
36 Zigiranyirazo avait à dire à propos de son interprétation des

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 46


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 événements. Je ne pouvais pas remplacer cette source d’information par


2 quoi que ce soit d’autre.
3

4 J’ai utilisé cette source pour voir comment est-ce qu’il a décrit ses
5 conflits avec d’autres personnes au sein de l’Akazu, et à qui il attribuait
6 ses difficultés au niveau politique, qui auraient abouti à sa disgrâce au
7 niveau politique. C’était là la seule occasion qui m’était offerte pour
8 comprendre son interprétation du jugement et pourquoi est-ce que ces
9 circonstances avaient abouti à la situation qu’il avait connue.
10

11 Je comprends votre point de vue, cela limite un peu ma possibilité


12 d’écrire les événements de manière globale. Mais en ce qui concerne la
13 description des événements, non, lui il ne dit pas
14 grand-chose là dedans. En dehors de tout ce que nous connaissons déjà.
15 Tout ce que cela nous permet d’avoir, c’est d’avoir son point de vue sur
16 les événements, et cela est essentiel, et c’est ce qui m’a permis de tirer
17 des conclusions sur l’ensemble de la situation.
18 Q. Lorsque vous regardez votre rapport, vous avez parlé du statut de
19 Zigiranyirazo. Pouvez-vous nous dire si vous avez eu d’autres sources
20 d’information concernant ce statut ?
21 R. Oui, y a eu d’autres sources, par exemple, si vous prenez le document
22 que nous... sous lequel nous devions analyser juste avant la pause, le
23 document relatif au réseau zéro, je peux vous dire que je n’avais pas en
24 ma possession l’analyse de Zigiranyirazo sur l’auteur de ce document.
25 J’aurais eu connaissance des critiques de l’auteur sur Zigiranyirazo, mais
26 pas l’inverse. C’est-à-dire que j’aurais pu avoir les détails concernant une
27 personne et moi, me référer à ce document, me donnait l’opportunité
28 d’avoir le point de vue de l’autre personne.
29 Q. Est-ce que cet accès à ces informations « ont » pu changer votre point
30 de vue dans la confection de votre rapport ?
31 R. Je pourrais vous dire que cela m’a donné l’occasion de pouvoir
32 reconsidérer les informations qui m’étaient fournies et également les
33 éléments de preuve pour pouvoir tirer mes conclusions parce que si vous
34 n’avez qu’une seule version des faits, c’est très facile de pouvoir tirer
35 des… de faire des déductions, mais si vous avez une autre version des
36 faits, peut-être que vous pouvez dire, non il y a eu certains conflits ici, là,

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 47


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 et il y a peut-être d’autres questions sous-jacentes. Et vous dites : Bon,


2 voilà, cela me permettra de revoir... de reconsidérer la situation de
3 manière plus approfondie. Et c’est pour cela que j’ai pu avoir recours à
4 ce document parce que là, j’avais son opinion, sinon je n’aurais pas pu
5 tirer ces conclusions sans avoir reconsidéré ou réexaminé ces données.
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Est-ce que vos conclusions ont changé après cette deuxième analyse ?
8 R. Je pourrais vous indiquer, Madame le Président, que cela m’a donné...
9 m’a apporté une nouvelle dimension. Cela m’a permis de mieux
10 comprendre cette dynamique intérieure à laquelle je me suis référée ce
11 matin, sinon je n’aurais pas pu m’en sortir.
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 Q. Lorsque vous avez regardé son dossier en sa qualité d’autorité nationale
14 et locale, est-ce que ces sources ou ce dossier vous ont servi, vous ont
15 aidée ?
16 R. Cela n’est pas la question. De mon point de vue, ce dossier m’a
17 également donné la possibilité d’entendre son point de vue, son
18 interprétation de la situation à laquelle le pays a abouti. Je voudrais vous
19 indiquer également que, de manière générale, je me sens très mal à
20 l’aise de tirer des conclusions si je n’ai pas eu l’occasion, d’une manière
21 ou d’une autre, d’avoir accès à des informations ou à des opinions ou
22 d’autres personnes. Et pour moi, cela constitue un (inaudible) unique.
23 Q. Est-ce que vos conclusions ont changé par rapport à son statut ou à son
24 dossier, en sa qualité d’autorité nationale et locale ?
25 R. Je ne pourrais pas dire que cela a changé fondamentalement, mais cela a
26 permis de nuancer mes conclusions lorsque j’ai pris en considération son
27 point de vue de la situation.
28 Q. S’agissant de sa chute en grâce ou de sa disgrâce, avez-vous pu obtenir
29 des renseignements d’autres membres de l’Akazu ; avez-vous pu avoir
30 d’autres sources qui vous ont permis de considérer qu’il pourrait
31 remonter en considération ou en crédit ?
32 R. Ce matin, je vous ai indiqué qu’il y avait deux interprétations possibles
33 de ce qui s’est passé entre 1990 et 93, voire 94. L’une de ces choses,
34 c’était que son pouvoir s’était poursuivi sans interruption en dépit de son
35 voyage au Canada ; et la deuxième, c’est que quand il est revenu, il était
36 un peu désavantagé. Il a fallu qu’il travaille, qu’il fasse des efforts pour

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 48


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 pouvoir retrouver son influence. Et donc, il a dû se battre pour gravir


2 l’échelle du pouvoir encore pour pouvoir se remettre au sommet. Et c’est
3 ce qui permit...

5 (Maître Zaduk interrompt le témoin)


6

7 Veuillez ne pas m’interrompre, s’il vous plaît, Maître Zaduk.


8

9 Donc, c’est une de mes possibilités de chasser une interprétation par


10 rapport à l’autre.
11 Me ZADUK :
12 Je pense que la meilleure procédure, c’est de dire au témoin que
13 lorsqu’elle voit un Conseil se lever, qu'elle puisse prendre en
14 considération cette objection parce que l'objection que je formule est
15 relative au point essentiel, c’est-à-dire ce qu'elle vient de dire ; nous
16 faisons objection à cela.
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 Il faudrait que vous posiez des questions peut-être.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 Oui, je devais d’abord poser des questions au témoin sur son CV, et il a
21 fallu d'abord que le témoin finisse sa réponse avant que Maître ne fasse
22 son objection.
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 Je crois qu’il est temps de prendre une décision sur ce point. Est-ce que
25 vous retirez ce document, le CV dont il est question ou pas ?
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 Non, Honorables Juges, nous ne retirons pas le CV.

29 (Conciliabule entre les Juges)


30

31

32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 Nous acceptons, nous admettons le document de manière provisoire.
34 Nous avons accepté donc la teneur du document.
35 Mme KAGWI-NDUNGU :
36 Q. Revenons au document où il est question du réseau zéro. Pouvez-vous

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 49


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 nous donner le sens de ce document au moment où il a été publié ?


2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 Veuillez poursuivre, Madame le Procureur.
4 Mme KAGWI-NDUNGU :
5 Q. Pouvez-vous nous dire le sens que revêtait ce document au moment où il
6 a été publié ? Nous parlons du sens de ce document au moment où il a
7 été publié ?
8 M. LE JUGE MUTHOGA :
9 De quel document s'agit-il ?
10 Mme KAGWI-NDUNGU :
11 Il s'agit du document « réseau zéro ». Excusez-moi, je me reportais au
12 nouveau document.
13 M. LE JUGE MUTHOGA :
14 Il me semble que c'est une lettre, je vais d’abord en demander les
15 précisions.
16 Mme KAGWI-NDUNGU :
17 Q. Voulez-vous répondre aux questions des Juges, Madame le Témoin ?
18 R. Honorables Juges, c’est un document qui est une lettre adressée au
19 président… au président du… en sa qualité du président du MRND et qui
20 était en même temps Président de la République ; nous le savons et cela
21 a été publié sous forme de pamphlet.
22 M. LE JUGE MUTHOGA :
23 Q. S'agissait-il d'une lettre ouverte ?
24 R. Oui, tout à fait. C’est une lettre que la presse a dû récupérer.
25 Q. Elle est en date de juillet 92 ?
26 R. Non, la date se trouve à la fin du document. Il s'agit de la date à laquelle
27 il a commencé à l'écrire c’est-à-dire le 5 juillet tel que nous le voyons
28 dans la lettre d’introduction, et il a été terminé ou…
29 le 15 août.
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 Quelle était la question que vous avez posée ?
32 Mme KAGWI-NDUNGU :
33 C'était le sens que recouvrait de document au moment où il a été publié.
34 R. Le document a fait sensation lorsqu'il a été publié parce que son auteur
35 avait été une personnalité importante au sein des partisans
36 d’Habyarimana. Je vous ai parlé ce matin du… des événements ou du

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 50


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 développement politique vers la fin des années 80.


2

3 Tout comme le Juge Muthoga le disait, au moment où le vent du


4 changement soufflait et suite aux pressions de l'intérieur du Rwanda et
5 des pressions de la communauté internationale, le Président
6 Habyarimana a autorisé l'instauration d'autres partis politiques au début
7 de 1991. Pour la première fois après 16 ou 17 ans, les personnes où les
8 gens ont eu l'occasion de faire des choix politiques.
9

10 Ce jeune homme, l'auteur de ce document, avait été identifié par le


11 cercle étroit autour d’Habyarimana et a été invité à se joindre au parti de
12 Habyarimana. Et lorsque les nouveaux partis ont vu le jour au mois de
13 juillet 91, le MRND s'est reconstitué, s'est redonné une nouvelle face et
14 ça devrait être une renaissance, un renouveau, un changement.
15

16 Et des nouvelles choses devraient apparaître pour pouvoir faire face aux
17 défis que poussait la présence d'autres partis politiques. Et c'est dans ce
18 contexte que l'auteur de ce document a de nouveau adhéré au parti. Et
19 une année plus tard, il écrit : « Voilà, j’en ai assez, je suis déçu, mes
20 espoirs sont déçus, vous n'avez pas réalisé ce que vous avez promis. Et
21 comme conséquences, je m'en vais, je quitte le parti ».
22

23 C'est une lettre de démission du MRND par une personne, par un


24 membre hautement influent au sein du MRND. Cette lettre avait été
25 adressée à Habyarimana ; et il disait que les choses n’ont pas changé,
26 les mêmes personnes continuent de tirer les ficelles. Et ceci est indiqué à
27 la page 4 du document. Il s'est référé à la mafia… à la mafia et à
28 d'autres réseaux secrets ou d'autres sociétés secrètes. Et c'est pour cela
29 qu'il a dit que ces associations ou ces institutions qui… continuent de
30 mener le pouvoir au Rwanda.
31

32 Si vous voyez, au milieu du paragraphe, il parle du réseau zéro. Et dans


33 ce paragraphe, il a donné une phrase qui est importante et… vous en
34 donnez lecture… Il s'est référé aux anciens gouroux de l’ancien bloc du
35 MRND. Ce dernier a, pendant plusieurs années, mis en place ce que moi
36 j'appellerais le réseau zéro, un noyau dur des personnes qui ont

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 51


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 méthodiquement mis en place le pouvoir au niveau politique, scientifique


2 et économique.
3

4 Et ceci montre que le pays est dirigé comme une société d'où il voudrait
5 tirer le maximum de profit, et ceci justifie toutes sortes de politiques
6 élaborées par la suite.
7

8 En réponse à la question du Président au début de cette audience :


9 Qu’est-ce qui a… qu’est-ce qui fait que l'Akazu était différent ? Ce que je
10 peux vous dire, c’est que ce qui fait que l'Akazu est différent, c’est ce
11 que les Rwandais eux-mêmes en pensaient. Ils ont eu le sentiment
12 d’échec en ce qui concerne la situation politique du pays. Et il a fallu qu'il
13 prône le changement, voilà un exemple de ce que je voulais vous
14 expliquer, Madame le Président, en réponse à votre question sur ce
15 point.
16 Q. Au moment où ce document a été publié, quelle était la position
17 administrative qu’assumait Zigiranyirazo ?
18 R. À ce moment-là, il n'avait pas de poste au niveau de l'administration.
19 Q. En regardant au paragraphe 5, pouvez-vous commencer à donner
20 lecture de cette phrase… de la première phrase ?
21 R. « Toute décision prise par les organes du parti était directement ou
22 indirectement transmise par le réseau zéro ».
23

24 Je voudrais attirer votre attention sur le dernier paragraphe de la page 4,


25 en particulier la phrase qui est indiquée en conclusion parce que cela
26 peut répondre à la question que la Chambre a posée. C'est le réseau
27 zéro qui a mis un terme aux divisions ethniques et régionales, et ceci
28 pour pouvoir servir de couverture à ses intérêts régionaux et personnels.
29

30 Je voudrais également référer la Chambre à la page 10 de ce document,


31 le paragraphe 200… 2.4. Ce paragraphe fait référence à un massacre de
32 Tutsis dans la commune de Kibilira au mois d’octobre en 1990. Il est
33 important de noter que l'auteur du document est lui-même originaire de
34 cette région. Il a très bien connu cet incident et ce qu'il dit dans ce
35 paragraphe, c'est que des personnes ont été massacrées dans cette
36 région, et que « les gens qui sont autour de vous vous ont caché la vérité

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 52


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 et vous n’avez rien fait pour changer les choses. Ils vous ont indiqué que
2 ces personnes avaient commis le suicide, qu’il s'agissait d'un suicide
3 collectif. Et à la fin, entre 300 et 400 personnes sont mortes. Vous, vous
4 avez appris cela, et vous n'avez rien fait pour changer la situation ».
5

6 Et donc, lui, l'auteur en sa qualité d’observateur originaire de la région et


7 en sa qualité de personne observatrice, tire les conclusions. Il dit :
8 « Entre les efforts fournis pour pouvoir se cramponner au pouvoir et
9 l'agenda caché qu'ils avaient pour pouvoir mener à bien leur dessein, ils
10 ont commis des massacres qui n’ont pas été dénoncés ».
11

12 Et c'est pour cela que je voudrais revenir à la question du Juge Khan,


13 d’énoncer cela. Je voudrais vous montrer comment est-ce que ces
14 personnes pensaient des pauvres… ce qu’ils pensaient des pauvres. Au
15 paragraphe… À un paragraphe de cette page, il était question que la
16 voix des pauvres n'était pas entendue et que ces personnes étaient
17 totalement rayées de la base, que ces personnes étaient… s'étaient
18 distancées des communautés locales.
19

20 Et au deuxième paragraphe, l'intérêt des personnes n'étaient pas pris en


21 compte, au contraire, ils s'efforçaient de se maintenir au pourvoir pour
22 pouvoir maintenir l’influence du réseau zéro. Ici, nous avons des
23 critiques formulées par une personne qui vient de l’intérieur et qui dit :
24 « Maintenant, vous, je n'ai plus espoir, je veux quitter le parti ».
25 Et pour pouvoir terminer ma déposition, je voudrais votre attention à la
26 page 7, juste au-dessus… juste avant le paragraphe 2.3, il est fait
27 référence à la question des prisonniers qui mouraient en prison. La
28 phrase qui est donnée est celle-ci : « Aujourd'hui, les personnes ne
29 meurent plus en prison de cause naturelle » ; compte tenu du fait que
30 l’impunité était maintenant à l'ordre du jour, donc ces massacres se
31 multipliaient.
32

33 Donc, nous pensons ici que l'auteur qui fait partie de cette origine se
34 trouve à cheval entre Gisenyi et Gitarama, il s’agit d'une zone frontière
35 entre Gitarama qui est la zone contrôlée du MRND et la zone sous
36 contrôle du MDR. Et cet homme qui a été un moment au MRND et

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 53


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 aujourd'hui change d'alliance, se penche vers un autre parti, fait


2 référence à ces personnes qui ont été tuées sans que les auteurs
3 puissent être traduits en justice.
4

5 Je voudrais donc vous indiquer également qu’il s’agit là de la même


6 région. Je ne sais pas si c'est un point sur lequel vous allez vous pencher,
7 mais qu’il s’agit de la même région où un discours a été prononcé par
8 Léon Mugesera. Enfin, je ne sais pas si nous pouvons…
9 Me PHILPOT :
10 Nous faisons objection à cela.
11 R. C'est un fait historique que l'auteur de ce document…
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 Madame le Président, le discours de Léon Mugesera nous permet d'avoir
14 le contexte dont parle le témoin. En sa qualité d'historienne, si nous
15 donnons une opinion d’expert, cette opinion doit être fournie dans un
16 certain contexte. Donc, il n’y aurait pas eu de contexte si nous ne
17 mentionnions pas cette relation. Et c'est dans ce cadre-là seulement
18 qu'on mentionne ce discours de Léon Mugesera. Mais nous ne disons pas
19 que Léon… que l'Accusé était présent lorsque ce discours a été
20 prononcé.
21 Me PHILPOT :
22 Très bien. Donc, je retire mon objection.
23 R. Comme je le disais, l'auteur de ce document est un demi-frère de
24 Mugesera. Donc, il sait très bien de quoi il parle. Et le discours de
25 Mugesera, si vous voulez bien le lire, vous constaterez qu'il y a un lien
26 très étroit qui existe entre les groupes ethniques et les hostilités qui ont
27 été manifestées vis-à-vis des Tutsis. Pourquoi ? Parce que le MRND
28 représentait cette masse du pays qui pouvait aller de paire avec
29 d’autres… avec le FPR pour pouvoir isoler le MRND (sic).
30

31 Cela veut dire qu’il ne fallait pas que le pays… que cette région ne
32 devrait pas se laisser envahir ; et c’est une phrase clé. Envahie par qui ?
33 Envahie par les Tutsis, le FPR qui devrait envahir le pays, envahir
34 politiquement et économique. Et ici : « Il ne fallait pas que ces personnes
35 viennent vous envahir, ces personnes qui viennent du MRND, qui
36 viennent de la frontière et ils vont venir détruire les drapeaux de vos

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 54


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 partis, ils vont vous refuser l’accès à leur propre territoire parce qu'il
2 s'agit là d'un domaine sous contrôle du MDR ».
3

4 Et donc, vous pouvez comprendre le lien qui existait entre cette défense
5 ou les rivalités politiques qui existaient à l'époque et l'évolution de la
6 situation. Et cela nous permet de comprendre l'évolution des
7 événements qui a conduit vers le génocide. Cela avait commencé
8 comme une petite menace. C’étaient donc des rivalités qui existaient
9 entre Hutus du sud et du centre du pays.
10 Mme KAGWI-NDUNGU
11 Q. Je sais que vous avez mentionné le MRND, pouvez-vous indiquer à la
12 Chambre à quel parti l'Akazu… quel parti l’Akazu supportait ? Juste pour
13 les besoins du procès-verbal.
14 R. L'Akazu était pour le MRND et ceci totalement.
15 Q. À la page 5 : « Toute décision donnée par le parti allait directement ou
16 indirectement au réseau zéro ». Pouvez-vous nous dire si les membres
17 de l’Akazu avaient besoin d'adopter ou d'occuper une position officielle
18 au sein du MRND ?
19 R. L'implication ici, c'est que le MRND… que le MRND...
20 L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
21 L'interprète n'a pas bien compris. L’interprète n’a pas bien suivi
22 l’interprétation (sic) du témoin.
23 R. Il s’agit d'un terme qui a été utilisé par plusieurs personnes (inaudible)
24 beaucoup de personnes ont évoqué ce phénomène.
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 Q. En regardant les documents qui sont dans le dossier, un document qui
27 apparaît vers la fin du document K0358… Avez-vous ce document sous
28 les yeux, Madame le Témoin ?
29

30 Est-ce que le Greffier d'audience peut faire tenir une copie au témoin ?
31 R. Dans ce document-ci, un document blanc ?
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 Ce serait plus facile que vous lui remettiez une copie du document
34 auquel vous faites référence.
35 M. LE JUGE MUTHOGA :
36 Quel est le chiffre, s’il vous plaît… la cote ?

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 55


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 « K0342785 ».
3 R. Oui, je l'ai, je viens de le retrouver.
4 Mme KAGWI-NDUNGU :
5 Q. Connaissez-vous ce document ?
6 R. Oui, je le connais bien.
7 Q. Quel est l'auteur du document ?
8 R. L'auteur du document, c'est le professeur Filip Reyntjens — R-E-N-T-G-E-
9 N-S (sic).
10

11 Q. Savez-vous à quel moment ce document a-t-il été publié.


12 R. Cela a été écrit et ça été publié, je crois au mois d’octobre 92.
13 Q. Était-ce un document que vous avez utilisé pour confectionner votre
14 rapport et vous faire une opinion de la teneur du document ? En
15 regardant la première page de ce document, nous y voyons une liste de
16 noms de personnes.
17

18 Deuxième paragraphe vers « la » ligne 2, 3, 4, on a fait… on y a indiqué


19 une liste de noms ; est-ce que vous connaissez bien ces personnes ?
20 R. Oui.
21 Q. Quels seraient vos commentaires sur ces personnes, la liste des noms
22 qui formaient ce groupe ?
23 R. Comme je l'ai dit ce matin, il y a plusieurs listes qui... les listes de…
24 longueur variait des listes de membres de l'Akazu et du réseau zéro et
25 celle-ci représente l’une de ces listes, mais nous y voyons quand même
26 les noms des cinq personnes clés dont j'ai parlé tantôt, et on y ajouté 10
27 ou 11 autres noms.
28 Q. En y regardant la liste de ces noms, le nom de Protais Zigiranyirazo, il est
29 indiqué qu'il était ancien préfet de Ruhengeri en date de 1992 ;
30 pouvez-vous nous dire d'après vous en votre qualité d'expert,
31 Zigiranyirazo avait été mentionné comme faisant membre de ce
32 groupe ?
33 Me PHILPOT :
34 À ce stade, Madame le Président, je voulais faire objection. La littérature
35 axée sur les Escadrons de la mort a été élaborée contrairement à l'Acte
36 d'accusation. Le nom de l’Akazu avait été expurgé de l’Acte d’accusation

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 56


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 sur la base des commentaires des Juges. Et en dehors de cela, on y voit


2 des liens de famille de mon client et ses liens avec l'élite au pouvoir qui,
3 « eux », l'élite qui avait la capacité de donner des ordres.
4

5 Et nous voyons dans ce document… ce document qui se réfère d'ailleurs


6 aux activités criminelles alléguées de Monsieur Zigiranyirazo, nous
7 constatons qu'il n'y a aucune relation (inaudible) entre les allégations et
8 les éléments de preuve apportés dans l’Acte d’accusation. Ce sont des
9 éléments qui portent préjudice à notre témoin et qui ne sont pas du tout
10 pertinents par rapport également aux chefs d’accusation retenus dans
11 l’Acte d’accusation.
12

13 Maintenant, si la Défense avait su avant le 14 octobre… le 15 octobre, on


14 n’aurait pas pu faire ces allégations, nous aurions pu nous préparer, mais
15 nous n'avons pas préparé donc notre défense. Mon client est accusé de
16 certains crimes précis en 1994. Nous allons préparer notre stratégie de
17 défense. Mais à mon avis, ce sont des éléments de preuve qui vont bien
18 au-delà de l’Acte d’accusation.
19

20 Ce ne sont pas… Je ne parle pas ici du discours de Léon Mugesera, mais


21 il s’agit là des membres qui… d'un groupe d'organisation criminelle et
22 des allégations ont été spécifiquement portées dans l’Acte d’accusation.
23 Et nous voyons ici que c’est une question qui est ramenée sur le tapis.
24 Nous avons fait objection à cela, le Procureur n'a pas fait… ne s’est pas
25 conformé à l'ordonnance de la Chambre du mois de juillet 2005, cette
26 ordonnance a parlé de ces activités criminelles auxquelles mon client
27 aurait participé. Et donc, nous voulons faire objection à cela.
28 Mme KAGWI-NDUNGU :
29 Comme le témoin a dit dans sa déposition, l'Akazu est connu sous
30 d'autres noms, et c'est là où nous en sommes.
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Mais le témoin, à ma connaissance, n'a pas parlé du fait que l'Akazu était
33 connu comme Escadron de la mort. Ici, le témoin déclare qu’elle a vu
34 cette lettre ou cette publication qui dit que pour des questions de
35 sécurité évidente, nous ne saurons indiquer l'identité des informateurs.
36 Lorsque vous utilisez les documents de quelqu'un qui n'est pas un

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 57


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 témoin et dont l'identité n'a pas été révélée, cela n'est pas acceptable.
2 Mme KAGWI-NDUNGU :
3 Compte tenu du contexte historique de ce document et de l'Acte
4 d'accusation que nous avons établi contre l'Accusé, nous avons tiré sur
5 la connaissance de ce témoin expert, et elle a parlé de cette personne
6 comme étant un érudit de l'époque. Ceci n'est qu’une information
7 concernant les sources d'information, ce n'est qu’une source entre
8 autres sur lesquelles nous allons nous fonder pour étayer notre
9 allégation. Cela ne fait que retracer le contexte. Nous avons dit qu'il était
10 également impliqué dans des réseaux informels.
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 Le réseau informel et Escadron de la mort, ce n'est pas la même chose.
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Je peux résoudre ce problème en posant une question au témoin.
15 R. Ce document se réfère également au réseau zéro.
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 ((Intervention non interprétée)
18 R. Pour moi, l'importance du document, c'est dans le même groupe que les
19 tueries sur base ethnique…
20 Mme LE PRÉSIDENT :
21 Posez votre question.
22 Mme KAGWI-NDUNGU :
23 Q. Ce réseau zéro était-il connu sous d'autres vocables ?
24 R. « L'Accusation » développée en 1992, plutôt, au début… fin 91, 92, 93
25 selon lesquelles ceux qui étaient impliqués dans l'Akazu et le réseau zéro
26 étaient impliqués dans les tueries, ce sont des accusations dont j’ai eu
27 vent pour la première fois en novembre 1991, là où on a parlé des
28 Escadrons de la mort ; et ces assassinats étaient imputés aux membres
29 de l'Akazu.
30

31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Q. Est-ce que vous êtes en train de suggérer que tous les membres de
33 l'Akazu étaient également membres de l’Escadron de la mort ?
34 R. Non, Madame le Président. L'Akazu en tant que tel, il y a des listes qui
35 changent selon les membres qui appartiennent au groupe, mais il y a
36 toujours un noyau central de noms qui se recoupent à chaque fois.

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 58


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 Mais, Madame le Procureur, cela répond également à votre question.
3 Est-ce que vous avez plaidé cette information dans l’Acte d’accusation
4 ou dans le mémoire préalable au procès ?
5 Mme KAGWI-NDUNGU :
6 Madame le Président, dans l’Acte d'accusation — accordez-moi un
7 instant — dans l’Acte d’accusation, nous avons parlé d’un cercle restreint
8 consolidé… constitué des membres ou des proches de la famille du
9 Président.
10

11 Le témoin a déjà déposé devant cette Chambre. Ce groupe de personnes


12 est fluide, ils ont une appartenance fluide, les membres changent. On
13 leur donne le nom de l'Akazu ou réseau zéro. Et maintenant, elle dit
14 « Escadron de la mort », cela se trouve également dans son rapport.
15 Toute personne qui est familière avec la situation rwandaise est au
16 courant de cette situation changeante.
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 Dans l’Acte d’accusation, montrez-moi la partie dans laquelle vous parlez
19 des groupes changeants. Quel paragraphe ?
20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Paragraphe 3.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Dans le paragraphe 3, vous parlez de groupe et non de différents
24 groupes.
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 En citant cet expert pour… j’ai parlé avec l’expert..
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Vous avez parlé avec l'expert et vous avez mené des enquêtes. Ce n'est
29 pas là une nouvelle information dont vous disposez, cela ne figure pas
30 non plus dans l’Acte d'accusation.
31 Mme KAGWI-NDUNGU :
32 Mesdames, Monsieur les Juges, l'expert a expliqué comment elle sait que
33 ces groupes informels ont exercé le pouvoir. Et dans ce document dans
34 lequel elle a tiré l’information, elle a donné trois groupes qui échappent à
35 tout contrôle. C'est sur ce… ce sur quoi nous nous fondons pour dire que
36 l'Accusé qui était un homme d'affaires, qui n’occupait pas de fonction ni

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 59


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 dans l'administration ni dans le Gouvernement, pourrait faire partie


2 d'une entreprise criminelle. Et c'est dans ce seul souci que nous citons ce
3 document.
4 Me PHILPOT :
5 Je ne sais pas si c'est nécessaire. Tous les faits matériels auxquels vous
6 faites allusion à une entreprise criminelle doivent être allégués et
7 prouvés. Il ne s'agit pas d'un jeu de devinette. L’Acte d’accusation a été
8 établi en juillet 2004 pour fournir les faits matériels prouvant son
9 appartenance à des groupes… ou le retirer. Mais cette fois-ci, nous avons
10 été pris par l’effet de surprise dans l’Acte d’accusation. Aujourd'hui, on
11 nous parle d’une autre organisation criminelle « auquel » mon client
12 aurait appartenu et qui ne figure pas dans l’Acte d'accusation.
13

14 (Conciliabule entre les Juges)


15

16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 Objection retenue.
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Q. En examinant le même document, le document K03588, il y a un
20 document, est-ce que vous êtes familière avec ce document ?
21 R. À la première page, je vois que malgré le titre, quand vous lisez le
22 contenu du document, il parle du réseau zéro.
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 Mais, Docteur Des Forges, nous avons rendu une décision sur cela.
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 Q. Est-ce que vous êtes familière avec ce document ?
27 R Je l'ai déjà vu.
28 Q. Connaissez-vous cette source, la source de ce document ?
29 R. Je ne connais pas cette personne personnellement, mais j'ai déjà vu ce
30 document paru dans la presse. C’était un journaliste… une publication
31 qui est parue dans un journal relativement nouveau à l'époque et qui
32 identifiait les personnes du centre du pays associées au (inaudible).
33 Q. Est-ce l'un des documents que vous avez exploités en rédigeant votre
34 rapport ?
35 R. Oui, c'est un document que je reconnais.
36 Q. À la page suivant « K03759 », il y a la référence aux personnes visées

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 60


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 dans le réseau zéro ; que pouvez-vous en dire à la Chambre ?


2 R. Tout d'abord, ce n'est pas clair pour moi, si c'est la suite du même
3 document. Est-ce la suite du même document ? Je ne suis pas sûre. Il y a
4 des pages qui se suivent avec des numéros, mais j'aimerais voir le
5 numéro pour être sûre qu'il s’agit du même document avec la succession
6 des pages.
7

8 Mais sur la page à laquelle vous avez attiré mon attention, il y a une liste
9 partielle des membres de la famille qui coïncide avec le même groupe
10 dont nous parlons y compris le témoin, « qu'il » a mentionné Monsieur
11 Zigiranyirazo et Monsieur Rwamakuba. Il s’agit donc des mêmes
12 membres qui étaient identifiés comme étant membres de l'Akazu dans
13 ce document, avec un accent particulier sur les rackettes économiques
14 et la corruption.
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Madame le Président, je voudrais verser ce document aux débats.
17 Me PHILPOT :
18 Je voudrais faire une double objection. Ce document a des implications
19 réelles, il y a un réseau de trafiquants de drogue qui… que l'on peut
20 déduire que c’était le fait de l'Akazu.
21

22 Et, deuxièmement, ce qui est plus important, c'est un article paru dans
23 un journal. Un article paru dans un journal n'est que ouï-dire, en tant que
24 tel la source de l'information devrait être identifiée avant de pouvoir le
25 considérer comme preuve.
26

27 Toute personne peut écrire n'importe quoi dans un journal aussi


28 longtemps que nous… je n'ai pas l'original, mais je présume que c'est
29 honnête. Mais verser un article paru dans un journal en preuve, ce ne
30 serait qu'une plaisanterie, une vraie plaisanterie. Et nous ne le savons
31 pas. Nous devons vérifier, je pense que c’est nécessaire de vérifier la
32 source d'information avant de verser le document aux débats.
33 Mme KAGWI-NDUNGU :
34 Je vais poser une dernière question au témoin avant que vous ne
35 puissiez statuer.
36 Q. Madame le Témoin, avez-vous eu l’occasion d’étudier… d'examiner cet

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 61


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 article ?
2 R. Oui, je suis heureuse de constater ce qu'a dit le Conseil en ce qui
3 concerne la source de cet article. Cela mis de côté, l'importance de
4 ceci…
5 Mme LE PRÉSIDENT :
6 Il y a ouï-dire, nous n’avons pas l'auteur ici.
7 R. Ce qui est important ici, cela indique l'évaluation faite par les Rwandais
8 eux-mêmes à l'époque des faits. La presse rwandaise… Et ce n'est pas le
9 seul article, il y a plusieurs autres articles, c'est un exemple de ce qui se
10 disait dans la presse et de ce que disaient les Rwandais au sujet de la
11 personne concernée. Quelles sont ces influences ? Comment est-ce que
12 les gens le percevaient ? On le percevait comme étant au centre du
13 pouvoir, il contrôlait une richesse importante, c’est comme ça qu’il était
14 perçu.
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 C'est la seule raison pour laquelle nous voulons verser ce document aux
17 débats.
18 M. LE JUGE MUTHOGA :
19 Si c'est la seule raison, Madame le Procureur, je ne vois pas l'objectif
20 pour laquelle vous voulez verser ce document. Si c'est le seul objectif
21 pour lequel vous voulez verser ce document aux débats, je ne vois pas la
22 nécessité de le faire parce que le témoin a dit qu’elle a vu ce document,
23 qu’elle l’a exploité ; et elle a donné son opinion fondée sur ce document
24 et d'autres choses. Je ne vois rien… pourquoi le document en soi puisse
25 nous dire quoi que ce soit, et si on ne peut pas rapporter la preuve de sa
26 source.
27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 Je voudrais poser des questions relatives à ce document avant d'aller
29 plus loin. Nous allons examiner le deuxième paragraphe du document.
30 Q. Fondée sur votre connaissance, peut-être que vous pouvez en donner
31 lecture, Madame le Témoin. Je vous demande d’en donner lecture, le
32 deuxième paragraphe, lentement, s’il vous plaît.
33 M. LE JUGE MUTHOGA :
34 (Intervention non interprétée)
35 R. « La première dame du pays, Agathe, qui est accusée — il y a mauvaise
36 traduction — est très consciente des liens familiaux. Son frère Segatwa

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 62


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 était le secrétaire privé du secrétaire (sic). L’autre est particulièrement


2 connu sous la lettre « Z », mais on l'appelle par son vrai nom Protais
3 Zigiranyirazo qui a fait trembler de nombreux Rwandais. « Z » et
4 Séraphin Rwabukumba, le cousin, sont les principaux acteurs de ce
5 réseau de rackette économique survenu en 1989, 90 et qui a entraîné
6 une perte de cinq millions de francs rwandais à l'État.
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Q. Fondée sur votre opinion d'expert et de votre connaissance experte de la
9 région, pouvez-vous nous dire quelle est votre évaluation de ce
10 paragraphe ?
11 R. Cela est une indication d’une opinion sur la base de mon travail qui est
12 largement répandue et au sein de la population rwandaise. Et cette
13 opinion représente ce ferment politique dont j'ai parlé ce matin, qui a
14 commencé depuis 1991, là où l'occasion était offerte à la population,
15 dans une atmosphère stimulée, de commencer à parler et à exprimer
16 leur colère et leur ressentiment.
17

18 J’ai mentionné dans… J'ai déjà mentionné dans le contre-interrogatoire


19 de la Défense qu’en
20 juillet 1991, il y avait beaucoup d'espoirs suscités, et les gens disent que
21 nous pouvons aller de l'avant, rebondir. C'est une indication pour dire :
22 « Mais laissons cela derrière nous et avançons ».
23 Q. Et en prenant ce document daté du 26 août 1986, compte tenu de votre
24 connaissance approfondie de la région, est-ce que c'était l'attitude de
25 Protais Zigiranyirazo que vous avez vu à l’époque ?
26 R. C'est une expression d'une opinion… d'un courant d'opinions que j'ai
27 constaté. Il y a la (inaudible) des dates et avec les deux autres
28 documents dont nous avons parlé, ceci en août 1992, une période au
29 cours de laquelle Zigiranyirazo n'occupait plus de poste officiel, mais aux
30 yeux de la population, il détenait énormément de pouvoirs et était actif.
31 Q. Avant de passer à autre chose, pouvez-vous nous dire et expliquer
32 comment… même au cours de cette période à partir de 90, de quelle
33 manière l'Akazu a exercé son pouvoir ?
34 R. Nous avons au début parlé du clientélisme, des canaux informels de
35 pouvoir. Ce genre de système fonctionne sur la réciprocité non
36 équilibrée, c’est-à-dire qu’il y a une relation du chef par rapport à un

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 63


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 sujet. Mais ceux qui sont puissants demandent certaines choses aux
2 personnes moins puissantes, et ces derniers obtiennent certaines
3 faveurs à leur tour.
4

5 C'est un système qui peut être mis en place discrètement, en privé, par
6 des communications téléphoniques privées, cela ne requiert pas des
7 ordres qui soient donnés par le canal administratif. Cela résulte de
8 l’expression d’une personne qui parle à une personne, et celui-là à son
9 tour qui en parle à une autre pour dire : Mais voilà, ce que je voudrais
10 voir faire.
11 Q. Une dernière question avant de passer à autre chose : Docteur Des
12 Forges, sans nous parler de réseau… des ramifications du réseau de
13 l’Akazu au cours de cette période de 92 à 94, comment évaluez-vous ce
14 que pensent les Rwandais ordinaires de Zigiranyirazo ?
15 M. LE JUGE MUTHOGA :
16 Vous parlez de Rwandais locaux. Et qu’est-ce que vous entendez dire ?
17 Qui sont les Rwandais locaux et les autres ?
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Je reformule.
20 Q. Comment évaluerez-vous la façon dont les Rwandais, en général, ceux
21 qui n'étaient pas dans le cercle restreint du pouvoir, se référaient au
22 pouvoir de Zigiranyirazo ?
23 M. LE JUGE MUTHOGA :
24 Les Rwandais ordinaires.
25 Mme LE PRÉSIDENT :
26 Je pense que vous avez évoqué toutes ces questions, et je me demande
27 si vous pouvez passer à autre chose.
28

29 Docteur Des Forges a dit que… ce matin que c'était un mélange de


30 respect et de crainte.
31 Mme KAGWI-NDUNGU :
32 Q. Dans votre rapport… En reprenant maintenant votre rapport, Docteur
33 Des Forges…
34 Mme LE PRÉSIDENT :
35 Votre interrogatoire, ça vous prendra encore combien de temps ?
36 Mme KAGWI-NDUNGU :

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 64


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Je ne saurais le dire. Je n’ai pas… Je n’avais pas à l’idée que nous aurions
2 à échanger des arguments longs. Mais il m’incombe… J'ai pris un
3 engagement, je ferai de mon mieux pour accélérer la procédure.
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 « Accélérer la procédure » veut dire terminer cet après-midi à 17 h 30 ou
6 bien est-ce que…
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Combien d'heures ?
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Nous avons cet après-midi de 15 heures à 17 h 30, est-ce que cela vous
11 suffirait ? Combien de ce temps vous prendriez ?
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 Je suis sûre que j'aurais besoin de tout ce laps de temps et que nous
14 pourrions finir. Nous pourrions, avec un peu de chance, terminer.
15 Mme LE PRÉSIDENT :
16 Nous voulons commencer… Nous voulions commencer à 14 h 30, c'était
17 à votre demande que nous voulons commencer à 15 heures. Si vous
18 pensez que vous n'aurez pas suffisamment de temps, nous allons
19 commencer à 14 h 30 ou bien si vous êtes sûre qu’à 17 h 30 vous
20 pourriez terminer, ça nous va.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Je ne peux pas vous donner une telle garantie puisque ce ne serait pas
23 exact.
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Vous ferez de votre mieux.
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 Donc, attendez jusqu’à 15 heures.
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 L’audience est levée (sic).
30

31 (Suspension de l'audience : 13 h 5)
32

33 (Pages 42 à 60 prises et transcrites par Lydienne Priso, s.o.)

35

36

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 65


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

10

11
12

13

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 (Reprise de l’audience : 15 h 10)


2

3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Bon après-midi, Mesdames et Messieurs.
5

6 Veuillez poursuivre, Madame le Procureur, votre interrogatoire principal.


7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Je vous remercie, Madame le Président.
9 Q. Docteur Des Forges, je voudrais que l’on se penche sur la période de
10 temps 1990-1994. À cette époque, étiez-vous engagée dans des
11 missions en manière de droits de l’homme dans la région ?
12 Mme DES FORGES :
13 R. Oui, tout à fait, cela a commencé en 1991.
14 Q. Que décririez-vous comme étant votre mission la plus importante à
15 l’époque ?
16 R. C’était le travail que j’ai fait avec la commission internationale qui faisait
17 des enquêtes sur les violations des droits de l’homme en janvier 1993.
18 Q. Avez-vous une copie de ce rapport sous les yeux ?
19 R. Oui, tout à fait.
20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Madame le Président, Honorables Juges, ce document se trouve dans le
22 jeu de documents à partir des pages 123, et cela, jusqu’à la fin.
23 Q. Est-ce là la copie du document que vous avez faite, celui que j’ai
24 mentionné comme se trouvant dans le jeu de documents à partir de la
25 page 123 ?
26 R. Oui, tout à fait. À l’exception de ce qu’il y a eu des erreurs de frappe,
27 « les » pages 127 ne fait pas partie du rapport. Et « les » pages 130 qui
28 est donc « les » numéros K0170022, et pour l’autre cote, ce sera
29 « K0098679 ». Aucune de ces deux pages ne faisait partie du rapport de
30 départ. Je ne sais pas comment ces pages en sont arrivées là.
31 Mme KAGWI-NDUNGU :
32 Madame le Président, Honorables Juges, nous voudrions verser ce
33 document aux débats. Ça sera la prochaine pièce à conviction.
34 Me PHILPOT :
35 J’ai une objection à ce niveau, en ce sens que j’aimerais savoir quelle est
36 la pertinence et savoir où nous allons. Je ne pense pas que cette pièce

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 61


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 soit une pièce pertinente. Il serait peut-être approprié de procéder par


2 paragraphe à ce niveau.
3

4 Je voudrais donc que la Chambre m’aide à résoudre ce problème.


5 Peut-être que l’on devrait attendre la réponse du témoin. Et dans ce
6 cas-là, j’aurais une objection directe.
7

8 Mme LE PRÉSIDENT :
9 Si vous avez une objection directe, peut-être qu’il serait avisé que vous
10 la fassiez à présent.
11 Mme KAGWI-NDUNGU :
12 Peut-être que, comme l’a dit Maître Philpot, au cours de mon
13 interrogatoire, s’il y a une question de pertinence, s’il a une objection
14 quant à la pertinence relativement à cette pièce, alors à ce moment-là,
15 nous serons en mesure de discuter de l’objection.
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 Très bien. Veuillez nous préciser les pages du rapport qui ne devraient
18 pas y être.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 « 127 » et « 130 ».
21 Mme LE PRÉSIDENT :
22 Je vous remercie.
23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Q. Si nous nous penchons sur ce rapport donc, pour que nous fassions les
25 choses comme il se doit, dans quelle langue le rapport a été... a-t-il été
26 rédigé à l’origine ?
27 R. Le rapport a été rédigé en français.
28 Q. A-t-il été traduit dans son entièreté ?
29 R. Non, la version que nous avons en face de nous est une version anglaise
30 que j’ai préparée en toute hâte après la publication de la version
31 française, et il y a un passage sur la jurisprudence qui est écrit dans un
32 jargon plutôt compliqué et que je n’ai pas traduit par manque de temps.
33 Q. Ce document, quelle période couvre-t-il ?
34 M. LE JUGE MUTHOGA :
35 Q. Avant cela, le document qui suit, en français, est-il donc la version
36 française dudit rapport ?

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 62


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 R. Oui, oui, tout à fait. Oui, tout à fait, Honorables Juges. Il s’agit de la
2 version anglaise. C’est cette version qui doit être versée aux débats, car
3 c’est ce document qui est complet.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 L’autre document n’est qu’une traduction. Il y a des passages
6 manquants, vous pouvez vous y référer, mais je pense que c’est la
7 version française qui doit être versée en preuve, et cela, aux fins du
8 procès-verbal.
9 Mme KAGWI-NDUNGU :
10 Je vous remercie.
11 Q. Veuillez dire à la Chambre la période de temps que cette mission
12 couvrait.
13 R. La période des recherches allait d’octobre 1990 jusqu’à la date de la
14 mission elle-même qui s’est terminée le 21 janvier 1993.
15 Q. Quel était l’objet de l’étude ?
16 R. Il s’agissait d’examiner des allégations en matière de violation des droits
17 humains par le Gouvernement rwandais et par le Front patriotique
18 rwandais.
19 Q. Qui a été l’instigateur de cette étude ?
20 R. C’était un groupe d’organisations rwandaises des droits de l’homme qui
21 a été l’instigateur de cette étude.
22 Q. Si nous regardons la première page, la première page de ce document,
23 nous avons une liste de 10 personnes. Le premier nom étant Jean
24 Carbonare ; sont-ce là des personnes qui faisaient partie de la
25 commission ?
26 R. Oui, tout à fait. Cela est vrai pour la version anglaise, et aux fins du
27 procès-verbal, la liste commence à la fin de la page 5 et continue en
28 page 6. Ce sont là 10 personnes d’horizons divers, de nationalités
29 diverses et aux expériences diversifiées dans le domaine des droits
30 humains, allant de personnes qui n’ont pratiquement aucune expérience
31 à des professionnels de haut rang.
32 Q. Pouvez-vous nous donner les noms des professionnels sur le terrain, tel
33 qu’ils apparaissent sur la liste ?
34 R. Philipe Dahinden qui était avocat, René Degni-Seguy...
35 M. LE JUGE MUTHOGA :
36 Je suis un peu perdu. Où se trouve la liste dans la version anglaise ?

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 63


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 C’est en page 123.
3 R. La deuxième personne... La première personne est, en fait, la deuxième
4 personne sur la liste, Philipe Gahinden, avocat suisse, la personne
5 suivante, René Degni-Seguy, doyen de la faculté de droit à Abidjan,
6 moi-même de Human Rights Watch, le docteur Dodinval qui était... — je
7 ne trouve pas le mot exact en anglais — qui était expert médico-légal ;
8 Éric Gillet qui était avocat à Bruxelles, Halidou Ouedraogo, Président des
9 droits humains, William Schabas, professeur de droit à l’Université de
10 Québec. Les autres personnes, selon moi, ont moins d’expérience.
11 Mme KAGWI-NDUNGU :
12 Q. La première personne sur cette liste, veuillez nous dire qui elle est.
13 R. Monsieur Carbonare était d’origine française, qui a beaucoup travaillé
14 dans le domaine du développement économique et également en
15 assistance humanitaire, je crois.
16 Q. Quel effet ou impact aurait... a-t-il pu avoir sur le rapport ?
17 R. Ces personnes-là qui ne sont pas considérées comme étant des
18 professionnels attestés ont moins d’impact sur le rapport. Monsieur
19 Carbonare, Monsieur Paradis et Monsieur... (inaudible) qui n’avaient pas
20 vraiment travaillé sur le terrain, tous.
21 Q. Nous allons passer à la page 44 dudit rapport ; page 160 du jeu de
22 documents.
23

24 À ce niveau-là, vous parlez du réseau zéro. De quelles sources


25 d’information disposiez-vous pour ce passage bien précis... ce
26 paragraphe bien précis ?
27 R. La commission incluait 10 personnes, ont interrogé des équipes de deux
28 trois personnes et, après cela, en deux semaines, ils ont pu interroger
29 700 personnes. Et cette information émane de plusieurs sources.
30 « Certaines » d’entre eux sont des citoyens lamda qui ont souffert des
31 attaques, d’autres sont des autorités ; donc une variété assez grande de
32 sources.
33 Q. Nous allons passer au premier paragraphe. Il y a un groupe de personnes
34 ici auxquelles vous faites référence comme faisant partie de ce groupe ;
35 pourquoi les avez-vous mentionnées ?
36 R. Oui, vous dites qu’ils font partie du réseau zéro ?

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 64


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Q. Oui.
2 R. Ce sont des noms que nous avons entendus de façon récurrente de la
3 part des témoins.
4 Q. L’une de ces personnes est Protais Zigiranyirazo. Au cours de cette
5 période, quel poste occupait-il au Rwanda ?
6 R. La période couverte par ce rapport ? Non, il n’avait aucun poste officiel,
7 mais il restait membre de l’Akazu.
8 Q. Nous allons passer à la page 67 du rapport.
9 Me PHILPOT :
10 Excusez-moi.
11

12 J’ai voulu que mon collègue termine cet exercice. Je voudrais formuler
13 une objection à présent. Je suggère que, si quelque chose était introduit
14 dans ce rapport, cela devrait se faire conformément au Règlement. Il y a
15 ici une autre allégation relativement au réseau zéro. Vous noterez que
16 nous n’avons pas fait objection à des suggestions selon lesquelles il y
17 aurait pu y avoir ou non un réseau de personnes qui auraient une
18 certaine influence dans le pays.
19

20 Mais, à présent, nous avons tout un paragraphe ici qui allègue, plus ou
21 moins, la même série de crimes que ceux-là pour lesquels nous avions
22 fait une objection au préalable. Et je vais... Il parle d’opérations du
23 réseau zéro dirigées vers des civils, des militaires, des autorités
24 judiciaires, et ils avaient des cibles. Et les personnes qui le faisaient
25 étaient Sagatwa, Protais Zigiranyirazo, le capitaine Simbikangwa et
26 Bizimungu.
27

28 Encore une fois, nous avons ici des allégations qui sont étrangères à
29 l’Acte d’accusation. Le terme « réseau zéro » n’apparaît nulle part dans
30 l’Acte d’accusation. L’allégation selon laquelle mon client aurait pris part
31 au... aurait fait partie d’un groupe de personnes qui étaient présumées
32 avoir perpétré des crimes dans la période en question ici n’apparaît pas
33 non plus dans l’Acte d’accusation. La période en question également
34 « n’est » dans la juridiction du Tribunal.
35

36 Ainsi donc, nous n’avons pas été notifiés ni informés de ces faits, nous

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 65


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 n’avons pas été informés de ce que ce rapport serait versé en preuve


2 dans son entièreté, comme si la Chambre était invitée à prendre pour
3 acquis les conclusions d’une commission qui, comme le dit ma collègue,
4 était dirigée par des personnes à fortes compétences.
5 Je pense que ce sont là des allégations multiples, récurrentes,
6 d’organiser... d’activités criminelles multiples organisées dans mon
7 client. Mais tout ceci n’apparaît pas dans l’Acte d’accusation ni ne tombe
8 sous le joug du procès qui nous intéresse. Et le rapport en tant que tel
9 n’apparaît nullement dans l’Acte d’accusation. Ce sont... Mon client est
10 accusé de crimes perpétrés en 1994.
11

12 Dire qu’il s’agit là d’une question de contexte nous amènerait à une


13 situation qui serait quelque peu absurde, c’est-à-dire que, dans un
14 contexte donné, vous pouvez faire des exagérations sans fin et des
15 allégations imprévues « ni » imprévisibles et les faire porter par l’Accusé.
16

17

18 Je vous remercie.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 Pour répliquer à cela, Madame le Président, Honorables Juges, je
21 voudrais dire que notification a été faite par le biais de rapport d’expert
22 du témoin. Ce document est déjà connu de la Défense, et cela... Au
23 moment de sa qualification, nous avons passé en revue ce document,
24 document très connu sur la scène internationale. Ensuite, il s’agit d’un
25 expert, et c’est là l’un des documents qu’elle a préparé, c’est là l’un des
26 documents d’où elle tire ses conclusions. Et si nous voulons la prendre
27 en compte, nous devons prendre en compte ces documents qu’elle a
28 élaborés.
29

30 Madame le Président, Honorables Juges, nous accusons l’Accusé. Nous


31 disons que c’est l’un des auteurs du génocide. Nous devons mettre en
32 place le contexte. Nous ne devons pas présupposer que c’est là quelque
33 chose qui plane dans l’air, non. Nous devons préciser le contexte ; c’est
34 ce que fait le témoin. Nous n’alléguons aucunement des actes criminels.
35 Ce n’est pas ce que recherche la Chambre, des actes criminels, avant
36 avril 1994 jusqu’en juillet 1994.

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 66


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

2 Nous soumettons ces éléments de preuve pour fonder notre Acte


3 d’accusation. Comme le déclare notre Acte d’accusation et dans le cadre
4 d’une entreprise criminelle commune, cet Accusé avait la capacité de
5 sanctionner, d’arrêter les actions des Interahamwe, des gendarmes, des
6 civils au sein des populations rwandaises. Le Conseil de la défense est
7 prêt à contre-interroger le présent témoin. Et au moment des plaidoiries
8 également, il pourrait revenir sur la valeur probante accordée à ce
9 document, mais à ce stade, elle est historienne, nous devons verser ce
10 document en preuve auquel elle se réfère pour arriver à nos conclusions.
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 Objection rejetée.
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Q. Une dernière question relative à ce document. En page 37 de ce
15 document, vous parlez du FPR et des attaques du FPR ; pouvez-vous
16 nous dire d’où vous tenez cette information ?
17 R. Cette information a été compilée en partie à partir des autorités du
18 Gouvernement rwandais, mais également sur la base des déclarations de
19 témoins collectées sur les camps de déplacés dans le nord-est du
20 Rwanda, Nyagatare, Rwamamba (phon.), entre Byumba et Ngarama plus
21 précisément, par le biais d’enquêtes menées par les membres de la
22 commission. Les crimes allégués incluaient également les attaques
23 délibérées sur les cibles civiles, pillages, expositions, enlèvement, et j’en
24 passe.
25 Q. Avant que nous ne départissions de ce document, veuillez nous dire
26 comment vos conclusions... les conclusions de votre travail ont été
27 perçues et reçues au Rwanda.
28 R. Le Président et le Premier Ministre... — car à ce moment-là, il y avait un
29 gouvernement de coalition en place, il y avait un nouveau Premier
30 Ministre — le Président et le Premier Ministre ont signé une lettre
31 conjointe, ont reconnu donc beaucoup de violations des droits humains,
32 non pas en tant qu’individus, mais en tant que gouvernement ; ils ont
33 promis une série de réformes pour éviter de telles violations à l’avenir.
34 Q. Y a-t-il... Quelque chose est-il arrivé... Qu’est-il advenu des personnes
35 que vous avez interrogées dans le cadre de votre mission, personnes qui
36 s’étaient entretenues avec vous ?

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 67


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 R. L’une de nos préoccupations était la sécurité des personnes qui nous


2 livraient des informations. Et un jeune homme qui nous avait montré le
3 lieu où se trouvait une fosse commune n’a pas été attaqué en tant que
4 tel, mais son père est mort d’une mort violente en 48 heures, mort
5 décrite par le Gouvernement comme étant un suicide.
6

7 Et je voudrais dire que, dans ma déposition, plus tôt ce matin, j’ai dit
8 qu’à Kibalira, le massacre de 300 à 400 personnes avait été présenté
9 comme étant un suicide collectif.
10 Q. Avant que je ne passe à autre chose, ce terme a-t-il été utilisé au cours
11 de la période d’avril à juillet 1994, c’est-à-dire le terme de « suicide » ?
12 M. LE JUGE MUTHOGA :
13 Q. Avant que vous ne répondiez à cela, qui était le Premier Ministre à
14 l’époque ?
15 R. C’était Dismas Nsengiyaremye, du parti politique MDR.
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 Je vous remercie.
18 R. Oui, le vocable « suicide » était utilisé de temps à autre au cours du
19 génocide, en ce sens que la propagande disait que le FPR faisait des
20 actions qui mèneraient au suicide des Tutsis. C’est le terme qu’on
21 utilisait pour masquer les éliminations.
22 Mme LE JUGE KHAN :
23 Q. Qui utilisait ce terme « suicide » ?
24 R. Honorables Juges, cela est apparu dans un certain nombre de sources
25 utilisées par la ligne Hutu-Power, qui disaient que les Tutsis
26 commettaient effectivement le suicide en continuant l’effort de guerre
27 qu’avait lancé le FPR.
28 Q. Et c’était au cours du génocide ?
29 R. Le Président, Honorables Juges, c’était avant et après le génocide.
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 Q. Pouvez-vous vous imaginer cela ?
32 R. Le suicide n’est pas inconnu au Rwanda au cours de la période
33 précoloniale, mais c’est une pratique peu habituelle, par contre. Et
34 l’utilisation du terme, ici, s’applique à différents cas, lorsque la mort
35 n’était pas explicite.
36 Q. Mais c’est également un autre terme que l’on utilise. Lorsque vous

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 68


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 l’utilisez, vous amenez la mort à vous-même. Vous invitez par exemple


2 les autorités à vous supprimer, à vous envoyer au ciel. Très
3 fréquemment, c’est ce que l’on dit lorsque l’on commet un suicide.
4 R. Oui, pris dans ce sens, essayer de relier le FPR aux Tutsis de l’intérieur et
5 dire que ça n’est là qu’un seul et même peuple, et si ce groupe attaque
6 ce groupe-ci, alors ce groupe-ci va forcément mourir.
7

8 Ce corollaire faisait partie de l’utilisation du FPR. Le FPR était suicidaire,


9 car les autres Tutsis allaient mourir du fait de leurs attaques. Je crois que
10 c’était là le sens que l’on voulait donner à ce vocable.
11 Mme LE JUGE KHAN :
12 Q. Docteur Des Forges, que dit votre recherche ? À quelles conclusions
13 êtes-vous arrivée pour ces Tutsis vivant à l’intérieur du Rwanda, qui
14 étaient accusés d’être les complices, et cela, de la part des Hutus ?
15 Faisaient-ils confiance au FPR de l’autre côté de la frontière autant
16 qu’aux personnes qui étaient au régime à l’époque ?
17 R. C’est là une question importante et pertinente. Je suis sûre que la
18 Défense va soulever ce point à un moment donné dans son
19 contre-interrogatoire.
20

21 Le FPR a organisé politiquement son organisation et a essayé d’étendre


22 son organisation au sein du Rwanda comme étant un mouvement de
23 guérilla ; cela voulait dire rallier les populations, en leur point de vue,
24 persuader les personnes à se joindre à leurs rangs également.
25

26 Après les Accords d’Arusha, le FPR était parti légitime de la scène


27 politique. Ce parti avait été incorporé dans la structure du pouvoir qui
28 était censée avoir cours. Et, en ce sens-là, c’était un parti légitime, il
29 était tout à fait légitime d’être membre du FPR, il n’y avait aucune
30 stigmatisation pour toute personne qui était militante du FPR. La guerre
31 était terminée.
32 Q. C’était après la signature des Accords d’Arusha ?
33 R. Tout à fait, c’était après la signature des Accords d’Arusha. Et à ce
34 moment-là, les personnes qui n’étaient pas très décidées du point de
35 vue politique, pour « certains » d’entre « eux » ont proclamé
36 publiquement leur appui au FPR, car il n’y avait pas de stigmatisation

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 nécessaire officiellement, car « le » RTLM s’est saisi de l’affaire pour dire


2 que toute personne qui était militante du FPR était l’ennemi de la nation.
3

5 Alors, informellement, c’était toujours une chose très dangereuse à faire,


6 mais il y a des personnes qui sont allées au-delà.
7

8 Si nous revenons au début de la guerre, parmi les personnes à qui j’ai


9 parlé à ce moment-là, il y avait beaucoup de Tutsis qui étaient contre et
10 qui ont continué à être contre — des Tutsis de l’intérieur du pays —, qui
11 ne voulaient pas cela, qui l’ont prévu, qui l’ont entrevu, qui ont entrevu
12 les conséquences potentielles et éventuelles. Ils ne se sont pas ralliés de
13 leur plein chef, mais ils ont fait l’objet de pressions pour faire partie de
14 ce groupe.
15

16 Oui, politiquement, il y avait... il y avait — plutôt — un noyau viable de


17 groupes politiques dans différentes parties du pays qui appuyaient le
18 FPR.
19

20 J’établis un distinguo... distinguo entre cela et un système d’infiltration


21 militaire qui, selon moi, est différent. Et cela — je crois — n’existait pas,
22 à l’exception de personnes infiltrées après le 1er janvier 1994 dans la ville
23 de Kigali. Donc, un mouvement répandu ? Non. Sur toute l’étendue du
24 pays ? Non. Toute allégation disait... disant que tout Tutsi était un
25 ennemi n’était pas très claire. La haine était stimulée, il s’agissait plus
26 d’une question de sécurité.
27 Mme LE JUGE KHAN :
28 (Intervention non interprété)
29 Mme KAGWI-NDUNGU :
30 Q. Comment est-ce que votre rapport a été accueilli au niveau de la
31 communauté internationale ?
32 R. Ce rapport a créé beaucoup de remous, en partie parce qu’en plus du
33 rapport écrit, nous avions eu des... des... des... des... des preuves
34 « concrets » des massacres. Et une fois que ce rapport... ces massacres
35 ont été publiés à la télévision, le Gouvernement intérimaire a retiré ses
36 ambassadeurs de manière temporaire.

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2 Et au niveau du Parlement, il s’agissait là d’une certaine crise. Certains


3 autres gouvernements... gouvernements, y compris le Gouvernement
4 américain, ont interrompu leur assistance économique en tenant compte
5 des violations des droits de l’homme qui avaient été commises. Et ils
6 ont... et... élaboré cela en fonction de la politique qui prévalait dans le
7 pays, qui mettait... voulait mettre fin à la corruption.
8 Mme LE JUGE KHAN :
9 (Intervention non interprétée)
10 R. Honorables Juges, ce dont je me souviens, c’est un point qui était
11 indirectement indiqué dans le rapport, c’est cette décision qui a été prise
12 de pouvoir retirer les ambassadeurs de manière temporaire. Mais les
13 autres conséquences ne peuvent pas être... les autres conséquences ne
14 sont pas le fait de ce rapport, la crise qui a été... qui a éclaté au niveau...
15 au niveau des cercles diplomatiques.
16 Mme KAGWI-NDUNGU :
17 Q. Est-ce que vous, vous avez eu des... (fin de l’intervention non
18 interprétée)
19 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANAIS :
20 Can you repeat the question ?
21 R. Un certain nombre d’autorités belges ont été convaincues de la gravité
22 des éléments de preuve et des conclusions que nous avons tirées. Je me
23 souviens que je suis allée m’entretenir avec un membre du Ministère des
24 affaires étrangères, et je m’attendais à ce qu’il prenne constance...
25 connaissance des résultats de ce rapport. Lui, il m’a dit : « Non, ne vous
26 inquiétez pas de cela. Ce que je veux savoir, c’est ce qui va arriver
27 après. » Et je pense que ce... ce jeune homme a été convaincu de ce que
28 j’ai dit.
29 Mme KAGWI-NDUNGU :
30 Q. Le document que nous avons dans le jeu que nous vous avons
31 communiqué, document qui pourrait être « K01 » et « 8612 » ; c’est un
32 document qui se trouve vers la fin et qui a pour titre « Le Sénat ».
33 R. Vous dites, vers la fin de quoi ? La fin du document, du classeur ou... ?
34 Q. Oui, il s’agit du classeur noir ; un document qui est contenu dans le
35 classeur noir.
36

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1 Docteur Des Forges, disposez-vous d’une copie de ce document dont je


2 parle ?
3 R. Il ne me semble pas l’avoir. Il semble que je n’ai pas de copie de ce
4 document, Madame le Procureur.
5 Q. Connaissez-vous ce document ?
6 R. Oui.
7 Me PHILPOT :
8 Désolé, je suis en train d’examiner ce document, Madame le Président.
9 Avant que nous ne poursuivons, où se situe-t-il ?
10 Mme KAGWI-NDUNGU :
11 Dans le document noir, dans le classeur noir, en fait.
12 M. LE JUGE MUTHOGA :
13 Nous avons deux documents dans ce classeur.
14 Me PHILPOT :
15 Vers la fin, vous dites ?
16 Mme KAGWI-NDUNGU :
17 Oui, vers la fin du classeur.
18 M. LE JUGE MUTHOGA :
19 Par... Commencez par la fin. Partez de la... la dernière page de ce
20 classeur noir.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Q. Madame le Témoin, connaissez-vous bien ce document ?
23 R. Oui.
24 Q. Êtes-vous au courant des plaintes ou des réclamations qui y sont faites,
25 ou des allégations qui y sont portées ?
26 R. Oui.
27 Q. En regardant les éléments contenus au paragraphe n° 4, est-ce qu’on
28 parle de l’exportation de thé ? Quel est votre commentaire sur le conseil
29 de cette usine de thé ?
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 Sur quoi voulez-vous attirer notre attention ?
32

33 Veuillez commenter ce document.


34 R. Il s’agit d’un document qui vient de la membre... d’un membre... des
35 membres du Sénat
36 — K-A-U-G-P-E-R-S — qui avait écrit au Président Habyarimana à

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1 l’occasion de sa visite à Bruxelles,


2 le 2 octobre 1993.
3

4 Et pour vous fournir le contexte général de cette lettre de Monsieur


5 Kaugpers, il avait porté à l’attention du Gouvernement rwandais les
6 critiques et... à l’intention du Président Habyarimana, et on lui a
7 demandé ce qu’il pensait de ces critiques.
8 Mme LE JUGE KHAN :
9 Q. Docteur Des Forges, savez-vous d’où « a » tiré les renseignements que
10 cet auteur a utilisés ? Où a-t-il tiré ces renseignements ?
11 R. Monsieur Kaugpers, c’est... était membre du Sénat belge. C’est lui qui a
12 suivi très attentivement les affaires au Rwanda. Il avait effectué un
13 certain nombre de visites au Rwanda, y compris une au cours de laquelle
14 il y a eu également un universitaire politique pour évaluer la situation
15 politique au Rwanda.
16 Mme KAGWI-NDUNGU :
17 Q. En regardant la page 1, cet auteur fait allusion à la... à la commission
18 d’enquêtes sur les violations des droits de l’homme. C’était la
19 commission dans laquelle vous-même avez joué un rôle, n’est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. À la page 3 de ce même document, il a fait allusion au fait que les
22 exportations de thé et de café étaient contrôlées par l’Akazu. Avez-vous
23 eu connaissance de cette allégation ?
24 R. Oui, cela avait été… déjà été mentionné lorsqu’on a parlé au Président,
25 les... la situation économique, les... les... les éléments... les produits
26 principaux, c’étaient les produits d’exportation, c’étaient des produits qui
27 étaient sous contrôle de l’Akazu, et c’est des produits dont les recettes
28 ne participaient pas à la... à l’économie du pays.
29

30 Et ces transactions en matière de thé et de café étaient des transactions


31 très, très importantes.
32 Et tout au cours de cette période, surtout pendant le génocide, on se
33 rend compte que les recettes tirées du thé et du café étaient utilisées
34 pour acheter les armes.
35 Et nous pouvons, en tout cas, voir que les... les productions du thé
36 étaient déjà engagées sur plusieurs années, pour pouvoir acheter les

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 armes, et ceci, en 1992, 93.


2 Q. À la page 2 de ce même document, il est fait allusion à un rapport du
3 Rapporteur spécial chargé des droits de l’homme ; êtes-vous au courant
4 de ce rapport ?
5 R. Je crois que c’est Monsieur Ndiaye, et il me semble qu’il y a une erreur
6 ici ; en anglais, on doit l’écrire N-D-I-A-Y-E, et non pas D-E-N-G-N-E (sic).
7

8 Monsieur Ndiaye était le Rapporteur spécial qui avait été nommé par la
9 Commission des droits de l’homme des Nations Unies, pour pouvoir
10 s’occuper du problème... du problème des exécutions sommaires, suite à
11 un certain nombre de rapports ou d’informations qui avaient été
12 recueillies, selon lesquelles il y avait des assassinats et des meurtres sur
13 grande échelle.
14

15 Ce rapporteur donc avait conduit une mission d’enquêtes au Rwanda


16 en 1993 et avait abouti à la conclusion selon laquelle qu’effectivement, à
17 plusieurs égards, ces faits se sont... sont prouvés... avérés.
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Madame le Président, maintenant, je vais passer au rapport de ce... au
20 rapport... de ce Rapporteur spécial qui est le document suivant dans le
21 dossier, dans le classeur.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 De quel classeur s’agit-il ?
24

25 Veuillez prendre l’exemplaire de Madame le Procureur et nous


26 communiquer la cote suivante pour le versement de ce document au
27 dossier.
28

29 (Le greffier d’audience s’exécute)


30

31 Toujours un point d’intendance : Nous avons la lettre. Elle a été placée...


32 Elle a été versée au dossier. Y en a-t-il d’autres ?
33 Mme KAGWI-NDUNGU :
34 Oui, Madame le Président...
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Nous étions avec Monsieur Mussa aujourd’hui. Nous n’avons pas été très

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1 organisés. Quelle était la cote que nous avions affectée à cette lettre ?
2 Mme LE JUGE KHAN :
3 Parlez dans le micro.
4 Mme MHINA :
5 La dernière pièce, c’était « P. 41 ». Maintenant, « P. 42 ».
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Non, il y en a un qui manque. Quel est le document qui porte la cote P.
8 41 ?
9

10 C’est exact [demande Madame le Président à l’intention du Juge Khan] ?


11 L’INTERPRÈTE FRANÇAIS-ANGLAIS :
12 La Greffière d’audience est en train de vérifier.
13 Mme NTILATWA :
14 Madame le Président, la prochaine cote doit être « P. 42 », parce que la
15 dernière pièce portait la cote « P. 2 (1) ».
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 Madame Ntilatwa, veuillez nous dire quelles sont les pièces que nous
18 avons versées au dossier aujourd’hui, par le... que nous avons versées
19 aujourd’hui, surtout du côté du Procureur.
20 Mme NTILATWA :
21 Madame le Président, pour aujourd’hui, nous avons « P. 2 (1) ».
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 « P. 2 (1) » représente quoi ?
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Non, ce n’est pas un document versé à titre provisoire.
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Nous avons P. 21 (sic) et ensuite ?
28 M. LE JUGE MUTHOGA :
29 Nous avons le CV qui est une pièce versée de manière provisoire.
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Nous allons le vérifier auprès du greffier d’audience. Est-ce qu’ils l’ont ?
32 Mme KAGWI-NDUNGU :
33 Madame le Président, ce n’est pas le CV qui est versé à titre provisoire,
34 c’est le document qui avait été élaboré par le témoin ADE.
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Vous parlez du CV et de quel autre document ?

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

2 Madame Ntilatwa, pendant que le Procureur poursuit son interrogatoire


3 principal, veuillez nous donner par écrit la liste des pièces qui ont été
4 versées au dossier aujourd’hui, pour que nous puissions vérifier, d’ici la
5 fin de la journée, s’il manque une cote.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Nous sommes en train d’examiner le document suivant, le document n°
8 20 qui suit immédiatement la lettre du Sénat.
9 Q. Avez-vous ce document sous les yeux, Madame le Témoin ?
10 R. Non.
11 Q. Pouvez-vous, tout d’abord, nous dire à quoi se réfère ce document ? Que
12 représente-t-il ?
13 R. Désolée, je vous ai dit que je n’avais pas de copie de ce document.
14

15 (Le document est remis au témoin)

17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 Document… c’est pas « P. 21 », c’est « P. 2 (1) ».
19 R. Il s’agit du rapport du Rapporteur spécial dont nous parlions, c’est un
20 document qui a été tiré d’un livre intitulé Les Nations Unies et le
21 Rwanda, qui porte le titre connu du livre bleu.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Madame le Procureur, à quel document faites-vous allusion ?
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Il s’agit du document 20, c’est un document qui suit immédiatement la
26 lettre que nous venons d’analyser. C’est le document qui suit donc dans
27 ce classeur bleu ; c’est un certain document qui porte la cote K1019427.
28 Mme LE JUGE KHAN :
29 Je vous remercie.
30 Mme KAGWI-NDUNGU :
31 Q. Des Forges, vous parliez de ce document ?
32 R. Oui, je vous donnais la source d’où ce document a été tiré, il s’agit d’un
33 document officiel des Nations Unies ; donc celui-ci, au lieu que ça soit
34 une copie du document original, c’est plutôt une réédition au niveau des
35 Nations Unies, et vous voyez le titre à la fin du document, au bas de la
36 page, il est écrit « Les Nations Unies et le Rwanda, 1993-1996 ». Il s’agit

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1 d’un résumé des conclusions du Rapporteur spécial suite à sa mission


2 effectuée au Rwanda au mois d’avril 1993.
3 Q. Pouvez-vous nous indiquer dans ce rapport à quel endroit il a mentionné
4 les travaux de la commission dans laquelle vous étiez impliquée ?
5 R. Il a mentionné cette commission à plusieurs endroits ; si vous regardez la
6 page 2... 208, vers la fin, il recommande que des enquêtes additionnelles
7 puissent être menées sur les violations au Rwanda, et ceci, par des
8 experts. Donc, à la fin de la page 208, la colonne de gauche parle des …
9 (inaudible) qui font preuve d’un d’indépendance et d’impartialité à
10 l’instar de l’équipe qui avait rendu visite au Rwanda en 1993.
11 Q. A-t-il eu des conclusions regardant l’autorité de facto de l’Akazu dans ce
12 document ?
13 R. De manière générale, vous vous rendrez compte qu’il a fait allusion à la
14 commission internationale, et ceci, à partir de la page... du paragraphe
15 4, et au paragraphe... On parle des massacres des populations civiles,
16 des menaces de mort et des assassinats politiques qui ont été perpétrés.
17

18

19 Je suis désolée, mais je ne retrouve plus le passage auquel je voulais me


20 référer. Il s’agit d’un passage où il a fourni sa propre analyse de la
21 situation. Il a dit qu’il n’a pas recueilli suffisamment de preuves pour
22 montrer qui étaient les auteurs de ces violations. Mais il a montré
23 également qu’il y avait… qu’il y avait un réseau parallèle qui existait,
24 concomitamment au réseau officiel ou public.
25 Q. En examinant la page 202, paragraphe 8, pouvez-vous expliquer la
26 teneur de ce paragraphe à la Chambre ?
27 R. Il s’agit de l’une de ses recommandations ; il demande à toutes les
28 organisations qui sont responsables des actes de violence d’être
29 démantelées ; il a parlé d’une organisation connue sous le nom
30 d’Amasasu dont on n’a pas parlé souvent — Amasasu : M-A-A-S-U-S-U
31 (sic).
32 Q. Regardez la page 205, au paragraphe 4, lorsque vous nous parlez de son
33 évaluation de votre travail.
34 R. Le paragraphe 4, oui, là, il formule un commentaire sur les Escadrons de
35 la mort, il est vrai que plusieurs personnes ont continué à être
36 massacrées dans des circonstances étrangères ou singulières, et il y est

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1 également indiqué qu’il pense que ceci serait l’objet de la commission


2 internationale d’enquêtes, et il donnait l’impression également que c’est
3 le Gouvernement qui était à l’origine de ces relations, et que cette
4 situation devait être clarifiée pour pouvoir déterminer les responsabilités
5 de ces massacres.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Madame le Président, je voudrais verser ce document aux débats.
8 Mme LE PRÉSIDENT :
9 Madame Ntilatwa, quelles sont les pièces qui ont été versées au dossier
10 aujourd’hui ?
11 Mme NTILATWA :
12 Honorables Juges, nous avons reçu un curriculum vitae, mais c’est un
13 document qui avait déjà été versé au dossier précédemment comme
14 étant la pièce P. 2. Donc, nous ne lui avons pas affecté une cote
15 aujourd’hui.
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 Donc, donnez-nous les pièces auxquelles vous avez affecté des cotes
18 aujourd’hui.
19 Mme NTILATWA :
20 Oui. Le document du Sénat, ce serait la pièce P. 42.
21 Mme LE PRÉSIDENT :
22 Ce document porterait donc la cote P. 43.
23 Mme LE JUGE KHAN :
24 Le CV porterait quelle cote ?
25 Mme LE PRÉSIDENT :
26 Vous dites « P. » Combien ?
27 Mme NTILATWA :
28 « P. 42 ».
29

30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Le document du Sénat. Le document suivant porterait donc la cote P. 43.
32 Et le CV ? Qu’est-ce qui manque alors comme pièce, Madame le
33 Procureur ?
34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 Le rapport de la commission internationale.
36 Mme LE PRÉSIDENT :

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Donc, cette nouvelle pièce serait donc le CV qui porterait une cote
2 temporaire de « P. 42 », ensuite le rapport de la commission
3 internationale, « P. 43 » et la lettre du Sénat « P. 44 », et le document...
4 le dernier document « P. 44 » (sic).
5

6 Manque-t-il un document ?
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Non.
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Nous terminerons avec l’audience du greffier. Nous voulons d’abord nous
11 assurer que toutes ces pièces sont bien en ordre.
12

13 (Admission des pièces à conviction P. 42, P. 43, P. 44 et P. 45)


14

15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Je vous remercie, Madame le Président.
17 R. Je voudrais juste ajouter un point... un point pour... un point
18 d’éclaircissement. Le dernier paragraphe, c’est-à-dire le paragraphe 4, à
19 la page 215, fait partie de la réponse officielle du Gouvernement
20 rwandais, et cela n’était pas très clair dans mon commentaire. Donc, il
21 importe qu’on note que les critiques ne viennent pas du rapport spécial,
22 mais des critiques faites par le Gouvernement rwandais lui-même.
23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Q. Nous allons passer à un autre domaine.
25

26 Tout d’abord, dites-nous quelle a été la réaction de l’Akazu face à


27 l’avènement du multipartisme.
28 Mme LE JUGE KHAN :
29 Veuillez répéter votre question.
30 Mme KAGWI-NDUNGU :
31 Q. Quelle est la réaction de l’Akazu face à l’avènement du multipartisme ?
32 R. Bien sûr, l’Akazu s’est senti menacé, ses membres ont compris qu’il y
33 avait possibilité de perdre le pouvoir.
34

35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Q. Quand vous dites « ils », à qui « se » référez-vous ?

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1 R. Nous parlons de l’Akazu, mais également, de manière générale, la


2 direction du MRND. Et dans… à cet égard, cela explique les critiques
3 dont nous avons parlé ce matin. La personne qui a écrit un pamphlet et
4 qui a dit à Habyarimana qu’il quittait son parti parce que ses espoirs
5 étaient déçus. Donc, dans le contexte de ces rivalités entre les partis, le
6 MDR a mis en place une aile jeunesse, le MRND a créé son aile jeunesse,
7 et à la fin, chaque parti avait son aile jeunesse ; et ces ailes jeunesses se
8 sont engagées dans des activités de violence, des actes de violence
9 agressifs, parfois, des actes de violence pour se défendre, pour défendre
10 leurs propres membres et leurs dirigeants.
11

12 Ce qui faisait la distinction entre la milice du MRND et les autres milices,


13 c’est que cette milice a pu bénéficier d’entraînements militaires. C’est
14 donc... Cela ne… ressemblait à un groupe de bandits qui a pu avoir
15 accès à certains entraînements de manière agressive et défensive, avec
16 la participation des éléments de l’armée qui leur avaient été envoyés
17 pour les assister.
18

19 Les autres parties n’ont jamais pu réaliser ce genre d’organisation


20 formelle et n’ont jamais pu bénéficier de cette formation ou de ces
21 entraînements officiels, à l’instar de la milice des Interahamwe connue
22 sous le nom d’Interahamwe. Et c’est cette organisation qui est devenue
23 très importante ou qui a joué un rôle crucial pendant le génocide.
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Q. Pouvez-vous nous parler des autres milices ?
26 R. Des partis… En mars 1992, un nouveau parti a été créé comme la
27 Coalition pour la défense de la République — CDR ; sa base... la base
28 géographique de son pouvoir est la même base que celle du MRND,
29 c’est-à-dire le nord-ouest.
30

31 Sur le plan idéologique, son principe... dans le principe, son idéologie est
32 encore plus évoluée d’un cran que celui du MRND. C’était appelé « le
33 Hutu-Power ». Puis, il y avait les Impuzamugambi qui, occasionnellement
34 ou fréquemment, sur le temps, ont coopéré avec le MRND et les
35 Interahamwe. Donc, les deux ailes de jeunesse ont travaillé en étroite
36 collaboration.

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1 Q. Pouvez-vous nous épeler « Impuzamugambi » ?


2 R. I-M-P-U-Z-A-M-U-G-A-M-B-I, « Impuzamugambi ».
3 Q. Pour aller plus loin sur ce qui nous occupe, pouvez-vous nous dire dans
4 quel contexte les Interahamwe ont été créés ?
5 R. C’était dans un contexte de rivalité entre partis. Lorsque la rivalité entre
6 les Hutus était une force déterminante, c’était « cela » que cette
7 organisation a été créée.
8

9 En mars 1992, ils sont devenus une force virulente pour les massacres
10 inter-ethniques. Les Interahamwe ont été utilisés pour tuer les Tutsis
11 dans une région appelée le Bugesera
12 — B-U-G-E-S-E-R-A — en mars 1992.
13 Q. Connaissez-vous le document qui traite de la création des Interahamwe ?
14 R. J’ai vu un certain nombre de documents traitant de la création et de
15 l’organisation des Interahamwe.
16 Q. Avez-vous le classeur sous les yeux, Madame ? Je veux que nous nous
17 reportions à la page 12... de la page 12 à la page 28. Ça, c’est la
18 traduction anglaise du document de la page 9 à 26.
19

20 Connaissez-vous ce document, Madame ?


21 R. Oui.
22 Q. Connaissez-vous l’auteur de ce document ?
23 R. Oui. Je le sais.
24 Q. Et pouvez-vous expliquer cela à la Chambre ?
25 R. Ce document est écrit par Anastase Gasana, mais avant d’aller plus loin,
26 je voudrais relever une autre erreur de traduction ici. Dans le titre de la
27 langue anglaise, le titre dit : « Interahamwe hamuza » ou les partisans
28 de la ligne dure du MRND. C’est inexact. Si vous regardez la version
29 française, vous verrez qu’il s’agit des partisans de la ligne dure du
30 MRND.
31

32 Ainsi, le document est produit par le MRND pas le MDR. Il y a une erreur
33 faite par le traducteur.
34

35 Anastase Gasana, l’auteur de ce document, était un membre actif de


36 l’administration publique qui, initialement, recrutait les éléments

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1 prometteurs au sein du MRND, en raison du mécontentement dont nous


2 avons déjà parlé aujourd’hui. Il a... Il a fait... Il est... Il a fait défection et
3 est parti rejoindre le MDR. Il prônait les idéaux du MRND, c’est-à-dire les
4 points de vue d’un homme du CERAI du MRND.
5 Q. (Intervention non interprétée)
6 R. J’ai confirmé avec lui et il a affirmé qu’il était l’auteur de ce document.
7 Q. En prenant la page 15 de ce document, le document en langue anglaise,
8 s’entend...
9

10 Accordez-moi juste une minute.


11

12 Page 15 du classeur.
13 Mme LE JUGE KHAN :
14 (Intervention non interprétée)
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Page 15 du classeur.
17 Q. Avez-vous cette page, Madame, sous les yeux ?
18 R. (Intervention non interprétée)
19 Q. Sur cette page, il parle de ce qu’il a appelé les cerveaux de ceux qui
20 recrutaient les civils. Est-ce que vous connaissez cette liste ?
21 R. Oui, je la reconnais.
22 Q. Et compte tenu de votre connaissance de la région et de ce qui se
23 passait au sein des Interahamwe à cette période, que pouvez-vous dire à
24 la Chambre concernant cette liste de personnes ?
25 R. L’auteur était bien placé pour savoir ce dont il parlait, ses conclusions
26 confirment les conclusions tirées de la déclaration des différents témoins
27 au cours de la période, et cela m’indique qu’il a cité clairement les
28 personnes impliquées dans ces actes malveillants, il s’agit des
29 Interahamwe.
30 Q. Voyons la composition de ces groupes. Est-ce que vous pouvez les
31 caractériser comme appartenant à l’Akazu ?
32 R. Certainement, la plupart d’entre eux... Il y a le nom de Mathieu
33 Ngirumpatse, ceci peut être sujette à caution parce que c’est quelqu’un
34 qui est issu de l’extérieur de la région donc n’aimerait pas s’identifier
35 avec... mais vous avez des cas probants comme Ferdinand Nahimana.
36 Ferdinand Nahimana qui n’était pas reconnu en tant que tel comme

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 82


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 membre de l’Akazu. Mais les membres du noyau dur de l’Akazu sont ici.
2 Q. Est-ce le document que vous avez exploité pour former votre opinion qui
3 se trouve dans vos écrits ?
4

5 Je voudrais verser ce document aux débats sous la cote...


6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 « P. 46 » ?
8 Mme MHINA :
9 Oui.
10

11 (Admission de la pièce à conviction P. 46)


12

13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Q. Dans votre rapport, vous avez mentionné le terme « Kubohoza » ;
15 pouvez-vous nous expliciter ce terme ?
16 R. J’ai mentionné la rivalité qui prévalait entre les partis politiques, qui a
17 conduit à la création des ailes jeunesse ou les milices comme on les
18 appelait. La violence menée par ces milices est appelée « Kubohoza »,
19 c’est-à-dire l’attaque lancée contre les militants des autres partis.
20

21 Quelques fois, les attaques étaient physiques, quelques fois, les attaques
22 étaient sous forme de pression ou de perche tendue. Donc, ce sont donc
23 des tactiques de la main-forte pour contraindre les gens à rejoindre les
24 rangs de votre parti.
25 Q. Est-ce que ce moyen a été opéré dans la région du nord-ouest ?
26 R. Oui, ce fut particulièrement exacerbé dans les zones frontalières.
27 Kubohoza au nord-ouest était à l’interface entre la zone du MRND et
28 celle du MDR.
29 Si vous vous rappelez, ce matin, j’ai eu à parler d’une commune de
30 Kibilira qui était la commune située à la lisière de la ligne de démarcation
31 entre celle du MDR et du MRND. C’est dans ces régions que le territoire
32 était contesté. Et là où le territoire n’était pas contesté, Bushiru,
33 Kubohoza n’avait pas d’importance.
34 Q. Passons maintenant aux Accords d’Arusha. Pouvez-vous nous situer le
35 contexte et les arrangements politiques et contextuels des Accords
36 d’Arusha ?

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 83


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 R. Les Accords d’Arusha étaient destinés à mettre fin à la guerre. Il y avait


2 une série d’accords, il n’y avait pas un seul accord, une série d’accords
3 signés au cours de cette période, ici même, à partir d’août 1992 à
4 octobre 93.
5

6 Ils ont fait une tentative pour créer une base stable de partage du
7 pouvoir entre les trois groupes politiques, notamment le FPR, le groupe
8 lié à Habyarimana et un troisième groupe médiane, qui sont les autres
9 partis politiques qui constituaient l’opposition au MRND. C’étaient donc
10 les dispositifs de partage du pouvoir. L’armée était fondue. Il y avait trois
11 parties aux Accords, parce que les autres parties n’avaient pas d’armée.
12 Q. Connaissez-vous... Reconnaissez-vous la réaction de l’armée par rapport
13 à cet arrangement de partage du pouvoir entre le Gouvernement et le
14 FPR ?
15 R. Il y avait... Certains militaires étaient contre, ce sont des militaires qui
16 devaient leur allégeance politique aux partis... au Gouvernement, mais
17 les militaires associés au MRND et à l’Akazu étaient très en colère et
18 avaient opposé une résistance, et avaient opposé de persister à
19 s’opposer aux Accords d’Arusha.
20 Q. Reconnaissez-vous le document qui relevait cette réaction de l’armée ?
21 R. Nous avons certains de vos documents convaincants, des preuves
22 documentaires, à commencer par juillet 1992.
23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Messieurs les Juges, le document dans le classeur, c’est le tout dernier
25 document.
26 Q. Docteur Des Forges, avez-vous un document intitulé « Le ressentiment
27 des militaires et des civils » ?
28

29 Pouvez-vous lui remettre un exemplaire de ce document, s’il vous plaît,


30 Madame le Greffier d’audience ?
31

32 (Le greffier d’audience s’exécute)


33

34 R. Merci.
35 Q. Quel document avez-vous sous les yeux ?
36 R. Il s’agit d’une lettre, un mémorandum adressé au chef d’état-major de

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 84


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 l’armée concernant les officiers du G2, c’est-à-dire les services de


2 renseignement de l’armée ; il s’agit de... lieutenant-colonel Anatole
3 Ndasingwa (sic). C’est un document qui décrit la réaction de l’armée,
4 ceux qui étaient étroitement associés à l’Akazu et ce centre du pouvoir
5 qui entendait garder le pouvoir.
6 Q. Quelle est la langue dans laquelle ce document est rédigé ?
7 R. Ce document a été rédigé en français.
8 Q. Je vais donner au témoin un exemplaire en français. Il s’agit du
9 lieutenant-colonel Nsengiyumva Anatole. [Pour la Sténo,
10 « Nsengiyumva » : N-S-E-N-J-I-Y-U-M-V-A (sic). Anatole Nsengiyumva].
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 Si vous voulez verser ce document, il faudra donner une copie dont
13 l’original est le français au...
14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Je suis informée que nous avons donné au Greffe un exemplaire en
16 français, mais nous avons donné la traduction anglaise aux Juges, mais
17 le Greffe a l’original qui est en français.
18 Mme LE PRÉSIDENT :
19 Il s’agit... Voilà, vous avez maintenant les versions française et anglaise
20 du même document.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Q. Avez-vous exploité ce document auparavant ? Que pouvez-vous nous
23 dire concernant l’authenticité de ce document ?
24 R. Il s’agit clairement d’un document authentique, la version française
25 porte le papier en-tête, le document se classe dans une série de
26 gouvernement... une série de documents retirés des archives de l’armée
27 rwandaise acquis au Rwanda.
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 Q. De quelle manière ces documents ont été retirés des archives militaires ?
30 R. En 2001. Je...
31 Q. Est-ce que les autorités militaires ont donné volontairement ce document
32 ou bien est-ce qu’une requête leur avait été adressée ? Mais de quelle
33 manière vous avez obtenu ce document ?
34 R. Madame le Président, un journaliste anglais qui était en visite au Rwanda
35 avait demandé accès au... accès aux archives, et pourtant, le TPIR
36 n’avait pas eu accès à ce document. Donc, ce journaliste avait accès à

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 85


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 ces documents que nous avions pu vérifier et qui sont versés aux débats
2 devant les Chambres du Tribunal.
3 Mme KAGWI-NDUNGU :
4 Q. Avant de discuter de la teneur du document, pouvez-vous nous dire si ce
5 document revêt une importance politique ?
6 R. Ce document revêt une importance extraordinaire pour deux raisons : Il
7 y avait une mise en garde lancée à Habyarimana, les officiers militaires
8 associés à l’Akazu ont mis en garde Habyarimana que, s’il poursuivait les
9 négociations en vue d’un accord, il serait renversé, cela indique le
10 sérieux avec lequel ces officiers s’opposaient au processus de paix
11 engagé.
12

13 La deuxième importance, c’est une mise en garde claire que, si le


14 processus se poursuivait, il y aurait deux résultats : Un, la population
15 civile va se soulever pour tuer les Tutsis. Et contrairement à toute... à
16 d’autres documents, où on se référait aux Tutsis par des mots codés,
17 « Inkotanyi » etc., ce document dit expressément « nous tuerons les
18 Tutsis ».
19

20 Puis, la deuxième implication, c’est que les officiers de l’armée tueraient


21 les politiciens qui, à leurs yeux, étaient responsables des négociations. Et
22 c’était exactement le programme qui a été exécuté le 7 avril.
23 Q. Pouvez-vous souligner... identifier dans la lettre là où la mise en garde a
24 été adressée à Habyarimana ?
25 R. Un endroit, c’est à la page 3 du français, mais pour l’anglais, je vais vous
26 le dire, c’est sous la rubrique le... l’alinéa B), donc là où on a parlé de
27 Kubohoza, au paragraphe 2
28 — entre parenthèses —, juste au-dessus du numéro 3 : Point de vue
29 personnel. Vous le verrez également... C’est plus facile, si je donne
30 lecture du français. Et je vais voir si je peux le trouver, afin que je puisse
31 faire le rapprochement entre le français et l’anglais.
32

33 J’ai également remarqué que certains officiers qui ne prenaient pas


34 partie mais disaient que, si le Président ne défendait pas les siens,
35 c’est-à-dire ceux qui le suivaient, s’il ne défendait pas les siens en temps
36 voulu, pour les protéger contre les partis pro ennemis, c’est-à-dire ceux

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 86


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 associés avec le MRND... — la traduction n’est pas très bonne en effet —


2 s’il défend seulement ses propres intérêts en oubliant ceux de la nation
3 et en abandonnant ceux qui l’ont appuyé jusqu’ici, eh bien, s’il ne... s’il
4 manque de se rendre compte de la situation des hommes honnêtes, il va
5 se retrouver tout seul. Parce que personne ne voudra mourir pour
6 quelqu’un qui ne se bat pas pour eux. C’est là un premier endroit.
7

8 Il y a d’autres endroits dans la lettre où des menaces ont été adressées


9 distinctement au Président et au Premier Ministre. Il y a d’autres sections
10 auxquelles j’ai fait référence concernant les menaces proférées contre la
11 population civile tutsie. C’est dans le paragraphe... paragraphe A, à la
12 première page : « Les Accords d’Arusha ».
13

14 Et la fin, tout au bas de cet autre paragraphe, les gens ont peur de tout
15 ceci ; certains disent même qu’ils vont immédiatement fuir à l’arrivée
16 des Inkotanyi, c’est-à-dire qu’avant de prendre la fuite, ils allaient
17 massacrer les Tutsis.
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Voilà, cela met fin à cette pièce à conviction à… Nous allons donc verser
20 ce document aux débats comme pièce à conviction portant la cote...
21 Mme MHINA :
22 « P. 47 ».
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 « E » pour l’anglais et « F » pour le français.
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 Merci.
27

28 (Admission de la pièce à conviction P. 47 E et F)


29

30 Q. Est-ce que l’attitude des officiers de l’armée a continué de la même


31 manière, de ce groupe en particulier ?
32 R. Oui, leur attitude s’est poursuivie et est devenue même plus forte, suite
33 à la signature de l’Accord. Mais ce document a été émis peu avant la
34 signature de l’Accord. Mais après que l’Accord a été signé en août, le
35 chef d’état-major de l’armée a distribué à tous les militaires sous ses
36 ordres directs un document qui est intitulé « La définition de l’ennemi ».

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 87


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Et ce document inclut des portions qui insistent que ce document devrait


2 être défini, c’est-à-dire que ce document définissait l’ennemi en
3 établissant l’équation entre le FPR et le Tutsi.
4

5 Et cela revêtait une importance capitale au moment du génocide où il a


6 été dit aux citoyens qu’ils se défendaient, qu’il s’agissait d’un effort
7 d’autodéfense. Et l’ennemi contre lequel ils se défendaient comprenait
8 les civils tutsis aussi bien que les combattants du FPR, il n’y avait eu
9 aucune distinction faite entre les deux.
10 Q. Avez-vous vu ce document portant définition de l’ennemi ?
11 R. (Intervention non interprétée)
12 Q. Était-il l’un des documents que vous avez exploité lorsque vous étiez...
13 vous travailliez au sein de la commission internationale ?
14 R. Oui.
15 Q. Prenons le document dans le classeur, ce sera le document... pages 48 à
16 61.
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 Madame le Procureur, pour l’avenir, si vous avez les documents dans
19 une langue... dans les deux langues, il ne faut pas décider de votre
20 propre chef le document à communiquer aux Juges.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Lors des questions d’intendance, je vais y prêter attention, Madame.
23 M. LE JUGE MUTHOGA :
24 (Intervention non interprétée)
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 Pages 48 à 61 dans le classeur. Ça, c’est le document qui se trouve en
27 français et en anglais, dont la traduction ne me paraît pas très claire.
28 Dans le classeur, il y a une traduction qui est faite, c’est le document qui
29 apparaît... qui apparaît juste après le document réseau zéro.
30 Q. En regardant ce document, que pouvez-vous dire à la Chambre, eu égard
31 à son authenticité ?
32 Me PHILPOT :
33 Je m’excuse. Je suis désolé, je n’ai pas trouvé ce document.
34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 Dans le classeur, page 48, en français.
36 Me PHILPOT :

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 88


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Merci.
2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 « 48 », manuscrit.
4 Me PHILPOT :
5 Je vais le retrouver.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Q. Pouvez-vous répondre à ma question, Madame le Témoin, en ce qui
8 concerne l’authenticité de ce document ?
9 R. Il s’agit clairement d’un document authentique, eu égard à sa
10 présentation. Mais nous n’en avons pas eu confirmation parce que les
11 militaires rwandais, comme toutes les... comme tous les militaires, ils
12 ont... À l’angle droit de la page 48, il y a un numéro, 37G44. Et j’ai vu le
13 document qui suit celui-ci comme portant le même numéro de série, sauf
14 que c’est le point 5 à la même date et parlant du même sujet. Cela
15 confirme, à mes yeux, l’authenticité de ce document.
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 Q. Quelle est la source de ce document, Madame ?
18 R. Madame le Président, ce document a été distribué à l’époque par le chef
19 du... c’est... de l’état-major de l’armée et qui a insisté que ce document
20 soit distribué, et ce document est tombé dans les mains de l’opposition
21 qui l’a rendu public. Mais comme je l’ai dit, ceci est prouvé par le fait que
22 le document qui suit correspond à la numérotation de l’archiviste de
23 l’armée.
24 Q. Avez-vous été en mesure de voir les archives vous-même ?
25 R. Madame le Président, j’y ai travaillé brièvement, j’ai travaillé à l’intérieur
26 brièvement... à l’intérieur de la bibliothèque brièvement, mais je n’ai pas
27 pu consulter les archives.
28 Mme KAGWI-NDUNGU :
29 Q. En regardant ce document — et en anglais, au paragraphe 4, c’est le
30 même paragraphe qu’en français —, il est dit que ce document devait
31 avoir une large diffusion. Savez-vous si ce document a été distribué le
32 plus largement « que » possible ?
33 R. C’est là mon entendement, que ce document a été distribué. Il est
34 important de dire que, même au moment où les négociations se
35 poursuivaient, il y avait un groupe de personnes des deux cotés qui
36 n’étaient pas « satisfaits » du processus de paix. Ainsi, la crainte...

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 89


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Mme LE JUGE KHAN :


2 Q. Qu’entendez-vous dire par « les deux côtés » ?
3 R. Du côté FPR et du côté du Gouvernement rwandais. Donc, les Accords
4 d’Arusha représentaient un compromis qui n’était pas du goût de tout le
5 monde. Donc, ce n’est pas seulement un côté qui s’opposait aux
6 Accords, mais il y avait des partisans de la ligne dure des deux cotés. La
7 résultante est que cette lettre émanant du chef d’état-major est
8 distribuée à ses militaires pour dire « ne comptez pas sur les
9 négociations, et parce que vous ne devez pas compter sur les
10 négociations, vous devez savoir qui est votre ennemi ». Et c’est dans ce
11 contexte qu’il a ordonné que ce document soit diffusé le plus largement
12 « que » possible.
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Q. Savez-vous si le document a été largement diffusé, tel que requis ?
15 R. Je ne suis pas sûre que ce document ait atterri dans les mains de tous les
16 militaires, mais ça a été distribué.
17 Q. Est-ce que ce document est parvenu à des personnes qui ne sont pas
18 militaires ?
19 R. Oui, c’est comme ça que le document a été rendu public.
20 Q. Quel est l’impact de cette lettre au cours de cette période, notamment
21 en septembre 1992 ?
22 R. Il a... Cette lettre a accru la crainte des Tutsis et la sensibilité de toutes
23 les parties à la composante ethnique de la lutte commune. Et je vais
24 attirer votre attention ne serait-ce que sur quelques éléments.
25

26 Il y a le titre à la page 49, en français. Je suis désolée, je n’ai pas la page


27 correspondante en anglais. Je ne sais pas ce que cela dit. En page 65,
28 pour la version correspondante en anglais.
29

30 Sous la définition donnée à l’ennemi, l’ennemi est décrit comme étant un


31 Tutsi d’un certain type, le Tutsi à l’intérieur et à l’extérieur du pays qui
32 n’a pas reconnu les gains de la Révolution de 1959. Et juste en-dessous
33 de cela, l’ennemi... le milieu de l’ennemi, l’environnement de l’ennemi,
34 le milieu dans lequel l’ennemi est recruté. Il y a huit catégories citées,
35 quatre étant identifiées comme étant tutsies. Des étrangers mariés à des
36 Tutsis, Tutsis dans le pays, réfugiés. Vous avez, à l’époque, les Tutsis à

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 90


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 l’intérieur du pays mariés à des étrangers, et il y avait également


2 d’autres Tutsis, des... (inaudible) terme que l’on utilisait. Il y avait toute
3 la population tutsie, ceux qui sont à l’intérieur du pays, ceux qui sont à
4 l’étranger également.
5 Mme LE PRÉSIDENT :
6 Q. Cela inclut-il également tous les ennemis ou seuls les Tutsis sont pris en
7 compte ici ?
8 R. Madame le Président, je vous remercie pour votre question. Cela inclut
9 également les Hutus qui sont mécontents et qui ne sont pas satisfaits du
10 Gouvernement, c’est-à-dire les personnes qui ont rejeté le MRND et qui
11 ont choisi une autre ligne politique. Je vais vous reporter à ce que je
12 considère comme étant un passage extrêmement important.
13

14 Tout d’abord, à la fin du document, les avantages aux Tutsis ; nous


15 allons voir ici... référence...
16 Q. Que veut dire « NRA » ?
17 R. Le NRA représente un acronyme pour l’armée ougandaise. Les réfugiés
18 tutsis qui avaient organisé, en octobre 1990, l’attaque représentaient le
19 tiers pour... étaient, pour le tiers, des soldats ougandais.
20 Me PHILPOT :
21 J’ai une objection ici, car l’on a mal lu le texte. Tout d’abord, dans le
22 premier document, dans le premier paragraphe que le docteur Des
23 Forges nous a lu, elle a mal lu ce passage. Elle a dit, lorsqu’elle a parlé
24 des Tutsis, elle a dit « et ne reconnaissent même pas les gains de la
25 Révolution sociale », c’était plutôt « les réalités de la Révolution
26 sociale ». Et ensuite, si je ne m’abuse, la liste des personnes qu’elle nous
27 cite dit ce qui suit — je ne pense pas que cela nous ait été lu :
28 « L’ennemi, leurs militants étaient recrutés parmi ces groupes sociaux
29 suivants. » Et l’on cite ensuite ces groupes. Je pense que cela est
30 important, il faudrait qu’on nous lise cette partie.
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Q. Pourriez-vous lire le passage tout entier pour éviter tout quiproquo ?
33 R. Très bien.
34

35 « Définition de l’ennemi. [En début de page] L’ennemi est sous-divisé en


36 deux catégories : Le premier ennemi et les partisans de l’ennemi.

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 91


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 [Sous-paragraphe 1] Le principal ennemi est le Tutsi à l’intérieur et à


2 l’extérieur du pays qui est extrémiste, qui est nostalgique du pouvoir. »
3 Mme LE JUGE KHAN :
4 Q. Lisez-vous la version anglaise ?
5 R. Je suis désolée, car je fais de la traduction. Je n’ai pas confiance en la
6 traduction. Toutes mes excuses, Madame le Président, Honorables Juges.
7

9 Je vais donc lire la version anglaise :


10

11 « L’ennemi peut être sous-divisé en deux catégories : L’ennemi primaire


12 et le supporter de l’ennemi. L’ennemi primaire, c’est le Tutsi extrémiste
13 à l’intérieur du pays, à l’étranger, nostalgique de pouvoir et qui n’a
14 jamais reconnu, qui ne reconnaît toujours pas les réalités de la
15 Révolution sociale de 1959 et qui veut un regain du pouvoir au Rwanda
16 par tous moyens possibles, et inclut, en passant par les armes. »
17

18 Et la deuxième partie à laquelle je me suis référée : « L’environnement


19 du... de l’ennemi, les groupes de recrutement, l’ennemi et les recrues »,
20 en page 66 de la version anglaise.
21

22 « L’ennemi, leurs supporters sont principalement recrutés parmi les


23 groupes sociaux suivants : Réfugiés tutsis, le RNA, les Tutsis au sein du
24 pays, les Hutus qui ne sont pas contents du régime en place, les
25 chômeurs au Rwanda et ailleurs, les étrangers mariés aux Tutsis et tous
26 les criminels de façon générale. »
27

28 Et j’ai fait un autre... un autre point auquel j’allais me référer avant que
29 le Conseil de la défense ne demande plus de précision et ne demande
30 que l’on relise ces passages. Il s’agit de la fin du document. Le
31 paragraphe C) en page 79 de la version anglaise : « Les forces de
32 l’ennemi. »
33

34 Je ne n’arrive pas à lire la version anglaise. Je devrais donc lire ce


35 passage en français.
36 Mme KAGWI-NDUNGU :

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 92


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Q. Veuillez lire ce passage en français, je vous prie.


2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 Q. Veuillez nous indiquer la page de la version française.
4 R. La page 60. « Atouts et faiblesses de l’ennemi (portion non interprétée).
5 Les atouts : Atouts politiques de l’ennemi. »
6

7 Et juste en-dessous, nous avons le quatrième tiret : « (Début de la


8 citation inaudible)… avec une même idéologie politique qui est... qui est
9 l’hégémonie tutsie [l’hégémonie tutsie, dit le témoin] ».
10

11 Et ensuite, il y a un autre passage, une phrase très courte en fait qui me


12 semble être d’une grande importance.
13

14 Toutes mes excuses, car je ne m’y retrouve pas, je vais paraphraser ce


15 passage. Dans ce passage, l’on dit, de façon ramassée, que ce qu’essaie
16 de faire l’ennemi, c’est de se référer aux problèmes sociaux
17 économiques pour essayer de distraire l’attention et de détourner
18 l’attention des problèmes ethniques.
19

20 Je ne voudrais pas que la Chambre perde son temps, je vais localiser ce


21 passage, et je vais vous y reporter plus tard. Mais le point important ici...
22 Me PHILPOT :
23 Objection, il faudrait que nous retrouvions ce passage car, sinon, je ne
24 puis suivre si je n’ai pas le texte.
25 R. Très bien, cela me prendra une petite minute.
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Q. De quoi s’agit-il ?
28 R. C’est un passage, Madame le Président, dans lequel l’on dit que la
29 stratégie de l’ennemi, c’est faire une diversion, diversion d’attention de
30 la part de la population, ne plus parler des problèmes ethniques et se
31 reporter aux problèmes sociaux économiques.
32

33 Mme KAGWI-NDUNGU :
34 Madame le Président, Honorables Juges, peut-être, je vais passer à ma
35 question suivante, et nous allons revenir sur ce point pour l’étayer.
36 Q. Veuillez dire à la Chambre quels ont été les impacts de ce document au

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1 Rwanda à l’époque, en dehors du contexte militaire.


2 R. J’ai retrouvé le passage, la page 56 de la version française. Je vous
3 remercie pour votre patience. Ce qui correspondrait...
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Veuillez lire la version française, les interprètes vont traduire. De toutes
6 les façons, la version anglaise est très mauvaise.
7 R. Un, deux, trois, quatre, le cinquième tiret en page 56 : « Détournement
8 de l’opinion nationale du problème ethnique vers le problème
9 socioéconomique entre les riches et les pauvres ».
10

11 Ainsi donc, cela veut dire, de façon ramassée « ne vous plaignez pas de
12 l’Akazu, ne vous plaignez pas de ce groupe qui contrôle les richesses,
13 alors que, vous autres, vous êtes de plus en plus pauvres. Veuillez vous
14 pencher sur les véritables problèmes, c’est-à-dire les Tutsis. » Et ils
15 disent ici que les Tutsis essaient de faire digression, et ils parlent des
16 problèmes socioéconomiques. Donc pour vous montrer ce corollaire
17 entre l’élément ethnique et le contrôle des richesses socioéconomiques
18 et politiques du système.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 Madame le Président, Honorables Juges, je voudrais verser ce document
21 aux débats comme pièce à conviction.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Quelle sera... Quelle serait la cote du document ? « P. 48 » ?
24 Mme MHINA :
25 « P. 49 », « P. 49 ».
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Et quel est le document P. 48 ?
28 Mme MHINA :
29 Le document militaire en français.
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Non, nous avions dit que nous allions garder la même cote pour l’anglais
32 et le français, « E » et « F ».
33 Mme MHINA :
34 Donc, c’est la pièce P. 47 ?
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Non, c’est la pièce P. 48.

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

2 Madame le Procureur, vous voudrez bien vérifier tout cela à la fin de


3 l’audience.
4 Mme KAGWI-NDUNGU :
5 Je le ferai.
6

7 Ce document donc... Ce document sera la pièce P. 49, « E » pour


8 l’anglais, « F » pour le français.
9 M. LE JUGE MUTHOGA :
10 « P. 48 ».
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 Vous avez deux documents. Il s’agit donc de deux documents, l’un qui
13 émane de l’autre. Je ne pense pas que nous ayons besoin des deux.
14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Dans le classeur, c’est « la » page 48 à 61.
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 Veuillez vous assurer que le greffier dispose bien des copies afférentes.
18

19 (Admission de la pièce à conviction P. 48)


20

21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 Q. Sur la base de la connaissance que vous avez de la région, sur la base de
23 vos études, pensez-vous que cette attitude à l’endroit des Tutsis est...
24 prévalait à l’époque ?
25 R. Prévalait, je ne sais pas. C’était le point de vue d’un tout petit groupe de
26 personnes qui essayaient vigoureusement de le propager.
27

28 Ce que nous avons ici, ce sont les accusations des... de ceux qui faisaient
29 de la propagande ; à l’époque, c’était la RTLM. Ces accusations ont été
30 approuvées par le gouvernement en place. La hiérarchie militaire
31 circulait donc l’information selon laquelle l’ennemi, c’est le Tutsi ; cela
32 est le vrai problème.
33 Q. Cette idée selon laquelle le Tutsi était l’ennemi a-t-elle continué pendant
34 toute cette période jusqu’en 1993 et en début de 1994 ?
35 R. Tout à fait. Cela était le cas, en mettant de plus en plus l’accent sur ces
36 faits dans la presse, à la radio, la presse écrite ; et cela a permis

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 95


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 d’atteindre un auditoire beaucoup plus important.


2 Q. Nous allons revenir un peu en arrière et parler des Accords d’Arusha. Il
3 faudrait que l’on remette les choses dans leur contexte. Veuillez dire à la
4 Chambre si, dans votre opinion d’expert, ces dispositions politiques
5 étaient plausibles.
6 R. Les personnes, à l’époque, l’ont pensé, mais cela n’était pas le cas. Et du
7 fait des circonstances historiques qui n’ont pas fonctionné d’une certaine
8 manière ; peut-être qu’avec cela, oui, cela aurait été possible.
9 Deux événements, même trois, dans l’année suivante, « a » fait rater les
10 choses. En février 1993, le FPR a attaqué. Vous étiez en milieu de
11 négociations, vous aviez un accord de paix qui était en train d’être
12 négocié, le FPR a attaqué de façon massive au mois de février 1993. Ils
13 se sont retirés « éventuellement » de leur position avancée, un
14 cessez-le-feu a été mis en place, mais l’impact politique avait été là.
15

16 C’était de... d’exercer une scission. Il y avait donc une disposition de... à
17 trois niveaux, et la première partie était mise en place. Résultat : La
18 colère, le ressentiment des politiciens au sein du pays qui faisaient partie
19 de ce troisième dispositif. Et ils commencé à se dire : « Mais quelle est
20 l’intention ? Nous sommes censés être des partenaires, et voilà ce qui se
21 passe, nous avons cette avancée militaire massive. »
22

23 L’autre impact de cette avancée militaire, ce sont les Français qui


24 protégeaient le Gouvernement rwandais, à l’époque de cette avancée,
25 qui disent : « C’en est terminé. C’en est terminé, c’est la fin. Nous
26 n’allons plus rester ici pour appuyer ce gouvernement et son armée.
27 Nous, nous ne pensons pas qu’ils peuvent s’en sortir tous seuls, et cela
28 nous coûte vraiment trop cher. » Et subséquemment, les Français ont
29 commencé à se retirer et à chercher… à chercher à négocier et
30 peaufiner l’Accord.
31

32 Il y a eu une scission au sein du MDR, le principal parti rival de


33 Habyarimana en milieu d’été, cela, étant le résultat des rivalités
34 politiques. C’était là le troisième événement, c’est-à-dire l’assassinat du
35 Président burundais. Et ce qui s’est suivi, ce sont les massacres des
36 Burundais au Burundi et des Hutus... des Tutsis au Burundi.

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

2 Cela a eu une importance capitale. Tout d’abord, le Président burundais


3 était hutu, qui avait été élu suite à des élections libres et transparentes,
4 après un long... une longue période de contrôle tutsi.
5

6 Il y avait des réfugiés au Rwanda — il y a beaucoup de corollaires —, il a


7 été tué par des militaires tutsis, et cela « qui » a amené par la suite à
8 des peurs et également à un règlement de compte parfois exagéré de la
9 part de ceux qui faisaient de la propagande du côté des Hutus. « Ils l’ont
10 fait au Burundi, ils vont le faire ici, ils vont s’accaparer le système, ils
11 vont imposer les Tutsis, et nous ne devons pas accepter cela ».
12

13 Ainsi donc, ils se sont rapprochés des Hutus au Burundi qui se sont ralliés
14 au FPR, et cela a creusé le fossé — le fossé ethnique, s’entend — et a
15 produit des massacres ethniques à cours terme également.
16 Donc, « sur » la pression de ces trois événements, de ces trois
17 circonstances, les choses se sont effondrées. À la fin de 1993, vous
18 n’aviez plus une situation politique à trois niveaux, mais à deux niveaux,
19 avec deux principaux acteurs : Ceux qui étaient du côté de Habyarimana
20 et ceux qui étaient du côté du FPR.
21

22 Et c’est dans ces conditions-là que le génocide a pu être pensable,


23 faisable et imaginable. Car sinon, les tensions internes au sein des Hutus
24 eux-mêmes, parmi les Hutus eux-mêmes, auraient pu éviter que ce soit
25 une campagne qui connaisse un succès au niveau national. Sans la
26 coalition d’une majorité des Hutus pour appuyer l’Akazu, les choses
27 n’auraient pas été possibles pour eux.
28 Mme LE JUGE KHAN :
29 Q. Docteur Des Forges, avez-vous, dans le cadre de vos recherches, fait des
30 recherches et... ou avez-vous trouvé si le FPR avait joué un rôle
31 quelconque dans le génocide ? En êtes-vous arrivée à cette conclusion ?
32 Le cas échéant, dans quelle mesure ?
33 R. Madame le Président, Honorables Juges, les allégations quant au rôle du
34 FPR, quant à l’encouragement, l’incitation active, l’assistance active des
35 massacres, des tueries... des... des Tutsis, je n’ai pas pu documenter
36 cela. Ce sont là des accusations qui ont émergé au cours de ces

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 dernières années. Moi — pardon —, et je n’ai pas mené de recherches. Je


2 n’ai pas pu le faire, je ne l’ai pas encore fait.
3 Q. Y a-t-il des raisons spéciales pour lesquelles vous n’avez pas mené des
4 recherches sur ces accusations ?
5 R. À l’époque, voulez-vous dire ?
6 Q. Oui.
7 R. À l’époque, il m’est apparu que c’était quelque chose d’illogique, car
8 pourquoi un groupe se serait insurgé pour massacrer d’autres membres
9 de leur groupe ? Cela me semblait illogique, et il n’y avait aucune
10 accusation pour corroborer cela. C’est là un fait qui est apparu plus
11 récemment et, à ma connaissance, cela n’est pas... n’était pas une
12 accusation à l’époque.
13

14 Ce que nous avons documenté, par contre, ce sont les attaques du FPR
15 et les massacres du FPR sur les Hutus. Mais le FPR avait incité les Hutus
16 à tuer les Tutsis ? Non, cela « n’avait » pas l’objet d’allégations à
17 l’époque.
18 Q. Dites-vous donc que le FPR n’a pas participé de façon active dans les
19 massacres et tueries ?
20 R. Je dis que les allégations sont des allégations récentes qui sont nées ces
21 dix... ces six derniers mois, et nous n’avons pas fait de recherches sur
22 ces allégations récentes. À l’époque, ces allégations n’avaient pas été
23 faites.
24

25 Il y avait d’autres allégations des Tutsis qui tueraient des Hutus, mais
26 pas d’allégations quant au FPR qui inciterait, qui aiderait les Hutus à tuer
27 les Tutsis. Ces allégations n’avaient pas été faites à l’époque.
28

29 M. LE JUGE MUTHOGA :
30 Q. Quand vous le dites, il y a eu des allégations à l’époque qui ont été
31 faites, selon lesquelles le FPR, également, tuait des Hutus. Avez-vous
32 mené des recherches sur ces allégations ?
33 R. Oui, Honorable Juge. Comme nous l’avons fait dans notre voire-dire, nous
34 avons donné des sources documentaires à partir du 15 avril 1994, date à
35 laquelle nous avons répondu à ces allégations.
36

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Nous avons commencé à les documenter. Nous avons publié des


2 rapports au cours de l’année 1994. Et de façon plus extensible, « nous »
3 nous sommes revenus sur la question dans notre ouvrage Aucun témoin
4 ne doit survivre.
5 Mme KAGWI-NDUNGU :
6 Q. Dans votre rapport, vous parlez de Hutu-Power. Veuillez expliquer à la
7 Chambre ce qu’est... ou ce qu’est... ce qu’était ce phénomène.
8 R. Il s’agissait... Ou j’ai décrit la disposition du parti à trois partis qui s’est
9 écroulée, qui est devenu à deux partis, et Hutu-Power faisait partie de
10 cette équation ; équation identifiée dans le cadre de l’ethnicité...
11 l’ethnicité hutue.
12 Q. Veuillez expliquer l’idéologie du mouvement Hutu-Power.
13 R. C’était une idéologie reposant sur la domination politique du groupe
14 ethnique hutu qui établissait une différent... une différence entre la
15 majorité démographique et la majorité politique, établissait un
16 corollaire : Les Hutus étaient majoritaires dans le pays, donc les Hutus
17 doivent diriger le pays ; telle était la doctrine.
18

19 Et sous cette... ce... ce fourre-tout, l’on a essayé de s’assembler contre


20 ces Hutus qui commençaient à se retirer pour rallier le MDR et les autres
21 partis politiques. C’était donc une tentative de créer une plus grande
22 unité qui accroîtrait les lignes politiques, les hostilités, le ressentiment
23 entre le nord et le sud, le MRND, le MDR, le PSD dans une certaine
24 mesure, et dire que : « Voilà, quel est le plus important dans cette
25 situation ? Le plus important, c’est le fait que vous soyez hutus ; c’est
26 cela le plus important. Ce dont vous devez vous souvenir, c’est que ces
27 types-là, de l’autre côté, ce sont vos ennemis. »
28

29 Et cela voulait dire que tout Hutu qui continuait à être du côté des Tutsis
30 était également étiqueté comme étant l’ennemi, comme nous l’avons
31 démontré dans le document auquel nous nous sommes reportés il y a
32 quelques moments.
33 Q. Ce phénomène dans les partis de l’opposition, comment se
34 représentait-il, c’est-à-dire le phénomène Hutu-Power ?
35 R. L’idéologie du Hutu-Power a été rendue opérationnelle par le système de
36 défense civile. Les personnes mettaient l’accent sur le rôle de la milice

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1 des Interahamwe pendant le génocide. Mais au-delà, il y avait une


2 structure plus vaste, et cette structure plus vaste, c’était le défense... le
3 système de défense civile.
4

5 Pourquoi avaient-ils besoin de cela, alors que la milice était là ? Car la


6 milice était bien ancrée. Ils n’incluaient personne donc, et cela veut dire
7 que les rivalités entre les partis continuaient à être importantes.
8

9 Et en outre, si vous aviez un système de défense civile, alors ce système


10 était basé au niveau
11 territorial. Vous pouviez donc recruter tout membre de la population que
12 vous vouliez. Ils sont passés de... Le noyau de ce système de défense
13 civile, c’était d’être plus opérationnel, de rendre plus opérationnel le
14 phénomène Hutu-Power : « Nous faisons tous partie d’une même force ».
15 La milice était toujours présente, mais l’unité était très importante dans
16 une armée beaucoup plus vaste.
17 Q. À présent, veuillez nous dire ce qu’était le système de défense civile,
18 comment il fonctionnait.
19 R. Le système a commencé à fonctionner après le 6 avril. Il avait été
20 implanté déjà dans des efforts de défense civile, mais la différence dans
21 ce système, après le 6 avril, était tout d’abord l’unité des forces
22 militaires et civiles et de leur contrôle. Les officiers militaires ont coopéré
23 avec les administrateurs civils pour détourner la population locale.
24

25 Ensuite, deuxièmement, la confiance donnée à certains partis politiques


26 et leur leadership, leurs dirigeants qui étaient considérés comme étant
27 pro républicains, pro République — MRND et CDR, s’entend.
28

29 Et troisièmement, la tentative d’en faire une obligation d’ordre général


30 qui dévoilait toute frontière politique.
31

32 Quatrièmement, la violence qui s’est « insurgée » contre les civils, plutôt


33 que contre le combattant, l’ennemi ; et c’est ce qui faisait de ce système
34 un système autre que l’autodéfense, la défense de la Nation. L’ennemi,
35 c’était le civil, et civil s’entend dans un groupe ethnique plutôt que
36 l’ennemi en tant que combattant.

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

2 Et à partir de 1992, lorsque les militaires avaient approuvé l’idée selon


3 laquelle les Tutsis civils faisaient partie des ennemis, alors le compte à
4 rebours avait démarré. L’effort était en cours, des civils étaient prêts à
5 tuer d’autres civils sur la base de l’appartenance ethnique.
6 Q. Connaissez-vous un document qui définit la... les efforts de défense
7 civile ?
8 R. Oui, nous avons une certaine documentation concernant l’organisation
9 de la défense civile.
10

11 Début octobre 1993 — c’était à l’époque où le... la notion de Hutu-Power


12 a été émise —, les militaires ont créé la défense civile. Et nous avons un
13 certain nombre de documents produits par les dirigeants civils et
14 militaires qui mettaient en place la stratégie de défense civile.
15 Q. En prenant le document qui se trouve dans le classeur à la page... à
16 partir de... « la » page 42 à 43. Reconnaissez-vous ce document,
17 Madame ?
18 R. Oui, je reconnais ce document.
19 Q. En raison de votre connaissance, en votre qualité d’historienne,
20 pouvez-vous nous dire ce que vous savez quant à l’authenticité de ce
21 document ?
22 R. C’est l’un de ces documents tirés des archives militaires que l’on peut
23 identifier par la... le papier en-tête et le... la numérotation des archives
24 militaires.
25 Q. Est-ce un document que vous avez étudié et exploité pour former votre
26 opinion ?
27 R. Oui, et je dirais en passant que l’auteur de ce document est le même
28 que le... l’auteur du document
29 du 27 juillet, adressé au Président, en mettant l’accent sur les tueries
30 perpétrées contre les civils. Mais au début... au début des massacres, il
31 était un... une autorité militaire à Gisenyi, au nord-ouest.
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 (Intervention non interprétée)
34 R. Les documents 44 et 45 constituent le document français.
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Q. Qui a écrit ce... Qui a retrouvé ce document ? Est-ce le journaliste ?

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1 R. Oui, c’est le journaliste.


2 Mme KAGWI-NDUNGU :
3 Q. Que pouvez-vous dire à la Chambre eu égard à l’importance de ce
4 document ?
5 R. Le document concerne la distribution d’armes aux civils. Ce document
6 parle de la distribution d’armes dans la région, mais il y a un autre
7 document qui a paru six semaines après et qui parle de la distribution
8 d’armes à une zone plus étendue.
9

10 Je soulignerais que, lorsque je parle des zones de combats, ce sont des


11 zones potentielles de combats, situées dans la partie nord-ouest du
12 pays. Nous parlons ici en temps de paix. Les Accords de paix étaient en
13 existence depuis quatre mois, et pourtant, des armes avaient été
14 distribuées par les autorités administratives.
15 Q. Que diriez-vous du type d’armes distribué aux civils ?
16 R. Ce sont des armes à feu, des armes à feu relativement simples ; mais ce
17 que nous voyons dans d’autres documents concernant la défense civile,
18 ce qu’on appelle en français « armes blanches » qui ne sont pas des
19 armes à feu, des machettes, des lances et toutes sortes d’armes qui
20 étaient utilisées efficacement contre les civils plutôt que les militaires
21 professionnels.
22 Q. Compte tenu de votre connaissance de la région, quel... quel type de
23 civils avaient été armés au cours de cette période à partir de 92 ?
24 R. Il y avait eu plusieurs distributions d’armes ; une première fois, en 1991,
25 ces armes avaient été récupérées, certaines avaient été récupérées,
26 d’autres pas ; et puis, il y a eu une nouvelle distribution fin 93, début 94.
27 Q. Vous fondant sur votre connaissance de la région, est-ce que ces armes
28 avaient été utilisées pendant le génocide ?
29 R. Assurément, des armes de ce genre avaient été utilisées pendant le
30 génocide. Plus important encore, la distribution d’armes a été
31 accompagnée par un processus de recensement. Et les gens qui ont reçu
32 les armes étaient des dirigeants communautaires, les chefs
33 d’établissements, les dirigeants de partis politiques qui étaient devenus
34 les points focaux de l’organisation du génocide lui-même.
35 Mme LE JUGE KHAN :
36 Q. D’où tirez-vous ces informations que ces personnes (sic) ont été utilisées

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1 pendant le génocide ?
2 R. Madame le Juge, ce que j’ai dit est que l’utilisation particulière de ces
3 armes, je ne saurais les documenter. Mais il y avait d’autres armes qui
4 avaient été distribuées et que l’on a recensé leur numéro de série, les
5 numéros de série des armes. Et les personnes qui ont reçu ces armes
6 sont ceux-là qui ont assumé un rôle de dirigeant.
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Q. Est-ce que ces recensements étaient faits par le gouvernement central,
9 par le préfet ou le parti au niveau local ?
10 R. Madame la Présidente, c’était fait au niveau du commandement national
11 mais exécuté au niveau local, au moment où les armes étaient
12 physiquement distribuées dans les communes, généralement.
13 Q. Où est-ce qu’on a gardé ces registres ? Était-ce au Ministère (sic) de la
14 défense ? Où ?
15 R. Les registres que j’ai localisés, je les ai trouvés dans les bureaux de
16 l’administration locale, soit au niveau des communes et dans les
17 préfectures. Et certainement qu’il y a eu d’autres registres centralisés au
18 niveau national, mais je n’y ai pas eu accès.
19 Mme KAGWI-NDUNGU :
20 Je voudrais verser ce document comme la pièce à conviction suivante.
21 Ça doit être « P. 50 » maintenant, « P. 50 ». « B » pour… « E » pour
22 l’anglais et « F » pour le français. 40, 41, 44 et 45 jusqu’à 47.
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 « P. 49 ». Oui, on vient de m’aviser qu’il s’agit de la pièce P. 49 ; « P.
25 49 », « E » pour l’anglais et
26 « F » pour le français.
27

28 (Admission de la pièce à conviction P. 49 E et F)


29

30 Mme KAGWI-NDUNGU :
31 Q. En revenant maintenant à la période allant d’avril à juillet 1994,
32 pouvez-vous nous dire l’impact qu’avait eu la mort du Président sur
33 l’Akazu, fondé bien sûr sur vos recherches ?
34 R. Je voudrais faire allusion à un autre document de la défense civile parce
35 que ce document, contrairement au document que nous venons
36 d’exploiter, ce document se réfère au rôle des communautés et des

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 dirigeants dans le cadre de la défense civile.


2

3 C’est un document intitulé « L’organisation de la défense civile » que j’ai


4 retrouvé dans le classeur noir. C’est « K0041427 ». Ici, il s’agit d’un
5 document qui fait suite aux autres documents et qui est couché sur
6 papier l’organisation du système avec la participation tant des militaires
7 que des civils, et non pas seulement la distribution d’armes à feu, mais
8 des armes blanches qui ont été distribuées, indiquant que l’union entre
9 l’administration civile et militaire était une caractéristique essentielle du
10 système.
11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 Quel est ce document ?
13 Me PHILPOT :
14 J’allais poser la même question.
15 R. Je n’ai pas la même organisation qu’elle, c’est un document qui se trouve
16 dans le classeur noir, et le titre du français… (inaudible) de l’autodéfense
17 civile... Organisation de la défense civile... et le numéro de K0041427.
18 Me PHILPOT :
19 Je n’ai toujours pas retrouvé un exemplaire de ce document.
20 Mme LE PRÉSIDENT :
21 Nous non plus.
22 R. Je suis désolée d’avoir parlé sans y être autorisée, mais il me semble
23 qu’il s’agit d’un document important.
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 C’est un document que nous avons communiqué au... à la Défense
26 samedi soir, mais c’est le... ce document ne se trouvait pas dans le
27 classeur.
28 Mme LE JUGE KHAN :
29 (Intervention non interprétée)
30 Mme KAGWI-NDUNGU :
31 Il a glissé du classeur. Nous l’avions distribué samedi soir aux Conseils
32 dans leur Chambre d’hôtel, et apparemment, ce document n’est pas mis
33 dans le classeur. Nous en avons remis une copie au docteur Des Forges.
34

35 J’ai une copie pour le Conseil.


36 Mme LE PRÉSIDENT :

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1 Si vous avez plus d’une copie, est-ce que vous pouvez m’en remettre
2 une ?
3

4 Est-ce que vous allez verser ce document aux débats ? Le témoin s’y est
5 référé.
6

7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 (Intervention non interprétée)
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 La référence nous suffirait, on n’a pas besoin donc de copies. Je ne sais
11 pas quel usage vous voulez en faire et si c’est nécessaire ou pas.
12 Peut-être que vous voudrez lui poser des questions sur ce document.
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Je vais lui poser des questions sur le document.
15 Mme LE PRÉSIDENT :
16 Maître Philpot, avez-vous trouvé ce document ?
17 Me PHILPOT :
18 Je suis en train de rechercher des documents qui ne sont pas dans les
19 classeurs ; je ne sais pas lequel dont il s’agit, mais j’ai un lot de
20 documents et je voudrais retrouver le bon.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 « Organisation de l’autodéfense civile. », en français. Et puis, il y a la
23 traduction anglaise qui y est jointe.
24 Mme LE JUGE KHAN :
25 Quel est le numéro de la série « K » ?
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 « K0041427 ». « K001427 ». « K0041227 ». « K0041427 » [nous
28 précisons].
29

30 Madame, Messieurs les Juges, j’ai un exemplaire que je pourrais remettre


31 à la Défense, et peut-être un exemplaire aux Juges.
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 Nous pouvons partager ce document. C’est en français et en anglais.
34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 La Défense a déjà reçu une copie.
36

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 105


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Remettez ces copies aux Juges.


2

3 (Le greffier d’audience s’exécute)


4

5 Q. Docteur Des Forges, vous étiez sur le point d’exploiter ce document.


6 Me PHILPOT :
7 Désolé, je ne voudrais pas gâter les choses, je ne vois pas l’authenticité,
8 j’en doute, je ne vois pas l’authenticité de ce document. J’aimerais qu’on
9 puisse mettre une date sur ce document.
10 R. En ma qualité d’historienne, nous avons quelques fois besoin de faire...
11 quelques fois, lorsque le document n’est pas évident, je vais vous dire sa
12 provenance. C’est un document saisi au moment de l’arrestation de Jean
13 Kambanda et versé dans l’archive du TPIR suite à cette saisie. Et Jean
14 Kambanda avait lui-même admis qu’il s’agissait d’un document d’une
15 grande importance que lui-même n’a pas eu le temps d’exploiter
16 jusqu’au moment de la survenue du génocide, et que sa loyauté vis-à-vis
17 du MRND n’avait pas été établie à l’époque.
18 Mme LE PRÉSIDENT :
19 Q. (Intervention non interprétée)
20 R. Madame le Président, c’est un document qui, de par sa teneur, est fondé
21 sur d’autres documents que nous pouvons fournir. Je pense qu’il y a eu
22 des échanges de lettres entre le chef d’état-major de l’armée et le préfet
23 de Kigali en avril 1994, ce qui atteste de l’authenticité de ce document.
24 Ensuite, il se réfère en sa dernière page à l’organisation d’une
25 association... le tout dernier point... le dernier point, à la page K004233...
26 numéroté page 8 ; le tout dernier point, création d’une association
27 dénommée « Association des Rwandais et... de l’association des soldats
28 démobilisés de l’armée et de la Gendarmerie rwandaise. » Ce document
29 a été publié en avril 94.
30 Q. Qui est l’auteur de ce document et dans quelle langue cette lettre a été
31 écrite ?
32 R. L’original était en français et ce document a été écrit par une autorité
33 militaire ou civile. Et comme j’ai dit, nous avons établi son authenticité,
34 non pas parce que cela comportait une signature, mais la conclusion
35 logique à ce que ce document s’insère dans la série des autres
36 documents.

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 106


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Q. Donc, nous ne connaissons pas qui étaient les auteurs et à qui c’était
2 adressé ?
3 R. D’après le contexte…
4 Q. De manière formelle, il n’y a pas… la lettre n’est pas signée et elle n’a
5 pas de destinataire. Était-ce un moyen normal de communication entre
6 les militaires et les civils à cette époque-là ?
7 R. Dans l’opération du système, oui. Au niveau local, les mémorandum
8 étaient rédigés en kinyarwanda, mais la langue était la langue française.
9 Q. À quel niveau supérieur cela se situe ?
10 R. Au niveau supérieur de l’armée. J’ai déjà dit qu’il y a un comité militaire
11 qui a été mis sur pied pour réfléchir sur la mise en place de la défense
12 civile, et je pense que c’est ce comité qui a émis ce document.
13

14 On a également responsabilisé la présidence, de même que les chefs


15 d’état-major des forces armées et les dirigeants des partis politiques. Et
16 quelqu’un a été fait... Ce document a été confectionné par quelqu’un qui
17 se trouvait dans le camp. L’importance de la défense civile pour la
18 défense de la nation... et il n’y avait aucune responsabilité attribuée au
19 Premier Ministre d’alors.
20

21 Le Premier Ministre étant identifié à l’époque comme étant une


22 personnalité qui était dans l’opposition à Habyarimana, donc elle avait
23 été exclue de ce plan. Mais les autorités militaires, le MRND et la CDR
24 étaient inclus, et la présidence également était inclue.
25 Mme LE PRÉSIDENT :
26 Vous voulez verser ce document aux débats ? Il s’agit maintenant du
27 document qui va porter la cote P. 50. « E » pour l’anglais et « F » pour le
28 français.
29

30 (Admission de la pièce à conviction P. 50 E et F)


31

32 R. Et si je puis attirer votre attention sur la page 7, le dernier point, en


33 français. « Sensibiliser les gens pour qu’ils cherchent les armes
34 traditionnelles ; lances, arcs et flèches, surtout. »
35 Mme KAGWI-NDUNGU :
36 Q. Et quel commentaire suscite ce document ou ce passage en particulier ?

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 107


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 R. La probabilité que ce genre d’armes peuvent être utiles, le FPR était


2 armé, avec des armes à feu modernes, mais la population civile, elle,
3 n’était pas armée. Donc, contre les populations civiles non armées, de
4 telles armes pouvaient être très efficaces.
5 Q. Quel impact a eu l’assassinat du Président sur l’Akazu ?
6 R. Nous en avons parlé, en ce sens que l’assassinat du Président a suscité
7 la colère et la douleur, et le départ de sa femme et des autres membres
8 de sa famille, de cette personnalité de sexe masculin du groupe Akazu,
9 en la personne de Monsieur Zigiranyirazo.
10 Q. Quel impact est-ce que cela a eu sur sa position dans sa région
11 d’origine ?
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Laissez-la répondre, s’il vous plaît.
14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Q. Elle a répondu à cette question. S’agissant de Hutu-Power, qu’est
16 devenu ce phénomène au cours de la période allant d’avril à juillet ?
17 R. C’était le groupe qui avait sous-tendu le génocide.
18 Q. Pouvez-vous expliquer davantage ?
19 R. Hutu-Power avait pour mission d’insister à ce que les Hutus soient aux
20 commandes de l’administration centrale parce que, sur le plan
21 démographique, ils étaient majoritaires ; cela également avait un
22 élément de la crainte du Tutsi. Le Tutsi est très habile et un stratège fin,
23 et que les Hutus couraient le risque de perdre le... couraient le risque de
24 perdre le pouvoir et surtout de perdre les gains de la Révolution de 1959.
25

26

27 Et ceci doit être compris non pas seulement en termes de pouvoir


28 politique, parce que la Révolution de 1950 (sic) a donné le pouvoir aux
29 Hutus mais a donné l’enjeu du pouvoir économique aux Hutus, la terre.
30

31 Et les autres formes des avantages économiques étaient la résultante de


32 la participation à la Révolution de 59. Et l’une des... l’un des idéaux de
33 Hutu-Power est que, si nous ne défendions pas la Révolution, nous allons
34 perdre et que la domination des Tutsis serait restaurée à l’image de ce
35 qui s’est passé, et que les Tutsis exerceraient le pouvoir absolu sur les
36 Hutus.

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 108


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Q. Dans votre rapport, page 28, vous avez parlé des variations régionales,
2 vous avez parlé des pratiques de tueries. Au deuxième paragraphe,
3 lorsque vous parlez des variantes régionales, vous avez dit que les
4 tueries avaient tout d’abord commencé à Kigali et dans quelques zones
5 où Habyarimana était toujours populaire.
6

7 Pouvez-vous nous expliquer comment est-ce que cela s’est passé ?


8 R. Les organisateurs étaient sûrs de leur place forte traditionnelle,
9 c’est-à-dire dans les zones où le MRND était solidement implanté. Vous
10 avez Hutu-Power comme idéologie, mais il n’était pas implanté partout,
11 en raison de ces amertumes entre le MRND et le MDR, les Hutus du sud.
12 Donc, il n’y avait pas une... un soulèvement immédiat et automatique de
13 commencer à tuer les Tutsis.
14

15 Mais le centre et le sud n’étaient... n’ont jamais été les places fortes du
16 MRND. Ce sont les derniers endroits, et donc, n’auraient pas participé au
17 génocide.
18

19 Si la communauté internationale n’avait pas donné le signal fort qu’elle


20 s’était mise à… (inaudible). Et au cours du week-end du 16, 17 et du 8
21 avril, les gens se sont soulevés en utilisant les ressources se trouvant au
22 niveau national pour semer l’idée du génocide dans ces localités qui ne
23 s’étaient pas ralliées à l’idéologie du Hutu-Power. La tuerie des autorités
24 qui ont résisté et en appâtant les résistants, et le génocide était alors
25 réalisable dans les autres parties du pays.
26

27 Mais dans les zones qui étaient considérées comme les places fortes de
28 Habyarimana, les gens avaient répondu plus promptement et dans les
29 heures qui ont suivi la nouvelle de l’assassinat du Président. Ainsi donc,
30 la dynamique reflétait l’histoire politique du pays.
31 M. LE JUGE MUTHOGA :
32 Q. Et ceci s’explique par le fait que ceux qui sont ressortissants de la région
33 d’Habyarimana le connaissaient et lui accordaient beaucoup
34 d’importance et étaient plus en colère que ceux qui étaient à la
35 périphérie et qui le connaissaient tout simplement tant comme... par son
36 effigie comme étant le Président qui a existé dans le pays étant un Hutu,

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 109


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 des leurs.
2 R. Vous avez raison, Monsieur le Juge, lorsque j’ai parlé de l’impact des
3 critiques de l’Akazu et j’ai dit que, dans le reste du pays, les critiques
4 sont devenues exacerbées, mais à Bushiru, cela a suscité plutôt un
5 ralliement autour du chef parce qu’ils défendaient un des leurs.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Q. Avant de terminer mon interrogatoire principal, je voudrais vous
8 demander si, au moment de faire votre documentation pour rédiger
9 votre rapport sur les droits de l’homme, vous pouvez nous... est-ce que
10 vous pouvez nous dire...
11 Mme LE JUGE KHAN :
12 Répétez.
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 Q. (Intervention non interprétée)
15 R. Je dirais 50 % des cas sont liés au même événement, et plus éloigné de
16 l’événement, plus cela n’apparaissait pas. Les tueries, en août 1994… À
17 l’époque, les informations étaient fraîches, les gens étaient pourtant
18 confus ; lorsque vous étiez attaqué et qu’il n’y avait rien pour faire la
19 différence, il n’y avait pas le jour du marché pour aller prier (sic), toute la
20 séquence d’événements est confondue dans l’esprit des gens, et cela est
21 comprimé dans certains cas ou bien prolongé dans d’autres.
22 Q. Est-ce que cela a affecté la substance de l’événement que vous
23 décrivez ?
24 R. Je dirais qu’il y a des variations avec les dates. Les variations des dates
25 ne prouvent pas ou ne mettent pas en cause la réalité de l’événement. Il
26 se... C’est une question qui doit être traitée à part, à un certain niveau
27 de sa signification et des nuances par rapport au fait qui peut recouvrer
28 sa validité, peu importe les dates.
29

30 À cet égard, il y a l’importance du symbolisme, les gens assignent des


31 actes symboliques, des repères dont ils se rappellent pour traduire leur
32 propre conception de ce qui se passait. Et c’est très compliqué de vous
33 parler de l’évaluation des... de la relation des faits. Est-ce que j’ai été
34 claire ?
35 Mme KAGWI-NDUNGU :
36 Oui, c’est très clair.

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1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

2 Messieurs les Juges, je n’ai plus d’autres questions à poser au témoin.


3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Merci, Madame le Procureur, pour avoir terminé votre interrogatoire
5 principal aujourd’hui.
6

7 Je vais me concerter avec mes collègues quant à savoir ce qu’il y a lieu


8 de faire par la suite.
9

10 (Conciliabule entre les Juges)


11

12 Maître Philpot, êtes-vous prêt à continuer demain ou pas ?


13 Me PHILPOT :
14 Je ne le crois pas, je dois me concerter avec mon client relativement aux
15 faits soulevés aujourd’hui.
16

17 Deuxièmement, mon client ne se sent pas bien. Et je demanderais à


18 commencer mon contre-interrogatoire lundi matin.
19 Mme LE PRÉSIDENT :
20 Il vous faudra combien de temps ?
21 Mme LE JUGE KHAN :
22 Combien de jours, plutôt ?
23 Me PHILPOT :
24 Une journée me suffirait, pas deux ou quatre jours, une journée à une
25 journée et demie. J’ai constaté que je dois m’organiser parce qu’il y a des
26 éléments nouveaux dont je n’étais pas au courant.
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Nous sommes conscients que ce n’est pas facile d’organiser votre
29 défense, d’aller au centre de détention les samedis après-midi et les
30 dimanches. Vous avez besoin dans ce cas d’une autorisation spéciale de
31 la Chambre.
32 Me PHILPOT :
33 Ce que j’ai l’intention de faire, c’est que je... Je peux le gérer, dans le
34 temps imparti... dans les délais impartis.
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Vendredi et samedi matin vous suffiront ?

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 111


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

1 Me PHILPOT :
2 Il n’y aura pas de problème, je resterai vendredi soir et vendredi
3 après-midi, si nécessaire. Et si vous me permettez de commencer le
4 contre-interrogatoire lundi matin, nous serons des plus heureux.
5 Mme LE PRÉSIDENT :
6 Madame le Procureur, avez-vous quelque chose à dire ?
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Nous n’avons pas d’objection.
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Nous ne savons pas si nous aurons la salle d’audience lundi après-midi,
11 nous ne pouvons compter que sur lundi matin et mardi matin. Donc, pour
12 faire une journée entière, vous aurez lundi matin et mardi matin.
13

14 Nous allons lever l’audience jusqu’à lundi matin à 9 heures.


15

16 (Levée de l’audience : 17 h 35)


17

18 (Pages 61 à 101 prises et transcrites par Nadège Ngo Biboum, s.o.)


19

21

22

23

24

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 112


1 ZIGIRANYIRAZO JEUDI 2 MARS 2006

2 SERMENT D’OFFICE
3

4 Nous, sténotypistes officiels, en service au Tribunal pénal international


5 pour le Rwanda, certifions, sous notre serment d’office, que les pages qui
6 précèdent ont été prises au moyen de la sténotypie et transcrites par
7 ordinateur, et que ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte
8 des notes recueillies au mieux de notre compréhension.
9

10

11

12 ET NOUS AVONS SIGNÉ :


13
14

15 ________________________ ____________________

17 Pius Onana Lydienne Priso


18

19

20 _________________________
21 _____________________
22 Françoise Quentin Nadège Ngo
23 Biboum
24

25

26

2 NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR - CHAMBRE III

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