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Maintes fois sollicités par une partie de la classe politique, des militaires ont donc fini
par mettre un terme à la VIe République voulue par Mamadou Tandja pour se
maintenir au pouvoir. La tension née de cette situation n’avait pas cessé depuis
quelques mois de se développer pour aboutir à une véritable crise politique.
Au risque de ramer à contre-courant, nous devons aisément admettre qu’il n’est pas
indispensable de croire que la force soit la solution la meilleure pour débloquer une
situation créée de toutes pièces par les seules insuffisances de la classe politique.
Le recours à l’armée est forcément dommageable pour l’Etat et pour la démocratie.
Ce coup d’Etat risque de poser plus de problèmes qu’il ne peut en résoudre, car il
renforce l’idée déjà hélas fort répandue que la force est un moyen presque banal de
réguler la vie politique du pays. De plus, il alourdit davantage encore le climat
politique en ne pouvant effacer ni les divisions ni les crispations et déplace forcément
les lignes de conflit en créant d’autres oppositions. Ce qui pourrait compliquer
considérablement l’avènement d’une réelle réconciliation nationale.
Aujourd’hui, une difficulté de taille pour les ténors de l’ancienne opposition est
d’obtenir l’arrêt des poursuites judicaires qui les visent sans donner l’impression
qu’ils instrumentalisent la justice à leur tour ! Ils doivent, en effet, se défaire de ces
accusations pour envisager sereinement les prochaines échéances électorales. Il
serait catastrophique pour la crédibilité du Niger que les autorités des Ve et VIe
républiques aient lancé des mandats d’arrêt internationaux sans éléments tangibles
pour le faire…
Le pays a besoin d’une introspection qui établira les raisons profondes de son
instabilité et démontrera l’incapacité de ses élites à produire des règles de
gouvernance partagées par l’ensemble de la population, règles ayant donc la
légitimité nécessaire pour être défendues contre tout usurpateur potentiel. Le Niger
ne s’étant jamais doté de ce genre d’institutions, il est tout à faire hasardeux de
prétendre que ce qui n’a jamais existé puisse mériter d’être aujourd’hui restauré ! La
stabilité relative observée sous les deux mandats de Tandja était due plus à un
malentendu à propos de l’alternance qu’à la qualité intrinsèque des institutions…
Les Nigériens ont besoin de voir que le pays avance vers des lendemains qu’ils
espèrent meilleurs. Que la guerre contre la malgouvernance quitte le discours pour
se répandre dans leur quotidien. Que la lutte contre la corruption institutionnalisée
soit une priorité absolue à tous les niveaux de l’Etat. Que la Justice retrouve enfin les
moyens politiques de mettre fin à la culture de l’impunité. Que le citoyen vive au plus
près les décisions qui influencent directement sa vie quotidienne. Que
l’appartenance à un groupe socioculturel ne soit ni un handicap ni un tremplin pour
réussir son projet de vie…
Abdoulahi ATTAYOUB
Temoust