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Quels miroirs de quels hommes ?

Jean-Paul Jouary, philosophe, écrivain

Introduction au colloque L’art préhistorique, miroirs de l’homme


(jeudi 19 novembre 2009, Galerie Colbert, Paris)

Parce que dans l’expression « art préhistorique » il y a art et il y a


préhistoire, la rencontre entre artistes et préhistoriens devrait aller de soi.
Or la chose est rare et c’est l’un des mérites de Jean-Paul Coussy de la
rendre possible depuis des années, comme c’est le mérite des artistes,
préhistoriens, anthropologues et philosophes qui répondent à ses
invitations d’avoir perçu la fécondité possible de cet appel. Ce n’est que
dans cette pluralité d’approches que l’on peut espérer avancer de nouvelles
questions, voire des embryons de réponses, dans le champ vaste et divers
de l’art paléolithique.

Pour ma part, n’étant ni préhistorien ni peintre mais philosophe passionné


des travaux des uns et des œuvres et réflexions des autres, je ne puis
prétendre que poser un petit grain de sel dans cet ensemble, en huit courtes
questions.

La première. Il y a plus de trente-cinq mille ans – sans doute plus de


quarante mille – il s’est produit un événement prodigieux, aussi bizarre
qu’important pour peu qu’on y réfléchisse, quelque chose qui n’était pas
inscrit avec nécessité dans le cours antérieur des choses : des êtres vivants,
nos ancêtres directs homo sapiens sapiens, ont fait exister des objets dont
l’utilité n’était pas immédiatement liée à leurs besoins vitaux
(immédiatement, car il est bien d’autres façons d’intercaler des médiations
entre nos besoins et ce qui peut les satisfaire). Ces objets mobilisent
pourtant des capacités, des moyens, du temps, des efforts sans précédent, et
ne sont pas seulement des œuvres comme ces outils que l’on produisait
depuis fort longtemps. On les qualifie de chefs d’œuvres, œuvres les plus
élevées, parce qu’elles peuvent produire sur nous (nous du paléolithique
supérieur, comme nous du XXI° siècle) des plaisirs d’un type nouveau.
Ces plaisirs sont certes liés à un bel enchevêtrement d’autres phénomènes
mentaux et intellectuels, mais ils présentent des spécificités propres à
l’esthétique, une façon bien particulière de sentir. De même qu’avoir le
plaisir de boire lorsqu’on a soif n’est pas de même nature que tirer du
plaisir d’un enchaînement de sons ou d’une organisation de traits et de
couleurs, produire un outil efficace pour gratter ou couper et en tirer une

1
satisfaction intéressée n’est pas de même nature que peindre sur une paroi
un « beau » cheval ou une « belle » vache. Bien sûr, il est devenu évident
que nos ancêtres l’ont vécu comme aussi comme une pratique utile, pour
des raisons symboliques et magiques complexes. Mais une chose est de
gribouiller une forme, autre chose est de créer une œuvre. Et c’est bien, pas
toujours mais souvent, d’œuvres d’art qu’il s’agit.

Pourquoi cette création de la création ? Comment ces formes nouvelles de


goût et de plaisir ont-elles pu apparaître ? Si ces œuvres expriment des
croyances, des sentiments, des réflexions, pourquoi ont-elles dû revêtir
cette forme esthétique si élaborée, sans rapport avec une quelconque
efficacité pratique immédiate ? Comment le sens de la beauté a-t-il pu se
former en nos ancêtres ? Ce sens est-il la conséquence de capacités
nouvelles des homo sapiens sapiens, ou bien ces capacités ont-elles été le
résultat des pratiques artistiques qu’ils ont inaugurées et généralisées ?

Ce qui apparaît nettement, au cœur même de cet art, c’est cette spécificité
humaine que Hannah Arendt résumait en quelques mots dans La condition
de l’homme moderne (chapitre VI) : « Seul (l’homme) peut se
communiquer au lieu de communiquer quelque chose ». En ce sens
général, les œuvres paléolithiques sont autant de miroirs de l’humain. Mais
quels miroirs de quels humains ?

Seconde question : quels types de miroirs ? Bien entendu ces plaisirs, ce


sentiment de « beauté », cette notion d’ « intérêt » n’ont pas pu être vécus,
ressentis et conçus il y a plusieurs dizaines de millénaires de la même
façon qu’aujourd’hui. Mais il demeure que tailler un silex pour percer le
cuir d’un fauve et graver dans la pierre des formes animales et humaines,
comme des graphismes réguliers ou des alignements de points rouges par
exemple, sont deux activités essentiellement distinctes, qui manifestent des
préoccupations et des capacités symboliques d’ordres différents. Or cela
explose littéralement sur toute la planète, partout où s’installent ou passent
nos ancêtres directs. Comment ? Pourquoi ? Au bout de quels types de
processus ? Cette quête esthétique, quels qu’en aient pu être le vécu et le
sens, manifeste l’existence d’un goût qui n’a pu, comme c’est ensuite le
cas, se former au contact des œuvres d’art environnantes qui n’existent pas
encore. D’où vient ce goût, comment a-t-il pu être engendré à si vaste
échelle et produire ces plaisirs nouveaux ? Quel rapport y voir avec les
autres modes d’expression humaine alors existants ? Mais aussi : puisque
ces pratiques artistiques ont occupé toujours et partout nos ancêtres directs
et eux seuls, ont-elles contribué à la genèse des autres particularités qui
singularisent notre espèce ? Allons plus loin : on a coutume de dire que
l’art est apparu parce que les homo sapiens sapiens possédaient des

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capacités propres qui le rendaient possible. Et si au contraire ces capacités
propres n’avaient été rendues possibles que grâce au développement des
pratiques artistiques ? Les œuvres seraient à la fois des miroirs des
hommes qui les ont créées, et ce qui les a créés eux-mêmes. L’art
paléolithique serait alors, et toujours, un enchevêtrement de miroirs
reflétant certes un goût et un plaisir, mais aussi des croyances et de
premières formes préconceptuelles voire conceptuelles en gestation.

Troisième question : miroirs de quels hommes ? Ces ancêtres directs qui


sont « comme nous » ont dû être en même temps « autres que nous ».
Comment imaginer alors que la « beauté » fut conçue et vécue par eux
comme elle l’est pour nous ? Nous, nous savons que nous ne trouverons
pas la même chose en entrant au CNRS, au Musée d’Orsay ou dans Notre-
dame de Paris. Nous savons que fabriquer un moteur, étudier les cellules,
prier, écouter du Mozart ne relèvent pas des mêmes processus mentaux,
même si Notre-dame est aussi une œuvre d’art, si la musique suppose de la
technique et si pour certains les cellules témoignent d’une création divine.
Les genres « sentiment esthétique », « croyance » et « connaissance »
s’entremêlent souvent encore aujourd’hui, mais les spécificités sont
perçues consciemment. C’est pour cette raisons
que nous avons tendance à projeter ces distinctions sur tout être humain,
de quelque culture qu’il soit. Or rien n’est moins pertinent. Emmanuel
Anati rapporte ainsi une belle anecdote1 : l’ethnologue Lewis Mountford
observe un jour un Aborigène qui dessine un animal sur un galet avant
d’aller le chasser. Il lui demande pourquoi il dessine ainsi sa proie avant de
partir à sa recherche. L’Aborigène, effaré, lui répond alors en lui
demandant s’il est possible de chasser sans dessiner avant. Son étonnement
nous étonne, parce que les logiques qui sont les nôtres ne sont pas du tout
les siennes. De même, Philippe Descola observe-t-il chez les Indiens
Achuar par exemple, que « le savoir-faire technique est indissociable de la
capacité à créer un milieu intersubjectif où s’épanouissent des rapports
réglés de personne à personne : entre le chasseur, les animaux et les esprits
maîtres du gibier (…) »2. Comment peut-on si souvent interpréter la
préhistoire à partir d’analogies avec les sociétés tribales récentes, tout en
ignorant justement que si l’on observe celles-ci, on ne peut plus projeter
sur nos ancêtres plus lointains les distinctions et spécificités qui nous
apparaissent « naturelles », mais sont en réalité des acquisitions
finalement fort récentes de notre espèce ? Ce qui est subjectif et ce qui est
objectif, ce que nous sentons face à un Monet, ce que nous pensons à l’aide
de concepts, ce que nous croyons intérieurement, tout cela est pour nous
distinct, même si cela se chevauche et si les distinctions ne sont jamais
1
E.Anati, Les origines de l’art et la formation de l’esprit humain, Ed. A.Michel, 1989, p 10.
2
Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Ed. Gallimard, 2005, p.22.

3
franches. Rien ne dit que l’idée même de leur distinction ait eu un sens
pour les humains du paléolithique supérieur. Seulement pour en parler
nous disposons de concepts qui justement les distinguent. Si je veux
désigner le mode de fonctionnement mental probable qui a présidé aux
premières œuvres d’art, je devrai alors inventer le concept de senti-cru-
pensé. C’est un seul mot, fait de trois mots, ou encore, j’aurai besoin de ces
trois mots qui sont pour moi distincts pour désigner quelque chose
d’antérieur à cette distinction. C’est là une contradiction qu’il est
nécessaire d’assumer pour éviter d’attribuer aux artistes paléolithiques ce
qui n’est devenu évident que bien plus tard, et se méprendre sur le sens
même de l’émergence de l’art.

Quatrième question. Il y a donc nécessairement une pluralité de fonctions,


d’intentionnalités, de vécus, de sens et d’effets, dans cet art paléolithique,
et cette pluralité constitue justement son unité et sa spécificité. Nul n’a
jamais réfuté ni vraiment contesté l’idée que l’art paléolithique présente
une dimension mythologique et magique, que son exécution ait été un acte
de prise de possession des réalités problématiques, que loin d’être objets de
contemplation esthétique les œuvres aient revêtu une signification rituelle
vécue comme utilitaire. C’est dans ce cadre très large que s’inscrit l’idée
que Jean Clottes a notamment théorisée de certaines pratiques
chamaniques et hallucinatoires.

En même temps, et non pas de façon contradictoire, l’idée (sous des


formulations aussi différentes que celles d’André Leroi-Gourhan ou
d’Emmanuel Anati) de logiques associatives qui organisent entre elles les
figurations et les signes paraît fondée sur des raisons convaincantes. Ce
sont même ces « logiques associatives » qui pourraient avoir enfanté, dans
ce tout indifférencié du senti-cru-pensé, les spécifications nécessaires à nos
distinctions des croyances, de l’art et des connaissances.

Autrement dit, les diverses théories interprétatives de l’art paléolithique,


vécues comme des démarches exclusives, incompatibles, peuvent fort bien
s’articuler de façon harmonieuse, à condition de détruire tout ce qui peut
prétendre fournir une explication totalisante de cet art. Plus
fondamentalement, parce qu’il devient évident que ce dernier contient une
multiplicité de dimensions que nos ancêtres n’ont pu concevoir
séparément, on peut affirmer comme préalable à toute étude sérieuse de
l’art paléolithique qu’il n’y aura jamais UNE théorie explicative de ses
formes et de ses contenus. Il paraît donc nécessaire d’unir tous les efforts et
inventions théoriques dans une démarche commune qui en articule les
apports.

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Cinquième question : l’art n’est pas la première forme par laquelle les
humains ont inscrit dans la matière comme un reflet d’eux-mêmes. Bien
avant il y a eu les outils fabriqués intentionnellement pour permettre des
opérations liées aux besoins vitaux, et qui sont devenus eux-mêmes de
nouveaux besoins perçus comme tels.

Il y a deux siècles déjà, le philosophe Hegel disait à ce propos que « le soi


fait de ses déterminations la forme des choses » et, dans l’objet produit, il a
donc « l’intuition de lui-même »3. En faisant ainsi de ses déterminations
subjectives la forme des choses, l’humain s’inscrit donc dans la matière
inerte, sort de lui-même tout en demeurant lui-même, se dédouble et se
réfléchit, prend conscience de soi et acquiert une conscience réfléchie des
objets. Ainsi, en prononçant des mots comme en produisant des outils et en
créant des œuvres d’art, l’homme voit et donne à voir dans la matière
l’expression de son intériorité. Mais ce faisant, par la conscience de soi
qu’il en tire, il se transforme. L’homme est autant le produit de ses phrases
et de ses œuvres que celles-ci n’en sont elles-mêmes le produit. Hegel,
encore : l’homme peut ainsi « se reconnaître lui-même dans la forme des
choses, pour jouir de lui-même comme d’une réalité extérieure ». Dans
l’art paléolithique, c’est ainsi toutes les dimensions de son monde intérieur
qu’il a matérialisées hors de lui, et que nous trouvons aujourd’hui face à
nous.

Autrement dit, l’affirmation « l’art paléolithique a forcément un sens » ne


peut sérieusement en faire le substitut d’un texte d’humains encore
dépourvus d’écriture, car ce serait justement en faire une écriture. Cela
n’invalide certes pas la recherche de logiques associatives, de grammaires
et syntaxes comme on l’a évoqué précédemment, à condition de ne pas y
réduire les œuvres et de ne pas laisser entendre qu’on saurait les
« traduire » comme une forme de discours conceptuel à la recherche de
concepts. Dire que cet art a un sens, c’est affirmer qu’inventer l’art, créer
la création, a forcément eu une signification par rapport à l’ensemble de la
vie des peuples où cet événement s’est produit et perpétué, et aussi une
direction qui pointe vers ce que nous sommes devenus. Une direction, un
sens qui sont seulement rétrospectifs, sans être consciemment finalisés,
puisque d’autres directions étaient possibles.

3
Hegel, Propédeutique philosophique, Deuxième cours, I, 2, B, §36 (Trad.M.de Gandillac)

5
Sixième question : depuis un siècle, les tentatives pour cerner ce sens n’ont
pas manqué : art pour l’art exprimant un sens inné pour le beau ; pratique
magique de capture de l’esprit du gibier ; associations symboliques de type
binaire; chamanisme ; écriture pré-conceptuelle ; astrologie ; etc. Dès lors
a paru s’imposer la question de pouvoir trancher entre elles et, si oui,
comment. Mais le problème ne se pose peut-être pas exactement en ces
termes, et ce pour plusieurs raisons. La première : encore une fois, il n’est
pas du tout évident qu’il puisse exister une explication unique dès lors que
l’on distingue, parmi tout ce qui est peint ou gravé, des figurations de
natures différentes, dont toutes ne relèvent pas de l’art. La seconde : il ne
sera jamais envisageable de fournir une interprétation irréfutable de ces
œuvres, d’une part parce que ce genre d’interprétation est inconcevable dès
lors que l’on considère justement celles qui relèvent de l’art, et d’autre part
parce que pour tout ce qui concerne les questions d’origine lointaine, on ne
peut espérer construire que des ensembles conceptuels hypothétiques, dont
la valeur de vérité tient à leur cohérence et à leur portée explicative, ainsi
qu’à leur capacité à détruire définitivement d’autres hypothèses.

Il serait alors vain de rechercher une explication à toutes les


représentations rupestres. Les théories existantes partagent parfois le défaut
de prétendre toutes les comprendre, mais aussi le mérite d’explorer des
dimensions réelles que ces œuvres comportent, ensemble ou séparément.
Au lieu de les opposer comme exclusives les unes des autres, il
conviendrait donc de les articuler en veillant à la fois à bien distinguer ce
qui est cru, ce qui est senti, ce qui est pensé,- et à penser chaque fois
l’unité de deux ou trois de ces dimensions à l’intérieur des œuvres et des
pratiques qu’elles supposent. Il convient donc de rejeter toute démarche
qui s’efforcerait d’expliquer l’art paléolithique proprement dit, par la seule
interprétation de ses éventuels contenus. Car procéder ainsi fait
implicitement abstraction de la question essentielle de la forme esthétique
que tous ces contenus ont pu – et ont dû – emprunter pour s’objectiver
dans la matière.

Dans la questions « quels miroirs de quels hommes ? », le plus important à


mes yeux est peut-être le « s » de miroirs et le « s » du mot « hommes ».

Septième question : pour que les œuvres d’homo sapiens sapiens du


paléolithique supérieur aient été possibles, il a ainsi fallu qu’un long
processus forme le “ goût ” et avec lui l’irruption de formes de plaisir, de
désir, de sentiment et de pensée proprement symboliques. Ce que Freud
appela l’ « essence supérieure de l’homme » a une préhistoire qui se
confond avec celle des capacités propres à notre espèce. Pour autant,
encore une fois, ce ne peut être un « art pour l’art » qui est alors apparu : le

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beau n’a pu être vécu que comme l’une des formes originaires de la pensée
humaine, mêlée par essence aux autres formes qui construisent avec elle ce
senti-cru-pensé indivisible qui fut le creuset commun à l’émotion
esthétique, à la pensée conceptuelle et aux représentations magiques et
finalistes de l’univers.

Il demeure que l’irruption de l’art en tant que tel est un événement, et


qu’on peut lui appliquer ce que Jean-Paul Sartre appelait une
transcendance du monde et de soi-même, une rupture, un arrachement à
soi4. On peut aussi ajouter, avec les mots d’Hannah Arendt, qu’ « avec la
création de l’homme (…) le principe du commencement est venu au
monde »5. Cet « arrachement » caractérise la capacité proprement humaine
de réaliser des actions, en ce qu’agir se distingue du « faire » par sa façon
de révéler une subjectivité singulière dans son résultat, lequel ne fait
exister qu’une possibilité parmi d’autres, réalisée par un « qui ». Et il est
vrai qu’en contemplant les lionnes de la grotte Chauvet, les mammouths
d’Arcy-sur-Cure et Rouffignac ou les bisons d’Altamira, le bouquetin de
Roucadour ou les chevaux de Lascaux, on ne peut s’empêcher de se
demander qui a peint ou gravé cela, tandis que ce qui nous émerveille dans
une pointe de silex solutréenne, c’est la capacité technique et esthétique de
notre espèce toute jeune. Et cette distinction est d’autant plus précieuse
que ce n’est qu’avec cette marque du « qui » que se manifeste une liberté
humaine. C’est ainsi que l’homme se crée avec et dans l’acte créateur.

Huitième question : cette spécificité ordonne qu’on ne confonde pas toutes


ces expressions humaines. Autrement dit, il nous paraît de la plus haute
importance de souligner que tout ce que l’on conserve peint ou gravé dans
les grottes, les outils, etc. ne saurait être qualifié d’art au même titre.
Comme le distinguait Roland Barthes, le signe c’est « ce qui se répète » et
donc se « reconnaît », tandis que l’art ne se répète pas, et relève de la
« signifiance ».6

Certains signes extériorisent dans la matière une pensée pré-conceptuelle et


numérique. D’autres paraissent avant tout matérialiser rituellement des
croyances magiques et métaphysiques. D’autres enfin, liés aux précédents
et les intégrant souvent comme éléments et matière, manifestent une
dominante esthétique incontestable.

Certes, il s’agit chaque fois de dominantes, et ces trois formes


tendancielles constituent un seul processus au sein duquel ces formes

4
Jean-Paul Sartre, L’être et le néant, Gallimard, 1943, IV, 1.
5
Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, 1958, Ed.Calmann-Lévy, 1961, Chap.V.
6
Roland Barthes, L’obvie et l’obtus (Le Seuil, 1982, p.279).

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apparaissent en voie de spécification. On ne saurait cependant les
confondre, en décelant du “ tout art ”, du “ tout magique ” ou du “ tout
conceptuel ”.
Dans les œuvres paléolithiques, c’est alors l’ensemble de notre monde
intérieur qui nous fait face, ce que nous avons de plus universel qui se
manifeste, avant que les cultures en se différenciant ne créent l’apparence
factice d’un éclatement de notre espèce. Les plus anciennes œuvres d’art
ne sont pas de quelque part, leurs auteurs sont des qui en harmonie avec
tous les terriens.

C’est sans doute pour cette raison que des centaines de peintres du XX°
siècle se sont retrouvés dans les œuvres paléolithiques, et que celui-ci a pu
autant influencer l’art contemporain. Les artistes ici présents en
témoignent. Il y a là une retrouvaille de l’humanité avec elle-même, d’une
richesse prometteuse, et que notre rencontre incarne à mes yeux.

Alors : quels miroirs de quels hommes ? La complexité de cette questions


est parfaitement illustrée par les personnes que Jean-Paul Coussy et
François Jeune ont réussi à rassembler aujourd’hui autour de deux acteurs
essentiels des recherches diverses que suscite l’art paléolithique, Jean
Clottes et Emmanuel Anati : des préhistoriens, des peintres, des
anthropologues, des philosophes, des écrivains, à la fois parce que l’art
paléolithique invite à une pluralité de regards, et parce que cette pluralité
correspond à la pluralité des dimensions de cet art.

Je vous remercie a posteriori pour votre attention, et


qwaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaade nourrir de vos apports cette
exigence de réflexions plurielles.

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