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septembre octobre 20 La Revue des Livres» LA HAINE DES VILLES Entretien avec Eric Hazan et Bernard Marchand sur les banlieues et l’urbaphobie francaise « SUR FANON, TOUT EST ENCORE A DIRE » Misére de l'économie du développement Les métamorphoses de |'intellectuel juif Homonationalisme et Impérialisme sexuel Sous les révoltes arabes , une nouvelle de Santiago Dabove orc nten 14H 16H 20H A LOCCASION DE SON LANCEMENT RdL, la revue des livres ORGANISE le samedi 17 septembre 2011 a partir de 14h, la Générale Nord-Est 14 avenue Parmentier, 3 Paris (M° Voltaire) + UNE JOURNEE DE DEBATS + UN SALON DES EDITEURS ET DES REVUES. DE CRITIQUE SOCIALE ET POLITIQUE + ET UNE EXPOSITION D’ARNAUD CRASSAT « MAIS, GU'EST-CE QUE C'EST DONC, UN BLANC? ET D'ABORD, C'EST DE QUELLE COULEUR? » Dans tenon worst come dans spe pbs ts sur esti tiga Avec Houtia BOUTELDIA (port: parole d Part des ndiebnes de la Republique). Masime CERVULLE (eo-auter de Homo exorcus Race, classe ct erque quee?) et Francoise VERGES (auteue de L Homme préateur Ce que nous ensign esclavage sue oie rps) SORTIR DU NUCLEAIRE = REFAIRE LA GAUCHE Dat sim pr Cache NORDMANN mind lc ori le RL) ‘Lena ot pv ne pr technologie Sa conraprine cists foe enon ‘cide a nua copes snplrent xh on stent Face irate un wt {ae Et dare Ett tex André Gore appa pt Wan ich ane «ganache somples ‘tar-inherl nlei dotaa ae Fbjt dune eta propcrent poli ‘Notre yp ot aquest dea srt du mui cle cane ronson a gs ont ‘elondaneal es ramon tt et sip de contrition flee rt ‘gu claatonnale, iment crteent gue de El dee ecm du rode _Avce Benjamin DESSUS (co-autcur de So watt? Lénergie ne afar dectoyens et de En intr avec le nueléire. Pourquol et comment) et Allee LE ROY (siltante ecologist, co-réalisatrce du documentaire Ecologie, ces eaastrphes qu changerent le monde et ‘membre du colecif editorial dela Rd.). Nicolas LAMBERT, auteur et metteur en scene d'Un avenr radius, une fsion frame AVONS-NOUS SEULEMENT COMPRIS CE QU'EST LE NEOLIBERALISME? att sin pr Laront EANPTERRE (pr meme dca eto oa Ral). se de wens poate, {ide dependants dan Ett scl bareucatigue ct inctcnee pea nos rneormeren «ret ‘Baponsabis ntepeneus ds ames son dae ace ote pt-pt Dm Lenihan st is au comme une web pique Ganson, ne wil pat tue dempomerment 8 impor de cate pétention es que op vont aso aus ne pouvons expend ys ‘sep leap Ea compen asingalr nt une comion acess de le lft pout _ANee Christian LAVAL (co-auteur de La Nowelle Rain du monde. Ess sur la sociaé nnéoibérale) et Frédérie LORDON (auteur de Capitalism, désir et servitude. Marx et Spinoza, APERO-RENCONTRE AVEC LES MEMBRES DU COLLECTIF EDITORIAL DE LA REVUE, MUSIQUE, FETE... Le séminaire de lecture de la RdL Le collectif éditorial de la Ral invite les lecteurs de la revue & participer a la premiére séance de son séminaire de lecture, consacrée & Timothy Mitchell Petrocratia La démocratie a l’age du carbone @@e) le mardi 4 octobre 207, 4 19 heures au Lieu-Dit, rue Sorbie, & Pars (HP Ménimmontant) Tater met en relation dex phcnoines majors el mo ‘emit Févotton deb démoctate politique stl dp ane srieante pr des resonres Energi aes {monte comments trntions énrastcr sce is fmer cme Te carbon & ptr de 10 ps verse Les rencontres de la RdL Le mardi 25 octobre 2011, 819 heures, ‘au Lieu-Dit, 6 rue Sorbie, a Pars (MP Ménimmontant) avec Frangois Chesnais autour de san livre Les Dettes illégitimes ‘Quand les banques font main basse sur les politiques publiques (Raisons d’Agir) tivemea orden’ ends nies ds fons de pace {eager misses des Bangs europenes Cates ot ‘es ans frags Els ont top 6 po apport lene pts ct os ropes Els ot 6 sve Tan hes de quer bugle et de redton slr esse Ral tarerue deslines vwvwirewuedesres ir Sr Pl For 50r4 Pais fae por BV2N Revue et Lites SAS at expt do 41000 € Directeur de piston Seetme Vidal (Coordination éitvile Seon Vidal Secretariat deen Felix Boseio Exam Eee Marion Duval Collect Sorat Frangois Athans, Samah Renabos, Marion Duval Climence Garret, ‘ury Goldman, fsepine Goss, “Thora Hippe, Lauren Jeanie, Livignte, Elisabeth Lebov arent én. Alexandre Mouawad, Gharlote Norcia, Germinal Pie Helene Quiniow Ale Le Rey, Arne Vid, len Vincent, Giovaan Zapper ct ‘ie Calta, Arnaud Cosa, Alotance Moana ot enwnementtea com Redan inrevoedeslirestr Instn a ene dintrmation dlectoaigue Ssteorerodeneete ‘Abonnemets RU 31 re Pa ot, 084 Pr Monorewistetett Conan ot lations press ‘cermin Pie ernoulpoaegrevuesanete aq 78 702 Pobens poherevacdesiorestr Dituniomet dieuton on iene ells Letes Difston Distition veombldd {Consistribaionitsion KD Prose pres com ge des mesageris 7510 Pars Telarq2abo> 0 Sivous voulez que votre marchand de jourau pls proche sit rprovsionne replierement frescmplter els Rl appeler Berg ysoaoeuemosez ua our contacts om Drkksn) Moderna Schootrockatraat 50 ‘Beasts Paal Deringer eleque| 1" Commision pritaire:en cours NPISSNcn court Dé ga septamibe an SOMMAIRE Editorial p03 sacermivat. vate, La haine des villes, Entretiem avec Exic HAZAN el BERNARD ‘aacuanp sur les banlieues et Turbaphobie francais ~ & propos de Eric Hazan, Paris sous tension cet de Bernard Marchand Les Ennemis de Paris La haine dde ta grande ville des Lumiéres a mos jours p.04 ‘a mapriat KeMPr, Sous les révoltes arabes, Ilégalismes populaires et resistances quotidiennes, ~ Apropos de Asef Bayat, Life as Polities: How Ordinary People Change the Middle East pls Misére de l'économie du développement =a propos de Abhijit V. Banerjee et Esther Dutlo, Poor Economics, A Radical Rethinking of the Way {0 Fight Globat Poverty B ‘SeMATTIED RENADLE, « Sur Fanon, tout est encore & dire. » Pour une généalogie de la critique postcoloniale, =A propos de Pierre Bouvier, Aimé Césaire, Frantz Fanon, Portraits de décolonisés "p30 Liteérature ‘Finis, une nouvelle de SaNriAGo Daxove_p.37 ‘= nyz0 Teavraso, Les métamorphoses de Fintellectuel juif: la fin d'un eyele paz “eTHoMAs HiPeLER, My name is Marcuse, Herbert Marcuse, A propos de Tim B. Miller, Krieger und Gelehvte, Herbert Marcuse und die Denksysieme im Kalten Krieg “= CLEMENCE GARROT & OURY GOLDMAN, Homonationalisme et impérialisme sexuel ‘Quand les homos changent de drapeau 4 propos de Jasbir K. Puar, Terrorist Assemblages: Homonationalism in Queer Times pao ps2 Iconographie Le point sur ‘= DOMINIQUE PESTRE, La politique des scence snuies ps8 Les mots de fa critique SfndME VIDAL, Agency et empowerment p.62 Le portrait ‘Wang Hui et la nouvelle gauche chinoise p64 Géographle de Ia critique | NARION DUvAL, La querelle du ‘cngo-extractivisme » en Amérique latine p67 Expérimentations politiques LAURENT LEVY, Linsolente autonomie des Indigenes vis crrrox, L'sternelle gendse de vieux #2ves qui bougent. =a propos de Jan Herman, Le Récit génétique au xvns" siecle etde Thomas-Simon Gueullette, Contes p.71 A lire également sur www.revuedestivres.tr savves crrrow. Ans politiques et fictions dipiomatigues “a propos de Francis Gaye, Les Andaces de [a prudence. Littérature et politique aux xvr et sir sees et de Timothy Hampton, Fictions of Embassy, Literature une Diplomacy in Early Modem Europe se Débat: acHE1 HUSSON & FACOUES SAFI =A propos de Jacques Sapir, La Démondialisation DIANE scorr Er wicHEL stuoNor, Résister au populisme culturel ‘= pavip vercavrerey, « Du possible sinon j'étoutfe... », Tunisie avril 2011 Arnaud Crassal,né en 1980, est peintre ef typographe. Son ceuvre est situse au eroisement du document, de Farchive et d'une réilexion sur les couleurs & Vintersection du graphisme et de la politique de la représentation et de la mémoire. bmouvement@hotmail.com ‘Remorcements Isabelle Ae (Actes Sud) :Olsier Brunot:Nicolas Haernge: Josée Lalouelle: Maric-Laure Namoat et Etic Naot (KD Presse) Lucien Nordmann; Christophe Pay (Seven 7): Ars Papatheodorou; Mare Saint-Upery: Visine Sani Tila Vie. Le numéro 2 de Ral, /a revue des iIvres sera en klosque le mercredi 2 novembre 2011. Comme une envie de gauche C’EST LE TEMPS DES TURBULENCES EDITORIAL ‘monde est agité de secousses multiples ~ politiques, sociales, écologiques, économiques et itellectuelles. En gestation souter- raine depuis longtemps déja, émergent aujourd'hui au grand jour partout dans le monde des éclats de nouveautés et de refus: de Amérique du Sud 8 la Chine, en passant par 'Afrique du Nord et Europe, des contestations et des révoltes majeures sont en train de brouiller les reperes politiques ct intelleetuels, de bousculer les paresses, de troubler les habitudes Le tournant néolibéral du capitalisme a profondément affects les ‘modes de production et de reproduction des societés et, avec eux, espace et les clivages traditionnels de la politique. nos modes de vie et notre rapport A nous-mémes et aux autres, Parallélement la révolution numérique a commencé & modifier les conditions de la politique, elle en recompose le temps et espace, en fait les hierarchies elle erée des instruments de communication et de travail qui tantt brent, ant aliénent et dseiplinent, ‘Trop souvent vécues entre passivité et tistesse, ces transforma: tions s"aceompagnent aussi d'une montée des radicalismes de toutes sortes, des plus réactionnaires aux plus « progressistes» la fronti¢xe centre les deux s'estompant parfois. Les débats sur la mondialisation, sur les conditions de la démocratie, sur la construction européenne (ou sur la religion en t&moignent. Un sentiment de « ras le bol » face & injustice. Valignation et 8 Virrationalité de la vie quotidienne, sentiment qui se propage dans toutes les sovietés, sentiment largement partagé et pourtant encore & peine articulé, nous laisse comme suspendus entre révolte et dépression, désir d'émancipation et attitudes ideatitaires, Cette période de turbulences est aussi un moment d’ouverture dt champ des possibles. On entrevoit ‘apocalypse sous la forme d'un cffondrement du systdme économique, de la guerre civile mondiale ‘ou des catastrophes écologiques. Simultanément, ce qui paraissait inimaginable il ya peu devient nécessité de pensée. Nous sentons, nous savons qu'il ny a pas d'autre choix que d'inventer des alter- natives. Il est temps d'expérimenter de nouvelles formes de vie, de déclarer de nouveaux droits, d'écriro de nouvelles constitutions. Quil sagisse de sortir du nucléaite, de socialiser les banques ou «do mottre en place un revenu universe, des propositions jusqu'ich ‘audibles apparaissent soudain, sinon comme évidentes, dum comme recevables et réalistes. Certaines d'entre elles traversent et Agplacent les frontieres idéologiques et politiques que Pon pouvait croite bien établies, Alors qu’hier on proclamait encore, pour la déplorer ou sen réjouir,lafin de histoire, prétendument dissoute dans la « gouver- nance » consensuelle et P'apathie collective, alors que philosophes cet politiques annonsaient que horizon indépassable dela politique tait désormais la constitution d'une « socistécivile » paciiée, per- sonne ne peut plus ignorer aujourd'hui que nous vivons une nou- velle période de conflts, de luttes et d’affrontements, d'od germe tune inouie diversité de projets politiques Tout comme celles de la domination et du contrOle,les formes de Ja résistance et de insubordination sont multiples. Elles s‘emparent de concepts abstraits comme de gestes de la vie quotidienne, elles ROL N° 1 — SEPT-ocT. 200 alfectent les modes de vie individuels et collects elles Sapproprient de nouveaux mots elles se nourtissent de nouvelles pensées du passé et de Vavenir. De ces lutes, générales ou ponetuelles, parfois socia- lement et géographiquement éloignées, aucun prisme unificateur et isant ne se dégage encore ~ doit le sentiment quill nous faut, temprunter des chemins de traverse. I est temps de réarmer la critique. A Pére de « Péconomie des savoirs », de la gestion néolibsrale et aatortaire des organises GTenseignement et de recherche et de Ia concentration dans le monde de'éition et de la presse la production etl circulation de ln pense est profondément affectée. Les penses critiques se disent aujourd'hui dans touts les langues, Elles ne sont pas toujours & meme de se aie entende, ni non plus de sentendre entre elect pourtant elles indiquent que le temps dela ésignation intellectual iaquellewéchappaient que quelques travaux isolés, est trminé De nouveaux qucstionnements de nouveaux champs de recherche et de nouvelles subjectivitesintelletueles émengent. La fcihte accrue dela diffusion des savoir etc information, un aexés plas large bla entire et 'émergence d'une nouvelle intelligentsia sans attaches font que intellectalitédéborde aujourd'hui argement es institutions dans lesquelles elle longtemps été eantonne (Ceest dans ces circonstances singuliéres que 'équipe qui animait La Revue internationale des livres et des idées lance, avoc un collectif édi- torial élargi, RAL, fa Revue des Livres. Venus d horizons politiques, sociaux et intellectuels variés, nous voulons ainsi créer,au cartefour des gauches critiques, une revue exigeante,en rupture avee le prét-i penser, la pensée rapide, et les anciennes certitudes; une revue visant diffuser et a discuter les pratiques politiques et les productions des différents champs de savoir les plus stimulantes, qui remettent en question les routines intellectuelles et les imaginaires sociaux et politiques établis: une revue, surtout, qui ne s'adresse pas qu’a des spécialistes et des initiés, mais, autant que possible, une revue pour tous et une revue ouverte, Essenticllement consacrée & des comptes-rendus de livres, qui seront en méme temps des essais et des interventions politiques, dans lesquels les auteurs preneront parti et s‘engageront, La RdL sera également structurée par un grand entretien et des rubriques régulieres, permettant d'explorer autrement le monde des idées, selon une diversité de tons et d'approches. La RiL. ne peut rien étre sans ses lecteurs et ses lectrices ~ sans ceux et celles qui 'ach@tent, quis abonnent, qui la font connaitre quia discutent et quis'en nourrissent, C'est pourquoi son activité se prolongera naturellement par organisation de rencontres et de débats est pourquoi aussi nous avons besoin de vos réactions. de vos critiques et de vos propositions. Dans ce moment crucial, la croisée des possibles, nous voulons jouer notre réle, et nous aiten: dons votre contribution. w Pour le collect éditorial de RAL, la Revue des Livres, ‘Thomas Hippler, Laurent Lévy, Charlotte Nordmann, ‘rome Vidal et Julien Vincent ETE ‘emnard Marenand, Le Ennemie ‘de Panis, Renes PUR, 200, aiuto, be sen die Jes tions La Fabrique ondes en gh Mes notamment ate de Ch igs dea guere cle (La Fatigue, tong) de Lenton de Pars (Se, 2) Professeur émérite & Patt fan sais eurbanisme (Pars 8). Herne Morcha a enscigné aux Prats publi The Emergence of Los Ange {es (Pion Lt, ro) et Paris hinoire ore ite (Sui 199. “corminal Pinal ext membre de ders collects, dont samizdat. ac ft collars aia reve Aulus, Test meme du cll ioral de Rl LA HAINE DES VILLES ENTRETIEN SUR LES BANLIEUES ET L'-URBAPHOBIE FRANCAISE Qurest-ce que « Paris » ? Une ville-Etat, dominatrice, ccour d'un Etat centralisateur et bureau- cratique qui « pomperait » la substance de la France et lécraserait de tout son poids ? Pour Bernard Marchand, cette représentation est une pure et simple falsification, qui pulse sa force dans la profonde « urbaphobie » francaise. Selon lui, celle-ci est au principe de la légitimation de "Etat, réalisée sur le das des classes populaires et des banlieues au profit de la province et des zones rurales, Entretien croi ‘autement polémique, avec un autre ami de Paris, Eric Hazan. Par GERMINAL PINALIE*, AVEC ERIC HAZAN ET BERNARD MARCHAND. Germinal Pinalies On trouve dans L'lnvention de Paris et dans Paris, Histoire e'une ville fa question des murs de Paris et de son organisation spatiale Dans Paris histoire Pune ville, on peut ainsi lire: ‘ LAngleterre vielorienne,siaitachée & toutes les formes de ségrégation et qui avait presque inst tutionnalisé Tinea: trop brutalement dans Fespace urbain, alors que la France, qui se prétendait plus égalitaire, surtout sous la IH République, donna naissanee autour de la capitale a lun des premiers ghettos sociaux de histoire urbaine. » Londres a plusiews eaurs c'est tune vértable mosaique de zones de diférents types, de différents niveaux sociaux, qui constitue une sorte de pays dVintérieur de Angleterre etde la Grande Bretagne. Paris est plus viscéralement, plus fonda: ‘mentalement concentrique. Comment Vexpliquer, et questce que cela traduit de (a facon singuire dont construction nationale, légitimation de Etat et rapports de classes sont nous en France? Ene Haven: Il est intéressant de mettre Paris et Londres en paralléle, parce que ce sont deux villes tout 8 fait opposées. On pourrait prendre cette image: Paris comme un oignon, et Londres comme une boite de Pétri dans laquelle des colo- nies microbiennes se développeraient en plusieurs points. Cola donne des physionomies extrémement différentes, Paris comme un eignon Patis commen ognon,cest rai depuis Philippe Auguste Vietor Hoga dans Note-Danne de Parse racontedefago formidable:chaque fis que la vile est a Tétroitele saute par-dessus la dernitre des ‘murals quon lita constrate et se répandjusqu'a ce qu'on en consruise une nouvelle, et ainsi de suite Phlippe-Anguste, ChalesV, Lous XIV. les Fermiers Genéraus, Thiers, Georges Pompidou et le périphrique: six enceinte en sptsitles A pew rs une fos par siecle, Paris saute pardessts sa Gernidre enceine. Et comme touts les époques se considerent comme exeeptionnelles, la notre ne voit pas que le périphérique est la dernitre en date de ces enceintes et ce d'autant plus qu'elle nest pas qualifiée comme telle2 la différence des {ortfications de Thiers. Comment la ville vat-elle sauter pardessus ce péripherique, comment vast elle le détruire.le métaboliser,Pavaler, comme elle ra toujours fait, et comment va-telle se répandre alentour? C'est ts compliqué parce que c'est uune question la fois géographique et politique Pronez le mur des Fermiers Géncraux: il sullisait enlever des pierres pour le faire disparattre, Pres de chez moi, au métro Belleville la me du Faubourg du Temple et la rue de Belleville, qui était la rue de Paris dans la commune de Belleville, ont été en continuité des qu’on a enlevé les quelques cailloux quiles séparaient, Le tou entre les deux n'tait pas ‘beaucoup plus large que la pice dans laquelle nous nous trouvons. Alors que le vide entre le haut de lnrue de Belleville et la rue de Paris, aux Lilas.est jmmense. Iya ua vrai probldme de largeur du vide Diautant plus qu‘aujourd'hui,on ne suit plas créer de espace urbain, on ne sait construire que des voles rapidies On le voit tres bien dans VEst de Paris, du c0té de la BNF: avenue de Prance, c'est une ‘non-Tue, Il suit de passer lA pour s‘enrhumer! Et le probleme géographique se double d'un probléme politique, cvidemment.Tous ces gens, tous ces puuires.ces précaires ces bronzs ces immigré ‘on eu tellement ce mal les pousser hors de Pais: pourquoi chercher a élargir Patis pour les récupé- rer? Restons chez nous! Ly a ce réflexe-1a. C'est une course de vitesse qui se joue:sile systéme, non pas le sarkozysme, mais le capitalisme, continue sur sa laneée dans a ville je pense que c'est mal barré Je veux die par li que La jonction entre Patis et ‘son environnement se fera de travers GP: Pourquoi les autortés eles pouvoirs ontils toujours la fois voulw et raté le développement de Pars, sion le compare @ celui de Londres? ‘Bernard Marchand ene suis pas si quilsVaient voulu, Vous demandez: « Pourquoi? » Jo erois ROL N‘ 1 — SEPT-ocT. 20 quily a deux raisons fondamentales la difference enire Paris et Londres Lune, esta situation poli- tique. LAngleterte a été un pays aristocratique pendant longtemps, et elle 'a été plus encore apres (Cromwell. Le roiavaitrelativement peu de pouvoir Londres est certes la capitale du pays, mais avee des familles tes riches tres puissantes,qui ont des propriétés ie et 1, au Keu @avoir comme a Paris ‘une centralisation autour du Louvre et des Tuileries Cotte centralisation est en France au fondement de la légitimité du pouvoir. La richesse dans un pays comme la France est produite par cing ou six grandes agglomérations: le reste est, pouy le dire de manidre provocatrice, « parasitaire». Etat fonde sa égitimité en «pillant »,au profit du reste ddu pays, ces cing ou six grandes agelomérations, et en particulier Paris. Cest le premier point: 13 différence entre un pays aristocratique et un pays ‘monarchique, centralise Le deuxitme point,c'est le fait que "Angleterre, cen raison de son carucidte aristocralique,a eonnuls premigre une révolution industrielle, ct abandonné agriculture pour l'industrie, et qu'elle Sest dotse un important réseau de chemins de fer.pres d'un siecle avant la France. Du coup, les moyens de trans- port a Londres étaient its difiéremts des moyens de transport parisiens. A Londres, le développs ment des compagnies ferroviaires a simplifié les ene pense pas qu'a ce niveau i Soit vraiment utile de recouri a cette explication ime semble qui faut pltoty voir une spite francaise :la centralisation politique, qui mexiste pas de la méme fagon en Angleterre ou ailleurs en Europe. LAngleterre est certes elle aussi centa- lice, mas administration locale y est beaucoup plus important, phis décenraisée: est encore tne union de pas différents Pour sehématiner isons que Tom stois types de populations en France can ces vile pro- prement cites, od se trouve toute intelligentsia ft pratiquement,si vous étes& Paris intra muros tout Te pomonneldrigeant; vous vez autre part Ja province; et enfin les banliewes In périphrie, aueTon voit en général eomme quelaue chose de secondaire. Or Fagglomération parsiemne, cst fu total environ onze millions d habitants; Paris intra mures.un peu pus de deux milions. La ban- lieuereprésente done plus de huit milionshabi- tants « Pars »cest la banliewe, C'est a que sont repoussés les jeunes ménages, qui en general ne event pas payer un oger a Pars ina muros, qui travallent et paieat ds impots font des enfants, assurent avenir.ct qui manquent souvent de tous Jes équipements nécessaires. Moins a Neuilly qu’a Glichy-sous-Bois. évidemment! Vous avez done trois proupes de population en France: les viewx lesrices nstalés at eur des ville, qui drgent le pays: vous avez tous les provincicu, a sens large du terme, ls notables de provins. es paysans.ete, aqui vivent des dgpensespubliques de subventions, tu de déduetionsdimpotseteet pars vous aver Jes jeunes, gu sont parques dans les banlious, qui preluisent en grande pate larichesse nationale ft qui sont & abandon, Ein France les banleues, est entre un quartet un ters de fa population, selon la fagon dont on compte. Et ga, ce nest pos tellement le capitalise, cest un systeme fran Gms, Pare qu’en réalte, Etat frangaisfonde sa Icgitimite et son pouvoir sur le «pillage » des grandes agglomérations pour assrer son pouvoir dian les provinces. C'est Etat et la province Je monde rural, contre Pais, contre les grandes agglomerations, conte les bankieues contre les jeunes ef les classes populaires qui produisent Pourtant Fessentol dela richesse du pays, C'est sur cotte alliance que repose le pouvoir en France, elc'est la périphérie des grandes agelomérations qui en fait les frais, GP: Crest a logique de tableau re impression- nan qin trouve dans Les Ennemis de aris, un tableau de 1995, fourni par Eurostat I montre qe trois régions ~ITese-France, Rhone-Alpes ex Alsace ~ sont contributices directes. et payent plus en impat queer ne recoivent en dépenses Publques Toutes les auires regions francaise sont Subventionnées, el recotvent bien plus que leurs Contributions BM: En 1993.1'Union européenne ses ints ressée une politique de pérequation régionale ‘oud éealsation égionale pour éviter avoir des Alitérences sociales top importantes dans les dit férentes parties de Union, Elle a done demandé 2 tous les pays denvayer ces statistiques. LUE a publ es chifres en 105s plus jamais parla suite Jenven apas la prouve, mas je ui persundé que de haut fonetionnares sont interven en dsant ‘Vous és competement fs de publer cla, on nn veut pls voir de eles choses!» Clade suis tn contact aves des gens de Bere, et es chiles Sont toujours valables is changent un pew d'une année a auire,maisen 2708 logiqueest la mime chaque Francien envoie en moyenne mille cing ent euros au reste dea ranes par an. Un ménage avecdeus enfans.cela at sx mille cures. est un onire de randeur,cela varicen fonetion ds niches ft des pauvres Et les pauvtes produisent propor tionneement plus qu les riches Ft ls baniicues ‘manquent de tout ‘Une question nigressaniest de savoir comment ona pupersvader, depuis un demi-sitcle soixante cing millions habitants que la provinespaye pour Pans Tly ala quelque chose de fascinant. C'est ce que jessaye de comprendre dans moa livre. CConsidére apart des trois seteurs économiques dana formation dela ichesse rangane: agricul ture,cest moins de %:Tindustre. c'est autour de ao %et les services 75%. En parlantréguligrement des paysans et jamats des employés,latlévision dlonne une vue completement fase dela rat. ‘Cest parce que le petit groupe qui domine Etat frangais tout inter a oublir les banliewes~i ies pill, mais ne sen aceupe pas et servi es campagnes Leur pouvor politique est renforeé par le trucage du syteme dectorl. Avec le fonction- rement actuel, un paysan de TArdche qui slit un

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