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28 -29 mai 2022

RENCONTRE

Alain Rémond : « Tout ce que je dois à ma mère »


Après avoir été lui-même touché par la maladie, le chroniqueur s’est souvenu de sa mère, morte d’un cancer Repères
quand il avait 25 ans. Il lui rend hommage pour dire « tout ce qu’elle m’a appris et tout ce que je lui dois ».
Ses dates clés
1946. Naissance à Mortain (Man-
che), le 15 novembre.
1952. Ses parents s’installent à Trans-
la-Forêt (Ille-et-Vilaine).
1957. Entre au petit séminaire de
Dinan (Côtes-d’Armor), congrégation
de Sainte-Croix. Il effectuera ensuite
un an de noviciat au Canada, deux
ans d’études à l’université pontificale
grégorienne à Rome, puis un an à
l’Institut catholique à Paris.
1961. Décès de son père, Henri
Rémond.
1971. Décès de sa mère, Angèle.
1972. Journaliste à Télérama.
1981. Crée la rubrique « Mon Œil » à
Angèle Rémond. | PHOTO : DR Télérama, dont il deviendra rédacteur
en chef jusqu’en 2002.
2000. Publie Chaque jour est un
adieu (Seuil), son premier récit auto-
biographique.
« Elle me faisait 2022. Chroniqueur à La Croix.

une confiance Ses coups de cœur


absolue. Quand on lui demande quel est le
meilleur livre qu’un écrivain ait écrit
Elle m’a dit : sur sa mère, il évoque Albert Camus :
« J’aime bien la façon dont il en parle
« C’est ta vie, dans ses livres, je me reconnais
dans les liens très forts qu’il avait
tu fais ce que avec elle. » Alain Rémond cite aussi
Aharon Appelfeld, auteur israélien de
tu penses Mon père et ma mère (2013), « un
roman d’une force incroyable ». Son
devoir faire. » auteur de prédilection reste toutefois
l’écrivain américain JD Salinger – qui,
Alain Rémond, chroniqueur à Télérama et à La Croix, prolonge son œuvre autobiographique avec un livre sur sa mère. | PHOTO : JOEL LE GALL / OUEST-FRANCE songe-t-il, a peut-être croisé ses
parents lors de la bataille de Mortain,
Pleurer sa mère, dit-on, c’est pleurer mes très bons amis m’a suggéré avec le peu d’argent qu’il y avait, sur- jours admiré ça chez elle. » de ma mère. Je me suis rendu en 1944. « Il n’a pas écrit sur sa
son enfance. Alain Rémond ne dira d’écrire là-dessus. Je ne voulais tout après la mort de mon père. » Mère courage et méritante, Angèle compte que mon bien le plus pré- mère, mais il a toujours été fasciné
pas le contraire, lui qui fait souvent ce pas. Mais j’ai repensé à ma mère, Mais ça, le fils ne l’a compris que Rémond fut récompensée par un prix cieux, c’était ma liberté, mon libre par les histoires de famille et l’imagi-
rêve étrange et pénétrant qui le ramè- morte d’un cancer en quelques plus tard, en lisant une lettre qu’elle Nestlé et un prix Ouest-France. « Elle arbitre, et qu’il ne fallait que person- naire qui va avec. »
ne à Trans-la-Forêt (Ille-et-Vilaine), mois. » avait envoyée à ses enfants pour les avait reçu un chèque. Pas énorme, ne ne décide à ma place, pas même
dans la maison qui l’a vu grandir. Il y Née en 1911, Angèle Jouin a grandi remercier d’avoir pensé à la fête des mais on peut dire que ça tombait Dieu. » Son rapport à l’Ouest
retrouve sa mère, décédée quand il à Bonnemain, entre Combourg et Mères : « Je suis dédommagée de bien. » Quand on lui demande si sa À l’époque, le futur journaliste habi-
avait 25 ans. « Ce sont des rêves qui Dol-de-Bretagne, où ses parents tous les tracas que vous avez pu me mère était heureuse, Alain Rémond tait déjà Paris. Il est revenu à Trans-la-
expriment un sentiment de perte, étaient marchands de cochons. « Elle causer », écrivait-elle. « Sur le prend le temps de se souvenir. « Je Forêt pour annoncer la nouvelle à sa
explique-t-il. Le regret de l’avoir per- a perdu son père très jeune. Sa mère moment, on n’y pensait pas. C’est pense que oui, globalement. Même mère. « Je savais que c’était impor-
due si jeune. Et la perte, aussi, je le s’est remariée, elle a eu trois demi- en grandissant qu’on réalise ce que si elle aurait peut-être voulu faire tant pour elle. On a beaucoup discu-
sais bien, de l’enfance. » frères et sœurs, dont elle s’est très c’était pour elle de tout gérer. autre chose. » té. » Déçue ? Oui, forcément. « En
Alain Rémond a souvent raconté vite occupée. À 15 ans, elle jouait Jamais elle n’a fait peser ça sur Madame Rémond se voyait bien même temps, elle me faisait une
cette enfance bretonne, où le meilleur déjà le rôle d’une mère. » nous. » tenir la caisse de la petite épicerie de confiance absolue. Elle m’a dit :
côtoyait parfois le pire. « Pour moi, Angèle a rencontré celui qui allait Trans, L’Économique, où la famille fai- C’est ta vie, tu fais ce que tu penses
c’était le paradis sur terre, dit-il. J’ai devenir son mari lors d’une réunion sait ses courses. « C’était quelqu’un devoir faire. » | PHOTO : JOEL LE GALL, OUEST-FRANCE
vécu le fait d’être dans une famille
nombreuse, à la campagne, comme
du syndicat agricole. « Au début, ils
ont été très heureux ensemble. Ça
« Elle aurait aimé de très sociable, elle aimait discuter
et tout le monde la connaissait. Elle
Une leçon qu’Alain Rémond n’a
jamais oubliée. « Ça m’a porté toute Né à Mortain (Manche), Alain
un bonheur parfait. Pourtant, notre s’est dégradé par la suite quand être épicière » aurait aimé être épicière pour ça. » ma vie, ça m’a donné l’audace et le Rémond a grandi à Trans-la-Forêt
maison tenait par les papiers peints. mon père a commencé à boire. » Mais, avec dix enfants, elle avait déjà culot de tout faire, y compris de (Ille-et-Vilaine), à vingt kilomètres du
On n’avait pas l’eau, on allait se ravi- Cantonnier à Mortain, puis chef can- fort à faire. « Après la mort de mon devenir journaliste ou d’écrire, ce Mont Saint-Michel, où son père était
tailler au puits communal, on se tonnier à Trans, Henri Rémond est Et jamais Alain Rémond et ses frères père, c’était trop tard. Elle est deve- que je n’avais jamais imaginé. » chef cantonnier. La maison a été ven-
lavait à la bassine dans la cuisine. décédé dix ans avant son épouse, la et sœurs n’ont eu l’impression de nue femme de ménage au château Mais Angèle Rémond, née Jouin, due après le décès d’Angèle, la
Mais j’ai vécu tout ça dans une sen- laissant seule avec les dix enfants. manquer de quoi que ce soit. « Je ne de Trans. » est morte en 1971, juste avant que maman. « L’idée de garder la maison
sation de bonheur, de liberté. » Aujourd’hui, Alain Rémond se sou- sais pas comment elle faisait. Les La mère avait aussi des projets pour son fils ne rejoigne la rédaction de sans elle, sans sa présence, m’était
Vingt ans après Chaque jour est un vient du geste qu’avait sa mère, la légumes venaient d’un jardin qu’elle son fils, programmé pour devenir prê- Télérama pour faire la carrière que insupportable. Après sa mort, j’y
adieu, son premier récit autobiogra- main contre la joue, quand elle était louait à la sortie du bourg. Comme tre. Mais Alain Rémond a jeté l’épon- l’on sait. suis retourné quelques fois. J’en ai
phique, Alain Rémond rend un nou- soucieuse. « Ce n’était pas pour elle tout le monde la connaissait, elle ge après onze ans de petit et grand un souvenir glaçant. Sa présence
vel hommage à sa mère, femme forte qu’elle se faisait du souci, écrit-il. avait des combines pour acheter séminaires. « Depuis mon plus jeune Texte : Thierry RICHARD. était partout, mais elle n’était pas
et fragile. « Je pensais avoir déjà tout C’était pour nous, ses dix enfants, des produits par chers. Elle-même, âge, j’étais persuadé d’avoir la voca- Photo : Joël LE GALL. là », dit Alain Rémond qui possède
dit sur elle. Mais il se trouve que j’ai surtout les plus jeunes. Comment elle donnait beaucoup à ceux qui tion. J’ai mis beaucoup de temps à désormais une maison de campagne
eu un cancer un peu rude. Un de arriver à nous nourrir, à nous vêtir, étaient vraiment pauvres. J’ai tou- comprendre que c’était la projection Ma mère avait ce geste, Plon, 12 €. dans le golfe du Morbihan.

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