Presse écrite

Famille du média : Médias spécialisés Edition : Decembre 2021

grand public Journalistes : Catherine
Millet
Périodicité : Mensuelle
Nombre de mots : 3166
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Valeur Média : 16976€
Sujet du média : Culture/Arts
littérature et culture générale

Francis Picabia dans son atelier du in his

studio ofthe château de Mai. 1929.

(Tous les visuels sauf mention contraire
all pictures unless otherwise stated:
Court. et © Comité Picabia)

PICABIA
la peinture dans
tous ses états
interview de Bernard Marcadé par Catherine Millet

Bernard Marcadé est-il historien ou biographe? Toujours est-il

que celui qui s'est passionné pour l'esprit libertaire de Dada
et le situationnisme ne craint pas le travail au long cours. Presque
quinze ans après avoir publié une monumentale biographie
de Marcel Duchamp (Flammarion, 2007), voici qu'il livre, chez le
même éditeur, une non moins conséquente vie de Francis Picabia,
rastaquouère (704 p., 35 euros). Celui qui fut l'auteur d'un essai
Éloge du mauvais esprit(\a Différence, 1986) ainsi que d'un Isidore
Ducasse (Seghers, 2002) a décidément de la suite dans les idées.

■ Quand l'idée d'écrire cette biographie de bia. II parle même de « pédérastie artis II y a un autre contraste: l'un arrêtera de
Francis Picabia est-elle née? Ne serait-ce tique », en le comparant à celui de Braque et peindre tandis que l'autre ne cessera de
pas, étant donné la proximité des deux ar Picasso. Ce sont vraiment deux pôles oppo peindre à profusion. L!un peint son dernier
tistes, pendant que tu travaillais sur celle sés. L!un est taiseux, Marcel Duchamp, et se tableau en 1918 dont le titre, Tu m', est révé
de Marcel Duchamp? Non, elle est née tient en retrait; l'autre, Francis Picabia, est lateur. On sait pourquoi la peinture l'emmer
après. J'avais découvert en écrivant sur Du extraverti, a de l'argent, collectionne les voi dait : Duchamp n'était pas un très bon peintre
champ que le genre de la biographie me plai tures (il en a eu 127 au cours de sa vie) ; Du et il le savait. Son génie a été de décider de
sait et j'ai d'abord eu envie d'écrire sur Andy champ n'en aura qu'une, une Volkswagen faire autre chose de sa vie et de son ceuvre.
Warhol. Je voulais avancer un peu dans le siè offerte par sa dernière femme, Teeny, et qu'il Tandis que Picabia reste arrimé toute sa vie à
cle. Mais il existait déjà de nombreuses bio avait surnommée « FauxVagin ». L!un est pro la peinture dans tous ses états. C'est sa seule
graphies de Warhol... Par ailleurs, je me suis vincial et normand, l'autre très parisien et in fidélité ! Pendant la première partie de sa vie,
rendu compte que s'il y avait de bonnes mo ternational, d'origine espagnole et cubaine il fait du néo-impressionnisme d'après des
nographies de Picabia, notamment celles de par son père, alors que sa mère appartient à cartes postales et il gagne beaucoup d'argent.
Maria Lluïsa Borràs et de William Camfield, il la grande bourgeoisie intellectuelle pari Puis il traverse rapidement une période tran
n'y avait pas vraiment de biographie sérieuse. sien ne. Picabia mène la grande vie, il sort sitoire un peu nabis, un peu fauve, un peu
De plus, je me sentais, artistiquement, fan beaucoup sur la « rive droite » et est amateur symboliste, puis le « mécanormorphisme », qui
tasmatiquement, plus proche de Picabia que d'opium et de laudanum. Ce qui ne manque est sa contribution très singulière à Dada.
de Duchamp que je percevais comme à l'op pas d'impressionner Duchamp, arrivé tout
posé de moi. Paradoxalement, Duchamp frais émoulu de Normandie, qui vit, d'une SECOUER LA BANALITÉ
m'avait aidé à me sortir de moi-même, alors manière assez étriquée, avec ses frères à Pu Dirais-tu que l'un est resté plus que l'autre
que Picabia me replongeait dans mes propres teaux. D'entrée de jeu, Picabia considère les fidèle à Dada? Je pense que les deux sont
errances et mes propres contradictions. frères de Duchamp et le cercle de Puteaux restés fidèles à Dada, mais de façon diffé
C'était donc un risque. Mais est-ce qu'on n'a en général comme particulièrement en rente. Ils sont restés Dada dans leur com
pas besoin de ça aussi ? nuyeux et ratiocineurs. Duchamp ne pouvait mune opposition à André Breton. Ni Duchamp
qu'admirer cet homme qui l'avait obligé à ni Picabia n'ont voulu adhérer au surréalisme
En effet, autant Duchamp et Picabia ont sortir de lui-même et de son contexte familial. ni ne se sont revendiqués de quoi que ce soit.
été proches dans la vie, autant leurs per Gabrielle Buffet elle-même, la première Duchamp organisait les expositions surréa
sonnalités étaient contrastées. Duchamp épouse de Francis Picabia, ne disait-elle pas listes aux États-Unis en s'opposant frontale
s'amuse de ce couple qu'il forme avec Pica qu'elle avait « déniaisé Duchamp »? ment aux principes édictés de Paris par

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Breton (c'est ainsi qu'il a imposé Dali contre d'ceil bien sûr à la Pharmacie de Platon de s'inscrit le mieux dans la logique de Lautréa
la doxa surréaliste de l'époque). Picabia, lui, Jacques Derrida. Plus que la maladie, la phar mont, c'est Picabia. II a porté le plagiat à un
est resté Dada en prenant position contre macie, ses produits (la peinture est aussi un niveau quasi métaphysique.
Dada. II a compris très tôt que Dada pouvait produit) permettent de comprendre Picabia.
devenir un genre et s'ossifier, II crache donc II y a l'idée d'empoisonner la peinture et Très précurseur de l'art contemporain... Ce
dessus, mais faisant cela, il est Dada. Mêrme d'être à son tour empoisonné par elle. II dit qui est décidément étonnant, c'est d'avoir
ses peintures prétendument réactionnaires aussi qu'il est à la fois celui qui empoisonne eu le désir de devenir peintre et d'avoir
des années 1940, et les «points» de la fin de la peinture et celui qui la soigne et quiy prend d'emblée, avant Dada, refusé de regarder
sa vie, sont une manière de secouer la bana du plaisir. le réel. Copier, pas même les tableaux des
lité formelle de l'époque. maîtres au Louvre, mais de vulgaires cartes
LE PLAGIAT NÉCESSAIRE postales. Au début, il le masque, il triche.
Une des nombreuses contradictions de ce Dans cet esprit, la lecture de Nietzsche a-t Dans sa période postimpressionniste, il dit
personnage est qu'il a eu précocement la elle joué un rôle? De même que Duchamp, qu'il va peindre dans la nature, alors qu'il s'ap
vocation d'être peintre puis qu'il a passé il n'est pas un grand lecteur. Peut-être Du puie sur des photographies. Pour ce qui est
sa vie à esquinter, si l'on peut dire, la pein champ avait-il lu un peu plus, par exemple les de ce décrochage d'avec la réalité, il faut pren
ture. Tu évoques les périodes de dépres Sceptiques grecs, ainsi que Henri Poincaré, dre en compte le rôle de Gabrielle Buffet. Elle
sion qu'il traversait. Était-il en lutte contre mais dans des ouvrages de vulgarisation. Du est musicienne et c'est elle qui l'amène à
lui-même? Je ne pouvais pas oblitérer la di champ se méfie du langage. En revanche, Pi considérer que l'art n'a pas forcément de rap
mension dépressive qui est au cceur de sa cabia écrit et il est un formidable poète. II lit port avec la réalité, que c'est un domaine au
vie, mais je me suis interdit de trop insister. peu (ses références les plus revendiquées tonome comme la musique. Elle lui donne ce
Je n'ai pas employé le terrme de « maniaco sont Max Stirner et Nietzsche). II n'a pas goût, comme elle le donne à Duchamp qui
dépressif» ou de « bipolarité » qui n'étaient cessé d'utiliser Nietzsche dans les titres de était très amoureux d'elle.
pas des termes de l'époque. On disait alors ses tableaux et jusque dans sa vie person
« neurasthénique ». Dans un mot qu'il envoie nelle. Carole Boulbès a montré comment, à Picabia était «un homme à femmes»,
àTzara, Picabia emploie l'expression « la neu la fin de sa vie, les lettres d'amour à Suzanne comme on disait, mais j'ajouterais «femmes
neu ». Oui, je devais quand même parler de Romain sont faites de citations de Nietzsche de caractère». II entretient toute sa vie
sa maladie, de son rapport aux médicaments détournées, trafiquées. Dans ses Poésies, Isi une correspondance avec Gabrielle ainsi
et à la drogue. J'aimerais d'ailleurs écrire un dore Ducasse, alias Lautréamont, considère qu'avec Germaine Everling. Elles, et Olga
petit livre sur « la pharmacie de Picabia », clin le plagiat comme nécessaire. Or, celui qui Mohler, ont accepté des situations qui n'al

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laient pas de soi de ménage à trois, voire à En dépit de son individualisme, il semble comme le saccage et la détérioration délibé
quatre... Ce n'est pas simple pour les femmes, ne pas être dérangé par le fait d'être pré rés des principes à l'honneur dans l'esthé
ça ne l'est pas non plus pour les hommes. Je senté comme un maître de l'art abstrait. tique de la propagande de l'époque.
pense que, de façon étonnante en regard de Michel Seuphor l'expose; Michel Tapié le
ce que je disais de lui précédemment, Du défend. Sans le vouloir, il a réalisé la première De tous les styles qu'il a traversés, y en au
champ était beaucoup plus que Picabia « dans aquarelle abstraite en 1909, Caoutchouc. Nina, rait-il un où il serait plus lui-même? En his
le sexe». Certes, Duchamp n'était pas un sé la veuve de Kandinsky, interrogeait sans cesse toire de l'art, longtemps, la période Dada a été
ducteur mais un homrme qui se laissait séduire. Gabrielle pour savoir si c'était vrai, car Kan privilégiée. Je ne vois pas en quoi Picabia se
II faut dire qu'à l'époque, il n'avait pas beaucoup dinsky, lui, n'aurait «inventé» l'abstraction rait plus lui-même dans cette période que
de travail à faire, car il était un véritable « objet qu'en 1910. Picabia n'a pas fait la première pendant celle des nus. Je ne défends pas
de désir». Lattitude de Picabia, à l'inverse, ceuvre abstraite en connaissance de cause, il l'idée d'un bon et d'un moins bon Picabia, je
est plus «active». Picabia est quelqu'un qui a peint cette aquarelle, entre autres choses ! suis plus intéressé par l'intensité avec laquelle
tombe vraiment amoureux et qui ne sait pas C'est ça qui est beau. il a tout mis au même niveau. Seule la signa
se sortir de situations compliquées, alors que ture reste la même, «Francis Picabia», d'une
Duchamp avait de ce point de vue une tech Quand même, être regardé à la fin de sa écriture d'ailleurs très appliquée. Après, bien
nique imparable. Duchamp ne superpose pas vie comme le précurseur de l'abstraction, sûr, intervient le goût de chacun.
spatialement ses relations amoureuses comme n'était-ce pas être «récupéré»? II est
le fait Picabia. II les superpose temporellement. content d'être devenu une référence, mais Mon goût me fait préférer les Monstres et
II avait pour règle de limiter les fréquences de pas plus que ça. Comme Duchamp, il laisse les Transparences. II y a parmi ces dernières
ses fréquentations. II disait souvent à ses faire, il laisse venir jusqu'à lui des gens plus de très beaux tableaux au sens conven
compagnes: pas plus de deux nuits par se jeunes (Soulages prétend que Picabia a tionnel, bien qu'il y pratique, comme tou
maine... compté pour lui I), mais il n'est pas dans l'hé jours, l'emprunt de motifs. II est le seul à
roïsme d'avant-garde. pratiquer ces superpositions et si c'est ce qui
II est vraiment dans l'économie... Oui I le représente le plus, c'est parce qu'il vivait
Léconomie duchampienne de l'amour est in RAPPORT À LA VIE cette superposition, celle des situations sen
croyable ! Alors que Picabia se donne à corps Un mot qui revient souvent dans son dis timentales avec plusieurs femmes simultané
perdu, qu'il n'arrive pas à choisir, qu'il vit dans cours, c'est celui d'«invention». II faut in ment. Formellement, cette période est très
un chaos sentimental, et qu'il souffre. II n'est venter. Ne pas s'enfermer dans une catégorie, importante. Duchamp en a donné la clef en
pas gestionnaire ni dans ce domaine ni dans ne pas s'en tenir aux configurations de parlant d'une profondeur produite à l'aide
la gestion de son argent. II disposait d'une l'époque. II a le désir, la volonté et la volupté d'images plates. Beaucoup de commenta
fortune qu'il a dilapidée à plusieurs reprises. de ne pas appartenir à une école. Mais il n'a teurs ont aussi analysé le rapport au cinéma
jamais fait la théorie du changement de style. qui fait suite à la collaboration de Picabia avec
DUPLICITÉ STRUCTURELLE Ça, c'est une idée d'aujourd'hui. II le faisait René Clair et aux superpositions d'images
Tu mets en relation cette superposition comme il se comportait dans la vie, c'était lié dans Entr'acte (1924). Le contexte est pas
des relations sentimentales avec l'ensem à son rapport à la vie. sionnant et il s'agit de la période peut-être la
ble des tableaux qu'on appelle les Trans plus surréalisante, d'un surréalisme réussi,
parences. Et tu emploies l'expression de Et ce plaisir de bouger passe avant le choix mais qui n'a jamais été catégorisée comme
«duplicité structurelle». Picabia était dou du sujet... Pour Picabia, tous les sujets sont telle. II a utilisé des motifs de l'art catalan, de
ble. Duchamp aussi. Ce dernier évoque la bons. On le voit pendant cette fameuse pé la peinture italienne de la Renaissance, et il a
« co-intelligence des contraires» comme riode des années 1940. Les sujets sont em puisé dans un manuel sur les papillons pour
constitutive de son processus artistique pruntés à ce qu'on appelle aujourd'hui des trouver les titres.
comme de son principe de vie. Mais parler revues de charme et qui devaient être consi En ce qui concerne les Monstres, directement
de double n'est pas suffisant à propos de Pi dérées comme pornographiques à l'époque. inspirés par des cartes postales, il existe un
cabia. II a en lui une multiplicité d'identités. Époque qui, elle, n'était pas charmante, débat historique, car Picasso et lui se fréquen
Lui-même se donnait des noms différents puisque ces tableaux ont été peints pendant taient alors beaucoup et il semblerait que ses
pour signer ses articles dans sa revue 391: la guerre. Prétendre, comme cela a été fait, Baisers aient influencé Picasso. Quant à l'uti
Pharamousse, Funny-Guy, Loustic... qu'il s'agissait d'une peinture « pétainiste », lisation du Ripolin, qui a commencé avant les
voire participant du « kitsch nazi », c'est vrai Monstres, elle répond vraiment à une volonté
Le psychanalyste Anton Ehrenzweig a ana ment être aveugle. Ce sont des tableaux as de refuser la noblesse de la matière, de pous
lysé cette faculté qu'ont les artistes d'aller sez mal foutus qui n'ont rien à voir avec le ser la peinture dans l'« ignoble» de la produc
et venir entre des contraires parce que ne délire néo-classique de l'époque. Picabia s'est tion industrielle.
plus connaître l'opposition entre le noir et d'ailleurs moqué du néo-classicisme in
le blanc, le bien et le mal, est ce qui per gresque de Picasso. Ce que tu expliques à propos de la période
met précisément de créer. Je trouve que de la Libération et des ennuis rencontrés
pour des personnalités comme celles de II n'y a guère que ce tableau, Printemps, où alors par Picabia, qui tiennent essentielle
Picabia, Duchamp, ou Dali, c'est flagrant. figure au premier plan le torse large d'un ment à la confusion qui a régné pendant
Ils nous révèlent cette structure. Peut-on homme, devant une femme dont le corps l'épuration, est très limpide. C'est impor
dire, dans cette perspective, que Picabia a est pris dans un linge qui s'envole. C'est tant. C'est Gabrielle, qui avait été résistante,
traversé tous les styles? Eh bien oui, sauf exécuté d'après une photographie et les pho qui l'a sorti du piège dans lequel il s'était pris
le futurisme étrangement. L'impression tographies de cette époque sont dans cette les pieds. II a écrit un texte en 1941 dans le
nisme, le fauvisme, l'orphisme, Dada bien esthétique, notamment sous l'influence du quel il déclare à propos de Pétain que le Ma
sûr, le surréalisme sans en être, plus tard naturisme, utilisant en particulier les effets de réchal « est un homme jeune, plus jeune que
l'abstraction, le matiérisme (avec ses points contre-plongée, typiques de la photographie tous nos députés et ministres». On peut y
pris dans la matière) et même un certain pri moderniste des années 1930. Mais la façon voir de l'ironie; Pétain était sénile quand il est
mitivisme. dont c'est peint est à voir et à comprendre arrivé au pouvoir. II ne faut pas oublier non

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plus le contexte de l'époque. Gertrude Stein,

qui était une amie de Picabia, a traduit en an
glais les discours du Maréchal Pétain. Mais il
ne faut pas en rajouter, Picabia n'a pas fait
le voyage en Allemagne! II n'a pas mis en
pratique une esthétique plus ou moins nazie.
II était indifférent, comrme Duchamp. Mais
ce dernier avait la chance d'être aux États
Unis. Tous les deux avaient un vieux fond
anarchiste, ils détestaient le militarisme, ils
détestaient le nationalisme. Du coup, ils n'ont
rien fait...

LE REGARD DES ARTISTES

Et tu écris: «C'est peut-être là que se si
tuent les limites de l'art de la compromis
sion.» En partie à cause de cette exagéra
tion au sujet de son comportement pen
dant la guerre et d'une mauvaise interpré
tation de ses dernières périodes, la redé
couverte de Picabia a été plus tardive que
celle de Duchamp. Elle est beaucoup due
à notre génération. Tout à fait, il a fallu at
tendre les années 1980 pour que l'on com
mence à le désenclaver et à dire que l'on
pouvait regarder tout son ceuvre, et comme
toujours, on doit cela aux artistes, John Arm

LA f'B.OCEJSÏON leder, Mike Kelley, François Morellet, David

îEviUE Salle et Sigmar Polke. Même Daniel Buren,
que j'avais interviewé en 1986, rme disait ne
pas être intéressé par Duchamp mais par Pi
cabia. Bertrand Lavier se sent de plus en
plus du côté de Picabia, alors qu'on l'a souvent
enfermé dans une posture post-Duchamp.

En ce qui me concerne, c'est Bernard Du

four avec qui j'avais visité la rétrospective
de 1976 qui m'avait ouvert les yeux. Dirais
tu de la période que nous vivons qu'elle
est plutôt duchampienne ou plutôt pica
bienne? J'espère qu'elle sera picabienne ou
picabiesque (je n'ai jamais pu choisir entre
ces deuxadjectifs)... On a besoin d'un artiste
qui fait exploser les cadres et c'est ça qui,
selon moi, continue d'être contemporain.

Je te pose la question parce qu'on voit

aujourd'hui plus de peinture qu'il y a
quelques années. La peinture a toujours
guidé Picabia, une peinture dans tous ses
états, une peinture qu'il a malmenée, qu'il a
traînée dans les fanges et les marigots les
plus douteux... Mais ce qui reste aujourd'hui
d'une incroyable inactualité, et donc d'une vi
tale nécessité, c'est la liberté, et même
l'esprit libertaire. C'est ce dont nous avons
besoin.

De haut en bas from top:

Bord du Loing à Moret. 1907-08. Huile surtoile

oil on canvas. 81 x 100 cm. (© Coll. part.).

La Procession, Séville. 1912. Huile sur toile oil on

canvas. 121,9 x 121,9 cm. (©The National Gallery

of Art, Washington)

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