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Bulletin Monumental

Fontainebleau 1530 : le pavillon des Armes et sa porte égyptienne


Jean Guillaume

Citer ce document / Cite this document :

Guillaume Jean. Fontainebleau 1530 : le pavillon des Armes et sa porte égyptienne. In: Bulletin Monumental, tome 137, n°3,
année 1979. pp. 225-240;

doi : 10.3406/bulmo.1979.5821

http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1979_num_137_3_5821

Document généré le 30/07/2017


FONTAINEBLEAU 1530 :
LE PAVILLON DES ARMES ET SA PORTE ÉGYPTIENNE

par Jean GUILLAUME

Les travaux d'architecture réalisés par François Ier à Fontainebleau concernent, on le sait, les
bâtiments de la cour Ovale et ceux de la cour du Cheval-Blanc, réunis par la galerie François Ier. Le
premier groupe correspond au vieux château rénové, le second, entièrement neuf, comprend un grand édifice
à cinq pavillons (appelé aujourd'hui « aile Est de la cour du Cheval-Blanc ») et trois ailes plus basses (1)
(fig. 1 et 2).
Les Comptes permettent de dater la plupart de ces constructions. Les bâtiments de la cour Ovale,
la galerie François IeT et les trois ailes basses commencés en 1527-1528 sont achevés quelques années plus
tard. La moitié sud de l'aile Est, en revanche, ne date que de 1537-1539 et l'église de la Trinité, installée
dans la moitié nord de cette aile, de la fin du règne de François Ier (1540-1545-après 1551) (fig. 3). La
présence d'une abbaye de Trinitaires à l'emplacement de cette église et de la partie orientale de la cour
du Cheval-Blanc explique que l'aile Est ait été construite lentement : il fallait reloger les religieux avant
de démolir le vieux couvent et son église (2).
En définitive, un seul bâtiment pose un problème de date, parce que les Comptes n'en parlent pas :
le pavillon des Armes, situé à l'extrémité nord de l'aile Est, entre la cour du Cheval-Blanc et le jardin
de la Reine. Félix Herbet date l'édifice de 1528 sans donner de raisons (en fait, Herbet croit — à tort —
que le pavillon est lié à l'aile nord de la cour du Cheval-Blanc commencée en 1528). François Gébelin, au
contraire, estime que le pavillon des Armes est contemporain de l'église de la Trinité commencée dans les
années 1540-1545. Plus prudent, Maurice Roy ne prend pas position (3). A vrai dire, aucun de nos
prédécesseurs ne s'est arrêté longuement sur ce sujet qui peut paraître en effet secondaire, encore que la porte
d'entrée, ornée de figures « égyptiennes », eût mérité à elle seule un peu plus d'attention...
Or, la date du pavillon des Armes présente une importance capitale lorsqu'on essaie de comprendre
la genèse de Fontainebleau. Si le pavillon est contemporain de l'église, la construction de l'aile Est ne pose
aucun problème : la moitié nord a été élevée après la moitié sud (4). Les plans de cette aile peuvent donc
n'avoir été établis qu'en 1536-1537 lorsqu'on entreprend la partie sud. Au contraire, si le pavillon date de
1528 ou du début des années trente, il faut admettre que la construction de l'aile Est a commencé par un
pavillon isolé au nord du couvent, et que l'on a bâti quelques années plus tard la moitié sud de l'aile et le
pavillon des Poêles (semblable au pavillon des Armes et disposé symétriquement par rapport à la galerie
François Ier et à la cour) après avoir démoli la partie du couvent située de ce côté. Dans cette hypothèse,
le plan de l'aile Est aurait été établi en même temps que ceux de la galerie François Ier et des trois ailes
basses de la cour, en 1527-1528 (5). Dès ce moment, François Ier aurait donc eu une idée claire de ce qu'il
voulait faire à l'ouest de la cour Ovale : un château neuf à cinq pavillons précédé par des bâtiments bas
(qui furent construits en premier) (fig. 4). Le plan de Fontainebleau qui semble à bon droit désordonné
aurait été parfaitement cohérent — vers 1530. On voit l'enjeu du débat.
15*
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FIG. 1. LE CHÂTEAU DE FONTAINEBLEAU, VU DU NORD, VERS 1575 (GRAVURE DE DU CERCEAu)


De gauche à droite, au premier plan : le jardin de la Reine, le pavillon des Armes, le fossé creusé en 1565, l'aile nord de la cour
du Cheval-Blanc (amputée du pavillon gauche) ; au deuxième plan : la cour Ovale, la galerie François Ier, l'aile Est, la cour
du Cheval-Blanc ; au fond : le Grand jardin, l'étang, le jardin des Pins.

Le pavillon

Avant d'aller plus loin, il faut rappeler tout ce que l'on peut savoir du pavillon des Armes, car cet
édifice n'a jamais été décrit de façon détaillée (6).
Le pavillon, connu dans son état originel par les gravures de Du Cerceau (fig. 1 et 3) est un édifice
de plan rectangulaire (22 X 10 mètres), flanqué au sud de deux petites tours carrées occupées par des
vis logées dans des cages circulaires (à la différence des autres escaliers de l'aile Est logés dans des cages
carrées) (7). La porte de l'escalier sud-est, ouverte sur le jardin de la Reine, constitue l'entrée principale
du pavillon : elle est ornée de deux grandes figures sculptées — des termes égyptiens — qui soutiennent
un fronton. L'église de la Trinité s'appuie sur le mur sud : la nef aboutit à la partie centrale, les chapelles
latérales, couvertes en terrasse, aux deux tours. Le pavillon se trouve ainsi complètement isolé du château :
pour y aller, il faut traverser le jardin de la Reine et entrer par la porte égyptienne, ou passer par les
terrasses de l'aile Est au niveau du premier étage.
Rapprochés des gravures de Du Cerceau, les plans du xvne et du xvnie siècles permettent de reconsti-
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FIG. 2. PLAN DE FONTAINEBLEAU VERS 1575 (LE NORD EST EN BAS). GRAVURE De[dU CERCEAU

tuer les dispositions intérieures du bâtiment (8) (fig. 5). Le rez-de-chaussée comportait une galerie ouverte
par deux arcades en plein-cintre sur le jardin de la Reine, une grande pièce donnant sur cette galerie,
et deux pièces plus petites non chauffées et peu éclairées (les murs ouest et nord du rez-de-chaussée sont
à peu près dépourvus de fenêtres). Au premier étage on trouvait de nouveau une galerie (desservie par
l'escalier est), une grande pièce accessible de la galerie, un passage (desservi par l'escalier ouest) et une
pièce donnant sur la cour du Cheval-Blanc. Cette pièce et son antichambre formaient donc un
appartement qui avait son entrée propre par la terrasse ouest (en traversant l'escalier). Le second étage,
entièrement à jour, était une sorte de belvédère ouvert sur trois côtés. Les grandes baies en plein cintre
(trois à l'ouest, cinq au nord, deux à l'est), dépourvues de croisées, ne comportaient sans doute pas de fenêtres
à l'origine.
La façade est du pavillon (fig. 6) est la plus originale parce qu'elle possède des galeries ouvertes au
rez-de-chaussée et au premier étage qui ne se retrouvent pas au pavillon des Poêles (fig. 7). La raison en
est simple : la façade est de ce pavillon donne sur une cour, celle du pavillon des Armes sur un jardin. Les
deux galeries forment loggia et permettent de jouir du jardin en restant dans le pavillon.
Le mur sud, enfin, comporte une disposition curieuse, malheureusement difficile à interpréter (9).
Au rez-de-chaussée, la partie comprise entre les deux tours d'escalier (visible aujourd'hui derrière le
retable de l'église), est ornée de trois arcades qui semblent contemporaines de la construction. Des colonnes
FIG. 3. AILE EST DE LA COUR DU CHEVAL-BLANC, FACE OUEST, VERS 1575 (GRAVURE DE DU CERCEAU)
A gauche : le pavillon des Armes et l'église de la Trinité ; à droite : corps de logis sud et pavillon des Poêles (représenté isolé alors
que la galerie d'Ulysse le rejoint sur l'angle).

Illustration non autorisée à la diffusion

0 10 20 30n
FIG. 4. LE « CHÂTEAU NEUF » DE FONTAINEBLEAU : RECONSTITUTION DU PROJET DE 1527-1528 (DESSIN J. BLECOn)
Des terrasses permettent de circuler le long de l'aile est et d'accéder aux escaliers.
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de grès, détachées du mur, portent des arcs en plein-cintre dont les archivoltes dessinent un demi-cercle
complet si bien qu'elles s'entrecroisent au-dessus des chapiteaux. Des disques meublent ces arcs, à la
naissance et à la clef (sur la face et sur l'intrados). Ces traits « première Renaissance » pourraient fournir un
élément de datation : ils sont plus vraisemblables en 1530 qu'en
1545 (10). Mais on ne voit pas très bien pourquoi on aurait mis en M
place ce décor destiné au chœur de l'église dès 1530 — à moins d'ad- j
mettre qu'une ou deux travées jouxtant le pavillon aient été
construites à cette époque et laissées en attente jusqu'à ce qu'on puisse
continuer les travaux.
La forme générale du pavillon, en tout cas, incite à le
rapprocher des pavillons de la cour du Cheval-Blanc et surtout des pavillons
d'angle du château de Madrid, tous conçus en 1527-1528. L'influence
italienne qui explique cet emploi systématique des pavillons quadran-
gulaires est d'ailleurs particulièrement sensible au pavillon des Armes
puisque celui-ci comporte à son sommet un belvédère ouvert sur
trois côtés. La composition de la façade, du côté de la cour du Cheval-
Blanc, semble même inspirée par un édifice de Rome bien connu au
xvie siècle : la Torre del Monte, située à l'angle d'un palais, au fond de Illustration non autorisée à la diffusion
la place Navone (11). Cette << tour » en forme de pavillon comportait
un rez-de-chaussée massif, un premier étage rythmé par des pilastres
et un second étage traité en belvédère (fig. 8).
Selon le père Dan, le pavillon des Armes aurait abrité la
collection d'armes de François Ier — d'où son nom —• et différentes
curiosités réunies par ce prince (12). Ce témoignage n'est pas absolument
sûr (13), mais les archives mentionnent les deux collections à cet
emplacement un peu plus tard. En 1559, on installe une « salle où l'on
veut faire l'armurerie du Roy » dans le « pavillon qui est au bout de
l'église des moynes », au-dessus de la « chambre » où loge le
connétable (14). En 1563, on « remue les anticailles estans sous le cabinet
des armes du Roy » afin de dresser une « scène de comédie » dans
cette pièce (15). Comme le rez-de-chaussée ne convient pas à des
(Dessin de l'auteur)
collections précieuses (la grande pièce est immédiatement accessible
du jardin), on devine que les «anticailles » se trouvent au premier étage, FIG. 5. PAVILLON DES ARMES :
PLAN (PROBABLE) DES DIFFERENTS
dans la pièce ouverte sur la galerie (16). Le connétable loge sans ÉTAGES AU MOMENT DE LA
doute à côté dans les deux pièces ouest qui forment un CONSTRUCTION
appartement indépendant. Les armes occupent le second étage, en tout ou De haut en bas : rez-de-chaussée (des
en partie, à partir de 1560 (17). petites fenêtres éclairaient sans doute les
pièces ouest) — premier étage —
second étage (le mur de refend est
Le jardin du Roi hypothétique, les cheminées attestées en
1559 ne sont pas indiquées car le
second étage était sans doute à l'origine
Les Comptes ne mentionnant nulle part le pavillon des Armes un belvédère dépourvu de fenêtres).
de façon explicite avant 1559, nous sommes obligé de recourir à une
méthode de recherche indirecte pour savoir si le pavillon a été ou non construit avant l'église de la
Trinité, dès le début des travaux. Aussi nous nous demanderons d'abord ce qui pouvait exister près de ce
pavillon — hypothétique — autour de 1530.
Pour comprendre la disposition des lieux à cette date, il faut oublier le Fontainebleau décrit par
Du Cerceau : le couvent existe toujours à l'emplacement de l'aile Est et d'une partie de la cour du Cheval-
Blanc, les trois ailes basses qui entourent cette cour (appelée « basse-cour de l'Abbaye ») sont encore en
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fig. 6. pavillon des armes, façade est : etat actuel FIG. 7. PAVILLON DES
(la porte égyptienne se trouve a gauche, au pied de la tour d'escalier) POÊLES, FAÇADE EST (GRA-
VURE DE DU CERCEAU)

construction (fîg. 9). Aussi la vie du château se concentre-t-elle autour de la cour Ovale, dans le vieux
château occupé par l'appartement du Roi et de la Reine (18). Ces appartements ouvrent sur la cour, mais
aussi — on l'oublie trop — sur un jardin situé au pied des murs, au nord-ouest du château.
Le jardin limité au sud par la galerie François Ier, à l'ouest par un chemin public menant à l'étang (19),
est très petit, mais le roi y porte tout de suite beaucoup d'intérêt. Le devis de 1528 prévoit, en effet, la
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FONTAINEBLEAU
FIG. 8. ROME
: PAVILLON
: TORRE. DEL
DES MONTE
ARMES (GRAVURE DE SILVESTRe),
DU CERCEAu)

construction de deux escaliers hors-œuvre mettant en communication directe l'appartement royal et le


jardin. L'un part du « cabinet de Madame » (Louise de Savoie), l'autre de la « garderobbe » du roi (20).
Le premier est une vis, le second un escalier extérieur construit autour de l'une des tourelles situées aux
angles du vieux château. Dès décembre 1529, le roi agrandit « son jardin » (21) : il achète aux religieux
tous leurs droits sur le terrain situé entre le chemin et l'abbaye (« la moitié ouest du lieu où est située la
grande galerie ») et sur « dix-sept maisons joignant à notredit châtel », « pour accroître, aggrandir et aiser
les bâtiments que présentement nous faisons construire... icelui embellir de place, jardin et pourpris
convenable » (22). Cette acquisition entraîne certainement la suppression du chemin (23) et l'extension du
jardin qui occupe désormais tout l'espace compris entre le vieux château et l'abbaye (fig. 10). Enfin, des
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ABBAYE

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(Dessin de l'auteur)
FIG. 9. FONTAINEBLEAU A LA FIN DE 1529
1 : aile nord de la basse-cour (future cour du Cheval-Blanc) ; 2 : aile sud (galerie ouverte sur la cour) ; 3 : galerie François Ier ;
4 : appartement du Roi ; 5 : escalier extérieur construit autour de la tourelle ; 6 : appartement de Madame (Louise
de Savoie) ; 7 : cabinet de Madame (en surplomb sur le jardin) et son escalier; 8 : tour du Portail (porte Dorée) ;
9 : galerie ; 10 : salle du guet ; 11 : pavillon des Enfants.

textes de 1531-1532 concernent la construction et l'aménagement de la conciergerie du château, située


sur l'un des côtés du jardin puisque ce dernier sera appelé plus tard « jardin de la Conciergerie » (24).
Un fait significatif permet de mesurer l'importance exceptionnelle prise par ce jardin dans les années
1530. En 1532, François Ier fait placer une horloge sur une tourelle du vieux château (celle qui porte
l'escalier extérieur, selon toute vraisemblance) (25). Or, cette horloge est la seule de Fontainebleau et le
restera jusqu'en 1539 (26). Le choix de cet emplacement, de préférence à la cour Ovale, prouve que le
jardin proche de l'appartement royal est à cette époque la promenade préférée du souverain et de son
entourage (27).
Ainsi l'espace compris entre l'abbaye et le vieux château a été profondément transformé vers
1530 par la création d'un jardin particulièrement cher au souverain et par la construction d'un bâtiment
neuf, la conciergerie. Dans ce contexte, l'érection d'un autre bâtiment au nord-ouest du jardin paraît
possible dès 1530.
Or, une mention des comptes de 1537-1540 nous apprend que Badouin a exécuté des travaux de
peintures dans le « cabinet érigé en la tour du jardin... du costé et joignant la conciergerie » (28). Où
placer cette « tour »? Les tours du vieux château, liées à l'appartement royal, n'auraient pas été désignées
par référence à la conciergerie... La seule tour qui corresponde à la double définition du texte (proximité
du jardin et de la conciergerie) est donc le pavillon des Armes — étant entendu que le mot tour peut désigner
un pavillon puisque la porte Dorée est toujours appelée « tour du portail » dans le devis de 1528. De plus,
l'appellation « tour du jardin » met à juste titre l'accent sur les rapports étroits qui lient le pavillon et le
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(Dessin de l'auteur)
FIG. 10. FONTAINEBLEAU EN 1532
Les numéros ont la même signification que dans la figure précédente, sauf : 4 : appartement de la Reine ; 5 : tour de
l'Horloge ; 6 et 7 : appartement du Roi. Constructions nouvelles : A : tour du Jardin (pavillon des Armes) ; B : conciergerie ,
C : escalier extérieur et portique d'entrée ; D : chapelle Saint-Saturnin.

jardin : la porte d'entrée principale se trouve de ce côté, le rez-de-chaussée et le premier étage possèdent
des galeries ouvertes sur le jardin (29).
La tour « joignant » la conciergerie, on devine que celle-ci s'appuie sur le pavillon — du côté nord
obligatoirement (30) — et qu'elle est donc postérieure à sa construction ou, au moins, contemporaine.
En effet, la position du pavillon ne peut dépendre de celle d'un autre édifice puisque le pavillon fait partie
d'une composition d'ensemble qui intéresse toute l'aile Est et la cour du Cheval-Blanc. Si notre
raisonnement est juste, la date du pavillon des Armes s'impose d'elle-même : le pavillon a été bâti après l'achat
des terrains situés près de l'abbaye (décembre 1529) et avant la construction de la conciergerie (1531-1532)
ou en même temps, donc en 1530-1531. Comme le grand escalier de la cour Ovale et la chapelle Saint-
Saturnin, commencés en 1531, le pavillon appartient à une seconde phase de travaux — qui n'a pas laissé
de traces dans les Comptes (31).
La datation ainsi établie s'accorde parfaitement avec les observations faites plus haut : les trois
arcades de style « première Renaissance » situées au pied du mur sud sont trop archaïques pour dater de
1545, les deux vis du pavillon, logées dans des cages circulaires, appartiennent au type de la cour Ovale
— abandonné ensuite dans l'aile Est (à partir de la construction de la moitié sud) au profit de l'escalier
tournant inscrit dans une cage carrée. De plus, on va le voir, la date de 1530-1531 — ou du moins une date
antérieure à 1535-1540, permet seule de comprendre la porte « égyptienne ».
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(CI. auteur)
fig. 11. pavillon des armes : la porte égyptienne
(le sol du jardin est plus élevé qu'a l'origine)

rosso et la porte égyptienne


L'entrée principale du pavillon comporte un décor original (fig. 11). Deux termes féminins égyptiens
soutiennent un entablement à ressauts et un fronton trapézoïdal en fort relief, dépourvu de base entre les
ressauts. Au-dessus, six putti, groupés deux par deux, jouent avec un casque (au centre) ou avec le F royal
(sur les côtés).
FONTAINEBLEAU 1530 : LE PAVILLON DES ARMES ET SA PORTE ÉGYPTIENNE 235
Le fronton en trapèze appartient au répertoire de la première Renaissance française, mais il se
distingue de tous les exemples antérieurs par la vigueur du relief (qui autorise un décor de caissons sous les
rampants) et par sa base interrompue — deux traits italiens et même antiques (32) qui laissent supposer
une intervention étrangère dans la conception de la porte. Les putti en haut-relief, joufflus, enjoués,
aux cheveux bouclés, s'expliquent de la même façon : ils rappellent les putti de la galerie François Ier,
en particulier ceux qui jouent avec des F aux deux extrémités de la galerie (33). Les enroulements de cuirs
qui tiennent lieu de chapiteaux, au-dessus des termes, évoquent également le décor de la galerie. Tous
ces traits incitent à dater la porte des années 1530-1540 et même à en attribuer l'idée (mais non l'exécution)
à Rosso qui aurait créé ici l'une de ces compositions énergiques, animées, surprenantes dont il a le secret (34).
Un artiste ayant vécu à Rome, de toute façon, pouvait seul imaginer les figures égyptiennes qui
constituent l'attraction majeure de la porte (fig. 12). Les deux termes, en effet, ont une source précise :
deux télamons de granit rouge, conservés au Musée du Vatican, qui se trouvaient au xvie siècle à
Tivoli (35) (fig. 13). Ces statues célèbres furent dessinées par Giuliano da Sangallo et Peruzzi et reproduites par
Raphaël dans le décor de la chambre de l'Incendie (36) (fig. 14). Le rapprochement est d'autant plus sûr que
les deux statues égyptiennes encadraient alors une porte : l'entrée du palais épiscopal de Tivoli ! Invité
à créer un encadrement de forme extraordinaire, Rosso aurait songé à ces figures qu'il a transformées
en termes afin de les lier plus étroitement à l'architecture. Ainsi modifié, le motif connaîtra une nouvelle
fortune : Du Cerceau le reproduit dans son recueil de Termes (37) en supprimant le chapiteau à cuirs,
remplacé par une corbeille — qui existait déjà dans le modèle antique (fig. 15)...
Les particularités de la porte égyptienne permettent donc d'en attribuer l'idée à un artiste italien
venant de Rome qui aime les compositions originales et dessine des putti à la manière de Rosso..., autant
dire à Rosso lui-même. Le Maître aurait donc imaginé ce décor dès son arrivée en France, à la fin de 1530
ou au début de 1531 — si la porte est contemporaine du pavillon, comme on peut le penser (38). Une telle
datation, en tout cas, est parfaitement vraisemblable car Rosso semble avoir été tout de suite le « directeur
général de tous les bâtiments, peintures et décors » de Fontainebleau (39) — et l'architecte du grand
escalier de la cour Ovale (40). Ajoutons que les deux types de figures employées dans la porte apparaissent
dans les dessins de l'artiste autour de 1530 : les putti jouant avec un casque dans Mars et Vénus (le dessin
envoyé de Venise à François Ier), les cariatides portant un entablement à ressauts dans un projet de
tabernacle daté des premières années du séjour en France (41) (fig. 16).
Reste à deviner pour quelle raison François Ier et Rosso ont voulu placer des figures égyptiennes
à la porte du pavillon des Armes. Les souvenirs de Tivoli, les goûts personnels de l'artiste ne suffisent pas,
en effet, à expliquer une création aussi bizarre, inattendue à l'entrée d'un corps de bâtiment.
Les termes égyptiens présentent en effet, en 1530, un caractère extraordinaire que nous avons
peine à imaginer aujourd'hui (42). Pour comprendre le prestige de l'Egypte, il suffit de relire le chapitre
que Serlio consacre aux « cose meravigliose dell'Egitto » : tout ce qu'il sait de ce monde disparu lui semble
prodigieux, « più tosto sogni e chimère ehe cose vere... » (43). Pour les Français qui n'avaient encore rien
vu de tel, les deux termes n'étaient pas des simples ornements appartenant au décor « normal » de
l'architecture, mais des figures étranges, venues du fond des âges. Leur emploi pose donc un problème.
Si l'on était sûr que le pavillon des Armes ait abrité dès l'origine les « anticailles » attestée en 1563,
on pourrait mettre les deux figures en rapport avec cette fonction : elles annonceraient les merveilles
conservées à l'intérieur (44). L'idée est séduisante, mais invérifiable. Aussi préférons-nous invoquer une
autre raison, qui n'est plus liée au pavillon mais à tout ce qui l'entoure. Vers 1530, en effet, la porte
égyptienne ouvre sur le jardin du Roi, lieu privilégié, certainement orné avec soin puisqu'il forme le
complément naturel des pièces habitées par le souverain. Située au fond du jardin, face à l'escalier qui descend
de l'appartement royal, la porte présente tous les caractères d'une fabrique : elle surprend par sa forme
insolite et excite l'imagination en évoquant un passé fabuleux... La grotte des Pins, les statues antiques
placées dans les jardins joueront plus tard le même rôle (45).
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(CI. auteur)
FIG. 12 FIG. 13
FIG. 12. PORTE ÉGYPTIENNE : TERME. FIG. 13. LES TÉLAMONS ÉGYPTIENS DE LA VILLA d'hADEIEN
(musée du Vatican)

Aussi la porte ne peut-elle dater que des années 1530-1535, époque où le jardin du Roi est encore
le seul jardin important du château. Après 1535, au contraire, F « enclos de l'étang » (futur jardin des Pins),
planté d'espèces rares, orné de nouvelles fabriques, devient le jardin principal et le roi fait bâtir une galerie
(la galerie d'Ulysse) afin de s'y rendre aisément. Le premier jardin, entouré de bâtiments sur trois côtés,
privé de vues sur l'étang et la forêt, paraît pour un temps délaissé : les textes des années 1540 ne l'appellent
plus que le « jardin de la conciergerie » (46) ...
Toutes nos observations aboutissent donc à la même conclusion : le pavillon des Armes et sa porte
égyptienne conçue par Rosso datent de 1530-1531, parce que l'un et l'autre sont liés au premier jardin
de Fontainebleau agrandi à la fin de 1529.

Ainsi l'exemple du pavillon des Armes met en pleine lumière le rôle joué par les jardins dans l'histoire
du château. La galerie d'Ulysse, la salle de Bal, les nouveaux appartements de la Reine pourraient donner
lieu à des observations analogues : tous ces bâtiments sont en rapport avec des « paysages » qui ont plu
FIG. 14 FIG. 15
FIG. 14. GIUIJANO DA SANGALLO : LES TELAMONS ÉGYPTIENS A TIVOLI (CODEX BARBERINl)
FIG. 15. DU CERCEAU : TERME. ÉGYPTIEN (LIVRE DES « TERMES »)

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FIG. 16. ROSSO : PROJET DE RETABLE, PARTIE INFERIEURE (bRITISH MUSEUM)


238 FONTAINEBLEAU 1530 : LE PAVILLON DES ARMES ET SA PORTE ÉGYPTIENNE

aux souverains. A Fontainebleau plus que partout ailleurs, la découverte progressive du site et de ses
ressources explique le développement — apparemment anarchique — du château. Mais cette croissance
« organique » n'exclut pas qu'il y ait eu au départ un plan cohérent, peu à peu négligé. La date du pavillon
des Armes prouve que le plan de l'aile Est existait dès 1530 puisqu'on a commencé la construction de cette
aile par un pavillon destiné à rester quelques temps isolé. Et tout indique que le projet fut dessiné (au moins
dans ses grandes lignes) dès 1527-1528, lorsqu'on entreprit la galerie François Ier et les ailes basses de la
« basse-cour de l'abbaye » : les constructions situées à l'est du vieux château forment — au départ — un
ensemble unitaire, le plus vaste qu'on ait conçu en France depuis Chambord. Ensuite le projet sera modifié
en cours d'exécution, suivant les vœux des souverains qui s'intéressent plus ou moins à telle ou telle partie
du château — et aux jardins voisins.
Prévu dans un plan général, celui du « château neuf », le pavillon des Armes a été construit très tôt
parce qu'il bordait le jardin du Roi. Deux logiques différentes — pour une fois accordées — expliquent donc
sa genèse : celle du plan qui impose sa loi à un espace immense et celle de la vie qui implique une adaptation
de l'architecture au site, vu et parcouru par les hommes. De ce fait, le pavillon des Armes prend une valeur
exemplaire : dès 1530, il illustre clairement les deux « principes » contraires qui vont commander toute
l'histoire de Fontainebleau.

(1) Nous reviendrons plus longuement sur les bâtiments de la cour du Cheval-Blanc dans une étude consacrée à la
galerie d'Ulysse, et au « château neuf » de Fontainebleau, à paraître dans la Revue de l'Art, 1980.
(2) Principales références, désormais désignées par le nom de l'auteur ou le titre : Père Dan, Le trésor des merveilles
de la maison royale de Fontainebleau, Paris, 1642 ; P. Guilbert, Description historique des châteaux, bourg et forest de
Fontainebleau, 2 vol., Paris, 1731 ; Les comptes des bâtiments du roi (1528-1571), éd. L. de Laborde, 2 vol., Paris, 1877-1880 ; F. Gé-
belin, Les châteaux de la Renaissance, Paris, 1927 ; M. Roy, Artistes et monuments de la Renaissance en France : t. I, Paris,
1929 ; F. Herbet, Le château de Fontainebleau, Paris, 1937 ; S. Pressouyre, Remarques sur le devenir d'un château royal :
Fontainebleau au XVIe siècle, dans L' Information d'histoire de l'art, 1974, p. 25-37.
(3) Herbet, p. 72-74, 23, 109 (suivi par Pressouyre, p. 31) ; Gébelin, p. 99 (suivi par L. Hautecœur, Histoire de
l'architecture classique en France, t. I2, Paris, 1965, p. 296) ; Roy, p. 279-280. H. Stein, Le pavillon des Armes au château de
Fontainebleau, dans Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, 1930, p. 201, ne prend pas position non plus
sur cette question.
(4) Le pavillon des Armes, toutefois, aurait été terminé avant l'église puisque le marché de couverture de De L'Orme
(1551) ne concerne que l'église et le petit pavillon en saillie sur la cour du Cheval-Blanc (Roy, p. 266).
(5) II est exclu, en effet, que le pavillon des Armes ait été conçu comme un édifice indépendant que l'on aurait ensuite
intégré dans l'aile Est : la face sud du pavillon, entièrement aveugle, était destinée dès le début à servir de fond à un autre
bâtiment — la future chapelle.
(6) M. Collette, architecte en chef du palais de Fontainebleau, a bien Voulu nous guider dans l'exploration du pavillon
des Armes. Nous le remercions vivement de son cordial accueil et de tous les renseignements qu'il nous a généreusement
communiqués.
(7) L'escalier de la tourelle ouest n'existe plus à la fin du xvii® siècle (plans de 1682 : Archives nationales, N III,
Seine-et-Marne 89), mais la forme ronde des pièces situées dans cette tour prouve qu'elles sont établies dans une ancienne
cage d'escalier. Tous les autres escaliers de l'aile est sont des escaliers tournants inscrits dans des cages carrées (y compris
l'escalier ouest du pavillon des Poêles que Du Cerceau situe par erreur dans une tour ronde dans sa vue de l'aile Est — mais
pas dans la vue générale du château !). Les arrachements d'un de ces escaliers, récemment dégagés, sont visibles au rez-de-
chaussée du petit pavillon sud : les volées comportent de courtes parties droites et des quartiers-tournants autour d'un noyau
carré.
(8) Le plan de Du Cerceau représente le rez-de-chaussée, celui de 1682 (cité note précédante) le premier étage, ceux
de 1733 (Archives nationales, O1 1459) tous les niveaux. On notera toutefois que le pavillon a brûlé en 1702 et que les parties
détruites furent rebâties en 1728 (à l'identique selon Guilbert, t. I, p. 48). Les dispositions intérieures ont donc pu être modifiées,
du moins dans les parties hautes.
(9) Herbert n'en parle pas : Roy, p. 251-252, mentionne les colonnes sans les expliquer.
(10) Dispositions analogues vers 1530 : archivoltes entrecroisées au-dessus des chapiteaux au palais Granvelle
(Besançon), archivolte recoupant une moulure verticale au-dessus des piédroits à l'église de Montrésor.
(11) La Torre del Monte est l'œuvre de Antonio da Sangallo le Jeune, vers 1518-1520. Elle figure parmi les curiosités
de Rome : un artiste français la dessine vers 1560, Silvestre en donne une gravure au xvne siècle (C.-L. Frommel, Der
Römische Palastbau der Hochrenaissance, Tubingen, 1973, t. I, p. 125-126, t. 3, p. 178).
(12) Dan, p. 31.
(il est vrai (13) Dan,
que des
p. 62,travées
date également
proches du
l'église
pavillon
du début
des des
Armes
travaux
ont pu
alorsêtre
qu'elle
élevées
fut construite
dès 1530).à la fin du règne de François Ier,
FONTAINEBLEAU 1530 : LE PAVILLON DES ARMES ET SA PORTE ÉGYPTIENNE 239
(14) Roy, p. 259 et 277 : contrat pour les lambris de la salle, 3 avril 1559. Le lambris est verni en 1562 (Comptes,
t. II, p. 67). Mention de peintures en 1561 (ibid, p. 51). Le texte implique que les armes se trouvaient auparavant ailleurs :
dans une autre pièce du pavillon, si le père Dan a raison, ou dans une autre partie du château.
(15) Comptes, t. II, p. 96.
(16) La grande pièce du rez-de-chaussée est peut-être la « salle estant au jardin de la Reyne » que l'on « verdit » en
1562, en même temps que l'on vernit le lambris de la salle des Armes (Comptes, t. II, p. 66-67).
(17) Le contrat de 1559 ne permet pas de connaître les dispositions exactes du second étage : il mentionne «des
cheminées », ce qui suppose une salle très grande (occupant tout l'étage?) et des « côtés ou il n'y a pas de jour », ce qui indique
(si le pluriel a un sens) qu'il existe un mur-de-refend en plus du mur sud. Dan, p. 31, parle de « deux grandes chambres et
cabinets » abritant tout ce que François Ier « avait pu trouver d'armes dont usaient les Anciens avec d'autres curiosités qu'il
y avait mises » -— mais il peut s'agir de la pièce des armes et de celle des « anticailles » située en-dessous... Enfin, notons
que si les grandes baies en plein cintre sont restées sans fenêtres jusqu'en 1559, elles en ont évidemment reçu lors de ces
travaux.
(18) Pour la disposition des lieux avant le début des travaux, voir R. Bray, Les origines de Fontainebleau :
Fontainebleau avant François Ier, dans Bulletin monumental, 1935, p. 171-214, en particulier les plans (très hypothétiques en ce qui
concerne le couvent) reproduits en face des p. 174 et 183. Pour la localisation des appartements royaux, voir L. Dimier,
Les logis royaux au palais de Fontainebleau de François Ier à Charles IX, dans Annales de la Société historique et archéologique
du Gâtinais, 1898, p. 89-127.
(19) Le devis de 1528 prévoit « deux arceaux » sous la galerie François Ier, afin de permettre le « passage du chemin »
qui mène à l'étang (Comptes, t. I, p. 44).
(20) Comptes, t. I, p. 37 et 38. Le « cabinet de Madame » est construit en surplomb sur le jarHin, derrière le donjon.
Jusqu'à la mort de Louise de Savoie, logée dans le donjon, le roi habite les pièces situées au nord-est (futur appartement
de la reine).
(21) L'expression figure dans le devis de l'escalier du roi.
(22) Acte d'achat publié par Guilbert, t. II, p. 262.
(23) En 1534, on ne se soucie plus du passage lorsqu'on construit les cuisines couvertes en terrasse le long de la galerie
François Ier : le chemin n'existe plus.
(24) Comptes, t. I, p. 60-61 et 64 (travaux de maçonnerie achevés pour l'essentiel avant septembre 1532 — date de
contrôle des travaux), p. 73 (marché de charpenterie de mai 1531 pour l'installation du garde-meuble royal dans la
conciergerie). Dans le premier texte, les travaux de la conciergerie sont associés à ceux de l'abbaye et de la Basse-cour, dans le
second, ils prennent place entre ceux du jeu-de-paume (à l'ouest) et du jardin des Enfants (à l'est). Herbet, p. 357-358, situe
exactement la conciergerie, mais a tort de croire qu'elle a été abandonnée après 1535, car le logis du capitaine du château
(Comptes, t. I, p. 110) n'a rien à voir avec celui du concierge. L'appellation « jardin de la Conciergerie » apparaît entre 1540
et 1550 (Comptes, t. I, p. 189.)
(25) Comptes, t. II, p. 362. L'emplacement de l'horloge installée en 1532 est indiqué par un paiement de 1547-1550
concernant les deux horloges du château, « l'une estant au-dessus du donjon [lanterne] de la chapelle [Saint-Saturnin] du
chasteau, et l'autre au-dessus d'une tournelle faisant l'un des coings du jardin de la conciergerie » (Comptes, t. I, p. 189).
Comme le devis du lambris de la salle haute du pavillon des Armes (Roy, p. 277) indique que le pavillon « a son regard sur
le jardin de la Royne, sur l'horloge et sur les champs », on devine que l'horloge est installée dans une des petites tours du vieux
château (toujours appelées « tournelles » dans les Comptes). Herbet, p. 74, s'est trompé en plaçant la première horloge au
sommet de la tour d'escalier ouest du pavillon des Armes (là où se trouve en effet aujourd'hui une horloge qui existait déjà sous
Louis XIII, mais ne figure pas sur la gravure de Du Cerceau).
(26) Date à laquelle on installe la grande horloge de la chapelle Saint-Saturnin (Comptes, t. II, p. 415 ; t. I, p. 191,
201, 204).
(27) Les quatre jardins de Fontainebleau existent dès 1530, mais il ne sont pas tous aménagés à cette date. En dehors
du jardin proche de l'appartement royal — que nous appelons jardin du Roi puisque le devis de 1528 parle du roi et de
« son jardin » (Comptes, t. I, p. 38), les textes mentionnent vers 1530 :
— le « petit jardin fait de neuf pour messieurs les enfans », au nord-est du vieux château (Comptes, t. 1, p. 74 : paiement
de 1535 renvoyant à un marché de 1530) ;
— le « grand jardin » au sud-est : Louise de Savoie y allait en empruntant une « grande montée de charpenterie »
construite au bout de la galerie située à l'est de la porte Dorée (Comptes, t. I, p. 71 : paiement de 1535 — texte mal
interprété par Herbet, p. 238 et 326). Ce jardin (qui n'a jamais changé de nom au xvr9 siècle) est agrandi, clos, cantonné de
pavillons, pourvu de canaux avant 1535, mais il ne comporte que des allées d'arbres et des prairies ;
— le jardin de l'abbaye, acquis en décembre 1529 (acte cité supra, n. 22). Ce jardin, appelé « jardin dedans lequel
y a une fontaine », puis « jardin du clos de l'étang », enfin « jardin des Pins » devient le plus beau du châleau vers 1535-1540
et joue, dès lors, le rôle que jouait le jardin du Roi quelques années avant (sur ce jardin, voir notre article cité supra, n. 1,
et J. Guillaume et C. Grodecki, Le jardin des Pins à Fontainebleau, dans Bulletin de la Société de l'histoire de l'art français,
1978 — à paraître en 1979).
(28) Comptes, t. I, p. 133, L. Dimier, Le Primatice, Paris, 1900, p. 255, a vu à tort dans cette pièce le cabinet en
saillie situé au milieu de la galerie François Ier, du côté nord.
(29) Notons une objection possible : la « tour du jardin » pourrait être une tour ancienne (de l'abbaye?) située à
l'emplacement du (futur) pavillon des Armes... Mais le Roi n'aurait pas fait décorer en 1537-1540 un bâtiment destiné à être démoli
quelques années plus tard (la moitié sud de l'aile est déjà commencée à cette date).
(30) Le petit bâtiment accosté au pavillon sur la vue générale du château (fig. 1) est-il un vestige de cette conciergerie?
Le bâtiment principal de la conciergerie, en tout cas, se trouvait plus à l'est, près du jardin (puisque le jardin est appelé
« jardin de la conciergerie » dans les années 1540).
240 FONTAINEBLEAU 1530 : LE PAVILLON DES ARMES ET SA PORTE ÉGYPTIENNE
(31) La date de construction du grand escalier extérieur de la cour Ovale et de la chapelle Saint-Saturnin resteraient
inconnues si le devis de 1531 n'était mentionné dans le marché de démolition de 1540 (lui-même cité seulement en 1550 !).
A. Chastel, qui a proposé une interprétation nouvelle du grand escalier, a justement souligné « l'importance des années 1530-
1531 pour les entreprises artistiques de François Ier (L'escalier de la cour Ovale à Fontainebleau, dans Essays in the History
of Architecture presented to Rudolf Wittkover, Londres, 1967, p. 74-80).
(32) Serlio, livre III, fol. 74 v°, fig. G, donne un exemples antique d'un fronton sans base en fort relief supporté par
deux colonnes.
(33) Mur ouest, extrémité est des murs nord et sud (reproduits dans Revue de l'Art, 1972, n08 16-17, p. 15 et 16). Des
putti du même type (associés à des trophées) se Voient à la porte Dorée sur le fronton de la porte de l'escalier (côté cour
Ovale).
(34) Si le pavillon des Armes datait de 1545, la porte aurait été conçue par Primatice qui n'aurait certainement pas
repris le répertoire de son prédécesseur... L'attribution à Rosso a déjà été suggérée par L. Chatelet-Lange (Michelangelos
Herkules in Fontainebleau, dans Pantheon, 1972, p. 466).
(35) G. Lippold, Die Skulpturen des Vaticanischen Museums, t. III, I, Berlin, 1936, p. 151 et pi. 50; A. Roullet,
The Egyptian and Egyptianizing Monuments of Impérial Rome, Leyde, 1972, p. 87. Les deuxtélamons sont des statues romaines
provenant du Canope de la villa Adriana.
(36) G. da Sangallo, cod. Barberini, fol. 41. Le dessin de Peruzzi (Bibliothèque de Sienne, S. IV 7, fol, 47 v°) est
reproduit dans A. Roullet, op. cit., fig. 120. Sur les télamons peints dans les angles de la chambre de l'Incendie, voir N. Neuer-
burg, Raphaël at Tivoli and the villa Madama, dans Essays in Memory of Karl Lehmann, New York, 1964, p. 228.
(37) Ce recueil non daté est antérieur à 1552 puisque deux termes sont copiés dans une enluminure portugaise datée
de 1552 (S. Deswarte, Les enluminures de la « Leitura Nova », Paris, 1977, p. 146). Le terme égyptien de Du Cerceau réapparaît
dans la suite des termes de Cornélis Bos. S. Schéle (Cornelis Bos, Stockholm, 1965, p. 145-146) ne parvient pas à établir un
rapport clair entre Fontainebleau, Du Cerceau et Bos parce qu'il ne connaît pas la date de la porte.
(38) Autant qu'on puisse en juger aujourd'hui, la porte ne semble pas avoir été insérée après coup dans la façade : la
limite entre le chapiteau et l'entablement correspond à un lit du mur (l'introduction de figures sculptées sur des plaques de
grande dimension complique ailleurs l'appareillage). En revanche, les piédroits et le linteau de la porte semblent refaits : la
baie originelle était peut-être plus large.
(39) Vasari, Le Vite, éd. P. Délia Pergola, Novare, 1967, t. IV, p. 444 : « capo générale sopratutte le fabriche, pitture
et altri ornamenti di quel luogo ».
(40) Rosso qui connaissait bien la Tore del Monte à Rome (voir supra, n. 11) a peut-être donné lui-même l'idée du
pavillon terminé par un belvédère. Sur l'escalier de la cour Ovale, voir l'article capital de A. Chastel, cité n. 31, où l'activité
d'architecte de Rosso est, pour la première fois, mise en valeur.
(41) L'École de Fontainebleau, catalogue de l'exposition de Paris, 1972, nos 204 et 279. E. A. Carroll, The Drawings
of Rosso, New York, 1976, p. 228-233 et 360-367, fig. 101, date le dessin de tabernacle du début du séjour en France. Les
cariatides portent sur la tête un coussin et soutiennent un entablement en ressaut de chaque côté d'une baie.
(42) Dès le xvne siècle, ces termes avaient cessé d'étonner : Dan (suivi par Guilbert) parle des statues du jardin de
la Reine mais ne fait aucune allusion à la porte.
(43) Serlio, livre III, fol. 123 v°.
(44) Cette explication — parfaitement compatible avec la nôtre — est celle de Mme Chatelet-Lange qui a bien voulu
nous faire part de ses recherches sur le pavillon des Armes. Nous la remercions vivement de son amicale collaboration.
(45) Une autre figure étrange, la Déesse de la Nature, sculptée par Tribolo, se trouvait à Fontainebleau dès 1530. Le
roi, au dire de Vasari, admirait beaucoup cette statue, aussi «exotique » que les termes égyptiens. Comme elle supportait une
vasque on peut penser qu'elle servait de décor à un jardin et qu'elle ornait donc le jardin du Roi (l'appartement de Bains qui
aurait pu aussi l'abriter n'existait pas encore en 1530). Sur cette statue, voir B. Lossky, Quelques sources d'inspiration
florentines des stucs de Fontainebleau, dans Revue du Louvre et des Musées de France, 1969, p. 79-86.
(46) Paiements de 1540-1550 (Comptes, t. I, p. 189), devis de 1548 (F. Herbet, Les travaux de Philibert Delorme à
Fontainebleau, dans Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, 1894, p. 6-8). Le jardin retrouve son ancienne
importance à partir du moment où Catherine de Médicis occupe l'appartement de la Reine : elle agrandit le jardin (grâce à
la destruction de la conciergerie) et y place les fontes de Piimatice, la Cléopâtre près de la porte égyptienne... (S. Pressouyre,
Les fontes de Primatice à Fontainebleau, dans Bulletin monumental, 1969, p. 231-232). Le jardin s'appelle désormais le jardin
de la Reine (marché de 1551 : Roy, p. 266). Enfin, Catherine de Médicis construit de nouveaux bâtiments qui doublent ceux
de la cour Ovale (Herbet, p. 368-371) : le processus qui a donné naissance au pavillon des Armes se répète de l'autre côté
du jardin, trente ans plus tard.

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