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Revue des Études Augustiniennes, 35 (1989), 209-230

Athénagore et Tertullien
sur la résurrection

Le Traité sur la résurrection de Tertullien (De resurrectione mortuorum,


plutôt que De carnis resurrectione1) est généralement daté des environs de
l ’année 2102, c ’est-à-dire qu’il serait postérieur d’une trentaine d’années à
l ’ouvrage d’Athénagore consacré à la même doctrine (Tlepi àvaoTdoEoç vexpàv
[Xô-yoc]), dont on peut situer la composition aux alentours de l’année 1803. Or, si
l ’on a déjà relevé la parenté qui unit le Traité de Tertullien aux œuvres similaires
d ’Irénée (livre V de l'Adversus haereses) et de Justin (fragments du D e
resurrectione conservés chez Jean Damascène et plusieurs autres)4, peu ont songé
à le rapprocher du discours de l ’apologète athénien5. Pourtant, com m e
Tertullien, Athénagore combat l ’argumentation développée par les Gnostiques

1. Cf. l’édition de J.G.Ph. B orleffs du De resurrectione mortuorum, CCL, 2, Turnhout,


1954, p. 921 (apparat).
2. Cf. J.H. W aszink , Tertulliani De anima, Amsterdam, 1947, p. 5* ; R. B raun , Deus
Christianorum, Paris, 19772, p. 720-721.
3. Dans la mesure où il est postérieur à la Supplique (datée de 177 environ), qui en annonce
la composition (L. 37,1).
4. Cf. par ex. P. Pr ig en t , Justin et l’Ancien Testament, Paris, 1964, à propos de
l’utilisation des Écritures, qui met en relation les fragments du Traité sur la résurrection attribué
à Justin avec le livre V de l’Adversus haereses d’Irénée et le De resurrectione de Tertullien ; ou
encore P. M onceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne depuis les origines jusqu’à
l’invasion barbare, Paris, 1901, repr. 1963,1.1, p. 329-330, qui met en parallèles Tertullien et
Irénée, Justin, Ariston, Théophile.
À notre connaissance, il n’y a pas eu de mise en parallèles systématique effectuée entre les
ouvrages d’Athénagore et de Tertullien sur la résurrection. Les doutes émis à l'encontre de
l ’authenticité du Traité d’A. en sont vraisemblablement la cause. Sur cette authenticité, à notre
avis incontestable, voir nos deux articles : «L’authenticité du Traité sur la résurrection attribué à
l ’apologiste Athénagore», Vigiliae Christianae, 40,1986, p. 226-244 ; «La chair et le sang.
Encore sur l’authenticité du Traité d’Athénagore» (à paraître). Quoi qu’il en soit, il semble
quasiment certain que le Traité attribué à A. est de la fin du ne siècle, et dans tous les cas
antérieur au De resurrectione de T. ; cf. G. AF H à l l st r ü m , Carnis resurrectio. The
Interprétation ofa credalformula, Helsinki, 1988, p. 15 et p. 42-44 ; B. Pouderon, Athénagore
d’Athènes, philosophe chrétien, Paris, 1989 (sous presse).
5. Cf. A. d ’A l Ès , La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 142-153 (quelques
rapprochements en notes) ; E. E vans , Tertullian’s Treatise on the résurrection, Londres, 1960,
p. xxvm-xxxi (plusieurs rapprochements intéressants, mais de portée plus générale) ; P.
S iniscalco, Ricerche sul «De resurrectione» di Tertulliano, Rome, 1966, p. 136-139 ; 152-153
(quelques rapprochements).
210 BERNARD POUDERON

contre la résurrection6 ; comme Tertullien, il défend la thèse de la résurrection


de la chair en sa substance primitive7, contre les tenants d’une quelconque forme
de spiritualisation8. Et, du fait que Tertullien maîtrisait parfaitement la langue
grecque9, et que, selon toute vraisemblance, il connaissait la Supplique
d’Athénagore10, il semblerait naturel qu’il ait aussi parcouru l ’ouvrage de son
prédécesseur sur la résurrection, pour nourrir et enrichir sa propre
argumentation.
Certes, quiconque lit successivement les ouvrages respectifs de Tertullien et
d’Athénagore, est frappé par leurs dissemblances, dans la forme, dans le ton,
dans le contenu. Mais la dissemblance n ’exclut pas nécessairement l ’emprunt ou
l ’imitation partiels. Notre présent propos est de mettre en évidence ce qui
distingue les deux œuvres, puis, cette distinction établie, de déterminer par une
analyse comparée précise, si d’une part Tertullien manifeste une quelconque
connaissance de l’ouvrage d ’Athénagore, et si d’autre part il en a subi l ’influence
et la marque.

I. — D ifférences

Les différences que présentent les deux ouvrages seront successivem ent
examinées sur le plan du vocabulaire, de la structure, de la problématique, de
l ’argumentation et du public.

a) Le vocabulaire
N otre étude com parative des v ocabulaires d ’A thénagore e t de T ertu llien su r la
résurrection, q u i ne p o rta it a p rio ri q ue s u r les d eu x traités sp é c ia lisé s (iïEpi'

6. Cf. Tertullien, De res. 2 s. Pour Athénagore, voir notre article : «Public et adversaires
du Traité sur la résurrection d ’Athénagore d ’Athènes», Vetera Christianorum, 24, 1987, p.
315-336.
7. Cf. Tertullien, De res. 55,1 («la chair ne ressuscite pas autre») ; A thénagore, D e res.
2, 3 («assembler de nouveau les parties nécrosées»).
8. Qu’il s’agisse des Gnostiques (cf. Lettre à Rhéginos sur la résurrection = N H I, 4, p. 46 :
«résurrection spirituelle») ou des hellénisants précurseurs d ’Qrigène (cf. Origène, C. Cels. V,
18 : «l’élite des penseurs»).
9. Sur la maîtrise qu’avait Tertullien de la langue grecque, cf. Tert., De bapt. 15, 2 («sed de
isto plenius iam nobis in graeco digestum est») ; Ad nat. I, 10, 38 («adhuc meminimus
Homeri»), Sur sa culture, voir A. d ’A lèS, «Tertullien helléniste», Revue des Études Grecques,
1937, p. 329-362 ; J.-C. F redouille, Tertullien et la conversion de la culture antique, Paris,
1972.
10. Sur la connaissance qu’avait Tertullien de la première littérature chrétienne, voir A. VON
H a rnack , «Tertullians Bibliothek christlicher Schriften», SAB, 1914, p. 303-330. Sur la
connaissance qu’il avait vraisemblablement de la Supplique d ’Athénagore, voir Harnack, Ibid.,
p, 320 (Leg. 33, 4 = De exhort. 9, sur le remariage) ; J. L ortz , Tertullian als Apologet, I,
1927, p. 208, n. 287 (Leg. 36, 2= Apol. 45, 7 ; la croyance en la résurrection fonde la morale
chrétienne) ; etc. VApologeticum (= A.) et la Legatio (= L.) ont évidemment beaucoup de
points communs ; outre ceux mentionnés ci-dessus, on citera : A. 14, 2-5 =L. 21, 2-5 et 29, 2
(passions humaines de quelques dieux) ; A. 21, 13 (Prax. 2) = L. 10, 5 (gradus = t<ü£iç ; cf.
Justin , 1 Apol. 13, 3) ; A. 31, 3 = L. 37, 3 (Paul, 1 Tim. 2 , 2 ; cf. T héophile , Aut. 3 ,1 4 ) ; A.
46, 9 = L. 6, 2 (Platon, Timée 28c ; cf. JUSTIN, 2 Apol. 10, 6).
ATHÉNAGORE E T TERTULLIEN 211

àvaoTooEaç et De resurrectione) a été partiellement étendue aux chapitres de la


Supplique et de VApologeticum consacrés à ces questions11. Elle couvre quatre
champs sémantiques, celui de la résurrection (ou de la transformation), celui de
l ’immortalité et du salut, celui de la mort et de la dispersion, celui du jugement et
de la rétribution. En fin d’article, un Index de resurrectione fournit les éléments
de la comparaison, dont nous dégageons ici les grandes lignes.
Le vocabulaire de la résurrection dans le Traité d ’Athénagore apparaît
étroitement spécialisé, et ne manifeste aucun souci de variété ou de recherche
métaphorique. Il se limite pour l ’essentiel à la famille d ’cm arav m (àvdaxaaiç)
[une quarantaine d ’occurrences], pour désigner la résurrection à proprement
parler, ou de fiETct^dXXeiv (frexafloAfi) [une demi-douzaine d’occurrences], pour
désigner la transformation des vivants. Outre ces termes canoniques, Athénagore
utilise le vocabulaire de la recomposition : ndXtv êvoüv, ouviaxdvai (atiaxaatç),
auvayeiv. Les autres termes sont rares : twonoiEÎv [deux fois], dvavEoöo0at [une
fois] et, métaphoriquement, àvc$iûaxEiv [pour désigner le réveil] et ànaBa-
vcmteiv [pour désigner la succession des générations]. C’est pratiquement le
même vocabulaire que l ’on trouve dans la Supplique : dvioxdvai (àvdaxaaiç),
auvioxdvai. Le vocabulaire de Tertullien est tout autre ; outre la terminologie
canonique de la résurrection (resurgere, resurrectio), abondamment représentée
dans le De resurrectione, mais beaucoup plus rare dans VApologeticum [cinq
occurrences seulement], Tertullien utilise une terminologie extrêmement variée,
qu’il s’agisse de synonymes non spécialisés du groupe resurgerelresurrectio
(exsuscitare, extollere, oriri, relevare, etc.) ou d’usages métaphoriques de mots
quotidiens (medicare, sanare ; liberare, manumittere ; redimere, etc.). Une telle
richesse s’oppose tout à fait à la sobriété du vocabulaire d’Athénagore, limité aux
expressions canoniques.
Le champ lexical de l ’immortalité (ou de l ’incorruptibilité) offre chez l ’un et
l’autre auteurs les mêmes différences. Chez Athénagore, prime le vocabulaire de
la permanence : (tévEiv, et ses dérivés : fiiapéveiv, mjvÔiapÉveiv, Stapovfi, ainsi
que celui du salut : ootéaBm, awxripîa — ce dernier mot de préférence dans un
groupement binaire : àoxjxiXEia xai awxripfa, owxripia xai <j>uXaxri1213. Quant au
vocabulaire de Tertullien, il présente la même richesse et la même diversité que
nous avons déjà observées pour le champ lexical de la résurrection, que ce soit
dans les verbes : conservare, consistere, conglorificari, manere, permanere,
vivere, convivere, ou dans les adjectifs et les noms abstraits correspondants :
aeternus, inmortalis, incorruptus, salvus, angelicus, futurus, immunitas,
impassibilis, incolomitas, integer, iugis, plenus, solidus, spiritalis, vitalis. Une
seule expression remarquable est commune à Tertullien et Athénagore : «revêtir
l ’incorruptibilité», ëvSiteaBcu àcfiBapaîav = induere incorruptelamiS, qui est si
évidemment empruntée à Paul, 1 Cor. 15, 53, que l ’on ne saurait y voir une
quelconque référence au Traité d ’Athénagore.

11. C’est-à-dire : Apol. 18, 3 ; 23, 12-13 ; 45, 7 ; 48 ; 49, 2 ; 50, 11; Leg. 12, 1-3 ; 31, 4 ;
36 ; 37, 1. Sur le vocabulaire de la résurrection chez Justin, Athénagore et Tertullien, voir
HALLSTROm, Op. cit., p. 81-90 ; P. P. S antedrian, La terminologie de la resurreccién en
Tertuliano, Burgos, 1978 (diss.) ; G. C laesson, Index Tertullianeus, Paris, 1974,
12. De res. 11,4 ; 13, 1 (cf. Index en fin d ’article).
13. Ath., De res. 18, 5 = Tert., De res. 36, 5 ; 56, 3 ; 57, 9 ; 60, 4.
212 BERNARD POUDERON

Les vocabulaires de la mort et de la dispersion présentent des différences


encore plus profondes. Athénagore privilégie dans son Traité le vocabulaire de
la décomposition : outre vExpoüv, «devenir cadavre», et «tGei^peiv, «corrompre»,
les différents dérivés de Xitetv : ôiaXustv, àvaXuEtv / SiaXuaiç, àvaXuatç —
souvent employés en groupes binaires : tô vexpaBèv xai ÔtaXuGÉv ; tô
xe^apiagevov xai SiaXEXupevov ; to 5iaXu0Èv f| axeôaaSév. Ce type de
vocabulaire se trouve aussi dans la Supplique : tô oanèv xai SiaXuGèv xai
ct<|>avia0Év. Tertullien, de son côté, privilégie le vocabulaire de la chute, qui
désigne, par une métaphore souvent explicite, la mort : cadere, casus, cadaver,
caducus, intercidere, occidere, occasus, succidere. Le vocabulaire d e la
corruption n ’est évidemment pas absent de son ouvrage, mais il ne correspond
pas exactement à celui qu’emploie Athénagore, et il est surtout remarquable par
sa variété : corrumpere, corruptio, corruptela d ’une part, mais aussi :
dedecoratio, defectus, dehaurire, devorare, dilabi, dissolvere, exuere, perditio,
prodigere in nihilum, putescere, ruere. Si Tertullien évoque ainsi plus
évasivement la corruption, c ’est que l ’objection de la dispersion des éléments
charnels n’a pas chez lui la même importance que chez Athénagore. À chaque
dessein, correspond un type de vocabulaire. Une seule expression, fréquente chez
Athénagore, trouve son correspondant chez Tertullien : xôpiopôç xfjç ipjxric
àno tou aapaToç = discidium carnis atque animae, pour désigner la mort14 ;
encore s’agit-il d’un lieu commun de la pensée grecque.
Le dernier champ lexical que nous avons exploré est celui du jugement et de la
rétribution. Et de nouveau, la richesse du vocabulaire de Tertullien s’oppose à la
sobriété de celui d ’Athénagore. L ’essentiel du vocabulaire d ’Athénagore
appartient aux familles de ôixti, Ttpf| et xpiatç ; seules exceptions, les mots
xxpapfa, auyYvwfir], xopiteiv, éÇéraaxç et ityopoç, auxquels il faut ajouter, dans la
Supplique, le verbe xoXôCeiv et l ’expression xméyeiv Xôyov. On peut noter au
passage quelques expressions remarquables, comme f) ôixata xpiaiç, et les
groupes binaires : Tip.fi h Suai, Tip.fi rj ripupia. Le vocabulaire de Tertullien,
quant à lui, doit sa richesse au fait qu’il emprunte des termes tout aussi bien à la
langue théologique et scripturale ( tenebrae exteriores, ignis, inferi, gehenna
d ’une part, refrigerium, regnum caelorum, lignum vitae, domicilium in caelis,
adsistere ad dextram dei d’autre part), qu’à la langue du tribunal ( compensare,
dispungere, exhibitio, repraesentatio, sententia, exigere, pensare, etc.). On ne
retrouve chez Tertullien ni l ’expression Sixaia xpiaiç, ni les groupes binaires
tels que Tip.fi h Sixr). Tout au plus peut-on penser que l ’expression speculator
omnium, employée non dans le De resurrectione, mais dans 1' Apologeticum,
correspond à peu près à celle d’£<j>opoç rtavrav tqv övtöv employée dans le
Traité d’Athénagore. Mais c ’est un indice bien faible pour qu’on y voie la trace
d’une lecture !
Il n ’y a donc guère de parenté entre le vocabulaire de Tertullien et celui
d ’Athénagore — rien en tout cas qui trahisse un emprunt, un souvenir, une
lecture. Restent à examiner la structure des deux ouvrages et leurs
argumentations successives.

14. Ath., De res. 16, 4 ; 16, 6 ; 19, 4 ; 25, 2 = T ert., De res. 19, 2. Quant à la métaphore
de la chute, elle est peut-être empruntée à Justin, De res. 10 = PG 6 , 1589B.
ATHÊNAGORE ET TERTULLIEN 213

b) La structure des deux ouvrages


Le Traité sur la résurrection d’Athénagore est construit selon le plan le plus
sim p le 15. Une partie négative, réfutant les objections soulevées par les
adversaires de la résurrection (incapacité de Dieu : rè àSuvaxov, refus de Dieu :
xè àpoéXtytov)16 ; une partie positive, établissant la réalité de la résurrection par
les quatre arguments de la cause, de la nature, du jugement et de la finalité de
l ’homme17. La démarche est purement dialectique, l ’auteur paraissant oublier la
réalité des objections pour développer une argumentation théorique, dans ce qui
prend l ’apparence d’un débat éristique. Tertullien, tout au contraire, bâtit son
ouvrage18 en fonction des objections de ses adversaires, les énonçant au début de
chacune de ses parties et sous-parties19, pour les réfuter ensuite systém a­
tiquement. Les objections concernent successivement la dignité, la possibilité et
la nécessité de la résurrection de la chair20, sa conformité aux Ecritures21, et sa
réalité substantielle22.
Il apparaît donc que seules les premières parties des deux ouvrages
correspondent23, et que Tertullien dépasse très vite le seul dilemme possibilité -
impossibilité, pour enrichir son argumentation par un recours aux Ecritures, et
pour déterminer ensuite la qualité de la chair ressuscitée — une chair matérielle,
et non spiritualisée. Athénagore n’esquisse même pas cette démarche, ce qui156789203

15. Cf. Ath., De res. 1 ,3 ; 1 1 ,3 : ûrrip et nept'.


16. Cf. 2, 3, qui annonce le plan de la première partie. Incapacité de Dieu : chap. 2 à 9 ;
refus de Dieu : chap. 10 et 11.
17. Cf. 11, 7 ; 14, 4 ; 18, 1-3 (annonce du plan ; réflexions sur le plan suivi). Cause : 12-
14 ; nature : 15-17 ; Providence et jugement : 18-23 ; finalité : 24-25.
18. Sur la structure du Traité de Tertullien, voirD. R. Sider, Ancient Rhetoric and the Art of
Tertullian, Oxford, 1971, et surtout : «Structure and Design in the «De resurrectione» of
Tertullian», Vigiliae Christianae, 23, 1969, p. 177-196. Son analyse, qui applique à l’ouvrage
de Tertullien la trame rhétorique, ne contredit pas pour l’essentiel notre schéma simplifié. Il
distingue successivement une introduction : exordium, narratio, partitio et propositio (1-4) ; une
praemunitio, préparation oratoire qui consiste en la réfutation des trois objections dignité-
possibilité-nécessité (5-17) ; une praestructio, autre préparation oratoire, éludant les difficultés,
en l’occurrence l’interprétation allégorique des Gnostiques (19-28) ; une, partie mêlant
confirmatio et reprehensio, démonstration par les livres prophétiques et les Évangiles, puis
réfutation des interprétations hérétiques de Paul (29-51) ; une amplificatlo, traitant de la nature
du corps ressuscité (52-62) ; enfin, la conclusion (63).
19. Par ex. première partie : triple objection des hérétiques (ni digne, ni possible, ni
souhaitable : 4, 2-6 ; rappelé en 14,2-3). Réponses : la chair mérite d’être ressuscitée (cf. 5, 2
s. : il faut défendre le statut de la chair) ; la chair peut être ressuscitée (cf. 11, 3 s. : il faut
considérer la puissance de Dieu) ; la chair doit être ressuscitée (cf. 14, 3 s. : la résurrection de la
chair peut être justifiée). Pour l’analyse détaillée de la réfutation de la première objection et de
ses développements, voir infra. Tertullien donne l’impression de connaître parfaitement
l’argumentation de ses adversaires, et de vouloir l’épuiser.
20. De res. 4-17 (objections exposées en 4 et 14,1-3) ; voir note précédente.
21. De res. 18-51 (démarche annoncée en 18, 2).
22. De res. 52-62 (démarche annoncée en 18,4 et 52,1).
23. Aux deux parties d’Athénagore (a : réfutation de la double objection impossibilité-
indignité, 2-11 ; b : argumentation positive cause-nature-jugement-finalité, 12-25) correspond
seule la première partie de Tertullien (a : réfutation de la triple objection indignité-impossibilité-
illégitimité, 4-17). Les parties b (exégèse des textes scripturaires, 18-51) et c (qualités de la
chair ressuscitée, 52-62) de Tertullien n’ont pas de correspondants chez Athénagore.
214 BERNARD POUDERON

réduit ipso facto le champ de la comparaison et oblige à exclure de notre examen


plus de la moitié des deux ouvrages.

c) La problématique
La définition d’une problématique est intimement liée à la question de la
structure d’une œuvre. Athénagore pose à l ’origine de sa démarche le constat
d’une création24, qui amène au postulat d’un Dieu créateur25. C’est à partir de ce
postulat qu’il dispute de la réalité de la résurrection : le Créateur peut-il
ressusciter la chair ? Oui, puisqu’il l ’a créée ; le Créateur doit-il ressusciter la
chair ? Oui encore, puisqu’il l ’a créée26. Pourquoi le ferait-il ? Parce qu’il a créé
l ’homme en fonction d’un dessein particulier ; parce qu’il a doté l ’homme d’une
certaine nature ; parce qu’il doit nécessairement juger sa créature (par une
simple extension des fonctions providentielle et créatrice) ; parce qu’il a créé
l ’homme en vue d’une fin qui lui est propre27.
Tertullien, de son côté, affirme fonder sa démarche sur un seul principe, celui
de l ’incarnation, qui seul (et à lui seul) justifie la résurrection de la chair, tandis
qu’à rebours c ’est pour nier l ’incarnation du Christ que les Gnostiques nient la
résurrection chamelle28. Par incarnation, il faut entendre d’abord la création de
l ’homme en tant que chair vivante, animée29 ; puis l ’incarnation du Christ,
preuve manifeste de la dignité de la chair30, et son corollaire obligé, sa
résurrection dans la chair, et non en pur esprit31 ; enfin la résurrection des morts
dans leur chair, dont celle du Christ est comme le prototype32. S ’il est vrai que les
parties II (exégèse des textes sacrés) et m (qualité de la chair ressuscitée) de son
Traité ne s ’appuient qu’indirectement sur ce principe, Tertullien prend grand
soin d’y renvoyer par intervalles33.

d) L’argumentation
L ’argumentation même des deux ouvrages diffère du tout au tout. Athénagore
dans son Traité part d’une seule objection initiale : celle de l ’impossibilité et de
l ’indignité de la résurrection ; et il la réfute, avant de démontrer dans une
quadmple argumentation son absolue nécessité. Mais une fois posée l ’objection
initiale, Athénagore fait taire ses adversaires, et n ’instaure avec eux aucune

24. De res, 2, 2.
25. Ibidem, où Athénagore identifie l ’existence d’une cause à l ’apparition de l’homme, à
l’existence d’un Dieu créateur.
26. De res. 2, 5 - 3, 3 (la possibilité de la création entraîne celle de la re-création) ; 10, 5-6
(la dignité de la création de la chair entraîne celle de sa re-création).
27. C’est le plan de la seconde partie du Traité.
28. Cf. De res. 2, 3-6 ; comparer avec IréNée, Adv. haer. V, 1,1.
29. De res. 5, 3-9 ; 6, 1-4, etc.
30. De res. 2, 3-6 ; 6, 5 ; mais aussi 49 ; 53,11-14.
31. De res. 48, 6-8 ; 53.
32. De res. 44, 8 ; 48, 6-8 ; 51.
33. Voir De res. 18, 1-3, qui relie l’exégèse des textes sacrés (partie II) aux principes
précédemment démontrés (partie I), et, par exemple, 20, 3, où T. réfute l ’interprétation
allégorique de la résurrection en se référant à la conception chamelle du Christ..
ATHÉNAGORE ET TERTULLIEN 215

forme de dialogue34. Certes, il peut prolonger l ’objection, la mener au bout de sa


propre logique35 ; mais il ne fait jamais rebondir le débat en introduisant un
élém ent nouveau. En fait, Athénagore donne l ’impression de jouer avec
l ’objection hérétique, de la vider de toute sa force au fil de son argumentation,
avant de la rejeter dans sa vacuité : il n ’a aucunement le souci d ’être exhaustif ni
d ’épuiser systématiquement les arguments de ses adversaires36, et, malgré
l ’effort dialectique que représente le Traité, il semble bel et bien s’en remettre à
ce qu’il prétend être le seul argument fondé théologiquement : la toute puissance
de Dieu37.
Tertullien, tout au contraire, engage un dialogue permanent avec les
Gnostiques, posant et réfutant sans cesse de nouvelles objections et de nouveaux
arguments. Prenons l ’exemple de la première partie du De resurrectione, la plus
proche par la substance du Traité d’Athénagore :
4, 2 : Objection des hérétiques : la chair est indigne.
5, 3 : Réponse de Tertullien : cette chair qu’ils prétendent indigne est l ’œuvre
de Dieu.
5, 2 : Objection secondaire, enchâssée dans la première : la chair est l ’œuvre
d ’un dieu secondaire ou des’anges.
5, 6 et 6, 4 : Nouvelle réponse : même en admettant cette objection, la chair
n ’en sera pas moins voulue par Dieu.
7 , 2 : Nouvelle objection, scripturale : les «tuniques de peau» revêtues par
A dam et Ève sont la conséquence de l ’expulsion du paradis (en clair :
l ’incarnation est le fruit du péché).
7 ,2 s.: Exégèse du début de la Genèse.
La réfutation de Tertullien, à l ’inverse de celle d’Athénagore, est à la fois
générale et particulière, puisqu’il pose et réfute l ’objection de fond (l’indignité
de la chair entraîne celle de la résurrection), et la multiplicité des objections
secondaires qui s’inscrivent dans son cadre (par exemple, l’exégèse des «tuniques
de peau»). Bien plus, il attribue nommément aux Gnostiques les objections
secondaires, qui ne sont pas ici le fruit du jeu dialectique : le second dieu et les
anges créateurs sont une objection de Ménandre et Marcus (5, 2) ; celle des
«tuniques de peau» (7,2) avait été soulevée par Ptolémée et les Valentiniens38.
Mais la différence essentielle qui distingue les deux ouvrages, est le recours à
l ’exégèse des textes bibliques : absente du Traité d’Athénagore, elle est

34. Au point qu’on a pu croire (à tort) que le Traité était une œuvre proprement théorique,
qui ne visait aucun adversaire précis.
35. De res. 2, 3 ; 3, 3 ; 4, 1 ; 4, 2-3 ; 7, 2 (ordre croissant d’embarras, pour une seule et
même objection, celle de la dispersion de la chair).
36. De res. 8, 5 ; 9, 2 ; et surtout 23, 6.
37. De res. 9, 2.
38. Pour les Gnostiques, les «tuniques de peau» (Sepparutoi x'Tôvee, Genèse 3, 21 LXX)
que revêtent Adam et Ève après leur expulsion du Paradis, représentent l’habit de chair ;
l ’homme originel était ainsi une âme sans chair, sinon sans corps. Cf. P tolémée chez IRÉNÉE,
Adv. haer. I, 5, 5 ; les Valentiniens chez Clément, Exc. ex Theod. 55, 1 = Stâhlin p. 125, 8.
Voir encore Tert., Valent. 24, 1-3, et le commentaire de J.-C. F redouille, SC n° 281, Paris,
1981, p. 310-313.
216 BERNARD POUDERON

omniprésente dans le De resurrectione de Tertullien : non seulement dans la


deuxième partie, entièrement consacrée à l ’exégèse des textes scripturaires, mais
disséminée dans l ’ensemble de l ’ouvrage, parce qu’aux yeux de l ’apologète
africain, elle forme en effet l ’argument principal. Prenons l ’exem ple de
l ’établissement de la dignité de la chair : sur le plan logique, l ’argument de la
création divine suffirait — l ’homme est créé par Dieu (5, 3) et à l ’image de Dieu
(6, 4) ; il n ’empêche que Tertullien se livre à l ’exégèse du passage de la Genèse
qui enseigne cette création, lui consacrant une dizaine de lignes (5, 6-8 ;
référence à Jean 1, 3; exégèse de Genèse 1,27 et 2,7-8).

e) Le public
Cette différence essentielle s ’explique sans doute par la disparité des publics.
De toute évidence, le public de Tertullien n ’est pas aussi grossier qu’il veut bien
le dire (2,11 : rudes, dubii, simplices), mais parfaitement informé des problèmes
liés à la doctrine de la résurrection ; il connaît sans doute les opinions et les
arguments des hérétiques, et il peut suivre les différentes allusions, même les plus
délicates, comme celle des «tuniques de peau». En tout cas, il supporte la longue
argumentation exégétique de la deuxième partie de l ’ouvrage, qui suppose une
certaine connaissance des Écritures. À l ’inverse, le public du Traité sur la
résurrection d’Athénagore apparaît comme novice39 : son argumentation, qui se
borne au domaine de la logique, ne nécessite que de maigres connaissances
scripturales, et fait plus volontiers appel aux notions philosophiques (par
exemple, les théories stoïciennes de la connaissance et des passions40) qu’à la plus
humble formation catéchétique. De plus Athénagore s’adresse à l ’auditoire d’une
lecture publique41, sensible au développement d’une argumentation sans faille ;
en revanche, l ’œuvre de Tertullien, plus profonde et plus difficile, mérite la
réflexion et la méditation d’une lecture solitaire.
En résumé, les démarches des deux ouvrages sont manifestement si différentes
que les similitudes de détail n ’en paraîtront que plus extraordinaires. Il importe
maintenant d’en dresser la liste et d’en faire l ’examen critique, afin d’établir ou
au contraire d’exclure l ’hypothèse d’éventuels emprunts de Tertullien au Traité
d’Athénagore.

H. — S imilitudes

a) Le point de départ du débat


Les premières analogies entre les deux ouvrages concernent le point de départ
du débat. L’objection essentielle pour Tertullien est celle de l ’indignité de la
chair :

39. De res. 2, 2 ; et surtout 11, 5 : les «novices» (oi Spn npocnévreç).


40. Les «notions innées» (cjiuaixai üvvotai) : De res. 1 4,1-2 ; 24, 2 ; les quatre passions : De
res. 21, 4 ; les quatre vertus : De res. 22, 2-5.
41. De res. 1, 4 : oi àxotSovreç ; 23, 6 : oi napôvreç.
ATHÉNAGORE ET TERTULLIEN 217

«An aliud prius vel magis audias ab haeretico quam ab ethnico et non protinus et non ubique
convicium carnis, in originem, in materiam, in casum, in omnem exitum eius, immundae a
primordio ex faecibus terrae ...» (De res. 4, 2)42.
— un argument auquel il consacre toute la première partie de son ouvrage, et
qui recouvre en fait une double objection, celle de l’indignité de la résurrection
(De res. 5-10) et celle de son impossibilité (11-13). Voici en quels termes
Tertullien rappelle le plan de la première partie de son ouvrage :
«Exorsi enim ab auctoritate carnis, an ea sit, cui dilapsae salus conpetat, dehinc prosecuti de
potentia dei, an tanta sit, quae salutem conferre dilapsae rei valeat. Nunc, si probavimus
utrumque, velim etiam de causa requiras, an sit aliqua tam digna...» (De res. 14, 2-3).
Or, il s’agit là, précisément, de la double objection que se propose de réfuter
Athénagore dans la première partie de son propre De resurrectione :
«(nos adversaires parviendront à montrer qu’en aucun cas la résurrection n ’a de
vraisemblance) s’ils peuvent démontrer qu’il est ou bien impossible à Dieu, ou bien contraire à
sa volonté (t\ àSévtrrov f| àpoifoqiov) de réunir les parties nécrosées ou même totalement
décomposées ...» (De res. 2, 3)43.
Cependant, un tel rapprochement n’est guère significatif. L ’argument
impossibilité - indignité est celui de tous les adversaires de la résurrection, à
quelque bord qu’ils appartiennent, Gnostiques et païens m êlés, ainsi que le
remarque fort justement Tertullien (De res. 4, 2) ; on le retrouve chez le pseudo-
Justin (De res. 5 = PG 6, 1577D-1580A), où il est attribué aux hérétiques, et chez
Origène (C. Cels. V, 14) où il est attribué à Celse. Il n ’y a donc pas de raison
objective de privilégier la thèse d’un emprunt à Athénagore : il suffisait que
Tertullien fût à l ’écoute des adversaires de la résurrection, pour qu’il connût
l ’argument, sous sa double formulation.

b) La réflexion sur les premiers principes


La seconde analogie est d’ordre épistémologique et méthodologique : elle
concerne d’abord la formulation des principes qui formeront la base de
l ’argumentation. Ces principes sont au nombre de deux : rigueur de la
démonstration et de la distribution des arguments ; développement de
l ’argumentation à partir des «notions communes», et par le strict «enchaînement
des faits». Ce constant souci de rigueur que manifestent les deux apologistes
trouve même parfois sous leurs plumes une formulation assez proche :
A thénagore T ertullien
1, 3 : «Voilà pourquoi, si l’on veut 2, I l : «Igitur quantum ad haereticos
examiner à fond cette question, on doit demonstravimus, quo cuneo occurrendum sit
considérer quelle nécessité préside à chacun a nobis» ;
des arguments et les mesurer en consé­
quence, puis les distribuer selon un ordre
(tîivt (4£iv) qui correspond au besoin, et non
pas, pour paraître conserver toujours les
mêmes principes de base, négliger les
arguments essentiels et la place qui revient à
chacun d’eux» ;
11 : reprise du même thème ;

42. Texte de l’édition B orleffs.


43. Extrait de notre traduction à paraître aux Sources Chrétiennes.
218 BERNARD POUDERON

14 : «L’établissement des dogmes de la 2, 7 : «Hoc ferme modo dicimus


vérité ou de tous les autres points soumis à ineundam cum haereticis disceptationem, —
notre examen (...) ne doit pas reposer sur nam et ordo semper a principalibus deduct
des principes externes, ni sur les opinions exposcit...» ;
qu’en ont ou qu’en ont eues tel ou tel, mais 3, 1 : «Est quidem et de communibus
sur les notions communes et naturelles (f) sensibus sapere in dei rebus» ;
xoivi] xai <t>ixrixri èwoia), ou bien sur
l’enchaînement des faits (f] ctxoXou9ia), des «Quaedam enim et naturaliter nota
vérités premières découlant des vérités sunt»44.
secondes».
Le premier chapitre du De resurrectione attribué à Justin (PG 6, 1572D-
1573C) quoiqu’il soit consacré lui aussi au fondement de la croyance en la
résurrection, est cependant assez différent, puisque son auteur se contente
d’opposer deux sources de connaissance, la révélation (ô Trjç àXriSefaç Xoyoç), et
les raisonnements humains (of àv0p<nmvot xai xoapnxoi Xoyot), accordant la
primauté à la première. Quant à la préface du livre V de VAdversus haereses
d’Irénée, elle est toute de polémique, reliant la défense du dogme de la
résurrection à l ’ensemble de la controverse contre les Gnostiques, et fondant la
réfutation de leurs objections sur le seul témoignage des Écritures45.

c) La détermination d’un public


Ensuite, Athénagore et Tertullien témoignent du même soin de déterminer
exactement le public auquel ils s’adressent, afin d’adapter démarche et arguments
à leurs besoins ; et les catégories ainsi définies correspondent, du moins par le
nombre : incrédules, sceptiques et hésitants d ’une part, mal instruits, hésitants et
simples de l ’autre, qu’il faut guider et conforter46.

44. Ce type de vocabulaire n’est pas absent des autres ouvrages de Tertullien, tant s’en faut :
«publicus sensus», An. 2, 1 ; «communes sensus», Marc. I, 16, 2 ; «disceptatio», Pud. 21,
13 ; «principalia», Herm. 20, 3. Mais ce qu’il y a de remarquable dans le De res., c ’est
l’importance et la place de ces réflexions théoriques, en début de l’ouvrage, comme dans les
ouvrages de Justin et d’Athénagore correspondants. — Sur la question du témoignage de l’âme
chez Tertullien, voir J.-C. Fredouille, Op. cit., p. 344-347. Sur les «notions communes» du
stoïcisme chez les Pères, voir M. S panneut, Le stoïcisme des Pères de l'Église, Paris, 19692,
p. 204-230.
45. Même type de développement dans la Lettre à Rhéginos sur la résurrection (NH I, 4), p.
4 3 , 1. 32-35 (exorde) : «Mais je ne pense pas qu’ils se soient fermement établis à l’intérieur de
la Parole de Vérité, puisqu’ils recherchent plus encore leur détente» ; p. 46, 3-7 : «Mais, s’il y a
quelqu’un qui ne croit pas, il ne peut être persuadé, car c’est le domaine de la foi, mon fils, et
non celui de la persuasion» (trad. A. M énard, Québec, 1983, qui donne pour auteur à la Lettre
un disciple de Valentin).
46. Comparer avec NH I, 4, p. 44, 6-10 : «Je t’écris qu’elle (= la Vérité) est de l’ordre de la
nécessité et que plusieurs, d’une part, sont incrédules à son sujet et que, d’autre part, il y en a
peu qui la trouvent». — Sur le thème des simplices, voir J. H. W aszink et J. C. M. V an
WiNDEN, Tertulliani De idolatria, Leiden, 1987, p. 99 (Idol. 2, 2), qui notent que T. qualifie
volontiers de rudes ou simplices ses adversaires : Prax. 3 ,1 ; Bapt. 1 ,1 ; Scorp. 1, 5 ; Marc. I,
9 , 1 ; An. 3 5 ,2 ; Orat. 4, 2. Comparer avec Origène chez Méthode, De res., I, 2 0 ,1 («les plus
simples des croyants»).
ATHÉNAGORE E T TERTULLIEN 219

A thénagore T ertullien
1 , 5 : «nous constatons que sur ce sujet 2, 10 : «Sic multos inreticos videmus,
les uns manifestent une totale incrédulité dum ante de resurrectione camis eliduntur
(toùç (jiv àmoToüvTaç ndvri)), que d ’autres quam de unione divinitatis instigantur» ;
restent sceptiques (xivàç Si àp.tjn^âXXovraç), 2, 11 : «Uti nunc de sola carnis
et que d’autres encore parmi ceux-là qui ont resurrectione ita et digerendum sit, tamquam
acceptés nos principes fondamentaux, con­ penes nos quoque incerta, id est penes
naissent sur ce point les mêmes hésitations creatorem, — nam et multi rudes et plerique
que les sceptiques (rivàç ènTarie roü; àfx<t>i- sua fide dubii et simplices plures, quos
(SéXXouatv ànopoCvraç). Il serait alors instrui dirigi muniri oportebit» ;
complètement absurde de les abandonner
dans ces sentiments ...» ;
2, 2 : «il faut que sur ce problème de la 5, 1 : «Igitur quoniam et rudes quique de
résurrection aussi, les incrédules ou les communibus adhuc sensibus sapiunt et dubii
indécis (àmorouvraç C| Stanopoüvraç) ne et simplices per eosdem sensus denuo
portent pas un avis sur de simples opinions inquietantur...»
q u ’ils se seraient faites arbitrairement, ni
pour complaire aux licencieux (= les
Gnostiques) ...»
Toutefois, comme on trouve une démarche identique chez Justin, qui s’adresse
aux «faibles» (àaOeveîç) et aux «incrédules» (âmerrot), et chez Irénée, qui
distingue pareillement les «égarés» (errantes = oi rtenXavripivoi) et les
«néophytes» (neophyti = of veo^ utoi)47, on peut en conclure qu’il s ’agit d ’un
thème obligé de la littérature polémique anti-gnostique, peut-être issu d’un seul
et même prototype48.

d) L’argumentation
La quatrième série d’analogies concerne l ’argumentation. On retrouve en
effet dans les deux ouvrages un certain nombre de thèmes et d’arguments
communs, certains extrêmement banals, d’autres d’un emploi plus rare, et qui
peuvent être les indices d’un éventuel emprunt. En voici la liste :
T ertullien A thénagore
3, 1 : opposition de la vérité et du 1, 1 : idem (àXnBeia, i|œü8oç) ; repris en
mensonge (verum, falsum) 11, 5
[Le thème est banal dans la polémique anti-gnostique ; cf. Justin , De res. 1 = PG 6 ,1573B ;
Irénée , Haer. V, préf. = SC p. 13 ; chez les Gnostiques, NH I, 4, p. 43,1. 32-35] ;
4, 3 : réfutation de l ’argument de la 3, 3 : «il appartient au même être, à la
dispersion de la chair («quod se receptura même puissance, à la même sagesse, quand
quandoque sit in integrum de corrupto, in bien même ces corps auraient été mis en
solidum de casso, in plenum de inanito, in pièces par les milliers d’animaux de toutes
aliquid omnino de nihilo, et utique espèces qui s’attaquent à ce genre de proie
redhibentibus eam ignibus et undis et aluis ...»
ferarura et rumis alitum et lactibus piscium et 4, 1 : «ils ajoutent que les corps,
ipsorum temporum propria gula) ; nombreux, de ceux qui ont péri de mort
accidentelle dans des naufrages ou noyés
dans des rivières, ont servi de nourriture aux
poissons ...»

47. Cf. Justin, De res. 1 = PG 6 , 1573C ; Irénée, Haer. V, préfacé. Comparer avec Rhég.
cité en note 46.
48. Rhég. développe aussi dans son exorde le thème de la Parole de Vérité, sans toutefois
l’opposer au mensonge ; cf. note 45.
220 BERNARD POUDERON

[L’argument est souvent évoqué par les défenseurs de l’orthodoxie : Justin , Qwest. Graec.
ad Christ. 15 = PG 6, 1465 ; T atien, Ad Graec. 6 ; voir encore E usèbe , H. E. V, 62-63 (les
cendres des martyrs) ; P orphyre, frag. 94 Harnack] ;
4,5 : allusion au problème du devenir des 7, 1 : «... parce qu’alors plus rien ne sera
fonctions vitales («quid turn de nécessaire à la vie, ni le sang, ni le phlegme,
consequentiis camis ? Rursusne omnia ni la bile, ni le souffle» ;
necessaria illi et inprimis pabula atque
potacula ? Et pulmonibus natandum (?) et
intestinis aestuandum et pudendis non
pudendum et omnibus membris laborandum
?») ; idem en 60 et 61,4 ;
[La réponse apportée par Tertullien est un peu différente de celle d’Athénagore : les organes,
et sans doute aussi les humeurs demeureront, mais ne serviront plus ; cf. De res. 61, 5-7 ;
comparer avec Justin, De res. 3 = PG 6 ,1576B] ;
8, 3 : argument de la juste rétribution de Thème commun dans le Traité ; voir
chacun des constituants de l’homme, le particulièrement 18, 5 («il ne faut pas que
corps et l’âme («non possum ergo separari l’âme paye seule le prix des actes entrepris avec
in mercede quas opera coniungit») ; la participation du corps») ;
8, 4 : la chair a droit à une récompense 21, 1 : «(s’il n ’y a pas résurrection), le
(«nam et sacrificia deo grata, conflictationes corps, lui, ne bénéficiera pas du partage des
dico [camis] animae, ieiunia et seras et récompenses pour les bonnes actions
aridas escas .... caro de proprio incommodo auxquelles il aura pourtant contribué de ses
instaurai») efforts pendant la vie»
[Cf. Justin, De res. 8 = PG 6 , 1585C] ;
8,5 : allusions aux persécutions ; 18, 5 : allusion possible aux persécu­
tions;
9,1-2 : thème de l’image de Dieu 12, 6 : idem
[Cf. Justin, De res. 7 =>PG 6 ,1583B-C ; Irénée, Haer. V, 2 s. (etc.)] ;
9, 3 : thème de la bonté de Dieu (Dieu 12, 5 : Dieu a créé l’homme par bonté ;
«aime la chair» elle aussi) ;
11, 1 : attaque contre, les Qnostiques, 2, 2 : les licencieux, c’est-à-dire les
amis de cette chair qu’ils dénigrent Gnostiques
[Thème banal anti-hérétique ; cf. Justin , Apol. 26, 7 ; Dial. 35, 5 ; De res. 7 = PG 6,
1584B];
11,10 ; argument de la première création 3, 1 : «car si Dieu, dans un premier
(«et utique idoneus est reficere qui fecit, arrangement, a tiré du néant les corps des
quanto plus est fecisse quam refecisse») hommes .... après leur dispersion même, de
quelque manière qu’elle intervienne, il les
ressuscitera avec la même facilité» (cf. aussi
2, 6)
[Argument banal : Justin , 1 Apol. 19,1-4 ; e res. 5 =PG 6 ,1583A ; Qwest. Graec. 15 =
PG 6,1477 ; Tatien, Ad Graec. 6 ; Irénée, H r. V, 3,2] ;
14, 11 : argument du jugement de Athénagore fait suivre son développe­
l’homme dans sa totalité («totum porro ment sur la nature double de l’homme (15-
hominem ex utriusque substantiae congrega- 17) du développement sur le jugement de
tione parère, idcircoque in utraque exhi- l’homme (17-18) ; voir particulièrement 20,
bendum quem totum oporteat iudîcari, qui 3 («le responsable de chacun des actes
nisi totus utique non vixerit») ; accomplis durant la vie sur lesquels porte le
jugement, c’est l’homme, et non l’âme par
elle-même...»);
40,3 ; «Porro nec anima per semetipsam 15, 6 : «Ce qui a reçu l ’intelligence et la
homo (...) nec caro sine anima homo» raison, c’est l’homme, et non l’âme par elle-
même»
[Argument banal : Justin , De res. 8 =P G6 , 1584C-1585B ; Irénée, Haer. V, 6,1] ;
ATHÉNAGORE ET TERTULLIEN 221

43,6 : citation de Paul, 2 Cor. 5,10 18,5 : allusion à Paul, 2 Cor. 5,10
[Peu probant ; la doctrine de la résurrection s’étant élaborée à partir des écrits de Paul, la
référence à l’Apôtre est de rigueur ; comparer C lément, Strom. m , 62,1 ; T ertullien, Marc.
V, 12,4 ; et même Epist. Apost. 26 (37)] ;
49, 13 : citation de Paul, 1 Cor. 15, 32 (= 19, 3 : même citation (comportement
Isaïe 22, 13 : «Mangeons et buvons ...» ; attribué à celui qui n ’a pas foi en la
comportement attribué au «vieil homme») résurrection)
[Citation banale ; cf. A thénagore, Leg. 12, 3 ; C lément, Paed. m, 11, 81 ; Tertullien,
Monog. 16, 5 ; leiun. 17, 5] ;
55, 7-12 : transformation et identité 16-17 : continuité de la vie humaine («Si
substantielle du ressuscité («atque adeo donc la vie humaine marquée par une pareille
potest et demutari quid et ipsum esse discontinuité depuis la naissance jusqu’à la
nihilominus, ut et totus homo in hoc aevo corruption, et morcelée par toutes les
substantia quidem ipse sit, multifariam interruptions dont nous venons de parler,
tarnen demutetur, et habitu et ipsa nous n’en nions pas l’unicité, nous ne
corpulentia et valetudine et condicione et devons pas non plus la refuser à la vie par
dignitate et aetate» ; «ita et in resurrectionis delà la dissolution, parce qu’elle porte en elle
eventu mutari converti reformari licebit cum la résurrection» ; 17, 2 : «Qui pourrait croire
salute substantiae» sans en avoir été instruit par l’expérience,
que dans une semence homogène et informe
se trouvent en puissance des facultés si
nombreuses et si importantes ? Ce n ’est pas
dans les semences encore humides qu’on
peut rien en voir, pas plus que n’apparaît
chez les tout jeunes enfants aucun des
caractères de l’adulte, ni dans l’âge adulte,
aucun de ceux de l ’homme mûr, ni chez
l’homme mûr, aucun de ceux du vieillard»)
[Comparer avec Justin , I Apol. 19 ; De n 5= PG 6, 1580B ; T héophile, Ad Aut. 1, 8,
plus proches d’Athénagore que de Tertullien] ;
63 : notion de dépôt ; § 1 : «in deposito 2, 5 : notion analogue de milieu originel :
est (caro) ubicumque apud deum» ; § 2 : tô ouYYEvéc («Dieu ne peut ignorer la
«huius interitum, quem putas, secessum destination de chacun des constituants
scias esse : non sola anima seponitur ; habet dispersés, c ’est-à-dire quelle partie de
et caro secessus suos intérim, in aquis, in l’élément les a reçus après leur dispersion et
ignibus, in alitibus, in bestiis» leur retour dans le milieu originel» ; cf. 8,4)
[Comparer avec T atien, Ad Graec. 6 : «(mon corps) est m is en dépôt dans le magasin d ’un
maître opulent, rapEiôiç évanéxEipai nXouofou SeanoTou»].
Ainsi énumérées, les similitudes entre les ouvrages d’Athénagore et de
Tertullien paraissent multiples ; mais beaucoup des arguments avancés par l ’un et
l ’autre appartenant à un fonds commun, on ne peut interpréter à coup sûr leur
usage comme l ’indice d’une quelconque forme d’empmnt. Remarquons toutefois
que les analogies les plus frappantes sont d’ordre méthodologique : d’une part, le
souci de suivre une démarche rigoureuse, inattaquable sur le plan dialectique ;
d ’autre part, la définition d ’un public, celui des hésitants et des sceptiques, qu’il
faut fortifier dans la foi. Or, la conjonction de ces deux exigences n’apparaît ni
dans ce qu’il nous reste du De resurrectione de Justin, ni dans le livre V de
VAdversus haereses d’Irénée. Et il se peut en effet que la démarche rigoureuse
adoptée par Athénagore dans son Traité ait servi d’exemple à Tertullien ... et à
d ’autres. Si l ’on admet cette hypothèse, qui appartient au domaine du possible, il
n ’y a pas lieu de nier a priori que l ’apologète carthaginois ait aussi emprunté au
Traité d’Athénagore quelques-uns des arguments que nous venons de citer, soit
222 BERNARD POUDERON

directement, soit indirectement. Mais rien ne permet de le soutenir avec


certitude : au mieux peut-on parler de probabilité.

ni. — I nfluence doctrinale ?

Pour le cas où l ’on retiendrait l ’hypothèse d’une lecture d’Athénagore par


Tertullien, pourrait-on parler d’une influence sur sa doctrine ? Si par ce mot l’on
entend une quelconque action exercée dans le domaine des idées, toute influence
d ’Athénagore sur Tertullien paraît^exclue : les divergences doctrinales entre les
deux auteurs sont trop profondes. Énumérons-les pour mieux en juger :
T ertullien A thénagore
14, 8 : la nécessité du jugement entraîne 14, 6 : la nécessité du jugem ent ne peut
celle de la résurrection ; entraîner à elle seule celle d e la résurrection,
car ressusciteront même le s irresponsables
(jeunes enfants ...), qui ne seront évidem ­
m ent pas jugés [à opposer à h. 31, 4 et 36,
2];
17, 1-2 : l ’âme a une consistance propre 2 1 ,7 : l ’âme est incorruptible et ne craint
qui lui permet de sentir et pâtir («simplicior aucune atteinte («et si l ’âm e est au-dessus
quisque fautor sententiae nostrae putabit de la corruption, elle ne craint absolument
carnem etiam idcirco repraesentandam esse rien qui puisse la corrompre ..., ni la faim,
iudicio, quia aliter anima non capiat passio- n i'la maladie, ni les m utilations, ni les
nem tormenti seu refrigerii utpote incor- sévices, ni le feu, ni le fer, puisqu’elle n ’en
poralis ; hoc enim vulgus existimat. Nos peut subir ni dommage ni douleur») ; cf. 19,
autem animam coiporalem et hic profitemur 7 : («comment les criminels payeraient-ils
et in suo volumine probavimus, habentem pour leurs crimes un prix suffisant, réduits à
proprium genus soliditatis, per quant quid et un corps mortel, puisque la mort préviendra
sentiri et pati possit»)49 le châtiment mérité ?»)
[Il se peut que par l ’expression «simplicior quisque» Tertullien vise Athénagore et ses
partisans ; voir cependant note 46. Remarquons qu’Athénagore n’affirme pas explicitement que
l ’âme est au-dessus de la souffrance et du châtiment post mortem, mais q u ’il le suggère
seulement] ;
17, 5 : l ’âme a des passions propres («et 21, 3-5 : l ’âme n ’a p as de passions
ideo in quae de suo sufficit, eorum interim propres («et comment ne serait-il pas injuste
sententiae pendit, concupiscentiae et que l ’âme soit seule jugée pour des fautes
cogitatus et voluntatis»)50 pour lesquelles elle n ’a, à considérer sa
nature propre, aucune form e d ’appétit,
d ’attrait ni de pulsion ?» ; «nous n ’en
nierons pas moins que de telles passions
soien t le fait de l ’âm e, à considérer
objectivement sa nature propre» ;

49. Sur la doctrine de l ’âme chez T., voir J. H. W aszink, Tertullianl De anima, Amsterdam,
1947. Sur la corporéité de l ’âme et sa capacité de souffrir, voir An. 7 (corporalitas animae) et le
commentaire de W aszink, p. 146-149.
50. Cf. De anima, 5 8 ,4 : l ’âme a des passions propres ; 58, 8 : l ’âme reçoit une rétribution
dès avant la résurrection ; cf. d ’A lès, Op. cit., p. 133 ; W aszink, Op. cit., p. 586-587.
ATHÉNAGORE E T TERTULLIEN 223

17, 8 : l ’âme doit payer comme 21, 4 : l ’âme ne fait que suivre les
instigatrice («idcirco pro quo modo egit, pro instincts du corps («comment serait-il juste
eo et patitur apud inferos, prior degustans que l’âme seule soit jugée pour des passions
iudicium, sicut prior induxit admissum») que le corps ‘subit en premier’ (npüToncrfteï)
et auxquelles il entraîne l ’âme ? ») ;
[Il existe ainsi pour Tertullien une rétribution de l’âme seule, dès avant la résurrection — une
thèse incompatible avec la doctrine d’Athénagore] ;
40, 3 : postériorité de l’âme («porro nec 15, 2 : antériorité de l ’âme, ou, pour le
anima per semetipsam homo, quae figmento moins, simultanéité de la genèse du corps et
iam homini appellato postea inserta est»)51 de l ’âme («l’homme est un ensemble formé
d’une âme immortelle et d ’un corps qui lui a
été joint à la naissance»)
[La formule : «ni l ’âme n'est à elle seule l ’homme ...» a son équivalent ch ez JUSTIN, De res,
8 ; A thénagore, De res. 1 5,6 ; Irénée, Haer. V, 6 ,1 , etc.] ;
46, 13 : l ’âme a des pensées chamelles 23, 2 : l’âme ne connaît pas les penchants
(«cui ergo, dices, reputabitur sensus camis, charnels («ce n’est pas aux âmes que Dieu a
si non substantiae ipsi ? Plane, si probaveris prescrit de s ’abstenir des fautes qui ne les
aliquid camem de suo sapere. Si vero sine concernent en rien, comme l’adultère, le
anima nullius est sensus, intelleges sensum meurtre, le vol, le pillage, le manque de
carnis ad animam esse referendum, cami respect envers ses parents, et plus
interdum deputatum, quia propter camem et généralement toute forme de convoitise qui
per camem administratur»). puisse faire du tort et nuire à son prochain»).
U n constat s ’impose : la doctrine de l ’âme développée par Tertullien est
incompatible avec celle d ’Athénagore ; l ’apologiste athénien, encore imbu de
philosophie, croit l’âme à la foi immortelle, impassible et incorruptible, comme
le sont les espèces intelligibles ; il étend même son impassibilité à sa vie propre
par delà la mort, dans le sommeil où elle est plongée jusqu’à la résurrection (De
res. 16, 5 : assimilation de la mort au sommeil) — même si l ’affirmation n ’en est
pas clairement soutenue. De plus, il lui accorde la priorité sur le corps, ce corps
qui lui est pour ainsi dire annexé au moment de la naissance ou de la conception
(yéveaiç : D e res. 15, 2) ; il la fait échapper au châtiment post mortem, puisque
rien ne peut l ’altérer durant la vie, et a fortiori après la mort — une doctrine qui,
aux yeux d ’un Tertullien, le rangerait parmi les sim plices (De res. 17, 1).
T ertullien, tout au contraire, soutient que l ’âme vient en second, non
téléologiquem ent, mais chronologiquement, et surtout, il lui attribue une
«matérialité» qui lui permet de souffrir et d ’éprouver des passions par elle-
m êm e. À quoi donc se réduirait une éventuelle influence d’Athénagore sur
Tertullien ? À rien qui n’appartienne pas au fonds commun de la doctrine.

51. Si, dans le De resurrectione, T. affirme l'antériorité du corps (40, 3), il n’en va pas de
même dans le De anima où il soutient que l’âme est conçue en même temps que le corps :
«immo simul ambas (= substantias corporis animaeque) et concipi et confici» (27,1). W aszink,
Op. cit., p. 346 s., commente ainsi : «Tert. wishes to demonstrate in the first place that body
and soul come into existence simultaneously (...) The reason why he wishes to do so, is
evident : if the soul is prior to the body, this may come an argument in favour of the doctrine of
the metempsychosis (...) ; if, on the other hand, the body is prior to the soul (...) the embryo is
not an animate being». Il rapproche ce passage du De anima de De res. 45, où, après avoir
envisagé l’hypothèse de l’antériorité de la chair (45, 3 : «etiamsi multo prior anima caro», codd.
MPX), Tertullien la récuse au profit de la contemporanéité (45,5 : «contemporant fétu, coaetant
natu»), acordant même à l’âme la priorité téléologique.
224 BERNARD POUDERON

C onclusion

De cette étude, il ressort que les traités respectifs d’Athénagore et de


Tertullien sur la résurrection présentent de profondes différences dans la forme
et le contenu, qui résultent de problématiques et d’ambitions différentes ; mais
ces différences ne signifient pas nécessairement que l ’un soit indépendant de
l ’autre, parce que s ’y opposent de nombreuses analogies dans les thèmes et les
arguments qu’on ne peut en aucun cas attribuer au simple hasard.
Or, ces analogies se retrouvent partiellement dans les autres ouvrages
consacrés à la doctrine de la résurrection parvenus jusqu’à nous, c ’est-à-dire,
pour le second siècle, les fragments du De resurrectione de Justin, le livre V de
YAdversus haereses d’Irénée, et même la Lettre à Rhéginos sur la résurrection.
Aussi deux hypothèses s’offrent-elles à nous : ou bien les quatre auteurs (Justin,
Athénagore, Irénée et Tertullien) dépendent en partie d’une source commune, un
ouvrage «prototype» qui aurait servi de modèle aux uns et aux autres ; et il n’est
pas exclu que le prototype soit précisément l ’ouvrage de Justin dont il ne nous
reste que des fragments — peut-être un abrégé52 ; ou bien l ’interpénétration des
thèmes s’est faite progressivement, Athénagore et Irénée ayant lu l ’ouvrage de
Justin, et Tertullien, ceux de ses trois prédéceseurs.
Mais ces deux hypothèses ne s ’excluent nullement Tune l ’autre. Il manque,
hélas ! à l ’ouvrage d’Athénagore les séquences de citations qui permettent si bien
d’identifier une source et de restituer les maillons manquants de la chaîne.
Pour notre part, nous n’écartons pas l ’hypothèse que Tertullien ait lu le Traité
d’Athénagore. À défaut d’emprunts textuels, on peut mettre en avant un souci
commun à Tertullien et Athénagore, mais absent des ouvrages correspondants
d’Irénée et de Justin : celui de la rigueur logique, poussé chez l ’un et chez l ’autre
jusqu’à la réflexion épistémologique et la définition d’une des sources de la
connaissance — les «notions communes» empruntées au stoïcisme53. Il n ’est pas
impossible que sur ce point précis, Tertullien dépende d’Athénagore.
Là se limiterait l ’influence intellectuelle de l ’apologiste athénien. Car les
anthropologies et surtout les psychologies des deux écrivains diffèrent du tout au
tout. Pour l ’un, l ’âme est quasiment un principe idéal, d’essence psychique, la
«forme spirituelle du corps» selon la Supplique54, inaccessible aux passions et à
la souffrance ; pour l ’autre, elle est presque de nature matérielle, dans tous les
sens du terme : elle possède une «corporéité» {corporalitas) propre qui lui
permet de subir les passions, de connaître la souffrance. Pour l ’un, l ’âme
sommeille jusqu'à la résurrection ; pour l ’autre, elle reçoit une rétribution dès
après la mort, avant d’être restituée au corps ressuscité. En outre, il n’est même
52. Sur l’authenticité des fragments du De res. attribués à Justin, voir en dernier lieu
HàllstrûM, Op. cil., p. 39-41, qui résume les thèses en présence. Goudenough , quant à lui,
constate que la théologie développée est bien celle de Justin, mais pas le style, trop concis (The
Theology of Justin Martyr, Amsterdam, 1968, p. 79) — un constat qui corrobore l’hypothèse
de l’abrégé.
53. L ’ébauche du «tém oignage de l ’âme», absent de la Supplique d ’Athénagore
(F redouille, Op. cit., p. 344, n. 239), ne peut pas être refusée au Traité sur la résurrection.
54. Cf. L. 36, 3 (un passage empreint de platonisme, et qui fait explicitement référence à
Pythagore et à Platon).
ATHÊNAGORE E T TERTULL1EN 225

pas impossible que Tertullien fasse allusion aux thèses d’Athénagore quand, à
propos de la passibilité de l ’âme, il ,oppose à la sienne l ’opinion des «plus
simples» — une expression qui sent la polémique et qui constituerait un véritable
désaveu. Il apparaîtrait donc que Tertullien, s ’il a pu connaître l ’ouvrage
d ’Athénagore sur la résurrection et lui emprunter quelques thèmes, a pris soin de
distinguer sa propre doctrine de celle de l ’apologiste, qu’il devait sans doute
juger dépassée.

Bernard P ouderon

Index de resurrectione
(Regroupement thématique et analogique)

I. Résurrection, transformation

Supplique
àviicrtacnç : 36, 1 ; 36, 2 ; 37, 1 ànofiifiâvai : 36, 1
àvurrdvai ; 36, 1 ; 36, 3 ouvurràvai nàXiv (aiVrà ànè tüv critüv) :
36,3

Traité sur la résurrection


àvdoramç : 1, 5 ; 2, 2 ; 4, 4 ; 10, 3-4 ; 11, àvajliüaxeiv : 16, 5
7 ; 12, 8-9 ; 13, 2 ; 14, 5-6 ; 15, 1 ; 15, 4 ; àvavEoüv : 10, 3
15, 7 ; 16, 3-4 ; 16, 6 ; 17, 4 ; 18, 1-2 ; 23, ànaGavantEiv : 12, 2
6 ; 25, 3 ànoStSévai : 4, 4 ; 25, 3
àvdortaaiç tüv aüiiaruv : 3, 1, 11, 1 ; 14, oùt6 c : 2, 3 ; 8, 4 ; 15, 4 ; 25, 2-3
3 évoüv (ndXiv) : 2, 3 ; 3, 2-3 ; 8, 4 ; 15, 3-4 ;
àvàrracnç tüv àvflpünuv : 10, 2 18, 5
àviScrracnç xai Çiori : 8, 4 Coonoieîv (ndXiv) : 3, 2 ; 18, 5
àvioxàvai (cuvavunàvai) : 2, 5 ; 3,1-2 ; 4,
4 ; 7, 1 ; 9, 1 ; 10,1 ; .10, 5-6 ; 14, 6 ; 15, 6
ouvtoràvai (ndX.iv) : 4, 4 ; 7,1 ; 15, 4 ; 25, 3 [iETaftdXXEiv : 3, 2 (efç à^Bapotav)
auvAyEiv : 2, 3 ; 10, 6 peTapoXl) : 12, 8-9 ; 16, 2
odaracnç : 2, 3 ; 8, 4 ; 15, 3-4 ; 25, 2

Apologeticum
resurgere (resurrectio) reducerc
exhiberi reformare
idem repraesentare
induere (ipsum corpus) restaurare
ipse restimere (restitutio)
iterum revocare
reddere rursus
redire suscitare
226 BERNARD POUDERON

De resurrectione
resuirectio r. solida
r. animae r. specialis
r. camalis r. spiritualis
r. camis r. universalis
r. corporalis resurgere
r. corporum resurgere a mortuis
r. dominica resuscitare (conresuscitare)
r. generalis resuscitatio
r. mortuorum resuscitator (camis)
r. prima

convertere (conversio) mutare (mutatio)


demutare (demutatio)
continuare redigere (in salutem)
dare (corpus) redimere
demand are redintegratio (redintegrator)
evocare reficere (refectio)
exigere (exactio) referte (vitam)
exsuscitare reformate
extollere reinduere
fructificare relevaie
liberare reparari
manumittere repraesentare
medicare restituere (restitutio)
nasci restruere
oriri resumere
reaedificare revertere
reanimaie (redanimatio) revivescere
recidivare revocare
recipere sanare
recorporare suscitare
recuperate venire
reddere vivificare (vivificatio)
redhibere (redibitio)

egredi de sepulchris procedere (de sepulchre)


exprimere caruem de nihilo rescindere mortem (rescissio mortis)
mortale (caro) devoratur a vita retrahere camem de sinu mortis
obliteratio corruptelae transferre vitam (a tem poralitate in
aetemitatis)

n . Immortalité, salut

Supplique
ptbç : 12, 3 (6 évSexô|iEvoç p.) ; 31, 4 p^vew : 31, 4 (àç oûpdviov nveupa)
(énoupàvtoç p.) ; 3 1 , 4 (KtEpoç p.)
ATHÉNAGORE ET TERTULLIEN 227

Traité sur la résurrection


â8iô<fi0apToç : 20,1 S^aproc ; 10, 3 ; 10, 5-6 ; 20, 3
<fc((eiçà.): 13, 2; 15,6 SiapivEiv : 12, 1 ; 12, 7-8 ; 13, 1 ; 16, 1-2 ;
àeôvcrroç : 13, 1 ; 15, 2 ; 23, 5 ; 24, 5 25, 2
öXutoc : 20, 1 Siqiovi) : 12, 3 ; 12, 6 ; 13, 1-2 ; 15, 8 ; 16,
àfi£T<ipXT)Toç : 16, 2 1-4 ; 17,4
àox^fiacrroc : 20, 1 p^vEiv : 20, 1-2
Ù0 <|><iX£ia : 11, 3 (?) ; 11, 4 (à. xai awn)pia) ndvToTE : 12, 8
ôteXeuttitov : 15, 8 ouvSiaiûmteiv : 15, 8 ; 25,4
àÿSapaia 3, 2; 13, 1 ; 16, 2-3 ; 18, 5 euvSiapiveiv : 13, 2 ; 15, 5-7
(ivSüEiv à.) a<j>tECT0ai ; 12, 8
curVipia : 11, 4 (àaÿdXeta m i a.) ; 11, 6
(?) ; 13, 1 (?) (a, xai <|njXaxi))

Apologeticum
aetema (vita) superindums substantia propria aetemitatis
aetemum (vivere in) incorruptibilitas
aetermitas (infinita a;) manere
immensa aetemitatis perpetuitas

De resurrectione
aetemitas inmortalitas (ab im. devorari ; im. induere,
aetemus superinduere, indumentum)
incorruptibilitas (ab inc. devorari) salus (s. conferee ; in s. redigere)
incorruptela (induere, indumentum inc.) salutare
incorruptus salvus
inmortalis (anima)

ampliatio iugis
angelicus manere (permanere)
conservare perseverantia
consistere plenus
futurus securitas
gloria (congloriflcari) solidus
immunitas spiritalis
impassibilis vita (vitalis)
incolomitas vivere (convivere)
integer (integritas) vivus

induere (novum hominem) superindumenmm (caeleste et aetemum)


mors mortis superstruhere (corpus)
superducere (corpus)

IE. Mort, dispersion

Supplique
SidXuatç ; 36, 3 (tSv (Tupdxwv) oanèv xai 8iaXo8èv xai â^aviafl^v : 36, 3
évartoöftéwuoflai : 36, 2 (hypothèse) auvanóMnxjeai (riji a<à|iari xi|V ipuyi)v) : 36,
vexpôç : 36, 1 2
228 BERNARD POUDERON

Traité sur la résurrection


àvôXuaiç : 3, 3 SidXucic : 16, 3-4 ; 16, 6 ; 17, 3-4 ; 19, 4
SiaXileiv : 2, 3 ; 2, 5-6 ; 3, 2 ; 8, 4 ; 9, 1 ; Xdeiv : 2, 5
10, 6 ; 11, 1 ; 15, 1 ; 15, 4 ; 18, 5 ; 20,1 ; npoSidXÛEtv : 8, 4
20, 3 ; 25, 2-3 ; 25, 5 auvSiaXôeiv : 3, 3 ; 2 0 ,1

4>6apTÔç : 12, 6 (4>. xai yriivot;) ; 18, 5 ; 19, <j>8opà : 12, 1 ; 16, 3 ; 2 1 ,7
7 auvfiia<t>8e(peiv : 20, 1
ij)8eiJpEiv : 20, 1 ; 20,3

inoflvgaxEiv : 14, 6 TËSvpxdic : 3, 2


edvcrroç : 16, 1 ; 16, 5 ; 17, 1 ; 19, 4 ; 19, vexpoüv : 2, 3 ; 8, 4 ; 9, 1 ; 15, 4 ; 15, 9 ;
7 ; 20, 1 18, 5 ; 19, 4 ; 25, 3
8vt)t6 ç : 12, 2 ; 19, 7
àvaXiaxEofiai : 4, 1 oxESawuvai : 18, 5 ; 25, 2
àvupaXia : 16, 4 ; 17, 1 teXeutüv : 14, 6
Sctnavâv : 8, 4 teXeuti) : 12, 2 ; 16, 3
SiaSpunTEiv : 4, 1 XGJpitEiv : 18, 5 ; 25, 1
xaieiv : 8, 4 Xupiopdc : 16, 4 ; 16, 6 ; 19, 4 ; 25, 2
xaracnfaeiv : 8, 4 tô vexowBèv xai SiaXuttév : 2, 3 ; 9, 1 ; 15,
xeipevoi; : 3, 2 4 ; 25, 3
oflewuvai : 12, 5 ; 20, 2 tô xEXMpiofiivov xai SiaXeXupdvov : 18, 5
ojtécnc : 20, 1 tô SiaXuBèv i) oxEfiaceév : 25, 2

Apologeticum
absorbare morire
defunctus périra
destruhere prodigere (in nihilum)
dissolvere resolvere
haurire

De resurrectione
abolira infïrmitas
cadere (cadaver, casus, caducus) intercidere
corrumpere (corruptio, corruptela) intercipere
cassus interibilis
dedecoratio interitus (corporum)
defectio (caniis) iacere
dehaurire languescere
devorare mortalitas (camis)
discidium (camis et animae) mortalis (mortuus)
dilabi occasus (occisio)
diruere occidere (o. in gehennatn)
dissolvere (dissolutio) percutera
dormitio perditio
elidere prodigere (in nihilum)
eripere putescere (computrescere)
exsilium (animae) ruere (mina membrorum)
exuere (came) submere (morte)
inanitus succidere
ATHÊNAGORE ET TERTULLIEN 229

IV. Jugement, rétribution

Supplique
àvEtdxaoroç : 36, 2 xopitciv : 12, 1
SixaoTtfc (piyac) : 12, 1 ; 31, 4 xpfvEiv : 12, 3
énoupdvioc : 31, 4 xpibc : 12, 2
éifuordvai : 12, 1 ; 31, 4 Xdyov (ûn^xElv) : 12, 1 ; 36, 2
xoXdtEiv (cnjyxoXdCEiv) : 31, 4 ; 36, 2 nüp : 31, 4

Traité sur la résurrection


Sixafa xpiaiç : 13, 3 ; 14, 5-6 ; 18, 2 ; 18, xpfoiç : 11, 7 ; 14, 6 ; 18, 2 ; 18, 5 ; 19, 3 ;
5 ; 19, 4-5 1 9 ,7 ; 2 0 ,2 -3 ; 21, 8
66<aioç : 10, 4 ; 14, 6 xpéniç : 19, 2
SixatoaijvT) : 18, 1 m)YYV<«>|iri : 21, 1
fidat : 18, 4-5 ; 19, 6-7 ; 21, 2 ; 23, 1-2 Ti|iôv : 21, 1
éÇdtaoiç : 25, 5 Ti(jtd : 21, 1
éifiurrdvai : 19, 2 Ti(ii| fi S&n : 1 4 , 5 ; 18, 2 ; 25, 5
Étyopoç : 19, 2 Tip.fi f| Tipapta : 18, 4 ; 22, 1
xo|x£ eiv : 18, 5 Tifxopfa : 21, 4 ; 21, 8
xpfvEiv : 14, 6 ; 18, 1 ; 21, 2-4

Apologeticum
cæ li pendere
cruciatus poena
dispungere (dispunctio) recensera
expungere refrigerium
ignis retributio
inferi speculator
iudicare (iudicium) supplicium
meruere

De resurrectione
adsistere (ad dextram) merces
censura pensare
compensate (compensatio) periculum
coronare poena
cruciare praemium
damn are refrigerium
diiudicare regia
dispungere regnum
domicilium (in caelis) remunerado
edere (de ligno vitae) repraesentatio
emolumentum sedere (in thronis)
exhibitio sententia
exigere (quadrantem) status (iudicii)
fovere superinduere (domicilium de caelo, immorta-
fructus litatem)
gehenna supplicium
ignis tenebrae exteriores
inferi tormentum
iudicare (iudicium) torqueri
iustitia tribunal
230 BERNARD POUDERON

RÉSUMÉ : Comme Tertullien connaissait vraisemblablement la Supplique d’Athénagore, il


semblerait logique qu’il aussi lu le Traité sur la résurrection de l’apologète athénien, avant
d’écrire son propre De resurrectione. Certes, les deux ouvrages diffèrent considérablement par
le vocabulaire, la structure et la problématique. Mais on peut constater qu’il existe entre eux des
analogies assez frappantes, qui portent à la fois sur la réflexion méthodologique et sur les
arguments. Néanmoins, comme ces analogies ne s’accompagnent d ’aucune marque d ’une
quelconque influence intellectuelle, et qu’en particulier les arguments semblent appartenir à un
fonds commun de la polémique anti-hérétique, deux hypothèses s’offrent à nous, également
plausibles : soit ces analogies proviennent d’une source commune, par exemple l ’ouvrage
correspondant de Justin, soit Tertullien a effectivement lu le Traité d’Athénagore, y puisant des
arguments et une méthode, tout en en refusant l’influence.

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