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Moss
ADventure IslanD
Le Mystère des grottes du Vent-Huant
Bienvenue sur
l'île De Castle Key
1. Un cottage (prononcer « cottèdge ») est une petite maison souvent en pierre de taille, qui fait
penser à une chaumière moderne.
2
Le TrÉsoR
De CarriCkstOWe
2. Sutton Hoo, près de Woodbridge, est un site archéologique anglo-saxon où ont été mis au jour en
1939 un cimetière et un bateau funéraire datant du début du VIIe siècle.
3
Une Fille
pas Comme lEs AutRes
I
– ci, les gens sont préhistoriques ! se lamenta Jack tandis qu’ils
descendaient la route menant au village. Ils sont où, les jeunes ?
Sa bouche était orange vif à cause de la glace.
– Peut-être enfermés à double tour pour être transformés en esclaves,
plaisanta Scott en enfonçant les mains dans les poches de son jean.
Mais au fond, il n’avait pas envie de rire. Comme Jack, il s’ennuyait déjà à
mourir pendant ces vacances.
– On passe par là ? C’est sûrement un raccourci, dit Jack en sautant par-
dessus un muret qui donnait dans un champ de hautes herbes.
Un peu plus loin se tenait un troupeau d’imposantes vaches noir et blanc.
Elles tournèrent la tête vers Jack qui s’avançait tranquillement.
– Reviens ! s’écria Scott. Et si c’étaient des taureaux ?
– N’importe quoi ! Les taureaux ont des cornes et des anneaux dans le nez !
Viens, espèce de trouillard !
– Trouillard ? Moi ? s’indigna Scott.
Il était l’un des meilleurs défenseurs de son équipe de foot, et un tacle,
même sévère, ne l’avait jamais freiné. Sauf que, par moments, il aimait juste
être… prudent, voilà tout. Il évitait de courir des risques inutiles alors que
Jack, lui, fonçait sans réfléchir. D’ailleurs, à cet instant, son frère sautillait
joyeusement dans l’herbe tel un kangourou en ignorant le bétail attroupé à
quelques mètres.
À contrecœur, Scott s’engagea à son tour dans le pré…
Et ce qu’il redoutait ne tarda pas à se produire. Une vache meugla
bruyamment. Ses congénères l’imitèrent… Et soudain, toutes se mirent à
galoper vers eux ! Le sol vibrait sous le poids de leurs sabots.
Jack détala aussitôt. La gorge sèche, Scott accéléra, lui aussi. Ils allaient
se faire piétiner ! Il ferma brièvement les yeux, se préparant au choc…
Il ne se passa rien.
Rouvrant les paupières, Scott aperçut un petit chien marron et blanc, aux
poils longs et emmêlés, qui décrivait des cercles devant lui, à côté d’une
fillette brune. Il se précipita pour l’attraper par la main.
– Fuyons !
Mais la fille se dégagea et, d’un pied nu et bronzé, tapa par terre. Puis,
rejetant la tête en arrière, elle rit à gorge déployée. Son rire était cristallin et
vibrant comme le son d’un violon.
– Ce sont des génisses, pas des taureaux !
Elle tapa de nouveau sur le sol et, cette fois, les vaches se détournèrent
pour retourner brouter.
Scott se sentit soudain très ridicule.
– Tu vois que j’avais raison ! se moqua Jack en les rejoignant.
Et il s’affala dans l’herbe. Le chien, qui ressemblait à un mélange
d’épagneul, de jack russell et d’ourson, se mit à sautiller gaiement autour de
lui. Jack éclata de rire avant d’ajouter :
– Tu as eu la trouille, tu as eu la trouille ! Moi, je savais que ce n’était pas
des taureaux.
– Toi aussi, tu as eu la frousse, répliqua Scott.
La fillette s’assit près de Jack et les observa tous deux avec curiosité.
– J’imagine que vous ne voyez pas souvent de vaches, à Londres !
– Elles n’aiment pas trop le macadam, s’efforça de plaisanter Scott. Et
d’abord, comment tu sais qu’on vient de Londres ?
Elle émit de nouveau ce drôle de rire.
– Je vous file depuis ce matin. Puisque vous ne m’avez pas repérée, j’en
déduis que j’ai drôlement amélioré ma technique d’espionnage.
– Qu’est-ce que tu veux espionnager, ici ? demanda Scott, avant de se
rendre compte qu’il venait d’inventer un mot.
La mystérieuse fillette ne sembla pas s’en rendre compte.
– Il ne doit pas se passer grand-chose, par ici, ajouta-t-il.
– C’est ce que vous croyez ! Ce matin, c’était juste un peu tranquille parce
qu’on est dimanche, mais…
Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule comme si elle craignait
qu’on ne l’écoute, et poursuivit à voix basse :
– … il y a plein de trucs bizarres. M. MacElroy a peut-être un réseau
d’espions à la poste. Il y a des gens qui jouent illégalement pour gagner de
l’argent à la crêperie le vendredi soir… Et je ne vous dis pas tout !
Scott échangea un rapide coup d’œil avec Jack. Cette fille avait l’air un
peu frappadingue, mais sympa…
Et maintenant, il savait qu’il n’avait pas rêvé quand, dans la Grand-rue, il
avait eu l’impression qu’on les observait. C’était elle.
– Je m’appelle Emily Wild, annonça-t-elle. Et vous ?
– Moi, c’est Jack.
– Et moi, Scott.
Elle devait avoir à peu près l’âge de Jack, se dit Scott en la contemplant de
nouveau. Elle portait un vieux tee-shirt blanc et un short en jean. Avec ses
yeux très noirs et son petit menton volontaire, elle évoquait… un elfe. Peut-
être que ses longs cheveux bruns et bouclés cachaient des oreilles pointues !
– Et voici Drift, ajouta-t-elle en caressant affectueusement son chien. On
habite le phare.
– Le phare ? répéta Scott, surpris.
– Oui, au bout de la baie de Key !
Emily éclata de rire de nouveau.
– Vous ne l’avez pas remarqué ? Pourtant, il est énorme, avec des bandes
rouges et blanches et une grosse lumière tout en haut ! Il se trouve sur la
péninsule, là où c’est rocheux et escarpé, après le port.
Comme Jack et Scott gardaient le silence, Emily secoua la tête d’un air
malicieux.
– Vous, vous n’êtes pas observateurs !
– Ton père est le gardien du phare ? demanda Jack.
Scott remarqua que ses yeux brillaient. Son frère imaginait déjà des
histoires de tempêtes terribles, de contrebandiers et de naufrages !
– Pas du tout. Mes parents l’ont aménagé pour proposer des chambres
d’hôtes aux touristes, expliqua Emily. On a toujours beaucoup de monde en
été et, quelquefois, je les aide. On a parfois des clients super-intéressants :
des criminels internationaux en fuite, des gens qui mènent une double vie…
S’interrompant brusquement, Emily se leva d’un bond et ôta les brins
d’herbe collés sur ses jambes.
– Et si on allait à la rivière ? Il y a une balançoire géniale, vous verrez !
Sur ces mots, elle fila en courant à travers champ, suivie par Drift qui
bondissait à ses trousses.
– On arrive ! lança Jack.
Et il piqua un sprint derrière Emily.
Scott hésita un bref instant, puis il leur emboîta le pas. Au moins, Emily
était jeune !
Quand il les rattrapa, Emily était déjà suspendue à une corde accrochée à
la branche d’un saule pleureur, au bord d’une rivière à l’eau claire. Elle
s’élança et plongea en décrivant un arc parfait.
– Waouh ! Trop bien ! s’écria Jack en se débarrassant de ses baskets et de
ses chaussettes.
Quelques secondes plus tard, il atterrit, lui aussi, dans l’eau… plutôt très
froide, constata Scott du bout des doigts. Mais impossible de résister !
Pendant un bon moment, ils s’amusèrent ainsi tous les trois… Enfin, tous
les quatre, puisque Drift sauta et nagea avec eux. Puis ils s’allongèrent sur la
rive pour se sécher au soleil.
– Oui, oui, maintenant, il faut manger, dit alors Emily. Pas de problème,
j’ai ce qu’il faut.
Stupéfait, Scott échangea un coup d’œil avec Jack. Emily l’originale lisait-
elle en plus dans leur esprit ?
– Quoi ? Oh, vous croyiez que je pensais à vous ? s’écria-t-elle au même
instant. Mais non, je m’adressais à Drift, ajouta-t-elle en riant. Il parle avec
ses oreilles !
À cet instant, Drift en avait une, la noire, qui retombait sur son œil, tandis
que l’autre, blanche et mouchetée de brun, se tenait toute droite.
– Si je bouge aussi mes oreilles, j’aurai droit à quelque chose ? plaisanta
Jack.
Scott et Emily éclatèrent de rire.
– On a des sandwichs, rappela Scott.
Son frère se jeta dessus comme un vautour.
– Si tu en veux, Emily, dépêche-toi, parce que Jack va tout engloutir à la
vitesse grand V !
Mais Emily prit un téléphone portable dans son sac à dos et vérifia l’heure.
– Oups… Désolée, il faut que je vous laisse. J’ai du pain sur la planche. Si
vous voulez, demain, je vous emmène aux grottes du Vent-Huant ? ajouta-t-
elle en leur souriant.
– Les grottes du Vent-Huant ? répéta Jack. Quel drôle de nom !
– C’est parce qu’elles sifflent, précisa Emily.
– Sérieux ?
Il arrondit les lèvres et émit un long sifflement aigu.
– Comme ça ?
– Plus ou moins, tu verras, répondit Emily, l’air énigmatique.
– Et c’est où ?
– Dans le creux de la falaise du vieux château, en face d’une petite baie
entourée de rochers.
– Cool… Jack, on n’avait rien d’autre de prévu ? plaisanta Scott.
Mais Emily avait déjà disparu.
– Tout compte fait, on va être occupés… Enfin, un peu… commenta Jack
en s’allongeant dans l’herbe.
Il ferma les yeux, savourant la caresse du soleil sur son visage.
– Peut-être, admit Scott.
N’empêche, grâce à Emily et à Drift, l’île de Castle Key paraissait soudain
beaucoup plus intéressante !
4
Les GrOtteS
Du vEnt-Huant
Le siLenCe
Des GrotteS
D
« es grottes qui sifflent ! Je savais bien que c’était n’importe quoi ! »
pensa Scott. Malgré tout, il se sentait un peu déçu.
– C’est quel genre de sifflement, exactement ? demanda Jack. Comme le
coup de sifflet d’un arbitre à la mi-temps ? Plus grave, comme une
vuvuzela3 ?
Mais Emily secoua la tête d’un air triste. Elle enfouit brièvement le visage
dans le creux de ses mains, et ses longs cheveux s’éparpillèrent sur ses
genoux.
– Ce matin, elles sifflaient… Le vieux Bob l’a dit ! murmura-t-elle en se
redressant. Ce n’est encore jamais arrivé…
– En tout cas, pas depuis 1385 ! compléta Jack.
Et il éclata de rire.
Emily se rembrunit encore plus, presque au bord des larmes. Drift poussa
un gémissement et, les oreilles basses, posa une patte sur la cuisse de la
fillette, comme pour la consoler.
Scott éprouva de la peine pour Emily. Elle avait semblé si sûre d’elle ! Il
faillit siffler un air, histoire d’alléger l’atmosphère, mais se ravisa. Il l’aimait
bien, Emily. Il l’aimait même beaucoup. D’accord, elle se prenait pour la
petite sœur de James Bond… Et alors ? Elle était chouette…
Et décidément, très originale et attachante.
– Ce n’est pas grave, Emily… C’est super-beau, ici, ça valait le
déplacement !
Emily le gratifia d’un pâle sourire.
– Oh, attendez, je crois que j’entends quelque chose ! s’écria Jack.
Ils se turent, écoutèrent…
– Non, désolé, c’était juste une mouette.
– Allez, on s’en va, dit Emily d’un ton dépité.
Elle empoigna les rames et les actionna avec une telle énergie que le
Gemini faillit chavirer…
« J’ai déjà vu cet homme quelque part », songea Scott. Oui, il était certain
de l’avoir déjà croisé… Mais où ? Ses longs cheveux gris noués en une fine
queue-de-cheval, son nez aquilin, ses yeux bleus…
Oui, mais bien sûr, il s’agissait de Seth Wild, le guitariste du groupe Panic
Mode ! Waouh ! Non que Scott soit un fan du rock des années 1980 mais, à
son époque, Seth Wild avait été une légende…
– Ton père, c’est carrément Seth Wild ! chuchota-t-il à Emily. Pourquoi tu
ne nous l’as pas dit ?
– Tu ne m’as pas posé la question, répliqua Emily avec un sourire
moqueur. Papa, il se passe quelque chose de bizarre…
Seth Wild les rejoignait au même instant.
– Quoi donc ? demanda-t-il d’un air distrait.
– Les grottes ne sifflent plus !
– Ha, ha, ha ! Très drôle. Les gars, faites attention, ma fille a une
imagination débordante.
– Mais elle dit la vérité, répondit Jack. On y est allés et on n’a rien entendu
du tout.
– Alors, c’est que vous êtes sourds comme des pots ! s’esclaffa Seth. Ces
grottes font un boucan du diable… Et question volume sonore, je m’y
connais !
Emily haussa les épaules, l’air maussade.
– Et voilà, personne ne me croit… Ça ne devrait même pas m’étonner.
– Mais si, nous, on te croit ! affirma Jack. Pas vrai, Scott ?
– Oui, oui…
– Alors, allons voir le vieux Bob ! lança Emily en se dirigeant vers la
porte. Lui, il saura peut-être ce qui se passe…
Aussitôt, Drift bondit à ses pieds.
– Tu crois qu’on va le trouver ? Il n’est pas reparti pêcher ? demanda Jack.
Emily secoua la tête.
– Pas le lundi midi. Il aime manger sa soupe à la tomate et boire son thé à
la crêperie de Dotty. Vous venez ?
Jack et Scott lui emboîtèrent aussitôt le pas.
3. Un vuvuzela est un instrument de musique en forme de corne qui émet un son proche du
bourdonnement.
6
Vive l’AventuRe !
L
dérobé…
e trésor de Carrickstowe avait été pillé… Le bouclier avait été
Oh ! là, là !
Emily avait du mal à contenir sa surexcitation. Elle aurait enfin une vraie
grande mission de détective, comme elle en rêvait depuis toujours !
« Mon autre enquête, je l’oublie pour l’instant », décida-t-elle. Puis elle se
demanda si elle allait collaborer avec Jack et Scott. En général, elle
travaillait seule. C’était plus facile pour s’organiser, se cacher, épier… En
même temps, bien conseillés – et ce serait son rôle de le faire ! –, ses
nouveaux amis pourraient se montrer utiles. À leur expression, elle devinait
qu’ils mouraient d’envie de partir à l’aventure avec elle !
Emily regarda de nouveau Mme Loveday qui, tremblante de nervosité,
venait d’être installée à une table d’angle. Dotty lui servait une tasse de thé
accompagnée d’une brioche à la confiture.
– Pssst ! lança Emily à Jack et Scott. Venez, on ne doit pas traîner !
Ses nouveaux amis ne se le firent pas dire deux fois.
Ils empruntèrent le raccourci qui coupait à travers le champ des vaches, et
grimpèrent si vite qu’ils parvinrent au château moins de vingt minutes plus
tard. Emily repéra aussitôt le meilleur endroit pour observer les alentours :
un bosquet de houx au coin du parking. Ils se dissimulèrent derrière les
branchages touffus.
– À l’affût ! ordonna-t-elle à mi-voix.
Aussitôt, Drift s’assit à ses pieds, oreilles aux aguets.
Un ruban orange caractéristique des scènes de crime barrait l’accès au
château. Un véhicule de police était garé non loin. Emily en reconnut la
plaque d’immatriculation : l’inspecteur Hassan se trouvait donc déjà sur
place…
À quelques mètres se tenaient les deux agents de sécurité qu’elle avait déjà
vus ce matin. Là, adossés au capot de leur voiture, ils discutaient tout en
sirotant un soda. Le premier était grand, le teint mat, et extrêmement musclé
comme quelqu’un qui pratique l’haltérophilie. Le second était tout l’inverse :
dodu, le visage pâle et constellé de taches de rousseur, les cheveux raides.
– Tu n’aurais pas donné le code du coffre à quelqu’un, par hasard ?
demandait-il à son collègue.
– Tu me prends pour un imbécile ? répondit M. Muscles.
– Ne t’énerve pas ! Tu sais très bien que la police va nous poser cette
question. On doit être certains ne pas avoir enfreint de règle, d’avoir suivi la
procédure…
– C’est le cas. Tout était parfaitement normal quand on a fait notre ronde
dans la salle des archives à 10 heures. Sauf que lorsqu’on a vérifié le coffre
principal à midi, le bouclier avait disparu. Voilà ! Que veux-tu ajouter de
plus ?
Les agents se turent, et Emily reporta son attention sur une jeune femme
vêtue d’une élégante robe bleue, en hauts talons, qui sortait du musée à ce
moment-là. C’était Victoria White, qui habitait la ferme de Roshendra, à
l’intérieur de l’île. Après ses cours à la fac, Vicky avait déjà travaillé au
phare pour aider ses parents durant la saison d’été. Mais cette année, elle
avait été embauchée par M. Piggott : elle s’occupait de la publicité
concernant la nouvelle exposition.
– La police veut vous voir tout de suite ! annonça-t-elle aux deux agents,
qui filèrent aussitôt à l’intérieur du musée.
Puis elle s’installa au volant d’une petite voiture rouge avec un drapeau
britannique peint sur le toit.
Emily sortit son carnet, créa une nouvelle rubrique et écrivit :
Lieu du vol : coffre principal de la salle des archives. Heure du délit :
entre 10 h 15 et midi.
Jack jeta un coup d’œil à ce qu’elle venait d’inscrire.
– Tu t’es trompée. Les agents ont dit qu’ils ont vérifié le coffre à
10 heures, pas à 10 h 15.
Emily sourit.
– Règle numéro 1 du bon enquêteur : ne jamais croire tout ce qu’on entend.
Ils étaient peut-être censés faire cette vérif à 10 heures… Mais moi, je les ai
vus quitter la crêperie à 10 h 03 précisément… Même qu’ils emportaient des
cafés ! Il faut environ douze minutes pour remonter au château en voiture,
donc le vol a dû être commis après 10 h 15.
– Élémentaire, mon cher Watson, dit Scott en souriant.
Il frotta son pantalon pour ôter des feuilles de houx qui s’y étaient collées.
– Pendant qu’on ramait comme des galériens jusqu’aux grottes du Vent-
plus-huant-du-tout, quelqu’un a réussi à entrer dans la salle des archives et
s’est servi dans le super-trésor saxon qui…
Il s’interrompit en entendant des roues crisser sur le gravier.
– Vite ! fit Emily.
Ils se cachèrent de nouveau derrière le bosquet de houx. Scott étouffa un
gémissement de douleur : des feuilles lui avaient éraflé le bras.
Une vieille dame arrivait à bicyclette, à vive allure…
– Mme Manquait-Plus-Que-Ça ! chuchota Jack.
– Ça tombe bien, Mme Loveday est l’une de mes meilleures informatrices,
dit Emily. Suivez-moi… Et ayez l’air cool !
Contournant le buisson, elle se dirigea vers la vieille dame d’une
démarche décidée. Jack, Scott et Drift la suivirent…
Ayez l’air cool… Pour Jack, cela signifiait marcher les mains dans les
poches, le regard levé vers le ciel en sifflant silencieusement. « Si
j’appartenais à la police, je l’arrêterais aussitôt ! » pensa Scott en regardant
son frère.
– Bonjour, madame Loveday ! lança Emily d’une voix chaleureuse. Vous
n’êtes quand même pas déjà revenue travailler ? Après le choc que vous
venez de subir…
– Oh, Emily ! Bonjour, ma puce…
Mme Loveday soupira en descendant de vélo.
– Les policiers voudront sûrement m’interroger. Je suis le témoin
principal, tu comprends ? Je me trouvais sur place quand le bouclier a été
volé… Exactement durant le rivage horaire correspondant au crime !
– Vous voulez dire la plage horaire ? rectifia Scott.
– Oui, oui… Entre autres.
– Alors vous aurez beaucoup à leur dire ? insista Emily.
La réponse de Mme Loveday résonna depuis le fond de sa carriole où elle
farfouillait pour trouver quelque chose :
– Beaucoup ? Peut-être ! Les racontars et moi, vous savez…
Et la vieille dame se redressa en tenant un carton rempli de serviettes en
papier.
Scott ne put s’empêcher de sourire. Il avait déjà entendu cette phrase… À
Londres, leur voisine la répétait régulièrement, mais ça ne l’empêchait pas de
colporter des tas de rumeurs.
– Je peux vous aider ? proposa-t-il poliment en lui prenant le carton.
Mme Loveday lui adressa un sourire rayonnant.
– Merci ! Quel gentil garçon !
« Ça marche à tous les coups », songea Scott en donnant le carton à Jack si
rapidement que son frère n’eut pas le temps de protester.
– Vous auriez peut-être certains faits à révéler aux policiers, insista-t-il.
– Oh que oui !
Et Mme Loveday émit une sorte de gloussement, comme si ce qu’elle
savait était aussi grave que surprenant.
– Je déteste les commérages, vraiment, mais la vérité finira par éclater au
grand jour ! Ce Pete Morley, vous savez – et il se prétend menuisier –, eh
bien, il a été en prison.
M. Piggott est beaucoup trop tolérant ! Il n’aurait peut-être pas dû embaucher
un éléphant criminel comme lui.
Un éléphant criminel ? « Elle veut dire un élément criminel », pensa
Scott, réprimant un fou rire.
Mme Loveday baissa la voix en ajoutant :
– Et cette Victoria White, hein ? Elle ne vaut pas tellement mieux ! Elle est
tête en l’air, et elle empêche les hommes de se concentrer avec ses manières
de séductrice !
– Et M. Piggott ? demanda Jack, qui tenait toujours le carton de serviettes.
La vieille dame écarquilla les yeux avec horreur, comme s’il venait de
suggérer que le pape lui-même aurait pu voler le bouclier.
– Notre cher M. Piggott a travaillé toute la matinée dans son bureau ! Et il
a passé des appels téléphoniques extrêmement importants ! Non que j’aie
écouté ses conversations… Mais comme je nettoyais les poignées de porte
dans le couloir, je l’ai entendu, forcément !
Jack, Scott et Emily échangèrent un rapide coup d’œil. Mme Loveday avait
astiqué les poignées pendant deux heures ? Il ne devait en rester que des
miettes !
– Y avait-il d’autres personnes au château, ce matin ? s’enquit Emily.
– Seulement une vieille dame : moi, répondit Mme Loveday.
Elle ébaucha un sourire.
– Mais sincèrement, que ferais-je d’un bouclier de l’époque des Saxons ?
Je ne pourrais même pas l’accrocher au-dessus de ma cheminée pour décorer
mon salon, ça n’irait pas avec les trophées de golf de mon mari !
Et elle pouffa de rire. À ce moment-là, la porte du musée s’ouvrit, et
l’inspecteur Hassan parut sur le seuil. Grand et musclé, vêtu d’un élégant
costume gris, il remplissait l’encadrement de la porte tel un grizzli. Lorsqu’il
prit la parole, sa voix sembla résonner étrangement sous son épaisse
moustache noire :
– Nous sommes prêts à vous écouter, madame Loveday…
Puis, remarquant Emily, il ajouta :
– J’espère que tu n’as pas ennuyé Mme Loveday en lui posant des tas de
questions à propos du vol ?
Il semblait sourire mais, à son intonation, on comprenait qu’il la mettait en
garde.
– C’est une enquête beaucoup trop sérieuse pour que des enfants s’en
mêlent, conclut-il. Emily afficha une mine innocente.
– Oui, inspecteur Hassan…
– Ne vous inquiétez pas, inspecteur Hassim ! s’exclama alors
Mme Loveday. Je ne leur ai strictement rien dit. Motus et bouche cousue !
Merci de ton aide, ajouta-t-elle à l’attention de Scott.
Puis elle reprit le carton de serviettes que tenait Jack sans le remercier, lui.
– De rien, marmonna Jack.
7
PremieRs SuspeCts
SuR le tErRaiN
L e lendemain matin, alors que Scott se brossait les dents, Jack fit
irruption dans la salle de bains.
– Alors, c’est quoi, notre plan ?
Scott jeta un coup d’œil irrité au reflet de son petit frère dans le miroir au-
dessus du lavabo. Respecter l’intimité de l’autre ? Jack ignorait toujours ce
que ça voulait dire. Ça, c’était très énervant…
Mais il y avait quelque chose d’encore plus exaspérant : à cette heure,
Scott ne savait toujours pas comment ils allaient procéder pour l’enquête
Morley-Piggott. La nuit précédente, il avait espéré recevoir la visite de
l’esprit de Sherlock Holmes qui lui aurait soufflé quelques trucs et astuces…
Hélas, il n’avait eu aucune illumination, même pas en rêve. Quant aux
suggestions de Jack, complètement surexcité la veille au soir – il sautait sur
son lit en énumérant ses idées –, autant les oublier tout de suite. Pour Jack,
par exemple, il suffirait de se faufiler dans la chambre de Pete Morley en
passant par la fenêtre, et de planquer des micros partout. Si fastoche ! Scott
avait dû lui répondre que, premièrement, ils ne possédaient pas de micros, et
deuxièmement, ils ignoraient où vivait Pete Morley…
Malgré tout, il avait peut-être une piste. Pas très palpitante mais… réaliste.
– On va faire des recherches sur Internet. Puisque M. Piggott est
archéologue, on verra s’il a publié quelque chose sur les trésors saxons. Et
comme Mme Loveday a dit que Pete Morley est allé en prison, renseignons-
nous sur le genre de crime qu’il a commis : il doit y avoir des articles dans
les archives des journaux.
Jack fronça les sourcils.
– Et en quoi ça va nous aider à découvrir l’identité du voleur ?
– On commence par se documenter, répliqua Scott en espérant qu’avec ce
mot précis il impressionnerait et convaincrait Jack. Sinon, qu’est-ce que tu
proposes ? Qu’on porte une cape de Superman ?
Jack haussa les épaules.
– No problemo, on fera ce que tu as dit.
Comme tante Kate travaillait sur son ordinateur, il leur fut impossible de
l’utiliser pour leurs recherches. Tante Kate leur prépara des sandwichs et
leur prêta sa carte de la bibliothèque de Castle Key, où ils pourraient avoir
accès à Internet. Scott et Jack avalèrent rapidement leur petit déjeuner, et se
rendirent à l’angle de la Grand-rue et de l’allée des Poissonniers, où se
dressait le bâtiment.
À l’intérieur, c’était minuscule et désert.
– Il y a pratiquement plus de livres dans ma chambre ! plaisanta Jack à
voix basse, tandis qu’ils s’installaient devant les postes informatiques au
fond de la petite salle.
Scott sourit d’un air entendu. Au moins les ordinateurs étaient-ils
modernes, avec de grands écrans et une connexion Internet à haut débit. Pour
lui, c’était déjà un immense progrès. Il s’empara de la souris et commença à
cliquer allègrement, ouvrant différents menus. Qu’est-ce que ça lui avait
manqué !
– Moi, je cherche des infos sur Morley, chuchota Jack. Les histoires de
prison, ça m’intéresse plus que l’archéologie !
– Si tu veux, dit Scott en tapant « Geoffrey Piggott » dans le moteur de
recherches.
Personnellement, il n’avait qu’une envie : trouver des pistes, des indices,
un détail percutant…
Il fit défiler les liens qui apparaissaient à l’écran. Apparemment, Geoff
Piggott était le conservateur du musée de Castle Key depuis vingt ans. Il avait
publié plusieurs articles sur l’archéologie saxonne, ainsi que deux livres sur
l’histoire de la région de Carrickstowe. Mais rien d’autre ne capta son
attention… Rien qui puisse mettre la puce à l’oreille.
Il se tourna vers Jack.
– Alors ?
– Alors Pete Morley a accumulé les zéros de conduite, dit Jack, hilare.
Jette un œil…
Sur l’écran s’affichait un article paru dans le Quotidien de Carrickstowe
du mois de juillet 1990 :
Le chauffard de Castle Key ne sévira plus
Pete Morley, qui vit à Castle Key, a été condamné à une peine de dix-huit
mois dans un établissement pénitentiaire pour mineurs. M. Morley (seize ans)
a en effet volé la Jaguar XJS appartenant à M. Andrew Bagshott, principal du
collège de Carrickstowe. Il a conduit le véhicule à très grande vitesse
pendant plusieurs heures avant de l’abandonner sur le parking du golf de
Carrickstowe…
– Quand même, il faut oser ! murmura Scott, impressionné malgré lui.
– C’est sûr. Mais ça ne fait pas de lui un voleur.
– Bien d’accord.
Ils se levèrent et quittèrent la bibliothèque, aussi déçus l’un que l’autre. Ils
n’auraient décidément pas grand-chose à révéler à Emily…
Alors qu’ils passaient devant le marchand de journaux, Scott remarqua une
affiche qui annonçait la vente de livres écrits par des auteurs locaux.
– Attends, regarde…
Jack le suivit devant la vitrine. Ils découvrirent alors plusieurs tomes de la
série Romance écrite par Katherine Trelawney, alias tante Kate. Il y avait
également un ouvrage sur l’élevage des abeilles et une pile de livres de
poche : L’Histoire de Carrickstowe à travers les siècles, de G. B. Piggott.
– Excellent ! s’exclama Scott. On en achète un et on demande à M. Piggott
de nous le dédicacer !
– Tu rigoles ? Je n’ai aucune envie de lire ce bouquin rasoir, répliqua Jack.
– Mais on ne va pas le lire ! Ce sera juste une excuse pour aller voir M.
Piggott. Pense à la réaction de papa quand les gens lui demandent une
dédicace, insista Scott. Il est tellement content, tellement fier de lui… Avec
un peu de chance, M. Piggott sera pareil, et il ne se rendra pas compte qu’on
lui pose quelques questions, comme ça, mine de rien, sur le bouclier !
Jack esquissa une moue.
– OK. Mais on va casser notre tirelire pour… ça ?
– Pour avoir rendez-vous avec un suspect, oui. On n’a pas le choix, insista
Scott.
Et il entra dans la librairie.
Une dizaine de minutes plus tard, alors qu’ils s’engageaient dans la Grand-
rue menant au château, Scott attrapa brusquement le bras de Jack.
– Qu’est-ce qu’il y a ? marmonna Jack. Tu as encore vu des taureaux ?
Puis il s’aperçut que son frère contemplait fixement une maison à l’angle
de la rue. Un homme grimpait sur une échelle posée contre le mur. Il avait
enlevé son tee-shirt, révélant un dos large, bronzé et décoré de tatouages :
des spirales celtiques et des dragons chinois.
– Un ouvrier sur un chantier ? C’est fascinant ! se moqua Jack.
– Mais ce n’est pas n’importe qui…
Scott désigna la fourgonnette garée le long du trottoir. Elle portait
l’inscription : « P. Morley & Fils. Menuisiers ». Pete Morley.
– Ça alors ! murmura Jack, stupéfait.
Au même instant, l’homme, à présent perché sur le toit, les héla :
– Hé, vous deux !
Jack tressaillit comme s’il était coupable de l’avoir observé.
– Oui ? fit Scott.
– Vous n’auriez pas envie de gagner un peu d’argent de poche ? J’ai besoin
qu’on m’aide à décharger des tuiles et qu’on me les passe. En principe, mon
fils travaille avec moi, mais aujourd’hui, il est malade.
Jack jeta un bref regard aux tuiles stockées à l’arrière du véhicule. Elles
paraissaient bien lourdes.
– Désolé, monsieur, on est pressés. On va au château et…
Mais de la pointe de sa basket, Scott lui tapa le mollet.
– Qu’est-ce qu’il y a, encore ? marmonna Jack, furieux.
– On se do-cu-men-te ! chuchota Scott.
Puis il éleva la voix :
– Bien sûr ! On peut vous donner un petit coup de main.
– Merci, les jeunes…
Pete Morley leur lança à chacun une paire de gants de protection.
– Si j’étais vous, je n’irais pas au château. Il est fermé depuis hier à cause
du vol. C’est pour ça que je répare ce toit, alors que j’ai un chantier de
rénovation au musée ! Il a été arrêté à cause de l’enquête. Mais moi, si je ne
travaille pas, je perds de l’argent !
Jack souleva un premier tas de tuiles. Elles étaient vraiment très lourdes.
Ils travaillèrent en silence pendant une quinzaine de minutes, passant les
tuiles à Pete Morley. Puis, lorsqu’ils firent une pause pour boire de l’eau
fraîche, Scott demanda d’un air détaché :
– Ils ne savent toujours pas qui a volé le bouclier ?
Jack songea que son frère était quand même doué pour poser des questions
mine de rien…
Pete Morley haussa les épaules.
– Toujours pas. Mais je parie que bientôt je serai le suspect numéro 1 ! Je
n’étais pas très sage quand j’avais votre âge, et l’inspecteur Hassan est au
courant. Je lui ai dit que je me trouvais sur place à l’heure du vol… Pas de
chance pour moi ! J’installais une nouvelle vitrine d’exposition. Ça m’a pris
la matinée, c’est un travail compliqué… D’ailleurs, j’aurais été plus rapide
si cette Mme Love-Je-Me-Mêle-De-Tout n’était pas venue m’enquiquiner !
Elle n’a pas cessé de venir me parler et de me raconter des histoires à dormir
debout !
– Vous pensez que le coupable travaille au château ?
Pete Morley esquissa une moue.
– Allez savoir… C’est peut-être l’un des agents de sécurité ! Ou
Mme Loveday… Elle est peut-être une voleuse de bijoux internationalement
connue ! ajouta-t-il en éclatant de rire. Bon, un petit chewing-gum avant qu’on
se remette au travail ?
Et il leur offrit une tablette à la menthe d’un paquet Freedent. Il en sortit
d’autres de sa poche et les leur tendit.
– Prenez-les. Je les ai eus chez le marchand de journaux, il en distribue
gratos, en ce moment.
Une heure plus tard, après avoir passé les dernières tuiles à Pete Morley,
Scott et Jack reprirent la direction du château. À présent, le soleil tapait fort,
et ils peinèrent à grimper la côte.
– J’ai les biceps en compote, se plaignit Jack.
– Quels biceps ? se moqua Scott. En tout cas, on aura quelque chose à
raconter à Emily. Pete Morley a un alibi qui pourra être facilement confirmé
par Mme Loveday.
– Et on a gagné de l’argent ! ajouta Jack en brandissant le billet de cinq
livres4 que lui avait donné Pete Morley.
Il avait insisté pour les payer tous les deux. La même somme.
– Ça nous remboursera ce qu’on a dépensé pour rencontrer ce M.
Piggott…
Jack et Scott échangèrent un sourire. Au fond, enquêter, ce n’était pas si
compliqué…
4. Environ 6 euros.
9
Une RÉvÉlatiOn
Ils ramèrent à tour de rôle, et parvinrent rapidement aux abords des grottes.
Jack remarqua aussitôt quelque chose de différent : les vagues s’y
engouffraient, et des gerbes d’écume éclaboussaient les parois rocheuses.
– C’est marée haute, cet après-midi, expliqua Emily. La dernière fois, on
est venus à marée basse.
Soudain, Drift dressa ses oreilles qui frémirent telles des antennes. Par-
dessus le cri des mouettes s’élevait un long, long sifflement aigu…
Emily regarda Jack et Scott d’un air triomphant. On pouvait imaginer un
« Alors, je vous l’avais bien dit ? » inscrit sur son front.
– Qu’est-ce qu’il y a ? plaisanta Jack.
– Tu n’entends rien ? demanda Scott.
– Non, rien du tout, pourquoi ?
Puis, comme Emily et Scott le contemplaient avec stupeur, il se mit à rire.
– Je rigole ! Comment on baisse le son ? C’est trop, là !
Et il plaqua les mains sur ses oreilles.
Quelques instants plus tard, ils parvinrent à la crique des Pirates : une
petite plage de sable blond, en forme de croissant, protégée de chaque côté
par d’impressionnants amas rocheux.
– Et voilà ! s’exclama Emily tandis qu’ils tiraient le bateau sur le rivage.
Vive les vacances !
Scott et elle nagèrent tandis que Jack et Drift couraient partout, chassant de
minuscules crabes. Ensuite, ils mangèrent avec appétit. Tante Kate leur avait
préparé une glacière avec tout le nécessaire pour faire un barbecue… Le
bonheur ! Scott et Emily allumèrent un feu, et ils firent griller des saucisses.
Croisant le regard de son frère, Jack sourit.
– Cool, hein ?
– Trop cool, confirma Scott.
– Sauf que tu es en train de laisser cramer nos saucisses…
– Mais non ! répliqua Scott en les ôtant aussitôt des braises. Emily, tu
viens ?
Allongée sur le sable quelques mètres plus loin, elle profitait du soleil.
Drift s’était lové près d’elle.
– Tout de suite ! Miam, miam !
Elle se redressa d’un bond et les rejoignit.
Ses yeux brillaient de joie… Et pour cause : leur enquête avait drôlement
avancé, ils s’amusaient bien, et les grottes sifflaient de nouveau !
Le lendemain matin, alors qu’Emily prenait son petit déjeuner, elle eut
soudain une illumination. Elle posa son pain grillé et se rua dans sa chambre,
tout en haut du phare, grimpant les cent vingt marches à toute allure. Le cœur
battant, elle attrapa son téléphone et appela Scott.
– C’est peut-être un truc du matin !
– Euh… Tu parles de quoi, là ? répondit Scott à l’autre bout du fil.
– Des grottes ! Je n’arrête pas de me demander pourquoi, lundi, elles
étaient silencieuses… Mais peut-être que ça n’arrive que le matin !
– Tu veux dire qu’elles font la grasse mat’ ? Je peux comprendre ça…
Emily ne sourit même pas tant elle était concentrée sur son idée.
– Il était 10 h 30 quand on est allés là-bas. Je vais y retourner aujourd’hui,
à la même heure, et vérifier. Vous me rejoignez, Jack et toi ?
– On rapplique !
Ce fut Jack qui prit les rames, et il se rendit compte qu’il était devenu
vraiment meilleur, et plus rapide. À la fin de l’été, il ressemblerait à M.
Muscles !
Pourquoi Emily était-elle tellement obnubilée par ces grottes ? Qu’elles
sifflent ou pas, franchement, qu’est-ce que ça changeait ? Mais pour elle,
c’était visiblement très important… Tellement qu’elle avait décidé d’aller
voir les agents de sécurité dans l’après-midi, alors qu’à l’origine elle avait
prévu de les interroger ce matin. Elle avait carrément changé son programme.
– Siffler ou ne pas siffler ? Telle est la question ! énonça Scott avec une
voix théâtrale.
Emily sourit à ce pastiche de la célèbre citation de Shakespeare5.
– Vous entendez ? demanda-t-elle quelques instants plus tard, alors qu’ils
se rapprochaient des grottes.
– On n’entend rien, répondirent Jack et Scott en même temps.
– Justement.
Les grottes étaient totalement silencieuses. Elles n’émettaient même pas un
chuintement.
– Bien vu, Emily. Le matin, elles dorment, dit Scott.
– Je parie que le vieux Bob aurait un dicton pour ça, renchérit Jack.
« Grottes dormantes avant midi… »
– « … Grottes huantes avant la nuit » ! compléta Scott.
À ce moment-là, Drift bondit à l’avant du bateau en aboyant.
– Il a dû repérer quelque chose ! s’exclama Emily.
– Oui, mais quoi ? Drift, donne-nous un indice ! dit Jack en scrutant la mer
et les falaises. C’est quoi, la première lettre et…
– On dirait qu’il y a quelqu’un devant les grottes ! s’écria Scott.
Jack rama plus vite et, au fur et à mesure que la distance diminuait, ils
distinguèrent clairement la silhouette qui se tenait sur le rivage rocheux
accessible uniquement à marée basse. C’était un homme à l’abondante
chevelure blanche. M. Piggott !
– Qu’est-ce qu’il fait là ? demanda Scott.
– Aucune idée, mais allons-nous-en avant qu’il nous alpague avec son âge
du fer, répliqua Jack.
– Attends, il doit avoir un problème, dit Emily. Il n’a pas son bateau. Hé
ho ! Monsieur Piggott, tout va bien ?
M. Piggott s’apprêtait à s’engouffrer dans l’obscurité béante de la plus
grande des grottes. Il sursauta et se retourna si brusquement qu’il en fit
tomber ses lunettes. Il les chercha à tâtons sur les galets, les retrouva et,
après les avoir nettoyées, les remit. Il fronça les sourcils en les
reconnaissant.
– Ah, c’est vous ? Bonjour ! Quel beau temps, n’est-ce pas ?
Jack échangea un rapide coup d’œil avec Scott et Emily. Pourquoi avait-il
l’impression que M. Piggott n’était pas du tout, mais alors pas du tout content
de les voir ? Il s’adressait à eux comme un prof annonçant un contrôle
surprise, genre c’est une bonne nouvelle.
– Tout va bien ? demanda de nouveau Emily.
– Mais oui ! J’ai eu envie de me détendre et je suis allé faire un peu de
bateau dans la baie, répondit M. Piggott. En ce moment, tout est si stressant
au musée ! À cause de ce vol, vous savez…
– Oh, oui… dit Emily. Bon, au revoir !
– Filons vite avant qu’il nous emprisonne dans sa toile de l’ennui le plus
mortel au monde, marmonna Jack en ramant de nouveau.
Leur embarcation s’éloignait des grottes quand Emily se leva si
brusquement qu’ils faillirent chavirer.
– C’est lui ! C’est forcément lui ! Je parie qu’il avait le bouclier et qu’il
s’apprêtait à le cacher dans son bateau pour s’enfuir avec !
– Il n’avait pas de bateau, rétorqua Scott. Tu l’as dit toi-même… Et on
l’aurait remarqué.
– Il doit être amarré plus loin. Il a bien dit qu’il était allé naviguer, hein ?
Si ça se trouve, il est sur le point de retrouver un complice ! Quelqu’un qui a
un yacht, un millionnaire qui a acheté le bouclier d’or…
Jack échangea un coup d’œil avec Scott. Décidément, Emily possédait une
imagination absolument… renversante.
– On croyait que pour toi, la coupable, c’était Mme Loveday.
– J’ai changé d’avis ! Parce que c’est évident !
– Emily n’a pas tort : pourquoi écarter M. Piggott des suspects ? répliqua
Scott. Et franchement, qu’est-ce qu’il fabriquait dans les grottes ? C’est
bizarre, quand même.
– Très bizarre, oui. J’appelle l’inspecteur Hassan, déclara Emily en
prenant son portable dans son sac à dos étanche.
Elle appuya sur les boutons et esquissa une grimace.
– Zut, je ne capte pas de réseau.
– Moi non plus, dit Scott en vérifiant son appareil. On n’a plus qu’à se
dépêcher de retourner au phare. Allez, je rame !
Lui aussi était plus doué, maintenant. L’embarcation fila rapidement vers le
promontoire rocheux, à l’autre bout de la baie. Dès qu’ils furent arrivés,
Emily sauta à terre.
– Papa ! appela-t-elle, apercevant son père en train de grimper l’escalier.
Il se retourna et leur adressa un large sourire.
– Salut, les jeunes ! Dommage, vous avez tout raté…
– Qu’est-ce qu’on a raté ? s’inquiéta Emily. Et puis, tu nous le diras après,
parce qu’on doit vite téléphoner et…
– Il y a eu un autre vol au musée, déclara alors Seth Wild en les rejoignant.
Cette fois, ils ont dérobé le casque de cérémonie et l’épée royale !
B
– on… On peut rayer définitivement l’un de nos principaux suspects de
la liste, décréta Scott.
Il était assis avec Emily et Jack sur un rocher, face à la mer. La nouvelle
que venait de leur apprendre Seth Wild les stupéfiait…
Le vol s’était produit trois quarts d’heure plus tôt. Or ils avaient vu M.
Piggott une demi-heure auparavant. Il lui aurait fallu à peine un quart d’heure
pour s’enfuir de la salle des archives avec son butin, l’emporter dans un
bateau et ramer jusqu’aux grottes ? Irréalisable !
– Même s’il était champion olympique d’aviron, il n’aurait pas pu le faire,
affirma Scott. On a mis presque trente minutes pour revenir, et on était en
mode speed. J’ai mal à tous mes muscles !
– Même avec un bateau à moteur, ce ne serait pas possible, renchérit
Emily. On peut toujours imaginer que le voleur est passé par la paroi de la
falaise, qu’il l’aurait descendue en rappel, ce genre de choses… Mais
franchement, ça lui aurait aussi pris des heures.
– Et si M. Piggott savait voyager dans le temps ? plaisanta Jack. Ça
expliquerait qu’il soit aussi calé sur l’âge du fer !
Scott et Emily ne purent s’empêcher de rire.
– En tout cas, il a un alibi parfait, reprit Emily. On est d’accord tous les
quatre sur ce point.
– Tous les quatre ? répéta Jack, interloqué.
– Drift est le premier à l’avoir vu, tu te souviens ?
Reconnaissant son nom, Drift s’assit aussitôt. Son oreille noire tomba sur
son œil, et la blanche mouchetée de brun se tint toute droite.
– Ah, Drift a faim ! s’exclama Jack. D’ailleurs, moi aussi. Et si on allait
manger un morceau ?
Scott astiqua le bec d’un aigle dont les ailes déployées servaient de
support à une bible, sur la chaire. Il n’avait encore jamais vu autant de
cuivre ! Les bougeoirs, les rampes et les balustrades, les plaques
commémoratives… Ça leur prendrait des semaines pour tout lustrer !
– J’ai l’impression d’être comme Mme Loveday qui n’en finit jamais avec
ses poignées de porte, se lamenta Jack en frottant un vase.
Scott réprima un sourire. Effectivement, c’était rasoir d’être là… Mais en
même temps, au fond de lui-même, ça lui plaisait malgré tout ! L’église était
paisible, le soleil filtrait à travers les vitraux, et ses rayons illuminaient le
sol de reflets arc-en-ciel. Surtout, tout en travaillant, il pouvait réfléchir
tranquillement.
Tante Kate avait dit quelque chose de très juste : pourquoi Vicky n’avait-
elle pas dissimulé les preuves qui l’accablaient ? Si elle avait vraiment
piraté ces fameux codes, et à moins d’être d’une naïveté proche de la bêtise,
elle ne les aurait jamais laissés en accès libre sur son ordinateur !
Se mettant à frotter les serres de l’aigle, Scott éprouva une étrange
satisfaction lorsqu’une teinte dorée apparut sous la couche de saleté grisâtre.
« Et si Vicky a volé le casque et l’épée hier matin, elle aurait sûrement trouvé
mieux, comme alibi, que cette histoire de rendez-vous dans une boutique de
cadeaux que personne ne peut confirmer ! » pensa-t-il.
À ce moment-là, un bruit assourdissant retentit en cascade autour d’eux.
Scott sursauta et laissa tomber sa boîte de pâte à polir.
Ta-ta-ta-taaaaaaaa ! Et le volume augmentait encore et encore… Mais
d’où provenait ce tintamarre ?
Regardant autour de lui, Scott écarquilla les yeux en découvrant les
grandes orgues… Comment n’avait-il pas remarqué l’instrument ? D’autant
qu’il recouvrait pratiquement tout le mur arrière ! Dans un cadre de bois
sculpté, ses tuyaux s’élevaient jusqu’aux poutres du plafond… et laissaient
échapper, à présent, des notes aussi mélodieuses que puissantes.
– Ne me dis pas qu’on doit aussi les polir ! s’exclama Jack.
– Ça m’étonnerait, répondit Scott en riant. On va jeter un coup d’œil ?
De là où ils se trouvaient, ils ne voyaient pas l’organiste. Ils empruntèrent
un petit escalier qui grimpait derrière les tuyaux. En haut, un homme était
assis devant plusieurs claviers. Ses mains s’activaient à toute allure, passant
de l’un à l’autre tandis que ses pieds s’agitaient également sur le pédalier.
Peu à peu, la musique s’adoucit, cessa… Et le musicien se tourna vers Jack et
Scott… qui l’observèrent avec stupeur.
Il portait une chemise noire et le col blanc d’un pasteur, mais le reste de
son allure était moins traditionnelle : un pantalon de motard en cuir, une
touffe de cheveux violets au milieu d’un crâne rasé, une rangée d’anneaux
argentés plantés dans un sourcil… À Londres, il serait quasiment passé
inaperçu mais, dans l’église de Castle Key, il produisait le même effet qu’un
flamant rose au milieu d’une mare de canards.
– Salut, les jeunes. C’est sympa de nous aider. Je suis Colin Warnock, le
vicaire de l’église Saint-Michel !
Il leur tendit la main puis, y jetant un coup d’œil, ébaucha une grimace :
deux de ses doigts étaient bandés.
– Ça ne m’aide pas à jouer la Marche nuptiale. Mais quand on y croit, tout
est possible…
– C’est l’orgue qui vous a fait ça ? demanda Jack.
Regardant son expression effrayée, Scott devina que son frère devait
imaginer l’intérieur de l’instrument comme un organe vorace, cruel et peut-
être même cannibale…
Colin Warnock sourit.
– Non, je suis bêtement tombé de mon vélo en prenant trop vite le virage
qui mène à la plage du Couchant !
Puis, se détournant, il se remit à jouer. Des accords magnifiques
résonnèrent dans la totalité de l’église. Un air familier qui n’était pas un
hymne… Scott réalisa brusquement que Colin interprétait Bohemian
Rhapsody du groupe de rock Queen ! Si seulement il avait pu l’accompagner
à la guitare… Jack se mit à chanter en tenant sa boîte de cire comme s’il
s’agissait d’un micro. Tous deux applaudirent quand Colin poursuivit en
crescendo jusqu’à la note finale, qu’il garda plusieurs secondes…
– Trop cool ! s’extasia Jack.
– Tu veux essayer ? proposa Colin.
Jack s’installa joyeusement devant les claviers, et il plaqua avec
enthousiasme ses dix doigts en différents endroits, s’amusant à faire
n’importe quoi. Scott se boucha les oreilles. Ça produisait autant de boucan
qu’une centaine de cornemuses écrabouillées par un bus !
– C’est horrible, s’esclaffa Colin. Attends, je vais te montrer comment ça
fonctionne…
Il s’assit à côté de Jack et actionna différents boutons.
– Là, on bloque l’ouverture et la fermeture des tuyaux. C’est ce qui permet
de moduler l’amplitude sonore : ce sera plus ou moins puissant…
Laissant Jack à son cours d’orgue, Scott s’éloigna pour finir de polir
l’aigle de la chaire. Il grimaça quand son frère produisit un son qui
ressemblait à un monstrueux coup de Klaxon suivi d’un crissement affreux…
Jack s’en donnait à cœur joie !
Scott se concentra sur les délicates parties de cuivre qu’il frottait, et là,
peu à peu, les paroles de Colin lui revinrent à l’esprit. Pourquoi avait-il
l’impression que quelque chose de très important était en train de lui
échapper ? Il éprouvait la même sensation lorsqu’il essayait de se souvenir
d’un rêve le matin : ça restait insaisissable…
Puis tout à coup, il eut le déclic.
– Bingo ! s’écria-t-il à tue-tête.
Une idée lumineuse venait de jaillir dans son esprit… Sûrement l’idée la
plus géniale depuis l’invention du pop-corn au micro-ondes !
15
Des CraCks !
Les éclats de bois vermoulu lui éraflèrent la peau, mais Emily insista,
força, poussa ses épaules en avant… et atterrit brusquement de l’autre côté.
Elle écrasa une patte de Drift qui poussa un cri bref.
– Oups, désolée…
– Alors ? firent Jack et Scott en même temps.
– Une seconde…
Emily braqua sa torche sur la porte. Aucune clé sur la serrure… Mais deux
gros verrous. Elle se redressa pour tenter d’en ouvrir un. Elle tira d’un coup
vif… À sa grande surprise, le verrou se débloqua aussitôt. Il avait dû être
graissé ! Le voleur était forcément passé par là peu de temps auparavant.
Lorsqu’elle voulut déverrouiller le second, elle ne rencontra pas plus de
difficultés. Elle n’eut plus qu’à appuyer sur le battant…
Et se retrouva nez à nez avec ses amis.
– Génial ! s’écria Scott.
– Géant ! renchérit Jack. Sauf que… Chut !
Tous trois se figèrent et tendirent l’oreille. Sitôt la porte ouverte, les
vibrations qui créaient le sifflement avaient cessé.
– Bingo ! s’exclama Scott. C’est exactement comme avec l’orgue, c’est
silencieux quand le passage de l’air est ouvert et…
– On va voir où ça mène ? l’interrompit Jack.
– Faisons vite, sinon on sera vraiment bloqués… par la marée, cette fois !
prévint Emily.
Alors, sans plus tarder, ils s’enfoncèrent davantage…
Le tunnel devint de plus en plus escarpé, sombre et étroit. Ils furent de
nouveau obligés de ramper pendant quelques mètres… Puis le boyau s’élargit
et, enfin, ils purent se redresser : ils se trouvaient dans une vaste cavité
rocheuse.
– J’ai trop mal aux genoux, se lamenta Jack. La prochaine fois, je porterai
un jean !
– Tu penses sérieusement qu’il y aura une prochaine fois ? répliqua Scott.
Mais Jack scrutait déjà les parois et le plafond, qui semblait composé de
grandes pierres plates comme des dalles.
– Je parie que le passage secret arrive quelque part au milieu des ruines du
château… Il ne nous reste plus qu’à trouver la porte ! Hé, c’est sûrement ça !
ajouta-t-il en désignant des entailles de part et d’autre d’une des plaques de
pierre.
Autour, on apercevait des marques plus claires, comme des rayures.
– Ça doit coulisser ! affirma-t-il, surexcité. On essaie ?
18
Une NouvElle SurpRise
Scott ferma les yeux quelques secondes. Comment avait-il pu les laisser
se fourrer dans un tel pétrin ?
Il rouvrit les paupières… Et remarqua alors que des rais de lumière
filtraient sous les vagues, près de l’embouchure. Ce qui voulait dire que l’eau
n’était pas si profonde que ça ! S’ils nageaient vite, ils pourraient atteindre
l’autre côté sans encombre. Mais ils devraient se dépêcher car le niveau
continuait à monter…
Le seul problème serait de convaincre Jack. Il était mort de trouille… Et
ça se comprenait : il n’était pas bon nageur.
– Jack… Jack, écoute-moi !
Son petit frère se débattait pour ne pas boire la tasse…
– Je vais plonger pour voir comment on peut sortir de là. Agrippe-toi à un
rocher et attends-moi.
– J’ai… j’ai peur ! bredouilla Jack en claquant des dents.
Mais Scott poussa Jack vers une pointe rocheuse qui émergeait de l’eau.
– Tiens-toi là, fort ! Je fonce et je reviens !
Et sans attendre de réponse, il se propulsa sous l’eau à toute allure. Il
constata alors que le fond sous-marin s’éclaircissait encore et encore… Oui,
la baie n’était pas loin ! C’était jouable ! Il esquissa un rapide demi-tour pour
rejoindre Jack qui n’avait pas bougé. Au même instant, un énorme éclat
argenté jaillit… Et Jack lâcha un cri perçant.
– C’était juste un éclair ! s’exclama Scott en lui prenant la main. En fait, il
y a de l’orage. Viens ! On doit se dépê…
Une grosse vague manqua de le submerger et il hoqueta quelques secondes.
Ça empirait. Pourvu que son plan fonctionne…
– Allez, Jack !
Mais à cet instant, un autre arc lumineux s’éleva un peu plus loin, de
couleur orange cette fois… Et il montait vers le ciel. Puis la voix d’Emily
retentit, surgissant miraculeusement au milieu du fracas ambiant :
– Scott ! Jack ! Attrapez !
Lorsque Jack se retrouva dans le bateau, blotti par terre à côté de Drift
trempé jusqu’aux os, il crut d’abord qu’il rêvait. Il tenait encore la bouée
qu’Emily leur avait lancée. L’embarcation tanguait follement, menaçant de
chavirer à tout instant, mais peu lui importait ! Ils n’étaient plus dans l’eau !
Des mots lui parvinrent : fusée de détresse… Tempête… Bureau de M.
Piggott… Épée… Scott et Emily parlaient. Puis il entendit Emily fondre en
larmes. Quoi ? Comment était-ce possible ? Emily ne pouvait pas pleurer !
– J’ai perdu l’épée… Elle a coulé ! sanglotait-elle.
Jack se redressa aussitôt.
– L’épée a coulé ?
Emily fit signe que oui. Ses longs cheveux bruns étaient plaqués sur ses
joues comme des algues. Scott lui enlaça les épaules.
– Ce n’est pas de ta faute…
Le regard de Jack s’arrêta fugitivement sur eux – peu lui importait ce geste
de tendresse, pour lui, Emily était une bonne copine, voilà tout ! –, avant de
se figer sur quelque chose qui étincelait dans une crevasse de la falaise, au-
delà de leur point d’amarrage. Un objet brillant et doré. Mû par un
pressentiment, il se leva d’un coup, gagna la proue puis sauta hors du
bateau…
– Jack, non ! s’exclama Scott.
Mais, concentré, Jack avança en équilibre sur les rochers éclaboussés de
vagues, se pencha et attrapa… un manche serti de joyaux.
Il n’avait pas rêvé !
Le cœur battant, il tira dessus tout en s’agrippant à la roche pour ne pas
tomber à l’eau. Il imagina alors ce que le roi Arthur avait dû ressentir en
extrayant son épée de la terre et s’écria :
– Excalibur !
Puis, avec précaution, il repartit sur les rochers et retourna dans le bateau.
– Le courant avait dû la planter là, dit-il en posant l’épée devant Emily.
– Waouh ! Trop fort ! Bravo ! s’exclama-t-elle.
– Bravo… Et pas bravo, ajouta Scott. Tu aurais pu te faire mal !
Jack sourit. Si Scott le grondait parce qu’il venait de courir un risque, c’est
que les choses redevenaient normales. Avec un peu de chance, personne
n’entendrait parler de la crise de panique qu’il avait eue dans la grotte !
– Regardez, un bateau ! s’écria Emily. Ils ont dû voir la fusée de
détresse…
Elle bondit vers la poupe et scruta la baie agitée par la tempête.
– C’est le vieux Bob !
21
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ADVEnTURe iSlAnD
Le Mystère des grottes du Vent-Huant
Titre original
The Mystery of the Whistling Caves
© Helen Moss 2011
Carte, © Leo Hartas 2011
Publié pour la première fois en 2011
par Orion Children’s Books
Une division de Orion Publishing Group Ltd
(Orion House, 5 Upper St Martin’s Lane, London WC2H 9EA)