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l’Université
de
Montréal
Cioran | Sylvain David
Chapitre III. Un
paradoxal
ressourcement
p. 85-106
Texte intégral
Un refus de principe
15 Si, après coup, Cioran condamne son idée de surmonter
les impasses de la philosophie par un recours aux
possibilités formelles offertes par la poésie, il n’en
demeure pas moins captivé par la capacité de
destruction de cette dernière. À ce titre, alors même qu’il
renonce définitivement à toute tentative de poétiser sa
prose, l’idée de produire une littérature dangereuse pour
l’équilibre des esprits continue à le séduire :
Je rêve alors d’une pensée acide qui s’insinuerait dans les
choses pour les désorganiser, les perforer, les traverser,
d’un livre dont les syllabes, attaquant le papier,
supprimeraient la littérature et les lecteurs, d’un livre,
carnaval et apocalypse des Lettres, ultimatum à la
pestilence du Verbe. (TE 883)
Notes
1. Marcel Proust, Du côté de chez Swann, Paris, Gallimard, 1954,
p. 425.
2. Alain Bosquet, « Les délices de l’absurde », Le Quotidien de Paris,
no 1062, 26 avril 1983.
3. Alexandra Laignel-Lavastine, Cioran, Eliade, Ionesco : l’oubli du
fascisme, Paris, Presses universitaires de France, 2001, p. 78.
4. Philippe Moret, 1997, p. 234.
5. Ibid., p. 227.
6. Jean-Paul Sartre, 1988, p. 43.
7. Cioran réussira, dans des textes ultérieurs comme De
l’inconvénient d’être né ou Aveux et anathèmes, à mettre en scène
ses angoisses, à s’en moquer, et à ainsi s’en détacher par le rire.
Mais, ici, il évolue dans une dimension par trop « métaphysique »
pour atteindre une véritable légèreté.
8. À ce sujet, il est utile de rappeler que Cioran associe le péché
originel — la première tentation — aux débuts de l’individuation, à
un besoin d’« être ». Ce thème sera développé dans la section
suivante.
9. H. R. Patapievici, « E. M. Cioran : entre le “démon fanfaron” et le
“barbare sous cloche” », dans Norbert Dodille et Gabriel Liiceanu
(dir.), 1997, p. 62.
10. Michel Jarrety, 1999, p. 115.
11. Ibid., p. 124.