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Zakaria NASSREDDINE ASINSA1 GR93 - INSA Lyon 09/04/2018

SUPPRESSION DES
MINORITÉS
‘Transface’ ,’Whitewashing’, ‘Blackface’… a-t-on à ce point peur d’une
représentation inclusive ?

Et vice-versa ? Appropriation culturelle:


Non. Le contexte de
“dynamique du pouvoir” est
on apprécie vos cultures, il
déterminant. Dans d’autres
circonstances, on parlera d’:
faut juste que vous n’en
soyez pas les ambassadeurs
Echange culturel
Echange d’éléments culturels
qui se fait de façon mutuelle,
au cours duquel aucune
culture n’est perçue comme
supérieure ou n’arrache des
aspects culturels à une
communauté tout en lui
interdisant de les manifester.

Assimilation
culturelle
Peut être considérée comme
étant un mécanisme
d’adaptation, à travers lequel
Appropriation culturelle (n.f) : action de s’approprier des
un individu ou un groupe
subjugué adopte la culture du aspects d’une culture qui n’est pas la sienne. Cela reste par
groupe dominant contre très élémentaire comme définition et ne va pas
principalement pour des fins suffisamment loin pour prendre en compte la dynamique du
de survie. Exemples : lissage pouvoir social qui permet aux membres d’une culture
de cheveux chez les femmes dominante de prendre des éléments d’une culture d’un peuple
noires dans l’occident, qui subit continuellement une discrimination systémique de la
adoption de noms arabes chez part de ce même groupe dominant.
les peuples Amazighs après
l’Arabisation de l’Afrique du
Nord, adopter l’anglais comme
première langue pour les
peuples indigènes de
l’Amérique du Nord…

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Dreadlocks Cinco de Mayo… aux États-Unis

Les dreadlocks, un des styles


capillaires afro les plus
connus et répandus, ont
nettement gagné en
popularité, notamment aux Pour mieux illustrer cette immense tendance à s’approprier
États-Unis. Manifestés chez une culture d’une communauté qu’on opprime activement,
la population Afro- on se donne l’exemple du ‘Cinco de Mayo’, une fête
largement célébrée aux États-Unis, un pays connu pour son
américaine, ces styles
dédain envers la population mexicaine, perçue comme
authentiques sont clairement
groupe d’immigrants qui viennent déstabiliser le pays,
indésirables et largement
choper des opportunités de travail et perpétuer le trafic de
dénigrés; au mieux, on voit
drogues. Or à l’intérieur d’un pays aussi préjugé sur les
cela comme une révolte mexicains, avec un président dévoué avec tant
contre les critères de beauté d’acharnement à expulser ces individus du pays, on célèbre
eurocentriques, au pire, ils le 5 mai, une fête Mexicaine. Le long de ce jour, Sombrero,
sont perçus comme étant Taco, Margarita, et autres accessoires caricaturant la culture
sales et peu professionnels. mexicaine sont au rendez-vous, principalement portés et
Avoir une coupe afro en consommés par des gens bien loin d’avoir un héritage
étant noir aux États-Unis mexicain ou encore latino. Contraste assez alarmant et
réduit incroyablement les inquiétant; comment est-ce qu’on peut à la fois prétendre
chances d’être recruté. Or aimer une culture et vouloir la célébrer, tout en lynchant ceux
une fois portés par quelqu’un à qui appartient ce patrimoine culturel et vouloir leur
interdire de manifester leur propre identité ? Pourquoi tient-
de caucasien (ou encore
t-on à remodeler une culture à son propre goût, ne prendre
asiatique), ils prennent tout
que ce qui nous y plaît en laissant derrière tout un contexte
de suite une dimension
historique et social qui fait que ces éléments tellement
révolutionnaire et “tendance”.
romancés ont été, et continuent toujours d’être, une cause
de ségrégation raciale et de marginalisation sociale ?

Contrairement à l’idée la plus


répandue chez les Américains, le
5 mai n’est pas le jour
d’indépendance du Mexique,
c’est pour commémorer une
victoire contre l’armée française
en 1862.

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Une affirmation est sûre : on a tendance à réduire les cultures et les identités des
minorités à des accessoires et des costumes que l’on préfère voir incarnés par des individus
provenant des groupes privilégiés dans la société, et ça ne touche pas qu’aux groupes
ethniques, mais également aux minorités sexuelles, aux gens en handicap… Ce qui nous mène
vers l’une des formes de suppression des minorités les plus prédominantes de nos jours:
l’effacement dans l’industrie du divertissement et des médias.

Transface :

Action d’attribuer un rôle de personnage transgenre à un acteur cisgenre. De telles


pratiques ont toujours existé dans Hollywood, une industrie très discriminatoire, qui préfère
se donner la peine de recruter un acteur cis, le transformer à travers des régimes et des
produits cosmétiques pour caricaturer une apparence associée aux individus transgenres,
plutôt que de donner des chances à de jeunes talents provenant de ces minorités et ayant une
expérience authentique leur permettant de mieux appréhender ce genre de rôles. Très
souvent, ils ne sont même appelés à auditionner.

Les exemples sont multiples: Eddie Redmayne dans ‘The Danish Girl’, Jared Leto dans
‘Dallas Buyers’, Matt Bomer dans ‘Anything’, Jeffrey Tambor dans ‘Transparent’…

Jouer un rôle transgenre est même devenu un raccourci pour booster sa carrière et
attirer une reconnaissance dans l’industrie, d’autant plus lorsque c’est accompagné d’une
transformation physique: générer du buzz et des prix n’a jamais été aussi facile.

Il en demeure que, non seulement on continue à discriminer la communauté


transgenre dans les médias et à lui empêcher d’avoir accès aux mêmes opportunités offertes
aux talents cis, on va encore plus loin et on se permet de créer un marché pour vendre leurs
histoires, en tirer profit, sans même penser à les inclure.

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Eddie Redmayne, acteur


homme cisgenre, jouant
le rôle de Lili Elbe, une
femme transgenre dans
The Danish Girl.

On ne peut clairement pas nier que le choix d’actrices transgenres reste assez limité,
mais on n’attribue même pas ces rôles de femmes à des… femmes. Avoir des hommes derrière
ces rôles contribue au scénario classique et transphobe que les femmes transgenres ne sont
pas de ‘vraies’ femmes, mais des hommes en déguisement.

Le terme en soi de ‘transface’ peut ne pas être approuvé par tout le monde. Il prête à
confusion et donne l’impression de vouloir récupérer une notion d’oppression raciale pour
exprimer l’ampleur d’une discrimination non motivée par une idéologie de suprématie
ethnique. Mais les similitudes entre les deux pratiques sont flagrantes: un groupe privilégié
s’approprie un stéréotype d’un groupe opprimé, souvent à des fins de moquerie, toujours afin
d’avoir un contrôle total sur la représentation.

Qu’en-est-il de la nature des histoires que l’on veut raconter ?

Alexandra Billings, actrice, enseignante, chanteuse et activiste américaine et l’une des


premières actrices transgenres à avoir joué le rôle d’un personnage trans sur la télé, n’hésite
pas à formuler son opinion: “Voici comment je décide si je vais ou non donner de mon temps
à lire un script: si le personnage trans que je suis censée jouer est en souffrance, malade, ou
juste là pour s’assurer que les personnages cis vont bien, je ne vais même pas considérer le
rôle. [..] Je ne suis (dans mes travaux d’actrice) jamais à l’hôpital, en prison, ou l’assistant
spirituel de quelqu’un d’autre; j’aime des personnages authentiques, des êtres de chair et de
sang.”

Ses propos peuvent s’expliquer par le constat que, lorsque ce n’est pas pour en faire une
tragédie ou communiquer l’idée que toutes la communauté trans se sent mal dans sa peau et
sombre dans la haine de soi, c’est pour avoir des personnages plats qui ont comme seule
dimension et caractéristique leur identité non-binaire, avec absolument rien d’autre à offrir.

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‘Cripping-up’

Se faire passer pour un handicapé, c’est devenu une façon presque efficace pour un
acteur de bien mettre en avant ce qu’il possède comme talent. C’est tellement commun et
normalisé que l’on voit, pour la plupart, difficilement en quoi cela pose problème. Mais si
Hollywood n’arrive pas à assumer la réalité de la communauté handicapée, quel message est-ce
que cela transmet aux jeunes audiences, et plus particulièrement la jeune population
handicapée ?

Cela ne change presque jamais d’un film à l’autre : on reproduit des histoires répondant à des
codes narratifs bien définis, renvoyant le handicap à la tragédie, aux leçons de vie et du
dépassement de soi… L’acteur valide est là pour mimer et grimer un handicapé. Ne demandant
aucune réelle prise de risque, c’est quand même très payant comme activité. Il suffit de jeter
un coup d’oeil sur le nombre d’acteurs valides ayant reçu un Oscar après avoir incarné un
personnage handicapé pour s’en rendre compte. Un autre industrie à part entière, qui se
dévoue non pas à raconter des histoires sur des personnages handicapés, mais sur le handicap
en soi. Les comédiens handicapés se retrouvent complètement mis à part, devant un
sentiment d’incapacité totale à jouer non seulement des personnages valides (cela s’impose
presque comme une évidence), mais même pas des personnages inspirés de leurs propres
vécus. A Hollywood, des acteurs valides ont joué 95% des personnages handicapés.

On s’approprie les rôles, les récits et la parole d’une communauté marginalisée pour en faire
un tas d’opportunité de plus, pour ceux qui ont en déjà le monopole.

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Whitewashing

Pratique de casting dans l’industrie du cinéma Hollywoodien qui consiste à recruter des
acteurs caucasiens pour jouer des rôles de personnages d’héritage culturel et historique non-
blanc. Une véritable censure pour les multiples talents provenant d’autres races.

Aussi tôt que les débuts du 20ème siècle, les acteurs blancs se sont mis à caricaturer les
différentes races en pratiquant le “blackface” ou le “yellowface”, pour exagérer les stéréotypes
sur les apparences physiques des autres ethnies.

Au début du 21ème siècle, les minorités restent toujours aussi sous-représentées. Alors que les
rôles de personnages noirs reviennent maintenant généralement aux acteurs noirs, la pratique
du whitewashing reste toujours fortement présente lorsqu’il s’agit d’autres minorités.

Prenons l’exemple du film ‘Aloha’, sorti en mai 2015, avec Emma Stone, actrice blanche, jouant
le rôle d’une femme d’origine hawaïenne et chinoise. La jeune blonde n’était pas la seule, avec
une équipe d’acteurs quasi-exclusivement caucasienne: Bradley Cooper, Rachel McAdams,
Bill Murray, John Krasinski, Danny McBride, Alec Baldwin. Qu’est-ce qu’ils ont tous en
commun ? On se doute que ce ne soit que leur talent. Il est important de noter que les blancs
forment une minorité à Hawaïi, où 70% de la population est constituée de gens de couleur.
C’est l’état américain avec la plus large population Asiatique et Insulaire du Pacifique, et la
plus basse population blanche dans les États-Unis. Le film est tourné dans un endroit qui
détient une immense signification culturelle pour le peuple de Hawaï , qui se retrouve
malheureusement réduit à une simple toile de fond exotique pour raconter une histoire
centrée sur des personnages blancs. Guy Aoki, ancien résident de Hawaii et fondateur du

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Réseau d’Action Médiatique pour les Asio-Américains souligne: ‘Aloha s’inscrit dans la
continuité de plusieurs films (The Descendants, 50 First Dates, Blue Crush, Pearl Harbor) qui
utilisent Hawaii pour son arrière plan exotique, en excluant toute la population qui y vit. C’est
une véritable insulte envers le tissu culturel d’un archipel aussi incroyablement riche.’

Le problème s’aggrave davantage en prenant en compte l’histoire d’Hawaii avec les américains
blancs: celle de la colonisation, de l’exploitation et d’une industrie de tourisme. Les colons ont
longuement opprimé les peuples indigènes, banni leur langue avant de s’approprier leur
culture pour en tirer profit. D’après le Bureau du Recensement des États-Unis, 15% des
habitants de Los Angeles (là où la plus grande portion de films et de séries est produite) est
d’origine Asiatique ou Insulaire du Pacifique, qui n’arrive à décrocher que 4,4% des rôles, où
plusieurs ne sont pas plus que de rôles secondaires incarnant encore plus de clichés.

Avant autant de restrictions et des rôles aussi limités, les acteurs asiatiques ne peuvent pas se
permettre d’être sélectifs au niveau des rôles qu’ils acceptent faire. Avec les Insulaires du
Pacifique, beaucoup d’acteurs ont souvent à jouer des personnages d’héritages et d’ethnies
transversalement différents, ce qui perpétue le stéréotype que les asiatiques et la culture
asiatique sont interchangeables. Le manque de rôles et l’utilisation excessive de la rhétorique
répétitive du personnage asiatique typique comme vu et revu dans presque tous les films qui
en incluent un donne l’impression qu’être asiatique est une identité monolithe et que tous les
Asio-américains ont impérativement les mêmes expériences.

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On ne se contente pas de normaliser les


apparences… Acteurs hétéro pour des rôles
gay

La récente sortie du film “Call Me By Your Name” a permis de pousser encore plus loin
la reflexion sur une autre habitude typique de Hollywood pas très différente de tout ce qu’on
a traité précédemment : l’attribution de rôles gay à des acteurs hétérosexuels. Pour illustrer
tout d’abord l’omniprésence du problème, on peut s’intéresser aux acteurs hétéro ayant
récemment remporté des Oscars (au courant des 25 années précédentes) pour avoir contribué
à cette pratique : Academy Award pour le meilleur acteur discerné à Tom Hanks en 1944 pour
avoir joué un homme gay qui a le Sida dans le film ‘Philadelphia’, Academy Award pour la
meilleure actrice en 2004 discerné à Charlize Theron pour avoir incarné une criminelle
lesbienne dans son film Monster, mais aussi Philip Seymour en 2006, Sean Penn en 2009 et
beaucoup d’autres. Aucun des acteurs cités n’est ouvertement gay. En effet, aucun acteur
ouvertement gay n’a jamais reçu d’Oscar pour avoir joué un personnage avec qui il partage la
même sexualité. Il s’avère facile de constater que Hollywood a beaucoup de mal à assurer de la
représentation et de l’emploi aux membres des communautés marginalisées.

Comme on l’aurait forcément deviné, ça ne va pas dans les deux sens. En effet, la façon dont
ça s’est passé pour Ellen Page après avoir fait part au grand public de son homosexualité
atteste d’un exemple de deux poids, deux mesures où l’on fait l’éloge des acteurs hétéro qui

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ont ‘le courage’, ‘l’ouverture d’esprit’ et ‘la tolérance’ pour incarner des personnages gay, tandis
qu’on dénigre les acteurs qui appartiennent ouvertement à ces minorités sexuelles et on les
estime incapables de se mettre dans la peau d’un personnage hétéro.

L’actrice américaine avait effectivement fait son coming-out public en 2014, et depuis, elle a
accusé l’industrie à plusieurs reprises de ne plus lui offrir d’opportunités pour incarner des
femmes hétéro. Elle affirme aussi qu’on lui demande toujours si elle n’a pas peur de finir dans
la monotonie, sachant qu’elle a accepté 4 rôles depuis 2014, tous de femmes gay. Cependant,
la question ne s’est jamais posée lorsqu’elle se chargeait de jouer des femmes hétérosexuelles
pendant tout son parcours antérieur.

Benedict Cumberbatch incarnant


le rôle d’Alan Turing dans ‘The
Imitation Game’.

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Pour conclure…

On a donc pu en apprendre davantage sur


plusieurs problèmes qui se manifestent de
plusieurs façons et qui concernent différentes
populations, mais qui surgissent clairement
d’idéologies similaires, d’une forte volonté à
contrôler, à tout prix, la représentation et la
façon dont elle est se fait. Sous prétexte
d’apprécier les cultures et les histoires de ces
communautés, on se permet de tout
s’approprier pour en tirer un maximum de
profits, en veillant à ce que les membres de ces
communautés demeurent parfaitement
incapables d’en bénéficier. On leur interdit
d’exhiber leurs identités pour qu’on puisse en
faire des costumes. On leur apprend que leurs
apparences ne sont pas appropriées et qu’elles
doivent être changées, pour ensuite les
adopters comme accessoires tendance. On leur
fait comprendre qu’être eux-mêmes est
inacceptable, que c’est mieux s’ils se contentent
de voir les groupes privilégiés en train de les
caricaturer, ou de raconter leurs propres
histoires. Le message transmis est clair :
minorités ethniques, sexuelles, de genres, gens
en situation de handicap… on apprécie vos
histoires, on veut les raconter, surtout en
bénéficier, mais seulement quand vous n’en
faîtes partie.

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