Vous êtes sur la page 1sur 5

Presse Med.

2015; 44: 1180–1184

ALGIE VASCULAIRE DE LA FACE en ligne sur / on line on


www.em-consulte.com/revue/lpm
www.sciencedirect.com

Dossier thématique
Mise au point

Diagnostic différentiel de l'AVF

Evelyne Guégan-Massardier, Cécile Laubier

Disponible sur internet le : CHU de Rouen, hôpital Charles-Nicolle, service de neurologie, consultation
6 novembre 2015 céphalées, 76031 Rouen cedex, France

Correspondance :
Evelyne Guégan-Massardier, CHU de Rouen, hôpital Charles-Nicolle, service de
neurologie, consultation céphalées, 76031 Rouen cedex, France.
evelyne.massardier@chu-rouen.fr

Points essentiels
L'algie vasculaire de la face se caractérise par des accès de céphalées stéréotypés invalidants. Un
diagnostic précoce permet de proposer au plus vite un traitement approprié, malheureusement les
erreurs diagnostiques sont fréquentes. Les principaux diagnostics différentiels sont les autres
céphalées primaires ou essentielles. Il s'agit de la migraine, plus fréquente et dont le diagnostic est
porté par excès, de la névralgie essentielle du trijumeau ou d'autres céphalées trigémino-auto-
nomiques. Une pathologie sous-jacente tumorale ou vasculaire pouvant mimer une AVF, la
réalisation d'une imagerie cervico-encéphalique, dans l'idéal une IRM, est recommandée.

Key points
Cluster headache differential diagnosis

Cluster headache is characterized by disabling stereotyped headache. Early diagnosis allows


appropriate treatment, unfortunately diagnostic errors are frequent. The main differential diag-
noses are other primary or essential headaches. Migraine, more frequent and whose diagnosis is
carried by excess, trigeminal neuralgia or other trigemino-autonomic cephalgia. Vascular or
tumoral underlying condition can mimic cluster headache, neck and brain imaging is recom-
mended, ideally MRI.

L' algie vasculaire de la face (AVF) se caractérise par des


accès de céphalées sévères entraînant un retentissement
Les caractéristiques cliniques des crises et leur répétition pério-
dique devraient permettre dans la majorité des cas de recon-
notable dans la vie quotidienne. Le diagnostic repose sur les naître l'AVF. Bien que ces critères soient stéréotypés, les erreurs
critères cliniques définis par la classification internationale des diagnostiques demeurent fréquentes. Trois-quarts des patients
céphalées, la céphalée est unilatérale, préférentiellement péri- reçoivent un autre diagnostic que celui d'AVF lors de leur pre-
orbitaire, accompagnée de signes végétatifs locaux ou à défaut mière consultation. Les trois principaux diagnostics retenus par
d'une déambulation pendant l'accès [1]. erreur sont par ordre décroissant de fréquence : névralgie du
1180

tome 44 > n811 > novembre 2015


http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.06.016
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Diagnostic différentiel de l'AVF
ALGIE VASCULAIRE DE LA FACE

Mise au point
trijumeau, migraine sans aura et sinusite [2,3]. Le délai moyen Celle de l'AVF prédomine dans la région temporale et/ou
de diagnostic après installation des premiers symptômes est péri-orbitaire ;
 durée des accès : les céphalées migraineuses sont beaucoup
souvent tardif, en moyenne 5 ans dans ces deux études. Les
patients vus en consultation spécialisée céphalée ont dans la plus longues que celles de l'AVF, 4 à 72 heures, alors que la
plupart des cas consulté plusieurs praticiens avant que le diag- durée des crises d'AVF est au maximum de 3 heures ;
 intensité : bien que la céphalée soit intense dans les deux
nostic d'AVF ne soit retenu, en moyenne 4,6 [3].
Une bonne connaissance des critères de diagnostic de l'AVF et affections, elle est jugée plus intense pour l'AVF (sévère à très
des principaux diagnostics différentiels doit permettre d'éviter sévère) que pour la céphalée migraineuse (modérée à sévère).
ces écueils. Deux catégories de diagnostics différentiels sont Cette distinction n'est cependant pas un critère distinctif
à distinguer : autre céphalée primaire ou essentielle et patho- majeur compte tenu d'une part du chevauchement possible
logie organique sous-jacente. des deux définitions et du caractère subjectif de son
appréciation ;
 signes d'accompagnement :
Diagnostic différentiel AVF autre céphalée – nausées et/ou vomissements, photophobie et phonophobie
primaire sont l'apanage de la migraine, la présence d'au moins l'un de
Le diagnostic d'une céphalée primaire repose sur la présence ces symptômes est requise pour retenir le diagnostic de
d'un ensemble de critères comportant topographie de la dou- MSA. Ces symptômes ne font pas partie des critères diag-
leur, durée des accès, intensité et présence de signes nostics de l'AVF mais peuvent quand même être observés
d'accompagnement. Ils sont détaillés dans la classification inter- lors des crises. Dans une série de 209 atteints d'AVF, 73 %
nationale des céphalées [1]. D'autres éléments tels que le rapportent une photophobie ou une phonophobie au cours
terrain ou le rythme évolutif des accès, même s'ils ne font de leur accès, et des nausées ou vomissements dans 20 et
pas tous partie des critères requis, peuvent aider au diagnostic. 40 % des cas [4],
Il est important d'avoir une vue d'ensemble de ces éléments – signes végétatifs : ils sont nécessaires au diagnostic de l'AVF,
pour retenir le diagnostic adéquat car certains critères peuvent plus de 90 % des patients en présentent au moins un. Ils
être partagés par des entités différentes. Nous exposons ci- peuvent également être observés au cours de la migraine.
dessous les principales caractéristiques communes et distincti- Sur une série de près de 800 migraineux, 56 % des patients
ves des affections envisagées comparativement à l'AVF. rapportent la présence d'au moins un signe végétatif crânio-
facial, il s'agit le plus souvent de symptômes bilatéraux. Leur
Migraine sans aura (MSA) intensité est en général modérée, ils ne sont pas nécessai-
Migraine sans aura (MSA) : rement contemporains de la céphalée [5] ;
 topographie de la douleur :  influence des activités : typiquement le décubitus soulage la
– le caractère unilatéral de la céphalée fait partie des critères céphalée migraineuse, alors que l'effort l'accentue, les
diagnostics de la migraine, il n'est cependant pas obliga- patients ont tendance à se coucher et rester immobiles.
toire. Chez certains migraineux la douleur peut être toujours Au cours des crises d'AVF les patients déambulent le plus
latéralisée du même côté, elle est alors le plus souvent souvent et ne peuvent rester immobiles. La déambulation
alternante d'un accès à l'autre et parfois bilatérale. À est un signe d'accompagnement évocateur de l'AVF, s'il est
l'opposé la céphalée de l'AVF est classiquement strictement associé à une céphalée répondant aux critères de l'AVF, la
unilatérale et reste latéralisée du même côté d'une crise présence de signes végétatifs n'est pas requise pour retenir
à l'autre et d'une période douloureuse à l'autre, le diagnostic ;
– la céphalée migraineuse, lorsqu'elle est unilatérale, est habi-  périodicité des accès : l'AVF se caractérise dans sa forme
tuellement diffuse, aussi bien antérieure que postérieure. épisodique par la répétition d'accès à heure fixe au cours
du nycthémère, avec fréquemment au moins une crise noc-
turne, les crises se répètent par périodes de plusieurs jours
consécutifs. Les périodes de crises durent de quelques jours
à quelques semaines espacées de plusieurs mois de répit.
Glossaire Cette périodicité est très évocatrice du diagnostic d'AVF alors
AVF algie vasculaire de la face que les crises de MSA ne suivent pas de rythme particulier ;
MSA migraine sans aura 
MAA migraine avec aura terrain : il existe une prédominance féminine de la migraine
CTA céphalée trigémino-autonomique et alors que le sex-ratio est de 3 hommes/1 femme pour
SUNCT short unilateral neuralgiform cephalalgia with tearing l'AVF, les deux affections touchent préférentiellement l'adulte
SUNA short lasting unilateral neuralgiform headache attacks
with cranial autonomic features jeune mais peuvent se rencontrer aux âges extrêmes de
la vie.
1181

tome 44 > n811 > novembre 2015


E. Guégan-Massardie, C. Laubier
Mise au point

l'exemple type, hemicrania continua et hémicrânie paroxys-


Migraine avec aura (MAA) tique sont par définition soulagée par ce traitement, les identi-
Bien que rare, la présence d'aura semblable à celles observées fier permet de le proposer d'emblée aux patients [1].
lors de la migraine est possible au cours de l'AVF, en particulier Compte tenu de leur rareté leur connaissance détaillée pour un
visuelle [6]. Il est rare que les patients les signalent car ils sont médecin non expert n'est pas indispensable, en revanche
surtout invalidés par la sévérité de la céphalée, elles ne doivent connaître l'existence de ce groupe de céphalée permet de se
cependant pas faire écarter le diagnostic d'AVF à elles seules. référer à la classification internationale des céphalées en cas de
Céphalées trigémino-autonomiques (CTA) douleurs ne remplissant pas exactement les critères diagnostics
L'AVF appartient au sein de la classification internationale des de l'AVF.
céphalées au groupe des Céphalées trigémino-autonomiques
(CTA) [1]. Ces céphalées partagent des caractéristiques commu-
Céphalée hypnique
L'AVF partage avec cette céphalée primaire rare la survenue de
nes : localisation hémi-crânienne et présence de signes végé-
crises nocturnes se répétant quotidiennement. Dans les deux
tatifs. L'AVF se distingue principalement des autres entités par la
cas le patient se lève le plus souvent lors de la crise, mais la
durée des accès et leur fréquence. La durée des accès des autres
déambulation observée lors de l'AVF est absente lors de la
CTA est plus brève que celle des accès d'AVF et leur fréquence
céphalée hypnique. Pour cette dernière le lever permet une
plus élevée. Il existe cependant des chevauchements entre elles
disparition de la céphalée mais le patient ne souffre pas d'agita-
nécessitant une analyse rigoureuse de la sémiologie pour les
tion motrice. La durée est de 15 min à 4 h, similaire à celle de
distinguer les unes des autres. L'hemicrania continua se distin-
l'AVF, le point notable pour cette entité est que la céphalée ne
gue des autres entités par la présence d'une hémicrânie per-
cède qu'au lever. Les autres caractéristiques de cette affection se
manente émaillée d'accès plus sévères associés à un
distinguent nettement de l'AVF. Elle ne s'accompagne pas de
larmoiement.
signe végétatif, la douleur est d'intensité modérée et l'âge de
La description rétrospective pouvant être source d'inexactitude,
début est supérieur à 50 ans [8].
il est utile de demander au patient d'analyser prospectivement
ses crises grâce à un agenda détaillant ces caractéristiques.
Le tableau I, adapté des recommandations pour le diagnostic et Diagnostic différentiel AVF névralgie du
le traitement de l'algie vasculaire de la face reprend les princi- trijumeau
pales caractéristiques sémiologiques des CTA [7]. La névralgie essentielle du trijumeau (V) appartient au chapitre
Si la prévalence de l'AVF est faible à coté d'autres céphalées des neuropathies crâniennes douloureuses de la classification
primaires telle que la migraine, celle des autres CTA l'est encore internationale des céphalées [1].
plus. Étant mal connues, elles risquent d'être étiquetées par Les principales caractéristiques communes ou distinctives sont
approximation AVF. Leur distinction n'a pas qu'un intérêt noso- présentées dans le tableau II.
logique, elle permet d'orienter vers la prise en charge théra- La localisation unilatérale de la céphalée est le principal point
peutique la plus appropriée. La réponse à l' indométacine en est commun aux deux affections.

TABLEAU I
Principales caractéristiques sémiologiques des CTA

AVF Hémicrânie paroxystique SUNCT/SUNA Hemicrania continua

Sex-ratio (H/F) 3/1 1/1 1,5/1 1/1

Topographie de la douleur V1 > C2 > V2 > V3 V1 > C2 > V2 > V3 V1 > C2 > V2 > V3 V1 > C2 > V2 > V3

Durée des crises 15–180 min 2–30 min 5–240 s Continue avec paroxysmes

Fréquence des crises 1 j sur 2 à 8/j 1–40/j 3–200 crises/j 5–12/j


(> 5/j la moitié du temps) (typiquement 100/j)

Dysautonomie Oui Oui Oui Oui


Pendant les paroxysmes

Agitation/déambulation Oui Oui  

Périodicité Oui Non Non Non

SUNCT : short unilateral neuralgiform cephalalgia with tearing ; SUNA : short lasting unilateral neuralgiform headache attacks with cranial autonomic features.
1182

tome 44 > n811 > novembre 2015


Diagnostic différentiel de l'AVF
ALGIE VASCULAIRE DE LA FACE

Mise au point
TABLEAU II
Comparaison AVF névralgie essentielle du trijumeau

AVF Névralgie essentielle du trijumeau

Sex-ratio (H/F) 3/1 2/3

Âge 20–40 ans 50 ans

Topographie de la douleur V1 > C2 > V2 > V3 V2 > V3

Durée des crises 15–180 min Secondes

Fréquence des crises 1 j sur 2 à 8/j Innombrables

Dysautonomie Oui Rare, légers

Zone gâchette Non Oui

Type de la douleur Brûlure, déchirement, écrasement, pieu qu'on enfonce, fer rouge Décharges électriques

L'existence d'une zone gâchette est spécifique de la névralgie les plus fréquemment identifiées étaient : tumeur hypophysaire
du V. La stimulation de cette zone, cutanée ou muqueuse, lors du ou de la région hypophysaire et dissection artérielle cervicale. La
toucher, de la parole, de la déglutition ou de la mastication liste des pathologies sous-jacentes identifiées est longue et les
déclenche les douleurs. diagnostics sont multiples [10].
Dans la majorité des cas la sémiologie présentée ne répondait
Diagnostic différentiel AVF et pathologie pas strictement aux critères diagnostics de l'AVF. La moindre
organique sous-jacente anomalie de l'examen clinique ou la présence d'atypies sémio-
L'AVF est une céphalée primaire. Des cas symptomatiques (ou logiques telles qu'un début tardif des crises ou une résistance au
secondaires) d'AVF ont été rapportés dans la littérature. Il s'agit traitement justifient la réalisation en urgence d'explorations
de patients présentant une sémiologie évocatrice d'AVF chez qui appropriées à la recherche d'un diagnostic différentiel. La pré-
une pathologie sous-jacente potentiellement responsable des sence d'un signe de Claude-Bernard-Horner, possible en inter-
symptômes est mise en évidence. L'imputabilité de la patho- critique en cas d'AVF, est également un symptôme classique de
logie sous-jacente est cependant souvent difficile à démontrer. dissection extra-crânienne de la carotide interne qui partage
Lors d'un premier épisode de céphalées compatibles avec une également avec l'AVF la présence de céphalée orbitaire ou
AVF un examen clinique rigoureux est indispensable. Plusieurs périorbitaire.
céphalées aiguës secondaires peuvent comporter des douleurs L'absence d'anomalies de l'examen clinique ou d'atypie
unilatérales de la région péri-orbitaire accompagnées de signes sémiologique n'est pas suffisante car certains cas peuvent se
végétatifs locaux. Citons la sinusite aiguë frontale ou maxillaire, présenter de façon tout à fait typique. La réalisation d'une
le glaucome aigu, moins typiquement la maladie de Horton imagerie par résonance magnétique cervico-encéphalique est
dont la céphalée est plus souvent bilatérale. Elles n'ont cepen- dans tous les cas recommandée lors du diagnostic initial de l'AVF
dant pas le même rythme évolutif que l'AVF et peuvent le plus [7].
souvent être aisément distinguées.
Une revue récente de la littérature a recensé 63 cas compatibles Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
avec une AVF secondaire [9]. Les deux pathologies sous-jacentes liens d'intérêts.

Références
[1] Headache Classification Committee. The inter- [3] Sánchez del Rio M, Leira R, Pozo-Rosich P, and chronic cluster headache. Cephalalgia
national classification of headache disorders, Laínez JM, Alvarez R, Pascual J. Errors in 2012;32(7):571–7.
3rd edition (beta version). Cephalalgia recognition and management are still fre- [5] Lai T-H, Fuh J-L, Wang S-J. Cranial autonomic
2013;33:629–808. quent in patients with cluster headache. Eur symptoms in migraine: characteristics and
[2] Voiticovschi-Iosob C, Allena M, De Cillis I, Neurol 2014;72:209–12. comparison with cluster headache. J Neurol
Nappi G, Sjaastad O, Antonaci F. Diagnostic [4] Gaul C, Christmann N, Schroder D, Weber R, Neurosurg Psychiatry 2009;80:1057–8.
and therapeutic errors in cluster headache: a Shanib H, Diener HC, et al. Differences in [6] Silberstein SD, Niknam R, Rozen TD, Young
hospital-based study. J Headache Pain clinical characteristics and frequency of WB. Cluster headache with aura. Neurology
2014;15:56. accompanying migraine features in episodic 2000;54(1):219–21.
1183

tome 44 > n811 > novembre 2015


E. Guégan-Massardie, C. Laubier
Mise au point

[7] Donnet A, Demarquay G, Ducros A, Géraud [8] Lanteri-Minet M. Hypnic headache. Head- [10] Mainardi F, Trucco M, Maggioni F, Palestini C,
G, Giraud P, Guégan-Massardier E, et al. ache 2014;54(9):1556–9. Dainese F, Zanchin G. Cluster-like headache.
Recommandations pour le diagnostic et le [9] Edvardsson B. Symptomatic cluster head- A comprehensive reappraisal. Cephalalgia
traitement de l'algie vasculaire de la face. ache: a review of 63 cases. Springer Plus 2010;30(4):399–412.
Revue Neurologique 2014;170(11):653–70. 2014;3:64.
1184

tome 44 > n811 > novembre 2015

Vous aimerez peut-être aussi