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Journal des savants

Deux nouveaux feuillets de la comptabilité domaniale de l'abbaye


Saint-Martin de Tours à l'époque mérovingienne
Monsieur Pierre Gasnault

Citer ce document / Cite this document :

Gasnault Pierre. Deux nouveaux feuillets de la comptabilité domaniale de l'abbaye Saint-Martin de Tours à l'époque
mérovingienne. In: Journal des savants, 1995, n° pp. 307-321 ;

http://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1995_num_2_1_1591

Document généré le 12/04/2016


DEUX NOUVEAUX FEUILLETS
DE LA COMPTABILITÉ DOMANIALE
DE L'ABBAYE SAINT-MARTIN DE TOURS
À L'ÉPOQUE MÉROVINGIENNE

Le 20 juin 1989, la maison Sotheby's de Londres a fait passer en vente


publique deux feuillets de parchemin qui portent sur l'une de leurs faces des
textes manuscrits de l'époque mérovingienne '. Par leur présentation et par
leur contenu, ces deux feuillets sont facilement identifiables comme des
fragments de la comptabilité domaniale de l'abbaye Saint-Martin de Tours
à l'époque mérovingienne et ils proviennent sans aucun doute du même
ensemble que ceux qui furent donnés, en 1968, au département des
manuscrits de la Bibliothèque nationale, par le libraire américain Hans
P. Kraus 2. À la suite de cette vente ces deux feuillets, désignés dans cet
article par les lettres A et B, se sont retrouvés entre les mains de deux
collectionneurs privés qui, l'un et l'autre, ont bien voulu m'autoriser à les publier.
Il convient d'abord de rechercher quand et comment ces deux feuillets
ont été séparés de l'ensemble primitif. Rappelons que les feuillets de
parchemin, contrecollés avec des feuillets de papyrus, qui eux-mêmes
portent un texte en onciales grecques de type copte du vne siècle 3,

1. Une première présentation de ces deux feuillets a été faite à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres le 19 mai 1989 ; voir Pierre Gasnault, Nouveaux fragments de la comptabilité
mérovingienne de Saint-Martin de Tours, dans Académie des inscriptions et belles-lettres. Comptes
rendus des séances de l'année ig8ç, p. 371-372.
2. Pierre Gasnault, Documents comptables de Saint-Martin de Tours à l'époque
mérovingienne, avec une étude paléographique par Jean Vezin, Paris, 1975 (Collection de documents
inédits sur l'histoire de France publiés par les soins du Comité des travaux historiques et
scientifiques. Série in-40). Nouvelle édition dans Chartae latinae antiquiores. T. XVIII :
France VI published by Hartmut Atsma, Pierre Gasnault, Robert Marichal et Jean Vezin,
Dietikon-Zurich, 1985, n° 659, p. 3-61.
3. Des fragments de papyrus sur lesquels sont visibles quelques lettres grecques sont collés
au verso du feuillet A.
3o8 PIERRE GASNAULT
formaient, sans doute depuis la seconde moitié du XVe siècle, les plats de la
reliure d'un manuscrit latin de l'abbaye de Saint-Martin de Tours, le ms 88
du catalogue publié au xvine s., par Montfaucon. Parvenu dans la
bibliothèque de la ville de Tours sous la Révolution, ce manuscrit en fut détourné
dans les premières années du xixe siècle. Il réapparut, vers 1830, dans la
collection d'un certain abbé Allard qui, à cette époque, se livrait au commerce des
manuscrits et des livres anciens. Quelques mois après son décès, le libraire
parisien Techener proposa dans une vente publique, le 14 février 1832, le manuscrit
proprement dit sous le numéro 30 et les feuillets formant la reliure, qui en
avaient été séparés, sous le numéro 39 bis. Ces derniers furent achetés par le
célèbre collectionneur anglais, sir Thomas Phillipps et ils demeurèrent dans
sa collection, sous le numéro 28967, jusqu'à la vente du 28 novembre 1967,
au cours de laquelle ils furent adjugés à H. P. Kraus 4.
De sérieux indices incitent à penser que les deux feuillets A et B en
avaient été distraits avant la vente du 14 février 1832. En effet, outre qu'une
soustraction à la collection Phillipps paraît peu probable, le feuillet A est
accompagné d'une feuille de papier qui porte le texte manuscrit suivant
datable de la première moitié du xixe siècle :
« Cueilleret, liève, papier terrier ou état de censitaires. Même dans les temps
barbares, il y a eu des hommes qui ont eu plus le goût des lettres que celui des
prestations féodales, s'il faut en juger par ces deux fragmens de cueilleret, sur
l'un desquels, si ce n'est sur tous les deux, a été collé du papyrus encore empreint
de caractères grecs. Le grec a disparu, mais l'écriture féodale est restée. Elle offre
des parties d'un état de censitaires ou redevables, dont on lit encore quelques
noms, tels que :
Dodo
Flanoberthus
Gundolandus modia
Rigobertus. Celui-là a payé car son nom est suivi d'une croix.

On lit ensuite reliqua modia.


Sur l'autre fragment on lit
Godoberthus modia I
modia XII etc. etc.
Cette écriture est une cursive mérovingienne du VIIe, peut-être du VIe
siècle ».

4. Gasnault, Documents comptables, p. 9-13.


COMPTABILITÉ DE SAINT-MARTIN DE TOURS 309
Pour qui a eu l'occasion de consulter quotidiennement les manuscrits
passés en vente dans la première moitié du xixe siècle, l'auteur de ce texte est
facilement identifiable par son écriture et par son style ; il s'agit sans aucun
doute du collectionneur Amans-Alexis Monteil (1769- 1850) qui avait
l'habitude de commenter de cette manière les manuscrits dont il proposait la
vente 5. Or, selon l'avis préliminaire du catalogue de la vente du 14 février
1832, ce catalogue avait été rédigé pat M. Monteil fils, c'est-à-dire Alexis
Monteil, fils d'Amans-Alexis, qui mourut avant son père en 1833.
Il est possible que le libraire Techener ait donné à Alexis Monteil ces
deux feuillets de parchemin pour le remercier, de sa collaboration à la
rédaction du catalogue, à moins que celui-ci ait gardé, plus ou moins
sciemment, deux des feuillets qui lui avaient été confiés pour catalogage.
A.-A. Monteil ne les cite pas dans son Traité des matériaux manuscrits de
divers genres d'histoire 6. Ils ne constituent pas non plus à eux seuls un lot
dans les différents catalogues de vente de manuscrits ayant appartenu à
Monteil, ni dans la vente de 1833, ni dans les ventes de 1850 et de 1851 qui
furent organisées après son décès. Il est possible toutefois que les deux
feuillets aient fait partie du n° 473 de la vente de 1833 qui est ainsi décrit 7 :
« Excerpta membranea a seculo VI usque ad seculum XIX collecta ab
Amantio Alexi Monteil, grand in folio 200 frs.
Difficilement on trouvera un recueil chronologique de vieux actes, de vieux
feuillets manuscrits, aussi étendu, aussi complet.
Il y a des titres originaux signés par des personnages historiques. Il y a de
la théologie, de la médecine, du droit, des pièces judiciaires, des pièces
financières, des pièces militaires, de la musique, de la peinture ; il y a un peu de
tout ».
Les deux parchemins portent dans l'angle supérieur droit une
numérotation récente 3a (feuillet A), 3b (feuillet B) qui pourrait correspondre à la
numérotation des feuillets de ce recueil factice. Ils en auraient été séparés
postérieurement à la vente de 1833. Nous n'avons jusqu'à présent retrouvé
aucun document permettant de préciser le sort de ces deux feuillets depuis
leur passage dans la collection Monteil et avant leur réapparition en 1989.

5. Sur Amans-Alexis Monteil, voir, en dernier lieu, Jean-Loup Lemaitre, Amans- Alexis
Monteil et les obituaires, dans Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1984,
p. 62-63.
6. Paris, 1835. Nouvelle édition en 1836.
7. Vente de livres rares et de manuscrits précieux cités dans l'Histoire des Français des divers
états par A.-A. Monteil, Paris, Silvestre, 1833, n° 473.
3io PIERRE GASNAULT

Ces deux nouveaux feuillets, dont on trouvera ci-après la présentation


analytique et l'édition, confirment les renseignements fournis par les feuillets
déjà publiés et ils les précisent sur quelques points. Ainsi se trouve vérifiée
une hypothèse que nous avions formulée. Lorsque l'unité de mesure utilisée
pour les céréales n'est pas exprimée, il s'agit bien du muid. Le mot modium
est écrit en toutes lettres à une quarantaine de reprises sur le feuillet A. Il
en est de même de son sous-multiple, le demi-muid, semodium, qui est
l'équivalent du mot semis, écrit en toutes lettres sur les autres feuillets, y
compris le feuillet B, ou exprimé par une note tironienne.
Toutefois, les feuillets A et B, qui sont mutilés, comme le sont tous les
autres, ne fournissent malheureusement pas d'indications sur les deux points
qui permettraient une plus juste appréciation de l'ensemble et qui posent
toujours interrogation : le rôle exact et la date précise de ces textes.

Feuillet A (fig. i)

Le feuillet A est un morceau d'une feuille de parchemin de plus grandes


dimensions mutilée de tous les côtés et principalement dans ses parties
supérieure, inférieure et gauche. Il mesure dans son état actuel 230 x 195
millimètres. Il porte au recto et surtout au verso des traces de colle et des
fibres de papyrus sur lesquelles subsistent quelques lettres grecques. Le texte
latin du recto est disposé sur deux colonnes séparées par un trait vertical
tracé sans le secours d'une règle. La première colonne (colonne a) compte
vingt trois lignes écrites, mais les lettres qui subsistent de la première et de
la dernière ligne ne sont pas identifiables. De plus les premières lettres de
toutes les lignes ont disparu. La seconde colonne (colonne b) compte vingt
quatre lignes écrites. Les hastes supérieures de deux lettres d'une vingt
cinquième ligne sont visibles, mais inidentifiables.
L'écriture régulière et bien formée est d'un module plus grand que celui
de l'écriture des feuillets déjà publiés. Elle est toutefois assez proche de celle
des feuillets I, XI et XV. Comme sur plusieurs autres feuillets (VII, Vili,
XI, XVII), deux formes ont été utilisées pour la lettre N, le n minuscule et
le N majuscule. Le signe abréviatif employé est soit une ligne horizontale
coupant perpendiculairement la haste d'une lettre, soit le plus souvent une
boucle aplatie ouverte dans sa partie inférieure droite, qui surmonte
obliquement le mot abrégé ou coupe la haste d'une lettre.
COMPTABILITÉ DE SAINT-MARTIN DE TOURS 311

FlG. I.

Plusieurs notes tironiennes, déjà attestées sur les autres feuillets, y sont
utilisées. Elles correspondent au verbe débet (a 3) et à l'expression et semis
(a 9, 13, b 3, 13).
312 PIERRE GASNAULT
Aucun nom de lieu n'est cité sur ce feuillet. La seconde colonne est la
seule à fournir des noms de personne exploitables, au total vingt quatre, car
tous ceux portés sur la première colonne sont mutilés de leurs premières
syllabes. Ces vingt quatre noms sont tous d'origine germanique, à l'exception
d'un seul Domicianus (b 18) et ils sont tous des noms masculins. Aucun n'est
accompagné d'un qualificatif. Quatorze sont déjà cités, sous la même forme
orthographique ou sous une forme très voisine, sur les feuillets déjà publiés,
à savoir Aideramnus, Aigoberthus, Auderamnus, Audoberthus, Aunobodus,
Dodo, Domicianus, Ermigiselus, Genoaldus, Gundolandus, Leuderamnus, Mau-
rontus, Sisbodus, Theuderamnus.
Les redevances qui figurent sur ces documents sont le froment {triticum,
abrégé tr.), cité trois fois, le seigle (segole, abrégé si. et une fois segol.), cité
onze fois, l'orge (ordeum, abrégé ord.), redevance à laquelle sont soumis tous
les tenanciers, à l'exception d'un seul, l'avoine (auena, abrégé aun et une fois
auna), cité dix sept fois ; un nom mutilé de la colonne a est uniquement suivi
de la mention lignum débet.
Toutes ces redevances sont mesurées en muid ou en demi-muid. La
mesure demi-muid est rendue soit par le terme semodium (abrégé
généralement sem. et trois fois, semod.), soit par la note tironienne semis.
L'importance d'une redevance varie entre un demi-muid et deux muids. La partie de
la ligne correspondante à l'indication des redevances est rayée, en tout ou en
partie, d'un trait horizontal se terminant en retour de façon anguleuse dans
vingt sept cas (a i, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 14, 15, 17, 19, 22, b 2, 3, 7, 9,
11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 21). À sept reprises ce trait est suivi d'une croix
(a 9, 11, 12, 14, 19, b 12, 13).

colonne a
1. ...
2. ... ord. semod. I.
3. ... rus lign. débet.
4. ... be... us ord. semd. I.
5. ... un... tr. semod. I, ord. IL
6. ... deramnus ord. mod. IL
7. ... d. I, ord. mod., aun. semd.
8. ... eld. segol. semd., ord. I, aun. semd.
9. ... chelmus si. mod. I et semis, ord. II, aun. I +.
10. ... us si. semd., ord. I, aun. I.
COMPTABILITÉ DE SAINT-MARTIN DE TOURS 313
11. ... mod. ..., ord. semd., aun. semd. +.
12. ... us ord. II, aun. I +.
13. ... us si. semd., ord. I et semis.
14. ... end. tr. semd., ord. II +.
15. ... ord. semd.
16. ... uderamnMS ord. semd.
17. ... dus ord. semd. I.
18. ... nws si. mod., ord. mod.
19. ... marus ord. mod., aun. mod. +.
20. ... hus ord. mod. I.
21. ... doald. ord. mod., aun. mod.
22. ... inoberthus ord. mod., aun. semod.
23. ...

colonne b
1. Dairoaldus ord. mod., aun. mod.
2. Aideramnws ord. mod., aun. mod.
3. Childoberthus ord. mod. et semis.
4. Dodo si. semod., ord. mod. II.
5. Domoramnus si. mod., ord. mod., aun. ...
6. Dignon. ord. semd., aun. semod.
7. Flanoberthus ord. mod.
8. Gundoland. tr. mod.
9. Lupogisel. ord. I.
10. Maurontws ord. semd.
11. Item Leoderius ord. mod.
12. Aigoberthus ord. I, aun. II +.
13. Genoaldus ord. I et semis +.
14. Mallenus si. mod. II, ord. mod. II, aun. m[od.] ...
15. Silaicus si. mod., ord. mod.
16. Auderamnus ord. mod.
17. Aunobodws ord. mod., aun. ...
18. Domicianus si. mod., ord. ...
19. Audoberthus ord. mod.
20. Sisbodus si. semod., ord. mod.
21. Theuderamnus ord. mod., auna mod.
22. Leuderamnus ord. semod.
3i4 PIERRE GASNAULT

23. Theudiernus ord. semod.


24. Ermigiselus ord. semod.
25. ...
bs. La fin de la ligne a disparu. — b 9. Cette ligne dont l'écriture est d'un module plus
réduit semble avoir été ajoutée. — b 14. La fin de la ligne a disparu. — b 17 et 18. Un trou
arrondi dans le parchemin est contourné par l'écriture de ces deux lignes. La fin de ces lignes
a disparu. — b 25. On distingue les hastes de deux lettres non identifiables.

Feuillet B (fig. 2)

Le feuillet B est un morceau d'une feuille de parchemin de plus grandes


dimensions qui a été mutilé dans ses parties supérieure, inférieure et latérale
gauche. Il mesure dans son état actuel 188 x 283 millimètres. Il porte des
traces de colle au recto, principalement dans sa partie gauche. Le décalque
de quelques lettres est visible au verso. Le texte du recto est réparti sur
quatre colonnes séparées par un trait vertical qui a été tracé sans le secours
d'une règle. La première colonne (colonne a) compte vingt deux lignes, la
seconde (colonne b) vingt quatre et les hastes de quelques lettres d'une
vingt-cinquième ligne, la troisième colonne (colonne c) vingt deux lignes et
la quatrième (colonne d) cinq qui occupent le tiers supérieur de la hauteur,
le reste étant resté blanc.
L'écriture régulière et légèrement penchée vers la gauche est de petit
module. Elle est très proche de celle du feuillet XIV, dont la disposition
générale rappelle beaucoup celle de ce feuillet.
Plusieurs notes tironiennes, déjà attestées sur les autres feuillets, en
particulier sur le feuillet XIV, y sont utilisées. Elles correspondent aux mots
ou expressions redebet, quatricescium, reddet lignum.
Quatre noms de lieux figurent sur ce feuillet : Senatore (ai), Pociol.
(a 9), Talsiniaco, Corcinnaco (c 1). Les deux premiers sont précédés du mot
colonica, les deux autres, liés par la conjonction seo, du mot sacio.
L'expression sacio Talsiniaco apparaît déjà sur le feuillet XIV (c 8). Nous
avons proposé de comprendre sacio dans le sens de territoire ensemencé et
d'identifier Talsiniaco avec Tauxigny (Indre-et-Loire, canton de Loches),
localité où ont été trouvés de nombreux vestiges de l'époque gallo-romaine
et qui est citée dans des documents carolingiens de Saint-Martin de Tours
et de l'abbaye de Cormery, sans doute faux dans leur état actuel 8.
8. Aux références déjà données, ajouter Michel Provost, Carte archéologique de la Gaule.
U Indre-et-Loire, Paris, 1988, p. 39, n° 40.
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3i6 PIERRE GASNAULT
Le toponyme Corcinnaco apparaît sur le feuillet XVI sous la forme
Curcinnaco ; nous avons proposé de le rapprocher de Curtiniaco, cité dans
l'acte de fondation de la cella de Cormery par Ithier, sans pouvoir en
proposer une identification satisfaisante. La localisation dans les environs
proches de Tauxigny est cependant vraisemblable.
La colonica Pociol. est citée sur le feuillet VIII ; nous avons proposé de
l'identifier avec Pouzioux, hameau de la commune de Blaslay (Vienne),
possession ancienne de Saint-Martin de Tours, mais les toponymes issus de
la forme latine Pociolis sont nombreux en Poitou et en Touraine.
La colonica Senatore était sans doute située, elle aussi, aux confins de la
Touraine et du Poitou ; mais nous ne pouvons proposer aucune
identification.
Dans son état actuel, le feuillet B énumère soixante quatre noms de
personne, qui correspondent à soixante noms différents en raison de la
répétition de quatre noms qui sont cités chacun deux fois : Audono (c 2, c 8),
Audoramnus (b 21, b 23), Ebr ornar is (a 12, c 20), Meddo (a 13, b 19). Trente
deux noms sont communs au feuillet B et aux feuillets déjà publiés sous la
même forme orthographique ou sous une forme très voisine ; ce sont :
Almund., Auden., Audoramn., Audosind., Audulfus, Babbenus, Baldo,
Beroald., Chiddolen., Daddolenus, Dagemaris, Daimaris, Dominicus, Ebroma-
ris, Ebrulfos, Eodolen., Eonoaldus, Francobodos, Fredoberthus, Genobaud.,
Godo, Godoramn., MagnogisiL, Maribod., Medberthus, Meddo, Meddoricus,
Modoricus, Rigomaris, Segomaris, Sigubod. Huit d'entre eux {Almund.,
Audoramn., Audosind., Babben., Ebromaris, Fredoberthus, Godo, MagnogisiL)
figurent sur le feuillet XIV. Comme sur les feuillets déjà publiés, la
proportion de noms d'origine germanique est très importante. Parmi ces
soixante quatre noms, quatre sont féminins : Columba (c 7), Fraterna (e 4),
Godosinda (a 21), Modoberga (c 15). En a 22, un nom de personne qui semble
se terminer par les lettres aris est suivi du mot orfanal(is) 9. Sur les feuillets
déjà publiés figuraient une Bodolena vidua (IX b 4), un Bercthesundus
diaconus (XIX b 17) et un Dulcerone clericus (XIX b 39).
Les redevances dont étaient chargés ces soixante quatre tenanciers sont,
comme sur les feuillets déjà publiés, essentiellement exprimées en céréales,
à savoir le froment (triticum), abrégé en tr., mention qui accompagne
quarante neuf noms,
9. La forme orfanola, orfanolo est attestée dans Grégoire de Tours (Historia Francorum, X,
16 : jugement de Poitiers) et dans un jugement de Clovis III de 692 ou 693 (H. Atsma et
J. Vezin, Chartae latinae antiquiores, Part XIV. France II, Dietikon-Zurich, 1982, p. 12,
1. 10).
COMPTABILITE DE SAINT-MARTIN DE TOURS 317
l'orge, abrégée en or., mention qui accompagne vingt et un noms,
l'avoine, abrégée en auin. ou écrit en toutes lettres auina, mention qui
accompagne vingt cinq noms,
l'engrain, toujours écrit en toutes lettres unogrania, mention qui accompagne
cinq noms appartenant tous à la colonne c,
le seigle, abrégé en sgl. ou sigi., mention qui accompagne le nom de deux
tenanciers de la colonne b (10 et 24),
l'épeautre, dont la forme orthographique exacte, toujours abrégée, n'a pas été
entièrement déchiffrée. Le mot est constitué par un e en ligature avec une
autre lettre, sans doute un 5 long, dont la haste est chargée d'un signe
abréviatif ; ce premier groupe est suivi des lettres pelta ou pel. Nous
transcrivons à titre provisoire es. ..pelta. Ce mot, ainsi abrégé, est cité quatre
fois (a 19, a 20, c 8, d 4). Sur les feuillets déjà publiés, spelta était abrégé par
sp., spl. ou spt.
Une redevance en bois est notée à six reprises (a 12, a 22, b 3, b 12,
b 15, c 16) sous la forme redebet lignum (a 12, b 3, b 15), reddet lignum (b 12,
c 16). En c 16, une redevance en céréales (tr. I) a été rayée et elle est suivie
des mots reddet lignum écrits en notes tironiennes. Est-ce la correction d'une
erreur ou la substitution d'une redevance à une autre ? L'examen de
l'original, qui n'a pu être effectué, serait susceptible de faire apparaître des
différences dans la teinte de l'encre.
Plusieurs unités de mesure sont utilisées,
le muid, modium. Le mot n'est écrit que dans le total de la colonne d (tr.
modia XXXVIII) et il est sous-entendu ailleurs, selon la disposition suivie
sur les autres feuillets,
le demi-muid, semis, souvent abrégé en sem. ou sim.,
le quadruple setier, écrit une fois en entier quatricescio (a 15) et exprimé
ailleurs par une note tironienne (b 14, 19, 22, 24, c 7, 12, 14),
le setier, sistario, cité sous cette forme à quatre reprises (b 11, 13, 21, c 21).
Ces deux dernières unités de mesure, quadruple setier et setier, sont
présentes sur le feuillet XIV.
La partie de la ligne correspondant à l'indication des redevances est
rayée d'un trait horizontal, qui fréquemment se termine en retour de façon
anguleuse, dans trente quatre cas (a 7, 10, 11, 13, 14, 17, 19, b 4, 5, 7, 8, 9,
10, n, 13, 16, 18, 19, 20, 23, c 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 19, 20,
22).
Il est vraisemblable que le total exprimé dans la colonne d est
uniquement celui de cette colonne et de la colonne c. Il est exact en ce qui
3i8 PIERRE GASNAULT
concerne l'engrain (3 muids) et l'épeautre (un demi-muid) dans l'état actuel
de ces deux colonnes. Selon la mention de la colonne c 1, il correspondrait
au total des redevances versées par les tenanciers de la sacio de Tauxigny et
de Corcinnaco pour acquitter le droir d' agrarium.

'
Aucune précision de ce genre n'est donnée pour les colonnes a et b.
Malgré de nombreux points communs entre le feuillet B et le
feuil et XIV (écriture, disposition du texte, notes tironiennes, même toponyme
sacio de Talsiniaco, noms de personne, unités de mesure), il n'est pas certain
qu'il s'agisse de deux fragments d'un même rôle de plus grande dimension.
Dans leur état actuel, les bords des deux feuillets ne sont pas jointifs. Il est
possible que ces deux feuillets soient deux fragments de deux rôles
différents, mais établis par une même personne pour le même groupe
d'exploitations.

colonne a
1. ... lidono col. Senatore
2. Joberthtts tr. I, or. sem.
3. Rodigisil. tr. sem.
4. Fraterna tr. I.
5. Leomaris tr. I, or. sem.
6. Sibu... tes tr. I, or. sem., auin. I.
7. Mariosus tr. I, auin. I.
8. Balsind. tr. I, auin. I.
9. Col. Pociol.
10. Eotolius tr. I, auin. I.
11. Genobaud. tr. sem.
12. Ebromaris redebet lign.
13. Meddo tr. sem., or. sem.
14. Belmaris tr. sem., or. sem.
15. Atromwnd. auina qwatricescio.
16. Dominicus tr. semis, or. sem., auin. sem.
17. Dagemaris tr. I, auina I.
18. Medberthus es...pelta semis.
19. Leomund. es...pelta sem., or. I.
20. ... trigisil. tr. I, auina semis.
21. Godosinda tr. I.
22. ... aris orfanal. lign.
COMPTABILITE DE SAINT-MARTIN DE TOURS 319

colonne b
1. Aualdolenus tr. I, auina I.
2. Daddolenus auina I.
3. Godo redebet lign.
4. Gumfomaris tr. I, auina I.
5. Eonoaldus tr. I.
6. Beroald. tr. sem.
7. Lauonoberthus tr. I et semis, auina sem.
8. Babben. or. sem., auin. semis.
9. Audulfus tr. I et sem., auin. II.
10. Maribod. sgl. semis, auina sem.
11. Baldo tr. sistario.
12. Baldoricus red. lign.
13. Fredobertus tr. sistar. II.
14. Godoramn. auin. quatricescio.
15. Rigomaris redebet lign.
16. Chagnoberthtts auin. sem.
17. Chiddolen. tr. I, auina semzs.
18. Meddoricus tr. sem., auin. sem.
19. Meddo tr. quatricescio.
20. Almund. tr. sem., auin. sem.
21. Audoramn. tr. sistario I.
22. Eodolen. tr. quatricescio, auina sem.
23. \tem Audoramn. tr. sem., segl. sem., auin. sem.
24. Segolen. tr. quatricescio.
25. ...

colonne c
1. Sacio de Tal[si]niaco seo Corcinnaco de agrario.
2. [Aud]ono or. sem.
3. Ebrulfos tr. I, or. sem., auin. sem.
4. Francobodos unogrania sem.
5. Magnogisil. tr. I.
6. Audo tr. I, or. I et sem.
7. Columba tr. quatricescio.
8. Item Audono tr. I, or. I, es. ..pel. sem., auin. sem.
32O PIERRE GASNAULT
9. Segomaris tr. I, or. I, unogrania sem.
10. Daimaris tr. I, auina semis.
11. Auden. tr. I, unogrania sem.
12. Madigisil. tr. II, or. quatricescio.
13. Aronastis tr. sem., or, sem., unogrania sem.
14. Seuer. tr. I et sem., or. quatricescio.
15. Modoberga tr. I, or. semis.
16. Tibard. tr. I, reddet lignum.
17. Modoricus tr. sem.
18. Uualdomaris tr. sem., or. I.
19. Sigubod. tr. I et semis, or. I et sim., unogrania I.
20. Ebromaris tr. I, or. I.
21. Daimund. or. sistario I.
22. Drauscio or. I.

colonne d
1. Item Audosind. tr. I, or. V.
2. Tr. modia XXXVIII.
3. Or. XVII.
4. Unogrania III, es... pel. sem., auina IIII.
5. Fiunt in soma modia LXII.
a 1. Une tache recouvre le début de la ligne. — a 6. Une tache recouvre plusieurs lettres du
nom de personne. — a 20. Une lettre qui semble précéder le t est peut-être un a. — a 22. Une
tache recouvre les premières lettres de la ligne. — b 1. La partie supérieure des premières lettres
est coupée. — b 13. Une tache dissimule en partie les premières lettres. — b 25. On distingue
la partie supérieure des hastes de quelques lettres. — c 2. Les trois premières lettres sont en
partie effacées.

Pierre Gasnault
COMPTABILITÉ DE SAINT-MARTIN DE TOURS 321

INDEX DES NOMS DE PERSONNE

Aideramnus A b 2 Francobodos B c 4
Aigoberthus A b 12 Fraterna B a 4
Almund. B b 20 Fredoberthus B b 13
Aronastis B c 13
Atromund. B a 15 Genoaldus A b 13
Aualdolenus B b 1 Genobaud. Ban
Auden. B c 11 Godo B b 3
Auderamnus A b 16 Godoramn. B b 14
Audo B c 6 Godosinda B a 21
Audoberthus A b 19 Gumfomaris B b 4
Audono B c 2, B c 8 Gundoland. A b 8
Audoramn. B b 21, B b 23 Joberthus B a 2
Audosind. B d 1 Lauonoberthus B b 7
Audulfus B b 9 Leoderius Abu
Aunobodus A b 17 Leomaris Bas
Babbenus B b 8 Leomund. B a 19
Baldo B b 11 Leuderamnus A b 22
Baldoricus B b 12 Lupogisel. A b 9
Balsind. B a 8 Madigisel. B c 12
Belmaris B a 14 Magnogisil. B c 5
Beroald. B b 6 Mallenus A b 14
Chagnoberthus B b 16 Maribod. B b 10
Chiddolen. B b 17 Mariosus B a 7
Childoberthus A b 3 Maurontus A b 10
Medberthus B a 18
Columba B c 7 Meddo B a 13, B b 19
Daddolenus B b 2 Meddoricus B b 18
Dagemaris B a 17 Modoberga B c 15
Daimaris B c 10 Modoricus B c 17
Daimund. B c 21
Dairoaldus A b 1 Rigomaris B b 15
Dignon. A b 6 Rodigisil. B a 3
Dodo A b 4 Segolen. B b 24
Domicianus A b 18 Segomaris B c 9
Dominicus B a 16 Seuer. B c 14
Domoramnus A b 5 Sibu...tes B a 6
Drauscio B c 22 Sigubod. B c 19
Ebromaris B a 12, B c 20 Silaicus A b 15
Ebrulfos B c 3 Sisbodus A b 20
Eodolen. B b 22 Theuderamnus A b 21
Eonoaldus B b 5 Theudiernus A b 23
Eotolius B a 10 Tibard. B c 16
Ermigiselus A b 24
Flanoberthus A b 7 Uualdomaris B c 18

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