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Le Japon face au vieillissement des "hikikomori", ces reclus de la socié... https://www.challenges.fr/monde/le-japon-face-au-vieillissement-des-h...

Par AFP le 16.03.2018 à 07h50

M. Ikeida, 55 ans, vit reclus chez lui depuis trois décennies. Photo prise le 8 mars 2018

Il a 55 ans, ne sort de chez lui que tous les trois


jours pour s'acheter à manger, fuit les livreurs et n'a
pas vu ses parents et son frère cadet depuis 20 ans.
Au Japon, ce phénomène a un nom, les "hikikomori".

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Il s'est répandu dans les années 1990 mais prend


une nouvelle dimension avec le vieillissement de ces
centaines de milliers de reclus.

Aujourd'hui, seuls ceux de moins de 39 ans sont


recensés dans les statistiques officielles, qui
évaluent leur nombre à peu plus d'un demi-million,
selon la dernière étude du gouvernement sur le
sujet, en date de 2016.

Pour mieux saisir l'étendue du problème, les


autorités ont donc décidé de mener cette année la
première enquête nationale sur les "hikikomori" âgés
de 40 à 59 ans.

- Pression insupportable -

M. Ikeida, nom d'emprunt, entre dans cette catégorie


spécifique de "hikikomori", un terme qui désigne
toute personne restant cloîtrée chez elle pendant
plus de six mois sans aller à l'école, au travail et
avec pour tout contact humain les relations avec des
membres de sa famille.

La durée d'isolement est de plus en plus longue:


dans l'étude de 2016, plus d'un tiers des personnes
interrogées disaient s'être mises en retrait de la
société depuis plus de sept ans, contre 16,9% en
2009.

M. Ikeida est diplômé d'une prestigieuse université


de Tokyo et a décroché plusieurs offres d'emplois de
grandes entreprises pendant les années 1980, une
période de bulle économique.

Le

Japonais Ikeida a choisi de se mettre en retrait de la


société, dont il ne supportait pas la pression. Photo
prise le 8 mars 2018 (AFP - Kazuhiro NOGI)
"Je suis allé dans une bonne université comme le
souhaitaient mes parents et je me suis efforcé de
me conformer" à la société japonaise, a-t-il confié à

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l'AFP.

"Mais quand j'ai eu ces propositions de travail, je me


suis rendu compte que toute ma vie je serais obligé
de m'y conformer, et je me suis senti désespéré",
raconte-t-il. "Je ne pouvais pas porter de costume.
J'avais l'impression que mon coeur s'était brisé".

Incapable de supporter cette pression, il a alors pris


la décision de s'enfermer dans sa chambre. C'était il
y a trois décennies, et il n'a quasiment pas changé
de mode de vie depuis.

- "Brimades" -

Pourquoi devient-on "hikikomori"? Le phénomène


reste mal compris, mais souvent les sondés
expliquent avoir vécu des relations difficiles à l'école
ou dans le monde professionnel, ou n'avoir pas
réussi à trouver un emploi.

"Ce que l'on sait, c'est qu'ils ont été meurtris. Ils ont
subi des brimades ou ont eu des problèmes
relationnels au travail", dit Kayo Ikeda, une
psychologue clinicienne qui dirige un groupe de
conseil aux parents.

M. Ikeida passe la plupart de ses journées sur son


ordinateur, à rédiger un blog et à écrire des articles
sur le sujet. Il y décrit comment sa mère le frappait
s'il n'était pas suffisamment assidu dans ses études
et le soumettait à une forte pression psychologique.

Si lui n'est plus en contact avec sa famille, de


nombreux "hikikomori" restent chez leurs parents,
les plaçant dans une position très difficile, à la fois
financièrement et émotionnellement.

"Les familles de hikikomori ressentent une grande


honte. Elles cachent leur situation et s'isolent" à leur
tour sans être capables de demander de l'aide,
relate Rika Ueda, qui travaille pour une association
de parents.

"Je pense que de telles circonstances contribuent à


prolonger les périodes de réclusion", poursuit-elle.

- "Mort solitaire" -

Depuis les années 2010, le gouvernement consacre


un budget à ce problème pour tenter de le résoudre.
Le ministre de la Santé a ainsi demandé des crédits
de 2,53 milliards de yens (20 millions d'euros) pour
l'année budgétaire qui débute en avril, notamment

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pour aider les "hikikomori" à décrocher un poste


adapté à leur situation.

Il sort
de chez
lui tous
les trois
jours

uniquement pour aller s'acheter de quoi se nourrir.


Photo prise le 8 mars 2018 (AFP - Kazuhiro NOGI)
Les solutions sont à chercher dans différentes voies,
de l'avis des experts qui déplorent la rigidité de la
société japonaise et du système éducatif.

M. Ikeida vit d'aides sociales et de l'écriture de ses


articles. En profonde détresse, il désire ardemment
se rétablir et avait demandé par le passé à ses
parents de l'accompagner chez un psychiatre, mais il
s'était heurté à leur refus.

"Je veux que la société comprenne que nous ne


sommes pas fous", souffle-t-il.

Sa plus grande peur: mourir seul, un autre


phénomène qui a un nom, "kodokushi", dans un
archipel vieillissant et en manque d'enfants.

"Je ne veux pas mourir de cette façon. Je ne veux pas


qu'on me retrouve pourri. Peut-être devrais-je
demander davantage de visites des services de
santé ? Mais en même temps je n'en veux pas...".
"C'est un sentiment tellement contradictoire".

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