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Réforme territoriale
Va-t-on vers l’ère du tout-mégalo ?
Par Nicolas Stoquer
sang et le sol, et en tant que telle opposée à l’appartenance artificielle aux institutions
sociales proprement dites (Etat, profession) révèle le besoin pour l’ensemble de la
communauté d’une institution sociale naturalisée servant de socle commun neutre.
C’est dans ce cadre national que s’est inscrite traditionnellement la politique
d’aménagement du territoire en France cherchant à établir un équilibre entre zone
fortement urbanisée et zones rurales. La solidarité nationale était ainsi invoquée pour
assurer l’harmonie entre les territoires de la République. Il fallait corriger la
problématique de « Paris et son désert », la gouvernance des territoires ruraux
s’appuyant sur les cantons et les sous préfectures.
acteurs économiques à part entière. Si c'est grâce à eux que nous avons encore une
agriculture, une vie rurale et des paysages de qualité, n’en faisons pas pour autant les
« jardiniers » des urbains. La campagne n’est pas un parc d’attraction pour gens de la
ville en promenade.
La réforme territoriale :
création des métropoles et des pôles métropolitains
L’article 5 du projet de réforme territoriale concerne la création des métropoles. « La
métropole est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI)
regroupant plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave qui forment, à la date
de sa création, un ensemble de plus de 450.000 habitants et qui s'associent au sein d'un
espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et de
développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire
afin d'en améliorer la compétitivité et la cohésion ». Le projet prévoit le renforcement
des compétences économiques de la métropole (zones d'activités économiques,
promotion à l'étranger du territoire) et l’élargissement de ses compétences facultatives
exercées en lieu et place du département (action sociale en faveur des personnes âgées,
aide sociale à l'enfance, tourisme, culture, sport). Il est aussi prévu d’associer de plein
droit les métropoles aux schémas et documents de planification susceptibles de
concerner leur territoire et de permettre le renforcement de l'intégration financière des
métropoles par le transfert (avec possibilité de reversement) de la taxe foncière sur les
propriétés bâties et de la dotation globale de fonctionnement des communes membres.
Cette nouvelle structure qui se présente comme devant fonctionner peu ou prou sur le
modèle PLM (Paris Lyon Marseille) et disposerait de la clause générale de compétence
qui permet à toute collectivité, en dehors de ses domaines, prérogatives et compétences
réservés, de s'investir dans une mission de service public qu'il juge importante, va de
fait beaucoup plus loin et implique finalement l’hétérogénéité des territoires et des
structures au regard de l’actuelle remise en cause de l’échelon départemental dans le
cadre de la mise en place des conseils territoriaux aux compétences imprécises et à
l’avenir indécis. Coexisteraient dés lors sur un même territoire national des
départements affaiblis en milieu rural, et d'autres structures au fonctionnement et à
l'influence plus affirmée en milieu urbain! Rien n’est plus opposé à l’idéal de solidarité
nationale que de prévoir des administrations politiques locales à géométrie variable ou
ne prévaudrait plus l’égalité entre les territoires et ceux qui les habitent, ou la
péréquation entre ville et campagne n’opérerait plus. L’Allemagne du XIXème siècle,
avant de voir naître au sein de ses populations une prétention à un grand Reich, était
habituée à voire cohabiter des « villes libres » avec des royaumes et diverses
principautés de taille différente. L’alignement des provinces prévu par Bruxelles se fera
sur le modèle des villes-régions allemandes actuelles (Hambourg, Brême, Berlin), des
villes libres de l’Allemagne du XIXème (Francfort, Brême, Hambourg, Lübeck) et des
villes hanséatiques. Sans volonté politique affirmée, c’est le commerce et lui seul qui
modèlera demain comme hier la géographie économique d’ensemble. Et tant pis si il y a
des laissés pour compte.
Le seul modèle concurrent d’une logique qui nie le particularisme français serait à
chercher dans les villes Etats d’Asie, façon empire britannique : Hong-Kong, Singapour.
Des villes sans racines, directement connectées à la mondialisation, enclaves
territoriales à influence internationale, symbole de réussite économique, éphémère
certes mais dont la simple notion de qualité de la vie est absente et le développement
durable sans aucune garantie. C’est la transposition artificielle en France de systèmes
complètement étrangers à notre culture dont la seule certitude est que la greffe ne
prendra pas.
Ce retour organisé à une forme indéniable de féodalité ou de vision impérialiste
dépassée comme la France elle-même n’en a probablement jamais connue entre en
contradiction avec le discours de ses promoteurs qui affichent l’ambition d’aller dans le
sens de la modernité triomphante. Les objectifs sont grandioses pour ne pas dire
grandiloquents. La métropole se substituera aux communes en matière de
développement et d’aménagement économique, social et culturel, d’aménagement
d’espace métropolitain, de politique locale de l’habitat, de gestion des services d’intérêt
collectif et de protection de l’environnement. Rien que cela… Les nouveaux
mastodontes seront des métropoles technocratiques dont la compétitivité mondialisée
devrait servir de pôle d’attraction aux entreprises à dimension mondiale. On nous parle
même de « ville monde » concernant le projet du Grand Paris. Avec leur subtilité
habituelle, nos nouveaux promoteurs nous présentent l’évolution comme inéluctable au
risque de quitter le cours de l’Histoire et de voir nos villes se transformer en musée pour
touriste nonchalant.
On note aussi subrepticement que la future « Société du Grand Paris » sera constituée
en société anonyme avec la possibilité d’expropriation et d’urbanisation sur quatre fois
la surface de Paris, ce qui s’apparente ni plus ni moins à une privatisation de l’espace
public et à la mise en place de villes privées sur le modèle nord américain, dont on sait
aujourd’hui qu’elles peuvent faire de retentissantes faillites. Et cela sans parler de
l’ajout à ce modèle américain de vieilles méthodes nationales peu recommandables cette
fois-ci où la société d’économie mixte tient lieu d’alibi pour corrompus ou pour justifier
le fait du Prince. Les années Mitterrand furent particulièrement prolifiques en la matière
comme il est pour le moins étonnant de voir nommer encore aujourd’hui à la tête de ce
genre d’organisme un protégé du pouvoir ou un rejeton du Président.
Mais pour couvrir les rumeurs de banqueroute et d’affairisme, on en rajoute par des
grandes déclarations d’amour et de belle profession de foi européenne. Ainsi le grand
Paris ne peut se concevoir que dans un cadre global et systémique, s’inscrire que dans la
géométrie du triangle Londres, Paris, Rotterdam. Et pourtant, il y a plus que l’ombre
d’un soupçon que tout cela ne servira au final que la mondialisation débridée. Pourquoi
donc Bruxelles s’y retrouverait-elle plus que Paris dans cette prise d’indépendance des
mégalopoles ? La dernière mode dans les milieux du luxe et de la haute couture n’est
elle pas la signature « Paris, Tokyo, New-York » ? Au jeu de massacre ou le plus
archaïque, c’est toujours l’Autre, on en vient un jour à être le ringard du plus snob que
soi !
une contractualisation renouvelée et une prise en compte des pays pour l’organisation
des services publics.
Le projet de loi s’achemine pour sa part dans une direction opposée, celle de la mise
en concurrence des territoires, au mépris des équilibres à l'intérieur des régions. Cette
réforme signifie donc la casse du modèle d'équilibre territorial. Créer les Métropoles et
supprimer les Pays, c'est reproduire à l'échelon régional un déséquilibre entre une ou
deux grandes villes, qui concentreraient l'écrasante majorité des ressources et des
activités, et les territoires périurbains ou ruraux, réduits aux fonctions de villes-dortoirs
ou de lieux de villégiature. Jusqu'à présent, le maillage du territoire par les villes petites
et moyennes, qui fait la particularité et la richesse de nombre de territoires en France,
est encore une réalité, malgré les menaces de fractures territoriales que l'on connaît. Il
constitue par exemple un des facteurs clés de la qualité de vie en Bretagne. Ainsi qu'en
sera-t-il demain si Rennes et Nantes devaient acquérir toujours plus de compétences ?
Dans quel sens les vases communiqueraient-ils ?. L'aire métropolitaine va-t-elle «
irriguer le territoire », ou bien va-t-elle capter le dynamisme breton au détriment de la
Bretagne occidentale ou rurale ? Le précédent des « villes TGV » à une heure de Paris
n’incite pas à l’optimisme. Elles induisent un certain développement par rapport aux
autres villes, mais la fuite des élites en direction de la capitale et le manque de
développement local dresse un tableau contrasté et globalement négatif.