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Art. 432-15 et 432-16 - Fasc. 20 : DESTRUCTION ET DÉTOURNEMENT DE BIENS


PAR DES PERSONNES EXERÇANT UNE FONCTION PUBLIQUE
Document: JCl. Civil Code - App. Art. 544 à 577 - Fasc. 50-2 : COPROPRIÉTÉ.  Travaux et transformations.  Travaux
réalisés par les copropriétaires (Extrait)JurisClasseur Pénal Code > Art. 432-15 et 432-16
Fasc. 20 : DESTRUCTION ET DÉTOURNEMENT DE BIENS PAR DES PERSONNES
EXERÇANT UNE FONCTION PUBLIQUE
Date du fascicule : 22 Août 2014
Date de la dernière mise à jour : 6 Juin 2017
André Vitu - Professeur honoraire à la faculté de droit, sciences économiques et gestion de Nancy

Wilfrid Jeandidier - Professeur agrégé des facultés de droit - Doyen honoraire

Mises à jour

Mise à jour du 06/06/2017 - §15. - Applications pratiques : agents dautres administrations


Mise à jour du 06/06/2017 - §17. - Définition des expressions légales
Mise à jour du 06/06/2017 - §34. - Fonds publics et privés
Mise à jour du 06/06/2017 - §65. - Énumération

Points-clés

1.  L'incrimination principale, contenue dans l'article 432-15 du Code pénal, sanctionne


l'obligation de probité qui pèse sur les personnes publiques chargées du maniement et de la
gestion de fonds ou de biens (V. n° 7 ).
2.  Les personnes visées par le texte sont d'abord les comptables et dépositaires publics,
ainsi que leurs subordonnés (V. n° 12 ), par exemple les agents des postes, du fisc, de
l'administration militaire et d'autres administrations.
3.  Sont visées également les personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées
d'une mission de service public (V. n° 17 à 21 ), à condition qu'elles détiennent des fonds,
titres ou autres valeurs en vertu de leurs fonctions : il en va ainsi pour les officiers
ministériels ou les greffiers (V. n° 20 ).
4.  L'article 432-15 s'applique au fonctionnaire nommé irrégulièrement à sa fonction (V. n° 27
) et au fonctionnaire gestionnaire de fait de fonds publics (V. n° 28 ), mais pas au
fonctionnaire ou au particulier qui s'est immiscé sans droit dans la gestion de fonds publics (V.
n° 26 et 29 ).
5.  La liste des biens protégés contre la destruction ou le détournement est large : actes,
titres, fonds publics ou privés, effets, pièces ou titres en tenant lieu, et tout autre objet (V. n° 31
à 35 ), à condition qu'ils soient reçus en raison des fonctions ou de la mission (V. n° 36 à
38 ).
6.  Sont punis la destruction ou le détournement commis intentionnellement (V. n° 41 et 42
) ; mais l'article 432-15 n'exige pas l'existence d'un préjudice causé à la victime (V. n° 43 ).
7.  Diverses peines, tant principales que secondaires, organisant une répression sévère, font
du délit de l'article 432-15 du Code pénal une des infractions les plus graves sanctionnant
l'atteinte au devoir de probité des agents publics (V. n° 44 ).
8.  Préalablement au jugement de l'action publique, la répression des détournements commis
par un comptable public est subordonnée à la solution apportée à l'exception préjudicielle de
débet par la Cour des comptes ou par la chambre régionale des comptes compétente (V. n° 46
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à 55 ).
9.  Les règles du droit civil s'appliquent quand il faut faire, devant le juge pénal, la preuve de
la remise de valeurs privées à un comptable public (V. n° 56 et 57 ).
10.  Le point de départ du délai de prescription de l'action publique est retardé, lorsque
l'infraction est clandestine, au jour de l'apparition des faits dans des conditions permettant leur
poursuite (V. n° 60 ).
11.  Incrimination complémentaire, l'article 432-16 du Code pénal sanctionne le fonctionnaire
dont la négligence a permis ou facilité la destruction, le détournement ou la soustraction
commis par un tiers sur des biens confiés à ce fonctionnaire en raison de ses fonctions (V.
n° 64 à 71 ).

Introduction

1.  Première approche des dispositions pénales examinées  Dans le chapitre intitulé Atteintes à
l'administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique(C. pén., Livre IV,
Titre III, chapitre II), une section 3 regroupe l'ensemble des "manquements au devoir de probité" autrement
dit les actes par lesquels des personnes, exerçant certaines fonctions dans l'intérêt de la collectivité
publique, mésusent des pouvoirs qui leur sont conférés et cherchent à en tirer un profit personnel. C'est ainsi
qu'à côté de la concussion, de la corruption passive, du trafic d'influence, de la prise illégale d'intérêts et du
favoritisme, les articles 432-15 et 432-16 répriment spécialement la soustraction et le détournement de
biens.

L'article 432-15 reprend une incrimination connue de longue date et par laquelle, sous l'empire du Code
pénal de 1810, étaient visés notamment les soustractions et détournements commis par des comptables ou
dépositaires publics, c'est-à-dire des faits accomplis intentionnellement par les coupables (anciens art. 169
à 172).

Accolé à cette première incrimination, l'article 432-16 frappe les fonctionnaires et autres autorités,
comptables ou dépositaires de biens, dont la négligence a permis ou facilité la destruction, le détournement
ou la soustraction commis par des tiers ; cette seconde disposition est inspirée de l'article 254 de l'ancien
Code pénal.

2.  Origine ancienne de l'incrimination  Ce genre d'infractions était connu déjà du droit romain qui le
désignait du nom de péculat (peculatus) et le frappait du bannissement, puis, plus tard, de la déportation
dans les mines.

Le terme romain passa, avec l'incrimination elle-même, dans l'ancien droit français. Mais, à en croire
certains auteurs, la notion s'y était élargie au point d'englober, à côté du vol ou de la dissipation des deniers
publics commis par des comptables ou ordonnateurs, certaines formes de faux-monnayage, ainsi que le vol
de choses dépendant du domaine royal et les atteintes, quels qu'en fussent les auteurs, aux domaines ou
aux chemins royaux.

Pris dans le sens étroit qu'il a encore, dans le droit pénal moderne, le péculat fut une des plaies les plus
fréquentes et les plus indéracinables de l'administration financière de l'Ancien régime : de nombreuses
déclarations et ordonnances royales essayèrent, sans succès, de lutter contre ce mal et l'on vit alterner les
plus extrêmes rigueurs (mort par pendaison) avec une indulgence excessive et découragée. De hauts
personnages, depuis le Moyen Âge jusqu'au XVIIIe siècle, ont été poursuivis pour ce crime : Enguerrand de
Marigny, Jacques Cur, Samblançay, le Chancelier Poyet, Fouquet, sont les plus connus (le premier et le
troisième furent pendus).

3.  Textes révolutionnaire et napoléonien  Le Code pénal de 1791 ne conservera pas le terme de


péculat, qui a totalement disparu du vocabulaire juridique. Mais il consacre à la matière deux dispositions
distinctes (2e Partie du code, Titre II, section V, art. 11 et 12) en raison de la différence des pouvoirs que les
coupables possédaient sur les choses reçues : l'article 11 frappait le fonctionnaire qui avait détourné des
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fonds publics reçus à titre d'impôt et dont il était tenu comme comptable, tandis que l'article 12 punissait le
fonctionnaire ou l'officier public qui avait détourné ou soustrait des deniers, effets, actes, pièces ou titres
reçus en sa qualité de dépositaire et qu'il avait pour mission de restituer au déposant ou de transmettre à
autrui.

Cette distinction, pourtant très claire, entre les comptables et les dépositaires publics ne fut pas retenue par
les rédacteurs du Code pénal de 1810, qui lui substituèrent trois groupes de dispositions qui, parfois, se
chevauchaient, provoquant des cumuls de qualifications et rendant difficile l'interprétation des textes.
L'article 173 réprimait les détournements, soustractions, destructions et suppressions d'actes ou de titres par
des juges administrateurs ou fonctionnaires qui en étaient les dépositaires. Les articles 254 et 255 frappaient
les soustractions et destructions de pièces, registres, actes ou effets placés dans des archives, greffes et
dépôts publics, en distinguant selon que l'auteur était un fonctionnaire ou un tiers quelconque et, distinction
se superposant à la précédente, selon que les faits étaient dus à des agissements intentionnels du
fonctionnaire ou à sa négligence. Enfin les articles 169 à 172 incriminaient les détournements et
soustractions de deniers, titres ou effets commis par des dépositaires ou comptables publics. À ces divers
agissements délictueux, le code attachait tantôt des peines criminelles (C. pén., art. 169, 170, 173 et 255
anciens), tantôt des peines correctionnelles (C. pén., art. 171 et 254).

4.  Conception du Code pénal actuel  Les textes promulgués en 1992 sont d'une bien meilleure tenue :
leur rédaction a été simplifiée et les cumuls de qualifications ont disparu.

En une formulation unifiée, l'article 432-15 regroupe les incriminations précédemment dispersées dans les
articles 169 à 172, 173 et 255 (al. 2) : est désormais puni des peines toujours correctionnelles le fait, par une
personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, ou par un comptable
public ou un dépositaire public, de détruire, détourner ou soustraire des deniers publics ou privés, des actes,
titres, effets mobiliers ou autres objets qui se trouvaient entre ses mains en raison de ses fonctions ou de sa
mission.

Inspiré de l'article 254 ancien, l'article 432-16 frappe la négligence imputable à l'une ou à l'autre de ces
mêmes personnes, lorsque cette négligence entraîne la destruction, le détournement ou la soustraction, par
un tiers, d'un des biens visés à l'article précédent.

Quant aux faits de destruction, détournement ou soustraction dont des tiers se rendent coupables et que
réprimait autrefois l'article 255 (al. 1er), ils sont l'objet d'une incrimination spéciale contenue dans
l'article 433-4, inséré au chapitre III, qui concerne les Atteintes à l'administration commises par des
particuliers. Cette disposition est examinée dans un autre fascicule (V. JCl. Pénal Code, Art. 433-4 ).

5.  Plan  Bien qu'elles présentent des points communs, les incriminations figurant dans les articles 432-15
et 432-16 présentent, chacune, des traits originaux qu'il importe de mettre en relief. C'est pourquoi, dans les
lignes qui suivent et pour respecter ces aspects originaux, on distinguera l'infraction réprimée par
l'article 432-15 et l'infraction réprimée par l'article 432-16.

I. - Délit de l'article 432-15 du Code pénal

A. - Nature juridique du délit

6.  Conception fondée sur la protection des intérêts financiers de la collectivité  Les détournements
ou destructions commis par des fonctionnaires, comptables ou dépositaires publics peuvent être envisagés,
dans une première optique, comme constituant une atteinte aux intérêts pécuniaires ou financiers de l'État
ou de la collectivité publique. Ils prennent alors place aux côtés du faux-monnayage, des atteintes au crédit
de la Nation, des infractions fiscales ou douanières, du favoritisme et d'autres infractions du même ordre.

Si l'on admet ce point de vue, il ne peut être question d'étendre l'incrimination aux détournements,
dissipations ou destructions qui porteraient sur les fonds ou des biens privés, même s'ils lui ont été confiés
en raison de la confiance particulière suscitée par les fonctions qu'exerce le coupable ; il y a seulement vol
ou abus de confiance ordinaire. En revanche, l'infraction peut être aisément retenue contre tous ceux qui,
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même sans être chargés d'une fonction officielle de gestion des biens de l'État ou de la collectivité publique,
dissiperaient ou soustrairaient ceux-ci : fonctionnaires et tiers sont alors également visés.

Cette manière de voir, qui fut celle de l'Ancien droit, se rattache aux conceptions patrimoniales que l'époque
royale se faisait du pouvoir. Mais elle est actuellement dépassée et ne peut plus être consacrée à titre
principal ; toutefois, elle n'est pas sans avoir laissé des traces dans la répression contemporaine.

7.  Conception fondée sur l'obligation de probité imposée aux personnes exerçant une fonction
publique  Un autre système prévaut, qui voit dans l'infraction, principalement, une atteinte à l'obligation de
probité dont tout fonctionnaire est tenu envers la collectivité publique qui l'emploie et, indirectement, une
violation de la confiance que les particuliers sont fondés à mettre dans chacun des représentants du pouvoir,
en raison des fonctions qu'il exerce. L'infraction est alors un délit de fonction, un abus de pouvoir, et cette
analyse entraîne deux conséquences.

Sur le plan de la technique législative, il est logique de placer l'infraction dont il s'agit dans le chapitre
réprimant tous les agissements dirigés contre l'administration publique et imputés à des personnes exerçant
des fonctions publiques (concussion, corruption, abus d'autorité, etc.) : c'est ce qu'a fait, très exactement et
très logiquement, le Code pénal actuel.

D'autre part, supposant la violation de l'obligation de probité à laquelle est tenu le fonctionnaire et de la
confiance dont il jouit, l'infraction de l'article 432-15 est une sorte d'abus de confiance aggravé par la qualité
du prévenu : en conséquence, pour l'interprétation de certains des termes employés par le texte légal, il est
possible de se référer aux solutions admises en matière d'abus de confiance, par exemple pour expliciter le
mot "détournement", employé dans l'une et l'autre incrimination.

8.  Variantes possibles de la seconde conception  Le Code pénal de 1810 et le code actuel se


rattachent très certainement à la seconde conception qui vient d'être exposée. Mais des variantes sont
possibles, qui entraînent dans le détail des résultats différents.

On peut d'abord distinguer selon que les sommes ou objets détournés appartiennent à une collectivité
publique ou à un particulier et estimer que le fonctionnaire coupable doit être frappé plus sévèrement dans le
premier cas que dans le second. Mais on peut aussi ne pas retenir ce point de vue, encore lié à l'idée de
délit contre les intérêts patrimoniaux de l'État, et rejeter toute distinction de cet ordre : ainsi en va-t-il du droit
français moderne, puisque l'article 432-15, comme le faisait déjà l'article 169, frappe le coupable "qui aura
détourné ou soustrait des deniers publics ou privés..." et ne fait pas varier les pénalités selon la nature,
publique ou non, des choses détournées.

Il est également possible d'établir une distinction selon le titre auquel le fonctionnaire public reçoit l'objet qu'il
détourne ensuite. Ainsi le code de 1791 prévoyait des peines différentes selon que le fonctionnaire était
comptable (les sommes étaient reçues à titre d'impôt) ou au contraire dépositaire (chargé, en cette qualité,
de conserver, de transmettre ou de rendre). Mais le Code pénal actuel, pas plus que le code de 1810,
n'attache plus, à cette distinction, des conséquences particulières.

9.  Division  Après ces précisions techniques, il importe de présenter successivement les conditions
préalables du délit de l'article 432-15, puis ses éléments constitutifs et enfin les règles relatives à sa
répression.

B. - Conditions préalables du délit

10.  Énumération des composantes du délit  Quatre composantes apparaissent dans la structure de
l'infraction : la qualité du prévenu, agent de l'autorité publique,  l'objet sur lequel a porté son activité
infractionnelle,  les agissements qui lui sont reprochés,  enfin l'élément moral, non spécialement visé par
l'article 432-15 mais exigé par l'article 121-3 du Code pénal, pour lequel tout crime et tout délit correctionnel
sont en principe intentionnels.

Les deux premières de ces composantes sont intrinsèquement neutres et sont par conséquent très
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précisément des conditions préalables, cadre obligé de l'infraction et qui seront logiquement examinées en
priorité dans cette subdivision.

1° Qualité de l'auteur du délit

11.  Code pénal ancien et Code pénal actuel  Dans le Code pénal de 1810, la liste des personnes
auxquelles pouvait être reproché un détournement des biens reçus en raison de leurs fonctions comprenait
les percepteurs et commis de perception, ainsi que les dépositaires et comptables publics (C. pén., art. 169
ancien), puis les juges, administrateurs, fonctionnaires et officiers publics (art. 173 ancien), enfin les
greffiers, archivistes et notaires, regardés comme des dépositaires publics (art. 254 ancien).

Cette énumération composite révélait chez les diverses personnes visées une caractéristique commune,
celle de fonction publique dont le coupable était investi et dont il avait méconnu les exigences qu'elle lui
imposait. Cette conception ressortait nettement des travaux préparatoires du code ancien (V. Les indications
présentées par É. Garçon, Code pénal annoté par M. Rousselet, M. Patin et M. Ancel, art. 169 à 172, n° 10 :
Sirey, 2e éd.). De son côté et à propos de l'article 169, la jurisprudence avait plus d'une fois rappelé cette
exigence que la personne poursuivie fût chargée d'exercer une fonction publique (Cass. crim., 11 déc. 1952 :
Bull. crim. 1952, n° 299.  Cass. crim., 19 janv. 1956 : Bull. crim. 1956, n° 80.  Cass. crim., 23 févr. 1966 :
Bull. crim. 1966, n° 67 ; Rev. sc. crim. 1966, p. 614, obs. L. Hugueney.  Cass. crim., 24 juin 1987,
n° 87-82.333 : JurisData n° 1987-001479 ; Bull. crim. 1987, n° 267 ; JCP G 1987, IV, 302 ; Rev. sc. crim.
1988, p. 293, obs. J.-P. Delmas Saint-Hilaire).

L'actuel article 432-15 s'exprime autrement et vise : les personnes dépositaires de l'autorité publique, les
personnes chargées d'une mission de service public, les comptables publics, les dépositaires publics et leurs
subordonnés. Mais, avec certaines expressions nouvelles dont il faudra préciser le sens, il n'est pas très
éloigné de la formulation employée par l'ancien code. Après avoir explicité les termes utilisés par le texte
légal, sera envisagé le problème que fait naître la nullité ou l'irrégularité de l'acte qui a investi de ses
fonctions l'individu poursuivi.

a) Liste des personnes énumérées par l'article 432-15 du Code pénal

1) Comptables et dépositaires publics

12.  Définitions  Des quatre expressions figurant dans l'article 432-15, les deux dernières sont les plus
précises ; il est donc logique de commencer par elles le commentaire du texte.

Est comptable public tout fonctionnaire ou agent public procédant au nom de l'État, d'une collectivité
publique ou d'un établissement public, à toutes opérations de recettes, dépenses ou maniement de titres,
fonds ou valeurs. Cette qualité doit être reconnue à la fois aux "comptables-deniers" et aux
"comptes-matières".

De son côté, l'expression dépositaire public désigne la personne qui reçoit et gère des sommes ou des
matières qui lui sont confiées en vertu d'un titre légal et comme le disait le Code de 1791, par l'effet d'une
sorte de confiance nécessaire. Ainsi la qualité de dépositaire public a été reconnue à un organisme chargé
de la destruction de billets de banque retirés de la circulation et dont les employés avaient détourné certains
de ces billets et ont été condamnés en application de l'article 432-15 (Cass. crim., 29 mars 2000,
n° 98-87.855 : Bull. crim. 2000, n° 144 ; D. 2001, somm. p. 2354, obs. M. Segonds ; Dr. pén. 2000, comm.
96, obs. M. Véron). Mais un maire n'a pas la qualité de dépositaire public et les soustractions qui lui sont
imputées n'entrent pas dans les prévisions de l'article 169 du Code pénal ancien applicable aux faits (Cass.
crim., 19 juin 2002, n° 01-84.116 : JurisData n° 2002-015538.  CA Paris, 4 juin 2004, n° 02/10956 :
JurisData n° 2004-250299). Les contours de la notion de dépositaire public sont vagues et il n'est pas
toujours facile de la distinguer de la notion de comptable public ; les tribunaux eux-mêmes ne prennent pas
toujours soin de rattacher l'agent poursuivi à l'une ou l'autre catégorie, ainsi qu'on le verra par les exemples
tirés des applications du Code ancien, mais qui ont gardé leur autorité.

L'article 432-15 mentionne en outre les "subordonnés" des deux catégories précédentes. Cette expression
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englobe en premier lieu toutes les personnes nommées par l'autorité publique comme auxiliaires des
comptables et dépositaires publics et qui ont elles-mêmes la qualité de fonctionnaires (l'ancien article 169 y
faisait allusion en visant les commis des percepteurs). Il faut aller plus loin et regarder actuellement comme
des subordonnés au sens du texte examiné les employés privés dont certains percepteurs ou dépositaires
publics utilisent les services et qu'ils rémunèrent personnellement ; la jurisprudence ancienne leur déniait
tout caractère officiel et, en cas de détournement, leur appliquait les peines du vol ou de l'abus de confiance,
et non les pénalités plus sévères de l'article 169 (Cass. crim., 5 août 1825 : Bull. crim. 1825, n° 147.  Cass.
crim., 30 juin 1898 : Bull. crim. 1898, n° 235.  Cass. crim., 19 janv. 1956 : Bull. crim. 1956, n° 80.  Dans le
même sens, pour les personnes employées à titre privé par des greffiers, Cass. crim., 14 mars 1935 : Gaz.
Pal. 1935, 1, p. 909).

Mais cette solution restrictive doit être maintenant écartée : l'expression "subordonné", volontairement large,
ne fait aucune distinction selon le statut, public ou privé, de la personne visée et l'article 432-15 doit lui être
appliqué dès lors qu'elle est soumise à l'autorité d'un comptable public ou d'un dépositaire public. Ont été
considérés comme subordonnés des employés, ayant un statut de droit privé, de l'Institut d'émission des
départements d'outre-mer (Cass. crim., 29 mars 2000, n° 98-87.855, préc.) ou encore une femme agent
détaché du Trésor public, chef du service des finances d'une mairie mais ne disposant pas de la signature,
ayant pour fonction d'établir et de gérer le budget communal, de préparer et de déclencher les opérations de
liquidation des factures d'entreprises pour lesquelles elle contrôlait l'établissement des bordereaux de
mandats ainsi que les mandats de paiement concernés (Cass. crim., 2 déc. 2009, n° 09-81.967 ; JurisData
n° 2009-050884 ; Bull. crim. 2009, n° 204 ; Dr. pén. 2010, comm. 39, obs. M. Véron ; Rev. trim. dr. com.
2010, p. 441, obs. B. Bouloc ; Rev. sc. crim. 2010, p. 863, obs. C. Mascala ; Procédures 2010, comm. 100,
obs. J. Buisson).

13.  Applications pratiques : agents des administrations fiscales  Lorsque, sous l'empire du Code
ancien, des agents du fisc étaient poursuivis pour détournement de fonds publics, la Cour de cassation
distinguait, pour l'application des articles 169 et 173, selon le rôle joué par les intéressés.

Quand les fonctionnaires des impôts assumaient le rôle de comptables publics, c'est à l'article 169 qu'il était
fait appel pour frapper les détournements commis sur les fonds se trouvant entre leurs mains.

Ce texte a été par exemple appliqué :

 aux receveurs particuliers des finances (Cass. crim., 24 juin 1847 : Bull. crim. 1847, n° 137 ;
S. 1847, 1, p. 700) ;
 aux receveurs des domaines et aux conservateurs des hypothèques (Cass. crim., 23 févr.
1861 : Bull. crim. 1861, n° 43) ;
 aux agents des contributions indirectes (Cass. crim., 2 mars 1934 : Bull. crim. 1934, n° 64. 
Cass. crim., 14 juin 1961 : Bull. crim. 1961, n° 294) ;
 à un inspecteur central du Trésor, affecté à la trésorerie d'un centre hospitalier régional (Cass.
crim., 23 févr. 1966, cité supra n° 11 ) ;
 à un "agent spécial" (terme employé dans les territoires d'outre-mer pour désigner certains
comptables ou percepteurs) qui était chargé de gérer la caisse de la résidence des
Nouvelles-Hébrides (Cass. crim., 6 avr. 1911 : Bull. crim. 1911, n° 296.  Comp. Cass. crim.,
14 mai 1957 : Bull. crim. 1957, n° 398).

En revanche, la chambre criminelle appliquait l'article 173 et tenait, non pour des comptables publics, mais
pour des dépositaires publics, les membres des administrations fiscales qui détournaient des fonds ou des
valeurs qui leur avaient été remis seulement pour qu'ils en assurent la transmission, et non pas à titre de
perception reçue en raison des fonctions (É. Garçon, op. cit., art. 173, n° 7.  Cass. crim., 18 nov. 1873 :
Bull. crim. 1873, n° 275.  Cass. crim., 14 févr. 1957, sol. implicite : Bull. crim. 1957, n° 152 ; D. 1957, jurispr.
p. 318 ; JCP G 1957, IV, 46).

Cette distinction faite par la jurisprudence avait de l'importance sous l'empire de l'ancien Code pénal puisque
les peines, toujours criminelles dans le cadre de l'article 173, étaient tantôt criminelles, tantôt
correctionnelles selon l'importance des sommes détournées dans le cadre de l'article 169. Elle a perdu son
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intérêt pratique avec le Code pénal actuel, puisque l'article 432-15 met sur le même plan les comptables
publics et les dépositaires publics ; l'erreur qui serait commise en confondant l'une et l'autre qualification
n'aurait qu'une signification purement théorique. Retenons donc que l'article 432-15 s'applique aux agents
des impôts sans distinguer selon la nature de leur intervention. Et il en va de même pour les agents des
Douanes (V. ainsi Cass. crim., 12 déc. 2007, n° 07-82.008 : JurisData n° 2007-042298).

14.  Applications pratiques : agents de la Poste et des télécommunications  La même distinction


était faite autrefois, pour l'application des articles 169 et 173 du Code de 1810, à l'égard des agents des
PTT.

Le premier de ces textes était retenu lorsque ces agents, investis du rôle de comptables publics, avaient
par exemple détourné les sommes perçues en paiement des taxes postales (Cass. crim., 11 sept. 1924 :
S. 1925, 1, p. 92, note anonyme critique.  Cass. crim., 19 janv. 1960 : Bull. crim. 1960, n° 26.  Cass. crim.,
30 mai 1960 : Bull. crim. 1960, n° 299), ou s'étaient appropriés tout ou partie des mandats qu'ils étaient
chargés de payer (Cass. crim., 18 juill. 1918 : Bull. crim. 1918, n° 160.  CA Douai, 5 janv. 1950 : D. 1950,
jurispr. p. 182 ; S. 1950, 2, p. 126), ou avaient conservé indûment des sommes qui leur avaient été remises
par erreur par des particuliers souscrivant des mandats (Cass. crim., 23 oct. 1958 : Bull. crim. 1958, n° 650 ;
Gaz. Pal. 1959, 1, p. 40).

À l'inverse, la jurisprudence faisait appel à l'article 173 lorsque les agents des postes détournaient des fonds,
titres ou valeurs qui leur avaient été confiés en leur qualité de dépositaires, chargés seulement d'en assurer
la transmission ; ainsi en avait-on jugé pour des facteurs des PTT (Cass. crim., 14 juill. 1850 : Bull. crim.
1850, n° 198.  Cass. crim., 19 sept. 1872 : Bull. crim. 1872, n° 240.  Cass. crim., 20 oct. 1929 : Bull. crim.
1929, n° 233.  Cass. crim., 3 janv. 1947 : Bull. crim. 1947, n° 9 ; D. 1947, jurispr. p. 117 ; Rev. sc. crim.
1947, p. 226, obs. L. Hugueney), pour la directrice d'un bureau de poste (Cass. crim., 19 janv. 1855 : Bull.
crim. 1855, n° 16 ; S. 1855, 1, p. 151) et pour un employé surnuméraire (Cass. crim., 15 oct. 1853 : Bull.
crim. 1853, n° 518).

Là encore, l'article 432-15 s'appliquera aux fonctionnaires de la Poste et des télécommunications, sans
distinguer selon la qualité de comptable ou celle de dépositaire, que le texte met maintenant sur le même
plan : une confusion commise entre l'une et l'autre qualité serait sans importance.

Ainsi a pu être condamnée une receveuse de poste qui avait détourné des bons du Trésor et des titres de
capitalisation au préjudice de clients de la poste (CA Paris, 25 mars 2003, n° 02/06073 : JurisData
n° 2003-218796).

15.  Applications pratiques : agents d'autres administrations  L'article 169 avait été appliqué
précédemment, et l'article 432-15 le serait semblablement :

 au chef d'un cabinet ministériel qui avait détourné des fonds publics dont la Cour des comptes
venait de le déclarer comptable de fait (Cass. crim., 7 nov. 1991, n° 91-84.717 : JurisData
n° 1991-003284 ; Bull. crim. 1991, n° 401 ; Gaz. Pal. 1992, 1, somm. p. 102 et 103) ;
 à un agent communal, à qui était imputé d'avoir facilité des substitutions de documents dans
des enveloppes déposées en mairie et contenant des offres pour des marchés de travaux
publics, enveloppes dont il était dépositaire public (Cass. crim., 19 févr. 1998, n° 96-83.423 :
JurisData n° 1998-001044 ; Bull. crim. 1998, n° 74) ;
 à un agent de service d'un tribunal de grande instance qui avait soustrait, dans le local affecté
au dépôt des scellés ou des pièces à conviction, de l'argent et des armes saisis à l'occasion de
procédures criminelles (Cass. crim., 19 oct. 1993, n° 93-83.225 : JurisData n° 1993-002195 ;
Bull. crim. 1993, n° 297 ; Dr. pén. 1994, comm. 32, obs. M. Véron) ; pour l'application de
l'article 432-15, actuel, cet agent de service devrait être qualifié exactement de subordonné
d'un dépositaire public, en l'espèce le greffier en chef du tribunal ;
 à l'économe d'un collège (Cass. crim., 4 sept. 1835 : Bull. crim. 1835, n° 344), d'un lycée
(Cass. crim., 14 mai 1870 : Bull. crim. 1870, n° 107) ou d'une école normale (Cass. crim.,
18 août 1876 : Bull. crim. 1876, n° 191) ;
 au receveur d'un hôpital ou d'un hospice (Cass. crim., 20 juin 1842 : Bull. crim. 1842, n° 169 ;
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S. 1842, 1, p. 857) ;
 à un entreposeur de tabacs, c'est-à-dire à un fonctionnaire préposé à la garde et à la vente, à
des débitants, des produits de la Régie des tabacs (Cass. crim., 9 janv. 1852 : Bull. crim. 1852,
n° 6 ; DP 1852, 1, p. 63 ; S. 1852, 1, p. 274) ;
 au directeur de la fabrication des monnaies (Cass. crim., 21 mars 1879 : Bull. crim. 1879,
n° 70 ; DP 1891, 1, p. 670 ; S. 1881, 1, p. 287) ;
 au piqueur des Ponts et chaussées (agent nommé par le préfet) qui avait détourné l'argent
reçu d'une caisse publique et dont il devait faire la distribution à des ouvriers (Cass. crim.,
29 avr. 1825 : Bull. crim. 1825, n° 86).

Enfin l'article 432-15 a été appliqué à un régisseur municipal de recettes (Cass. crim., 30 janv. 2002,
n° 01-83.929).

Note de la rédaction  Mise à jour du 06/06/2017

15 . - Applications pratiques : agents dautres administrations

larticle 432 15 du Code pénal, s'applique au directeur dune agence de la Banque postale, qui, à ce titre,
veille à laccomplissement de la mission de service public daccessibilité bancaire définie par la loi.
Justifie en conséquence sa décision larrêt qui condamne, sur le fondement de ce texte, un directeur
dagence postale après avoir relevé quil avait détourné des fonds déposés dans lagence, peu important
que les détournements naient pas été commis à loccasion de lexécution de la mission daccessibilité
bancaire dont il était investi (Cass. crim., 20 avr. 2017, n° 16-80.091 : JurisData n° 2017-007241 ; JCP G
2017, 527, J.-M. Brigant).

16.  Applications pratiques : militaires  Au XIXe siècle, l'article 169 du Code pénal ancien avait été
appliqué à des militaires ou préposés de l'administration militaire, regardés comme des comptables ou des
dépositaires publics, parce que chargés du maniement des fonds ou de la garde de dépôts ou de magasins
de l'armée (Cass. crim., 14 sept. 1854 : Bull. crim. 1854, n° 278 ; S. 1854, 1, p. 590 ; DP 1854, 1, p. 439. 
Cass. crim., 19 juin 1863 : Bull. crim. 1863, n° 170 ; DP 1863, 1, p. 183).

La même solution avait été exprimée par la loi du 9 mars 1928 qui avait inséré à cet effet un alinéa spécial
dans l'article 171 de l'ancien Code pénal. Elle a été finalement reprise par l'article 436 du Code de justice
militaire(rédaction L. n° 82-621, 21 juill. 1982 abrogé : JO 22 juill. 1982, p. 2318 et recodifié Ord.
n° 2006-637, 1er juin 2006 : JO 2 juin 2006, p. 8266.  V. C. just. mil., art. L. 322-13), aux termes duquel est
puni "le fait pour tout militaire, toute personne embarquée de dissiper ou détourner les armes, munitions,
véhicules, deniers, effets et autres objets qui lui sont remis pour le service ou à l'occasion du service" ; mais
ce texte rassemble, en une formulation unique, deux situations qu'il aurait fallu séparer nettement et dont la
première seule l'apparente au comptable public visé par l'article 432-15 :

 la situation du militaire qui détourne des deniers ou des matières dont il est comptable aux
termes des règlements militaires ;
 celle du militaire à qui l'on a confié des objets (uniforme, arme, etc.) pour les besoins du
service, mais qui n'en est pas comptable au sens des règlements militaires.

En application de l'ancien article 171 (al. 2), la Cour de cassation avait reconnu la qualité de comptable
public :

 à un capitaine de l'Administration au service de l'intendance (Cass. crim., 19 juin 1936 : Bull.


crim. 1936, n° 70 ; S. 1937, 1, p. 327) ;
 au lieutenant-colonel sous-directeur d'un atelier industriel de l'air (Cass. crim., 16 nov. 1955 :
Bull. crim. 1955, n° 485) ;
 à un officier d'Administration du service de santé (Cass. crim., 14 janv. 1958 : Bull. crim. 1958,
n° 51).
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Sous l'empire du présent Code pénal, a été condamné au titre de l'article 432-15 un militaire de la
gendarmerie, directeur du cercle mixte de la gendarmerie de la Réunion (Cass. crim., 5 mai 2010,
n° 09-85.755).

2) Personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public

17.  Définition des expressions légales  À l'imitation de nombreuses autres dispositions de l'actuel
Code pénal, l'article 432-15 étend son empire à deux catégories de personnes exerçant une fonction
publique et dont il faut préciser la signification.

Est une personne dépositaire de l'autorité publique tout individu titulaire d'un pouvoir de décision ou de
contrainte sur les personnes ou sur les choses, pouvoir dont il fait usage dans l'exercice des fonctions,
permanentes ou temporaires, dont il est investi par délégation de la puissance publique. La qualité de
personne chargée d'une mission de service public doit être reconnue à l'individu qui, sans avoir reçu un
pouvoir de décision ou de commandement dérivant de l'exercice de l'autorité publique, a pour rôle d'exercer
une fonction ou d'accomplir des actes dont la finalité est de satisfaire à un intérêt public.

Ces deux définitions ne s'appliquent cependant ici qu'en tenant compte de la spécificité de l'incrimination
contenue dans l'article 432-15 : ce texte en effet ne peut être retenu qu'à l'encontre des personnes qui
détiennent des fonds, titres, actes, pièces ou effets en vertu des fonctions dont elles sont investies ou de la
mission qu'elles accomplissent. Si donc une personne, bien que dépositaire de l'autorité publique ou chargée
d'une mission de service public, s'approprie des fonds, détruit ou soustrait un document ou un titre qui ne lui
avait pas été remis dans le cadre de ses fonctions ou de sa mission, mais dont elle s'était emparée
indûment, elle sera poursuivie pour vol (C. pén., art. 311-1) ou pour destruction d'objets appartenant à autrui
(C. pén., art. 322-1 à 322-4) et non pour violation de l'article 432-15.

Note de la rédaction  Mise à jour du 06/06/2017

17 . - Définition des expressions légales

L'article 432-15 du Code pénal relatif au détournement de fonds public a fait l'objet d'une question
prioritaire de constitutionnalité sur sa conformité aux principes constitutionnels, notamment du fait qu'il ne
détermine pas qui sont les personnes dépositaires de l'autorité publique visées par ce texte.
La chambre criminelle a jugé que la question posée ne présentait pas un caractère sérieux, dès lors que
la disposition légale critiquée est suffisamment claire et précise, notamment en ce qu'elle concerne la
qualité de dépositaire de l'autorité publique de l'auteur de l'infraction, dont le devoir de probité est en lien
direct avec les fonctions qui lui sont confiées, pour permettre leur interprétation, qui entre dans l'office du
juge pénal, sans risque d'arbitraire (Cass. crim., 20 mai 2015, n° 14-86.842 : JurisData n° 2015-011812).

18.  Personnes dépositaires de l'autorité publique : représentants du pouvoir politique et hauts


fonctionnaires  L'article 432-15 pourrait s'appliquer, sans difficulté, aux ministres et secrétaires d'État, aux
préfets et sous-préfets, aux présidents des conseils régionaux ou généraux, aux maires et adjoints, qui
détruiraient ou détourneraient des pièces ou des documents placés dans des dossiers dont ils auraient la
détention ou le maniement en raison de leurs fonctions (V. pour le principe de l'application de l'ancien
article 173 à un préfet de police, CA Paris, 13 déc. 1887 : S. 1887, 2, p. 81 ; DP 1888, 2, p. 57.  É. Garçon,
op. cit., art. 173, n° 9 et 28).

La jurisprudence récente offre plusieurs exemples : pour un maire, Cass. crim., 10 avr. 2002, n° 01-84.192. 
Cass. crim., 18 juin 2002, n° 00-86.272 : JurisData n° 2002-015370.  Cass. crim., 19 juin 2002,
n° 01-84.397 : JurisData n° 2002-015292 ; Bull. crim. 2002, n° 140 ; D. 2003, somm. 172, obs. M. Segonds.
 Cass. crim., 28 sept. 2004, n° 03-85.142, 01-86.048 : JurisData n° 2004-025411.  Cass. crim., 19 déc.
2012, n° 11-88.190 : JurisData n° 2012-029915 ; Bull. crim. 2012, n° 283 ; Dr. pén. 2013, comm. 36, obs.
M. Véron ; pour des maires successifs d'une même commune, Cass. crim., 17 nov. 2004, n° 03-84.992 :
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JurisData n° 2004-026322 ; pour un président de conseil général, CA Paris, 15 janv. 2001, n° 00/02450 :
JurisData n° 2001-141701.  CA Paris, 30 janv. 2002, n° 01/01551 : JurisData n° 2002-181300.  Cass.
crim., 4 mai 2006, n° 05-81.151 : JurisData n° 2006-033979 ; Bull. crim. 2006, n° 119 ; Rev. trim. dr. com.
2006, p. 925, obs. B. Bouloc ; pour le président de la collectivité territoriale de Tahiti (Cass. crim., 16 juin
2010, n° 09-86.558 : JurisData n° 2010-010046) et pour le président du conseil territorial de Saint-Pierre et
Miquelon, (Cass. crim., 22 févr. 2012, n° 11-81.476).

Il en irait de même pour les membres des cabinets ministériels, les directeurs et sous-directeurs des
ministères, des préfectures ou des services de l'État, ou encore pour les maires qui auraient détourné des
objets appartenant aux communes et qu'ils détiendraient en raison des fonctions d'autorité que leur
confèrent les textes relatifs à l'administration communale et qui leur imposent d'une façon générale d'assurer
la conservation et la gestion du patrimoine communal.

19.  Personnes dépositaires de l'autorité publique : magistrats  On étendra pareillement


l'article 432-15 aux magistrats (qu'il s'agisse des magistrats professionnels ou des membres non
professionnels des juridictions, tels que les juges des tribunaux de commerce, les conseillers prud'hommes,
les assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux ou des tribunaux pour enfants...) pour ce qui est des
pièces contenues dans les dossiers civils, pénaux ou administratifs qu'ils sont chargés de conserver et dont
ils ont le maniement, dès lors que ces documents sont nécessaires ou même simplement utiles dans les
dossiers en question.

20.  Personnes dépositaires de l'autorité publique : officiers publics et ministériels  L'article 432-15
s'applique aux officiers publics ou ministériels, par exemple aux notaires, huissiers, commissaires-priseurs,
greffiers titulaires de charges (du moins les greffiers des tribunaux de commerce, ceux des juridictions
judiciaires étant fonctionnaires), qui ont à la fois la qualité de comptables ou de dépositaires publics, et de
personnes dépositaires de l'autorité publique, selon que les détournements qu'on leur impute portent sur des
fonds qu'ils ont reçus à titre de droits ou de taxes par la volonté de la loi (les officiers ministériels sont alors
des comptables publics) ou sur des titres ou pièces qui leur ont été remis en raison de la confiance
particulière qu'on fait aux fonctions qu'ils exercent (ces officiers ont, en ce cas, la qualité de personnes
dépositaires de l'autorité publique). Il sera parfois difficile de bien distinguer ces deux qualités l'une de
l'autre, mais l'erreur commise n'aurait qu'une faible importance, puisque les mêmes peines sont prévues
pour les différentes personnes visées par l'article 432-15.

Sous l'empire de l'ancien Code pénal, ont été poursuivis :

 des notaires (Cass. crim., 12 juill. 1938 : Bull. crim. 1938, n° 179 ; Gaz. Pal. 1938, 2, p. 554. 
Cass. crim., 13 févr. 1985, n° 83-94.527 : JurisData n° 1985-700516 ; Bull. crim. 1985, n° 75. 
Cass. crim., 11 oct. 1994, n° 92-81.724 : JurisData n° 1994-002325 ; Bull. crim. 1994, n° 333 ;
Dr. pén. 1995, comm. 34, obs. M. Véron) ;
 un avoué (Cass. crim., 27 juin 1823, inédit) ;
 des huissiers et des commissaires-priseurs (Cass. crim., 18 déc. 1812 : D. 1812, 1, p. 248. 
Cass. crim., 2 mars 1827 : Bull. crim. 1827, n° 46.  Cass. crim., 28 mars 1856 : Bull. crim.
1856, n° 126 ; DP 1856, 1, p. 198.  CA Rouen, 5 déc. 1839 : S. 1842, 2, p. 69.  CA Bourges,
21 janv. 1853 : S. 1853, 2, 415 ; DP 1855, 2, p. 22) ;
 des greffiers (Cass. crim., 14 févr. 1846 : Bull. crim. 1846, n° 50 ; S. 1846, 1, p. 329 ; DP 1846,
1, p. 370.  Cass. crim., 26 févr. 1990, n° 89-82.282 : JurisData n° 1990-702421 ; Dr. pén.
1990, comm. 248, obs. M. Véron.  CA Riom, 17 janv. 1888 : Journ. Parquets 1888, 2, p. 90 et
la note) ;
 le secrétaire d'un tribunal de droit local à Madagascar, désigné pour percevoir le montant des
amendes et des droits de justice (Cass. crim., 10 déc. 1957 : Bull. crim. 1957, n° 817).

Sous l'empire du nouveau Code pénal ont été poursuivis deux greffiers associés de tribunaux de commerce
(Cass. crim., 20 avr. 2005, n° 04-84.917 : JurisData n° 2005-028291 ; Bull. crim. 2005, n° 140 ; Dr. pén.
2005, comm. 102, obs. M. Véron ; D. 2005, p. 2992, obs. C. Mascala ; AJP 2005, p. 238, obs. M. Redon ;
JCP G 2005, IV, 2354).

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21.  Personnes chargées d'une mission de service public  La qualité de personne chargée d'une
mission de service public, spécialement visée par l'article 432-15, est assez large pour permettre
d'atteindre maintenant des personnes à qui, jusqu'alors, avait été refusée la qualité de comptables publics ou
de dépositaires publics au sens de l'ancien article 169, ou en qui on refusait de voir des fonctionnaires
publics au sens de ce même article 169 ou de l'article 173.

On pourrait par exemple étendre l'article 432-15 :

 aux mandataires judiciaires, qui ont succédé aux syndics de faillite puis aux administrateurs
judiciaires et aux mandataires liquidateurs depuis les lois n° 85-99 du 25 janvier 1985 et
loisn° 2005-845 du 26 juillet 2005, alors que la jurisprudence avait refusé d'étendre à ces
syndics l'ancien article 169, au motif qu'ils n'avaient ni la qualité de comptable public, ni celle
d'officier public ou ministériel (Cass. crim., 29 oct. 1958 : D. 1959, somm. p. 47) ;
 ou au président d'une chambre des métiers qui détournerait les fonds dont il aurait pour rôle
d'assurer l'ordonnancement et le paiement : désigné par voie d'élection, ce personnage n'a pas
la qualité de fonctionnaire public, mais la chambre des métiers est un établissement public, ses
fonds sont des deniers publics reçus en dépôt, et le rôle assumé par le président est bien une
mission de service public (solution contraire avant 1992, le président n'ayant pas la qualité de
fonctionnaire public, Cass. crim., 24 juin 1987, n° 87-82.333 : JurisData n° 1987-001479 ; Bull.
crim. 1987, n° 267 ; JCP G 1987, IV, 302 ; Rev. sc. crim. 1988, p. 293, obs. J.-P. Delmas
Saint-Hilaire).

Ont été condamnés au titre de l'article 432-15 :

 un président de chambre de commerce et d'industrie, sa mission lui conférant la qualité


d'ordonnateur des dépenses de la chambre de commerce dont les ressources proviennent
essentiellement de fonds publics (Cass. crim., 27 nov. 2002, n° 02-81.252 : JurisData
n° 2002-017299) ;
 ou encore un président de conseil régional de notaires, établissement d'utilité publique, auquel
a été confié par le Conseil supérieur du notariat, également établissement d'utilité publique, la
mission d'intérêt général de faciliter l'obtention de stages aux futurs notaires, ce président étant
une personne chargée d'une mission de service public, peu important qu'il ne disposât pas
dans l'exercice de cette mission de prérogatives de puissance publique (Cass. crim., 21 sept.
2005, n° 04-85.056 : JurisData n° 2005-030059 ; Bull. crim. 2005, n° 233) ;
 le président du syndicat mixte d'un parc naturel régional dont les dépenses de fonctionnement
sont financées par l'office de l'environnement de la Corse, qui a accueilli un agent mis à
disposition au sein du syndicat mixte, dont la rémunération est retenue sur la dotation
budgétaire du syndicat mixte (Cass. crim., 30 mai 2001, n° 00-84.102 : JurisData
n° 2001-010343 ; Bull. crim. 2001, n° 137 ; Dr. pén. 2001, comm. 126, obs. M. Véron ; D. 2002,
somm. p. 1799, obs. M. Segonds ; Gaz. Pal. 2002, 2, somm. p. 1167, obs. Monnet) ;
 le directeur d'une maison de retraite qui a détourné des deniers publics au profit d'une
association (Cass. crim., 6 févr. 2008, n° 07-83.078 : JurisData n° 2008-043076) ;
 un instituteur, directeur d'un établissement sanitaire et social qui a détourné des fonds au
préjudice d'une association départementale de pupilles de l'enseignement public (Cass. crim.,
18 mai 2011, n° 10-81.045 : JurisData n° 2011-012320 ; Bull. crim. 2011, n° 101) ;
 un chef de service à EDF  contremaître chargé de la branche clientèle d'une agence  qui a
détourné du matériel qui lui avait été remis en raison de cette fonction (Cass. crim., 29 juin
2011, n° 10-86.771 : Gaz. Pal. 2011, 2, p. 3443, note E. Dreyer) ;
 le directeur d'un centre hospitalier, ordonnateur des dépenses, qui a majoré frauduleusement
le nombre d'heures de gardes et d'astreintes dues à des membres de son établissement (Cass.
crim., 19 mai 2010, n° 09-83.238 : JurisData n° 2010-009471 et Cass. crim. 24 oct. 2012,
n° 11-85.923).

3) Personnes exclues de la liste de l'article 432-15 du Code pénal

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22.  Limites nécessaires de l'article 432-15  Il importe de ne pas étendre l'application de l'article 432-15
à certaines personnes, soit parce que, malgré leur qualité de fonctionnaires publics, elles ne sont pas
chargées d'une mission de service public, ni ne possèdent la qualité de comptable ou dépositaire public au
sens qu'y attache ce texte, soit parce qu'à l'inverse, bien qu'exerçant des fonctions de comptables-deniers
ou de comptables-matières, elles ne sont pas des fonctionnaires et n'ont pas été nommées à ces fonctions
par une décision de l'autorité publique.

Quelques exemples, tirés de la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de l'actuel Code pénal,
illustreront ces limites posées à l'application de l'article 432-15.

23.  Absence de la qualité de comptable public  Il n'est pas possible de rechercher comme auteur de
l'infraction réprimée par l'article 432-15 (et autrefois par l'article 169), parce qu'il ne possède pas la qualité de
comptable public, l'agent d'une Administration qui serait étranger, par ses fonctions, au maniement de fonds
publics. Par exemple :

 la personne chargée d'assurer l'entretien des locaux de cette Administration et qui profiterait de
ses fonctions pour s'emparer de fonds placés dans les tiroirs d'un bureau ; ce geste
constituerait un vol (Comp. Cass. crim., 1er févr. 1856 : Bull. crim. 1856, n° 43 ; S. 1856, 1,
p. 548 ; DP 1856, 1, p. 176) ;
 l'employé ou le contremaître d'une manufacture des tabacs qui déroberait du tabac au
préjudice de l'État, car aucun texte ne lui a confié la garde ou la surveillance des tabacs (CA
Bourges, 23 janv. 1913 : S. 1913, 1, p. 172 et, sur pourvoi, Cass. crim., 21 mai 1913 : Bull.
crim. 1913, n° 263 ; S. 1915, 1, p. 27 ; DP 1915, 1, p. 39) ;
 le secrétaire de mairie qui détournerait des fonds, des meubles ou des marchandises au
préjudice de la commune (Cass. crim., 7 févr. 1929 : Bull. crim. 1929, n° 39) ;
 l'économe d'un hospice qui détournerait des fonds de l'établissement alors que les règles de la
comptabilité des hôpitaux et hospices font de l'économe seulement un comptable-matières
(Cass. crim., 7 févr. 1929, préc.).

24.  Absence de nomination par l'autorité publique  Bien qu'elles soient comptables des deniers ou
des matières qui leur sont confiés, certaines personnes échappent à l'application de l'article 432-15
(autrefois l'article 169) parce qu'elles ne sont pas nommées par une décision de l'autorité publique.

Cette solution a été affirmée autrefois par des arrêts qui ont gardé leur autorité dans le cadre du texte actuel.

Ainsi ont échappé aux foudres de l'article 169 :

 les employés et même les dirigeants d'une caisse d'épargne, simple établissement d'utilité
publique (CA Orléans, 26 nov. 1873 : S. 187, 2, p. 319) ;
 le chef de gare auquel n'est déléguée aucune portion de l'autorité publique et qui n'est que
l'agent d'une société commerciale (Cass. crim., 12 juin 1926 : Bull. crim. 1926, n° 159) ; la
solution demeure identique depuis la nationalisation des chemins de fer ; pareillement,
l'article 432-15 ne serait pas applicable aux agents des banques ou des industries
nationalisées, qui demeurent des entreprises commerciales ;
 le directeur d'un casino qui, avec la complicité des croupiers, aurait dissimulé une partie des
recettes de l'établissement, car un casino n'est pas autre chose qu'une entreprise commerciale
(Cass. crim., 5 déc. 1952 : S. 1953, 1, p. 57, note M.S.) ;
 l'enfant ou l'épouse d'un comptable public, qui soustrairait des deniers ou des matières confiés
au père ou au mari (Cass. crim., 9 juill. 1840 : D. 1840, 1, p. 371).

b) Irrégularités dans la situation de la personne poursuivie

25.  Nominations ou activités irrégulières  L'application de l'article 432-15 suppose-t-elle que la


personne poursuivie se soit trouvée dans une position régulière au regard de la législation régissant sa
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fonction ou sa mission ? Cette personne pourrait-elle soutenir avec succès que ces agissements échappent
au texte dont il s'agit, parce qu'elle avait été nommée irrégulièrement dans les fonctions ou dans la mission
dont elle a méconnu les exigences ?

Ce problème n'est pas propre à l'infraction étudiée présentement ; on le retrouve dans d'autres domaines du
droit pénal, chaque fois qu'un titre ou un acte, entaché d'irrégularité ou de nullité, forme l'un des éléments
constitutifs d'une infraction (V. M. Vasseur, Des effets en droit pénal des actes nuls ou illégaux d'après
d'autres disciplines : Rev. sc. crim. 1951, p. 1 s.).

Plus spécialement, pour la matière ici examinée, on est en présence de ce que l'on appelle souvent le
problème des fonctionnaires de fait (sur les fonctionnaires de fait, V. Rousseau, Essai d'une théorie
générale de la fonction et des fonctionnaires de fait : Thèse Lille, 1914.  Parotte, L'usurpation de fonctions
et la fonction de fait : Thèse Nancy, 1947.  A.-P. de Mirimonde, La Cour des comptes : 1947, p. 176 s. 
J. Magnet, Les gestions de fait : LGDJ 1998.  F. Schonberg, La comptabilité de fait : Thèse Montpellier,
1948).

Pour résoudre le problème posé, il est nécessaire de faire des distinctions selon les conditions dans
lesquelles la personne poursuivie a été amenée à gérer et, par la suite, à détourner des fonds sur lesquels
elle ne disposait d'aucun pouvoir officiel et régulier. Plusieurs hypothèses peuvent se présenter.

26.  Immixtion, par un simple particulier, dans la gestion de fonds publics  Il s'agit, en ce premier
cas, d'un individu qui, sans aucun titre, s'est emparé d'une fonction publique, remplaçant complètement le
titulaire ; ou bien encore, qui a dissimulé son action sous le couvert de l'action d'une autre personne (par
exemple la femme d'un comptable public ou le secrétaire particulier d'un maire a profité de sa situation pour
user des fonds ou des objets confiés au titulaire véritable de la fonction). Il n'est pas possible de faire
application, à ces prévenus, des dispositions de l'article 432-15 du Code pénal. Le coupable est un
usurpateur dont les agissements relèvent, à la fois de l'article 433-12 (usurpation de fonctions) et des
incriminations de faux, de vol, voire d'abus de confiance, selon la variété des situations qui peuvent se
présenter (V. supra n° 24 , pour le fils ou la femme d'un comptable public).

27.  Fonctionnaire dont la nomination est entachée d'irrégularité  À l'opposé de la situation


précédente, la personne poursuivie pour infraction à l'article 432-15 a bien été nommée dans les fonctions
de comptable public ou de dépositaire public, ou investie de la qualité de dépositaire de l'autorité publique ou
chargée d'une mission de service public. Mais l'acte qui l'a nommée est entaché de quelque irrégularité.
Cette situation a peut-être, sur le plan administratif, des effets particuliers, mais elle est sans conséquence
pour l'application de l'article 432-15. Le titre qui a investi l'agent de ses fonctions a les apparences de la
légalité, et cela suffit, en ce qui concerne le droit criminel, pour que cet agent soit assimilé à un fonctionnaire
régulièrement nommé (V. P. Conte, L'apparence en droit criminel : Thèse Grenoble, 1984, spéc. p. 71 s.). En
raison donc de cette apparence de légalité, une exception d'illégalité de la nomination de l'agent public ne
paralyse nullement le déroulement de l'instance pénale, une telle exception n'étant pas de nature à enlever
aux faits leur caractère délictueux et ainsi le juge répressif n'ayant aucune obligation de surseoir à statuer.
Sur la question voisine de l'éventuelle irrégularité d'une délégation de pouvoirs, la Cour de cassation a jugé
dans le même sens (Cass. crim., 20 déc. 2006, n° 06-86.505).

Ainsi constituerait un excès de pouvoir le refus d'un tribunal de prononcer la condamnation d'une jeune fille
commissionnée par l'administration des PTT, au prétexte que la commission était irrégulière parce que
l'intéressée n'avait pas atteint l'âge de dix-huit ans exigé par les règlements (Cass. crim., 12 oct. 1849 : Bull.
crim. 1849, n° 279 ; DP 1849, 5, p. 312).

Pareillement un secrétaire du tribunal de droit local, à Tananarive, ne pouvait invoquer l'irrégularité de sa


nomination à ces fonctions, dès lors qu'un arrêté de débet, qui n'avait fait l'objet d'aucun recours, l'avait
constitué comptable de fait envers le territoire (Cass. crim., 10 déc. 1957 : Bull. crim. 1957, n° 817).

De même, le commis des affaires civiles à Madagascar qu'un administrateur colonial avait chargé de
l'apurement des rôles des patentes, licences, etc., ne pouvait prétendre que l'emploi lui avait été confié

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incompétemment et en dehors des formes voulues, dès lors que la nomination avait les apparences de la
légalité (Cass. crim., 16 juill. 1908 : Bull. crim. 1908, n° 309 ; DP 1910, 5, p. 12).

Semblablement enfin, un inspecteur central du Trésor, qui avait reçu du trésorier principal des hospices dont
il était le subordonné délégation à l'effet de signer tous documents administratifs et comptables et
procuration pour effectuer toutes opérations sur le compte courant postal de son supérieur pris en sa qualité
de receveur des hospices, ne pouvait pas alléguer la prétendue irrégularité des actes qui avaient fait de lui le
fondé de pouvoir du trésorier principal (Cass. crim., 23 févr. 1966, cité supra n° 11 ).

28.  Fonctionnaire gestionnaire de fait de fonds publics  Assez proche du cas précédent est la
situation du fonctionnaire qui, sans avoir officiellement la qualité de comptable public ou de dépositaire
public, se trouve être en fait, détenteur de fonds publics qui passent entre ses mains et dont il a pour
fonction d'en régler l'attribution à divers organismes, publics ou privés.

Ici encore, en raison de la situation qui est ainsi créée, l'apparence doit être retenue contre lui, comme elle
l'a été dans l'hypothèse précédente.

En conséquence, s'il détourne à son profit personnel ou au profit de tiers, une partie des fonds dont il s'agit,
ce fonctionnaire doit être tenu pour un comptable ou un dépositaire de fait et il sera poursuivi en application
de l'article 432-15 (autrefois en application de l'article 169). On consultera en ce sens l'affaire de
l'Association "Carrefour du développement" dans laquelle Chalier, chef de cabinet du ministre de la
Coopération, a été poursuivi comme comptable de fait de deniers publics (Cass. crim., 7 nov. 1991,
n° 91-84.717 : JurisData n° 1991-003284 ; Bull. crim. 1991, n° 401 ; JCP G 1992, IV, 580 ; Gaz. Pal. 1992, 1,
somm. p. 102).

29.  Fonctionnaire qui s'est immiscé dans la gestion de fonds publics  Voici enfin une situation
délicate, dans laquelle une personne exerçant une fonction publique, mais n'ayant pas la qualité de
comptable ou de dépositaire public, a cependant profité de ses fonctions pour s'immiscer dans la gestion de
deniers ou de matières qui lui était totalement étrangère. Ici, il n'existe plus aucun titre, même apparent, qui
ait investi la personne poursuivie des fonctions de comptable : il n'y a pas titre nul, mais absence de titre et
l'apparence même fait défaut. Ainsi c'est un maire qui s'est ingéré dans la gestion des deniers appartenant à
la commune, et en a détourné à son profit. Peut-on encore le regarder comme un comptable de fait et lui
faire application de l'incrimination de l'article 432-15 du Code pénal ?

La réponse ne peut être que négative : l'apparence faisant défaut, ne trouveraient ici à s'appliquer que les
textes qui répriment le faux en écritures (C. pén., art. 441-1 à 441-12), l'immixtion dans des fonctions
publiques (C. pén., art. 433-12), le vol (C. pén., art. 311-1 à 311-11) ou l'abus de confiance (C. pén.,
art. 314-1 à 314-4).

2° Biens, objet du délit

30.  Distinction  Les biens sur lesquels porte l'infraction doivent être déterminés d'une double façon :
d'abord par leur nature, telle qu'elle se manifeste à travers l'énumération qu'en donne l'article 432-15 ;
ensuite par les pouvoirs dont bénéficie le prévenu, et qui résultent de la détention de ces biens en raison des
fonctions exercées ou de la mission confiée.

a) Nature des biens détournés

31.  Valeur ou absence de valeur des biens détournés  Dans les textes anciens apparaissait une
distinction. Pour la mise en uvre des articles 169 à 172, il était nécessaire que les objets détournés ou
soustraits eussent une valeur appréciable en argent : cette exigence ressortait à la fois de la fonction
comptable exercée par le coupable et du calcul de l'amende, dont le taux variait avec l'importance chiffrée
des choses détournées. Il en allait différemment pour les articles 173, 254 et 255, qui visaient des prévenus
n'ayant pas la qualité de comptables et ne faisaient nulle référence à l'évaluation pécuniaire des biens pour
fixer le taux de l'amende.

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Né de la fusion de ces différents textes, et s'appliquant à des personnes dont quelques-unes seulement sont
des comptables publics, l'article 432-15 n'accorde aucune importance à la valeur intrinsèque des objets sur
lesquels porte l'infraction.

32.  Actes et titres  Employant, comme ses prédécesseurs, la technique de l'énumération (complétée, il
est vrai, par une formule générale), le Code pénal actuel fournit une longue liste de choses sur lesquelles
porte l'activité infractionnelle du prévenu.

L'énumération légale vise en premier lieu les actes et les titres. L'article 432-15 envisage par là, à la fois :

 les différents écrits matérialisant les fonctions d'autorité de l'Administration (ainsi pour les
textes originaux des mesures administratives : décrets, arrêtés, circulaires, ou pour les pièces
constituant les dossiers des fonctionnaires eux-mêmes, ou constitués par des fonctionnaires
ou par des magistrats dans l'exercice de leurs fonctions) ;
 ou encore les écrits qui traduisent les relations juridiques qui se nouent entre les diverses
Administrations, ou entre les Administrations et les personnes morales ou physiques privées,
ou entre l'État lui-même et des autorités étrangères ;
 ou enfin les écrits émanant de simples particuliers mais confiés à des personnes dépositaires
de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public, ou à des comptables ou
dépositaires publics.

33.  Applications pratiques  En pratique, le texte examiné peut s'appliquer :

 aux archives d'une administration publique (Cass. crim., 25 oct. 1945 : Bull. crim. 1945, n° 98),
en observant toutefois que le détournement d'archives publiques commis, même sans intention
frauduleuse, par une personne lors de la cessation de ses fonctions, peut échapper à
l'application de l'article 432-15 si les conditions d'application de ce texte ne sont pas
réunies, mais relève alors de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives (JO 5 janv.
1979, p. 43), (art. 28, abrogé et codifié Ord. n° 2004-178, 20 févr. 2004(JO 24 févr. 2004,
p. 3707.  V. C. patr., art. L. 214-3, mod. par L. n° 2008-696 du 15 juill. 2008 : JO 16 juill. 2008,
p. 11322) ;
 aux pièces de la comptabilité d'un fonctionnaire des finances (Cass. crim., 25 juill. 1812,
inédit) ;
 aux pièces d'un dossier d'instruction préparatoire ou aux procès-verbaux classés dans un
commissariat de police (Cass. crim., 16 juill. 1948 : Bull. crim. 1948, n° 201) ;
 aux actes authentiques établis par des officiers publics ou ministériels (ainsi pour les registres
de l'état civil d'une mairie, CA Nancy, 23 déc. 1965 : JCP G 1967, II, 14949, note R.de
Lestang ; Rev. sc. crim. 1967, p. 653, obs. A. Vitu.  Pour les minutes d'une étude notariale,
Cass. crim., 26 nov. 1853 : Bull. crim. 1853, n° 559 ; S. 1854, 1, p. 345.  Cass. crim., 22 déc.
1953 : Bull. crim. 1953, n° 351) ;
 à des actes sous seing privé confiés à des notaires en vue de leur donner force authentique
(Cass. crim., 24 sept. 1818, inédit.  Adde, pour la destruction d'un compromis ayant servi de
base pour la rédaction d'un acte notarié de vente, Cass. crim., 11 oct. 1994, n° 92-81.724 :
JurisData n° 1994-002325 ; Bull. crim. 1994, n° 323 ; Dr. pén. 1995, comm. 34, obs. M. Véron ;
Rev. sc. crim. 1995, p. 584, obs. R. Ottenhof.  V. aussi CA Lyon, 3 nov. 1999 : n° 00-231 :
JurisData n° 1999-123654 ;
 à des mandats ou des bons au porteur insérés dans des lettres missives (Cass. crim., 29 sept.
1853 : Bull. crim. 1853, n° 487) ;
 à des titres de ravitaillement confiés à un facteur des PTT, lequel, chargé de les remettre à
des maires, les avait détournés à son profit (Cass. crim., 3 janv. 1947 : Bull. crim. 1947, n° 9 ;
D. 1947, jurispr. p. 117 ; Rev. sc. crim. 1947, p. 226, obs. L. Hugueney).

Mais il faut refuser d'aller plus loin. En particulier, il ne serait pas possible d'appliquer l'article 432-15 aux
simples lettres missives, qui ne contiendraient aucun document qu'on puisse appeler acte ou titre, faisant
preuve d'un droit quelconque : leur suppression, leur détournement, relèveraient d'autres dispositions
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pénales.

34.  Fonds publics ou privés  Par les mots "fonds publics ou fonds privés", il faut entendre les espèces
métalliques et les billets de banque, qu'ils appartiennent à l'État, à une autre collectivité publique ou à des
particuliers. Ainsi en irait-il pour des sommes d'argent déposées dans le local des scellés et pièces à
conviction d'un tribunal (Cass. crim., 26 nov. 1991, n° 91-81.795 : JurisData n° 1991-004023 ; Dr. pén. 1992,
comm. 117, obs. M. Véron.  Cass. crim., 19 oct. 1993, n° 93-83.225 : JurisData n° 1993-002195 ; Dr. pén.
1994, comm. 32, obs. M. Véron), ou pour des provisions déposées pour expertise au greffe d'un conseil de
prud'hommes (Cass. crim., 26 févr. 1990, n° 89-82.282 : JurisData n° 1990-702421 ; Dr. pén. 1990, comm.
248, obs. M. Véron), ou pour les billets de banque retirés de la circulation en vue de leur destruction, mais
qui gardent leur qualité de fonds publics tant que cette destruction n'a pas eu lieu (Cass. crim., 29 mars
2000, n° 98-87.855 : Bull. crim. 2000, n° 144 ; Dr. pén. 2000, comm. 96, obs. M. Véron ; D. 2001, somm.
p. 2354, obs. M. Segonds).

Sont des fonds publics des recettes générées par les encarts publicitaires placés dans un bulletin municipal
(CA Aix-en-Provence, 7 févr. 2001, n° 2001/121 : JurisData n° 2001-146323). Le texte est encore applicable
au détournement de fonds provenant d'une dotation budgétaire allouée par un Conseil régional de notaires
(Cass. crim., 21 sept. 2005, n° 04-85.056 : JurisData n° 2005-030059 ; Bull. crim. 2005, n° 233) ou de fonds
prélevés sur le budget d'une commune (Cass. crim., 28 sept. 2004, n° 03-85.142, n° 01-86.048 : JurisData
n° 2004-025411.  Cass. crim., 17 nov. 2004, n° 03-84.992 : JurisData n° 2004-026322) ou de fonds
déposés par des commerçants pour publication d'avis dans le Bulletin officiel des annonces civiles et
commerciales (Cass. crim., 20 avr. 2005, n° 04-84.917 : JurisData n° 2005-028291) ou de fonds prélevés sur
le budget d'une chambre de commerce et d'industrie (Cass. crim., 27 nov. 2002, n° 02-81.252 : JurisData
n° 2002-017299) ou de fonds prélevés sur une subvention accordée par l'Union européenne (Cass. crim.,
19 déc. 2012, n° 11-88.190 : JurisData n° 2012-029915 ; Bull. crim. 2012, n° 283 ; Dr. pén. 2013, comm. 36,
obs. M. Véron).

L'article 432-15 ajoute les effets, pièces ou titres en tenant lieu, expressions qui désignent toutes les
valeurs qui, directement ou indirectement, sont substituées à la monnaie (chèques, lettres de change, billets
à ordre, etc.), tous les actes ayant une valeur pécuniaire (par exemple un mandat de paiement), ainsi que,
dans le sens commercial du terme, les valeurs mobilières émises par les collectivités publiques ou les
sociétés privées (bons du Trésor, actions, obligations, bons de caisse, etc. ; V. ainsi pour des bons du
Trésor et des titres de capitalisation déposés à la poste par des clients, CA Paris, 25 mars 2003,
n° 02/06073 : JurisData n° 2003-218796).

Note de la rédaction  Mise à jour du 06/06/2017

34 . - Fonds publics et privés

L'utilisation de subventions européennes obtenues en vue de la réalisation d'un projet déterminé pour le
règlement d'heures de travail consacrées à une autre activité constitue un détournement de fonds public.
Encourt en conséquence la cassation l'arrêt qui retient, sans tenir compte des audits, contrôles et enquête
effectuées, que les faits reprochés qui s'inscrivent dans un contexte d'importantes négligences
professionnelles et de climat social très dégradé ne caractérisent pas l'infraction poursuivie (Cass. crim.,
12 nov. 2015, n° 14-82.819, publié : JurisData n° 2015-025099).
À l'issue d'une information judiciaire portant sur les irrégularités affectant les conditions d'octroi et de
paiement de nombreux marchés de la ville de X... durant la période pendant laquelle M. Y était le maire,
M. B a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, notamment, pour des délits de recel des fonds
provenant de détournements de fonds publics commis par personne dépositaire de l'autorité publique, par
le non paiement des loyers dus, à la commune précitée, par la société V, dont il était le dirigeant. Il est
relaxé par la cour dappel en labsence détablissement du délit dorigine.
Ne caractérise pas les éléments constitutifs du délit d'origine de détournement des fonds publics par une
personne dépositaire de l'autorité publique pour avoir fait bénéficier du non paiement des loyers dus à la
commune par une société dont le prévenu était le dirigeant, la cour d'appel qui ne procède pas au constat
que le bénéfice du non paiement des loyers provenait d'un détournement opéré par cette personne, au
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titre de ses fonctions (Cass. crim., 8 mars 2017, n° 15-82.657 : JurisData n° 2017-003939).

35.  Autres objets  À l'énumération qu'il contient, l'article 432-15 ajoute enfin tout autre objet. Cette
expression a été préférée par les rédacteurs du nouveau code à celle d'effets mobiliers qu'utilisait l'ancien
article 169, mais elle a, comme celle-ci, une portée très générale en ce qu'elle désigne tous les biens
mobiliers qui peuvent être objets de dépôts ou d'une remise en raison des fonctions exercées : ainsi de
toutes les marchandises, denrées alimentaires, matières premières, fournitures quelconques (par exemple
les armes déposées dans le local des scellés et pièces à conviction d'un tribunal, Cass. crim., 19 oct. 1993,
cité supra n° 34 .  Les documents contenus dans des enveloppes déposées en mairie et contenant des
offres pour des marchés de travaux publics, Cass. crim., 19 févr. 1998, n° 96-83.423 : JurisData
n° 1998-001044 ; Bull. crim. 1998, n° 74.  Du matériel appartenant à EDF  compteurs électriques, coffrets,
trousse à outils, poteau électrique  (Cass. crim., 29 juin 2011, n° 10-86.771 ; Gaz. Pal. 2011, 2, 3443, note
E. Dreyer).  Les livres et les manuscrits d'une bibliothèque publique, Cass. crim., 5 août 1819 : Bull. crim.
1819, n° 87.  Les statues, tableaux et objets d'art exposés dans un musée, Cass. crim., 10 sept. 1840 : Bull.
crim. 1840, n° 262 ; S. 1841, 1, p. 164.  Les échantillons déposés aux fins d'analyses dans un laboratoire
officiel, CA Paris, 30 oct. 1885 : Gaz. Pal. 1885, 1, p. 647.  Les bouteilles de vin appartenant à un conseil
général (CA Paris, 27 févr. 2002, n° 01/00189 : JurisData n° 2002-181301). Des biens incorporels paraissent
même pouvoir être concernés, ainsi un code informatique qu'un employé d'EDF détourne de son utilisation
normale pour régulariser des branchements clandestins ; sans l'affirmer expressément, une décision n'exclut
pas cette analyse (Cass. crim., 29 juin 2011, préc.), devenue classique pour le délit voisin d'abus de
confiance.

Enfin les "comptables-matières" tout autant que les "comptables-deniers" sont visés, ainsi que l'ont montré
les exemples présentés à propos du premier élément du délit.

b) Détention des biens en raison des fonctions ou de la mission

36.  Critère des pouvoirs conférés par la détention des biens  Pour l'application de l'incrimination qu'il
contient, l'article 432-15 exige que les biens détournés se soient trouvés entre les mains du prévenu "en
raison de ses fonctions ou de sa mission". Pour savoir quand l'intéressé se trouve dans l'exercice de ses
fonctions ou l'accomplissement de sa mission, le seul critère possible est d'examiner les textes légaux ou
réglementaires qui déterminent les pouvoirs de la personne dont il s'agit, car c'est par eux que se précise le
contour exact des fonctions ou de la mission dont le titulaire a mésusé.

Il suit de là que, saisis d'une poursuite fondée sur la violation de l'article 432-15, les magistrats doivent
indiquer, dans leur décision, les fonctions exercées ou la mission confiée, et préciser si les fonds ou objets
détournés étaient venus entre les mains du prévenu en raison de ses fonctions ou de sa mission (Cass.
crim., 28 juill. 1958 : Bull. crim. 1958, n° 584). Divers exemples tirés de la jurisprudence ancienne, qui a
gardé sa valeur, permettent d'illustrer la notion d'exercice des fonctions et les cas où cet exercice est exclu.

37.  Exemples d'exercice des fonctions ou de la mission  L'article 169 ancien a par exemple été
appliqué :

 à l'huissier ou au commissaire-priseur qui avait détourné les fonds provenant d'une vente
publique à laquelle il ne pouvait être procédé que par son ministère (jurisprudence constante ;
V. notamment, Cass. crim., 2 mars 1827 : Bull. crim. 1827, n° 46.  Cass. crim., 28 mars 1856 :
Bull. crim. 1856, n° 126 ; DP 1856, 1, p. 198.  Cass. crim., 13 juin 1856 : Bull. crim. 1856,
n° 216 ; DP 1856, 1, p. 376 ; S. 1857, 1, p. 75) ;
 à un greffier de justice de paix poursuivi pour avoir détourné des sommes reçues pour le
paiement des droits d'enregistrement qu'il avait l'obligation d'acquitter au nom des justiciables
(Cass. crim., 14 févr. 1846 : Bull. crim. 1846, n° 50 ; DP 1846, 1, p. 370 ; D. 1846, 1, p. 319),
ou des sommes reçues pour l'acquittement des droits de mise au rôle (CA Riom, 17 janv.
1888 : Journ. Parquets 1888, 1, p. 90) ;
 à un receveur des postes qui conserve indûment une somme que lui a remise par erreur un
usager venu souscrire un mandat (Cass. crim., 23 oct. 1958 : Bull. crim. 1958, n° 650 ; Gaz.
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Pal. 1959, 1, p. 40 ; D. 1959, somm. p. 23) ;
 à un notaire chargé, par décision de justice, de liquider une succession et qui avait détourné
des fonds qui en provenaient : les articles 828 et suivants, et les articles 969 et suivants du
Code de procédure civile (ancien) rendaient en effet le ministère d'un notaire obligatoire en
pareil cas, et l'intéressé avait donc vocation légale à recevoir les fonds (Cass. crim., 12 juill.
1938 : Bull. crim. 1938, n° 179 ; Gaz. Pal. 1938, 2, p. 554).

Quant à l'article 432-15, il a par exemple été appliqué :

 à un président de syndicat mixte de parc naturel régional ayant financé un emploi fictif grâce à
la dotation budgétaire de ce syndicat mixte (Cass. crim., 30 mai 2001, n° 00-84.102 : JurisData
n° 2001-010343 ; Bull. crim. 2001, n° 137 ; D. 2002, somm. 1799, obs. M. Segonds ; Dr. pén.
2001, comm. 123, obs. M. Véron ; Gaz. Pal. 2002, 2, somm. p. 1167, obs. Monnet) ;
 à un maire, ordonnateur des dépenses de la commune en application de l'article L. 2122-21 du
Code général des collectivités territoriales, qui donne l'ordre de rémunérer avec l'argent public
du personnel travaillant pour le compte d'un syndicat (Cass. crim., 28 sept. 2004, n° 03-85.142,
n° 01-86.048 : JurisData n° 2004-025411) ;
 à deux greffiers associés de tribunaux de commerce ayant reçu des fonds de commerçants et
de sociétés pour publication d'avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales les
ayant détournés (Cass. crim., 20 avr. 2005, n° 04-84.917 : JurisData n° 2005-028291 ; Bull.
crim. 2005, n° 140 ; Dr. pén.2005, comm. 102, obs. M. Véron ; D. 2005, p. 2992, obs.
C. Mascala ; AJP 2005, p. 238, obs. M. Redon) ;
 au président d'un conseil régional des notaires ayant détourné des fonds que lui avait confiés
le Conseil supérieur du notariat pour faciliter l'obtention de stages aux futurs notaires (Cass.
crim., 21 sept. 2005, n° 04-85.056 : JurisData n° 2005-030059 ; Bull. crim. 2005, n° 233) ;
 à un maire ayant mis pendant de longs mois à la disposition d'un ami restaurateur une
photocopieuse communale (Cass. crim., 20 mai 2009, n° 08-87.354 : JurisData 2009-049043 ;
Dr. pén. 2009, comm. 138, obs. M. Véron) ;
 à un notaire, exécuteur testamentaire, qui, en présence de son clerc, a subtilisé, lors de
l'ouverture d'un coffre dans une banque, des bons du Trésor (Cass. crim., 9 mars
2011,n° 09-81.138 : JurisData n° 2011-006153) ;
 à un chef de service à EDF qui a détourné du matériel de cette société qui lui a été remis en
raison de cette fonction ou de cette mission, pour réaliser des branchements clandestins
(Cass. crim., 29 juin 2011, n° 10-86.771 : Gaz. Pal. 2011, 2, p. 3443, note E. Dreyer) ;
 au maire d'une commune ayant détourné des subventions accordées par l'Union européenne
et le conseil général pour l'exécution d'un programme interrégional franco-italien dont l'objet
était la promotion de la lecture chez les enfants et dont il était le coordinateur (Cass. crim.,
19 déc. 2012, n° 11-88.190 : JurisData n° 2012-029915 ; Bull. crim. 2012, n° 283 ; Dr. pén.
2013, comm. 36, obs. M. Véron) ;
 à une receveuse des postes ayant détourné des titres qui lui avaient été remis par des clients
de la poste (CA Paris, 25 mars 2003, n° 02/06073 : JurisData n° 2003-218796).

38.  Hypothèses étrangères à l'exercice des fonctions  Si les fonds ou les biens dissipés ou détournés
ont été remis au prévenu seulement à l'occasion de ses fonctions, par exemple à cause de la confiance qu'il
inspirait, ou en raison d'un empiètement commis par le prévenu sur les fonctions d'un autre, ou par suite
d'une erreur commise par le remettant ou provoquée intentionnellement dans son esprit, l'article 169 ancien
était écarté et l'article 432-15 actuel le serait également : il faudrait alors faire appel aux dispositions frappant
l'abus de confiance, en retenant contre le prévenu, malgré sa fonction de comptable public ou de dépositaire
public, la simple situation de mandataire privé, chargé de faire un usage déterminé des fonds que des
particuliers déposent entre ses mains.

Il en allait ainsi :

 pour le percepteur à qui l'on avait confié des titres de rente qui devaient être vendus par ses
soins (Cass. crim., 9 janv. 1909 : Bull. crim. 1909, n° 13) ;
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 pour l'huissier qui s'était approprié la somme qu'il avait reçu mission de percevoir "à titre de
mandataire" (Cass. crim., 13 sept. 1845 : Bull. crim. 1845, n° 290 ; D. 1846, 1, p. 124 ; S. 1846,
1, p. 158.  Cass. crim., 28 avr. 1859 : Bull. crim. 1859, n° 105.  Cass. crim., 15 déc. 1860 :
Bull. crim. 1860, n° 291 ; DP 1861, 5, p. 5) ;
 pour l'avoué qui avait détourné la somme perçue pour le compte de son client, à la suite d'une
transaction avec l'adversaire (Cass. crim., 21 avr. 1855 : Bull. crim. 1855, n° 138 ; DP 1855, 1,
p. 267 ; S. 1855, 1, p. 675) ;
 pour le greffier qui avait dissipé les sommes que les parties lui avaient remises pour payer les
amendes et les frais de justice auxquels elles avaient été condamnées (Cass. crim., 22 août
1846 : Bull. crim. 1846, n° 321 ; DP 1846, 1, p. 370 ; S. 1846, 1, p. 703) ;
 pour les maires qui, à la suite d'empiètements de fonction ou d'erreurs provoquées ou non,
détournent des matières premières ou des denrées alimentaires appartenant aux
communes, mais qu'aucun texte ne donnait, à ces magistrats, mission de recevoir ou de gérer
(Cass. crim., 20 juill. 1851 : Bull. crim. 1851, n° 273 ; D. 1852, 5, p. 291 ; S. 1852, 1, p. 156. 
Cass. crim., 23 mars 1921 : Bull. crim. 1921, n° 150).

C. - Éléments constitutifs du délit

39.  Terminologie fautive de l'article 432-15  Avant toute explication, il convient de souligner que
l'article 432-15 perpétue une erreur de terminologie qui, déjà, pouvait être relevée dans l'article 169 : il
incrimine en effet le fait... de détruire, détourner ou soustraire un acte.... Or il est certain que l'emploi du
mot "soustraire" est absolument inadéquat : la personne à qui les fonds, les titres ou actes ont été remis ne
peut pas se rendre coupable d'une soustraction, au sens précis que ce vocable revêt en droit pénal
moderne, puisqu'elle a déjà entre les mains les objets qu'elle s'approprie ; elle ne se met pas en possession
de ces objets contre le gré du propriétaire ou du possesseur légitime.

L'erreur commise était excusable en 1810, car le vocabulaire des criminalistes n'avait pas encore atteint la
précision qu'il a acquise par la suite : la soustraction, pour les rédacteurs du Code napoléonien, était encore
comprise comme dans tout acte de maître fait sur la chose d'autrui, selon l'interprétation large qui avait eu
cours chez les pénalistes de l'Ancien Régime. Mais il est inadmissible que l'erreur ait persisté dans le
nouveau Code pénal : il faut donc faire mentalement la correction nécessaire et tenir pour non écrit le mot
soustraction dans l'article 432-15.

40.  Élément matériel  L'article 432-15 met sur le même rang deux types d'agissements délictueux
constitutifs de l'élément matériel du délit : la destruction et le détournement.

La destruction englobe tout acte par lequel le coupable anéantit complètement le bien qui lui a été remis ;
par exemple il brûle, déchire, jette aux ordures telle pièce d'un dossier (Cass. crim., 11 oct. 1994,
n° 92-81.724 : JurisData n° 1994-002325 ; Bull. crim. 1994, n° 323 ; Dr. pén. 1995, comm. 34, obs.
M. Véron ; Rev. sc. crim. 1995, 584, obs. R. Ottenhof, destruction, par un notaire, d'un compromis qui avait
servi de base à la rédaction d'un acte authentique de vente), ou bien à l'aide d'un produit corrosif, il dénature
gravement les marchandises qu'on lui a confiées. La destruction doit être complète : une simple détérioration
qui n'enlèverait pas au titre ou à l'acte visé sa valeur probante ou marchande constituerait seulement la
tentative, d'ailleurs spécialement prévue par l'article 432-15 (al. 2). S'agissant de l'exemple précité du
notaire, la destruction de l'acte n'est pas punissable si toutes les parties concernées y ont consenti ; or en
l'espèce la preuve d'un tel consentement n'avait pas été rapportée (Cass. crim., 11 oct. 1994, préc.). Enfin il
est à remarquer que la destruction passe nécessairement par un détournement préalable, si bien que son
incrimination n'était pas absolument indispensable.

Le mot détournement évoque le délit d'abus de confiance pour lequel le même mot est employé par
l'article 314-1 et le rapprochement n'est pas fortuit : on peut en effet dire, du délit ici analysé, qu'il est une
sorte d'abus de confiance aggravé, car il est imputé à des personnes tenues par leur position officielle d'une
obligation de probité particulièrement exigeante. De cette parenté entre les deux articles 432-15 et 314-1, il
suit que le mot détournement employé par l'un et l'autre textes doit être interprété d'une façon uniforme. On
dira donc que le détournement consiste à se comporter sur la chose reçue comme le ferait un véritable
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propriétaire : détourner, c'est substituer, à la possession précaire dont on est investi, une possession animo
domini excluant ou contredisant les prérogatives que le véritable propriétaire a sur cette chose. Par exemple,
en retirant, des enveloppes déposées en mairie et contenant des offres pour des marchés de travaux
publics, certains documents pour les remplacer par d'autres, le coupable, employé de mairie, a commis un
détournement auquel s'applique l'article 432-15 (Cass. crim., 19 févr. 1998, n° 96-83.423 : JurisData
n° 1998-001044 ; Bull. crim. 1998, n° 74).

La détention matérielle des fonds par le prévenu n'est pas nécessaire et il suffit qu'il les ait à sa disposition
(Cass. crim., 30 mai 2001, n° 00-84.102 : JurisData n° 2001-010343 ; Bull. crim. 2001, n° 137 ; Dr. pén.
2001, comm. 123, obs. M. Véron ; D. 2002, somm. p. 1799, obs. M. Segonds.  Cass. crim., 10 avr. 2002,
n° 01-84.192). Est ainsi coupable le président du syndicat mixte d'un parc naturel régional qui accepte qu'un
employé détaché dans ce syndicat n'y exerce aucune activité et soit rémunéré par imputation de ses
traitements et des charges afférentes à cet emploi fictif sur la dotation budgétaire annuelle allouée par
l'organisme public ayant mis ce salarié à sa disposition (Cass. crim., 30 mai 2001, préc.). Ou encore le maire
d'une commune, sans consulter son conseil municipal, qui accepte que des associations mises en place par
ses soins, puissent percevoir les recettes publicitaires du journal d'information municipale et en disposer
sans qu'il existe aucune convention conclue régulièrement approuvées entre ces associations et la
commune (Cass. crim., 10 avr. 2002, préc.).

41.  Élément moral de l'infraction  En application de la disposition générale de l'article 121-3 du Code
pénal, et faute d'une indication contraire, la destruction et le détournement constitutifs du délit réprimé par
l'article 432-15 ne sont punissables que s'ils sont intentionnels.

Le détournement frauduleux serait donc constitué, pour ce qui est d'un comptable ou d'un dépositaire
public :

 si l'intéressé omet volontairement de passer certaines recettes dans ses écritures, ou s'il gonfle
les dépenses qu'il est chargé d'enregistrer (en ce cas, il y a cumul avec l'infraction de faux en
écritures publiques) ;
 ou s'il oppose à l'autorité supérieure un refus de rendre ses comptes ou, ce qui revient au
même, s'il atermoie dans des conditions suspectes avant de le rendre ;
 ou encore s'il est établi que le comptable a utilisé les fonds ou les objets confiés à des fins
étrangères à leur destination normale, par exemple en se servant des deniers publics détenus
pour payer ses dépenses personnelles.

Le dol consiste en la connaissance chez le prévenu du détournement des sommes qu'il ordonnançait (Cass.
crim., 19 juin 2002, n° 01-84.397 : JurisData n° 2002-015292 ; Bull. crim. 2002, n° 140 ; D. 2003, p. 172),
d'où la censure d'un arrêt de relaxe d'un maire retenant que si le prévenu était au courant du système mis en
place pour le versement des indemnités occultes, ayant lui-même signé les courriers les accompagnant, il
n'avait accompli aucun acte de détournement ni donné aucune instruction directe pour y procéder (Cass.
crim., 19 juin 2002, préc.). L'article 432-15 n'exige pas que le prévenu ait eu l'intention de s'approprier les
fonds détournés ni qu'il en ait tiré un profit personnel (Cass. crim., 20 avr. 2005, n° 04-84.917 : JurisData
n° 2005-028291 ; Bull. crim. 2005, n° 140 ; Dr. pén. 2005, comm. 102, obs. M. Véron ; D. 2005, p. 2992, obs.
C. Mascala ; AJP 2005, p. 238, obs. M. Redon ; Rev. trim. dr. com. 2005, p. 858, obs. B. Bouloc.  Cass.
crim., 19 déc. 2012, n° 11-88.190 : JurisData n° 2012-029915 ; Bull. crim. 2012, n° 283 ; Rev. trim. dr. com.
2013, p. 158, obs. B. Bouloc ; Dr. pén. 2013, comm. 36, obs. M. Véron). Le délit n'est pas la conséquence
d'une simple imprudence et relève d'une volonté de rendre service et d'organiser ainsi, au préjudice de la
collectivité nationale, une apparence de respect de la loi pour assurer le confort de l'agent (Cass. crim.,
30 mai 2001, n° 00-84.102 : JurisData n° 2001-010343).

À l'inverse, le délit ne serait pas constitué si les agissements reprochés à l'intéressé témoignent seulement,
chez lui, d'une négligence ou d'une erreur, même grave, dans l'exercice des fonctions. Ce serait le cas :

 de l'affectation des fonds à une dépense publique non autorisée ;


 de la perte de fonds ou d'objets détenus par le comptable ;
 d'un simple déficit de caisse ;
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 d'un retard apporté à la restitution ou même de la non-représentation des documents, actes,


titres ou choses déposés (encore que, dans ce dernier cas, la situation puisse paraître assez
suspecte pour qu'on puisse se demander si la prétendue négligence ne masque pas, parfois,
un véritable détournement).

S'il apparaît que le prévenu, initialement poursuivi du chef du délit de l'article 432-15 du Code pénal, n'a
commis qu'une faute de négligence ayant conduit à des détournements perpétrés par des tiers, les juges
peuvent alors recourir à la qualification portée par l'article 435-16 (Cass. crim., 9 nov. 1998, n° 97-84.696 :
JurisData n° 1998-005059 ; Dr. pén. 1999, comm. 53, obs. M. Véron.  Cass. crim., 22 févr. 2006,
n° 05-84.921 : JurisData n° 2006-032772 ; Dr. pén. 2006, comm. 88, obs. M. Véron).

42.  Exemples d'agissements intentionnels  La jurisprudence permet d'éclairer par des cas concrets
les explications qui précèdent. Ainsi un comptable-matières, dans l'affaire des subsistances de la marine
(Cass. crim., 17 avr. 1847 : Bull. crim. 1847, n° 78 ; S. 1847, 1, p. 695), déclarait recevoir, puis délivrer des
marchandises qui, en réalité, n'étaient jamais entrées dans le dépôt dont il avait la garde ; puis, avec les
fournisseurs ses complices, il partageait le profit né du moins-entré ; ces manuvres comptables, qui
servaient à dissimuler les malversations, prouvaient à la fois le détournement et son caractère frauduleux.

De même le détournement apparaît certain dans le cas de l'huissier qui, dépositaire d'une somme provenant
d'une vente mobilière effectuée par son ministère, avait refusé pendant plusieurs mois de la répartir entre les
créanciers réclamants ou de la consigner ; l'arrêt de condamnation avait relevé qu'il voulait fatiguer les
créanciers, pour les amener à se contenter d'une restitution partielle et qu'à cette fin il avait produit un
compte mensonger et réclamé, comme taxés, des frais non soumis à la taxe (Cass. crim., 28 mars 1856 :
Bull. crim. 1856, n° 126 ; DP 1856, 1, p. 198).

On retrouve le même fait de détournement frauduleux dans l'hypothèse du facteur des postes qui garde par
devers lui, intentionnellement, tout ou partie des sommes qu'il devait remettre aux bénéficiaires de mandats
dont il aurait dû assurer la distribution (Cass. crim., 18 juill. 1918 : Bull. crim. 1918, n° 160.  CA Douai,
5 janv. 1950 : DP 1950, p. 182 ; S. 1950, 2, p. 126).

Quant à la jurisprudence récente, elle offre de nombreuses illustrations parmi lesquelles on citera :

 le cas d'un régisseur des recettes nommé par arrêté du maire d'une commune, qui a détourné
des sommes considérables sur le produit de la vente de carburants et la perception de droits
de place à quai dus par les plaisanciers, qu'il était chargé d'encaisser et de reverser chaque
semaine à la Trésorerie pour le compte de la commune et qui pour dissimuler ces
prélèvements, a établi de fausses quittances de règlement attestant la perception de fonds
pour des montants inférieurs à ceux effectivement reçus (Cass. crim., 30 janv. 2002,
n° 01-83.929) ;
 le cas d'un président de chambre de commerce et d'industrie qui a utilisé le véhicule de cet
organisme de façon immodérée, perçu personnellement à sa demande les frais de
déplacement correspondants, fait prendre en charge par la chambre de commerce et
d'industrie plusieurs voyages privés en Tunisie et détourné des fonds correspondant aux
salaires de plusieurs personnes liées par contrats de travail à la chambre de commerce et
d'industrie (Cass. crim., 27 nov. 2002, n° 02-81.252 : JurisData n° 2002-017299) ;
 le cas d'un maire qui a financé avec les deniers de la commune les salaires et charges sociales
d'une secrétaire et de femmes de ménage exerçant leurs activités au profit d'un syndicat ainsi
que les dépenses d'électricité afférentes à un local communal occupé par ce syndicat (Cass.
crim., 28 sept. 2004, n° 03-85.142, : JurisData n° 2004-025411) ;
 le cas de deux greffiers associés de tribunaux de commerce qui ont utilisé des fonds versés
par des commerçants et des sociétés pour publier des avis au Bulletin officiel des annonces
civiles et commerciales, pour verser des salaires à l'épouse divorcée du premier sans
qu'aucune prestation de travail n'ait été fournie (Cass. crim., 20 avr. 2005, préc. supra n° 41 ) ;
 le cas d'un président de conseil régional des notaires qui a prélevé sur une dotation budgétaire
destinée à l'obtention de stages aux futurs notaires pour verser un salaire mensuel à son fils ne
correspondant pas à la prestation qu'il était tenu de fournir (Cass. crim., 21 sept. 2005,
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n° 04-85.056 : JurisData n° 2005-030059 ; Bull. crim. 2005, n° 233) ;
 le cas d'un président de conseil général qui a utilisé des crédits destinés à des actions ayant
pour objet l'insertion des personnes en difficulté, à d'autres fins, à savoir l'octroi de subventions
à des clubs sportifs départementaux, à des clubs sportifs de haut niveau et à des associations
uvrant dans le secteur social et dans le secteur sportif (Cass. crim., 4 mai 2006,
n° 05-81.151 : JurisData n° 2006-033979 ; Bull. crim. 2006, n° 119) ;
 le cas d'un maire qui a affecté, en connaissance de cause, quatre agents municipaux à des
tâches non conformes aux emplois prévus  en l'occurrence le secrétariat du groupe
communiste et républicain des élus municipaux impliquant notamment l'animation d'une radio
politique locale , détournant ainsi leur rémunération opérée par prélèvement sur le budget de
la commune ; l'élément intentionnel résultant de la clandestinité des emplois réels (Cass. crim.,
13 sept. 2006, n° 05-84.111 : JurisData n° 2006-035382 ; Bull. crim. 2006 n° 220 ; AJP2006,
p. 504, obs. G. Royer.  V. aussi rendu dans la même affaire Cass. crim., 17 nov.
2004,n° 03-84.992 : JurisData n° 2004-026322, où étaient alors jugés deux maires successifs
pour ces détournements étalés sur près de douze ans) ;
 le cas d'un maire qui a fait régler par sa commune des frais afférents à une manifestation
purement privée à l'occasion de son anniversaire et a ainsi utilisé sciemment à des fins
étrangères à leur destination normale des deniers publics (Cass. crim., 14 févr. 2007,
n° 06-81.107 : JurisData n° 2007-038035 ; Dr. pén. 2007, comm. 70, obs. M. Véron) ;
 le cas d'un maire qui a mis à la disposition d'un de ses amis pendant plusieurs mois un
photocopieur loué et payé par la commune (Cass. crim., 20 mai 2009, n° 08-87.354 : JurisData
n° 2009-049043 ; Dr. pén. 2009, comm. 138, obs. M. Véron) ;
 le cas du président d'une collectivité territoriale d'outre-mer qui a fait financer par le budget de
celle-ci une réception privée réservée aux membres et sympathisants de son parti politique et à
des amis (Cass. crim., 16 juin 2010, n° 09-86.558 : JurisData n° 2010-010046) ;
 le cas d'un maire qui a utilisé des subventions versées par l'Union européenne et le conseil
général pour la promotion de la lecture chez les enfants à des fins étrangères à cette
destination, à savoir le financement de l'édition d'un livre précédemment réalisé pour le
centenaire de la commune, de la réalisation par une société de production audiovisuelle d'un
DVD et d'articles et dossiers de presse facturés par une société créée par un employé
communal chargé de l'édition du journal municipal (Cass. crim., 18 déc. 2012, préc. supra
n° 41 ) ;
 le cas d'un président de conseil général qui a soustrait des bouteilles de vin appartenant au
conseil général qu'il a fait transférer de façon clandestine à son domicile et qu'il a fait ensuite
écouler par un réseau clandestin aboutissant à des paiements en espèces (CA Paris, 30 janv.
2002, n° 01/01551 : JurisData n° 2002-181300).

43.  Non-nécessité d'un préjudice causé  Il importe peu que le préjudice causé à la collectivité publique
ou aux particuliers dont les fonds ou les documents ont été détournés, ait été réparé avant ou pendant les
poursuites, ou même que, s'agissant d'un comptable public, celui-ci ait été personnellement solvable ou que
son cautionnement soit suffisant pour garantir le remboursement des sommes détournées. Pas plus que
l'ancien article 169, l'actuel article 432-15 n'exige l'existence d'un préjudice causé aux victimes du délit.

Ainsi par exemple a pu être condamné le président du syndicat mixte d'un parc naturel régional ayant fait
rémunérer sur la dotation budgétaire du syndicat mixte un agent non présent, ne fournissant aucun travail,
alors que la somme relative à la rémunération de cet agent avait été réintégrée par décision préfectorale
dans la dotation budgétaire du syndicat (Cass. crim., 30 mai 2001, cité supra n° 40 ). L'infraction était bel et
bien consommée et il en va de même dans l'hypothèse du détournement de fonds publics par un maire qui
fait approuver ces dépenses par son conseil municipal, de telles dépenses étant étrangères au
fonctionnement de la commune (Cass. crim., 28 sept. 2004, préc. supra n° 42 ).

D. - Répression du délit

1° Pénalités

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44.  Pénalités anciennes et pénalités actuelles  Dans le système organisé par le Code pénal de 1810
prévalait une grande sévérité, puisque les pénalités indiquées par les articles 169, 170, 173 et 255 étaient de
nature criminelle (réclusion criminelle de cinq à dix ans, accompagnée d'une amende dont le maximum
variait entre le douzième et le quart des restitutions et indemnités dues). Les peines étaient au contraire
d'ordre correctionnel (C. pén., art. 171 ancien), mais seulement à l'égard des comptables et dépositaires
publics et lorsque les sommes détournées ne dépassaient pas 1 000 F ou l'une des limites particulières
établies par l'article 170 auquel il suffit de se reporter.

Le nouveau code simplifie les choses : l'article 432-15 porte contre le coupable un emprisonnement pouvant
atteindre dix années et une amende plafonnée initialement à 150 000 . La loi n° 2013-1117 du 6 décembre
2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (art. 6), a
considérablement élevé cette amende, fixée désormais à 1 million d'euros et pouvant même atteindre le
double du produit de l'infraction. On notera que la présente infraction est la plus grave de celles contre la
probité, avec la corruption et le trafic d'influence d'agent public ou d'agent de justice et la corruption d'agent
public étranger ou international ou d'agent de justice étranger ou international. Il est par ailleurs intéressant
d'observer l'indulgence de l'article L. 322-13 du Code de justice militaire(V. supra n° 16 ) qui prévoit pour les
détournements de deniers par les militaires un emprisonnement de cinq ans. Quant à l'article L. 214-3, al. 1
du Code du patrimoine(V. supra n° 33 ), il punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende
le détournement ou la destruction d'archives publiques par une personne détentrice de telles archives à
raison de ses fonctions.

À ces peines principales, l'article 432-17 ajoute les peines complémentaires facultatives suivantes :
l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de cinq ans au plus (pour un exemple, V.
Cass. crim., 27 nov. 2002, n° 02-81.252 : JurisData n° 2002-017299). Depuis la loi n° 2013-907 du
11 octobre 2013(JO 12 oct. 2013, p. 16829), la peine d'inéligibilité, qui est une des composantes de
l'interdiction des droits civiques, civiques et de famille, peut être portée à dix ans à l'encontre d'une personne
exerçant une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public au moment des faits. Sont
ensuite prévues d'une part l'interdiction, soit définitive, soit limitée à cinq ans au plus, d'exercer une fonction
publique ou de pratiquer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de
laquelle l'infraction a été commise ; et d'autre part, depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008(JO 5 août 2008,
p. 12471 ; Rect. 4 oct. 2008, art. 70), l'interdiction, soit définitive, soit limitée à dix ans et même, depuis la loi
n° 2013-1117 du 6 décembre 2013(JO 7 déc. 2013, p. 19941, art. 2) à quinze ans, d'exercer une profession
commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler, à un titre quelconque,
directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise
commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces deux interdictions d'exercice peuvent être
prononcées cumulativement. L'article 432-17 ajoute à cela une quatrième peine complémentaire consistant
en la confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l'auteur de l'infraction, à l'exception
toutefois des objets susceptibles de restitution ; mais on voit mal dans quelle hypothèse cette sanction
particulière pourra trouver à s'appliquer lors de poursuites fondées sur l'article 432-15.

Doivent être encore mentionnées diverses peines accessoires. Pour mémoire on citera d'abord la radiation
des listes électorales pour une durée de cinq ans, prévue par l'article L. 7 du Code électoral pour toute
condamnation à plusieurs délits contre la probité, dont celui de l'article 432-15. Mais cet article L. 7, à
l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, a été abrogé par le Conseil constitutionnel (Cons.
const., 11 juin 2010, déc. n° 2010-6/7 QPC : JurisData n° 2010-030606 ; JO 12 juin 2010, p. 10 345 ;
D. 2010, p. 1560, note S. Lavric ; Dr. pén. 2010, comm. 84, obs. J.-H. Robert), cette peine accessoire
constituant "une sanction ayant le caractère d'une punition" et étant à ce titre contraire au principe
d'individualisation découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Ne subsistent plus désormais, comme peines accessoires, que les deux suivantes. La première peine
accessoire, portée par l'article L. 500-1 du Code monétaire et financier(créé par Ord. n° 2005-429, 6 mai
2005 : JO 7 mai 2005, p. 7934), est l'interdiction pour une durée de dix ans de diriger, gérer, administrer, être
membre d'un organe collégial de contrôle d'un établissement de crédit, d'une compagnie financière, d'un
établissement de paiement, d'un prestataire de services d'investissement, d'un établissement de monnaie
électronique ou d'une société de gestion d'organismes de placement collectif ou d'exercer les professions ou

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activités de démarchage bancaire ou financier, d'intermédiaire en opérations de banque, de changeur
manuel, de conseiller en investissements financiers et d'intermédiaire en biens divers, si l'intéressé a été
définitivement condamné pour crime ou pour de nombreux délits dont celui de l'article L. 432-15 du Code
pénal, à une peine d'emprisonnement ferme ou d'au moins six mois avec sursis. La seconde peine
accessoire, de même durée et jouant dans les mêmes conditions, est prévue par l'article L. 322-2 du Code
des assurances(créé par L. n° 2005-1564, 15 dé. 2005 : JO 16 déc. 2005, p. 19348). Elle consiste dans
l'interdiction de diriger une entreprise d'assurances soumise au contrôle de l'État, une société de groupe
d'assurances, une compagnie financière holding mixte, d'être membre d'un organe collégial de contrôle de
ces sociétés, entreprises ou compagnies et de disposer du pouvoir de signer pour leur compte.

Non spécifiquement prévue, la responsabilité pénale des personnes morales est désormais possible
depuis l'abandon du principe de spécialité par la loi "Perben 2" du 9 mars 2004, effectif depuis le
31 décembre 2005. Le délit de l'article 432-15 étant à l'évidence conçu pour des personnes physiques, une
éventuelle responsabilité pénale des personnes morales ne paraît surtout envisageable qu'au titre de la
complicité, la personne morale étant alors exposée à une amende quintuplée par rapport à l'amende
encourue par les personnes physiques, soit 5 millions d'euros, voire le décuple du produit de l'infraction. Une
responsabilité pénale de la personne morale à titre d'auteur paraît même possible si elle a la qualité de
dépositaire public, à condition naturellement que son organe ou représentant ait agi pour son compte,
hypothèse à vrai dire des plus exceptionnelles.

Enfin, au niveau statistique, les seules données disponibles sont fournies par le Rapport annuel du Service
central de prévention de la corruption (Rapp. 2013 : Doc. fr.). Ce document indique 207 affaires entrantes
dans l'ensemble des TGI, dont seulement 51 sont poursuivies en 2013, alors qu'en 2012 il y avait 199
affaires entrantes et 39 poursuivies (p. 43). Aucune statistique sur les condamnations définitives du chef du
présent délit n'est parvenue à notre connaissance. Tout porte à croire que ces condamnations sont très
faibles numériquement.

2° Règles procédurales particulières

45.  Particularités procédurales propres aux comptables et dépositaires publics  Quand les
détournements sont commis par des comptables ou par des dépositaires publics, leur répression est
soumise à deux règles procédurales particulières, l'une spéciale au cas où les agissements frauduleux ont
porté sur des fonds publics, l'autre propre aux détournements de fonds privés. Dans la première hypothèse,
il existe une exception préjudicielle au jugement de l'action publique, appelée exception préjudicielle de
débet ; dans la seconde, la preuve du contrat de remise des deniers ou objets que le comptable a détournés
doit se faire selon les règles du droit civil.

a) Exception préjudicielle de débet

46.  Position du problème  L'auteur de l'infraction réprimée par l'article 432-15 ne peut être frappé des
peines prévues par la loi que si l'on démontre, contre lui, la réalité du détournement qu'il a commis. Un
problème délicat apparaît alors, si ce détournement a porté sur des fonds publics : il importe en effet d'établir
l'existence et le montant du déficit qui révèle les malversations imputées au prévenu, faute de quoi l'un des
éléments de l'infraction manquerait et la répression deviendrait impossible.

À quelle autorité appartient-il de statuer sur cette question ? Faut-il admettre que la juridiction répressive est
compétente pour apprécier la réalité et le montant du déficit, ou doit-elle au contraire surseoir à statuer
jusqu'à ce que l'autorité administrative ait apuré définitivement les comptes de l'intéressé ? En d'autres
termes, cet élément préjudiciel est-il du ressort des juridictions pénales ou leur échappe-t-il ?

Il faut d'abord indiquer quel est le principe en la matière, et en préciser ensuite les limites d'application.

1) Principe

47.  Affirmation et origine du principe  Il est communément admis en doctrine comme en jurisprudence
que l'examen du déficit imputé au comptable ou au dépositaire public échappe aux juridictions répressives.
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Le principe a été reçu, en jurisprudence, à l'occasion d'affaires demeurées célèbres. Les premiers arrêts de
la Cour de cassation ont été rendus dans l'affaire "Fabry" (Cass. crim., 6 juill. 1815 : S. 1816, 1, p. 72. 
Cass. crim., 15 juill. 1819 : Bull. crim. 1819, n° 79). Fabry, quartier-maître du dépôt des conscrits de
Strasbourg, avait été dénoncé comme coupable de détournement de deniers publics et condamné à cinq
années de fers. Mais, sous la Restauration, une commission administrative avait reconnu que son compte
n'était pas débiteur, mais bien au contraire créditeur ; la Cour de cassation annula la décision qui l'avait
condamné, précisément au motif qu'on l'avait déclaré coupable sans qu'une autorité administrative l'eût au
préalable reconnu reliquataire dans ses comptes.

D'autres décisions semblables furent rendues ultérieurement et confirmèrent l'adoption définitive du principe
(Cass. crim., 26 nov. 1842 : Bull. crim. 1842, n° 308 ; S. 1843, 1, p. 91.  Cass. crim., 24 sept. 1846 : Bull.
crim. 1846, n° 256 ; DP 1846, 1, p. 291 ; S. 1846, 1, p. 657.  Cass. crim., 9 janv. 1852 : Bull. crim. 1852,
n° 6 ; DP 1852, p. 63 ; S. 1852, 1, p. 274.  Cass. crim., 3 août 1855 : Bull. crim. 1855, n° 275 ; S. 1855, 1,
p. 766.  Cass. crim., 19 juin 1863 : Bull. crim. 1863, n° 170 ; DP 1863, 5, p. 188.  Cass. crim., 30 juin
1898 : Bull. crim. 1898, n° 235 ; S. 1899, 1, p. 535.  Adde Cass. crim., 2 juill. 1932, motifs : S. 1934, 1,
p. 74).

Bien évidemment l'exception de débet ne peut qu'être rejetée si les juges constatent que le prévenu n'a pas
la qualité de comptable public ni de dépositaire public et disposent d'éléments d'appréciation leur permettant
de caractériser les détournements, indépendamment de toute investigation comptable, de la mise en
évidence d'un déficit ou d'une déclaration de débet. L'exception de débet a ainsi été écartée lorsque
l'intéressé est un agent chargé d'une mission de service public, à savoir le président du syndicat mixte d'un
parc naturel régional, devenu comptable de fait (Cass. crim., 27 nov. 2002, n° 02-81.252 : JurisData
n° 2002-017299) ou est un agent subordonné (Cass. crim., 2 déc. 2009, n° 09-81.967 : JurisData
n° 2009-050884 ; Bull. crim. 2009, n° 204 ; Dr. pén.2010, comm. 39, obs. M. Véron ; Rev. trim. dr. com.
2010, p. 441, obs. B. Bouloc ; Procédures 2010, comm. 100, obs. J. Buisson ; Rev. sc. crim. 2010, p. 863,
obs. C. Mascala) ou un président d'une collectivité territoriale d'outre-mer poursuivi comme dépositaire de
l'autorité publique et non en qualité de comptable (Cass. crim., 16 juin 2010, n° 09-86.643). Dans ces
affaires les personnes poursuivies n'avaient pas au sens strict les qualités requises et en outre les juges
répressifs disposaient de renseignements précis sur le montant des sommes détournées, ce qui rendait
toute exception de débet inutile.

48.  Justification du principe  Deux arguments sont généralement invoqués pour justifier le principe. On
fait d'abord valoir que la séparation des pouvoirs, consacrée par les lois des 16-24 août 1791 et 16
fructidor an III, impose qu'avant tout jugement d'un comptable public, la personne poursuivie ait été déclarée
débitrice par l'autorité administrative dont elle relève (V. notamment, É. Garçon, Code pénal annoté par
M. Rousselet, M. Patin et M. Ancel, art. 169 à 172, n° 91 s. : Sirey, 2e éd. 1952.  R. Garraud, Traité
théorique et pratique du droit pénal français : Sirey, 3e éd. 1922, t. IV, n° 1494, p. 330 s.  G. Vidal et
J. Magnol, Cours de droit criminel : 9e éd., t. II, n° 537.  H. Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel et
de législation pénale comparée : Sirey, 3e éd., n° 1193.  P. Bouzat et J. Pinatel, Traité de droit pénal et de
criminologie : Dalloz, 1970, t. II, n° 1046.  R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel : Cujas 4e éd. 1989,
t. II, n° 600).

La séparation des pouvoirs conserve ici sa pleine valeur. On ne saurait objecter que le nouveau Code pénal,
en son article 111-5, donne aux juridictions pénales le droit d'interpréter les actes administratifs,
réglementaires ou individuels, et d'en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du
procès pénal : il s'agit, ici, d'examiner une question administrative, résultant d'opérations comptables dont
l'appréciation ne peut absolument pas être assimilée à l'examen d'actes administratifs (R. Merle et A. Vitu,
Traité de droit criminel, préc., loc cit.).

À ce premier argument s'ajoute une autre considération de nature technique. La justice pénale risquerait
de commettre de graves erreurs, si elle prétendait apprécier des comptabilités publiques, dont l'examen
suppose des connaissances spéciales ; un tel examen ne pourrait pas être fait efficacement par des juges
correctionnels et, moins encore, du moins autrefois lorsque l'infraction était un crime, par un jury criminel. Il

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serait inquiétant, d'ailleurs, qu'après avoir été condamné pour détournement, un comptable public puisse
ensuite faire reconnaître par l'autorité administrative compétente que ses comptes n'étaient pas
débiteurs, mais bien créditeurs : ce fait ne déconsidérerait-il pas dangereusement la justice pénale ? Il est
donc préférable que la comptabilité de la personne mise en examen soit examinée par la juridiction instituée
à cette fin, en l'occurrence la Cour des comptes, ou la chambre régionale des comptes ; la procédure de
l'une ou de l'autre de ces juridictions comporte assez de garanties pour établir la situation exacte des
opérations comptables soumises à vérification.

49.  Nature de l'exception de débet  L'examen des comptes de la personne poursuivie ne constitue
nullement un obstacle au déclenchement des poursuites ; il ne s'agit pas d'une question préjudicielle à la
mise en mouvement de l'action publique, mais bien d'une exception préjudicielle au jugement. Déjà admise
dès le début du XIXe siècle, cette solution est plus certaine encore depuis que le décret du 19 septembre
1870 a abrogé l'article 75 de la Constitution de l'an VIII et permis de saisir les tribunaux répressifs de
poursuites dirigées contre des fonctionnaires sans qu'aucune autorisation préalable soit désormais
nécessaire. Il n'y a donc pas à attendre qu'un comptable ou un dépositaire public ait été déclaré reliquataire
dans ses comptes pour le poursuivre pénalement ; mais le jugement de ce prévenu n'est possible qu'après
qu'a été prise la déclaration de débet par l'autorité compétente, et le juge répressif doit surseoir à statuer,
avant de rendre son jugement jusqu'à cette déclaration (En ce sens, R. Garraud, op. cit., t. IV, n° 1494.  É.
Garçon, op. cit., n° 92.  Cass. crim., 3 août 1855 : S. 1855, 1, p. 766.  Cass. crim., 30 juin 1898 : S. 1899,
1, p. 535).

On admet même que si, pendant la poursuite pénale intentée après l'apurement des comptes, certains faits
nouveaux étaient révélés qui contrediraient les détails de ce compte, la juridiction pénale devrait surseoir à
statuer et attendre que le procureur général près la Cour des comptes eût provoqué la révision de l'arrêt de
la Cour, en application de la loi du 16 septembre 1807(É. Garçon, op. cit., n° 93).

Toutefois le sursis à statuer n'est décidé que si l'infraction poursuivie est un détournement commis par un
comptable ou dépositaire public. Mais si le prévenu est poursuivi pour une autre infraction, par exemple un
faux en écritures ou une escroquerie, même commise dans l'exercice de ses fonctions, il n'y a pas lieu
d'ordonner un sursis à statuer jusqu'à l'apurement des comptes (Cass. crim., 2 juill. 1932 : S. 1934, 1, p. 74,
le prévenu était poursuivi pour escroquerie commise au préjudice de divers particuliers et au détriment d'un
receveur principal).

50.  Moment où l'exception de débet doit être invoquée  À quelle hauteur de la procédure doit-on
soulever l'exception préjudicielle de débet ? La question a été très discutée en doctrine, non pas pour le
débet des comptables publics, mais pour l'exception préjudicielle de propriété immobilière, ou pour celle de
nullité du premier mariage dans les poursuites pour bigamie ; mais la solution acquise sur ces matières peut
être transposée à l'infraction réprimée par l'article 432-15.

Il avait été soutenu que l'exception ne pourrait être soulevée que devant les juridictions de jugement. Une
juridiction d'instruction serait sans droit pour examiner l'exception invoquée devant elle, car elle serait
obligée, pour ce faire, d'apprécier si l'inculpé est coupable ou non, ce qui n'entre pas dans sa compétence
(F. Hélie, Traité d'instruction criminelle : Plon, 2e éd. 1867, t. V, n° 2065.  J.-A. Roux, Cours de droit
criminel français : Sirey, 2e éd., t. II, § 40, p. 43).

Mais cet argument ne saurait être retenu. Le juge d'instruction ne peut renvoyer en jugement que s'il existe
contre l'individu mis en examen des charges suffisantes ; or l'existence des charges dépend étroitement de
la solution donnée sur l'exception proposée. D'ailleurs les juridictions d'instruction ont le pouvoir d'apprécier
les causes qui font disparaître la culpabilité, comme la force majeure ou la légitime défense : il en va de
même pour l'exception de débet. Enfin il est inutile d'attendre de se trouver devant la juridiction de jugement,
au terme d'une procédure déjà longue, pour surseoir à statuer jusqu'à l'apurement des comptes du prévenu
et s'apercevoir alors qu'il n'y a peut-être pas matière à poursuivre.

51.  Solution jurisprudentielle indirecte  Les tribunaux n'ont jamais eu à trancher directement ce
problème en ce qui concerne l'exception de débet mais ils se sont ralliés au système défendu à l'instant en

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ce qui concerne l'exception de nullité du premier mariage dans une poursuite pour bigamie (Cass. crim.,
16 janv. 1826.  CA Rennes, 23 janv. 1879 : DP 1881, 2, p. 129 ; S. 1880, 2, p. 189). Il est très
vraisemblable qu'ils consacreraient la même solution pour la présente matière (Comp. les motifs, Cass.
crim., 7 févr. 1829 : Bull. crim. 1829, n° 39 ; S. 1830, 1, p. 399).

2) Limites d'application du principe

52.  Position nuancée de la chambre criminelle  Les arguments qui interdisent au juge répressif
d'examiner l'exception préjudicielle de débet devraient conduire à donner au principe une portée absolue. Ce
n'est pourtant pas ce qu'admet la chambre criminelle. Tout en affirmant le principe, celle-ci y a apporté des
correctifs qui en atténuent singulièrement la portée. Elle a en effet admis que la condamnation d'un
comptable public est légale, malgré l'absence d'une déclaration régulière de débet émanant de l'autorité
administrative dans les hypothèses suivantes :

 quand le comptable a été dénoncé au parquet par le ministre dont relève ce comptable (Cass.
crim., 17 avr. 1847 : S. 1847, 1, p. 695) ;
 quand le ministre, constitué par la loi juge de la gestion de ce fonctionnaire, a lui-même requis
une information judiciaire et révoqué l'intéressé (Cass. crim., 14 mai 1870 : Bull. crim. 1870,
n° 107.  Cass. crim., 3 janv. 1896 : S. 1896, 1, p. 109, rapp. Bard) ;
 enfin, quand, au cours des poursuites intentées par le parquet, le ministre se porte partie civile
(Cass. crim., 12 déc. 1874 : Bull. crim. 1874, n° 304 ; DP 1875, 1, p. 389 ; S. 1875, 1, p. 187).

La Cour de cassation a estimé que, dans toutes ces hypothèses, l'attitude prise par le ministre excluait toute
approbation des comptes du fonctionnaire poursuivi et valait déclaration expresse de débet.

53.  Critique de la position de la chambre criminelle  La jurisprudence qui vient d'être exposée a été
l'objet des vives critiques d'É. Garçon (op. cit., 1re éd., art. 169 à 172, n° 89 s.) et de R. Garraud (op. cit.,
t. IV, n° 1495, p. 332). L'attitude du ministre est-elle suffisante pour affirmer que le comptable est reliquataire
de deniers publics ? N'est-ce pas plutôt des juridictions administratives seules que cette affirmation doit
provenir, elles qui ont été instituées spécialement pour juger et liquider les comptes avec toutes les garanties
juridictionnelles utiles et après une instruction régulière ? À supposer même que l'existence d'un reliquat soit
certaine, cela ne suffirait pas pour légitimer la jurisprudence précitée ; on ne peut pas se contenter d'une
déclaration générale de débet ; il faut que le montant précis des détournements soit fourni par l'autorité
administrative ; cette manière de procéder permet seule d'éviter des contradictions entre les décisions
administratives et les décisions des juridictions répressives.

54.  Portée pratique limitée des critiques formulées  Les critiques doctrinales qui précèdent sont sans
doute fondées sur le plan théorique. Mais dans la pratique, les risques de contradiction évoqués par Garçon
et Garraud sont moins à craindre qu'il n'y paraît.

Il est évident que jamais un juge d'instruction ne décidera un renvoi en jugement, et qu'une juridiction de
jugement ne condamnera un comptable poursuivi pour un détournement, sans que soient effectivement
établis la réalité d'un débet et le chiffre exact des sommes ou des valeurs dissipées. Le risque d'erreurs
judiciaires dont, au début du XIXe siècle, l'affaire "Fabry" a donné l'exemple, est trop présent à tous les
esprits pour qu'il en aille autrement. Aussi le juge répressif qui se contente de la plainte d'un ministre pour
instruire et juger un comptable public doit-il s'entourer d'assez d'éléments pour mettre en évidence le débet
existant et son montant ? À cette fin, une expertise portant sur les comptes litigieux apportera les preuves
nécessaires (le recours à l'expertise est mentionné dans l'espèce jugée, Cass. crim., 21 mars 1934 : Bull.
crim. 1934, n° 64.  A.-P. de Mirimonde, La Cour des comptes, 1947, p. 109) ; si cette expertise est
correctement conduite, elle ne pourra guère aboutir à des résultats différents de ceux auxquels mènerait
l'examen diligenté par la Cour des comptes ou l'autorité administrative compétente.

55.  Attitude prudente de la Cour des comptes  Dans la pratique, une contrariété de jugement est
pratiquement exclue, car la Cour des comptes manifeste une extrême prudence en présence d'une décision
répressive condamnant le dépositaire ou le comptable public poursuivi. En fait, les juridictions
administratives admettent actuellement que la chose jugée par les tribunaux répressifs lie les juges
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administratifs (depuis l'arrêt "Vésin", CE, 12 juill. 1929 : DP 1930, 3, p. 2, note M. Waline.  V. Cl. Durand,
Les rapports entre les juridictions administratives et judiciaires, 1956, n° 136 s.  A.-P. de Mirimonde, op. cit.,
p. 108 ab initio). Les raisons de cette autorité donnée à la chose jugée au criminel ont été nettement
exprimées par la Cour des comptes dans une affaire "Vallée" (C. comptes, 3 et 10 mars 1936 : Rec. CE
1936, p. 1180). Selon cette décision, lorsqu'un comptable est inculpé de détournement de deniers publics,
faux et usage de faux, il y a lieu, pour la Cour des comptes, de surseoir à statuer jusqu'à la décision de
l'autorité judiciaire ; en effet, la cour juge sur pièces ; dans les conditions où elle exerce sa juridiction, elle ne
dispose d'aucun des moyens d'investigation puissants mis par la loi à la disposition du juge criminel ; les
débats devant la cour d'assises sont susceptibles de dégager des éléments d'appréciation sur le bien-fondé
des opérations décrites dans les comptes et la sincérité des pièces produites à l'appui.

On peut donc tenir pour assuré qu'actuellement les difficultés sont exceptionnelles, étant donné l'autorité
reconnue aux décisions rendues par les juges répressifs ; la jurisprudence critiquée par Garçon et Garraud
ne présente pas d'inconvénients graves et est d'une utilité évidente.

b) Preuve de la remise de valeurs privées au comptable public

56.  Compétence du juge répressif pour connaître de la remise des valeurs  Lorsque le
détournement commis par le comptable ou le dépositaire public a porté sur des deniers ou des valeurs
privées, le plaignant doit faire la preuve du contrat en exécution duquel ces deniers ou ces valeurs ont été
remis au prévenu. Le dépôt ou le mandat invoqué par le plaignant est une question d'ordre civil,
ressortissant à la compétence naturelle des juridictions civiles. Mais elle est ici incidente à une poursuite
pénale et, en application du principe général "le juge de l'action est le juge de l'exception", elle doit être
tranchée par le juge répressif saisi de la poursuite en détournement. On retrouve ici une solution qui
s'applique notamment en matière d'abus de confiance et qu'il est logique d'étendre à l'article 432-15, puisque
l'infraction réprimée par cette disposition s'apparente en quelque manière à un abus de confiance
(R. Garraud, op. cit., t. IV, n° 1495.  É. Garçon, op. cit., n° 110 s.).

57.  Application de règles civiles par le juge pénal  Il suffit de rappeler brièvement que le juge répressif
doit trancher ce problème de la preuve du contrat violé en faisant appel aux règles de preuve du droit civil et
non à celles qu'admet la procédure pénale : le système des preuves dépend en effet de la nature de la
question tranchée, non de la nature de la juridiction compétente. La preuve par écrit s'impose donc si la
valeur remise dépassait une somme ou une valeur fixée par décret, soit actuellement 1 500 euros, mais des
témoignages sont admis au-dessous de cette somme (C. civ., art. 1341) ; toutefois, même si la valeur remise
excédait la somme imposée, des témoignages peuvent être reçus s'il existe un commencement de preuve
par écrit (C. civ., art. 1347), ou s'il a été impossible, pour le plaignant, de se procurer une preuve littérale (C.
civ., art. 1348, 1er al.).

3° Questions diverses

a) Tentative

58.  Répression de la tentative  L'alinéa 2 de l'article 432-15 punit la tentative du délit des mêmes
peines que l'infraction consommée. Cette solution s'explique sans difficulté pour la tentative de destruction
des titres, actes, pièces ou autres objets protégés par le texte, mais on voit mal comment elle peut
s'appliquer pour ce qui est du détournement de ces mêmes biens. En effet, ici comme en matière d'abus de
confiance, il est pratiquement impossible de séparer le commencement d'exécution, constitutif de la tentative
punissable, du plein achèvement de l'infraction, puisque le délinquant est déjà en possession de l'objet
convoité ; le chemin assez long qui sépare le voleur ou l'escroc du bien dont il veut s'emparer n'existe pas
ici.

b) Complicité

59.  Application du droit de la complicité  Les règles posées par les articles 121-6 et 121-7 du Code
pénal en matière de complicité s'appliquent également ici : le complice est puni comme s'il était l'auteur de
l'infraction (C. pén., art. 121-6), encore qu'il ne possède pas lui-même la qualité de personne dépositaire de
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l'autorité publique ou de personne chargée d'une mission de service public, et qu'il ne soit ni comptable
public ni dépositaire public. Sans doute pourrait-on soutenir que les pénalités sévères qui frappent l'un ou
l'autre de ces personnages s'expliquent pas une qualité qui leur est propre, mais que, cette qualité et les
devoirs qu'elle implique ne se trouvant pas chez le complice, la criminalité des agissements de ce dernier est
moindre, et que l'on ne devrait retenir contre lui que la complicité d'un abus de confiance ou d'une
destruction ordinaire.

Mais, pour l'application de l'article 169, la jurisprudence avait déjà répondu à l'objection et le raisonnement
qu'elle avait adopté garde sa force sous l'empire du texte nouveau. L'infraction prévue par l'article 432-15
n'est pas une sorte d'abus de confiance aggravé mais bien un délit spécial ; la qualité de l'individu poursuivi
et la détention des objets en vertu de la fonction exercée ou de la mission confiée sont, non pas des
circonstances aggravantes d'un abus de confiance ordinaire mais des éléments constitutifs de l'infraction
(Cass. crim., 15 juin 1860 : Bull. crim. 1860, n° 135 ; S. 1861, 1, p. 398 ; DP 1860, 1, p. 467) : le complice est
assimilé à l'auteur de l'infraction et il doit être puni des mêmes peines que l'auteur principal (Cass. crim.,
15 juin 1860, préc.  V. aussi Cass. crim., 14 sept. 1854 : Bull. crim. 1854, 1, p. 590 ; DP 1854, 1, p. 439).

Est par exemple complice le fils d'un président de conseil général auteur d'un détournement de biens
publics, en l'espèce des bouteilles de vin, qui aide et assiste son père dans le déménagement des
bouteilles ; le déménagement s'étant déroulé de nuit dans des conditions clandestines, le prévenu ne pouvait
ignorer qu'il participait à la commission d'une infraction (CA Paris, 30 janv. 2002, n° 01/01551 : JurisData
n° 2002-181300). Autre exemple : une prévenue, agent d'exploitation des postes, qui a travaillé dans le
même bureau que celui de l'auteur principal de détournements de fonds et de titres au préjudice de clients
de la Poste, se rend coupable de complicité de cette infraction dès lors qu'elle a sciemment et délibérément
servi de prête-nom dans les opérations frauduleuses ; elle ne pouvait ignorer l'existence du détournement
des investissements d'au moins deux des victimes (CA Paris, 25 mars 2003, n° 02/06073 : JurisData
n° 2003-218796).

On notera encore que le complice du délit peut aussi être condamné comme receleur. Ainsi a été reconnue
coupable de recel de détournement de fonds commis par une receveuse des postes ayant détourné des
bons du Trésor de clients de la Poste, une prévenue, agent d'exploitation de la Poste travaillant avec l'auteur
principal, qui a accepté des cadeaux, de l'argent et des prêts importants sans intérêt de la part de l'auteur.
Elle ne pouvait pas ignorer la provenance frauduleuse des fonds, s'étant par ailleurs rendue complice de ces
détournements (CA Paris, 25 mars 2003, préc.). Quoique certaine, le complice de l'infraction d'origine étant
aussi parfois auteur de l'infraction distincte subséquente de recel, cette solution cadre assez mal avec le
postulat jurisprudentiel de l'incompatibilité entre les qualités d'auteur de l'infraction d'origine et d'auteur du
recel subséquent. Dans ce dernier cas, en effet, le recel est analysé comme un cas de complicité de
l'infraction d'origine et on peut comprendre a priori qu'on ne puisse être à la fois auteur et complice d'un
même fait. Mais la nature du recel change au gré des personnes concernées, étant ou non une infraction
autonome. Or le recel est aujourd'hui avant tout une infraction autonome et il est assez curieux que le
complice de l'infraction d'origine puisse être au regard de l'infraction subséquente moins bien loti que l'auteur
principal.

Selon le droit commun, l'acte du complice doit être accompli intentionnellement. Faute de découvrir cet
élément moral chez le coupable, l'article 432-15 doit être écarté ; mais il est possible de recourir à
l'article 432-16, si l'on peut retenir contre le prévenu la négligence qu'il a commise dans la garde ou la
surveillance des objets qui lui sont confiés (V. supra n° 41 in fine et les références citées).

c) Prescription de l'action publique

60.  Fixation du point de départ du délai  À l'image de l'abus de confiance ou de l'abus de biens
sociaux, le délit de l'article 432-15 est une infraction souvent occulte et il n'est donc pas surprenant que la
jurisprudence se soit ingéniée à retarder le point de départ du délai de la prescription de l'action publique qui
est de trois ans, faute de quoi ce délai serait la plupart du temps trop facilement écoulé. Déjà sous l'empire
de l'ancien Code pénal la Cour de cassation avait ainsi jugé que lorsque les faits retenus au titre de
l'article 173 constituent un détournement, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour où
ce détournement est apparu et a pu être constaté (Cass. crim., 10 mars 1992, n° 91-81.782 : JurisData
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n° 1992-002354 ; Dr. pén. 1992, comm. 197, obs. M. Véron ; Gaz. Pal. 1992, 2, p. 374, obs. J.-P. Doucet).

Plusieurs arrêts de la chambre criminelle réaffirment cette solution à propos du délit de l'article 432-15 du
Code pénal, jugeant que le point de départ du délai de prescription de l'action publique est le jour où
l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique
(Cass. crim., 18 juin 2002, n° 00-86.272 : JurisData n° 2002-015370.  Cass. crim., 17 mai 2006,
n° 06-80.951 : JurisData n° 2006-034083.  Cass. crim., 13 sept. 2006, n° 05-84.111 : JurisData
n° 2006-035382 ; Bull. crim. 2006, n° 220 ; AJP 2006, p. 504, obs. G. Royer ; Rev. trim. dr. com. 2007,
p. 249 ; Rev. sc. crim. 2007, p. 537, obs. C. Mascala.  Cass. crim., 12 déc. 2007, n° 07-82.008 : JurisData
n° 2007-042298.  Cass. crim., 2 déc. 2009, n° 09-81.967 : JurisData n° 2009-050884 ; Bull. crim. 2009,
n° 204 ; Dr. pén. 2010, comm. 39, obs. M. Véron ; Rev. trim. dr. com. 2010, p. 441, obs. B. Bouloc ; Rev. sc.
crim. 2010, p. 863, obs. C. Mascala ; Procédures 2010, comm. 100, obs. J. Buisson). Ainsi donc, tant qu'il y
a dissimulation, le délai de prescription ne court pas. Par exemple, dans la dernière affaire, la prévenue,
agent du Trésor détaché et exerçant les fonctions de chef du service des finances d'une commune, avait
dissimulé pendant plus de huit ans ses détournements et le délit n'avait pu apparaître que par l'intervention
du ministère des Finances, via l'intervention du chef du service Tracfin.

Cet alignement sur le régime de l'abus de confiance et de l'abus de biens sociaux, s'il favorise assurément la
répression, n'en suscite pas moins de sérieuses réserves au regard des termes des articles 7 et 8 du Code
de procédure pénale qui ne prévoient pas une telle dérogation au principe selon lequel le point de départ du
délai de prescription de l'action publique se situe au jour de la commission du délit. Sans doute l'assemblée
plénière de la Cour de cassation, à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, non sans une
grande hardiesse, a-t-elle décerné un brevet de constitutionnalité à la jurisprudence de la chambre criminelle
et l'a déclarée notamment conforme au principe de légalité (Cass. ass. plén., 20 mai 2011, n° 11-90.033 :
JurisData n° 2011-008705 ; Bull. crim. 2011,ass. plén. n° 6 ; Dr. pén. 2011, comm. 95, obs. J.-H. Robert). Il
n'en demeure pas moins qu'avec toute cette construction le juge se substitue au législateur (V. sur la
question W. Jeandidier, Chronique d'un dérèglement : le point de départ du délai de prescription de l'abus de
confiance et de l'abus de biens sociaux : Mél. Renée Koering-Joulin, Anthemis 2014, p. 359 s., spéc. n° 17).

Les détournements de fonds publics étant souvent suivis de recels et ces délits étant pas conséquents reliés
par un lien de connexité, les actes interruptifs de la prescription relative au délit d'origine le sont également
pour le délit subséquent (Cass. crim., 23 oct. 2007, n° 06-89.025 : JurisData n° 2007-041670). Cet arrêt
présente surtout l'intérêt d'approuver une cour d'appel ayant jugé que les faits de recel ne commencent à se
prescrire qu'à compter de la découverte des détournements. Il y a là application d'une jurisprudence,
désormais classique, également très critiquée en doctrine, inaugurée en matière de recel d'abus de biens
sociaux (Cass. crim., 6 févr. 1997, n° 96-80.615 : JurisData n° 1997-000531 ; Bull. crim. 1997, n° 48 ;
D. 1997, p. 334, note J.-F. Renucci ; Rev. Sociétés 1997, p. 146, note B. Bouloc).

d) Juridictions compétentes

61.  Règles spécifiques  Si comme pour tout délit correctionnel, le principe est la compétence du tribunal
correctionnel en sa formation collégiale, le délit de l'article 432-15 du Code pénal connaît deux particularités,
au même titre par exemple que d'autres infractions graves contre la probité comme la corruption d'agent
public et le trafic d'influence d'agent public.

Tout d'abord, le présent délit figure parmi les infractions visées par l'article 704 (1°) du Code de procédure
pénale relatif à la compétence des juridictions interrégionales spécialisées en matière économique et
financière. Ainsi, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité, en raison notamment
du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles
s'étendent, la compétence territoriale d'un tribunal de grande instance peut être étendue au ressort de
plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement de l'infraction considérée. La
compétence de la juridiction spécialisée s'étend aux infractions connexes (CPP, art. 704, avant-dernier al.),
donc au recel de détournement de fonds. Il s'agit d'une compétence concurrente de celle de la juridiction de
droit commun (CPP, art. 704-1) et le dessaisissement de cette dernière obéit à des règles bien précises
(CPP, art. 704-2).

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Ensuite, innovation introduite par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 (art. 65), notamment pour le
présent délit, le procureur de la République financier, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel de Paris
exercent une compétence concurrente à celle résultant de l'application des articles 43, 52, 704 et 706-42,
pour la poursuite, l'instruction et le jugement de l'infraction, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une
grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du
ressort géographique sur lequel l'infraction s'étend(CPP, art. 705). Ici à nouveau sont prévues les modalités
de saisine des instances parisiennes (CPP, art. 705-2) dont la compétence recouvre l'ensemble du territoire
national et s'étend aux infractions connexes.

e) Action civile

62.  Règles particulières applicables  En premier lieu tout d'abord, lorsque les fonds détournés ou
dissipés par le comptable ou le dépositaire public appartiennent à un particulier, celui-ci peut porter son
action civile dans l'instance pénale ouverte contre l'auteur de l'infraction, ou mettre lui-même en mouvement
les poursuites en se constituant partie civile devant le juge d'instruction, en application des règles du droit
commun.

En second lieu, si les deniers ou les objets détournés étaient propriété de l'État ou d'une collectivité publique,
rien n'interdit à l'État ou à la collectivité de se constituer partie civile devant les juridictions pénales, et
d'obtenir condamnation des coupables en remboursement des sommes dissipées ou de la valeur des objets
détournés. Mais plusieurs précisions doivent être apportées :

 si, par une procédure administrative indépendante menée devant la juridiction compétente, le
Trésor public a déjà obtenu la condamnation du coupable au paiement des sommes dissipées,
il ne peut plus se constituer partie civile dans l'instance pénale pour obtenir à nouveau
condamnation au versement des mêmes sommes : la seconde action du Trésor a en effet la
même cause et le même objet que la première et ne peut aboutir à une décision qui ferait
double emploi avec celle qu'a déjà prononcée la juridiction administrative (Cass. crim., 14 juin
1961 : Bull. crim. 1961, n° 294) ;
 la chambre criminelle a initialement jugé que le Trésor public, en exerçant son action civile, ne
peut demander que la réparation du préjudice matériel à lui causé, mais il ne peut pas réclamer
de dommages-intérêts pour un prétendu dommage moral qu'il aurait subi du fait de l'infraction
commise (Cass. crim., 30 mai 1960 : Bull. crim. 1960, n° 299.  Cass. crim., 14 juin 1961,
préc.). Mais un arrêt récent (Cass. crim., 24 oct. 2012, n° 11-85.923) a opéré un revirement de
jurisprudence. En l'occurrence la Haute juridiction approuve une cour d'appel d'avoir condamné
à réparer le préjudice moral et d'image invoqué par un centre hospitalier plusieurs membres de
son personnel, condamnés pour recel de détournements de fonds publics, ayant bénéficié de
paiements indus de gardes et d'astreintes fictifs grâce aux manipulations comptables du
directeur de cet hôpital ;
 la constitution de partie civile d'un contribuable autorisée par le tribunal administratif, dans une
information pour favoritisme et détournement de fonds publics, en raison de l'inaction de la
commune, en application de l'article L. 2132-5 du Code général des collectivités territoriales,
devient sans objet lorsque le maire intervient par la suite régulièrement dans l'information au
nom de la collectivité territoriale (Cass. crim., 25 nov. 2003, n° 03-80.905 : JurisData
n° 2003-021526 ; Bull. crim. 2003, n° 219).

En troisième lieu, depuis la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 (art. 1) créant l'article 2-23 du Code de
procédure pénale, pour le présent délit, comme pour d'autres infractions portant atteinte au devoir de probité,
toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se
proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, peut exercer les droits reconnus à la partie civile. Un
décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles ces associations peuvent être agréées (V. D.
n° 2014-327, 12 mars 2014 : JO 14 mars 2014, p. 5261et A. 27 mars 2014 : JO 30 mars 2014, p. 6177).

Enfin bien entendu, en toute occurrence, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier,
dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction (V.
p. ex. Cass. crim., 18 mai 2011, n° 10-81.045 : JurisData n° 2011-012320 ; Bull. crim. 2011, n° 101) dont ils
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reconnaissent le principe (Cass. crim., 16 déc. 2009, n° 09-81.192 : JurisData n° 2009-051430).Aussi bien,
lorsqu'ils ont établi la réalité des détournements, ne peuvent-ils débouter les parties civiles au motif qu'ils ne
savent pas "quelles sont les sommes irrégulièrement utilisées et donc le montant du préjudice" (Cass. crim.,
16 déc. 2009, préc.).

4° Constatations judiciaires

63.  Nécessité de motivations précises  Comme en toute autre matière, les juridictions correctionnelles
sont soumises à l'obligation de motiver leurs décisions et de fournir, sur les éléments constitutifs de
l'infraction poursuivie, des précisions suffisantes pour permettre le contrôle de la Cour de cassation. Une
simple affirmation de culpabilité, formulée sans que soient établies et précisées, dans les motifs, les charges
retenues contre le comptable poursuivi, n'établit pas l'existence du délit et justifie une cassation de l'arrêt de
condamnation (Cass. crim., 14 mai 1957 : Bull. crim. 1957, n° 398). De même, l'affirmation que le prévenu,
préposé du Trésor à la paierie de K., a frauduleusement détourné au préjudice du Trésor 206 600 piastres
qui ne lui avaient été remises qu'à titre de dépôt, à charge de les rendre ou représenter, suffit pour
démontrer que le prévenu avait la qualité de comptable public, mais n'établit pas que les fonds détournés
étaient venus entre ses mains en vertu de ses fonctions (Cass. crim., 11 déc. 1952 : Bull. crim. 1952,
n° 299). De même est insuffisante à permettre le contrôle de la chambre criminelle l'affirmation que le
prévenu a détourné des fonds détenus en sa qualité de "drawing-officer" à Pondichéry, sans préciser en quoi
consiste cette fonction (Cass. crim., 28 juill. 1958 : Bull. crim. 1958, n° 584).

En ce qui concerne le caractère frauduleux du détournement, la Cour de cassation admet que sa


constatation peut résulter expressément des circonstances de fait relatées par la décision de condamnation
(Cass. crim., 21 mars 1934 : Bull. crim. 1934, n° 64), ou même ressortir de la simple affirmation que le
coupable a "détourné ou soustrait" les fonds qui se trouvaient entre ses mains (Cass. crim., 19 janv. 1960 :
Bull. crim. 1960, n° 26) : une constatation implicite suffit donc à faire échapper la condamnation prononcée à
toute cassation. De toute façon, la constatation que le détournement reproché était frauduleux est
souveraine et échappe à l'appréciation de la Cour de cassation (Cass. crim., 7 juill. 1916 : Bull. crim. 1916,
n° 151).

II. - Délit de l'article 432-16 du Code pénal

64.  Fondement de l'incrimination : répression de la négligence  On a vu précédemment que


l'incrimination écrite dans l'article 432-15 est fondée sur l'obligation de probité à laquelle sont tenus la
personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, le comptable public
et le dépositaire public. C'est la violation d'un autre devoir que suppose l'article 432-16 : le coupable a fait
preuve de négligence, ou a manqué à l'obligation de surveillance qui pèse sur lui, de sorte qu'il a
indirectement facilité la destruction, le détournement ou la soustraction, par un tiers, des fonds ou des objets
qui lui avaient été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission.

L'incrimination de l'article 432-16 a succédé à celle que contenait l'ancien article 254, inspiré lui aussi du
même souci de sanctionner les négligences des personnes officielles dans la garde des biens qui leur sont
confiés.

A. - Éléments constitutifs du délit

65.  Énumération des composantes  Le délit réprimé par l'article 432-16 suppose la réunion de quatre
éléments :

 la qualité de l'agent, auquel est reproché la négligence ou le défaut de surveillance ;


 les biens sur lesquels portait l'obligation de surveillance, c'est-à-dire les objets détruits,
détournés ou soustraits ;
 les faits de destruction, détournement ou soustraction imputables à un tiers qui a profité de la
négligence de l'agent ;
 enfin, l'élément moral qu'il faut retenir contre cet agent et que la loi désigne du mot
négligence.
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De ces quatre composantes, les deux premières, qui sont très précisément des conditions préalables, ne
seront pas examinées dans les développements qui suivent, car elles sont identiques aux deux conditions
préalables du délit de l'article 432-15 précédemment étudié. Il suffit par conséquent de rappeler :

 que le prévenu à qui la négligence ou le défaut de surveillance est imputé doit être une
personne dépositaire de l'autorité publique, ou chargée d'une mission de service public, ou un
comptable public ou dépositaire public ;
 que les biens sur lesquels pesait le devoir de surveillance sont les actes ou titres, les fonds
publics ou privés, les effets, pièces ou titres en tenant lieu, et tout autre objet remis en raison
des fonctions exercées ou de la mission confiée.

Les explications proposées antérieurement pourront être transposées ici sans difficulté. Seuls les troisième
et quatrième éléments appellent des précisions.

Note de la rédaction  Mise à jour du 06/06/2017

65 . - Énumération

Larticle 432-16 du Code pénal, qui incrimine la négligence commise par un dépositaire de l'autorité
publique, un comptable public ou une personne chargée dune mission de service public, un comptable
public ou un dépositaire public et ayant permis un détournement de fonds publics ou privés, nexige pas,
pour que le délit soit caractérisé, la violation délibérée dune obligation particulière de prudence ou de
sécurité.
Justifie ainsi sa décision la cour dappel qui, pour déclarer un maire coupable de cette infraction, relève
quil a signé, en négligeant den contrôler le contenu, des ordres de paiement non causés et étayés par de
fausses factures, au profit du mari de la secrétaire qui les lui présentait (Cass. crim., 22 févr. 2017, n°
15-87.328, publié : JurisData n° 2017-002841 ; JCP G 2017, 272, obs. J.-M. Brigant).

1° Destruction, détournement et soustraction commis par un tiers

66.  Définitions  L'article 432-16 emploie trois termes (destruction, détournement et soustraction)
désignant tous les gestes par lesquels le tiers a profité de la négligence de l'intéressé.

La destruction englobe, on l'a vu précédemment (V. supra n° 40 ), tout acte par lequel le tiers anéantit le
bien sur lequel il a mis la main : emploi du feu, lacération, usage d'un liquide corrosif ou d'une machine
broyeuse.

Le détournement suppose que le tiers coupable avait reçu communication de la chose : celle-ci lui avait été
provisoirement confiée par la personne qui en avait la garde ou la surveillance. Il y aura détournement, par
exemple, de la part d'un avocat qui retirerait une pièce d'un dossier qui lui a été communiqué par le juge
d'instruction, ou de la part d'un fonctionnaire qui s'emparerait de certains documents contenus dans son
dossier personnel dont il a eu communication dans le cadre d'une poursuite disciplinaire ; détournement
encore de la part du lecteur qui, ayant emprunté un ouvrage dans une bibliothèque publique, en arracherait
des pages ou refuserait de le restituer.

À la destruction et au détournement, l'article 432-16 ajoute la soustraction. L'emploi de ce terme est ici
parfaitement adéquat. Tandis qu'une personne dépositaire de l'autorité publique, un comptable ou un
dépositaire public ne peuvent pas se rendre coupables de soustractions portant sur les biens qui leur sont
confiés, ainsi que cela a été expliqué précédemment (V. supra n° 39 ), il en va tout autrement pour un tiers :
celui-ci peut s'emparer de biens ou d'objets qui ne lui avaient pas été remis pour communication, mais qui se
sont trouvés à portée de sa main ; ainsi en irait-il du lecteur qui, dans une bibliothèque publique,
s'approprierait des ouvrages ou des revues placés sur des rayons.

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Encyclopédies
Les concepts de destruction, détournement ou soustraction visés par l'article 432-16 supposent une
disparition totale de l'objet en cause mais non une simple dégradation. Le texte est donc inapplicable dans
l'hypothèse de la dégradation d'un véhicule mis en fourrière, quand bien même certains de ses éléments,
tels des haut-parleurs et un rétroviseur, auraient disparu (CA Reims, 12 mai 2004, n° 03/00752 : JurisData
n° 2004-275511).

67.  Qualité de tiers  Les exemples qui précèdent permettent de cerner assez facilement la notion de
tiers. Il est possible de distinguer parmi eux deux catégories de personnes. Certains tiers n'ont d'accès aux
biens ou objets, qu'ils ont détruits ou détournés, qu'à certaines conditions précises et limitées : ainsi en va-t-il
des usagers d'une bibliothèque publique pour les ouvrages dont ils obtiendraient communication. D'autres
ont, par leurs fonctions, la possibilité de pénétrer librement dans les locaux où ces objets sont conservés :
c'est le cas de l'ouvrier venu effectuer une réparation, ou de la femme de service d'une Administration, qui
sont habilités à pénétrer dans des locaux interdits au public pour y accomplir les travaux ou le nettoyage
dont ils sont chargés.

Les faits délictueux accomplis par les premiers sont moins graves que ceux dont les seconds se rendent
coupables : car ceux-ci violent la confiance nécessaire que l'on a mise en eux. Cette constatation est
d'ailleurs de nature à permettre une appréciation plus rigoureuse des fautes de négligence ou de
surveillance commises par le dépositaire de l'autorité publique, le comptable ou le dépositaire public.

68.  Répression des agissements commis par les tiers  L'article 432-16 ne se préoccupe pas de la
répression des actes imputés aux tiers ; il ne concerne que les personnes officiellement chargées d'une
fonction publique. Les tiers, eux, relèvent d'un texte différent, l'article 433-4 qui les punit de lourdes peines
correctionnelles, soit sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende (V. JCl. Pénal Code, Art.
433-4), sans distinguer d'ailleurs, selon la gravité de l'élément moral qui animait ces tiers : les aspects de cet
élément moral, c'est-à-dire l'intention plus ou moins délibérée voire la préméditation qui a guidé les
délinquants, intéressent seulement le juge et l'appréciation qu'il portera sur la culpabilité.

Les faits du tiers étant intentionnels, la négligence du dépositaire n'est pas punissable si la disparition a
elle-même pour origine une faute non intentionnelle du tiers. En l'espèce si le véhicule litigieux a été restitué,
les circonstances de sa dégradation restent inconnues, d'où la relaxe du garagiste recevant des véhicules
mis en fourrière administrative ou placés sous scellés judiciaires (CA Reims, 12 mai 2004, cité supra n° 66 ).
Le raisonnement suivi par cet arrêt est quelque peu déconcertant. La dégradation du véhicule paraissant
résulter principalement de la disparition de deux haut-parleurs et d'un rétroviseur, il y avait selon toute
vraisemblance vol de ces éléments et donc faute intentionnelle d'un ou plusieurs tiers non identifiés. Mais
toute considération sur cette faute était en réalité superfétatoire dans la mesure où les juges excluaient
l'application de l'article 432-16 en cas de simple dégradation du véhicule ou de disparition de certains de ses
éléments.

2° Faute commise par le dépositaire

69.  Nature de la faute imputée au dépositaire  Pour caractériser l'élément moral de l'infraction qu'il
réprime, l'article 432-16 emploie le seul mot de négligence, qui est censé englober toute sorte de faute non
intentionnelle : la négligence proprement dite, l'inattention, le défaut de surveillance, l'imprudence dans la
garde et la surveillance des objets confiés, l'inobservation des règlements dont le respect méticuleux
empêcherait la destruction ou le détournement par des tiers. La nature spécifique de la faute de l'agent
rejaillit au niveau de l'élément matériel du délit qui peut être aussi bien d'omission que de commission.

À titre d'exemples, on peut citer :

 la négligence imputée à un instituteur, chargé en sa qualité de secrétaire de mairie de la garde


des registres de l'état civil, registres qu'il avait emportés de la mairie jusque dans son école et
qu'il avait abandonnés lorsque, à la suite d'une mésentente conjugale, il avait quitté les lieux :
la perte des registres, que l'on n'avait pas retrouvés, résultait de cette négligence à s'assurer
du sort des documents confiés ; le prévenu s'était vu appliquer les pénalités prévues, à
l'époque, par l'article 254 de l'ancien Code pénal(CA Nancy, 23 déc. 1965 : JCP G 1967, II,
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14949, note R. de Lestang ; Rev. sc. crim. 1967, p. 653, obs. A. Vitu) ;
 ou le cas d'un greffier dont la négligence avait permis, à un tiers, demeuré inconnu, de
soustraire dans le coffre du greffe des enveloppes scellées contenant d'importantes sommes
d'argent (Cass. crim., 26 nov. 1991, n° 91-81.795 : JurisData n° 1991-004023 ; Dr. pén. 1992,
comm. 117, obs. M. Véron) ;
 ou le cas d'un maire négligent, qui ne vérifie pas la destination des achats faits, sous la
signature de ce magistrat municipal, par la secrétaire de mairie pour son confort et dans son
intérêt personnel (Cass. crim., 9 nov. 1998, n° 97-84.696 : JurisData n° 1998-005059 ; Dr. pén.
1999, comm. 53, obs. M. Véron) ;
 ou le cas de la gérante d'une agence postale qui omet après chaque dépôt d'établir un reçu,
négligence ayant permis des détournements de fonds (Cass. crim., 22 févr. 2006,
n° 05-84.921 : JurisData n° 2006-032772 ; Dr. pén. 2006, comm. 88, obs. M. Véron).

70.  Précisions complémentaires  Trois points doivent être mentionnés :

 la négligence imputée au dépositaire ne se présume pas : elle ne saurait résulter de la simple


impossibilité de représenter la chose confiée (CA Paris, 18 déc. 1952 : Rec. dr. pén. 1953,
p. 90) ;
 cette négligence doit être pénalement sanctionnée, dès lors qu'il est établi que la destruction, la
soustraction ou le détournement est le fait d'un tiers. Mais il est sans importance que ce tiers
soit demeuré inconnu et n'ait pas pu être lui-même poursuivi et condamné : l'article 432-16
n'impose pas d'autre exigence que le fait de ce tiers ;
 l'importance de la négligence commise doit être appréciée en fonction des relations qui
existaient entre le tiers, auteur de la destruction ou de la soustraction, et le dépositaire des
objets détruits ou soustraits. Ainsi qu'il a été indiqué précédemment (V. supra n° 67 ), la
responsabilité de celui-ci est plus lourdement engagée s'il a trop facilement accordé sa
confiance à une personne dont les fonctions subalternes lui ont permis d'avoir aisément accès
à des locaux ou à des bâtiments où ne pénètre pas le public ordinaire et d'y commettre des
soustractions, détournements ou destructions.

B. - Répression du délit

71.  Pénalités et autres questions  Contre le dépositaire de l'autorité publique, la personne chargée
d'une mission de service public, le comptable public ou le dépositaire public à qui peut être imputée la
négligence visée par l'article 432-16, la loi prévoit un emprisonnement dont la durée peut atteindre un an et
une amende dont le maximum est de 15 000 . On notera incidemment que l'article L. 214-3, al. 3 du Code
du patrimoine prévoit des peines identiques contre le détenteur d'archives publiques qui par négligence les
détruit ou détourne.

À ces peines principales, l'article 432-17 ajoute des peines complémentaires facultatives, qui sont
exactement les mêmes que celles prévues pour le délit de l'article 432-15 (V. supra n° 44 ), à savoir :

 l'interdiction, pour cinq ans au plus, des droits civiques, civils et de famille ; l'inéligibilité peut
être portée à dix ans si, au moment des faits, l'agent était membre du Gouvernement ou
titulaire d'un mandat électif public ;
 l'interdiction, soit définitive, soit d'une durée maximale de cinq ans, d'exercer une fonction
publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de
l'exercice de laquelle l'infraction a été commise et/ou l'interdiction, soit définitive, soit d'une
durée maximale de quinze ans, d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de
diriger, gérer, administrer ou contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement,
pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle
ou une société commerciale ;
 enfin la confiscation des sommes ou des objets irrégulièrement reçus par l'auteur de
l'infraction, mais à l'exception des objets susceptibles de restitution (mais il est, en fait,
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Encyclopédies
impossible d'imaginer les cas concrets dans lesquels cette sanction pourrait s'appliquer.

Quant aux peines accessoires applicables au délit de l'article 432-15 (V. supra n° 44 ), elles jouent ici dans
les mêmes conditions ;

La tentative n'est pas punissable, en cette matière, puisqu'il s'agit d'un délit d'imprudence ou de négligence.

Enfin la responsabilité pénale des personnes morales, théoriquement envisageable depuis la


généralisation de son principe par la loi "Perben 2" du 9 mars 2004 à compter du 31 décembre 2005, la
sanction encourue étant alors une amende de 75 000 , ne paraît pas plausible. Comment une personne
morale pourrait-elle être complice d'une telle infraction de négligence ?

Bibliographie

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Droit pénal spécial, Cours magistal : Ellipses, 2e éd. 2012

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R. Garraud
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F. Hélie
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R. Merle et A. Vitu
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G. Roujou de Boubée , B. Bouloc , J. Francillon et Y. Mayaud


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Monographies particulières

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